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Perspective architecturale, selon un projet du groupe Descartes :<br />
Le parc de Vincennes à Paris réaménagé.<br />
ÉLe journal de l'IEPG<br />
PIG<br />
magazine<br />
Villes de demain,<br />
durables ?<br />
villes Pages 8 à 17<br />
PIGÉeurope • Pourvu que ça Mur ! Pages 6/7<br />
PIGÉenquêté • Nouvelle carte électorale pour 2012 Pages 18/20<br />
PIGÉtesté • Quand la chimie amuse nos papilles Page 29<br />
Numéro 9 Décembre 2009 / www.pigemag. com
PIGÉweb Sur la toile...<br />
Grenoble-Montagne<br />
Les passionnés de la montagne vont être<br />
contents. Un site plein d’informations<br />
pratiques et d’actualités sur la montagne,<br />
c'est bien utile quand on vit dans la région.<br />
Une idée de sortie ou une randonnée ?<br />
Direction le site Internet. Toutes les infos sont<br />
répertoriées : la météo, les gîtes, les balades<br />
et même une base de données de la<br />
« Bibliothèque montagne », pour trouver<br />
l'ouvrage qui correspond à nos désirs.<br />
www.grenoble-montagne.fr<br />
On the rail to Copenhagen<br />
Le sommet de Copenhague en décembre 2009, un moyen de faire changer les choses et de trouver de vraies solutions<br />
pour lutter contre le réchauffement climatique ? En tout cas, certains jeunes Européens y croient. De Grenoble à Bruxelles,<br />
Adrien Labaeye, auteur de ce blog a interrogé plusieurs jeunes, acteurs dans la thématique du développement durable.<br />
Vidéos, sons, en anglais et en français, le site est interactif et très agréable. Tout au long de ce voyage en train, ce documentaire<br />
nous permet de prendre conscience qu'il y a des choses à faire pour lutter contre ce problème qui nous concerne tous.<br />
www.ontherailtocopenhagen.blogspot.com<br />
Alterna TV<br />
Tout nouveau, tout coco ! Le parti<br />
communiste français vient de lancer sa<br />
propre web TV. Pas vraiment un organe<br />
de transmission du discours institutionnel<br />
du PCF. Le but est plutôt de faire une<br />
télé participative, où le « peuple de<br />
gauche » peut s'exprimer et proposer<br />
des reportages sur plusieurs thèmes.<br />
Et c'est plutôt bien fait. Le site est<br />
agréable, les sujets diversifiés. On<br />
trouve, par exemple, des reportages<br />
sur les sans-papiers, le chômage, la<br />
baisse des salaires... La web TV permet<br />
au Parti communiste d'aborder des<br />
thèmes qui lui sont chers, mais de façon<br />
plus originale que de longs discours.<br />
www.alternatv.fr<br />
Musée de Grenoble<br />
Pour les férus de culture et de peinture, le site du musée de Grenoble est<br />
incontournable. On trouve, bien sûr, des informations pratiques sur les horaires<br />
d'ouverture, les tarifs et les visites proposées par le musée. Mais le principal intérêt<br />
du site réside dans les renseignements donnés sur les expositions temporaires.<br />
Ingénieux, des visuels de ces expositions sont proposés, comme un avant-goût à<br />
la visite. Les futures expositions sont déjà annoncées, de Gaston Chaissac à<br />
l'impressionnisme, le programme culturel est prévu jusqu'en septembre 2010 !<br />
www.museedegrenoble.fr<br />
Sites sélectionnés par Camille Dubruelh<br />
2<br />
Gays et lesbiennes de Grenoble et d'Isère<br />
Un site destiné à la communauté gay et lesbienne<br />
de la région. Une partie du site est un guide de<br />
l'agglomération grenobloise et de la région iséroise,<br />
très fourni en informations pratiques de tous types.<br />
Cinq onglets : établissements gays, informations<br />
administratives, histoire des LGBT (Lesbienne, gay, bi,<br />
trans), vie quotidienne, arts. On nous donne des<br />
renseignements sur les sorties, festivals culturels,<br />
bars, boîtes de nuits destinés à la communauté gay, les<br />
formalités administratives pour le pacs, mais aussi des<br />
adresses utiles d'associations. L'autre volet est un<br />
forum qui permet aux internautes d'échanger sur tous<br />
types de sujets, et aussi pourquoi pas, de faire des<br />
rencontres.<br />
www.grenoble.lgbth.com<br />
Breathing Earth<br />
Le site propose une simulation étonnante. Sur un planisphère<br />
du monde, partout où apparaissent des petits points, ce sont des<br />
personnes qui naissent et d'autres qui meurent. Plus marquant<br />
encore, la simulation instantanée de la consommation de gaz<br />
à effet de serre par les différents pays.<br />
www.breathingearth.net
Sommaire<br />
Pigéweb<br />
Sur la toile... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2<br />
Pigépolitique<br />
Les présidentielles au Chilli . . . . . . . . . . . . . . . . .4/5<br />
Pigéeurope<br />
Pourvu que ça Mur ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6/7<br />
DOSSIER<br />
Villes de demain, villes durables ? . . . . . . . .8 à 17<br />
Paris utopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8/9<br />
Et les villes du sud ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10<br />
Raisonner les transports en ville . . . . . . . . . . . . . .11<br />
Stockholm et le vélo, une longue histoire d’amour . .12<br />
De BONNE expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13<br />
L'ombre d'Europole plane sur Bouchayer-Viallet . .14/15<br />
Villeneuve de Grenoble, le défi de la mixité . . . .16<br />
Décider la ville de demain . . . . . . . . . . . . . . . . . .17<br />
Pigéenquêté<br />
Une nouvelle carte électorale<br />
pour les législatives de 2012 . . . . . . . . . . .18/19/20<br />
Pigééconomie<br />
Auto-entrepreneuriat : une mode passagère ? . .21<br />
Pigéreportage<br />
Pôle emploi, mariage de raison ? . . . . . . . . . .22/23<br />
Pigéopposé<br />
La Poste doit-elle changer de statut ? . . . . . .24/25<br />
Pigéculture<br />
Jean-Claude Gallotta et le fantôme de Bashung . . .26<br />
Lyon, capitale d’art lyrique . . . . . . . . . . . . . . . . .27<br />
Remue-ménage dans les salles alternatives . . . .28<br />
Pigétesté<br />
Quand la chimie amuse nos papilles . . . . . . . . . .29<br />
Pigésport<br />
Free ride baby ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30<br />
Pigédécalé<br />
Délire champêtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31<br />
A lire aussi sur Pigemag.com . . . . . . . . . . . . . . . . . .32<br />
Fête le mur, pas la guerre<br />
“ Radis joli “ vend ses légumes sur le campus<br />
Nauru, la descente aux enfers d’un paradis sur terre<br />
L’agenda pour sortir et pour réfléchir . . . . . . . . . . . . . .32<br />
Qui a la curiosité de se plonger dans la<br />
toile de Claude Monet, Rue Saint-Denis,<br />
fête du 30 juin 1878 trouvera peut-être la<br />
clef d’un de nos bruyants débats publics.<br />
A l’heure où se multiplient les incantations<br />
à « l’identité nationale », cette huile sur toile<br />
campe une rue parisienne submergée<br />
par les drapeaux tricolores. Orgueil<br />
d’une fête nationale célébrant la fin de<br />
l’Exposition Universelle de 1878, cette<br />
vue plongeante échelonne l’enthousiasme<br />
par des aplats de couleurs vives. Et tandis<br />
qu’une banderole cache, en bas à gauche,<br />
un « VIVE LA FRANCE » aux allures<br />
d’Ordre moral, une inscription, face à<br />
elle, s’élance rageusement contre la<br />
signification obséquieuse d’un tel geste :<br />
« VIVE LA REP[ublique] ».<br />
Prétexte au déploiement de la couleur<br />
comme au travail sur la lumière, la scène<br />
est chez Monet un acte militant. Associée<br />
à la force d’entrainement du patriotisme<br />
dont elle peuple les fictions, elle participe<br />
d’une aspiration dont notre époque s’étonne<br />
de se savoir encore prisonnière : celle<br />
d’une rue emportée par le déferlement<br />
tricolore des drapeaux.<br />
Lors de la dernière élection présidentielle,<br />
c’était la candidate socialiste qui invitait<br />
les militants du PS à chanter La Marseillaise.<br />
Elle les y encourageait en formant un<br />
vœu : que chaque foyer français pavoise<br />
ses fenêtres le jour de la fête nationale.<br />
3<br />
Edito<br />
Vive la Rép…<br />
C’est, il y a quelques semaines, des députés<br />
UMP qui déposaient une proposition de loi.<br />
Leur idée ? Rendre obligatoire la présence<br />
du drapeau tricolore sur les édifices<br />
publics. L’évidence est pourtant devenue<br />
énigme. Pourquoi, de nos jours, arborer<br />
un drapeau à sa fenêtre ?<br />
Sur les toiles des impressionnistes,<br />
l’explosion du bleu, du blanc et du rouge<br />
venait saluer l’avènement d’un nouvel<br />
espace public, enfin démocratique, laïque<br />
et populaire. En somme, elle était une<br />
manière de faire oublier le drapeau blanc<br />
du légitimisme ou l’aigle dynastique du<br />
bonapartisme. Mais aujourd’hui, on<br />
s’interroge : quelles sont les convictions<br />
susceptibles de former la trame d’une<br />
telle présence ? C’est tout l’enjeu d’une<br />
sacralisation tricolore de l’autorité politique.<br />
Si l’entraînement festif était le motif de la<br />
toile de Monet, son mobile n’en était pas<br />
moins clair : opposer le cri de ralliement<br />
républicain au trop gouvernemental « Vive<br />
la France », une revendication en lettres d’or<br />
sur fond immaculé « VIVE LA REP… ».<br />
Esquissée, et comme bâillonnée dans un<br />
coin de la toile, elle attend son avènement.<br />
Les trois couleurs de Claude Monet ?<br />
Une œuvre à voir et à revoir.<br />
Olivier IHL,<br />
directeur de l’IEPG<br />
PIGÉ Magazine, journal d’information édité par Sciences Po Grenoble (IEPG).<br />
Directeur de la publication : Olivier Ihl, directeur de l’IEPG.<br />
Rédaction en chef : Laurent Rivet.<br />
Comité éditorial : Yvan Avril, Gilles Bastin, Aurélie Billebault, Olivier Ihl, Séverine Perrier,<br />
Laurent Rivet, Emmanuel Taïeb.<br />
Coordination : Emilie Brouze.<br />
Secrétariat de rédaction : Emilie Brouze, Camille Dubruelh, Clémence Glon-Villeneuve,<br />
Raphaël Lizambard, Gwendal Perrin.<br />
Rédaction et photos : Emilie Brouze, Camille Dubruelh, Orlando Fernandes, Blandine Guignier,<br />
Clémence Glon-Villeneuve, Lucie de la Héronnière, Ariane Lavrilleux, Raphaël Lizambard,<br />
Gwendal Perrin, Anne-Sophie Pierson.<br />
Relecture : Annie Rouyard.<br />
Graphisme/mise en page : GAILLARD Infographie 06 09 87 66 69.<br />
Tirage : 3000 exemplaires.<br />
Impression : Imprimerie du Pont-de-Claix.<br />
N° ISSN 1777-71-6 X<br />
IEP de Grenoble, BP 48 • 38040 Grenoble cedex 9 - www.iep-grenoble.fr<br />
Prix de vente : 1€<br />
Tel. 04 76 82 60 00 / Fax. 04 76 82 60 70 / pigemag@gmail.com<br />
Retrouvez Pigé Magazine sur www.pigemag.com, le site d’information du master<br />
journalisme de l’IEP.<br />
Les médias Ecole du master journalisme sont réalisés<br />
avec le soutien du Conseil régional Rhône-Alpes.
PIGÉpolitique Et si le Chili virait à droite ?<br />
Les forces en présence :<br />
• Sebastian Piñera : En<br />
2005, le candidat de<br />
la coalition de droite était<br />
arrivé derrière Michelle<br />
Bachelet, avec 25 % des<br />
suffrages. Celui qui a fêté<br />
son soixantième anniversaire<br />
le 1 er décembre pourrait<br />
bien décrocher la victoire<br />
cette année, à en croire la<br />
majorité des sondages pré-électoraux.<br />
Mais la possible collusion entre ses<br />
activités d'homme d'affaires et ses<br />
responsabilités politiques lui vaut des<br />
critiques de toutes parts.<br />
• Eduardo Frei : Lors d’un<br />
discours, le sénateur chilien<br />
de 67 ans a tenu à rappeler<br />
que, dans les prochaines<br />
années, le Chili aurait<br />
besoin d’un « président et<br />
non pas d’un gérant »,<br />
visant à demi-mots son<br />
principal rival, Piñera. Mais<br />
la tâche est rude pour cet<br />
ingénieur civil de profession : il tente à la<br />
fois de tirer profit du bilan de Michelle<br />
Bachelet tout en se présentant comme<br />
le candidat du changement.<br />
• Marco Enriquez-<br />
Ominami : A 36 ans à<br />
peine, cet homme de<br />
gauche, cinéaste et diplômé<br />
de philosophie, n’hésite pas<br />
à jouer la carte du charme<br />
et du renouveau pour<br />
séduire les électeurs jeunes<br />
et diplômés. En mai 2009,<br />
le quotidien espagnol El<br />
Pais le désignait comme « le nouveau<br />
visage de la politique chilienne pour<br />
succéder à Bachelet ». Il est le fils du<br />
leader historique du Mouvement de la<br />
gauche révolutionnaire (MIR), Miguel<br />
Enriquez.<br />
Crédits : DR<br />
Crédits : DR<br />
Crédits : DR<br />
Et de 10 ! Le Chili est le dixième pays d’Amérique<br />
latine à organiser un scrutin électoral cette année.<br />
Le 13 décembre 2009, les Chiliens désignent leur<br />
nouveau président, avec un éventuel second tour<br />
le 17 janvier 2010. Qui succédera au gouvernement<br />
socialiste de Michelle Bachelet ?<br />
4<br />
Cette élection a un parfum de renouveau.<br />
Pour la première fois depuis la chute<br />
de la dictature d'Augusto Pinochet, en<br />
1990, la coalition de droite semble<br />
avoir pris le pas sur ses adversaires<br />
démocrates-chrétiens de gauche.<br />
D’un côté, la Concertation de partis<br />
pour la démocratie (CPD), coalition de<br />
centre gauche, au pouvoir depuis la<br />
chute d’Augusto Pinochet en 1990,<br />
est menée par Eduardo Frei, déjà<br />
président entre 1994 et 2000.<br />
Composée de trois principaux partis,<br />
elle s’est opposée à la tentative de<br />
l’ancien dictateur de briguer le pouvoir,<br />
lors des élections législatives de 1988.<br />
De l’autre, le milliardaire conservateur<br />
Sebastian Piñera, dont la fortune est<br />
estimée à 1,2 milliard de dollars, ne<br />
cache pas son objectif de devenir le<br />
premier homme politique de droite à<br />
briguer la présidence depuis ce même<br />
Pinochet. Son frère, José Piñera, était<br />
ministre de l’économie du didacteur.<br />
Un handicap ? Pas sûr. Sa formule fait<br />
recette, puisque le candidat de droite<br />
a viré en tête dans les sondages<br />
rythmant la campagne électorale.<br />
Le mode de scrutin<br />
Une course à cinq ?<br />
Et Michelle Bachelet ? Constitution-<br />
-nellement, la présidente sortante ne<br />
peut se représenter. Elle n’a pourtant<br />
pas tardé à jouer les premiers rôles<br />
durant la campagne. Dès septembre,<br />
la socialiste décide l’abrogation de la<br />
loi sur le cuivre, héritée de la dictature<br />
militaire. Cette loi réservait systématiquement<br />
10 % de bénéfices sur les<br />
ventes de minerai aux militaires.<br />
Michelle Bachelet avait déjà manifesté<br />
son intention de modifier cette loi en<br />
2006, mais elle attendait le moment<br />
propice pour soumettre sa proposition<br />
aux parlementaires.<br />
Ce privilège détenu par l’armée devenait<br />
de moins en moins acceptable pour la<br />
population, dans un contexte de crise.<br />
Une manière aussi, pour la gauche, de<br />
se défaire du passé et de renouer<br />
avec les jeunes. Ces « jovenes »<br />
préfèrent se laisser séduire par le<br />
candidat indépendant trentenaire<br />
Marco Enriquez-Ominami, ou encore<br />
par Jorge Arrate, leader du « Front de<br />
gauche » chilien. Un appui suffisant<br />
pour gagner ?<br />
Orlando Fernandes<br />
Au Chili, l’élection repose sur un scrutin présidentiel à deux tours. Comme en France,<br />
plusieurs candidats peuvent se présenter au premier tour du scrutin, au second, seuls<br />
les deux candidats arrivés en tête restent en lice. La Constitution chilienne, qui est<br />
celle rédigée par Pinochet en 1980 (bien que largement amendée depuis), stipule que<br />
le président sortant, après son mandat de quatre ans, ne peut en exécuter un second<br />
consécutivement. Dans cette optique, Michelle Bachelet ne peut pas prétendre à la<br />
présidence du Chili en 2009.
