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Perspective architecturale, selon un projet du groupe Descartes :<br />

Le parc de Vincennes à Paris réaménagé.<br />

ÉLe journal de l'IEPG<br />

PIG<br />

magazine<br />

Villes de demain,<br />

durables ?<br />

villes Pages 8 à 17<br />

PIGÉeurope • Pourvu que ça Mur ! Pages 6/7<br />

PIGÉenquêté • Nouvelle carte électorale pour 2012 Pages 18/20<br />

PIGÉtesté • Quand la chimie amuse nos papilles Page 29<br />

Numéro 9 Décembre 2009 / www.pigemag. com


PIGÉweb Sur la toile...<br />

Grenoble-Montagne<br />

Les passionnés de la montagne vont être<br />

contents. Un site plein d’informations<br />

pratiques et d’actualités sur la montagne,<br />

c'est bien utile quand on vit dans la région.<br />

Une idée de sortie ou une randonnée ?<br />

Direction le site Internet. Toutes les infos sont<br />

répertoriées : la météo, les gîtes, les balades<br />

et même une base de données de la<br />

« Bibliothèque montagne », pour trouver<br />

l'ouvrage qui correspond à nos désirs.<br />

www.grenoble-montagne.fr<br />

On the rail to Copenhagen<br />

Le sommet de Copenhague en décembre 2009, un moyen de faire changer les choses et de trouver de vraies solutions<br />

pour lutter contre le réchauffement climatique ? En tout cas, certains jeunes Européens y croient. De Grenoble à Bruxelles,<br />

Adrien Labaeye, auteur de ce blog a interrogé plusieurs jeunes, acteurs dans la thématique du développement durable.<br />

Vidéos, sons, en anglais et en français, le site est interactif et très agréable. Tout au long de ce voyage en train, ce documentaire<br />

nous permet de prendre conscience qu'il y a des choses à faire pour lutter contre ce problème qui nous concerne tous.<br />

www.ontherailtocopenhagen.blogspot.com<br />

Alterna TV<br />

Tout nouveau, tout coco ! Le parti<br />

communiste français vient de lancer sa<br />

propre web TV. Pas vraiment un organe<br />

de transmission du discours institutionnel<br />

du PCF. Le but est plutôt de faire une<br />

télé participative, où le « peuple de<br />

gauche » peut s'exprimer et proposer<br />

des reportages sur plusieurs thèmes.<br />

Et c'est plutôt bien fait. Le site est<br />

agréable, les sujets diversifiés. On<br />

trouve, par exemple, des reportages<br />

sur les sans-papiers, le chômage, la<br />

baisse des salaires... La web TV permet<br />

au Parti communiste d'aborder des<br />

thèmes qui lui sont chers, mais de façon<br />

plus originale que de longs discours.<br />

www.alternatv.fr<br />

Musée de Grenoble<br />

Pour les férus de culture et de peinture, le site du musée de Grenoble est<br />

incontournable. On trouve, bien sûr, des informations pratiques sur les horaires<br />

d'ouverture, les tarifs et les visites proposées par le musée. Mais le principal intérêt<br />

du site réside dans les renseignements donnés sur les expositions temporaires.<br />

Ingénieux, des visuels de ces expositions sont proposés, comme un avant-goût à<br />

la visite. Les futures expositions sont déjà annoncées, de Gaston Chaissac à<br />

l'impressionnisme, le programme culturel est prévu jusqu'en septembre 2010 !<br />

www.museedegrenoble.fr<br />

Sites sélectionnés par Camille Dubruelh<br />

2<br />

Gays et lesbiennes de Grenoble et d'Isère<br />

Un site destiné à la communauté gay et lesbienne<br />

de la région. Une partie du site est un guide de<br />

l'agglomération grenobloise et de la région iséroise,<br />

très fourni en informations pratiques de tous types.<br />

Cinq onglets : établissements gays, informations<br />

administratives, histoire des LGBT (Lesbienne, gay, bi,<br />

trans), vie quotidienne, arts. On nous donne des<br />

renseignements sur les sorties, festivals culturels,<br />

bars, boîtes de nuits destinés à la communauté gay, les<br />

formalités administratives pour le pacs, mais aussi des<br />

adresses utiles d'associations. L'autre volet est un<br />

forum qui permet aux internautes d'échanger sur tous<br />

types de sujets, et aussi pourquoi pas, de faire des<br />

rencontres.<br />

www.grenoble.lgbth.com<br />

Breathing Earth<br />

Le site propose une simulation étonnante. Sur un planisphère<br />

du monde, partout où apparaissent des petits points, ce sont des<br />

personnes qui naissent et d'autres qui meurent. Plus marquant<br />

encore, la simulation instantanée de la consommation de gaz<br />

à effet de serre par les différents pays.<br />

www.breathingearth.net


Sommaire<br />

Pigéweb<br />

Sur la toile... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2<br />

Pigépolitique<br />

Les présidentielles au Chilli . . . . . . . . . . . . . . . . .4/5<br />

Pigéeurope<br />

Pourvu que ça Mur ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6/7<br />

DOSSIER<br />

Villes de demain, villes durables ? . . . . . . . .8 à 17<br />

Paris utopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8/9<br />

Et les villes du sud ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10<br />

Raisonner les transports en ville . . . . . . . . . . . . . .11<br />

Stockholm et le vélo, une longue histoire d’amour . .12<br />

De BONNE expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13<br />

L'ombre d'Europole plane sur Bouchayer-Viallet . .14/15<br />

Villeneuve de Grenoble, le défi de la mixité . . . .16<br />

Décider la ville de demain . . . . . . . . . . . . . . . . . .17<br />

Pigéenquêté<br />

Une nouvelle carte électorale<br />

pour les législatives de 2012 . . . . . . . . . . .18/19/20<br />

Pigééconomie<br />

Auto-entrepreneuriat : une mode passagère ? . .21<br />

Pigéreportage<br />

Pôle emploi, mariage de raison ? . . . . . . . . . .22/23<br />

Pigéopposé<br />

La Poste doit-elle changer de statut ? . . . . . .24/25<br />

Pigéculture<br />

Jean-Claude Gallotta et le fantôme de Bashung . . .26<br />

Lyon, capitale d’art lyrique . . . . . . . . . . . . . . . . .27<br />

Remue-ménage dans les salles alternatives . . . .28<br />

Pigétesté<br />

Quand la chimie amuse nos papilles . . . . . . . . . .29<br />

Pigésport<br />

Free ride baby ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30<br />

Pigédécalé<br />

Délire champêtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31<br />

A lire aussi sur Pigemag.com . . . . . . . . . . . . . . . . . .32<br />

Fête le mur, pas la guerre<br />

“ Radis joli “ vend ses légumes sur le campus<br />

Nauru, la descente aux enfers d’un paradis sur terre<br />

L’agenda pour sortir et pour réfléchir . . . . . . . . . . . . . .32<br />

Qui a la curiosité de se plonger dans la<br />

toile de Claude Monet, Rue Saint-Denis,<br />

fête du 30 juin 1878 trouvera peut-être la<br />

clef d’un de nos bruyants débats publics.<br />

A l’heure où se multiplient les incantations<br />

à « l’identité nationale », cette huile sur toile<br />

campe une rue parisienne submergée<br />

par les drapeaux tricolores. Orgueil<br />

d’une fête nationale célébrant la fin de<br />

l’Exposition Universelle de 1878, cette<br />

vue plongeante échelonne l’enthousiasme<br />

par des aplats de couleurs vives. Et tandis<br />

qu’une banderole cache, en bas à gauche,<br />

un « VIVE LA FRANCE » aux allures<br />

d’Ordre moral, une inscription, face à<br />

elle, s’élance rageusement contre la<br />

signification obséquieuse d’un tel geste :<br />

« VIVE LA REP[ublique] ».<br />

Prétexte au déploiement de la couleur<br />

comme au travail sur la lumière, la scène<br />

est chez Monet un acte militant. Associée<br />

à la force d’entrainement du patriotisme<br />

dont elle peuple les fictions, elle participe<br />

d’une aspiration dont notre époque s’étonne<br />

de se savoir encore prisonnière : celle<br />

d’une rue emportée par le déferlement<br />

tricolore des drapeaux.<br />

Lors de la dernière élection présidentielle,<br />

c’était la candidate socialiste qui invitait<br />

les militants du PS à chanter La Marseillaise.<br />

Elle les y encourageait en formant un<br />

vœu : que chaque foyer français pavoise<br />

ses fenêtres le jour de la fête nationale.<br />

3<br />

Edito<br />

Vive la Rép…<br />

C’est, il y a quelques semaines, des députés<br />

UMP qui déposaient une proposition de loi.<br />

Leur idée ? Rendre obligatoire la présence<br />

du drapeau tricolore sur les édifices<br />

publics. L’évidence est pourtant devenue<br />

énigme. Pourquoi, de nos jours, arborer<br />

un drapeau à sa fenêtre ?<br />

Sur les toiles des impressionnistes,<br />

l’explosion du bleu, du blanc et du rouge<br />

venait saluer l’avènement d’un nouvel<br />

espace public, enfin démocratique, laïque<br />

et populaire. En somme, elle était une<br />

manière de faire oublier le drapeau blanc<br />

du légitimisme ou l’aigle dynastique du<br />

bonapartisme. Mais aujourd’hui, on<br />

s’interroge : quelles sont les convictions<br />

susceptibles de former la trame d’une<br />

telle présence ? C’est tout l’enjeu d’une<br />

sacralisation tricolore de l’autorité politique.<br />

Si l’entraînement festif était le motif de la<br />

toile de Monet, son mobile n’en était pas<br />

moins clair : opposer le cri de ralliement<br />

républicain au trop gouvernemental « Vive<br />

la France », une revendication en lettres d’or<br />

sur fond immaculé « VIVE LA REP… ».<br />

Esquissée, et comme bâillonnée dans un<br />

coin de la toile, elle attend son avènement.<br />

Les trois couleurs de Claude Monet ?<br />

Une œuvre à voir et à revoir.<br />

Olivier IHL,<br />

directeur de l’IEPG<br />

PIGÉ Magazine, journal d’information édité par Sciences Po Grenoble (IEPG).<br />

Directeur de la publication : Olivier Ihl, directeur de l’IEPG.<br />

Rédaction en chef : Laurent Rivet.<br />

Comité éditorial : Yvan Avril, Gilles Bastin, Aurélie Billebault, Olivier Ihl, Séverine Perrier,<br />

Laurent Rivet, Emmanuel Taïeb.<br />

Coordination : Emilie Brouze.<br />

Secrétariat de rédaction : Emilie Brouze, Camille Dubruelh, Clémence Glon-Villeneuve,<br />

Raphaël Lizambard, Gwendal Perrin.<br />

Rédaction et photos : Emilie Brouze, Camille Dubruelh, Orlando Fernandes, Blandine Guignier,<br />

Clémence Glon-Villeneuve, Lucie de la Héronnière, Ariane Lavrilleux, Raphaël Lizambard,<br />

Gwendal Perrin, Anne-Sophie Pierson.<br />

Relecture : Annie Rouyard.<br />

Graphisme/mise en page : GAILLARD Infographie 06 09 87 66 69.<br />

Tirage : 3000 exemplaires.<br />

Impression : Imprimerie du Pont-de-Claix.<br />

N° ISSN 1777-71-6 X<br />

IEP de Grenoble, BP 48 • 38040 Grenoble cedex 9 - www.iep-grenoble.fr<br />

Prix de vente : 1€<br />

Tel. 04 76 82 60 00 / Fax. 04 76 82 60 70 / pigemag@gmail.com<br />

Retrouvez Pigé Magazine sur www.pigemag.com, le site d’information du master<br />

journalisme de l’IEP.<br />

Les médias Ecole du master journalisme sont réalisés<br />

avec le soutien du Conseil régional Rhône-Alpes.


PIGÉpolitique Et si le Chili virait à droite ?<br />

Les forces en présence :<br />

• Sebastian Piñera : En<br />

2005, le candidat de<br />

la coalition de droite était<br />

arrivé derrière Michelle<br />

Bachelet, avec 25 % des<br />

suffrages. Celui qui a fêté<br />

son soixantième anniversaire<br />

le 1 er décembre pourrait<br />

bien décrocher la victoire<br />

cette année, à en croire la<br />

majorité des sondages pré-électoraux.<br />

Mais la possible collusion entre ses<br />

activités d'homme d'affaires et ses<br />

responsabilités politiques lui vaut des<br />

critiques de toutes parts.<br />

• Eduardo Frei : Lors d’un<br />

discours, le sénateur chilien<br />

de 67 ans a tenu à rappeler<br />

que, dans les prochaines<br />

années, le Chili aurait<br />

besoin d’un « président et<br />

non pas d’un gérant »,<br />

visant à demi-mots son<br />

principal rival, Piñera. Mais<br />

la tâche est rude pour cet<br />

ingénieur civil de profession : il tente à la<br />

fois de tirer profit du bilan de Michelle<br />

Bachelet tout en se présentant comme<br />

le candidat du changement.<br />

• Marco Enriquez-<br />

Ominami : A 36 ans à<br />

peine, cet homme de<br />

gauche, cinéaste et diplômé<br />

de philosophie, n’hésite pas<br />

à jouer la carte du charme<br />

et du renouveau pour<br />

séduire les électeurs jeunes<br />

et diplômés. En mai 2009,<br />

le quotidien espagnol El<br />

Pais le désignait comme « le nouveau<br />

visage de la politique chilienne pour<br />

succéder à Bachelet ». Il est le fils du<br />

leader historique du Mouvement de la<br />

gauche révolutionnaire (MIR), Miguel<br />

Enriquez.<br />

Crédits : DR<br />

Crédits : DR<br />

Crédits : DR<br />

Et de 10 ! Le Chili est le dixième pays d’Amérique<br />

latine à organiser un scrutin électoral cette année.<br />

Le 13 décembre 2009, les Chiliens désignent leur<br />

nouveau président, avec un éventuel second tour<br />

le 17 janvier 2010. Qui succédera au gouvernement<br />

socialiste de Michelle Bachelet ?<br />

4<br />

Cette élection a un parfum de renouveau.<br />

Pour la première fois depuis la chute<br />

de la dictature d'Augusto Pinochet, en<br />

1990, la coalition de droite semble<br />

avoir pris le pas sur ses adversaires<br />

démocrates-chrétiens de gauche.<br />

D’un côté, la Concertation de partis<br />

pour la démocratie (CPD), coalition de<br />

centre gauche, au pouvoir depuis la<br />

chute d’Augusto Pinochet en 1990,<br />

est menée par Eduardo Frei, déjà<br />

président entre 1994 et 2000.<br />

Composée de trois principaux partis,<br />

elle s’est opposée à la tentative de<br />

l’ancien dictateur de briguer le pouvoir,<br />

lors des élections législatives de 1988.<br />

De l’autre, le milliardaire conservateur<br />

Sebastian Piñera, dont la fortune est<br />

estimée à 1,2 milliard de dollars, ne<br />

cache pas son objectif de devenir le<br />

premier homme politique de droite à<br />

briguer la présidence depuis ce même<br />

Pinochet. Son frère, José Piñera, était<br />

ministre de l’économie du didacteur.<br />

Un handicap ? Pas sûr. Sa formule fait<br />

recette, puisque le candidat de droite<br />

a viré en tête dans les sondages<br />

rythmant la campagne électorale.<br />

Le mode de scrutin<br />

Une course à cinq ?<br />

Et Michelle Bachelet ? Constitution-<br />

-nellement, la présidente sortante ne<br />

peut se représenter. Elle n’a pourtant<br />

pas tardé à jouer les premiers rôles<br />

durant la campagne. Dès septembre,<br />

la socialiste décide l’abrogation de la<br />

loi sur le cuivre, héritée de la dictature<br />

militaire. Cette loi réservait systématiquement<br />

10 % de bénéfices sur les<br />

ventes de minerai aux militaires.<br />

Michelle Bachelet avait déjà manifesté<br />

son intention de modifier cette loi en<br />

2006, mais elle attendait le moment<br />

propice pour soumettre sa proposition<br />

aux parlementaires.<br />

Ce privilège détenu par l’armée devenait<br />

de moins en moins acceptable pour la<br />

population, dans un contexte de crise.<br />

Une manière aussi, pour la gauche, de<br />

se défaire du passé et de renouer<br />

avec les jeunes. Ces « jovenes »<br />

préfèrent se laisser séduire par le<br />

candidat indépendant trentenaire<br />

Marco Enriquez-Ominami, ou encore<br />

par Jorge Arrate, leader du « Front de<br />

gauche » chilien. Un appui suffisant<br />

pour gagner ?<br />

Orlando Fernandes<br />

Au Chili, l’élection repose sur un scrutin présidentiel à deux tours. Comme en France,<br />

plusieurs candidats peuvent se présenter au premier tour du scrutin, au second, seuls<br />

les deux candidats arrivés en tête restent en lice. La Constitution chilienne, qui est<br />

celle rédigée par Pinochet en 1980 (bien que largement amendée depuis), stipule que<br />

le président sortant, après son mandat de quatre ans, ne peut en exécuter un second<br />

consécutivement. Dans cette optique, Michelle Bachelet ne peut pas prétendre à la<br />

présidence du Chili en 2009.


Jacques Chonchol,<br />

M<br />

témoin de l’histoire chilienne<br />

Miguel Henriquez. Crédits : Pigé<br />

Point de vue d’un exilé chilien grenoblois…<br />

Etudiant engagé dans le MIR (Mouvement de<br />

gauche révolutionnaire) au moment du coup<br />

d’Etat, Miguel Henriquez est jugé, condamné,<br />

et s’exile alors en France.<br />

« En 2006, on a vécu l’élection de Michelle<br />

Bachelet comme un fait historique. Forcée<br />

par la crise, elle a fait face, donnant beaucoup<br />

aux petites entreprises, créant des projets<br />

sociaux, des primes… Mais je reste déçu par<br />

l’absence d’action sur le projet du droit de<br />

vote des exilés. En ce qui concerne la campagne<br />

actuelle, Piñera me semble dangereux,<br />

démagogue, candidat des patrons et patron<br />

lui-même, sans politique sociale. Frei et<br />

Marco Enriquez ne parlent jamais de changer<br />

les structures, qui fonctionnent avec la<br />

Constitution de Pinochet. Arrate me touche<br />

plus et semble prêt à solutionner les problèmes<br />

plus graves. Dans tous les cas, le prochain<br />

président sera face à des défis essentiels.<br />

D’ici, je suis la campagne par la presse,<br />

les amis et la famille, mais je suis privé du<br />

droit de vote et donc limité dans mon<br />

engagement. »<br />

Ministre de l’Agriculture d’Allende, Jacques Chonchol s’est exilé en France de<br />

1974 à 1994 où il a été le directeur de l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique<br />

