Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
LES DYNAMISMES DU VIEILLISSEMENT ET<br />
LE CYCLE DE LA VIE : L'APPROCHE D'ERIKSON<br />
Par Maurice Aumond<br />
Faculté d'Éducation Permanente, Université de Montréal<br />
INTRODUCTION<br />
Parmi les adeptes de Freud, Erik Erikson (1902-1980) a formulé une théorie<br />
touchant au développement humain. Elle est composée de huit stades échelonnés<br />
sur tout le cycle de la vie. Dans ces huit phases de la recherche d'identité, Erikson a<br />
tenté de dégager et de préciser les racines du « moi » dans l'organisation sociale de<br />
l’individu. Son modèle recouvre tout le cycle de la vie où chaque stade est<br />
caractérisé par un enjeu fondamental qui se définit comme un conflit entre deux<br />
pôles. Les conséquences de cet enjeu se prolongeront durant toute la vie. Mais<br />
avant de s'attarder aux divers stades de développement, et plus particulièrement à<br />
celui de la vieillesse sur lequel nous insisterons davantage, élaborons sur le<br />
fondement de cette théorie et son auteur.<br />
Données biographiques<br />
Erik Erikson est né à Francfort, il a vécu son enfance en Allemagne et son<br />
adolescence dans divers pays d'Europe. Jeune adulte, on le retrouve au côté de<br />
Sigmund Freud à Vienne tant comme étudiant que comme patient. C'est également<br />
à Vienne que débute sa carrière de psychanalyste avec Peter Blos comme mentor<br />
Puis, certains professeurs et chercheurs américains de l'université Harvard, en<br />
particulier Henry Murray, l'imiteront à la théorie de la personnalité. Erikson quitte<br />
alors définitivement l'Europe pour devenir citoyen américain en 1933. Dès lors, il<br />
passera le reste de sa vie dans le monde de l’enseignement et de la recherche aux<br />
universités Harvard, Stamford et finalement à l'université de la Californie.<br />
Ses toutes premières expériences de recherches se font avec les enfants d'une<br />
école américaine à Vienne. Erikson travaillera par la suite avec des étudiants<br />
diplômés d'Harvard, des anciens combattants de la deuxième guerre, des défenseurs<br />
des droits civils du sud des Etats-Unis, de même qu'avec des indiens Sioux et<br />
Yurok. De plus, il collabore fréquemment avec différentes équipes de chercheurs<br />
de multiples disciplines. Ses nombreux travaux, dans des champs<br />
pluridisciplinaires, lui permettent de côtoyer quelques grands anthropologues
comme Mead, MeKeel, Benedict, Bateson, etc.<br />
Erikson a reçu en 1933 un diplôme du « Vienna Psychoanatytic Institute ».<br />
Toutefois, il a passé presque toute sa vie dans le monde universitaire sans avoir<br />
reçu, au préalable, une formation universitaire formelle. Encore aujourd’hui, c'est<br />
un auteur bien lu et plus particulièrement par les gens s'intéressant au counselling et<br />
aux sciences de l'éducation, ceux-ci continuent de se pencher sur ce qu'est l'étape de<br />
l'adolescence et sur la question de la maturité (Erikson, 1972, 1974 et 1980). C'est<br />
sa théorie de la personnalité comprenant huit stades de croissance dans le<br />
développement humain qui a retenu l'attention du public universitaire.<br />
1.1 La théorie d'Erikson<br />
La théorie d’Erikson repose sur trois assertions. La première est que le « Moi »<br />
est façonné par la société ; la seconde est que l'individu vit dans un processus<br />
continu de croissance et de changement, et la troisième affirme que l'individu est<br />
reprogrammé dans sa capacité à traverser ses stades de développement.<br />
Décortiquons maintenant ces trois assertions afin d'obtenir une meilleure<br />
