(quelques) chiffres - A.HAUSER SA
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depuis 1905 www.hauser-sa.ch<br />
Charpenterie � Menuiserie � Remplacement de verres � Fabrication de caisses
100 ans A.Hauser <strong>SA</strong><br />
De Bâle à Moutier Philippe Hauser 3<br />
Fonder une entreprise à Moutier au début du XXe siècle Philippe Hauser 7<br />
Quatre générations dans leur temps Philippe Hauser 9<br />
Reflets de la vie de l’époque Pierre Cuttat, Claude Hauser 17<br />
Quelques traces Philippe Hauser 21<br />
Un siècle en (<strong>quelques</strong>) <strong>chiffres</strong> Philippe Hauser 25<br />
Témoignage Bernard Mertenat 27<br />
Construire avec «les Hauser» Jean Kleiber 29<br />
Les domaines d’activité Patricia Voirol 31<br />
L’avenir Philippe Hauser 33<br />
Philosophie et réflexions personnelles Philippe Hauser 37<br />
Remerciements Philippe Hauser 41<br />
Bibliographie 42<br />
1
Ancien collège à Moutier, 1904<br />
2
De Bâle à Moutier<br />
Théodore Hauser,<br />
le fondateur<br />
de l’entreprise<br />
Si le patronyme Hauser trahit une provenance<br />
plus alémanique que franchement<br />
romande, l’immigration de la famille à Moutier<br />
dans les tout premiers jours du XXe siècle trouve<br />
indirectement sa raison dans une tradition bien établie<br />
à l’époque, celle qui veut que la dernière année<br />
scolaire se passe «im Welschen».<br />
Né le 2 novembre 1872, le futur fondateur de<br />
l’entreprise de charpente,Théodore Hauser,passe sa<br />
jeunesse à Allschwil près de Bâle, son lieu de naissance<br />
et d’origine. A l’âge de 15 ans, sacrifiant à la<br />
tradition, il est accueilli à Roches pour son immersion<br />
en Pays romand. Quelque temps plus tard, une<br />
démarche identique conduit dans ce même village<br />
l’un de ses camarades, venant lui de Benken. Le<br />
camarade en question n’est autre que Charles Kleiber,dont<br />
c’est peu dire qu’il façonnera,ainsi que ses<br />
descendants, le visage de Moutier pendant des<br />
décennies dès la fin du XIXe siècle, entraînant dans<br />
son sillage nombre de constructeurs…<br />
«Fiche de paie» de 1897<br />
De retour à Bâle avec leur bagage de langue française,<br />
Théodore se destine à la charpenterie et<br />
Charles au dessin de bâtiments et à l’architecture<br />
qu’il étudiera à Munich. L’exposition universelle de<br />
Paris et la construction de la tour Eiffel marquent<br />
l’époque. L’apprentissage, puis l’exercice du métier<br />
à Bâle conduisent Théodore à l’obtention du titre de<br />
maître charpentier,profession à laquelle il consacrera<br />
toute son existence. En cette fin de siècle, l’avènement<br />
du chemin de fer,de l’énergie électrique,du<br />
téléphone (16 abonnés à Moutier en 1895!), des<br />
machines ainsi que le perfectionnement rapide des<br />
techniques de construction engendrent un foisonnement<br />
d’idées et de projets.Relié au chemin de fer<br />
au milieu des années 1870,Moutier n’échappe pas à<br />
la règle et entame une véritable mutation de bourg<br />
agricole en localité industrielle.Au cours de la dernière<br />
décennie du XIXe siècle, le projet, entre<br />
autres, de ligne Moutier-Soleure est à l’étude. D’importantes<br />
industries locales prennent leur essor.<br />
3
En 1898, le pasteur Alexandre Morel, fondateur<br />
de la Croix-Bleue, soutient le projet de construction<br />
à Moutier d’un Hôtel de la tempérance. Ayant<br />
conservé des contacts amicaux avec Charles Kleiber,<br />
le pasteur propose à l’architecte frais émoulu<br />
d’en établir les plans. Ainsi naît le «Schweizerhof»,<br />
l’emblématique Hôtel Suisse… L’élan est donné,<br />
Charles saisit immédiatement le potentiel que Moutier<br />
offre à son activité professionnelle et à son imagination<br />
débordante. Il décide de s’installer en Prévôté<br />
pour y exploiter un bureau d’architecture. La<br />
capacité des entreprises et de l’artisanat local ne<br />
parvient plus à satisfaire aux besoins croissants du<br />
secteur de la construction. Cela conduit Charles<br />
Kleiber à réunir au même endroit et sous sa direction<br />
une entreprise capable de réaliser des travaux<br />
de maçonnerie, charpente, couverture, menuiserie,<br />
gypserie et peinture. C’est la naissance du «Werkhof»,<br />
dont le bâtiment principal subsiste encore<br />
actuellement.<br />
4<br />
A gauche: Usines Tornos à Moutier<br />
En haut à droite: Construction de la villa de<br />
M. Paul Bechler, député, à la rue des Fleurs 9<br />
à Moutier, vers 1927<br />
En bas à droite: Construction de la nouvelle<br />
préfecture (actuel tribunal) à Moutier, 1932<br />
Dans cette dynamique, Charles Kleiber a besoin<br />
de chefs d’équipe. Ayant maintenu des contacts<br />
avec son ancien camarade Théodore Hauser, il sollicite<br />
ce dernier, alors employé à Bâle, de venir assumer<br />
une fonction de contremaître charpentier au<br />
sein de son entreprise, rendant ainsi indissociable la<br />
destinée des Hauser et des Kleiber pour des décennies.<br />
Le 7 janvier 1901,Théodore s’installe à Moutier<br />
avec sa famille et entre au service de son nouvel<br />
employeur. Il trouve là des responsabilités lui permettant<br />
d’exercer tout son art et se préoccupe déjà<br />
de la transmission de celui-ci.En 1904 en effet,il sera<br />
l’un des membres fondateurs de l’école professionnelle<br />
de Moutier,dont le projet était à l’étude depuis<br />
1898.<br />
● Philippe Hauser
A la rue Centrale à Moutier, 1910<br />
6
Fonder une entreprise à Moutier<br />
au début du XXe siècle<br />
Le Moutier du début de 1900 semble donc vouloir<br />
devenir le berceau de réalisations dont le<br />
nombre n’a d’égal que l’envergure. En 1902, Joseph<br />
Petermann fonde son entreprise de machines (il<br />
construira son usine en 1911).André Bechler débute<br />
quant à lui en 1904 dans un petit atelier,alors que<br />
Louis Schwab crée une manufacture d’horlogerie.<br />
Plusieurs édifices à vocation non industrielle sont<br />
érigés: la villa du notaire Monnin (future villa de<br />
M.André Bechler et actuel Musée jurassien des Arts),<br />
les immeubles de la rue de la Prévôté, de l’Hôtel<br />
Suisse jusqu’au «Chicago», le pavillon des Golats, le<br />
nouveau collège primaire,le stand,notamment… En<br />
tant que contremaître charpentier,Théodore Hauser<br />
s’implique dans la construction de la charpente de<br />
la plupart de ces bâtiments, dont nombre sont<br />
l’œuvre de Charles Kleiber. Aubaine pour un charpentier<br />
fier de son métier… Quant au stand, sa<br />
contribution se limite au projet de la structure en<br />
bois. Pour la petite histoire, les travaux de cet édifice<br />
sont adjugés mi-février 1905 et la charpente est<br />
posée avant fin mai… jolie performance pour<br />
l’époque. Cette même année, les frères Lévy projettent<br />
et construisent leur nouvelle fabrique d’horlogerie<br />
(destinée à employer 600 ouvriers…), pratiquement<br />
à l’emplacement de l’actuelle usine ETA<br />
(ancienne Vénus). La ligne Moutier-Soleure est également<br />
en construction et il commence à être question<br />
du Moutier-Granges… Contexte plutôt prospère,<br />
comme on l’a vu, qui finit par décider Théodore<br />
Hauser à offrir, à son propre compte, ses services à<br />
«l’honorable public de Moutier et de ses environs».<br />
Son activité débute le 1er juin 1905. Début juillet,<br />
une annonce dans le Petit Jurassien offre un emploi<br />
à 3-4 charpentiers,et en fin d’année,à 6-8 bons charpentiers<br />
ainsi qu’à un apprenti. Cent ans plus tard,<br />
on n’engage plus aussi généreusement à l’approche<br />
de l’hiver… L’euphorie aurait-elle gagné Moutier?<br />
Peut-être, mais notre cité ne devait vraisemblablement<br />
pas être la seule!<br />
Révélatrice toutefois de l’exceptionnelle situation<br />
de ce village au début du siècle, la statistique<br />
des habitants relève environ 3100 habitants en 1900<br />
et plus de 6000 en 1913…<br />
Durant la même année 1905, le scieur et maître<br />
charpentier allemand Otto Hetzer invente un produit<br />
qui va révolutionner la construction en bois: le<br />
lamellé-collé. De beaux jours semblent ainsi promis<br />
aux artisans du bois… L’une des premières<br />
constructions à Moutier ayant eu recours à la technique<br />
des cintres en bois lamellé-collé a été la nouvelle<br />
fabrique Louis Schwab / Swiza à Bellevue<br />
(1917), démolie en 1982.<br />
● Philippe Hauser<br />
7
8<br />
Théodore Hauser avec ses deux fils Otto et Théodore, vers 1918
Quatre générations dans leur temps<br />
En un siècle, et notamment au cours du XXe,<br />
l’évolution de la société et des industries subit des<br />
mutations considérables, qu’il convient presque<br />
mieux d’appeler des bouleversements tant les<br />
concepts et les techniques ont changé durant cette<br />
période. Par exemple et pour illustrer le contexte,<br />
une modification en 1905 de la loi fédérale sur les<br />
fabriques ramène la journée de travail de 11 à 9<br />
heures le samedi… Si le chemin parcouru a certainement<br />
profondément influencé les mentalités, la<br />
personnalité et le tempérament des quatre générations<br />
qui se sont succédé à la tête de l’entreprise<br />
semblent néanmoins avoir montré des traits de<br />
caractère tantôt différents, tantôt redoutablement<br />
semblables…<br />
Théodore Hauser, le fondateur, se fait<br />
connaître pour ses compétences et sa maîtrise de la<br />
construction en bois, mais également pour ses très<br />
