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Actes des JERF sur la vie associative (application/pdf - 820.04ko)

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Journées d’étude <strong>des</strong> responsables<br />

fédéraux <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong><br />

1 er au 3 février 2012<br />

Les actes<br />

plénières & ateliers


<strong>Actes</strong> <strong>des</strong> journées d’étude<br />

<strong>des</strong> responsables fédéraux (<strong>JERF</strong>)<br />

consacrées à <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong><br />

Les <strong>JERF</strong> se sont tenues<br />

les 4 et 5 février 2012 à Paris.<br />

Organisées chaque année, les <strong>JERF</strong><br />

proposent un temps de réflexion et de<br />

mobilisation du réseau de <strong>la</strong> Ligue de<br />

l’enseignement autour d’une question<br />

structurante, en vue de l’é<strong>la</strong>boration<br />

d’une orientation stratégique.<br />

Ces actes présentent les<br />

communications d’intervenants<br />

extérieurs et <strong>la</strong> synthèse <strong>des</strong> ateliers<br />

organisés durant les <strong>JERF</strong>.<br />

Les actes : février 2012<br />

3


SOMMAIRE<br />

Introduction 3<br />

par Nadia Bel<strong>la</strong>oui<br />

Plénière 1 9<br />

Panorama du paysage associatif français et <strong>des</strong> gran<strong>des</strong><br />

tendances en matière de bénévo<strong>la</strong>t, de financement<br />

et d’emploi associatif<br />

Plénière 2 23<br />

Concurrence, performance et commande publique :<br />

les associations face aux mutations institutionnelles.<br />

L’initiative <strong>associative</strong> est-elle condamnée ?<br />

Plénière 3 39<br />

L’engagement contemporain : les raisons d’agir et le sens<br />

<strong>des</strong> mutations<br />

Plénière 4 47<br />

Professionnalisation, quête de performance :<br />

le modèle de l’entreprise s’impose-t-il aux bénévoles,<br />

aux sa<strong>la</strong>riés et aux volontaires <strong>des</strong> associations ? »<br />

Plénière 5 61<br />

Éducation popu<strong>la</strong>ire et <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> au XXI e siècle :<br />

refondation, adaptation ou… fin de l’histoire ?<br />

Synthèse <strong>des</strong> ateliers 83<br />

Bibliographie 99<br />

4 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Introduction<br />

Toutes les enquêtes d’opinion le montrent, les associations sont<br />

plébiscitées et considérées par nos concitoyens comme <strong>des</strong> recours<br />

face à <strong>la</strong> crise. Pourtant, malgré quelques fulgurances et <strong>des</strong> années de<br />

construction patiente d’une représentation nationale et européenne, les<br />

associations ne par<strong>vie</strong>nnent pas à s’imposer comme un acteur à part<br />

entière de <strong>la</strong> décision publique et pas davantage comme un acteur spécifique<br />

de <strong>la</strong> scène économique. Pourtant, alors que notre société connaît<br />

<strong>des</strong> transformations profon<strong>des</strong>, les associations paraissent les subir au<br />

lieu de les anticiper voire de les provoquer.<br />

L’enjeu <strong>des</strong> journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux de <strong>la</strong> Ligue<br />

de l’enseignement, dont vous découvrez les actes, était de se donner<br />

collectivement du pouvoir d’agir <strong>sur</strong> les transformations en cours, pour<br />

rompre avec un certain climat de fatalisme.<br />

La première question qui se pose alors est de savoir s’il y a vraiment<br />

un <strong>des</strong>tin commun entre <strong>la</strong> « petite association de membres », « l’association<br />

militante » et l’association du « modèle gestionnaire ». Sans<br />

doute l’existence d’associations appartenant au « modèle mixte », pour<br />

reprendre <strong>la</strong> terminologie complète de Viviane Tchernonog (voir p. 9),<br />

fournit une première réponse. Mais il est sans doute utile de rappeler <strong>sur</strong>tout<br />

que faute de <strong>des</strong>tin commun, l’ambition démocratique du « monde<br />

associatif » organisé a vécu. Le plébiscite de l’association cache mal, en<br />

effet, une conception instrumentale, qui n’est pas incompatible avec une<br />

puissance publique réduite au minimum, mobilisant une « sous fonction<br />

publique » contenue dans <strong>la</strong> mise en œuvre. Or, ce qui fait le lien entre<br />

les petites et les gran<strong>des</strong> associations, les fédérées et les isolées, c’est<br />

bien une conception de l’action publique qui prévoit l’action citoyenne,<br />

l’idée que <strong>la</strong> société civile peut/doit s’auto-organiser pour répondre à<br />

ses besoins, sociaux, économiques et démocratiques, quelle que soit<br />

<strong>la</strong> délégation qu’elle accorde, par ailleurs, à ses élus pour conduire les<br />

affaires publiques.<br />

Concurrence, performance et reporting : <strong>la</strong> nouvelle donne du « new<br />

public management » (voir p. 27) rend d’autant plus essentielle l’expression<br />

d’une vision alternative de ce que peut être une action publique<br />

forte, façonnée par les réalités territoriales, et concertée. S’il est évident<br />

que l’évaluation <strong>des</strong> politiques comme <strong>la</strong> plus grande transparence <strong>des</strong><br />

fonds publics sont essentielles, elles ne sont pas incompatibles avec<br />

Les actes : février 2012<br />

5


une <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> dotée d’une vraie capacité d’initiative, d’innovation<br />

sociale et formu<strong>la</strong>nt une critique constructive <strong>des</strong> politiques publiques.<br />

S’il est une certitude qui traverse nos travaux, c’est bien l’urgence<br />

d’une nouvelle alliance entre pouvoirs publics et associations fondées<br />

<strong>sur</strong> une conception, que l’on pourrait attribuer à Pierre Rosanvallon,<br />

d’une démocratie de <strong>la</strong> délibération, qui va au-delà de l’autorisation<br />

donnée par une majorité électorale à un groupe pour agir et qui suppose<br />

<strong>des</strong> corps intermédiaires – dont les associations- capables d’activer <strong>la</strong><br />

démocratie, entre deux élections, de façon permanente.<br />

É<strong>la</strong>rgissant <strong>la</strong> problématique initiale de l’importation du modèle de<br />

l’entreprise capitalistisque dans les associations (voir p. 47), l’horizon<br />

d’une socio-économie plurielle, développée par Jean-Louis Laville,<br />

fondée <strong>sur</strong> une pluralité d’acteurs et de principes (<strong>la</strong> redistribution, <strong>la</strong><br />

réciprocité et <strong>la</strong> domesticité), bien au-delà de <strong>la</strong> seule loi du marché, aura<br />

marqué aussi ces journées d’étude.<br />

Approfondissant <strong>la</strong> critique du réductionnisme économique en cours,<br />

Patrick Viveret a réitéré l’urgence de « reconsidérer <strong>la</strong> richesse » et a proposé<br />

<strong>la</strong> création d’une procédure d’alerte pour contrer le risque de « dépôt<br />

de bi<strong>la</strong>n écologique et social » comme il en existe pour le risque financier.<br />

Il a rappelé combien l’enjeu de <strong>la</strong> formation, comprise comme un « accompagnement<br />

vers le meilleur de soi-même », était central (voir p. 61).<br />

Encore faut-il que les associations, et les mouvements d’éducation<br />

popu<strong>la</strong>ire en particulier, continuent de fabriquer de <strong>la</strong> connaissance et de<br />

l’engagement. S’il est indispensable de rappeler combien le bénévo<strong>la</strong>t se<br />

porte bien dans notre pays, il est tout aussi nécessaire de prendre acte<br />

de <strong>la</strong> (nouvelle ?) donne de l’engagement (voir p. 39) : les hommes et les<br />

femmes ne s’effacent plus derrière les militants ; si le pacte associatif est<br />

fondé <strong>sur</strong> <strong>des</strong> valeurs, elles doivent se vivre dans les faits. Les institutions<br />

<strong>associative</strong>s héritières d’une époque où les idéologies et les appartenances<br />

politiques et confessionnelles étaient beaucoup plus structurantes<br />

ont d’autant plus d’efforts à fournir pour répondre à ces évolutions<br />

qu’elles ont aussi connu le grand tournant de <strong>la</strong> professionnalisation.<br />

Comment rendre compte de <strong>la</strong> vivacité du sens derrière l’action quand<br />

les impératifs de l’agir rendent difficiles le débat <strong>sur</strong> sa pertinence ?<br />

Comment <strong>la</strong>isser s’épanouir une certaine culture de l’indignation voire<br />

de <strong>la</strong> transgression quand <strong>la</strong> confiance <strong>des</strong> pouvoirs publics est fondée<br />

<strong>sur</strong> une certaine respectabilité ? Comment transformer l’indignation en<br />

engagement <strong>sur</strong> <strong>la</strong> durée pour <strong>des</strong> causes pas toujours médiatiques ?<br />

6 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Les participants aux journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux<br />

ne se seront pas défilés. Ces actes rendent mal compte, en effet, de ce<br />

qui a été sans doute l’essentiel dans ces travaux : une certaine capacité<br />

à affronter nos propres faiblesses et contradictions. L’échange,<br />

en plénière, autour de <strong>la</strong> stratégie <strong>associative</strong> de notre Union régionale<br />

du Centre, a été très riche de ce point de vue : « Les dispositifs sont à<br />

considérer pour ce qu’ils produisent et non pour ce qu’ils sont », « nous<br />

avons besoin de formation politique et stratégique », « notre implication<br />

dans les collectifs consiste trop souvent à nous partager le gâteau »,<br />

« faire rentrer une personne dans un CA ne résout rien ; il faut faire rentrer<br />

<strong>des</strong> groupes, susceptibles de remettre en cause le fonctionnement de <strong>la</strong><br />

fédération », « ça prend du temps de trouver <strong>des</strong> opportunités », « nous<br />

devons avoir une re<strong>la</strong>tion différente aux politiques et rejeter le copinage ;<br />

on peut faire <strong>des</strong> coups avec <strong>des</strong> copains mais on ne fait pas de politique<br />

», « il nous faut rompre les rapports de domination vis-à-vis <strong>des</strong><br />

élus ». Autant de considérations courageuses et nécessaires si l’on veut<br />

véritablement prendre le risque de joindre l’acte à <strong>la</strong> parole.<br />

Nadia Bel<strong>la</strong>oui,<br />

secrétaire nationale chargée de <strong>la</strong> politique <strong>associative</strong><br />

Les actes : février 2012<br />

7


SéAnce plénière 1<br />

Panorama du paysage associatif français<br />

et <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> tendances en matière de<br />

bénévo<strong>la</strong>t, de financement et d’emploi<br />

associatif<br />

Intervention de Viviane Tchernonog, chargée de recherche au CNRS<br />

Les financements <strong>des</strong> associations<br />

Jusqu’à une période récente, les budgets <strong>des</strong> associations étaient<br />

composés, à part re<strong>la</strong>tivement équivalente, de ressources privées et de<br />

ressources publiques.<br />

Les ressources privées sont composées, pour une grande partie<br />

(45 %), de <strong>la</strong> participation <strong>des</strong> usagers aux services rendus par l’association<br />

sous formes de cotisations, de ventes et, pour 5 %, du mécénat<br />

et <strong>des</strong> dons privés.<br />

Les financements publics ont <strong>des</strong> origines et <strong>des</strong> formes très différentes<br />

: Il s’agit, pour 20 %, de comman<strong>des</strong> publiques et pour 30 % de<br />

subventions publiques de toutes origines.<br />

Les deux premiers partenaires <strong>des</strong> associations sont l’État (entre 12<br />

et 15 % — chiffres 2005) et les communes. Ces deux collectivités sont<br />

généralistes, elles financent tous types d’associations.<br />

L’État ne finance schématiquement que les grosses associations.<br />

Les communes financent aussi les gran<strong>des</strong> et les moyennes, mais<br />

c’est aussi le seul partenaire <strong>des</strong> petites associations, et notamment de<br />

nombreuses associations d’Éducation Popu<strong>la</strong>ire.<br />

Les conseils généraux financent de façon importante les gran<strong>des</strong><br />

associations qui inter<strong>vie</strong>nnent dans le champ de l’action sociale, les<br />

conseils généraux étant chefs de file en matière d’action sociale.<br />

Les actes : février 2012<br />

9


Les conseils régionaux sont <strong>des</strong> partenaires financiers un peu en<br />

retrait ; ils financent essentiellement les secteurs de l’éducation et de <strong>la</strong><br />

formation, ce qui représente 3 à 4 % du financement du secteur associatif.<br />

Les conseils généraux financent une part importante <strong>des</strong> politiques<br />

d’action sociale.<br />

En 2005, les financements <strong>des</strong> conseils généraux représentent 1/10 e<br />

du budget total du secteur associatif. Ces gran<strong>des</strong> tendances vont durer<br />

jusqu’à <strong>la</strong> crise (2009-2010).<br />

Cette période (2005-2010) a connu une augmentation en volume <strong>des</strong><br />

financements publics, contrairement aux discours tenus <strong>sur</strong> leur raréfaction.<br />

Dans cette période, globalement, quelles que soient les formes et<br />

les origines, le financement public a continué de croître et à un rythme<br />

qui n’était pas négligeable de 1,8 % annuel, en volume, corrigé de l’inf<strong>la</strong>tion.<br />

C’est-à-dire, à un rythme assez proche de l’augmentation du PIB,<br />

donc de l’augmentation <strong>des</strong> richesses nationales. Même si les financements<br />

publics ont augmenté durant cette période, le secteur associatif<br />

a augmenté encore plus rapidement, en moyenne de 2,5 % par an. Ce<br />

qui signifie concrètement qu’il s’est appuyé <strong>sur</strong>tout <strong>sur</strong> <strong>des</strong> financements<br />

d’origine privée pour pouvoir as<strong>sur</strong>er son développement. Dans cette<br />

période, les financements privés ont augmenté deux fois plus rapidement<br />

que les financements publics : 3,5 % pour 1,8 %.<br />

Au-delà de cette augmentation globale, le secteur associatif a été<br />

chahuté par un certain nombre d’événements qui expliquent et alimentent<br />

les discours qui sont tenus. Dans cette période, on assiste à une<br />

baisse de plus en plus importante <strong>des</strong> financements de l’État et à une<br />

montée en charge <strong>des</strong> financements émanant <strong>des</strong> collectivités locales.<br />

La baisse <strong>des</strong> financements de l’État a plusieurs origines :<br />

• La décentralisation, qui contribue mécaniquement à atténuer le rôle<br />

de l’État et à augmenter le poids <strong>des</strong> collectivités locales, et a une<br />

incidence <strong>sur</strong> cette évolution.<br />

• Les déficits publics jouent un rôle dans <strong>la</strong> contraction croissante<br />

<strong>des</strong> financements de l’État en direction <strong>des</strong> associations.<br />

• Un changement de philosophie de l’État matérialisé par le rapport<br />

Lang<strong>la</strong>is 1 qui donne une certaine ligne de conduite de ce que<br />

devrait être le financement de l’État en direction <strong>des</strong> associations.<br />

1. « Pour un partenariat renouvelé entre l’État et les associations », 2008.<br />

10 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Les formes d’interventions <strong>des</strong> pouvoirs publics<br />

Dans ses conclusions, le rapport Lang<strong>la</strong>is préconise d’en finir avec<br />

« <strong>la</strong> culture de <strong>la</strong> subvention » aux associations. Ce rapport va marquer,<br />

au niveau de l’État, un tournant. Même si l’on ne peut pas le me<strong>sur</strong>er<br />

aujourd’hui, j’espère que l’enquête en cours nous fournira <strong>des</strong> outils, le<br />

niveau <strong>des</strong> subventions a baissé et le niveau <strong>des</strong> comman<strong>des</strong> publiques<br />

a augmenté.<br />

À cette transformation de plus en plus rapide s’ajoute l’évolution <strong>des</strong><br />

réglementations au sens <strong>la</strong>rge du terme. Il y a le cadre réglementaire européen,<br />

les circu<strong>la</strong>ires fiscales et autres, qui peuvent générer <strong>des</strong> risques<br />

juridiques. Ce<strong>la</strong> amène de plus en plus les pouvoirs publics à recourir à un<br />

financement par le biais de petites comman<strong>des</strong> ou de petits appels d’offres.<br />

De ce point de vue, <strong>la</strong> montée en charge <strong>des</strong> collectivités locales dans<br />

le financement de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> accélère beaucoup <strong>la</strong> transformation<br />

<strong>des</strong> subventions publiques. Il est c<strong>la</strong>ir que les acteurs locaux préfèrent,<br />

depuis un certain temps, <strong>la</strong>rgement cette forme de financement qui leur<br />

donne une plus grande visibilité au niveau local. Ce<strong>la</strong> donne à voir aux<br />

citoyens l’articu<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> financements à <strong>des</strong> politiques publiques mises<br />

en p<strong>la</strong>ce localement. Tout ce<strong>la</strong> relève de <strong>la</strong> décentralisation. C’est un<br />

élément de <strong>la</strong> démocratie, même si c’est un élément un petit peu pervers.<br />

Les collectivités locales sont prises, beaucoup plus que ne l’était l’État,<br />

dans une logique d’actions à court terme, visibles. Les mandats sont de<br />

cinq ans. La première année, on fait un état <strong>des</strong> lieux, <strong>la</strong> dernière année,<br />

on prépare les élections, et en trois ans il faut faire et montrer les choses<br />

que l’on a faites et promises. Tout ce<strong>la</strong> accélère considérablement cette<br />

transformation.<br />

Toute une série d’importantes mutations jusqu’à <strong>la</strong> crise ont déjà<br />

fragilisé le secteur dans <strong>la</strong> période précédente. Dans un certain nombre<br />

d’associations très chahutées par ces changements, on assiste déjà à<br />

d’importantes restructurations : <strong>des</strong> disparitions, <strong>des</strong> fusions, <strong>des</strong> rapprochements,<br />

spontanés ou le couteau sous <strong>la</strong> gorge ou forcées par les<br />

pouvoirs publics.<br />

Le bénévo<strong>la</strong>t<br />

Il n’y a pas de crise du bénévo<strong>la</strong>t. Le travail bénévole connaît, au<br />

contraire, un rythme de croissance tout à fait considérable. Les différents<br />

travaux qui sont conduits auprès <strong>des</strong> associations permettent de<br />

conclure que le bénévo<strong>la</strong>t est en plein essor.<br />

Les actes : février 2012<br />

11


Les dernières données nous permettent de conclure aujourd’hui que<br />

32 % <strong>des</strong> français âgés de plus de 18 ans ont une activité bénévole, ce qui<br />

nous fait à peu près 16 millions de bénévoles ; on arrive, grosso modo, à un<br />

équivalent temps plein de plus de 1 million d’emplois, ce qui est tout à fait<br />

considérable. Pour autant, le travail bénévole connaît un certain nombre<br />

de difficultés qui explique les discours tenus <strong>sur</strong> <strong>la</strong> crise du bénévo<strong>la</strong>t. Si<br />

les bénévoles sont nombreux à vouloir s’engager, souvent ils ne disposent<br />

pas <strong>des</strong> qualifications qui sont nécessaires aux besoins <strong>des</strong> associations.<br />

Beaucoup de candidats au bénévo<strong>la</strong>t ne trouvent pas d’association prête<br />

à les accueillir. Le monde associatif s’est considérablement professionnalisé,<br />

et les associations ont besoin aujourd’hui de bénévoles de plus<br />

en plus qualifiés et formés. Ce besoin est particulièrement aigu en ce qui<br />

concerne les fonctions de dirigeants bénévoles.<br />

Notre dernière enquête avait tracé le profil de ces bénévoles, qui sont<br />

<strong>sur</strong>tout <strong>des</strong> hommes, <strong>des</strong> seniors issus <strong>des</strong> catégories sociales les plus<br />

qualifiées et les plus favorisées. Les associations demandent de plus en<br />

plus à leurs dirigeants d’avoir <strong>des</strong> compétences en matière de gestion,<br />

et en matière juridique et sociale et d’avoir aussi <strong>des</strong> réseaux, un carnet<br />

d’adresse, etc. Est-ce que l’on veut imposer <strong>la</strong> professionnalisation de<br />

l’association ?<br />

Autre difficulté : le comportement <strong>des</strong> bénévoles. Il est souvent reproché<br />

aux nouveaux bénévoles de « zapper ». On constate que le profil<br />

<strong>des</strong> bénévoles a changé depuis une dizaine d’années. Ils sont devenus<br />

beaucoup plus exigeants. Ils sont nombreux à souhaiter maîtriser leur<br />

parcours de bénévoles, à vouloir diversifier les expériences. Ils préfèrent<br />

souvent certains secteurs d’activités.<br />

Les jeunes préfèrent faire du bénévo<strong>la</strong>t dans <strong>la</strong> culture ou l’humanitaire<br />

et d’autres secteurs sont dé<strong>la</strong>issés. Les nouveaux bénévoles<br />

veulent avoir une prise <strong>sur</strong> le projet de l’association. Ils ne veulent pas<br />

être de simples exécutants, ce n’est plus du travail gratuit. Ils veulent<br />

aussi pouvoir infléchir un certain nombre d’actions de l’association. Dans<br />

les dernières années, au moment où l’on par<strong>la</strong>it de <strong>la</strong> crise du bénévo<strong>la</strong>t,<br />

les petites associations ont, sans aucun problème, pu mobiliser les<br />

bénévoles dont elles avaient besoin. Celles qui ont connu davantage de<br />

difficultés pour pouvoir trouver et mobiliser <strong>des</strong> bénévoles, ce sont les<br />

gran<strong>des</strong> associations dans lesquelles l’éloignement avec le projet associatif<br />

est plus grand. Autant d’évolutions que les associations n’arrivent<br />

pas à anticiper et n’ont peut-être pas forcément toujours intégrées.<br />

Aujourd’hui, il y a un niveau élevé et croissant d’engagement ; les dif-<br />

12 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


ficultés en matière de travail bénévole pro<strong>vie</strong>nnent <strong>sur</strong>tout, pour l’essentiel,<br />

<strong>des</strong> niveaux en formation et en qualification <strong>des</strong> bénévoles.<br />

L’emploi sa<strong>la</strong>rié<br />

Il y a beaucoup de choses à dire <strong>sur</strong> l’emploi sa<strong>la</strong>rié parce qu’il se<br />

dit aussi beaucoup de choses qui ne sont pas toujours très exactes.<br />

Le niveau de l’emploi sa<strong>la</strong>rié associatif dans notre pays est tout à fait<br />

considérable et sa croissance impressionnante. Dans un contexte de<br />

chômage, le secteur associatif continue à créer <strong>des</strong> emplois, au point<br />

qu’il est même devenu, au grand dam <strong>des</strong> associations, un outil <strong>des</strong><br />

politiques de l’emploi. Il est vrai que le secteur a une grande capacité à<br />

créer <strong>des</strong> emplois, mais n’oublions pas non plus, pour bien interpréter<br />

cette croissance, que le secteur associatif crée <strong>des</strong> emplois tertiaires,<br />

<strong>des</strong> emplois sociaux et quand l’économie perd <strong>des</strong> emplois souvent ce<br />

sont <strong>des</strong> emplois industriels, ceci explique un petit peu <strong>la</strong> croissance<br />

importante du secteur associatif, même si ça n’explique pas tout.<br />

Sur <strong>la</strong> question du volume, on utilise souvent le chiffre de 1,8 million<br />

de personnes sa<strong>la</strong>riées dans les associations pour expliquer l’importance<br />

du travail dans les associations. On utilise aussi ce chiffre pour faire le<br />

ratio du nombre d’emplois sa<strong>la</strong>riés au nombre d’emplois privés le plus<br />

souvent. C’est trompeur, car le secteur associatif emprunte <strong>des</strong> formes<br />

tout à fait particulières.<br />

D’abord, l’emploi associatif est caractérisé par énormément d’emplois<br />

à temps partiel dans de nombreuses associations, occasionnels<br />

ou saisonniers sans aucune comparaison avec les autres emplois du<br />

secteur privé. Il est marqué par <strong>la</strong> fonction d’insertion professionnelle <strong>des</strong><br />

associations. Plusieurs milliers d’emplois sont <strong>des</strong> emplois d’insertion, il<br />

s’agit donc de temps partiels, de Cdd, de contrats à court-terme, etc.<br />

Pour un certain nombre de postes de travail, l’emploi est une activité<br />

complémentaire à une activité principale. Par exemple, un prof de gym<br />

qui donne deux heures de cours de danse dans une association, sera<br />

compté parmi ces 1,8 million emplois.<br />

L’emploi sa<strong>la</strong>rié dans les associations est souvent un emploi plus<br />

formé et plus qualifié que <strong>la</strong> moyenne <strong>des</strong> emplois privés.<br />

Alors, 1,8 million de personnes… de bulletins de paye : oui, d’emplois<br />

: non. Abandonnons cette manière de compter les emplois qui<br />

nous amène à <strong>des</strong> contresens phénoménaux et qui gênent les associa-<br />

Les actes : février 2012<br />

13


tions dans leur stratégie de lutte face à <strong>la</strong> crise, face aux défis qu’elles<br />

rencontrent. Certains organismes dont l’Acoss (Agence centrale <strong>des</strong><br />

organismes de Sécurité sociale) ont dit que le secteur associatif résistait<br />

à <strong>la</strong> crise. Comment pouvait-il y résister si les financements baissent ?<br />

Vraisemb<strong>la</strong>blement, il s’est passé, à ce moment-là, une précarisation<br />

croissante <strong>des</strong> emplois sa<strong>la</strong>riés dans les associations et qui font que les<br />

CDI n’ont pas été remp<strong>la</strong>cés par <strong>des</strong> CDI, mais par une combinaison<br />

particulière de CDD, d’emploi de bénévoles, de stagiaires, etc. Ce<strong>la</strong><br />

explique que l’on compte le nombre d’emplois au nombre de personnes<br />

percevant un bulletin de sa<strong>la</strong>ire. Évacuons de nos têtes cette manière<br />

d’évaluer l’emploi.<br />

Aujourd’hui, <strong>la</strong> meilleure manière d’apprécier le volume et l’évolution<br />

de l’emploi sa<strong>la</strong>rié c’est de travailler <strong>sur</strong> <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> masse sa<strong>la</strong>riale ;<br />

même si ce n’est pas pleinement satisfaisant, c’est l’indicateur qui permet<br />

le mieux de l’apprécier. On peut donc dire que l’emploi sa<strong>la</strong>rié, c’est<br />

5,5 % de <strong>la</strong> masse sa<strong>la</strong>riale globale privée et publique du pays et c’est<br />

sans doute, 6 à 6,5 % du volume de l’emploi privé (et pas 10, 12,14 %<br />

comme certains l’annoncent). Ce<strong>la</strong> suffit tout à fait pour montrer <strong>la</strong> visibilité<br />

du secteur en terme d’emplois.<br />

Autre aspect à prendre en compte pour l’emploi sa<strong>la</strong>rié, les besoins<br />

en qualification et le contexte de professionnalisation <strong>des</strong> associations.<br />

Les associations sont embarquées dans un mouvement de professionnalisation<br />

qui s’impose à elles, parce qu’elles ne vivent pas en vase clos.<br />

Leurs interventions sont devenues de plus en plus techniques. Elles ont<br />

besoin de plus en plus de qualification, parce qu’aujourd’hui on a davantage<br />

besoin qu’hier de gérer, de communiquer pour se faire connaître,<br />

pour les plus petites, et de compétences plus é<strong>la</strong>rgies, pour les plus<br />

gran<strong>des</strong>. Cette professionnalisation est aussi un moyen d’accéder à <strong>des</strong><br />

ressources, à <strong>des</strong> financements qui vont permettre de mettre en p<strong>la</strong>ce<br />

les projets. D’une façon générale, l’accès au financement nécessite <strong>des</strong><br />

qualifications. La professionnalisation de<strong>vie</strong>nt obligatoire parce que les<br />

normes, les réglementations sont de plus en plus précises et contraignantes,<br />

<strong>la</strong> société est davantage judiciarisée, etc.<br />

Face à une professionnalisation qui s’impose à elles, les associations<br />

éprouvent <strong>des</strong> difficultés à recruter les qualifications qui leurs<br />

sont nécessaires, pour un certain nombre de raisons, notamment parce<br />

qu’elles n’offrent pas les sa<strong>la</strong>ires qui sont nécessaires pour accéder à<br />

ces formations. Les associations manquent de ressources pour as<strong>sur</strong>er<br />

<strong>des</strong> financements comparables aux secteurs public ou privé, mais il y a<br />

14 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


aussi une certaine réticence culturelle en matière de rémunération. Que<br />

font les associations pour contourner cette difficulté ? Elles as<strong>sur</strong>ent<br />

elles-mêmes, dans un certain nombre de domaines, <strong>la</strong> formation de leurs<br />

sa<strong>la</strong>riés, ce qui génère pour elles, un certain coût. La rotation <strong>des</strong> sa<strong>la</strong>riés<br />

est très forte, car les sa<strong>la</strong>riés, une fois formés, font <strong>des</strong> passages assez<br />

courts dans les associations et vont vers le secteur privé qui offre <strong>des</strong><br />

rémunérations plus attrayantes ou vers un secteur public qui offre une<br />

stabilité de l’emploi plus grande. Cette rotation (turnover) est source de<br />

coûts et de difficultés chroniques pour les associations.<br />

L’augmentation du nombre <strong>des</strong> associations<br />

Grosso modo, il s’est créé dans <strong>la</strong> décennie, en moyenne annuellement,<br />

de 60 à 65 000 associations (chiffre <strong>des</strong> enregistrements en<br />

préfecture). Il y a une mortalité prénatale importante, mais aussi une<br />

mortalité périnatale ou postnatale, qui n’est pas négligeable et qui, au<br />

final, s’ajoute à un renouvellement normal du secteur ; un certain nombre<br />

d’associations disparaissent.<br />

Nous avions fait <strong>des</strong> calculs, dans <strong>la</strong> précédente enquête, pour tenter<br />

de repérer le nombre d’associations supplémentaires que le secteur<br />

comptait chaque année. L’estimation assez basse par rapport à ces<br />

soixante-cinq mille enregistrements qui ne correspondent pas toujours à<br />

<strong>des</strong> réalités ; le secteur s’enrichit chaque année de 37 000 associations<br />

supplémentaires. Ce<strong>la</strong> ne parait pas beaucoup, mais 37 000 associations<br />

supplémentaires, c’est une croissance moyenne de 4 à 4,5 % et c’est<br />

supérieur à tous les ratios d’évolution de croissance <strong>des</strong> financements<br />

publics et privés. Ce<strong>la</strong> explique le fait que les associations ont exprimé<br />

un sentiment croissant de raréfaction <strong>des</strong> ressources.<br />

L’impact de <strong>la</strong> crise<br />

La crise de 2009 et plus généralement l’état de récession dans lequel<br />

se trouve le pays (crise de <strong>la</strong> dette etc.), accélère toutes les tendances<br />

que nous avons vues précédemment : baisse <strong>des</strong> financements de l’État,<br />

capacité de prise en charge par les collectivités locales, privatisation,<br />

transformation <strong>des</strong> subventions en comman<strong>des</strong>, etc.<br />

En 2009, l’État a baissé de façon très brusque les subventions en<br />

direction <strong>des</strong> associations, l’État étant immédiatement confronté à <strong>la</strong><br />

récession (baisse <strong>des</strong> rentrées fiscales et <strong>des</strong> cotisations sociales) et le<br />

secteur associatif a subi tout ceci de plein fouet.<br />

Les actes : février 2012<br />

15


Mais les collectivités locales qui ont une fiscalité légèrement différente,<br />

n’ont été touchées par <strong>la</strong> crise qu’avec un certain déca<strong>la</strong>ge par<br />

rapport à l’État. Elles ont pu compenser, mais dans quelle me<strong>sur</strong>e, une<br />

baisse <strong>des</strong> financements de l’État ? On se pose un certain nombre de<br />

questions aujourd’hui, auxquelles il est très difficile de répondre : Dans<br />

quelles proportions le financement de l’État a baissé en 2010 ? Est-ce<br />

que les collectivités locales ont pu compenser, ou plus que compenser,<br />

comme dans le passé ? Nous n’en savons rien. On ne peut pas déduire<br />

que <strong>la</strong> masse <strong>des</strong> financements publics ait globalement baissé. Dans<br />

quelle me<strong>sur</strong>e le financement privé et l’accroissement <strong>des</strong> ventes <strong>des</strong><br />

associations ont-ils compensé une éventuelle baisse <strong>des</strong> financements<br />

publics ? Nous ne sommes pas en me<strong>sur</strong>e de le dire.<br />

Avec les données que nous avons à notre disposition, essayons<br />

d’appréhender et de comprendre l’impact de <strong>la</strong> crise. D’abord les discours<br />

tenus. Il faut les écouter, mais il ne faut pas écouter que ça, car on se<br />

<strong>la</strong>isse influencer par <strong>des</strong> associations plus bruyantes, sans doute, parce<br />

qu’elles ont perdu d’importants financements, tandis que les associations<br />

pour lesquelles tout va bien, ont tendance à faire moins de bruit. Mais ces<br />

discours ont été <strong>la</strong>rgement re<strong>la</strong>yés au plus haut niveau puisque c’était par<br />

le ministre au moment du forum national de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> et dans les<br />

administrations <strong>des</strong> services déconcentrés de l’État. Ce qui est extraordinaire,<br />

c’est que l’État n’est pas du tout en me<strong>sur</strong>e d’apprécier <strong>la</strong> baisse <strong>des</strong><br />

financements, il s’adresse même à nous pour le savoir […] !<br />

Il y a eu ici, une baisse totalement aveugle <strong>des</strong> financements. Un<br />

certain nombre d’enquêtes nous montrent que les financements <strong>des</strong><br />

communes restent globalement stables. La question se pose pour les<br />

Conseils généraux parce que c’est eux qui sont en me<strong>sur</strong>e de compenser<br />

ou pas, <strong>la</strong> baisse <strong>des</strong> financements de l’État. Nous conduisons<br />

actuellement une enquête auprès de 35 conseils généraux <strong>sur</strong> l’impact<br />

de <strong>la</strong> crise sous toutes les formes de financement en direction <strong>des</strong> associations.<br />

Quels enseignements en tirons-nous ? D’abord, les situations sont<br />

très variables entre les départements. Dans certains départements, les<br />

subventions en direction du secteur ont baissé ; dans d’autres, ils sont<br />

restés stables ; dans d’autres ils ont augmenté. En moyenne <strong>sur</strong> les 35<br />

départements qui représentent un peu plus de <strong>la</strong> moitié de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion,<br />

entre 2009 et 2010, les financements se sont stabilisés, ils ont augmenté<br />

en euros courants, mais ça été annulé par l’inf<strong>la</strong>tion, donc ils sont restés<br />

stables. Comme on sait que les financements de l’État ont baissé, on<br />

16 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


peut en déduire que les financements en direction <strong>des</strong> associations ont<br />

globalement baissé. Un <strong>des</strong> indicateurs qui nous permet de le penser<br />

très fortement, c’est <strong>la</strong> baisse de l’emploi qui est intervenue pour <strong>la</strong> première<br />

fois dans l’histoire du monde associatif, qui confirme ce constat.<br />

De très nombreuses étu<strong>des</strong> montrent que les formes et le volume de<br />

l’emploi sa<strong>la</strong>rié dans les associations sont dépendants <strong>des</strong> formes et du<br />

volume <strong>des</strong> financements publics. L’emploi sa<strong>la</strong>rié est un thermomètre<br />

de ce point de vue.<br />

Cette baisse qui est encore très petite, commencée en 2010 et qui<br />

continue en 2011, est très préoccupante. Il y aura un avant et un « après<br />

2 010 ». Les associations ont une activité paracyclique assez forte. Une<br />

part importante de leurs emplois, de leur budget, etc. ne cède pas aux<br />

éléments conjoncturels. Il y a une certaine résistance du secteur de ce<br />

point de vue.<br />

Cette baisse de l’emploi, même légère, paraît donc particulièrement<br />

importante. Dernier élément de cette enquête auprès <strong>des</strong> Conseils<br />

généraux, <strong>la</strong> très forte accélération de <strong>la</strong> transformation <strong>des</strong> subventions<br />

publiques, même si les financements publics se sont maintenus globalement<br />

: En une seule année, les seules subventions publiques ont baissé<br />

de 7 %. C’est assez phénoménal, le paysage <strong>des</strong> financements est totalement<br />

métamorphosé. Il est probable que <strong>la</strong> subvention publique telle<br />

que nous <strong>la</strong> connaissions a vécu. Il est sans doute urgent, pour <strong>la</strong> sauver,<br />

d’imaginer d’autres formes de subventions.<br />

Les conséquences à plus long terme<br />

Les ressources publiques, il faut toujours les demander avec force et<br />

énergie. Les pouvoirs publics ont besoin de faire produire par les associations<br />

un certain nombre de choses, ça leur coûte moins cher, mais les<br />

financements publics sont appelés à se contracter.<br />

Alors, quelles sont les solutions possibles ? Ce<strong>la</strong> reste les financements<br />

privés. Dons et mécénat sont appelés à augmenter vraisemb<strong>la</strong>blement<br />

de façon importante puisque l’on dit que <strong>la</strong> France dispose de<br />

