Marivaux - L'arbre transformé, Daniel Guillaume
Marivaux - L'arbre transformé, Daniel Guillaume
Marivaux - L'arbre transformé, Daniel Guillaume
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
D.<strong>Guillaume</strong><br />
— Bibliographie<br />
AGRÉGATION 2001-2002<br />
GRAMMAIRE-STYLISTIQUE<br />
<strong>Marivaux</strong><br />
Le Spectateur français (1728)<br />
+ Grammaire :<br />
. SÉGUIN, Jean-Pierre : La langue française du XVIIIe siècle, Bordas, 1972<br />
. Frédéric DELOFFRE : Une préciosité nouvelle <strong>Marivaux</strong> et le marivaudage, Slatkine Reprints, 1993<br />
(Les Belles Lettres, 1955)<br />
— Points de syntaxe et de morphosyntaxe à voir :<br />
+ Groupe nominal : l’article (les déterminants), les prépositions, les propositions subordonnées relatives<br />
+ Verbes et constructions verbales : le subjonctif, l’infinitif, les constructions verbales (verbes transitifs et<br />
intransitifs ; valence), l’expression de la comparaison, les temps verbaux<br />
+ Autres classes de mots : que, les prépositions, l’anaphore (les pronoms personnels, les pronoms relatifs), les<br />
déterminants<br />
+ Phrase : la fonction sujet (la place du sujet), la négation, la subordination, les circonstants, l’expression de la<br />
concession, le système hypothétique, l’interrogation, la phrase exclamative, modes et modalités (modalités<br />
d’énoncé / d’énonciation), les tournures présentatives, le discours indirect,<br />
— Lexicologie :<br />
+ L’âme :<br />
. Esprit : amusants (127.4), [s’]amuser (137.5, 219.2), goût (146.2, 148.2, 182.2, 201.2), dégoûts<br />
(178.4, 201.2, 246.1), [ragoût (206.2)], esprit (169.3, 174.4, 217.2, 241), spirituelle (177.1), créance (197.1),<br />
lumières (233.3), mouvements (262.1),<br />
. Sentiments : contriste (116.3), odieux (120.1), sentir (146.2), sensé (123.2, 139.1, 227.3), sensible<br />
(129.3, 152.3), sensiblement (255.1), sentiment (226.5, 247.1), affliction (127.2, 129.1, 156.2, 172.1, 237.3),<br />
affliger (188.1), ennuyeux (139.1), ennui (178.2), ennuyer (183.2), touchant (140.1, 255.2), cœur (157.6, 181.2),<br />
inclination (158.1, 199.5), étonné (159.5), haïr (162.2), transport (170.2, 229.3), agace (196.1), inquiet (205.1),<br />
penchant (209.3), surpris (213.4), gêne (231.2), stupide (257.3),<br />
. Traits de caractère : généreux (131.1, 187.2), générosité (260.3), génie (148.2), ingénieux (153.8),<br />
superbe (135.2, 243.2), superbement (205.1), entendu (137.2), étourdi (211.2, 227.3), volage (215.4),<br />
opiniâtre (221.2),<br />
. Vices et vertus : vertu(s), vertueux (122, 140.5, 162.1, 209.1, 239.3, 260.3), vices (140.7), discrétion<br />
(150.5, 225.4), indiscrétion (163.6), indiscret (116.3), laborieux (142.1, 188.3), coquette (142.1, 178.2, 209.1),<br />
amour-propre (144.6, 193.3), travers (150.2), malice (151.1), glorieux (151.3,198.1, 207.1), avare (252.2),<br />
modestie (259.1),<br />
+ Les relations :<br />
tour(s) [d’imagination] (114.1, 182.3, 226.5), [tirer à, faire, demander] quartier (128.3, 176.1), traits (116.3,<br />
142.1, 255.1), soutenir (117.4, 166.3), caresses (120.1, 181.6), caresser (255.2, 258.2)[se] rebuter (121, 224.1,<br />
234.1), objet (131.1, 161.2), marque (144.1), marquer (166.1), remarquer (246.2), cavalier (183.2),<br />
cavalièrement (147.1, 198.2), passer (147.4), prévention (148.1, 149.2), commerce (149.3, 202.1, 263.2),
agréments (151.6, 212.4, 213.5), souffrir [qqch.] (152.2, 167.5, 168.2, 180.3), piquer (153.2, 175.1, 201.2),<br />
intelligence [mutuelle] (159.5), amants (167.1, 215.3), fier, confiance (167.7, 169.3), confidente (168.5),<br />
confidence (215.4), perfide (193.3), injure (172.1, 225.4, 229.3), insulter (194.1), [sur ce] pied (181.4, 186.2),<br />
remettre (192.1), charme(s) (210.2, 238.2),<br />
+ Le monde :<br />
bagatelle (117.3, 203.1), façon(s) (118.2, 147.4, 148.3, 181.1, 195.3), débauché (119.4), débauche (131.2) [cf.<br />
aussi ébaucher (200.1)], séducteur (121-122), libertinage (123.2, 197.3), libertins (206.3, 223.1) médiocrité<br />
(129.4), galant (130.1, 156.5, 214.3, 252.2), galanterie (213.3, 217.2), honnête [homme] (131.3, 244.1),<br />
honnêteté (221.2), curieux [de] (134.4, 215.2), décent (138.3), hanter (144.2), gloire (145.1), embrasser [un état]<br />
(163.5), [bonne] fortune (173.2, 221.1, 258.2), heureux (203.1, 266.1), badin (175.2, 196.1), badiner (207.3),<br />
dévots (178.3), indévot (196.3), spectateur (232.2), philosophes (232.3), intrigue (240.5), satire (246.2),<br />
ton (247.2).<br />
+ Mots intéressants d’un point de vue morphologique :<br />
tempérament (117.2, 170.1), intempérance (174.2), conséquemment (117.2), accroire (135.1), attendrir (142.1,<br />
166.1), attendrissement (238.2), tâtonner (142.2), examen (143.3), essai (260.1), mignard (152.5), ressouvenir<br />
(158.3, 235.4), observance (160.1), nonchalant (160.2), passablement (173.1), le port (173.6), l’insu (175.4), se<br />
précautionner (185), accommoder (193.3), à l’envi (207.1), déconcerté (209.1), la dupe (210.5, 234.1),<br />
[mauvais] succès (212.4), s’enhardir (215.2), dérober (217.3), abandonner (219.3), ressorts (226.4), assujettir<br />
(227.1), graciable (242.1), fracas (243.1), commettre (247.1), verbiage (250.4), impunément (258.4), d’abord<br />
(260.2), dédain (260.3),<br />
— Autres :<br />
celer (120.1), brochures (139.3), nourri (146.2), aventure (154.6, 170.1), [des reproches] honoraires (162.2),<br />
révolution (167.1), le détail (173.5), style (182.4), industrie (188.3), penser [= faillir] (195.3), développer (232.2,<br />
233.1, 256.1), économie (233.1, 236.4), nourriture (244.1), arrêter (259.2),<br />
2
D.<strong>Guillaume</strong><br />
AGRÉGATION 2001-2002<br />
GRAMMAIRE-STYLISTIQUE<br />
<strong>Marivaux</strong><br />
Le Spectateur français (1728)<br />
Quinzième feuille, pp. 195-196<br />
« Me voilà seul […] aussi couru qu’il le dit. »<br />
1a. Lexicologie : galant (l. 18)<br />
— 1. Étymologie et morphologie<br />
+ galant, galante, adj. et n. représente (db. 14 e ) le part. présent de l’ancien V. galer<br />
« s’amuser » (13 e waler) < gallo-roman °walare « se la couler douce » < francique °wala<br />
« bien » (adv.)[cf. anglais well] ; > aussi galéjade < provençal galejado « plaisanterie,<br />
raillerie ».<br />
. Mais, dérivation < adv. = étrange. Donc, comme idée de mvt. vif < plutôt germanique<br />
wallen « s’élancer, bouillonner », dont le radic. wall- = de même origine que le celtique gal-<br />
(cf. gaillard)<br />
— 2. Étude diachronique : vivacité > distinction > courtoisie des h. envers les f. /<br />
complaisance des fs. à l’amour.<br />
+ A eu le sens de « vif, entreprenant », d’où loc. vert galant = par jeu sur le sens de vert (15 e )<br />
un h. entreprenant avec le femmes, et galant de la feuillée (15 e ) un bandit se postant ds les<br />
bois.<br />
. Adj. = / h. distingué et poli (16 e ), aux sentiments délicats > aujourd’hui (17 e ) h.<br />
empressé auprès des fs. ; mais le subst. (17 e ) est vieilli.<br />
. Au fém., l’adj. = / une f. recherchant les intrigues amoureuses (16 e ) > maintenant<br />
péjoratif : femmes galantes = de mœurs légères (1765) ; une galante (16 e ) = ds ce sens.<br />
3
. À propos des choses = ce qui a rapport à l’amour (17 e ) ; a signifié (16 e ) « agréable »<br />
en parlant d’une description ; en peinture, fête galante = tableau, surtt. 18 e , qui met en scène<br />
pers. de la comédie italienne.<br />
+ Dérivés :<br />
. galanterie (16 e « mauvais tour » < galer) = ds langue classique « distinction,<br />
élégance ds les manières » d’où par métonymie « procédé galant » (et en particulier « cadeau<br />
offert à une femme »), « propos flattteur, écrit galant ».<br />
— Par extension = courtoisie envers les femmes et spécialt. empressement<br />
insipiré par désir de conquérir une f. (cf. loc. ancienne courtier de galanterie<br />
« entremetteur ») ; sens d’ « intrigue amoureuse » (mil. 17 e : une galanterie) = sorti<br />
d’usage.<br />
. galamment adv. = galantement (16 e ) jusqu’au 17 e « avec élégance » = sorti d’usage<br />
aux sens de « avec courage » et « avec adresse » (17 e ) ; s’emploie encore pour « en galant<br />
homme » et « avec une politesse qui vise à plaire aux dames ».<br />
— 3. Étude contextuelle<br />
+ Adj. épithète de « ce ridicule » = « caractère risible d’une personne ou d’une chose »,<br />
« trait de comportement qui pê moqué » [plutôt ce sens, ici, / fatuité du jne h]<br />
+ Sens [< porte sur un subst. abstrait] = qui a rapport à l’amour, aux intrigues amoureuses<br />
(cf. légèreté de « badin » 17 = empr. au provençal : « nais » > pers. de comédie qui joue le<br />
niais > personne qui déclenche un rire facile);<br />
. cf. « galanterie » = très proche de « libertinage » in 18 e feuille [proche de « vice » in<br />
mémoires de la femme âgée] (cf. Cabinet 5 ; 377.3)<br />
« galante ».<br />
— en outre : f. concernées = « qui veut plaire » (19-20) : pas loin de<br />
. S’oppose à la courtoisie < « ridicule » + fatuité<br />
. > sens possible d’empressement conquérant auprès edes femmes.<br />
. efficacité — cf. « agace » — : rémanence du sens de « agréable », qui plaît par ses<br />
[bonnes] manières > caractère oxymorique de l’expression : vivacité de l’esprit — le style est<br />
galant, en ce que précieux (recherché).<br />
1b. Lexicologie : agacer (l. 19),<br />
— 1. Morphologie et étymologie<br />
4
+ agacer : v. tr. (1180 : agacier) ss doute < de l’ancien V. aacier (12 e ) qui pourrait < du lat.<br />