Jacques Chonchol,<br />
M<br />
témoin de l’histoire chilienne<br />
Miguel Henriquez. Crédits : Pigé<br />
Point de vue d’un exilé chilien grenoblois…<br />
Etudiant engagé dans le MIR (Mouvement de<br />
gauche révolutionnaire) au moment du coup<br />
d’Etat, Miguel Henriquez est jugé, condamné,<br />
et s’exile alors en France.<br />
« En 2006, on a vécu l’élection de Michelle<br />
Bachelet comme un fait historique. Forcée<br />
par la crise, elle a fait face, donnant beaucoup<br />
aux petites entreprises, créant des projets<br />
sociaux, des primes… Mais je reste déçu par<br />
l’absence d’action sur le projet du droit de<br />
vote des exilés. En ce qui concerne la campagne<br />
actuelle, Piñera me semble dangereux,<br />
démagogue, candidat des patrons et patron<br />
lui-même, sans politique sociale. Frei et<br />
Marco Enriquez ne parlent jamais de changer<br />
les structures, qui fonctionnent avec la<br />
Constitution de Pinochet. Arrate me touche<br />
plus et semble prêt à solutionner les problèmes<br />
plus graves. Dans tous les cas, le prochain<br />
président sera face à des défis essentiels.<br />
D’ici, je suis la campagne par la presse,<br />
les amis et la famille, mais je suis privé du<br />
droit de vote et donc limité dans mon<br />
engagement. »<br />
Ministre de l’Agriculture d’Allende, Jacques Chonchol s’est exilé en France de<br />
1974 à 1994 où il a été le directeur de l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique<br />
Latine à la Sorbonne. Il vit aujourd’hui à Santiago et reste un intellectuel critique<br />
et un observateur engagé de son pays.<br />
En 1970, l'Unité Populaire remporte les élections,<br />
menant Salvador Allende au pouvoir. Quelle<br />
était l'ambiance à ce moment là ?<br />
Très tendue. Un groupe d´extrême-droite, en<br />
assassinant le Commandant en Chef de l´Armée de<br />
Terre, le Général Schneider, avait essayé d´empêcher<br />
la proclamation de Salvador Allende comme<br />
Président de la République. Le pays était divisé en<br />
trois: l´Unité Populaire qui appuyait Allende, la Droite<br />
qui s´y opposait avec force, et la Démocratie<br />
Chrétienne dont la position était plus nuancée.<br />
En 1973, le Général Pinochet renverse<br />
Salvador Allende par un coup d'Etat. Comme<br />
beaucoup de Chiliens, vous avez dû partir...<br />
Comment avez-vous observé les années<br />
Pinochet depuis la France ?<br />
Jusqu’en 1989, nous les exilés nous étions organisés<br />
pour maintenir une mobilisation constante contre le<br />
régime dictatorial. Les principaux groupes étaient<br />
normalement dépendants de chaque parti politique<br />
chilien de l´ancienne Unité Populaire. Mais il y avait<br />
aussi plusieurs organisations avec des français<br />
comme Les Amitiés franco-chiliennes, Le Groupe<br />
des Juristes pour le Chili, Le Groupe contre la Torture,<br />
au sein de la Cimade (Comité inter-mouvements<br />
auprès des évacués). Beaucoup de communes<br />
françaises ont mobilisé Français et Chiliens pour le<br />
soutien à la cause chilienne. Une des conséquences :<br />
une quantité d´avenues, de lycées et de places<br />
publiques qui ont reçu le nom de Salvador Allende…<br />
Cette solidarité nous a permis d´impulser le travail<br />
en exil et de le mener avec succès.<br />
Comment jugez-vous la situation politique<br />
depuis le départ de Pinochet du pouvoir, en<br />
1990 ?<br />
Depuis 1990, le pays est gouverné par une coalition<br />
de centre gauche, la Concertation, qui petit à petit a<br />
pu rétablir les libertés démocratiques. Ella a aussi<br />
diminué la pauvreté dans laquelle vivait une grande<br />
partie du peuple chilien. Michelle Bachelet a<br />
beaucoup fait dans le domaine de la protection<br />
sociale des secteurs populaires et finira son mandat<br />
en mars 2010 avec un très fort appui populaire.<br />
5<br />
PIGÉpolitique<br />
Jacques Chonchol, en 1976. Crédits : J. Chonchol.<br />
A votre avis, quelle est la place de l'héritage<br />
de Salvador Allende et de son gouvernement<br />
dans la société chilienne actuelle ?<br />
L´expérience de la l´Unité populaire avec Salvador<br />
Allende a signifié un énorme effort pour avancer<br />
vers une société socialiste en sauvegardant les<br />
libertés démocratiques. Sa mort est un symbole de<br />
la lutte pour la défense de la démocratie.<br />
Quel est votre point de vue sur l'actuelle<br />
campagne électorale pour l'élection<br />
présidentielle ?<br />
Les enquêtes actuelles montrent une certaine<br />
préférence pour le candidat de l’" Alianza por el<br />
Cambio ", coalition des partis de droite. Mais au<br />
deuxième tour, une nouvelle recomposition des<br />
forces politiques peut définir un scénario favorable à<br />
un candidat de gauche. Le grand appui populaire à<br />
Michelle Bachelet pourra être un élément essentiel<br />
dans les choix, ainsi que le surgissement d´un candidat<br />
très jeune, Marco Enríquez, porteur d´un nouveau<br />
discours politique. Cette nouvelle voix sortie plutôt<br />
des mouvements de gauche s’oppose au candidat<br />
officiel du gouvernement, tout en gardant un<br />
discours capable de recueillir les avantages de la<br />
politique de Michelle Bachelet.<br />
Lucie de la Héronnière
PIGÉeurope<br />
Regards d’expatriées à Berlin<br />
Elles sont deux. Deux jeunes étudiantes à Grenoble parties<br />
en séjour Erasmus à Berlin questionner l’histoire allemande,<br />
du haut de leurs 20 ans et quelques. 20 ans, c’est<br />
précisément la date à laquelle le mur de Berlin tomba en<br />
ruines. Cécile et Élise livrent leurs impressions sur les<br />
commémorations qui ont entouré cet anniversaire.<br />
Cécile Ventola : « Les préparatifs de la<br />
commémoration sont là, partout, dans<br />
tous les domaines. Mais on ne fête pas<br />
seulement la réunification ; les Allemands<br />
ont le 3 octobre pour ça. Certaines parties<br />
de la ville ont été investies par les grands<br />
capitalistes, mais d’autres, comme Mauerpark, ont été<br />
laissées à l’initiative des citoyens. Je crois que l’on aime<br />
s’intéresser à ce qui n’existe plus. Mais les choses qui<br />
sont exprimées cette année ne sont pas nouvelles. Un<br />
matin, je parlais avec mon colocataire, né à l'est et âgé<br />
de 4 ans quand le Mur est tombé. On regardait une vidéo<br />
sur le 9 novembre et il a pleuré. Il me disait que tous les<br />
voyages qu'ils avaient pu faire après ont été marqués par<br />
la même phrase de son père : "Aurais-tu imaginé qu'on<br />
puisse un jour aller si loin?" ».<br />
Elise Laversin : « Malgré le dispositif<br />
(expositions, célébrations), il me semble<br />
que ce 20 ème anniversaire ne provoque<br />
pas une effervescence particulière au<br />
sein de la population berlinoise d’origine.<br />
Tandis que certains se remémorent<br />
avoir participé à la déconstruction du Mur, d’autres gardent<br />
le souvenir amer de ne pas avoir pu être acteurs de<br />
ce moment historique, parce que trop jeunes, malades<br />
ou absents. La chute du Mur symbolise la fin du communisme<br />
et l’unité retrouvée. Mais pour certains, elle<br />
marque une rupture brutale et le début des difficultés<br />
économiques. Le 9 novembre 2009 a constitué une<br />
immense célébration de ce que la ville est devenue : une<br />
capitale cosmopolite, ouverte et tolérante. Probablement<br />
le résultat de l’Histoire et de son histoire ».<br />
Propos recueillis par Orlando Fernandes<br />
Pourvu que ça Mur !<br />
Le 9 novembre 1989, la RDA annonce à ses citoyens qu’ils peuvent voyager à<br />
l'étranger « sans aucune condition particulière ». Ce soir-là à Berlin, ils sont des<br />
milliers à entamer le démantèlement du Mur. Pigémagazine revient sur cet événement<br />
avec Alfred Grosser, grand spécialiste de l’histoire franco-allemande, les témoignages<br />
de deux étudiantes françaises à Berlin et celui de Juana qui, du haut de ses neuf<br />
ans à l’époque de la chute du mur, nous livre ses souvenirs.<br />
Le Point de vu de l’expert…<br />
« Dix fois supérieures aux relations qui existent entre la France et n’importe quel autre pays, les relations<br />
entre la France et l’Allemagne sont toujours vives » explique Alfred Grosser, politologue et historien.<br />
« La chute du mur a été accueillie en France avec une grande joie ». Le professeur émérite rappelle<br />
que les sondages de l’époque montraient une France favorable à la réunification allemande en grande<br />
majorité, bien qu’aient persisté, chez certains intellectuels ou dans une tranche plus âgée de la population,<br />
des réticences et la crainte d’une Allemagne réunifiée. Pour lui, les modes de relations francoallemandes<br />
n’ont pas vraiment changé après la chute du mur : jumelages et partenariats continuent.<br />
Du côté des figures politiques, le grand trio créateur de la réconciliation et de la coopération Delors-<br />
Mitterrand-Kohl a continué à œuvrer de la même manière après l’intégration de la RDA à la RFA en<br />
octobre 1990. Alfred Grosser est plus sceptique sur le duo Schröder-Chirac, dont les rapports<br />
pouvaient être parfois tendus. Quant à l’actuel couple Sarkozy-Merkel, il y a des désaccords qu’il<br />
impute en grande partie à l’attitude française, à la posture du : « Nous sommes les meilleurs ! »,<br />
agaçante pour les Allemands. Mais le lien fort entre les deux pays persiste. Alfred Grosser a relevé<br />
l’effort de la presse française au moment des élections<br />
allemandes, cet automne, qui ont été selon lui davantage<br />
traitées.<br />
Alfred Grosser, est revenu sur<br />
l’évènement devant les étudiants<br />
de l’IEP le 5 novembre dernier.<br />
Scène de fraternité sur le mur.<br />
Crédits : DR<br />
6<br />
Ce 20 ème anniversaire a fait la Une de tous les grands<br />
médias nationaux. Et peu importe, si TF1 la première<br />
chaîne européenne en terme d’audience (47,5% en<br />
2008), ne dispose pas de bureau à Berlin ! L’événement<br />
a dépassé les frontières, qu’elles soient géopolitiques ou<br />
médiatiques. Les 27 chefs d’État européens étaient<br />
présents, quelques jours après que le dernier d’entre eux<br />
(Vaclav Klaus, président de la République tchèque) ait<br />
donné son feu vert pour la ratification du Traité de<br />
Lisbonne. Deux jours plus tard, Angela Merkel, chancelière<br />
allemande, était accueillie en grande pompe sur les<br />
Champs-Élysées pour célébrer l’armistice francoallemand<br />
et la fin de la Grande Guerre. L’engouement est<br />
impressionnant, presque étonnant de ce côté du Rhin. Un<br />
emballement ? « On en a plus fait à Paris qu’à Berlin »,<br />
reconnaît Alfred Grosser. « Il aurait mieux valu parler<br />
d’Obama et d’Israël, dossier bien plus urgent ». D’ailleurs,<br />
le président américain a préféré rencontrer Benjamin<br />
Nétanyahou, premier ministre israélien, plutôt que se<br />
rendre à Berlin, le 9 novembre, déléguant cette<br />
responsabilité à sa secrétaire d’État, Hillary Clinton.<br />
Podcast de la conférence sur : www.iep-grenoble.fr<br />
Blandine Guignier et Orlando Fernandes
« J’avais neuf ans<br />
quand le mur est tombé »<br />
L’école où ma mère travaillait était accolée au mur. Plusieurs fois j’avais demandé<br />
ce que fichait ce mur immense ici. Mais en général mes parents et ceux de mes<br />
amis ne nous racontaient rien sur tout ce qui concernait la RDA et le Mur. Ils<br />
avaient peur. « La vérité sort de la bouche des enfants »: c’était impossible de<br />
donner une explication aux enfants sans leur transmettre une opinion, qu'ils<br />
colporteraient, et elle pourrait arriver aux oreilles de la Stasi, les services secrets<br />
de la RDA, que nous craignions tous. Je devais donc rester extraordinairement<br />
calme et silencieuse lorsque nous allions chercher ma mère au travail. Une des<br />
portes du Mur se trouvait près de l’école. Un jour, dévorée de curiosité, je me suis<br />
un peu éloignée et j’ai regardé furtivement à travers la porte. Sur la bande de<br />
terre, je vis des lièvres qui se cachaient dans l’herbe ou gambadaient. J’avais<br />
enfin mon explication : c’était un élevage de lièvres ! Le mur immense, les<br />
soldats et le calme dans cet endroit avaient maintenant un sens.<br />
Quand le mur est tombé<br />
Le 9 Novembre était un jeudi. Ce jour-là, lorsque je suis rentrée à la maison, j'ai<br />
trouvé mon père et mon frère dans un tel état d'excitation : " Il n'y a plus de mur !<br />
Nous pouvons aller à l'Ouest ! ". Je n'ai alors rien compris du tout. Mais j’ai su<br />
que c’était quelque chose de bien car j’avais rarement vu mon père aussi heureux<br />
et excité. Il nous installa mon frère et moi dans la voiture, direction le mur ! Nous<br />
nous tenions avec notre Wartburg dans une longue file d'autos, mais aucun<br />
conducteur n'était assis à son poste. Ils étaient tous dehors, riaient et discutaient<br />
ensemble même s'ils ne s'étaient jamais vus auparavant. C'était incroyable !<br />
Tard dans la nuit, étant encore loin de la frontière et ayant tout à coup réalisé que<br />
ma mère devait se faire un sang d'encre à la maison, nous avons rebroussé<br />
Le Parlement européen à Strasbourg.<br />
chemin. Le jour suivant nous sommes repartis à la frontière, cette fois au<br />
7<br />
PIGÉeurope<br />
DR<br />
:<br />
Juana a grandi à Berlin-Est, elle vivait en RDA comme 16 millions d’Allemands.<br />
Souvenirs d’enfance. Crédits<br />
Checkpoint Charlie et avec ma mère. Nous avions traversé la frontière seulement<br />
d'un mètre environ, quand une masse de personnes, poussant des cris de joie,<br />
se mit à frapper sur les fenêtres de la voiture et lança au travers du toit-ouvrant<br />
des sucreries. " Quel paradis un pays où chocolats et bonbons pleuvent ! Je veux<br />
aussi vivre ici ! " Nous avons roulé encore quelques mètres. Des cameramen<br />
anglais nous ont arrêtés et demandé s'ils pouvaient nous accompagner pour<br />
notre premier jour à l'Ouest - c'était une aubaine pour eux, la plupart des autres<br />
familles ne parlaient qu'allemand et russe - ils nous ont proposé une importante<br />
somme d'argent : 1000 D-Mark. Mes parents ont refusé. Ils voulaient profiter de<br />
ce moment unique seuls, avec nous et sans caméras! Nous avons parcouru<br />
Berlin-Ouest. C'était tellement grand et propre ! Et les publicités tout autour<br />
de nous en lettres énormes et multicolores! Tout paraissait si lumineux, si<br />
accueillant. Nous orienter dans cette "ville étrangère" n'était pas facile, nous<br />
avons dû nous arrêter pour regarder un plan. Enfin nous avons rejoint une<br />
banque pour récupérer les 100 D-Mark auxquels chaque citoyen de la RDA avait<br />
droit comme cadeau de bienvenue.<br />
Aujourd'hui, j'ai 29 ans et je vis au Mexique. Je n'étais pas à Berlin le 9 novembre<br />
dernier, mais c'est un jour important pour moi. Je pense qu'il doit être fêté ou au<br />
moins honoré. Après tout, c'est la fin d'une dictature ! Elle a complètement changé<br />
ma vie et celle de ma famille. Je suis très reconnaissante que l'histoire ait apporté<br />
un tel tournant, sinon je n'aurais pas pu être aujourd'hui à Mexico, je n'aurais<br />
certainement pas pu étudier ce que j'ai étudié et je n'aurais absolument pas pu<br />
parler de ma liberté !<br />
Propos recueillis par Blandine Guignier
Dossier<br />
Villes de demain, villes durables ?<br />
UUne cité sale, enfumée, où les travailleurs grouillent vers les usines dont les cheminées se détachent<br />
sur un ciel gris. Une vaste fourmilière : telle était l’image de la ville du 19ème siècle.<br />
Si aujourd’hui la plupart des gens semblent convertis aux principes du développement durable,<br />
ils restent souvent dans une vision bucolique de l’écologie. Alors que le sommet de Copenhague de<br />
décembre 2009 repose la question du réchauffement climatique global, c’est à l’échelle urbaine que<br />
se trouvent les principaux éléments de réponse. Transports, habitat, mixité sociale ou gouvernance<br />
sont à repenser pour entrer dans une logique soutenable. Facile à dire. Mais quels processus pour<br />
y parvenir ? De la création d’éco-quartiers aux villes du Sud, d’un nouveau concept d’aménagement<br />
urbain à une refonte des systèmes de transports, autant de pistes qui permettent de dessiner une<br />
esquisse de la ville de demain.<br />
Evry et la nationale 7. (Crédits : DR) Evry<br />
Paris utopiques<br />
Ambitieux. Le projet du Grand Paris se donne pour objectif de transformer la région capitale en<br />
modèle de développement durable. Les propositions présentées par les différents groupes<br />
d'urbanistes n'ont pourtant pas exclu une part de rêve. La ville durable n'existe-t-elle que<br />
dans l'esprit d'écologistes trop optimistes ? Petit exercice de prospective.<br />
2050<br />
de pointe dans les transports parisiens. Le projet du Grand Paris, lancé il y a maintenant plus de trente ans, a permis de<br />
2050. Neuf milliards d'hommes habitent sur Terre, dont 6,5 en ville. La question du réchauffement climatique reste<br />
épineuse mais sous contrôle. Fini les embouteillages interminables sur le périphérique et la cohue effrayante des heures<br />
modifier l'image de la région. La capitale est au cœur d'un réseau d'une vingtaine de villes moyennes reliées entre elles<br />
par un métro automatique. Le pire a été évité. L'amélioration du cadre de vie et la diminution des loyers dans la ville<br />
intramuros ont stoppé l'exode qui avait cours au début du siècle. Les parcs de Vincennes et de la Courneuve favorisent la<br />
capture du CO2. Les prévisions des météorologues, qui annonçaient un climat semblable à celui de la ville de Cordoue pour<br />
2100, ne sont plus qu'un mauvais souvenir.<br />
Le rapport au temps des habitants a évolué. Le télétravail s'est considérablement développé et il est maintenant difficile<br />
d'imaginer qu'en 2009, un Francilien pouvait passer 2h40 par jour dans le RER B. Des voitures circulent encore dans les<br />
rues. Elles sont pourtant perçues comme un luxe et une marque de désintérêt pour l'espace public. La participation a été<br />
intégrée, depuis peu, aux valeurs de la République. Le droit et le devoir de donner du temps à la collectivité tombent<br />
sous le sens.<br />
8<br />
Evry aujourd’hui
Contours d'un nouveau concept<br />
La ville ne plonge pas ses racines<br />
dans une volonté quelconque de vivre<br />
entouré de ses semblables. Elle est le<br />
fruit de l'intensification des échanges<br />
de matières premières et de biens<br />
manufacturés. L'urbain s'est donc<br />
construit en fonction d'un système<br />
économique qui pose maintenant<br />
problème. Le grignotage de l'espace<br />
et la périubanisation engendrent une<br />
surconsommation des ressources<br />
naturelles. L'obligation d'entrer dans<br />
un développement soutenable fait<br />
émerger, au début des années 90, le<br />
concept de ville durable. Les villes, qui<br />
n'occupent que 2% de la surface du<br />
globe, génèrent 80% des émissions<br />
de CO2 et consomment 75% de<br />
l'énergie mondiale (source : rapport<br />
du forum urbain mondial de l'ONU-<br />
Habitat, 2006).<br />
Trois règles fondamentales définissent<br />
la ville durable. Son empreinte<br />
écologique tend vers zéro en restreignant<br />
la consommation d'énergies fossiles.<br />
Elle offre à l'ensemble de ses habitants<br />
un cadre de vie agréable tout en limitant<br />
l'amplitude des inégalités. Enfin, c'est<br />
un projet politique qui replace le collectif<br />
au centre de la société. « Il ne suffit<br />
pas de faire un bouquet avec les trois<br />
piliers du développement durable que<br />
sont l'écologie, le social et l'économie.<br />
Il faut imbriquer ensemble ces domaines<br />
afin de construire un système de<br />
coproduction. La ville durable doit<br />
ruser. Elle prend en considération les<br />
ressources naturelles, l'urbain, la<br />
sécurité et l'éducation » explique<br />
Claude Jacquier, spécialiste du<br />
développement soutenable dans les<br />
territoires urbains. Pour Françoise-<br />
Hélène Jourda, architecte engagée<br />
dans le développement durable depuis<br />
1981, « il n'existe pas de ville durable<br />
type. Les solutions d'aménagement et<br />
d'architecture doivent être adaptées à<br />
la culture des habitants ». Dans le<br />
même sens, Anne-Marie Maür,<br />
directrice d'études à l’Agence<br />
d'urbanisme de la région grenobloise,<br />
explique que « la ville durable ne doit<br />
pas être un modèle en soi » mais<br />
« un processus de transformation ».<br />
Prospective scientifique<br />
ou douce illusion ?<br />
Le défi serait d'organiser le territoire,<br />
la répartition des services et des<br />
populations de façon à conserver un<br />
mode de vie de qualité tout en diminuant<br />
sensiblement les kilomètres parcourus<br />
par habitant. « Nous n’avons pas le<br />
choix. Il faut sortir des chemins de<br />
dépendance établis avec la révolution<br />
industrielle » continue Claude Jacquier.<br />
Si la densification de l'habitat limite les<br />
Perspective architecturale, selon un projet du groupe Descartes.<br />
9<br />
déplacements, la qualité des propositions<br />
alternatives entre également en compte,<br />
comme l’offre de transports en<br />
commun. Selon Anne-Marie Maür, la<br />
ville durable « intègre un mouvement<br />
large qui la dépasse ». Elle nécessite<br />
la mise en place de « nouveaux services<br />
qui faciliteront une reconversion<br />
économique » tout en misant « sur des<br />
synergies locales et sur l'innovation ».<br />
La mode, de plus en plus répandue,<br />
de construire des écoquartiers marque<br />
un engouement certain pour le<br />
développement soutenable. Pourtant,<br />
les écoquartiers ne sont pas la ville<br />
de demain. Ils correspondent plutôt à<br />
des espaces de recherche, à des<br />
laboratoires. La ville durable ne se<br />
construira pas ex nihilo. Le projet,<br />
plus complexe, fait entrer en jeu une<br />
population présente et un bâti<br />
« passoire à énergie ». « La forme de<br />
la ville ne va guère changer en trente<br />
ans. Les modifications se feront<br />
essentiellement au sein du système<br />
politico-institutionnel » affirme Claude<br />
Jacquier. Une chose est sûre : le<br />
changement des habitudes est un<br />
processus lent qui s'oppose à l'urgence<br />
climatique.<br />
Clémence Glon-Villeneuve<br />
Dossier<br />
De l'écologie urbaine à la ville<br />
durable<br />
L'écologie urbaine est née à Chicago,<br />
dans les années 60. Les chercheurs<br />
de cette école américaine reconnaissent<br />
