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L'AMOUR EST IMPOSSIBLE.<br />
RIEN N'EST GRAVE.<br />
Sans rire, cela paraît idiot, mais cette recette m'a peut-être sauvé la vie quand je touchais le fond. Essayez-la dès<br />
votre prochaine dépression nerveuse. Je vous la recommande.<br />
Voici également une liste de chansons tristes à écouter pour remonter la pente: April come she will de Simon &<br />
Garfunkel (20 fois), Trouble de Cat Stevens (10 fois), Something in the way she moves de James Taylor (10 fois),<br />
Et si tu n'existais pas de Joe Dassin (5 fois), Sixty years on suivi de Border Song d'Elton John (40 fois), Everybody<br />
hurts de REM (5 fois), Quelques mots d'amour de Michel Berger (40 fois mais ne vous en vantez pas trop),<br />
Memory Motel des Rolling Stones (8 fois et demie), Living without you de Randy Newman (100 fois), Caroline No<br />
des Beach Boys (600 fois), la Sonate à Kreutzer de Ludwig van Beethoven (6 000 fois). Bon concept de compil,<br />
ça: j'ai déjà le slogan.<br />
“La Compil Cafard,<br />
la Compil qui broie du noir.”<br />
VIII<br />
Pour ceux qui ont manqué le début<br />
À trente ans, je suis toujours incapable de regarder une jolie fille dans les yeux sans rougir. Il est consternant d'être<br />
aussi émotif. Trop blasé pour tomber vraiment amoureux, et cependant trop sensible pour rester indifférent. Bref,<br />
trop faible pour rester marié. Mais quelle mouche m'a piqué? Évidemment, la tentation serait grande de vous<br />
renvoyer aux deux tomes précédents, mais après tout, ce ne serait pas très fair-play, étant donné que ces chefsd'œuvre<br />
romantiques ont été pilonnés peu après leur succès d'estime.<br />
Alors résumons les épisodes précédents: j'étais un viveur impénitent, pur produit de notre société de luxe inutile.<br />
Né le 21 septembre 1965, vingt ans après Auschwitz, le premier jour de l'automne. Je suis venu au monde le jour<br />
où les feuilles commencent à tomber des arbres, le jour où les jours raccourcissent.<br />
D'où, peut-être, un tempérament désenchanté. Je gagnais ma vie en alignant des mots, dans des journaux ou des<br />
agences de publicité - ces dernières ayant l'avantage de payer plus cher un nombre inférieur de mots. Je me suis fait<br />
connaître en organisant des fêtes à Paris à un moment où il n'y avait plus de fêtes à Paris. Cela n'a rien à voir avec<br />
les mots, et pourtant c'est ainsi que je me suis fait un nom, probablement parce qu'à notre époque les aligneurs de<br />
mots sont jugés moins importants que les gens qui ont leur photo dans les pages nocturnes de quelques magazines.<br />
J'ai surpris ceux qui s'intéressaient à ma biographie lorsque je me suis marié par amour. Un jour, dans un regard<br />
bleu, j'avais cru entrevoir l'éternité. Moi qui passais ma vie à courir d'une soirée à l'autre et d'un métier à l'autre<br />
pour ne pas avoir le temps de déprimer, je me suis imaginé heureux.<br />
Aline, ma femme, était irréelle, d'une beauté lumineuse, presque impossible. Beaucoup trop jolie pour être heureuse<br />
- mais cela, je ne l'ai su que trop tard. Je la regardais pendant des heures. Parfois elle s'en rendait compte et me le<br />
reprochait: “Arrête de m'observer, s'écriait-elle, tu me gênes.” Mais la regarder vivre était devenu mon spectacle<br />
préféré. Les garçons comme moi, qui se sont trouvés moches dans leur enfance, sont en général tellement étonnés<br />
d'arriver à séduire une jolie fille qu'ils les demandent en mariage un peu vite.<br />
La suite n'est pas d'une folle originalité; disons, pour ne pas entrer dans les détails, que nous nous sommes installés<br />
dans un appartement trop petit pour un si grand amour. Du coup, nous sortions trop souvent de chez nous, et fûmes<br />
entraînés dans un tourbillon assez corrompu. Les gens disaient de nous:<br />
— Ils sortent beaucoup, ces deux-là.<br />
— Oui, les pauvres... Comme ils doivent aller mal!<br />
Et les gens n'avaient pas complètement tort, même s'ils étaient bien contents d'avoir, pour une fois, une jolie fille<br />
dans leurs soirées glauques.<br />
La vie est ainsi faite que, dès que vous êtes un tantinet heureux, elle se charge de vous rappeler à l'ordre.<br />
Nous fûmes infidèles, à tour de rôle.<br />
Nous nous sommes quittés comme nous nous étions mariés; sans savoir pourquoi.<br />
Le mariage est une gigantesque machination, une escroquerie infernale, un mensonge organisé, dans lequel nous<br />
avons péri comme deux enfants. Pourquoi? Comment? C'est très simple. Un jeune homme demande sa main à la<br />
femme qu'il aime. Il crève de trouille, c'est mignon, il rougit, il transpire, il bégaye et elle, elle a les yeux qui<br />
brillent, elle rit nerveusement, lui fait répéter sa question. Dès qu'elle a dit oui, soudain une interminable liste<br />
d'obligations vont leur tomber dessus, dîners et déjeuners de famille, plans de table, essayages de la robe,<br />
engueulades, interdit de roter ou péter devant les beaux-parents, tenez-vous droit, souriez, souriez, c'est un<br />
cauchemar sans fin et ce n'est que le tout début: ensuite, vous allez voir, tout est organisé pour qu'ils se détestent.