pop. °adaciare = ad + acidare < ad + acidus < acies = « pointe, tranchant » (> acide, acier).<br />
. On postule contamination par AF ager « épicé », qui correspond à aigu, et surtout de<br />
l’AF agace « pie », d’où le V. agachier (v. 1330) « crier comme une pie ».<br />
alld. agaza).<br />
— Agace = [resté vivant régionalement / « pie »] ss doute d’origine germanq. (cf. haut<br />
. AF aachier, aacier = « rendre aigre (en mettant du levain) » et acier, aacier les dens<br />
(13 e ) semble bien avoir le sens pris par agacer.<br />
— 2. Étude diachronique<br />
+ V. = d’abord sens fig. « attaquer, harceler » (12 e ) puis, comme aacier « irriter (les<br />
dents) » (13 e ).<br />
+ Au XVII, 2 valeurs nvelles, après « exciter, provoquer » (Montaigne)<br />
. « irriter moralement » (Mme de Sévigné) + « chercher à plaire » (Molière), sens<br />
prolongé par dérivé agacerie.<br />
+ Sens FM. :<br />
. provoquer par des taquineries, des agaceries.<br />
. affecter d’une sensation d’irritation (16 e ) : Les acides agacent les dents > par<br />
extension = mettre ds un état d’agacement (17 e ).<br />
+ Dérivés :<br />
. agaçant, agaçante : d’abord (16 e ) « qui « harcèle » et « provoque à l’action », puis<br />
(1762) « qui excite au désir ».<br />
— sens actuel « qui énerve, irrite » = correspond à celui du V. et se dvlppe 1/2<br />
19 e / actes et pers ; en même temps que le sens physiologique, moins usuel.<br />
. agacement = se dit d’abord d’une irritation physique des dents, et au fig. pour une<br />
provocation (16 e ). Sens métonymique « raillerie, acte qui agace » (18 e ) = semble précéder<br />
celui, moderne, de « légère irritation psychologique » (19 e ?).<br />
. agacerie (16 e , Montaigne) ; s’est spécialisé au 17 e au sens de « provocation<br />
érotique », correspondant à une acception du V..<br />
— 3. Étude contextuelle<br />
+ V. d’une prop. relative déterminative portant sur « ce mérite impertinent » [juxtaposé à<br />
« ce ridicule galant » (18) ; a pour COD « une femme qui veut plaire ».<br />
5
+ Sens : entre a) « provoquer délibérément », sur un plan érotique, amoureux et b)<br />
« exciter » (propriété ; effet involontaire : comme un acide / dents) — double rôle sémantique<br />
possible de la fonction S de ce V..<br />
. < contexte amoureux, et même de l’aventure amoureuse : cf. récurrence de<br />
« femme » + « galant », et sème de légèreté in « badin » (18), « ridicule » (18),<br />
« impertinent » (19).<br />
. a) « chercher à plaire », « exciter au désir » (trace du sens ancien de « harceler ») : <<br />
comportement offensif du jne h. = « veut faire son [propre] éloge » (4), « il est plein de lui-<br />
même, il a du caquet » (13), cherche à avoir une « réputation », même « équivoque » (24) ; ce<br />
qui « agace » les fs. = un « mérite » que le jne h. s’attribue lui-même.<br />
. mais b) excitation involontaire (jne h. = instrument, et non agent de l’excitation) < O<br />
= « une femme qui veut plaire » : agacement irrite un désir déjà présent ; cf. sens ancien, plus<br />
gal : provoque à l’action < tendance déjà présente.<br />
— ce qui les « agace » = un « mérite » que les fs. lui reconnaissent : traits de<br />
fatuité = effectivement « grands avantage avec les femmes de ce pays » (15).<br />
. Dans cette ambiguïté = on retrouve celle du personnage comme fat qui surtout ne<br />
veut pas apparaître comme tel.<br />
+ Dans le propos du philosophe, se dessine un jugement qui contamine le sens du verbe — à<br />
condition de lui supposer un autre O. que les femmes décrites ici — : « irriter moralement ».<br />
. Cf. : subst. et adj. évaluatif axiologiques, dont ds le GN que détermine la relative<br />
comportant le V. : « ce ridicule » (18), « ce mérite impertinent » (19) [expolition minant le<br />
mérite…].<br />
— > contradiction axiologique entre GN et sa relative : axiologique -/+.<br />
. V. montre exemplairement nuance du jugement du spectateur (reconnaît succès<br />
moralement immérité — position ascétique — ms sensiblement compréhensible — sagesse ;<br />
vers plus de gravité : f. agacée veut fixer > « elle se fixe » 27) + esquisse pluralité de<br />
jugement qui prépare polyphonie : cf. « c’est tj. une réputation » (24) = DIL de l’inconscience<br />
du jne h., ou de la doxa mondaine.<br />
Introduction<br />
2a. Syntaxe : le subjonctif<br />
6
— Subj. et temps. Partir de la conception du subjonctif par Gustave <strong>Guillaume</strong> (Temps<br />
et verbe, 1929)<br />
+ Appelle chronogénèse la construction de l’image d’un procès ds le temps = processus<br />
d’actualisation. Chaque étape = chronothèse.<br />
. 1 e = modes nominaux (infinitif et participe : tps non construit), 2 e = subjonctif<br />
(représentation du tps : en cours de construction), 3 e = indicatif.<br />
— impératif = pas un mode à proprement parler ds cette conception (<<br />
emprunte ses formes à l’indicatif et au subjonctif).<br />
+ À la différence de l’indicatif, le subj. ne distingue pas 3 époques (présent, passé, futur),<br />
mais seulement :<br />
. temps prospectif : tps. virtuel orienté vers l’avenir = sbj présent et imparft.<br />
. tps. rétrospectif : tps virtuel orienté vers le passé = sbj. passé et PQP.<br />
* Usage du présent-passé / imparfait-PQP en prop. sub. = commandé par concordance<br />
des temps, à l’écrit et ds un registre soutenu (principal au présent / au passé). Rem. :<br />
— usage = galisation du présent-passé en FM, ds registre courant<br />
— valeur propre du subj. imparfait et PQP : pure éventualité / éventualité<br />
passée non réalisée (irréel ds le passé)<br />
— Subj. comme expression d’une certaine modalité [surtt. d’énoncé pour le subj. : /<br />
contenu de l’énoncé + que / interlocuteur] = attitude du locuteur / son énoncé.<br />
Globalement, au subj. : l’interprétation du procès l’emporte / son actualisation.<br />
+ GG. distingue :<br />
. Idée regardante du possible : virtualisante<br />
. Pesée critique : mise ne débat du procès ; remise en cause de la valeur thétique<br />
(position) de l’énoncé, liée à une idée regardante actualisante.<br />
+ Préciser ses notions à l’aide des propositions de Robert Martin (Pour une logique du sens,<br />
1983) = idée de « mondes possibles » (fait = possible si l’on peut envisager au moins un état<br />
de ch. où il est vrai).<br />
. « mondes potentiels » = ds lesquels se réalise comme vrai ou faux ce qui, dans le<br />
monde qui est, apparaît comme possiblement vrai ou faux.<br />
. « mondes contrefactuels » = donnant pour vrai ce qui proposition apparaissant pour<br />
fausse dans le monde qui est.<br />
— Ces différentes nuances de temps et de modalité se retrouve selon les réalisations<br />
syntaxiques du subj. : interprétation du procès > fréquence des emplois en subordonnée.<br />
7
Classement et analyse<br />
I. En proposition principale ou indépendante<br />
— Modalités énonciatives ≠ simple affirmation d’une vérité, d’une certitude.<br />
+ Primauté de l’interprétation / actualisation : fréquence de la conjonction que = pure<br />
marque de subordination, même pour introduire des prop. indépendantes ou principales.<br />
A. Phrase injonctive : expression de l’ordre<br />
( Forme suplétive de l’impérative / P3)<br />
B. Expression d’un souhait<br />
a) Généralement subj. présent ou passé<br />
[Que] Dieu te bénisse ! Vive la France !<br />
b) Subj. imparfait et PQP = expression du regret (valeur de pur éventuel<br />
[conforme ou no à la réalité] et d’irréel dans le passé)<br />
Plût au ciel que…<br />
Me fussé-je mis une pierre au cou ! (Beaumarchais, Mariage de Figaro, V.3)<br />
C. Expression d’une supposition<br />
indigné d’une hypothèse.<br />
. a) Présentatif Soit = didactique<br />
. b) Que + subj. en concurrence avec infinitif, ds phrase exclamative = rejet<br />
Que je fasse cela ! / Moi, faire cela !<br />
. c) Phrase hypothétique avec que + subj., juxtaposée ou coordonnée à une<br />
prop. à l’indicatif (même valeur que si + imparfait ou PQP de l’indic.).<br />
mais qu’il le soit ou non, il a toujours cela d’heureux qu’il y gagne une réputation (MVX<br />
22)<br />
. Emploi possible, sans que, du subj. imparfait ou PQP = comme hypothèse<br />
niée, écartée (vérité ds un monde contrefactuel)<br />
votre étude ne dût-elle avancer que vous ds la sagesse, […] (MVX’. 232)<br />
[Loc.] N’eût été la souffrance, chacun se serait félicité d’être à l’hôpital. (M. Aymé)<br />
8
. Subj. PQP = irréel ds le passé (vérité ds un monde potentiel)<br />
On eût entendu tomber une feuille. (Stendhal)<br />
C. Affirmation polémique : verbe savoir, registre soutenu<br />
Je ne sache pas que…<br />
II. En proposition subordonnée<br />
A. Prop. sub. complétive<br />
1. Idée regardante du possible (virtualisante)<br />
. a) Domaine de ce qui est vrai ou nécessaire universellement (modalité<br />
aléthique) : nécessaire, contingent, possible, impossible.<br />
Il est possible, impossible, Il semble que…<br />
. PSC posée comme thème en db. de phrase : antéposition suspend valeur<br />
affirmative (procès évoqué, non posé).<br />
Que les coutumes, que les usages particuliers des hommes soient défectueux, cela se peut<br />
bien (MVX’235)<br />
. b) Domaine de ce qui est vrai ou nécessaire par rapport à une autorité<br />
(modalité déontique) : obligatoire, interdit, permis, facultatif<br />
Falloir, vouloir, souhaiter que…<br />
Il est temps que…, mériter que…<br />
[…] nous méritions bien qu’ils s’efforçassent d’adoucir nos inquiétudes (MVX’239)<br />
Support nominal de sens proche : la volonté que… la proposition qu’ils fissent ce<br />
