le stéphanais
KICB309hant
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ÉGALITÉ FEMME-HOMME<br />
Les espionnes sont-el<strong>le</strong>s<br />
des agentes secrètes ?<br />
La féminisation de la langue n’est pas qu’une simp<strong>le</strong> histoire de vocabulaire. Car <strong>le</strong>s mots nous<br />
« pensent », ils nous assignent une place dans la société bien plus qu’il n’y paraît.<br />
Le masculin l’emporte sur <strong>le</strong> féminin.<br />
Au moment d’accorder <strong>le</strong>s pronoms<br />
en genre, aucun élève francophone<br />
n’aura échappé à cette « règ<strong>le</strong> »<br />
grammatica<strong>le</strong>. Une fou<strong>le</strong> pourrait ainsi<br />
compter 99 % de femmes et 1 % d’hommes,<br />
la grammaire nous enjoint de dire et d’écrire<br />
« ils ». Pourquoi ? Eh bien, « parce qu’un<br />
groupe de mecs de 90 ans l’a décidé », ironise<br />
Rebecca Amsel<strong>le</strong>m, présidente de la<br />
news<strong>le</strong>tter féministe Les Glorieuses.<br />
Ces « mecs » sont ceux de l’Académie française,<br />
<strong>le</strong>squels, cintrés dans <strong>le</strong>urs beaux<br />
habits verts, ont décidé en 1984, puis réaffirmé<br />
en 2002, que « seul <strong>le</strong> genre masculin,<br />
qui est <strong>le</strong> genre non marqué (il a en effet<br />
la capacité de représenter <strong>le</strong>s éléments<br />
re<strong>le</strong>vant de l’un et de l’autre genre), peut<br />
traduire la nature indifférenciée des titres,<br />
grades, dignités et fonctions ». D’un coup<br />
d’épée, <strong>le</strong>s Immortels clouèrent <strong>le</strong>s agente,<br />
cheffe, maîtresse de conférences, écrivaine<br />
et autre autrice au pilori <strong>le</strong>xical. « L’oreil<strong>le</strong><br />
autant que l’intelligence grammatica<strong>le</strong><br />
devraient prévenir contre de tel<strong>le</strong>s aberrations<br />
<strong>le</strong>xica<strong>le</strong>s », assénèrent-ils d’une mâ<strong>le</strong><br />
voix à peine chevrotante.<br />
« Le masculin générique<br />
est une agression »<br />
Pourquoi ces escarmouches sous la Coupo<strong>le</strong><br />
? Parce qu’en 1984, puis en 1998, <strong>le</strong><br />
gouvernement a « invité <strong>le</strong>s administrations<br />
à recourir aux appellations féminines<br />
pour <strong>le</strong>s noms de métiers, titres, grades et<br />
fonctions chaque fois que <strong>le</strong> féminin était<br />
d’usage courant ». Et c’est ainsi que <strong>le</strong>s<br />
femmes préfets devinrent des « préfètes ».<br />
Car « employer un masculin générique pour<br />
nommer une femme particulière est une<br />
agression », concluait à l’époque un guide*<br />
adressé aux administrations.<br />
« C’est extrêmement important de féminiser<br />
<strong>le</strong>s fonctions et métiers, cela contribue à la<br />
visibilité des femmes dans l’espace public,<br />
acquiesce la présidente des Glorieuses. Le<br />
fait de ne pas prendre en compte <strong>le</strong> féminin<br />
dans <strong>le</strong>s textes rend <strong>le</strong>s femmes invisib<strong>le</strong>s,<br />
surtout dans un pays comme la France où<br />
l’écrit est culturel<strong>le</strong>ment très important. »<br />
Il apparaît toutefois que la question ne<br />
se réduit pas au seul clivage entre « mecs<br />
de 90 ans » et féministes éclairé-e-s. Le<br />
Stéphanais donne régulièrement la paro<strong>le</strong><br />
à des universitaires, juristes et autres responsab<strong>le</strong>s,<br />
autant de termes « épicènes »<br />
(dont la forme ne varie pas en genre) qui,<br />
d’une femme à l’autre, se traduisent pour<br />
<strong>le</strong>s unes en « maîtresse de conférences » et<br />
pour <strong>le</strong>s autres en « maître de conférences »,<br />
en « procureure » ou en « procureur » ou<br />
encore en « directrice généra<strong>le</strong> » ou en<br />
« directeur général ». Et dans un cas comme<br />
dans l’autre, <strong>le</strong>urs dépositaires se disent<br />
« féministes »…<br />
* « Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers,<br />
titres, grades et fonctions », centre national de la<br />
recherche scientifique, institut national de la langue<br />
française, 1999.<br />
JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES <br />
Programme sur saintetiennedurouvray.fr<br />
À l’occasion de la<br />
journée internationa<strong>le</strong><br />
des femmes,<br />
des expositions,<br />
rencontres, <strong>le</strong>ctures,<br />
échanges et<br />
projections de films<br />
sont programmés<br />
partout dans la vil<strong>le</strong><br />
durant la semaine<br />
du 8 mars.<br />
<strong>le</strong> <strong>stéphanais</strong> 23 février – 16 mars 2017<br />
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