de véritables « écosystèmes urbains »<br />
et replacent l'individu au centre de<br />
leurs études. Bien qu'établissant des<br />
spécificités écologiques à la ville, cette<br />
vision systémique reste très théorique.<br />
Au début des années 90, sous l'effet<br />
conjugué de la conférence de Rio<br />
(1992) et de la mise en place de<br />
l'ICLEI, conseil international pour les<br />
initiatives locales en environnement<br />
(1991), le terme de « ville écologique »<br />
est remplacé peu à peu par celui de<br />
« ville durable ». Une ville durable, c'est<br />
une ville écologique. Mais pas seulement.<br />
Calquée sur la notion de développement<br />
durable, elle imbrique des problématiques<br />
environnementales, sociales et<br />
économiques.<br />
Le 27 mai 1994, la première conférence<br />
des villes durables européennes se<br />
tient à Aalborg, au Danemark. La charte<br />
du même nom engage les communes<br />
signataires à modifier leur plan<br />
d'urbanisme en faveur du développement<br />
durable.<br />
Evry demain
Dossier<br />
Villes de demain, villes durables ?<br />
Et les villes du sud ?<br />
Au Sud, l’explosion urbaine est massive. En cause<br />
notamment, l’exode rural et la croissance interne.<br />
Un défi : la gérer en fournissant, d’abord, à la population<br />
biens et services de première nécessité, tout en<br />
préservant l’environnement.<br />
Le concept de ville durable est-il universel ?<br />
Voyage dans les métropoles du sud.<br />
Le Nord songe à la ville durable. Le<br />
Sud doit d’abord satisfaire ses<br />
besoins vitaux. Lutte contre la grande<br />
pauvreté ou l’insalubrité, les autorités<br />
publiques sont débordées ou parfois<br />
inexistantes. Mais le Sud cache<br />
différents visages : les pays émergents<br />
aux économies dynamiques, ceux en<br />
développement et les moins avancés.<br />
En Inde, comme dans beaucoup de<br />
pays d’Afrique, les moyens manquent<br />
pour développer les agglomérations.<br />
« Les villes sont peu entretenues.<br />
Dans les rues, il y a de superbes maisons<br />
comme des taudis. La plupart sont<br />
des sortes de huttes en bois avec un<br />
toit en paille. Il y a aussi beaucoup de<br />
problèmes d’hygiène, il faut faire<br />
attention à ce que l’on boit ou mange »,<br />
raconte Jean-Baptiste Bienfait qui vit<br />
à Mamallapuram, en Inde. Amadou<br />
Sarr, Sénégalais originaire de Dakar,<br />
décrit sa ville : « Les infrastructures<br />
publiques sont en place mais il<br />
manque des moyens pour les faire<br />
fonctionner. Au moment de la mousson,<br />
on voit que le système d’assainissement<br />
Le boom des villes au Sud<br />
• 3, 5 milliards d’urbains aujourd’hui,<br />
• 5 milliards d’ici 2025.<br />
• 1 milliard vivent dans des bidonvilles.<br />
• 6 des 10 plus grandes villes sont<br />
dans l’hémisphère Sud. (ONU, 2007)<br />
n’est pas perfectionné : il y a des<br />
inondations. La pollution est aussi un<br />
problème majeur à cause des voitures<br />
et des usines. Dakar est la capitale<br />
industrielle. Tout est concentré : l’Etat<br />
essaie de décentraliser. »<br />
Curitiba, ville modèle<br />
Les plus riches, comme au Nord,<br />
disposent de leurs villes modèles. Au<br />
Brésil, Curitiba, métropole de deux<br />
millions d’habitants, a lancé depuis une<br />
trentaine d’années une politique de<br />
développement innovante. Aujourd’hui,<br />
70% des ménages recyclent leurs<br />
déchets. Côté transports, le réseau de<br />
bus se déploie en toile d’araignée sur<br />
cinq axes de 80 kilomètres avec, à<br />
chaque terminal, commerces et<br />
services. Encore loin de ce cas d’école,<br />
plusieurs métropoles intègrent<br />
progressivement la durabilité dans<br />
leur politique. Le maire de Mexico<br />
(20 millions d’habitants) a lancé un<br />
plan vert avec trois objectifs : le<br />
développement durable, la viabilité<br />
écologique et la qualité de vie. Ainsi,<br />
depuis 2009, le tri sélectif est obligatoire<br />
et des vélos sont mis à disposition<br />
gratuitement. Rabat, capitale du<br />
Maroc, a établi un nouveau plan<br />
d’urbanisme. « Un bus ultra moderne<br />
10<br />
Mamallapuram, en Inde.<br />
« Les routes sont pleines de bosses, il n’y a pas d’égout pour évacuer l’eau en cas<br />
de pluie. C’est très sale : Il y a plein de déchets et d’animaux dans les rues »,<br />
raconte Jean-Baptiste Bienfait. Crédits : DR<br />
a été mis en place, moins polluant. Le<br />
tracé du tramway va être achevé en<br />
juillet 2010 pour diminuer le nombre<br />
de véhicules de 20%. La bibliothèque<br />
nationale a été édifiée cet été. Sur le<br />
plan social, le plan « Ville sans bidonvilles<br />
» lancé en 2004 dans 83 cités<br />
marocaines, a pour objectif de fournir<br />
un logement décent à chacun. Cela<br />
fera de Rabat une ville durable »,<br />
affirme Khalid Ouaya, architecte en<br />
chef de la capitale. Un défi quand on<br />
sait que ce plan pour éradiquer les<br />
bidonvilles, reporté à 2012, avait en<br />
juillet 2009 relogé 600 000 citoyens<br />
sur les 1, 5 million prévus.<br />
Sans afficher clairement une politique<br />
durable, certains pays font des<br />
efforts. Santiago, Equatorien, parle de<br />
Quito, sa capitale : « Depuis dix ans, le<br />
transport s’est amélioré, on a créé des<br />
voies de bus. Même s’il y a encore<br />
beaucoup de voitures : aux heures de<br />
pointe, on peut être bloqué trois<br />
heures. La ville est donc polluée. Mais<br />
des politiques se mettent en place.<br />
Avant, les échoppes étaient à même<br />
la rue. Puis, on a construit des<br />
commerces… La ville est plus ordonnée<br />
qu’avant. »<br />
Emilie Brouze<br />
Quel sens à la ville durable ?<br />
« Les contraintes sont différentes<br />
suivant les zones, le développement<br />
diffère suivant la taille… Le modèle<br />
théorique de la ville durable peut être<br />
commun mais chaque zone doit gérer<br />
sa propre évolution vers cette<br />
référence », affirme Jacques Véron,<br />
chercheur à l’Institut national des<br />
études démographiques. La ville<br />
durable, au Sud comme au Nord se<br />
traduit alors par la recherche de<br />
bonnes pratiques. « Ce concept a un<br />
sens s’il permet de s’orienter vers une<br />
politique plus respectueuse de<br />
l’environnement et de l’humain : éviter<br />
l’étalement, innover dans la gestion<br />
des eaux… Avec l’objectif de villes<br />
plus sobres », complète Mehdi Abbas,<br />
maître de conférences en économie<br />
à Grenoble. Des objectifs que<br />
certaines régions du Nord n’ont pas<br />
encore atteints. A l’exemple de<br />
Palerme, en Sicile, où le ramassage<br />
des ordures est déficient et le réseau<br />
routier quasi-anarchique.
Raisonner<br />
les transports en ville<br />
« Il ne faut pas, à cause du climat, rendre les choses invivables,<br />
commente Maya Vitorge. Dans la ville durable, on fera ce que l’on shouaite<br />
en parcourant moins de kilomètres. » Crédits : Pigé<br />
En France<br />
60% des déplacements en ville<br />
se font en voiture<br />
27% à pied<br />
9% en transports en commun<br />
2% en vélo<br />
2% en deux-roues motorisés<br />
35% des émissions de dioxyde de<br />
carbone (CO2) sont causées<br />
par les transports<br />
19% par l’habitat<br />
(Source de 2005, www.ademe.fr)<br />
Sauf pour les sportifs ou les promeneurs, se déplacer n’est<br />
pas un but en soi. « Je fais un trajet pour faire quelque chose,<br />
quelque part et peut-être avec quelqu’un. Le déplacement<br />
est un indicateur de mode de vie. Quand je travaille sur une<br />
politique de transports, je ne travaille pas donc juste sur<br />
l’offre de moyens de déplacement », explique Maya Vitorge,<br />
de l’AURG. Avant d’ajouter : « Ces politiques ne se pensent<br />
qu’avec l’urbanisme et la société ». Ainsi, la répartition des<br />
habitations et des services sur un territoire engendre plus<br />
ou moins de trajets. « Si j’autorise à construire des logements<br />
sans services à proximité, je génère des déplacements vers<br />
la ville, où tout est concentré. » Le travail doit être réalisé<br />
avec les citoyens car une décision politique doit être acceptée<br />
pour être efficace. Et pour que la ville soit durable pour<br />
tous, Maya Vitorge entend « privilégier la vie des hommes<br />
sur l’économie ». La construction d’une pharmacie, par<br />
exemple, ne doit pas n’être liée qu’à des quotas ou à la loi<br />
du marché. Mais aussi à l’accessibilité du service pour<br />
toute la population. De l’économique, du social, de l’environnemental<br />
: tout s’imbrique. L’enjeu, pour tendre vers une<br />
ville durable, est clair : « Peut-on organiser le territoire, la<br />
répartition des services et des populations sans faire autant<br />
de déplacements et de kilomètres mais tout en conservant<br />
le même mode de vie ? »<br />
Aménager en fonction du temps<br />
« Pour avoir une ville vivante sans trop émettre de gaz à<br />
effet de serre, il faut trouver des alternatives à la voiture.<br />
C’est le niveau 1. Le niveau 2, c’est installer des transports<br />
collectifs. » Plusieurs stratégies dissuadent l’utilisation des<br />
modes polluants : taxes à l’achat des véhicules, stationnement<br />
payant… Ainsi, le péage urbain à l’entrée de Londres a<br />
augmenté la fréquentation des bus de 30%. Sans oublier<br />
de proposer des alternatives avec un réseau de transports<br />
collectifs fort, tout en insistant sur les modes écologiques<br />
comme le vélo ou le tramway. L’agence d’urbanisme de<br />
11<br />
Dossier<br />
Les lieux de vie, de travail et d’activité, répartis sur<br />
le territoire, engendrent des trajets. Dans une ville<br />
durable, l’ensemble de la population doit pouvoir se<br />
déplacer tout en respectant l’environnement. Maya<br />
Vitorge, directrice d’études territoires et déplacements<br />
à l’agence d’urbanisme de Grenoble (AURG), donne<br />
des pistes pour penser les politiques de transport et<br />
défend le concept de chronoaménagement.<br />
Grenoble a travaillé sur le concept du chronoaménagement.<br />
En partant d’un constat : « On installe des transports toujours<br />
plus rapides, les routes sont remplacées par des autoroutes…<br />
Chacun peut habiter où il veut, il pourra y aller vite. Si je<br />
suis plus loin, je fais plus de kilomètres et il faut plus de<br />
route. On ne se pose plus la question de la vitesse. » L’idée<br />
est d’inverser ce cercle vicieux pour des trajets moins longs<br />
avec moins de voitures. En ville, on évalue les distances en<br />
temps et non en kilomètres. La vitesse serait donc le levier<br />
d’aménagement du territoire avec une hiérarchie des<br />
distances-temps entre les pôles. Tout en réduisant les<br />
vitesses sur les routes. « Si demain je fais une autoroute<br />
ultra rapide entre Lyon et Grenoble, un certain nombre de<br />
fonctions vitales seront déplacées du pôle secondaire au<br />
pôle principal. Je ferai donc des kilomètres pour aller les<br />
chercher. » Les villes et les services ne doivent pas être<br />
concentrés mais multiples afin de diminuer les trajets.<br />
Avec une juste distance temps entre eux pour garantir<br />
l’équilibre du territoire.<br />
Eduquer et dialoguer<br />
Les politiques de transports ne doivent pas négliger le poids<br />
des comportements individuels. « Dans les changements<br />
climatiques, on agit sur le "hard" avec les transports collectifs.<br />
Sur le "soft", par exemple avec le stationnement payant.<br />
Il y a aussi une part d’éducation à l’environnement. »<br />
Au Polygone, à Grenoble, presque toutes les entreprises ont<br />
élaboré des plans de déplacements. Certains salariés<br />
pouvaient, mais ne prenaient pas les transports en commun.<br />
« Comment je fais si l’école m’appelle pour récupérer mon<br />
enfant en urgence ? » s’interrogeait une mère de famille.<br />
Suite aux discussions, les salariés qui viennent en tram ou<br />
en vélo bénéficient d’un bon de taxi mensuel. « La participation<br />
citoyenne, c’est parfois aussi simple que ça. »<br />
Emilie Brouze
Dossier<br />
Villes de demain, villes durables ?<br />
LStockholm et le vélo,<br />
une longue histoire d’amour<br />
La capitale suédoise fait partie des métropoles qui comptent le<br />
plus d’utilisateurs réguliers du vélo au monde : 40% de la<br />
population se déplace principalement sur deux roues.<br />
Au-delà de la dimension culturelle, comment peut-on expliquer<br />
un tel engouement ?<br />
« Tout le monde y fait du vélo ! ». Telle est la<br />
première chose que dit Alice, étudiante<br />
française ayant passé un semestre Erasmus<br />
en Suède, à propos de Stockholm. Cette ville<br />
de 770 000 habitants (1,2 million pour<br />
l’agglomération) se révèle l’une des plus<br />
favorables aux cyclistes. Le climat est pourtant<br />
rude : froid, neige, verglas… Ce n’est pas<br />
ce genre d’obstacles qui freinent les habitants.<br />
« Rien ne les arrête ! » poursuit Alice. Et cela<br />
concerne toute la population, jeunes, moins<br />
jeunes, étudiants, ouvriers… « Nos corps<br />
sont habitués » s’amuse Anna, qui vit là-bas<br />
depuis 6 ans.<br />
Ville Pourcentage d’utilisateurs<br />
réguliers* du vélo<br />
(Année de publication des données)<br />
Stockholm 34% (2008)<br />
Copenhague 30% (2008) (objectif 50% en 2015)<br />
Amsterdam 28% (2006)<br />
Vancouver 18% (2006)<br />
Strasbourg 17% (2006)<br />
Berlin 5% (2006)<br />
Bogota 4% (2006)<br />
Paris 3% (2007)<br />
Lyon 3% (2008)<br />
Détroit 1% (2008)<br />
* On entend par utilisateur régulier celui qui se<br />
déplace à vélo au moins 5 fois par semaine.<br />
Sources : Site internet des municipalités).<br />
Le vélo est un moyen de transport économique<br />
et écologique. D’autant que la vie n’est pas<br />
facile pour les voitures, soumises à un péage<br />
urbain depuis 2006. Les transports en commun<br />
sont également très chers. La municipalité<br />
fait donc tout pour encourager la pratique de<br />
la bicyclette : les pistes cyclables sont<br />
quasi-systématiques sur les trottoirs. Les<br />
cyclistes cohabitent donc avec les piétons et<br />
pas avec les voitures, « ce qui est beaucoup<br />
moins dangereux » note Alice. Les possibilités<br />
de circuits sont presque infinies : la piste la<br />
plus importante, la Nackrosleden, fait 700<br />
kilomètres de long !<br />
La proche banlieue n’est pas en reste : le<br />
quartier écologique d’Hammarby s’est<br />
construit en fonction des modes de transport<br />
doux. Et à Uppsala, à 70 km au nord, ce sont<br />
maintenant les automobilistes qui se plaignent<br />
de ne plus avoir voix au chapitre…<br />
Gwendal PERRIN<br />
12<br />
« En France,<br />
les voitures<br />
sont prioritaires »<br />
Stéphane Labranche*,<br />
chercheur au PACTE-CNRS<br />
(IEP de Grenoble).<br />
Crédits : Pigé<br />
Quelle est la place du vélo à Lyon ?<br />
Un chiffre : seules 3% des 650 personnes interrogées durant<br />
mon étude utilisaient le vélo pour leurs déplacements<br />
quotidiens hors loisirs. Aux Pays-Bas, ce sont les voitures<br />
et les bus qui se déplacent en fonction du vélo… Alors<br />
qu’en France, c’est le contraire : les piétons et cyclistes<br />
attendent que les voitures passent avant de s’engager. Les<br />
voitures sont prioritaires.<br />
Comment faire pour que les gens délaissent leur<br />
voiture pour les transports en commun ?<br />
Il faut que ces transports aient des avantages par rapport<br />
à la voiture. Le tramway en a : il est certes moins rapide,<br />
mais il évite les bouchons. Le vélo a deux désavantages :<br />
les dangers et les intempéries. Pour le premier, la mise en<br />
place de pistes cyclables sécurisées est une solution. Pour<br />
le deuxième, c’est plus difficile. En fait, c’est le poids de<br />
l’habitude qui joue. On évitera ainsi de faire du vélo en<br />
hiver, mais quand le printemps arrive il faut modifier son<br />
comportement. Ce que les gens ne veulent pas faire.<br />
Briser les routines est difficile, cela demande beaucoup de<br />
travail sur soi.<br />
Le vélo se développe surtout dans des villes moyennes.<br />
Comment faire dans les grandes métropoles ?<br />
Intégrer les réseaux, combiner les transports ! Mais il y a<br />
des bugs : par exemple, c’est souvent interdit de porter<br />
son vélo dans le tram à Grenoble à certaines heures…<br />
Les trams doivent être conçus pour accueillir les vélos,<br />
sinon les gens ne les prendront pas et se retourneront vers<br />
la voiture. Il faut faciliter les choses pour les usagers du<br />
vélo. Cette question de la multi-modalité est la clé du<br />
développement des transports alternatifs… mais cela ne<br />
se fera pas du jour au lendemain.<br />
* a réalisé en 2008 une étude sur les freins à l’utilisation des<br />
transports en commun et du vélo dans la ville de Lyon."<br />
Propos recueillis par Gwendal Perrin
De BONNE expérience<br />
La ville de Grenoble lance<br />
en 2000 un projet de<br />
rénovation du quartier de<br />
Bonne et de ses anciennes<br />
casernes militaires qui<br />
occupaient 8,5 hectares<br />
en plein cœur de la cité :<br />
ce sera un éco-quartier.<br />
Toujours en travaux<br />
aujourd’hui, le site a reçu<br />
le prix Ecoquartier 2009<br />
le 4 novembre dernier,<br />
remis par le ministère de<br />
l’Ecologie. Les premiers<br />
habitants sont là. Parmi<br />
eux, les occupants de la<br />
résidence Henri IV, installés<br />
il y a presqu’un an.<br />
Eclairage sur leurs<br />
premiers pas d’habitants<br />
durables.<br />
Un bâti très dense<br />
Les immeubles du quartier de Bonne,<br />
d’une hauteur de sept étages, ne sont<br />
séparés que de quelques mètres les<br />
uns des autres. Une densité plus forte<br />
par rapport à d'autres quartiers<br />
écologiques. A Fribourg, une limite de<br />
quatre étages a été fixée pour les<br />
immeubles et les maisons sont<br />
mitoyennes. A Grenoble, la pression<br />
foncière est importante surtout dans<br />
un quartier aussi proche du centre de<br />
ville. De plus, le modèle éco-quartier<br />
lutte contre l'étalement des villes. Il<br />
n'est pas donc pas question de<br />
construire de petites maisons en bois.<br />
La résidence Henri IV, terminée en janvier 2009. Crédits : Pigé<br />
Une terrasse, du confort, une facture énergétique moins coûteuse, voilà ce qui a<br />
poussé les propriétaires à acheter un appartement à Bonne. Ils ont aussi été<br />
emballés par le projet global. C’est le cas de Sylvie: « L’éco-quartier nous a séduits<br />
dès le début. Quand ce sera fini, ce sera vraiment génial. » L’aspect développement<br />
durable du quartier a joué. Pour Xavier, infirmier, propriétaire d’un local à des fins<br />
professionnelles depuis mai 2009, le fait que les bâtiments soient en HQE (Haute<br />
Qualité Environnementale) est un critère de choix. Lui et d’autres occupants du<br />
quartier ont des convictions écologiques fortes. Au quotidien, elles se traduisent<br />
par des gestes concrets. Xavier se rend au travail et effectue ses tournées à vélo.<br />
Pour Alain c’est : « faire attention à nos consommations d’eau, ne pas laisser les<br />
pièces éclairées, maîtriser notre chauffage, enfin des choses basiques ! ».<br />
Bonne, pour ces habitants, c’est aussi une information et un échange plus forts<br />
que dans un quartier classique, grâce entre autres aux réunions de quartier.<br />
Sylvie et son mari vont à ces rendez-vous mensuels et à d’autres rassemblements<br />
plus ponctuels avec les personnes de la mairie, architectes et promoteurs. Alain<br />
apprécie l’information qu’il trouve à cette occasion : « La mairie de Grenoble a<br />
organisé des réunions sur les systèmes de chauffage qui étaient mis en place<br />
dans les logements. J’y ai participé. Je pense que c’est intéressant et puis si<br />
chacun y met un petit peu de bonne volonté, on peut très facilement gagner en<br />
énergie et en coûts. »<br />
Tout n’est pas non plus parfait. Les habitants se plaignent du retard des travaux,<br />
Bertrand par exemple : « Si on mesure à la quantité de poussière sur nos balcons,<br />
on n’est pas encore au bout de nos peines. C’est un peu énervant d’avoir un petit<br />
bout de trottoir par-ci, un petit bout par-là. » Xavier voit aussi des points négatifs :<br />
« Les loyers sont relativement chers, il y a beaucoup de béton aussi, ce ne sont<br />
pas des petits immeubles en bois. » Les habitants ne désespèrent pas pour<br />
autant et ne doutent pas qu’il y aura à terme une vraie qualité de vie. Alain :<br />
« C’est vrai qu’on est encore un peu dans le chantier. Mais je pense que quand on<br />
pourra circuler de façon sympathique avec les jardins etc., on pourra en tirer une<br />
réelle plus-value par rapport à d’autres quartiers. » Sylvie aussi est confiante en<br />
l’avenir : « Il faut que ça continue ! On a parlé de diminuer le nombre de voitures.<br />
Beaucoup trop de gens se garent. Ce n’est pas très grand, on peut carrément<br />
les interdire. Ce serait l’idéal !»<br />
13<br />
Blandine GUIGNIER<br />
Dossier<br />
Du retard dans les travaux<br />
Les habitants de la résidence Henri IV<br />
ont obtenu leurs appartements en<br />
janvier 2009. D'autres ont été moins<br />
chanceux. 121 logements de l'immeuble<br />
« Le Connétable », un des plus grands<br />
du quartier, attendent depuis un an et<br />
demi la fin des travaux. Huit propriétaires<br />
ont fait une demande d'assignation<br />
devant le juge des promoteurs Nexity<br />
et Vinci. La livraison prévue pour<br />
septembre 2008 aura certainement<br />
lieu en janvier 2010.<br />
Des quartiers durables<br />
exemplaires en Europe<br />
L’école Lucie Aubrac. Crédits : Pigé<br />
En Europe du Nord voilà plus de dix<br />
ans que des villes précurseurs ont<br />
construit des écoquartiers, entre<br />
autres Beddington (Bedzed) au<br />
Royaume Uni, Copenhague (Vesterbro)<br />
au Danemark, Hanovre (Kronsberg) et<br />
Fribourg-en-Brisgau (Vauban) en<br />
Allemagne, Malmö (B001) et<br />
Stockholm (Hammarby Sjöstad) en<br />
Suède. La réussite de ces quartiers<br />
fait quasiment l’unanimité et a<br />
influencé le développement en<br />
France. Des critiques demeurent sur<br />
la diffusion du modèle à l’échelle de la<br />
ville entière. On les accuse de n’être<br />
que des vitrines dans un ensemble<br />
non durable et de s’inscrire dans une<br />
logique d’exception. Mais à Stockholm<br />
ou Fribourg par exemple, la logique de<br />
développement durable est bel et bien<br />
présente dans toutes les politiques de<br />
la ville, au-delà des limites des<br />
écoquartiers.