voyage avec elle… (Madame de Lafayette, La Princesse de Clève )<br />
2. Subordination critique (mise en débat du procès)<br />
. a) Verbes et locutions d’appréciation subjective : la réalité du procès est au<br />
second plan ; seule compte la subjectivité interprétative.<br />
. La prop. sub. est COD d’un V. ou d’une locution verbale<br />
regretter, se réjouir que…<br />
9
que…<br />
non qu’on ne critique un pareil homme, et qu’on ne doute quelquefois qu’il soit aussi<br />
aimable qu’il croit l’être ; (MVX. 20-22)<br />
. La prop. sub. est complément déterminatif / support adjectival ou nominal<br />
être offensé que…, la douleur que…<br />
Il serait bien mortifié qu’on le soupçonnât de vouloir se louer […] (MVX. 3)<br />
. b) Mise en débat du procès<br />
. Négation du procès principal : adv. ne pas… ou locution conjonctive sans<br />
tout son embarras est de l’agencer dans ce qu’il dit, de façon qu’il s’y trouve sans qu’il<br />
paraisse qu’il y ait de sa faute ; (MVX. 5-7)<br />
— ex. MVX. 20-22 : non qu’on ne doute qu’il soit = sbj. < sens du verbe recteur, et<br />
non < négation (cf. test de substitution)<br />
. Principale interrogative<br />
Es-tu certain qu’il vienne ?<br />
. Principale hypothétique :<br />
— ex. MVX. 3 : Il serait bien mortifié qu’on le soupçonnât = sbj. < sens de l’adjectif<br />
recteur : mais temps = imparfait < V ; de la principal au conditionnel (usage classique et 18 e )<br />
[Deloffre 402].<br />
Je souhaiterais que dans un de vos discours vous essayassiez de me soulagez par des<br />
réflexions qui la fissent rougir de son avarice (MVX’175)<br />
B. Prop. sub. relative déterminative<br />
— Les relatives explicatives ne limitent pas l’extension du terme de la principal qu’elles<br />
complètent > ont leur valeur de vérité propre, indépendante.<br />
1. Antécédent virtuel<br />
. a) Relative exprimant une existence voulue (résultat visé, mais non atteint)<br />
. Sé verbal ds la principal marque une tension : chercher, vouloir, souhaiter<br />
je voudrais des critiques qui pussent corriger, et non pas gâter, qui réformassent […] et<br />
qui ne lui fissent pas quiter ce caractère (MVX’ 145)<br />
Je souhaiterais que dans un de vos discours vous essayassiez de me soulager par des<br />
réflexions qui la fissent rougir de son avarice (MVX’175)<br />
. Verbe de la principal = à l’impératif<br />
10
ds le contexte énonciatif.<br />
. Antécédent indéfini (pronom : qqn, article, adj. : quelque )<br />
quelque chose qui eût un rapport…<br />
. Relative à sens final (comme si : tel … que… )<br />
des divertissements où il pût…<br />
. b) Relative portant sur une existence supposée<br />
. Proposition principale interrogative ou hypothétique<br />
2. Sélection de l’antécédent<br />
. a) Sélection quantitative<br />
. Affirmation d’inexistence : l’antécédent possède une propriété non réalisée<br />
Ne pas, jamais, personne, rien qui…<br />
il n’est point d’égarement d’esprit qu’elle jugeât digne […] (MVX’. 219)<br />
. Affirmation d’existence minimale : isolement d’un ou plusieurs éléments qui<br />
seuls vérifient le prédicat posé par la relative.<br />
max.<br />
Il n’y a que lui qui…<br />
. b) Sélection qualitative : antécédent lié à un superlatif<br />
. Superlatif au sens strict : le plus, le moins…<br />
. Tournures lexicalement apparentées : adj. ordinaux (le premier, le dernier ),<br />
expression de l’unicité (adj. seul )<br />
. Svent, outre haut degré ds principale, 5 autres élément ds relative :<br />
— V. être : parcourt tt le champ des possibles<br />
— temps composé : sélection de tous les possibles passés<br />
— adv. (jamais) ou circonstant exprimant un espace chronologique<br />
— V. connaître (ts les possibles connus) ou aux. modal pouvoir<br />
C. Prop. sub. circonstancielle<br />
11
contrefactuel]<br />
1. Vérité du procès dans un monde potentiel<br />
. a) Propositions finales<br />
. Intro. par afin que, pour que<br />
. Finales négatives : de peur que, de crainte que, sans que… [monde<br />
tout son embarras est de l’agencer dans ce qu’il dit, de façon qu’il s’y trouve sans qu’il<br />
paraisse qu’il y ait de sa faute ; (MVX. 5-7) [= de façon à ce que ne pas : conséquence<br />
niée, refusée]<br />
. Consécutives intentionnelles : la csquence fait l’O d’une interprétation : de<br />
manière que, assez/trop pour que…<br />
tout son embarras est de l’agencer dans ce qu’il dit, de façon qu’il s’y trouve sans qu’il<br />
paraisse qu’il y ait de sa faute ; (MVX. 5-7)<br />
. b) Proposition hypothétiques<br />
. En l’absence de la conjonction si<br />
. Double protase : si + indic et que + subj.<br />
Si une femme alors pouvait se séparer de sa passion et la mettre à l’écart, et qu’après elle<br />
examinât de sang-froid […], il n’est point d’égarement d’esprit qu’elle jugeât digne […]<br />
(MVX’. 219)<br />
. Locutions conjonctives :<br />
valeur affective > expression du souhait)<br />
procès de la principale)<br />
— pour peu que : condition restrictive telle que le min. = assez<br />
— pourvu que : condition nécessaire et suffisante (tend à se charger de<br />
— à moins que : condition exceptive (la seule tq. ne se réalise pas le<br />
. c) Proposition temporelle d’antériorité :<br />
. Avant que + subj. < avenir = temps virtuel<br />
. Rem. sur qqs termes introducteurs :<br />
— devant que : vieilli fin 17 e<br />
— jusqu’au moment où/que = sbj. ou indic. Au 17 e<br />
* après que = tj. + indicatif ds langue classique ; extension sbj. par anal.<br />
. d) Propositions alternatives : soit que… soit que…<br />
12
. Les deux faits = vrais dans un monde potentiel.<br />
aux chances d’actualisation de l’autre.<br />
. Rem. :<br />
— les chances d’actualisation de l’un sont inversement proportionnelles<br />
— complétives = sujet / V. être au subj.<br />
— pas tj. symétrie ds langue classique : soit que… ou [soit] que<br />
et chez eux, soit que notre figure ne s’attirât pas l’attention de leurs domestiques, ou que<br />
nous vinssions à de mauvaises heures, on nous a tj. dit que ces messieurs étaient absents ou<br />
occupés (MVX’ 128)<br />
2. Vérité du procès ds un monde contrefactuel<br />
. a) Proposition subordonnée concessive<br />
. Subj. < écart / relation implicative vraie ds un monde contrefactuel (Martin)<br />
[Soutet : écart logique cause / conséquence]<br />
— protase concessive appartient au présupposé de l’énoncé<br />
(impossibilité du présentatif c’est — info. nouvelle — en concessive)<br />
argtt°<br />
. α> Concessives simples :<br />
— quoique : relatif indéfini à l’époque (16 e = plutôt combien que)<br />
— bien que : l’adv. renfonce l’assertion > base d’une réfutation ds<br />
. β> Concessives à focalisation indéfini : PN (quoi que…) , adj. (quel qu’il<br />
soit), déter. (quelque … que, tout… que ), + PN relatif<br />
si + adj. + que…<br />
— Le fait principal ne dépend pas de la vérité de la subordonnée.<br />
Quelque lot que vous choisissiez, vous n’en serez ni mieux ni plus mal. (MVX’. 208)<br />
. γ> Concessives impliquant un parcours sur une échelle d’intensité : quelque,<br />
— Fait principal réalisé qq soit l’intensité attribué à l’adjectif pivot de<br />
la subordonné ; subj. < écart logique et indétermination<br />
. b) Polysémie de que : en contexte négatif<br />
. Que = pure marque de subordination, à orientation virtualisante.<br />
. α> Cause ou explication niée : non que… (que = parce que)<br />
13
non qu’on ne critique un pareil homme, et qu’on ne doute quelquefois qu’il soit aussi<br />
aimable qu’il croit l’être ; (MVX. 20-22)<br />
. β> Que seul après prop. principale négative = sans que ou avant que<br />
il ne s’était point passé de jour qu’elle n’eût craint de…<br />
ses femmes ne venaient point à elle qu’elle ne les appelât (Princesse de Clèves)<br />
— Concl. : rôle max. chez Mvx < se prête à subjectivation du discours et tvl. critique <<br />
théâtralité réflexive dans la grammaire même de la phrase : envisage des possibles (désiré,<br />
supposé — même dans relative avec sélection de l’antécédent —), et forme de polyphonie<br />
(concessive).<br />
14
3. Commenter : « Eh ! quel honneur n’est-ce pas pour une femme, que de<br />
fixer un pareil homme ! » (l. 24-26)<br />
— Phrase exclamative, avec extraction du prédicat et détachement du thème:<br />
+ Phrase exclamative :<br />
. Interjection initiale + premier point d’exclamation (ne termine pas la phrase : valeur<br />
de virgule > pas suivie d’une majuscule).<br />
. Déterminant exclamatif « quel » + inversion SV « n’est-ce pas » + point<br />
d’exclamation.<br />
+ Proximité et différence / phrase interrogative : même forme du déterminant (« quel » ; id. /<br />
adv. « combien » ) + inversion SV (ms : pas obligatoire, et plus fréquente que ds l’interro.)<br />
[courante en fr. classique ; réduite en FM. aux phrases attributives avec être] ; différence /<br />
modalité assertive d’énonciation<br />
. De même : « quel » permet d’envisager différents possibles ds structure concessive<br />
quel [+N]… que) : cette actualisation indéterminée permet ss doute de comprendre valeur de<br />
la négation = envisager différents degrés d’honneur > considérer qu’aucun n’est exclu.<br />
— Id. : « Que ne ferait-il pas pour… ? » = « Il ferait tout pour… »<br />
+ Proche de la structure emphatique par extraction C’est qui / que… = focalisation d’un<br />
élément en fait le prédicat anticipé de la phrase.<br />
. Cf. * « C’est un honneur pour une femme que de fixer un pareil homme » (Prédicat-<br />
Thème) < « Fixer un pareil homme est un honneur pour une femme » (T-P).<br />
