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Le Cid-dossier pédagogique - Théâtre Gérard Philipe

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La Querelle du <strong>Cid</strong> : perspectives théoriques et critiques<br />

Principales questions débattues dans l’ensemble des pamphlets ou libelles publiés pour et contre <strong>Le</strong> <strong>Cid</strong>, courant 1637 :<br />

- Corneille, auteur, traducteur ou plagiaire ?<br />

En transposant dans sa pièce la matière de Mocedades del <strong>Cid</strong> de Guillen de Castro, Corneille faisait-il véritablement œuvre<br />

de dramaturge, ou bien de simple adaptateur, sinon de plagiaire ?<br />

Que répondre à cela ? Corneille contre-attaque en affirmant ne s’être jamais caché d’avoir puisé son inspiration dans une<br />

pièce espagnole. Sa réponse est simple : l’imitation dont on l’accuse, libre et circonscrite, ne peut nullement être assimilée à<br />

une simple traduction, moins encore à un plagiat ; et la comparaison entre son œuvre et Mocedades del <strong>Cid</strong>, loin de l’accuser,<br />

doit révéler au lecteur éclairé quel parti original il a su tirer de son modèle.<br />

Il faut préciser, toutefois, que cette conception de l’imitation créatrice valait surtout pour l’imitation d’œuvres dont le<br />

public connaissait les versions originales - autrement dit pour l’imitation des auteurs anciens ; le tort essentiel de Corneille<br />

fut peut-être de s’inspirer d’un contemporain étranger, dont la pièce était inconnue de la plupart, donnant prise aux<br />

soupçons de plagiat !<br />

- <strong>Le</strong> sujet du <strong>Cid</strong> et la question de la vraisemblance<br />

Pour les académiciens l’essentiel de l’intrigue est parfaitement invraisemblable.<br />

Pour eux, il faut faire primer l’exigence de vraisemblance sur celle de vérité et donc<br />

réformer le sujet du <strong>Cid</strong>. <strong>Le</strong>s solutions plus « vraisemblables », selon eux, ont de quoi<br />

faire rire : une « fausse mort » du Comte, qui eût permis de faire réapparaître Don<br />

Gormas au dénouement, pour autoriser le mariage de sa fille avec Rodrigue ; ou bien<br />

une reconnaissance romanesque dévoilant à la fin que Chimène n’est pas la fille du<br />

Comte – et dès lors quel obstacle au mariage ?<br />

Finalement, ce qui dans le sujet, aux yeux de l’Académie, choque la vraisemblance<br />

autant que la morale, c’est que le mariage de Chimène et Rodrigue est, au fond, un<br />

mariage d’amour.<br />

- <strong>Le</strong> <strong>Cid</strong> et les règles de la tragédie :<br />

L’unité d’action<br />

Voici ce qui pose problème dans le <strong>Cid</strong> au regard de cette règle : toutes les scènes qui ont trait à l’amour de l’Infante pour<br />

Rodrigue constituent-elles un véritable épisode, nécessaire à l’action de la pièce, ou bien un développement superflu dont<br />

Corneille aurait tout aussi bien dû s’abstenir ? Telles sont en tout cas les insinuations de Scudéry - qui, dans un même<br />

mouvement, juge également superflus les personnages de Don Sanche et Don Arias !<br />

Mais l’épisode de l’Infante est au <strong>Cid</strong> ce que la mouche est au visage d’une belle, un ornement qui en révèle les beautés ; il<br />

offre aux émotions de l’action principale un écho continu : la passion de l’Infante accompagne secrètement celle de Chimène<br />

et elle souligne adroitement les qualités héroïques de Rodrigue. Ce contrepoint subtil témoigne de la sûreté de goût de<br />

Corneille et de son sens de l’effet ; il valait certes bien une minime infraction aux règles.<br />

L’unité de temps<br />

<strong>Le</strong> <strong>Cid</strong> observe bel et bien la règle dite « des vingt-quatre heures » qui prescrit que l’action soit resserrée dans l’espace d’une<br />

révolution solaire.<br />

Dans la réalité historique, les événements qui forment la matière du <strong>Cid</strong> s’étalent sur plusieurs années, tout comme dans la<br />

pièce de Guillen, la dramaturgie espagnole n’étant pas asservie à l’unité temporelle. Corneille, en condensant ces événements<br />

en une seule journée, aurait produit une intrigue trop compacte, et qui heurte toute vraisemblance ; surtout le sujet en<br />

devient encore plus insoutenable moralement, Chimène promettant d’épouser Rodrigue au lendemain du jour où celui-ci a<br />

occis son père !<br />

Mais si l’action du <strong>Cid</strong>, par sa densité même, heurte la vraisemblance, le génie de Corneille est justement d’emporter le<br />

spectateur dans la dynamique de cette action jusqu’à lui faire oublier ce qu’elle a d’invraisemblable ; et c’est finalement cette<br />

richesse dramatique et cette intensité maintenue de bout en bout qui éblouissent, qui coupent le souffle, et donnent au<br />

spectateur l’impression d’un déchaînement non pareil d’action et de passion dans une si brève durée.<br />

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