SERVIR Bulletin 2005 - ASMEM

Ce dernier point mérite un bref commentaire.
Jusqu'à maintenant, les études consacrées à nos places fortes ont privilegié la
technique. Elles ont mis I'accent sur Ie travail de fortification pour lui-même. Hormis
les recueils de souvenirs des mobilisations et Ie remarquable ouvrage "De la
brigade à la division de montagne 10" paru en 1971, elles ont laissé dans I'ombre
les troupes.
Cela est particulièrement vrai de la Garnison de Saint-Maurice à telle enseigne
qu'on a pu la considérer simplement comme I'occupante des forts de Dailly et de
Savatan alors qu'il s'agissait en réalité d'un groupement combiné à forte composante
d'artillerie quant à ses moyens mais à dominante d'infanterie quant à ses
effectifs, comme la Garnison du Gottard était une véritable division de montagne.
C'est cette image d'une troupe confinée dans ses forts que nous avons cherché à
corriger en montrant notamment des ordres de bataille et en expliquant leur genèse,
libérés que nous étions des servitudes du maintien du secret.
Il est vrai que les ordres de bataille sont des squelettes sans chair. Pour leur
donner vie et substance, il aurait fallu décrire plus en détail les premiers pas de la
Garnison, sa croissance, les problèmes et les progrès de I'instruction, évoquer les
conflits de personnes et les frictions avec I'administration, faire revivre les périodes
de mobilisation, retracer les carrières des principaux cadres. Mais Ie temps et les
moyens disponibles nous ont imposé des limites.
Ce livre n'est pas un ouvrage d'histoire militaire à prétention scientifique. II
n'est pas non plus un mémorial plein de souvenirs et de nostalgie. Il se tient en
quelque sorte sur la ligne de partage des deux domaines.
Certes, nous aurions bien voulu qu'il s'insère dans une réflexion au seuil d'un
nouveau développement de la stratégie en matière de fortification. Mais nous en
sommes bien loin. La stratégie, et avec elle Armée XXI, a pris un tout autre chemin.
Nos camarades d'aujourd'hui considèrent peut-être qu'il est vain de faire revivre
un passé complètement révolu. Mais ce passé appartient à I'histoire et mérite
à ce titre de subsister dans la mémoire collective du pays et dans les mémoires
individuelles de tous ceux pour qui la notion de patrie a encore un sens.
En fortifiant cette mémoire, nous espérons contribuer à entretenir Ie foyer de
culture des vertus militaires dont Marcel Tardent souhaitait Ie maintien dans Ie
pays rhodanien.
Colonel EMG Pierre ROCHAT