+ Pb. : dans cette construction, « que » n’a pas de fonction ≠ « C’est cela que je veux » ><br />
« que » ≠ PN relatif O, mais conjonction de subordination : introduit le gpe infinitif qui<br />
explicite « ce » = le thème.<br />
. Sensible < virgule : à la limite, détachement pur et simple serait possible, sans « que<br />
de » : état de langue intermédiaire, entre pratique classique (« que » seul = courant ; parfois ø<br />
16 e ; emploi très libre) et pratique moderne (« de » seul = le plus usuel).<br />
— « que » = pure marque de subordination, très proche de la parataxe.<br />
— « de » = ici simple complémenteur plus que préposition : permet de conférer<br />
à l’infinitif diverses fonctions, ds construction qui peuvent être directe par ailleurs (cf. COD :<br />
« Je te propose un cigare » / « de dîner »).<br />
— Typique des phrases segmentée qui se dvlppent au fil du 18 e (variété + expressivité) =<br />
pose pb. de disjonction + résolution (anaphore en « ce » ici) + jeu sur les modalités<br />
15
(exclamative ; voire : négation comme réfutation d’assertion) et la dynamique communicative<br />
(topicalisation : thème / prédicat).<br />
16
D.<strong>Guillaume</strong><br />
AGRÉGATION 2001-2002<br />
GRAMMAIRE-STYLISTIQUE<br />
<strong>Marivaux</strong><br />
Le Spectateur français (1728)<br />
Septième feuille, pp. 146-147<br />
« Quand je songe à cette critique […] et voilà le bon esprit. »<br />
1. Lexicologie : « esprit » (l.2)<br />
— 1. Morphologie et étymologie<br />
+ esprit n. m. succède en AF à la forme lat. spiritus, spiritum (fin Xe) > s’écrit d’abord<br />
espirit, esperit (db. 12 e ) ; forme moderne (14 e ) ne se répand qu’àp. du 16 e .<br />
+ Mot = emprunt au lat. classique spiritus =<br />
. « souffle, air, respiration » d’où « émanation, odeur », « aspiration », « esprit » en<br />
gram. [repris 17 e / mode d’articulation de l’initiale vocalique en gc. ancien] (équivalence<br />
du gc. pneuma > neume).<br />
. Comme gc. pneuma, spiritus = (par métaphore : analogie de l’impalpable) aussi<br />
« souffle, esprit divin », « inspiration », d’où « âme » et « personne »<br />
. En lat. chrét. = (par métonymie : effet / cause divine ou partie / tout de la<br />
personne) tend à prendre valeur de « mentalité », « intention », « principe de vie<br />
morale », « intelligence », « être immatériel ».<br />
+ Mot lat. < V. spirare « souffler, respirer », « exhaler une odeur » et au fig. « être<br />
inspiré », V. sans correspondant hors du latin.<br />
+ Mot passé en fr. par les textes chrétiens. Y reprend, à des époques différents, une partie<br />
des ≠ sens de spiritus.<br />
— 2. Étude diachronique : série de glissement à partir de quelques significations dominantes,<br />
laïcisation avec développement important des sens proprement intellectuels àp du 16 e s.<br />
+ a) Principe de la vie corporelle :<br />
17
. 1. Dès 10 e siècle > loc. rendre l’esprit = mourir, où reste métaphore du souffle.<br />
. 2. > aussi sens d’ « être immatériel », ayant un corps impalpable : « être imaginaire<br />
supposé se manifester sur terre » (12 e ) / Dieu, anges, démons ; « âme d’un défunt, revenant »<br />
(15 e ) ; l’esprit malin (16 e ) = « le démon » (malin = sens lat. de « méchant, mauvais ») ;<br />
sens qui subsiste en partic. ds l’occultisme (19 e : esprit frappeur).<br />
. 3. Par anal., sur un registre plus scientifique = ensuite (14 e ) pour corps subtils<br />
considérés comme véhicules de vie, de sentiment (16 e esprits vitaux) > cf. reste ds loc.<br />
comme perdre, reprendre ses esprits (16 e ) ;<br />
— sens d’émanation > esprit en chimie (16 e ) = produit d’une distillation : disparaît<br />
avec chimie moderne mais reste esprit-de-sel (19 e ) « acide chlorhydrique étendu<br />
d’eau » et esprit-de-vin (16 e ) « alcool » restent en emploi régional.<br />
+ b) Principe de la vie incorporelle<br />
. 1 Dès fin 10 e : « principe de la vie incorporelle de l’h., âme » ;<br />
—Db. 12 e = reprend le sens lat. de « souffle, vent, air » ; ds voc. biblique =<br />
« souffle envoyé par Dieu » ; d’où plus galt. : « principe de la vie psychique,<br />
conscience ».<br />
— Rem. : limite du matérielle et de l’immatériel (réactivation de ce sens joue<br />
aussi ds développement des emplois désignant des être ou forces à la fois concrètes et<br />
impalpables)<br />
. 2a. 12 e aussi: désigne principe de la vie intellectuelle, intelligence, par opposition / O<br />
de la pensée > ouvrage d’esprit (1877), péj. vue de l’esprit « position qui ne s’appuie pas<br />
sur le réel », présence d’esprit « aptitude à faire et dire ce qui est à propos ».<br />
— 2b. par méton. = s’emploie au sens d’ « intelligence » / pers. : cf. nott.<br />
expressions comme un petit esprit, un bel esprit (db. 17 e ), péjoratif depuis, nott. 18 e .<br />
— 2c. 1547 = « vivacité de l’esprit, finesse », nott. ds avoir de l’esprit et ds<br />
trait, mot d’esprit ; cf. aussi faire de l’esprit (1787).<br />
. idée de finesse = aussi ds sens d’ « aptitude particulière » [cf. esprit de<br />
géométrie / de finesse, chez Pascal]<br />
. 3a. Ap. 16 e aussi : idée de principe > « principe d’action, d’intention », qui reste<br />
surtout ds loc. comme esprit de justice et titre Montesquieu Esprit des lois.<br />
— > 3b. ens. de valeurs, d’idées, propres à un groupe : cf. restent pej. esprit de<br />
chapelle, de parti [= « mentalité propre à un groupe restreint »] ; esprit de corps (18 e ), de<br />
famille, d’équipe.<br />
+ c) Champ dérivationnel : aspirer, conspirer, respirer, soupirer, spirituel, transpirer.<br />
18
. spirituel, adj. = réfection (13 e ) de spiritiel, espiritiel (fin 10 e ), puis spiritueil (fin 12 e )<br />
= emprunté au lt. impérial spiritualis ou spritalis « propre à la respiration » et en lat.<br />
ecclésiastique « spirituel, immatériel ».<br />
. 1. jusqu’au 16 e s. = que ds le domaine religieux, théologique ; nature immatérielle :≠<br />
corporelle.<br />
Swedenborg.<br />
— réinvesti de mystique par les romantiques, lié à l’illuminisme de<br />
. 2. 16 e = valeurs sans réf. théol., phi. de la nature ; ce qui est relatif à la faculté de<br />
penser, depuis époque classique (1549) ;<br />
— àp 17 e , passe ds le langage courant caractérisation ainsi d’une personne<br />
d’une intelligence remarquable (cf. esprit 2b) : spirituel qualifie ds langage de la<br />
préciosité ce qui enrichit de la vie de l’esprit [une spirituelle, péj. chez Molière =<br />
« bas-bleu »] ;<br />
— en relation avec sens de esprit (2c), adj. s’applique àp 17 e / pers. ayant<br />
vivacité, finesse ds ses réparties, propos et conversation > paroles, actions et<br />
comportements dénotant cette vivacité. Devenu un des principaux emplois du mot.<br />
— 3. Étude contextuelle<br />
+ Sens b2c = vivacité particulière de l’intelligence (cf. déf. de <strong>Marivaux</strong> lui-même)<br />
+ Cf. étude de style : saturation du passage + cf. jeu / sens concret possible (principe<br />
insaisissable : vivacité > mouvement) + de même réactivation du sens religieux.<br />
19
2. Étude de style<br />
— Introduction.<br />
+ 7 e feuille développe réponse aux critiques faites au Spectateur, et qui ont motivé, dit son<br />
auteur, l’interruption momentanée de sa parution (fin avril / fin août 1722).<br />
. Cf. Mémoires historiques et critiques (Amsterdam, février 1722), Lettre de<br />
Desfontaine sur l’abbé Houtteville, à paraître en août.<br />
. Dénonce esprit de clan + affirme nécessité d’ « aller son pas » dans l’écriture (145.3)<br />
+ Dramatisation (personnelle) > argumentation = manière aussi du passage considéré :<br />
nuances de pensée passent par un discours qui met en scène (et en phrases) sa propre<br />
élaboration, l’articulant à une représentation animée des critiques qu’il rencontre.<br />
. Analyse et argumentation<br />
. Jeu des voix<br />
I. Analyse et argumentation<br />
A. Les mots de l’esprit<br />
— 1. Répétition et variation : saturation du passage par le champ onomasiologique de<br />
l’esprit)<br />
+ a) Effet comique dans reprise (refrain) de la double critique de ses adversaires, amorcée au<br />
§ qui précède notre passage, p. 146 : « Ne vous a-t-on pas dit que cet écrivain courait après<br />
l’esprit ? n’était point naturel ? » > « il n’est point naturel, il court après l’esprit. » (chiasme)<br />
Ici, quatre occurrences :<br />
« Quand je songe à cette critique, surtout celle de courir après l’esprit » (l.1-2), «savez-vous<br />
bien ce que chez certaines gens signifient ces mots : ils courent après l’esprit ? » (17-18),<br />
« ce n’est point là la nature, vous courez après l’esprit. » (34-35), « et j’entends qu’on dit<br />
qu’ils ne sont pas naturels, qu’ils courent après l’esprit » (43-44)<br />
+ b) Écriture de la variation montrent mieux encore schématisme de la critique adverse (dont<br />
le fond et la forme restent en gros id. : ≠ souplesse des formes de son insertion dans le<br />
discours du spectateur) :<br />
. polyptote (courir 1, ils courraient 6, ils courent 17 et 44, vous courez 35) et dérivation (la nature<br />
34, naturels 44, naturelle 9).<br />
20
— 2. Opposition critique de l’artifice et du naturel : retourner la critique<br />
+ Argument : le reproche de courir après l’esprit proviendrait de ceux qui en manquent (par<br />
nature) > opposition : « courir après l’esprit » (1-2) / « avoir de l’esprit » (5, 10, 12) [=<br />
aristocratie de l’intelligence] > Tt un pôle du manque d’esprit et de l’artifice :<br />
+ a) File métaphore de la course, en explicitant l’idée d’un effort laborieux < nécessité de<br />