Latine à la Sorbonne. Il vit aujourd’hui à Santiago et reste un intellectuel critique<br />

et un observateur engagé de son pays.<br />

En 1970, l'Unité Populaire remporte les élections,<br />

menant Salvador Allende au pouvoir. Quelle<br />

était l'ambiance à ce moment là ?<br />

Très tendue. Un groupe d´extrême-droite, en<br />

assassinant le Commandant en Chef de l´Armée de<br />

Terre, le Général Schneider, avait essayé d´empêcher<br />

la proclamation de Salvador Allende comme<br />

Président de la République. Le pays était divisé en<br />

trois: l´Unité Populaire qui appuyait Allende, la Droite<br />

qui s´y opposait avec force, et la Démocratie<br />

Chrétienne dont la position était plus nuancée.<br />

En 1973, le Général Pinochet renverse<br />

Salvador Allende par un coup d'Etat. Comme<br />

beaucoup de Chiliens, vous avez dû partir...<br />

Comment avez-vous observé les années<br />

Pinochet depuis la France ?<br />

Jusqu’en 1989, nous les exilés nous étions organisés<br />

pour maintenir une mobilisation constante contre le<br />

régime dictatorial. Les principaux groupes étaient<br />

normalement dépendants de chaque parti politique<br />

chilien de l´ancienne Unité Populaire. Mais il y avait<br />

aussi plusieurs organisations avec des français<br />

comme Les Amitiés franco-chiliennes, Le Groupe<br />

des Juristes pour le Chili, Le Groupe contre la Torture,<br />

au sein de la Cimade (Comité inter-mouvements<br />

auprès des évacués). Beaucoup de communes<br />

françaises ont mobilisé Français et Chiliens pour le<br />

soutien à la cause chilienne. Une des conséquences :<br />

une quantité d´avenues, de lycées et de places<br />

publiques qui ont reçu le nom de Salvador Allende…<br />

Cette solidarité nous a permis d´impulser le travail<br />

en exil et de le mener avec succès.<br />

Comment jugez-vous la situation politique<br />

depuis le départ de Pinochet du pouvoir, en<br />

1990 ?<br />

Depuis 1990, le pays est gouverné par une coalition<br />

de centre gauche, la Concertation, qui petit à petit a<br />

pu rétablir les libertés démocratiques. Ella a aussi<br />

diminué la pauvreté dans laquelle vivait une grande<br />

partie du peuple chilien. Michelle Bachelet a<br />

beaucoup fait dans le domaine de la protection<br />

sociale des secteurs populaires et finira son mandat<br />

en mars 2010 avec un très fort appui populaire.<br />

5<br />

PIGÉpolitique<br />

Jacques Chonchol, en 1976. Crédits : J. Chonchol.<br />

A votre avis, quelle est la place de l'héritage<br />

de Salvador Allende et de son gouvernement<br />

dans la société chilienne actuelle ?<br />

L´expérience de la l´Unité populaire avec Salvador<br />

Allende a signifié un énorme effort pour avancer<br />

vers une société socialiste en sauvegardant les<br />

libertés démocratiques. Sa mort est un symbole de<br />

la lutte pour la défense de la démocratie.<br />

Quel est votre point de vue sur l'actuelle<br />

campagne électorale pour l'élection<br />

présidentielle ?<br />

Les enquêtes actuelles montrent une certaine<br />

préférence pour le candidat de l’" Alianza por el<br />

Cambio ", coalition des partis de droite. Mais au<br />

deuxième tour, une nouvelle recomposition des<br />

forces politiques peut définir un scénario favorable à<br />

un candidat de gauche. Le grand appui populaire à<br />

Michelle Bachelet pourra être un élément essentiel<br />

dans les choix, ainsi que le surgissement d´un candidat<br />

très jeune, Marco Enríquez, porteur d´un nouveau<br />

discours politique. Cette nouvelle voix sortie plutôt<br />

des mouvements de gauche s’oppose au candidat<br />

officiel du gouvernement, tout en gardant un<br />

discours capable de recueillir les avantages de la<br />

politique de Michelle Bachelet.<br />

Lucie de la Héronnière


PIGÉeurope<br />

Regards d’expatriées à Berlin<br />

Elles sont deux. Deux jeunes étudiantes à Grenoble parties<br />

en séjour Erasmus à Berlin questionner l’histoire allemande,<br />

du haut de leurs 20 ans et quelques. 20 ans, c’est<br />

précisément la date à laquelle le mur de Berlin tomba en<br />

ruines. Cécile et Élise livrent leurs impressions sur les<br />

commémorations qui ont entouré cet anniversaire.<br />

Cécile Ventola : « Les préparatifs de la<br />

commémoration sont là, partout, dans<br />

tous les domaines. Mais on ne fête pas<br />

seulement la réunification ; les Allemands<br />

ont le 3 octobre pour ça. Certaines parties<br />

de la ville ont été investies par les grands<br />

capitalistes, mais d’autres, comme Mauerpark, ont été<br />

laissées à l’initiative des citoyens. Je crois que l’on aime<br />

s’intéresser à ce qui n’existe plus. Mais les choses qui<br />

sont exprimées cette année ne sont pas nouvelles. Un<br />

matin, je parlais avec mon colocataire, né à l'est et âgé<br />

de 4 ans quand le Mur est tombé. On regardait une vidéo<br />

sur le 9 novembre et il a pleuré. Il me disait que tous les<br />

voyages qu'ils avaient pu faire après ont été marqués par<br />

la même phrase de son père : "Aurais-tu imaginé qu'on<br />

puisse un jour aller si loin?" ».<br />

Elise Laversin : « Malgré le dispositif<br />

(expositions, célébrations), il me semble<br />

que ce 20 ème anniversaire ne provoque<br />

pas une effervescence particulière au<br />

sein de la population berlinoise d’origine.<br />

Tandis que certains se remémorent<br />

avoir participé à la déconstruction du Mur, d’autres gardent<br />

le souvenir amer de ne pas avoir pu être acteurs de<br />

ce moment historique, parce que trop jeunes, malades<br />

ou absents. La chute du Mur symbolise la fin du communisme<br />

et l’unité retrouvée. Mais pour certains, elle<br />

marque une rupture brutale et le début des difficultés<br />

économiques. Le 9 novembre 2009 a constitué une<br />

immense célébration de ce que la ville est devenue : une<br />

capitale cosmopolite, ouverte et tolérante. Probablement<br />

le résultat de l’Histoire et de son histoire ».<br />

Propos recueillis par Orlando Fernandes<br />

Pourvu que ça Mur !<br />

Le 9 novembre 1989, la RDA annonce à ses citoyens qu’ils peuvent voyager à<br />

l'étranger « sans aucune condition particulière ». Ce soir-là à Berlin, ils sont des<br />

milliers à entamer le démantèlement du Mur. Pigémagazine revient sur cet événement<br />

avec Alfred Grosser, grand spécialiste de l’histoire franco-allemande, les témoignages<br />

de deux étudiantes françaises à Berlin et celui de Juana qui, du haut de ses neuf<br />

ans à l’époque de la chute du mur, nous livre ses souvenirs.<br />

Le Point de vu de l’expert…<br />

« Dix fois supérieures aux relations qui existent entre la France et n’importe quel autre pays, les relations<br />

entre la France et l’Allemagne sont toujours vives » explique Alfred Grosser, politologue et historien.<br />

« La chute du mur a été accueillie en France avec une grande joie ». Le professeur émérite rappelle<br />

que les sondages de l’époque montraient une France favorable à la réunification allemande en grande<br />

majorité, bien qu’aient persisté, chez certains intellectuels ou dans une tranche plus âgée de la population,<br />

des réticences et la crainte d’une Allemagne réunifiée. Pour lui, les modes de relations francoallemandes<br />

n’ont pas vraiment changé après la chute du mur : jumelages et partenariats continuent.<br />

Du côté des figures politiques, le grand trio créateur de la réconciliation et de la coopération Delors-<br />

Mitterrand-Kohl a continué à œuvrer de la même manière après l’intégration de la RDA à la RFA en<br />

octobre 1990. Alfred Grosser est plus sceptique sur le duo Schröder-Chirac, dont les rapports<br />

pouvaient être parfois tendus. Quant à l’actuel couple Sarkozy-Merkel, il y a des désaccords qu’il<br />

impute en grande partie à l’attitude française, à la posture du : « Nous sommes les meilleurs ! »,<br />

agaçante pour les Allemands. Mais le lien fort entre les deux pays persiste. Alfred Grosser a relevé<br />

l’effort de la presse française au moment des élections<br />

allemandes, cet automne, qui ont été selon lui davantage<br />

traitées.<br />

Alfred Grosser, est revenu sur<br />

l’évènement devant les étudiants<br />

de l’IEP le 5 novembre dernier.<br />

Scène de fraternité sur le mur.<br />

Crédits : DR<br />

6<br />

Ce 20 ème anniversaire a fait la Une de tous les grands<br />

médias nationaux. Et peu importe, si TF1 la première<br />

chaîne européenne en terme d’audience (47,5% en<br />

2008), ne dispose pas de bureau à Berlin ! L’événement<br />

a dépassé les frontières, qu’elles soient géopolitiques ou<br />

médiatiques. Les 27 chefs d’État européens étaient<br />

présents, quelques jours après que le dernier d’entre eux<br />

(Vaclav Klaus, président de la République tchèque) ait<br />

donné son feu vert pour la ratification du Traité de<br />

Lisbonne. Deux jours plus tard, Angela Merkel, chancelière<br />

allemande, était accueillie en grande pompe sur les<br />

Champs-Élysées pour célébrer l’armistice francoallemand<br />

et la fin de la Grande Guerre. L’engouement est<br />

impressionnant, presque étonnant de ce côté du Rhin. Un<br />

emballement ? « On en a plus fait à Paris qu’à Berlin »,<br />

reconnaît Alfred Grosser. « Il aurait mieux valu parler<br />

d’Obama et d’Israël, dossier bien plus urgent ». D’ailleurs,<br />

le président américain a préféré rencontrer Benjamin<br />

Nétanyahou, premier ministre israélien, plutôt que se<br />

rendre à Berlin, le 9 novembre, déléguant cette<br />

responsabilité à sa secrétaire d’État, Hillary Clinton.<br />

Podcast de la conférence sur : www.iep-grenoble.fr<br />

Blandine Guignier et Orlando Fernandes


« J’avais neuf ans<br />

quand le mur est tombé »<br />

L’école où ma mère travaillait était accolée au mur. Plusieurs fois j’avais demandé<br />

ce que fichait ce mur immense ici. Mais en général mes parents et ceux de mes<br />

amis ne nous racontaient rien sur tout ce qui concernait la RDA et le Mur. Ils<br />

avaient peur. « La vérité sort de la bouche des enfants »: c’était impossible de<br />

donner une explication aux enfants sans leur transmettre une opinion, qu'ils<br />

colporteraient, et elle pourrait arriver aux oreilles de la Stasi, les services secrets<br />

de la RDA, que nous craignions tous. Je devais donc rester extraordinairement<br />

calme et silencieuse lorsque nous allions chercher ma mère au travail. Une des<br />

portes du Mur se trouvait près de l’école. Un jour, dévorée de curiosité, je me suis<br />

un peu éloignée et j’ai regardé furtivement à travers la porte. Sur la bande de<br />

terre, je vis des lièvres qui se cachaient dans l’herbe ou gambadaient. J’avais<br />

enfin mon explication : c’était un élevage de lièvres ! Le mur immense, les<br />

soldats et le calme dans cet endroit avaient maintenant un sens.<br />

Quand le mur est tombé<br />

Le 9 Novembre était un jeudi. Ce jour-là, lorsque je suis rentrée à la maison, j'ai<br />

trouvé mon père et mon frère dans un tel état d'excitation : " Il n'y a plus de mur !<br />

Nous pouvons aller à l'Ouest ! ". Je n'ai alors rien compris du tout. Mais j’ai su<br />

que c’était quelque chose de bien car j’avais rarement vu mon père aussi heureux<br />

et excité. Il nous installa mon frère et moi dans la voiture, direction le mur ! Nous<br />

nous tenions avec notre Wartburg dans une longue file d'autos, mais aucun<br />

conducteur n'était assis à son poste. Ils étaient tous dehors, riaient et discutaient<br />

ensemble même s'ils ne s'étaient jamais vus auparavant. C'était incroyable !<br />

Tard dans la nuit, étant encore loin de la frontière et ayant tout à coup réalisé que<br />

ma mère devait se faire un sang d'encre à la maison, nous avons rebroussé<br />

Le Parlement européen à Strasbourg.<br />

chemin. Le jour suivant nous sommes repartis à la frontière, cette fois au<br />

7<br />

PIGÉeurope<br />

DR<br />

:<br />

Juana a grandi à Berlin-Est, elle vivait en RDA comme 16 millions d’Allemands.<br />

Souvenirs d’enfance. Crédits<br />

Checkpoint Charlie et avec ma mère. Nous avions traversé la frontière seulement<br />

d'un mètre environ, quand une masse de personnes, poussant des cris de joie,<br />

se mit à frapper sur les fenêtres de la voiture et lança au travers du toit-ouvrant<br />

des sucreries. " Quel paradis un pays où chocolats et bonbons pleuvent ! Je veux<br />

aussi vivre ici ! " Nous avons roulé encore quelques mètres. Des cameramen<br />

anglais nous ont arrêtés et demandé s'ils pouvaient nous accompagner pour<br />

notre premier jour à l'Ouest - c'était une aubaine pour eux, la plupart des autres<br />

familles ne parlaient qu'allemand et russe - ils nous ont proposé une importante<br />

somme d'argent : 1000 D-Mark. Mes parents ont refusé. Ils voulaient profiter de<br />

ce moment unique seuls, avec nous et sans caméras! Nous avons parcouru<br />

Berlin-Ouest. C'était tellement grand et propre ! Et les publicités tout autour<br />

de nous en lettres énormes et multicolores! Tout paraissait si lumineux, si<br />

accueillant. Nous orienter dans cette "ville étrangère" n'était pas facile, nous<br />

avons dû nous arrêter pour regarder un plan. Enfin nous avons rejoint une<br />

banque pour récupérer les 100 D-Mark auxquels chaque citoyen de la RDA avait<br />

droit comme cadeau de bienvenue.<br />

Aujourd'hui, j'ai 29 ans et je vis au Mexique. Je n'étais pas à Berlin le 9 novembre<br />

dernier, mais c'est un jour important pour moi. Je pense qu'il doit être fêté ou au<br />

moins honoré. Après tout, c'est la fin d'une dictature ! Elle a complètement changé<br />

ma vie et celle de ma famille. Je suis très reconnaissante que l'histoire ait apporté<br />

un tel tournant, sinon je n'aurais pas pu être aujourd'hui à Mexico, je n'aurais<br />

certainement pas pu étudier ce que j'ai étudié et je n'aurais absolument pas pu<br />

parler de ma liberté !<br />

Propos recueillis par Blandine Guignier


Dossier<br />

Villes de demain, villes durables ?<br />

UUne cité sale, enfumée, où les travailleurs grouillent vers les usines dont les cheminées se détachent<br />

sur un ciel gris. Une vaste fourmilière : telle était l’image de la ville du 19ème siècle.<br />

Si aujourd’hui la plupart des gens semblent convertis aux principes du développement durable,<br />

ils restent souvent dans une vision bucolique de l’écologie. Alors que le sommet de Copenhague de<br />

décembre 2009 repose la question du réchauffement climatique global, c’est à l’échelle urbaine que<br />

se trouvent les principaux éléments de réponse. Transports, habitat, mixité sociale ou gouvernance<br />

sont à repenser pour entrer dans une logique soutenable. Facile à dire. Mais quels processus pour<br />

y parvenir ? De la création d’éco-quartiers aux villes du Sud, d’un nouveau concept d’aménagement<br />

urbain à une refonte des systèmes de transports, autant de pistes qui permettent de dessiner une<br />

esquisse de la ville de demain.<br />

Evry et la nationale 7. (Crédits : DR) Evry<br />

Paris utopiques<br />

Ambitieux. Le projet du Grand Paris se donne pour objectif de transformer la région capitale en<br />

modèle de développement durable. Les propositions présentées par les différents groupes<br />

d'urbanistes n'ont pourtant pas exclu une part de rêve. La ville durable n'existe-t-elle que<br />

dans l'esprit d'écologistes trop optimistes ? Petit exercice de prospective.<br />

2050<br />

de pointe dans les transports parisiens. Le projet du Grand Paris, lancé il y a maintenant plus de trente ans, a permis de<br />

2050. Neuf milliards d'hommes habitent sur Terre, dont 6,5 en ville. La question du réchauffement climatique reste<br />

épineuse mais sous contrôle. Fini les embouteillages interminables sur le périphérique et la cohue effrayante des heures<br />

modifier l'image de la région. La capitale est au cœur d'un réseau d'une vingtaine de villes moyennes reliées entre elles<br />

par un métro automatique. Le pire a été évité. L'amélioration du cadre de vie et la diminution des loyers dans la ville<br />

intramuros ont stoppé l'exode qui avait cours au début du siècle. Les parcs de Vincennes et de la Courneuve favorisent la<br />

capture du CO2. Les prévisions des météorologues, qui annonçaient un climat semblable à celui de la ville de Cordoue pour<br />

2100, ne sont plus qu'un mauvais souvenir.<br />

Le rapport au temps des habitants a évolué. Le télétravail s'est considérablement développé et il est maintenant difficile<br />

d'imaginer qu'en 2009, un Francilien pouvait passer 2h40 par jour dans le RER B. Des voitures circulent encore dans les<br />

rues. Elles sont pourtant perçues comme un luxe et une marque de désintérêt pour l'espace public. La participation a été<br />

intégrée, depuis peu, aux valeurs de la République. Le droit et le devoir de donner du temps à la collectivité tombent<br />