compréhension de celles-ci ; ce qui est, à notre avis, une étape fondamentale nous<br />
permettant de mieux pénétrer la pensée d'Erikson.<br />
Le moi est façonné par la société<br />
Dans la théorie freudienne, le « Moi » se développe au sein même d'une interaction,<br />
entre le « Ca » et le « Surmoi » alors que dans la théorie d'Erikson le « Moi » est<br />
considéré comme une fonction autonome surtout façonnée par la société dans<br />
laquelle l’individu se trouve et se développe. Erikson n'attribue pas seulement à<br />
l'instinct biologique l'unique responsabilité de la formation et du développement de<br />
la personnalité comme l'affirme Freud. La conceptualisation, selon la théorie<br />
d'Erikson, s'explique par le fonctionnement de la personnalité en rapport avec la<br />
société, incluant parents, amis et environnement. Erikson ne croit pas que la<br />
personnalité d'un individu soit déjà toute tracée et arrêtée dès l'âge de quatre ou<br />
cinq ans. Il affirme, au contraire, qu'elle émerge et se développe en relation avec<br />
les rapports qui s'établissent avec la société et ses diverses composantes (Erikson,<br />
1974, 47-49).<br />
L'individu vit dans un processus continu de croissance et de changements
L'individu traverse des moments de crises tout au long de son existence, d'où le<br />
façonnement de sa personnalité suivant la manière et les réactions que l'individu a à<br />
ces diverses difficultés ou étapes dans son développement. Erikson croit à la valeur<br />
intrinsèque de l'homme la décrivant comme un être responsable de son destin. Dans<br />
une certaine mesure, il présente une vision plus positive de l'homme.<br />
L'individu est préprogrammé dans sa capacité à traverser ses stades de<br />
développement.<br />
Ce sont les huit stades de croissance suivant la théorie d'Erikson. Comme nous<br />
l'avons déjà mentionné, c'est cette contribution qui a surtout fait connaître Erikson.<br />
Ce dernier nous dit que l'individu « mature », l'individu qui est réalisé ». c'est celui<br />
qui a bien franchi ces étapes de développement. Cela implique qu’il a passées « de<br />
la bonne manière » à travers les crises de chaque stade.<br />
Ses théories définissent l'influence que produit la société sur le processus de<br />
maturation individuelle et démontrent également comment la personne progresse en<br />
passant d'une crise à l'autre en espérant toujours trouver la réponse au « Qui suisje<br />
», et « Qu'est-ce que je devrais faire ? ».<br />
Les stades psychosociaux d’Erikson décrivent les difficultés et les crises qui sont<br />
liées aux relations sociales. Ce sont des situations, des problèmes ou des crises<br />
auxquels l'individu est confronté à un moment ou à un autre de son existence.<br />
1.2 Les stades psychosoclaux de développement selon Erikson<br />
Les écrits d'Erikson insistent sur la phase critique de chacune des étapes dont la<br />
réussite ou l’échec dépend du résultat dans les stades antérieurs. À chacune des<br />
étapes, il a identifié des résultats qui serviront d'indicateurs de réussite ou d'échec.<br />
Le développement du « Moi » lui apparaît à travers les points tournants de chacun<br />
de ces stades. L'auteur insiste sur l'importance du succès obtenu à chaque étape.<br />
What the child acquires at a given stage is a certain ratio<br />
between the positive and the negatives which, if the balance<br />
is toward the positive wili help him to meet later crises with<br />
a predisposition toward the sources of vitatity (Erikson,<br />
1968c, p. 325).
