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1 L'incidence du rapport servile sur le regard intersubjectif ... - Unesco

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Un dialogue interculturel entre Noirs africains et Arabes pourrait se fonder <strong>sur</strong> <strong>le</strong><br />

patrimoine commun des interactions de l’histoire et l’islam. Comme dans toute<br />

interaction, <strong>le</strong> contenu et <strong>le</strong> sens donnés aux concepts sont toujours mouvants. Une des<br />

meil<strong>le</strong>ures expressions de ce fond culturel qui servirait de base à ce dialogue, non sans<br />

divergences, serait l’appartenance à l’islam et par son biais, l’influence de l’arabité.<br />

A- Du commerce transsaharien au patrimoine littéraire et religieux<br />

Tout est fonction des perceptions, des visions et des enjeux. Cependant, il ne faudrait<br />

pas perdre de vue <strong>le</strong>s antécédents historico-culturels ayant favorisé la promotion de<br />

l’arabe et facilité son adoption par <strong>le</strong>s Noirs africains musulmans. Le commerce<br />

transsaharien qui s’est développé dès <strong>le</strong> Moyen-âge se servait de l’arabe et de son<br />

alphabet pour faciliter <strong>le</strong>s échanges entre commerçants africains et arabes. D’ail<strong>le</strong>urs,<br />

Khalîl al-Nahwî, remarque que l’impact de l’arabe <strong>sur</strong> <strong>le</strong>s langues africaines est plus<br />

sensib<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> champ <strong>le</strong>xical <strong>du</strong> commerce (poids, me<strong>sur</strong>es, temps etc.), ou encore de<br />

la perception, forcément religieuse, <strong>du</strong> monde et de l’univers - l’arabe étant la principa<strong>le</strong><br />

sinon la seu<strong>le</strong> langue liturgique des musulmans. Cette sacralité nourrit l’importante<br />

pro<strong>du</strong>ction littéraire en arabe et en « ’ajami » (textes en langues loca<strong>le</strong>s transcrites avec<br />

l’alphabet arabe enrichi de signes diacritiques pour <strong>le</strong>s sonorités étrangères à l’arabe)<br />

(14). Ainsi <strong>le</strong>s chefs religieux sénégalais ont-ils rédigé en arabe <strong>le</strong>urs odes apologétiques<br />

dédiées au prophète Muhammad, comme il est d’usage dans la tradition soufie. D’autres<br />

marabouts, par un souci de vulgarisation de l’islam et de son message, ayant une<br />

parfaite intelligence de la société sénégalaise et de son mode de fonctionnement, furent<br />

plus créatifs. Bien que maîtrisant <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s de la prosodie arabe (« al-‘arûd ») et ses<br />

mécanismes, des cheikhs pro<strong>du</strong>isent d’importantes oeuvres en wolof transcrites avec<br />

l’alphabet arabe. Cheikh Moussa Kâ, discip<strong>le</strong> de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la<br />

confrérie des Mourides, en était l’un des plus remarquab<strong>le</strong>s. Saliou Kandji et Vincent<br />

Monteil, en répertoriant <strong>le</strong>s mots empruntés à l’arabe dans <strong>le</strong>s par<strong>le</strong>rs locaux, notent la<br />

prédominance <strong>du</strong> vocabulaire religieux et des termes ayant trait à l’existence et à<br />

l’univers. Chez <strong>le</strong>s Sénégalais, l’arabe jouit en effet, comme langue et mode de<br />

civilisation, garde un caractère sacralisé. Une conception déterminante dans <strong>le</strong> débat, ou<br />

querel<strong>le</strong> idéologique, <strong>sur</strong> <strong>le</strong> <strong>rapport</strong> de l’Africain à l’islam et sa place dans cette<br />

communauté transnationa<strong>le</strong>.<br />

B- Musulmans africains ou africains musulmans ?<br />

« Lorsque l’intel<strong>le</strong>ctuel africain par<strong>le</strong> de l’islam, sa main tremb<strong>le</strong> », disait un averti des<br />

réalités <strong>du</strong> continent. Un vaste débat fut lancé <strong>sur</strong> la manière dont la langue arabe s’est<br />

«imposée» en Afrique noire. S’agissait-il d’une domination culturel<strong>le</strong> comme cel<strong>le</strong> <strong>du</strong><br />

français ou d’une acceptation, même inconsciente, de la part des populations loca<strong>le</strong>s ?<br />

Les réponses sont contradictoires. Mais nous maintenons l’hypothèse d’une adaptation<br />

sociologique au sens où la culture arabe, par <strong>le</strong> biais de l’islam, a réussi là où la française<br />

a eu peine à percer, bien que la langue de Molière reste aujourd’hui cel<strong>le</strong> de<br />

l’administration et de l’éco<strong>le</strong> dans la plupart des Etats ouest-africains musulmans. Des<br />

intel<strong>le</strong>ctuels africains, influencés par <strong>le</strong>s thèses de la négritude, contestent pourtant, de<br />

manière parfois hystérique, une quelconque possibilité pour <strong>le</strong>s Africains de s’identifier à<br />

l’islam et à son dogme unitaire. Pour ces intel<strong>le</strong>ctuels, l’islamisation n’est qu’une autre<br />

forme de domination culturel<strong>le</strong> non avouée. Cette vision néglige pourtant l’appropriation<br />

faite par <strong>le</strong>s Africains musulmans eux-mêmes de la nouvel<strong>le</strong> religion qui, une fois<br />

adaptée à <strong>le</strong>ur milieu, répond à <strong>le</strong>ur demande de sacré et de sens.<br />

La démarche <strong>du</strong> courant de la Négritude est comparab<strong>le</strong> à cel<strong>le</strong> de tous <strong>le</strong>s nationalismes<br />

confrontés à ce qu’Adamah Ekué Adamah appel<strong>le</strong> «la vieil<strong>le</strong> problématique romantique de<br />

la col<strong>le</strong>cte et de l’archivage en vue d’inventaires <strong>sur</strong>évalués des embryons d’authenticité<br />

sauvés» (15). C’est, en quelque sorte une manière parmi tant d’autres de vouloir, comme<br />

il <strong>le</strong> dit, «refaire <strong>le</strong> monde au moyen <strong>du</strong> concept d’identité» (16). Si on prend en compte<br />

l’apport des marxistes africains de l’époque dans ce mouvement, l’on ne peut être que<br />

très prudent <strong>sur</strong> son contenu et ses concepts parfois plus proches d’un sociocentrisme<br />

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