<strong>la</strong> meilleure fiscalité dans ce domaine. Dons et mécénat ensemble, c’est<br />

5 % du budget total du secteur associatif. Pour compenser <strong>la</strong> baisse<br />

du financement qui représente, à peu près, <strong>la</strong> moitié du financement du<br />

secteur associatif, c’est difficile.<br />

Concrètement aujourd’hui, on le constate déjà, <strong>la</strong> seule marge de<br />

manœuvre <strong>des</strong> associations, c’est de faire participer davantage l’usager.<br />

Les actes : février 2012<br />

17


La première conséquence, on <strong>la</strong> voit tout de suite, c’est un dép<strong>la</strong>cement<br />

progressif et insidieux. Les associations ne s’en rendent pas compte car<br />

il ne se voit pas dans l’instant. À moyen terme, c’est quelque chose qui<br />

pourrait s’affirmer et devenir préoccupant, avec le développement de<br />

projets associatifs vers <strong>des</strong> catégories plus solvables. Un éloignement<br />

<strong>des</strong> associations <strong>des</strong> publics popu<strong>la</strong>ires, <strong>des</strong> couches moyennes moins<br />

favorisées etc. Ce<strong>la</strong> pourrait marquer l’évolution du secteur associatif<br />

demain.<br />

Jusqu’à présent, l’État, avait dans ses interventions, un certain<br />

nombre de qualités et de défauts, mais sa politique était appliquée avec<br />

une certaine équité <strong>sur</strong> l’ensemble du territoire. Or, on sait qu’en France,<br />

il y a <strong>des</strong> territoires riches, il y a <strong>des</strong> territoires pauvres, il a <strong>des</strong> territoires<br />

en plein développement où il n’y a pas beaucoup de chômage, beaucoup<br />

d’entreprises imp<strong>la</strong>ntées, beaucoup d’emplois. Il y a donc ici <strong>des</strong><br />

capacités de financement du secteur associatif qui sont beaucoup plus<br />

importantes que dans <strong>des</strong> territoires en déclin. Le secteur associatif de<br />

demain sera-t-il constitué d’une diversité de secteurs dont le niveau de<br />

développement sera égal au niveau de développement <strong>des</strong> territoires ?<br />

C’est un élément aux conséquences importantes.<br />

Les comman<strong>des</strong> publiques conduisent les associations à produire<br />

<strong>des</strong> services qui sont plus ou moins complètement formatés par <strong>la</strong> puissance<br />

publique et <strong>la</strong> baisse <strong>des</strong> subventions handicape sérieusement <strong>la</strong><br />

capacité d’innovation du secteur. Les pouvoirs publics n’ont rien contre<br />

<strong>la</strong> capacité d’innovation du secteur, qui a inspiré de très nombreuses<br />

politiques publiques tout au long de l’histoire, mais c’est un mouvement<br />

de fait vers lequel nous allons.<br />

Il ne faut pas idéaliser <strong>la</strong> subvention publique telle que nous l’avons<br />

connue. Elle avait un certain nombre d’avantages et en tout cas elle favorisait<br />

l’innovation. Elle avait aussi un certain nombre d’inconvénients : le<br />

manque de transparence, <strong>la</strong> reconduction systématique, un frein à l’innovation<br />

; parfois, elle instal<strong>la</strong>it les associations dans un certain ronron où<br />

elles refaisaient toujours <strong>la</strong> même chose, très utile par ailleurs.<br />

Quand le nombre d’adhérents baisse, ce<strong>la</strong> veut dire souvent que le<br />

projet associatif ne correspond plus aux besoins de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion dans<br />

les formes dans lesquelles il avait été pensé ; souvent, d’autres associations,<br />

plus jeunes, plus récentes, faisant les choses différemment, sont<br />

venues progressivement répondre aux besoins de ces publics.<br />

18 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Conclusion<br />

Est-ce que l’on va dans le sens d’un rapprochement du modèle de<br />

l’entreprise, avec le développement <strong>des</strong> prestations par les associations ?<br />

Est-ce que les associations s’orientent naturellement vers cette voie<br />

pour <strong>sur</strong>vivre ?<br />

Est-ce que les incitations qui sont faites aujourd’hui au monde associatif<br />

de se rapprocher, de mutualiser, de grandir, de se professionnaliser,<br />

de mieux gérer, d’améliorer sa gouvernance etc. vont-elles, in fine,<br />

accélérer cette évolution ? Auraient-elles ces objectifs ?<br />

L’observation <strong>des</strong> associations, leur financement, leur stratégie etc.,<br />

apparaît dans les enquêtes avec une grande diversité. Quand on parle du<br />

« modèle associatif », quels sont les scénarios possibles ?<br />

Il semble que nous abordons le problème de façon un petit peu biaisée<br />

si l’on considère qu’il n’y a qu’un seul modèle économique associatif.<br />

Il faut appréhender <strong>la</strong> réalité sous l’éc<strong>la</strong>irage de quatre modèles associatifs<br />

qui seraient différents.<br />

C’est un travail qui a débuté dans l’enquête de 2005 et qui est en<br />

cours d’actualisation.<br />

Nous pouvons donc distinguer quatre grands modèles économiques<br />

associatifs : Il y a deux types sans sa<strong>la</strong>rié, et deux types employeur.<br />

• Modèle <strong>des</strong> petites associations de membres : Il s’agit du modèle<br />

le plus courant. On y trouve les associations sportives, culturelles et<br />

de loisirs, de <strong>vie</strong> sociale locale. Elles sont très nombreuses (56 %) ;<br />

ce<strong>la</strong> concerne plus de <strong>la</strong> moitié du nombre total d’associations.<br />

Elles ont <strong>des</strong> petits budgets, elles n’ont pas d’emploi sa<strong>la</strong>rié. Elles<br />

représentent 12 % du budget cumulé du secteur associatif, donc<br />

un petit poids, mais elles concentrent <strong>la</strong> moitié du travail bénévole<br />

dans les associations. Leur modèle économique n’est pas compliqué.<br />

Il est constitué du bénévo<strong>la</strong>t pour l’essentiel, <strong>des</strong> cotisations,<br />

et de quelques subventions communales.<br />

• Le modèle « militant » : Ce sont <strong>des</strong> associations sans sa<strong>la</strong>rié. Ce<br />

sont <strong>des</strong> associations militantes à tire principal ou secondaire :<br />

parents d’élèves, défense d’une cause, <strong>des</strong> droits, de locataires,<br />

propriétaires, de cadre de <strong>vie</strong>, d’environnement, etc. Ce<strong>la</strong> représente<br />

30 % du nombre total d’associations, c’est donc important.<br />

Elles réalisent 5 % du budget cumulé du secteur associatif, mais<br />

Les actes : février 2012<br />

19


elles concentrent 28 % du travail bénévole qui a <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité<br />

d’être militant et qualifié. Elles n’ont pas d’emploi sa<strong>la</strong>rié. Le<br />

modèle économique est assez simple : travail bénévole et cotisations.<br />

Elles ne touchent pas de subvention. Elles vivent de dons et<br />

de quelques ventes.<br />

• Le modèle dit « gestionnaire » : Ce sont <strong>des</strong> associations qui<br />

remplissent <strong>des</strong> missions de service public, qui gèrent <strong>des</strong> hôpitaux,<br />

<strong>des</strong> écoles, <strong>des</strong> établissements médico-sociaux, etc. Elles<br />

sont peu nombreuses, au total ce<strong>la</strong> ne fait que 3 à 4 % du nombre<br />

total d’associations, mais elles ont un poids économique tout à fait<br />

considérable. Elles réalisent de 30 à 40 % du poids économique<br />

du secteur associatif et elles concentrent une grande majorité <strong>des</strong><br />

financements publics. Elles vivent quasi exclusivement de financements<br />

publics : de l’État, <strong>des</strong> Conseils généraux et régionaux,<br />

<strong>des</strong> organismes de sécurité sociale. Elles ont <strong>des</strong> sa<strong>la</strong>riés, le plus<br />

souvent en CDI, à temps plein, avec <strong>des</strong> conventions collectives,<br />

donc un emploi un peu plus traditionnel. Dans ces associations, il y<br />

a moins de travail bénévole, il s’agit <strong>sur</strong>tout du travail bénévole <strong>des</strong><br />

dirigeants. Les conseils d’administration sont composés de représentants<br />

<strong>des</strong> autorités de tutelle, <strong>des</strong> financeurs, etc. Leur modèle<br />

économique est as<strong>sur</strong>é par <strong>des</strong> financements publics, ce qui ne<br />

veut pas dire qu’elles n’ont pas parfois de difficulté. Elles font<br />

l’objet, parfois, d’incitation et de pression à <strong>des</strong> regroupements,<br />

mutualisations, fusions, etc.<br />

• Le modèle mixte qui est fondé à <strong>la</strong> fois <strong>sur</strong> un engagement citoyen<br />

et un partenariat avec les pouvoirs publics, mais qui dépasse <strong>la</strong><br />

dimension militante, au sens où il est impliqué dans l’action et <strong>la</strong><br />

production de services sociaux. Ce type d’associations est principalement<br />

constitué par <strong>des</strong> petits et moyens employeurs, il y a<br />

néanmoins quelques gran<strong>des</strong> associations. Les associations de<br />

ce modèle représentent, à peu près, entre 8 et 10 % du nombre<br />

total d’associations. Elles concentrent 15 à 20 % du travail bénévole<br />

dans les associations. Elles vivent à partir de montages très<br />

complexes de ressources, c’est d’ailleurs une part de leur fragilité.<br />

Elles ont un besoin vital du travail bénévole. Elles ont besoin <strong>des</strong><br />

cotisations <strong>des</strong> membres. Elles touchent quelques dons. Elles<br />

vivent de recettes d’activités, ce<strong>la</strong> représente 70 % de leur budget.<br />

Elles ont <strong>des</strong> subventions publiques de différentes formes : <strong>des</strong><br />

contrats passés, <strong>des</strong> subventions, mais globalement, les ventes<br />

sont majoritaires dans ce modèle. Ce sont elles, qui aujourd’hui<br />

sont concernées par les baisses <strong>des</strong> financements publics, ce<br />

20 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


n’est pas le modèle précédent. Elles ont besoin de se professionnaliser<br />

parce qu’elles sont complètement insérées dans le marché<br />

et elles sont aussi en concurrence avec les entreprises privées.<br />

On le voit aujourd’hui, par exemple, dans le secteur de l’aide à<br />

domicile qui représente bien cette situation. Ce sont elles qui ne<br />

sont pas en me<strong>sur</strong>e de payer les sa<strong>la</strong>ires au juste prix et qui sont<br />

obligées de former leurs sa<strong>la</strong>riés et qui les perdent ensuite. Elles<br />

sont très immergées dans le marché. Elles subissent de plein fouet<br />

<strong>la</strong> concurrence <strong>des</strong> entreprises privées. Elles sont <strong>des</strong>tinataires<br />

aujourd’hui du message de regroupement, de rapprochement,<br />

de bonne gouvernance, de professionnalisation, etc. L’enjeu pour<br />

elles est de <strong>sur</strong>vivre. Leur mortalité est <strong>la</strong> plus importante. On voit<br />

bien dans les enquêtes que leur moyenne d’âge est plus jeune.<br />

Les associations du modèle dit gestionnaire ont été créées, pour<br />

<strong>la</strong> plupart, entre 1960 et 1970. D’une enquête à l’autre, ce bloc<br />

bouge re<strong>la</strong>tivement peu. Le type d’association du modèle mixte est<br />

lui très vulnérable, très fragile, à très forte mortalité, avec un renouvellement<br />

qui est important. Quelles sont les perspectives pour ce<br />

type d’associations ? C’est ici que beaucoup de choses se jouent.<br />

Je n’ai pas de solution à proposer.<br />

Est-ce que <strong>la</strong> question <strong>des</strong> secteurs d’activités est très opérante<br />

aujourd’hui ? C’est très compliqué. Ce<strong>la</strong> tient sans doute à l’histoire et à<br />

<strong>la</strong> constitution <strong>des</strong> réseaux et du découpage fonctionnel <strong>des</strong> administrations.<br />

Tout dépend de <strong>la</strong> manière dont on veut travailler. Il me semble tout<br />

de même que <strong>sur</strong> <strong>la</strong> question du modèle économique associatif, il faut<br />

être très prudent parce que <strong>la</strong> réalité est plus complexe.<br />

Les actes : février 2012<br />

21


Réponses de Viviane Tchernonog aux questions de <strong>la</strong> salle<br />

Pour les collectivités territoriales, en particulier les conseils généraux,<br />

les financements en direction <strong>des</strong> associations s’élèvent à 18 % du budget<br />

global départemental (60 milliards d’euros).<br />

Pour <strong>la</strong> question du double comptage <strong>des</strong> bénévoles, ceux agissant<br />

dans plusieurs associations, il n’y a pas de double comptage dans l’enquête<br />

du CNRS puisque nous avons pris en compte les déc<strong>la</strong>rations <strong>des</strong><br />

associations. Nous avons 19 millions d’engagements bénévoles pour<br />

16 millions de bénévoles.<br />

Sur <strong>la</strong> question du <strong>vie</strong>illissement, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> bénévoles n’est<br />

pas spécialement âgée. Ce sont les dirigeants bénévoles qui sont plus<br />

âgés que les autres.<br />

Il est vrai que les associations du modèle 3 captent <strong>la</strong> plus grande<br />

partie <strong>des</strong> financements <strong>des</strong> conseils généraux. L’État, dans un document<br />

qui s’appelle l’effort financier de l’État en direction <strong>des</strong> associations,<br />

comptabilise tous les financements publics, dont ceux attribués<br />

aux associations gestionnaires, qui sont là car elles savent mieux faire<br />

et qu’elles sont moins chères. C’est une manière pour l’État de produire<br />

moins cher. Les financements publics vont aussi au modèle 4. Actuellement,<br />

quand on contracte les financements publics, on ne contracte que<br />

ceux du modèle 4, les autres sont intouchables, car liés à <strong>la</strong> gestion d’un<br />

équipement ou d’un dispositif. On ne peut pas supprimer un équipement<br />

collectif, mais on va supprimer les petites subventions aux associations.<br />

Sport, culture, loisirs ne représentent qu’une toute petite part <strong>des</strong> subventions<br />

départementales en direction du monde associatif, l’essentiel<br />

<strong>des</strong> financements vont vers les grosses associations du type 3, dans le<br />

cadre de l’action sociale et médico-sociale.<br />

22 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


SéAnce plénière 2<br />

Concurrence, performance<br />

et commande publique : les associations<br />

face aux mutations institutionnelles.<br />

L’initiative <strong>associative</strong> est-elle condamnée ?<br />

Intervention de Thomas Kirszbaum, chercheur associé à l’Institut<br />

<strong>des</strong> sciences sociales du politique (ENS Cachan, CNRS UMR 7220) *<br />

Rapide mise en perspective historique<br />

Les re<strong>la</strong>tions entre les associations et les pouvoirs publics sont<br />

marquées par un double héritage historique : celui de <strong>la</strong> Révolution française<br />

qui, en excluant les corps intermédiaires du lien direct entre les<br />

individus et un État incarnant l’intérêt général, a engendré une tradition<br />

de méfiance réciproque avec les associations ; celui de <strong>la</strong> pensée républicaine<br />

et du solidarisme qui ont cherché à incorporer les associations à <strong>la</strong><br />

sphère publique au nom d’un devoir de participation (Barthélemy, 2000 ;<br />

Demoustier, 2005). C’est dans cette seconde logique de l’État « instituteur<br />

du social » (Rosanvallon, 1981) qu’une intégration <strong>des</strong> interventions<br />

<strong>associative</strong>s dans les politiques de l’État se réalisera au cours <strong>des</strong> Trente<br />

glorieuses, notamment dans les secteurs social et médico-social, de<br />

l’éducation popu<strong>la</strong>ire, de <strong>la</strong> culture et du sport.<br />

À <strong>la</strong> faveur <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> lois de décentralisation du début <strong>des</strong> années<br />

1980, l’implication du monde associatif va se prolonger dans une action<br />

publique territorialisée, prenant en charge de nouveaux besoins (exclusion<br />

sociale, banlieues défavorisées, éducation, environnement…). La<br />

reconnaissance du secteur associatif culmine avec les Assises de <strong>la</strong> <strong>vie</strong><br />

<strong>associative</strong> en 1999, puis <strong>la</strong> célébration du Centenaire de <strong>la</strong> loi de 1901<br />

* Ce texte en forme de brève revue de <strong>la</strong> littérature n’a pas <strong>la</strong> prétention de couvrir<br />

de manière exhaustive un sujet qui a suscité une abondance de travaux. Il s’agit<br />

d’apporter <strong>des</strong> éc<strong>la</strong>irages ponctuels <strong>sur</strong> quelques contraintes environnementales<br />

pesant aujourd’hui <strong>sur</strong> le monde associatif français.<br />

Les actes : février 2012<br />

23


marquée par <strong>la</strong> signature d’une charte d’engagements réciproques entre<br />

l’État et quatorze coordinations <strong>associative</strong>s. Toutefois, dans <strong>la</strong> grande<br />

variété <strong>des</strong> structures <strong>associative</strong>s, toutes ne sont pas parties prenantes<br />

de l’action publique. Selon Viviane Tchernonog (2007), les associations<br />

dont le projet s’inscrit dans une politique publique seraient même très<br />

minoritaires puisqu’elles représentent 15 % de l’ensemble du secteur ;<br />

elles pèsent néanmoins 83 % du budget cumulé de l’ensemble <strong>des</strong><br />

associations 1 .<br />

L’émergence de ces associations comme acteurs <strong>des</strong> politiques<br />

publiques consacre l’estompement <strong>des</strong> frontières public/privé au sein de<br />

l’action publique (Hély, 2006). Ce<strong>la</strong> permet de rappeler <strong>la</strong> nature pluraliste<br />

du service public « à <strong>la</strong> française », ouvert depuis longtemps à <strong>des</strong><br />

acteurs privés 2 , même si <strong>la</strong> prise en charge d’un service public par les<br />

associations « loi de 1901 » ne sera juridiquement reconnue que dans<br />

les années 1970 3 . Une circu<strong>la</strong>ire du 27 jan<strong>vie</strong>r 1975 visant à c<strong>la</strong>rifier les<br />

« rapports entre les collectivités publiques et les associations as<strong>sur</strong>ant<br />

<strong>des</strong> tâches d’intérêt général » a alors posé que « l’État et les collectivités<br />

n’ont pas le monopole du bien public ».<br />

L’ère ouverte par <strong>la</strong> décentralisation a été marquée par le développement<br />

<strong>des</strong> contractualisations locales visant à constituer une capacité<br />

locale d’action collective pour répondre aux enjeux <strong>des</strong> territoires (Duran,<br />

Thoenig, 1996). Bien que ce modèle pluraliste d’action publique ait<br />

<strong>la</strong>rgement sollicité les notions de « partenariat », de « coproduction »,<br />

de « gouvernance » ou de « réseaux », les associations ont exprimé de<br />

façon persistante <strong>la</strong> crainte de se voir instrumentaliser au détriment de<br />

leurs objectifs propres. Le Conseil national de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> s’en était<br />

inquiété au début <strong>des</strong> années 1990, dans un avis <strong>sur</strong> « les associations<br />

dans <strong>la</strong> décentralisation » soulignant que les pouvoirs publics locaux<br />

recherchent avant tout <strong>des</strong> exécutants <strong>des</strong> politiques qu’ils pilotent sans<br />

réelle négociation avec <strong>des</strong> partenaires associatifs porteurs de projets<br />

1. Selon <strong>la</strong> typologie de Tchernonog, les « associations de membres » orientées<br />

vers <strong>la</strong> pratique d’une activité, constituent <strong>la</strong> majorité du tissu associatif (56 %) ;<br />

elles pèsent 12 % du budget associatif et mobilisent <strong>la</strong> moitié <strong>des</strong> bénévoles.<br />

Les associations à « contenu militant » (incluant les associations humanitaires)<br />

représentent 29 % du monde associatif et réalisent 5 % de son budget total.<br />

2. À propos <strong>des</strong> services urbains, Dominique Lorrain (1990) a rappelé<br />

l’existence d’un « second modèle » de service public local, fondé<br />

<strong>sur</strong> <strong>des</strong> contractualisations entre municipalités et entreprises privées.<br />

3. Conseil d’État, Fédération française d’articles de sport, 22 novembre 1974.<br />

24 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


autonomes (CNVA, 1992). Depuis les années 2000, cette préoccupation<br />

de l’instrumentalisation est redoublée par <strong>des</strong> évolutions institutionnelles<br />

qui convergent pour cantonner les associations dans une fonction de<br />

prestataires de services.<br />

Les transformations du contexte européen et national<br />

Le niveau européen 4<br />

Les régu<strong>la</strong>tions européennes sont devenues centrales dans les inquiétu<strong>des</strong><br />

exprimées par les acteurs associatifs <strong>des</strong> politiques publiques, <strong>sur</strong>tout<br />

depuis que le droit européen a fixé, en 2005, un cadre réglementaire<br />

définissant les modalités de financement <strong>des</strong> services par les collectivités<br />

publiques. Cherchant à contrôler l’impact <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> accordées aux<br />

opérateurs économiques par les États-membres (État et collectivités<br />

territoriales) <strong>sur</strong> les conditions de <strong>la</strong> concurrence, <strong>la</strong> Commission européenne<br />

a adopté une vision extensive de <strong>la</strong> notion d’activité économique.<br />

La réglementation communautaire ne tient aucun compte de <strong>la</strong> nonlucrativité<br />

<strong>des</strong> associations, qu’elle considère comme <strong>des</strong> opérateurs<br />

économiques dès lors qu’elles offrent <strong>des</strong> biens ou <strong>des</strong> services, à titre<br />

onéreux, <strong>sur</strong> un marché concurrentiel – ce<strong>la</strong> quelle que soit leur finalité<br />

sociale ou leur mode financement.<br />

La directive « services », dite « Bolkenstein », du 12 décembre 2006,<br />

dont l’objectif est de libéraliser le marché intérieur <strong>des</strong> services, a suscité<br />

une polémique très nourrie en France, très re<strong>la</strong>yée au sein du monde<br />

associatif. Si <strong>la</strong> majorité <strong>des</strong> activités <strong>associative</strong>s est exclue du champ<br />

d’<strong>application</strong> de <strong>la</strong> directive, celle-ci s’applique <strong>la</strong>rgement aux services<br />

sociaux, en particulier l’accompagnement sco<strong>la</strong>ire, l’aide aux personnes<br />

âgées, <strong>la</strong> gestion <strong>des</strong> centres sociaux de quartier ou le tourisme social 5 .<br />

Pour se voir exclues du champ de <strong>la</strong> directive, ces activités doivent être<br />

qualifiées comme « services sociaux d’intérêt général » (SIEG), ce qui<br />

suppose de remplir <strong>des</strong> critères précis qui ne se retrouvent pas toujours<br />

dans les mo<strong>des</strong> de reconnaissance <strong>des</strong> associations par l’État français.<br />

4. Les développements qui suivent sont principalement tirés du travail de Samuel Le<br />

Floch (2011) pour <strong>la</strong> FNARS.<br />

5. Seuls se trouvent exclus « les services sociaux re<strong>la</strong>tifs au logement social, à l’aide<br />

à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière temporaire<br />

ou permanente dans une situation de besoin, qui sont as<strong>sur</strong>és par l’État, par<br />

<strong>des</strong> prestataires mandatés par l’État ou par <strong>des</strong> associations caritatives reconnues<br />

comme telles par l’État ».<br />

Les actes : février 2012<br />

25


Les règles re<strong>la</strong>tives aux ai<strong>des</strong> publiques attribuées aux opérateurs<br />

économiques chargés de SIEG ont été précisées par un texte de<br />

novembre 2005 dénommé « paquet Monti-Kroes », notamment l’exigence<br />

d’un mandatement prenant <strong>la</strong> forme d’un acte officiel de <strong>la</strong> collectivité<br />

publique qui finance l’opérateur chargé du service. Or, jusqu’à <strong>la</strong><br />

circu<strong>la</strong>ire Fillon du 18 jan<strong>vie</strong>r 2010 <strong>sur</strong> les re<strong>la</strong>tions entre les associations<br />

et les pouvoirs publics, qui introduit un nouveau modèle de convention<br />

pluriannuelle d’objectif, le régime juridique français de <strong>la</strong> subvention<br />

n’était pas compatible avec <strong>la</strong> réglementation européenne <strong>sur</strong> les ai<strong>des</strong><br />

d’État (l’acte officiel de contractualisation qui en décou<strong>la</strong>it ne constituait<br />

pas un mandatement au sens européen du terme). Il y avait donc un<br />

risque avéré de généralisation de <strong>la</strong> commande publique – notamment<br />

de recours aux procédures du Code <strong>des</strong> marchés publics – comme instrument<br />

de contractualisation entre les associations et les collectivités<br />

publiques.<br />

Des coalitions d’acteurs associatifs, notamment français, ont cherché<br />

à infléchir <strong>la</strong> réglementation européenne – et certains de leurs arguments<br />

ont été repris dans <strong>la</strong> contribution française à l’évaluation du « paquet<br />

Monti-Kroes » de septembre 2010. Les associations p<strong>la</strong>ident en particulier<br />

pour une reconnaissance de <strong>la</strong> spécificité <strong>des</strong> Services sociaux<br />

d’intérêt général (SSIG) mis en œuvre par le secteur associatif. Elles font<br />

valoir que <strong>la</strong> notion communautaire d’activité économique s’applique<br />

à l’ensemble <strong>des</strong> activités <strong>associative</strong>s, notamment à caractère social,<br />

alors que certaines ne relèvent pas de l’existence d’un marché. Elles<br />

contestent également l’impact de leurs activités <strong>sur</strong> les échanges intracommunautaires<br />

et le risque d’atteinte à <strong>la</strong> concurrence. Elles soulignent<br />

enfin <strong>la</strong> disproportion d’une réglementation européenne établie pour les<br />

grands services de réseau (télécommunication, transport, etc.) quand<br />

elle s’applique à de petites structures <strong>associative</strong>s qui développent <strong>des</strong><br />

besoins sociaux, peu ou mal pris en compte par le marché.<br />

Le prisme économique de <strong>la</strong> Commission européenne semble<br />

en passe d’évoluer puisqu’elle devrait publier de nouvelles règles de<br />

contrôle, en 2012, dans le cadre du « paquet Almunia », donnant plus<br />

de souplesse au financement <strong>des</strong> services locaux (notamment sociaux)<br />

dont l’impact <strong>sur</strong> les échanges intracommunautaires est jugé limité. De<br />

même, le seuil en <strong>des</strong>sous duquel les ai<strong>des</strong> financières allouées aux<br />

services d’intérêt général échappent aux règles européennes devrait être<br />

augmenté et l’appel à projets devrait être reconnu comme mandatement<br />

compatible avec le droit européen et comme alternative au marché<br />

public pour certains services. Cependant, <strong>la</strong> Commission européenne<br />

26 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


a limité ces dispositions aux « besoins sociaux essentiels », lesquels ne<br />

font l’objet d’aucune définition précise.<br />

Le niveau national<br />

Le cadre national de conception et de mise en œuvre <strong>des</strong> politiques<br />

publiques a connu <strong>des</strong> évolutions substantielles ces dernières années,<br />

qui affectent l’intervention <strong>associative</strong>. Ces transformations renvoient<br />

pour l’essentiel au succès rencontré par le New Public Management<br />

(« Nouvelle gestion publique ») comme source d’inspiration de <strong>la</strong> transformation<br />

<strong>des</strong> organisations publiques, à commencer par l’État. Les<br />

grands principes guidant les réformes « néo-managériales » de l’État<br />

sont : <strong>la</strong> séparation nette entre les fonctions de stratégie, de pilotage et<br />

de contrôle d’un côté, les fonctions opérationnelles de mise en œuvre<br />

et d’exécution de l’autre ; <strong>la</strong> fragmentation <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> bureaucraties<br />

verticales en unités administratives autonomes chargées d’une politique<br />

publique ; le renforcement <strong>des</strong> responsabilités et de l’autonomie <strong>des</strong><br />

gestionnaires en charge de <strong>la</strong> mise en œuvre de ces politiques, auxquels<br />

sont fixés <strong>des</strong> objectifs de résultats (Bezès, 2008).<br />

L’entrée en vigueur de <strong>la</strong> Loi organique re<strong>la</strong>tive aux lois de finances<br />

(Lolf), depuis le 1 er jan<strong>vie</strong>r 2006, décline ces principes et notamment le<br />

passage d’une logique de moyens à une logique de résultats. L’autre<br />

réforme majeure de l’État est <strong>la</strong> Révision générale <strong>des</strong> politiques<br />

publiques (RGPP), engagée depuis 2007. Présentée comme <strong>la</strong> déclinaison<br />

hexagonale de <strong>la</strong> « Revue générale <strong>des</strong> programmes » canadienne<br />

qui avait permis de réinterroger les politiques publiques dans tous leurs<br />

aspects et dans une démarche participative, <strong>la</strong> RGPP relève essentiellement<br />

d’un exercice technocratique et <strong>des</strong>cendant de réorganisation<br />

administrative, dont le but essentiel est de réduire le nombre de fonctionnaires<br />

de l’État (RFAP, 2 010).<br />

Bien qu’elles ne soient pas juridiquement concernées par <strong>la</strong> Lolf et<br />

<strong>la</strong> RGPP, les collectivités territoriales sont concernées par <strong>la</strong> diffusion de<br />

<strong>la</strong> culture du New Public Management. Des rapports officiels les incitent<br />

à s’inspirer <strong>des</strong> principes de <strong>la</strong> Lolf pour développer leurs propres systèmes<br />

de me<strong>sur</strong>e de performances (Lambert, Migaud, 2005 ; Richard,<br />

2006). Avec <strong>la</strong> RGPP, l’État les sollicite aussi indirectement pour partager<br />

les conséquences de son endettement et de ses déficits, en appe<strong>la</strong>nt<br />

les collectivités territoriales à financer <strong>des</strong> activités désormais jugées<br />

secondaires au regard de son « cœur de métier » (Pissaloux, Supplisson,<br />

2 010). En accentuant l’affaiblissement de l’État départemental au profit<br />

du niveau régional, devenu le niveau territorial de droit commun du pilo-<br />

Les actes : février 2012<br />

27


tage de l’ensemble <strong>des</strong> politiques publiques, <strong>la</strong> RGPP confère également<br />

un rôle accru aux collectivités territoriales comme acteurs <strong>des</strong> territoires.<br />

Le phénomène de « résidualisation » <strong>des</strong> services départementaux de<br />

l’État était déjà sensible avec l’Acte II de <strong>la</strong> décentralisation (2004) qui<br />

avait organisé le transfert de nombreux agents de l’État vers les collectivités<br />

locales (Epstein, 2010).<br />

Concurrence<br />

Le monde associatif dénonce avec insistance, depuis quelques<br />

années, <strong>la</strong> volonté <strong>des</strong> pouvoirs publics de les p<strong>la</strong>cer en concurrence<br />

pour accéder aux financements publics. La réglementation européenne<br />

se trouve souvent incriminée. De fait, elle est souvent mise en avant par<br />

les pouvoirs publics français pour justifier le recours aux procédures de<br />

mise en concurrence prévues par le Code <strong>des</strong> marchés publics. Il semble<br />

que les collectivités publiques redoutent avant tout de voir requalifier<br />

les subventions en comman<strong>des</strong> publiques. De fait, si le droit européen<br />

n’interdit pas les subventions, il a créé une insécurité juridique importante<br />

(Le Floch, 2011). Cette insécurité n’a été que partiellement levée par <strong>la</strong><br />

circu<strong>la</strong>ire Fillon du 18 jan<strong>vie</strong>r 2010, critiquée par <strong>des</strong> fédérations d’associations<br />

pour le manque de concertation qui a présidé à sa conception<br />

et pour les <strong>la</strong>cunes dans le suivi de sa mise en œuvre (C<strong>la</strong>vagnier, 2011).<br />

Principaux financeurs <strong>des</strong> associations, notamment dans le domaine<br />

social, les collectivités territoriales n’ont pas été non plus associées à<br />

l’é<strong>la</strong>boration de <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>ire et n’en sont pas officiellement <strong>des</strong>tinataires.<br />

Les collectivités territoriales ont donc tendance à privilégier <strong>la</strong> commande<br />

publique (Le Floch, 2011).<br />

Des secteurs et <strong>des</strong> formes de concurrence diversifiés<br />

Il con<strong>vie</strong>nt de re<strong>la</strong>tiviser le poids <strong>des</strong> marchés publics comme mode<br />

d’allocation <strong>des</strong> ressources publiques aux associations. Le régime de <strong>la</strong><br />

subvention et celui de <strong>la</strong> tarification dans l’action sociale restent les mo<strong>des</strong><br />

de contractualisation les plus répandus ; mais les comman<strong>des</strong> publiques<br />

représentent d’ores et déjà près de <strong>la</strong> moitié du montant cumulé <strong>des</strong><br />

subventions et <strong>la</strong> tendance de fond semble être celle d’une substitution<br />

progressive <strong>des</strong> subventions par <strong>des</strong> comman<strong>des</strong> publiques, même si les<br />

données chiffrées restent rares <strong>sur</strong> ce sujet (Tchernonog, 2010).<br />

Une récente enquête conduite par <strong>la</strong> Conférence permanente <strong>des</strong><br />

coordinations <strong>associative</strong>s et de France Active auprès de 877 associations<br />

montre que les associations ayant conclu au moins un marché<br />

public avec l’État et/ou une collectivité territoriale sont <strong>sur</strong>tout <strong>des</strong><br />

28 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


associations de taille significative (plus de 500 000 euros de budget). La<br />

même enquête indique que le poids <strong>des</strong> marchés publics est fortement<br />

corrélé au secteur d’activité <strong>des</strong> associations : l’environnement (55 %<br />

de marchés publics), le développement économique (39 %) et l’action<br />

sociale (26 %) (CPCA, France active, 2012).<br />

Soumis au Code <strong>des</strong> marchés publics dès 2003, le secteur de <strong>la</strong><br />

formation professionnelle est souvent considéré comme précurseur.<br />

Depuis lors, les petites associations locales cèdent le pas face à de<br />

grosses entreprises d’intérim ou de consulting pour l’accompagnement<br />

<strong>des</strong> demandeurs d’emploi (La Vie <strong>associative</strong>, 2009). L’aide aux devoirs<br />

est un autre secteur où les entreprises commerciales font leur entrée <strong>sur</strong><br />

le « marché éducatif local » (Rousseau, 2001). Dans le champ <strong>des</strong> services<br />

sociaux, <strong>la</strong> mise en concurrence <strong>des</strong> opérateurs se développe par<br />

plusieurs voies : de manière implicite dans <strong>la</strong> sélection <strong>des</strong> associations<br />

qui se voient délivrer <strong>des</strong> autorisations, ou à travers <strong>des</strong> procédures plus<br />

formelles pour les activités sortant du champ réglementaire <strong>des</strong> autorisations<br />