Regardons maintenant ce qu'Erikson (1963) dans Enfance et société appelle les<br />
huits étapes de 1’homme.<br />
La phase orale (elle s'étend de la naissance à 18 mois). C'est une période de<br />
confiance ou de méfiance fondamentale. De 0 à 6 ou 8 mois, c'est la phase orale<br />
sensitive. L'enfant éprouve du plaisir ou de la frustration pour la nourriture et le<br />
confort qui lui est donné. C'est de la nature de cette expérience que dépendra son<br />
sentiment de confiance dans la vie ou pas. De 8 mois à 18 mois, c'est la phase<br />
orale-agressive. L'enfant, avec ses premières dents, devient plus actif. Il peut<br />
mordre ou s'incorporer des objets. Le désir de mordre peut correspondre au besoin<br />
de se soulager lors de la poussée des dents. Ce faisant, l'enfant peut être repoussé<br />
par sa propre mère ou par la personne qui en est la victime. L'atteinte de ses<br />
besoins peut être accompagnée de douleur comme, par exemple, celle de la perte de<br />
l’objet ou de la personne qu’on lui soustrait de sa vue. C'est une première épreuve.<br />
La confiance aveugle est mise en doute et si la méfiance s'installe, elle pourra se<br />
présenter plus tard dans le développement de la personnalité. C'est le chemin d'un<br />
premier sentiment rudimentaire d'identité du moi. En ce sens Erikson, (1974, p.169)<br />
nous mentionne que : « ... la première réussite sociale du bébé est donc son<br />
acceptation de laisser la mère s'éloigner de sa vue sans manifester d'anxiété ou de<br />
colère exagérée, parce qu'elle est devenue une certitude intérieure autant qu'une<br />
prédictibilité extérieure. ».<br />
Le « Moi » se façonne dans la résolution de ce premier conflit, entre la<br />
confiance et la méfiance. Une relation équilibrée et satisfaisante entre la mère,<br />
avec sa façon de donner ou de se donner, et l'enfant, avec sa manière de recevoir et<br />
de prendre, est nécessaire pour l'acquisition d'un sens de confiance en soi et en<br />
autrui.<br />
La phase anale (de 18 mois à 2 ans et demi) est une période d'autonomie ou<br />
bien de honte et de doute. Avec la maturation anale et musculaire naissent deux<br />
nouvelles modalités sociales, celles de retenir et de laisser aller. C'est l'âge de<br />
l'opposition initiale aux parents et aussi la première manifestation de la volonté :<br />
l'enfant veut agir seul. Avec ces premières manifestations d'autonomie, les parents<br />
exercent un contrôle extérieur pour rassurer l'enfant et non pour le punir. Un<br />
contrôle trop rigide serait de nature à amplifier les sentiments de honte, « d'être<br />
petit », de doute et d'incapacité d'acquérir sa propre identité.<br />
Durant cette période du développement de l’enfant, le milieu doit encourager<br />
celui-ci à être autosuffisant, « à être capable » c'est-à-dire être propre, marcher et<br />
parier. Une relation équilibrée entre la mère, avec son mode de contrôle extérieur,
et l'enfant, avec son mode d'élimination ou de rétention, sera nécessaire à<br />
l'acquisition d'un premier sens de l'autonomie du moi. Le « Moi » s'affirme dans<br />
cette seconde crise à travers des expériences d'autonomie.<br />
La phase phallique (de 2 ans et demi à 6 ans) est la période d'initiative ou de<br />
culpabilité. Le jeune enfant est capable de relations plus grandes. Il connaît mieux<br />
son corps et observe davantage. Son identité sexuelle se bâtit. Des variantes<br />
apparaîtront dans le développement de la personnalité en fonction du sexe mais<br />
aussi en fonction du milieu et de la culture environnante. A la phase œdipienne, si<br />
cette étape est bien franchie, le garçon souhaitera grandir pour ressembler<br />
davantage à son père et plaire à sa mère alors que chez la fille, la culpabilité de la<br />
rivalité avec la mère sera remplacée par une identification à la mère. Le moi se<br />
manifeste à travers la résolution du détachement progressif des parents, de la<br />
relation de réciprocité, de l'initiative de l'enfant, de ses désirs d'accomplissement et<br />
de ses possibilités.<br />
La phase de latence (de 6 à 12 ans). La phase de latence est une période dite de<br />
travail ou d'infériorité. C'est une période de grand calme et d'oubli. L'enfant<br />
manifeste un intérêt pour le monde extérieur. Il sent le besoin de connaître tant au<br />
plan intellectuel que social. « Il apprend à acquérir du prestige en produisant des<br />
