|Objets| L a presse fashion – séduite par la série phénomène Succession et son dressing Zegna, Loro Piana ou encore Brunello Cucinelli – a récemment inventé une nouvelle tendance : le « luxe discret », dont la tonalité, les cuirs nappa et les peaux retournées s’imposent en antithèse d’une mode tapageuse version génération Z. Cette tendance a trouvé son apogée dans l’article de presse « Comment adopter le look du luxe discret », mais au prix de la fast fashion. Faisant fi de la confection artisanale, celui-ci prônait un snobisme inversé et soulignait le ridicule d’écrire sur les « tendances ». Mais qu’est-ce que le luxe discret, sinon la manière dont s’habillent les Italiens depuis des décennies ? Un mode de vie à la séduction évidente, sérieux mais sensuel. Au-delà du choix des matières en fonction des saisons, aucun homme raisonnable ne joue les girouettes. Il achète un vêtement de qualité qu’il portera des années durant. « À mes yeux, le luxe a toujours été une question de discrétion, observe Norbert Stumpfl, directeur créatif de Brioni. Ce peut être un luxe personnel et intime, qui ne se remarque pas au premier regard, mais se ressent dans la matière. Un vêtement à la beauté toujours intacte cinq ans plus tard. Le luxe mise sur les techniques traditionnelles, sans négliger les innovations qui ont du sens pour la planète. » En Italie, la mode masculine repose tout autant sur les filatures et le traitement des textiles que sur la qualité de la coupe. De nombreuses maisons ont leurs propres ateliers (Brunello Cucinelli est propriétaire d’une ville entière, Solomeo, où se trouvent ses unités de production). D’autres cultivent des collaborations privilégiées pour s’assurer une certaine exclusivité. On est bien loin d’une commande passée sur la base d’échantillons ! Brioni s’est spécialisé dans le « double séparable » – une technique à cinq fils où deux épaisseurs sont tissées ensemble jusqu’au moment où le tailleur les coupe au scalpel. Le résultat est à nul autre pareil, avec un fini lisse et minimaliste à chaque couture. « Nous utilisons également de l’alpaga texturé et beaucoup de cachemire, ajoute Norbert Stumpfl. Car l’émotion passe aussi par le toucher. » La sobriété est la clé du sotto voce de la mode masculine italienne. « Notre marque se distingue par des codes rigides, minimalistes, déclare Antonio De Matteis, CEO de Kiton et nouveau président de l’influent salon Pitti Immagine. Nous exigeons une qualité irréprochable et avons racheté, en 2008, la filature Carlo Barbera pour donner un coup d’accélérateur à l’expérimentation et à l’innovation. Parmi nos fils de prédilection, la vigogne est la plus précieuse, la plus prisée au monde. » Kiton, tout comme Loro Piana (dont les ventes annuelles ont progressé de 17 %) a le vent en poupe avec une croissance record de 25 % l’an dernier. Des chiffres qui illustrent la séduction du luxe discret selon les continents. L’Europe enregistre la croissance la plus spectaculaire. L’Asie, grande consommatrice de logos, se limite à une progression à un seul chiffre. Lors d’une récente interview accordée à The Business of the Fashion, Basile Khadiry, rédacteur en chef de L’Étiquette, révélait que les commandes de vêtements à logo par les détaillants avaient baissé de 43 % aux États- Unis, mais augmenté de 8 % en Asie. En Europe comme aux USA, les logos prêtent dorénavant à la moquerie. « C’est juste du toc. Une idée naïve du glamour », a Brioni pardessus Martingale en laine et cachemire « double séparable » Avio et surchemise Vagabond ; pantalon en laine et cachemire. 32 CENTURION
Kiton surchemise à carreaux en cachemire, laine vierge et soie avec boutons pression et poches poitrine ; chemise en coton ; cravate en soie ; pantalon en cachemire avec poches passepoilées. CENTURION 33