hautes exigences et son perfectionnisme. Sa serviabilité,<br />
ses conseils et sa bonne humeur sont appréciés<br />
mais n’empêchent pas qu’un sentiment de<br />
crainte s’empare de ceux qui ont affaire à son autorité…<br />
Bien que s’investissant pleinement dans son<br />
activité professionnelle, il consacre néanmoins<br />
quelque loisir à la musique en jouant de la contrebasse.<br />
Son épouse Emilie est également une personne<br />
au caractère bien trempé,qui n’hésite pas à attraper<br />
une poule pour lui tordre le cou afin de satisfaire<br />
ses invités. Théodore demeure aux commandes<br />
de sa charpenterie jusqu’en 1952, date à laquelle un<br />
incendie détruit intégralement l’atelier des origines.<br />
A 80 ans,l’heure de passer la main sonne… Théodore<br />
décède 3 ans plus tard, peu après le cinquantenaire<br />
de son entreprise, laissant à ses descendants<br />
l’image d’un homme fier de son métier.<br />
Ses 2 fils, Théodore né en 1896 et Otto en 1899,<br />
apprennent tous deux la profession de charpentier<br />
et exercent cette activité avec leur père. Celui qui<br />
aimait à dire qu’il s’appelait Théophile (file…) le<br />
matin et Théodore (dort…) le soir éprouve bientôt<br />
le besoin d’indépendance (l’autorité de son père n’y<br />
est certainement pas étrangère) et fonde sa propre<br />
entreprise de maçonnerie au bout de <strong>quelques</strong><br />
années.Les aléas des crises durant les années 30 l’inciteront<br />
toutefois à garder contact avec la charpenterie.<br />
Otto dispose d’un esprit profondément imaginatif<br />
et d’une curiosité qui l’engagent à explorer de<br />
nombreuses voies. La construction d’escaliers<br />
devient l’un de ses domaines de prédilection. Les<br />
Théodore et Otto Hauser, aux environs de 1920<br />
9
L’atelier de menuiserie dans les années 40 Otto Hauser avec un accordéon de sa fabrication<br />
objets difficiles et réclamant une finition ou un soin<br />
particuliers l’attirent tout spécialement. Ses centres<br />
d’intérêt ne se limitent toutefois pas à la charpenterie.<br />
La plupart de ceux qui en gardent le souvenir<br />
associent immédiatement le personnage à l’accordéon,instrument<br />
auquel il consacra une grande partie<br />
de son temps, non seulement en tant qu’interprète<br />
virtuose (il enregistrera des disques 78 tours),<br />
mais également comme constructeur. Il s’initie au<br />
métier de facteur d’accordéons dans la région de<br />
Crémone en Italie, puis laisse libre cours à son ingéniosité<br />
pour développer et construire un clavier différent<br />
de celui de l’accordéon traditionnel, incitant<br />
le musicien à quitter les doigtés standard. Il subsiste<br />
peu d’exemplaires de ces joyaux construits par<br />
Otto.A la fin des années 30, il acquiert une caméra<br />
8 mm,immortalisant toutes sortes de reflets de la vie<br />
de l’époque. Passionné par les jeux d’habileté,<br />
d’acrobatie,de prestidigitation et en 3 dimensions,il<br />
crée, perfectionne, parfois tente la commercialisation<br />
d’objets en tous genres. Le «nœud de sorcier»<br />
l’intéresse particulièrement et il construira plusieurs<br />
variantes de ces casse-tête dont l’un, paraît-il,<br />
n’aurait pu être remonté sans instructions que par<br />
une seule personne: André Bechler. Sitôt l’idée<br />
germe dans son esprit que déjà elle se matérialise<br />
dans un ustensile réalisé la plupart du temps en<br />
bois,mais aussi sous la forme de machines (dont certaines<br />
sont encore utilisées à l’heure actuelle), d’accessoires<br />
ou d’outils. Son art s’exprime également<br />
10<br />
dans le tournage du bois où il réalise <strong>quelques</strong> chefsd’œuvre,<br />
dont des lampes comportant des éléments<br />
hélicoïdaux droits, coniques ou courbes, percés sur<br />
toute leur longueur pour le passage des fils électriques…<br />
Trucs et astuces dirigent sa vie au point<br />
que d’innombrables notes sont griffonnées sur des<br />
planchettes, des gabarits, des morceaux de carton,<br />
des coins de plans, parfois camouflés dans un classeur<br />
intitulé «Secrets de charpente»… Au début des<br />
années 50, l’occasion d’un séjour à l’hôpital dans la<br />
Otto Hauser et l’un de ses innombrables «brevets»…
même chambre que Rémy Schaller, alors cadre dirigeant<br />
des usines Tornos, allait favoriser l’accès à un<br />
nouveau marché: la fabrication des caisses d’emballage<br />
pour cet important client.Otto est également à<br />
l’origine de l’installation d’une scie multiple destinée<br />
au sciage de bois ronds.Désireux d’un peu d’indépendance,<br />
alors que son père bientôt octogénaire<br />
préside toujours aux destinées de l’entreprise,<br />
Otto investit un gain au Sport-Toto dans l’aménagement<br />
d’une petite scierie. Des relations commerciales<br />
interentreprises assez curieuses apparaissent,<br />
où Otto vend à son père du bois produit par sa scierie,<br />
tout en rétribuant son «client» pour la maind’œuvre<br />
que ce dernier met à sa disposition pour le<br />
travail de sciage… Les événements de 1952, évoqués<br />
ci-dessus, vont brutalement modifier la donne<br />
et placer Otto, alors âgé de 53 ans, à la direction de<br />
l’entreprise. Finalement plus artiste que véritablement<br />
à l’aise dans la fonction de chef,il ne conduira<br />
la destinée de cette dernière que durant 10 ans.<br />
Des 3 enfants d’Otto, André, Colette et Marcel<br />
(qui apprendra menuisier, avant de quitter la région<br />
au bout de <strong>quelques</strong> années), l’aîné,André, reprend<br />
l’affaire au début de 1963.<br />
Dès 1949, alors âgé de 15 ans il avait entrepris<br />
l’apprentissage du métier de charpentier chez son<br />
grand-père. Les dispositions à l’exercice de la profession<br />
ne semblaient pas lui manquer, preuve en<br />
est la maquette d’escalier tournant réalisée au cours<br />
de ses premiers mois de formation. La passion de<br />
son père trouvait assurément là un motif de légitime<br />
fierté… S’agissant des astuces,la pomme n’était pas<br />
tombée loin de l’arbre: le penchant hérité d’Otto<br />
pour les «combines» ne mit guère de temps à<br />
paraître au grand jour. Un peu comme s’il ne pouvait<br />
exister de problème sans solution, originale de<br />
préférence! Un stage en 1954 dans l’entreprise<br />
Dupont à Renens fait suite à l’obtention du CFC.Mû<br />
par la conviction que la conduite d’une entreprise<br />
passe par de bonnes connaissances en gestion en<br />
plus du bagage professionnel, André s’inscrit en<br />
1955 dans la première volée d’élèves de la toute<br />
nouvelle Ecole Prévôtoise, pour un cours d’une<br />
année à plein temps, suivi de <strong>quelques</strong> années<br />
comme employé de commerce à la Coop de Cour-<br />
rendlin. Son retour dans l’entreprise familiale<br />
marque le début d’une évolution vers la modernité,<br />
caractérisée par la construction d’un nouveau<br />
dépôt de bois et d’un nouvel atelier jouxtant celui<br />
reconstruit en 1953 suite à l’incendie de l’année<br />
précédente. Signes des temps, ces bâtiments sont<br />
équipés de palans destinés à rationaliser les importants<br />
travaux de manutention, et à reléguer aux<br />
oubliettes les «exercices de fitness» des années<br />
d’apprentissage…<br />
Plus tard, l’acquisition d’un élévateur complétera<br />
encore l’équipement.En 1970,la reprise du commerce<br />
de vitrerie de Joseph Allemann ajoute un secteur<br />
d’activité à ceux exercés depuis les débuts,soit<br />
charpenterie, construction d’escaliers, menuiserie<br />
et caisserie. Durant les années 70, la fabrication de<br />
guides-barres pour les tours automatiques devient<br />
un domaine réservé au personnel le plus habile, les<br />
tolérances de fabrication de ces pièces étant peu<br />
familières aux charpentiers.<br />
Si l’image de l’administrateur hors pair,notant et<br />
datant tout avec une systématique impressionnante,<br />
vient immédiatement à l’esprit de ceux qui l’ont<br />
côtoyé professionnellement, celle du constructeur<br />
imaginatif, exprimant par de remarquables et<br />
Otto Hauser au début des années 20<br />
11
L’incendie de l’atelier, 1952<br />
rapides esquisses le fruit de ses réflexions, restera<br />
certainement ancrée dans la mémoire de la plupart<br />
des collaborateurs et partenaires d’André.S’agissant<br />
de la détermination à réaliser ses idées, les gènes de<br />
ses ancêtres n’étaient du reste pas à chercher bien<br />
loin! Mais André témoignera également,dès son adolescence,<br />
de l’héritage musical légué par son père<br />
(ce dernier, soit dit en passant, mis en colère pendant<br />
des années lorsque son fils n’avait d’autre préoccupation<br />
que de faire de la «musique de gramo-<br />
La scierie, début des années 50<br />
12<br />
André Hauser<br />
phone»). Un autre trait de caractère dans la famille<br />
(quand on s’y met, on s’y met!) trouvera ainsi dans<br />
l’expression musicale d’André sa confirmation la<br />
plus absolue.De la fanfare au groupe de jazz portant<br />
le nom de «Quartet Hauser», puis au MDA (Moutier-<br />
Delémont-Ajoie) et au Birse Big Band, son aisance<br />
d’abord à la clarinette puis au saxophone (qui restera<br />
son instrument de prédilection) marqueront les<br />
connaisseurs et ses amis musiciens.«Génétique» également,<br />
et tout ce qu’il y a de plus naturel pour un<br />
charpentier, le besoin d’élévation trouvera pendant<br />
près de 30 ans son accomplissement dans la pratique<br />
d’un loisir aérien: le vol à voile.