choses » (Erikson, 1974, p. 175). C'est la phase de l'acquisition d'un sens de<br />
l'industrie » en éliminant un sentiment d'infériorité par la réalisation de<br />
compétence. À cette période donc, l'enfant est occupé à apprendre comment être<br />
compétent et productif : à défaut, il y a danger que naisse un sentiment<br />
d'inadéquation et d'infériorité. Son développement est alors troublé. L'entant qui a<br />
déjà acquis une certaine expérience, se voit différent des adultes : il n'est ni capable<br />
de les suivre, ni du reste invité à le faire ; alors il se compare à ceux de son âge et<br />
tâche d'y trouver sa place. S'il ne peut entrer en compétition avec ceux de son âge,<br />
il en découlera chez lui un sentiment d'infériorité.<br />
Le « Moi » se retrouve dans le conflit entre « le travail et l'infériorité ». L’enfant<br />
s'identifie à travers ses succès scolaires comme quelqu'un de capable et de<br />
compétent. À défaut, il naît chez lui un sentiment d'incompétence et d'infériorité<br />
qui entraîne une confusion dans l'identité.<br />
La phase de puberté et d'adolescence (de 12 à 18 ans) est une période<br />
d'identité ou bien de diffusion de rôle. C'est l'âge de la remise en question de<br />
l'identité sexuelle avec l'apparition de la maturité génitale et physique, qui<br />
débouche sur de nouvelles possibilités. L'acquisition d'un sens d'identité est<br />
indispensable pour prendre les décisions d'adulte, c'est-à-dire un choix de vocation
et un choix de partenaire. Dans cette quête d'identité, le jeune ne veut pas savoir qui<br />
il est, mais ce qu il sera et dans quel contexte. C'est pourquoi il remet en question la<br />
société et recherche l'approbation de ses semblables qui eux aussi veulent être<br />
approuvés.<br />
En amour, l'adolescent idéalise. C’est l'âge des idoles et des héros, une période<br />
de sauts d'humeur, d'oppositions violentes et de mise en valeur. Les adolescents se<br />
préoccupent aussi de la façon dont ils sont vus et perçus par les autres. Une<br />
nouvelle quête d'identité apparaît. Le rôle ainsi que l'identité sexuelle et l’identité<br />
professionnelle sont sources de préoccupations autant pour les parents que pour les<br />
adolescents. Les changements biologiques et psychologiques remettent en question<br />
l’identité de l'adolescent. Qui est-il à travers ces changements ?<br />
Dans la théorie d'Erikson sur le développement socio-émotif, l'adolescence<br />
représente la période de résolution des problèmes d'identité. L'idée d'être un<br />
individu dans un monde appartenant aux autres, avec des responsabilités mutuelles<br />
et indépendantes, ne semble devenir une caractéristique saillante de la vie que vers<br />
la fin de l'adolescence (Krech et Al., 1979, p. 484).<br />
La présence d'adultes compréhensifs et capables de relations positives favorise la<br />
confiance en soi et la naissance d'une identité solide pour l’adolescent. Erikson<br />
accorde une grande importance à l'adolescence parce que c'est à cette période<br />
critique que le jeune acquière, son identité définitive, son « Moi ». C'est à ce<br />
moment précis que l'adolescent a besoin de sentir qu'on a confiance en lui et qu'il<br />
est capable d'être responsable de ses propres attitudes et de ses propres valeurs.<br />
Comme nous venons de le voir très succinctement, les cinq premières étapes<br />
dans le développement du moi d'Erikson suivent d'assez près les stades du<br />
développement psychosexuel freudien. On retrouve à cet effet de bons tableaux<br />
comparatifs du développement humain selon Freud et Erikson dans Krech et Al.,<br />
1979, p. 399, de même que dans Hilgard et Atkinson, 1980, p. 115. Ces auteurs<br />
dégagent bien la contribution d'Erikson dans l'étude de l'influence de<br />
l'environnement et de la société sur le développement de l’organisme humain et de<br />
ses potentialités.<br />
La phase de jeune adulte est une période d'intimité par opposition à<br />
l'isolement. L'identité étant bien acquise, elle permet maintenant d'établir des<br />
rapports adultes avec les autres. La sixième phase en est une d'acquisition du sens<br />
d'intimité et de la solidarité en évitant un sentiment d'isolement. L'auteur insiste<br />
cependant : il faut que cette identité soit bien acquise. À cette période, le jeune
adulte cherchera l'amitié et l'amour avec l'autre, ce qui implique le désir et la<br />
