motif sur Lyautey de Confettis d'empire - T e r r e ~ G a s t e

son urbaniste, creusant ici un port, érigeant là une digue, après que lesaruspices avaient ouvert le ventre des animaux pour déterminer les pointscardinaux, présidant au tracé du sillon circulaire primordial selon unrituel voisin de cette cérémonie, le creusement du premier sillon qui inauguraitdans la Thrace antique le cycle des labours et des récoltes, durantlaquelle l’officiant se tenait courbé en avant sur sa charrue dans l’interditde se retourner sous peine de rompre le cycle de la fécondité, tel Orphéeentraînant Eurydice dans son sillage, ou bien l’écrivain lorsqu’il poussaitle sillon de l’écriture sans se retourner, sous peine de croiser le regard deMéduse, de voir les mots se pétrifier sur la page, car la main à plume égalaitsouvent la main à charrue, le sillon traçant une claire limite entre lededans et le dehors, dessinant l’enceinte de protection magique contrelaquelle venaient buter, impuissantes, les forces néfastes, à l’intérieur delaquelle se posait le damier régulier des rues et des édifices, le maréchalexpliquant tout cela au président parmi les ruines, la civilisation grandiosedont les noms s’alignaient les uns derrière les autres le long d’uneinfinie version latine qui avait obligé des générations de collégiens à balancerde rage leur Gaffiot à travers la chambre, une figure paternelle se penchantalors derrière leur épaule et proposant pédagogiquement :— Et si tu essayais de me rendre tout cela autrement qu’en petit nègre?puis, changement de décor, lors de la grande exposition sur la pelouse deVincennes, en visite avec le duc et la duchesse d’York, sur fond d’architecturekhmère sortie de la brume du temps et pointée vers le ciel, abritéssous des parasols déplacés de la cour de Huê, la duchesse au sourirefigé pour toujours, en robe et chapeau clair trouant la photographie, àcôté du vieux maréchal aux traits fatigués, toutes décorations arboréessur son uniforme clair, le duc au visage légèrement empâté, incliné, enhabit noir, pochette blanche et gants blancs, chapeau haut-de-forme, aumilieu d’une foule composite d’hommes également en habit ou en uniforme,parmi laquelle se remarquait en bordure du cortège un mandarin67