(c’est le cas notamment d’associations œuvrant dans le champ<br />

de <strong>la</strong> prévention spécialisée, de <strong>la</strong> petite enfance ou de <strong>la</strong> lutte contre les<br />

exclusions). Enfin, l’ouverture à <strong>la</strong> concurrence s’est traduite par l’arrivée<br />

d’entreprises ou de groupes privés à but lucratif dans <strong>des</strong> secteurs<br />

comme l’hébergement <strong>des</strong> personnes âgées, les services à <strong>la</strong> personne<br />

ou <strong>la</strong> garde d’enfants. Ce phénomène a été favorisé par <strong>des</strong> mécanismes<br />

de solvabilisation de l’usager (par exemple avec l’APA en 2002 ou le p<strong>la</strong>n<br />

Borloo de 2005) (Marival, 2008). Plus récemment, <strong>la</strong> loi « Hôpital, patient,<br />

santé, territoire » du 21 juillet 2009 introduit l’appel à projets dans <strong>la</strong><br />

procédure d’autorisation <strong>des</strong> établissements et services, en ne prenant<br />

en considération que les activités de <strong>la</strong> structure, indépendamment du<br />

statut juridique du gestionnaire (Lafore, 2010).<br />

Si l’on entend par « mise en concurrence », l’arrivée d’entreprises<br />

du secteur lucratif <strong>sur</strong> un marché donné, on voit que ce phénomène<br />

n’atteint pas <strong>la</strong> même intensité selon les secteurs, ni ne repose <strong>sur</strong> les<br />

mêmes instruments. Plus souple qu’un marché public, l’appel à projets<br />

peut constituer une alternative à l’appel d’offres, même si les acteurs<br />

publics considèrent ce procédé comme juridiquement moins sécurisé<br />

que celui <strong>des</strong> marchés publics (Guézennec, 2011). Si l’on retient une<br />

acceptation de <strong>la</strong> concurrence plus <strong>la</strong>rge que <strong>la</strong> procédure <strong>des</strong> marchés<br />

publics, <strong>la</strong> compétition peut se dérouler de façon quasi-exclusive entre<br />

associations. C’est le cas par exemple dans <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> ville où <strong>la</strong><br />

procédure de l’appel à projets est courante. Cependant, son impact <strong>sur</strong><br />

le choix <strong>des</strong> opérateurs est à re<strong>la</strong>tiviser car on observe une tendance<br />

Les actes : février 2012<br />

29


à <strong>la</strong> reconduction <strong>des</strong> subventions aux mêmes porteurs de projets, en<br />

particulier aux plus grosses associations œuvrant dans les quartiers<br />

(Kirszbaum, 2009).<br />

Le spectre de <strong>la</strong> banalisation<br />

C’est à propos du développement de <strong>la</strong> concurrence par le secteur<br />

privé lucratif dans le domaine social et médico-social que les commentaires<br />

les plus critiques ont été formulés. Le principe du « libre choix »<br />

du prestataire par l’usager ne prendrait pas en compte les effets pervers<br />

liés aux comportements opportunistes d’entreprises privées qui tireraient<br />

parti <strong>des</strong> asymétries d’information pour offrir <strong>des</strong> services de moindre<br />

qualité (Petrel<strong>la</strong>, Richez-Battesti, 2011). Alors que <strong>la</strong> mise en concurrence<br />

permet en théorie de bénéficier d’un service au meilleur prix, passer un<br />

marché se traduirait par un <strong>sur</strong>coût de l’ordre de 15 % à prestation comparable<br />

dans les services sociaux (La Gazette <strong>des</strong> communes, 2012).<br />

L’impact de <strong>la</strong> concurrence <strong>sur</strong> les associations mêmes qui se <strong>la</strong>ncent<br />

dans <strong>la</strong> compétition est l’objet de nombreuses analyses. Le concept<br />

d’« entreprise <strong>associative</strong> » (Marchal, 1992), qui semble faire figure<br />

d’oxymore, recouvre <strong>des</strong> réalités très diverses selon que l’entreprise<br />

<strong>associative</strong> est gestionnaire, partenaire, marchande ou mécénale (Hély,<br />

2009). C’est en fait <strong>la</strong> réduction de l’association à une simple fonction de<br />

prestataire de service qui nourrit <strong>la</strong> critique. Michel Chauvière évoque par<br />

exemple un phénomène de « cha<strong>la</strong>ndisation » à propos d’associations<br />

qui se définissent moins comme <strong>des</strong> institutions fondatrices de <strong>la</strong> société<br />

que comme <strong>des</strong> organisations productives de certaines prestations<br />

(Chauvière, 2007, 2009).<br />

La question est bien celle-ci : qu’est-ce qui différencie l’association<br />

prestataire de service de n’importe quel autre acteur marchand ? Le<br />

danger serait celui de <strong>la</strong> banalisation à travers un processus d’homogénéisation<br />

<strong>des</strong> comportements associatifs relevant d’un phénomène<br />

d’« isomorphisme institutionnel » affectant les organisations qui évoluent<br />

au sein d’un même champ organisationnel (Di Maggio, Powell, 1991).<br />

Dans cette perspective, l’environnement créé un modèle dominant exerçant<br />

diverses pressions <strong>sur</strong> les organisations qui le composent. En quête<br />

de légitimité, ces organisations chercheraient à mettre leurs pratiques<br />

en conformité avec les exigences de leur environnement (en termes de<br />

procédures, de valeurs et objectifs poursuivis, etc.). S’agissant <strong>des</strong> associations,<br />

l’incertitude <strong>sur</strong> les financements et l’ouverture à <strong>la</strong> concurrence<br />

les conduirait à rechercher <strong>des</strong> modèles auxquels se référer et à adopter<br />

<strong>des</strong> solutions déjà connues et reconnues comme efficaces. C’est ainsi<br />

30 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


que <strong>des</strong> techniques de management et <strong>des</strong> outils de gestion (gestion<br />

par projet, démarches qualité, gestion <strong>des</strong> ressources humaines, etc.)<br />

auraient tendance à être importés du monde de l’entreprise marchande<br />

(Marival, 2008). Ces évolutions sont à <strong>la</strong> source de tensions identitaires<br />

importantes traversant le monde associatif. Or, ce qui fait (ou faisait) <strong>la</strong><br />

spécificité <strong>des</strong> associations est un modèle d’organisation <strong>des</strong> services<br />

distinct de celui <strong>des</strong> entreprises lucratives, notamment du point de vue<br />

de <strong>la</strong> participation d’une pluralité <strong>des</strong> parties prenantes dans <strong>la</strong> gouvernance<br />

de l’organisation (bénévoles, usagers, sa<strong>la</strong>riés) (Avare, Sponem,<br />

2008 ; Nyssens, Petrel<strong>la</strong>, 2009 ; Petrel<strong>la</strong>, Richez-Battesti, 2011).<br />

La réception du modèle de management de l’entreprise privée ne se<br />

fait sans doute pas de <strong>la</strong> même manière selon les types d’association.<br />

Plus une association est un partenaire privilégié de <strong>la</strong> mise en œuvre<br />

d’une politique publique et plus son organisation aura tendance à se<br />

calquer <strong>sur</strong> un modèle bureaucratique plutôt que <strong>sur</strong> celui de l’entreprise<br />

marchande ; positionnée en prestataire de service, l’association sera<br />

davantage contrainte de développer sa technicité et sa réactivité face<br />

à <strong>des</strong> opportunités d’accéder à <strong>des</strong> marchés (Laville, 2004). Il existe<br />

cependant une troisième voie, celle de <strong>la</strong> « démocratisation de l’économie<br />

» portée notamment par l’économie sociale et solidaire (Chanial et<br />

Laville, 2006). Fondée <strong>sur</strong> un principe de solidarité plutôt que de profit,<br />

<strong>la</strong> crise économique et financière d’aujourd’hui paraît lui donner toute<br />

son actualité.<br />

Performance<br />

Les acteurs publics font rarement l’apologie ouverte de <strong>la</strong> concurrence<br />

dans le contexte culturel français où <strong>la</strong> logique du marché continue<br />

d’avoir mauvaise presse. Il en va différemment de <strong>la</strong> quête de performance<br />

qui a envahi le vocabu<strong>la</strong>ire <strong>des</strong> politiques publiques au cours de <strong>la</strong><br />

décennie précédente. La performance est notamment au cœur de <strong>la</strong> Lolf<br />

et tend à se confondre avec l’exigence d’évaluation, elle-même rabattue<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> production d’indicateurs. L’exigence de performance n’est pas<br />

sans lien avec le système de concurrence car l’évaluation est censée<br />

permettre une sélection optimale <strong>des</strong> opérateurs les mieux à même de<br />

garantir l’efficacité et l’efficience de l’action publique.<br />

Dans le cadre de <strong>la</strong> Lolf, les gestionnaires <strong>des</strong> programmes publics sont<br />

tenus de définir de tels indicateurs à chaque niveau d’intervention de l’État<br />

afin de rendre compte au Parlement <strong>des</strong> résultats <strong>des</strong> politiques mises en<br />

œuvre. Mais <strong>la</strong> culture du résultat déborde très <strong>la</strong>rgement les frontières de<br />

Les actes : février 2012<br />

31


l’État et concerne de manière directe les associations inscrivant leur action<br />

dans le cadre d’une politique publique. En effet, contrairement à ce que<br />

souhaitaient ses promoteurs, <strong>la</strong> Lolf tend à cantonner les agents locaux de<br />

l’État dans une fonction d’exécution <strong>des</strong> programmes définis à l’échelon<br />

central et vis-à-vis duquel ils doivent rendre <strong>des</strong> comptes par <strong>des</strong> activités<br />

de reporting. Or, le <strong>sur</strong>croît de contraintes supportées par ces agents tend<br />

à être reporté <strong>sur</strong> leurs partenaires dont ils de<strong>vie</strong>nnent dépendants pour<br />

atteindre leurs objectifs. Ceci les conduit à évaluer <strong>la</strong> performance de leurs<br />

partenaires associatifs (Dubost, Zoukoua, 2011).<br />

Les indicateurs de performance devant me<strong>sur</strong>er l’efficience <strong>des</strong><br />

subventions versées par l’État, les associations se trouvent dans l’obligation<br />

de se doter d’outils de gestion et de comptabilité permettant de<br />

me<strong>sur</strong>er les résultats <strong>des</strong> actions (Avare, 2008). C’est à cet effet qu’un<br />

« Guide Lolf à l’usage <strong>des</strong> associations » a été publié par le ministère<br />

de l’Éducation nationale, de <strong>la</strong> Jeunesse et de <strong>la</strong> Vie <strong>associative</strong>. En sus<br />

du compte rendu financier prévu par <strong>la</strong> loi, l’association bénéficiant d’un<br />

financement doit fournir à l’administration une évaluation de l’action ou<br />

<strong>des</strong> actions subventionnées. En amont du financement, l’association<br />

souhaitant bénéficier d’un financement de l’État doit proposer à celuici<br />

un ou plusieurs objectifs « réalistes » et <strong>des</strong> indicateurs « simples et<br />

objectifs » dans <strong>la</strong> fiche du dossier de demande de subvention prévue à<br />

cet effet. Les objectifs en question doivent traduire au moins l’une <strong>des</strong><br />

caractéristiques de <strong>la</strong> performance, définie comme l’efficacité socio-économique,<br />

<strong>la</strong> qualité du service à l’usager et/ou l’efficience de <strong>la</strong> gestion<br />

(Raynaut, Aïm-Tuil, 2011).<br />

L’hégémonie du quantitatif<br />

Le « Guide Lolf » demande aux associations de fournir un bi<strong>la</strong>n <strong>sur</strong> <strong>la</strong><br />

base d’indicateurs à <strong>la</strong> fois qualitatifs et quantitatifs. En pratique, <strong>la</strong> priorité<br />

est donnée aux indicateurs quantitatifs, lesquels doivent seulement<br />

être « complétés » par <strong>des</strong> indicateurs qualitatifs « permettant d’appréhender<br />

<strong>la</strong> richesse <strong>des</strong> interventions <strong>des</strong> associations qui contribuent à<br />

<strong>la</strong> mise en œuvre <strong>des</strong> politiques publiques ». Le guide précise d’ailleurs<br />

que les indicateurs qualitatifs peuvent être quantifiés et que l’évaluation<br />

a pour objet de me<strong>sur</strong>er à court terme « les écarts négatifs ou positifs »<br />

par rapport aux objectifs fixés ; à long terme, il s’agit d’analyser « les<br />

effets directs ou indirects » de l’action. Le guide recommande <strong>la</strong> vigi<strong>la</strong>nce<br />

<strong>des</strong> associations par rapport à ces exigences car ces éléments peuvent<br />

conditionner le renouvellement de <strong>la</strong> subvention (Raynaut, Aïm-Tuil,<br />

2011).<br />

32 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Le tropisme quantitativiste de l’évaluation conçue dans ces termes<br />

a <strong>des</strong> effets bien connus de <strong>la</strong> littérature <strong>sur</strong> l’évaluation. Il s’agit plus<br />

exactement d’effets pervers car les systèmes articu<strong>la</strong>nt une profusion<br />

d’objectifs et d’indicateurs, <strong>des</strong> activités de reporting systématique et<br />

<strong>des</strong> procédures d’audits réguliers produisent d’importantes distorsions<br />

dans les politiques menées. Ils incitent en particulier les opérateurs à<br />

se concentrer <strong>sur</strong> les activités les plus « rentables », car me<strong>sur</strong>ables, et<br />

non vers <strong>des</strong> tâches plus qualitatives et plus complexes à me<strong>sur</strong>er ou<br />

simplement mal renseignées par les indicateurs définis par les bailleurs<br />

de fonds (Bevan, Hood, 2006 ; Sa<strong>la</strong>is, 2010).<br />

Ainsi, à propos du secteur social, l’injonction de performance risque<br />

d’inciter les associations à se conformer aux exigences de rendement et<br />

d’effectuer un tri entre les bénéficiaires, au détriment <strong>des</strong> situations les<br />

plus difficiles et <strong>des</strong> publics les plus défavorisés (Le Floch, 2011).<br />

Le cas de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> ville, qui procède essentiellement par<br />

appel à projets et non par appels d’offres, éc<strong>la</strong>ire cependant les limites<br />

de l’exercice évaluatif rabattu <strong>sur</strong> <strong>la</strong> production d’indicateurs de performance.<br />

Les opérateurs de quartier, notamment associatifs, sont encore<br />

loin d’avoir intégré <strong>la</strong> logique de performance promue au niveau national<br />

et re<strong>la</strong>yée jusqu’à un certain point par leurs financeurs locaux. Le<br />

moment-clé de leur « évaluation » repose en fait <strong>sur</strong> <strong>la</strong> production d’un<br />

bi<strong>la</strong>n annuel faisant une <strong>la</strong>rge p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription littéraire de l’action<br />

financée. L’impact de celle-ci <strong>sur</strong> les bénéficiaires – estimé par l’opérateur<br />

lui-même – apparaît difficilement traduisible dans <strong>des</strong> indicateurs<br />

quantitatifs, dont <strong>la</strong> production est vécue comme un exercice obligé,<br />

pour ne pas dire inutile, et dans tous les cas très coûteuse en temps,<br />

au détriment précisément de l’action auprès <strong>des</strong> bénéficiaires. En outre,<br />

les performances <strong>associative</strong>s servent très rarement à juger du bienfondé<br />

<strong>des</strong> projets et à orienter les financements en conséquence. Il est<br />

d’autant moins aisé de mettre fin au financement de certaines actions<br />

que les structures qui les portent sont généralement très dépendantes<br />

<strong>des</strong> crédits de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> ville pour as<strong>sur</strong>er leur <strong>sur</strong><strong>vie</strong> (Kirszbaum,<br />

2009). D’autres enquêtes locales concernant <strong>des</strong> associations sportives,<br />

culturelles, d’insertion ou de prévention de <strong>la</strong> délinquance, montrent<br />

pareillement que l’ajustement <strong>des</strong> moyens alloués aux résultats obtenus<br />

est très re<strong>la</strong>tif. Une tendance au maintien <strong>des</strong> ressources allouées par<br />

les municipalités est observable, avec <strong>des</strong> phénomènes de cliquet à <strong>la</strong><br />

baisse, y compris quand les exigences du financeur municipal ne sont<br />

pas satisfaites (Fabre, 2005 ; Batac, Carassus, 2005).<br />

Les actes : février 2012<br />

33


Me<strong>sur</strong>er l’utilité sociale<br />

Comme les effets de <strong>la</strong> concurrence, <strong>la</strong> méthode de l’évaluation<br />

quantitative risque d’oblitérer l’originalité <strong>des</strong> productions <strong>associative</strong>s.<br />

En particulier, l’évaluation quantitative ne permet pas de penser le sens<br />

de l’action, un sens qui est pourtant l’un <strong>des</strong> moteurs essentiels de <strong>la</strong><br />

dynamique <strong>associative</strong> (Avare et al., 2008). La conception dominante de<br />

l’évaluation se fonde <strong>sur</strong> <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e d’un écart à une norme qui est le plus<br />

souvent déterminée par <strong>la</strong> puissance publique et qui porte <strong>sur</strong> un système<br />

fermé (un dispositif, une action, une organisation). Cette approche<br />

fait abstraction de <strong>la</strong> spécificité <strong>des</strong> associations, <strong>la</strong>quelle réside principalement<br />

dans leur mode d’organisation et dans les effets indirects de<br />

leurs activités. Si l’évaluation souffre d’un déficit de légitimité auprès <strong>des</strong><br />

acteurs associatifs, c’est qu’elle est avant tout perçue comme un outil de<br />

contrôle qui ne prend pas en compte les mo<strong>des</strong> et les principes d’organisation<br />

interne comme facteurs potentiels d’utilité sociale (personnalisation<br />

de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion avec l’usager, mobilisation <strong>des</strong> parties prenantes,<br />

impacts en termes de capital social…) (Trouvé, Jolivet, 2009).<br />

La notion d’utilité sociale <strong>des</strong> associations a donné lieu à <strong>des</strong><br />

réflexions théoriques d’importance, même si ses traductions concrètes<br />

dans l’évaluation restent peu développées en France. L’un <strong>des</strong> obstacles<br />

<strong>vie</strong>nt de ce que <strong>la</strong> quantification de certaines dimensions d’utilité sociale<br />

(lien social, estime de soi, autonomie existentielle, sociabilité, qualité de<br />

<strong>vie</strong>, démocratie locale, innovation sociale…) risque fort d’en appauvrir<br />

le contenu (Gadrey, 2005). Des référentiels d’utilité sociale sont donc<br />

à construire pour chaque type d’association, au niveau fin, pour rendre<br />

compte auprès de toutes les « parties prenantes » (financeurs publics,<br />

donateurs, bénéficiaires, sa<strong>la</strong>riés, bénévoles…) de ce que l’association<br />

produit, mais aussi de son impact <strong>sur</strong> les bénéficiaires, les territoires ou<br />

<strong>la</strong> société (Archambault, 2010). Les démarches d’auto-évaluation de l’utilité<br />

sociale s’inscrivent dans cette perspective. L’évaluation s’apparente<br />

alors à une démarche participative – inévitable du fait de <strong>la</strong> diversité <strong>des</strong><br />

représentations de l’utilité sociale selon les statuts <strong>des</strong> différentes parties<br />

prenantes – susceptible de déboucher <strong>sur</strong> <strong>la</strong> constitution d’une représentation<br />

commune de l’utilité sociale et de ses indicateurs pertinents<br />

(Trouvé, Jolivet, 2009).<br />

En l’état actuel, et à l’instar <strong>des</strong> effets internes de l’environnement<br />

concurrentiel <strong>des</strong> associations, l’injonction de performance contribue à <strong>la</strong><br />

diffusion du « managérialisme » au sein <strong>des</strong> associations. Les dispositifs<br />

utilisés pour donner une image de l’association en externe ont tendance<br />

à se diffuser dans le fonctionnement interne <strong>des</strong> associations. Le risque<br />

34 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


pour les acteurs associatifs est alors de centrer leur attention <strong>sur</strong> ce qui<br />

est chiffré, me<strong>sur</strong>é et me<strong>sur</strong>able, aux dépens d’autres activités pouvant<br />

avoir elles aussi une certaine efficacité (Avare, Sponem, 2008 ; Avare<br />

et al., 2008). La tendance à <strong>la</strong> normalisation <strong>des</strong> pratiques de me<strong>sur</strong>e<br />

de l’utilité sociale par les procédures fiscales, ou par <strong>la</strong> publication de<br />

gui<strong>des</strong> méthodologiques émanant du monde associatif lui-même, <strong>la</strong>isse<br />

finalement à d’autres le soin de donner <strong>la</strong> définition légitime de l’utilité<br />

sociale. Le monde associatif risque alors de se voir privé de son principe<br />

d’autonomie (Hély, 2010).<br />

Commande publique<br />

Dès lors qu’une association est en capacité de démontrer que son<br />

projet relève de l’intérêt général (ou possède une utilité sociale) et qu’il<br />

s’inscrit dans le cadre d’une politique publique, c’est le critère de l’initiative<br />

qui détermine le régime de <strong>la</strong> subvention. Dans le cas d’une commande<br />

publique, <strong>la</strong> logique est inverse puisque <strong>la</strong> collectivité publique<br />

formalise de manière uni<strong>la</strong>térale <strong>des</strong> besoins avant de se tourner vers<br />

<strong>des</strong> opérateurs potentiels mis en concurrence avant d’être sélectionnés<br />

(Le Floch, 2011). Passer de <strong>la</strong> culture de <strong>la</strong> subvention à celle de <strong>la</strong> commande<br />

publique, comme le préconise par exemple le rapport Lang<strong>la</strong>is<br />

(2008), menace ainsi l’un <strong>des</strong> fondements de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> : <strong>la</strong> capacité<br />

d’initiative. Il n’est plus question pour l’association d’initier un projet<br />

propre, mais de prendre en charge un service dont les modalités et les<br />

objectifs auront été fixés par d’autres (La Vie <strong>associative</strong>, 2009).<br />

D’une tutelle à l’autre<br />

Dans le cadre français, le danger de <strong>la</strong> commande publique pour l’initiative<br />

<strong>associative</strong> est accentué en raison d’une caractéristique essentielle<br />

du financement <strong>des</strong> associations : <strong>la</strong> très <strong>la</strong>rge prépondérance <strong>des</strong> ressources<br />

monétaires d’origine publique (près <strong>des</strong> deux tiers) et <strong>la</strong> faiblesse<br />

corré<strong>la</strong>tive <strong>des</strong> dons et du mécénat privés (moins de 10 %) (Archambault,<br />

2006a). Toutefois, on ne doit pas perdre de vue que <strong>la</strong> plupart <strong>des</strong> associations<br />

fonctionnent sans ou avec très peu de financements publics,<br />

lesquels se concentrent <strong>sur</strong> un petit nombre d’associations fonctionnant<br />

en articu<strong>la</strong>tion avec l’action publique (Tchernonog, 2 010).<br />

Le développement de <strong>la</strong> commande publique matérialise le dilemme<br />

<strong>des</strong> associations bénéficiant de fonds publics : elles redoutent un<br />

désengagement financier qui limiterait leurs possibilités d’action, mais<br />

le recours aux financements publics risque aussi de restreindre leur<br />

initiative propre. La question n’est pas nouvelle car les associations ont<br />

Les actes : février 2012<br />

35


toujours regardé le financement public, et les nombreuses contraintes<br />

dont il est assorti, comme un risque d’instrumentalisation par les pouvoirs<br />

publics (Archambault, 2006b). Historiquement, le degré ultime de<br />

cette instrumentalisation est <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion de type « tuté<strong>la</strong>ire » qui s’est<br />

développée en particulier dans le secteur social et médico-social à partir<br />

<strong>des</strong> années 1970 (Enjolras, 1995) et qui se traduit un contrôle <strong>des</strong> investissements,<br />

<strong>des</strong> coûts, de <strong>la</strong> qualité, <strong>des</strong> prix et de <strong>la</strong> démographie <strong>des</strong><br />

équipements (Marival, 2008).<br />

Cette régu<strong>la</strong>tion tuté<strong>la</strong>ire est le fait de l’État et <strong>des</strong> organismes<br />

sociaux. Mais on assiste à une baisse significative de leurs financements<br />

et à un effort accru <strong>des</strong> collectivités territoriales depuis <strong>la</strong> fin <strong>des</strong> années<br />

1990 (Tchernonog, 2007). L’Acte II de <strong>la</strong> décentralisation (loi du 13 août<br />

2004 re<strong>la</strong>tive aux libertés et responsabilités locales) y a contribué en<br />

confiant de nouvelles compétences aux conseils généraux, positionnés<br />

comme « chef de file » en matière d’action sociale et médico-sociale.<br />

Ce<strong>la</strong> ne veut pas dire que le rôle d’encadrement de l’État a disparu.<br />

Dégagé <strong>des</strong> contraintes de gestion, il se recentre justement <strong>sur</strong> son rôle<br />

de cadrage et de production de normes, plus ou moins marqué selon les<br />

secteurs (Marival, 2008). Dans <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> ville, on voit également<br />

l’État « gouverner à distance » par le truchement d’agences nationales<br />

qui s’as<strong>sur</strong>ent de <strong>la</strong> mise en œuvre performante de leurs programmes<br />

par <strong>des</strong> acteurs territoriaux appelés à se conformer aux objectifs définis<br />

par ces agences (Epstein, 2 010).<br />

Couplée au re<strong>la</strong>tif désengagement financier de l’État (CPCA, France<br />

active, 2012), <strong>la</strong> décentralisation (Acte I puis Acte II) n’en p<strong>la</strong>ce pas<br />

moins les associations dans une re<strong>la</strong>tion de face à face de plus en plus<br />

exclusive avec les collectivités locales. Les municipalités et les conseils<br />

généraux sont devenus les premiers bailleurs de fond <strong>des</strong> associations<br />

(Tchernonog, 2007). La RGPP accentue ce mouvement en organisant le<br />

recentrage de l’État <strong>sur</strong> ses « missions essentielles ». Les associations<br />

ont alors tendance à se tourner vers les municipalités, une tendance qui<br />

pourrait s’accentuer encore si les régions et départements perdaient leur<br />

c<strong>la</strong>use de compétence générale dans le cadre de <strong>la</strong> « réforme territoriale<br />

». La pression qui s’exerce <strong>sur</strong> les municipalités est donc très forte<br />

pour financer les associations, car elles ne peuvent pas se défausser <strong>sur</strong><br />

un échelon inférieur ; d’autant moins que <strong>la</strong> crise accentue les deman<strong>des</strong><br />

sociales et que les administrés sont indifférents aux partages institutionnels<br />

<strong>des</strong> compétences (Pissaloux, Supplisson, 2 010).<br />

Dans le cadre de <strong>la</strong> décentralisation, le croisement <strong>des</strong> niveaux de<br />

36 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


compétence et de décision avait multiplié les financements croisés, ce<br />

qui augmentait <strong>la</strong> marge d’autonomie financière d’associations moins<br />

dépendantes qu’elles ne le sont avec un seul financeur (Demoustier,<br />

2005). Même payées au prix fort par <strong>des</strong> lourdeurs de gestion, les associations<br />

risquent de perdre cette liberté re<strong>la</strong>tive vis-à-vis d’un interlocuteur<br />

unique. L’État pousse en ce sens et le rapport Lang<strong>la</strong>is s’est fait<br />

l’écho de cette volonté en recommandant de mettre fin au système <strong>des</strong><br />

financements croisés (Lang<strong>la</strong>is, 2008). Pour certaines associations, les<br />

inconvénients du rapport de sujétion induit par <strong>la</strong> commande publique<br />

pourraient se dép<strong>la</strong>cer de l’État vers les élus locaux.<br />

Re<strong>la</strong>tion asymétrique ou dépendance réciproque ?<br />

Une dépendance accrue envers les municipalités n’est pas sans<br />

risque pour les associations. L’Acte I de <strong>la</strong> décentralisation avait déjà<br />

permis de constater <strong>la</strong> contradiction forte entre le leadership mayoral et<br />

l’idéal participatif incarné par les associations (Blondiaux et al., 1999).<br />

Les nouveaux dispositifs d’action publique territorialisés, nés en particulier<br />

dans le sil<strong>la</strong>ge de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> ville, étaient révé<strong>la</strong>teurs du<br />

caractère asymétrique de l’échange avec les institutions financeurs. La<br />

rhétorique du « partenariat » et de <strong>la</strong> « coproduction » <strong>des</strong> politiques<br />

sociales territorialisées ne pouvait masquer le fait que les associations<br />

étaient absentes <strong>des</strong> arènes où se font les vrais choix de politique locale<br />

(définition <strong>des</strong> objectifs, choix <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> d’action, etc.) (Mail<strong>la</strong>rd, 2002).<br />

Les re<strong>la</strong>tions <strong>des</strong> associations avec les élus sont en fait variables,<br />

selon l’attitude plus ou moins interventionniste de ces derniers, al<strong>la</strong>nt du<br />

clientélisme ou du copinage jusqu’au respect absolu de l’autonomie <strong>des</strong><br />

associations (Koulytchizky, Pujol, 2001) 6 . Un examen plus attentif <strong>des</strong><br />

re<strong>la</strong>tions mairies-associations montre en fait que <strong>la</strong> subordination supposée<br />

<strong>des</strong> associations est re<strong>la</strong>tive. Plusieurs facteurs <strong>vie</strong>nnent freiner<br />

<strong>la</strong> capacité <strong>des</strong> élus à régenter l’action <strong>associative</strong> <strong>sur</strong> leur territoire. La<br />

commande publique pose <strong>la</strong> question de l’existence proprement dite d’un<br />

projet politique <strong>des</strong> élus. Les municipalités peuvent avoir <strong>des</strong> finalités<br />

incertaines et être marquées par <strong>des</strong> conflits internes qui ne valident pas<br />

forcément l’idée de « maire entrepreneur » (Mail<strong>la</strong>rd, 2004). De leur côté,<br />

les associations déploient diverses stratégies pour limiter leur dépendance<br />

et préserver leur autonomie tout en accédant aux ressources qui<br />

6. Le cas de figure inverse est celui <strong>des</strong> associations parapubliques fondées, dirigées<br />

et financées par les autorités publiques. Ces associations représentent un dévoiement<br />

de l’intention du légis<strong>la</strong>teur de 1901, qui concevait l’association comme un<br />

contrat civil fondé <strong>sur</strong> <strong>la</strong> volonté individuelle <strong>des</strong> sociétaires (Amb<strong>la</strong>rd, 2001).<br />

Les actes : février 2012<br />

37


leur sont nécessaires. L’association peut ainsi s’efforcer de créer une<br />

situation de dépendance mutuelle, en développant par exemple <strong>des</strong><br />

re<strong>la</strong>tions personnelles avec les élus et les fonctionnaires territoriaux, de<br />

façon à apparaître comme un partenaire non-substituable (Fabre, 2006).<br />

Comme le rappellent plus <strong>la</strong>rgement Christian Hoarau et Jean-Louis<br />

Laville (2008), <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> associations aux pouvoirs publics prend<br />

rarement <strong>la</strong> forme d’une contrainte uni<strong>la</strong>térale : si les politiques publiques<br />

influent <strong>sur</strong> les associations, <strong>la</strong> réciproque n’est pas exclue.<br />

La théorie de <strong>la</strong> « dépendance à l’égard <strong>des</strong> ressources » forgée par<br />

Pfeffer et Sa<strong>la</strong>ncik (2003) fournit une grille d’analyse <strong>des</strong> stratégies permettant<br />

aux associations de réduire leur dépendance à l’égard de l’administration.<br />

Sur le p<strong>la</strong>n technique, elles peuvent développer une expertise<br />

afin d’augmenter <strong>la</strong> dépendance de <strong>la</strong> collectivité vis-à-vis d’elles. Sur<br />

le p<strong>la</strong>n économique, elles peuvent renforcer leurs ressources propres<br />

afin de réduire leur propre dépendance. Enfin, elles peuvent déployer<br />

<strong>des</strong> stratégies de négociation au sein de coalitions d’acteurs et chercher<br />

à peser <strong>sur</strong> les mo<strong>des</strong> d’allocation <strong>des</strong> ressources (Marival, 2008).<br />

Mais dans le contexte d’un développement <strong>des</strong> logiques de marché<br />

pouvant aiguiser les comportements individualistes <strong>des</strong> associations, se<br />

regrouper pour peser de<strong>vie</strong>nt à <strong>la</strong> fois plus difficile et plus nécessaire. Ce<br />

peut-être en effet un moyen d’éviter <strong>des</strong> coopérations imposées par les<br />

pouvoirs publics via les marchés publics (Le Floch 2001). Les fédérations<br />

et autres coordinations inter<strong>associative</strong>s s’apparentent aujourd’hui à <strong>des</strong><br />

protections (au moins potentielles) face aux contraintes exercées par les<br />

pouvoirs publics.<br />

38 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


SéAnce plénière 3<br />

L’engagement contemporain :<br />

les raisons d’agir et le sens <strong>des</strong> mutations<br />

Intervention de Catherine Lenzi, sociologue, chercheuse associée au<br />

<strong>la</strong>boratoire Printemps/CNRS, responsable du pôle enseignement supérieur,<br />

recherche et international à l’IREIS Rhône-Alpes<br />

Avant de traiter de l’engagement contemporain et de ses évolutions,<br />

il me faut au préa<strong>la</strong>ble éc<strong>la</strong>irer <strong>la</strong> notion même d’engagement. En<br />

France, l’engagement est fortement lié à l’action partisane ou au militantisme<br />

politique. On a longtemps considéré que l’engagement « noble »,<br />

l’engagement par excellence était l’engagement politique, suivi de<br />

l’engagement syndical. Les autres formes d’engagement (engagement<br />

associatif ou bénévo<strong>la</strong>t) étaient assez dépréciées. Pour preuve, ce n’est<br />

que récemment que <strong>des</strong> chercheurs, sociologues et politistes ont inclus<br />

l’engagement bénévole et associatif dans l’étude <strong>des</strong> formes de participation<br />

au débat public. Cet aveuglement général <strong>sur</strong> l’action bénévole et<br />

<strong>associative</strong> comme engagement citoyen rend difficilement perceptibles<br />

les modalités d’engagement contemporaines qui se concentrent essentiellement<br />

dans le champ associatif.<br />

Si on entend derrière le terme engagement, l’engagement partisan<br />

ou politique, il ne fait donc pas l’ombre d’un doute que les individus<br />

aujourd’hui ne se reconnaissent plus dans ces mo<strong>des</strong> de participation<br />

collective qu’ils perçoivent comme sacrificielle et en désaccord profond<br />

avec les valeurs individuelles et d’autonomie qui les animent. Ce n’est<br />

donc pas anodin si les acteurs associatifs se définissent davantage<br />

comme <strong>des</strong> individus « engagés » et affranchis <strong>des</strong> logiques d’appareil,<br />

que comme <strong>des</strong> militants, terme associé au « petit soldat de <strong>la</strong> cause ».<br />

Suivant cette même logique, les individus engagés dans une action<br />

collective et plus généralement les bénévoles associatifs, se définissent<br />

souvent comme apolitiques ou apartisans, quand bien même tout dans<br />

leur pratique, témoigne du contraire.<br />

Ainsi, l’engagement contemporain apparaît plus distancié que par le<br />

passé. Cette évolution <strong>des</strong> pratiques est analysée par certains (y compris<br />

<strong>des</strong> chercheurs) comme <strong>la</strong> marque d’un désintérêt pour <strong>la</strong> chose<br />

Les actes : février 2012<br />

39


publique et, de façon plus précise, pour <strong>la</strong> ou le politique. Mais ces<br />

formes de mobilisations relèvent-elles de logiques si différentes et diamétralement<br />

opposées aux formes « traditionnelles », qu’il faille nécessairement<br />

opposer « ancien » et « nouveau » militantisme ?<br />

Dans un premier temps lors de cette intervention, il s’agira d’interroger<br />

<strong>la</strong> réalité de ce « désengagement » et de cette « nouveauté » pour<br />

mettre en évidence dans un second temps, que loin d’être désinvestis,<br />

les individus s’engagent toujours mais dans <strong>des</strong> collectifs plus fragiles et<br />

moins en capacité de répondre à leurs attentes.<br />

Préambule à une analyse théorique de l’engagement<br />

contemporain : déconstruire le clivage ancien/nouveau<br />

Un éc<strong>la</strong>irage historique et sociologique du militantisme nous enseigne<br />

que <strong>la</strong> thématique du « nouveau » était déjà présente dans les années 70<br />

au moment où s’affaiblit le mouvement ouvrier et où l’appareil théorique<br />

marxiste de <strong>la</strong> conflictualité sociale se trouve limité pour appréhender<br />