tendresse. Le jeune adulte est alors capable de donner tout autant que de recevoir. Il<br />
est capable d'intimité sans craindre de perdre son identité. Il peut s'exprimer en une<br />
mutualité hétérosexuelle. Si l'individu peut partager une confiance mutuelle et s'il<br />
est apte à régler les cycles de travail, de procréation et de participation dans la<br />
société, il est prêt à se marier.<br />
Erikson, 1974, p. 178, nous dira que : pour avoir une signification sociale durable,<br />
l'utopie de la génitalité devrait inclure :<br />
1 . la mutualité de l'orgasme ;<br />
2. avec un partenaire aimé ;<br />
3. de l'autre sexe ;<br />
4. dont on peut et veut partager la confiance ;<br />
5. et avec lequel on peut et veut accorder son cycle de: - travail - procréation -<br />
récréation ;<br />
6. afin d'assurer aussi aux enfants un développement satisfaisant.<br />
Se refuser à de telles expériences par crainte de perdre sa propre identité peut<br />
conduire à l'isolement. L'identité du « Moi » doit être acquise pour permettre de<br />
s'adonner sans crainte à l’intimité avec la ou les personnes significatives autour de<br />
soi. C'est la première étape de la vie adulte qui exige l’acquisition de sa propre<br />
identité et demande en fait que le « Moi » soit bien structuré. C'est ici que l'identité<br />
de l'ego atteint son stade final de développement.<br />
La phase de maturité (le mitan de la vie donc de 40 à 60 ans) est celle<br />
qu'Erikson appelle la période de générativité par opposition à la stagnation. Être<br />
adulte c'est être capable d'aimer les autres, être capable de s'engager adéquatement<br />
dans l'expérience de la paternité ou de la maternité (la générativité). Être adulte<br />
c'est être productif, c'est-à-dire produire un travail gratifiant et valorisant. La<br />
septième phase dans le développement en est donc une d'acquisition d'un sens de<br />
productivité en évitant l'égocentrisme.<br />
Erikson, 1974, pp. 178-179 la conçoit ainsi :
« ... la capacité à se perdre dans la rencontre des corps et des<br />
esprits doit conduire à l'expansion graduelle des intérêts<br />
personnels et des charges libidinales, vers ce qui a été ainsi<br />
créé et dont on a accepté la responsabilité La générativité est<br />
essentiellement l'intérêt pour la génération suivante et son<br />
éducation. »<br />
Un mariage bien équilibré devrait emmener un sens de productivité ; celui-ci<br />
sera suivi par un intérêt pour la seconde génération. L’adulte voudrait voir se<br />
développer chez ceux de la jeune génération ses espoirs ainsi que les vertus et la<br />
sagesse accumulées. L'adulte veut aussi se réaliser pleinement dans un travail<br />
créateur, dans des responsabilités, etc.<br />
La générativité comprend la procréativité, la productivité et la créativité et par<br />
conséquent, la génération de nouveaux êtres comme celle de nouveaux produits et<br />
de nouvelles idées, ce qui inclut une sorte de génération de soi dans la<br />
préoccupation de son identité ultérieure (Erikson, 1982, p. 67, cité par Houde,<br />
1986, p-34).<br />
Si cet engagement n'a pas lieu, il y a régression et s'installe alors un sentiment<br />
d'inactivité et de stagnation. Il y a également un appauvrissement de la relation<br />
interpersonnelle.<br />
Lorsqu'un tel enrichissement n'a pas lieu, il y a risque de stagnation. Les personnes<br />
qui ne développent pas le sens de la générativité peuvent se retrouver absorbées<br />
par elles-mêmes, concernées avant tout par leur propre confort, ce qui leur laisse un<br />
sentiment de vide (Houde, 1986, p-35).<br />
La phase de l'intégrité personnelle ou du désespoir. La dernière étape du cycle<br />
de la vie est celle de l'acquisition d'un sens de l'intégrité en évitant un sentiment de<br />
désespoir (la réalisation de la sagesse). Elle concerne la façon dont on affronte la<br />
fin. La vieillesse devient alors un temps de réflexion qui permet un retour sur les<br />
événements d'une vie. Dans la mesure où on a réussi à disposer efficacement des<br />
problèmes qui s'étaient posés à chacune des étapes de la vie, on a acquis un sens<br />
d'achèvement et de plénitude c'est-à-dire, le sentiment d'une vie bien remplie.<br />
Lorsque la personne âgée jette un regard sur sa vie passée et la perçoit comme<br />
une suite d'occasions ratées et d'échecs, les dernières années sont alors remplies de<br />
désespoir (Hilgard et Al, 1980, p. 18).