sous le sens.<br />

8<br />

Evry aujourd’hui


Contours d'un nouveau concept<br />

La ville ne plonge pas ses racines<br />

dans une volonté quelconque de vivre<br />

entouré de ses semblables. Elle est le<br />

fruit de l'intensification des échanges<br />

de matières premières et de biens<br />

manufacturés. L'urbain s'est donc<br />

construit en fonction d'un système<br />

économique qui pose maintenant<br />

problème. Le grignotage de l'espace<br />

et la périubanisation engendrent une<br />

surconsommation des ressources<br />

naturelles. L'obligation d'entrer dans<br />

un développement soutenable fait<br />

émerger, au début des années 90, le<br />

concept de ville durable. Les villes, qui<br />

n'occupent que 2% de la surface du<br />

globe, génèrent 80% des émissions<br />

de CO2 et consomment 75% de<br />

l'énergie mondiale (source : rapport<br />

du forum urbain mondial de l'ONU-<br />

Habitat, 2006).<br />

Trois règles fondamentales définissent<br />

la ville durable. Son empreinte<br />

écologique tend vers zéro en restreignant<br />

la consommation d'énergies fossiles.<br />

Elle offre à l'ensemble de ses habitants<br />

un cadre de vie agréable tout en limitant<br />

l'amplitude des inégalités. Enfin, c'est<br />

un projet politique qui replace le collectif<br />

au centre de la société. « Il ne suffit<br />

pas de faire un bouquet avec les trois<br />

piliers du développement durable que<br />

sont l'écologie, le social et l'économie.<br />

Il faut imbriquer ensemble ces domaines<br />

afin de construire un système de<br />

coproduction. La ville durable doit<br />

ruser. Elle prend en considération les<br />

ressources naturelles, l'urbain, la<br />

sécurité et l'éducation » explique<br />

Claude Jacquier, spécialiste du<br />

développement soutenable dans les<br />

territoires urbains. Pour Françoise-<br />

Hélène Jourda, architecte engagée<br />

dans le développement durable depuis<br />

1981, « il n'existe pas de ville durable<br />

type. Les solutions d'aménagement et<br />

d'architecture doivent être adaptées à<br />

la culture des habitants ». Dans le<br />

même sens, Anne-Marie Maür,<br />

directrice d'études à l’Agence<br />

d'urbanisme de la région grenobloise,<br />

explique que « la ville durable ne doit<br />

pas être un modèle en soi » mais<br />

« un processus de transformation ».<br />

Prospective scientifique<br />

ou douce illusion ?<br />

Le défi serait d'organiser le territoire,<br />

la répartition des services et des<br />

populations de façon à conserver un<br />

mode de vie de qualité tout en diminuant<br />

sensiblement les kilomètres parcourus<br />

par habitant. « Nous n’avons pas le<br />

choix. Il faut sortir des chemins de<br />

dépendance établis avec la révolution<br />

industrielle » continue Claude Jacquier.<br />

Si la densification de l'habitat limite les<br />

Perspective architecturale, selon un projet du groupe Descartes.<br />

9<br />

déplacements, la qualité des propositions<br />

alternatives entre également en compte,<br />

comme l’offre de transports en<br />

commun. Selon Anne-Marie Maür, la<br />

ville durable « intègre un mouvement<br />

large qui la dépasse ». Elle nécessite<br />

la mise en place de « nouveaux services<br />

qui faciliteront une reconversion<br />

économique » tout en misant « sur des<br />

synergies locales et sur l'innovation ».<br />

La mode, de plus en plus répandue,<br />

de construire des écoquartiers marque<br />

un engouement certain pour le<br />

développement soutenable. Pourtant,<br />

les écoquartiers ne sont pas la ville<br />

de demain. Ils correspondent plutôt à<br />

des espaces de recherche, à des<br />

laboratoires. La ville durable ne se<br />

construira pas ex nihilo. Le projet,<br />

plus complexe, fait entrer en jeu une<br />

population présente et un bâti<br />

« passoire à énergie ». « La forme de<br />

la ville ne va guère changer en trente<br />

ans. Les modifications se feront<br />

essentiellement au sein du système<br />

politico-institutionnel » affirme Claude<br />

Jacquier. Une chose est sûre : le<br />

changement des habitudes est un<br />

processus lent qui s'oppose à l'urgence<br />

climatique.<br />

Clémence Glon-Villeneuve<br />

Dossier<br />

De l'écologie urbaine à la ville<br />

durable<br />

L'écologie urbaine est née à Chicago,<br />

dans les années 60. Les chercheurs<br />

de cette école américaine reconnaissent<br />

de véritables « écosystèmes urbains »<br />

et replacent l'individu au centre de<br />

leurs études. Bien qu'établissant des<br />

spécificités écologiques à la ville, cette<br />

vision systémique reste très théorique.<br />

Au début des années 90, sous l'effet<br />

conjugué de la conférence de Rio<br />

(1992) et de la mise en place de<br />

l'ICLEI, conseil international pour les<br />

initiatives locales en environnement<br />

(1991), le terme de « ville écologique »<br />

est remplacé peu à peu par celui de<br />

« ville durable ». Une ville durable, c'est<br />

une ville écologique. Mais pas seulement.<br />

Calquée sur la notion de développement<br />

durable, elle imbrique des problématiques<br />

environnementales, sociales et<br />

économiques.<br />

Le 27 mai 1994, la première conférence<br />

des villes durables européennes se<br />

tient à Aalborg, au Danemark. La charte<br />

du même nom engage les communes<br />

signataires à modifier leur plan<br />

d'urbanisme en faveur du développement<br />

durable.<br />

Evry demain


Dossier<br />

Villes de demain, villes durables ?<br />

Et les villes du sud ?<br />

Au Sud, l’explosion urbaine est massive. En cause<br />

notamment, l’exode rural et la croissance interne.<br />

Un défi : la gérer en fournissant, d’abord, à la population<br />

biens et services de première nécessité, tout en<br />

préservant l’environnement.<br />

Le concept de ville durable est-il universel ?<br />

Voyage dans les métropoles du sud.<br />

Le Nord songe à la ville durable. Le<br />

Sud doit d’abord satisfaire ses<br />

besoins vitaux. Lutte contre la grande<br />

pauvreté ou l’insalubrité, les autorités<br />

publiques sont débordées ou parfois<br />

inexistantes. Mais le Sud cache<br />

différents visages : les pays émergents<br />

aux économies dynamiques, ceux en<br />

développement et les moins avancés.<br />

En Inde, comme dans beaucoup de<br />

pays d’Afrique, les moyens manquent<br />

pour développer les agglomérations.<br />

« Les villes sont peu entretenues.<br />

Dans les rues, il y a de superbes maisons<br />

comme des taudis. La plupart sont<br />

des sortes de huttes en bois avec un<br />

toit en paille. Il y a aussi beaucoup de<br />

problèmes d’hygiène, il faut faire<br />

attention à ce que l’on boit ou mange »,<br />

raconte Jean-Baptiste Bienfait qui vit<br />

à Mamallapuram, en Inde. Amadou<br />

Sarr, Sénégalais originaire de Dakar,<br />

décrit sa ville : « Les infrastructures<br />

publiques sont en place mais il<br />

manque des moyens pour les faire<br />

fonctionner. Au moment de la mousson,<br />

on voit que le système d’assainissement<br />

Le boom des villes au Sud<br />

• 3, 5 milliards d’urbains aujourd’hui,<br />

• 5 milliards d’ici 2025.<br />

• 1 milliard vivent dans des bidonvilles.<br />

• 6 des 10 plus grandes villes sont<br />

dans l’hémisphère Sud. (ONU, 2007)<br />

n’est pas perfectionné : il y a des<br />

inondations. La pollution est aussi un<br />

problème majeur à cause des voitures<br />

et des usines. Dakar est la capitale<br />

industrielle. Tout est concentré : l’Etat<br />

essaie de décentraliser. »<br />

Curitiba, ville modèle<br />

Les plus riches, comme au Nord,<br />

disposent de leurs villes modèles. Au<br />

Brésil, Curitiba, métropole de deux<br />

millions d’habitants, a lancé depuis une<br />

trentaine d’années une politique de<br />

développement innovante. Aujourd’hui,<br />

70% des ménages recyclent leurs<br />

déchets. Côté transports, le réseau de<br />

bus se déploie en toile d’araignée sur<br />

cinq axes de 80 kilomètres avec, à<br />

chaque terminal, commerces et<br />

services. Encore loin de ce cas d’école,<br />

plusieurs métropoles intègrent<br />

progressivement la durabilité dans<br />

leur politique. Le maire de Mexico<br />

(20 millions d’habitants) a lancé un<br />

plan vert avec trois objectifs : le<br />

développement durable, la viabilité<br />

écologique et la qualité de vie. Ainsi,<br />

depuis 2009, le tri sélectif est obligatoire<br />

et des vélos sont mis à disposition<br />

gratuitement. Rabat, capitale du<br />

Maroc, a établi un nouveau plan<br />

d’urbanisme. « Un bus ultra moderne<br />

10<br />

Mamallapuram, en Inde.<br />

« Les routes sont pleines de bosses, il n’y a pas d’égout pour évacuer l’eau en cas<br />

de pluie. C’est très sale : Il y a plein de déchets et d’animaux dans les rues »,<br />

raconte Jean-Baptiste Bienfait. Crédits : DR<br />

a été mis en place, moins polluant. Le<br />

tracé du tramway va être achevé en<br />

juillet 2010 pour diminuer le nombre<br />

de véhicules de 20%. La bibliothèque<br />

nationale a été édifiée cet été. Sur le<br />

plan social, le plan « Ville sans bidonvilles<br />

» lancé en 2004 dans 83 cités<br />

marocaines, a pour objectif de fournir<br />

un logement décent à chacun. Cela<br />

fera de Rabat une ville durable »,<br />

affirme Khalid Ouaya, architecte en<br />

chef de la capitale. Un défi quand on<br />

sait que ce plan pour éradiquer les<br />

bidonvilles, reporté à 2012, avait en<br />

juillet 2009 relogé 600 000 citoyens<br />

sur les 1, 5 million prévus.<br />

Sans afficher clairement une politique<br />

durable, certains pays font des<br />

efforts. Santiago, Equatorien, parle de<br />

Quito, sa capitale : « Depuis dix ans, le<br />

transport s’est amélioré, on a créé des<br />

voies de bus. Même s’il y a encore<br />

beaucoup de voitures : aux heures de<br />

pointe, on peut être bloqué trois<br />

heures. La ville est donc polluée. Mais<br />

des politiques se mettent en place.<br />

Avant, les échoppes étaient à même<br />

la rue. Puis, on a construit des<br />

commerces… La ville est plus ordonnée<br />

qu’avant. »<br />

Emilie Brouze<br />

Quel sens à la ville durable ?<br />

« Les contraintes sont différentes<br />

suivant les zones, le développement<br />

diffère suivant la taille… Le modèle<br />

théorique de la ville durable peut être<br />

commun mais chaque zone doit gérer<br />

sa propre évolution vers cette<br />

référence », affirme Jacques Véron,<br />

chercheur à l’Institut national des<br />

études démographiques. La ville<br />

durable, au Sud comme au Nord se<br />

traduit alors par la recherche de<br />

bonnes pratiques. « Ce concept a un<br />

sens s’il permet de s’orienter vers une<br />

politique plus respectueuse de<br />

l’environnement et de l’humain : éviter<br />

l’étalement, innover dans la gestion<br />

des eaux… Avec l’objectif de villes<br />

plus sobres », complète Mehdi Abbas,<br />

maître de conférences en économie<br />

à Grenoble. Des objectifs que<br />

certaines régions du Nord n’ont pas<br />

encore atteints. A l’exemple de<br />

Palerme, en Sicile, où le ramassage<br />

des ordures est déficient et le réseau<br />

routier quasi-anarchique.


Raisonner<br />

les transports en ville<br />

« Il ne faut pas, à cause du climat, rendre les choses invivables,<br />

commente Maya Vitorge. Dans la ville durable, on fera ce que l’on shouaite<br />

en parcourant moins de kilomètres. » Crédits : Pigé<br />

En France<br />

60% des déplacements en ville<br />

se font en voiture<br />

27% à pied<br />

9% en transports en commun<br />

2% en vélo<br />

2% en deux-roues motorisés<br />

35% des émissions de dioxyde de<br />

carbone (CO2) sont causées<br />

par les transports<br />

19% par l’habitat<br />

(Source de 2005, www.ademe.fr)<br />

Sauf pour les sportifs ou les promeneurs, se déplacer n’est<br />

pas un but en soi. « Je fais un trajet pour faire quelque chose,<br />

quelque part et peut-être avec quelqu’un. Le déplacement<br />

est un indicateur de mode de vie. Quand je travaille sur une<br />

politique de transports, je ne travaille pas donc juste sur<br />

l’offre de moyens de déplacement », explique Maya Vitorge,<br />

de l’AURG. Avant d’ajouter : « Ces politiques ne se pensent<br />

qu’avec l’urbanisme et la société ». Ainsi, la répartition des<br />

habitations et des services sur un territoire engendre plus<br />

ou moins de trajets. « Si j’autorise à construire des logements<br />

sans services à proximité, je génère des déplacements vers<br />

la ville, où tout est concentré. » Le travail doit être réalisé<br />

avec les citoyens car une décision politique doit être acceptée<br />

pour être efficace. Et pour que la ville soit durable pour<br />

tous, Maya Vitorge entend « privilégier la vie des hommes<br />

sur l’économie ». La construction d’une pharmacie, par<br />

exemple, ne doit pas n’être liée qu’à des quotas ou à la loi<br />

du marché. Mais aussi à l’accessibilité du service pour<br />

toute la population. De l’économique, du social, de l’environnemental<br />

: tout s’imbrique. L’enjeu, pour tendre vers une<br />

ville durable, est clair : « Peut-on organiser le territoire, la<br />

répartition des services et des populations sans faire autant<br />

de déplacements et de kilomètres mais tout en conservant<br />

le même mode de vie ? »<br />

Aménager en fonction du temps<br />

« Pour avoir une ville vivante sans trop émettre de gaz à<br />

effet de serre, il faut trouver des alternatives à la voiture.<br />

C’est le niveau 1. Le niveau 2, c’est installer des transports<br />

collectifs. » Plusieurs stratégies dissuadent l’utilisation des<br />

modes polluants : taxes à l’achat des véhicules, stationnement<br />

payant… Ainsi, le péage urbain à l’entrée de Londres a<br />

augmenté la fréquentation des bus de 30%. Sans oublier<br />

de proposer des alternatives avec un réseau de transports<br />

collectifs fort, tout en insistant sur les modes écologiques<br />

comme le vélo ou le tramway. L’agence d’urbanisme de<br />

11<br />

Dossier<br />

Les lieux de vie, de travail et d’activité, répartis sur<br />

le territoire, engendrent des trajets. Dans une ville<br />

durable, l’ensemble de la population doit pouvoir se<br />

déplacer tout en respectant l’environnement. Maya<br />

Vitorge, directrice d’études territoires et déplacements<br />

à l’agence d’urbanisme de Grenoble (AURG), donne<br />

des pistes pour penser les politiques de transport et<br />

défend le concept de chronoaménagement.<br />

Grenoble a travaillé sur le concept du chronoaménagement.<br />

En partant d’un constat : « On installe des transports toujours<br />

plus rapides, les routes sont remplacées par des autoroutes…<br />

Chacun peut habiter où il veut, il pourra y aller vite. Si je<br />

suis plus loin, je fais plus de kilomètres et il faut plus de<br />

route. On ne se pose plus la question de la vitesse. » L’idée<br />

est d’inverser ce cercle vicieux pour des trajets moins longs<br />

avec moins de voitures. En ville, on évalue les distances en<br />

temps et non en kilomètres. La vitesse serait donc le levier<br />

d’aménagement du territoire avec une hiérarchie des<br />

distances-temps entre les pôles. Tout en réduisant les<br />

vitesses sur les routes. « Si demain je fais une autoroute<br />

ultra rapide entre Lyon et Grenoble, un certain nombre de<br />

fonctions vitales seront déplacées du pôle secondaire au<br />

pôle principal. Je ferai donc des kilomètres pour aller les<br />

chercher. » Les villes et les services ne doivent pas être<br />

concentrés mais multiples afin de diminuer les trajets.<br />

Avec une juste distance temps entre eux pour garantir<br />

l’équilibre du territoire.<br />

Eduquer et dialoguer<br />

Les politiques de transports ne doivent pas négliger le poids<br />

des comportements individuels. « Dans les changements<br />

climatiques, on agit sur le "hard" avec les transports collectifs.<br />

Sur le "soft", par exemple avec le stationnement payant.<br />

Il y a aussi une part d’éducation à l’environnement. »<br />

Au Polygone, à Grenoble, presque toutes les entreprises ont<br />

élaboré des plans de déplacements. Certains salariés<br />

pouvaient, mais ne prenaient pas les transports en commun.<br />

« Comment je fais si l’école m’appelle pour récupérer mon<br />

enfant en urgence ? » s’interrogeait une mère de famille.<br />

Suite aux discussions, les salariés qui viennent en tram ou<br />

en vélo bénéficient d’un bon de taxi mensuel. « La participation<br />

citoyenne, c’est parfois aussi simple que ça. »<br />

Emilie Brouze


Dossier<br />

Villes de demain, villes durables ?<br />

LStockholm et le vélo,<br />

une longue histoire d’amour<br />

La capitale suédoise fait partie des métropoles qui comptent le<br />

plus d’utilisateurs réguliers du vélo au monde : 40% de la<br />

population se déplace principalement sur deux roues.<br />

Au-delà de la dimension culturelle, comment peut-on expliquer<br />

un tel engouement ?<br />

« Tout le monde y fait du vélo ! ». Telle est la<br />

première chose que dit Alice, étudiante<br />

française ayant passé un semestre Erasmus<br />

en Suède, à propos de Stockholm. Cette ville<br />

de 770 000 habitants (1,2 million pour<br />

l’agglomération) se révèle l’une des plus<br />

favorables aux cyclistes. Le climat est pourtant<br />

rude : froid, neige, verglas… Ce n’est pas<br />

ce genre d’obstacles qui freinent les habitants.<br />

« Rien ne les arrête ! » poursuit Alice. Et cela<br />

concerne toute la population, jeunes, moins<br />

jeunes, étudiants, ouvriers… « Nos corps<br />

sont habitués » s’amuse Anna, qui vit là-bas<br />

depuis 6 ans.<br />

Ville Pourcentage d’utilisateurs<br />

réguliers* du vélo<br />

(Année de publication des données)<br />

Stockholm 34% (2008)<br />

Copenhague 30% (2008) (objectif 50% en 2015)<br />

Amsterdam 28% (2006)<br />

Vancouver 18% (2006)<br />

Strasbourg 17% (2006)<br />

Berlin 5% (2006)<br />

Bogota 4% (2006)<br />

Paris 3% (2007)<br />

Lyon 3% (2008)<br />

Détroit 1% (2008)<br />

* On entend par utilisateur régulier celui qui se<br />

déplace à vélo au moins 5 fois par semaine.<br />

Sources : Site internet des municipalités).<br />

Le vélo est un moyen de transport économique<br />

et écologique. D’autant que la vie n’est pas<br />

facile pour les voitures, soumises à un péage<br />

urbain depuis 2006. Les transports en commun<br />

sont également très chers. La municipalité<br />

fait donc tout pour encourager la pratique de<br />

la bicyclette : les pistes cyclables sont<br />

quasi-systématiques sur les trottoirs. Les<br />

cyclistes cohabitent donc avec les piétons et<br />

pas avec les voitures, « ce qui est beaucoup<br />

moins dangereux » note Alice. Les possibilités<br />

de circuits sont presque infinies : la piste la<br />

plus importante, la Nackrosleden, fait 700<br />

kilomètres de long !<br />

La proche banlieue n’est pas en reste : le<br />

quartier écologique d’Hammarby s’est<br />

construit en fonction des modes de transport<br />

doux. Et à Uppsala, à 70 km au nord, ce sont<br />

maintenant les automobilistes qui se plaignent<br />

de ne plus avoir voix au chapitre…<br />

Gwendal PERRIN<br />

12<br />

« En France,<br />

les voitures<br />

sont prioritaires »<br />

Stéphane Labranche*,<br />

chercheur au PACTE-CNRS<br />

(IEP de Grenoble).<br />

Crédits : Pigé<br />

Quelle est la place du vélo à Lyon ?<br />

Un chiffre : seules 3% des 650 personnes interrogées durant<br />

mon étude utilisaient le vélo pour leurs déplacements<br />

quotidiens hors loisirs. Aux Pays-Bas, ce sont les voitures<br />

et les bus qui se déplacent en fonction du vélo… Alors<br />

qu’en France, c’est le contraire : les piétons et cyclistes<br />

attendent que les voitures passent avant de s’engager. Les<br />

voitures sont prioritaires.<br />

Comment faire pour que les gens délaissent leur<br />

voiture pour les transports en commun ?<br />

Il faut que ces transports aient des avantages par rapport<br />

à la voiture. Le tramway en a : il est certes moins rapide,<br />

mais il évite les bouchons. Le vélo a deux désavantages :<br />

les dangers et les intempéries. Pour le premier, la mise en<br />

place de pistes cyclables sécurisées est une solution. Pour<br />

le deuxième, c’est plus difficile. En fait, c’est le poids de<br />

l’habitude qui joue. On évitera ainsi de faire du vélo en<br />

hiver, mais quand le printemps arrive il faut modifier son<br />

comportement. Ce que les gens ne veulent pas faire.<br />

Briser les routines est difficile, cela demande beaucoup de<br />

travail sur soi.<br />

Le vélo se développe surtout dans des villes moyennes.<br />

Comment faire dans les grandes métropoles ?<br />

Intégrer les réseaux, combiner les transports ! Mais il y a<br />

des bugs : par exemple, c’est souvent interdit de porter<br />

son vélo dans le tram à Grenoble à certaines heures…<br />

Les trams doivent être conçus pour accueillir les vélos,<br />

sinon les gens ne les prendront pas et se retourneront vers<br />

la voiture. Il faut faciliter les choses pour les usagers du<br />

vélo. Cette question de la multi-modalité est la clé du<br />

développement des transports alternatifs… mais cela ne<br />

se fera pas du jour au lendemain.<br />

* a réalisé en 2008 une étude sur les freins à l’utilisation des<br />

transports en commun et du vélo dans la ville de Lyon."<br />

Propos recueillis par Gwendal Perrin


De BONNE expérience<br />

La ville de Grenoble lance<br />

en 2000 un projet de<br />

rénovation du quartier de<br />

Bonne et de ses anciennes<br />

casernes militaires qui<br />

occupaient 8,5 hectares<br />

en plein cœur de la cité :<br />

ce sera un éco-quartier.<br />

Toujours en travaux<br />

aujourd’hui, le site a reçu<br />

le prix Ecoquartier 2009<br />

le 4 novembre dernier,<br />

remis par le ministère de<br />

l’Ecologie. Les premiers<br />

habitants sont là. Parmi<br />

eux, les occupants de la<br />

résidence Henri IV, installés<br />

il y a presqu’un an.<br />

Eclairage sur leurs<br />

premiers pas d’habitants<br />

durables.<br />

Un bâti très dense<br />

Les immeubles du quartier de Bonne,<br />

d’une hauteur de sept étages, ne sont<br />

séparés que de quelques mètres les<br />

uns des autres. Une densité plus forte<br />

par rapport à d'autres quartiers<br />

écologiques. A Fribourg, une limite de<br />

quatre étages a été fixée pour les<br />

immeubles et les maisons sont<br />

mitoyennes. A Grenoble, la pression<br />

foncière est importante surtout dans<br />

un quartier aussi proche du centre de<br />

ville. De plus, le modèle éco-quartier<br />

lutte contre l'étalement des villes. Il<br />

n'est pas donc pas question de<br />

construire de petites maisons en bois.<br />

La résidence Henri IV, terminée en janvier 2009. Crédits : Pigé<br />

Une terrasse, du confort, une facture énergétique moins coûteuse, voilà ce qui a<br />

poussé les propriétaires à acheter un appartement à Bonne. Ils ont aussi été<br />

emballés par le projet global. C’est le cas de Sylvie: « L’éco-quartier nous a séduits<br />

dès le début. Quand ce sera fini, ce sera vraiment génial. » L’aspect développement<br />

durable du quartier a joué. Pour Xavier, infirmier, propriétaire d’un local à des fins<br />

professionnelles depuis mai 2009, le fait que les bâtiments soient en HQE (Haute<br />

Qualité Environnementale) est un critère de choix. Lui et d’autres occupants du<br />

quartier ont des convictions écologiques fortes. Au quotidien, elles se traduisent<br />

par des gestes concrets. Xavier se rend au travail et effectue ses tournées à vélo.<br />

Pour Alain c’est : « faire attention à nos consommations d’eau, ne pas laisser les<br />

pièces éclairées, maîtriser notre chauffage, enfin des choses basiques ! ».<br />

Bonne, pour ces habitants, c’est aussi une information et un échange plus forts<br />

que dans un quartier classique, grâce entre autres aux réunions de quartier.<br />

Sylvie et son mari vont à ces rendez-vous mensuels et à d’autres rassemblements<br />

plus ponctuels avec les personnes de la mairie, architectes et promoteurs. Alain<br />

apprécie l’information qu’il trouve à cette occasion : « La mairie de Grenoble a<br />

organisé des réunions sur les systèmes de chauffage qui étaient mis en place<br />

dans les logements. J’y ai participé. Je pense que c’est intéressant et puis si<br />

chacun y met un petit peu de bonne volonté, on peut très facilement gagner en<br />