Dossier<br />
Villes de demain, villes durables ?<br />
Vue aérienne de la partie ouest du chantier avant<br />
l’achèvement des « Reflets du Drac et du Vercors ».<br />
Crédits : photec -innovia<br />
L'immeuble de bureaux<br />
“ Les reflets du Drac ” vu du chantier.<br />
Bouchayer-Viallet abritait le Centre dramatique national des Alpes,<br />
avant son déménagement à la MC2. Crédits : Ariane Lavrilleux<br />
L'ombre d'Europole plane sur<br />
14<br />
A l’entrée ouest de Grenoble, impossible de manquer<br />
l’autre grand chantier de réaménagement en cours :<br />
le site Bouchayet-Viallet, ancienne friche industrielle.<br />
Deux immeubles verts, flambant neufs plantés au bord<br />
de l’A480 cachent un chantier de 14 hectares qui<br />
devrait durer jusqu’en 2011.<br />
Pour réaménager le terrain de cette<br />
ancienne friche industrielle, la ville de<br />
Grenoble a investi près de 49 millions<br />
d’euros. Si les habitants, associations,<br />
élus et architectes ne partagent pas<br />
toujours la même vision du futur quartier<br />
Bouchayer-Viallet, ils ont tous en tête<br />
l’exemple du quartier Europole.<br />
D’après Olivier Bertrand, conseiller<br />
municipal Vert, l’histoire du projet<br />
Bouchayer-Viallet commence avec<br />
François Hollande, en 2001. Alors<br />
qu’il se rendait à un meeting à<br />
Grenoble, le secrétaire national du<br />
Parti Socialiste découvre, par la vitre<br />
de sa voiture, ce qui ressemble à un<br />
terrain vague d’entrepôts décrépis.<br />
L’entrée dans la « capitale des Alpes »<br />
fait mauvaise impression. C’est le<br />
déclic pour Michel Destot. L’idée de<br />
réaménager l’ancienne zone industrielle<br />
désaffectée était déjà dans les cartons<br />
à la fin des années 1990, mais en<br />
2001 elle prend un nouveau départ.<br />
Le dossier est confié à l’adjointe à<br />
l’économie, Geneviève Fioraso, qui<br />
relance le projet mais aussi les<br />
hostilités.<br />
Une friche délaissée mais pas<br />
inhabitée<br />
Symbole de déclin économique et<br />
perçues comme des « cancers urbains »,<br />
selon l’expression de l’urbaniste Jean-<br />
Pierre Lacaze, les friches industrielles<br />
avaient vocation à être rasées, pour<br />
les pouvoirs publics. Détruire pour<br />
reconstruire. L’objectif est aussi de<br />
faire revenir les entreprises dans la<br />
ville et les recettes fiscales qui vont<br />
avec. Ce fut le cas d’Europole,<br />
quartier de l’ancienne brasserie La<br />
Frise remplacée par des banques et le<br />
World Trade Center.<br />
Contrairement à l’image extérieure<br />
d’une friche industrielle désertée, le<br />
quartier Bouchayer-Viallet abrite une<br />
pépinière d’associations et d’initiatives<br />
culturelles depuis les années 1980.<br />
Progressivement désindustrialisé, le<br />
site conserve ses bâtiments industriels<br />
comme ceux de l’usine de chocolat<br />
Cémoi, ou encore les halles du fabricant<br />
de turbines et conduites forcées qui a<br />
donné son nom au site.<br />
En attente de requalification, ces<br />
entrepôts et immeubles vacants sont<br />
alors investis par des entreprises<br />
(ceux donnant sur la rue Ampère<br />
notamment), des squats et résidences<br />
artistiques (le collectif Utopia, le<br />
Brise-glace et le 102) ou encore des<br />
associations de soutiens à projets<br />
(Cap’Berriat et Entr’arts). Soit beaucoup
Bouchayer-Viallet<br />
de petites structures qui formaient un<br />
laboratoire d’expérimentations et de<br />
réflexions sur un ancien quartier<br />
ouvrier laissé à l’abandon.<br />
L’accueil a donc été plutôt froid<br />
quand, en 2002, la Mairie propose de<br />
transformer Bouchayer-Viallet en<br />
« ZAC à vocation de développement<br />
économique et d’innovation ». Oubliés<br />
du projet, l’union de quartier Chorier-<br />
Berriat, les associations culturelles et<br />
collectifs de squat ont multiplié les<br />
actions pour infléchir la décision<br />
municipale. « On avait en mémoire le<br />
précédent Europole qui date de l’ère<br />
Carignon et symbolise le libéralisme<br />
outrancier », se souvient Olivier<br />
Bertrand.<br />
Une zone économique plus culturelle<br />
et plus écolo qu’Europole<br />
Aujourd’hui le plan de réaménagement<br />
urbain en cours de réalisation, donne<br />
plus de place à la culture avec<br />
notamment la construction à l’horizon<br />
2011 d’une salle de concert dédiée<br />
aux musiques amplifiées (SMAG).<br />
L’objectif est désormais de faire « un<br />
quartier Europole, version vivant »,<br />
selon les mots de Frédéric Cacciali,<br />
chargé d’opération adjoint à la SEM<br />
Innovia, l’aménageur des 14 hectares<br />
de Bouchayer-Viallet. Avec 65 000 m 2<br />
d’entreprises et commerces, l’activité<br />
principale du quartier restera<br />
économique. Á Europole, la tour vitrée<br />
de Novotel et le World Trade Center<br />
s’étaient installés. Á Bouchayer-Viallet,<br />
il y aura un hôtel Mariott 3 étoiles et<br />
la Chambre de métiers.<br />
Julien Joanny, membre du Conseil<br />
d’Administration de l’association<br />
Cap’Berriat, ne voit pas d’un bon œil<br />
ce qui « ressemble beaucoup à un<br />
Europole bis ». L’immeuble Mandrak<br />
occupé par le collectif Utopia a été<br />
détruit, le collectif Brise-Glace s’est<br />
dispersé dans Grenoble, dont une<br />
partie près de la Porte de France. En<br />
attendant la fin des travaux, Cap’Berriat<br />
a été relogé dans un local provisoire,<br />
proche de l’emplacement de la future<br />
salle de concert. « On se sent un peu<br />
à l’étroit dans ces bureaux, mais<br />
surtout on ne peut pas fonctionner<br />
normalement car on a plus qu’une<br />
seule salle d’activité au lieu de quatre<br />
avant les travaux », précise Julien<br />
Joanny. Deux des locaux qu’ils<br />
occupaient ont été détruits et le troisième<br />
a été cédé au collectif Utopia.<br />
Côté respect de l’environnement, la<br />
ZAC de Bouchayer-Viallet prend<br />
exemple sur le nouveau quartier de<br />
Bonne. Point de grandes baies<br />
vitrées, ni de parkings complètement<br />
souterrains comme à Europole mais,<br />
entre autres, des immeubles avec<br />
panneaux solaires pour la production<br />
d’eau chaude et des parkings semienterrés<br />
« pour ne pas taper dans la<br />
nappe phréatique », justifie Antoine<br />
Félix-Faure, l’architecte du projet. La<br />
mixité sociale n’a pas non plus été<br />
écartée du projet, puisqu’il y aura<br />
35% de logements sociaux<br />
Perspective architecturale, la façade de verre de la SMAG. Crédits : DR<br />
15<br />
Un patrimoine en partie conservé<br />
Alors que tous les bâtiments industriels<br />
« historiques » d’Europole ont disparu,<br />
à Bouchayer-Viallet, les habitants ont<br />
insisté pour en conserver le maximum.<br />
La petite halle, en face du musée<br />
d’art contemporain (CNAC), a été<br />
restaurée mais la grande halle n’a pas<br />
pu être sauvée. « Construite en acier<br />
très cassant, elle était très dégradée<br />
et le coût aurait été beaucoup trop<br />
important pour la remettre en état »,<br />
selon l’architecte. Un désaccord<br />
demeure sur le monument aux morts<br />
construit à l’endroit où des Résistants<br />
grenoblois sont tombés en 1944. La<br />
SEM Innovia veut le déplacer pour<br />
faire passer une allée. L’union de<br />
quartier Chorier-Berriat y est fermement<br />
opposée, mais la SEM est prête à<br />
modifier ses plans.<br />
Pour l’heure difficile de juger si<br />
l’objectif de faire de Bouchayer-Viallet<br />
un « véritable quartier de ville » sera<br />
réalité. Rendez-vous, une fois l’ancienne<br />
friche finalisée et habitée. Au plus tôt,<br />
fin 2011.<br />
Ariane Lavrilleux<br />
Dossier<br />
Le monument aux morts du Square<br />
des fusillés, sujet de désaccord.<br />
Le local actuel de Cap’Berriat.<br />
Vue nord-est du chantier<br />
Bouchayer-Viallet, des bureaux seront<br />
construits sur ce terrain vague.
Dossier<br />
Villes de demain, villes durables ?<br />
Villeneuve de Grenoble :<br />
le défi de la mixité<br />
U<br />
Mourad se souvient que la Villeneuve<br />
est avant tout un « beau projet » que la<br />
pauvreté a fait lentement dériver.<br />
Comme l'école du Lac, les services de la<br />
Villeneuve se situent entre les habitations<br />
et le parc Jean Verlhac. Crédits : Pigé<br />
Un parc, un aménagement pensé pour le piéton, une offre<br />
d'habitat diversifiée, des services délocalisés, des équipements<br />
destinés à la culture, aux sports et aux associations... Le projet<br />
d'urbanisme de la Villeneuve semblait rassembler tous les<br />
éléments d'un quartier durable. Pourtant, après 40 ans de<br />
brassage social, la population s'est homogénéisée par le bas.<br />
Vue de l'extérieur, la Villeneuve est<br />
souvent assimilée à ces grands<br />
ensembles qui ont poussé par<br />
dizaines au cours des années<br />
1960. Cependant, le quartier a été<br />
construit sur un projet social novateur<br />
selon deux lignes directrices. Avec<br />
50% de logements sociaux, la ville,<br />
dirigée à l'époque par Hubert<br />
Dubedout, affirmait sa volonté de<br />
favoriser le brassage social. Et puis<br />
l'enseignement dispensé dans les<br />
écoles misait sur le bénéfice de<br />
l'hétérogénéité. Jean-Philippe Motte,<br />
conseiller municipal délégué à la<br />
politique de la ville, parle d'une<br />
« éducation citoyenne, ouverte sur<br />
l'autre ». Mais l'aspect expérimental<br />
« chahutait les repères habituels »<br />
et de nombreuses dérogations<br />
scolaires ont été accordées dès les<br />
premières années. Au cours des<br />
décennies 80 et 90, la classe<br />
moyenne vieillissante a été remplacée<br />
par une classe populaire qui s'est<br />
appauvrie. A l'échelle de l'Arlequin,<br />
le pourcentage de locatif social est<br />
aujourd'hui de 70%.<br />
Plus de cigarettes que de journaux<br />
Mourad tient le bureau de tabac<br />
situé place du Marché. Il est arrivé<br />
à la Villeneuve en 1974, soit deux<br />
ans après les premiers habitants de<br />
la galerie de l'Arlequin. Pour lui, les<br />
commerces qui ferment les uns<br />
après les autres illustrent bien la<br />
paupérisation du quartier. S'il réussit<br />
à conserver son magasin c'est<br />
grâce aux cigarettes car, depuis<br />
quelques années, les journaux ne<br />
font plus recette. Les gens qui<br />
vivent dans le quartier ont d'autres<br />
préoccupations. La classe moyenne,<br />
chanceuse de « pouvoir faire un<br />
choix », aurait déménagé par<br />
lassitude. Au lieu de régler ce<br />
que Mourad appelle les « petits<br />
désagréments », tels que des<br />
jeunes qui squattent dans les allées<br />
ou les bruits de scooters en soirée,<br />
les plus riches ont préféré partir.<br />
Une conception de base erronée<br />
Jean-Philippe Motte estime que<br />
l'homogénéisation sociale de la<br />
Villeneuve reflète la tendance<br />
qu'ont les ménages à « rester entre<br />
soi ». Cette « donnée fondamentale »<br />
a été trop laissée de côté. De plus,<br />
au-delà du simple quartier, le projet<br />
consistait à faire naître « un véritable<br />
morceau de ville ». La Villeneuve,<br />
avec sa configuration orientée vers<br />
l'intérieur, devait être une « entité<br />
auto-centrée ». Depuis juillet 2008,<br />
un grand plan de rénovation urbaine<br />
a été engagé afin de désenclaver le<br />
secteur. Une leçon à retenir pour les<br />
écoquartiers. Pour ne pas être voués<br />
à l'échec et à un « déséquilibre<br />
assuré », ils devront s'ouvrir au<br />
reste de la ville et s'intégrer à une<br />
« écocité ».<br />
16<br />
Clémence Glon-Villeneuve<br />
« La diminution des<br />
inégalités passe par<br />
l'accessibilité et la<br />
mobilité »<br />
Christine Lelévrier,<br />
sociologue et maître de<br />
conférence à l'Institut<br />
d'urbanisme de Paris.<br />
Pourquoi faut-il de la mixité<br />
sociale dans la ville ?<br />
Derrière la notion de mixité, le problème<br />
posé est celui de la ségrégation spatiale<br />
qui génère des inégalités. Mais la<br />
mixité est une valeur. S'il faut l'avoir<br />
en perspective dans les actions<br />
publiques, elle n'est pas une fin en<br />
soi. Un territoire peut être mixte à un<br />
instant donné mais il ne le restera pas<br />
éternellement. Il y a une mobilité<br />
permanente des populations et la<br />
capacité de régulation de l'action<br />
publique a des limites.<br />
Alors, comment diminuer les<br />
inégalités ?<br />
À mon avis, la question de l'accessibilité<br />
est plus importante que celle de la<br />
mixité. Prenons par exemple le cas de<br />
la Seine-Saint-Denis. Cela fait près de<br />
30 ans que l'on essaie de faire venir<br />
des classes moyennes. La réhabilitation<br />
de logements, les réaménagements,<br />
la création d'une zone franche urbaine<br />
n'ont en rien favorisé la mixité. La<br />
solution se trouve donc au niveau de<br />
la population présente. En réalité, la<br />
durabilité d'un quartier passe par<br />
l'accessibilité qu'ont les habitants aux<br />
logements, aux transports et de<br />
manière plus générale à leur insertion.<br />
La mixité ne règle pas les inégalités.<br />
Il faut ajuster l'action publique aux<br />
processus sociaux.<br />
Propos recueillis par<br />
Clémence Glon-Villeneuve
Décider<br />
la ville de demain<br />
La gouvernance est considérée comme le quatrième pilier du<br />
développement durable avec l’économie, l’environnement et le<br />
social. Elle joue donc un rôle fondamental dans le développement<br />
des politiques urbaines de demain.<br />
Panorama de ses différents niveaux.<br />
17<br />
Dossier<br />
La gouvernance mondiale se manifeste par de grands sommets fixant des enjeux globaux et les grandes lignes d’action :<br />
• Le sommet de Rio (1992), avec l’instauration des Agendas 21 et l’énumération des grands principes du développement durable ;<br />
• La Convention sur le Climat de Kyoto (1997) avec la signature du protocole, continuée par le sommet de Copenhague<br />
(décembre 2009)<br />
• Le sommet de Johannesburg (2002), qui place le développement durable comme le principal objectif politique à atteindre à l’aube<br />
du 21ème siècle.<br />
Plusieurs institutions proposent leur vision, à titre consultatif ou réglementaire: les sommets de type G (G8,G20…), l’OMC…<br />
Substitution progressive des compétences étatiques à l’échelon européen sur les problématiques de développement durable.<br />
• 1987 : Acte Unique Européen, reconnaissance de ce transfert de compétences dans des domaines tels que les transports,<br />
l’environnement… Rapport Brundtland définissant le développement durable comme « un développement qui réponde aux<br />
besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».<br />
• 2001 : L’Europe demande à chacun de ses Etats membres de fixer une stratégie nationale de développement durable<br />
(Göteborg, 2001), incluant une refonte des politiques urbaines.<br />
L’Etat est un échelon réglementaire qui encadre les politiques locales de développement durable :<br />
• Lois Voynet (1999) sur l’aménagement durable des territoires<br />
• Loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) : création des PDU (Plans de Déplacement Urbain) et PLD (Plans Locaux de<br />
Déplacement).<br />
• Stratégie nationale de développement durable française mise en place le 3 juin 2003, qui a pour principal objectif d’influencer<br />
les politiques publiques en fonction de leur impact environnemental.<br />
• 2007 : Lancement du Grenelle de l’Environnement, ensemble de réunions politiques ayant pour but de construire des mesures<br />
éco-compatibles de long terme.<br />
Le niveau local, principal levier de mise en oeuvre des politiques de développement durable :<br />
• Agendas 21 locaux, créés par le sommet de Rio ;<br />
• Engagements d’Aalborg (2004), 327 villes européennes s’inscrivent dans une démarche commune de développement durable ;<br />
• Déclinaison locale des instruments nationaux : Plan Climat local, Plan local d’urbanisme, Plans de Déplacements Urbains…<br />
Un exemple concret de l’imbrication des niveaux de gouvernance… Pour qu’une politique de développement durable soit efficace, elle doit<br />
intégrer les considérations des différents décideurs politiques. L’efficacité énergétique des bâtiments, un enjeu qui mêle urbanisme et écologie,<br />
permet d’illustrer ces liens.<br />
Niveau mondial le protocole de Kyoto (1997) propose un calendrier de réductions des gaz à effet de serre.<br />
Niveau européen le Parlement a voté en décembre 2008 le « Paquet Climat », proposé par la Commission Européenne, fixant des objectifs continentaux de<br />
réduction des émissions.<br />
Niveau national la France a mis en place le protocole de Kyoto en 2005. Les lois Grenelle Environnement 1 et 2, votées en 2008 et 2009 (projet de loi) fixent<br />
des objectifs nationaux de réduction des gaz à effet de serre.<br />
Plan climat local de l’agglomération grenobloise propose des mesures incitatives pour limiter la production des gaz à effet de serre dans les transports et les<br />
bâtiments. En 2010, la Métro lancera un plan de réhabilitation à l’échelle de l’agglomération pour les copropriétés construites entre 1945 et 1975, de vraies<br />
« passoires thermiques ». Plusieurs villes en Isère ont lancé des Opérations Programmées d’Améliorations Thermiques et énergétiques des Bâtiments (OPATB).