Agrandissement de l’atelier, 1963 Vue de l’ensemble des ateliers et dépôts au milieu<br />
des années 60<br />
Héritier d’un goût certain pour le concret,<br />
j’ai éprouvé dès mon jeune âge le plaisir que peut<br />
procurer le bricolage… et l’enfoncement de clous!<br />
A une année de la fin de ma scolarité, imprégné de<br />
l’idée que vivre,c’est construire,je me destine assez<br />
naturellement à l’exercice de la charpente, même si<br />
intuitivement certains aspects de la conduite d’une<br />
entreprise me paraissaient présenter nettement<br />
moins d’intérêt que l’art de construire lui-même. En<br />
1977, j’entre en apprentissage chez Alfred Oberli,<br />
charpentier renommé à Saignelégier, où réside un<br />
oncle qui m’héberge pour les trois années que dure<br />
ma formation. Mon frère cadet, Claude, pensant<br />
comme moi qu’il vaut mieux qu’un seul des deux<br />
s’engage dans l’affaire, se destine à l’enseignement<br />
tout en étant assuré que la pérennité de l’entreprise<br />
n’était pas remise en cause par son choix.Au terme<br />
de la période épanouissante conduisant à l’obtention<br />
de mon CFC (qui demeure l’une de mes fiertés!)<br />
succède un engagement dans l’atelier familial.<br />
Le trait de caractère,hérité de mes ancêtres,qui veut<br />
que «si l’on fait, on fait», m’incite à viser le perfectionnement<br />
offert par l’Ecole suisse du Bois, à Bienne,dont<br />
je suis dès 1981 les cours organisés en cinq<br />
périodes,d’abord de deux puis de trois mois à plein<br />
temps, entrecoupées d’une année de pratique. En<br />
1982,je passe l’un de ces intervalles en stage dans la<br />
charpenterie Projer à Alvaschein,non loin de Tiefencastel<br />
dans les Grisons. Comme les trois ans d’apprentissage<br />
passés aux Franches-Montagnes, ce<br />
séjour représente une expérience privilégiée de ma<br />
vie professionnelle,dans un milieu alpin et une mentalité<br />
qui me plaisent tout spécialement. Dès 1983,<br />
hormis les trimestres vécus à Bienne (le dernier à fin<br />
1986), j’exerce ma profession à Moutier. Dans une<br />
répartition toute naturelle des tâches, je m’occupe<br />
principalement des travaux de charpente, alors que<br />
mon père gère la menuiserie, la caisserie et la vitrerie.<br />
Cette forme d’organisation fonctionne suffisamment<br />
bien pour que j’en vienne à souhaiter qu’elle<br />
se perpétue le plus longtemps possible… Ayant<br />
acquis les techniques du «trait de charpente» (développements<br />
géométriques des pièces de charpente)<br />
lors de mon perfectionnement,mon plus grand bonheur<br />
a toujours été de pouvoir mettre à profit ces<br />
connaissances dans la réalisation d’objets complexes.<br />
Mon arrière-grand-père demeurait pour moi<br />
une véritable référence, mais je devais bien me<br />
rendre à l’évidence que l’évolution de l’architecture<br />
depuis le début du siècle n’était plus de nature à<br />
faire la part belle aux toitures comme celle de l’ancien<br />
Collège, du stand ou du «Chicago».Aussi la réalisation<br />
en 1986 de la nouvelle toiture de l’ancien<br />
hôpital, bâtiment reconverti en locaux pour l’administration<br />
cantonale, fut une véritable bénédiction.<br />
L’importance croissante des travaux d’isolation thermique<br />
et phonique a progressivement nécessité la<br />
mise au point de détails de construction pointus.<br />
A défaut de trait de charpente, la recherche de<br />
13
Des témoins du temps…<br />
solutions alliant finesse du détail, discrétion, esthétique,<br />
conformité aux exigences d’isolation thermique,<br />
phonique et de protection contre le feu,<br />
prise en considération des contraintes liées à la statique,<br />
sans oublier le couperet économique, devint<br />
peu à peu un challenge procurant un plaisir compensatoire.<br />
Cette démarche a toutefois ceci de frustrant,<br />
c’est qu’elle fournit des résultats qui demeurent<br />
pratiquement toujours inaperçus: on ne<br />
remarque, à vrai dire, un détail que lorsqu’il choque<br />
par sa grossièreté ou son inefficacité! Les<br />
contraintes économiques étant ce qu’elles sont, le<br />
beau détail sera bien souvent, soit «bradé», soit sujet<br />
d’élimination lors de concurrence acharnée…<br />
Pendant une dizaine d’années, jusqu’à fin 1992,<br />
la possibilité nous avait été offerte par la Commune<br />
bourgeoise de louer des couverts situés à côté de<br />
nos locaux. Cette opportunité a facilité l’exécution<br />
de nos travaux de taille de charpente, ceux-ci ayant<br />
atteint durant cette période un volume réjouissant.<br />
14<br />
Au début des années 90, la Commune bourgeoise<br />
réfléchit à une meilleure mise en valeur des terrains<br />
dont elle est propriétaire entre la Migros et nos<br />
dépôts. Cette démarche se conclut par un projet<br />
d’agrandissement du magasin, au-dessus duquel<br />
serait érigé un immeuble locatif.<br />
Ayant connaissance de la nécessité pour nous de<br />
trouver de nouvelles surfaces, Gottfried Käslin, propriétaire<br />
d’un terrain situé à côté de la fonderie<br />
d’aluminium à la rue des Œuches, nous propose un<br />
droit de superficie sur sa parcelle. L’intérêt de cette<br />
proposition ne donne pas longtemps à réfléchir. Fin<br />
1992, la nouvelle halle de charpente est sous toit.<br />
Pour la petite histoire, le 17 octobre de cette annéelà,<br />
une bonne couche de neige recouvre les éléments<br />
de charpente en cours de montage et provoque<br />
à Moutier une panne d’électricité qui dure<br />
pratiquement toute la journée… Cette réalisation,<br />
équipée d’un palan, rendra possible une rationalisation<br />
intéressante des travaux de taille, permettant
Le bâtiment de l’atelier de menuiserie, 2005<br />
par exemple en 2000 la préfabrication d’éléments<br />
de toiture pour la salle des sociétés de Moutier, éléments<br />
de plus de 15 m de longueur par 4,50 m de<br />
largeur et dépassant le poids de 4 tonnes.<br />
En 1994,la raison individuelle est transformée en<br />
société anonyme, et en 1999 je deviens propriétaire<br />
de l’entreprise. Au décès de mon père en 2000, le<br />
bel équilibre de la répartition des tâches est rompu.<br />
De nouvelles formules sont à trouver.Dans l’objectif<br />
de maintenir les emplois, un effort est demandé à<br />
chaque collaborateur d’assumer la plus grande responsabilité<br />
possible, de façon à ne pas charger sur<br />
une seule paire d’épaules les tâches assumées<br />
jusque-là par deux personnes. De plus, durant cette<br />
dernière période, quatre anciens employés atteignent<br />
l’âge de la retraite. Le contexte économique<br />
en général, et prévôtois en particulier, étant marqué<br />
en ce début de XXIe siècle par de brusques changements<br />
et une incertitude généralisée, la conduite de<br />
l’entreprise est une rude opération pour quelqu’un<br />
qui, en définitive, se sent plus à l’aise comme<br />
constructeur que comme manager. Dans ce contexte,<br />
des relations humaines de qualité – et j’ai le bonheur<br />
d’en connaître de nombreuses – demeurent<br />
infiniment précieuses. Parmi elles, Jean Kleiber et<br />
Bernard Mertenat, respectivement petit-fils de<br />
Philippe Hauser, le 1er juin 2005<br />
Charles Kleiber et ancien disciple de Walti Kleiber<br />
(ingénieur et fils de Charles) ont eu à cœur de livrer<br />
leur expérience à l’occasion du centenaire de l’entreprise<br />
Hauser. Leurs témoignages élogieux seront<br />
peut-être pour moi lourds à porter, je les accueille<br />
toutefois avec reconnaissance, car ils expriment<br />
bien le sens que peut prendre le terme «construire»<br />
dans ses différentes acceptions.<br />
D’aucuns me considéreront comme trop porté<br />
sur le second degré des choses au détriment de la<br />
vision plus simple, plus réelle et toujours terriblement<br />
actuelle de la loi de la jungle… je ne m’en<br />
défends pas et accepte ces éventuels reproches. La<br />
verticalité restera probablement pour moi toujours<br />
préférable à l’horizontalité, tant il est vrai qu’une<br />
construction généralement s’élève et que mes loisirs<br />
préférés demeurent visiter la montagne et scruter<br />
