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Les lichens et la pollution de l'air exemple

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Introduction :<br />

25/03/2013<br />

<strong>Les</strong> <strong>lichens</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>la</strong> <strong>pollution</strong> <strong>de</strong> <strong>l'air</strong><br />

<strong>exemple</strong><br />

<strong>Les</strong> activités humaines génèrent <strong>de</strong>s perturbations <strong>de</strong> formes multiples : concentrations<br />

locales <strong>de</strong> polluants chimiques, introduction d'espèces <strong>et</strong> <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>dies exotiques <strong>et</strong> plus récemment<br />

<strong>de</strong> gènes. C'est à travers l'<strong>exemple</strong> <strong>de</strong>s <strong>lichens</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> <strong>de</strong> <strong>l'air</strong> que nous allons entrevoir les<br />

eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te perturbation d'habitat sur <strong>la</strong> richesse spécifique* <strong>de</strong>s communautés <strong>de</strong> <strong>lichens</strong>.<br />

Nous verrons brièvement ce que sont les <strong>lichens</strong> puis les re<strong>la</strong>tions entre <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> atmosphérique<br />

<strong>et</strong> <strong>la</strong> diversité lichénique.<br />

1- <strong>Les</strong> <strong>lichens</strong> : <strong>de</strong>s organismes symbiotiques<br />

Notons avant tout que ces organismes du règne <strong>de</strong>s Mycota* sont souvent <strong>de</strong>s organismes<br />

pionniers <strong>et</strong> colonisent <strong>de</strong> nombreux environnements naturels : ils peuvent être corticoles*,<br />

foliicoles*, humicoles*, lignicoles*, terricoles* ou encore saxicoles*. Leur robustesse rési<strong>de</strong> dans<br />

l'ectosymbiose* entre un champignon <strong>et</strong> une algue (chlorophycée*) ou une cyanobactérie* (ex.<br />

genre Nostoc*). Certains <strong>lichens</strong> sont même tripartites : champignon, cyanobactérie <strong>et</strong> algue mais<br />

dans tous les cas <strong>la</strong> majeure partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse du lichen est produite par le champignon.<br />

De par ses capacités photosynthétiques, l'algue ou <strong>la</strong> cyanobactérie fournit 90 % <strong>de</strong>s<br />

polyols*, source <strong>de</strong> carbone nécessaire à <strong>la</strong> croissance du champignon. Le photobionte produit<br />

également <strong>de</strong> <strong>la</strong> vitamine B. Si ce <strong>de</strong>rnier est <strong>de</strong> type cyanobactérien, il peut aussi fixer l'azote<br />

atmosphérique. Le champignon offre quant à lui, protection <strong>et</strong> abri à l'algue, il perm<strong>et</strong> l'ancrage<br />

mais aussi le prélèvement d'eau, <strong>de</strong> sels minéraux <strong>et</strong> synthétise <strong>de</strong> <strong>la</strong> vitamine C <strong>et</strong> <strong>de</strong>s aci<strong>de</strong>s<br />

lichéniques.<br />

2- La diversité en <strong>lichens</strong> vs <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> atmosphérique<br />

La <strong>pollution</strong> <strong>de</strong> <strong>l'air</strong> dans les villes pendant <strong>la</strong> première partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> révolution industrielle a<br />

conduit aux premières observations <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong>s polluants sur l'environnement. A ce même<br />

moment, on constatait une disparition rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>lichens</strong> en centre ville, ce qui n'empêcha pas<br />

d'attendre les années 1950 pour enfin mener <strong>de</strong>s recherches <strong>et</strong> surveiller ce phénomène inquiétant.<br />

On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r : pourquoi attendre aussi longtemps? La réponse est toute trouvée : c'est dans<br />

les années 50 que les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> industrielle atteignaient leur plus haut pic, ce qui illustre<br />

bien qu'hier comme aujourd'hui nous constatons les dégâts puis une inertie incroyable perdure<br />

jusqu'à ce que nous prenions conscience que ce<strong>la</strong> affecte aussi notre propre santé.<br />

Néanmoins, ces étu<strong>de</strong>s ont permis <strong>de</strong> montrer qu'il existe une réelle corré<strong>la</strong>tion entre <strong>la</strong> diversité<br />