À cette phase, on devrait pouvoir accepter l'homme en tant qu'individu et en tant<br />
que société. L'individu doit pouvoir opposer son intégrité au désespoir et au dégoût<br />
face aux différents types de vie, à une vie incomplète et à la mort. À ce stade,<br />
l'homme projette une sagesse et une philosophie de la vie hors de son propre cycle<br />
de vie vers les cycles futurs.<br />
Cette huitième étape dans le développement de l'homme est caractérisée par une<br />
forme d'évaluation de sa vie et de ses accomplissements. Si l'évaluation s'avère être<br />
positive, il y a intégrité et continuité. C'est donner place à la sagesse pour les<br />
années à venir. En revanche, si le bilan est négatif, on assiste alors à une<br />
détérioration du moi sous plusieurs formes. Il y a d'abord la perte du sens de<br />
l'existence et puis la naissance du sentiment d'une vie perdue qui aurait pu être<br />
différente. La peur de la mort, l'alcoolisme, le suicide, la dépression et le désespoir<br />
sont du lot de ceux qui arrivent à une telle évaluation négative. Le désespoir naît<br />
des regrets, des remords et du sentiment que la vie n'a pas de sens. Il reste<br />
maintenant trop peu de temps pour changer la situation et se permettre de réaliser<br />
son intégrité. La mort alors occupe une place prépondérante dans l’existence de ces<br />
personnes.<br />
« On aura compris que la sagesse émerge du conflit entre<br />
l’intégrité et le désespoir. Opposée à cette force de base qu'est<br />
la sagesse se trouve le dédain ou le dégoût de soi. L'éventail<br />
des relations significatives s'étend à l'humanité et à sa propre<br />
bienveillance cependant que l'ensemble des principes d'ordre<br />
social est relié à la sagesse. » (Houde, 1986, p.38).<br />
À l'âge de l'apparition des incapacités qui affectent la perception de soi, peut-on<br />
parler d'un stade de développement ? Les personnes du troisième âge essaient, à ce<br />
moment précis de leur existence, de donner un sens à leur vie. La vie est alors<br />
perçue comme un tout. L'intégrité personnelle nous dira Erikson, (1974, p. 179)<br />
« ... c'est l'acceptation de son seul et unique cycle de vie comme<br />
quelque chose qui devait être et qui ne permettait pas de<br />
changement ».<br />
« Une vie individuelle est la coïncidence d'un cycle de vie unique<br />
avec un segment d'histoire unique et toute intégrité humaine<br />
s'installe ou se perd dans le style d'intégrité des vies auxquelles elle<br />
prend part. » (Erikson, 1982, pp 65-66, cité par Houde, 1986. p-
37).<br />
Erikson, particulièrement dans Insight and responsability (1964, pp. 111 à 113) a<br />
cherché à nous présenter des forces internes du « Moi » ou « vertus » avec une<br />
prédominance de la partie positive sur la partie négative à chaque étape du<br />
développement psychosocial. Le vocabulaire d'Erikson pour décrire le « Moi » est<br />
le suivant: ego strength, Inhérent strength, hurman qualities of strength, an<br />
Increase In the strength and slaying power on the patient's concentration on<br />
pursuits which are somehow right, etc.<br />
En somme, ce tableau des huit étapes dans le développement de l'homme nous<br />
présente les résidus du « Moi » après chaque crise psychosociale.<br />
1.3 Freud vs Erikson<br />
Erikson en est venu à penser que le cadre freudien du développement de la<br />
personne était trop étroit. La croissance du « Moi » uniquement en termes<br />
d'investissement libidinal tel qu'avancé par Freud lui parut comme trop restrictif.<br />
Pour Erikson, le « Moi » se structure aussi à l'âge adulte et non pas seulement<br />
durant les premières années de la vie comme semble le proposer Freud à travers ses<br />
stades de développement. Il y a des aspects à considérer dans le développement de<br />
la personnalité que Freud a ignorée :<br />
1 . Au niveau somatique, il y a des forces physiques et des faiblesses qui<br />
interviennent, en particulier en vieillissant ;<br />
2. Au niveau personnel, il y a l'histoire des événements de l'existence et la manière<br />
dont les stades de développement sont vécus ;<br />
3. Au plan social, il y des forces sociales, historiques et culturelles à considérer.<br />
En effet, Erikson insiste beaucoup sur les modalités socioculturelles qui ont une<br />
influence sur le développement du « Moi ». À chacun des stades, Erikson ajoute<br />
des éléments du conditionnement socioculturel. Ces éléments influencent le<br />
développement du moi et ils modèlent l'homme, y compris durant la dernière partie<br />