l’échec : « qui ne l’attraperaient point, quand ils courraient après » (5-6) ; manière de critiquer<br />
cette métaphore et la pensée qui la sous-tend : réification de l’esprit (séparé de la course qui le<br />
vise ≠ conception M. d’un esprit immanent, vif et porteur de mvt. : cf. définition p. 486 in<br />
« Réflexion sur l’esprit humain à l’occasion de Corneille et de Racine » : « attributs ou […]<br />
aptitudes de l’âme considérée comme intelligente » > ont des « impulsions » auxquelles il ne faut pas<br />
opposer « trop d’obstacles »).<br />
+ b) Explicitation des attributs qui rendent nécessaire cet effort : « le défaut d’esprit » + « leur<br />
platitude » (7) > « les auteurs plats » (38) = révélation d’une mauvaise nature.<br />
. Caractérisation du trop d’esprit par ses adversaires : V. exprimant la tension vers un<br />
but + termes à connotation mondaines :<br />
vous cherchez à brillez dans vos ouvrages, vous voulez être spirituels (33-34)<br />
— reprise en paronomase partielle par le spectateur : vous verrez un homme […]<br />
qui ne pétille point (46-48)<br />
— 3. Penser ou l’esprit au naturel<br />
+ a) Chez les critiques les plus dogmatiques du SF., la pensée est ce que le discours cache<br />
(cf. articulation par locution adverbiale concessive « du moins ») :<br />
voici ce que ceux-là disent à leur tour, ou du moins ce que chacun d’eux pense (147)<br />
+ b) Chez les suiveurs, elle est au contraire ce que le discours révèle :<br />
Oui, Messieurs ! lisez moi : vous verrez un homme qui pense simplement, raisonnablement,<br />
qui va son grand chemin, qui ne pétille point, et voilà le bon esprit.(46-9)<br />
. Opposition d’une construction en CO interne : « aller son grand chemin » (sens du<br />
CO reproduit partiellement celui du V) / « courir après l’esprit » = construction indirecte :<br />
esprit extérieur au mouvement / il en est le milieu, et comme la pente naturelle.<br />
—En outre, intro. d’une caractérisation dans locution lexicalisée « aller son<br />
chemin » = manière d’améliorer le naturel sans en contrarier le mouvement.<br />
. Glissement du « lire » au « voir » (cf. aussi récurrence des présentatifs « voici » et<br />
voilà » > réactivation du lexème de composition = V. « voir » à l’impératif — comme<br />
21
« lire ») : de l’activité intellectuelle à la simple perception, vers le naturel < apparition de<br />
l’évidence : bonne nature = « bon esprit »… (cf. Le Bossu fin 17 e , Marmontel + tard :<br />
imitation de la belle nature)<br />
B. L’argumentation adverse : paradoxes et dévoilement des passions<br />
— 1. Artifice et sectarisme<br />
+ a) Ruse suprême des Anciens : le surcroît d’esprit<br />
. « des écrivains rusés » (12) = paradoxe polémique et plaisant d’attribuer dissimulation et<br />
tromperie aux partisans déclarés du naturel.<br />
. Paradoxe poussé = « qui ont dix fois plus d’esprit qu’il n’en faudrait pour être persécuté » (12-13) :<br />
emploi hyperbolique du déterminant numéral dans la locution comparative (suffisamment peu<br />
hyperbolique pour ne pas être entièrement lexicalisé, et laisser entrevoir idée comique d’une<br />
mesure quantitative de l’esprit).<br />
. Fond comique et polémique (satirique) du paradoxe = renversement : transformation<br />
d’une qualité (l’esprit) en défaut (cf. nécessité de la dissimulation, possibilité de la<br />
persécution), pour ceux qui en sont généralement dépourvue > Anciens = une tribu<br />
d’imbéciles.<br />
— cf. médiocrité comme cause de reconnaissance : il y a bien des ouvrages qui ne<br />
subsistent que par le défaut d’esprit (6-7)<br />
+ b) Condition nécessaire et suffisante d’appartenance, et qui suspend toute raisonnement =<br />
la supériorité proclamée des Anciens<br />
. Expression de la condition suffisante :<br />
pourvu qu’on adore Homère, Virgile, Anacréon, etc., on peut avoir de l’esprit, tant qu’on<br />
pourra ; les amateurs des Anciens ne vous le reprocheront pas […] (9-12)<br />
. Condition purement verbale : si la religion dont ils font profession pour les Anciens ne les<br />
sauvait. (13-15) = adoration des anciens présentés comme O d’une proclamation publique, ≠<br />
conviction intime.<br />
— les auteurs spirituels, chez anciens, sont hypocrites (tj. opposition / naturel).<br />
— 2. Les raisons d’une passion : une pseudo-logique, métonymique. Les arguments prêtés<br />
aux anciens relèvent d’une expression intéressée<br />
+ a) Vacuité logique<br />
22
. Valeurs des anciens = ne tient à rien qui les caractérisent comme auteurs : langues<br />
anciennes et durée consacrée à leur étude ; 1 e glissement métonymique, des œuvres à leurs<br />
défenseurs.<br />
[…] vous prétendez valoir et surpasser des auteurs qui sont en grec et en latin, et que<br />
j’étudie depuis vingt ans ! (20-21)<br />
+ b) L’accaparement du respect : les Anciens défendent un statut, une déférence<br />
. Attribution purement métonymique d’un respect mondain :<br />
Si le monde allait vous en croire, que deviendrais-je, moi, qu’on associe au respect qu’on<br />
leur rend ? (21-23)<br />
. Renversement de l’argument métonymique, qui deviendrait contamination<br />
dégradante entre contemporains (réitération accentue vacuité de l’argument + le pousse à la<br />
contradiction) :<br />
faudra-t-il me rendre à l’affront de vous admire, vous, avec qui je vis tous les jours ? (23-4)<br />
+ c) La jouissance du mépris : l’exposé des arguments tourne au portrait à charge.<br />
. Plaisir des partisans des Anciens = ds le rudoiement des modernes.<br />
[…] moyennant ce que nous allons dire, la plupart de ceux qui vous liront […] seront bien<br />
aise de disserter cavalièrement sur votre compte […] (28-29)<br />
. Glissement vers la critique ad hominem (« vous » ≠ œuvres) :<br />
ils auront raison de vous trouver mauvais. De bonne foi ! je sens que vous l’êtes (31-32)<br />
. Dans les deux cas, Ancien apparaît comme rude et mal policé : trop proche de la<br />
nature ; critique issue des usages du monde :<br />
— « cavalièrement » (avec les manière d’un cavalier)<br />
— attaque directe et non argumenté de la personne (« bonne foi » = forme de<br />
naïveté), avec connotation déplaisante pê induite par proximité de certains<br />
termes : « sens » + « mauvais » (comme « cavalièrement ») = peut tirer vers le bas<br />
corporel (registre du burlesque).<br />
+ Tvl. d’écriture pas seulement dans choix des termes et des arguments : aussi mouvement<br />
des phrases.<br />
C. La syntaxe de la persuasion<br />
— 1. La densité<br />
23
+ a) Travail de l’anaphore : assure cohésion conceptuelle d’un passage par séries de marques<br />
légères = typique de l’époque, qui répugne à trop expliciter (> moyen de vivacité, et parfois<br />
d’obscurité, par excès de densité).<br />
. Passage débute par anaphore conceptuelle faisant le lien avec le passage qui précède :<br />
« cette critique » (1) > anaphore grammaticale (déjà présente av. par le démonstratif) :<br />
PN. démonstratif permettant détermination : celle de courir après l’esprit (1)<br />
Forme conjointe du PNP3 fém. : je la trouve… (2)<br />
Forme S du PNP3 fém.: la commodité dont elle est à tous ceux qu’elle dispense<br />
heureusement d’avoir de l’esprit (4)<br />
. Même mouvement en fin de passage (désignant non plus l’accusation de courir après<br />
l’esprit, mais ceux qui en sont accusés) : anaphore conceptuelle avec démonstratif > PN relatif<br />
> formes disjointes P6 masc. > forme S :<br />
Ces gens, contre qui on crie, me chagrinaient (41); […] je valais moins qu’eux (43), et<br />
j’entends qu’on dit qu’ils ne sont pas naturels (43-44)<br />
+ b) Alliance de mots ou d’expression contradictoires<br />
. GN + G Infinitif déterminatif = faudra-t-il me réduire à l’affront de vous admirer (23-24)<br />
— conjoint abaissement de soi (GN) / élévation de l’autre (GI)<br />
— singulier : ds imitation d’un partisan des Anciens<br />
— révélateur de la condensation par style substantif (expression d’un procès,<br />
ici [cf. déverbal] ≠ formulation possible par simple infinitif ou par une complétive CDN, ou<br />
complétive COI intro. par à ce que).<br />
. Adv./GV + V/CO: ceux qu’elle dispense heureusement d’avoir de l’esprit (4-5)<br />
— V/CO : avoir de l’esprit = qualité plaisante / dispenser: implique obligation,<br />
et donc action plutôt harassante > avoir de l’esprit = activité harassante chez les Anciens.<br />
— Adv./GV : être dispensé d’avoir de l’esprit = implique lourdeur de<br />
manières, voire stupidité > un malheur, un défaut / heureusement (sens étym. : « par chance »)<br />
= se justifie par la stupidité des Anciens, qui n’ont pas à accomplir un effort dont ils seraient<br />
incapables.<br />
+ c) Périphrase : relève de la densité dans la mesure où, comme elle, manière indirecte de<br />
dire les choses —relève de l’ingéniosité, du trait d’esprit qui en appelle à l’intelligence du<br />
lecteur.<br />
. Locutions (même figurées) existant dans la langue de l’époque mais enchaînées et<br />
combinées avec tour négatif et comparatif d’infériorité (difficulté ne tient pas seult. à langue<br />
d’époque, pour nous):<br />
24
il me fallait tous les jours aller aux expédients pour ne pas me douter que je valais moins<br />
qu’eux (41-43) [= (en venir à) inventer des raisons pour ne pas craindre que je leur étais<br />
inférieur]<br />
— locution un peu entortillée de l’adversaire secondaire, qui se sait tel<br />
(direction d’intention, chez ce partisan du naturel) : au moment de désigner les Modernes<br />
