ANTOINE. — « Oui, je veux bien, un peu de café, je veux bien. »CATHERINE. — Antoine !ANTOINE. — Quoi ?LOUIS. — Tu te payais ma tête, tu essayais.ANTOINE. — Tous les mêmes, vous êtes tous les mêmes !Suzanne !CATHERINE. — Antoine ! Où est-ce que tu vas ?LA MÈRE. — Ils reviendront.Ils reviennent toujours.Je suis contente, je ne l’ai pas dit, je suis contente que nous soyons tous là, tous réunis.Où est-ce que tu vas ?Louis !Catherine reste seule.
Scène 10LOUIS. — Au début, ce que l’on croit– j’ai cru cela –ce qu’on croit toujours, je l’imagine,c’est rassurant, c’est pour avoir moins peur,on se répète à soi-même cette solution comme aux enfants qu’on endort,ce qu’on croit un instant,on l’espère,c’est que le reste du monde disparaîtra avec soi,que le reste du monde pourrait disparaître avec soi, s’éteindre, s’engloutir et ne plus me survivre.Tous partir avec moi et m’accompagner et ne plus jamais revenir.Que je les emporte et que je ne sois pas seul.Ensuite, mais c’est plus tard– l’ironie est revenue, elle me rassure et me conduit à nouveau –ensuite on songe, je songeai,on songe à voir les autres, le reste du monde, après la mort.On les jugera.On les imagine à la parade, on les regarde,ils sont à nous maintenant, on les observe et on ne les aime pas beaucoup,les aimer trop rendrait triste et amer et ce ne doit pas être la règle.On les devine par avance,on s’amuse, je m’amusais,on les organise et on fait et refait l’ordre de leurs vies.On se voit aussi, allongé, les regardant des nuages, je ne sais pas, comme dans les livres d’enfants,c’est une idée que j’ai.Que feront-ils de moi lorsque je ne serai plus là ?On voudrait commander, régir, profiter médiocrement de leur désarroi et les mener encore un peu.On voudrait les entendre, je ne les entends pas,leur faire dire des bêtises définitiveset savoir enfin ce qu’ils pensent.On pleure.On est bien.Je suis bien.Parfois, c’est comme un sursaut,parfois, je m’agrippe encore, je deviens haineux,haineux et enragé,je fais les comptes, je me souviens.Je mords, il m’arrive de mordre.Ce que j’avais pardonné je le reprends,un noyé qui tuerait ses sauveteurs, je leur plonge la tête dans la rivière,je vous détruis sans regret avec férocité.Je dis du mal.Je suis dans mon lit, c’est la nuit, et parce que j’ai peur, je ne saurais m’endormir,je vomis la haine.Elle m’apaise et m’épuiseet cet épuisement me laissera disparaître enfin.Demain, je suis calme à nouveau, lent et pâle.Je vous tue les uns après les autres, vous ne le savez pas et je suis l’unique survivant,je mourrai le dernier.Je suis un meurtrier et les meurtriers ne meurent pas, il faudra m’abattre.Je pense du mal.Je n’aime personne,je ne vous ai jamais aimés, c’était des mensonges,je n’aime personne et je suis solitaire,
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