<strong>des</strong> formes de mobilisations autrement que d’un point de vue matérialiste.<br />

Il en est ainsi <strong>des</strong> mouvements féministes, écologistes, étudiants<br />

ou régionalistes, entre autres, identifiés par Albert Melucci qui analyse<br />

« une politisation de <strong>la</strong> sphère privée, une vive attention à <strong>la</strong> dimension<br />

corporelle (et sexuelle), un intérêt pour les marges et <strong>la</strong> déviance, un désir<br />

d’autonomie et d’indépendance à l’égard de l’État et de ses appareils<br />

de contrôle social (joint à un désintérêt marqué à l’égard <strong>des</strong> enjeux de<br />

pouvoir), un fort accent <strong>sur</strong> <strong>la</strong> solidarité, <strong>la</strong> spontanéité et <strong>la</strong> participation<br />

directe, un rejet <strong>des</strong> hiérarchies, de l’autorité et de <strong>la</strong> délégation de pouvoir<br />

». (Melucci, 1980 in Mathieu, 2004a, p. 30).<br />

Ainsi, le passage à un nouveau registre de l’action collective, re<strong>la</strong>tif<br />

à <strong>la</strong> défense de l’autonomie et de l’identité personnelle (Cohen, 1985)<br />

est l’enjeu de <strong>la</strong> rhétorique postmatérialiste. La thèse, alimentée par<br />

les travaux de Ronald Inglehart (1977), tendant à démontrer qu’à partir<br />

du moment où les sociétés occidentales satisfont les besoins matériels<br />

immédiats, les revendications évoluent vers <strong>des</strong> enjeux postmatérialistes,<br />

qualitatifs, culturels et identitaires (qualité de <strong>vie</strong>, souci de l’environnement<br />

et de soi…), va également dans ce sens.<br />

À l’opposé <strong>des</strong> Trente Glorieuses, le chômage de masse et <strong>la</strong> précarisation<br />

de l’emploi, ont rapidement recentré les mobilisations <strong>sur</strong><br />

<strong>des</strong> enjeux matériels. Néanmoins, au-delà <strong>des</strong> faiblesses préjudiciables<br />

du modèle d’analyse, on peut malgré tout reconnaître à <strong>la</strong> théorie <strong>des</strong><br />

40 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


« nouveaux mouvements sociaux » le mérite d’avoir favorisé un dépassement<br />

<strong>des</strong> modèles réducteurs d’interprétations de l’action collective<br />

hérités de l’analyse économique (Neveu, 1996). Grosso modo, au-delà<br />

de l’interprétation centrale de l’action collective, comme réponse aux<br />

contradictions du système capitaliste, deux acceptions à partir <strong>des</strong><br />

années 70 se font jour. La théorie de <strong>la</strong> mobilisation <strong>des</strong> ressources,<br />

constitue le cadre théorique de référence dans les années 80. De filiation<br />

olsonnienne (1978), impulsée entre autres par Anthony Oberschall (1973)<br />

et Charles Tilly (1986), elle se fonde <strong>sur</strong> <strong>la</strong> théorie du choix rationnel ou<br />

de l’utilitarisme et prête aux acteurs sociaux une capacité à reconnaître<br />

les fins de leur action et à se doter <strong>des</strong> moyens pour tenter d’y parvenir.<br />

À côté d’une lecture économique <strong>des</strong> conduites militantes, <strong>la</strong> seconde<br />

approche, celle de <strong>la</strong> théorie <strong>des</strong> « nouveaux mouvements sociaux »<br />

considère que l’action fait « sens » (Touraine, in Wieviorka, 2000). La<br />

rencontre entre les deux acceptions permettra in fine d’enrichir les acquis<br />

de <strong>la</strong> « mobilisation <strong>des</strong> ressources » en limitant le modèle de l’homo<br />

economicus à ses justes proportions. Pour partie, ces transformations<br />

conceptuelles visent à une complexification du modèle rationnel justifiant<br />

que <strong>des</strong> incitations d’ordre social et identitaire (et pas seulement matériel)<br />

expliquent l’action.<br />

En outre, Erik Neveu (1996) précise que <strong>la</strong> science politique a longtemps<br />

analysé le militantisme par un travail d’objectivation <strong>des</strong> déterminants<br />

macrosociologiques, tels que le statut social et <strong>la</strong> socialisation<br />

familiale. Ce faisant, elle <strong>la</strong>issait de côté tout un pan ethnographique de<br />

<strong>la</strong> construction <strong>des</strong> engagements qui explore l’expérience vécue du militantisme<br />

comme système de « rétribution » et déterminants de l’action.<br />

Dès lors, « une meilleure compréhension du militantisme implique aussi<br />

de le penser au quotidien » (Neveu, 1996, p. 72). Afin de comprendre<br />

pourquoi certains militent, tandis que d’autres demeurent passifs – point<br />

obscur de <strong>la</strong> théorie de <strong>la</strong> « mobilisation <strong>des</strong> ressources » – il importe<br />

de comprendre les « intérêts » en action <strong>des</strong> militants (Ibid.). S’inspirant<br />

d’une lecture olsonnienne de l’engagement, Daniel Gaxie (1977) a montré,<br />

en étudiant le parti communiste, que le militantisme dépendait de<br />

rétributions, à <strong>la</strong> fois symboliques et matérielles. La notion de rétribution<br />

comme incitation engageant à l’action collective, au cœur de l’approche<br />

olsonnienne, se charge ici d’un souffle nouveau. L’auteur dresse une liste<br />

<strong>des</strong> gains, pratiques, émotionnels et identitaires que procure un parti et<br />

qui constituent autant d’incitations à l’engagement. Procédant de cette<br />

même logique, l’anthropologie de l’intérêt de Pierre Bourdieu dépasse <strong>la</strong><br />

notion réductrice de l’utilitarisme (calculs/intérêts) pour y adjoindre celle<br />

de raison d’agir ou d’action raisonnable. Ainsi, le « sens » symbolique<br />

Les actes : février 2012<br />

41


que produit l’action collective peut avoir un effet engageant, intensifiant<br />

<strong>la</strong> mobilisation et le dévouement de certains. Par l’angle d’approche de<br />

l’économie <strong>des</strong> pratiques, se trouve explicité le militantisme de certains<br />

qui réside dans le fait que l’action collective confère une reconnaissance<br />

sociale ou un entre-soi, à l’origine d’implications « disproportionnées »<br />

(effets <strong>sur</strong>impliquant).<br />

Comparativement à <strong>la</strong> logique <strong>des</strong> prédispositions ou de l’appartenance<br />

sociale (socialisations antérieures) et à celle <strong>des</strong> intérêts dans <strong>la</strong><br />

gratification matérielle et symbolique tirées de cette adhésion, les analyses<br />

contemporaines <strong>sur</strong> l’engagement militant visent à dépasser ces<br />

deux positions, afin d’adopter un angle de vue plus processuel (Fillieule,<br />

2001). Ces analyses accordent un intérêt significatif au contexte. Au-delà<br />

d’une analyse objectivante en termes de structures et de ressources, en<br />

empruntant à un cadre d’analyse constructiviste, elles tentent d’éc<strong>la</strong>irer<br />

<strong>la</strong> façon dont les mobilisations produisent <strong>des</strong> justifications (gratifications<br />

symboliques) et renvoient aussi à l’expérience subjective de<br />

l’engagement. Dans cette perspective, on peut citer l’apport <strong>des</strong> travaux<br />

de Johanna Siméant (1998 ; 2001) <strong>sur</strong> les sans papiers, qui se donnent<br />

comme objectif, en articu<strong>la</strong>nt les trois logiques explicatives de l’engagement<br />

– intérêts, prédispositions et contexte ou facteurs déclenchants,<br />

actualisant <strong>des</strong> prédispositions –, de mettre au jour les raisons pour<br />

lesquelles certains restent actifs et d’autres se désengagent.<br />

Procédant d’une logique analogue, <strong>des</strong> travaux récents 1 interrogent<br />

les engagements non plus comme <strong>la</strong> seule conséquence d’intérêts et de<br />

choix personnels, pour lesquels l’action collective marque <strong>des</strong> rétributions<br />

ou gratifications (matérielles ou symboliques) ou comme <strong>la</strong> résultante de<br />

normes héritées de socialisations antérieures qui façonnent les conduites<br />

militantes (habitus politiques, socialisation religieuse…), mais comme le<br />

produit d’un processus d’ajustement (Sawicki, 2003 ; Haward-Duclos et<br />

Nicourd, 2005) fragile qui fait le lien entre une trajectoire personnelle et<br />

une organisation qui le suscite. Cette posture entend rompre avec les<br />

analyses issues d’un individualisme « optimiste », illustré notamment en<br />

France par les travaux de Jacques Ion (1999, 2005), qui expliquent les<br />

changements actuels dans le paysage militant comme <strong>la</strong> marque d’une<br />

mutation <strong>des</strong> formes de mobilisation, et dépeignent un activisme plus<br />

distancié et affranchi, valorisant <strong>la</strong> réflexivité du « nouveau » militantisme.<br />

1. Voir notamment : A. Collovald, 2002 ; B. Havard Duclos et S. Nicourd, 2005 ;<br />

O. Fillieule, 2001 ; Péchu, 1996-2001 ; Sawicki, 2003.<br />

42 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


« Au militant dévoué et fidèle, fonctionnant à l’appartenance identitaire<br />

et à l’engagement illimité, aurait succédé un militant plus autonome à<br />

l’égard <strong>des</strong> organisations, mobilisé <strong>sur</strong> <strong>des</strong> objectifs concrets, mo<strong>des</strong>tes<br />

et spécialisés mais utiles, <strong>sur</strong> <strong>des</strong> durées limitées. L’action de<strong>vie</strong>ndrait<br />

plus importante que l’affiliation, dans un idéal tout autant libéral que libertaire<br />

» (Havard-Duclos et Nicourd, 2005, p. 171).<br />

Comprendre les « raisons d’agir » et le sens <strong>des</strong> engagements<br />

pour une analyse plus complexe <strong>des</strong> défections<br />

Suivant cette même approche, nous proposons de rendre lisibles les<br />

raisons d’agir qui motivent et orientent les conduites <strong>des</strong> individus qui, si<br />

elles ne sont pas forcément liées à <strong>la</strong> thèse utilitariste, ne sont pas pour<br />

autant <strong>des</strong> « actes gratuits », c’est-à-dire non motivés.<br />

Afin de rendre compte <strong>des</strong> logiques d’engagement, nous choisissons<br />

d’emprunter <strong>la</strong> lecture offerte par Pierre Bourdieu dans « Raisons<br />

pratiques » (1994) de l’acte d’investissement, comme d’un acte désintéressé,<br />

sans pour autant que celui-ci n’obéisse à aucune logique ou<br />

raison d’agir.<br />

Dans nombre de cas, le sens de l’acte d’engagement renvoie moins<br />

à <strong>la</strong> notion d’intérêt – au sens d’un calcul stratégique et rationnel – qu’à<br />

celle d’illusio, théorisée par Pierre Bourdieu : « L’illusio, c’est le fait d’être<br />

pris au jeu, d’être pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut <strong>la</strong> chandelle,<br />

ou, pour dire les choses simplement, que ça vaut <strong>la</strong> peine de jouer »<br />

(Bourdieu, 1994, p. 151). Toutefois, le jeu n’a de signification pour les<br />

individus que s’ils sont pris dans un champ d’actions qui permet de<br />

connaître et de reconnaître le jeu et ses enjeux, ce qui aura d’autant<br />

plus de chances de se produire que l’individu aura été ou non structuré<br />

conformément aux structures du champ en question. Ainsi le sens du<br />

jeu ou de l’engagement est à rechercher dans les habitus collectifs, mais<br />

aussi individuels – ou dispositions congruentes (Lahire, 2005) – incorporés<br />

dans les différentes expériences de socialisations antérieures, que<br />

l’expérience de l’engagement dévoile en quelque sorte.<br />

Dès lors, ce qui nous intéresse ici est moins de mettre en lumière un<br />

hypothétique « nouveau » militantisme, forcément mieux que l’ancien,<br />

qui participe à jeter un discrédit <strong>sur</strong> les mouvements plus traditionnels,<br />

mais bien de cibler <strong>la</strong> façon dont l’expérience même de l’engagement<br />

produit ou non du sens pour les individus qui y participent et justifie leur<br />

adhésion dans <strong>la</strong> durée.<br />

Les actes : février 2012<br />

43


Bénédicte Havard-Duclos et Sandrine Nicourd, à partir d’une analyse<br />

<strong>des</strong> processus d’engagement observés dans <strong>des</strong> associations de<br />

solidarité, ont montré que l’intensité <strong>des</strong> engagements dépendait de<br />

<strong>la</strong> façon dont les organisations répondent aux attentes <strong>des</strong> militants<br />

<strong>sur</strong> quatre registres : « l’utilité sociale, le sens de l’engagement pour <strong>la</strong><br />

trajectoire personnelle, le p<strong>la</strong>isir apporté par une sociabilité et un statut<br />

satisfaisants, <strong>la</strong> légitimité de l’engagement au regard <strong>des</strong> normes sociales<br />

dominantes » (Havard-Duclos et Nicourd, 2005, p. 194).<br />

Les associations étant porteuses pour les individus de ressources<br />

diverses, tant matérielles, que symboliques ou identitaires, les auteures<br />

observent que le degré de mobilisation <strong>des</strong> militants est corrélé avec<br />

<strong>la</strong> possibilité qui leur est donnée de compenser ou non leur investissement<br />

dans l’association dans d’autres sphères du monde social. Grosso<br />

modo, plus l’individu est soutenu par <strong>des</strong> liens sociaux denses (familiaux<br />

ou professionnels par exemple) et plus son investissement est distancié<br />

et inversement : <strong>des</strong> personnes « fragiles » ayant peu de lien d’attache<br />

ont tendance à créer <strong>des</strong> liens de dépendance forts qui les font se rapprocher<br />

du « militant total ».<br />

Dès lors, nous retenons à travers ce modèle d’analyse que les collectifs<br />

sont pourvoyeurs de ressources : rétributions matérielles/symboliques/identitaires,<br />

qui sont les conditions indispensables à l’implication<br />

<strong>des</strong> militants. La manière dont le collectif met en scène <strong>la</strong> sociabilité militante,<br />

dont il construit les reconnaissances est fondamentale pour expliquer<br />

pourquoi certaines attentes <strong>des</strong> individus sont prises en compte<br />

alors que d’autres ne sont saisies nulle part.<br />

Pour limiter les défections, fidéliser, entretenir les vocations, les associations<br />

doivent donc répondre aux bénévoles <strong>sur</strong> les quatre registres<br />

identifiés plus haut. Si l’utilité de l’engagement n’est plus perceptible,<br />

tant de <strong>la</strong> part <strong>des</strong> professionnels, <strong>des</strong> bénévoles, que <strong>des</strong> personnes<br />

<strong>des</strong>tinataires de l’action, les raisons de partir prennent le <strong>des</strong>sus. Quand<br />

il y a absence de résonance biographique et moins d’enjeux identitaires,<br />

on observe plus de désengagement.<br />

Dès lors, les raisons du turnover ou du désengagement sont moins à<br />

chercher dans <strong>la</strong> montée de « l’individualisme » ou le désintérêt de nos<br />

concitoyens pour <strong>la</strong> cité que dans les difficultés pour les associations de<br />

définir les réponses qu’elles sont susceptibles d’apporter aux attentes<br />

individuelles (Havard-Duclos et Nicourd, 2005, p. 194).<br />

44 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Pour conclure : le contexte socio-économique et <strong>la</strong> fragilité<br />

<strong>des</strong> collectifs d’engagement<br />

Le contexte socio-économique actuel p<strong>la</strong>ce activement les associations<br />

dans le champ de l’action sociale et modifie en profondeur<br />

leur mode d’organisation. Acculées à se transformer en prestataire de<br />

service, les associations mutent en profondeur et sont traversées de<br />

logiques contradictoires. La nécessité de leur <strong>sur</strong><strong>vie</strong> économique impose<br />

<strong>des</strong> critères de fonctionnement proche de l’entreprise : on le voit dans<br />

les pratiques, dans les opportunités d’emplois qui y sont créés, dans<br />

les critères d’évaluation : (avoir <strong>des</strong> résultats démontrables, dépenser<br />

une énergie à chercher <strong>des</strong> subventions sont autant de contraintes qui<br />

imposent d’avoir une solide détermination politique pour ne pas se replier<br />

<strong>sur</strong> l’assistance ou <strong>des</strong> pratiques dérivées de <strong>la</strong> réparation).<br />

Comment, dans un tel contexte de rationalisation, les associations<br />

peuvent continuer à produire <strong>des</strong> normes politiques ? Traversées par une<br />

logique de professionnalisation accrue à me<strong>sur</strong>e qu’elles se technicisent<br />

pour répondre à <strong>la</strong> commande sociale, comment peuvent-elles encore<br />

produire de « bonnes raisons d’agir » ?<br />

La sociabilité <strong>des</strong> associations continue à retenir, mais <strong>la</strong> complexité<br />

<strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions entre professionnels et bénévoles peut produire <strong>des</strong> défections.<br />

La reconnaissance accrue <strong>des</strong> associations par <strong>la</strong> professionnalisation<br />

participe à discréditer le bénévo<strong>la</strong>t. De <strong>la</strong> même façon, le discours<br />

dominant de résultat, d’efficacité <strong>des</strong> actions contribue à rendre difficile<br />

pour les associations de défendre <strong>des</strong> logiques émancipatrices et éducatives<br />

qui s’inscrivent dans <strong>la</strong> durée et produisent du sens pour l’action.<br />

En effet, <strong>la</strong> culture de l’urgence qui traverse toutes les associations<br />

contribue à rendre difficile <strong>la</strong> défense d’actions éducatives, inscrites dans<br />

<strong>des</strong> temporalités plus longues que celle de <strong>la</strong> réparation et plus difficilement<br />

me<strong>sur</strong>ables et quantifiables.<br />

Du coup, s’il est moins question d’observer un « nouveau » militantisme,<br />

on peut faire le constat d’une tendance générale de <strong>la</strong> fragilité <strong>des</strong><br />

collectifs à tenir dans <strong>la</strong> durée les engagements <strong>des</strong> militants à travers<br />

<strong>des</strong> gratifications fortes.<br />

Ne s’agit-il pas pour elles de se recentrer <strong>sur</strong> le projet associatif, de<br />

se réapproprier l’espace commun, de re-politiser l’action ? De redonner<br />

du sens à l’action (sens collectif et individuel) ? Et de reconnaître <strong>la</strong> portée<br />

politique <strong>des</strong> engagements ?<br />

Les actes : février 2012<br />

45


Ne s’agit-il pas pour ces associations de déconstruire cette rhétorique<br />

du résultat, de l’urgence, pour repenser les actions dans le long<br />

terme ? Les associations sont mobilisées <strong>sur</strong> <strong>des</strong> objectifs courts, ce qui<br />

affaiblit <strong>la</strong> capacité qu’elles ont à construire <strong>des</strong> marges de manœuvre<br />

garantes de leur capacité d’expérimentation sociale et de transformation<br />

sociale.<br />

De cette façon, les associations ont à l’avenir à réfléchir à <strong>la</strong> façon<br />

dont elles peuvent résister aux injonctions <strong>des</strong> financeurs et aux injonctions<br />

<strong>des</strong> <strong>des</strong>tinataires de l’action. À <strong>la</strong> façon dont elles peuvent continuer<br />

à produire <strong>des</strong> ressources identitaires, <strong>des</strong> reconnaissances fortes<br />

pour ceux et celles qui s’y engagent, tout en s’organisant pour <strong>la</strong> <strong>sur</strong><strong>vie</strong><br />

de leur structure.<br />

C’est peut-être aussi et <strong>sur</strong>tout dans le lien paradoxal qu’elles entretiennent<br />

avec l’État, que les associations ont à réfléchir leur action. On dit<br />

partout que les associations sont fondamentales pour <strong>la</strong> création du lien<br />

social, qu’elles sont utiles, mais les recompositions <strong>des</strong> financements<br />

fragilisent <strong>la</strong> pérennité <strong>des</strong> actions et <strong>des</strong> emplois et donc <strong>la</strong> possibilité<br />

d’inscrire les actions dans <strong>la</strong> durée et de produire un travail de fond,<br />

de prévention, d’éducation qui produit du sens pour les personnes qui<br />

s’engagent et les <strong>des</strong>tinataires de l’action.<br />

46 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Séance plénière 4<br />

Professionnalisation, quête de performance :<br />

Le modèle de l’entreprise s’impose-t-il<br />

aux bénévoles, aux sa<strong>la</strong>riés<br />

et aux volontaires <strong>des</strong> associations ? »<br />

Intervention de Jean-Louis Laville, sociologue et économiste,<br />

professeur au Conservatoire national <strong>des</strong> arts et métiers (Cnam)/Lise. Ifris,<br />

CNRS *<br />

De <strong>la</strong> légitimité à <strong>la</strong> professionnalisation<br />

Contrairement à l’entreprise qui est formée par <strong>des</strong> actionnaires<br />

attendant un retour <strong>sur</strong> leur investissement, l’association tire sa légitimité<br />

d’un autre registre : sa création s’explique par l’importance accordée<br />

à un bien commun <strong>sur</strong> lequel se rassemblent les membres fondateurs.<br />

Toutefois, pour s’inscrire dans <strong>la</strong> durée, l’association doit trouver <strong>la</strong><br />

possibilité d’étayer <strong>la</strong> référence à ce bien commun <strong>sur</strong> <strong>des</strong> conceptions<br />

partagées et <strong>des</strong> dispositifs susceptibles de conforter l’action collective<br />

initiée par les créateurs.<br />

Plusieurs logiques peuvent ainsi être distinguées à partir de l’observation<br />

<strong>des</strong> trajectoires <strong>associative</strong>s.<br />

• La logique d’entraide met l’accent <strong>sur</strong> l’égalité entre les participants<br />

et <strong>la</strong> priorité accordée à leur auto-organisation d’une activité économique,<br />

elle est mise en œuvre par <strong>des</strong> membres qui sont aussi<br />

<strong>des</strong> usagers pour les services qu’ils promeuvent.<br />

• La logique de mouvement part plus d’une revendication et d’une<br />

volonté de transformation sociale ; elle privilégie l’expression poli-<br />

* Cette contribution a pour objet d’indiquer quelques repères théoriques visant à<br />

analyser <strong>la</strong> professionnalisation <strong>des</strong> associations et à susciter un débat <strong>sur</strong> les enseignements<br />

pour l’action. Il ne s’agit que d’éléments rassemblés à titre exploratoire et<br />

appe<strong>la</strong>nt un travail collectif d’approfondissement.<br />

Les actes : février 2012<br />

47


tique par rapport à <strong>la</strong> production, l’engagement par une même<br />

« cause » et <strong>la</strong> mobilisation en faveur de celle-ci.<br />

• La logique d’aide relève plus de <strong>la</strong> compassion et de <strong>la</strong> bienveil<strong>la</strong>nce<br />

vis-à-vis <strong>des</strong> plus démunis, les promoteurs se différenciant<br />

<strong>des</strong> bénéficiaires de l’action.<br />

• La logique domestique privilégie les liens affectifs, <strong>la</strong> cooptation<br />

autour d’un leader charismatique qui conçoit <strong>la</strong> structure comme<br />

l’extension du domaine privé et valorise <strong>la</strong> fidélité au groupe fondateur<br />

et les re<strong>la</strong>tions personnelles.<br />

Les associations qui se définissent par leur identité <strong>la</strong>ïque se<br />

retrouvent d’abord autour <strong>des</strong> logiques de mouvement et d’entraide<br />

sans toutefois que les autres logiques soient absentes, les logiques<br />

domestique et d’aide pouvant être à l’origine de certaines démarches.<br />

Impulsées à partir d’une ou plusieurs de ces logiques dans lesquelles<br />

elles puisent leur légitimité, les associations comme tout autre action<br />

collective se trouvent confrontées avec le temps à un processus de<br />

rationalisation 1 organisationnelle cherchant à concilier division et coordination<br />

<strong>des</strong> activités.<br />

Comme l’a mis en évidence Jean Gadrey 2 , ce processus peut<br />

toutefois emprunter deux modalités : <strong>la</strong> rationalisation taylorienne qui<br />

repose <strong>sur</strong> une séparation tranchée entre les tâches de conception et<br />

d’exécution de<strong>vie</strong>nt le modèle dominant dans l’industrie ; mais il existe<br />

une rationalisation professionnelle dans <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> formalisation procède<br />

par construction de routines, typification <strong>des</strong> cas et apprentissage par<br />

échanges entre les sa<strong>la</strong>riés. Cette seconde rationalisation va jouer un<br />

rôle majeur dans <strong>la</strong> trajectoire de multiples associations. En effet, dans<br />

<strong>la</strong> période d’expansion dite <strong>des</strong> « Trente Glorieuses », le fonctionnement<br />

associatif peut s’appuyer <strong>sur</strong> une augmentation forte <strong>des</strong> financements<br />

publics, accru par les connivences entretenues avec les responsables<br />

de l’appareil d’État et prenant source, par exemple, dans les réseaux<br />

de résistance. Il en résulte une importance <strong>des</strong> associations dans l’institutionnalisation<br />

<strong>des</strong> professions au sein de différents champs d’activité<br />

(éducation popu<strong>la</strong>ire, social, culture…).<br />

Ainsi, les associations d’éducation popu<strong>la</strong>ire, dès 1945, créent <strong>des</strong><br />

formations diversifiées pour le personnel de maisons d’enfants, pour les<br />

1. La contribution fondatrice à cet égard est celle de M. Weber pour qui le processus<br />

de rationalisation caractérise <strong>la</strong> société moderne, cf. M. Weber, « Economie et société<br />

– Les catégories de <strong>la</strong> sociologie », tome 1, Paris, Plon, 1995 (traduction française).<br />

2. J. Gadrey, « Services : <strong>la</strong> productivité en question », Paris, Desclée de Brouwer, 1996.<br />

48 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


maîtres d’internat du second degré, pour les moniteurs d’adolescents et<br />

les cadres de vil<strong>la</strong>ges d’enfants auxquelles s’ajoutent, à partir de 1949,<br />

les stages infirmiers d’hôpitaux psychiatriques. Dans les années 1960<br />

et 1970, les diplômes d’état de moniteurs et de directeurs de colonies<br />

de vacances sont créés, les éducateurs spécialisés se voient régis par<br />

une convention collective et <strong>des</strong> diplômes sont institués avec habilitation<br />

<strong>des</strong> associations.<br />

Comme les associations concernées participent de cette reconnaissance<br />

de nouvelles professionnalités une confusion s’instaure entre ce<br />

rôle et les logiques qui ont présidé à leur création. En fait, les logiques<br />

mentionnées précédemment présentes lors de l’émergence sont rabattues<br />

progressivement <strong>sur</strong> une logique publique c’est-à-dire qu’une<br />

banalisation s’exerce amenant à ce que les associations se rapprochent<br />

de services publics. Le poids <strong>des</strong> professionnels de métier de<strong>vie</strong>nt<br />

important parce que leur expertise les amène à définir les deman<strong>des</strong> <strong>des</strong><br />

usagers et parce que les postes de direction et d’encadrement supérieur<br />

sont prioritairement affectés à ces professionnels dotés d’une forte expérience<br />

dans les métiers pratiqués.<br />

La professionnalisation apparaît alors comme le prolongement de ce<br />

qui était visé dans <strong>des</strong> logiques initiales d’entraide ou de mouvement<br />

passant désormais au second p<strong>la</strong>n. Son analyse comme phénomène<br />

central aux associations de <strong>la</strong> période d’expansion met en évidence plusieurs<br />

caractéristiques qui font ressortir sa complexité dès lors que l’on<br />

entre dans le détail.<br />

• Les rapports générationnels à <strong>la</strong> professionnalité peuvent s’avérer<br />

très différents, ce qui amène à identifier les principaux « groupes<br />

générationnels » tels qu’ils ressortent de l’histoire. La différenciation<br />

<strong>des</strong> comportements au travail selon ces groupes générationnels<br />

apparaît très explicative de démarcations dans les pratiques<br />

sociales <strong>des</strong> sa<strong>la</strong>riés.<br />

• L’évolution du répertoire <strong>des</strong> professionnalités peut être une source<br />

importante de différences internes. Il peut s’agir de variantes de <strong>la</strong><br />

définition de professionnalité au sein d’un même métier souvent<br />

liées aux différences de génération qui <strong>vie</strong>nnent d’être citées. Il<br />

peut s’agir aussi du passage d’une profession unique à une pluralité<br />

de professions.<br />

Des professionnalités peu définies quant à leur contenu peuvent<br />

engendrer <strong>des</strong> identités au travail mal as<strong>sur</strong>ées. La définition formelle <strong>des</strong><br />

activités peut être en retard <strong>sur</strong> les activités réellement exercées. Dans<br />

Les actes : février 2012<br />

49


de nombreux cas, c’est <strong>la</strong> confrontation directe à <strong>des</strong> problèmes sociaux<br />

et culturels d’époque qui l’explique : les associations sont souvent « en<br />

première ligne » face à <strong>des</strong> problèmes pour lesquels les règles héritées,<br />

y compris professionnelles, sont dépassées. D’où l’importance et <strong>la</strong><br />

difficulté d’une analyse approfondie du patrimoine collectif de savoirs<br />

et de savoir-faire détenus par l’association. Quand il y a absence de<br />

correspondance actualisée en principes généraux d’action et pratiques<br />

sociales en œuvre, on pourrait dire que les pratiques sont en avance <strong>sur</strong><br />

leur conceptualisation.<br />

En outre, l’explicitation de <strong>la</strong> professionnalité n’est pas une opération<br />

aisée. Répertorier les savoirs neufs, les transformer en compétences<br />

opératoires et transmissibles dans le cadre d’une formation <strong>sur</strong> le tas<br />

ou théorique ; se réapproprier de <strong>la</strong> reconnaissance de cette professionnalisation<br />

par rapport à de nouvelles deman<strong>des</strong> sociales : toutes ces<br />

exigences et contraintes peuvent conduire à s’éloigner du projet associatif.<br />

C’est le constat déjà réalisé dans le cadre <strong>des</strong> fonctionnements<br />

organisés du travail social en entreprises, dans les quartiers, dans les<br />

administrations et collectivités locales. L’esprit militant et les capacités<br />

professionnelles de travailleurs sociaux se heurtent bien souvent aux<br />

enjeux statuaires et au souci de carrière ou encore aux contraintes <strong>des</strong><br />

rapports organisés, au point de perdre le désir d’innovation originel 3 . De<br />

tels changements peuvent aussi bien guetter les volontés <strong>associative</strong>s.<br />

En somme, les processus de professionnalisation ne peuvent pas<br />

être saisis de manière statique, ils sont à reconstruire chronologiquement.<br />

Les professions qui sont légitimées par l’existence de conventions<br />

collectives et de négociations sociales régulières sont à distinguer <strong>des</strong><br />

professions en émergence comme <strong>des</strong> statuts relevant du traitement<br />

social du chômage.<br />

Une succession de crises<br />

Cette emprise de <strong>la</strong> professionnalisation est perturbée par <strong>la</strong> succession<br />

de crises qui s’amorce dès les années 1970 avec une première<br />

crise <strong>des</strong> valeurs. À cette époque, de nouveaux mouvements sociaux<br />

(écologiques, féministes,…) soulignent que <strong>la</strong> conflictualité sociale ne se<br />

réduit pas à <strong>la</strong> lutte entre capital et travail. L’effritement de l’idéologie du<br />

progrès et du patriarcat, qui avait constitué un socle culturel implicite de<br />

<strong>la</strong> société antérieure, commence à se manifester. L’une <strong>des</strong> questions<br />

3. Le problème de <strong>la</strong> réponse professionnalisée à une demande sociale neuve a été<br />

particulièrement étudié par G. Latrielle, La naissance <strong>des</strong> professions, Lyon, 1982<br />

50 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


posées dans cette première crise concerne le déficit démocratique de<br />

l’État social traditionnel : trop confiant envers les qualifications <strong>des</strong> sa<strong>la</strong>riés<br />

professionnels, il a pu considérer les usagers plus comme <strong>des</strong> assujettis<br />

que comme <strong>des</strong> co-concepteurs <strong>des</strong> activités les concernant. À<br />

l’exclusion de <strong>la</strong> parole <strong>des</strong> sa<strong>la</strong>riés quant à l’organisation du travail dans<br />

le paradigme taylorien fait écho l’invalidation de l’expression <strong>des</strong> usagers<br />

dans l’État providence. À partir de ce moment-là, en réaction contre<br />

le pouvoir <strong>des</strong> professionnels, <strong>des</strong> innovations dans <strong>la</strong> société civile<br />

se fixent pour objectif de considérer les usagers comme <strong>des</strong> citoyens<br />

et de les impliquer dans <strong>la</strong> co-construction de services associatifs, de<br />

même que les volontaires. Des structures juridiques sont adoptées dans<br />

plusieurs pays pour faciliter cette démarche et instaurer une nouvelle<br />

logique, une logique multi<strong>la</strong>térale qui vise à garantir <strong>la</strong> participation <strong>des</strong><br />

différentes catégories d’acteurs (sa<strong>la</strong>riés, bénévoles, usagers auxquels<br />

peuvent s’adjoindre les collectivités publiques…)<br />

À cette crise de valeurs succède une crise « économique » s’amorçant<br />

dans les années 1980 pour aller jusqu’à <strong>la</strong> crise systémique actuelle.<br />

Les théoriciens monétaristes qui incitent les gouvernements à abandonner<br />

les préceptes keynésiens p<strong>la</strong>ident pour une compétitivité supposant<br />

le désengagement de l’État considéré comme trop envahissant et coûteux.<br />

Traduction en termes de gestion, le « new public management » se<br />

diffuse et propose <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> importées <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> entreprises privées,<br />

censées améliorer l’efficacité et efficience. C’est une autre étape de<br />

<strong>la</strong> professionnalisation qui s’impose, non pas fondée <strong>sur</strong> le métier mais<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> gestion, les cadres dirigeants sont désormais sélectionnés plus<br />

pour leur maîtrise de <strong>la</strong> gestion que pour leur expérience <strong>des</strong> activités.<br />

Fréquemment, ils ont été les agents d’un isomorphisme mimétique en<br />

se faisant les promoteurs d’une logique privée que « le développement<br />

de contraintes légis<strong>la</strong>tives, en termes de comptabilité et d’audit, proches<br />

de celles <strong>des</strong> sociétés commerciales » 4 a renforcé (p<strong>la</strong>n comptable spécifique<br />

et règlement 99-01 du 16 février 1999 du Conseil national de <strong>la</strong><br />

comptabilité, loi comptable 99-01 et loi du 15 mai 2001, instruction fiscale<br />

de 1998, loi organique aux lois de finances entrée en vigueur le 1 er jan<strong>vie</strong>r<br />

2006 pour faire passer l’État d’une « culture de moyen » à une « culture de<br />

résultat »). Autrement dit, les associations ont été touchées par le managérialisme<br />

5 , ce système de <strong>des</strong>cription, d’explication et d’interprétation du<br />

4. P. Avare, S. Sponem, « Le managérialisme et les associations », in C. Hoarau,<br />

J.L. Laville, La gouvernance <strong>des</strong> associations, Toulouse, Erès, 2009.<br />

5. J.F. Chan<strong>la</strong>t, Sciences sociales et management. P<strong>la</strong>idoyer pour une anthropologie<br />

générale, Québec, Presses de l’Université Laval, Éditions Eska, 2000.<br />

Les actes : février 2012<br />

51


monde à partir <strong>des</strong> catégories de <strong>la</strong> gestion caractérisé « par <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qu’il<br />

accorde à <strong>la</strong> notion de performance, par l’importance prise par <strong>la</strong> rationalité<br />

instrumentale et par <strong>la</strong> mise en avant <strong>des</strong> concepts d’auditabilité et de<br />

responsabilité » 6 . Une partie <strong>des</strong> associations se tourne vers une logique<br />

privée qui ne prend plus référence <strong>sur</strong> le modèle public mais <strong>sur</strong> l’entreprise<br />

privée, privilégiant les alliances avec les grands groupes comme ce<strong>la</strong><br />

a été conceptualisé dans l’approche du « social business » 7 .<br />

De l’analyse à l’action<br />

En résumé, le rapport à <strong>la</strong> professionnalisation s’avère complexe.<br />