de son existence.<br />
La théorie du développement, cf. Erikson, est bâtie sur la théorie de Freud. Freud<br />
y parle de l'homme et de sa sexualité alors qu'Erikson y parle de l'homme et de la
société. Signalons certaines divergences :<br />
1. Erikson met l'accent sur l'ego plutôt que sur l'identité ;<br />
2. Freud a établi le triangle perd père-mère-enfant ; Erikson voit l’enfant dans la<br />
famille et la famille dans la société ;<br />
3.Freud a voulu montrer l’existence et le fonctionnement de l'inconscient ; Erikson<br />
tente de démontrer l'existence de certains facteurs de développement ;<br />
4. Freud s'est appliqué à résoudre des problèmes pathologiques alors qu'Erikson<br />
tente de trouver une solution positive aux crises de développement.<br />
CONCLUSION<br />
Il y a peu de théoriciens qui ont présenté une approche du développement de la<br />
personnalité et du moi en y englobant tout le cycle de la vie et en y joignant des<br />
données biologiques, psychologiques, sociales et culturelles. L'approche<br />
ériksonnienne semble la première qui présente le « Moi » dans tout le cycle de la<br />
vie.<br />
Erikson nous a permis de reconnaître que l'homme, de l'enfance à l'âge avancé,<br />
expérimente des changements dans le développement du moi et que cet<br />
enrichissement se fait tout au cours du cycle de la vie dans une perspective de<br />
développement continu. Le comportement humain et la personnalité sont de nature<br />
interactive, et le moi joue le rôle d'agent interne dans cette interaction.<br />
Pour l'école psychanalytique, et en particulier avec Freud et Erikson, un postulat<br />
demeure : l'enfance est la clé dans le développement du « Moi ». Comme nous<br />
l'avons déjà signalé, les cinq premières phases d'Erikson sont la reformulation et<br />
l'expansion des cinq stades psychosexuels de Freud alors que les trois autres phases<br />
s'attardent au développement de l'adulte. C'est donc de l'enfance qu'émaneront la<br />
plupart des processus du développement et de la formation du « Moi ». Aujourd'hui<br />
cependant, ce même postulat est fortement remis en question, en particulier par<br />
Baltes, Reeves et Lipsitt (1980) de même que par Brim (1980). En revanche Monge<br />
(1975) soutient de son côté qu'il n'y a pas de modification de la perception de soi<br />
dans le vieillissement. Costa et McCrae (1977), Costa et Al. (1980), Leon et Al.<br />
(1979) et McCrae et Al. (1980), de même que Siegler et Al. (1979) soutiennent<br />
encore et avec des faits précis pour appuyer les résultats de leurs recherches, que la<br />
personnalité de l'adulte et de la personne âgée est relativement stable. Quant à
Gilligan (1982), elle enregistre une dissidence quant aux schèmes masculins utilisés<br />
par Erikson.<br />
Pour bien comprendre ce qui se passe en vieillissant et devant toutes ces<br />
contradictions, une recherche nous apparaît de mise. Nous pensons qu'il serait<br />
opportun de consulter un autre auteur classique dans le domaine de la psychologie<br />
humaniste, Abraham Maslow, qui s'est aussi penché sur le développement du<br />
« Moi » et de la personnalité. Nous conclurons avec Erikson que :<br />
« Plus on écrit sur ce thème (l'identité) et plus les mots<br />
s'érigent en limite autour d'une réalité aussi insondable que<br />
partout envahissante. On peut seulement l'explorer en<br />
constatant, dans toutes sortes de contextes à quel point elle<br />
est indispensable. » (Erikson, 1972, p. 5).<br />
En fait, comme le démontre Clayton (1975) le modèle d'Erikson est trop vague et<br />
laisse songeur. Selon lui, très peu de personnes âgées atteindraient la prudence et la<br />
sagesse qu'Erikson décrit au huitième stade de développement.<br />
Références<br />
BALTES, P.; REEVE, H.; LIPSITT,.L. (1980). Lite span developmental<br />
psychology. In Annual review cf psychology, U. 65-110.<br />
BR IM, 0. (Il 980). Type of life-events. The journal of social issues, 16, 148-157.<br />
CLAYTON, Vivian (1975). Erikson's theory of human development as it applies to<br />
the aged: wisdom as contradictive cognition. Human development, 11, 119-128.<br />
COSTA, P., MCCRAE, R, NORRIS, A. (1980). Personai adjustment to aging :<br />
longitudinal prediction from neuro. ticism and extraversion. Journal of<br />
gerontology,<br />
78-85.<br />
COSTA, P., MCCRAE, R. (1977). Age differences in personality structure<br />
revisited: studies in validity, stability and change. International journal of aging<br />
and human development, 2, 261-275.