énergie et en coûts. »<br />

Tout n’est pas non plus parfait. Les habitants se plaignent du retard des travaux,<br />

Bertrand par exemple : « Si on mesure à la quantité de poussière sur nos balcons,<br />

on n’est pas encore au bout de nos peines. C’est un peu énervant d’avoir un petit<br />

bout de trottoir par-ci, un petit bout par-là. » Xavier voit aussi des points négatifs :<br />

« Les loyers sont relativement chers, il y a beaucoup de béton aussi, ce ne sont<br />

pas des petits immeubles en bois. » Les habitants ne désespèrent pas pour<br />

autant et ne doutent pas qu’il y aura à terme une vraie qualité de vie. Alain :<br />

« C’est vrai qu’on est encore un peu dans le chantier. Mais je pense que quand on<br />

pourra circuler de façon sympathique avec les jardins etc., on pourra en tirer une<br />

réelle plus-value par rapport à d’autres quartiers. » Sylvie aussi est confiante en<br />

l’avenir : « Il faut que ça continue ! On a parlé de diminuer le nombre de voitures.<br />

Beaucoup trop de gens se garent. Ce n’est pas très grand, on peut carrément<br />

les interdire. Ce serait l’idéal !»<br />

13<br />

Blandine GUIGNIER<br />

Dossier<br />

Du retard dans les travaux<br />

Les habitants de la résidence Henri IV<br />

ont obtenu leurs appartements en<br />

janvier 2009. D'autres ont été moins<br />

chanceux. 121 logements de l'immeuble<br />

« Le Connétable », un des plus grands<br />

du quartier, attendent depuis un an et<br />

demi la fin des travaux. Huit propriétaires<br />

ont fait une demande d'assignation<br />

devant le juge des promoteurs Nexity<br />

et Vinci. La livraison prévue pour<br />

septembre 2008 aura certainement<br />

lieu en janvier 2010.<br />

Des quartiers durables<br />

exemplaires en Europe<br />

L’école Lucie Aubrac. Crédits : Pigé<br />

En Europe du Nord voilà plus de dix<br />

ans que des villes précurseurs ont<br />

construit des écoquartiers, entre<br />

autres Beddington (Bedzed) au<br />

Royaume Uni, Copenhague (Vesterbro)<br />

au Danemark, Hanovre (Kronsberg) et<br />

Fribourg-en-Brisgau (Vauban) en<br />

Allemagne, Malmö (B001) et<br />

Stockholm (Hammarby Sjöstad) en<br />

Suède. La réussite de ces quartiers<br />

fait quasiment l’unanimité et a<br />

influencé le développement en<br />

France. Des critiques demeurent sur<br />

la diffusion du modèle à l’échelle de la<br />

ville entière. On les accuse de n’être<br />

que des vitrines dans un ensemble<br />

non durable et de s’inscrire dans une<br />

logique d’exception. Mais à Stockholm<br />

ou Fribourg par exemple, la logique de<br />

développement durable est bel et bien<br />

présente dans toutes les politiques de<br />

la ville, au-delà des limites des<br />

écoquartiers.


Dossier<br />

Villes de demain, villes durables ?<br />

Vue aérienne de la partie ouest du chantier avant<br />

l’achèvement des « Reflets du Drac et du Vercors ».<br />

Crédits : photec -innovia<br />

L'immeuble de bureaux<br />

“ Les reflets du Drac ” vu du chantier.<br />

Bouchayer-Viallet abritait le Centre dramatique national des Alpes,<br />

avant son déménagement à la MC2. Crédits : Ariane Lavrilleux<br />

L'ombre d'Europole plane sur<br />

14<br />

A l’entrée ouest de Grenoble, impossible de manquer<br />

l’autre grand chantier de réaménagement en cours :<br />

le site Bouchayet-Viallet, ancienne friche industrielle.<br />

Deux immeubles verts, flambant neufs plantés au bord<br />

de l’A480 cachent un chantier de 14 hectares qui<br />

devrait durer jusqu’en 2011.<br />

Pour réaménager le terrain de cette<br />

ancienne friche industrielle, la ville de<br />

Grenoble a investi près de 49 millions<br />

d’euros. Si les habitants, associations,<br />

élus et architectes ne partagent pas<br />

toujours la même vision du futur quartier<br />

Bouchayer-Viallet, ils ont tous en tête<br />

l’exemple du quartier Europole.<br />

D’après Olivier Bertrand, conseiller<br />

municipal Vert, l’histoire du projet<br />

Bouchayer-Viallet commence avec<br />

François Hollande, en 2001. Alors<br />

qu’il se rendait à un meeting à<br />

Grenoble, le secrétaire national du<br />

Parti Socialiste découvre, par la vitre<br />

de sa voiture, ce qui ressemble à un<br />

terrain vague d’entrepôts décrépis.<br />

L’entrée dans la « capitale des Alpes »<br />

fait mauvaise impression. C’est le<br />

déclic pour Michel Destot. L’idée de<br />

réaménager l’ancienne zone industrielle<br />

désaffectée était déjà dans les cartons<br />

à la fin des années 1990, mais en<br />

2001 elle prend un nouveau départ.<br />

Le dossier est confié à l’adjointe à<br />

l’économie, Geneviève Fioraso, qui<br />

relance le projet mais aussi les<br />

hostilités.<br />

Une friche délaissée mais pas<br />

inhabitée<br />

Symbole de déclin économique et<br />

perçues comme des « cancers urbains »,<br />

selon l’expression de l’urbaniste Jean-<br />

Pierre Lacaze, les friches industrielles<br />

avaient vocation à être rasées, pour<br />

les pouvoirs publics. Détruire pour<br />

reconstruire. L’objectif est aussi de<br />

faire revenir les entreprises dans la<br />

ville et les recettes fiscales qui vont<br />

avec. Ce fut le cas d’Europole,<br />

quartier de l’ancienne brasserie La<br />

Frise remplacée par des banques et le<br />

World Trade Center.<br />

Contrairement à l’image extérieure<br />

d’une friche industrielle désertée, le<br />

quartier Bouchayer-Viallet abrite une<br />

pépinière d’associations et d’initiatives<br />

culturelles depuis les années 1980.<br />

Progressivement désindustrialisé, le<br />

site conserve ses bâtiments industriels<br />

comme ceux de l’usine de chocolat<br />

Cémoi, ou encore les halles du fabricant<br />

de turbines et conduites forcées qui a<br />

donné son nom au site.<br />

En attente de requalification, ces<br />

entrepôts et immeubles vacants sont<br />

alors investis par des entreprises<br />

(ceux donnant sur la rue Ampère<br />

notamment), des squats et résidences<br />

artistiques (le collectif Utopia, le<br />

Brise-glace et le 102) ou encore des<br />

associations de soutiens à projets<br />

(Cap’Berriat et Entr’arts). Soit beaucoup


Bouchayer-Viallet<br />

de petites structures qui formaient un<br />

laboratoire d’expérimentations et de<br />

réflexions sur un ancien quartier<br />

ouvrier laissé à l’abandon.<br />

L’accueil a donc été plutôt froid<br />

quand, en 2002, la Mairie propose de<br />

transformer Bouchayer-Viallet en<br />

« ZAC à vocation de développement<br />

économique et d’innovation ». Oubliés<br />

du projet, l’union de quartier Chorier-<br />

Berriat, les associations culturelles et<br />

collectifs de squat ont multiplié les<br />

actions pour infléchir la décision<br />

municipale. « On avait en mémoire le<br />

précédent Europole qui date de l’ère<br />

Carignon et symbolise le libéralisme<br />

outrancier », se souvient Olivier<br />

Bertrand.<br />

Une zone économique plus culturelle<br />

et plus écolo qu’Europole<br />

Aujourd’hui le plan de réaménagement<br />

urbain en cours de réalisation, donne<br />

plus de place à la culture avec<br />

notamment la construction à l’horizon<br />

2011 d’une salle de concert dédiée<br />

aux musiques amplifiées (SMAG).<br />

L’objectif est désormais de faire « un<br />

quartier Europole, version vivant »,<br />

selon les mots de Frédéric Cacciali,<br />

chargé d’opération adjoint à la SEM<br />

Innovia, l’aménageur des 14 hectares<br />

de Bouchayer-Viallet. Avec 65 000 m 2<br />

d’entreprises et commerces, l’activité<br />

principale du quartier restera<br />

économique. Á Europole, la tour vitrée<br />

de Novotel et le World Trade Center<br />

s’étaient installés. Á Bouchayer-Viallet,<br />

il y aura un hôtel Mariott 3 étoiles et<br />

la Chambre de métiers.<br />

Julien Joanny, membre du Conseil<br />

d’Administration de l’association<br />

Cap’Berriat, ne voit pas d’un bon œil<br />

ce qui « ressemble beaucoup à un<br />

Europole bis ». L’immeuble Mandrak<br />

occupé par le collectif Utopia a été<br />

détruit, le collectif Brise-Glace s’est<br />

dispersé dans Grenoble, dont une<br />

partie près de la Porte de France. En<br />

attendant la fin des travaux, Cap’Berriat<br />

a été relogé dans un local provisoire,<br />

proche de l’emplacement de la future<br />

salle de concert. « On se sent un peu<br />

à l’étroit dans ces bureaux, mais<br />

surtout on ne peut pas fonctionner<br />

normalement car on a plus qu’une<br />

seule salle d’activité au lieu de quatre<br />

avant les travaux », précise Julien<br />

Joanny. Deux des locaux qu’ils<br />

occupaient ont été détruits et le troisième<br />

a été cédé au collectif Utopia.<br />

Côté respect de l’environnement, la<br />

ZAC de Bouchayer-Viallet prend<br />

exemple sur le nouveau quartier de<br />

Bonne. Point de grandes baies<br />

vitrées, ni de parkings complètement<br />

souterrains comme à Europole mais,<br />

entre autres, des immeubles avec<br />

panneaux solaires pour la production<br />

d’eau chaude et des parkings semienterrés<br />

« pour ne pas taper dans la<br />

nappe phréatique », justifie Antoine<br />

Félix-Faure, l’architecte du projet. La<br />

mixité sociale n’a pas non plus été<br />

écartée du projet, puisqu’il y aura<br />

35% de logements sociaux<br />

Perspective architecturale, la façade de verre de la SMAG. Crédits : DR<br />

15<br />

Un patrimoine en partie conservé<br />

Alors que tous les bâtiments industriels<br />

« historiques » d’Europole ont disparu,<br />

à Bouchayer-Viallet, les habitants ont<br />

insisté pour en conserver le maximum.<br />

La petite halle, en face du musée<br />

d’art contemporain (CNAC), a été<br />

restaurée mais la grande halle n’a pas<br />

pu être sauvée. « Construite en acier<br />

très cassant, elle était très dégradée<br />

et le coût aurait été beaucoup trop<br />

important pour la remettre en état »,<br />

selon l’architecte. Un désaccord<br />

demeure sur le monument aux morts<br />

construit à l’endroit où des Résistants<br />

grenoblois sont tombés en 1944. La<br />

SEM Innovia veut le déplacer pour<br />

faire passer une allée. L’union de<br />

quartier Chorier-Berriat y est fermement<br />

opposée, mais la SEM est prête à<br />

modifier ses plans.<br />

Pour l’heure difficile de juger si<br />

l’objectif de faire de Bouchayer-Viallet<br />

un « véritable quartier de ville » sera<br />

réalité. Rendez-vous, une fois l’ancienne<br />

friche finalisée et habitée. Au plus tôt,<br />

fin 2011.<br />

Ariane Lavrilleux<br />

Dossier<br />

Le monument aux morts du Square<br />

des fusillés, sujet de désaccord.<br />

Le local actuel de Cap’Berriat.<br />

Vue nord-est du chantier<br />

Bouchayer-Viallet, des bureaux seront<br />

construits sur ce terrain vague.


Dossier<br />

Villes de demain, villes durables ?<br />

Villeneuve de Grenoble :<br />

le défi de la mixité<br />

U<br />

Mourad se souvient que la Villeneuve<br />

est avant tout un « beau projet » que la<br />

pauvreté a fait lentement dériver.<br />

Comme l'école du Lac, les services de la<br />

Villeneuve se situent entre les habitations<br />

et le parc Jean Verlhac. Crédits : Pigé<br />

Un parc, un aménagement pensé pour le piéton, une offre<br />

d'habitat diversifiée, des services délocalisés, des équipements<br />

destinés à la culture, aux sports et aux associations... Le projet<br />

d'urbanisme de la Villeneuve semblait rassembler tous les<br />

éléments d'un quartier durable. Pourtant, après 40 ans de<br />

brassage social, la population s'est homogénéisée par le bas.<br />

Vue de l'extérieur, la Villeneuve est<br />

souvent assimilée à ces grands<br />

ensembles qui ont poussé par<br />

dizaines au cours des années<br />

1960. Cependant, le quartier a été<br />

construit sur un projet social novateur<br />

selon deux lignes directrices. Avec<br />

50% de logements sociaux, la ville,<br />

dirigée à l'époque par Hubert<br />

Dubedout, affirmait sa volonté de<br />

favoriser le brassage social. Et puis<br />

l'enseignement dispensé dans les<br />

écoles misait sur le bénéfice de<br />

l'hétérogénéité. Jean-Philippe Motte,<br />

conseiller municipal délégué à la<br />

politique de la ville, parle d'une<br />

« éducation citoyenne, ouverte sur<br />

l'autre ». Mais l'aspect expérimental<br />

« chahutait les repères habituels »<br />

et de nombreuses dérogations<br />

scolaires ont été accordées dès les<br />

premières années. Au cours des<br />

décennies 80 et 90, la classe<br />

moyenne vieillissante a été remplacée<br />

par une classe populaire qui s'est<br />

appauvrie. A l'échelle de l'Arlequin,<br />

le pourcentage de locatif social est<br />

aujourd'hui de 70%.<br />

Plus de cigarettes que de journaux<br />

Mourad tient le bureau de tabac<br />

situé place du Marché. Il est arrivé<br />

à la Villeneuve en 1974, soit deux<br />

ans après les premiers habitants de<br />

la galerie de l'Arlequin. Pour lui, les<br />

commerces qui ferment les uns<br />

après les autres illustrent bien la<br />

paupérisation du quartier. S'il réussit<br />

à conserver son magasin c'est<br />

grâce aux cigarettes car, depuis<br />

quelques années, les journaux ne<br />

font plus recette. Les gens qui<br />

vivent dans le quartier ont d'autres<br />

préoccupations. La classe moyenne,<br />

chanceuse de « pouvoir faire un<br />

choix », aurait déménagé par<br />

lassitude. Au lieu de régler ce<br />

que Mourad appelle les « petits<br />

désagréments », tels que des<br />

jeunes qui squattent dans les allées<br />

ou les bruits de scooters en soirée,<br />

les plus riches ont préféré partir.<br />

Une conception de base erronée<br />

Jean-Philippe Motte estime que<br />

l'homogénéisation sociale de la<br />

Villeneuve reflète la tendance<br />

qu'ont les ménages à « rester entre<br />

soi ». Cette « donnée fondamentale »<br />

a été trop laissée de côté. De plus,<br />

au-delà du simple quartier, le projet<br />

consistait à faire naître « un véritable<br />

morceau de ville ». La Villeneuve,<br />

avec sa configuration orientée vers<br />

l'intérieur, devait être une « entité<br />

auto-centrée ». Depuis juillet 2008,<br />

un grand plan de rénovation urbaine<br />

a été engagé afin de désenclaver le<br />

secteur. Une leçon à retenir pour les<br />

écoquartiers. Pour ne pas être voués<br />

à l'échec et à un « déséquilibre<br />

assuré », ils devront s'ouvrir au<br />

reste de la ville et s'intégrer à une<br />

« écocité ».<br />

16<br />

Clémence Glon-Villeneuve<br />

« La diminution des<br />

inégalités passe par<br />

l'accessibilité et la<br />

mobilité »<br />

Christine Lelévrier,<br />

sociologue et maître de<br />

conférence à l'Institut<br />

d'urbanisme de Paris.<br />

Pourquoi faut-il de la mixité<br />

sociale dans la ville ?<br />

Derrière la notion de mixité, le problème<br />

posé est celui de la ségrégation spatiale<br />

qui génère des inégalités. Mais la<br />

mixité est une valeur. S'il faut l'avoir<br />

en perspective dans les actions<br />

publiques, elle n'est pas une fin en<br />

soi. Un territoire peut être mixte à un<br />

instant donné mais il ne le restera pas<br />

éternellement. Il y a une mobilité<br />

permanente des populations et la<br />

capacité de régulation de l'action<br />

publique a des limites.<br />

Alors, comment diminuer les<br />

inégalités ?<br />

À mon avis, la question de l'accessibilité<br />

est plus importante que celle de la<br />

mixité. Prenons par exemple le cas de<br />

la Seine-Saint-Denis. Cela fait près de<br />

30 ans que l'on essaie de faire venir<br />

des classes moyennes. La réhabilitation<br />

de logements, les réaménagements,<br />

la création d'une zone franche urbaine<br />

n'ont en rien favorisé la mixité. La<br />

solution se trouve donc au niveau de<br />

la population présente. En réalité, la<br />

durabilité d'un quartier passe par<br />

l'accessibilité qu'ont les habitants aux<br />

logements, aux transports et de<br />

manière plus générale à leur insertion.<br />

La mixité ne règle pas les inégalités.<br />

Il faut ajuster l'action publique aux<br />

processus sociaux.<br />

Propos recueillis par<br />

Clémence Glon-Villeneuve


Décider<br />

la ville de demain<br />

La gouvernance est considérée comme le quatrième pilier du<br />

développement durable avec l’économie, l’environnement et le<br />

social. Elle joue donc un rôle fondamental dans le développement<br />

des politiques urbaines de demain.<br />

Panorama de ses différents niveaux.<br />

17<br />

Dossier<br />

La gouvernance mondiale se manifeste par de grands sommets fixant des enjeux globaux et les grandes lignes d’action :<br />

• Le sommet de Rio (1992), avec l’instauration des Agendas 21 et l’énumération des grands principes du développement durable ;<br />

• La Convention sur le Climat de Kyoto (1997) avec la signature du protocole, continuée par le sommet de Copenhague<br />

(décembre 2009)<br />

• Le sommet de Johannesburg (2002), qui place le développement durable comme le principal objectif politique à atteindre à l’aube<br />

du 21ème siècle.<br />

Plusieurs institutions proposent leur vision, à titre consultatif ou réglementaire: les sommets de type G (G8,G20…), l’OMC…<br />

Substitution progressive des compétences étatiques à l’échelon européen sur les problématiques de développement durable.<br />

• 1987 : Acte Unique Européen, reconnaissance de ce transfert de compétences dans des domaines tels que les transports,<br />

l’environnement… Rapport Brundtland définissant le développement durable comme « un développement qui réponde aux<br />

besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».<br />

• 2001 : L’Europe demande à chacun de ses Etats membres de fixer une stratégie nationale de développement durable<br />

(Göteborg, 2001), incluant une refonte des politiques urbaines.<br />

L’Etat est un échelon réglementaire qui encadre les politiques locales de développement durable :<br />

• Lois Voynet (1999) sur l’aménagement durable des territoires<br />

• Loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) : création des PDU (Plans de Déplacement Urbain) et PLD (Plans Locaux de<br />

Déplacement).<br />

• Stratégie nationale de développement durable française mise en place le 3 juin 2003, qui a pour principal objectif d’influencer<br />

les politiques publiques en fonction de leur impact environnemental.<br />

• 2007 : Lancement du Grenelle de l’Environnement, ensemble de réunions politiques ayant pour but de construire des mesures<br />

éco-compatibles de long terme.<br />

Le niveau local, principal levier de mise en oeuvre des politiques de développement durable :<br />

• Agendas 21 locaux, créés par le sommet de Rio ;<br />

• Engagements d’Aalborg (2004), 327 villes européennes s’inscrivent dans une démarche commune de développement durable ;<br />

• Déclinaison locale des instruments nationaux : Plan Climat local, Plan local d’urbanisme, Plans de Déplacements Urbains…<br />

Un exemple concret de l’imbrication des niveaux de gouvernance… Pour qu’une politique de développement durable soit efficace, elle doit<br />

intégrer les considérations des différents décideurs politiques. L’efficacité énergétique des bâtiments, un enjeu qui mêle urbanisme et écologie,<br />

permet d’illustrer ces liens.<br />

Niveau mondial le protocole de Kyoto (1997) propose un calendrier de réductions des gaz à effet de serre.<br />

Niveau européen le Parlement a voté en décembre 2008 le « Paquet Climat », proposé par la Commission Européenne, fixant des objectifs continentaux de<br />

réduction des émissions.<br />

Niveau national la France a mis en place le protocole de Kyoto en 2005. Les lois Grenelle Environnement 1 et 2, votées en 2008 et 2009 (projet de loi) fixent<br />

des objectifs nationaux de réduction des gaz à effet de serre.<br />

Plan climat local de l’agglomération grenobloise propose des mesures incitatives pour limiter la production des gaz à effet de serre dans les transports et les<br />

bâtiments. En 2010, la Métro lancera un plan de réhabilitation à l’échelle de l’agglomération pour les copropriétés construites entre 1945 et 1975, de vraies<br />

« passoires thermiques ». Plusieurs villes en Isère ont lancé des Opérations Programmées d’Améliorations Thermiques et énergétiques des Bâtiments (OPATB).