les merveilles du ciel nocturne.<br />
● Philippe Hauser<br />
15
Découpe des bois sur le chantier de la scierie, vers 1958<br />
16
Reflets de la vie de l’époque<br />
Travaillant chez Hauser pour quelque temps<br />
en 1944, j’avais été engagé pour 90 centimes l’heure<br />
et 55 heures par semaine sur le chantier de la Fondation<br />
Bechler à Sous-Raimeux. Une dizaine d’immeubles<br />
à une ou deux familles s’y construisaient,<br />
donnant naissance à un lotissement qu’on appela<br />
plus tard le «village nègre». Un matin, on m’envoya<br />
acheter des cervelas,un peu de pain,du vin rouge et<br />
de la bière au magasin Lerch (où se trouve actuellement<br />
la station Coop), en me disant: «Tu feras attention<br />
que le patron ne te voie pas!» J’achète mes marchandises<br />
et voulant sortir, le patron était sur la<br />
route avec son vélo, chapeau noir et ceinturon de<br />
cuir. J’ai dû rester derrière la porte, n’osant pas me<br />
montrer.Après 15-20 minutes, il enfourcha son vélo<br />
et repartit. Je pus regagner le chantier où les<br />
ouvriers furent soulagés que je ne me sois pas fait<br />
prendre…<br />
● Pierre Cuttat<br />
Construction d’une étape de l’usine Bechler, 1929<br />
Premier petit-fils du fondateur, fils aîné de<br />
Théodore junior, Jean-Louis Hauser effectue sa scolarité<br />
à Moutier, puis à Hochwald près de Dornach<br />
(les échanges scolaires toujours) où il passe sa<br />
9e année. Il souhaite alors apprendre le métier de<br />
mécanicien sur auto, mais en 1943, toutes les voitures<br />
sont réquisitionnées par l’armée. Il décide<br />
donc de s’initier au métier de charpentier dans l’entreprise<br />
familiale et suit les cours de l’école professionnelle<br />
de Delémont. L’apprentissage se déroule<br />
en compagnie de Maurice Meier, ami de Jean-Louis,<br />
qui sera plus tard chef de gare à Saint-Joseph.<br />
La maison Fontana à la rue Saint-Germain<br />
17
Dans l’atelier de charpente, on travaille en équipe:<br />
Jean-Louis avec son père Théodore, tandis que<br />
Maurice Meier reste sous les ordres d’Otto.En 1946,<br />
alors âgé de 19 ans, Jean-Louis passe son permis de<br />
conduire chez Varrin.<br />
A cette époque, les semaines de travail sont<br />
longues;fréquemment,Jean-Louis travaille le samedi<br />
et même le dimanche après-midi quand, de 14 à<br />
16 heures, il est affairé sur la planche à dessin. Les<br />
matinées se déroulent sans pause. On croque juste<br />
un morceau de pain, parfois accompagné d’une<br />
tranche de lard apportée de Châtillon par Joseph<br />
Rossé. Il faut parfois se lever tôt, par exemple<br />
lorsque le niveau de la Birse est haut: on en profite<br />
Agrandissement de l’usine Petermann à Moutier, 1932<br />
18<br />
pour déverser les copeaux de la raboteuse dans la<br />
rivière! L’opération est menée en toute discrétion<br />
par Théo et son fils Jean-Louis, aux environs de<br />
5 heures du matin…<br />
Souvenir particulier, une livraison effectuée pendant<br />
la guerre marque le jeune Jean-Louis, alors<br />
apprenti. Le 8 septembre 1944, un transport est à<br />
réaliser jusqu’au lotissement de la Fondation<br />
Bechler à Sous-Raimeux. Le matériel est posé sur un<br />
char tiré par un cheval de la ferme Gosteli, sise à<br />
l’emplacement de l’actuelle Migros. Jean-Louis est<br />
accompagné de Fritz Büschi. Ils parviennent à la<br />
hauteur du garage Bucher lorsque 4 chasseurs américains<br />
ouvrent des tirs en rafale sur un train de
munitions (qui, en fait, n’en contient pas…) Jean-<br />
Louis et Fritz se réfugient d’abord sous le char, pour<br />
se protéger des douilles qui tombent comme des<br />
grêlons, mais le cheval s’emballe et s’enfuit avec le<br />
chargement! Le passage sous-voie leur offre finalement<br />
une meilleure protection… Pendant ce temps,<br />
Théodore (son père), Otto et Pierre Cuttat sont déjà<br />
sur le chantier; ils trouvent quant à eux refuge dans<br />
la cave du bâtiment en construction. Otto constate<br />
après coup que les murs de la cave voisine, épais de<br />
25 centimètres, sont entièrement traversés par les<br />
balles des mitrailleuses… leur choix a été le bon!<br />
Les tirs touchent cependant les fils à haute tension<br />
de la ligne ferroviaire. M. Sprunger, qui tente d’écarter<br />
un des fils rompus, trouve la mort par électrocu-<br />
Imhof <strong>SA</strong> à Moutier, avant 1932<br />
tion.<br />
Membre du club alpin, Jean-Louis apprécie le ski<br />
et les sorties en montagne. Dans l’atelier familial, il<br />
lui arrive de fabriquer des skis en bois avec des<br />
carres métalliques, opération rendue possible grâce<br />
à la toupie (machine portant un outil tranchant en<br />
rotation).La musique étant également une affaire de<br />
famille,il pratiquera l’accordéon et la guitare.A cette<br />
époque,il se produit au sein d’un groupe qui répète<br />
au «coin du Moulin» ou à la rue de l’Hôtel-de-Ville,<br />
dans les locaux qui accueilleront plus tard la boulangerie<br />
Bürki. Le groupe, dont font partie Jean-<br />
Pierre Bassi (trompette) et Jean-Marie Livinalli<br />
(basse),se produit dans différents dancings.Membre<br />
du «Hot Club de Bienne», Jean-Louis interprète alors<br />
le répertoire des bals de l’époque, notamment la<br />
valse musette.<br />
Il pratique également la boxe avec Fortunato<br />
Crea, père d’Aldo. Ces nombreux loisirs n’enthousiasment<br />
pas toujours Théo père qui perd parfois<br />
patience… Par le fait qu’il soit le plus âgé des petitsfils,<br />
Jean-Louis était pressenti comme le successeur<br />
de l’entreprise. L’entente devient toutefois difficile<br />
avec le grand-père,toujours exigeant à l’excès… Ces<br />
tensions poussent Jean-Louis à envisager une carrière<br />
différente, ce qui l’incite en 1950 à quitter Moutier<br />
pour un retour aux sources: Bâle. La construction<br />
en 1964 du chalet de son frère Willy, à la Montagne<br />
de Moutier, lui redonnera finalement l’occasion<br />
de collaborer à la planification d’un ouvrage en<br />
Prévôté. Willy, quant à lui également empreint de<br />
l’esprit de réalisateur hérité de son grand-père,<br />
tombe sous le charme de la fée électricité et fonde<br />
sa propre entreprise. La passion du génie électrique<br />
est telle que son activité de bureau d’études est<br />
encore intense à l’heure actuelle…<br />
● Propos recueillis par Claude Hauser<br />
auprès de Jean-Louis Hauser<br />
19
Chantier de taille de charpente, rue de l’Ecluse, vers 1910.A gauche, l’atelier de charpenterie et l’usine<br />
«La Grande» (en arrière-plan).A droite, la maison familiale de Théodore Hauser.<br />
20
Quelques traces<br />
Au cours des années, de nombreuses constructions<br />
ont été confiées aux soins de l’entreprise Hauser. La<br />
traçabilité de l’époque n’était pas ce qu’elle est de<br />
nos jours: seuls <strong>quelques</strong> documents d’archives ou<br />
officiels, journaux, photographies ou témoignages<br />
permettent de retrouver les principaux ouvrages<br />
ayant vu s’investir Théodore et ses successeurs. Il<br />
serait du reste autant rébarbatif qu’illusoire de vouloir<br />
reconstituer l’ensemble de ces objets, certains<br />
points de repère sont néanmoins intéressants. Jusqu’en<br />
1950 environ, les faits connus avec certitude<br />
sont pratiquement tous évoqués,alors que parmi les<br />
plus récents,seuls sont énumérés l’un ou l’autre des<br />
plus importants.<br />
1908 Achat d’une parcelle de terrain à l’endroit<br />
de l’atelier actuel<br />
1910 Construction de l’immeuble rue Centrale<br />
23–27<br />
1911 Achat d’une surface supplémentaire<br />
de terrain<br />
1911 Inscription au Registre du commerce sous<br />
la dénomination «Entreprise de charpentes<br />
en tous genres avec installation mécanique»<br />
1911 Réalisation de la charpente de l’usine<br />
Petermann<br />
1912 Engagement d’un menuisier<br />
(annonce dans le Petit Jurassien)<br />
dès 1915 env. Travaux de charpente, menuiserie<br />
et caisserie pour l’usine André Bechler<br />
1917 Construction de la nouvelle usine Azuréa<br />
1919 Les immeubles du propriétaire consistent en<br />
atelier de charpentier, atelier des machines,<br />