PIGÉenquêté<br />
Départements...<br />
...Gagnant des circonscriptions (14 départements)<br />
...Perdant des circonscriptions (27 départements)<br />
...Remodelés (22 départements)<br />
...Sans changement<br />
Des députés pour représenter les Français de l’étranger<br />
Une nouvelle carte électorale<br />
Neutre politiquement pour la majorité UMP-Nouveau Centre, elle est dénoncée comme<br />
« manipulation politique » par la gauche. La nouvelle carte électorale, qui doit<br />
mettre fin aux inégalités de représentation entre les circonscriptions et mieux<br />
représenter les Français de l’étranger, a fait l’objet de nombreux débats.<br />
Le redécoupage électoral, confié à Alain Marleix, secrétaire d’Etat aux collectivités<br />
territoriales, a été adopté par 302 voix contre 215 à l’Assemblée Nationale début<br />
novembre. L’occasion de revenir sur une réforme mouvementée.<br />
Bien qu'Alain Marleix ait souhaité<br />
un redécoupage à minima, la réforme<br />
est d'envergure : 67 départements<br />
sont concernés. Infographie Le Figaro.<br />
Nicolas Sarkozy en avait fait la promesse durant sa campagne électorale. Ce sera chose faite en 2012. Ils sont plus de<br />
deux millions de Français à vivre à l’étranger mais seuls 820000 d’entre eux sont inscrits sur les listes électorales. Pour<br />
Jacques Rémiller, l’explication est simple : « Peut-être ne votent-ils pas parce qu’ils ne sont pas suffisamment représentés.<br />
Par ailleurs, le système électoral français fait qu’on ne peut pas voter par correspondance comme en Allemagne »<br />
Jusque là, 12 sénateurs, élus au suffrage universel indirect par le collège électoral de l’Assemblée des Français de<br />
l’étranger (AFE), étaient chargés de les représenter. L’AFE exprime depuis plusieurs années son souhait d’être également<br />
présente à l’Assemblée Nationale. Une légitimité qui vient enfin de lui être reconnue et que salue le député UMP :<br />
« Pourquoi les Français de l’étranger ne seraient-ils pas représentés ? Il leur faut des députés à même de traiter les<br />
problèmes de l’expatriation. » Une réforme phare qui ne convainc pas tout le monde : « Il y a une tendance générale y<br />
compris dans les autres pays à vouloir représenter les citoyens vivant à l’étranger. Mais il y a une limite à cette mesure :<br />
les Français de l’étranger s’abstiennent beaucoup plus que les résidents. Cela peut les inciter à aller aux urnes mais<br />
j’en doute. Certains ont quitté la France il y a des décennies » explique Pierre Bréchon, professeur en science politique<br />
à l’IEP de Grenoble. Des Français de l’étranger qui avaient largement plébiscité le candidat UMP lors des élections<br />
présidentielles (54%), le score obtenu par Nicolas Sarkozy allant jusqu’à 90% des voix en Israël. Avec 12 nouvelles<br />
circonscriptions transnationales, la droite pourrait voir son nombre de sièges augmenter aux prochaines élections<br />
législatives. Les socialistes dénoncent en effet ce qu’ils considèrent comme une prime à la droite : selon Jean-Jacques Urvoas,<br />
député PS : « Sur onze circonscriptions créées, neuf auraient un député UMP ».<br />
18<br />
S’il est un débat qui suscite la verve<br />
des parlementaires dans l’hémicycle,<br />
c’est bien celui de la réforme des<br />
collectivités territoriales. Dossier clé<br />
de la rentrée gouvernementale inscrit<br />
à l’agenda du secrétaire d’Etat aux<br />
collectivités territoriales, il provoque<br />
la fronde des députés socialistes.<br />
Nicolas Sarkozy l’avait promis, la<br />
réforme des collectivités serait une<br />
priorité de son quinquennat. Démêler<br />
l’enchevêtrement de pouvoirs de<br />
décision locaux, redécouper la carte<br />
électorale, autant de travaux d’Hercule<br />
auxquels s’attèlent Alain Marleix. Car<br />
s’il est un virtuose en la matière, c’est<br />
lui. Une fonction taillée sur mesure<br />
pour cet ancien RPR et journaliste<br />
parlementaire, qui a réalisé le précédent<br />
redécoupage de 1986 aux côtés de<br />
Charles Pasqua.<br />
Les modalités de la nouvelle carte<br />
électorale<br />
Réclamé par le Conseil Constitutionnel,<br />
le redécoupage de la carte électorale,<br />
qui sert de base à l’élection des députés,<br />
permet de prendre en compte l’évolution<br />
démographique. Avec une population<br />
passée de 54 millions en 1986 à<br />
63 millions en 2009, les inégalités de<br />
représentation se sont accrues entre<br />
les départements et les cantons. Alors<br />
que le député de la 2 ème circonscription<br />
de la Lozère représente 34 374<br />
habitants selon le recensement de<br />
1999, son homologue de la 2 ème<br />
circonscription du Val d’Oise défend<br />
les intérêts de 188 200 citoyens. Deux<br />
habitants de Lozère pèsent donc<br />
autant que onze habitants du Val d’Oise.<br />
En 2007, les élections législatives<br />
s’organisaient encore dans les<br />
circonscriptions dessinées en 1986 par
pour les législatives de 2012<br />
Pour André Vallini, député socialiste de l’Isère et président<br />
du Conseil général du département, la carte électorale fait<br />
partie intégrante du jeu politique : « Comme le disent les<br />
Corses : chacun son tour dans les bras de maman.<br />
On s’en accommode quand on est dans l’opposition<br />
et quand on est au pouvoir on essaie d’en changer. »<br />
Crédit : cabinet A. Vallini.<br />
Charles Pasqua sur la base du recensement<br />
de 1982. Des inégalités jugées inacceptables<br />
par le Conseil Constitutionnel, qui a rappelé<br />
le caractère « impératif » du redécoupage<br />
face aux disparités de représentation, sous<br />
peine d’annuler le résultat des prochaines<br />
échéances électorales.<br />
Il aura fallu sept mois de réflexion et de<br />
consultation pour dessiner la nouvelle<br />
carte. La réforme fixe un nombre de<br />
577 députés, dont 11 hors métropole, en<br />
accord avec la révision constitutionnelle<br />
de 2008. Les trois règles utilisées en<br />
1986 président également au nouveau<br />
découpage : il s’opère selon le critère<br />
démographique qui s’appuie sur l’article 3<br />
de la Constitution stipulant que « le suffrage<br />
est toujours égal ». Est également sollicitée<br />
la méthode de calcul Adam, qui prévoit<br />
une répartition par tranche avec un député<br />
pour 125 000 habitants. Autre élément<br />
pris en compte, la continuité territoriale entre<br />
les cantons. Quant à la tradition républicaine<br />
de deux députés par département, souhaitée<br />
par le gouvernement, elle a été contredite<br />
par le Conseil Constitutionnel.<br />
« Les grands<br />
redécoupages<br />
sont rares car c’est<br />
une opération<br />
coûteuse. »<br />
19<br />
La fronde socialiste<br />
Le parti socialiste, qui s’estime lésé<br />
par la nouvelle carte électorale, entend<br />
déposer un recours devant le Conseil<br />
d’Etat pour contester le redécoupage<br />
dans plusieurs départements. Et les<br />
accusations n’ont pas manqué parmi<br />
les députés de l’opposition : dénonçant<br />
ce qu’il appelle un « tripatouillage »,<br />
une « manipulation politique », le PS<br />
affirme que sur les 33 circonscriptions<br />
supprimées, 23 sont de gauche et 10<br />
sont détenues par la droite. Des calculs<br />
que conteste la majorité. Mis en<br />
accusation, le secrétaire d’Etat aux<br />
collectivités territoriales a souhaité<br />
plaider son projet : 18 circonscriptions<br />
seraient de gauche et 15 sont gérées<br />
par l’UMP. Alain Marleix se défend<br />
d’avoir utilisé un critère autre que<br />
démographique. Parmi les socialistes<br />
montés au créneau, la députée<br />
mosellane Aurélie Filippetti, qui voit<br />
sa circonscription<br />
disparaître. Et l’élue<br />
socialiste ne cache<br />
pas sa colère : « Au<br />
gré de votre bon<br />
vouloir, vous aviez<br />
ainsi créé, en 1986,<br />
la 8 e circonscription<br />
de Moselle, alors<br />
dessinée pour tomber dans l’escarcelle<br />
de la droite. Vous la supprimez<br />
aujourd’hui car depuis 1997, elle était<br />
à gauche. » Mais si certains crient<br />
volontiers au scandale dans les rangs<br />
socialistes, la sagesse semble<br />
plutôt de mise chez d’autres. Le<br />
député socialiste André Vallini s’en<br />
explique : « Ce qui nous arrive, on l’a<br />
pas volé. On aurait dû le faire plus tôt.<br />
J’avais demandé à Lionel Jospin en<br />
1998 la chose suivante : il faudrait<br />
que l’on pense à redécouper les cantons<br />
en raison de la surreprésentation<br />
rurale. On venait de perdre de justesse.<br />
Cependant, si on additionne la<br />
population des cantons qui avaient<br />
voté pour moi, elle était supérieure à<br />
celle ayant voté pour la droite. Je<br />
représentais plus de population mais<br />
j’avais moins de voix. Mais Lionel<br />
PIGÉenquêté<br />
Jospin avait d’autres priorités, le<br />
chômage et encore le chômage.<br />
C’était un homme politique d’appareil,<br />
il aimait les grandes réformes,<br />
notamment sociales, pas les questions<br />
électorales. » Car le redécoupage<br />
électoral demeure un exercice délicat<br />
auquel se livrent à contrecœur les<br />
gouvernements. Un dilemme qu’a<br />
notamment connu la gauche : « Les<br />
grands redécoupages sont rares car<br />
c’est une opération coûteuse. En<br />
2002, la gauche plurielle était sous<br />
pression de ses partenaires. Les<br />
Verts, les petits partis, radicaux,<br />
communistes souhaitaient une<br />
proportionnelle totale. Du coup, ils<br />
n’ont rien fait » rappelle Pierre Bréchon,<br />
professeur en science politique à l’IEP<br />
de Grenoble.<br />
Principal argument avancé par<br />
l’opposition, le nouveau découpage<br />
rendrait l’alternance impossible en<br />
France, la gauche devant désormais<br />
obtenir 51,3% des suffrages pour être<br />
majoritaire au Parlement. Des chiffres<br />
également contestés: « Je crois que si<br />
les Français veulent l’alternance, elle<br />
se produira. Un mandat n’est jamais<br />
acquis. Si les Français ne sont pas<br />
contents, ils en changent et ce n’est<br />
pas une réforme qui les en empêchera »<br />
explique le député UMP Jacques<br />
Rémiller. Y compris dans les rangs de<br />
la gauche : « Je partage la protestation<br />
des socialistes mais il ne faut pas<br />
oublier que deux choses comptent<br />
autant que le découpage : la<br />
conjoncture politique et la personnalité<br />
des candidats. Ma circonscription<br />
avait été créée sur mesure pour mon<br />
prédécesseur. Charles Pasqua avait<br />
accepté de lui enlever Saint-Egrève<br />
qui était à gauche. Et pourtant je l’ai<br />
battu. La conjoncture de 1997 m’a<br />
aidé – il y a eu la dissolution et Michel<br />
Hanoun était plombé par des affaires<br />
– J’ai été réélu en 2002 grâce à un<br />
travail de terrain considérable »<br />
ajoute André Vallini.
PIGÉenquêté<br />
Jacque Remiller, député maire UMP de<br />
Vienne, voit sa circonscription renforcée<br />
par le nouveau découpage électoral.<br />
Crédit cabinet Jacques Remiller.<br />
« Il n’y a pas de bon découpage »<br />
Présenté en Conseil des ministres<br />
fin juillet, le projet de redécoupage<br />
a été adopté par les députés à<br />
l’automne par 302 voix contre 215.<br />
Seul recours désormais pour la<br />
gauche, le Conseil Constitutionnel. Mais les débats ont toutefois permis de soulever<br />
la question d’un découpage équitable et neutre politiquement. Et pour Pierre<br />
Bréchon, professeur en science politique à l’IEP de Grenoble, la réponse est sans<br />
ambages : « Il n’y a pas de bon découpage. A partir du moment où l’on fait des<br />
frontières particulières pour une élection, le problème est insoluble, et ce, encore<br />
plus avec des politiques. Le bon découpage a minima, c’est un découpage qui n’est<br />
pas fait par les hommes politiques. Même avec des bons principes démocratiques,<br />
ils ne peuvent s’empêcher de se demander ce que cela va donner en termes de<br />
rapport de force politique. Bien sûr, il y a eu une commission indépendante mais<br />
ses membres ont été nommés sur des critères politiques. Par ailleurs, elle a pesé<br />
d’un poids mineur dans le découpage. C’est le même constat avec le Conseil<br />
d’Etat et le Conseil Constitutionnel. Ils ont encadré le processus. Mais le principe<br />
demeure consultatif, les propositions n’ont pas été suivies, comme le fait de<br />
revoir circonscription par circonscription là où la population était mal répartie<br />
sociologiquement. Les territoires ne doivent pas être sociologiquement trop marqués,<br />
l’objectif, les représentants ne doivent pas être ceux d’une catégorie mais de<br />
toute la société. » Carte électorale ou mode de scrutin, chacun est le premier à<br />
tirer parti des instruments électoraux une fois aux rênes du pouvoir. Un jeu politique<br />
auquel tous participent : en 1986, François Mitterrand, alors président, décide de<br />
changer le mode de scrutin à la veille des échéances électorales afin d’amoindrir<br />
la défaite programmée de la gauche. Une idée largement partagée par le député<br />
socialiste, André Vallini : « Comme le disent les Corses : chacun son tour dans<br />
les bras de maman. On s’en accommode quand on est dans l’opposition, et quand<br />
on est au pouvoir on essaie d’en changer. Mais la République irréprochable de<br />
Nicolas Sarkozy est entachée par la pseudo indépendance de la Commission<br />
présidée par Guénat, un ancien RPR. Le redécoupage est donc suspect. Il faut<br />
une commission indépendante composée de membres du Conseil d’Etat, de<br />
sociologues, d’experts dont les membres sont nommés à la majorité des 3/5 par<br />
le Parlement. Mais ce n’est pas dans la culture des pays latins. »<br />
Une nouvelle carte électorale<br />
pour les législatives de 2012<br />
Le nouveau redécoupage en Isère. Source : France 3<br />
Anne-Sophie Pierson<br />
20<br />
L’Isère gagne une circonscription<br />
Et de dix pour l’Isère ! Le département compte, en<br />
effet, au nombre de ceux qui gagneront une nouvelle<br />
circonscription en 2012. La petite dernière devrait<br />
prendre pied dans le Nord du département, où la<br />
population a augmenté au cours des dernières<br />
années. Avec quelque 150 000 habitants, les trois<br />
circonscriptions Nord, détenues par l’UMP, accusent<br />
un déficit de représentation auquel entend remédier<br />
le nouveau découpage. Après quelques incertitudes<br />
sur leur tracé, les contours de la 10 ème circonscription<br />
sont enfin scellés. Elle réunira donc les cantons de<br />
La-Tour-du-Pin et de Pont-de-Beauvoisin, empruntés à<br />
la 6 ème circonscription du député UMP, Moyne-Bressant<br />
ainsi que ceux de Bourgoin-Jallieu Sud, la Verpillère et<br />
l’Isle d’Abeau dont sera amputée la 7 ème circonscription<br />
de son homologue Georges Colombier. En compensation,<br />
celui-ci se verra adjoindre les cantons de Roussillon<br />
et de Beaurepaire, pris à la 8 ème circonscription de<br />
Jacques Rémiller. En Isère, contrairement à d’autres<br />
départements, le redécoupage fait consensus chez<br />
les élus. Pour le député<br />
isérois André Vallini :<br />
« L’Isère gagne une<br />
dixième circonscription<br />
mais elle ne pose pas<br />
problème. Il en fallait<br />
absolument une. Elle<br />
n’est pas taillée sur<br />
mesure pour la droite, ni<br />
pour la gauche d’ailleurs. Elle va être intéressante.<br />
Ce n’est pas un terrain de gauche mais elle ne lui est<br />
pas non plus hostile avec 5 conseillers généraux à<br />
gauche. » « C’est vrai que la 8 ème nous est devenue<br />
plus favorable. On peut difficilement crier au scandale.<br />
Beaurepaire et Roussillon étaient des fiefs plutôt à<br />
gauche » renchérit Jacques Rémiller, député UMP<br />
de la 8 ème . Mais si la majorité et les socialistes<br />
s’accordent sur la nécessité de créer une circonscription<br />
supplémentaire, son tracé et les modalités de sa mise<br />
en œuvre ont, en revanche, fait davantage débat.<br />
« Tout redécoupage doit s’accompagner d’une forte<br />
négociation, a priori, ce qui n’a pas été le cas »<br />
soulève Jacques Rémiller. Si le nouveau tracé conforte<br />
l’assise des députés UMP dans leur circonscription, il<br />