PIGÉenquêté<br />

Départements...<br />

...Gagnant des circonscriptions (14 départements)<br />

...Perdant des circonscriptions (27 départements)<br />

...Remodelés (22 départements)<br />

...Sans changement<br />

Des députés pour représenter les Français de l’étranger<br />

Une nouvelle carte électorale<br />

Neutre politiquement pour la majorité UMP-Nouveau Centre, elle est dénoncée comme<br />

« manipulation politique » par la gauche. La nouvelle carte électorale, qui doit<br />

mettre fin aux inégalités de représentation entre les circonscriptions et mieux<br />

représenter les Français de l’étranger, a fait l’objet de nombreux débats.<br />

Le redécoupage électoral, confié à Alain Marleix, secrétaire d’Etat aux collectivités<br />

territoriales, a été adopté par 302 voix contre 215 à l’Assemblée Nationale début<br />

novembre. L’occasion de revenir sur une réforme mouvementée.<br />

Bien qu'Alain Marleix ait souhaité<br />

un redécoupage à minima, la réforme<br />

est d'envergure : 67 départements<br />

sont concernés. Infographie Le Figaro.<br />

Nicolas Sarkozy en avait fait la promesse durant sa campagne électorale. Ce sera chose faite en 2012. Ils sont plus de<br />

deux millions de Français à vivre à l’étranger mais seuls 820000 d’entre eux sont inscrits sur les listes électorales. Pour<br />

Jacques Rémiller, l’explication est simple : « Peut-être ne votent-ils pas parce qu’ils ne sont pas suffisamment représentés.<br />

Par ailleurs, le système électoral français fait qu’on ne peut pas voter par correspondance comme en Allemagne »<br />

Jusque là, 12 sénateurs, élus au suffrage universel indirect par le collège électoral de l’Assemblée des Français de<br />

l’étranger (AFE), étaient chargés de les représenter. L’AFE exprime depuis plusieurs années son souhait d’être également<br />

présente à l’Assemblée Nationale. Une légitimité qui vient enfin de lui être reconnue et que salue le député UMP :<br />

« Pourquoi les Français de l’étranger ne seraient-ils pas représentés ? Il leur faut des députés à même de traiter les<br />

problèmes de l’expatriation. » Une réforme phare qui ne convainc pas tout le monde : « Il y a une tendance générale y<br />

compris dans les autres pays à vouloir représenter les citoyens vivant à l’étranger. Mais il y a une limite à cette mesure :<br />

les Français de l’étranger s’abstiennent beaucoup plus que les résidents. Cela peut les inciter à aller aux urnes mais<br />

j’en doute. Certains ont quitté la France il y a des décennies » explique Pierre Bréchon, professeur en science politique<br />

à l’IEP de Grenoble. Des Français de l’étranger qui avaient largement plébiscité le candidat UMP lors des élections<br />

présidentielles (54%), le score obtenu par Nicolas Sarkozy allant jusqu’à 90% des voix en Israël. Avec 12 nouvelles<br />

circonscriptions transnationales, la droite pourrait voir son nombre de sièges augmenter aux prochaines élections<br />

législatives. Les socialistes dénoncent en effet ce qu’ils considèrent comme une prime à la droite : selon Jean-Jacques Urvoas,<br />

député PS : « Sur onze circonscriptions créées, neuf auraient un député UMP ».<br />

18<br />

S’il est un débat qui suscite la verve<br />

des parlementaires dans l’hémicycle,<br />

c’est bien celui de la réforme des<br />

collectivités territoriales. Dossier clé<br />

de la rentrée gouvernementale inscrit<br />

à l’agenda du secrétaire d’Etat aux<br />

collectivités territoriales, il provoque<br />

la fronde des députés socialistes.<br />

Nicolas Sarkozy l’avait promis, la<br />

réforme des collectivités serait une<br />

priorité de son quinquennat. Démêler<br />

l’enchevêtrement de pouvoirs de<br />

décision locaux, redécouper la carte<br />

électorale, autant de travaux d’Hercule<br />

auxquels s’attèlent Alain Marleix. Car<br />

s’il est un virtuose en la matière, c’est<br />

lui. Une fonction taillée sur mesure<br />

pour cet ancien RPR et journaliste<br />

parlementaire, qui a réalisé le précédent<br />

redécoupage de 1986 aux côtés de<br />

Charles Pasqua.<br />

Les modalités de la nouvelle carte<br />

électorale<br />

Réclamé par le Conseil Constitutionnel,<br />

le redécoupage de la carte électorale,<br />

qui sert de base à l’élection des députés,<br />

permet de prendre en compte l’évolution<br />

démographique. Avec une population<br />

passée de 54 millions en 1986 à<br />

63 millions en 2009, les inégalités de<br />

représentation se sont accrues entre<br />

les départements et les cantons. Alors<br />

que le député de la 2 ème circonscription<br />

de la Lozère représente 34 374<br />

habitants selon le recensement de<br />

1999, son homologue de la 2 ème<br />

circonscription du Val d’Oise défend<br />

les intérêts de 188 200 citoyens. Deux<br />

habitants de Lozère pèsent donc<br />

autant que onze habitants du Val d’Oise.<br />

En 2007, les élections législatives<br />

s’organisaient encore dans les<br />

circonscriptions dessinées en 1986 par


pour les législatives de 2012<br />

Pour André Vallini, député socialiste de l’Isère et président<br />

du Conseil général du département, la carte électorale fait<br />

partie intégrante du jeu politique : « Comme le disent les<br />

Corses : chacun son tour dans les bras de maman.<br />

On s’en accommode quand on est dans l’opposition<br />

et quand on est au pouvoir on essaie d’en changer. »<br />

Crédit : cabinet A. Vallini.<br />

Charles Pasqua sur la base du recensement<br />

de 1982. Des inégalités jugées inacceptables<br />

par le Conseil Constitutionnel, qui a rappelé<br />

le caractère « impératif » du redécoupage<br />

face aux disparités de représentation, sous<br />

peine d’annuler le résultat des prochaines<br />

échéances électorales.<br />

Il aura fallu sept mois de réflexion et de<br />

consultation pour dessiner la nouvelle<br />

carte. La réforme fixe un nombre de<br />

577 députés, dont 11 hors métropole, en<br />

accord avec la révision constitutionnelle<br />

de 2008. Les trois règles utilisées en<br />

1986 président également au nouveau<br />

découpage : il s’opère selon le critère<br />

démographique qui s’appuie sur l’article 3<br />

de la Constitution stipulant que « le suffrage<br />

est toujours égal ». Est également sollicitée<br />

la méthode de calcul Adam, qui prévoit<br />

une répartition par tranche avec un député<br />

pour 125 000 habitants. Autre élément<br />

pris en compte, la continuité territoriale entre<br />

les cantons. Quant à la tradition républicaine<br />

de deux députés par département, souhaitée<br />

par le gouvernement, elle a été contredite<br />

par le Conseil Constitutionnel.<br />

« Les grands<br />

redécoupages<br />

sont rares car c’est<br />

une opération<br />

coûteuse. »<br />

19<br />

La fronde socialiste<br />

Le parti socialiste, qui s’estime lésé<br />

par la nouvelle carte électorale, entend<br />

déposer un recours devant le Conseil<br />

d’Etat pour contester le redécoupage<br />

dans plusieurs départements. Et les<br />

accusations n’ont pas manqué parmi<br />

les députés de l’opposition : dénonçant<br />

ce qu’il appelle un « tripatouillage »,<br />

une « manipulation politique », le PS<br />

affirme que sur les 33 circonscriptions<br />

supprimées, 23 sont de gauche et 10<br />

sont détenues par la droite. Des calculs<br />

que conteste la majorité. Mis en<br />

accusation, le secrétaire d’Etat aux<br />

collectivités territoriales a souhaité<br />

plaider son projet : 18 circonscriptions<br />

seraient de gauche et 15 sont gérées<br />

par l’UMP. Alain Marleix se défend<br />

d’avoir utilisé un critère autre que<br />

démographique. Parmi les socialistes<br />

montés au créneau, la députée<br />

mosellane Aurélie Filippetti, qui voit<br />

sa circonscription<br />

disparaître. Et l’élue<br />

socialiste ne cache<br />

pas sa colère : « Au<br />

gré de votre bon<br />

vouloir, vous aviez<br />

ainsi créé, en 1986,<br />

la 8 e circonscription<br />

de Moselle, alors<br />

dessinée pour tomber dans l’escarcelle<br />

de la droite. Vous la supprimez<br />

aujourd’hui car depuis 1997, elle était<br />

à gauche. » Mais si certains crient<br />

volontiers au scandale dans les rangs<br />

socialistes, la sagesse semble<br />

plutôt de mise chez d’autres. Le<br />

député socialiste André Vallini s’en<br />

explique : « Ce qui nous arrive, on l’a<br />

pas volé. On aurait dû le faire plus tôt.<br />

J’avais demandé à Lionel Jospin en<br />

1998 la chose suivante : il faudrait<br />

que l’on pense à redécouper les cantons<br />

en raison de la surreprésentation<br />

rurale. On venait de perdre de justesse.<br />

Cependant, si on additionne la<br />

population des cantons qui avaient<br />

voté pour moi, elle était supérieure à<br />

celle ayant voté pour la droite. Je<br />

représentais plus de population mais<br />

j’avais moins de voix. Mais Lionel<br />

PIGÉenquêté<br />

Jospin avait d’autres priorités, le<br />

chômage et encore le chômage.<br />

C’était un homme politique d’appareil,<br />

il aimait les grandes réformes,<br />

notamment sociales, pas les questions<br />

électorales. » Car le redécoupage<br />

électoral demeure un exercice délicat<br />

auquel se livrent à contrecœur les<br />

gouvernements. Un dilemme qu’a<br />

notamment connu la gauche : « Les<br />

grands redécoupages sont rares car<br />

c’est une opération coûteuse. En<br />

2002, la gauche plurielle était sous<br />

pression de ses partenaires. Les<br />

Verts, les petits partis, radicaux,<br />

communistes souhaitaient une<br />

proportionnelle totale. Du coup, ils<br />

n’ont rien fait » rappelle Pierre Bréchon,<br />

professeur en science politique à l’IEP<br />

de Grenoble.<br />

Principal argument avancé par<br />

l’opposition, le nouveau découpage<br />

rendrait l’alternance impossible en<br />

France, la gauche devant désormais<br />

obtenir 51,3% des suffrages pour être<br />

majoritaire au Parlement. Des chiffres<br />

également contestés: « Je crois que si<br />

les Français veulent l’alternance, elle<br />

se produira. Un mandat n’est jamais<br />

acquis. Si les Français ne sont pas<br />

contents, ils en changent et ce n’est<br />

pas une réforme qui les en empêchera »<br />

explique le député UMP Jacques<br />

Rémiller. Y compris dans les rangs de<br />

la gauche : « Je partage la protestation<br />

des socialistes mais il ne faut pas<br />

oublier que deux choses comptent<br />

autant que le découpage : la<br />

conjoncture politique et la personnalité<br />

des candidats. Ma circonscription<br />

avait été créée sur mesure pour mon<br />

prédécesseur. Charles Pasqua avait<br />

accepté de lui enlever Saint-Egrève<br />

qui était à gauche. Et pourtant je l’ai<br />

battu. La conjoncture de 1997 m’a<br />

aidé – il y a eu la dissolution et Michel<br />

Hanoun était plombé par des affaires<br />

– J’ai été réélu en 2002 grâce à un<br />

travail de terrain considérable »<br />

ajoute André Vallini.


PIGÉenquêté<br />

Jacque Remiller, député maire UMP de<br />

Vienne, voit sa circonscription renforcée<br />

par le nouveau découpage électoral.<br />

Crédit cabinet Jacques Remiller.<br />

« Il n’y a pas de bon découpage »<br />

Présenté en Conseil des ministres<br />

fin juillet, le projet de redécoupage<br />

a été adopté par les députés à<br />

l’automne par 302 voix contre 215.<br />

Seul recours désormais pour la<br />

gauche, le Conseil Constitutionnel. Mais les débats ont toutefois permis de soulever<br />

la question d’un découpage équitable et neutre politiquement. Et pour Pierre<br />

Bréchon, professeur en science politique à l’IEP de Grenoble, la réponse est sans<br />

ambages : « Il n’y a pas de bon découpage. A partir du moment où l’on fait des<br />

frontières particulières pour une élection, le problème est insoluble, et ce, encore<br />

plus avec des politiques. Le bon découpage a minima, c’est un découpage qui n’est<br />

pas fait par les hommes politiques. Même avec des bons principes démocratiques,<br />

ils ne peuvent s’empêcher de se demander ce que cela va donner en termes de<br />

rapport de force politique. Bien sûr, il y a eu une commission indépendante mais<br />

ses membres ont été nommés sur des critères politiques. Par ailleurs, elle a pesé<br />

d’un poids mineur dans le découpage. C’est le même constat avec le Conseil<br />

d’Etat et le Conseil Constitutionnel. Ils ont encadré le processus. Mais le principe<br />

demeure consultatif, les propositions n’ont pas été suivies, comme le fait de<br />

revoir circonscription par circonscription là où la population était mal répartie<br />

sociologiquement. Les territoires ne doivent pas être sociologiquement trop marqués,<br />

l’objectif, les représentants ne doivent pas être ceux d’une catégorie mais de<br />

toute la société. » Carte électorale ou mode de scrutin, chacun est le premier à<br />

tirer parti des instruments électoraux une fois aux rênes du pouvoir. Un jeu politique<br />

auquel tous participent : en 1986, François Mitterrand, alors président, décide de<br />

changer le mode de scrutin à la veille des échéances électorales afin d’amoindrir<br />

la défaite programmée de la gauche. Une idée largement partagée par le député<br />

socialiste, André Vallini : « Comme le disent les Corses : chacun son tour dans<br />

les bras de maman. On s’en accommode quand on est dans l’opposition, et quand<br />

on est au pouvoir on essaie d’en changer. Mais la République irréprochable de<br />

Nicolas Sarkozy est entachée par la pseudo indépendance de la Commission<br />

présidée par Guénat, un ancien RPR. Le redécoupage est donc suspect. Il faut<br />

une commission indépendante composée de membres du Conseil d’Etat, de<br />

sociologues, d’experts dont les membres sont nommés à la majorité des 3/5 par<br />

le Parlement. Mais ce n’est pas dans la culture des pays latins. »<br />

Une nouvelle carte électorale<br />

pour les législatives de 2012<br />

Le nouveau redécoupage en Isère. Source : France 3<br />

Anne-Sophie Pierson<br />

20<br />

L’Isère gagne une circonscription<br />

Et de dix pour l’Isère ! Le département compte, en<br />

effet, au nombre de ceux qui gagneront une nouvelle<br />

circonscription en 2012. La petite dernière devrait<br />

prendre pied dans le Nord du département, où la<br />

population a augmenté au cours des dernières<br />

années. Avec quelque 150 000 habitants, les trois<br />

circonscriptions Nord, détenues par l’UMP, accusent<br />

un déficit de représentation auquel entend remédier<br />

le nouveau découpage. Après quelques incertitudes<br />

sur leur tracé, les contours de la 10 ème circonscription<br />

sont enfin scellés. Elle réunira donc les cantons de<br />

La-Tour-du-Pin et de Pont-de-Beauvoisin, empruntés à<br />

la 6 ème circonscription du député UMP, Moyne-Bressant<br />

ainsi que ceux de Bourgoin-Jallieu Sud, la Verpillère et<br />

l’Isle d’Abeau dont sera amputée la 7 ème circonscription<br />

de son homologue Georges Colombier. En compensation,<br />

celui-ci se verra adjoindre les cantons de Roussillon<br />

et de Beaurepaire, pris à la 8 ème circonscription de<br />

Jacques Rémiller. En Isère, contrairement à d’autres<br />

départements, le redécoupage fait consensus chez<br />

les élus. Pour le député<br />

isérois André Vallini :<br />

« L’Isère gagne une<br />

dixième circonscription<br />

mais elle ne pose pas<br />

problème. Il en fallait<br />

absolument une. Elle<br />

n’est pas taillée sur<br />

mesure pour la droite, ni<br />

pour la gauche d’ailleurs. Elle va être intéressante.<br />

Ce n’est pas un terrain de gauche mais elle ne lui est<br />

pas non plus hostile avec 5 conseillers généraux à<br />

gauche. » « C’est vrai que la 8 ème nous est devenue<br />

plus favorable. On peut difficilement crier au scandale.<br />

Beaurepaire et Roussillon étaient des fiefs plutôt à<br />

gauche » renchérit Jacques Rémiller, député UMP<br />

de la 8 ème . Mais si la majorité et les socialistes<br />

s’accordent sur la nécessité de créer une circonscription<br />

supplémentaire, son tracé et les modalités de sa mise<br />

en œuvre ont, en revanche, fait davantage débat.<br />

« Tout redécoupage doit s’accompagner d’une forte<br />

négociation, a priori, ce qui n’a pas été le cas »<br />

soulève Jacques Rémiller. Si le nouveau tracé conforte<br />

l’assise des députés UMP dans leur circonscription, il<br />

est aujourd’hui difficile de prédire si la 10 ème<br />

circonscription tombera dans l’escarcelle des<br />

socialistes ou de la droite. Même avec des bassins de<br />

vie plutôt orientés à gauche, la victoire pourrait<br />

principalement s’avérer être la conséquence d’un<br />

important travail de campagne : « Créer une<br />

circonscription n’est jamais facile. Il faut penser aux<br />

réactions des gens. Beaucoup ne manifestent pas<br />

d’intérêt pour les questions électorales. Dans leur<br />

tête, leur député c’est Jacques Rémiller. Il y a de réels<br />

enjeux de communication pour leur faire assimiler le<br />

changement » rappelle le député maire de Vienne.<br />

« Créer une circonscription<br />

n’est jamais facile.<br />

Il faut penser aux<br />

réactions des gens »