remise, remise à planches, habitation, clapier,<br />
bûcher<br />
1919 Travaux de charpente sur l’usine André<br />
Bechler<br />
1920–1921 Construction de la charpente et fabrication<br />
des bancs de l’église de Boncourt<br />
1924 Construction de la charpente du clocher de<br />
l’église de Glovelier<br />
Eglise de Boncourt, 1920–1921<br />
1929 Travaux de charpente sur l’agrandissement<br />
de l’usine André Bechler<br />
1931–1932 Construction de la nouvelle préfecture<br />
(actuel tribunal)<br />
1938–1939 Construction de la maison des Œuvres<br />
1939 Rehaussement de la charpente de l’usine<br />
Bechler (local peinture) et extension<br />
1944 Construction du lotissement «Sous-Raimeux»,<br />
surnommé le «village nègre»<br />
1947–1949 Réalisation d’une partie des travaux de<br />
charpente des immeubles de la Cité Tornos à<br />
Champs-Forts et Chadefontaine<br />
1949 Charpente en sheds de la halle de montage<br />
des usines Bechler (rue Industrielle 18)<br />
1951 installation d’une scie multiple et début du<br />
sciage de bois ronds<br />
sept. 1952 Un incendie détruit entièrement<br />
l’atelier d’origine (scierie préservée)<br />
déc. 1952 Otto Hauser reprend l’entreprise<br />
1953 Construction de la charpente de l’école<br />
du Clos à Moutier<br />
1963 André Hauser reprend l’entreprise<br />
1963–1964 Construction de la structure de<br />
toiture de la nouvelle église catholique<br />
1966 Réfection de la charpente du clocher de<br />
l’église de Sornetan<br />
21
L’église de Glovelier, 1924 L’église catholique de Moutier,<br />
1963–1964<br />
1970 Chevronnage de la nouvelle halle de montage<br />
Bechler à la rue des Œuches<br />
1970 Reprise du commerce de vitrerie de Joseph<br />
Allemann<br />
1976 Chevronnage sur les cintres en bois collé<br />
de la charpente de la patinoire à Moutier<br />
1977 Charpente de la salle de gymnastique à<br />
Perrefitte<br />
1977 Charpente des dépôts de l’Association<br />
agricole à Moutier<br />
1978 Fin des activités de la scierie suite à une<br />
rupture de la scie multiple<br />
1979 Charpente du «138» à Courrendlin<br />
1979 Charpente du couvent des Carmélites à<br />
Develier<br />
1980 Construction de la structure de toiture de<br />
l’atelier de menuiserie Chételat à Delémont<br />
1981 Toiture de la nouvelle construction de<br />
M. Denis Roos à Crémines<br />
1982 Charpente sur toiture plate pour M. Robert<br />
Wisard à Grandval<br />
1983 Charpente des villas de M. Mitrovic à Fin<br />
Lépine et de M. Edmond Spozio à Bellevue<br />
1984–1985 Solivage et revêtements de toiture de<br />
l’immeuble Viaduc 34 à Moutier<br />
1985 Charpente de la villa de M. Bergonzo à<br />
Belprahon<br />
1986 Remplacement de la charpente de l’ancien<br />
hôpital (administration cantonale)<br />
1986 Restauration de la charpente du bâtiment<br />
communal à Belprahon<br />
1987 Charpente du centre paroissial «L’Avenir» à<br />
Delémont<br />
22<br />
La patinoire de<br />
Moutier, 1976<br />
1987 Montage de la structure de toiture du Centre<br />
agricole à Loveresse (consortium)<br />
1988 Chevronnage et revêtements de toiture sur<br />
la nouvelle usine Posalux à Bienne<br />
1988–1989 Lotissement de maisons en rangées<br />
Saint-Randoald à Moutier<br />
1988 Construction de la structure de toiture de<br />
l’atelier de menuiserie Frésard à Delémont<br />
1989 Charpente de l’annexe à l’hôtel-restaurant<br />
des Gorges à Moutier<br />
1989 Chevronnage du nouvel atelier de l’usine de<br />
décolletage Alfred Kohler <strong>SA</strong> à Moutier<br />
1989 Construction d’un dépôt pour Maurice<br />
Cochard, fabricant d’escaliers à Soyhières<br />
1990 Agrandissement du restaurant de la Charrue<br />
à Delémont<br />
1990 Construction du nouveau dépôt de Multibois<br />
à Tavannes (consortium)<br />
Remplacement de la toiture de l’ancien hôpital<br />
à Moutier, 1986
Immeuble commercial et résidentiel de la Commune<br />
bourgeoise à Moutier, 1993<br />
1990 Charpente de l’immeuble Piaget à la rue<br />
Neuve à Moutier<br />
1991 Réfection de la toiture de l’ancien Hôtel de<br />
Ville à Moutier<br />
1991–1992 Réfection de la toiture de la Préfecture<br />
à Moutier<br />
1992 Construction de notre nouvelle halle de<br />
taille de charpente à la rue des Œuches<br />
1993 Construction de la toiture du nouvel<br />
immeuble de la Commune bourgeoise à<br />
Moutier<br />
1994 Charpente sur le nouveau dépôt de la voirie<br />
à Perrefitte<br />
1994 Transformation de l’entreprise en <strong>SA</strong><br />
1994 Reconstruction du chalet du Ski-Club<br />
à Graitery<br />
1995 Réfection de la toiture du bâtiment administratif<br />
Tornos à Moutier<br />
1995 Travaux de charpente de la nouvelle<br />
«Auberge du Raimeux» sur Belprahon<br />
1996 Réfection de la toiture de l’ancien immeuble<br />
Rex à Moutier<br />
1996–1997 Réfection de la toiture de la nouvelle<br />
habitation de Joseph et Cécile Jolidon à<br />
Raimeux<br />
1997 Travaux de restauration du bâtiment historique<br />
«Banneret Wisard» à Grandval<br />
1997–1998 Construction d’écuries pour la Fondation<br />
du cheval aux Bois (en consortium)<br />
1998 Travaux de charpente de l’agrandissement<br />
de la cabane CAS «La Rochette»<br />
1999 Philippe Hauser reprend la société<br />
La salle des sociétés de Moutier, 2000<br />
1999 Réfection de la toiture de l’ancien moulin<br />
à Grandval<br />
2000 Construction de la toiture de la salle des<br />
sociétés à Moutier<br />
2000 Structure en bois pour le nouvel atelier<br />
Elmasoft à Eschert<br />
2001 Charpente et revêtements de toiture de la<br />
villa de M. Conrad Glauser à Moutier<br />
2002 Nouveau hangar de la scierie Rais à<br />
Courcelon<br />
2002–2003 Réfection après incendie de la toiture<br />
de l’immeuble rue du Château 4 à Moutier<br />
2004 Nouvelle écurie pour la Fondation du cheval<br />
au Jeanbrenin<br />
2005 Réparations de la charpente du temple de<br />
Bévilard<br />
2005 Aménagement d’un nouveau plafond sur la<br />
tribune de l’église Notre-Dame de la Prévôté<br />
2005 Travaux de charpente au restaurant du<br />
Moulin à Rebeuvelier<br />
A l’issue de cette petite rétrospective, j’éprouve<br />
le désir d’adresser de vifs remerciements à tous les<br />
maîtres d’ouvrage ayant un jour ou l’autre confié<br />
l’exécution de leurs travaux aux soins de l’entreprise<br />
Hauser. Bon nombre hélas ne sont plus parmi<br />
nous.Avec eux, avec Théodore, Otto et André, avec<br />
tous ceux qui accomplissaient leur travail sous leur<br />
commandement,nous célébrons cet anniversaire en<br />
gardant d’eux un souvenir ému et reconnaissant.<br />
● Philippe Hauser<br />
23
Un siècle en (<strong>quelques</strong>) <strong>chiffres</strong><br />
Appréhender 100 ans, simplement, d’un seul coup<br />
d’œil, dépassait mes capacités… Aussi me suis-je<br />
amusé à définir par <strong>quelques</strong> <strong>chiffres</strong>, pures estimations,<br />
combien un siècle a pu représenter:<br />
– de journées de travail dans les 27 000<br />
– d’heures de travail<br />
de l’ensemble du personnel plus de 3 000 000<br />
– de volume de bois utilisé près de 75 000 m 3<br />
– de clous plantés environ 51 616 488<br />
– de devis calculés au moins 20 000<br />
Ce petit exercice a atteint ses limites lorsque je<br />
me suis demandé le nombre des bouts de bois coupés<br />
trop court et celui des clous tordus…<br />
Pour terminer,je me suis soucié du temps nécessaire<br />
à la forêt pour produire les 75 000 m 3 de bois<br />
utilisé, et j’ai trouvé… 1 jour! Oui, une journée de<br />
printemps dans la forêt suisse accroît cette dernière<br />
d’un volume équivalent à celui péniblement mis en<br />
œuvre en 100 ans d’activité… Allons nous rhabiller.<br />
● Philippe Hauser<br />
25
Témoignage<br />
Les charpentiers et les tailleurs de pierre ont précédé<br />
durant de nombreux siècles les ingénieurs sur les<br />
chantiers du monde.<br />
Dès lors,rien que de très normal qu’un ingénieur<br />
rende hommage aujourd’hui et témoigne son admiration<br />
à ceux qui assurent avec succès la pérennité<br />
d’une entreprise centenaire.<br />