est aujourd’hui difficile de prédire si la 10 ème<br />
circonscription tombera dans l’escarcelle des<br />
socialistes ou de la droite. Même avec des bassins de<br />
vie plutôt orientés à gauche, la victoire pourrait<br />
principalement s’avérer être la conséquence d’un<br />
important travail de campagne : « Créer une<br />
circonscription n’est jamais facile. Il faut penser aux<br />
réactions des gens. Beaucoup ne manifestent pas<br />
d’intérêt pour les questions électorales. Dans leur<br />
tête, leur député c’est Jacques Rémiller. Il y a de réels<br />
enjeux de communication pour leur faire assimiler le<br />
changement » rappelle le député maire de Vienne.<br />
« Créer une circonscription<br />
n’est jamais facile.<br />
Il faut penser aux<br />
réactions des gens »
Auto-entrepreneuriat :<br />
une mode passagère ?<br />
L<br />
Lancé en France le 1 er janvier 2009, le régime d’auto-entrepreneur<br />
semble trouver son public avec 200 000 créations au 1 er septembre.<br />
Mais ce chiffre cache une réalité mitigée : abandons rapides,<br />
faibles chiffres d’affaires… Une fois l’effet de curiosité estompé,<br />
la France va-t-elle durablement devenir un pays d’entrepreneurs<br />
ou revenir en arrière ?<br />
Créer sa boîte en France n’a pas toujours<br />
été simple : complexité administrative,<br />
risques financiers… Le régime d’autoentrepreneuriat<br />
cherche à rendre plus<br />
accessible le monde de l’entreprise,<br />
notamment grâce à une fiscalité<br />
réduite, des formalités simplifiées…<br />
Cette volonté politique n’est pas<br />
nouvelle : Raymond Barre (alors<br />
Premier Ministre) déclara à la fin des<br />
années 70 que « chaque chômeur<br />
devait créer sa propre boîte ».<br />
L’entreprise individuelle était alors<br />
perçue comme un moyen d’endiguer<br />
les bataillons de chômeurs dus à la<br />
crise économique. Les réussites des<br />
entreprises de Bolloré, Pinault ont<br />
suscité des vocations.<br />
La peur du risque<br />
Et pourtant. En 1900, il y avait 9 millions<br />
d’entrepreneurs pour 40 millions<br />
d’habitants. Un siècle plus tard, on<br />
n’en compte plus que… 2 millions<br />
pour 65. Pourquoi ce déclin ? Il y a eu<br />
d’abord, comme le rappelle Catherine<br />
Derousseaux, consultante en entrepreneuriat,<br />
l’essor du capitalisme<br />
industriel : « On a assisté à la création<br />
de grandes entreprises, à l’origine<br />
d’un salariat de masse ». Entreprises<br />
qui, à mesure de leur développement,<br />
ont cannibalisé certains secteurs<br />
comme le commerce, enterrant ainsi<br />
les petites affaires familiales.<br />
La fin des 30 Glorieuses a créé une<br />
rupture. Le chômage de masse est<br />
apparu, les grandes entreprises ont<br />
été affaiblies et, pour reprendre<br />
l’expression de la sociologue Dominique<br />
Méda, s’est enclenchée la « fin du<br />
salariat. » Pour assister à la naissance<br />
d’une société d’entrepreneurs ? Oui,<br />
s’attache à dire Catherine Derousseaux,<br />
qui parle de « lame de fond » pour<br />
évoquer ce mouvement. « La crise<br />
dure depuis 30 ans, rappelle-t-elle, et<br />
le rôle de l’Etat est voué à diminuer. »<br />
Mais cet effet a du mal à se concrétiser<br />
dans les chiffres. Le fait que la France<br />
ait le meilleur système de protection<br />
sociale d’Europe, protégeant mieux<br />
qu’ailleurs ses salariés, est une explication.<br />
Et ce lien entre entrepreneuriat<br />
et protection sociale se généralise à<br />
l’international. « On sait qu’on n’a pas la<br />
même sécurité qu’en tant que salarié »<br />
avoue Sébastien, auto-entrepreneur<br />
en devenir.<br />
Une activité… en complément<br />
Les auto-entrepreneurs correspondent<br />
surtout à trois profils : les retraités/<br />
salariés qui y voient une activité de<br />
complément, les chômeurs « en herbe »<br />
et des entrepreneurs. Pole emploi<br />
encourage les seconds à lancer leur<br />
affaire, bien que le cumul allocationssalaire<br />
ne se fasse pas... Mais les<br />
chiffres du chômage, eux, peuvent<br />
être revus à la baisse. « Je ferai ça en<br />
complément » admet Sébastien,<br />
traduisant une vision partagée par<br />
nombre d’auto-entrepreneurs : créer<br />
sa boîte sous ce régime relève plus de<br />
la contrainte financière que du désir<br />
de liberté. Les entrepreneurs dans<br />
l’âme préfèreront créer une entreprise<br />
individuelle en nom propre ou une<br />
EURL (Entreprise Unipersonnelle à<br />
Responsabilité Limitée) : l’apport de<br />
capital nécessaire, l’absence de limite<br />
de chiffre d’affaires encouragent et<br />
crédibilisent. Sébastien lancera-t-il<br />
une plus grosse affaire par la suite ?<br />
Il préfère évoquer… un départ à<br />
l’étranger.<br />
Gwendal Perrin<br />
21<br />
Pour devenir auto-entrepreneur,<br />
il suffit de remplir un<br />
simple formulaire.<br />
Auto-entrepreneur, souvent la galère…<br />
PIGÉéconomie<br />
Marc, qui a créé une auto-entreprise de vente de pizza ambulante en<br />
mars 2009, a mis les clés sous la porte trois mois plus tard. « Je<br />
cherchais à arrondir mes mois, déclare-t-il. Mais pour dégager un<br />
peu d’argent il faut passer du temps. Ma vie de famille en pâtissait. »<br />
Son cas n’est pas isolé : seulement 43% des auto-entreprises dégagent<br />
un chiffre d’affaires, s’élevant en moyenne à 1400e/mois… Après<br />
impôt, le revenu net est loin d’atteindre le SMIC. De plus la simplicité<br />
des démarches trahit l’isolement des créateurs : il n’existe pas d’aide<br />
particulière à la création d’auto-entreprise. Enfin les artisans se plaignent<br />
d’être confrontés à une concurrence déloyale : avec leur fiscalité<br />
« normale », ils se disent désavantagés… Les auto-entrepreneurs ne<br />
sont donc pas toujours les bienvenus.<br />
Comparaison entre taux d'entrepreneurs et prélèvements<br />
obligatoires (Données OCDE, 2009)<br />
Pays Taux d'entrepreneurs Taux de prélèvements<br />
dans la population obligatoires<br />
Australie 11,9% 31,1%<br />
Etats-Unis 10,9% 27,3%<br />
Canada 8,9% 31,2%<br />
Espagne 6,4% 35,8%<br />
Grande-Bretagne 6,1% 36,5%<br />
Finlande 6% 45,1%<br />
Allemagne 6% 34,8%<br />
France 4,7% 44,1%<br />
Suède 4,3% 50,7%<br />
Japon 3,2% 27,4%
PIGÉreportage<br />
L’agence Pôle emploi de la Bastille à Grenoble<br />
compte une vingtaine d’employés. Elle a enregistré<br />
30 nouvelles inscriptions lundi 2 novembre.<br />
Crédits : Pigé<br />
Pôle emploi : Acte de naissance<br />
Pôle emploi est né le 5 janvier 2009,<br />
de la fusion de l’Anpe, établissement<br />
public, et des Assedic, un groupement<br />
d’associations. L’un comptait et plaçait<br />
les chômeurs, l’autre les indemnisait.<br />
Nicolas Sarkozy, durant sa campagne,<br />
avait promis de les regrouper en vue<br />
de réformer l’organisation de ce<br />
service public. Ambitions affichées ?<br />
Un service simplifié : le chômeur<br />
peut le même jour et au même<br />
endroit s’inscrire, calculer ses droits<br />
à l’indemnisation et élaborer son<br />
projet professionnel. Un guichet<br />
unique, un conseiller unique. La<br />
mise en place sera progressive<br />
jusqu’en 2010.<br />
Pôle emploi, mariage<br />
Comment se traduit concrètement la fusion Assedic-Anpe, depuis janvier 2009,<br />
pour le chercheur d’emploi ? Le regroupement des deux services avait pour<br />
but initial de simplifier la recherche d’emploi et la perception des allocations<br />
chômage. Si du côté des syndicats le mariage est considéré comme raté,<br />
le bilan est mitigé du côté des demandeurs d’emploi.<br />
A l’agence Pôle emploi de la Bastille de Grenoble, les fonctionnaires ne chôment pas. Toutes les<br />
minutes, la porte vitrée de l’agence claque derrière les allées et venues des demandeurs d’emploi.<br />
Mardi 3 novembre, à dix heures du matin, les agents travaillent depuis 8 h 30 et accueilleront encore<br />
les chômeurs sans discontinuer pendant plus de six heures. La veille, ils ont enregistré 30 nouvelles<br />
inscriptions. Vu l’affluence du jour, le rythme risque de perdurer.<br />
En entrant dans l'agence, le chemin semble simple. Une flèche à droite pour « l’espace découverte »,<br />
une à gauche pour « l’espace emploi ». Le premier sert à orienter les nouveaux arrivants, informer<br />
les bénéficiaires d’allocations sur leur situation et les payer. Le deuxième comporte une petite salle<br />
d’attente et un guichet pour les rendez-vous. Au milieu, une rangée d’une dizaine d’ordinateurs,<br />
chacun muni de sa propre imprimante pour les consultations des offres d’emplois, exclusives au<br />
réseau Pôle emploi.<br />
Un grand open space donc, ressemblant à un bureau SNCF un jour de grève, en ébullition permanente.<br />
Peu de moments de répit. Les panneaux digitaux censés afficher le numéro des ordres de passage<br />
ne fonctionnent plus. De toute façon, il n’y a pas de borne où prendre son ticket. Les conseillers<br />
courent dans tous les sens. L’une réoriente celui qui s’est trompé d’espace : il a choisi celui de<br />
« l’emploi » alors qu’il doit percevoir ses allocations à l’espace « découverte ». Ils font face à des<br />
situations différentes et imprévues. Aux personnes qui viennent pour trouver une formation, à ces<br />
gens qui parlent mal la langue française, ceux qui ne savent pas utiliser la borne téléphonique mise<br />
à disposition des usagers, ceux qui ont encore oublié la pièce manquante de leur dossier et qui<br />
commencent à se lasser de venir inutilement… Une agence Pôle emploi, cela ressemble d’abord à<br />
cela, un grand fourmillement où chaque problème est abordé comme il vient, en fonction de la<br />
personne qui se présente à l’agent.<br />
Chômage partiel<br />
Parallèlement, alors que 30 000<br />
salariés étaient au chômage<br />
partiel au 1 er trimestre 2008, ils<br />
étaient 320 000 au 2 nd trimestre<br />
2009 (INSEE).<br />
22<br />
Catégorie 1 : “ personne sans emploi immèdiatement disponible,<br />
tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi,<br />
à durée indéterminée à temps plein “.
de raison ?<br />
Impressions<br />
Cette ambiance électrique n’est sans doute pas étrangère à la fusion<br />
Anpe/Assedic, amorcée en janvier 2009. L’agence de la gare, rue Émile<br />
Gueymard, ayant fermé depuis juillet, les inscriptions et indemnisations se font<br />
désormais au Pôle emploi de la Bastille, qui ne s’occupait auparavant que des<br />
recherches d’emploi. Ce rapprochement a peut-être renforcé l'aspect "miroir aux<br />
alouettes" de ce service public très particulier. Les chercheurs d'emploi,<br />
légitimement exigeants, ne peuvent que tomber de haut lorsque leurs attentes ne<br />
sont pas satisfaites. Leur déception se traduit parfois par une légère animosité<br />
face aux conseillers qui doivent encaisser ces multitudes de cas si différents.<br />
Gustavo, Italien, est un cas d'école. Il est arrivé en France il y a un mois pour se<br />
rapprocher de son fils, qu'il a eu avec une Française dont il est divorcé. Il se présente<br />
aujourd'hui pour son inscription. Après 1h30 d’attente pour un rendez-vous de<br />
15 minutes, celui-ci a été reporté pour cause de… problème d’imprimante ; il<br />
n’a donc pas reçu son attestation d’inscription. Il devra revenir jeudi pour commencer<br />
sa lettre de motivation et récupérer son attestation. Lui qui a vécu, étudié et<br />
travaillé aux Etats-Unis est un peu déboussolé par les démarches à entreprendre.<br />
« Je ne comprends pas le système, ici en France. Surtout en ce qui concerne<br />
l’administratif. Tu dois voir une personne, puis une autre, puis une autre, c’est<br />
très compliqué ! ». Comme beaucoup d’autres chercheurs, il songe déjà à<br />
d’autres solutions pour parvenir à ses fins. Il prospecte dans l'édition audiovisuelle,<br />
un secteur peu connu à l’agence.<br />
Finalement, les conseillers du Pôle emploi sont un peu comme des coachs.<br />
Nicolas, Jérôme, Gustavo, tous tiennent à peu près le même discours : « Les<br />
agents font face à des personnes tendues, parfois à bout. Ils se débrouillent<br />
comme ils peuvent et plutôt bien. En fin de compte, ils sont là pour nous dynamiser,<br />
savoir nous présenter, mais l’essentiel, c’est à nous de le faire. »<br />
Et ailleurs en Europe ?<br />
Raphaël Lizambard,<br />
Emilie Brouze<br />
Un guichet unique pour prestations et placement : le Job center britannique a<br />
inspiré le Pôle emploi français. « C’est l’une des formes de structure les plus<br />
abouties : elle est efficiente, économe… » explique Philippé Loppé de l’Alliance<br />
des villes pour l’emploi. « Chaque Etat dans l’Union Européenne établit un plan<br />
national d’accès pour emploi avec l’obligation de proposer un dispositif public.<br />
L’Europe offre plusieurs directives qui visent à la convergence des organisations.<br />
Elle ne décrit pas la structure à installer mais définit des finalités à atteindre,<br />
comme la proximité ou l’accueil. » Au Danemark depuis 2007, les Job centers<br />
regroupent les services de l’Etat qui suivent les chômeurs indemnisés et ceux de<br />
la municipalité qui s’occupent des personnes non indemnisées. Et depuis l’été<br />
2009, la gestion de ces structures a été confiée aux communes. L’Allemagne a<br />
un système similaire au Pôle emploi français avec les agences fédérales pour<br />
l’emploi. Mais Angela Merkel veut refonder ces structures d’ici 2010.<br />
23<br />
« Organiser dans la désorganisation »<br />
PIGÉreportage<br />
Gustavo est Italien, il est arrivé en France il y a un mois et cherche<br />
du travail dans l’édition audiovisuelle, « ce qui étonne les agents,<br />
car ils n’ont presque rien à me proposer ».<br />
Problèmes de formation, d’accueil et d’organisation : les syndicats régionaux<br />
critiquent la nouvelle structure. Ils ont participé à plusieurs manifestations<br />
et grèves, dès l’ouverture du Pôle emploi.<br />
Précipité et désorganisé. C’est le regard des syndicats sur le Pôle emploi,<br />
presque un an après la fusion. « On passe les décisions gouvernementales<br />
dans un délai très court. Aujourd’hui, on est dans une situation de recherche<br />
d’organisation dans la désorganisation », lance Serge Hostens, délégué<br />
syndical de Force ouvrière en Rhône-Alpes. Pour l’objectif du conseiller<br />
unique : « La formation du personnel aux deux métiers est limitée en temps :<br />
de trois à sept jours. Alors qu’il faut deux années d’apprentissage minimum.<br />
Cela ne permet pas de présenter aux chômeurs des agents compétents. »<br />
FO souhaite deux accueils sur un même site. « On ne veut pas être juge et<br />
partie. On demande à la même personne de calculer le droit pour les cotisations<br />
et de juger les capacités de recherche d’emploi… » Les sites mixtes posent<br />
le problème d’organisation de local - trop exigu parfois - et d’outils<br />
informatiques, que certains jugent insuffisants.<br />
La déshumanisation de l’accueil est également critiquée. « Les agents<br />
reçoivent dans des délais courts, parfois minutés. Il y a moins d’écoute.<br />
Quand les chômeurs quittent les formations collectives, ils ne savent parfois<br />
pas les choses basiques… » Sur la convention, chaque conseiller devait<br />
suivre 60 demandeurs d’emploi. « En 2008, les portefeuilles étaient de<br />
150 demandeurs d’emploi par conseiller… Ils sont de plus de 180 personnes<br />
par agent aujourd’hui (ndlr : 90 en moyenne en France, suivant la direction).<br />
Dans la région, on a eu 80 CDI et 67 CDD en plus, mais c’est encore<br />
insuffisant », affirme Viviane Fernandez, secrétaire régionale du FNU-FSU.<br />
Une désorganisation lourde à supporter. « Les dossiers de contentieux se<br />
multiplient, les demandeurs d’emploi sont agités et le personnel excédé et<br />
désabusé. On n’a pas accès aux arrêts de travail mais on se doute que les<br />
agents ne vont pas bien. Il y a aussi eu des suicides… »<br />
La fusion a réuni deux corps de métiers différents. « On a des statuts différents,<br />
des cultures différentes, pas les mêmes métiers et organisation… Tout cela<br />
aurait mérité beaucoup de travail en amont. » Former, s’organiser : tous<br />
s’accordent pour dire qu’il faut laisser du temps au temps.