Dans <strong>la</strong> période d’expansion, les associations ont été reconnues par un<br />

État aux moyens croissants. Elles sont devenues <strong>des</strong> auxiliaires fonctionnels<br />

<strong>des</strong> pouvoirs publics afin de corriger les effets perturbateurs<br />

du marché et as<strong>sur</strong>er <strong>la</strong> cohésion sociale. L’État-providence a financé<br />

de fortes créations d’emploi dans les associations. Ceci a conduit à<br />

valoriser le travail <strong>des</strong> professionnels. La nécessité et l’obligation d’une<br />

technicité demandée par l’État aux associations renforcent l’importance<br />

du professionnalisme par rapport au bénévo<strong>la</strong>t et l’effacement <strong>des</strong> activités<br />

volontaires dans les associations gestionnaires au profit du travail<br />

sa<strong>la</strong>rié. Dans les années 1970 le rôle prééminent <strong>des</strong> professionnels a été<br />

contesté au nom du droit d’expression <strong>des</strong> usagers et <strong>des</strong> volontaires.<br />

Depuis les années 1980 une autre vague de professionnalisation s’est<br />

pourtant répandue, une professionnalisation gestionnaire.<br />

La récapitu<strong>la</strong>tion de tous ces éléments amène à une position nuancée.<br />

Le fonctionnement associatif se trouve confronté à une dynamique<br />

sociale spécifique de <strong>la</strong> professionnalisation. D’une part, <strong>la</strong> professionnalisation<br />

doit être suffisante pour <strong>sur</strong>vivre et se pérenniser. D’autre part, <strong>la</strong><br />

professionnalisation doit être contrôlée, voire autolimitée pour respecter<br />

les valeurs du projet et l’engagement. Trop de spécialisations professionnelles<br />

engoncent <strong>la</strong> dynamique sociale dans le carcan <strong>des</strong> spécialisations<br />

et <strong>des</strong> fragmentations. Inversement, trop de bénévo<strong>la</strong>t rend <strong>la</strong> gestion<br />

impossible du moins engluée dans <strong>la</strong> difficulté à retenir les bénévoles, à<br />

les stabiliser et à les rendre capables d’apprentissages nécessaires à <strong>la</strong><br />

crédibilité extérieure <strong>des</strong> services rendus. Concrètement, pour résister<br />

à <strong>la</strong> pression managérialiste et à l’attraction du modèle privé, plusieurs<br />

pistes concrètes peuvent être mentionnées pour initier un débat.<br />

6. P. Avare, S. Sponem, op-cit.<br />

7. M. Yunus, Vers un nouveau capitalisme, Paris, le Livre de poche, 2008 (traduction<br />

française).<br />

52 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


• Se réapproprier l’histoire de l’association dans sa singu<strong>la</strong>rité à<br />

travers l’articu<strong>la</strong>tion entre les logiques (opposition, complémentarité,<br />

synergie). Un travail <strong>sur</strong> cette histoire permet de récapituler<br />

une mémoire et un patrimoine collectifs qui sont autant de points<br />

d’appui pour éviter le rabattement <strong>sur</strong> <strong>la</strong> dimension organisationnelle<br />

et tenir compte de <strong>la</strong> dimension institutionnelle du projet.<br />

Quelles logiques ont été mobilisées dans l’association (entraide,<br />

mouvement, domestique, aide, multi<strong>la</strong>térale, privée, publique) et<br />

quels agencements ont été trouvés pour leur coexistence ?<br />

• Veiller à l’expression concrète <strong>des</strong> différentes parties prenantes<br />

(professionnels mais aussi usagers et volontaires) par <strong>la</strong> mise en<br />

p<strong>la</strong>ce d’espaces de participation et d’é<strong>la</strong>boration collective pour<br />

<strong>des</strong> enjeux quotidiens ; examiner <strong>la</strong> composition <strong>des</strong> instances de<br />

gouvernance et de dirigeance pour veiller à les rendre plus accessibles<br />

à ces parties prenantes dans leur diversité.<br />

• Structurer <strong>des</strong> réseaux inter-associatifs à <strong>la</strong> fois sectoriels et territoriaux<br />

afin d’opposer une coopération volontaire à <strong>des</strong> injonctions<br />

au regroupement émanant <strong>des</strong> pouvoirs externes ; constituer <strong>des</strong><br />

forums ou arènes qui soient en me<strong>sur</strong>e de valoriser le rôle <strong>des</strong><br />

associations dans l’économie et <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>des</strong> territoires.<br />

• Engager <strong>des</strong> démarches de co-construction <strong>des</strong> politiques<br />

publiques incluant une réflexion <strong>sur</strong> l’évaluation multicritères et<br />

multi-acteurs contre le réductionnisme <strong>des</strong> procédures importées<br />

<strong>des</strong> entreprises, une mise en évidence de <strong>la</strong> connaissance de<br />

proximité <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> sociales acquises par les associations,<br />

une formalisation <strong>des</strong> régu<strong>la</strong>tions basées <strong>sur</strong> <strong>des</strong> conventions<br />

d’objectifs contrastant avec les régu<strong>la</strong>tions plus tuté<strong>la</strong>ires ou<br />

concurrentielles 8 .<br />

8. Pour une mise en perspective entre les défis posés aux associations d’éducation<br />

popu<strong>la</strong>ire et d’action sociale, il peut être stimu<strong>la</strong>nt de consulter F. Batifoulier (dir.),<br />

Manuel de direction en action sociale et médico-sociale, Paris, Dunod, 2011 et<br />

J. Haeringer (dir.), La démocratie : enjeu pour les associations d’action sociale, Paris,<br />

Desclée de Bouwer, 2008.<br />

Les actes : février 2012<br />

53


DÉBAT AVEC LA SALLE<br />

Réponses de Jean-Louis Laville aux questions de <strong>la</strong> salle<br />

Usagers ou clients, est-ce <strong>la</strong> même chose ?<br />

Précisions <strong>sur</strong> les termes « usager » et « client » :<br />

Il faut refuser <strong>la</strong> terminologie de client pour de multiples raisons et<br />

promouvoir une désignation qui n’est pas évidente, autour de l’usager,<br />

mais aussi du citoyen. L’adoption de cette notion de client, avec <strong>des</strong><br />

différences selon les champs associatifs, est peut-être plus marquée<br />

dans le champ de l’action sociale et médico-sociale que dans d’autres<br />

champs ; ce<strong>la</strong> <strong>vie</strong>nt entériner cette forme de repli néo-managérialiste. La<br />

notion de client, par son référentiel consumériste, n’est pas adaptée à<br />

cette logique d’action publique, qui me semble présente dans <strong>la</strong> spécificité<br />

<strong>associative</strong>.<br />

L’affirmation de <strong>la</strong> logique gestionnaire ne serait-ce pas <strong>la</strong><br />

disparition <strong>des</strong> services publics en direction de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> et<br />

l’affirmation de l’économie sociale et solidaire ?<br />

C’est un vrai problème de <strong>la</strong> théorisation sociale de l’économie<br />

sociale. Si on regarde l’histoire de <strong>la</strong> théorisation de l’économie sociale,<br />

le modèle coopératif est au cœur de <strong>la</strong> théorisation de l’économie sociale.<br />

La <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> n’a jamais été considérée véritablement comme étant<br />

centrale dans l’approche de l’économie sociale pour plusieurs raisons.<br />

Il y aujourd’hui une inadéquation entre cette théorisation et <strong>la</strong> réalité de<br />

l’économie sociale et solidaire, si on raisonne en ces termes. La réalité<br />

économique, si on reste <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n économique, mais on pourrait l’évoquer<br />

<strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n sociopolitique, <strong>la</strong> réalité de l’économie sociale et solidaire<br />

est constituée à 80 % par le monde associatif. La manière dont se focalisent<br />

les débats <strong>sur</strong> l’économie sociale et solidaire est absolument en<br />

déca<strong>la</strong>ge par rapport à <strong>la</strong> réalité de cette économie sociale et solidaire.<br />

Voyez comment les débats peuvent s’agréger autour de <strong>la</strong> reprise<br />

<strong>des</strong> entreprises en coopératives par leurs sa<strong>la</strong>riés. Périodiquement, on<br />

voit ce dossier réapparaître. Or, dans <strong>la</strong> réalité de l’économie sociale et<br />

solidaire, ça ne représente quasiment rien. Il faut travailler le déca<strong>la</strong>ge<br />

entre <strong>la</strong> représentation, y compris par elle-même, de l’économie sociale<br />

et solidaire et sa réalité. Le problème n’est pas d’abandonner l’économie<br />

sociale et solidaire, mais au contraire de refonder son approche. Il faut<br />

54 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


esituer <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> comme une problématique constitutive d’une<br />

autre forme d’économie, mais cette autre forme d’économie ne peut pas<br />

être abordée avec les outils théoriques, uniquement de <strong>la</strong> tradition de<br />

l’économie sociale et solidaire. Celle-ci n’a pas suffisamment travaillé<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> composante <strong>associative</strong> qui est aujourd’hui <strong>la</strong> majeure partie de<br />

l’économie sociale et solidaire. C’est un point clé.<br />

Assimi<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> professionnalisation à l’efficience<br />

et à l’efficacité ?<br />

Tout ce qui s’est joué pendant <strong>la</strong> période d’expansion autour de <strong>la</strong><br />

professionnalisation a permis que soit reconnu dans <strong>la</strong> société, à travers<br />

les statuts et les conventions collectives, un certain nombre de fonctions<br />

qui auparavant étaient <strong>des</strong> fonctions qui n’étaient pas publiques.<br />

Ce mouvement de professionnalisation, qui a permis <strong>la</strong> reconnaissance<br />

de professions, de répertoire de professionnalité, de métiers, a été un<br />

mouvement qui est très important. Il ne peut pas du tout être ramené à<br />

<strong>la</strong> professionnalisation gestionnaire qui a eu lieu après. Sans rentrer dans<br />

les détails, à travers un certain nombre d’approches, il faut reprendre de<br />

manière détaillée, comment s’est fait ce mouvement de professionnalisation,<br />

en considérant que ce qui est important dans l’aspect organisationnel<br />

<strong>des</strong> associations se joue justement autour de ces professionnalités.<br />

La dimension de professionnalisation est extrêmement importante. Le<br />

problème qu’a créé ce mouvement de professionnalisation, c’est qu’en<br />

tant que moyens, <strong>la</strong> professionnalisation a pu devenir une finalité en soi.<br />

Comme si elle garantissait <strong>la</strong> réalisation <strong>des</strong> objectifs associatifs.<br />

C’est cette croyance, qui a été remise en cause à partir <strong>des</strong> crises<br />

<strong>des</strong> années 70 et <strong>des</strong> crises suivantes. C’était l’idée que <strong>la</strong> professionnalisation<br />

pouvait permettre de réaliser les finalités. Il est important qu’il y<br />

ait une professionnalisation et qu’elle soit analysée dans sa complexité.<br />

Il y a <strong>des</strong> niveaux de professionnalisation dans une même association qui<br />

ne sont pas les mêmes. Il y a <strong>des</strong> générations de professionnels qui ne<br />

vont pas être les mêmes. Il faut reprendre cette professionnalité dans sa<br />

complexité et en même temps arriver à faire que cette professionnalisation<br />

n’envahisse pas tout et pouvoir réserver une p<strong>la</strong>ce aux autres parties<br />

prenantes que les professionnels.<br />

« Ni rejet de cette professionnalisation, ni envahissement par celle-ci » :<br />

C’est cet équilibre qui doit être au centre de l’interrogation <strong>sur</strong> <strong>la</strong> gouvernance<br />

<strong>associative</strong>. La professionnalisation gestionnaire n’est pas soluble<br />

dans <strong>la</strong> nouvelle gestion publique. Ce qui est en train de se <strong>des</strong>siner au<br />

niveau de l’action, comme au niveau de <strong>la</strong> réflexion international, c’est le<br />

Les actes : février 2012<br />

55


fait que l’on peut aujourd’hui avoir une réflexion <strong>sur</strong> <strong>la</strong> professionnalisation<br />

gestionnaire qui ne soit pas calquée <strong>sur</strong> <strong>la</strong> nouvelle gestion publique.<br />

Ce qui est en train de changer, c’est que beaucoup de dirigeants<br />

associatifs avaient internalisé, à leur corps défendant ou non, cette nouvelle<br />

gestion publique. Il y a d’autres manières de gérer les associations<br />

qui sont tout à fait possibles. On voit aujourd’hui un frémissement de<br />

changement de paradigme dans <strong>la</strong> gouvernance <strong>associative</strong>, qui permet<br />

d’alimenter <strong>la</strong> question <strong>sur</strong> <strong>la</strong> professionnalisation gestionnaire.<br />

Ceci s’inscrit dans un moment de déstabilisation <strong>des</strong> financements<br />

publics. Il est évident que les associations vont être mises en accusation<br />

en regard du droit du travail. Il est absolument essentiel que les associations<br />

soient en me<strong>sur</strong>e de répondre <strong>sur</strong> ce p<strong>la</strong>n-là et il ne faut pas valider<br />

<strong>des</strong> stratégies massives de désengagement public.<br />

Le rôle <strong>des</strong> pouvoirs publics dans <strong>la</strong> professionnalisation<br />

Les strates successives de professionnalisation n’ont pas été pensées<br />

de <strong>la</strong> même façon. La première strate avait pris <strong>la</strong> figure du permanent,<br />

celui qui s’est investi de manière bénévole et qui, dans le prolongement<br />

de son engagement bénévole, de<strong>vie</strong>nt un permanent de l’association.<br />

Ces chronologies, ces strates historiques de professionnalisation, font un<br />

rapport aux logiques évoquées avant et suivant les différents itinéraires.<br />

Il faudrait reprendre plus en détail ces strates qui se sont succédé. Les<br />

glissements sémantiques sont tout à fait emblématiques de ce point de<br />

vue-là.<br />

Sur le rôle <strong>des</strong> pouvoirs publics, là aussi, il faudrait rentrer plus dans<br />

le détail. La régu<strong>la</strong>tion qui s’était diffusée pendant <strong>la</strong> période d’expansion<br />

est une régu<strong>la</strong>tion que l’on peut qualifier de régu<strong>la</strong>tion tuté<strong>la</strong>ire. Les activités<br />

<strong>associative</strong>s étaient financées par les pouvoirs publics sous réserve<br />

du respect <strong>des</strong> règles établies par les tutelles. Ce<strong>la</strong> conforte le scénario<br />

d’une forme de sous-traitance <strong>associative</strong> d’un certain nombre de fonctions<br />

publiques, donc l’avènement de <strong>la</strong> logique publique.<br />

Avec l’arrivée du monétarisme, dès les années 80, en particulier au<br />

Royaume-Uni avec Margaret Thatcher, s’est mise en p<strong>la</strong>ce une autre<br />

forme de régu<strong>la</strong>tion, qui a été théorisée à ce moment-là, et qui est une<br />

régu<strong>la</strong>tion concurrentielle. Dans <strong>la</strong> lignée monétariste, on considère qu’il<br />

y a du gaspil<strong>la</strong>ge et du gâchis dans l’affectation <strong>des</strong> moyens publics. La<br />

théorie qui émerge à ce moment-là c’est <strong>la</strong> théorie <strong>des</strong> quasi-marchés<br />

qui visent à réorganiser l’affectation <strong>des</strong> fonds publics <strong>sur</strong> le modèle du<br />

marché. C’est l’irruption <strong>des</strong> appels d’offres dans <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion publique.<br />

56 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


C’est l’abandon <strong>des</strong> financements structurels pour les associations, au<br />

profit de financement <strong>sur</strong> <strong>des</strong> actions ponctuelles dans le cadre d’appels<br />

à projets.<br />

Il y a tout ce glissement d’une régu<strong>la</strong>tion tuté<strong>la</strong>ire vers une régu<strong>la</strong>tion<br />

beaucoup plus concurrentielle, avec <strong>des</strong> émergences de régu<strong>la</strong>tion plus<br />

conventionnée qui repose plus <strong>sur</strong> une logique de convention d’objectifs<br />

que <strong>sur</strong> une régu<strong>la</strong>tion concurrentielle. On a cette complexité de régu<strong>la</strong>tions<br />

publiques qui sont <strong>des</strong> régu<strong>la</strong>tions non cohérentes dans le temps.<br />

Elles ne se sont pas succédé, mais sédimentées ; on peut les retrouver<br />

à différents niveaux. Cette approche <strong>des</strong> régu<strong>la</strong>tions peut aider, en les<br />

déclinant selon <strong>des</strong> secteurs d’activités parce qu’il y a <strong>des</strong> pondérations<br />

différentes en fonction <strong>des</strong> secteurs d’activités, à saisir les contraintes<br />

auxquelles sont soumis un certain nombre de fonctionnements associatifs.<br />

Sur <strong>la</strong> question du professionnalisme, quand on évoque le monde<br />

associatif avec les journalistes ou avec les responsables publics, on<br />

fait face à <strong>des</strong> représentations stéréotypées, y compris avec ceux qui<br />

se disent opposés au néo-managerialisme. Un <strong>des</strong> clichés récurrents<br />

consiste à situer les associations forcément dans l’amateurisme, alors<br />

que les entreprises privées sont dans une logique de professionnalisme.<br />

Ces représentations sont liées à tout un ensemble d’intériorisations<br />

qui ont été faites, y compris par les pouvoirs publics, quelle que soit<br />

leur couleur politique. On va considérer que <strong>la</strong> marchandisation est un<br />

vecteur de professionnalisme. On le retrouve dans <strong>la</strong> succession <strong>des</strong><br />

politiques publiques menées par <strong>des</strong> gouvernements d’obédiences différentes,<br />

dans les champs <strong>des</strong> services aux personnes et dans les services<br />

de proximité. On a une assimi<strong>la</strong>tion entre <strong>des</strong> notions qui doivent être<br />

différenciées analytiquement.<br />

On voit bien que le discours général est extrêmement difficile à faire<br />

passer. La manière de se démarquer de ces clichés doit s’arrimer <strong>sur</strong><br />

deux le<strong>vie</strong>rs. Le premier, c’est l’accumu<strong>la</strong>tion d’expériences pour constater<br />

que le professionnalisme n’est pas toujours du côté de l’entreprise<br />

privée et que l’amateurisme n’est pas toujours du côté <strong>des</strong> associations.<br />

Les formes de régu<strong>la</strong>tions concurrentielles, avec leurs effets pervers,<br />

nous donnent <strong>des</strong> exemples concrets que l’on peut mobiliser dans <strong>la</strong><br />

communication car, dans certains cas, les professionnalismes plutôt sont<br />

du côté associatif que du côté de l’entreprise privée, dans les champs<br />

d’activités où opèrent ces associations.<br />

Les actes : février 2012<br />

57


En même temps, il y a un débat beaucoup plus conceptuel à mener<br />

<strong>sur</strong> ce qu’est l’économie, et ce<strong>la</strong> renvoie à <strong>la</strong> question de l’économie<br />

sociale et solidaire. Une autre faiblesse de <strong>la</strong> théorisation de l’économie<br />

sociale, c’est d’avoir considéré que le nec plus ultra de l’économie<br />

sociale, c’est de réussir <strong>sur</strong> le marché. En fait, si l’on se fixe ce type<br />

d’objectif, on ne peut que se prêter au mouvement d’isomorphisme<br />

mentionné plus haut.<br />

La trajectoire de l’économie sociale peut se résumer par cette<br />

phrase : « les coopératives pensaient changer le marché, mais en fait,<br />

c’est le marché qui a changé les coopératives. »<br />

On ne peut pas se contenter d’avoir comme optique de réussir <strong>sur</strong> le<br />

marché et de dire que l’on est une alternative au capitalisme.<br />

Toute l’école de pensée, que l’on appelle l’école de socio-économie<br />

ou l’école d’anthropologie économique met en évidence qu’il n’y a pas<br />

un principe économique – le marché –, mais qu’il y a une pluralité de<br />

principes économiques : marché, mais aussi redistribution, réciprocité,<br />

administration domestique. Une analyse économique fondée <strong>sur</strong> cette<br />

pluralité met en évidence, dans le fonctionnement concret <strong>des</strong> associations,<br />

l’hybridation <strong>des</strong> ressources. On a <strong>des</strong> arguments extrêmement<br />

précis <strong>sur</strong> ce que peut-être un positionnement d’une autre économie.<br />

Par exemple, on <strong>vie</strong>nt de faire une recherche européenne <strong>sur</strong> l’insertion<br />

par l’économique.<br />

En France, les tenants de l’insertion par l’économique, pour beaucoup<br />

très « social business », vont dire qu’ils sont de vrais acteurs <strong>sur</strong> le<br />

marché et qu’ils sont sérieux. La réalité de leur fonctionnement économique<br />

est différente. Les marchés <strong>sur</strong> lesquels ils sont <strong>des</strong> marchés tout<br />

à fait particuliers, <strong>des</strong> marchés que l’on peut appeler socio politiquement<br />

encastrés.<br />

80 % <strong>des</strong> marchés de l’insertion par l’économie sont exécutés avec<br />

<strong>des</strong> collectivités publiques de proximité. Elles confient ces marchés aux<br />

acteurs de l’insertion parce qu’il y a une convergence avec les finalités<br />

<strong>des</strong> collectivités publiques.<br />

On ne peut pas du tout parler de marché, au sens habituel du marché,<br />

mais, on doit parler de marchés locaux dont on doit saisir <strong>la</strong> spécificité.<br />

Ce<strong>la</strong> permet de déconstruire cette espèce de rapport au marché, qui<br />

infériorise les acteurs associatifs. Il faut montrer que plutôt que de parler<br />

58 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


d’un marché, on doit parler de marchés au pluriel, mais aussi d’autres<br />

principes économiques de redistribution et de réciprocité pour arriver à<br />

saisir réellement ce qu’est le fonctionnement économique d’une association.<br />

Sinon, on se <strong>la</strong>isse embarquer, comme trop d’acteurs de l’insertion,<br />

dans un référentiel au marché qui finit par en faire <strong>des</strong> sous-traitants<br />

<strong>des</strong> grosses boîtes qui veulent se faire un peu de promotion à travers<br />

quelques actions très ponctuelles d’insertion.<br />

Les actes : février 2012<br />

59


60 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


séAnce plénière 5<br />

Éducation popu<strong>la</strong>ire<br />

et <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> au XXI e siècle :<br />

refondation, adaptation ou…<br />

fin de l’histoire ?<br />

Introduction de Nico<strong>la</strong>s Sadoul, secrétaire national de <strong>la</strong> Ligue de<br />

l’enseignement<br />

Je suis heureux que nous nous retrouvions ce matin pour poursuivre<br />

notre réflexion <strong>sur</strong> l’avenir de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>.<br />

Nous avons souhaité lier volontairement notre réflexion <strong>sur</strong> <strong>la</strong> question<br />

de Congrès 2013 de Marseille « Cap <strong>sur</strong> 2016 : un avenir par l’éducation<br />

popu<strong>la</strong>ire » à ce devenir et aux mutations qui touchent <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>.<br />

La formule de « <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> d’éducation popu<strong>la</strong>ire » renvoie<br />

aujourd’hui, et depuis les années 50, à <strong>des</strong> réseaux d’associations, en<br />

partie subventionnés par les pouvoirs publics : Il s’agit de moins de 400<br />

associations agréées « jeunesse et éducation popu<strong>la</strong>ire » regroupées<br />

pour <strong>la</strong> plupart au sein du Cnajep et où inter<strong>vie</strong>nnent professionnels et<br />

bénévoles.<br />

Agissant dans <strong>des</strong> domaines divers du sport, <strong>des</strong> loisirs, de <strong>la</strong> culture,<br />

de l’animation en direction <strong>des</strong> jeunes, de l’action sociale, de l’éducation<br />

à l’environnement, les principes et les pratiques de ces associations ont<br />

bien évolué depuis leurs fondations, en même temps sans doute que<br />

les politiques publiques de l’État social, de l’émergence <strong>des</strong> collectivités<br />

locales comme acteurs locaux, en même temps que l’école publique<br />

connaît une révolution inédite tant elle est prise dans <strong>la</strong> révolution cognitive<br />

à l’œuvre notamment par l’avènement <strong>des</strong> TICE, et ses acteurs, au<br />

premier rang <strong>des</strong>quels les instituteurs, les professeurs du secondaire<br />

dont <strong>la</strong> sociologie, <strong>la</strong> démographie sont aussi totalement différentes de<br />

celles qui ont permis <strong>la</strong> structuration de ces réseaux… du moins pour le<br />

courant <strong>la</strong>ïque dont <strong>la</strong> Ligue est <strong>la</strong> pierre angu<strong>la</strong>ire.<br />

Les actes : février 2012<br />

61


Il est donc sans doute pertinent de lire dans l’histoire contemporaine<br />

<strong>des</strong> associations dites d’éducation popu<strong>la</strong>ire, l’histoire <strong>des</strong> rapports de<br />

<strong>la</strong> construction d’une citoyenneté active articulée à une démocratisation<br />

<strong>des</strong> savoirs, <strong>des</strong> connaissances nécessaires pour pouvoir agir dans <strong>la</strong><br />

cité au sein d’associations locales, au sein de collectifs de parents, de<br />

sportifs, de spectateurs, de jeunes, plutôt fédérées, encadrées par <strong>des</strong><br />

mouvements organisés, hiérarchisés, institutionnalisés.<br />

Ce<strong>la</strong> a fait dire que l’éducation popu<strong>la</strong>ire, dans une lecture structuraliste,<br />

pouvait être appréhendée comme « l’histoire d’une domestication »<br />

par l’État au cours du XX e siècle. Je ne re<strong>vie</strong>ndrai pas en détail <strong>sur</strong> les<br />

étapes historiques <strong>des</strong> différents courants ouvriéristes, <strong>la</strong>ïques et éducatifs,<br />

confessionnels mais également anarchistes et anarchosyndicalistes<br />

qui ont nourri cette éducation popu<strong>la</strong>ire comme processus d’émancipation<br />

sociale, de formation <strong>des</strong> citoyens, d’accès à <strong>la</strong> culture d’espace<br />

pour « faire société » pour les uns, de critique radicale de <strong>la</strong> société,<br />

d’agir prop’et d’intervention subversive pour d’autres.<br />

Cependant, si les associations d’éducation popu<strong>la</strong>ire évoluent, se<br />

développent et agissent dans un rapport étroit avec l’État, dans une institutionnalisation<br />

forte, dans une cogestion même (formation, diplômes,<br />

Fonjep…) il est donc nécessaire, au moment où l’État social explose<br />

dans ses formes c<strong>la</strong>ssiques (dont l’apogée fut celle dites <strong>des</strong> « Trente<br />

Glorieuses »), de se réinterroger <strong>sur</strong> l’avenir de cette dimension fondamentale<br />

d’intervention dans <strong>la</strong> cité.<br />

Nous l’avons vu hier, passer d’une logique de subvention à celle de<br />

<strong>la</strong> vente, par l’intégration <strong>des</strong> logiques d’appels d’offres rend difficile<br />

l’action d’éducation auprès <strong>des</strong> plus défavorisés dans le but de leur permettre<br />

d’intervenir réellement dans <strong>la</strong> cité, <strong>sur</strong>tout dans un désarrimage<br />

avec les institutions structurantes que sont l’École, les politiques culturelles<br />

et sportives nationales…<br />

Or, les révolutions économiques, écologiques et cognitives rendent<br />

désormais urgentes notre repositionnement en matière d’éducation<br />

popu<strong>la</strong>ire comme processus d’émancipation sociale et culturelle dans<br />

un contexte où le temps passé devant les écrans augmente significativement,<br />

au moment où les rapports sociaux dématérialisés explosent<br />

dans <strong>des</strong> réseaux sociaux ectop<strong>la</strong>smiques qui ne font plus <strong>des</strong> rapports<br />

physiques, corporels <strong>la</strong> première dimension du « faire société » ; où le<br />

désintérêt pour <strong>la</strong> chose publique et le bien commun, que nous pourrions<br />

appeler « <strong>la</strong> politique », se manifeste fortement chez les plus jeunes de<br />

nos concitoyens notamment celles et ceux qui sont les plus pauvres.<br />

62 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Alors <strong>la</strong> question de l’éducation popu<strong>la</strong>ire n’est-elle pas plus que<br />

jamais celle de l’approfondissement démocratique, celle de l’apprentissage<br />

d’une éducation à l’esprit critique, à une éducation aux convictions<br />

et à l’action délibérée pour porter d’autres modèles de société ?<br />

Le fait que nous invitions ce matin une dirigeante d’ATD 1 Quart<br />

Monde a du sens : association créée par Joseph Wresinski 2 ; ce n’est<br />

bien sûr pas un hasard, tant les modalités d’intervention dans leurs<br />

dimensions idéologiques, spirituelles, historiques et pratiques diffèrent<br />

de celles de notre réseau.<br />

Quelques indications<br />

De même, alors que l’une <strong>des</strong> alternatives contemporaines pour<br />

l’éducation popu<strong>la</strong>ire dans de nouvelles modalités d’interventions sont<br />

constituées par <strong>la</strong> promotion de l’EEDD 3 et de l’ESS 4 , accueillir Patrick<br />

Viveret est aussi bienvenu : lui qui est l’un <strong>des</strong> penseurs/acteurs majeurs<br />

<strong>sur</strong> les questions d’évaluation <strong>des</strong> politiques publiques, <strong>des</strong> indicateurs<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> production de <strong>la</strong> richesse, mais aussi il est un observateur/acteur<br />

<strong>des</strong> mouvements sociaux altermondialistes qui ont pu, et peuvent encore<br />

constituer <strong>des</strong> foyers de productions d’idées nouvelles, d’émergence de<br />

collectifs nouveaux, de formes d’intervention et de production d’idées<br />

contestataires, de rapports de force inédits.<br />

Car n’y a-t-il pas pour notre mouvement qui a solennellement appelé<br />

à (re)faire société, <strong>la</strong> nécessité impérieuse de reposer <strong>la</strong> question du<br />

conflit, du/<strong>des</strong> lieux <strong>des</strong> conflits ?<br />

1. Agir Tous pour <strong>la</strong> Dignité.<br />

2. Le père Joseph Wresinski est né dans une famille d’immigrés pauvres. Alors qu’il<br />

aurait pu oublier le monde de <strong>la</strong> misère, il choisit d’y retourner ; il rejoint en 1956<br />

un camp de familles sans abri à Noisy-le-Grand près de Paris et habite 11 ans ce<br />

« camp provisoire ». « J’ai été hanté par l’idée que jamais ces familles ne sortiraient<br />

de <strong>la</strong> misère aussi longtemps qu’elles ne seraient pas accueillies dans leur ensemble,<br />

en tant que peuple, là où débattaient les autres hommes. Je me suis promis que si<br />

je restais, je ferais en sorte que ces familles puissent gravir les marches du Vatican,<br />

de l’Élysée, de l’ONU… » Il s’oppose à <strong>la</strong> soupe popu<strong>la</strong>ire et propose aux familles<br />

un jardin d’enfants et une bibliothèque. « Ce n’est pas tellement de nourriture, de<br />

vêtements qu’avaient besoin tous ces gens, mais de dignité, de ne plus dépendre du<br />

bon vouloir <strong>des</strong> autres ». Une chapelle, <strong>des</strong> ateliers pour les jeunes et les adultes, une<br />

<strong>la</strong>verie, un salon d’esthétique pour les femmes vont être réalisés peu à peu. Avec les<br />

familles du camp et quelques amis, est créée une association qui prend le nom de<br />

« Aide à Toute Détresse » (ATD).<br />

3. Éducation à l’environnement et au développement durable.<br />

4. Économie sociale et solidaire.<br />

Les actes : février 2012<br />

63


Car nous sommes dans une société qui refoule le conflit, et qui préfère<br />

le consensus faux, voire <strong>la</strong> violence. Or, nos sociétés ultra-violentes<br />

pour les citoyens, les parties constitutives de ce peuple introuvable,<br />

doivent sans doute intégrer dans une éducation popu<strong>la</strong>ire, une éducation<br />

au conflit.<br />

En effet, pour éviter le conflit <strong>des</strong>tructeur et <strong>la</strong> violence <strong>des</strong>tructrice<br />

<strong>des</strong> biens, <strong>des</strong> rapports sociaux, <strong>des</strong> rapports de <strong>vie</strong> et <strong>des</strong>tructeurs <strong>des</strong><br />

individus (solitude, stress, burn out, suici<strong>des</strong>,…), ne faut-il pas pouvoir<br />

mettre <strong>des</strong> mots <strong>sur</strong> les réalités ? Ne faut-il pas réapprendre à « faire<br />

conflit » pour faire réellement société : c’est-à-dire au lieu de cacher les<br />

contradictions, les réveiller pour mieux déclencher <strong>des</strong> processus d’observation,<br />

de compréhension et alors de transformation. Paul Ricœur,<br />

qui n’est pas à proprement parler un révolutionnaire a tenté de définir<br />

<strong>la</strong> société démocratique en disant « une société est démocratique parce<br />

qu’elle sait qu’elle est divisée ». Les divisions de <strong>la</strong> société sont patentes,<br />

les contradictions existent a fortiori quand un pouvoir les invente en permanence<br />

(story telling) pour mieux jouer avec, créer <strong>des</strong> peurs et mieux<br />

les instrumentaliser. Cet approfondissement démocratique par l’éducation<br />

popu<strong>la</strong>ire ne doit-il pas intégrer cette capacité réelle de s’exprimer<br />

<strong>sur</strong> ces contradictions, de les analyser et de les arbitrer ?<br />

Reste également à savoir avec qui (peuple) et où ? Comment ce<br />

processus d’éducation popu<strong>la</strong>ire peut-il participer à créer un espace<br />

d’émancipation politique dans l’espace social. Car aujourd’hui, en reprenant<br />

une notion forte de Jürgen Habermas, de l’École de Francfort, <strong>la</strong><br />

question n’est-elle pas plus que jamais celle de l’espace public, c’està-dire<br />

<strong>la</strong> réunion en un lieu public de personnes privées qui font une<br />

utilisation publique de leur raison critique. Où sont ces espaces publics<br />

aujourd’hui ? Ils sont plutôt réduits et ne peuvent être limités, circonscrits,<br />

réduits aux seuls réseaux sociaux.<br />

Nous pensons en tant qu’acteurs de <strong>la</strong> société civile, que les collectifs,<br />

les associations doivent continuer à être ces lieux de passage entre<br />

l’espace privé et l’espace public. Or, les pouvoirs publics, les politiques<br />

publiques ont de plus en plus de mal avec ces espaces, puisqu’ils leur<br />

préfèrent le marché dans bien <strong>des</strong> cas. Ce passage espace privé/espace<br />

public est essentiel tant pour l’expression de sa parole (individualités), de<br />

soi-même (y compris avec ses aspirations spirituelles d’où <strong>la</strong> question du<br />

rapport à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ïcité). C’est bien sûr essentiel dans <strong>la</strong> capacité à prendre <strong>la</strong><br />

parole publique dans <strong>des</strong> débats publics, notamment aujourd’hui quand<br />

ils sont saturés par <strong>la</strong> communication, <strong>la</strong> prise de parole médiatique<br />

64 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


continuelle <strong>des</strong> professionnels de <strong>la</strong> vente, de <strong>la</strong> consommation, pour<br />

capter du « temps de cerveau disponible » pour vendre tous les biens<br />

de consommation dont les politiciens actuels sont les experts reconnus.<br />

Mais aussi dans <strong>des</strong> débats apparents, insignifiants pour <strong>la</strong> plupart et<br />

qui ne se déroulent que par machines interposées. Il y a donc toujours<br />

un accompagnement à susciter entre espaces privés aujourd’hui multiformes<br />

et espaces publics qui sont profondément é<strong>la</strong>rgis et qui transforment<br />

<strong>la</strong> nature même de <strong>la</strong> démocratie par les TICE, et par Internet en<br />

particulier. Avant son avènement, <strong>la</strong> séparation entre espace de sociabilité<br />