Léonard de Vinci, artiste célèbre de la Renaissance,<br />
compte parmi les charpentiers de génie bien<br />
avant que de grands ingénieurs signent de remarquables<br />
ouvrages de par le monde.<br />
A Moutier,les charpentiers Hauser fêtent leur centenaire.<br />
Ils comptent parmi les <strong>quelques</strong> artisans qui<br />
ont érigé au cours du dernier siècle les édifices qui<br />
ont donné à notre ville son caractère architectural.<br />
Elève et disciple d’une famille de bâtisseurs prévôtois,<br />
les Kleiber, je rends hommage à la mémoire<br />
d’Otto et d’André Hauser qui assumèrent leur part<br />
du développement de la ville.<br />
La charpenterie,<br />
un travail collectif<br />
Aujourd’hui, je témoigne à Philippe, de la 4e<br />
génération, ma reconnaissance pour ce qu’il est<br />
pour moi en tant qu’artisan et entrepreneur.<br />
Son intelligence, sa maîtrise des problèmes techniques,<br />
assorties à une probité et à un goût du dialogue<br />
et du partage font de lui un partenaire remarquable<br />
dans l’étude et la réalisation des constructions<br />
les plus performantes.<br />
Sans son savoir et son savoir-faire, vains seraient<br />
les plus savants calculs et les plus beaux dessins de<br />
l’ingénieur.<br />
Longue vie aux charpentiers Hauser, et vœux<br />
chaleureux à Philippe et à ses collaborateurs.<br />
Réfection de la toiture de la maison<br />
de Joseph et Cécile Jolidon à Raimeux, 1997<br />
● Bernard Mertenat<br />
27
Construire avec «les Hauser»<br />
Il y a 100 ans, Théodore Hauser fondait sa propre<br />
entreprise après avoir travaillé près de 5 ans comme<br />
contremaître de Charles Kleiber, mon grand-père.<br />
Les bâtiments de la rue de la Prévôté, <strong>quelques</strong> maisons<br />
de la rue Neuve, sans oublier le stand, sont certainement<br />
marqués par la patte du charpentier.<br />
Lors des générations suivantes, les liens professionnels<br />
continuent: Otto et André Hauser ont réalisé<br />
de nombreux travaux (charpente et menuiserie)<br />
pour le bureau d’architecture Charles Kleiber, mon<br />
père.<br />
Dès 1982,l’entreprise Hauser a été pour moi,qui<br />
suis revenu à Moutier comme architecte, l’entreprise<br />
de référence. Les nombreux travaux entrepris<br />
ensemble ont été réussis,dans le sens que leurs buts<br />
étaient atteints (qualité, délai et coût), dans une<br />
bonne ambiance de collaboration.<br />
Ce lien ininterrompu entre 3 générations est<br />
remarquable dans ce temps de changement.<br />
Mais si j’écris ces <strong>quelques</strong> lignes, c’est par amitié<br />
et admiration pour Philippe qui porte actuellement<br />
la responsabilité de l’entreprise.<br />
La construction d’un bâtiment n’est pas seulement<br />
l’assemblage des travaux des artisans. C’est<br />
aussi un état d’esprit que l’architecte doit favoriser<br />
en donnant l’initiative et la responsabilité aux diffé-<br />
Immeuble résidentiel Piaget, rue Neuve<br />
à Moutier, 1990<br />
rents intervenants. Avec Philippe, on est tout de<br />
suite sur la même longueur d’onde, et il fait bon travailler<br />
avec lui,compétent et modeste,ces deux qualités<br />
intimement liées.<br />
La charpente est un élément essentiel de la<br />
construction, car en formant toiture ou plancher,<br />
elle structure le bâtiment en définissant les lignes de<br />
force qu’elles reportent sur murs et piliers. Notons<br />
au passage que le mot architecte vient du grec<br />
«arkhitektôn»:ouvrier travaillant le bois et c’est bien<br />
cette parenté que nous cherchons à actualiser dans<br />
notre travail commun. L’ingénieur (et s’il s’agit de<br />
Bernard Mertenat, quelle chance!) est en bonne<br />
compagnie car le problème est déjà bien posé.<br />
J’ai écrit «construire avec les Hauser» et je veux<br />
noter encore cette nuance: il y a construire, qui est<br />
matériel,et il y a se construire,moins pratique,et qui<br />
va dans le sens de la personne. L’expérience de travail<br />
commun avec Philippe Hauser me montre bien<br />
que ses deux sens sont liés et que la réflexion sur le<br />
construire s’enrichit d’un développement personnel<br />
pour celui qui travaille avec lui.<br />
C’est aussi pour cette raison que je me réjouis de<br />
la prochaine collaboration avec «les Hauser».<br />
Garage et passage couvert chez Oggier<br />
à Courrendlin<br />
● Jean Kleiber<br />
29
Une diversité infinie basée sur un matériau exceptionnel: le bois<br />
Les domaines d’activité<br />
Depuis son origine, l’entreprise Hauser a poursuivi<br />
un seul objectif:celui de répondre aux désirs et<br />
aux exigences de sa clientèle.Qu’il s’agisse d’un renseignement,d’un<br />
conseil,d’un travail tout simple ou<br />
d’une réalisation onéreuse, le sérieux et le professionnalisme<br />
ont été les principes de rigueur.<br />
Dans un premier temps, la satisfaction des<br />
clients s’est limitée à la construction de charpentes<br />
en bois. Occasionnellement, des travaux de couverture<br />
ont été également entrepris.<br />
Au fil des années, la menuiserie, la caisserie puis<br />
la vitrerie sont venues étoffer l’offre des prestations.<br />
Aujourd’hui,nous sommes à même de répondre à la<br />
plupart des souhaits en ce qui concerne:<br />
La charpenterie<br />
• établissement de projets et de plans d’exécution<br />
• taille et pose de structures<br />
• nouvelles constructions<br />
•agrandissements<br />
•transformations<br />
• éléments préfabriqués<br />
•ossature bois<br />
• ouverture de lucarnes<br />
•revêtement de toitures, façades, parois,<br />
planchers, plafonds<br />
•travaux d’isolation<br />
• coffrages de formes<br />
• terrasses extérieures<br />
•restauration d’ouvrages du patrimoine historique<br />
La menuiserie<br />
•travaux d’entretien et de réparation<br />
•armoires et étagères<br />
•agencements intérieurs, parois<br />
• portes d’entrées et intérieures<br />
•remplacement de fenêtres<br />
• assainissement de l’étanchéité de portes et de<br />
fenêtres<br />
• menuiserie générale<br />
•tables sur mesure<br />
• maquettes et modèles simples<br />
La vitrerie<br />
•remplacement de vitrages en tous genres cassés<br />
ou défectueux<br />
•verres antireflets pour encadrements<br />
• pose de nouveaux vitrages aux performances<br />
améliorées<br />
•verres de meubles avec percements, arrondis,…<br />
•verres de table<br />
•verres spéciaux ou teintés<br />
•verres acryliques<br />
La caisserie<br />
•fabrication de caisses d’emballage sur mesure<br />
•agencement intérieur de caisses<br />
• mise en conformité avec les normes actuelles<br />
(NIMP 15)<br />
• réparation de palettes endommagées<br />
•agencement de palettes de transport spéciales<br />
Les responsabilités dans ces différents domaines<br />
sont réparties. Les interlocuteurs sont prêts à s’engager<br />
afin de trouver la réponse satisfaisante aux<br />
questions posées.<br />
● Patricia Voirol<br />
31
L’avenir<br />
L’image du porte-à-faux, terme de la construction,<br />
me paraît assez bien s’appliquer à l’avenir de<br />
par la notion de projection qu’il implique. Ancré<br />
dans le passé,le futur constitue le capital de confiance<br />
offert à l’homme pour son accomplissement.<br />
Comme l’affirmait Antoine de Saint-Exupéry: «Pour<br />
ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir,<br />
mais de le rendre possible.» Notre mission est d’établir<br />
les fondements sur lesquels il s’érigera: toute<br />
construction sensée débute par le choix du terrain<br />
et la préparation des assises. Il n’est hélas pas certain,<br />
en notre époque, que le porte-à-faux n’ait pas<br />
été poussé un peu loin sans vérifier si les ancrages<br />
se fondaient bien sur le roc…<br />
L’histoire se répète, dit-on,et c’est bien ce que la<br />
plongée dans le vécu de ces 100 dernières années<br />
m’a confirmé.Demeure toutefois<br />
ouverte la question de<br />
savoir quel chapitre de l’histoire<br />
va se répéter en premier,<br />
en second,… Quelques<br />
réalités du monde actuel<br />
(émergence de nations «de<br />
poids» dans les relations commercialesinternationales,gestion<br />
des ressources naturelles,<br />
de l’énergie, de l’eau potable et de l’alimentation,…)<br />