PIGÉopposé<br />
Affichette de la votation<br />
citoyenne du 3 octobre<br />
2009.<br />
POUR<br />
La Poste doit-elle changer<br />
Planifiée à l’horizon de janvier 2010, la réforme du statut de la Poste en société<br />
anonyme divise la classe politique et les usagers du service public. Le projet de loi,<br />
examiné au Sénat début novembre, doit lui permettre d’émettre des actions, une<br />
initiative actuellement rendue impossible par son statut d’établissement industriel<br />
public et commercial (EPIC). Mais ses détracteurs craignent que le changement<br />
de régime m’entraîne, à terme, une privatisation de l’un des derniers emblèmes<br />
du secteur public.<br />
GEORGES COLOMBIER, député UMP de la 7 ème circonscription de l’Isère et élu<br />
du Conseil général du département, défend le changement de statut juridique<br />
de l’entreprise publique.<br />
L’opposition estime que le changement du statut de la Poste est un premier<br />
pas vers la privatisation…<br />
Pourquoi ce projet de loi ? C’est la Poste elle-même qui a demandé au gouvernement<br />
de changer son statut juridique pour bénéficier de financements complémentaires.<br />
Son statut d’EPIC ne lui permet pas d’avoir un capital social et donc d’émettre des<br />
Crédits : Service de presse de G. Colombier.<br />
actions. Elle ne peut se financer davantage par l’endettement, il est déjà de six milliards<br />
d’euros. Mais si elle passe d’établissement public à société anonyme, cela lui permettra<br />
d’augmenter son capital et d’émettre des actions nouvelles à destination des investisseurs. Après avoir demandé son avis<br />
à une commission de sages, le gouvernement a jugé la réforme nécessaire. Les socialistes ont raison de faire leur devoir<br />
d’opposition mais on m’affirme au plus haut niveau que la Poste n’est pas et ne sera pas privatisée.<br />
La Poste va-t-elle suivre l’exemple de France Telecom ou EDF-GDF, où les pouvoirs publics n’ont pas tenu leurs<br />
promesses ?<br />
Dès décembre 2008, Nicolas Sarkozy s’est engagé à des contreparties fortes. La loi le confirme : le capital sera à 100%<br />
public et détenu par la Caisse des Dépôts et Consignations. On maintient et on augmente les quatre missions de service<br />
public de la Poste. Et le statut des agents demeurera inchangé. Le financement de 2,7 milliards est un beau signe de<br />
confiance de l’Etat. Si, justement, l’Etat ne s’était pas engagé, on aurait à craindre légitimement pour l’avenir de la Poste<br />
alors que les services postaux étrangers se démènent pour obtenir des parts de marché, il y aurait eu un risque de privatisation.<br />
Le texte de loi garantit les quatre missions de service public, plus personne ne pourra y toucher. Aucun gouvernement<br />
n’avait été jusque là. L’aménagement du territoire est garanti sur les territoires les plus éloignés.<br />
Pourquoi ne pas l’inscrire dans la Constitution comme le proposent les socialistes ?<br />
Ces messieurs socialistes n’ont pas voté la révision constitutionnelle de juillet. Elle est passée de justesse. Ils ne l’ont même<br />
pas votée alors qu’ils en mouraient d’envie et que les enjeux étaient plus importants que ceux de la Poste et maintenant ils<br />
en appellent à elle. Je ne dis pas que le gouvernement est exemplaire, la vérité n’est pas toujours du même côté. Mais il<br />
serait bon que l’opposition accepte ce qui est positif. Je dirais la même chose de la droite, si la gauche était au pouvoir.<br />
Elie Cohen affirme que la Poste ne pourra à terme maintenir toutes ses missions de service public…<br />
Elie Cohen est un économiste. Je suis élu en milieu rural. Je n’ai pas intérêt à ce que la distribution du courrier ne se fasse<br />
pas. Je suis pour le maintien du service public de la Poste. Je serais le premier à râler si la Poste n’assurait plus sa mission<br />
d’aménagement. Je ne vais pas scier la branche sur laquelle je suis assis. J’ai longtemps été maire d’une petite commune<br />
et je suis député et élu du Conseil général dans un milieu rural. Il faut qu’elle continue à être telle qu’elle est mais qu’elle<br />
puisse aussi se battre à armes égales avec la future concurrence. Nous ne sommes pas des godillots dans la majorité, nous<br />
défendons les gens qui nous ont élus.<br />
Pourtant la votation citoyenne du 3 octobre a rassemblé plus de 2 millions de personnes.<br />
La consultation organisée à partir de la question d’Olivier Besancenot n’a aucune valeur ni sur le plan juridique, ni sur le<br />
plan pratique dans la façon dont elle s’est déroulée. Quand vous faites une consultation dans des communes uniquement<br />
dirigées par des élus socialistes, le résultat ne peut pas être objectif. De plus la question était biaisée. Il est évident que si<br />
on me pose la question « Etes vous pour la privatisation ? », ma réponse sera non.<br />
24
de statut ?<br />
FRANÇOIS BROTTES, député maire de Crolles et membre de la commission<br />
Ailleret pour le développement de la Poste, a pris la tête du collectif isérois<br />
contre la réforme du service public.<br />
Quels sont vos arguments contre le changement de statut ?<br />
Le changement de statut n’est ni imposé par l’Europe, ni indispensable. On a connu la<br />
même chose avec France Telecom et GDF, où la majorité n’a pas hésité à faire passer<br />
l’Etat sous la barre des 35% malgré ses promesses. L’Etat peut moderniser la Poste<br />
sans changer son statut : il dépense actuellement 100 millions d’euros pour soutenir la<br />
mission de service public en matière de distribution de la presse. Christian Estrosi a<br />
Crédits : Service de presse de F. Brottes.<br />
parlé d’ «imprivatisation», mais ce n’est ni français, ni de droite. La Constitution dans<br />
son préambule de 1946 stipule qu’un établissement qui exerce des fonctions monopolistiques - comme la Poste pour les<br />
envois inférieurs à 50 grammes - dans le cadre d’une mission de service universel ne peut être privatisé. La majorité a multiplié<br />
les amendements afin de contourner cette clause, qui était la seule garantie. Si la majorité est de bonne foi, alors qu’elle inscrive<br />
dans la Constitution le capital public de la Poste. On sait pertinemment qu’ils vont descendre sous la barre de 50%.<br />
Vous dénoncez un premier pas vers la privatisation de la Poste, mais la majorité rappelle que le gouvernement<br />
de Lionel Jospin est celui qui a le plus privatisé ces vingt dernières années (1) . Par ailleurs, c’est le Parti<br />
socialiste qui négocié la directive de 1997 sur l’ouverture à la concurrence du secteur postal...<br />
Il ne faut pas mélanger les genres. Thomson, EADS, ces privatisations concernaient des entreprises qui ne remplissaient<br />
pas une mission de service public mais qui relevaient du domaine industriel ou de l’aérospatiale. La gauche n’a jamais privatisé<br />
des établissements assurant un service public. On est dans le cadre de l’Union européenne, qui est libérale depuis longtemps.<br />
La gauche avait accepté l’idée que Bruxelles ouvre à la concurrence certains secteurs avec le maintien de deux domaines<br />
réservés : une prérogative exclusive pour le courrier inférieur à 50 grammes et le monopole d’EDF-GDF en matière d’énergie<br />
des ménages. Le compromis prévoyait une concurrence pour les services aux entreprises, à l’exception du niveau domestique.<br />
Cela n’a pas été facile, il y a eu des rapports de force, des négociations pour protéger l’égalité d’accès au service public.<br />
C’est la droite qui n’a pas poursuivi.<br />
La directive prévoit le maintien d’un service universel (2) , que craignez-vous?<br />
La directive garantit l’accès à un service pour tous mais pas au même tarif. Le service universel ne garantit pas un prix<br />
unique du timbre. La péréquation qui garantissait le même prix pour tous va prendre fin. Un envoi depuis la Corrèze coûtera<br />
plus cher que depuis le 15ème arrondissement de Paris. C’est l’un des principes fondamentaux de la République qui va<br />
disparaître. La France est aussi rurale et cette ruralité a le droit de vivre. Or, on va rentrer dans une logique de rentabilité<br />
pure qui va donner lieu à un nombre de jours de tournée réduit. Les facteurs ne pourront plus aller jusqu’au domicile des gens.<br />
Cela marque la fin de la présence postale territoriale avec des services dans bon nombre de villes et cela a déjà commencé.<br />
Certains commerçants remplissent déjà ce rôle de distribution du courrier. Il n’y aura plus de confidentialité.<br />
Qu’attendiez-vous de la votation citoyenne ?<br />
Ce référendum avait une fonction indicative. Mais il a rassemblé plus de 2 millions de personnes. Moi-même, j’ai été le<br />
premier surpris. Cela a montré au gouvernement que les Français étaient sensibles à la question. On a défendu ce référendum<br />
car la réforme n’était pas prévue dans le programme de Nicolas Sarkozy. Quand on franchit les lignes jaunes sur des sujets<br />
comme ça, les Français doivent être concertés.<br />
(1) Dominique Strauss Kahn, alors ministre de l’Economie, s’était engagé à ne pas privatiser France Telecom : « Parce qu’il y a une mission de service public, les socialistes<br />
souhaitent que France Telecom reste avec un capital à 100% public ». Une fois au pouvoir, les socialistes se ravisent et ouvrent le capital, dont ils mettent 20,9% sur le marché.<br />
(2) La distribution et le ramassage du courrier au moins cinq jours par semaine.<br />
Propos recueillis par Anne-Sophie Pierson<br />
25<br />
PIGÉopposé<br />
La votation citoyenne à Grand’Place, le 3 octobre 2009.<br />
90% des 2 millions de votants ont répondu NON au changement de statut de la Poste. Crédit : DR<br />
CONTRE
PIGÉculture<br />
AÀ bientôt 60 ans, Jean-Claude Gallotta<br />
ne cesse de se renouveler.<br />
Avec l’Homme à tête de chou,<br />
son dernier spectacle, le chorégraphe<br />
s’adresse à un public plus large<br />
qu’à l’accoutumée. Gallotta y mêle danse<br />
et poésie, celle de Serge Gainsbourg<br />
revisitée par la voix ténébreuse de feu<br />
Alain Bashung. Le spectacle est joué<br />
au Théâtre du Rond-Point à Paris,<br />
en décembre, et résonne forcément<br />
comme un hommage vibrant à l’un des<br />
derniers représentants du rock français,<br />
décédé en mars dernier.<br />
Jean-Claude Gallotta<br />
et le fantôme de Bashung<br />
Crédits : Guy Delahaye.<br />
Du 12 au 15 novembre dernier s’est tenu à la<br />
MC2 de Grenoble l’un des spectacles les plus<br />
marquants de la saison. Il a fallu d’ailleurs<br />
rajouter une représentation, celle du 15<br />
novembre. Suffisamment important pour faire<br />
se déplacer le Ministre de la culture en<br />
personne, Frédéric Mitterrand. Jean-Claude<br />
Gallotta reconnaît lui-même que la mort<br />
d’Alain Bashung n’est sûrement pas étrangère<br />
à cet engouement autour du spectacle : « Les<br />
journalistes viennent encore pour les premières,<br />
mais le ministre qui s'annonce en grande<br />
pompe, c'est l'effet Bashung certainement<br />
(…) Beaucoup de gens vont venir pour<br />
Bashung et Gainsbourg. Il y a un effet public<br />
que je n’ai encore peut-être jamais eu. »<br />
Un tel scénario n’était pas écrit à l’avance.<br />
L’histoire commence en 2004, lorsque Bashung<br />
vient donner un concert pour l’inauguration<br />
de la MC2, anciennement baptisée « Le<br />
Cargo ». Gallotta y donne un spectacle, « My<br />
Rock ». Les deux artistes se rencontrent mais<br />
le chorégraphe décline une offre de Bashung,<br />
qui veut intégrer un peu de danse à son<br />
concert. Un an plus tard, Gallotta commence<br />
à réfléchir à un spectacle mettant en scène<br />
« L’Homme à tête de chou », un album de<br />
Serge Gainsbourg sorti en 1976. Il veut en<br />
faire une chorégraphie en rejouant la<br />
musique. Alors qui pour réinterpréter l’œuvre<br />
de Gainsbourg, tâche a priori très difficile ?<br />
Gallotta pense automatiquement à Bashung.<br />
Ce dernier, pas rancunier, oublie le refus de<br />
l’année précédente et accepte de collaborer<br />
au projet du chorégraphe.<br />
L’idée d’origine était de chanter sur scène<br />
avec des musiciens et des danseurs. Mais<br />
entre-temps Bashung tombe malade, et il<br />
n’aura eu l’occasion d’enregistrer qu’une<br />
maquette avec une voix encore pleine. « Quand<br />
Alain m’a dit qu’il ne pouvait plus le faire, je<br />
voulais tout arrêter. C’est lui qui m’a dit non,<br />
26<br />
Jean-Claude Gallotta,<br />
photographié en avril 2009.<br />
on continue, on est aux trois-quarts de la<br />
bande-son », confie Jean-Claude Gallotta.<br />
C’est donc un premier jet qui sert d’outil de<br />
travail au chorégraphe pour ses répétitions.<br />
« Au début, c’était terrible de continuer les<br />
répétitions sachant qu’il n’était plus là.<br />
Maintenant, à force, on s’habitue. Quand on<br />
prend des petits bouts de la maquette, la<br />
répétition est très technique, axée sur la<br />
danse, on n’écoute presque pas la musique.<br />
Mais quand on fait un filage (répétition<br />
générale), l’émotion revient. »<br />
Jean-Claude Gallotta ne veut pas entendre<br />
parler d’hommage, en tout cas pas pour<br />
le moment. « Je veux que ça vienne<br />
spontanément, je ne veux pas y penser à<br />
l’avance. Évidemment, on se le rappellera<br />
avec les danseurs en coulisse, avant d’entrer<br />
sur scène. Mais je ne sais pas encore si<br />
je prendrai la parole. »<br />
Il n’empêche, ce spectacle ne peut faire<br />
abstraction de l’hommage qu’il représente à<br />
la mémoire du chanteur défunt. Et si, devant<br />
son public, le chorégraphe de renom reste<br />
timide, voire pudique. En privé, il avoue sans<br />
problème son admiration pour les artistes<br />
avec qui il partage l’affiche. « Pour ce<br />
spectacle, c’est plus facile, ce sont eux qui<br />
amènent beaucoup. Il y a quelque chose de<br />
populaire chez eux mais ils racontent des<br />
histoires profondes, ce sont des intellos en<br />
quelque sorte. Le côté sombre recherchant<br />
une lumière, sur ça je me sens assez proche<br />
d’eux. Si j’étais musicien ou compositeur,<br />
ça se rapprocherait de ça. » Une admiration<br />
particulière pour Bashung : « J’écoute peu la<br />
chanson, et encore moins la chanson<br />
française mais Bashung, lui je l’écoutais. »<br />
Raphaël Lizambard
Lyon, capitale<br />
d’art lyrique<br />
Opéra et pouvoir vont de pair. La création<br />
de centres lyriques forts à Lyon et dans<br />
les autres des grandes villes européennes<br />
ne peut être dissociée de la volonté<br />
des élites. A l’époque baroque déjà,<br />
les représentations avaient lieu dans les<br />
demeures princières. Si en Allemagne<br />
la multiplication des pouvoirs locaux a<br />
permis à toutes les villes grandes<br />
et moyennes d’avoir un opéra, en<br />
France du fait du centralisme seules<br />
quelques villes, Paris en tête, sont<br />
devenues des centres d’art lyrique.<br />
Grenoble n’est pas l’une d’entre elles,<br />
Lyon si. La puissance de la bourgeoisie<br />
industrielle et marchande de Lyon<br />
explique en grande partie la construction<br />
de l’opéra au XIX ème siècle. Il constituait<br />
un lieu de pèlerinage pour les amateurs,<br />
mais aussi de sociabilité : on discutait,<br />
marchandait autant que l’on écoutait.<br />
Dans la seconde moitié du XX ème siècle,<br />
l’opéra prend place parmi les politiques<br />
culturelles de plusieurs municipalités<br />
et dans les projets d’aménagement<br />
urbain. La nécessité d’obtenir un<br />
espace beaucoup plus grand face à<br />
l’augmentation du nombre d’artistes<br />
et de représentations, ainsi que la<br />
volonté affichée par la ville de Lyon de<br />
Peut-on faire de l’opéra<br />
sans opéra ? D’un côté,<br />
une ville comme Lyon,<br />
qui consacre 14 800 m 2<br />
d’espace en plein cœur<br />
de ville à l’art lyrique et<br />
à la danse depuis 1993.<br />
De l’autre, Grenoble, qui<br />
n’a aucune maison<br />
d’opéra sur son sol mais<br />
ne renonce pas pour<br />
autant à un agenda<br />
culturel en la matière…<br />
donner une envergure internationale à<br />
son opéra, ont été déterminantes dans<br />
sa reconstruction. Le volume a alors<br />
été multiplié par trois. L’opéra est<br />
devenu un outil de promotion de la ville,<br />
« une vitrine culturelle », qui d’ailleurs<br />
peut être vue de plusieurs points de la<br />
capitale régionale, notamment de la<br />
cour de l’hôtel de ville !<br />
L’opéra de Lyon<br />
un opéra national en région<br />
Ce statut, il l’obtient en 1996 et passe<br />
un contrat avec l’Etat et le Ministère<br />
de la culture l’obligeant à avoir un<br />
rayonnement régional. Il diffère en<br />
cela d’un opéra municipal comme<br />
celui de Marseille. Le cahier des charges<br />
comprend plusieurs objectifs. Outre<br />
une exigence de qualité artistique, de<br />
promotion d’œuvres contemporaines,<br />
de sensibilisation d’un public non initié,<br />
l’opéra de Lyon doit diffuser l’art<br />
lyrique dans la région en assurant un<br />
minimum de représentations hors<br />
siège. Cependant Michel Orier, directeur<br />
de la Maison de la Culture à Grenoble<br />
(MC2), juge le volet régional peu efficace.<br />
« L’opéra de Lyon comme tous les<br />
opéras est dans une espèce de bulle.<br />
27<br />
C’est une très grande maison mais sa<br />
vocation régionale, je la cherche<br />
encore ! Je pense que c’est lié au fait<br />
qu’il y ait un système autoroutier et<br />
ferroviaire assez performant pour que<br />
les gens se déplacent jusqu’à Lyon<br />
mais ça ne dépasse pas ça. Quand on<br />
fait venir l’orchestre de l’opéra de<br />
Lyon à Grenoble, on l’achète à un prix<br />
de marché qui serait exactement le<br />
même s’il passait à Nogent-le-Rotrou<br />
ou Strasbourg. »<br />
" Grenoble : d'autres voies, d'autres<br />
défis "<br />
La diversité a primé sur l’agglomération<br />
grenobloise avec un bon nombre de<br />
salles de spectacle généralistes. Mais<br />
l’opéra reste un genre majeur. Michel<br />
Orier évoque la question des coûts<br />
financiers qui expliquent la plus faible<br />
représentation de cet art sur Grenoble :<br />
« Programmer un opéra coûte à une<br />
salle environ 150 000 euros de plus<br />
par soir qu’un spectacle classique, de<br />
musique ou de théâtre. Il vaut mieux<br />
être dédié intégralement à l’art<br />
lyrique, en produire et en accueillir. Le<br />
budget de la MC2 est de 6 millions,<br />
celui de l’opéra de Lyon c’est 30 millions<br />
PIGÉculture<br />
Crédits : Pigé<br />
d’euros ! » Grenoble n’est pas pour<br />
autant une ville sans opéra, seulement<br />
il s’agit d’un opéra sans lieu. Cette<br />
dernière configuration offre une large<br />
variété d’œuvres. Des œuvres classiques<br />
sont jouées à la MC2, à la Rampe ou<br />
au Théâtre de Grenoble. Des opérettes<br />
sont à l’affiche, d’Offenbach entre<br />
autres, ainsi que des créations nettement<br />
plus expérimentales dans le cadre du<br />
festival des 38 ème Rugissants par<br />
exemple. Il y a également les retransmissions<br />
en direct et sur grand écran<br />
des œuvres du Metropolitan Opera<br />
new-yorkais diffusée au cinéma<br />
Chavant. On joue enfin à Grenoble<br />
des opéras à grande échelle. Une salle<br />
comme le Summum, par exemple,<br />
offre des représentations sonorisées,<br />
comme celle de La Traviata en 2008<br />
ou de La flûte enchantée en 2007.<br />
Pour le directeur de la MC2, ces<br />
dernières initiatives relèvent davantage<br />
du son et lumière que de l’art lyrique :<br />
« Il vaut mieux aller voir une comédie<br />
musicale. Je pense que l’opéra, c’est<br />
autre chose, on tord un peu le bras au<br />
genre. »<br />
Blandine Guignier
PIGÉculture<br />
La Bobine, ancien lieu. Crédits : Pigé<br />
Remue-ménage dans<br />
les salles alternatives<br />
Déménagement pour la Bobine, grands travaux et nouveau nom<br />
pour l’Adaep, il y a du changement dans les lieux culturels alternatifs<br />
grenoblois. A chacun sa formule, mais toujours le même objectif :<br />
rester des lieux de vie où l’on accueille tout le monde, petits groupes<br />
locaux ou formations plus connues. Slam, chanson française,<br />
danse folklorique, cinéma, reggae, électro… dans ces salles,<br />
il y en a encore pour tous les goûts et à moindre coût.<br />
La Bobine<br />
file au parc<br />
Paul Mistral<br />
La Bobine, lieu<br />
culturel grenoblois<br />
incontournable<br />
créé en 2005,<br />
déménage au parc<br />
Paul Mistral dans la salle de l'ancien bowling, dès le 11 janvier<br />
2010. Bar-restaurant, salle de concerts et d'expositions, studios<br />
d'enregistrement et de répétition, la Bobine, c'est tout ça à la fois.<br />
Si le lieu change, le concept reste le même. Ce déménagement<br />
n'était pas vraiment voulu. En juin 2007, le bail du local du 3 rue<br />
Clément, dans le quartier Berriat, s’achève sans renouvellement<br />
possible. La Bobine est obligée de trouver un autre lieu. Le mois<br />
suivant, la mairie fait sept propositions. L’ancien bowling, au parc<br />
Paul Mistral, est retenu. Pour Eric Ghénassia, directeur de Projet<br />
Bob (l’association à l’origine de cet ensemble culturel), l’enjeu est<br />
de « réussir à maintenir fortement l’identité du lieu », tout en<br />
sachant qu’il sera désormais situé dans « un énorme parc où il ne<br />
se passe rien », où la vie de quartier est plutôt limitée. Même si elle<br />
se dit confiante, l’équipe a des appréhensions. L’emplacement<br />
d’abord puisque, contrairement aux locaux actuels, la future Bobine<br />
ne se situe pas dans un quartier aussi dynamique et populaire.<br />
« On essaie de préparer au mieux, de communiquer et de rencontrer<br />
des habitants du coin ». La présence du cinéma Pathé Chavant et<br />
du stade des Alpes n’est pas là pour rassurer. « Nous ne voulons<br />
