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C o m m e n t m o d e r n i s e r l a g e s t i o n
d e s r e s s o u r c e s h u m a i n e s à l ’ h ô p i t a l ?
Officiel Santé : Dans quel état
d’esprit et avec quels outils
avez-vous mené cette enquête?
Michel Yahiel : il s’agit d’un
chantier protéiforme qui comportait
selon moi deux écueils à
éviter: s’en tenir à une approche
tellement globale qu’elle n’a pas
de prise sur la réalité ou se
contenter d’établir un mémo
des « bonnes pratiques ». Cette
mission nous a été confiée à
titre personnel, donc nous
avons pu nous émanciper des
règles classiques du rapport
administratif, et nous avons
choisi de nourrir notre enquête
sur trois sources: un travail avec
un groupe d’experts, un questionnaire
large auprès des personnels
intéressés, et une série
de rencontres et d’auditions
avec leurs représentants.
Danielle Toupillier : le caractère
innovant de ce travail réside
dans l’enquête à la fois large et
scientifique mené auprès de
tous les personnels concernés.
Nous avons établi un panel de
10000 personnes sur 310 établissements
reflétant exactement
la pondération des
100 000 fonctionnaires des
hôpitaux publics, soit 11 %
appartenant strictement à la
communauté médicale et 89 %
de personnels non-médicaux.
6 000 personnes ont répondu
au questionnaire en ligne, et
après redressement 4 800
genèse et leçons d’une enquête inédite
Un entretien avec Danielle Toupillier et Michel Yahiel
Officiel santé présente en exclusivité une synthèse du rapport
sur la modernisation des ressources humaines dans
les établissements de santé. Avec ce point fort que constitue le point
de vue d’un échantillon représentatif de praticiens qui ont répondu
à un questionnaire en ligne.
Danielle Toupillier, directrice générale du CNG (Centre national de gestion
des praticiens hospitaliers et personnels de direction de la Fonction publique
hospitalière), et Michel Yahiel, Inspecteur général des affaires sociales
et président de l’association nationale des directeurs des ressources humaines
(ANDRH) sont les deux cosignataires de ce rapport.
réponses ont été exploités. Ce
taux de réponses a été très
élevé, ce qui témoigne d’un
intérêt pour cette démarche. A
noter que 59 % des praticiens
sollicités ont répondu, ce qui a
donné lieu à une enquête complémentaire.
Officiel Santé: Quelles sont les
principales idées que vous avez
cherché à explorer et les leçons
que vous tirez de cette
enquête?
Michel Yahiel: la première partie
touche à la question du sens.
Les hôpitaux sont des écosystèmes
particuliers en situation
de crise : certes, la situation de
l’hôpital public aujourd’hui
n’est pas celle de la sidérurgie
au début des années 80, mais
elle se rapproche de celle des
grandes organisations en mutation,
comme la Poste. Il faut
donc donner un cap : or celuici
est variable au rythme des
réformes qui s’empilent, des
déficits qui se creusent, des progrès
techniques et des nouvelles
revendications des
patients. De ce point de vue,
notre travail pourrait s’intituler
« éloge du bon sens » :
certes, ce n’est pas original
mais on y revient trop rarement.
J’ajouterais que nous
avons aussi voulu faire preuve
d’humilité pour aborder ces
questions fort complexes.
La deuxième partie invite à faire
le pari de l’autonomie. L’hôpital
est une institution historiquement
centralisée, presque
militaire. Avec une tutelle plus
éclairée et moins tatillonne, un
dialogue social renforcé à
l’échelle locale et un engagement
plus marqué dans une
politique de coopération et de
contractualisation, on doit pouvoir
arriver à conserver à la fois
un cadre national en promouvant
plus d’autonomie au
niveau local – autrement dit un
système ouvert et déconcentré.
Danielle Toupillier : l’une des
idées fortes est bien la nécessité
de clarifier les rôles dans la
cadre de la nouvelle gouvernance
qui se met en place à
l’hôpital.
Michel Yahiel: ce thème de la
gouvernance concerne aussi
l’Etat lui-même qui doit parler
d’une seule voix : or, on voit
bien que ce n’est pas le cas
puisque les ARS doivent encore
rapporter à une pluralité d’autorités.
Officiel Santé : Et sur le volet
spécifique de la gestion des ressources
humaines à l’hôpital:
que préconisez-vous?
Michel Yahiel: les métiers des
RH à l’hôpital doivent se professionnaliser,
apprendre à
mutualiser leurs moyens et à
mesurer plus finement et ponc-
Danielle Toupiller
Michel Yahiel
tuellement le climat social dans
les établissements. Et puis,
d’une façon ou d’une autre,
nous allons vers une politique
d’intéressement du personnel
hospitalier, qu’il appartient aux
RH de gérer de la façon la plus
« intelligente ».
Danielle Toupillier: les agents
des RH et les autres personnels
que nous avons interrogés attendent
autre chose que des
réponses technico-administratives
s’agissant de la gestion des
carrières. N’oublions pas que la
rémunération du personnel
représente 70 % du budget hospitalier.
Il est donc indispensable
de développer une véritable
dimension d’expertise
dans la gestion des carrières,
tant à l’échelle collective
qu’individuelle.■
Officiel Santé • décembre/janvier 2011 • 15