influenceront considérablement les<br />
options que nos sociétés industrialisées devront<br />
prendre à court et à moyen terme. Comment, en<br />
effet, nos préoccupations d’enfants gâtés pèseraient-elles<br />
encore longtemps, et beaucoup plus,<br />
que les problématiques posées par ceux dont la survie<br />
est menacée par une injuste répartition des ressources,<br />
ou par l’épuisement même de ces dernières?<br />
Sans vouloir entrer dans le débat, il est certain<br />
que nous serons non seulement invités, mais également<br />
contraints de procéder à des changements de<br />
nos modes de vie.<br />
Dans cette perspective, les questions à se poser<br />
pourraient être: quels sont nos besoins vitaux, ceux<br />
de nos voisins, quelles sont nos ressources renouvelables,<br />
quelles sont les inévitables adaptations de<br />
nos modes de consommation, dans quelle priorité<br />
doivent-elles être entreprises? Si ces questions-là, et<br />
surtout les réponses, dépassent passablement celles<br />
devant être pleinement intégrées par une petite<br />
entreprise, elles constituent néanmoins la toile de<br />
fond du «climat» futur dans lequel cette dernière<br />
sera appelée à évoluer.<br />
Un artisan du bois dispose de <strong>quelques</strong><br />
atouts, et celui d’utiliser une matière première indigène<br />
et renouvelable, nécessitant relativement peu<br />
de transport et d’énergie pour sa transformation,<br />
n’est pas des moindres à l’heure où ces questions<br />
prennent une importance<br />
croissante. De ce fait, j’entends<br />
privilégier une activité n’imposant<br />
pas des déplacements permanents<br />
sur de grandes distances,<br />
assurant également à<br />
mes clients les avantages liés à<br />
la proximité, que ces avantages<br />
33
se mesurent en termes d’efficacité et de souplesse,<br />
ou en termes de relation humaine. Dans le même<br />
ordre d’idée, l’accent continuera à être mis sur le<br />
potentiel de préfabrication des divers objets dont la<br />
réalisation nous est confiée.<br />
Dans une région largement orientée dans<br />
les domaines de la mécanique, du décolletage,<br />
des machines et de l’horlogerie, le bois en tant que<br />
matériau de construction n’a pas forcément toujours<br />
la cote… Nœuds, fentes, variations dimensionnelles,pourriture,attaques<br />
d’insectes sont autant de<br />
défauts susceptibles de provoquer méfiance,<br />
craintes et réticence quant à son emploi pour la réalisation<br />
d’ouvrages d’envergure, voire d’immeubles<br />
entiers. Une classification, un choix, un conditionnement<br />
et un dimensionnement adaptés des bois en<br />
fonction de leur utilisation sont toutefois le garant<br />
du respect des conditions fixées par les maîtres<br />
d’ouvrage. Simplement le bois exige-t-il d’être mis<br />
en œuvre par des professionnels entretenant avec<br />
34<br />
lui une relation intime et sensible, rien ne s’opposant<br />
alors à une longévité des constructions dignes<br />
de Mathusalem… Si notre région n’offre pas forcément<br />
un potentiel élevé de projets d’importance,<br />
capables de démontrer les atouts du bois, il s’agit<br />
déjà, à tout le moins, d’exécuter avec soin les réalisations<br />
courantes! Le futur pour moi sera de poursuivre<br />
le travail de valorisation du miracle de la nature<br />
que représente ce matériau, par un investissement<br />
de tous les instants et par la prise en considération<br />
des expériences accumulées.
Dans les bâtiments publics, le bois offre une<br />
réponse idéale aux besoins de convivialité et d’ambiance.<br />
A cet égard, la reconversion du stand de<br />
Moutier en apporte une preuve. Que ce soit par<br />
l’exemple ou par un travail de conviction, je souhaite<br />
dans les années à venir pouvoir contribuer à une<br />
pleine prise de conscience des avantages,en termes<br />
de relation et d’activité humaines, que peuvent présenter<br />
des ouvrages en bois. Comme j’ai déjà fréquemment<br />
été appelé à le faire, je suis prêt à m’investir<br />
dans des démarches de recherche et d’optimisation<br />
de solutions constructives en rapport avec<br />
des projets de toute nature. Cela représente en fait<br />
une continuité, puisqu’en 1905 mon arrière-grandpère<br />
s’investissait déjà de la sorte dans l’étude de la<br />
structure du futur stand de tir.<br />
Passionné par la remise en état du patrimoine<br />
ancien ou récent, je considère comme un privilège<br />
chaque occasion d’intervenir sur des objets<br />
ayant traversé les décennies, voire les siècles. A<br />
l’heure du jetable,ces vénérables constructions sont<br />
révélatrices d’un savoir-faire ancestral qui mérite<br />
notre admiration. C’est avec enthousiasme que je<br />
chercherai à relever les prochains défis destinés à<br />
assurer la pérennité de riches témoins du passé, en<br />
mettant à profit les expériences acquises dans ce<br />
domaine délicat.<br />
S’il est une vertu qui se raréfie de nos jours,<br />
c’est bien celle du «répondant», c’est-à-dire de l’attention<br />
que l’on voudra bien accorder à votre requête<br />
ou à votre attente. Combien de services faut-il<br />
demander deux ou trois fois, avant qu’une amorce<br />
de réaction n’apparaisse, pour n’obtenir qu’un semblant<br />
de réponse sans grand rapport avec ce que<br />
vous attendiez… Cette déplorable situation m’incite<br />
à continuer de fixer le répondant comme une prio-<br />
rité. Même s’il faut un peu de temps (condition du<br />
reste incontournable si l’on souhaite offrir des<br />
réponses fondées),une requête a droit,par principe,<br />
à de la considération: à quoi bon investir dans la<br />
publicité si les sollicitations qui s’ensuivent sont<br />
traitées de manière superficielle?<br />
Dans une entreprise familiale se pose, à<br />
chaque génération, la question sensible de la succession<br />
de l’un des fils (ou fille), question pleine<br />
d’actualité. Pour l’heure, aucun de mes trois enfants<br />
ne manifeste d’intérêt pour l’entreprise et, pour les<br />
deux garçons, leurs engagements dans d’autres<br />
voies sont déjà sérieux. Cela influencera inévitablement<br />
les options futures et laisse finalement la porte<br />
ouverte à de nombreuses formules. Il est, à Moutier<br />
et ailleurs, des entreprises existant depuis plusieurs<br />
générations et ayant changé à chaque fois de nom!<br />
Compte tenu de l’analyse qui précède, je<br />
m’attacherai à rendre possible l’avenir de l’entreprise<br />
à laquelle mes ancêtres ont tout donné, en assurant<br />
avec un authentique désir de sérieux un service<br />
de proximité, de qualité, qui soit souple, au plus<br />
près des attentes de nos clients, à taille humaine et<br />
rendant au bois l’hommage qui lui revient.<br />
● Philippe Hauser<br />
35
Philosophie et réflexions personnelles<br />
«Les temps sont durs actuellement et l’argent<br />
se fait rare. Nous vivons dans une époque enfiévrée<br />
et difficile qui contraste singulièrement avec la<br />
calme existence de nos pères. Ces derniers, quoi<br />
qu’on en dise,avaient la vie plus facile,moins agitée,<br />
plus fruste et plus simple – ce qui ne les empêchait<br />
point, de temps à autre, de s’accorder <strong>quelques</strong> plaisirs.»<br />
Grande vérité assurément, tirée du Petit Jurassien<br />
du …16 mars 1905! Cela ressemble à s’y<br />
méprendre à une époque fort<br />
proche et bien connue de nous<br />
tous… L’histoire se répète, tout<br />
s’avère relatif. Il est vrai que l’année<br />
1905 est justement celle où<br />
Albert Einstein développe à<br />
Berne une théorie dite de la relativité,<br />
où la vitesse de la lumière<br />
donne la cadence. Qu’eussent-ils<br />
écrits, s’ils avaient pu imaginer la<br />
réalité de 2005? Qu’écririonsnous,<br />
si nous n’avions qu’une<br />
vague idée de l’année 2105?<br />
S’il est un changement manifeste au cours<br />
de la révolution industrielle, c’est bien celui<br />
qui a vu le temps réduire l’homme à l’esclavage, le<br />
rendement prendre le pas sur l’art. Du désir de placer<br />
le meilleur de lui-même dans une création,l’artisan<br />
