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Débats<br />
dans le militantisme des organisations. Comme ils<br />
manquent d’expérience et sont peu formés, ils ont<br />
plutôt tendance à rejoindre les organisations existantes<br />
qu’à créer les leurs. Or ils ont souvent du mal à<br />
faire passer leurs revendications dans des sociétés où<br />
il est mal vu pour un jeune de remettre en question<br />
les propos d’un adulte. Ils sont aussi généralement<br />
mis à l’écart des instances de prise de décision. Du<br />
fait de cette intégration difficile, ils ont tendance à se<br />
désintéresser des organisations paysannes (lire aussi<br />
p. 18-19). •<br />
© dessin de Stew Patrikian, paru dans Grain de sel no50, avril-juin 2010<br />
Au Maroc, l’émergence de jeunes leaders<br />
Au Maroc, le rapport des jeunes aux politiques<br />
publiques et aux enjeux de pouvoirs et aux aînés<br />
a connu de fortes mutations depuis l’indépendance du<br />
pays en 1956. Si le pays n’a pas connu de grands bouleversements<br />
politiques et militaires comme d’autres<br />
pays africains, il n’en demeure pas moins que l’élite<br />
rurale a été au centre des mobilisations collectives et<br />
des rapports de pouvoirs avec l’État.<br />
Les jeunes au cœur des mutations sociales et politiques.<br />
L’élite rurale a été pendant longtemps marquée par<br />
la figure du notable, ancrée localement grâce à des<br />
réseaux familiaux et lignagers ainsi qu’à des capacités<br />
héritées comme le cheptel, le foncier familial ou<br />
les moyens financiers afin d’exercer son leadership.<br />
Toutefois, de nouvelles structures d’opportunités<br />
sociales ont été créées depuis la fin des années 80 influençant<br />
l’action des pouvoirs publics qui, depuis, a<br />
pris en charge des concepts, véhiculés aussi au niveau<br />
international, comme « société civile », « participation<br />
des populations », et a vu l’émergence de nombreuses<br />
associations de développement local.<br />
Dans ce nouveau cadre d’exercice du pouvoir, la notabilité<br />
traditionnelle cherche à se repositionner et se<br />
confronte à de nouveaux leaders, qui font valoir des<br />
légitimités professionnelles et se mobilisent dans des<br />
associations de développement et des coopératives de<br />
producteurs. Ces nouveaux leaders sont jeunes, instruits<br />
lors d’un passage en ville, parfois à l’université, pas<br />
nécessairement issus de grandes familles ni héritiers<br />
d’un capital financier et foncier. Parallèlement, ils sont<br />
capables de gérer des associations d’irrigants, des coopératives<br />
de lait, des associations d’eau potable, etc.<br />
Ils possèdent pour cela des capacités managerielles,<br />
techniques et de gestion financière et administrative<br />
des associations. Parfois, ils sont capables de monter<br />
des projets mobilisant des fonds conséquent et qui<br />
dépassent l’action au niveau du village pour toucher<br />
d’autres territoires plus larges.<br />
Toutefois, même si ces mobilisations occupent une<br />
stratégie importante dans la quête du leadership, les<br />
jeunes leaders revendiquent leur identité d’agriculteur,<br />
plus que les autres leaders notables. « Je suis<br />
agriculteur, de père en fils », nous rappelle un jeune<br />
instituteur au Maroc. Cette revendication est aussi<br />
importante car la jeunesse rurale est de plus en plus<br />
caractérisée par son passage en ville pour des études<br />
ou sa pratique d’un travail non agricole en parallèle<br />
(instituteurs, ouvriers, etc.).<br />
Jeunes et champ politique. Si la mainmise des pouvoirs<br />
publics sur l’espace rural a été favorisée par un système<br />
politico-institutionnel qui ne donnait d’espace<br />
qu’à la notabilité, les dynamiques actuelles laissent<br />
la place à un nouveau leadership qui se base sur des<br />
ressources et des compétences nouvelles. Si le pouvoir<br />
traditionnel est encore fort, les nouvelles opportunités<br />
créent de la compétition entre différentes ressources<br />
permettant l’émergence et le positionnement d’un<br />
nouveau leadership jeune.<br />
Leur légitimité acquise dans le mouvement association,<br />
certains jeunes investissent dorénavant le champ<br />
politique en se présentant aux élections communales.<br />
Toutefois, leurs résultats ne sont pas toujours les mêmes.<br />
Les communes et les ONG sont encore deux arènes<br />
où les leaders mobilisent des ressources différentes.<br />
Si certains jeunes ont pu accéder à la présidence de<br />
communes rurales, c’est parce qu’ils mobilisent aussi<br />
les ressources qui caractérisent les notables : des liens<br />
forts avec les autorités publiques, des moyens financiers<br />
d’héritage ou d’autres activités non agricoles,<br />
etc. De ce fait, il existe bien un « plafond » pour les<br />
jeunes leaders : pour eux, le monde politique local<br />
reste encore difficile à atteindre. Et ce sera le cas tant<br />
qu’ils n’y mobilisent que leurs ressources techniques<br />
et managerielles.<br />
Grain de sel<br />
nº 71 — juillet – décembre 2015<br />
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