(richesse spécifique) en <strong>lichens</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> concentration <strong>de</strong>s polluants aéroportés. Le polluant le plus


important il y a quelques années était le dioxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> soufre formé lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> combustion <strong>de</strong>s énergies<br />

fossiles. On note aujourd'hui une diminution <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> dioxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> soufre dans certaines villes<br />

comme Lyon, contrairement aux taux d'oxy<strong>de</strong>s d'azote dans <strong>l'air</strong> qui ne cessent d'augmenter dans<br />

c<strong>et</strong>te même ville tandis que l'Observatoire <strong>de</strong> <strong>l'air</strong> en Rhône-Alpes se réjouit <strong>de</strong>s pluies qui<br />

« lessivent l'atmosphère », c'est approximativement comme « m<strong>et</strong>tre <strong>la</strong> poussière sous le tapis ».<br />

On peut à présent comprendre l'importance <strong>de</strong>s <strong>lichens</strong> lorsqu'on s'intéresse aux<br />

bioindicateurs, <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion entre les champignons lichénisés <strong>et</strong> leur milieu est si forte que les <strong>lichens</strong><br />

peuvent être utilisés comme outil <strong>de</strong> mesure <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> <strong>de</strong> <strong>l'air</strong>. On constate actuellement une<br />

prolifération <strong>de</strong>s <strong>lichens</strong> nitrophiles en ville, dû à l'augmentation <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> NOx*, c'est le cas <strong>de</strong>s<br />

<strong>lichens</strong> du genre Physcia (ex P. adscen<strong>de</strong>ns, image 1 ) ou encore <strong>de</strong> l'espèce Xanthoria pari<strong>et</strong>ina<br />

(image 2).<br />

Image 1<br />

Image 2<br />

: lichen à thalle foliacé Physcia adscen<strong>de</strong>ns, espèce nitrophile présente en villes.<br />

Photographie <strong>de</strong> JP Gavériaux, Association Française <strong>de</strong> Lichénologie.<br />

: lichen à thalle foliacé Xanthoria pari<strong>et</strong>ina, espèce nitrophile très présente en<br />

villes.Photographie <strong>de</strong> JPGavériaux, Association Française <strong>de</strong> Lichénologie.<br />

Bien que les différentes espèces montrent une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> sensiblités au dioxy<strong>de</strong> <strong>de</strong> soufre, <strong>la</strong>


présence ou l'absence d'espèces particulières peut indiquer différents niveaux <strong>de</strong> SO2* (Ferry <strong>et</strong> al.,<br />

1973). Une étu<strong>de</strong> intéressante montre comment les <strong>lichens</strong> peuvent être utilisés en tant<br />

qu'indicateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>pollution</strong> <strong>de</strong> <strong>l'air</strong> en corré<strong>la</strong>tion avec les eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière sur les cancers<br />

du poumon dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Ven<strong>et</strong>o en Italie (Cis<strong>la</strong>ghi & Nimis, 1987).<br />

On voit sur <strong>la</strong> figure 1 extraite <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> citée ci-<strong>de</strong>ssus que <strong>la</strong> carte <strong>de</strong> diversité lichénique se<br />

calque sur <strong>la</strong> carte <strong>de</strong> répartition <strong>de</strong> <strong>la</strong> mortalité par cancer du poumon. Dans les provinces côtières<br />

<strong>et</strong> urbanisées <strong>de</strong> Venise <strong>et</strong> <strong>de</strong> Rovigo on constate une corré<strong>la</strong>tion entre <strong>de</strong>s taux élevés (b, en rouge)<br />

<strong>de</strong> mortalité par cancers du poumon <strong>et</strong> une diversité lichénique faible (a, en rouge). Un gradient<br />

semble donc s'établir avec une diversité lichénique faible dans le sud urbanisé <strong>de</strong> <strong>la</strong> région jusqu'à<br />

une plus forte diversité lichénique dans le nord moins anthropisé. Le gradient du taux <strong>de</strong> mortalité<br />

par cancers du poumon suit <strong>la</strong> même logique.<br />

Figure 1 : comparaison <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité en <strong>lichens</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution du<br />

taux <strong>de</strong> mortalité par cancers du poumon chez les hommes <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Ven<strong>et</strong>o, Italie.<br />