est passé à la nécessité d’en réaliser la plus grande<br />
quantité dans le délai le plus court possible. La<br />
part du mot «art» dans le terme «artisan» s’en retrouve<br />
considérablement diluée, au point d’en devenir<br />
quasi inexistante. Le temps est devenu si précieux,<br />
que d’en consacrer un peu à doter un ouvrage d’une<br />
parcelle d’éternité est une démarche risquant à<br />
terme de vous priver de vos moyens d’existence.<br />
Sur mainte photographie du début du siècle<br />
passé, prise à l’achèvement de la charpente d’une<br />
construction, le contremaître arbore fièrement les<br />
plans. Il est entouré d’un relativement grand<br />
nombre d’ouvriers, tenant qui une scie, qui une<br />
hache, une poutre, voire une bouteille… Il semble<br />
qu’il y ait là de la place pour tous, on travaille, dur<br />
certes, mais la grande majorité travaille.A l’avenir, si<br />
ce n’est déjà actuellement, le chef gère sa machine,<br />
produit comme 10 ou 20 ou 100 personnes, et l’exclusion<br />
s’accroît.Quelle profession pourra-t-on bientôt<br />
offrir à des jeunes qui n’ont pas les capacités de<br />
gérer des processus complexes,mais dont les mains<br />
recèlent un potentiel et un<br />
besoin de contact avec la matière?<br />
Quand on a senti l’outil<br />
façonner le bois, quand on a<br />
éprouvé le plaisir de modeler le<br />
matériau à l’aide de ses mains,<br />
peut-on facilement se résoudre<br />
à ne devenir qu’un presse-bouton? Ainsi que l’affirme<br />
une maxime apposée au-dessus de l’entrée de<br />
l’ancienne usine Petermann, «Mens agitat molem»<br />
(l’esprit anime la matière), mais quel outil est-il souhaitable<br />
de placer entre les deux, si l’on ne veut pas<br />
que l’homme en perde son âme?<br />
37
Au-delà de l’aspect matériel, la mise en commun<br />
de talents dans l’objectif de réaliser des<br />
ouvrages au service de l’homme est une expérience<br />
implicitement élévatrice de l’âme.Aucun acte n’est<br />
insignifiant. S’il n’est celui d’élever une charpente,<br />
peut-être est-il de monter le mur qui la supportera.<br />
S’il n’est celui de maçonner, peut-être est-il celui de<br />
construire une relation, un environnement, ou tout<br />
simplement un homme.<br />
Comme le suggérait Antoine de Saint-Exupéry,«la<br />
grandeur d’un métier est peut-être,avant tout,d’unir<br />
les hommes».Le métier de charpentier,dans ce sens,<br />
ne manque pas d’offrir l’opportunité de cet accomplissement:<br />
de par le positionnement dans l’espace<br />
et les dimensions des éléments constitutifs d’une<br />
structure en bois, cette profession saurait difficilement<br />
être exercée par une personne seule. Mon<br />
regretté ami Joseph Jolidon de Raimeux aimait<br />
entendre répéter cette maxime des Compagnons<br />
Charpentiers: «Au fur et à mesure que s’élève l’ouvrage<br />
grandit aussi la fierté du charpentier…» Qu’il<br />
n’oublie toutefois jamais, le charpentier (et je<br />
m’adresse aussi et surtout à moi-même),qu’il est disciple<br />
de saint Joseph, lequel a exercé humblement<br />
sa profession. Une chose est de construire par vanité,une<br />
autre est de léguer aux générations un ouvrage<br />
ou un objet capable de leur apporter une satisfaction<br />
durable, aux antipodes de la société de<br />
consommation.<br />
38<br />
Au risque de défendre des valeurs anachroniques,<br />
ou de sombrer dans la naïveté, je ne<br />
peux m’empêcher de croire qu’il existe une forme<br />
de relation susceptible de favoriser l’enrichissement<br />
humain mutuel par le biais du travail.<br />
Ce qui, en définitive, nous fait le plus exister, en<br />
privé comme en affaire, n’est-ce pas cette relation<br />
qui affirme humblement: «J’ai besoin de toi, j’ai<br />
besoin de ton savoir-faire.» Je ne connais guère de<br />
meilleur moyen que d’exprimer cela,d’une façon ou<br />
d’une autre mais honnêtement, afin d’obtenir le<br />
meilleur apport de celui dont on attend un service…<br />
à moins que le triste objectif ne soit de l’exploiter.<br />
La constante de mes plus enrichissantes<br />
expériences s’est pratiquement toujours manifestée<br />
dans ce message: «Tu es celui à qui j’ai envie de
confier ce travail.» Tromper<br />
intentionnellement cette confiance,<br />
ce n’est non seulement<br />
une honte, mais également une<br />
aberration, car elle représente<br />
en définitive l’une des uniques<br />
richesses qui ne pourra être<br />
ravie à l’artisan, le terreau qui<br />
favorise l’épanouissement de<br />
son savoir-faire. Bien entendu,<br />
cette vision n’est pas répandue<br />
de façon universelle, mais ceux<br />
qui la renient, ceux dont le but principal est d’emporter<br />
l’affaire sans rechercher l’intérêt du client,ne<br />
tardent généralement pas à être connus…<br />
«Si tu as quelque chose à vendre, mets-toi à la<br />
place du client,si tu achètes quelque chose,mets-toi<br />
à la place du vendeur – et ton commerce sera équitable.»<br />
Cette belle philosophie, aussi sage puisse-t-elle<br />
se vouloir, souffre néanmoins d’une sérieuse difficulté,<br />
c’est celle de sa mise en pratique dans une<br />
société marquée par l’individualisme et la vision à<br />
court terme. Faut-il pour autant la sacrifier? La<br />
réponse appartient à chacun en fonction de ses<br />
convictions, du plaisir éventuel qu’il éprouve dans<br />
un mode de relation où tous les individus s’écrasent<br />
mutuellement, ou de sa volonté de promouvoir<br />
d’autres modèles.<br />
Je ne saurais conclure ces <strong>quelques</strong> réflexions,<br />
objets de préoccupations constantes, sans reconnaître<br />
que j’assume également ma part de responsabilité<br />
dans nombre de travers évoqués ci-dessus,<br />
malgré les plus généreuses intentions.Je regrette les<br />
situations où, pour l’une ou l’autre raison, l’objectif<br />
ultime de la satisfaction de nos clients n’a pu être<br />
atteint. Et j’adresse mes remerciements les plus chaleureux<br />
à ceux qui nous ont honorés de leur<br />
confiance, ponctuellement ou dans la durée, qui<br />
nous ont permis non seulement de vivre,mais encore<br />
et surtout d’exister pour eux – et cela depuis un<br />
siècle, grâce à l’intelligence de leur esprit et de leur<br />
cœur. Que l’éternité nous accorde ce bonheur à<br />
jamais!<br />
● Philippe Hauser<br />
39
Remerciements<br />
Mes remerciements les plus sincères s’adressent à<br />
mon épouse Isabelle et à mes enfants Marc, Gaël et<br />
Christine pour leur intérêt et leur patience, ainsi<br />
qu’à tous ceux qui ont contribué à enrichir cette<br />
rétrospective.<br />
Je pense en particulier à Aldo Crea,Pierre Cuttat,<br />
Claude Hauser, Jean-Louis Hauser, Willy Hauser,<br />
Roger Hayoz et au Musée du Tour automatique et<br />
d’Histoire de Moutier, Philippe Holzer, Jean Kleiber,<br />
Walti Kropf, Bernard Mertenat, Patricia Voirol, Julien<br />
Heimann, Andrea Babey, ainsi qu’aux préposés du<br />
contrôle des habitants de Moutier, de l’office du<br />
Registre du commerce et du bureau du Registre foncier.<br />
Je n’oublie pas ceux qui auraient éprouvé du<br />
plaisir à transmettre l’une ou l’autre information ou<br />
anecdote et qu’il ne m’a malheureusement pas été<br />
possible de contacter par manque de temps.<br />
Que tous trouvent ici l’expression de ma profonde<br />
reconnaissance pour ce qui a représenté pour<br />
moi un fabuleux voyage dans le temps et l’opportunité<br />
d’un regard différent sur le sens de ma présence<br />
ici-bas.<br />
● Philippe Hauser<br />
41
Bibliographie<br />
Le Petit Jurassien, journal local, Musée du Tour automatique et d’Histoire locale, Moutier.<br />
De Moutier-village à Moutier-ville, Ed. Robert <strong>SA</strong>, Moutier.<br />
Après Moutier-village, Moutier-ville, Ed. Robert <strong>SA</strong>, Moutier.<br />
Moutier chef-lieu de district, Ed. Robert <strong>SA</strong>, Moutier.<br />
Moutier à travers les âges, Ph. Pierrehumbert, Ed. Soc. d’histoire du Jura bernois.<br />
42
Rue de l’Ecluse 10 � 2740 Moutier � Téléphone 032 493 19 82 � Fax 032 493 60 32 � info@hauser-sa.ch<br />
depuis 1905 www.hauser-sa.ch<br />
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