(privé) et espace public existait : il y avait même entre les deux <strong>des</strong><br />

gardiens, <strong>des</strong> <strong>sur</strong>veil<strong>la</strong>nts de <strong>la</strong> frontière : <strong>des</strong> journalistes, <strong>des</strong> éditeurs<br />

(<strong>des</strong> gate-keepers). Je pense que nous, acteurs de l’éducation popu<strong>la</strong>ire,<br />

étions/sommes sans doute encore un peu <strong>des</strong> contrebandiers de l’éducation,<br />

de <strong>la</strong> culture et de <strong>la</strong> politique, <strong>des</strong> ai<strong>des</strong> à forcer ces frontières<br />

pour remettre en cause les principales oppositions qui structurent l’espace<br />

public : Conversation/information, individus/citoyens, privé/public,<br />

marché/politique notamment en forçant l’espace clos de <strong>la</strong> politique et<br />

de l’information, et <strong>des</strong> industries culturelles.<br />

En explosant les interactions entre les individus, <strong>la</strong> technologie<br />

brouille <strong>la</strong> frontière entre les sphères, bouleverse et casse certaines<br />

castes visibles en permettant aux non professionnels de l’information,<br />

de l’édition, de <strong>la</strong> politique, mais aussi aux non professionnels de l’éducation<br />

et du militantisme d’étendre le périmètre de <strong>la</strong> prise de parole et<br />

peut être de <strong>la</strong> démocratie. La ligne de partage entre sociabilité privée et<br />

débat public est donc trouée.<br />

Les débats personnels s’exposent dans les réseaux sociaux, et les<br />

tissages <strong>des</strong> liens personnels et <strong>des</strong> enjeux publics de<strong>vie</strong>nnent permanents.<br />

Alors une double révolution a lieu devant nos yeux par, d’une part,<br />

un é<strong>la</strong>rgissement du droit à <strong>la</strong> parole en public à <strong>la</strong> société tout entière et,<br />

d’autre part, l’incorporation d’une partie <strong>des</strong> conversations privées dans<br />

l’espace public.<br />

Ce processus d’approfondissement et de radicalisation de l’individualisme<br />

contemporain doit être accompagné, re<strong>la</strong>yé pour pouvoir<br />

nourrir effectivement l’approfondissement démocratique notamment en<br />

lui permettant de trouver d’autres débouchés physiques et collectifs. Il y<br />

a là sans doute un enjeu fort pour l’éducation popu<strong>la</strong>ire moderne.<br />

Les actes : février 2012<br />

65


Intervention de Patrick Viveret, Philosophe<br />

Nous sommes en présence de trois gran<strong>des</strong> questions qui suscitent<br />

trois chantiers importants.<br />

La première question est liée à <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> elle-même, qui,<br />

par définition, produit un type de richesse qui est en grande partie non<br />

monétaire et dont le mode de rémunération est <strong>la</strong> gratification, qui est,<br />

elle-même, en grande partie non monétaire. Le premier grand chantier<br />

concerne <strong>la</strong> richesse. C’est aussi, <strong>la</strong> question du chantier de <strong>la</strong> lutte<br />

contre <strong>la</strong> pauvreté. Il s’agit de considérer <strong>la</strong> pauvreté en tant qu’envers<br />

de <strong>la</strong> dignité. La question est celle de l’alternative à <strong>la</strong> misère ; comme l’a<br />

montré Majid Rahnema 5 dans son livre Quand <strong>la</strong> misère chasse <strong>la</strong> pauvreté<br />

(Ed. Fayard/<strong>Actes</strong> Sud, 2003), il peut y avoir de <strong>la</strong> pauvreté digne.<br />

Là où le problème de<strong>vie</strong>nt de plus en plus insupportable, c’est <strong>la</strong><br />

création d’une situation de misère, c’est-à-dire lorsque <strong>des</strong> personnes<br />

n’accèdent pas à <strong>la</strong> dignité. Ce qu’ATD Quart Monde démontre, c’est<br />

comment il est possible de construire <strong>des</strong> éléments de dignité, y compris<br />

en partant <strong>des</strong> savoirs <strong>des</strong> personnes qui sont concernées par les<br />

situations de pauvreté.<br />

Le premier chantier, c’est donc <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> richesse. Il est<br />

aujourd’hui d’autant plus important, alors que l’on prétend que les<br />

caisses sont vi<strong>des</strong>. L’essentiel <strong>des</strong> argumentations en faveur <strong>des</strong> programmes<br />

d’austérité sociale sont liées à cette prétention selon <strong>la</strong>quelle<br />

<strong>la</strong> richesse, au sens monétaire du terme, serait tarie. On aurait dépensé<br />

trop et on n’a plus les moyens de faire face à un certain nombre d’exigences<br />

et en particulier à <strong>la</strong> toute première exigence, celle de l’État social<br />

lui-même.<br />

On comprend bien que l’on ne peut avancer <strong>sur</strong> ce chantier que si<br />

on arrête de réduire <strong>la</strong> richesse à son expression monétaire. Dans <strong>la</strong><br />

richesse exprimée, au sens monétaire du terme, et dans les comptabilités<br />

monétaires, qu’elles soient publiques, nationales, ou générales,<br />

dans les comptabilités d’entreprises, d’un côté, il y a toute une partie<br />

de richesses (au sens monétaire) qui, en réalité, correspondent à <strong>des</strong><br />

nuisances ou à <strong>des</strong> <strong>des</strong>tructions. Toute activité qui génère un flux monétaire,<br />

même si au début cette activité est une activité dangereuse ou<br />

<strong>des</strong>tructrice, va générer <strong>des</strong> flux monétaires de remp<strong>la</strong>cement, d’indemnisation,<br />

de réparation, etc.<br />

5. Majid Rahnema est diplomate et ancien ministre iranien, né en 1924 à Téhéran.<br />

66 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Dans nos systèmes comptables, il n’y a pas une colonne qui indiquerait<br />

que les valeurs ajoutées monétaires sont liées au départ à une activité<br />

dangereuse et <strong>des</strong>tructrice. On peut prendre l’exemple du pétrolier<br />

l’Erica qui a pollué les côtes bretonnes en 1999 : Du point de vue de <strong>la</strong><br />

comptabilité nationale, l’Erica a contribué à l’augmentation du fameux<br />

Produit Intérieur Brut. Avec l’échouement et <strong>la</strong> marée noire, il a fallu remp<strong>la</strong>cer<br />

le pétrolier, ce qui a fait fonctionner <strong>la</strong> valeur ajoutée monétaire<br />

de <strong>la</strong> fabrication de pétroliers ; même chose pour les indemnisations<br />

d’as<strong>sur</strong>ance, etc. Inversement, les bénévoles qui ont participé gratuitement<br />

à <strong>la</strong> dépollution <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ges ont été considérés, du point de vue de<br />

<strong>la</strong> comptabilité nationale, comme <strong>des</strong> inactifs improductifs.<br />

À aucun moment, ils ne sont apparus dans les comptes. Si on avait<br />

fait appel à du personnel rémunéré pour dépolluer les p<strong>la</strong>ges, ce<strong>la</strong> aurait<br />

généré <strong>des</strong> flux monétaires, ce qui serait apparu dans <strong>la</strong> comptabilité<br />

nationale. En résumé, le bénévo<strong>la</strong>t est globalement un élément qui, du<br />

point de vue de <strong>la</strong> richesse calculée en Produit Intérieur Brut, a tendance<br />

à <strong>la</strong> faire baisser. Ce n’est pas une ab<strong>sur</strong>dité propre à l’industrie pétrolière,<br />

ce<strong>la</strong> vaut pour n’importe quel accident, n’importe quelle situation<br />

de <strong>des</strong>truction ou de nuisance.<br />

C’est comme ça que l’agriculture intensive a pu détruire les nappes<br />

phréatiques, désertifier, générer <strong>des</strong> nuisances très coûteuses. On a<br />

considéré comme élément positif <strong>la</strong> production de biens agroalimentaires<br />

<strong>sur</strong> le modèle industriel. Tout le reste – <strong>la</strong> préservation de <strong>la</strong> nature,<br />

l’aménagement du territoire, le lien social –, était induit.<br />

Plus nous arrivons à une situation d’insoutenabilité du modèle économique<br />

dominant et plus <strong>la</strong> question du chantier de <strong>la</strong> richesse se réouvre.<br />

Nous avons besoin de procéder à ce qu’on pourrait appeler un audit<br />

<strong>des</strong> véritables richesses et <strong>des</strong> véritables <strong>des</strong>tructions de richesses. Nos<br />

comptabilités ne nous renseignent pas <strong>sur</strong> cette question essentielle.<br />

C’est un point absolument décisif, car quand on nous dit que <strong>des</strong><br />

pays risquent <strong>la</strong> faillite ou que les caisses sont vi<strong>des</strong>, de quoi parle-t-on<br />

exactement ? On nous dit que pour remplir nos caisses, nous allons faire<br />

<strong>des</strong> programmes d’austérité qui vont réduire, par exemple, <strong>la</strong> possibilité<br />

de se soigner. En réalité, on est en train de détruire <strong>des</strong> richesses réelles.<br />

Même chose <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n éducatif, même chose quand on ne fait pas les<br />

investissements écologiques qui sont nécessaires si on veut éviter <strong>des</strong><br />

catastrophes futures <strong>sur</strong> le dérèglement climatique et <strong>sur</strong> le maintien de<br />

<strong>la</strong> biodiversité.<br />

Les actes : février 2012<br />

67


La création de valeurs, c’est de <strong>la</strong> création de force de <strong>vie</strong>. Quand on<br />

parle de valeur ajoutée, on devrait parler de valeur de force <strong>vie</strong> supplémentaire<br />

et inversement, <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction de valeur, c’est quand on détruit<br />

de <strong>la</strong> force de <strong>vie</strong>. Comme les deux formes fondamentales de <strong>la</strong> richesse<br />

sont soit <strong>des</strong> richesses naturelles qui nous <strong>vie</strong>nnent de <strong>la</strong> nature, soit <strong>des</strong><br />

richesses humaines, soit <strong>la</strong> combinaison <strong>des</strong> deux. À chaque fois qu’il y a<br />

une <strong>des</strong>truction de richesses naturelles ou une <strong>des</strong>truction de richesses<br />

humaines, il y a donc <strong>des</strong>truction de valeur.<br />

Une <strong>des</strong> réformes essentielles à conduire, y compris <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n juridique,<br />

c’est d’instaurer le risque d’un dépôt de bi<strong>la</strong>n écologique ou d’un<br />

dépôt de bi<strong>la</strong>n social. Si <strong>des</strong> seuils d’insoutenabilité sont franchis, une<br />

procédure d’alerte devrait permettre aux travailleurs <strong>des</strong> entreprises ou<br />

<strong>des</strong> institutions concernées de pouvoir se saisir du problème et d’alerter<br />

les pouvoirs publics.<br />

Par exemple, si à <strong>la</strong> suite de <strong>des</strong>truction d’écosystème important, il<br />

y a un risque de dépôt de bi<strong>la</strong>n écologique, ou si une entreprise génère<br />

une telle souffrance au travail, que son taux de suicide est a<strong>la</strong>rmant, ça<br />

générerait ce risque de dépôt de bi<strong>la</strong>n écologique ou de dépôt de bi<strong>la</strong>n<br />

social. À travers cette question du chantier d’une autre approche de <strong>la</strong><br />

richesse, on va du même coup réouvrir le fait que l’économie monétaire<br />

n’est qu’un sous-ensemble d’une économie de <strong>la</strong> richesse au sein de<br />

<strong>la</strong>quelle les formes non monétaires de <strong>la</strong> création et d’échanges de<br />

valeurs jouent un rôle absolument déterminant.<br />

C’est le passage d’une économie de production à une économie de<br />

contribution. Quand on raisonne <strong>sur</strong> une économie de contribution, on va<br />

voir quantité de richesses non monétaires qui vont apparaître comme décisives,<br />

et, inversement, quantité d’éléments qui sont qualifiés de richesses au<br />

sens monétaire du terme, qui en réalité relèvent de <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction.<br />

Au passage, il n’est pas sans intérêt de revisiter <strong>la</strong> notion de bénéfice.<br />

Le mot bénéfice <strong>vie</strong>nt du <strong>la</strong>tin « Beneficium » ; ce<strong>la</strong> veut dire « faire<br />

le bien » ; les bénéfices, ce sont <strong>des</strong> bienfaits. Ce mot « bénéfice » <strong>vie</strong>nt<br />

de <strong>la</strong> comptabilité du salut. Quand on remonte dans l’histoire, l’une <strong>des</strong><br />

gran<strong>des</strong> mutations a été ce que Max Weber 6 avait appelé « le passage<br />

de l’économie du salut au salut par l’économie ». C’est le cœur de sa<br />

thèse dans l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Quand on<br />

regarde les éléments de l’économie du salut, on a les deux éléments clés<br />

6. Max Weber, sociologue et économiste allemand, est l’un <strong>des</strong> fondateurs de <strong>la</strong><br />

sociologie moderne.<br />

68 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


de l’économie, que sont <strong>la</strong> comptabilité et <strong>la</strong> monnaie.<br />

Du point de vue de <strong>la</strong> comptabilité, jusqu’à l’invention du purgatoire<br />

à <strong>la</strong> fin du XI e siècle, l’au-delà était structuré de façon binaire : enfer ou<br />

paradis. Autant dire que <strong>la</strong> seule question importante de l’ici-bas, c’était<br />

comment on évite <strong>la</strong> damnation dans l’au-delà.<br />

Pour ce<strong>la</strong>, il y avait un outil de repérage qui s’appe<strong>la</strong>it <strong>la</strong> comptabilité<br />

du salut. Dans <strong>la</strong> comptabilité du salut, il y avait, d’un côté, <strong>la</strong> colonne<br />

<strong>des</strong> bienfaits et, de l’autre côté, <strong>la</strong> colonne <strong>des</strong> méfaits ; ces méfaits,<br />

c’était les fameux péchés. Dans les péchés, vous a<strong>vie</strong>z une gradation. Il<br />

faut rappeler que le péché le plus grave, qui vous envoyait sans rémission<br />

à <strong>la</strong> damnation, ce n’était ni le meurtre, ni <strong>la</strong> luxure, ni les sept<br />

péchés capitaux, c’était le prêt à intérêts, en particulier sous <strong>la</strong> forme de<br />

l’u<strong>sur</strong>e. C’était le b<strong>la</strong>sphème suprême.<br />

Prétendre que l’argent était créateur dans le temps, c’était mettre<br />

l’argent au même niveau que Dieu. Seul Dieu est créateur dans le temps.<br />

C’est au cœur de toutes les civilisations et en particulier dans <strong>la</strong> civilisation<br />

occidentale, dans l’ancien testament. C’est l’alternative par rapport<br />

au veau d’or. On le retrouve dans le christianisme avec <strong>la</strong> fameuse parabole<br />

: « Il est plus difficile à un riche de rentrer dans le royaume <strong>des</strong> cieux,<br />

qu’à un chameau de passer pas le trou d’une aiguille ».<br />

L’Is<strong>la</strong>m a repris aussi cette tradition, mais c’est aussi issu de <strong>la</strong> civilisation<br />

grecque. Il ne faut jamais oublier qu’Aristote 7 avait caractérisé le<br />

dérapage de l’économie.<br />

Aujourd’hui, l’un <strong>des</strong> problèmes majeurs de <strong>la</strong> crise financière, c’est <strong>la</strong><br />

déme<strong>sur</strong>e de l’économie spécu<strong>la</strong>tive. Bernard Lietaer 8 , ancien directeur<br />

de <strong>la</strong> Banque Centrale de Belgique, avait mis en évidence dès 2007 que<br />

<strong>sur</strong> les trois mille deux cents milliards de dol<strong>la</strong>rs échangés quotidiennement<br />

<strong>sur</strong> les marchés financiers, moins de 3 % correspondaient à <strong>des</strong><br />

biens et <strong>des</strong> services effectifs. Le reste, les 97,3 %, c’était de l’économie<br />

spécu<strong>la</strong>tive qui tournait <strong>sur</strong> elle-même. C’est ce que l’on pourrait appeler<br />

en terme aristotélicien « une crise chrématistique ». En terme judéochrétien,<br />

c’est le nouveau péché mortel qui peut conduire les sociétés<br />

et les économies qui adoptent ce mode de croissance vers de nouvelles<br />

formes de damnation.<br />

7. Aristote, philosophe grec.<br />

8. Bernard Lietaer est un économiste et universitaire belge.<br />

Les actes : février 2012<br />

69


Inversement, nous avons besoin de repérer, dans le questionnement<br />

d’un développement humain soutenable, où sont les activités bénéfiques<br />

et où sont les activités nuisibles.<br />

Il est intéressant de noter, par exemple, que le Conseil régional<br />

<strong>des</strong> Pays de <strong>la</strong> Loire, en partenariat avec l’Observatoire de <strong>la</strong> décision<br />

publique et avec le Forum pour d’autres indicateurs de richesse, ont<br />

conduit une enquête publique auprès d’un panel de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, autour<br />

de <strong>la</strong> question « Qu’est-ce qui fait richesse pour vous ? Qu’est-ce qui<br />

compte pour vous ? Qu’est-ce qui menace ces richesses ? ». On a vu<br />

apparaître <strong>des</strong> éléments absolument fondamentaux, qui n’apparaissent<br />

dans aucunes comptabilités, par exemple, <strong>la</strong> question du rapport au<br />

temps. Le sentiment de dégradation par rapport au temps, à cause <strong>des</strong><br />

logiques de vitesse, de productivité, de rentabilité, permet du même<br />

coup de construire d’autres politiques publiques. Quand vous posez <strong>la</strong><br />

question : « où sont les bénéfices ? », et « où sont les nuisances ? », vous<br />

avancez considérablement du point de vue <strong>des</strong> politiques publiques à<br />

mettre en œuvre.<br />

Ce<strong>la</strong> permet de faire le lien avec le chantier autour de <strong>la</strong> démocratie ;<br />

c’est toute <strong>la</strong> question de l’éducation à <strong>la</strong> qualité démocratique et pas<br />

simplement au processus démocratique défini par <strong>la</strong> loi du nombre. C’est<br />

toute <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> citoyenneté. Dans ce chantier <strong>sur</strong> <strong>la</strong> démocratie,<br />

le problème du discernement et de <strong>la</strong> délibération est tout à fait fondamental.<br />

Si l’on reprend les questions « où sont les bénéfices ? », « où sont les<br />

nuisances ? », vous allez avoir une troisième colonne à côté <strong>des</strong> « B » ou<br />

<strong>des</strong> « N » que vous pouvez graduer par degré d’importance, et faire <strong>la</strong><br />

nique aux agences de notation qui sont, évidemment, incapables de faire<br />

cette opération. À côté de ces éléments c<strong>la</strong>irement identifiés comme bénéfiques<br />

ou au contraire, comme nuisances, vous allez avoir <strong>des</strong> éléments<br />

qui vont faire doute ou débat. On peut appeler ça, <strong>la</strong> colonne « D ».<br />

Certains éléments qui sont considérés comme <strong>des</strong> bienfaits par certains<br />

sont considérés comme <strong>des</strong> méfaits ou comme <strong>des</strong> nuisances par<br />

d’autres. À chaque fois que vous avez <strong>des</strong> éléments qui font doute ou<br />

débat, c’est là que l’intelligence démocratique va être prioritaire. C’est là<br />

que l’on a besoin d’un supplément de discernement, d’évaluation, mais<br />

d’évaluation au sens de délibération <strong>sur</strong> <strong>la</strong> valeur, c’est-à-dire « qu’est-ce<br />

qui fait force de <strong>vie</strong> ? », et non pas au sens réducteur de simple me<strong>sur</strong>e,<br />

mais aussi de construction de désaccord.<br />

70 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Ce qui est toxique dans un débat, ce n’est jamais <strong>la</strong> divergence,<br />

c’est le malentendu, le soupçon, c’est le procès d’intention. Le propre<br />

de l’intelligence démocratique, c’est d’aller construire une délibération de<br />

plus grande qualité. Cette délibération ne peut pas se faire sans que l’ensemble<br />

<strong>des</strong> parties prenantes concernées soient également présentes.<br />

Par exemple, dans le cas d’ATD Quart Monde, si les personnes en situation<br />

de très grande pauvreté, avec leur expérience et leur propre savoir<br />

ne sont pas présentes dans ces délibérations, il y a une très grande partie<br />

<strong>des</strong> connaissances de ce qui est bénéfique, de ce qui est nuisible et de<br />

ce qui suscite doute et débat qui va être absent.<br />

C’est <strong>la</strong> question du chantier démocratique : il porte <strong>sur</strong> <strong>la</strong> qualité<br />

démocratique, et pas simplement <strong>sur</strong> <strong>la</strong> quantité démocratique. La loi<br />

du nombre, <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n quantitatif, n’est pas négligeable ; sortir du suffrage<br />

censitaire et avoir <strong>des</strong> procédures de décisions, qui fait que l’on<br />

va choisir plutôt à 50 % plus 1, qu’à 10 %, ou même moins. Dans <strong>des</strong><br />

systèmes oligarchiques, c’est un progrès. La démocratie ne se réduit<br />

pas à <strong>la</strong> forme quantitative. C’est tout l’enjeu qualitatif qu’est <strong>la</strong> formation<br />

du jugement, <strong>la</strong> citoyenneté, directement liée au processus éducatif.<br />

Le processus éducatif ne se réduit pas au seul système sco<strong>la</strong>ire. Cette<br />

dimension qualitative de <strong>la</strong> démocratie est fondamentale ; <strong>la</strong> dimension<br />

quantitative, par exemple, n’a jamais empêché le basculement dans un<br />

système <strong>des</strong>potique, voire totalitaire.<br />

Hitler est d’abord arrivé au pouvoir par <strong>des</strong> voies légales et démocratiques.<br />

Il a fait son coup d’État après. Louis-Napoléon Bonaparte<br />

a d’abord été élu Président de <strong>la</strong> République française de <strong>la</strong> Seconde<br />

République, au suffrage universel. Comprenons bien ! Du point de vue<br />

de <strong>la</strong> qualité démocratique, <strong>la</strong> loi du nombre est un élément absolument<br />

insuffisant. Quand bien même dans une collectivité, une toute petite<br />

minorité exprimerait un point de vue différent, du point de vue de <strong>la</strong> qualité<br />

démocratique, ça va être une ressource fondamentale.<br />

On va appeler ça <strong>des</strong> <strong>la</strong>nceurs d’alertes, alors que du point de vue<br />

de <strong>la</strong> quantité démocratique, on considère que comme ils sont moins<br />

de 10 %, ce<strong>la</strong> n’est pas intéressant. S’il y a une écoute de positions<br />

différentes, divergentes, quand bien même elles seraient minoritaires, <strong>la</strong><br />

construction <strong>des</strong> désaccords de<strong>vie</strong>nt un élément clé de <strong>la</strong> délibération.<br />

De <strong>la</strong> même façon, <strong>la</strong> construction <strong>des</strong> conflits est une alternative à <strong>la</strong><br />

violence ; il faut arrêter de confondre les deux. C’est quand il n’y a pas<br />

eu à temps formation d’un conflit que <strong>la</strong> violence apparaît.<br />

Exemple typique : les émeutes urbaines. Il n’y a pas eu de formation<br />

Les actes : février 2012<br />

71


à temps du conflit. Pour qu’il y ait formation du conflit, il faut là encore<br />

que l’ensemble <strong>des</strong> acteurs puissent être présents et puissent dire :<br />

« pour nous, cette situation est insoutenable », tels que les dix millions<br />

de Français qui sont dans <strong>des</strong> situations de mal-logement actuellement.<br />

C’est le chantier démocratique qui se nourrit de <strong>la</strong> perspective éducative.<br />

Il faut donner tous leur sens aux mots. Le mot éducation est un<br />

mot beaucoup plus fort que le mot formation. À certains égards, c’est<br />

presque l’inverse, Ex-ducere : conduire au dehors.<br />

Permettre à <strong>des</strong> êtres humains d’accéder pleinement à leur condition<br />

d’être humain. À <strong>la</strong> capacité d’é<strong>la</strong>borer leur propre projet de <strong>vie</strong> : le droit<br />

au métier. Le droit au métier est <strong>sur</strong> un axe fondamental de <strong>la</strong> question :<br />

« qu’allons-nous faire de nos <strong>vie</strong>s ? », et pas simplement : « que faisonsnous<br />

dans <strong>la</strong> <strong>vie</strong> ? ». Ce chantier-là qu’est le chantier éducatif par excellence<br />

nous permet de revisiter <strong>la</strong> troisième grande question, <strong>la</strong> troisième<br />

grande insoutenabilité du système dominant actuel, qui est justement le<br />

problème de société qui réduit <strong>la</strong> notion de métier à <strong>la</strong> notion de travail,<br />

ou à <strong>la</strong> notion d’emploi.<br />

Vous avez trois mots très forts, très différents dans leur substance,<br />

qui renvoient historiquement à <strong>des</strong> fonctions différentes. Ces trois mots<br />

sont : vocation, qui a gardé son sens premier, qui est <strong>sur</strong> l’axe du projet<br />

de <strong>vie</strong> ; métier, décliné plus avant ; et profession.<br />

À l’origine, on ne peut professer que si l’on est habité parce que<br />

l’on professe ; il faut donc vivre ce que l’on professe. Mais quand on<br />

entend parler d’une professionnalisation d’un milieu, ce<strong>la</strong> veut dire que<br />

l’on est rentré dans une logique de réduction techniciste, qui s’éloigne,<br />

au contraire, de <strong>la</strong> vocation. Profession, vocation, métier sont <strong>sur</strong> l’axe<br />

fondamental du « droit de tout être humain de faire de sa <strong>vie</strong> une œuvre »,<br />

pour reprendre <strong>la</strong> grande distinction de Hannah Arendt entre le travail et<br />

l’œuvre.<br />

Si pour <strong>des</strong> raisons pédagogiques, on veut à tout prix garder le mot<br />

travail, il faut au moins faire <strong>la</strong> grande distinction d’André Gorz entre travail<br />

choisi et travail contraint. Ce n’est pas du tout <strong>la</strong> même chose. Pour<br />

le travail choisi, on se situe dans un trépied positif, où on est reconnu par<br />

une collectivité, avec une reconnaissance sociale. On bénéficie <strong>des</strong> éléments<br />

de base, en termes de revenus et de protection sociale, pour éviter<br />

de basculer dans <strong>la</strong> misère. On construit sa propre estime de soi, en lien<br />

avec cette reconnaissance sociale : c’est le droit au travail au sens positif<br />

du terme, tel que le mouvement ouvrier a voulu le promouvoir.<br />

72 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Ce droit au travail là n’a rien à voir avec le sens étymologique et<br />

historique du mot travail, le fameux tripalium (instrument de torture), qui<br />

renvoyait à de <strong>la</strong> dépendance, de <strong>la</strong> souffrance, pour <strong>des</strong> raisons de<br />

nécessité. Ce n’est pas du tout <strong>la</strong> même chose de savoir si une société<br />

fixe comme objectifs l’éducation au projet de <strong>vie</strong>, l’éducation au métier,<br />

l’éducation au droit de chacun à faire de sa <strong>vie</strong> une œuvre, le droit au<br />

travail choisi. Si l’on garde le mot travail ou, au contraire, <strong>la</strong> formation<br />

adaptatrice, à <strong>des</strong> jobs, à <strong>des</strong> emplois ou à <strong>des</strong> travaux, au sens de<br />

<strong>la</strong>beurs dépendants, dans <strong>des</strong> logiques de nécessité et de <strong>sur</strong><strong>vie</strong> : ce<br />

n’est pas du tout le même projet social.<br />

De <strong>la</strong> même façon qu’il y a une insoutenabilité économique du modèle<br />

actuel, de l’hyper capitalisme, fondé <strong>sur</strong> <strong>la</strong> seule richesse monétaire qui<br />

est en train d’exploser sous le poids de sa propre déme<strong>sur</strong>e spécu<strong>la</strong>tive,<br />

il y a une déme<strong>sur</strong>e du côté social qui se traduit par le creusement <strong>des</strong><br />

inégalités sociales, tant à l’échelle mondiale que dans nos propres sociétés.<br />

Une formation qui se veut purement adaptatrice à <strong>des</strong> techniques<br />

ou à <strong>des</strong> jobs, qui, de toute façon, auront toute chance d’avoir disparu,<br />

entre le moment où ils ont été choisis, et le moment où ils se réalisent, à<br />

cause de <strong>la</strong> rapidité de l’évolution <strong>des</strong> technologies, cette formation ne<br />

nous permet pas de répondre à toutes les questions qui sont celles du<br />

chômage de masse.<br />

Inversement, si vous prenez le problème par le droit au métier, on<br />

peut dire que tout être humain a au moins deux métiers matriciels dont<br />

vont dépendre tous les autres. Tout être humain a un métier de chef de<br />

projet, chef de projet de sa propre <strong>vie</strong>. C’est l’intérêt de <strong>la</strong> société que,<br />

grâce à l’éducation, que ce métier (ou ces métiers, on peut avoir plusieurs<br />

projets de <strong>vie</strong> essentiels) ait pu être construit, préparé, repéré et<br />

qu’il soit ensuite exercé dans de bonnes conditions. Une personne qui<br />

n’arrive pas à prendre en charge sa propre <strong>vie</strong>, non seulement se détruit<br />

elle-même, mais les dégâts col<strong>la</strong>téraux qu’elle va faire autour d’elle vont<br />

coûter très chers à <strong>la</strong> société.<br />

Le mot coût est à écrire aussi bien au sens de coût que de coups. Ce<br />

sont l’ensemble <strong>des</strong> coups de maltraitance qui <strong>vie</strong>nnent du fait, que l’on<br />

a <strong>des</strong> humains qui n’ont pas accédé à <strong>la</strong> capacité de se mettre debout<br />

et d’assumer leur projet.<br />

ATD Quart Monde, les Réseaux d’Échanges Réciproques de Savoirs,<br />

entre autres, l’ont mis en évidence : tout être humain, y compris dans <strong>des</strong><br />

situations dites défavorisées, est porteur de savoirs, de savoir être, de<br />

savoir-faire, de savoir de compétences, etc. À partir du moment où l’on<br />

Les actes : février 2012<br />

73


permet à ces personnes, aussi bien individuellement que collectivement, de<br />

comprendre qu’elles sont elles-mêmes porteuses de savoirs, elles peuvent<br />

alors à <strong>la</strong> fois les échanger et les transmettre. Le processus de construction<br />

de leur propre estime, leur propre fierté va se trouver bouleversé.<br />

Il y a un lien direct entre le chantier d’une autre approche de <strong>la</strong><br />

richesse, le chantier d’une autre approche de <strong>la</strong> démocratie et le chantier<br />

d’une autre approche <strong>des</strong> questions de l’emploi, en reprenant le<br />

problème en terme de métier, en organisant <strong>la</strong> nécessité de politiques<br />

de temps de <strong>vie</strong>, depuis l’accompagnement de <strong>la</strong> naissance jusqu’à<br />

l’accompagnement de <strong>la</strong> mort. Comment permettre à <strong>des</strong> êtres humains,<br />

aussi bien <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n personnel, que <strong>sur</strong> le p<strong>la</strong>n collectif, d’aller vers le<br />

meilleur de leurs potentialités créatrices ? C’est <strong>la</strong> notion d’accompagnement<br />

vers ce qu’Amartya Sen 9 appe<strong>la</strong>it les capabilités, les potentialités<br />

créatrices, plutôt que <strong>des</strong> logiques compétitives, qui va nous intéresser.<br />

Pour évoquer <strong>des</strong> éléments de perspectives stratégiques, pour avancer<br />

<strong>sur</strong> ces trois chantiers, qui sont au cœur de <strong>la</strong> nouvelle éducation<br />

popu<strong>la</strong>ire, pour permettre de <strong>la</strong> refonder de façon dynamique, on peut<br />

utiliser ce que lors <strong>des</strong> états généraux de l’économie sociale et solidaire<br />

ont a appelé « le trépied du R.Ê.V.E. ».<br />

C’est-à-dire, le lien nécessaire entre <strong>la</strong> résistance, une résistance<br />

créatrice, qui n’est pas une révolte désespérée, une résistance qui va<br />

être productrice de conflits alternatifs à <strong>la</strong> violence, le R de <strong>la</strong> résistance<br />

créatrice. Le V de <strong>la</strong> vision transformatrice, ce qui débloque l’imaginaire<br />

permet de sortir de <strong>la</strong> pensée TINA (There Is No Alternative), phrase de<br />

Margaret Thatcher 10 que l’on nous ressort sous <strong>des</strong> formes différentes<br />

tout le temps. À chaque fois que le Président de <strong>la</strong> République actuel<br />

veut passer en contrebande ses projets de régression sociale, il nous dit<br />

« c’est ça, ou le chaos ». C’est le propre <strong>des</strong> acteurs de l’économie et de<br />

<strong>la</strong> politique dominante de mettre en avant <strong>la</strong> pensée TINA.<br />

9. Amartya Kumar Sen (Bengali) est un économiste. Il a reçu le prix Nobel d’économie<br />

en 1998, pour ses travaux <strong>sur</strong> <strong>la</strong> famine, <strong>sur</strong> <strong>la</strong> théorie du développement humain, <strong>sur</strong><br />

l’économie du bien-être, <strong>sur</strong> les mécanismes fondamentaux de <strong>la</strong> pauvreté, et <strong>sur</strong> le<br />

libéralisme politique. Il est l’initiateur de l’approche par les capabilités.<br />

10. There is no alternative (TINA « il n’y a pas d’alternative » en français) est un slogan<br />

politique couramment attribué à Margaret Thatcher lorsqu’elle était Premier ministre<br />

du Royaume-Uni qui signifie que le marché, le capitalisme et <strong>la</strong> mondialisation sont<br />

<strong>des</strong> phénomènes nécessaires et bénéfiques et que tout régime qui prend une autre<br />

voie court à l’échec.<br />

74 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Le déblocage de l’imaginaire se manifeste à travers le E de l’expérimentation,<br />

mais d’une expérimentation anticipatrice, qui va dire : « ici et<br />

maintenant, nous allons le plus loin possible dans <strong>la</strong> démonstration que<br />

cet autre monde est déjà possible ».<br />

C’est toute l’histoire du mouvement ouvrier. Si vous prenez <strong>la</strong> fin du<br />

XIX e , avec ce capitalisme industriel à <strong>la</strong> Zo<strong>la</strong> et son caractère d’insoutenabilité,<br />

vous avez le R de <strong>la</strong> résistance, mais vous avez le V de <strong>la</strong> vision,<br />

pas simplement <strong>sur</strong> <strong>la</strong> vision politique. Quand vous regardez <strong>la</strong> façon<br />

dont est né le projet de création de <strong>la</strong> sécurité Sociale, ce<strong>la</strong> paraissait à<br />

l’époque une utopie totalement insensée. Cette représentation qu’un jour<br />

il serait possible de construire un système de sécurité sociale, permettait,<br />

par ce déblocage de l’imaginaire, le E de l’expérimentation anticipatrice<br />

de l’époque, qui était <strong>la</strong> création <strong>des</strong> caisses de secours mutuel.<br />

Nous avons besoin aujourd’hui que nous mettions en œuvre ce trépied<br />

en permanence, et que nous le fassions ensemble. Si l’on dissocie<br />

<strong>la</strong> résistance de <strong>la</strong> vision et de l’expérimentation, il y a un moment où <strong>la</strong><br />

résistance tourne à <strong>la</strong> révolte désespérée. Si <strong>la</strong> vision n’est pas incarnée,<br />

vous pouvez vous lever tous les matins en disant qu’un autre monde est<br />

possible, mais c’est un horizon qui s’éloigne ; à <strong>la</strong> fin, au lieu d’être une<br />

source d’énergie, ce<strong>la</strong> de<strong>vie</strong>nt un sentiment d’impuissance.<br />