Auto-entrepreneuriat :<br />

une mode passagère ?<br />

L<br />

Lancé en France le 1 er janvier 2009, le régime d’auto-entrepreneur<br />

semble trouver son public avec 200 000 créations au 1 er septembre.<br />

Mais ce chiffre cache une réalité mitigée : abandons rapides,<br />

faibles chiffres d’affaires… Une fois l’effet de curiosité estompé,<br />

la France va-t-elle durablement devenir un pays d’entrepreneurs<br />

ou revenir en arrière ?<br />

Créer sa boîte en France n’a pas toujours<br />

été simple : complexité administrative,<br />

risques financiers… Le régime d’autoentrepreneuriat<br />

cherche à rendre plus<br />

accessible le monde de l’entreprise,<br />

notamment grâce à une fiscalité<br />

réduite, des formalités simplifiées…<br />

Cette volonté politique n’est pas<br />

nouvelle : Raymond Barre (alors<br />

Premier Ministre) déclara à la fin des<br />

années 70 que « chaque chômeur<br />

devait créer sa propre boîte ».<br />

L’entreprise individuelle était alors<br />

perçue comme un moyen d’endiguer<br />

les bataillons de chômeurs dus à la<br />

crise économique. Les réussites des<br />

entreprises de Bolloré, Pinault ont<br />

suscité des vocations.<br />

La peur du risque<br />

Et pourtant. En 1900, il y avait 9 millions<br />

d’entrepreneurs pour 40 millions<br />

d’habitants. Un siècle plus tard, on<br />

n’en compte plus que… 2 millions<br />

pour 65. Pourquoi ce déclin ? Il y a eu<br />

d’abord, comme le rappelle Catherine<br />

Derousseaux, consultante en entrepreneuriat,<br />

l’essor du capitalisme<br />

industriel : « On a assisté à la création<br />

de grandes entreprises, à l’origine<br />

d’un salariat de masse ». Entreprises<br />

qui, à mesure de leur développement,<br />

ont cannibalisé certains secteurs<br />

comme le commerce, enterrant ainsi<br />

les petites affaires familiales.<br />

La fin des 30 Glorieuses a créé une<br />

rupture. Le chômage de masse est<br />

apparu, les grandes entreprises ont<br />

été affaiblies et, pour reprendre<br />

l’expression de la sociologue Dominique<br />

Méda, s’est enclenchée la « fin du<br />

salariat. » Pour assister à la naissance<br />

d’une société d’entrepreneurs ? Oui,<br />

s’attache à dire Catherine Derousseaux,<br />

qui parle de « lame de fond » pour<br />

évoquer ce mouvement. « La crise<br />

dure depuis 30 ans, rappelle-t-elle, et<br />

le rôle de l’Etat est voué à diminuer. »<br />

Mais cet effet a du mal à se concrétiser<br />

dans les chiffres. Le fait que la France<br />

ait le meilleur système de protection<br />

sociale d’Europe, protégeant mieux<br />

qu’ailleurs ses salariés, est une explication.<br />

Et ce lien entre entrepreneuriat<br />

et protection sociale se généralise à<br />

l’international. « On sait qu’on n’a pas la<br />

même sécurité qu’en tant que salarié »<br />

avoue Sébastien, auto-entrepreneur<br />

en devenir.<br />

Une activité… en complément<br />

Les auto-entrepreneurs correspondent<br />

surtout à trois profils : les retraités/<br />

salariés qui y voient une activité de<br />

complément, les chômeurs « en herbe »<br />

et des entrepreneurs. Pole emploi<br />

encourage les seconds à lancer leur<br />

affaire, bien que le cumul allocationssalaire<br />

ne se fasse pas... Mais les<br />

chiffres du chômage, eux, peuvent<br />

être revus à la baisse. « Je ferai ça en<br />

complément » admet Sébastien,<br />

traduisant une vision partagée par<br />

nombre d’auto-entrepreneurs : créer<br />

sa boîte sous ce régime relève plus de<br />

la contrainte financière que du désir<br />

de liberté. Les entrepreneurs dans<br />

l’âme préfèreront créer une entreprise<br />

individuelle en nom propre ou une<br />

EURL (Entreprise Unipersonnelle à<br />

Responsabilité Limitée) : l’apport de<br />

capital nécessaire, l’absence de limite<br />

de chiffre d’affaires encouragent et<br />

crédibilisent. Sébastien lancera-t-il<br />

une plus grosse affaire par la suite ?<br />

Il préfère évoquer… un départ à<br />

l’étranger.<br />

Gwendal Perrin<br />

21<br />

Pour devenir auto-entrepreneur,<br />

il suffit de remplir un<br />

simple formulaire.<br />

Auto-entrepreneur, souvent la galère…<br />

PIGÉéconomie<br />

Marc, qui a créé une auto-entreprise de vente de pizza ambulante en<br />

mars 2009, a mis les clés sous la porte trois mois plus tard. « Je<br />

cherchais à arrondir mes mois, déclare-t-il. Mais pour dégager un<br />

peu d’argent il faut passer du temps. Ma vie de famille en pâtissait. »<br />

Son cas n’est pas isolé : seulement 43% des auto-entreprises dégagent<br />

un chiffre d’affaires, s’élevant en moyenne à 1400e/mois… Après<br />

impôt, le revenu net est loin d’atteindre le SMIC. De plus la simplicité<br />

des démarches trahit l’isolement des créateurs : il n’existe pas d’aide<br />

particulière à la création d’auto-entreprise. Enfin les artisans se plaignent<br />

d’être confrontés à une concurrence déloyale : avec leur fiscalité<br />

« normale », ils se disent désavantagés… Les auto-entrepreneurs ne<br />

sont donc pas toujours les bienvenus.<br />

Comparaison entre taux d'entrepreneurs et prélèvements<br />

obligatoires (Données OCDE, 2009)<br />

Pays Taux d'entrepreneurs Taux de prélèvements<br />

dans la population obligatoires<br />

Australie 11,9% 31,1%<br />

Etats-Unis 10,9% 27,3%<br />

Canada 8,9% 31,2%<br />

Espagne 6,4% 35,8%<br />

Grande-Bretagne 6,1% 36,5%<br />

Finlande 6% 45,1%<br />

Allemagne 6% 34,8%<br />

France 4,7% 44,1%<br />

Suède 4,3% 50,7%<br />

Japon 3,2% 27,4%


PIGÉreportage<br />

L’agence Pôle emploi de la Bastille à Grenoble<br />

compte une vingtaine d’employés. Elle a enregistré<br />

30 nouvelles inscriptions lundi 2 novembre.<br />

Crédits : Pigé<br />

Pôle emploi : Acte de naissance<br />

Pôle emploi est né le 5 janvier 2009,<br />

de la fusion de l’Anpe, établissement<br />

public, et des Assedic, un groupement<br />

d’associations. L’un comptait et plaçait<br />

les chômeurs, l’autre les indemnisait.<br />

Nicolas Sarkozy, durant sa campagne,<br />

avait promis de les regrouper en vue<br />

de réformer l’organisation de ce<br />

service public. Ambitions affichées ?<br />

Un service simplifié : le chômeur<br />

peut le même jour et au même<br />

endroit s’inscrire, calculer ses droits<br />

à l’indemnisation et élaborer son<br />

projet professionnel. Un guichet<br />

unique, un conseiller unique. La<br />

mise en place sera progressive<br />

jusqu’en 2010.<br />

Pôle emploi, mariage<br />

Comment se traduit concrètement la fusion Assedic-Anpe, depuis janvier 2009,<br />

pour le chercheur d’emploi ? Le regroupement des deux services avait pour<br />

but initial de simplifier la recherche d’emploi et la perception des allocations<br />

chômage. Si du côté des syndicats le mariage est considéré comme raté,<br />

le bilan est mitigé du côté des demandeurs d’emploi.<br />

A l’agence Pôle emploi de la Bastille de Grenoble, les fonctionnaires ne chôment pas. Toutes les<br />

minutes, la porte vitrée de l’agence claque derrière les allées et venues des demandeurs d’emploi.<br />

Mardi 3 novembre, à dix heures du matin, les agents travaillent depuis 8 h 30 et accueilleront encore<br />

les chômeurs sans discontinuer pendant plus de six heures. La veille, ils ont enregistré 30 nouvelles<br />

inscriptions. Vu l’affluence du jour, le rythme risque de perdurer.<br />

En entrant dans l'agence, le chemin semble simple. Une flèche à droite pour « l’espace découverte »,<br />

une à gauche pour « l’espace emploi ». Le premier sert à orienter les nouveaux arrivants, informer<br />

les bénéficiaires d’allocations sur leur situation et les payer. Le deuxième comporte une petite salle<br />

d’attente et un guichet pour les rendez-vous. Au milieu, une rangée d’une dizaine d’ordinateurs,<br />

chacun muni de sa propre imprimante pour les consultations des offres d’emplois, exclusives au<br />

réseau Pôle emploi.<br />

Un grand open space donc, ressemblant à un bureau SNCF un jour de grève, en ébullition permanente.<br />

Peu de moments de répit. Les panneaux digitaux censés afficher le numéro des ordres de passage<br />

ne fonctionnent plus. De toute façon, il n’y a pas de borne où prendre son ticket. Les conseillers<br />

courent dans tous les sens. L’une réoriente celui qui s’est trompé d’espace : il a choisi celui de<br />

« l’emploi » alors qu’il doit percevoir ses allocations à l’espace « découverte ». Ils font face à des<br />

situations différentes et imprévues. Aux personnes qui viennent pour trouver une formation, à ces<br />

gens qui parlent mal la langue française, ceux qui ne savent pas utiliser la borne téléphonique mise<br />

à disposition des usagers, ceux qui ont encore oublié la pièce manquante de leur dossier et qui<br />

commencent à se lasser de venir inutilement… Une agence Pôle emploi, cela ressemble d’abord à<br />

cela, un grand fourmillement où chaque problème est abordé comme il vient, en fonction de la<br />

personne qui se présente à l’agent.<br />

Chômage partiel<br />

Parallèlement, alors que 30 000<br />

salariés étaient au chômage<br />

partiel au 1 er trimestre 2008, ils<br />

étaient 320 000 au 2 nd trimestre<br />

2009 (INSEE).<br />

22<br />

Catégorie 1 : “ personne sans emploi immèdiatement disponible,<br />

tenue d’accomplir des actes positifs de recherche d’emploi,<br />

à durée indéterminée à temps plein “.


de raison ?<br />

Impressions<br />

Cette ambiance électrique n’est sans doute pas étrangère à la fusion<br />

Anpe/Assedic, amorcée en janvier 2009. L’agence de la gare, rue Émile<br />

Gueymard, ayant fermé depuis juillet, les inscriptions et indemnisations se font<br />

désormais au Pôle emploi de la Bastille, qui ne s’occupait auparavant que des<br />

recherches d’emploi. Ce rapprochement a peut-être renforcé l'aspect "miroir aux<br />

alouettes" de ce service public très particulier. Les chercheurs d'emploi,<br />

légitimement exigeants, ne peuvent que tomber de haut lorsque leurs attentes ne<br />

sont pas satisfaites. Leur déception se traduit parfois par une légère animosité<br />

face aux conseillers qui doivent encaisser ces multitudes de cas si différents.<br />

Gustavo, Italien, est un cas d'école. Il est arrivé en France il y a un mois pour se<br />

rapprocher de son fils, qu'il a eu avec une Française dont il est divorcé. Il se présente<br />

aujourd'hui pour son inscription. Après 1h30 d’attente pour un rendez-vous de<br />

15 minutes, celui-ci a été reporté pour cause de… problème d’imprimante ; il<br />

n’a donc pas reçu son attestation d’inscription. Il devra revenir jeudi pour commencer<br />

sa lettre de motivation et récupérer son attestation. Lui qui a vécu, étudié et<br />

travaillé aux Etats-Unis est un peu déboussolé par les démarches à entreprendre.<br />

« Je ne comprends pas le système, ici en France. Surtout en ce qui concerne<br />

l’administratif. Tu dois voir une personne, puis une autre, puis une autre, c’est<br />

très compliqué ! ». Comme beaucoup d’autres chercheurs, il songe déjà à<br />

d’autres solutions pour parvenir à ses fins. Il prospecte dans l'édition audiovisuelle,<br />

un secteur peu connu à l’agence.<br />

Finalement, les conseillers du Pôle emploi sont un peu comme des coachs.<br />

Nicolas, Jérôme, Gustavo, tous tiennent à peu près le même discours : « Les<br />

agents font face à des personnes tendues, parfois à bout. Ils se débrouillent<br />

comme ils peuvent et plutôt bien. En fin de compte, ils sont là pour nous dynamiser,<br />

savoir nous présenter, mais l’essentiel, c’est à nous de le faire. »<br />

Et ailleurs en Europe ?<br />

Raphaël Lizambard,<br />

Emilie Brouze<br />

Un guichet unique pour prestations et placement : le Job center britannique a<br />

inspiré le Pôle emploi français. « C’est l’une des formes de structure les plus<br />

abouties : elle est efficiente, économe… » explique Philippé Loppé de l’Alliance<br />

des villes pour l’emploi. « Chaque Etat dans l’Union Européenne établit un plan<br />

national d’accès pour emploi avec l’obligation de proposer un dispositif public.<br />

L’Europe offre plusieurs directives qui visent à la convergence des organisations.<br />

Elle ne décrit pas la structure à installer mais définit des finalités à atteindre,<br />

comme la proximité ou l’accueil. » Au Danemark depuis 2007, les Job centers<br />

regroupent les services de l’Etat qui suivent les chômeurs indemnisés et ceux de<br />

la municipalité qui s’occupent des personnes non indemnisées. Et depuis l’été<br />

2009, la gestion de ces structures a été confiée aux communes. L’Allemagne a<br />

un système similaire au Pôle emploi français avec les agences fédérales pour<br />

l’emploi. Mais Angela Merkel veut refonder ces structures d’ici 2010.<br />

23<br />

« Organiser dans la désorganisation »<br />

PIGÉreportage<br />

Gustavo est Italien, il est arrivé en France il y a un mois et cherche<br />

du travail dans l’édition audiovisuelle, « ce qui étonne les agents,<br />

car ils n’ont presque rien à me proposer ».<br />

Problèmes de formation, d’accueil et d’organisation : les syndicats régionaux<br />

critiquent la nouvelle structure. Ils ont participé à plusieurs manifestations<br />

et grèves, dès l’ouverture du Pôle emploi.<br />

Précipité et désorganisé. C’est le regard des syndicats sur le Pôle emploi,<br />

presque un an après la fusion. « On passe les décisions gouvernementales<br />

dans un délai très court. Aujourd’hui, on est dans une situation de recherche<br />

d’organisation dans la désorganisation », lance Serge Hostens, délégué<br />

syndical de Force ouvrière en Rhône-Alpes. Pour l’objectif du conseiller<br />

unique : « La formation du personnel aux deux métiers est limitée en temps :<br />

de trois à sept jours. Alors qu’il faut deux années d’apprentissage minimum.<br />

Cela ne permet pas de présenter aux chômeurs des agents compétents. »<br />

FO souhaite deux accueils sur un même site. « On ne veut pas être juge et<br />

partie. On demande à la même personne de calculer le droit pour les cotisations<br />

et de juger les capacités de recherche d’emploi… » Les sites mixtes posent<br />

le problème d’organisation de local - trop exigu parfois - et d’outils<br />

informatiques, que certains jugent insuffisants.<br />

La déshumanisation de l’accueil est également critiquée. « Les agents<br />

reçoivent dans des délais courts, parfois minutés. Il y a moins d’écoute.<br />

Quand les chômeurs quittent les formations collectives, ils ne savent parfois<br />

pas les choses basiques… » Sur la convention, chaque conseiller devait<br />

suivre 60 demandeurs d’emploi. « En 2008, les portefeuilles étaient de<br />

150 demandeurs d’emploi par conseiller… Ils sont de plus de 180 personnes<br />

par agent aujourd’hui (ndlr : 90 en moyenne en France, suivant la direction).<br />

Dans la région, on a eu 80 CDI et 67 CDD en plus, mais c’est encore<br />

insuffisant », affirme Viviane Fernandez, secrétaire régionale du FNU-FSU.<br />

Une désorganisation lourde à supporter. « Les dossiers de contentieux se<br />

multiplient, les demandeurs d’emploi sont agités et le personnel excédé et<br />

désabusé. On n’a pas accès aux arrêts de travail mais on se doute que les<br />

agents ne vont pas bien. Il y a aussi eu des suicides… »<br />

La fusion a réuni deux corps de métiers différents. « On a des statuts différents,<br />

des cultures différentes, pas les mêmes métiers et organisation… Tout cela<br />

aurait mérité beaucoup de travail en amont. » Former, s’organiser : tous<br />

s’accordent pour dire qu’il faut laisser du temps au temps.


PIGÉopposé<br />

Affichette de la votation<br />

citoyenne du 3 octobre<br />

2009.<br />

POUR<br />

La Poste doit-elle changer<br />

Planifiée à l’horizon de janvier 2010, la réforme du statut de la Poste en société<br />

anonyme divise la classe politique et les usagers du service public. Le projet de loi,<br />

examiné au Sénat début novembre, doit lui permettre d’émettre des actions, une<br />

initiative actuellement rendue impossible par son statut d’établissement industriel<br />

public et commercial (EPIC). Mais ses détracteurs craignent que le changement<br />

de régime m’entraîne, à terme, une privatisation de l’un des derniers emblèmes<br />

du secteur public.<br />

GEORGES COLOMBIER, député UMP de la 7 ème circonscription de l’Isère et élu<br />

du Conseil général du département, défend le changement de statut juridique<br />

de l’entreprise publique.<br />

L’opposition estime que le changement du statut de la Poste est un premier<br />

pas vers la privatisation…<br />

Pourquoi ce projet de loi ? C’est la Poste elle-même qui a demandé au gouvernement<br />

de changer son statut juridique pour bénéficier de financements complémentaires.<br />

Son statut d’EPIC ne lui permet pas d’avoir un capital social et donc d’émettre des<br />

Crédits : Service de presse de G. Colombier.<br />

actions. Elle ne peut se financer davantage par l’endettement, il est déjà de six milliards<br />

d’euros. Mais si elle passe d’établissement public à société anonyme, cela lui permettra<br />

d’augmenter son capital et d’émettre des actions nouvelles à destination des investisseurs. Après avoir demandé son avis<br />

à une commission de sages, le gouvernement a jugé la réforme nécessaire. Les socialistes ont raison de faire leur devoir<br />

d’opposition mais on m’affirme au plus haut niveau que la Poste n’est pas et ne sera pas privatisée.<br />

La Poste va-t-elle suivre l’exemple de France Telecom ou EDF-GDF, où les pouvoirs publics n’ont pas tenu leurs<br />

promesses ?<br />

Dès décembre 2008, Nicolas Sarkozy s’est engagé à des contreparties fortes. La loi le confirme : le capital sera à 100%<br />

public et détenu par la Caisse des Dépôts et Consignations. On maintient et on augmente les quatre missions de service<br />

public de la Poste. Et le statut des agents demeurera inchangé. Le financement de 2,7 milliards est un beau signe de<br />

confiance de l’Etat. Si, justement, l’Etat ne s’était pas engagé, on aurait à craindre légitimement pour l’avenir de la Poste<br />

alors que les services postaux étrangers se démènent pour obtenir des parts de marché, il y aurait eu un risque de privatisation.<br />

Le texte de loi garantit les quatre missions de service public, plus personne ne pourra y toucher. Aucun gouvernement<br />

n’avait été jusque là. L’aménagement du territoire est garanti sur les territoires les plus éloignés.<br />

Pourquoi ne pas l’inscrire dans la Constitution comme le proposent les socialistes ?<br />

Ces messieurs socialistes n’ont pas voté la révision constitutionnelle de juillet. Elle est passée de justesse. Ils ne l’ont même<br />

pas votée alors qu’ils en mouraient d’envie et que les enjeux étaient plus importants que ceux de la Poste et maintenant ils<br />

en appellent à elle. Je ne dis pas que le gouvernement est exemplaire, la vérité n’est pas toujours du même côté. Mais il<br />

serait bon que l’opposition accepte ce qui est positif. Je dirais la même chose de la droite, si la gauche était au pouvoir.<br />

Elie Cohen affirme que la Poste ne pourra à terme maintenir toutes ses missions de service public…<br />

Elie Cohen est un économiste. Je suis élu en milieu rural. Je n’ai pas intérêt à ce que la distribution du courrier ne se fasse<br />

pas. Je suis pour le maintien du service public de la Poste. Je serais le premier à râler si la Poste n’assurait plus sa mission<br />

d’aménagement. Je ne vais pas scier la branche sur laquelle je suis assis. J’ai longtemps été maire d’une petite commune<br />

et je suis député et élu du Conseil général dans un milieu rural. Il faut qu’elle continue à être telle qu’elle est mais qu’elle<br />

puisse aussi se battre à armes égales avec la future concurrence. Nous ne sommes pas des godillots dans la majorité, nous<br />

défendons les gens qui nous ont élus.<br />

Pourtant la votation citoyenne du 3 octobre a rassemblé plus de 2 millions de personnes.<br />

La consultation organisée à partir de la question d’Olivier Besancenot n’a aucune valeur ni sur le plan juridique, ni sur le<br />

plan pratique dans la façon dont elle s’est déroulée. Quand vous faites une consultation dans des communes uniquement<br />

dirigées par des élus socialistes, le résultat ne peut pas être objectif. De plus la question était biaisée. Il est évident que si<br />

on me pose la question « Etes vous pour la privatisation ? », ma réponse sera non.<br />

24


de statut ?<br />

FRANÇOIS BROTTES, député maire de Crolles et membre de la commission<br />

Ailleret pour le développement de la Poste, a pris la tête du collectif isérois<br />

contre la réforme du service public.<br />

Quels sont vos arguments contre le changement de statut ?<br />

Le changement de statut n’est ni imposé par l’Europe, ni indispensable. On a connu la<br />

même chose avec France Telecom et GDF, où la majorité n’a pas hésité à faire passer<br />

l’Etat sous la barre des 35% malgré ses promesses. L’Etat peut moderniser la Poste<br />

sans changer son statut : il dépense actuellement 100 millions d’euros pour soutenir la<br />

mission de service public en matière de distribution de la presse. Christian Estrosi a<br />