Pour calculer l'indice <strong>de</strong> diversité lichénique on peut se baser sur <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> normalisée par<br />

l'AFNOR* (2008). Pour acquérir les données il convient <strong>de</strong> définir <strong>la</strong> taille <strong>de</strong>s mailles étudiées, il<br />

faut ensuite choisir <strong>de</strong>s arbres (si l'on s'intéresse aux <strong>lichens</strong> épiphytes) droits, sans branches dans <strong>la</strong><br />

zone d'échantillonnage, les moins abimés possible, éloignés d'une source ponctuelle <strong>de</strong> <strong>pollution</strong>,<br />

en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s forêts. Pour que l'indice <strong>de</strong> diversité lichénique soit bien calculé par <strong>la</strong> suite il est<br />

nécessaire d'échantillonner entre 3 <strong>et</strong> 5 arbres par stations. Le calcul <strong>de</strong> l'indice doit se faire avec <strong>la</strong><br />

formule adaptée à <strong>la</strong> situation <strong>et</strong> l'interprétation <strong>de</strong>s résultats se fait en fonction <strong>de</strong>s indices <strong>de</strong><br />

région.<br />

Enfin on peut conclure sur <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>l'air</strong> dans <strong>la</strong> zone donnée.<br />

Conclusion<br />

A travers ce p<strong>et</strong>it <strong>exemple</strong> on peut entrevoir l'importance <strong>de</strong>s <strong>lichens</strong> comme bioindicateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

qualité <strong>de</strong> <strong>l'air</strong>. On comprend également l'intérêt <strong>de</strong>s <strong>lichens</strong> pour l'écologue, puisque <strong>la</strong> présence,<br />

l'absence ou <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s <strong>lichens</strong> qu'il observera, reflètera directement <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>l'air</strong> du site<br />

étudié <strong>et</strong> lui perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> mieux apprécier l'écosystème dans lequel il évolue.


Lexique<br />

AFNOR : Association Française <strong>de</strong> NORmalisation, qui a notamment travaillé sur <strong>la</strong><br />

« biosurveil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>l'air</strong> » par les <strong>lichens</strong>.<br />

Chlorophycée : algue verte.<br />

Corticoles : qui poussent sur les écorces.<br />

Ectosymbiose : forme <strong>de</strong> symbiose se faisant par contacts intimes, sans pénétration dans les<br />

cellules.<br />

Cyanobactéries : organismes procaryotes apparus il y a 3,8 milliards d'années. Capables d'effectuer<br />

<strong>la</strong> photosynthèse <strong>et</strong> vraisemb<strong>la</strong>blement à l'origine <strong>de</strong>s cholorop<strong>la</strong>stes.<br />

Foliicoles : qui poussent sur les feuilles.<br />

Lignicoles : qui poussent sur le bois nu.<br />

Humicoles : qui poussent sur l'humus.<br />

Mycota : règne <strong>de</strong>s champignons (=Fungi, Mycètes)<br />

Nostoc : genre <strong>de</strong> cyanobactéries, forme <strong>de</strong>s amas gé<strong>la</strong>tineux communément appelés « pierres <strong>de</strong><br />

lune ».<br />

NOx : oxy<strong>de</strong>s d'azotes.<br />

Polyols : composé organique (atomes <strong>de</strong> carbone <strong>et</strong> d'hydrogène) contenant au moins <strong>de</strong>ux<br />

groupements alcool.<br />

Richesse spécifique : nombre d'espèces contenues dans un endroit donné, c'est un <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong><br />

mesure <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité.<br />

Saxicoles : qui poussent sur les rochers.<br />

SO2 : diocy<strong>de</strong> <strong>de</strong> soufre.<br />

Terricoles : qui poussent sur <strong>la</strong> terre.


Bibliographie<br />

ASSOCIATION FRANCAISE DE LICHENOLOGIE. Découvrir le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>lichens</strong><br />

avec l' AFL. Disponible sur le 25/03/13.<br />

CISLAGHI, Cesare, NIMIS, Pier Luigi. Lichens, air <strong>pollution</strong> and lung cancer. Science of<br />

The Total Environment, 15 november 2007, Volume 387, Issues 1-3, page 289-300.<br />

GISCLARD, Gilbert. <strong>Les</strong> <strong>lichens</strong>, indicateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>l'air</strong>. Disponible sur<br />

le 25/03/13.<br />

NIMIS, P.L., POELT, J. The <strong>lichens</strong> and lichenicolous fungi of Sardinia (Italy): An<br />

annotated list. University of Trieste, 1987, 269p.<br />

AIR RHONE-ALPES. Observatoire <strong>de</strong> <strong>l'air</strong> en Rhône-Alpes. Disponible sur<br />

le 25/03/13.<br />

PULLIN, S. Andrew. Conservation Biology. Cambridge University Press. 2002, 345p.

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