(néo-précieux) par rapport auxquels il finira par se reconnaître supérieur (en un style plus<br />
simple, en un style proche de celui du celui du Spectateur lui-même).<br />
— 2. Phrase périodique et style coupé : équilibre entre charpente logique clairement posée,<br />
et effet de glissando — par parataxe et coordination simplement copulative (dont la valeur<br />
argumentative reste implicite : « et », « ni », « puis »).<br />
+ a) Amplitude et construction :<br />
. §1 = ne comporte qu’un point final : une seule période (15 lignes), mais subdivisée<br />
par des ponctuations intermédiaires (2 x point-virgule : 6, 11 ; 1 x deux points : 9) et<br />
organisées par des conjonctions de subordination et adverbes de liaisons :<br />
[critique de courir après l’esprit] je la trouve la chose du monde la plus comique, tant (3)<br />
j’ai du plaisir à me représenter la commodité dont elle est à tous ceux qu’elle dispense<br />
heureusement d’avoir de l’esprit […] ; et en effet, (6) il y a bien des ouvrages qui ne<br />
subsistent que par le défaut d’esprit […] : au surplus, (9) pourvu qu’on adore Homère, […]<br />
on peut avoir de l’esprit […]<br />
— 1 e enchaînement = forme de subordination inverse (type : « Il n’a pas fait<br />
trois pas, que son adversaire a tiré ») et implicite (« Tu viens, je suis content ») : 1 e prop.<br />
exprime conséquence de la seconde, avec inversion et amputation de la corrélation « tant…<br />
que ».<br />
sens.<br />
— 2 e = adv. introduisant explication > 3 e = nouvel argument dans le même<br />
+ b) Parataxe et coordination copulative à valeur argumentative.<br />
. « et » :<br />
— ajout d’un exemple renforçant l’assertion précédent (cf. « en effet »,<br />
« ainsi » : justification) : [pas de reproche / esprit, si vénération des Anciens] et je connais des écrivains<br />
rusés (12)<br />
— intro. d’un élt. décisif dans l’argumentation, qui inverse le cours du<br />
raisonnement (cf. « or ») : [difficulté à ne pas se croire inférieur à certains auteurs] et j’entends qu’on dit<br />
qu’ils ne sont pas naturels, qu’ils courent après l’esprit ; (43-44)<br />
. Parataxe :<br />
25
— deux points à valeur explicative : cf. « en effet »<br />
[ils] seront bien aise de disserter cavalièrement sur votre compte […] : ils s’imagineront<br />
gagner à ce qu’ils vous feront perdre (27-30)<br />
— point-virgule id. :<br />
pourvu qu’on adore Homère, […] on peut avoir de l’esprit […] ; les amateurs des Anciens<br />
ne vous le reprocheront pas (9-12)<br />
— deux points à valeur de subordination implicite (si… alors : cause-csquce) :<br />
lisez-moi : vous verrez un homme qui pense simplement (46-47)<br />
+ Agrément de vivacité et d’appel à l’esprit > aussi construction de l’argumentation sur des<br />
fictions : hypothèses.<br />
— 3. Les nuances de l’hypothétique<br />
+ a) Finales hypothétiques et décalages de modalités : spectateur ménage chute sur la fiction.<br />
. Conditionnel en relative, avec protase inversée elle-même au conditionnel, intro. par<br />
« quand » [= « même si » + imparfait] (valeur concessive : hypothèse écartée, dont la Rt°<br />
n’empêcherait pas celle de la principale)=<br />
tous ceux qu’elle dispense heureusement d’avoir de l’esprit, et qui ne l’attraperaient point,<br />
quand ils courraient après ; (6)<br />
. Conditionnel amené par relative + comparative > anacoluthe (articulation : présent de<br />
l’indic. / imparfait): corrélation des temps se fait entre comparative et hypothétique, alors que<br />
relation de sens = entre relative et hypothétique (la subordonnée de condition porte sur le<br />
verbe de la relative).<br />
[…] je connais des écrivains rusés qui ont dix fois plus d’esprit qu’il n’en faudrait pour être<br />
persécuté, si la religion dont il font profession pour les Anciens ne les sauvait. (12-15)<br />
+ b) Le futur d’hypothèse dogmatique : logique sans détour des Anciens<br />
. Présent de l’indicatif > futur.<br />
pourvu qu’on adore Homère, […] on peut avoir de l’esprit […] ; les amateurs des Anciens<br />
ne vous le reprocheront pas (9-12)<br />
. Imparfait > conditionnel + futur<br />
Si le monde allait vous en croire, que deviendrais-je […] ? faudra-t-il me réduire à l’affront<br />
de vous admirer […] ? (21-24)<br />
. Passage à l’enchaînement machiavélique des moyens et des fins : futur proche ><br />
indicatif futur :<br />
[…] moyennant ce que nous allons dire, la plupart de ceux qui vous liront […] seront bien<br />
aise de disserter cavalièrement sur votre compte (25-28)<br />
26
+ Opposition d’un discours imaginatif et en nuance / dureté d’un parti pris et d’un style : la<br />
syntaxe porte une argumentation polémique, où joue son rôle la représentation d’une<br />
subjectivité et d’un débat.<br />
II. La voix plurielle du Spectateur<br />
A. Une présence personnelle<br />
— 1. La première personne du singulier : objectivation et corrélation de subjectivité.<br />
Mobilité du point de vue énonciatif, malgré ancrage net par la P1 = divers sa et sé pour un<br />
même référent.<br />
+ a) P1 : du sujet à l’objet<br />
. Commence par être S. de V ; de pensée et parole : scénographie du Spectateur (=<br />
manière de s’approprier les données énonciatives propres au cadre génétique : ici le journal).<br />
Je pense (1), je la trouve (2), je connais (12)<br />
Je disais (16), j’ai parlé (17), dis-je (36), j’entends (43) [agent > siège d’une perception]<br />
. Formes complément : « me » > instance présenté comme O d’un procès (même si<br />
plutôt siège d’une exp.) > forme disjointe = véritable O : de la lecture (P1 comme métonymie<br />
du texte).<br />
Ces gens […] me chagrinaient (41) ; il me fallait […] aller aux expédients (41-2) me voilà<br />
meilleur qu’eux ! (46) lisez-moi (46)<br />
+ b) Vers une P3 proche, d’évidence<br />
. Relation à la P1 = par le possessif : abstraction et locution (ma foi ! 45) mais aussi<br />
esquisse d’un petit monde de parole : un de mes amis (16), mon ami (36)<br />
. Passe par la P2 (corrélat de subjectivité) > déplacement de la scène de parole = c’est<br />
l’auteur plat qui devient allocutaire : Spect. mime une P3 qui, parlant à la P1 ; s’adresse à lui à<br />
la P2, en l’assimilant au clan des modernes.<br />
Si le monde allait vous en croire […] la plupart de ceux qui vous liront […] vous cherchez<br />
à brillez […] vous courez après l’esprit (21-35)<br />
. Division des adversaires = auteur plat devient O de regard (lecture) pour les partisans<br />
des anciens > P3 = GN avec déter. indéfini.<br />
— 2. Un temps subjectivé<br />
[…] lisez-moi : vous verrez un homme qui pense […] (46 sq.)<br />
27
+ a) Circonstants dotent la P1 d’épaisseur temporelle, existentielle (présupposition)<br />
. Passé : imparfaits + circ. dans la scène avec l’ami = prélèvement d’un exemple de la<br />
vie courante + allusion au début non narré du dialogue.<br />
Je disais l’autre jour à un de mes amis (16) ; […] les discours que vous teniez tout<br />
l’heure (37-38)<br />
. Présent d’habitude (valeur itérative) : Quand je songe à cette critique […] (1)<br />
+ b) Prise du lecteur par la temporalité progressive de la phrase : procédant par ajout et<br />
surprise, la syntaxe mime (capte) un surgissement de pensée.<br />
. Reprise par un PN démonstratif > spécification par un groupe prépositionnel<br />
Quand je songe à cette critique, surtout à celle de courir après l’esprit (1-2)<br />
. PSR explicatives séparées de la base Nale par une virgule :<br />
tous ceux qu’elle dispense heureusement d’avoir de l’esprit, et qui ne l’attraperaient<br />
point […] (4-5)<br />
Ces gens, contre qui on crie, […] (41)<br />
. Clausule avec sur hypothétique en anacoluthe — qui renverse in extremis caractère<br />
inéluctable de la persécution :<br />
[…] je connais des écrivains rusés qui ont dix fois plus d’esprit qu’il n’en faudrait pour être<br />
persécuté, si la religion dont il font profession pour les Anciens ne les sauvait. (12-15)<br />
. Période portée dont cadence majeure porte apodose ternaire (dont premier membre<br />
binaire) — architecture forte et simple, étayé par anaphores et parallélisme (PN relatif, adv. en<br />
–ment) —, et rompue finalement par clausule mineure (rupture de temporalité : future +<br />
présent de galité > tournure présentative à valeur d’actualité) :<br />
Oui, Messieurs, lisez-moi : // vous verrez un homme qui pense simplement,<br />
raisonnablement, qui va son grand chemin, qui ne pétille point, et voilà le bon esprit. (46-<br />
49)<br />
— 3. Traits d’oralité dans le discours écrit du Spect..<br />
+ a) Modes et modalité.<br />
. De l’imitation des Anciens > plaidoyer final : montée de l’exclamatif, comme<br />
marque locale d’intensité chez le Spectateur .<br />
— propos passionnés du Spectateur :<br />
ma foi ! cela est vrai, et bien trouvé, et grâce au Ciel, me voilà meilleur qu’eux ! Oui,<br />
Messieurs ! lisez moi […] (45-46) = uniquement renforcement d’affirmation<br />
(avec sans doute composante d’ironie)<br />
. Intégration par l’auteur plat de l’injonctif, modalité d’énonciation mobilisant<br />
l’allocutaire (45-46) :<br />
28
+ b) Mobilisation de la P2.<br />
. Dans le passage étudié (≠ juste avant : « Voilà comment on vous dupe, lecteur […] »),<br />
lecteur pas directement interpellé.<br />
. En revanche , adresse du suiveur à ses critiques comme lecteurs intervient au terme<br />
de l’argumentation : renversement de la prosopée de l’Ancien (de locuteur, devient<br />
allocutaire) comme pointe de l’argumentation. Alliance de la visibilité et de l’oralité.<br />