Crédits : Service de presse de F. Brottes.<br />

parlé d’ «imprivatisation», mais ce n’est ni français, ni de droite. La Constitution dans<br />

son préambule de 1946 stipule qu’un établissement qui exerce des fonctions monopolistiques - comme la Poste pour les<br />

envois inférieurs à 50 grammes - dans le cadre d’une mission de service universel ne peut être privatisé. La majorité a multiplié<br />

les amendements afin de contourner cette clause, qui était la seule garantie. Si la majorité est de bonne foi, alors qu’elle inscrive<br />

dans la Constitution le capital public de la Poste. On sait pertinemment qu’ils vont descendre sous la barre de 50%.<br />

Vous dénoncez un premier pas vers la privatisation de la Poste, mais la majorité rappelle que le gouvernement<br />

de Lionel Jospin est celui qui a le plus privatisé ces vingt dernières années (1) . Par ailleurs, c’est le Parti<br />

socialiste qui négocié la directive de 1997 sur l’ouverture à la concurrence du secteur postal...<br />

Il ne faut pas mélanger les genres. Thomson, EADS, ces privatisations concernaient des entreprises qui ne remplissaient<br />

pas une mission de service public mais qui relevaient du domaine industriel ou de l’aérospatiale. La gauche n’a jamais privatisé<br />

des établissements assurant un service public. On est dans le cadre de l’Union européenne, qui est libérale depuis longtemps.<br />

La gauche avait accepté l’idée que Bruxelles ouvre à la concurrence certains secteurs avec le maintien de deux domaines<br />

réservés : une prérogative exclusive pour le courrier inférieur à 50 grammes et le monopole d’EDF-GDF en matière d’énergie<br />

des ménages. Le compromis prévoyait une concurrence pour les services aux entreprises, à l’exception du niveau domestique.<br />

Cela n’a pas été facile, il y a eu des rapports de force, des négociations pour protéger l’égalité d’accès au service public.<br />

C’est la droite qui n’a pas poursuivi.<br />

La directive prévoit le maintien d’un service universel (2) , que craignez-vous?<br />

La directive garantit l’accès à un service pour tous mais pas au même tarif. Le service universel ne garantit pas un prix<br />

unique du timbre. La péréquation qui garantissait le même prix pour tous va prendre fin. Un envoi depuis la Corrèze coûtera<br />

plus cher que depuis le 15ème arrondissement de Paris. C’est l’un des principes fondamentaux de la République qui va<br />

disparaître. La France est aussi rurale et cette ruralité a le droit de vivre. Or, on va rentrer dans une logique de rentabilité<br />

pure qui va donner lieu à un nombre de jours de tournée réduit. Les facteurs ne pourront plus aller jusqu’au domicile des gens.<br />

Cela marque la fin de la présence postale territoriale avec des services dans bon nombre de villes et cela a déjà commencé.<br />

Certains commerçants remplissent déjà ce rôle de distribution du courrier. Il n’y aura plus de confidentialité.<br />

Qu’attendiez-vous de la votation citoyenne ?<br />

Ce référendum avait une fonction indicative. Mais il a rassemblé plus de 2 millions de personnes. Moi-même, j’ai été le<br />

premier surpris. Cela a montré au gouvernement que les Français étaient sensibles à la question. On a défendu ce référendum<br />

car la réforme n’était pas prévue dans le programme de Nicolas Sarkozy. Quand on franchit les lignes jaunes sur des sujets<br />

comme ça, les Français doivent être concertés.<br />

(1) Dominique Strauss Kahn, alors ministre de l’Economie, s’était engagé à ne pas privatiser France Telecom : « Parce qu’il y a une mission de service public, les socialistes<br />

souhaitent que France Telecom reste avec un capital à 100% public ». Une fois au pouvoir, les socialistes se ravisent et ouvrent le capital, dont ils mettent 20,9% sur le marché.<br />

(2) La distribution et le ramassage du courrier au moins cinq jours par semaine.<br />

Propos recueillis par Anne-Sophie Pierson<br />

25<br />

PIGÉopposé<br />

La votation citoyenne à Grand’Place, le 3 octobre 2009.<br />

90% des 2 millions de votants ont répondu NON au changement de statut de la Poste. Crédit : DR<br />

CONTRE


PIGÉculture<br />

AÀ bientôt 60 ans, Jean-Claude Gallotta<br />

ne cesse de se renouveler.<br />

Avec l’Homme à tête de chou,<br />

son dernier spectacle, le chorégraphe<br />

s’adresse à un public plus large<br />

qu’à l’accoutumée. Gallotta y mêle danse<br />

et poésie, celle de Serge Gainsbourg<br />

revisitée par la voix ténébreuse de feu<br />

Alain Bashung. Le spectacle est joué<br />

au Théâtre du Rond-Point à Paris,<br />

en décembre, et résonne forcément<br />

comme un hommage vibrant à l’un des<br />

derniers représentants du rock français,<br />

décédé en mars dernier.<br />

Jean-Claude Gallotta<br />

et le fantôme de Bashung<br />

Crédits : Guy Delahaye.<br />

Du 12 au 15 novembre dernier s’est tenu à la<br />

MC2 de Grenoble l’un des spectacles les plus<br />

marquants de la saison. Il a fallu d’ailleurs<br />

rajouter une représentation, celle du 15<br />

novembre. Suffisamment important pour faire<br />

se déplacer le Ministre de la culture en<br />

personne, Frédéric Mitterrand. Jean-Claude<br />

Gallotta reconnaît lui-même que la mort<br />

d’Alain Bashung n’est sûrement pas étrangère<br />

à cet engouement autour du spectacle : « Les<br />

journalistes viennent encore pour les premières,<br />

mais le ministre qui s'annonce en grande<br />

pompe, c'est l'effet Bashung certainement<br />

(…) Beaucoup de gens vont venir pour<br />

Bashung et Gainsbourg. Il y a un effet public<br />

que je n’ai encore peut-être jamais eu. »<br />

Un tel scénario n’était pas écrit à l’avance.<br />

L’histoire commence en 2004, lorsque Bashung<br />

vient donner un concert pour l’inauguration<br />

de la MC2, anciennement baptisée « Le<br />

Cargo ». Gallotta y donne un spectacle, « My<br />

Rock ». Les deux artistes se rencontrent mais<br />

le chorégraphe décline une offre de Bashung,<br />

qui veut intégrer un peu de danse à son<br />

concert. Un an plus tard, Gallotta commence<br />

à réfléchir à un spectacle mettant en scène<br />

« L’Homme à tête de chou », un album de<br />

Serge Gainsbourg sorti en 1976. Il veut en<br />

faire une chorégraphie en rejouant la<br />

musique. Alors qui pour réinterpréter l’œuvre<br />

de Gainsbourg, tâche a priori très difficile ?<br />

Gallotta pense automatiquement à Bashung.<br />

Ce dernier, pas rancunier, oublie le refus de<br />

l’année précédente et accepte de collaborer<br />

au projet du chorégraphe.<br />

L’idée d’origine était de chanter sur scène<br />

avec des musiciens et des danseurs. Mais<br />

entre-temps Bashung tombe malade, et il<br />

n’aura eu l’occasion d’enregistrer qu’une<br />

maquette avec une voix encore pleine. « Quand<br />

Alain m’a dit qu’il ne pouvait plus le faire, je<br />

voulais tout arrêter. C’est lui qui m’a dit non,<br />

26<br />

Jean-Claude Gallotta,<br />

photographié en avril 2009.<br />

on continue, on est aux trois-quarts de la<br />

bande-son », confie Jean-Claude Gallotta.<br />

C’est donc un premier jet qui sert d’outil de<br />

travail au chorégraphe pour ses répétitions.<br />

« Au début, c’était terrible de continuer les<br />

répétitions sachant qu’il n’était plus là.<br />

Maintenant, à force, on s’habitue. Quand on<br />

prend des petits bouts de la maquette, la<br />

répétition est très technique, axée sur la<br />

danse, on n’écoute presque pas la musique.<br />

Mais quand on fait un filage (répétition<br />

générale), l’émotion revient. »<br />

Jean-Claude Gallotta ne veut pas entendre<br />

parler d’hommage, en tout cas pas pour<br />

le moment. « Je veux que ça vienne<br />

spontanément, je ne veux pas y penser à<br />

l’avance. Évidemment, on se le rappellera<br />

avec les danseurs en coulisse, avant d’entrer<br />

sur scène. Mais je ne sais pas encore si<br />

je prendrai la parole. »<br />

Il n’empêche, ce spectacle ne peut faire<br />

abstraction de l’hommage qu’il représente à<br />

la mémoire du chanteur défunt. Et si, devant<br />

son public, le chorégraphe de renom reste<br />

timide, voire pudique. En privé, il avoue sans<br />

problème son admiration pour les artistes<br />

avec qui il partage l’affiche. « Pour ce<br />

spectacle, c’est plus facile, ce sont eux qui<br />

amènent beaucoup. Il y a quelque chose de<br />

populaire chez eux mais ils racontent des<br />

histoires profondes, ce sont des intellos en<br />

quelque sorte. Le côté sombre recherchant<br />

une lumière, sur ça je me sens assez proche<br />

d’eux. Si j’étais musicien ou compositeur,<br />

ça se rapprocherait de ça. » Une admiration<br />

particulière pour Bashung : « J’écoute peu la<br />

chanson, et encore moins la chanson<br />

française mais Bashung, lui je l’écoutais. »<br />

Raphaël Lizambard


Lyon, capitale<br />

d’art lyrique<br />

Opéra et pouvoir vont de pair. La création<br />

de centres lyriques forts à Lyon et dans<br />

les autres des grandes villes européennes<br />

ne peut être dissociée de la volonté<br />

des élites. A l’époque baroque déjà,<br />

les représentations avaient lieu dans les<br />

demeures princières. Si en Allemagne<br />

la multiplication des pouvoirs locaux a<br />

permis à toutes les villes grandes<br />

et moyennes d’avoir un opéra, en<br />

France du fait du centralisme seules<br />

quelques villes, Paris en tête, sont<br />

devenues des centres d’art lyrique.<br />

Grenoble n’est pas l’une d’entre elles,<br />

Lyon si. La puissance de la bourgeoisie<br />

industrielle et marchande de Lyon<br />

explique en grande partie la construction<br />

de l’opéra au XIX ème siècle. Il constituait<br />

un lieu de pèlerinage pour les amateurs,<br />

mais aussi de sociabilité : on discutait,<br />

marchandait autant que l’on écoutait.<br />

Dans la seconde moitié du XX ème siècle,<br />

l’opéra prend place parmi les politiques<br />

culturelles de plusieurs municipalités<br />

et dans les projets d’aménagement<br />

urbain. La nécessité d’obtenir un<br />

espace beaucoup plus grand face à<br />

l’augmentation du nombre d’artistes<br />

et de représentations, ainsi que la<br />

volonté affichée par la ville de Lyon de<br />

Peut-on faire de l’opéra<br />

sans opéra ? D’un côté,<br />

une ville comme Lyon,<br />

qui consacre 14 800 m 2<br />

d’espace en plein cœur<br />

de ville à l’art lyrique et<br />

à la danse depuis 1993.<br />

De l’autre, Grenoble, qui<br />

n’a aucune maison<br />

d’opéra sur son sol mais<br />

ne renonce pas pour<br />

autant à un agenda<br />

culturel en la matière…<br />

donner une envergure internationale à<br />

son opéra, ont été déterminantes dans<br />

sa reconstruction. Le volume a alors<br />

été multiplié par trois. L’opéra est<br />

devenu un outil de promotion de la ville,<br />

« une vitrine culturelle », qui d’ailleurs<br />

peut être vue de plusieurs points de la<br />

capitale régionale, notamment de la<br />

cour de l’hôtel de ville !<br />

L’opéra de Lyon<br />

un opéra national en région<br />

Ce statut, il l’obtient en 1996 et passe<br />

un contrat avec l’Etat et le Ministère<br />

de la culture l’obligeant à avoir un<br />

rayonnement régional. Il diffère en<br />

cela d’un opéra municipal comme<br />

celui de Marseille. Le cahier des charges<br />

comprend plusieurs objectifs. Outre<br />

une exigence de qualité artistique, de<br />

promotion d’œuvres contemporaines,<br />

de sensibilisation d’un public non initié,<br />

l’opéra de Lyon doit diffuser l’art<br />

lyrique dans la région en assurant un<br />

minimum de représentations hors<br />

siège. Cependant Michel Orier, directeur<br />

de la Maison de la Culture à Grenoble<br />

(MC2), juge le volet régional peu efficace.<br />

« L’opéra de Lyon comme tous les<br />

opéras est dans une espèce de bulle.<br />

27<br />

C’est une très grande maison mais sa<br />

vocation régionale, je la cherche<br />

encore ! Je pense que c’est lié au fait<br />

qu’il y ait un système autoroutier et<br />

ferroviaire assez performant pour que<br />

les gens se déplacent jusqu’à Lyon<br />

mais ça ne dépasse pas ça. Quand on<br />

fait venir l’orchestre de l’opéra de<br />

Lyon à Grenoble, on l’achète à un prix<br />

de marché qui serait exactement le<br />

même s’il passait à Nogent-le-Rotrou<br />

ou Strasbourg. »<br />

" Grenoble : d'autres voies, d'autres<br />

défis "<br />

La diversité a primé sur l’agglomération<br />

grenobloise avec un bon nombre de<br />

salles de spectacle généralistes. Mais<br />

l’opéra reste un genre majeur. Michel<br />

Orier évoque la question des coûts<br />

financiers qui expliquent la plus faible<br />

représentation de cet art sur Grenoble :<br />

« Programmer un opéra coûte à une<br />

salle environ 150 000 euros de plus<br />

par soir qu’un spectacle classique, de<br />

musique ou de théâtre. Il vaut mieux<br />

être dédié intégralement à l’art<br />

lyrique, en produire et en accueillir. Le<br />

budget de la MC2 est de 6 millions,<br />

celui de l’opéra de Lyon c’est 30 millions<br />

PIGÉculture<br />

Crédits : Pigé<br />

d’euros ! » Grenoble n’est pas pour<br />

autant une ville sans opéra, seulement<br />

il s’agit d’un opéra sans lieu. Cette<br />

dernière configuration offre une large<br />

variété d’œuvres. Des œuvres classiques<br />

sont jouées à la MC2, à la Rampe ou<br />

au Théâtre de Grenoble. Des opérettes<br />

sont à l’affiche, d’Offenbach entre<br />

autres, ainsi que des créations nettement<br />

plus expérimentales dans le cadre du<br />

festival des 38 ème Rugissants par<br />

exemple. Il y a également les retransmissions<br />

en direct et sur grand écran<br />

des œuvres du Metropolitan Opera<br />

new-yorkais diffusée au cinéma<br />

Chavant. On joue enfin à Grenoble<br />

des opéras à grande échelle. Une salle<br />

comme le Summum, par exemple,<br />

offre des représentations sonorisées,<br />

comme celle de La Traviata en 2008<br />

ou de La flûte enchantée en 2007.<br />

Pour le directeur de la MC2, ces<br />

dernières initiatives relèvent davantage<br />

du son et lumière que de l’art lyrique :<br />

« Il vaut mieux aller voir une comédie<br />

musicale. Je pense que l’opéra, c’est<br />

autre chose, on tord un peu le bras au<br />

genre. »<br />

Blandine Guignier


PIGÉculture<br />

La Bobine, ancien lieu. Crédits : Pigé<br />

Remue-ménage dans<br />

les salles alternatives<br />

Déménagement pour la Bobine, grands travaux et nouveau nom<br />

pour l’Adaep, il y a du changement dans les lieux culturels alternatifs<br />

grenoblois. A chacun sa formule, mais toujours le même objectif :<br />

rester des lieux de vie où l’on accueille tout le monde, petits groupes<br />

locaux ou formations plus connues. Slam, chanson française,<br />

danse folklorique, cinéma, reggae, électro… dans ces salles,<br />

il y en a encore pour tous les goûts et à moindre coût.<br />

La Bobine<br />

file au parc<br />

Paul Mistral<br />

La Bobine, lieu<br />

culturel grenoblois<br />

incontournable<br />

créé en 2005,<br />

déménage au parc<br />

Paul Mistral dans la salle de l'ancien bowling, dès le 11 janvier<br />

2010. Bar-restaurant, salle de concerts et d'expositions, studios<br />

d'enregistrement et de répétition, la Bobine, c'est tout ça à la fois.<br />

Si le lieu change, le concept reste le même. Ce déménagement<br />

n'était pas vraiment voulu. En juin 2007, le bail du local du 3 rue<br />

Clément, dans le quartier Berriat, s’achève sans renouvellement<br />

possible. La Bobine est obligée de trouver un autre lieu. Le mois<br />

suivant, la mairie fait sept propositions. L’ancien bowling, au parc<br />

Paul Mistral, est retenu. Pour Eric Ghénassia, directeur de Projet<br />

Bob (l’association à l’origine de cet ensemble culturel), l’enjeu est<br />

de « réussir à maintenir fortement l’identité du lieu », tout en<br />

sachant qu’il sera désormais situé dans « un énorme parc où il ne<br />

se passe rien », où la vie de quartier est plutôt limitée. Même si elle<br />

se dit confiante, l’équipe a des appréhensions. L’emplacement<br />

d’abord puisque, contrairement aux locaux actuels, la future Bobine<br />

ne se situe pas dans un quartier aussi dynamique et populaire.<br />

« On essaie de préparer au mieux, de communiquer et de rencontrer<br />

des habitants du coin ». La présence du cinéma Pathé Chavant et<br />

du stade des Alpes n’est pas là pour rassurer. « Nous ne voulons<br />

pas devenir la brasserie du parc, nous souhaitons maintenir le projet<br />

culturel », soutient Eric Ghénassia.<br />

En attendant l’ouverture prochaine, les travaux s’organisent selon<br />

un planning assez particulier. Ici, tout le monde met la main à la<br />

pâte. Après le gros œuvre, financé pour moitié par les collectivités<br />

territoriales, les travaux participatifs de peintures et d’enduits ont<br />

commencé. L’occasion de rencontrer de nouveaux bénévoles, mais<br />

aussi de s’approprier les locaux que l’équipe estime « plus grands<br />

et agréables à fréquenter ». Le public pourra en juger le 11 janvier,<br />

jour de l’ouverture, mais aussi lors de la « pendaison de crémaillère »,<br />

les 20 et 21 du même mois. Week-end en musique, à la Bobine,<br />

ça va déménager!<br />

28<br />

L’Ampérage<br />

au démarrage<br />

L’Adaep (Association pour la diffusion<br />

des arts et expressions populaires)<br />

n’existe plus depuis novembre 2007,<br />

après le couperet d’une liquidation<br />

judiciaire due à d’énormes dettes.<br />

Mais cette association grenobloise<br />

d’encouragement à la pratique, la<br />

transmission, la diffusion de toutes les<br />

formes culturelles n’a pas dit son dernier<br />

mot. Des habitués et des acteurs de<br />

l’Adaep se sont mobilisés pour<br />

sauver le lieu. Début 2008, l’équipe<br />

réanime une association en sommeil,<br />

le Stud - qui s’occupait d’un studio<br />

d’enregistrement -, et c’est reparti…<br />

Pour Gilles Rousselot, l’actuel directeur,<br />

« l’Adaep a coulé car les politiques<br />

culturelles orientent leurs financements<br />

principalement vers des pratiques<br />

élitistes, mais aussi à cause d’une<br />

mauvaise gestion de projets, d’une<br />

insuffisance de visibilité, d’une<br />

équipe instable et d’un manque de vie<br />

associative ».<br />

Crédits : "Le Stud"<br />

Crédits : "Le Stud"<br />

Derniers préparatifs, avant l’ouverture.<br />

Un lieu tout nouveau, tout beau<br />

Alors, quoi de neuf au 163 cours<br />

Berriat ? Le cadre est bien meilleur :<br />

la salle est désormais aux normes,<br />

sécurisée, équipée de matériel pour le<br />

son et la lumière, d’un endroit pour<br />

fumer. Les associations qui viennent<br />

monter des projets disposent désormais<br />

d’une aide professionnelle pour la<br />

gestion d’un évènement, ainsi que de<br />

techniciens de scène. Question<br />

argent, Gilles Rousselot explique que<br />

« les financements publics se sont<br />

accrus mais restent insuffisants par<br />

rapport aux subventions que reçoivent<br />

les grosses salles grenobloises<br />

comme Le Ciel ». Pour marquer<br />

l’identité toute neuve du lieu, la salle<br />

l’Ampérage a été inaugurée en<br />

septembre 2009. Le volet bal folk<br />

disparaît, mais la programmation<br />

(courts-métrages, reggae, slam, bal<br />

brésilien…) est plus que jamais<br />

éclectique, avec parfois jusqu’à cinq<br />

soirées par semaine.<br />

Camille Dubruelh<br />

et Lucie de la Héronnière


Quand la chimie<br />

amuse nos papilles<br />

Vous avez dit cuisine moléculaire ?<br />

Après les grands restaurants, cette nouvelle<br />

tendance investit peu à peu les cuisines des<br />

particuliers. Objectif : déconstruire les codes<br />

de la cuisine traditionnelle, sans perdre de vue<br />

l’essentiel… le goût.<br />

Pigémagazine a testé pour vous la fabrication<br />

et la dégustation.<br />

Cuisiner moléculaire, c'est un peu un retour à la dinette de notre enfance. On s'imagine<br />

chimiste, grand cuisinier ou sorcière, et on se prend au jeu. C'est beau et amusant. Les<br />

goûts sont les mêmes, mais les textures changent, et ce sont des sensations plutôt<br />