pas devenir la brasserie du parc, nous souhaitons maintenir le projet<br />
culturel », soutient Eric Ghénassia.<br />
En attendant l’ouverture prochaine, les travaux s’organisent selon<br />
un planning assez particulier. Ici, tout le monde met la main à la<br />
pâte. Après le gros œuvre, financé pour moitié par les collectivités<br />
territoriales, les travaux participatifs de peintures et d’enduits ont<br />
commencé. L’occasion de rencontrer de nouveaux bénévoles, mais<br />
aussi de s’approprier les locaux que l’équipe estime « plus grands<br />
et agréables à fréquenter ». Le public pourra en juger le 11 janvier,<br />
jour de l’ouverture, mais aussi lors de la « pendaison de crémaillère »,<br />
les 20 et 21 du même mois. Week-end en musique, à la Bobine,<br />
ça va déménager!<br />
28<br />
L’Ampérage<br />
au démarrage<br />
L’Adaep (Association pour la diffusion<br />
des arts et expressions populaires)<br />
n’existe plus depuis novembre 2007,<br />
après le couperet d’une liquidation<br />
judiciaire due à d’énormes dettes.<br />
Mais cette association grenobloise<br />
d’encouragement à la pratique, la<br />
transmission, la diffusion de toutes les<br />
formes culturelles n’a pas dit son dernier<br />
mot. Des habitués et des acteurs de<br />
l’Adaep se sont mobilisés pour<br />
sauver le lieu. Début 2008, l’équipe<br />
réanime une association en sommeil,<br />
le Stud - qui s’occupait d’un studio<br />
d’enregistrement -, et c’est reparti…<br />
Pour Gilles Rousselot, l’actuel directeur,<br />
« l’Adaep a coulé car les politiques<br />
culturelles orientent leurs financements<br />
principalement vers des pratiques<br />
élitistes, mais aussi à cause d’une<br />
mauvaise gestion de projets, d’une<br />
insuffisance de visibilité, d’une<br />
équipe instable et d’un manque de vie<br />
associative ».<br />
Crédits : "Le Stud"<br />
Crédits : "Le Stud"<br />
Derniers préparatifs, avant l’ouverture.<br />
Un lieu tout nouveau, tout beau<br />
Alors, quoi de neuf au 163 cours<br />
Berriat ? Le cadre est bien meilleur :<br />
la salle est désormais aux normes,<br />
sécurisée, équipée de matériel pour le<br />
son et la lumière, d’un endroit pour<br />
fumer. Les associations qui viennent<br />
monter des projets disposent désormais<br />
d’une aide professionnelle pour la<br />
gestion d’un évènement, ainsi que de<br />
techniciens de scène. Question<br />
argent, Gilles Rousselot explique que<br />
« les financements publics se sont<br />
accrus mais restent insuffisants par<br />
rapport aux subventions que reçoivent<br />
les grosses salles grenobloises<br />
comme Le Ciel ». Pour marquer<br />
l’identité toute neuve du lieu, la salle<br />
l’Ampérage a été inaugurée en<br />
septembre 2009. Le volet bal folk<br />
disparaît, mais la programmation<br />
(courts-métrages, reggae, slam, bal<br />
brésilien…) est plus que jamais<br />
éclectique, avec parfois jusqu’à cinq<br />
soirées par semaine.<br />
Camille Dubruelh<br />
et Lucie de la Héronnière
Quand la chimie<br />
amuse nos papilles<br />
Vous avez dit cuisine moléculaire ?<br />
Après les grands restaurants, cette nouvelle<br />
tendance investit peu à peu les cuisines des<br />
particuliers. Objectif : déconstruire les codes<br />
de la cuisine traditionnelle, sans perdre de vue<br />
l’essentiel… le goût.<br />
Pigémagazine a testé pour vous la fabrication<br />
et la dégustation.<br />
Cuisiner moléculaire, c'est un peu un retour à la dinette de notre enfance. On s'imagine<br />
chimiste, grand cuisinier ou sorcière, et on se prend au jeu. C'est beau et amusant. Les<br />
goûts sont les mêmes, mais les textures changent, et ce sont des sensations plutôt<br />
étranges qui remuent nos papilles.<br />
Pour en savoir plus direction la cuisine-labo de Kalys, une entreprise qui vend des kits de<br />
préparation de cuisine moléculaire destinés aux particuliers.<br />
Jean-Marc, responsable de la recherche et du développement chez Kalys, nous a offert<br />
notre premier cours. En un après-midi, nous avons appris à faire plein de jolies petites<br />
billes de sirop de toutes les couleurs.<br />
Comment ça se passe ? Le principe est assez simple. Quelques ingrédients de base sont<br />
nécessaires, du lactate (de l'acide lactique) et de l'alginate (de la poudre d'algue).<br />
L'important est d'avoir les bonnes doses de ces ingrédients étranges. Pour commencer,<br />
on mélange 200 ml d'eau pauvre en calcium avec deux grammes d'alginate. On verse<br />
ensuite dans des petits verres cette préparation, à laquelle on ajoute des sirops aux goûts<br />
différents. Dans un autre récipient, on mélange six grammes de lactate avec 400 ml d'eau.<br />
Vient ensuite la partie plus délicate : la réalisation des billes. Selon la taille de la bille désirée,<br />
on utilise une pipette (pour les petites) ou une cuillère spéciale, de forme arrondie.<br />
On verse délicatement la préparation d'alginate au sirop dans celle au lactate. Magique…<br />
des petites billes se forment, par un procédé appelé la « sphérification ». On peut en faire<br />
de toutes les tailles, de tous les goûts et c'est plutôt facile à réaliser.<br />
La texture est surprenante. Autour de la bille, une pellicule un peu gluante s'est formée,<br />
à l'intérieur, c'est du sirop liquide.<br />
Ce genre de préparation n'est pas fait pour être dégustée seule. Plongées dans du<br />
champagne ou du vin blanc, des billes de sirop de cassis produiront, par exemple, un kir<br />
original et goûteux.<br />
Dans le laboratoire de Kalys, la cuisine est un jeu. Crédits : Pigé<br />
Camille Dubruelh et Lucie de la Héronnière<br />
29<br />
PIGÉtesté<br />
Cette belle brochette alterne du bœuf, des cubes de moutarde<br />
à l’allure de pâte de fruit, des dés de sauce béarnaise,<br />
panés, au délicieux cœur sirupeux.<br />
Du côté des chefs ?<br />
A Paris, le jeune chef Julien Agobert, du restaurant MONJUL, (28, rue des<br />
Blancs Manteaux) utilise dans ses cuisines des procédés moléculaires<br />
« avec parcimonie ». « Il faut commencer par maîtriser les bases de<br />
la cuisine traditionnelle pour ensuite s’amuser et créer… Le plus<br />
intéressant, c’est d’apporter une nouvelle texture à l’aliment »<br />
précise-t-il. C’est sûr, on est loin de s’ennuyer chez Julien, quand<br />
débarque la « brandade de morue frite en finger, croustillant de<br />
pomme de terre au nori, citron rafraîchissant ». Grâce à l’agar-agar,<br />
produit gélifiant à base d’algues, ce plat de poisson prend la forme<br />
de frites, à la croûte épaisse, bien croustillante et à l’intérieur plus<br />
liquide. A tremper dans une coupelle d’émulsion de citronnade,<br />
obtenue grâce à la iota, un autre gélifiant, qui donne une texture de<br />
gel douche bien rafraîchissante ! Le siphon, réalisant de délicates<br />
mousses, avec ou sans ingrédients texturants, permet de créer une<br />
aérienne mousse au chocolat, piquée de bonbons pétillants,<br />
chimiques et régressifs, pour accompagner un Snickers fait<br />
maison… Loin de la nourriture des cosmonautes et du kit du petit<br />
chimiste, c’est copieux, pas surchargé en saveurs. On y retrouve les<br />
goûts connus. Un clash inédit et bluffant.<br />
Cuisine moléculaire, un danger pour l’estomac ?<br />
En février, The Fat Duck, un restaurant londonien spécialisé dans la<br />
cuisine moléculaire, a fermé pour cause d’intoxications alimentaires.<br />
En Espagne, Ferran Adria, chef d’El Bulli et fer de lance de la<br />
mouvance, est accusé d’ « empoisonner ses clients avec des<br />
produits chimiques » par son rival Santi Santamaria… Alors, péril<br />
dans les cuisines ? Certes, les gélifiants, émulsifiants et autres additifs<br />
aux noms mystérieux sont souvent chimiques et artificiels, mais pour<br />
l’instant, aucune toxicité réelle n’a été prouvée. Ces ingrédients, bien<br />
autorisés par les normes européennes, sont, en outre, déjà utilisés<br />
en masse par l’industrie agro-alimentaire…
PIGÉsport<br />
30<br />
Free ride baby !<br />
librement hors des sentiers<br />
battus avec ses skis ou son snowboard,<br />
goûter aux délices des grands<br />
espaces, « faire sa trace » en toute<br />
indépendance, c’est<br />
l’essentiel du free ride. Une pratique<br />
à risque, aussi bien aux Sept Laux<br />
qu’au fin fond des Andes ou de<br />
FreeGlisser<br />
l’Alaska, mais pas à la portée de tous.<br />
Le free ride en vidéo...<br />
www.fluofun.fr<br />
www.skipass.com<br />
Les 2 Alpes,<br />
terrain de jeux des riders grenoblois.<br />
First track (Premier passage)<br />
à La Plagne.<br />
Credits : Arnaud Becquet<br />
« Tu ne peux pas imaginer le bonheur<br />
d’être dans un champ vierge et pur,<br />
toi tout seul au milieu, c’est magique,<br />
une décharge d’adrénaline incroyable,<br />
une sensation que tu ne peux pas<br />
retrouver ailleurs, même dans les autres<br />
formes de glisse ». Antoine, free rider<br />
du dimanche, parle ainsi de son<br />
occupation des week-ends hivernaux.<br />
Tracer d’éphémères trajectoires, sur<br />
des pentes non damées...<br />
Puristes et amateurs<br />
Bien sûr, il existe une différence entre<br />
ceux qui recherchent la neige fraîche<br />
en station, à quelques mètres des<br />
pistes, et ceux qui se font déposer en<br />
hélicoptère en haut d’une montagne,<br />
pratique interdite en France. Mais à<br />
peu de choses près, l’esprit reste le<br />
même. Les riders qui suivent la neige<br />
aux quatre coins de la planète sont<br />
souvent sponsorisés par de grandes<br />
marques, qui repèrent des jeunes<br />
talents par le biais des vidéos, diffusées<br />
en masse sur Internet, et des<br />
compétitions. Ces « contests » sont d’un<br />
genre bien particulier : les participants<br />
montent au sommet d’une face<br />
escarpée, repèrent leur itinéraire et se<br />
lancent. En face, des juges équipés<br />
de jumelles évaluent l’audace des<br />
obstacles franchis, le côté spectaculaire,<br />
l’élégance et le chronomètre… Pas<br />
loin de Grenoble, le Derby de la Meije<br />
réunit ainsi chaque année des<br />
centaines de compétiteurs qui dévalent<br />
le sauvage Dôme de la Lauze, sans<br />
porte ni tracé imposé. Sauts de barres<br />
Des sensations aériennes aux Orcières.<br />
rocheuses et passages d’étroits couloirs<br />
au programme. Il s’agit d’ « envoyer<br />
du gros » sur 1850 mètres de dénivelé,<br />
les meilleurs arrivant en près de dix<br />
minutes, les moins pressés en une<br />
heure…<br />
De la poudre et des potes<br />
Mieux vaut être bien équipé pour se<br />
délecter de bonne neige fraîche. On<br />
s’y enfonce, des skis et des snowboards<br />
plus larges et plus souples apportent<br />
donc plus de confort. Les nouveautés<br />
techniques donnent des sensations<br />
de véritables coussins d’air glissants!<br />
La recherche de la poudreuse, peuf<br />
ou pow pour les intimes, est aussi une<br />
histoire de groupes. Mathieu, free rider<br />
amateur, explique que sa préférence<br />
va vers le ski loin des pistes, car « c’est<br />
une sorte de huis-clos, pas accessible<br />
à tout le monde, ça se passe entre tes<br />
potes et toi. C’est un trip social qui<br />
resserre les liens entre ceux qui ont<br />
envie de le vivre ». Les « crews » -<br />
c'est-à-dire les groupes, équipes -<br />
autoproclamés sont légion dans le<br />
milieu…<br />
Des risques mesurés<br />
Pour ces riders, la mise en danger n’est<br />
pas recherchée en tant que telle, mais<br />
la pratique impose d’accepter les<br />
pentes périlleuses. Antoine continue :<br />
« A part quelques têtes brûlées, on<br />
mesure le risque en fonction de notre<br />
niveau, de notre entraînement, de la<br />
stabilité du manteau neigeux. Mais il<br />
faut quand même avouer que l’on se<br />
dit parfois que les avalanches, ça<br />
n’arrive qu’aux autres… ». Et au cas<br />
où, beaucoup de riders s’équipent<br />
d’un ARVA (Appareil de Recherche de<br />
Victime d’Avalanche), boîtier sanglé<br />
qui émet et reçoit des ondes, et d’une<br />
pelle et d’une sonde. On peut aussi<br />
choisir l’option des nouveaux hors-pistes<br />
sécurisés, comme il en existe aux<br />
Sept Laux : la zone n’est pas damée,<br />
mais des pisteurs l’entretiennent en<br />
déclenchant une avalanche à chaque<br />
chute de neige. L’EGUG (Ecole de<br />
glisse des universités de grenoble)<br />
propose des modules de free ride.<br />
Benoît Koch est moniteur de ski, habilité<br />
à emmener des groupes dans des<br />
hors-pistes de proximité : « on fait ça<br />
de manière très sécurisée, avec au<br />
préalable des sessions d’explication<br />
théorique aux dangers du domaine<br />
non damé, et des formations à la<br />
pratique de l’ARVA, à la manière de<br />
rechercher une victime et de sonder ».<br />
Ce moniteur de l’EGUG souligne aussi<br />
qu’on se pose plein de questions<br />
avant de se lancer, « ce versant n’est-il<br />
pas trop exposé ? Qu’en est-il de son<br />
inclinaison ? Quels sont les obstacles<br />
invisibles pour moi, ou repérés à la<br />
montée ? Il faut être sûr de soi, ce qu’on<br />
recherche c’est avant tout le plaisir de<br />
la neige et de la pente ». Tout comme<br />
la pureté et l’indépendance. Free ride<br />
baby.<br />
Lucie de la Héronnière
Dangers et législation<br />
Les champignons à psylocibine peuvent causer des accidents psychiques graves<br />
et durables. On parle alors de « syndrome post-hallucinatoire persistant », à savoir<br />
angoisses, phobies, dépression avec des envies de suicide mais aussi bouffées<br />
délirantes aiguës.<br />
En France, les champignons hallucinogènes (psylocibine et autres types) sont<br />
inscrits sur la liste des stupéfiants depuis le 1er juin 1966. La possession, l'usage,<br />
la détention, le transport et le ramassage sont passibles de sanctions pénales.<br />
Si les champignons hallucinogènes sont la drogue hallucinatoire la plus utilisée<br />
en France (environ 3%* de la population entre 18 et 64 ans en a déjà consommé),<br />
ils représentent une très faible part de l'ensemble de saisies de drogues<br />
illicites (0,3%*). En 2005 en France, 175 interpellations pour usage simple de<br />
champignons hallucinogènes ont eu lieu, selon les chiffres de l'Office central<br />
pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (O.C.R.T.I.S.).<br />
Chiffres : * baromètre santé 2005 de l'INPES<br />
Délire champêtre<br />
31<br />
Pierre* est de ceux pour qui cette<br />
activité est devenue coutumière.<br />
Depuis cinq ans maintenant, il y<br />
retourne chaque année, et toujours au<br />
même endroit, à Chamrousse. 1600<br />
mètres d’altitude, c’est à peu près<br />
l'altitude nécessaire pour que les<br />
champignons apparaissent sous les<br />
touffes d’herbes des futures pistes de<br />
ski. Pour l’heure, il est encore temps<br />
de ramasser ce que l’on est venu<br />
chercher. Il ne faut pas traîner, la<br />
« saison » est plutôt courte, entre le<br />
début des pluies d’octobre et les<br />
premières neiges de novembre.<br />
Certaines années sont parfois moins<br />
bonnes que d’autres et le cru 2009 se<br />
fait attendre. En ce vendredi 23<br />
octobre, les champs sont encore trop<br />
secs et les champignons magiques<br />
rares. Sachant qu’il faut cueillir entre<br />
20 et 40 champignons pour une<br />
« dose », il faudra donc revenir pour<br />
une cueillette plus profitable. Les<br />
cueilleurs peuvent, en effet, en tirer<br />
quelques bénéfices à la revente. Cette<br />
année, Pierre y songe, même si<br />
l'essentiel de sa cueillette est destinée<br />
à sa consommation personnelle et à<br />
celle de ses amis. L'expédition prend<br />
du temps et les risques encourus sont<br />
importants, jusqu’à 9 000 euros<br />
d’amende et 2 ans de prison.<br />
Petit plaisir, danger réel<br />
« Se faire plaisir » et passer, ensuite,<br />
une soirée ou une nuit un peu<br />
particulière, c’est la récompense de<br />
la cueillette. « Les effets varient<br />
beaucoup selon les consomateurs.<br />
Personnellement, j’ai des hallucinations<br />
qui me font voir des êtres, comme un<br />
lutin à la place d’un buisson, par<br />
exemple. J’aime aussi en prendre en<br />
concert, tu peux avoir des hallucinations<br />
sonores, entendre des variations de<br />
PIGÉdécalé<br />
CChamrousse, une petite station de ski familiale ? Pas seulement.<br />
À l'automne, avant l'arrivée des premières neiges, quelques<br />
habitués se livrent à un autre type d'activité peu recommandée<br />
pour les enfants : la cueillette des champignons hallucinogènes.<br />
Ils se ramassent ici, dans les champs, à 45 minutes de Grenoble.<br />
Petite promenade avec l'un de ces cueilleurs de champignons.<br />
Crédits : Pigé<br />
tempo, ralentissements ou accélérations<br />
», affirme-t-il.<br />
Petit, de couleur brune avec un chapeau<br />
en cloche et une fine tige de 5 cm<br />
maximum, le champignon hallucinogène<br />
français, appelé champignon à psylocibine,<br />
est facilement reconnaissable.<br />
En séchant, le chapeau devient blanc<br />
et devient plus facile à consommer. Le<br />
goût importe peu, comme la façon de<br />
les consommer. Ce qui compte, ce<br />
sont les effets. Ils se font sentir<br />
1 heure à 1 heure 30 après l’ingestion<br />
et pendant 8 à 10 heures. Les<br />
hallucinations proprement dites durent<br />
environ 2 heures et précèdent une<br />
longue période de « descente », pendant<br />
laquelle le consommateur ressent les<br />
effets désagréables, comme le stress,<br />
l'angoisse.<br />
La prise de champignons hallucinogènes<br />
reste une « intoxication<br />
volontaire » selon le terme médical.<br />
Cette cueillette a parfois été chantée<br />
joyeusement (Mangez-moi, de Billy Ze<br />
Kick) à un jeune public, mais il ne faut<br />
pas en occulter les réels dangers.<br />
* Le prénom a été modifié par souci d'anonymat.<br />
Crédits : Pigé<br />
Raphaël Lizambard<br />
et Camille Dubruelh
PIGÉLe<br />
journal de l'IEPG<br />
magazine<br />
À voir aussi sur pigemag.com<br />
Le site internet d’information du master<br />
journalisme de l’IEP de Grenoble.<br />
Fête le mur,<br />
pas la guerre<br />
Jeudi 12 novembre, 150 étudiants environ s'étaient réunis à EVE (Espace de<br />
Vie Etudiante du Campus de Grenoble/Saint-Martin-d’Hères) pour fêter les<br />
20 ans de la chute du mur de Berlin.<br />
Mais en quoi se sentaient-ils concernés par cette commémoration ?<br />
Raphaël Lizambard, Florent Lévy, Léa Lejeune<br />
" Radis joli " vend ses légumes<br />
sur le Campus<br />
"Radis Joli", c’est le nom qu’a pris l’Association<br />
pour le maintien de l’agriculture paysanne<br />
(AMAP) du campus de Saint-Martin-d’Hères.<br />
Tous les lundis soirs à 18h, plus de 40<br />
membres viennent chercher leurs paniers de<br />
légumes biologiques, cultivés par des<br />
producteurs locaux.<br />
Fanny Bouteiller et Anne-Laurence Gollion<br />
Nauru, la descente aux enfers d’un<br />
paradis sur terre<br />
Nauru. Ce nom ne vous évoque peut-être pas<br />
grand-chose. Et pourtant, en soixante ans, ce<br />
minuscule Etat du Pacifique est passé de la<br />
prospérité à la pauvreté, du consumérisme<br />
effréné à la misère sociale. Une histoire du XXI e<br />
siècle que raconte le journaliste Luc Folliet<br />
dans Nauru, l’île dévastée (Ed. La Découverte).<br />
Anne-Laurence Gollion et Caroline Jury<br />
En attendant<br />
le prochain numéro...<br />
L’agenda pour sortir<br />
Exposition « Portrait de l’artiste en motocycliste » : Le Magasin<br />
propose une exposition des œuvres rassemblées par l’artiste Olivier Mosset.<br />
Un portrait qui tend à faire entrer le visiteur dans l’univers du peintre, qui<br />
possède une importante collection d’art issue de tous les courants artistiques.<br />
Jusqu’au 3 janvier 2010. Plus d’infos : www.magasin-cnac.org<br />
Django 100 : Pour la célébration du 100ème anniversaire de la naissance<br />
de Django Reinhardt, la MC2 propose un hommage au grand jazzman<br />
avec des pointures : Angelo Debarre, Boulou et Elios Ferré et Romane, le<br />
quatuor de jazz-manouche promet d'être exceptionnel.<br />
Les 23 et 24 janvier 2010. Plus d’infos : www.mc2grenoble.fr<br />
Chaissac au musée de Grenoble : Sous le titre "Gaston Chaissac - Poète<br />
rustique et peintre moderne", le musée de Grenoble présente quelque<br />
200 œuvres consacrées à ce grand artiste. Dessins, peintures, collages.<br />
Jusqu’au 31 janvier 2010. Plus d’infos : www.museedegrenoble.fr<br />
Arctic Monkeys : leur troisième opus est dans les bacs depuis août<br />
2009. « Les singes venus d’Arctique » seront en concert au Summum le<br />
27 janvier 2010, pour révéler « en live » au public grenoblois leur nouvelle<br />
maturité musicale.<br />
Plus d’infos : www.fnacspectacles.com<br />
Les indisciplinés : le groupe acrobatique de Tanger associé à Martin<br />
Zimmermann & Dimitri de Perrot proposent un spectacle entre ciel et terre.<br />
Les douze artistes comptent parmi les plus célèbres de cette discipline<br />
artistique époustouflante.<br />
Du 2 au 4 février à la MC2. Plus d’infos : www.mc2grenoble.fr<br />
L’agenda pour réfléchir<br />
Le cycle des conférences débats des Amis du monde diplomatique continue.<br />
Le 26 janvier à 20h30, une rencontre aura lieu avec Michèle Vianes (de<br />
l’association Regards de Femmes) sur le thème : « Les violences faites<br />
aux femmes au nom des traditions ».<br />
En libre accès au Tonneau de Diogène.<br />
Plus d’infos : www.amis.monde-diplomatique.fr<br />
La Montagne tibétaine : espaces sacrés et de défis.<br />
Dans le cadre de l'exposition : « Tibétains, peuple du monde », le Musée<br />
dauphinois propose une projection-débat autour du film :<br />
Deux longs nez au Tibet. Chronique d'une expédition en Himalaya.<br />
Avec Jean-Michel Asselin, journaliste et alpiniste, protagoniste du film.<br />
Le 20 janvier 2010 à 18h30, Musée dauphinois.<br />
Plus d'infos : www.musee-dauphinois.fr