représentation.<br />
— < lire = voir + entendre (cf. j’entends 43) : se rendre à l’évidence. Or, texte =<br />
B. La mise en scène des pensées<br />
— 1. Caractérisation polémique d’un camp<br />
+ a) Une collectivité doctrinaire.<br />
Anciens » (11)<br />
. Propos du partisan des Anciens : opposition « nous » / « vous » (20-35) = 2 camps.<br />
— individu du camps adverse = mal distingué des autres : indéfini « on » (9-11)<br />
— ≠ « je » singulier du spectateur, et son « ami ».<br />
. Caractérisat° par substantif signifiant une activité unique :« les amateurs des<br />
— assez logiquement : valeur proche de l’étym. de cet emprunt au latin =<br />
« celui qui aime, partisan » ; sens AF = fort aussi, mais sens moderne date du 17 e (aimer art ss<br />
pratiquer ; pas encore : ≠ professionnel) > effet de style (archaïsme, latinisme).<br />
. Signalétique systématique des articles de foi des Anciens = en italique ; changement<br />
de niveau énonciatif ; valeur de citation, dont Spect. se démarque tout en les intégrant ds ses<br />
propos [effet possible d’intonation, insistante] :<br />
Homère, Virgile, Anacréon (9-10) ; en grec et en latin (20-21)<br />
Ils courent après l’esprit (18)<br />
+ b) Champs onomasiologique : guerre et religion.<br />
. Autour de « cavalièrement », pris au sens figuré (28):<br />
— opposition : joie de « gagner » / plaisir de faire « perdre » (30) [lecture<br />
quantitative possible aussi, pas seulement militaire : COD implique un O : « ce que » 30<br />
(réputation ?) (≠ synonyme de combat : sous-catégorisation sémantique de la classe<br />
distributionnelle des C de « gagner » et « perdre »)]<br />
29
— comparaison des « troupes auxiliaires » (38-39) = unifie à posteriori le<br />
champ onomasiologique en dégageant le sème guerrier (opposition collective et armée).<br />
16 e ]<br />
. Autour de « esprit » et surtt. pê de « spirituels » (34) [sens uniquement religieux ><br />
— « on adore Homère, Virgile, Anacréon » (9-10) = / auteurs païens, dont le dernier =<br />
auteur de poésies légères (liste un peu hétéroclite : du plus au moins solennel) > « la religion<br />
dont ils font profession pour les Anciens » (13-14) : parole publique permet le salut (« ne les sauvait » 14-<br />
15) = assez hérétique / pbmatique chrétienne de la grâce (débat jansénistes / jésuites), mais /<br />
persécution (13) : religion comme dogme et institution (≠ foi)<br />
— > « De bonne foi ! » (32) = locution a valeur d’antiphrase, ≠ Spect. : « ma<br />
foi ! »(45 possessif > plus personnelle) et « grâce au Ciel » (45): locution aussi, mais de qqn. qui<br />
ne prétend pas assurer son propre salut ; s’en remet au ciel — ironiquement par l’entremise<br />
d’une lecture de bonne foi des Anciens.<br />
— 2. Scénographie de la voix. Caractérisat° charge aussi par manière de parler mise en sc..<br />
+ a) Une parole d’agression.<br />
. Types de phrases et modalités orales, plutôt expressive chez le Spect. (fin) =<br />
systématiquement tournées contre l’autre chez le partisan des Anciens.<br />
— syntagmes et phrases exclamatives :<br />
Comment! […] petits marmousets ! vous prétendez valoir et surpasser des auteurs […] que<br />
j’étudie depuis vingt ans ! (19-21) = indignation + injure<br />
De bonne foi ! je sens que vous l’êtes (32) = renforcer l’affirmation<br />
eh fi ! vous cherchez à briller […] (32-33) = mépris<br />
— interrogation — rhétorique = réservé à l’ancien : modalité interrogative<br />
correspond à un acte illocutionnaire autre (= expression de l’inquiétude + refus ; acte de<br />
langage : ce que l’on fait en parlant) [≠ acte locutionnaire = acte de production d’un énoncé :<br />
articulation + structure + référence ; acte perlocutionnaire = effet de l’énoncé]<br />
[…] que deviendrais-je, moi, qu’on associe au respect qu’on leur rend ? faudra-t-il me<br />
réduire à l’affront de vous admirer, vous, avec qui je vis tous les jours ? (22-24)<br />
— interrogation s’accompagne de la reprise du PNP sujet par sa forme<br />
disjointe, qui permet caractérisation par PSR explicative, laquelle oppose un « moi » dont<br />
réputation < ancien, et un « vous » qui inspire le mépris < contemporain.<br />
+ b) Une argumentation minée de l’intérieur.<br />
30
. Dispositif très particulier d’ironie, qui peut se comprendre en terme de polyphonie<br />
(cf. Ducrot : Le Dire et le dit, Minuit, 1984 + Herschberg-Pierrot), par disjonction du locuteur<br />
(parle) et de l’énonciateur (assume):<br />
— Normalt. : distinction entre Locuteur L, qui utilise en « mention » les propos<br />
d’un Énonciateur E : L assume les mots, non le point de vue de E.<br />
— Ici, le locuteur-énonciateur du Spect. (adhésion à ses propres mots : L-E)<br />
imite un Ancien (L’-E’) = cas de discours direct (≠ ironie) ; mais : certains propos de L’<br />
trahissent son point de vue ou le rendent incohérent et même invraisemblable (≠ E’) [il est<br />
montré comme sérieux, mais involontairement comique : burlesque] = greffes du Locuteur –<br />
Énonciateur 1 e au sein du 2 nd : apparaît à des termes et tournures axiologiques négatives (« et à<br />
qui notre question n’importe en rien » 26-27 ; « ils s’imagineront gagner » 29-30), et alliances d’expression<br />
éthiquement intenables (« seront bien aises de disserter cavalièrement » 27-28).<br />
Complexité : ancrage énonciatif reste celui du personnage (L’), alors même<br />
que les propos deviennent ceux du Spect. : ex. =« disserter cavalièrement sur<br />
votre compte » (28 ≠ * « notre compte… »).<br />
Ironie car disjonction d’au moins une partie des propos (ancrage énonciatif :<br />
Ancien) / point de vue exprimé (Spect.).<br />
Forme de DIL inverse : personnage intègre propos du narrateur dans son<br />
discours.<br />
+ c) Une transparence trouble.<br />
. Rapidité dans la conversion à l’avis négatif des Anciens / Modernes (néo-précieux) =<br />
inconsistance du camp adverse.<br />
. Mais : argument final de l’évidence et simplicité, raisonnement gal fondé sur bonne<br />
nature = proche des valeurs de <strong>Marivaux</strong> lui-même (division et captation des adversaires).<br />
— ironie ds approbation des Anciens = pê manière de juger les Modernes sans<br />
trop y paraître (cf. suite du passage).<br />
. Ironie = figure, et d’une façon générale, discours final de l’évidence pas moins<br />
rhétorique que ce qui précède (cf. périphrase, exclamation, prosopopée, parallélisme,<br />
clausule).<br />
l’ancien comme ridicule).<br />
— reprise en mineur de la saynète où représentait l’Ancien (soi-même imitant<br />
— différence de <strong>Marivaux</strong> = fidélité à soi (non à un groupe) et ouverture à<br />
l’autre (appel à la lecture ≠ injure : usage du monde) : ne cherche pas de doctrine, mais un<br />
mouvement (« grand chemin »). Ce que montre la circulation des représentations (cf. les<br />
31
« formes », en rapport avec le « siècle » p. 147) : elle est le « naturel » ou « l’esprit ». Le<br />
« feu » du style traverse des figures, recherchant à tenir l’oxymore d’un « arrangement<br />
naturel » (p.145§3).<br />
32
D.<strong>Guillaume</strong><br />
AGRÉGATION 2001-2002<br />
GRAMMAIRE-STYLISTIQUE<br />
<strong>Marivaux</strong><br />
Le Spectateur français (1728)<br />
Dixième feuille [16 octobre 1722], pp. 161-162<br />
Syntaxe : les connecteurs spatio-temporels et argumentatifs<br />
— Introduction : pb. = délimitation du domaine<br />
+ a) Définition générale :<br />
. Connecteurs = termes et syntagmes établissant des relations sémantiques et logiques<br />
entre les propositions ou groupes de propositions d’un texte. Relèvent de la grammaire de<br />
texte plutôt que de phrase : équilibre répétition / progression de l’info. dans un texte.<br />
. ≠ progression thématique (relation thème-prédicat + surtout entre les thèmes des<br />
phrases successives : thème constant, linéaire, dérivé).<br />
. ≠ anaphore : procédés de reprises<br />
. On distingue : connecteurs structurant le référent (spatiaux et temporels) / organisant<br />
la progression textuel (argumentatifs, énumératifs et de reformulation [c’est-à-dire, en<br />
résumé…])<br />
+ b) Phrase et proposition<br />
. Phrase = unité supérieure de l’analyse syntaxique (« unité du discours » : Benveniste)<br />
formée de constituants mais pas elle-même un constituant [repérage d’un constituant :<br />
possibilité de lui substituer un seul mot, de l’effacer ou de le remplacer].<br />
— Limite et force de la définition par la ponctuation, censée correspondre, à<br />
l’oral, à un segment mélodique entre deux pauses :<br />
. Rapport écrit-oral = infiniment variable / intonation identifie à elle<br />
seule certains types de phrases à l’oral (interro. sans inversion), ou certains actes<br />
illocutoires (injonctions pas à l’impératifs)<br />
33
. Existence de signes de ponctuation ambigus, qui peuvent délimiter une<br />
phrase ou une proposition, voire un syntagme de rang inférieur : point d’exclamation,<br />
point-virgule (pas suivi de majuscule, mais pouvant délimiter ensemble de plusieurs<br />
propositions, subordonnées voire coordonnées ou juxtaposées).<br />
. Possibilité de ponctuer ou d’isoler n’importe quelle séquence écrite ou<br />
parlée + absence de ponctuation ds littérature moderne.<br />
. Proposition = unité syntaxique et prédicative liant un sujet grammatical et un GV.<br />
— toute phrase n’est pas une proposition : cf. phrase monorhématique [à un<br />
seul terme] (nominale, adjectivale…)<br />
+ c) Définition restreinte :<br />
. Grammaire de texte et non de phrase : ne pas prendre en considération les relations<br />