ERIKSON, E. H (1980). Themes of adulthood in Freud. Jung correspondence. In<br />
Themes of work and love in aduithood. ERIKSON and SMELSER (eds.). Cam.<br />
bridge: Harvard University press, 43-74.<br />
ERIKSON, E.H. (1978). Adulthood. New York: W. NORTON and Company, inc.<br />
ERIKSON, E.H. (1977). Adulthood and world views. Paper presented at the<br />
american acaderny conference on love and work in adulthood. Palo Alto,<br />
Calffornie, May 6-7.<br />
ERIKSON, E.H. (1974). Enfance et société. Neuchatel: Dela-chaux et Niestlé.<br />
ERIKSON, E.H. (1972). Adolescence et crise: la crise de ridentité. Paris:<br />
Flammarion.<br />
ERIKSON, E.H. (1 968a). ldentify, youth and crisis. New York: W. Norton and<br />
company, Inc.<br />
ERIKSON, E.H. (1968b). Life cycle. International ennyclopedia of the social<br />
sciences. D.L. SILLS (ED). New York: Free Press.<br />
ERIKSON, E.H. (1968c). Generativity and ego integrity. In Middelage and aging.<br />
B.L. Neugarten (Ed.). Chicago: University of Chicago Press.<br />
ERIKSON, E.H. (1965). Youth: fidelity and diversity. The challenge of youth. E.H.<br />
ERIKSON (Ed). New York: Doubleday Anchor.<br />
ERIKSON, E.H. (1964). Insight and responsabilly. New York: Norton.<br />
ERIKSON, E.H. ET SMELSER Neil J. (EDS.) (1980). Themes of woik and love in<br />
adulthood. Cambridge, Massachusetts: Harward University Press.<br />
GILLIGAN, Carvi (1981). In a différent voice: psychological theory and womens's<br />
deve!opment. Cambridge, Massachusetts: HarwaUniversity Press.<br />
HILGARD, E.R., ATKINSON et ATKINSON (1980). Introduction à la<br />
psychologie. Montréal: Editions vivantes.<br />
HOUDE, Renée (1986). Les temps de la vie; le développement psychosocial de<br />
l'aduite selon la perspective du cycle de la vie. Chicoutimi Gaétan Morin
éditeur.<br />
KRECH, CRUTCHFIELD, LIVSON et KRECH (1979 et 1981). Psychologie.<br />
Montréal: Editions du renouveau pédagogique.<br />
LEON, G. R. et al. (1979). Personality stability and change over 30 years period<br />
middle age to old age. Journal of consulting and clinical psychology, J, 47, 5<br />
17-524.<br />
MCCRAEE, R. et al. (1980). Constancy of adult personality structure in males.<br />
Joumal of gerontology, Il 480492.<br />
MONGE, R.H. (1975). Structure of the self-conlcept from adolescence through old<br />
age. In Experimental aging research, 281-291.<br />
SIEGLER, 1. et al. (1979). Cross sequential analysis of adult personality.<br />
Developmentai psychology, 15, 350351.