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OBSCUR CLAIR<br />

Si auparavant, la muséographie était sombre et<br />

immersive, imitant des murs balafrés, il est aujourd’hui<br />

pratiquement impossible de croire que cette exposition<br />

se trouve dans les mêmes locaux que la précédente.<br />

L’espace est clair, les fenêtres ne sont plus obstruées<br />

et l’axe même de l’exposition a changé. La guerre est<br />

désormais vue par le prisme de Lyon. En intitulant le<br />

parcours “Une ville dans la guerre“, il ne s’agit bien<br />

sûr pas pour le comité scientifique d’occulter ce qui se<br />

passe ailleurs mais de rappeler la place qu’a tenue<br />

Lyon au cours de ces années noires. Principale métropole<br />

de la zone sud non-occupée, Lyon fut en effet une<br />

«capitale de la Résistance», ainsi que la désigna le<br />

général de Gaulle en 1944. C’est là que s’installèrent<br />

les principaux mouvements de résistance (Francs-Tireurs,<br />

Combat et Libération) et que Jean Moulin, parachuté<br />

dans les Alpilles en janvier 1942 (un morceau de sa<br />

toile de parachute rappelle cet épisode), les unifia à la<br />

demande du Général. Lyon fut aussi un point névralgique<br />

de l’impression et de la diffusion de journaux de<br />

propagande grâce à une étonnante concentration de<br />

compétences. La ville vit ainsi des hommes prendre<br />

des risques insensés pour tenter de faire basculer<br />

l’opinion publique, à l’image de la spectaculaire diffusion,<br />

le 31 décembre 1943, d’une fausse édition<br />

du journal vichyste Le Nouvelliste appelant à la<br />

Résistance. Outre ces faits connus (mais qu’il est toujours<br />

nécessaire de rappeler), l’exposition fait place<br />

à des recherches historiques récentes portant sur<br />

l’appareil de répression ou le sort des malades mentaux<br />

parqués au Vinatier. 2000 patients y mourront de<br />

faim pendant la guerre, 45 000 en France, dont la<br />

mère biologique de l’écrivain Charles Juliet, dans l’Ain,<br />

comme il le raconte précisément dans Lambeaux.<br />

ÉCOUTER ET VOIR<br />

Pour rendre vivant cette somme de connaissances, le<br />

musée évite l’écueil du didactisme et des interminables<br />

panneaux informatifs. Bien que chapitré et chronologique,<br />

le lieu se parcours au gré des envies, sans passage<br />

en file indienne. Et il est truffé de témoignages<br />

visuels et audio. Les clichés d’Émile Rougé sont<br />

des trésors car dégainer un appareil photo pour saisir<br />

l’arrivée des Allemands signifiait se mettre en péril<br />

tant il fallait être proche du sujet pour le saisir correctement.<br />

La période de la Shoah est très peu imagée<br />

mais est représentée par des reliques telles qu’un<br />

pyjama de prisonnier avec matricule ou un chapelet<br />

de boulettes de mie de pain qui, ayant miraculeusement<br />

traversé les décennies, dit le sacrifice et la douleur : se<br />

priver d’une infime portion de nourriture reçue pour<br />

trouver le seul salut possible, Dieu. Les photos des<br />

arrestations et des rafles, elles, sont quasi inexistantes.<br />

Ce sont donc des dessins et peintures (notamment de<br />

Jean Couty) qui rendent compte de cette réalité. Un<br />

drapeau du Reich trône aussi dans l’exposition. Et<br />

s’il interpelle évidemment aujourd’hui, «c’était un<br />

objet du quotidien» comme le rappelle Claude Bloch,<br />

rescapé d’Auschwitz. Enfin, juste avant les objets de la<br />

précédente exposition (la reconstitution d’un appartement<br />

d’époque et la presse de l’imprimerie clandestine<br />

de la rue Viala), défilent les noms, âges et adresses des<br />

80 000 déportés de la Shoah. Il faut vingt-quatre heures<br />

pour que la liste s’épuise… Un chiffre édifiant qui<br />

corrobore ce que Lucie Aubrac livra dans un témoignage<br />

écoutable au musée. Elle y évoque les Jeux<br />

Olympiques de Berlin en 1936 où elle s’est rendue à<br />

l’âge de 24 ans : «on a pris Hitler pour un pantin,<br />

un sous-Mussollini. On l’a sous-estimé. C’est pour ça<br />

