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A - Comment expliquer l'abstention

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2 ème explication : l’intérêt pour la politique, qui peut s’appréhender de multiples façons : inscription sur leslistes électorales, participation aux scrutins électoraux, engagement associatif, connaissances relatives auxactivités politiques, etc. L’intérêt pour la politique dépend de la position sociale et du niveau de diplôme, dugenre et de l’âge et du contexte (proximité d’une échéance électorale, enjeux politiques de la période plus oumoins forts, etc.). Il se produit ainsi un phénomène que Daniel Gaxie a qualifié de « cens caché » (dans LeCens caché, 1975). Avant l’introduction du suffrage universel, il existait un suffrage censitaire (seuls ceux quipayaient le « cens », un impôt payé par les catégories aisées, pouvaient voter). Mais si les barrièreséconomiques à l'entrée du jeu politique ont aujourd’hui été levées, celles-ci subsistent encore sous une formeculturelle. La politisation, entendue comme « attention accordée au fonctionnement du champ politique », esten effet inégalement distribuée dans l'espace social, et la principale variable explicative en est le niveaud'études atteint par les citoyens. Certains électeurs ne choisissent pas vraiment au moment du vote des’abstenir ou de voter pour tel ou tel candidat, car ils n’ont pas les moyens de connaître et de maîtriser tousles enjeux du champ politique. L’abstention peut ainsi résulter d’un sentiment d’incompétence écartant lesplus démunis du droit de vote.5. Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, après une enquête dans les quartiers populaire de Saint-Denis,confirment cette analyse dans « La Démocratie de <strong>l'abstention</strong> » (2007). Plusieurs phénomènes jouent endéfaveur de la participation politique des milieux populaires. Un éloignement géographique : le lieu d’inscription ou le lieu de vote pour les mal-inscrits ne se situe pastoujours à proximité du lieu de résidence ce qui implique des déplacements coûteux en temps et en argent. Un éloignement social : les démarches administratives pour s’inscrire et pour voter peuvent apparaîtrecomplexes et humiliantes pour des gens peu instruits qui n’ont pas de compétences politiques. Un éloignement politique : l’alternance droite/gauche n’a pas donné l’impression aux gens modestes que leursconditions de vie avaient changés. Ils se détournent donc de plus en plus du politique. Un éloignement culturel : les personnes peu diplômées se sentent incompétentes pour comprendre les enjeuxpolitiques qui ne sont accessibles qu’aux initiés. Les hommes politiques, qui ont des discours trèstechnocratiques, leur semblent très éloignés de leurs préoccupations quotidiennes.La faible politisation d’une majorité de la population de ces quartiers tient donc à la diminution du lien social(chômage de masse, travail précaire, dissolution des familles), à la diminution du lien politique (crise dumilitantisme, quasi disparition des associations politiques encadrant les populations, moindre clivage entre ladroite et la gauche) et par une diminution du lien civique (le processus d’individualisation de la société etl’éloignement des hommes politiques, issus des milieux favorisés, des milieux populaires rend l’abstentionlégitime).6. 2 ème facteur : l’abstention est un choix stratégique pour certains. Les raisons de s’abstenir sont multiples et secombinent souvent entre elles. Elles relèvent de logiques à la fois collectives et individuelles. Ainsi, unenouvelle forme d'abstentionnisme apparaîtrait qui se superposerait à <strong>l'abstention</strong>nisme classique lié à lafragilité du statut socio-économique et au sentiment d'incompétence politique. Dans « S’abstenir : hors du jeuou dans le jeu politique ? » (2000), Anne Muxel et Jérôme Jaffré distinguent deux types d'abstentionniste : Les abstentionnistes « hors du jeu politique » : ils se caractérisent par leur retrait de la politique et unecertaine apathie. Ils représentent environ un tiers des abstentionnistes. Ils sont plus nombreux chez lesfemmes, au sein des populations urbaines, populaires, faiblement instruites, en difficulté d'insertion sociale. Ilsne se reconnaissent pas dans le jeu politique et se sentent incompétents. Ils peuvent à l’occasion être tentépar les votes extrêmes et s'inscrire ainsi dans une position de rejet du système politique. Les abstentionnistes « dans le jeu politique » : ils sont davantage insérés socialement, ce sont le plus souventdes jeunes, diplômés, qui s'abstiennent sans qu'il s'agisse d'une désaffection politique et qui se remettent àvoter lorsqu’ils se reconnaissent dans l'offre électorale proposée ou que le scrutin présente un enjeuparticulier. Ils représentent environ les deux-tiers des abstentionnistes et sont en augmentation depuis lesannées 1980. L’abstention est ici intermittente et plus stratégique : elle est fortement liée au contexte del’élection (type d’élection, candidats). Elle donne ainsi l’image d’un électeur rationnel qui s’abstient pourprotester, ou qui vote au regard des enjeux qu’il perçoit de l’élection. Ces abstentionnistes « dans le jeu » seclassent plutôt à gauche.D'après cette distinction, la hausse de l’abstentionnisme traduirait moins une dépolitisation massive, qu’uneforme de mobilisation en fonction de l’enjeu. C’est en ce sens que l’on peut parler avec Jean-Louis Missika(dans « Les faux-semblants de la dépolitisation », 1992) d’un phénomène de « politisation négative » : c'est-àdired'une politisation qui continue à être forte, mais qui s’accompagne d’une défiance à l'égard des politiques,d’un mélange d’abstentionnisme et de vote contestataire. Il permet ainsi d’<strong>expliquer</strong> pourquoi l’abstentionprogresse même parmi les catégories de population jusque-là pas vraiment concernées par le phénomène,telles les classes supérieures diplômées.

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