You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Directeur de la publication : Edwy Plenel<br />
2<br />
www.mediapart.fr<br />
les nouveaux maîtres de la Côte d’Ivoire, dont le<br />
président Ouattara et l’ancien rebelle devenu président<br />
de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro.<br />
De fait, quelques semaines plus tard, début<br />
novembre, éclate ce que l’on a appelé à Abidjan<br />
le « Sorogate » : la publication de deux bandesson<br />
(la première sur Facebook, la seconde sur<br />
<strong>Mediapart</strong>) présentées comme des enregistrements<br />
de conversations téléphoniques entre Soro et Bassolé.<br />
Dans la première, on y entend l’homme présenté<br />
comme étant l'Ivoirien Soro élaborer un plan<br />
machiavélique pour soutenir les putschistes, et son<br />
interlocuteur acquiescer. La seconde fait suite à la<br />
première : Bassolé, ou celui présenté comme tel,<br />
précise « avoir envoyé » à son interlocuteur deux<br />
numéros de téléphone de proches à qui Soro s’était<br />
proposé de remettre des fonds. Ces deux conversations<br />
dateraient du 27 septembre, soit deux jours avant la<br />
reddition des derniers putschistes.<br />
Les entourages des deux hommes ont d’abord<br />
contesté la véracité de ces bandes. Sollicité par<br />
le juge, un expert allemand, Hermann Künzel,<br />
a selon l’ordonnance « authentifié » ces écoutes<br />
téléphoniques, lesquelles ont été « versées dans la<br />
procédure ». Pour le juge, aucun doute : Bassolé et<br />
Soro ont planifié « une opération d’intervention de<br />
forces hostiles au Burkina […] pour permettre aux<br />
bandes armées du <strong>RSP</strong> de reprendre des forces et le<br />
contrôle de la situation ».<br />
Selon un résumé de ses auditions, Bassolé, inculpé<br />
pour trahison, « reconnaît avoir reçu un contact<br />
téléphonique avec Guillaume Soro qui lui avait<br />
demandé de soutenir les putschistes, chose qu’il n’a<br />
jamais faite ». L’un de ses avocats, M e Alexandre<br />
Varaut, ne cesse de répéter depuis deux ans qu’« il n’a<br />
jamais été question de financer le putsch ou d’établir<br />
la tactique » entre les deux hommes. Mais dans le<br />
camp Bassolé, on ne parle plus aujourd’hui d’un<br />
« montage grossier » comme aux premières heures du<br />
« Sorogate ». On préfère évoquer « un malentendu » et<br />
« un montage de plusieurs morceaux », et préciser que<br />
dans l’enregistrement, c’est Soro qui élabore le plan,<br />
et non Bassolé…<br />
De son côté, Diendéré a affirmé au juge que<br />
Soro l’avait lui aussi appelé, et qu’il l’avait<br />
soutenu moralement, mais sans l'aider financièrement.<br />
Contacté par <strong>Mediapart</strong>, Guillaume Soro n’a pas<br />
donné suite.<br />
La révélation de ces écoutes avait jeté un froid entre le<br />
Burkina et la Côte d’Ivoire. En janvier 2016, la justice<br />
burkinabè avait émis un mandat d’arrêt international<br />
à l’encontre de Soro, ce qui avait provoqué la colère<br />
d’Abidjan. Tout était rentré dans l’ordre quelques<br />
semaines plus tard, lorsque la Cour de cassation de<br />
Ouagadougou avait opportunément annulé le mandat<br />
pour vice de forme. Depuis, la justice militaire<br />
a renoncé à poursuivre Soro. En guise de retour<br />
d’ascenseur, le pouvoir ivoirien a remis aux autorités<br />
burkinabè plusieurs putschistes qui s’étaient réfugiés<br />
en Côte d’Ivoire après la reddition de Diendéré,<br />
parmi lesquels l’adjudant-chef Moussa Niébé (dit<br />
« Rambo ») et le sergent-chef Roger Koussoubé, deux<br />
des « durs » du <strong>RSP</strong> qui étaient au cœur de la tentative<br />
de coup d’État.<br />
Mais l’histoire est loin d’être finie. Le procès, si procès<br />
il y a, pourrait ranimer la querelle. Il y sera bien sûr<br />
question des écoutes et donc du rôle de Soro. Mais pas<br />
seulement… En aparté, le président de l’Assemblée<br />
nationale, dont les relations avec Ouattara se sont<br />
sensiblement détériorées ces derniers temps, assure<br />
qu’il fut bien moins impliqué dans cette affaire que<br />
d’autres hauts dirigeants ivoiriens très proches du<br />
président. Son entourage cite des noms. L’instruction<br />
en cible un tout particulièrement : le général Vagondo<br />
Diomandé, qui officie en tant que chef d’état-major<br />
particulier d’Alassane Ouattara depuis bientôt quatre<br />
ans.<br />
Son nom apparaît à la page 123 de l’ordonnance du<br />
juge, dans un long passage résumant les déclarations<br />
du général Diendéré. Celui-ci « reconnaît avoir<br />
ordonné [une] mission de récupération [de] matériel et<br />
[de] fonds à la frontière ivoirienne », et affirme avoir<br />
contacté pour cela « le Chef d’État-major Particulier<br />
de la Présidence de la Côte d’Ivoire ».<br />
2/4