Si vous découplez l’expérimentation de <strong>la</strong> résistance et de <strong>la</strong> vision<br />

transformatrice, vous serez pris inévitablement dans une contradiction,<br />

même en déployant une énergie créatrice formidable.<br />

Cette énergie créatrice permet de limiter <strong>la</strong> casse du système ou<br />

est instrumentée par le système dominant. Un exemple typique récent,<br />

c’est l’histoire du microcrédit. Au départ, le microcrédit, notamment tel<br />

qu’il est pensé par Muhammad Yunus 11 , est une critique en acte du<br />

macrocrédit. Il faut voir <strong>la</strong> sévérité de Yunus <strong>sur</strong> le système bancaire<br />

officiel et donc, <strong>la</strong> partie de résistance présente. De <strong>la</strong> même façon, il<br />

est possible de changer radicalement les règles du crédit, y compris à<br />

l’échelle macro-internationale, avec une vision transformatrice. Dans les<br />

faits, on a découplé le microcrédit de sa part de résistance et de sa part<br />

de vision transformatrice : le microcrédit se contente de limiter <strong>la</strong> casse<br />

<strong>des</strong> dégâts du macrocrédit.<br />

11. Muhammad Yunus est un économiste et entrepreneur bang<strong>la</strong>dais connu pour<br />

avoir fondé <strong>la</strong> première institution de microcrédit, <strong>la</strong> Grameen Bank, ce qui lui valut le<br />

prix Nobel de <strong>la</strong> paix en 2006. Il est <strong>sur</strong>nommé le « banquier <strong>des</strong> pauvres » [1].<br />

Les actes : février 2012<br />

75


Ainsi, <strong>des</strong> banques françaises, celles-là même qui refusent de<br />

faire crédit à leurs popu<strong>la</strong>tions les plus pauvres, ont créé <strong>des</strong> comités<br />

d’éthique et, à coup de p<strong>la</strong>quettes magnifiques, nous expliquent qu’elles<br />

sont en partenariat avec <strong>la</strong> Grameen Bank 12 , qu’elles sont dans une<br />

perspective de Social Business, etc. Pour reprendre <strong>la</strong> comparaison<br />

historico-théologique énoncée plus avant, c’est l’équivalent du trafic<br />

d’indulgences !<br />

Quand vous prenez <strong>des</strong> valeurs fondamentales et que vous les marchandisez<br />

parce que vos caisses sont vi<strong>des</strong>, vous allez créer une crise<br />

généralisée du crédit, entendue comme crise de confiance et comme<br />

crise de foi, le mot finance ne veut pas simplement dire confiance, mais<br />

aussi foi. Toute grande crise financière est à analyser dans les catégories<br />

d’une grande crise religieuse, de ce point de vue-là.<br />

Ce trépied du rapport entre <strong>la</strong> résistance, <strong>la</strong> vision et l’expérimentation,<br />

c’est un élément de stratégie dynamique pour une nouvelle forme<br />

d’éducation popu<strong>la</strong>ire et de <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>. L’énergie qui met en p<strong>la</strong>ce<br />

ce trépied du rêve, c’est l’énergie du désir. Quand on évoque <strong>la</strong> pensée<br />

TINA, qu’est-ce qu’une pensée qui créé un sentiment d’impuissance,<br />

y compris pour les victimes d’un système ? C’est ce que l’on appelle<br />

le phénomène de <strong>la</strong> sidération. La sidération, c’est quand vous êtes<br />

dans un tel état, que même si vous êtes victime d’un système, vous<br />

êtes convaincu, au fond de vous-même, qu’il n’est pas possible de faire<br />

autrement.<br />

Comment sort-on de <strong>la</strong> sidération ? Les mots sont intéressants à revisiter,<br />

le contraire de <strong>la</strong> sidération, <strong>la</strong> désidération. Cet état de sidération<br />

se manifeste à travers <strong>la</strong> fascination de l’argent. Si l’argent fascine tant<br />

nos sociétés, c’est que fondamentalement, il permet de traiter l’angoisse<br />

de mort par une fascination du règne minéral. Ce minéral qui brille, on<br />

comprend bien que ce<strong>la</strong> remplit une autre fonction positive.<br />

L’alternative à <strong>la</strong> sidération, c’est l’énergie du désir. Encore faut-il que<br />

les acteurs de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>, de l’éducation popu<strong>la</strong>ire et de l’économie<br />

sociale et solidaire, se remettent à croire à leurs valeurs comme<br />

source de <strong>vie</strong>.<br />

12. La Grameen Bank (littéralement, « Banque <strong>des</strong> vil<strong>la</strong>ges ») est une banque spécialisée<br />

dans le microcrédit. Elle a été créée officiellement en 1983 par Muhammad<br />

Yunus au Bang<strong>la</strong><strong>des</strong>h.<br />

76 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Le diagramme de Dark Vador. (Cf. schéma exécuté <strong>sur</strong> tableau) :<br />

créativité<br />

compétition coopération<br />

bureaucratif<br />

Dans le diagramme de Dark Vador, vous avez le côté obscur de<br />

<strong>la</strong> force. Vous prenez un double axe, qui est caractéristique de toute<br />

collectivité humaine, COOPÉRATION/COMPÉTITION, et un autre axe<br />

CRÉATIVITÉ/BUREAUCRATIE. Si l’on prend les acteurs de l’économie<br />

sociale et solidaire, de l’éducation popu<strong>la</strong>ire, de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>, leurs<br />

valeurs affichées sont de l’ordre de <strong>la</strong> coopération créative, au croisement<br />

de l’axe coopératif et de l’axe créatif. Si, dans un mouvement de<br />

perte d’énergie, vous gardez <strong>la</strong> coopération, vous n’êtes plus vraiment<br />

dans <strong>la</strong> créativité, alors vous commencez à aller sérieusement vers <strong>des</strong><br />

modèles bureaucratiques. Vous êtes alors dans le modèle de <strong>la</strong> coopération<br />

bureaucratique qui commence à être énergétiquement moins<br />

intéressant. Ce sont les Yalta, dont l’économie sociale est une grande<br />

spécialiste. Des institutions se mettent en p<strong>la</strong>ce, au sein <strong>des</strong>quelles on<br />

organise le partage <strong>des</strong> territoires et <strong>des</strong> puissances, dans une logique<br />

bureaucratique. Imaginez, qu’il y ait une nouvelle dégradation d’énergie,<br />

vous n’êtes même plus dans <strong>la</strong> coopération bureaucratique, mais vous<br />

êtes dans <strong>la</strong> compétition bureaucratique. À ce moment-là, vous êtes<br />

dans <strong>la</strong> double peine. Vous n’avez plus les avantages de <strong>la</strong> coopération,<br />

mais une compétition féroce avec tous les acteurs.<br />

En plus, vous avez à gérer le poids <strong>des</strong> logiques bureaucratiques.<br />

On comprend bien que, quand l’économie de marché fonctionne à<br />

peu près correctement, ce qui n’est pas le cas du capitalisme, c’est-àdire<br />

qu’elle est dans <strong>la</strong> compétition créative, vous vous retrouvez en deçà<br />

de l’économie de marché. En prime, si vous êtes dans <strong>la</strong> compétition<br />

Les actes : février 2012<br />

77


ureaucratique et que vos valeurs sont dans <strong>la</strong> coopération créative,<br />

vous allez porter vos valeurs comme <strong>des</strong> boulets, c’est <strong>la</strong> double peine.<br />

Il n’y a de possibilité, dans une stratégie du désir, qui met en œuvre<br />

<strong>la</strong> stratégie du rêve, que si les conditions de <strong>la</strong> coopération créative sont<br />

recréées. Ce<strong>la</strong> s’appelle l’aide mutuelle à <strong>la</strong> joie de vivre, <strong>la</strong> seule énergie<br />

qui met en mouvement <strong>des</strong> êtres humains, individuellement ou collectivement.<br />

Le danger est de recréer par-derrière de nouvelles logiques<br />

de captation et de domination, c’est le problème majeur de toutes les<br />

collectivités humaines. Vous pouvez être lucide <strong>sur</strong> l’accaparement de<br />

richesse, mais si vous êtes aveugle <strong>sur</strong> l’accaparement de pouvoir, vous<br />

avez le drame historique qu’a été celui du communisme. Si vous êtes<br />

aveugle <strong>sur</strong> l’accaparement du sens, vous pouvez avoir <strong>des</strong> révolutions<br />

fondamentalistes à l’iranienne.<br />

La grande question est d’éviter, parce que l’on a été victime, de<br />

devenir soi-même bourreau. Le fait d’être victime n’est en aucune façon<br />

un vaccin définitif contre le fait de devenir bourreau. La seule énergie qui<br />

bloque à <strong>la</strong> racine <strong>la</strong> recréation de nouvelles formes de captation et de<br />

domination, existe quand l’accès à l’intensité de <strong>vie</strong> que chacun éprouve<br />

est telle que non seulement on n’a pas en<strong>vie</strong> de rentrer en rivalité avec<br />

autrui, mais on a, au contraire, plutôt en<strong>vie</strong> que les autres participent de<br />

cette même intensité.<br />

C’est le passage du couple excitation/dépression, qui est au cœur<br />

de <strong>la</strong> finance, au cœur <strong>des</strong> médias, au cœur de nos systèmes de représentation,<br />

pour un autre couple, qui est le couple intensité/sérénité, qui<br />

correspond exactement à ce que Spinoza appe<strong>la</strong>it <strong>la</strong> joie de vivre. Oser<br />

dire que nous avons à nous entraider mutuellement pour considérer que<br />

le droit d’être heureux est une alternative à <strong>des</strong> logiques de maltraitance<br />

et de mal de vivre qui sont au cœur de tous systèmes de domination. En<br />

même temps, il nous faut sortir définitivement ce que l’on peut appeler le<br />

« militantisme sacrificiel ».<br />

Quand on a <strong>des</strong> formes de militantisme qui remettent les projets de<br />

« lendemains qui chantent » au lendemain justement, et qui s’interdisent<br />

de favoriser les conditions qui nous permettent de vivre cette intensité<br />

de <strong>vie</strong> dès aujourd’hui, nous n’avons pas, à ce moment-là, l’énergie suffisante<br />

pour nous opposer à toutes les logiques. Les logiques peuvent être<br />

soit les logiques mortifères, soit les logiques dites « du divertissement »,<br />

au sens pascalien du terme, tout ce qui va faire que le capitalisme va<br />

nous su<strong>sur</strong>rer : « bien sûr, que nous déshumanisons, mais c’est pour<br />

votre bien, chers amis ».<br />

78 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Remettez l’humain au centre, ce que vous ne cessez de dire. On va<br />

voir ce que ce<strong>la</strong> donne ! Si remettre l’humain au centre, c’est remettre au<br />

centre une espèce humaine qui va de <strong>la</strong> Saint Barthélémy au Rwanda en<br />

passant par Hiroshima et Auschwitz, d’une telle capacité de prédation<br />

et de <strong>des</strong>truction, pour les autres ou pour elle-même, ce n’est pas une<br />

idée absolument extraordinaire. Remettre l’humain au centre n’a de sens<br />

que si les conditions de <strong>la</strong> question éducative sont créées. Dans cette<br />

perspective, c’est une question centrale.<br />

C’est le meilleur de l’humanité et non pas le pire de l’inhumanité que<br />

nous remettons au centre. Comment construit-on les éléments d’une<br />

qualité supérieure d’humanité ? C’est toute <strong>la</strong> grande question de <strong>la</strong><br />

fraternité et, osons le mot, de <strong>la</strong> question de l’amour. On n’arrête pas<br />

de considérer que l’on tombe en amour, qui est l’inconscient collectif<br />

profond, de <strong>la</strong> plupart <strong>des</strong> traditions humaines : on tombe en amour, on<br />

tombe amoureux.<br />

De <strong>la</strong> même façon, le bonheur est associé à l’idée d’ennui, « les<br />

peuples heureux n’ont pas d’histoire », « ils furent heureux et ils eurent<br />

beaucoup d’enfants », fin de l’histoire ! L’amour est associé à <strong>la</strong> chute, le<br />

bonheur est associé à l’ennui, et le sens très souvent à <strong>la</strong> guerre ! Quand<br />

on a le sentiment d’avoir trouvé quelque chose de vital, qui répond à<br />

<strong>la</strong> question fondamentale du sens de sa <strong>vie</strong> face à sa mort, là encore,<br />

c’est un enjeu collectif et individuel, <strong>la</strong> peur d’être déstabilisé par le sens<br />

d’autrui de<strong>vie</strong>nt important.<br />

Tant que l’on ne réouvre pas le chantier « A.B.S. », il est possible<br />

de s’élever en Amour et non pas de tomber. Il est possible de vivre à <strong>la</strong><br />

Bonne heure, c’est-à-dire vivre l’intensité, <strong>la</strong> présence et <strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong><br />

<strong>vie</strong>, c’est une formidable aventure, collective et individuelle et non pas un<br />

ennui. Il est possible de se nourrir de <strong>la</strong> pluralité <strong>des</strong> traditions de Sens,<br />

ce<strong>la</strong> s’appelle le dialogue <strong>des</strong> civilisations et l’espace de <strong>la</strong> spiritualité<br />

<strong>la</strong>ïque. À ce moment-là, cette nourriture est une formidable chance pour<br />

l’humanité de s’élever.<br />

Pour réaliser ce chantier-là, nous avons besoin de croire que <strong>la</strong> joie<br />

de vivre est possible, qu’elle est praticable, qu’elle est une valeur, au<br />

sens de force de <strong>vie</strong>.<br />

Les actes : février 2012<br />

79


DÉBAT AVEC LA SALLE<br />

Réponses aux questions et remarques de <strong>la</strong> salle<br />

« Les Trente Glorieuses »<br />

Il est intéressant de faire du « tri sélectif » <strong>sur</strong> cette période dite <strong>des</strong><br />

« Trente Glorieuses » Ce qui est contestable <strong>sur</strong> cette période, c’est<br />

qu’il y a un double point aveugle. Le point aveugle le plus évident est<br />

écologique : à aucun moment on ne se pose <strong>la</strong> question écologique.<br />

Le deuxième point aveugle est spirituel. Tous les mouvements de 1968<br />

se sont levés contre l’extraordinaire pauvreté comme objet social de<br />

société, dont le seul objet était <strong>la</strong> consommation, l’alternative au « métro,<br />

boulot, dodo ».<br />

Il y a un vrai double point aveugle dans ces fameuses « trente glorieuses<br />

», qui fait, qu’à juste titre, le terme glorieux est totalement inadapté.<br />

En revanche, il y a une différence tout à fait fondamentale de ces<br />

trente années-là par rapport aux quarante dernières années que nous<br />

venons de vivre, qui sont non seulement piteuses, mais même odieuses,<br />

à bien <strong>des</strong> égards. Non seulement, elles n’ont pas rétabli <strong>la</strong> question<br />

du double point aveugle, l’écologie et le sens, mais en prime, elles ont<br />

recréé les conditions de ce que Karl Po<strong>la</strong>nyi 13 , avait appelé <strong>des</strong> « sociétés<br />

de marchés », et non plus <strong>des</strong> « économies de marchés », ou ce que<br />

l’on peut appeler un « ultracapitalisme ». La période d’après-guerre est<br />

une période qui, du point de vue économique et financier, est marquée<br />

par de <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion.<br />

Le phénomène de l’économie spécu<strong>la</strong>tive sous sa forme explosive<br />

n’existe pas. Le phénomène même de l’endettement n’existe pas. Le<br />

creusement <strong>des</strong> inégalités sociales était en permanence attaqué à <strong>la</strong><br />

racine par <strong>la</strong> fiscalité. Aux États-Unis, sous l’administration d’Eisenhower,<br />

qui n’est pas spécialement connu pour être un alternatif, le taux<br />

d’imposition de <strong>la</strong> tranche supérieure était de plus de 90 %. Roosevelt<br />

l’avait mis à 95 % ; on est loin du bouclier fiscal. S’il y a eu <strong>des</strong> formes<br />

de développement qui ont permis en particulier <strong>la</strong> croissance <strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses<br />

13. Karl Po<strong>la</strong>nyi était un historien hongrois de l’économie. Socialiste influencé par le<br />

marxisme, il est principalement connu pour son livre La Grande Transformation.<br />

80 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


moyennes, qui est un élément clé du point de vue démocratique, c’est<br />

parce que l’on avait de l’économie régulée.<br />

Aujourd’hui, nous sommes dans une situation que l’on peut appeler<br />

le système DCD : Dérégu<strong>la</strong>tion à outrance, Compétition à outrance,<br />

Délocalisation à outrance, ce<strong>la</strong> donne les « quarante piteuses » que nous<br />

sommes en train de vivre. Redécouvrir, dans une prochaine perspective<br />

historique, sortir de l’insoutenabilité du modèle DCD, reprendre ce qui,<br />

dans <strong>la</strong> période d’après-guerre, avait été positif, du point de vue de<br />

<strong>la</strong> justice sociale et de <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion, c’était tout l’enjeu <strong>des</strong> bases du<br />

Conseil National de <strong>la</strong> Résistance.<br />

La question de l’évaluation<br />

C’est le moment, y compris quand j’évoque le trépied du rêve,<br />

d’ajouter le E sans aucun problème. Aussi bien dans <strong>la</strong> résistance, que<br />

dans <strong>la</strong> vision, que dans l’expérimentation, on a besoin de faire œuvre<br />

de discernement, donc d’évaluation. On peut redonner toute sa force<br />

au mot évaluation à partir du sens du mot valeur. Si l’évaluation est une<br />

délibération <strong>sur</strong> ce qui est force de <strong>vie</strong>, ou, au contraire ce qui est nuisible,<br />

on va retrouver les deux dimensions de l’évaluation. Les éléments<br />

de quantification, de me<strong>sur</strong>e, sont <strong>des</strong> outils au service de <strong>la</strong> qualification<br />

et non l’inverse. La quantification n’est pas une finalité. C’est un outil<br />

au service de <strong>la</strong> qualification. Il y a quantité de situations où il n’y a pas<br />

besoin de quantification. La quantification n’a de sens que référée à <strong>la</strong><br />

question de <strong>la</strong> qualification. C’est ce qui fonde <strong>la</strong> démocratie. Si tout<br />

était quantifiable, il suffirait de sociétés à pilotage automatique avec<br />

les bons logiciels et les bons indicateurs, nous n’aurions pas besoin de<br />

délibération.<br />

La question évaluative est à inscrire pleinement. L’évaluation est une<br />

fonction de <strong>la</strong> démocratie, c’est une bataille qu’il faut continuer à mener<br />

aujourd’hui. On ne peut pas dissocier l’évaluation du processus démocratique.<br />

Les valeurs et le réel<br />

Il faut arrêter de nous <strong>la</strong>isser intimider par <strong>la</strong> conception du pseudoréalisme<br />

qui est lié au modèle dominant. Qu’est-ce que l’irréalisme total<br />

pour <strong>des</strong> êtres humains ? Pour reprendre une phrase fameuse <strong>des</strong> traditions<br />

de sagesse, ce que l’on peut définir comme l’irréalisme total « ce<br />

sont <strong>des</strong> humains qui vivent sans savoir qu’ils vont mourir et qui meurent<br />

sans savoir qu’ils ont vécus ». C’est l’irréalisme total.<br />

Les actes : février 2012<br />

81


Le véritable réalisme anthropologique est celui qui épouse pleinement<br />

<strong>la</strong> condition humaine et qui se pose <strong>la</strong> question éducative par excellence<br />

: « Comment je vais vivre cette condition ? », « Comment vais-je<br />

m’élever dans cette condition ? », « Comment faire de cette condition<br />

humaine un voyage dont les autres vont être <strong>des</strong> compagnons de route<br />

et non pas <strong>des</strong> rivaux ? ».<br />

Ce sont ces questions qui constituent le véritable réalisme anthropologique.<br />

82 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


SYnthèse <strong>des</strong> ateliers<br />

THÈME 1<br />

« Concurrence, performance et commande<br />

publique : Les associations face aux mutations<br />

institutionnelles. L’initiative <strong>associative</strong> est-elle<br />

condamnée ? »<br />

Le réseau associatif de <strong>la</strong> Ligue de l’enseignement est présent et<br />

agit au niveau de tous les échelons territoriaux du pays. De ce fait,<br />

chaque composante du mouvement se trouve directement prise dans<br />

les mouvements qui se sont amorcés depuis plusieurs années : mise<br />

en concurrence du secteur associatif avec le secteur marchand par le<br />

recours de plus en plus fréquent aux appels d’offres, mise en <strong>application</strong><br />

de nouvelles règles de management public qui se répercutent <strong>sur</strong> nos<br />

rapports avec l’État et les collectivités territoriales, volonté politique de<br />

soumettre les associations à <strong>des</strong> procédures et <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> d’évaluation<br />

pensés, conçus en dehors d’elles et inadaptés à leur réalité.<br />

Il est particulièrement difficile de résister à ce mouvement de fond.<br />

Le secteur associatif pris dans différentes contraintes ne réussit pas toujours<br />

à faire valoir d’autres approches et à revendiquer une p<strong>la</strong>ce qui va<br />

bien au-delà <strong>des</strong> différents services ou prestations auxquels il est identifié.<br />

Nos re<strong>la</strong>tions avec les pouvoirs publics et les collectivités territoriales<br />

en sont affectées.<br />

Cette problématique, déclinée à partir <strong>des</strong> notions de compétition et<br />

performance, dit bien tout l’enjeu qu’il y a à réussir à se détacher d’une<br />

identité de fournisseur de services pour retrouver une p<strong>la</strong>ce d’acteur<br />

de <strong>la</strong> démocratie dans une société où les crises économique et sociale<br />

nécessitent <strong>des</strong> corps intermédiaires soli<strong>des</strong>, indépendants et en capacité<br />

de contribuer à une transformation de <strong>la</strong> société.<br />

Les actes : février 2012<br />

83


n Conception et évaluation <strong>des</strong> politiques publiques<br />

Comment le secteur associatif peut-il peser davantage dans <strong>la</strong><br />

conception et l’évaluation <strong>des</strong> politiques publiques pour éviter d’être<br />

cantonné à un rôle de mise en œuvre ?<br />

Dans cette question, l’enjeu du projet politique de <strong>la</strong> Ligue apparaît<br />

central. Le projet est réaffirmé comme étant notre principal outil. L’affirmer,<br />

le diffuser, le rendre plus visible et plus lisible doit nous permettre<br />

d’aller vers une reconnaissance qui dépasse celle <strong>des</strong> différentes activités<br />

que nous développons. Le projet définit ce que nous sommes à<br />

savoir un corps intermédiaire, un collectif constitué dans une perspective<br />

d’action collective organisée. Il nous donne donc <strong>la</strong> capacité et <strong>la</strong> légitimité<br />

à participer au débat public d’une part et à contribuer à l’é<strong>la</strong>boration<br />

<strong>des</strong> politiques nationales ou territoriales d’autre part.<br />

Face à une idéologie libérale dominante, peser dans l’espace public<br />

suppose de porter une autre vision de <strong>la</strong> conception et de l’évaluation<br />

<strong>des</strong> politiques publiques. C’est un cheminement que nous ne pouvons<br />

pas faire seuls. C’est pourquoi, il est important de renforcer et de développer<br />

<strong>des</strong> col<strong>la</strong>borations avec le milieu universitaire. Ceci dans un mouvement<br />

réciproque d’enrichissement : offrir <strong>des</strong> terrains de recherche aux<br />

universitaires et nous donner les moyens d’étayer notre discours mais<br />

aussi nos actions, de les faire évaluer (produire autrement <strong>des</strong> richesses,<br />

évaluer autrement…).<br />

S’attacher à diffuser, partager notre projet politique dans les différentes<br />

instances de gouvernance <strong>des</strong> collectivités est une façon de<br />

pousser nos interlocuteurs, nos partenaires, à revenir dans le champ du<br />

politique dans les re<strong>la</strong>tions que nous entretenons avec eux.<br />

Les objectifs à poursuivre<br />

• Investir tous les espaces du politique en renouant un dialogue<br />

direct avec les élus et revendiquer une p<strong>la</strong>ce dans l’é<strong>la</strong>boration<br />

<strong>des</strong> politiques publiques. Il s’agit d’être présent dès le 1 er niveau de<br />

réflexion initié <strong>sur</strong> les politiques publiques, dans tous les espaces<br />

de débat, dans toutes les instances de concertation, de consultations<br />

(conseil de développement, diagnostic de pays…). Cette<br />

forme de « reconquête » suppose d’inciter et d’accompagner notre<br />

réseau afin que <strong>la</strong> démarche s’enclenche à tous les échelons de<br />

notre mouvement. La formation <strong>des</strong> élus, mais aussi celle <strong>des</strong><br />

techniciens <strong>des</strong> collectivités locales (ex. <strong>sur</strong> les différentes formes<br />

84 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


de contractualisation, de conventionnement, de modalités de partenariat),<br />

font partie <strong>des</strong> options que nous devons prendre.<br />

Le niveau d’action le plus pertinent semblerait être le niveau régional,<br />

même s’il apparaît que l’organisation régionale de notre réseau n’est<br />

actuellement pas <strong>la</strong> plus structurante et <strong>la</strong> plus structurée.<br />

• Organiser le dialogue civil implique de renforcer notre discours <strong>sur</strong><br />

cette question et de l’articuler à celle de <strong>la</strong> démocratie participative,<br />

<strong>sur</strong> leur complémentarité. Notre point d’ancrage doit c<strong>la</strong>irement se<br />

situer dans une démarche d’éducation popu<strong>la</strong>ire, qu’il con<strong>vie</strong>ndra<br />

de réactiver et de remobiliser. Nous sommes un réseau associatif,<br />

mais nous ne pouvons pas agir seul hors <strong>des</strong> différentes coordinations<br />

<strong>associative</strong>s auxquelles nous sommes rattachés. Il s’agit<br />

donc de mieux les investir, de maintenir notre présence dans<br />

l’ensemble <strong>des</strong> réseaux associatifs et de contribuer au développement<br />

de stratégies collectives. Légiférer pour l’institutionnalisation<br />

du dialogue civil est aussi une piste évoquée.<br />

Mener <strong>la</strong> bataille de l’évaluation consiste à porter, auprès <strong>des</strong> pouvoirs<br />

publics et <strong>des</strong> élus territoriaux, une autre vision de l’évaluation.<br />

En premier lieu, Il s’agit de contrer <strong>la</strong> simple évaluation quantitative, qui<br />

appauvrit <strong>la</strong> compréhension de notre action et d’é<strong>la</strong>borer <strong>des</strong> propositions<br />

alternatives. L’évaluation nécessite du temps et <strong>des</strong> moyens, <strong>des</strong><br />

conditions de dialogue avec toutes les parties prenantes d’une action,<br />

autant d’éléments à faire valoir pour aller vers une autre approche de<br />

<strong>la</strong> question. Sur ce point, l’accompagnement et <strong>la</strong> formation de notre<br />

réseau associatif à <strong>des</strong> démarches d’évaluation, axées <strong>sur</strong> l’aspect qualificatif<br />

<strong>des</strong> actions, seront déterminants. Des pistes très concrètes sont<br />

aussi évoquées : redonner de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce à <strong>des</strong> formes d’évaluation telles<br />

que le récit capable de rendre compte <strong>des</strong> vécus d’expériences et de<br />

l’utilité sociale de l’action, développer nos propres formes et contenus<br />

d’évaluation ; les diffuser en complément <strong>des</strong> évaluations imposées par<br />

l’externe.<br />

En conclusion, <strong>la</strong> Ligue de l’enseignement pourra davantage peser<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> conception et l’évaluation <strong>des</strong> politiques publiques par <strong>la</strong> recherche<br />

d’une ligne de conduite cohérente dans l’ensemble <strong>des</strong> composantes de<br />

notre réseau.<br />

Les actes : février 2012<br />

85


n Territoires pertinents de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong><br />

Quels sont les territoires les plus pertinents aujourd’hui pour <strong>la</strong> <strong>vie</strong><br />

<strong>associative</strong> ? Quelles évolutions <strong>des</strong> compétences et de <strong>la</strong> gouvernance<br />

<strong>des</strong> collectivités publiques pourraient favoriser, à chaque échelon<br />

pertinent, de véritables partenariats entre les associations et <strong>la</strong> puissance<br />

publique, impliquant d’autres acteurs territoriaux, dans une démarche de<br />

développement local ?<br />

Pour un réseau tel que le nôtre, tous les niveaux de territoires sont<br />

pertinents en matière d’actions et de développement de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>.<br />

Les spécificités de notre organisation territoriale méritent d’être<br />

précisées. La Ligue de l’enseignement constitue un réseau associatif<br />

présent <strong>sur</strong> l’ensemble du territoire. Son but est d’accompagner et<br />

d’appuyer les associations pour leur permettre de faire émerger et de<br />

développer leurs projets de territoire.<br />

Ainsi, il s’agirait de valoriser le fait qu’à chaque niveau territorial correspond<br />

un rôle spécifique pour notre réseau :<br />

• <strong>la</strong> proximité <strong>des</strong> actions dans une volonté de mutualisation se jouerait<br />

au niveau <strong>des</strong> communes et <strong>des</strong> regroupements de communes.<br />

• Le niveau départemental serait le lieu ressource, dont <strong>la</strong> mission<br />

spécifique pourrait être de promouvoir une logique de projet.<br />

• <strong>la</strong> région serait le niveau structuration de notre action territorialisée,<br />

en particulier en matière de jeunesse, d’éducation et de formation,<br />

mais seulement à <strong>la</strong> condition d’associer le local dans les prises<br />

de décisions.<br />

La redéfinition <strong>des</strong> niveaux que nous investissons dans l’objectif de<br />

développer et d’organiser <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> implique de re-questionner<br />

nos rapports avec les élus. Notre positionnement doit prendre en compte<br />

plusieurs éléments. Tout d’abord, considérer que les financements<br />

publics dont bénéficient les associations ne doivent pas être perçus<br />

comme une dépendance. Ils sont le signe de <strong>la</strong> contribution <strong>des</strong> associations<br />

à une politique d’intérêt général, dont les collectivités ne sont pas<br />

les seules dépositaires et qu’elles ne peuvent assumer seules.<br />

En parallèle, les associations et leurs dirigeants doivent, face aux<br />

élus, veiller à ne pas se <strong>la</strong>isser enfermer dans <strong>la</strong> position de l’opérateur,<br />

du prestataire. L’influence croissante du rôle <strong>des</strong> techniciens <strong>des</strong><br />

86 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


collectivités est de, ce point de vue, repérée comme un véritable frein ;<br />

leur approche technicienne prend le <strong>des</strong>sus aux dépens d’une approche<br />

politique, véritable attribution de l’élu.<br />

La réforme <strong>des</strong> collectivités territoriales, dont l’<strong>application</strong> est prévue<br />

dès 2014, va chambouler l’organisation <strong>des</strong> territoires et impacter nos<br />

actions, nos rapports avec les élus. La réforme <strong>des</strong> collectivités territoriales<br />

aura <strong>des</strong> répercussions <strong>sur</strong> nos actions. Pour interpeller le bon<br />

niveau de compétences, un travail doit être mené pour c<strong>la</strong>rifier les compétences<br />

<strong>des</strong> différents échelons politiques et leur articu<strong>la</strong>tion.<br />

Trois objectifs ont été définis<br />

• Renforcer notre capacité à nous organiser collectivement, l’enjeu<br />

étant de réaffirmer le secteur associatif dans son rôle de corps<br />

intermédiaire, à tous les échelons territoriaux, à <strong>la</strong> fois acteur de<br />

<strong>la</strong> <strong>vie</strong> démocratique et acteur de développement <strong>sur</strong> ces différents<br />

territoires. Pour y parvenir, nous devons d’ores et déjà anticiper les<br />

réformes à venir (réforme <strong>des</strong> collectivités territoriales) en identifiant<br />

dès maintenant ceux qui seront nos interlocuteurs en matière de<br />

développement de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>. Un <strong>des</strong> moyens pour atteindre<br />

cet objectif sera de nous attacher à informer et former l’ensemble<br />

de notre réseau.<br />

• Préserver notre capacité d’initiative, de manière à ne pas se<br />

<strong>la</strong>isser enfermer dans un rôle de prestataire. Nous devons, pour<br />

ce<strong>la</strong>, nous emparer de <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> me<strong>sur</strong>e de l’utilité sociale.<br />

Cette me<strong>sur</strong>e suppose d’en définir les indicateurs qui s’appuient à<br />

l’interne <strong>sur</strong> nos pratiques de management inspirées de l’ESS et à<br />

l’externe <strong>sur</strong> <strong>la</strong> valorisation de nos spécificités en termes d’actions<br />

et d’effets.<br />

• Participer à <strong>la</strong> définition <strong>des</strong> politiques publiques. Concourir à <strong>la</strong><br />

mise en œuvre de démarches de diagnostics partagés, valoriser le<br />

caractère de service public de nos actions. Œuvrer pour <strong>la</strong> mise en<br />

p<strong>la</strong>ce d’un conseil de développement à <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong> dans les<br />

communautés d’agglomération et de communes.<br />

Les actes : février 2012<br />

87


n Pratique vertueuse de <strong>la</strong> commande publique<br />

Comment favoriser une pratique vertueuse de <strong>la</strong> commande publique (à<br />

<strong>la</strong> fois par le commanditaire et les associations) permettant de concilier<br />

l’objectif d’une utilisation pertinente et transparente de l’argent public et<br />

celui de conforter le secteur associatif dans sa dimension civique et sa<br />

faculté à détecter les besoins sociaux ?<br />

Le terme de commande publique est associé à <strong>la</strong> procédure de mise<br />

en concurrence que sont les appels d’offres. Cette forme de définition<br />

<strong>des</strong> besoins et de réponse à ces besoins évacue de nombreuses questions<br />

qui se situent en amont : <strong>la</strong> définition <strong>des</strong> besoins, les acteurs susceptibles<br />

de contribuer à cette définition, le choix opéré quant au type de<br />

réponse, les mo<strong>des</strong> d’évaluation.<br />

Les objectifs définis<br />

• Travailler à une critique globale de <strong>la</strong> commande publique et être<br />

en capacité d’analyser et de répondre par d’autres propositions,<br />

continuer de promouvoir le modèle de conventionnement auprès<br />

<strong>des</strong> décideurs ;<br />

• Dans les re<strong>la</strong>tions avec les élus, se positionner comme acteur associatif<br />

en capacité d’identifier <strong>des</strong> besoins <strong>sur</strong> les territoires, et donc<br />

de co-construire avec les collectivités ;<br />

• É<strong>la</strong>borer et revendiquer notre propre culture de l’évaluation, en<br />

proposant, même si ce n’est pas attendu, <strong>des</strong> critères qualitatifs.<br />

n Influence de <strong>la</strong> réglementation européenne<br />

Comment infléchir les règles communautaires du marché intérieur et<br />

de <strong>la</strong> concurrence pour favoriser les initiatives <strong>associative</strong>s, et plus<br />

<strong>la</strong>rgement, de l’économie sociale, au nom de leur contribution à l’intérêt<br />

général ? Comment utiliser le droit européen (ex : en matière de lutte<br />

contre les discriminations) comme un le<strong>vie</strong>r ?<br />

Réussir à nous repérer dans une architecture européenne complexe,<br />

tant au niveau politique qu’institutionnel, est un enjeu pour notre réseau<br />

associatif. Promouvoir l’association et ses spécificités, dans un cadre<br />

européen, en est un autre.<br />

88 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Des objectifs qui ont été définis<br />

D’un point de vue politique, nous avons à renforcer le lien avec le<br />

niveau européen en développant <strong>des</strong> logiques d’influence auprès <strong>des</strong><br />

parlementaires européens. Comme au niveau national, il s’agit aussi de<br />

transformer nos rapports avec les décideurs politiques par <strong>des</strong> actions<br />

de promotion et de défense d’une logique de conventionnement plutôt<br />

qu’une logique d’appels d’offres.<br />

La formation demeure un objectif prioritaire. Il s’agit de développer<br />

et de renforcer pour notre réseau <strong>la</strong> connaissance et <strong>la</strong> compréhension<br />

