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DUVIER DEL DAGO - Galerie Odile Ouizeman

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Fils et lignes du vivant<br />

La guerra de todo el pueblo, oeuvre de Duvier Del Dago, donne à voir<br />

différentes facettes de l’être dont les représentations sont une véritable<br />

mise en abyme des images, visibles ou apparaissantes, qui se dessinent et se<br />

répondent.<br />

L’image dessinée, l’image nouée, l’image auratique…Le geste initiateur de<br />

Duvier dans la réalisation de ses sculptures/installations fait référence au mythe<br />

d’origine de l’art pictural. Dibutade de Sicyone, artisan potier, réalise le<br />

premier la figure humaine avec de l’argile d’après l’ombre du visage dessiné<br />

par sa fille pour garder l’image de l’être aimé parti pour l’étranger. La jeune<br />

fille trace fidèlement sur le mur le contour de l’ombre portée avec du charbon.<br />

Ce contour, devenu trait puis sculpture, trouve son écho dans l’acte plastique<br />

inaugural réalisé par Duvier : Il trace le contour du corps sur le support qui lui<br />

permettra d’installer ses fils, de tisser sa toile. Dibutade est un artisan/artiste<br />

et illustre ainsi l’idée grecque de la tekne (tekne), le mode du savoir, sans<br />

référence à la technique, c’est-à-dire le mode du savoir faire. Heidegger fait<br />

d’ailleurs remarquer dans L’origine de l’oeuvre d’Art, que l’art de l’artisan et<br />

l’art du poète sont tous les deux désignés par tekne (tekne).<br />

Dans cet aller-retour entre art et artisanat Duvier nous suggère, par cette esthétique<br />

que l’on pourrait peut-être nommée rétro-futuriste, une réflexion sur<br />

le temps qui se dilue et ouvre vers un espace-temps incertain. Univers incorporel<br />

? Un temps où le corps s’efface ou apparaît, livré ou délivré de la fibre<br />

vivante, assujetti à l’image vidéo qui l’anime et le renouvelle. Des mobiles de<br />

Calder, aux sculptures vibratiles de Takis, des icônes de néon de Flavin aux<br />

architectures de lumières de Turell, « le monde s’est mis à léviter dans une<br />

soustraction de poids qui a passé pour de l’immatérialité»(1), car Selon Christine<br />

Buci-Glucksman la légèreté de l’être se définit par le suspens, ce qui flotte,<br />

l’imperceptible du visible.<br />

Deux semaine pour tendre ces fils, laisser la main dérouler le fil de l’histoire.<br />

Duvier crée un art atemporain(2), une oeuvre où le temps se dissout et se<br />

recompose comme devenir. Le geste traditionnel est renouvelé, le fil sublimé<br />

sous ses doigts, du noeud au trait « (…) je tire autour du dessin des filets de<br />

langue, je tisse plutôt à l’aide de bâtons et lettres, une tunique d’écriture où<br />

capturer le corps du dessin (…) »(3)…<br />

Le terme italien disegno, qui signifie à la fois dessin et projet, fait sens au<br />

regard de cette oeuvre. Héritier du dessin de la renaissance, Duvier se trouve<br />

plus impliqué dans la création d’un univers que dans sa représentation.<br />

Comme L’homme de Vitruve où Léonard de Vinci démontre que toutes les<br />

facettes de son savoir sont liées, La guerra de todo el pueblo rassemble et<br />

éclate, conduit le dessin hors de ses limites, capte notre regard pour mieux<br />

La guerra de todo el pueblo, 2007<br />

Vidéo installation<br />

Série Teoría y Practica<br />

Fils, bois, chevilles, projection<br />

vidéo (2’15’’)<br />

270 x 80 x 180 cm<br />

Exposition Quel Sens?,<br />

<strong>Galerie</strong> <strong>Odile</strong> <strong>Ouizeman</strong>, 2007<br />

1. Christine Buci-Glucksman, L’oeil cartographique de l’art, éd Galilée,<br />

Paris,1996, p.145.<br />

2. Selon la formule de Félix Guattari dans un entretien avec Olivier Zaham,<br />

28 avril 1992, revue Chimères<br />

3. Jacques Derrida, Mémoires d’aveugles, p.44.

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