qu’aujourd’hui dans ma vie quotidienne je suis si<br />

attentive aux marques de racisme». Et c’est pour que<br />

ces voix et cette évidence-là ne s’éteignent jamais<br />

qu’il est urgent de visiter ce nouveau CHRD.<br />

> “Une ville dans la guerre”<br />

Exposition permanente au Centre d’Histoire<br />

de la Résistance et de la Déportation<br />

Résister<br />

aujourd’hui<br />

— RÉTROSPECTIVE — Si la mission première<br />

du CHRD est de rendre vivace la mémoire de la<br />

Seconde Guerre mondiale, le lieu s’est attaché<br />

depuis vingt ans à nous ouvrir les yeux sur les<br />

résistances et les conflits plus récents dans des<br />

expositions temporaires très fortes. La preuve en trois<br />

souvenirs, avant qu’en octobre prochain ne soit présentée<br />

une exposition sur la mode pendant<br />

l’Occupation, ou comment s’habiller en temps de<br />

guerre.<br />

“CHILI, UNE MÉMOIRE EN ROUTE” (2002)<br />

Quand le CHRD se penche sur le Chili de Pinochet, il<br />

défriche un pays qui s’est jusqu’alors obstiné à tout<br />

oublier. Pinochet est encore vivant et c’est le travail<br />

photographique de Patrick Zachmann qui permet de<br />

révéler ce pays mortifère qui cache ses blessures. Un<br />

cimetière de croix en bois surgit comme un mirage, des<br />

graffitis de militaires, des déserts, des traces effacées<br />

et des lieux de désolation ont fait place aux lieux<br />

AILLEURS<br />

D’autres lieux de mémoire…<br />

La Prison Montluc<br />

Prison militaire en 1920, elle devient<br />

le plus grand centre de rétention de<br />

la Wehrmacht pendant la guerre<br />

puis de la Gestapo. Jean Moulin et<br />

les enfants d’Izieu y passeront une ou<br />

plusieurs nuits avant de partir pour<br />

Paris ou les camps. Klaus Barbie, qui<br />

avait “utilisé” ce lieu, y dormira une<br />

semaine avant son procès en 1987<br />

à la demande de Robert Badinter.<br />

1 rue Jeanne Huchette, Lyon 3 e<br />

(04 78 27 15 61)<br />

Mémorial de Caluire Jean Moulin<br />

Le 21 juin 1943, dans la maison<br />

du jeune docteur, et futur maire de<br />

Caluire, Frédéric Dugoujon, Jean<br />

Moulin et sept compagnons<br />

résistants (dont Raymond Aubrac)<br />

sont arrêtés lors d’une réunion avec<br />

les responsables de l’Armée secrète<br />

des mouvements. Il mourra dans le<br />

train qui l’emmène vers l’Allemagne.<br />

de tortures ou d’exécution, une ancienne prison est<br />

devenue un hôtel... Autant de signes expliquant comment<br />

l’Amérique du sud tente de faire son deuil.<br />

“PRISONNIERS DE GUERRE” (2008)<br />

Des matricules, des jouets fabriqués par un soldat<br />

pour son enfant, des portraits colorés peints (que l’on<br />

peut voir actuellement dans le parcours permanent),<br />

voici quelques unes des traces laissées par les<br />

1 600 000 soldats français réquisitionnés par le Reich<br />

en territoire allemand. Une manière pour le CHRD<br />

de renforcer, non sans acuité, sa légitimité sur cette<br />

thématique étendard.<br />

“VOYAGES PENDULAIRES, DES ROMS<br />

AU CŒUR DE L’EUROPE” (2010)<br />

Le photoreporter Bruno Amsellem suit la famille de<br />

Tarzan, dont la pétillante Izabela Covaci, trois ans, qui<br />

irradie cette exposition s’intéressant au sort des<br />

migrants Roms – lesquels ne sont pas nomades pour<br />

autant. Au moment même où cette population ballotée<br />

de part et d’autre incarnait le repoussoir<br />

par excellence d’une France toujours plus frileuse, le<br />

CHRD leur offrait une dignité.<br />

Place Jean Gouailhardou, Caluire<br />

(04 78 98 85 26)<br />

Rue Sainte-Catherine<br />

Le 9 février 2013, cela fera 70 ans<br />

que 86 juifs ont été arrêtés par les<br />

hommes de Klaus Barbie au siège<br />

de l’UGIF (Union Générale des<br />

Israélites de France), situé au 12 de<br />

cette rue aujourd’hui plus connue<br />

pour sa vie nocturne et ses pubs. Il<br />

n’y a pas de bâtiment à visiter mais<br />

une plaque commémorative.<br />

Lyon 1 er

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