<strong>des</strong> enjeux qui se jouent à ce niveau territorial ainsi que celles <strong>des</strong> mécanismes<br />

institutionnels de l’UE.<br />

Il est souhaitable de nous inscrire dans une approche européenne en<br />

participant à <strong>la</strong> réflexion <strong>sur</strong> l’homogénéisation <strong>des</strong> pratiques <strong>associative</strong>s<br />

au niveau européen.<br />

Une question reste en suspend, et mériterait d’être approfondie :<br />

Quelle utilité et quelle opérationnalité pour un statut de l’association<br />

européenne ?<br />

Les actes : février 2012<br />

89


THÈME 2<br />

L’engagement contemporain :<br />

les raisons d’agir et le sens <strong>des</strong> mutations<br />

Constats<br />

n Engagement et nouveau rôle pour les fédérations<br />

Une lecture c<strong>la</strong>ire de l’évolution <strong>des</strong> formes d’engagement est complexe<br />

et difficile à établir : Comment appréhender <strong>la</strong> réalité d’un effritement<br />

et d’une atomisation de l’engagement ?<br />

Il apparaît cependant nécessaire de déconstruire les représentations<br />

<strong>sur</strong> les formes de mobilisation collective et de réaffirmer l’existence<br />

encore vivace <strong>des</strong> valeurs citoyennes qui ont amené à <strong>la</strong> fondation de <strong>la</strong><br />

Ligue de l’enseignement il y a 150 ans.<br />

Il y a une plus grande distanciation aujourd’hui dans l’engagement. À<br />

titre d’exemple, pour les enseignants, ce<strong>la</strong> faisait partie de <strong>la</strong> fonction il y<br />

a quelques décennies, <strong>la</strong> question ne se posait pas ; elle faisait partie de<br />

<strong>la</strong> professionnalisation.<br />

Le fonctionnement <strong>des</strong> fédérations <strong>associative</strong>s pose question. Elles<br />

sont devenues parfois <strong>des</strong> prestataires ou <strong>des</strong> auxiliaires de services<br />

auprès <strong>des</strong> collectivités. De plus, une logique d’appareil <strong>des</strong>cendante<br />

pénalise l’ouverture <strong>sur</strong> une base militante renouvelée.<br />

Enfin, on constate un défaut de visibilité et de légitimité <strong>des</strong> coordinations<br />

<strong>associative</strong>s institutionnalisées comme <strong>la</strong> CPCA.<br />

Enjeux et pistes d’actions<br />

n Intégrer les nouvelles générations et favoriser les re<strong>la</strong>tions<br />

intergénérationnelles<br />

Les nouvelles générations nous regardent comme étant institutionnalisés<br />

et recherchent un chemin alternatif. Nous sommes dans une forme<br />

organisée de <strong>la</strong> militance et de <strong>la</strong> formation face à de nouvelles générations<br />

ayant d’autres préoccupations.<br />

Quels moyens inventer pour travailler ensemble ? Quelles p<strong>la</strong>ces pour<br />

90 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


celles et ceux qui refusent les logiques d’appareil : quelle adaptation de<br />

nos logiques ? Comment faire en sorte que cette émergence profite à<br />

l’associatif ? Nous devons être capables de les penser légitimes dans leur<br />

modèle d’engagement.<br />

Les jeunes n’ont pas grand-chose de spécifique dans leurs modalités<br />

d’engagement : <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> transmission doit se penser de <strong>la</strong><br />

même manière pour eux comme pour les retraités débutants <strong>sur</strong> le tard<br />

l’engagement associatif.<br />

En revanche, une attention particulière a été consacrée par les pouvoirs<br />

publics à <strong>des</strong> le<strong>vie</strong>rs de participation spécifiques comme le service<br />

civique et il ne faut donc pas rater cette opportunité. Ce<strong>la</strong> passe aussi par<br />

<strong>la</strong> conduite d’une réflexion stratégique <strong>sur</strong> les dispositifs susceptibles de<br />

favoriser l’engagement comme les juniors associations.<br />

La valorisation individuelle de l’engagement peut être envisagée<br />

comme rétribution mais aucunement comme déclencheur de l’engagement<br />

sous peine de l’annihiler.<br />

Enfin, un plus grand renouvellement est à rechercher au sein <strong>des</strong> instances<br />

<strong>associative</strong>s, en limitant par exemple les mandats dans le temps.<br />

n Du bénévole au militant : organiser le passage<br />

Il n’y a jamais eu d’âge d’or du bénévo<strong>la</strong>t mais le passage du bénévo<strong>la</strong>t<br />

au militantisme doit se travailler différemment dans une société où<br />

les idéologies sont moins structurantes. Les processus d’é<strong>la</strong>boration<br />

collective sont décisifs dans cette montée en généralité que réc<strong>la</strong>me le<br />

militantisme.<br />

Il faut réfléchir à <strong>des</strong> formes de délibération qui permettent de traiter<br />

de tout (y compris de <strong>la</strong> gestion) sans techniciser le débat (toujours faire<br />

apparaître le sens derrière l’action) ; penser <strong>la</strong> convivialité ; <strong>la</strong>isser plus de<br />

p<strong>la</strong>ce à l’expression individuelle.<br />

n Initier une complémentarité avec les nouveaux collectifs<br />

associatifs informels<br />

Au sein de <strong>la</strong> ligue, nous n’agissons pas trop dans l’immédiateté<br />

de l’action, mais plutôt dans <strong>la</strong> structuration. A contrario, les nouveaux<br />

collectifs associatifs nous aident en questionnant nos mo<strong>des</strong> d’action.<br />

Les actes : février 2012<br />

91


Comment peut-on et doit-on s’approprier les mo<strong>des</strong> de fonctionnement<br />

de ces nouveaux collectifs ? On peut apprendre notamment de<br />

l’utilisation qu’ils font de <strong>la</strong> communication. Nous devons par ailleurs<br />

être un repère de structuration pour eux et travailler avec les collectifs<br />

informels.<br />

Nous devons aussi en tirer <strong>des</strong> enseignements pour faire évoluer<br />

notre mouvement. Peut-on encore longtemps se passer d’une communication<br />

<strong>la</strong>rge (type campagne d’opinion et actions de p<strong>la</strong>idoyer) et<br />

envisager en même temps une mobilisation importante ? Nous pouvons<br />

apprendre <strong>des</strong> collectifs dans <strong>la</strong> conduite d’une action militante, à l’heure<br />

<strong>des</strong> médias de masse et de l’internet communautaire.<br />

Il est donc nécessaire d’organiser une veille collective par rapport à<br />

ces collectifs pour rentrer en contact. Les associations telles que Génération<br />

précaire, Don quichotte, et les Indignés, mais aussi les collectifs<br />

ponctuels de défense d’une cause (par ex <strong>la</strong> fermeture de c<strong>la</strong>sses dans<br />

les écoles publiques) sont utiles même s’ils ont vocation à s’éteindre<br />

aussi vite qu’ils se sont créés ; organisons une complémentarité avec<br />

eux.<br />

Les collectifs associatifs doivent pouvoir compter <strong>sur</strong> les associations<br />

plus installées pour conduire leur travail d’alerte mais aussi prendre en<br />

compte les réalités de terrain dont elles ignorent souvent tout.<br />

Réactiver notre travail <strong>sur</strong> les valeurs et le sens politique de nos<br />

actions et faire évoluer notre gouvernance<br />

Au sein de <strong>la</strong> Ligue de l’enseignement, l’engagement doit devenir<br />

premier et l’appareil second.<br />

Une piste pourrait être <strong>la</strong> création d’espaces d’expression non statutaires<br />

et l’évolution <strong>des</strong> modalités de délibérations <strong>des</strong> instances pour<br />

produire du sens, de <strong>la</strong> parole partagée et lui donner de l’écho. Il ne<br />

faut pas limiter <strong>la</strong> démocratie interne au droit de vote dans les décisions<br />

statutaires.<br />

Comment intégrer toutes les parties prenantes de <strong>la</strong> Ligue dans le<br />

message de <strong>la</strong> fédération (sa<strong>la</strong>rié, volontaire, militant, partenaires, usagers,<br />

etc.) et faire évoluer <strong>la</strong> gouvernance ?<br />

92 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


n Renforcer le rôle <strong>des</strong> instances de <strong>la</strong> société civile dans<br />

l’é<strong>la</strong>boration <strong>des</strong> politiques publiques<br />

Dans <strong>la</strong> démocratie consultative organisée par les collectivités, il faut<br />

repenser les conditions d’une réelle contribution <strong>des</strong> parties prenantes<br />

aux processus qui se revendiquent d’une logique publique (réappropriation<br />

<strong>des</strong> métho<strong>des</strong> de l’éducation popu<strong>la</strong>ire – voir, comprendre, agir).<br />

Ce<strong>la</strong> passe aussi par <strong>la</strong> promotion du dialogue civil organisé au<br />

niveau local : organisation de conférences départementales <strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong><br />

<strong>associative</strong> ; renforcement du rôle <strong>des</strong> CESER (conseils économiques et<br />

sociaux régionaux) et <strong>des</strong> Conseils de développement en rendant leur<br />

consultation obligatoire et systématique.<br />

Les actes : février 2012<br />

93


THÈME 3<br />

« Professionnalisation, quête de performance : le<br />

modèle de l’entreprise s’impose-t-il aux bénévoles,<br />

aux sa<strong>la</strong>riés et aux volontaires <strong>des</strong> associations ? »<br />

n Évolution manageriale de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong><br />

L’approche de l’engagement par <strong>la</strong> question <strong>des</strong> compétences met en<br />

évidence une évolution managériale de <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>. Bien au-delà<br />

de l’emploi associatif, ce sont tous les processus de production qui sont<br />

concernés. Dans quelle me<strong>sur</strong>e les associations peuvent-elles (doivent-<br />

elles) expérimenter d’autres mo<strong>des</strong> de fonctionnement que l’entreprise<br />

capitalistique ?<br />

Une part de nos difficultés s’explique par <strong>la</strong> pression qu’exerce <strong>la</strong><br />

puissance publique <strong>sur</strong> le secteur associatif pour créer de l’emploi. Certains<br />

financements de collectivités territoriales sont conditionnés au fait<br />

que l’association soit employeuse.<br />

Les associations peuvent participer à une politique de l’emploi, mais<br />

le cœur doit rester le projet partagé par <strong>des</strong> bénévoles.<br />

Le respect du droit du travail reste une bonne garantie pour les<br />

personnels associatifs, qu’on peut être tenté de mobiliser plus que de<br />

raison au nom de leur engagement. Il faut à <strong>la</strong> fois que les sa<strong>la</strong>riés associatifs<br />

soient associés au projet de l’association et qu’ils aient <strong>des</strong> droits<br />

comme dans n’importe quelle entreprise.<br />

Le phénomène de professionnalisation touche aussi les bénévoles<br />

qu’on a plus tendance à instrumentaliser dans <strong>des</strong> processus plus normés.<br />

Or, <strong>la</strong> spécificité de nos structures réside précisément dans leur<br />

caractère hybride, mobilisant à <strong>la</strong> fois <strong>des</strong> sa<strong>la</strong>riés et <strong>des</strong> bénévoles, qui<br />

discutent de <strong>la</strong> façon dont ils se répartissent <strong>la</strong> charge et se complètent.<br />

Il faut donc trouver <strong>des</strong> modalités de définition collective <strong>des</strong> processus<br />

de travail dans une association. Les instances doivent se pencher <strong>sur</strong> le<br />

sujet et pas seulement <strong>sur</strong> <strong>la</strong> santé financière de <strong>la</strong> structure (« état <strong>des</strong><br />

lieux de l’entreprise »).<br />

94 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Un projet associatif fort, partagé et régulièrement questionné, permet de<br />

bien répartir les rôles entre les parties prenantes, au-delà de leurs statuts.<br />

Nous avons un devoir d’exemp<strong>la</strong>rité dans les métho<strong>des</strong> de travail et<br />

<strong>la</strong> capacité à impliquer les sa<strong>la</strong>riés comme les bénévoles et nous devons<br />

le revendiquer. Ce<strong>la</strong> passe aussi par l’invention d’un vocabu<strong>la</strong>ire spécifique<br />

(pas de décalque du secteur lucratif, pas de « nov <strong>la</strong>ngue », pas<br />

d’anglicismes non plus).<br />

n Statut du volontariat de l’animation<br />

La Ligue promeut <strong>la</strong> création d’un statut du volontariat de l’animation<br />

et est fortement engagée dans le service civique. Quelle p<strong>la</strong>ce entendons-nous<br />

faire à cette nouvelle partie prenante du projet associatif ?<br />

Comment éviter le « sous-emploi » ? Le volontariat peut-il renforcer<br />

l’engagement bénévole ?<br />

Le volontariat doit être une façon de découvrir <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>. Il<br />

faut donc inscrire le volontaire dans <strong>des</strong> cadres qui lui permettent de<br />

donner du sens à son action et de se projeter dans l’engagement, audelà<br />

de <strong>la</strong> mission accomplie.<br />

• Créer <strong>des</strong> espaces d’expression pour les volontaires ; prendre en<br />

compte réellement leur vision <strong>des</strong> choses jusque dans nos instances<br />

décisionnaires ;<br />

• Former les volontaires par une démarche participative et collective ;<br />

développer leur sens critique ; transmettre aussi les valeurs de<br />

l’association ;<br />

• Proposer <strong>des</strong> parcours d’engagement. Dans <strong>la</strong> Ligue, les passerelles<br />

ne sont pas faites entre l’Usep, les juniors associations, les<br />

associations étudiantes d’Animafac, le service civique ou le contrat<br />

d’engagement éducatif.<br />

Les actes : février 2012<br />

95


n Conditions pour un emploi associatif de qualité<br />

L’une <strong>des</strong> fonctions sociales majeures <strong>des</strong> associations a été de créer<br />

de l’emploi. Quel bi<strong>la</strong>n tirons-nous aujourd’hui de l’arrivée massive<br />

de sa<strong>la</strong>riés dans les associations ? La contribution à l’effort de lutte<br />

contre le chômage (notamment par les emplois aidés) est-elle toujours<br />

aussi importante à nos yeux ? Quelles sont les conditions d’un emploi<br />

associatif de qualité ?<br />

Les associations ne répondraient pas aussi bien aux attentes de <strong>la</strong><br />

société à leur égard si elles n’avaient pas développé le sa<strong>la</strong>riat, qui a<br />

enrichi les projets associatifs et haussé le niveau d’exigence. Toutefois, il<br />

ne faut pas sous-estimer le risque toujours grand, pour une structure, de<br />

ne pas maîtriser son développement ou de mal gérer les conflits sociaux<br />

qui sont inéluctables et d’autant plus mal vécus par <strong>des</strong> dirigeants portés<br />

par leur engagement.<br />

L’emploi ne peut être qu’un moyen de mener à bien le projet de<br />

l’association. Pour autant, nous devons assumer pleinement notre rôle<br />

d’employeur en cohérence avec nos valeurs de solidarité. C’est pourquoi,<br />

nous devrions développer une vraie politique de réduction de l’emploi<br />

précaire dans nos structures, investir encore plus dans <strong>la</strong> formation<br />

et <strong>la</strong> qualification de nos personnels etc.<br />

La notion de sa<strong>la</strong>rié-militant est compliquée. Il est évident (mais pas<br />

toujours vrai) que les sa<strong>la</strong>riés doivent être impliqués dans <strong>la</strong> conduite <strong>des</strong><br />

projets mais il ne faut pas que tout l’espace soit occupé par les sa<strong>la</strong>riés.<br />

Sinon, <strong>la</strong> captation de l’association par ses sa<strong>la</strong>riés empêche l’implication<br />

de bénévoles.<br />

96 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


n De l’association à <strong>la</strong> coopérative<br />

De plus en plus d’acteurs associatifs se questionnent <strong>sur</strong> l’intérêt de faire<br />

évoluer le statut de leur association vers <strong>la</strong> coopérative quand le projet<br />

économique l’emporte <strong>sur</strong> <strong>la</strong> dimension citoyenne voire pour donner plus<br />

de p<strong>la</strong>ce aux sa<strong>la</strong>riés dans <strong>la</strong> conduite du projet. N’est-ce pas possible<br />

dans une association ? La transformation de l’association en coopérative<br />

permet-elle de mieux faire face aux impératifs économiques ? Quel bi<strong>la</strong>n<br />

de l’utilisation du statut de SCIC ?<br />

Il n’est pas envisageable de « produire de <strong>la</strong> citoyenneté » dans un<br />

cadre coopératif, plus adapté à <strong>la</strong> production de services. Mais ne faut-il<br />

pas que <strong>la</strong> Ligue fasse <strong>des</strong> choix parmi ses nombreuses finalités et crée<br />

<strong>des</strong> coopératives pour créer et gérer certaines de ses activités. Ce<strong>la</strong> permettrait<br />

d’offrir un cadre plus impliquant aux sa<strong>la</strong>riés de ces structures<br />

et, peut-être, de générer <strong>des</strong> moyens financiers plus importants pour<br />

financer les secteurs non marchands.<br />

Nous pourrions ainsi créer un système mixte fait d’associations et<br />

de coopératives. À cet égard, nous ne devons pas craindre d’investir<br />

de nouveaux champs d’intervention et de créer de nouvelles activités et<br />

de nouveaux services. La coopérative semble permettre <strong>la</strong> créativité par<br />

l’implication forte <strong>des</strong> sa<strong>la</strong>riés et l’ancrage territorial par <strong>la</strong> réponse à un<br />

besoin identifié.<br />

Les actes : février 2012<br />

97


Bibliographie<br />

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Bénévo<strong>la</strong>t, militance <strong>associative</strong><br />

• Jean-Michel Ducomte, Jean-Marc Roirant, La Liberté de s’associer<br />

– le comptoir <strong>des</strong> idées – 2011<br />

• Monique Dagnaud, Génération Y, les jeunes et les réseaux sociaux,<br />

de <strong>la</strong> dérision à <strong>la</strong> subversion- Presses de Sciences Po — 2011<br />

• Injep- Participation <strong>associative</strong>, <strong>des</strong> jeunes plus engagés dans <strong>la</strong><br />

<strong>vie</strong> de <strong>la</strong> cité- Jeunesses étu<strong>des</strong> et synthèses- n° 4 – mai 2011<br />

• Les Idées en Mouvements, n° 194, Un nouveau regard <strong>sur</strong> le bénévo<strong>la</strong>t<br />

– 2011<br />

• Jean-Louis Laville, Politique de l’association, Seuil — jan<strong>vie</strong>r 2010<br />

• Maud Simonet, Le travail bénévole, Engagement citoyen ou travail<br />

gratuit ?, <strong>la</strong> Dispute — 2 010<br />

• Sandrine Nicourd (sous <strong>la</strong> direction de), Le travail militant, PU<br />

Rennes — 2009<br />

100 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


• Havard-Duclos B., Nicourd S, Les ressorts d’engagement <strong>des</strong><br />

bénévoles associatifs, 4 e cahier- CerPhI – 2007<br />

• Ion. J – Franguiadakis – Viot P, Militer aujourd’hui – 2005<br />

• Lionel Prouteau et François-Charles Wolff, Donner son temps : les<br />

bénévoles dans <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>, Économie et statistique, n° 372<br />

— 2004<br />

• Lionel Prouteau, Les associations entre bénévo<strong>la</strong>t et logique d’entreprise,<br />

P.U. Rennes — 2004<br />

Emploi et <strong>vie</strong> <strong>associative</strong><br />

• FAL 44, Guide Pratique de l’association, <strong>la</strong> fonction employeur, FAL<br />

éditions — 2011<br />

• La Tribune Fonda — Éc<strong>la</strong>irage pour l’avenir <strong>des</strong> associations —<br />

août 2011<br />

• FAL 44, La mutualisation de l’emploi associatif « enjeux et limites »<br />

— FAL éditions — 2011<br />

• Matthieu Hély, Les métamorphoses du monde associatif, PUF –<br />

2009<br />

• Hoarau C., Laville J. L., La gouvernance <strong>des</strong> associations : Economie,<br />

sociologie, gestion, Erès — 2008<br />

• Peye M., Le Livre noir de l’animation socioculturelle, Harmattan<br />

2008<br />

• CPCA, l’emploi dans les associations, Revue La Vie <strong>associative</strong> – 2005<br />

• Laville J. L., Sainsaulieu R., Sociologie de l’association, Desclée de<br />

Brouwer — avril 2004<br />

Outils pratiques 1<br />

• Guide FNARS, Quelle contractualisation entre les associations et<br />

les collectivités ? – décembre 2011<br />

• FAL 44, Guide Pratique de l’association 2011 :<br />

www.guidepratiqueasso.org<br />

• Ministère de l’Éducation nationale et de <strong>la</strong> Vie <strong>associative</strong>, « Le<br />

guide du bénévo<strong>la</strong>t à l’usage <strong>des</strong> dirigeants associatifs » —<br />

avril 2011<br />

1. À télécharger <strong>sur</strong> le site www.associations.<strong>la</strong>ligue.org<br />

Les actes : février 2012<br />

101


• Accompagner les petites et moyennes associations employeurs –<br />

référentiel de pratiques à l’usage <strong>des</strong> acteurs du soutien – Avise et<br />

Chorum — mars 2011<br />

• CNAR Culture – Opale – Entre les murs « secteur culturel : subvention<br />

ou marché public ? — Jan<strong>vie</strong>r 2011<br />

• CPCA, Mode d’emploi de <strong>la</strong> convention pluriannuelle d’objectifs<br />

(CPO) – site CPCA (www.cpca.asso.fr) — 2 010<br />

• CNAR Environnement, Étude argumentée « Partenariat associations/pouvoirs<br />

publics » — 2009<br />

Autour de <strong>la</strong> problématique<br />

« Concurrence, performance et commande publique »<br />

• Amb<strong>la</strong>rd C. (2001), Cent ans de pratique <strong>associative</strong>. Un point de<br />

vue juridique, Colloque Ad<strong>des</strong>, 7 juin 2001.<br />

• Archambault E. (2006a), Le poids économique <strong>des</strong> institutions sans<br />

but lucratif en France, Working Paper.<br />

• Archambault E. (2006a), Les Institutions sans but lucratif en France.<br />

Principales évolutions <strong>sur</strong> <strong>la</strong> période 1995-2005 et défis actuels,<br />

Working Paper.<br />

• Archambault E. (2 010), « Le fait associatif dans l’économie sociale »,<br />

in Lafore R. (dir.), Faire Société : les associations de solidarité par<br />

temps de crise, Dunod.<br />

• Avare P. et al. (2008), « Usages <strong>des</strong> dispositifs de gestion : entre<br />

conformité et innovations », in Hoarau C., Laville J.-L. (dir.), La<br />

Gouvernance <strong>des</strong> associations. Économie, sociologie, gestion,<br />

Éditions Erès.<br />

• Avare P., Sponem S. (2008), « Le managérialisme et les associations<br />

», in Hoarau C., Laville J.-L. (dir.), La Gouvernance <strong>des</strong> associations.<br />

Économie, sociologie, gestion, Éditions Erès.<br />

• Barthélemy M. (2000), Les associations : un nouvel âge de <strong>la</strong> participation,<br />

Presses de <strong>la</strong> FNSP.<br />

• Batac J, Carassus D. (2005), « Les interactions contrôle/apprentissage<br />

organisationnel dans le cas d’une municipalité », <strong>Actes</strong> du XVI e<br />

102 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Congrès AFC, mai 2005.<br />

• Bevan G., Hood C. (2006), « What’s Mea<strong>sur</strong>ed is What Matters :<br />

Targets and Gaming in Healthcare in Eng<strong>la</strong>nd », Public Administration,<br />

vol. 84, n° 3.<br />

• Bezès P. (2008), « Le tournant néo-managérial de l’administration<br />

française », in O. Borraz, V. Guiraudon (dir.), Politiques publiques 1.<br />

La France dans <strong>la</strong> gouvernance européenne, Presses de Sciences Po.<br />

• Blondiaux L. et al. (1999), La démocratie locale. Représentation,<br />

participation et espace public, Puf.<br />

• Chanial P., Laville J.-L. (2006), « L’économie sociale et solidaire en<br />

France », in Laville J.-L. (dir.), Action publique et économie solidaire.<br />

Une perspective internationale, Erès.<br />

• Chauvière M. (2007), Trop de gestion tue le social. Essai <strong>sur</strong> une<br />

discrète cha<strong>la</strong>ndisation, La Découverte.<br />

• Chauvière M. (2009), « Qu’est-ce que <strong>la</strong> « cha<strong>la</strong>ndisation » ? »,<br />

Informations sociales, n° 152.<br />

• C<strong>la</strong>vagnier B. (2011), « Circu<strong>la</strong>ire du 18 jan<strong>vie</strong>r 2010 : un an après,<br />

quel bi<strong>la</strong>n ? », Juris Associations, n° 432, février.<br />

• CNVA (1992), Les associations dans <strong>la</strong> décentralisation, Avis du<br />

8 décembre 1992.<br />

• CPCA, France active (2012), Associations, comment faites-vous<br />

face à <strong>la</strong> crise ? Résultats de l’enquête.<br />

• Demoustier D. (2005), « Les associations et leurs partenaires<br />

publics. Anciens enjeux, nouvelles attentes », Informations sociales,<br />

n° 121.<br />

• Di Maggio P., Powell W. (1991), « The Iron Cage Revisited : Institutional<br />

Isomorphism and Collective Rationality in Organization<br />

Fields », in Di Maggio, P. Powell (dir.), The New Institutionalism in<br />

Organizational Analysis, University of Chicago Press.<br />

• Dubost N., Zoukoua E.-A. (2011), « Qu’est-ce qu’une association<br />

performante ? Apport et influence <strong>des</strong> représentations sociales<br />

dans le secteur social et médico-social », 32 e Congrès de l’AFC,<br />

Comptabilités, économie et société, Montpellier.<br />

• Duran P., Thoenig J.C. (1996), « L’État et <strong>la</strong> gestion publique territoriale<br />

», Revue française de science politique, vol. 46, n° 4.<br />

• Enjolras B. (1995), Le marché providence. Aide à domicile, politique<br />

sociale et création d’emploi, Desclée de Brouwer.<br />

• Epstein R. (2 010), « Différenciation territoriale ou libre conforma-<br />

Les actes : février 2012<br />

103


tion ? Les effets infranationaux <strong>des</strong> réformes néo-managériales de<br />

l’État français », Working papers du Programme Villes & territoires,<br />

n° 2, Sciences Po.<br />

• Fabre P. (2006), « Les associations face aux communes : quels<br />

le<strong>vie</strong>rs d’actions pour l’appropriation <strong>des</strong> ressources ? », Journée<br />

de recherche Quel management pour les associations ?, IAE de<br />

Tours, 12 jan<strong>vie</strong>r 2006.<br />

• Gadrey J. (2005), « L’invention de l’utilité sociale <strong>des</strong> associations en<br />

France : à <strong>la</strong> recherche de conventions, de régu<strong>la</strong>tions, de critères<br />

et de métho<strong>des</strong> d’évaluation, Économie et solidarités, vol. 36, n° 1.<br />

• (La) Gazette <strong>des</strong> communes (2012), De <strong>la</strong> subvention aux marchés<br />

publics : les associations face à <strong>la</strong> mise en concurrence, 16 jan<strong>vie</strong>r<br />

2012.<br />

• Guézennec C. (2011), « Les « appels à projets » : <strong>application</strong> aux<br />

politiques de l’emploi », Note d’analyse du Centre d’analyse stratégique,<br />

n° 256, décembre.<br />

• Hély M. (2006), « De l’intérêt général à l’utilité sociale. Transformations<br />

de l’État social et genèse du travailleur associatif », Communication<br />

au Colloque État et régu<strong>la</strong>tion sociale. Comment penser<br />

<strong>la</strong> cohérence de l’intervention publique ?, 11-13 septembre 2006,<br />

Institut national d’histoire de l’art, Université Paris I.<br />

• Hély M. (2009), Les métamorphoses du monde associatif, Puf.<br />

• Hély M. (2 010), « Le travail « d’utilité sociale » dans le monde associatif<br />

», Management & Avenir, n° 40.<br />

• Hoarau C., Laville J.-L. (dir.), La Gouvernance <strong>des</strong> associations.<br />

Économie, sociologie, gestion, Éditions Erès.<br />

• Kirszbaum T. (2009), La programmation <strong>des</strong> Contrats urbains<br />

de cohésion sociale face aux réformes de <strong>la</strong> politique de <strong>la</strong> ville.<br />

Enquête à Argenteuil, Dreux et Lormont, Rapport pour l’Acsé.<br />

• Koulytchizky S., Pujol L. (2001), « Les associations et <strong>la</strong> gestion<br />

publique locale », Annuaire <strong>des</strong> collectivités locales, Tome 21.<br />

• Lafore R. (2 010), « Le rôle <strong>des</strong> associations dans <strong>la</strong> mise en œuvre<br />

<strong>des</strong> politiques d’action sociale », Informations sociales, n° 162.<br />

• Lambert A., Migaud D. (2005), La mise en œuvre de <strong>la</strong> loi organique<br />

re<strong>la</strong>tive aux lois de finances. Réussir <strong>la</strong> LOLF, clé d’une gestion<br />

publique responsable et efficace, Rapport au gouvernement, La<br />

Documentation française.<br />

• Lang<strong>la</strong>is J.-L. (2008), Pour un partenariat renouvelé entre l’État et<br />

104 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


les associations, Rapport à <strong>la</strong> ministre de <strong>la</strong> Santé, de <strong>la</strong> Jeunesse,<br />

<strong>des</strong> Sports et de <strong>la</strong> Vie <strong>associative</strong>.<br />

• Laville J.-L. (2004), « L’association : une organisation productive<br />

originale », in Laville J.-L., Sainsaulieu R. (dir.), Sociologie de l’association,<br />

Desclée de Brouwer.<br />

• Le Floch S. (2011), Entre partenariat et prestation de services :<br />

un guide pratique à <strong>des</strong>tination <strong>des</strong> associations de lutte contre<br />

l’exclusion, Fnars.<br />

• Lorrain D. (1990), « Le modèle français de services urbains », Économie<br />

et humanisme, n° 312.<br />

• (de) Mail<strong>la</strong>rd J. (2002), « Les associations dans l’action publique<br />

locale : participation fonctionnalisée ou ouverture démocratique ? »,<br />

Lien social et politiques, n° 48.<br />

• (de) Mail<strong>la</strong>rd J. (2004), Réformer l’action publique. La politique de <strong>la</strong><br />

ville et les banlieues, LGDJ.<br />

• Marchal E. (1992), « L’entreprise <strong>associative</strong>, entre calcul économique<br />

et désintéressement », Revue Française de Sociologie,<br />

XXXIII.<br />

• Marival C. (2008), « Quels effets de l’action publique <strong>sur</strong> les formes<br />

d’entrepreneuriat dans l’ESS ? Le cas <strong>des</strong> associations du secteur<br />

social et médico-social », Colloque Économie sociale et solidaire :<br />

nouvelles pratiques et dynamiques territoriales, Nantes 29-30 septembre<br />

2008.<br />

• Nyssens M., Petrel<strong>la</strong> F. (2009), « Finalité sociale et partenariat<br />

public-privé dans l’offre de services quasi-collectifs locaux : une<br />

forme innovante de propriété », Économie et sociétés, série EGS,<br />

n° 10, avril.<br />

• Petrel<strong>la</strong> F., Richez-Battesti N. (2011), « Concurrence et rentabilité<br />

dans les services sociaux d’intérêt général : quel impact pour les<br />

associations ? », Les Cahiers de <strong>la</strong> solidarité, nº 27, mars.<br />

• Pfeffer J., Sa<strong>la</strong>ncik G.-R. (2003), The External Control of Organizations,<br />

Stanford University Press.<br />

• Pissaloux J.-L., Supplisson D. (2 010), « Revues de programmes<br />

et collectivités territoriales », Revue française d’administration<br />

publique, vol. 4, n° 136.<br />

• Raynaut J.-M., Aïm-Tuil A. (2011), Guide Lolf à l’usage <strong>des</strong> associations,<br />

ministère de l’Éducation nationale, de <strong>la</strong> Jeunesse et de<br />

<strong>la</strong> Vie <strong>associative</strong>.<br />

Les actes : février 2012<br />

105


• Richard P. (2006), Solidarité et performance : les enjeux de <strong>la</strong> maîtrise<br />

<strong>des</strong> dépenses publiques locales, La Documentation française.<br />

• RFAP (Revue française d’administration publique) (2 010), La révision<br />

générale <strong>des</strong> politiques publiques, n° 136.<br />

• Rosanvallon P. (1981), La crise de l’État-providence, Le Seuil.<br />

• Rousseau F. (2001), « L’éducation popu<strong>la</strong>ire : entre comman<strong>des</strong><br />

publiques et besoins sociaux, le projet associatif est en crise de<br />

sens », Revue internationale de l’économie sociale, n° 279.<br />

• Sa<strong>la</strong>is R. (2 010), « Usages et mésusages de l’argument statistique :<br />

le pilotage <strong>des</strong> politiques publiques par <strong>la</strong> performance », Revue<br />

française <strong>des</strong> affaires sociales, n° 1-2, jan<strong>vie</strong>r-février.<br />

• Tchernonog V. (2007), Le paysage associatif français. Me<strong>sur</strong>es et<br />

évolutions, Juris-Associations, Dalloz.<br />

• Tchernonog V. (2 010), « Les associations dépendent-elles <strong>des</strong><br />

financements publics ? », Entretien in Ligue de l’enseignement, Le<br />

modèle associatif est-il viable ?, février.<br />

• Trouvé H., Jolivet P. (2009), « L’utilité sociale <strong>des</strong> associations : à <strong>la</strong><br />

recherche d’une convention de coordination », Politiques sociales<br />

et familiales, n° 97, septembre.<br />

• (La) Vie <strong>associative</strong> (2009), Associations et logiques de marché,<br />

n° 12, octobre.<br />

106 Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux


Journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux<br />

<strong>sur</strong> <strong>la</strong> <strong>vie</strong> <strong>associative</strong><br />

Dans un contexte de recomposition de l’action publique, de banalisation<br />

du fait associatif dans une logique exacerbée de mise en<br />

concurrence, d’hypermarchandisation de <strong>la</strong> société ou encore de crise<br />

démocratique, les associations sont interrogées <strong>sur</strong> leur capacité à<br />

être <strong>des</strong> lieux d’engagement citoyen, de transformation sociale, mais<br />

aussi en tant qu’acteur économique spécifique revendiquant sa finalité<br />

d’utilité sociale.<br />

Les journées d’étude <strong>des</strong> responsables fédéraux avaient pour finalité<br />

de fournir une grille de lecture et une culture communes afin de donner<br />

au réseau de <strong>la</strong> Ligue de l’enseignement une capacité d’agir collectivement<br />

<strong>sur</strong> les transformations qui affectent le monde associatif.<br />

Ces travaux se vou<strong>la</strong>ient aussi une étape décisive pour préparer un<br />

texte d’orientation en matière de <strong>vie</strong> <strong>associative</strong>.<br />

Pour construire cette dynamique collective, les <strong>JERF</strong> ont proposé :<br />

- un état <strong>des</strong> lieux du paysage associatif ;<br />

- <strong>des</strong> plénières de réflexion prospective <strong>sur</strong> les enjeux associatifs<br />

autour de trois thématiques stratégiques : évolution <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions<br />

contractuelles entre associations et collectivités ; nouveau rôle <strong>des</strong><br />

fédérations dans un contexte d’affaiblissement <strong>des</strong> formes instituées<br />

de l’action collective ; impact de <strong>la</strong> professionnalisation <strong>sur</strong> les associations<br />

;<br />

- une table ronde autour de <strong>la</strong> problématique « éducation popu<strong>la</strong>ire<br />

et dynamique <strong>associative</strong> », dans <strong>la</strong> perspective de <strong>la</strong> question du<br />

Congrès de 2013 ;<br />

- <strong>des</strong> temps d’ateliers.<br />

Laïque et indépendante, <strong>la</strong> Ligue de l’enseignement réunit <strong>des</strong> hommes et <strong>des</strong> femmes qui<br />

agissent au quotidien pour faire vivre <strong>la</strong> citoyenneté en favorisant l’accès de tous à l’éducation, <strong>la</strong><br />

culture, les loisirs ou le sport.<br />

Des centaines de milliers de bénévoles et plusieurs milliers de professionnels se mobilisent, partout<br />

en France, au sein de près de 30 000 associations locales et d’un important réseau d’entreprises<br />

de l’économie sociale. Tous y trouvent les ressources, l’accompagnement et <strong>la</strong> formation nécessaires<br />

pour concrétiser leurs initiatives et leurs projets. Tous refusent <strong>la</strong> résignation et proposent<br />

une alternative au chacun pour soi. Rejoignez-nous...

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