étranges qui remuent nos papilles.<br />

Pour en savoir plus direction la cuisine-labo de Kalys, une entreprise qui vend des kits de<br />

préparation de cuisine moléculaire destinés aux particuliers.<br />

Jean-Marc, responsable de la recherche et du développement chez Kalys, nous a offert<br />

notre premier cours. En un après-midi, nous avons appris à faire plein de jolies petites<br />

billes de sirop de toutes les couleurs.<br />

Comment ça se passe ? Le principe est assez simple. Quelques ingrédients de base sont<br />

nécessaires, du lactate (de l'acide lactique) et de l'alginate (de la poudre d'algue).<br />

L'important est d'avoir les bonnes doses de ces ingrédients étranges. Pour commencer,<br />

on mélange 200 ml d'eau pauvre en calcium avec deux grammes d'alginate. On verse<br />

ensuite dans des petits verres cette préparation, à laquelle on ajoute des sirops aux goûts<br />

différents. Dans un autre récipient, on mélange six grammes de lactate avec 400 ml d'eau.<br />

Vient ensuite la partie plus délicate : la réalisation des billes. Selon la taille de la bille désirée,<br />

on utilise une pipette (pour les petites) ou une cuillère spéciale, de forme arrondie.<br />

On verse délicatement la préparation d'alginate au sirop dans celle au lactate. Magique…<br />

des petites billes se forment, par un procédé appelé la « sphérification ». On peut en faire<br />

de toutes les tailles, de tous les goûts et c'est plutôt facile à réaliser.<br />

La texture est surprenante. Autour de la bille, une pellicule un peu gluante s'est formée,<br />

à l'intérieur, c'est du sirop liquide.<br />

Ce genre de préparation n'est pas fait pour être dégustée seule. Plongées dans du<br />

champagne ou du vin blanc, des billes de sirop de cassis produiront, par exemple, un kir<br />

original et goûteux.<br />

Dans le laboratoire de Kalys, la cuisine est un jeu. Crédits : Pigé<br />

Camille Dubruelh et Lucie de la Héronnière<br />

29<br />

PIGÉtesté<br />

Cette belle brochette alterne du bœuf, des cubes de moutarde<br />

à l’allure de pâte de fruit, des dés de sauce béarnaise,<br />

panés, au délicieux cœur sirupeux.<br />

Du côté des chefs ?<br />

A Paris, le jeune chef Julien Agobert, du restaurant MONJUL, (28, rue des<br />

Blancs Manteaux) utilise dans ses cuisines des procédés moléculaires<br />

« avec parcimonie ». « Il faut commencer par maîtriser les bases de<br />

la cuisine traditionnelle pour ensuite s’amuser et créer… Le plus<br />

intéressant, c’est d’apporter une nouvelle texture à l’aliment »<br />

précise-t-il. C’est sûr, on est loin de s’ennuyer chez Julien, quand<br />

débarque la « brandade de morue frite en finger, croustillant de<br />

pomme de terre au nori, citron rafraîchissant ». Grâce à l’agar-agar,<br />

produit gélifiant à base d’algues, ce plat de poisson prend la forme<br />

de frites, à la croûte épaisse, bien croustillante et à l’intérieur plus<br />

liquide. A tremper dans une coupelle d’émulsion de citronnade,<br />

obtenue grâce à la iota, un autre gélifiant, qui donne une texture de<br />

gel douche bien rafraîchissante ! Le siphon, réalisant de délicates<br />

mousses, avec ou sans ingrédients texturants, permet de créer une<br />

aérienne mousse au chocolat, piquée de bonbons pétillants,<br />

chimiques et régressifs, pour accompagner un Snickers fait<br />

maison… Loin de la nourriture des cosmonautes et du kit du petit<br />

chimiste, c’est copieux, pas surchargé en saveurs. On y retrouve les<br />

goûts connus. Un clash inédit et bluffant.<br />

Cuisine moléculaire, un danger pour l’estomac ?<br />

En février, The Fat Duck, un restaurant londonien spécialisé dans la<br />

cuisine moléculaire, a fermé pour cause d’intoxications alimentaires.<br />

En Espagne, Ferran Adria, chef d’El Bulli et fer de lance de la<br />

mouvance, est accusé d’ « empoisonner ses clients avec des<br />

produits chimiques » par son rival Santi Santamaria… Alors, péril<br />

dans les cuisines ? Certes, les gélifiants, émulsifiants et autres additifs<br />

aux noms mystérieux sont souvent chimiques et artificiels, mais pour<br />

l’instant, aucune toxicité réelle n’a été prouvée. Ces ingrédients, bien<br />

autorisés par les normes européennes, sont, en outre, déjà utilisés<br />

en masse par l’industrie agro-alimentaire…


PIGÉsport<br />

30<br />

Free ride baby !<br />

librement hors des sentiers<br />

battus avec ses skis ou son snowboard,<br />

goûter aux délices des grands<br />

espaces, « faire sa trace » en toute<br />

indépendance, c’est<br />

l’essentiel du free ride. Une pratique<br />

à risque, aussi bien aux Sept Laux<br />

qu’au fin fond des Andes ou de<br />

FreeGlisser<br />

l’Alaska, mais pas à la portée de tous.<br />

Le free ride en vidéo...<br />

www.fluofun.fr<br />

www.skipass.com<br />

Les 2 Alpes,<br />

terrain de jeux des riders grenoblois.<br />

First track (Premier passage)<br />

à La Plagne.<br />

Credits : Arnaud Becquet<br />

« Tu ne peux pas imaginer le bonheur<br />

d’être dans un champ vierge et pur,<br />

toi tout seul au milieu, c’est magique,<br />

une décharge d’adrénaline incroyable,<br />

une sensation que tu ne peux pas<br />

retrouver ailleurs, même dans les autres<br />

formes de glisse ». Antoine, free rider<br />

du dimanche, parle ainsi de son<br />

occupation des week-ends hivernaux.<br />

Tracer d’éphémères trajectoires, sur<br />

des pentes non damées...<br />

Puristes et amateurs<br />

Bien sûr, il existe une différence entre<br />

ceux qui recherchent la neige fraîche<br />

en station, à quelques mètres des<br />

pistes, et ceux qui se font déposer en<br />

hélicoptère en haut d’une montagne,<br />

pratique interdite en France. Mais à<br />

peu de choses près, l’esprit reste le<br />

même. Les riders qui suivent la neige<br />

aux quatre coins de la planète sont<br />

souvent sponsorisés par de grandes<br />

marques, qui repèrent des jeunes<br />

talents par le biais des vidéos, diffusées<br />

en masse sur Internet, et des<br />

compétitions. Ces « contests » sont d’un<br />

genre bien particulier : les participants<br />

montent au sommet d’une face<br />

escarpée, repèrent leur itinéraire et se<br />

lancent. En face, des juges équipés<br />

de jumelles évaluent l’audace des<br />

obstacles franchis, le côté spectaculaire,<br />

l’élégance et le chronomètre… Pas<br />

loin de Grenoble, le Derby de la Meije<br />

réunit ainsi chaque année des<br />

centaines de compétiteurs qui dévalent<br />

le sauvage Dôme de la Lauze, sans<br />

porte ni tracé imposé. Sauts de barres<br />

Des sensations aériennes aux Orcières.<br />

rocheuses et passages d’étroits couloirs<br />

au programme. Il s’agit d’ « envoyer<br />

du gros » sur 1850 mètres de dénivelé,<br />

les meilleurs arrivant en près de dix<br />

minutes, les moins pressés en une<br />

heure…<br />

De la poudre et des potes<br />

Mieux vaut être bien équipé pour se<br />

délecter de bonne neige fraîche. On<br />

s’y enfonce, des skis et des snowboards<br />

plus larges et plus souples apportent<br />

donc plus de confort. Les nouveautés<br />

techniques donnent des sensations<br />

de véritables coussins d’air glissants!<br />

La recherche de la poudreuse, peuf<br />

ou pow pour les intimes, est aussi une<br />

histoire de groupes. Mathieu, free rider<br />

amateur, explique que sa préférence<br />

va vers le ski loin des pistes, car « c’est<br />

une sorte de huis-clos, pas accessible<br />

à tout le monde, ça se passe entre tes<br />

potes et toi. C’est un trip social qui<br />

resserre les liens entre ceux qui ont<br />

envie de le vivre ». Les « crews » -<br />

c'est-à-dire les groupes, équipes -<br />

autoproclamés sont légion dans le<br />

milieu…<br />

Des risques mesurés<br />

Pour ces riders, la mise en danger n’est<br />

pas recherchée en tant que telle, mais<br />

la pratique impose d’accepter les<br />

pentes périlleuses. Antoine continue :<br />

« A part quelques têtes brûlées, on<br />

mesure le risque en fonction de notre<br />

niveau, de notre entraînement, de la<br />

stabilité du manteau neigeux. Mais il<br />

faut quand même avouer que l’on se<br />

dit parfois que les avalanches, ça<br />

n’arrive qu’aux autres… ». Et au cas<br />

où, beaucoup de riders s’équipent<br />

d’un ARVA (Appareil de Recherche de<br />

Victime d’Avalanche), boîtier sanglé<br />

qui émet et reçoit des ondes, et d’une<br />

pelle et d’une sonde. On peut aussi<br />

choisir l’option des nouveaux hors-pistes<br />

sécurisés, comme il en existe aux<br />

Sept Laux : la zone n’est pas damée,<br />

mais des pisteurs l’entretiennent en<br />

déclenchant une avalanche à chaque<br />

chute de neige. L’EGUG (Ecole de<br />

glisse des universités de grenoble)<br />

propose des modules de free ride.<br />

Benoît Koch est moniteur de ski, habilité<br />

à emmener des groupes dans des<br />

hors-pistes de proximité : « on fait ça<br />

de manière très sécurisée, avec au<br />

préalable des sessions d’explication<br />

théorique aux dangers du domaine<br />

non damé, et des formations à la<br />

pratique de l’ARVA, à la manière de<br />

rechercher une victime et de sonder ».<br />

Ce moniteur de l’EGUG souligne aussi<br />

qu’on se pose plein de questions<br />

avant de se lancer, « ce versant n’est-il<br />

pas trop exposé ? Qu’en est-il de son<br />

inclinaison ? Quels sont les obstacles<br />

invisibles pour moi, ou repérés à la<br />

montée ? Il faut être sûr de soi, ce qu’on<br />

recherche c’est avant tout le plaisir de<br />

la neige et de la pente ». Tout comme<br />

la pureté et l’indépendance. Free ride<br />

baby.<br />

Lucie de la Héronnière


Dangers et législation<br />

Les champignons à psylocibine peuvent causer des accidents psychiques graves<br />

et durables. On parle alors de « syndrome post-hallucinatoire persistant », à savoir<br />

angoisses, phobies, dépression avec des envies de suicide mais aussi bouffées<br />

délirantes aiguës.<br />

En France, les champignons hallucinogènes (psylocibine et autres types) sont<br />

inscrits sur la liste des stupéfiants depuis le 1er juin 1966. La possession, l'usage,<br />

la détention, le transport et le ramassage sont passibles de sanctions pénales.<br />

Si les champignons hallucinogènes sont la drogue hallucinatoire la plus utilisée<br />

en France (environ 3%* de la population entre 18 et 64 ans en a déjà consommé),<br />

ils représentent une très faible part de l'ensemble de saisies de drogues<br />

illicites (0,3%*). En 2005 en France, 175 interpellations pour usage simple de<br />

champignons hallucinogènes ont eu lieu, selon les chiffres de l'Office central<br />

pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (O.C.R.T.I.S.).<br />

Chiffres : * baromètre santé 2005 de l'INPES<br />

Délire champêtre<br />

31<br />

Pierre* est de ceux pour qui cette<br />

activité est devenue coutumière.<br />

Depuis cinq ans maintenant, il y<br />

retourne chaque année, et toujours au<br />

même endroit, à Chamrousse. 1600<br />

mètres d’altitude, c’est à peu près<br />

l'altitude nécessaire pour que les<br />

champignons apparaissent sous les<br />

touffes d’herbes des futures pistes de<br />

ski. Pour l’heure, il est encore temps<br />

de ramasser ce que l’on est venu<br />

chercher. Il ne faut pas traîner, la<br />

« saison » est plutôt courte, entre le<br />

début des pluies d’octobre et les<br />

premières neiges de novembre.<br />

Certaines années sont parfois moins<br />

bonnes que d’autres et le cru 2009 se<br />

fait attendre. En ce vendredi 23<br />

octobre, les champs sont encore trop<br />

secs et les champignons magiques<br />

rares. Sachant qu’il faut cueillir entre<br />

20 et 40 champignons pour une<br />

« dose », il faudra donc revenir pour<br />

une cueillette plus profitable. Les<br />

cueilleurs peuvent, en effet, en tirer<br />

quelques bénéfices à la revente. Cette<br />

année, Pierre y songe, même si<br />

l'essentiel de sa cueillette est destinée<br />

à sa consommation personnelle et à<br />

celle de ses amis. L'expédition prend<br />

du temps et les risques encourus sont<br />

importants, jusqu’à 9 000 euros<br />

d’amende et 2 ans de prison.<br />

Petit plaisir, danger réel<br />

« Se faire plaisir » et passer, ensuite,<br />

une soirée ou une nuit un peu<br />

particulière, c’est la récompense de<br />

la cueillette. « Les effets varient<br />

beaucoup selon les consomateurs.<br />

Personnellement, j’ai des hallucinations<br />

qui me font voir des êtres, comme un<br />

lutin à la place d’un buisson, par<br />

exemple. J’aime aussi en prendre en<br />

concert, tu peux avoir des hallucinations<br />

sonores, entendre des variations de<br />

PIGÉdécalé<br />

CChamrousse, une petite station de ski familiale ? Pas seulement.<br />

À l'automne, avant l'arrivée des premières neiges, quelques<br />

habitués se livrent à un autre type d'activité peu recommandée<br />

pour les enfants : la cueillette des champignons hallucinogènes.<br />

Ils se ramassent ici, dans les champs, à 45 minutes de Grenoble.<br />

Petite promenade avec l'un de ces cueilleurs de champignons.<br />

Crédits : Pigé<br />

tempo, ralentissements ou accélérations<br />

», affirme-t-il.<br />

Petit, de couleur brune avec un chapeau<br />

en cloche et une fine tige de 5 cm<br />

maximum, le champignon hallucinogène<br />

français, appelé champignon à psylocibine,<br />

est facilement reconnaissable.<br />

En séchant, le chapeau devient blanc<br />

et devient plus facile à consommer. Le<br />

goût importe peu, comme la façon de<br />

les consommer. Ce qui compte, ce<br />

sont les effets. Ils se font sentir<br />

1 heure à 1 heure 30 après l’ingestion<br />

et pendant 8 à 10 heures. Les<br />

hallucinations proprement dites durent<br />

environ 2 heures et précèdent une<br />

longue période de « descente », pendant<br />

laquelle le consommateur ressent les<br />

effets désagréables, comme le stress,<br />

l'angoisse.<br />

La prise de champignons hallucinogènes<br />

reste une « intoxication<br />

volontaire » selon le terme médical.<br />

Cette cueillette a parfois été chantée<br />

joyeusement (Mangez-moi, de Billy Ze<br />

Kick) à un jeune public, mais il ne faut<br />

pas en occulter les réels dangers.<br />

* Le prénom a été modifié par souci d'anonymat.<br />

Crédits : Pigé<br />

Raphaël Lizambard<br />

et Camille Dubruelh


PIGÉLe<br />

journal de l'IEPG<br />

magazine<br />

À voir aussi sur pigemag.com<br />

Le site internet d’information du master<br />

journalisme de l’IEP de Grenoble.<br />

Fête le mur,<br />

pas la guerre<br />

Jeudi 12 novembre, 150 étudiants environ s'étaient réunis à EVE (Espace de<br />

Vie Etudiante du Campus de Grenoble/Saint-Martin-d’Hères) pour fêter les<br />

20 ans de la chute du mur de Berlin.<br />

Mais en quoi se sentaient-ils concernés par cette commémoration ?<br />

Raphaël Lizambard, Florent Lévy, Léa Lejeune<br />

" Radis joli " vend ses légumes<br />

sur le Campus<br />

"Radis Joli", c’est le nom qu’a pris l’Association<br />

pour le maintien de l’agriculture paysanne<br />

(AMAP) du campus de Saint-Martin-d’Hères.<br />

Tous les lundis soirs à 18h, plus de 40<br />

membres viennent chercher leurs paniers de<br />

légumes biologiques, cultivés par des<br />

producteurs locaux.<br />

Fanny Bouteiller et Anne-Laurence Gollion<br />

Nauru, la descente aux enfers d’un<br />

paradis sur terre<br />

Nauru. Ce nom ne vous évoque peut-être pas<br />

grand-chose. Et pourtant, en soixante ans, ce<br />

minuscule Etat du Pacifique est passé de la<br />

prospérité à la pauvreté, du consumérisme<br />

effréné à la misère sociale. Une histoire du XXI e<br />

siècle que raconte le journaliste Luc Folliet<br />

dans Nauru, l’île dévastée (Ed. La Découverte).<br />

Anne-Laurence Gollion et Caroline Jury<br />

En attendant<br />

le prochain numéro...<br />

L’agenda pour sortir<br />

Exposition « Portrait de l’artiste en motocycliste » : Le Magasin<br />

propose une exposition des œuvres rassemblées par l’artiste Olivier Mosset.<br />

Un portrait qui tend à faire entrer le visiteur dans l’univers du peintre, qui<br />

possède une importante collection d’art issue de tous les courants artistiques.<br />

Jusqu’au 3 janvier 2010. Plus d’infos : www.magasin-cnac.org<br />

Django 100 : Pour la célébration du 100ème anniversaire de la naissance<br />

de Django Reinhardt, la MC2 propose un hommage au grand jazzman<br />

avec des pointures : Angelo Debarre, Boulou et Elios Ferré et Romane, le<br />

quatuor de jazz-manouche promet d'être exceptionnel.<br />

Les 23 et 24 janvier 2010. Plus d’infos : www.mc2grenoble.fr<br />

Chaissac au musée de Grenoble : Sous le titre "Gaston Chaissac - Poète<br />

rustique et peintre moderne", le musée de Grenoble présente quelque<br />

200 œuvres consacrées à ce grand artiste. Dessins, peintures, collages.<br />

Jusqu’au 31 janvier 2010. Plus d’infos : www.museedegrenoble.fr<br />

Arctic Monkeys : leur troisième opus est dans les bacs depuis août<br />

2009. « Les singes venus d’Arctique » seront en concert au Summum le<br />

27 janvier 2010, pour révéler « en live » au public grenoblois leur nouvelle<br />

maturité musicale.<br />

Plus d’infos : www.fnacspectacles.com<br />

Les indisciplinés : le groupe acrobatique de Tanger associé à Martin<br />

Zimmermann & Dimitri de Perrot proposent un spectacle entre ciel et terre.<br />

Les douze artistes comptent parmi les plus célèbres de cette discipline<br />

artistique époustouflante.<br />

Du 2 au 4 février à la MC2. Plus d’infos : www.mc2grenoble.fr<br />

L’agenda pour réfléchir<br />

Le cycle des conférences débats des Amis du monde diplomatique continue.<br />

Le 26 janvier à 20h30, une rencontre aura lieu avec Michèle Vianes (de<br />

l’association Regards de Femmes) sur le thème : « Les violences faites<br />

aux femmes au nom des traditions ».<br />

En libre accès au Tonneau de Diogène.<br />

Plus d’infos : www.amis.monde-diplomatique.fr<br />

La Montagne tibétaine : espaces sacrés et de défis.<br />

Dans le cadre de l'exposition : « Tibétains, peuple du monde », le Musée<br />

dauphinois propose une projection-débat autour du film :<br />

Deux longs nez au Tibet. Chronique d'une expédition en Himalaya.<br />

Avec Jean-Michel Asselin, journaliste et alpiniste, protagoniste du film.<br />

Le 20 janvier 2010 à 18h30, Musée dauphinois.<br />

Plus d'infos : www.musee-dauphinois.fr

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