de subordination > uniquement les relations entre propositions indépendantes = qu’elles<br />
composent une phrase complexe par coordination, ou qu’ils s’agissent de propositions<br />
considérées chacunes comme une phrase car séparées par un point.<br />
— ne pas inclure dans les connecteurs argumentatifs le PN indéfini « quoique »<br />
[= « quoi que » ; emploi transitif en deux mots (PN indéf. + relatif) > conjonction en<br />
un mot, avec verbes intransitifs ; confusion est dans langue classique (Corneille)]<br />
régissant une prop. sub . relative concessive (quoique vous puissiez dire 15), ni la<br />
conjonction de subordination « parce que » régissant une subordonnnée de cause (bien<br />
moins parce qu’elle le hait que parce qu’elle s’est fait un principe de le haïr […] 17-19), ni la<br />
structure comparative à valeur d’opposition reliant ici les deux subordonnées causales.<br />
. Pertinent ici < corpus ne comporte pas beaucoup de subordination à valeur<br />
argumentative (« parce que », « puisque ») ; sinon : les inclure.<br />
— mots coordonnant, adverbes de phrases, locutions ou phrases en incidente > ne font<br />
pas vraiment partie de la phrase [suppression possible] mais organisent ses relations<br />
avec son contexte.<br />
. Classement = sémantique et morphologique<br />
— Distinction entre agencement de la réalité référentielle (connecteurs<br />
spatiaux et temporels) / progression d’un raisonnement (argumentatifs : opposition-<br />
concession, explication et justification…)<br />
— Conjonctions, adverbes, locutions diverses…<br />
— Commentaire = affine surtout le classement sémantique<br />
34
— Classement et analyse :<br />
I. Connecteurs spatio-temporels<br />
1. Spatiaux<br />
2. Temporels<br />
a. Adverbes<br />
Cependant, un amant demande pardon d’avoir parlé (24)<br />
bientôt elle excuse son amour comme innocent ; ensuite elle le plaint comme malheureux ;<br />
elle l’écoute comme flatteur ; elle l’admire comme généreux ; elle l’exhorte à la vertu et<br />
[…] elle engage la sienne. (25-29)<br />
Elle n’en a plus […] (29)<br />
il lui reste encore le plaisir d’en regretter noblement la perte […] (30)<br />
et enfin il n’est point d’égarement dont elle ne soit capable avec un cœur de la trempe du<br />
sien […] (37-38)<br />
b. Locutions<br />
Un esprit sage et de la noblesse dans le sentiment ! me répondit-il tout d’un coup. (2-3)<br />
— 1.2. Approche sémantique des connecteurs temporels:<br />
+ a) Connecteurs temporels adverbiaux sont des mots composés dont un élément (lexème) a<br />
un sens proprement temporel, parfois neutralisé au profit d’un sens logique.<br />
. Cf. : adv. « tôt » in « bientôt », N. « suite » in « ensuite », N. « fin » in « enfin ».<br />
. De même : « Cependant » se comprend ici dans un sens temporel, d’après sa<br />
composition = « ce pendant » : forme possible jusqu’au 16 e , « ce » comme forme forte<br />
(disjointe : sans modificateur obligatoire comme en FM) + part. présent du verbe « pendre »<br />
(= « être en cours », « inachevé », « en suspens »).<br />
+ b) Adverbe de négation « ne … plus » prend valeur de connecteur dans contexte<br />
paratactique.<br />
. < implique rupture (cessation d’un état, d’un procès), division de la durée en un avant<br />
et un après, l’avant étant présupposé (ici = possession de la vertu) ; en tension / « encore »,<br />
posant une continuité (articulé par « mais »).<br />
35
. Cohésion textuelle s’étaye aussi de l’anaphore : pronom adverbial « en » / « sa<br />
vertu » (perfidie de l’anaphore partielle : du contenu notionnelle [anaphore lexicale] mais<br />
changement de détermination : « sa » > « de la vertu » [sinon : « l’ » ; ici : article partitif]).<br />
+ c) Présence des connecteurs temporels = montre caractère narratif d’un passage à<br />
dominante argumentative.<br />
. Cf. amorce par locution marquant bien l’événement : « tout d’un coup » (2-3)<br />
. Relative abstraction : absence de connecteurs spatiaux (type « ici », « là », « en<br />
haut », « à droite », « au-dessus »…= pose un référent mais structurent aussi le texte)<br />
II. Connecteurs argumentatifs<br />
1. Exprimant l’opposition et la concession<br />
a. Conjonction de coordination<br />
Mais […] l’amour se déclare […]. (15-16)<br />
mais en résistant, elle entre insensiblement dans un goût d’aventure ; elle se complaît dans<br />
les sentiments vertueux qu’elle oppose ; ils lui font comme une espèce de roman noble, qui<br />
l’attache […]. (20-23)<br />
mais dans cet état, il lui reste encore le plaisir d’en regretter noblement la perte : elle va<br />
gémir avec élévation ; la dignité de ses remords va la consoler de sa chute ; (32)<br />
mais elle l’est du moins avec décence […] (32-33)<br />
je la garantis perdue quinze jours après ; mais il me semble qu’il se fait tard (45)<br />
b. Adverbes<br />
Cependant, un amant demande pardon d’avoir parlé (24)<br />
mais elle l’est du moins avec décence […] (32-33)<br />
c. Locutions<br />
Oui, dit-il, elle lui impose silence […] parce qu’elle s’est fait un principe de la haïr et de la<br />
craindre. (17-19) [adverbe]<br />
Elle lui résiste donc, cela est dans les règles […] (19-20)<br />
il est vrai qu’elle est coupable […] (32)<br />
— 2.1. Approche sémantique des connecteurs argumentatifs exprimant la concession et<br />
l’opposition.<br />
36
+ a) Nuances d’emplois de la conjonction de coordination « mais » :<br />
. 1. Rupture avec un énoncé précédant, dont il réfute le présupposé<br />
— l. 15-16. : réfutation explicitée par la concessive « quoique » [= reprend les<br />
énoncés précédents, de l’homme taciturne] ; ce qui précède implique une certaine<br />
retenue de l’amant > séduction par la vertu / « l’amour se déclare » > résistance.<br />
— Lecture possible de (45) : rupture avec présupposé d’une situation de parole<br />
(je parle et vous m’écoutez)<br />
. 2. Concession = inversion argumentative : argument plus fort inversant la conclusion<br />
non formulée de l’argument précédent.<br />
— l. 20 : elle lui résiste > elle se défait de son inclination > mais : en résistant,<br />
elle entre dans plaisir d’aventure.<br />
— Rem. : assure enchaînement des propositions (« liage ») mais aussi<br />
organisation du texte en ensembles de plusieurs propositions (« paquetage ») <<br />
« mais » [+ gérondif] oriente série de propositions à suivre (même si séparées par<br />
point-virgule ; pourraient l’être par une virgule) : l. 20 sq. « elle entre », « elle se<br />
complaît » [pb. / suite < gérondif] ; id. 32 sq.<br />
+ b) Adverbes concessifs<br />
. « Cependant » (24) = outre valeur temporelle, a ss doute valeur argumentative de<br />
« mais » : inversion de l’argumentation ; cf. : elle se complaît dans la vertu > elle ne se sent<br />
pas coupable de son inclination / « cependant » + toute la suite = il progresse (= elle cède et<br />
elle est coupable).<br />
. « du moins »(32) = apporte une restriction (concession faible, minimale : limite la<br />
portée de « mais ») à ce qui précède : elle est coupable > du moins avec décence > moins<br />
coupable.<br />
+ c) Locutions<br />
. Rôle de connecteur (et non de constituant) : cf. suppression possible (mot-phrase,<br />
proposition en incidente ; mais même la 3 e , qui régit une subordonnée [peut être remplacée<br />
par une incidente]).<br />
. Valeur de concession au sens propre = thèse inverse / argument dominant = admise<br />
pour un temps > attente d’un « mais » à suivre (et qui vient effectivement).<br />
— valeur de « oui » (adverbe permettant acte illocutoire d’acquiescement :<br />
équivaut à une proposition) : connecteur concessif (cf. certes) = dans ce contexte<br />
2. Explication et justification<br />
37
— Attention à la distinction :<br />
+ a) Conjonction de subordination Parce que = introduit expression de la cause / ce qui est<br />
énoncé dans la prop. principale : explication (cause).<br />
. elle lui impose le silence […] parce qu’elle s’est fait un principe de le haïr et de le craindre<br />
(17-19).<br />
. Peut appartenir au thème (dans ce cas = antéposée : assez rare) ou au propos :<br />
possibilité d’extraction (c’est par ce que … que…).<br />
+ b) Puisque = exprime la cause évidente : proposition présupposée > justifie (autorise)<br />
l’énonciation de le principale (≠ expliquer l’énoncé) [id. : dès lors que, du moment que,<br />
comme ; vu que, attendu que, étant donné que].<br />
. Puisque vous avez la bonté de prendre part à mon affliction, m'a-t-elle dit, je vais vous en<br />
instruire. (IV. 128.3)<br />
. Introduit tj. le thème de la phrase (> extraction impossible ; + grande mobilité)<br />
+ c) Car et en effet = valeur proche de puisque<br />
. Différence = locuteur prend nécessairement à son compte énoncé introduit par ces<br />
connecteurs / puisque = possible d’attribuer l’énoncé à autrui.<br />
3. Argument additif<br />
a. Conjonction de coordination<br />
Vous voulez qu’on ait tort d’être jaloux d’une femme coquette et dissipée, et vous<br />
approuvez presque qu’on le soit d’une femme sage et vertueuse. (5-7)<br />
La passion de cet amant est elle-même si douce […] qu’elle ressemble à une vertu ! elle en<br />
a la figure, et vous voyez bien qu’une vertu en apprivoise facilement une autre. (11-14)<br />
b. Adverbe<br />
sa faiblesse même s’augmente des reproches honoraires qu’elle s’en fait (35)<br />
d’ailleurs je crois que nous aurons de l’orage […] (46)<br />
c. Locutions<br />
La passion de cet amant est elle-même si douce […] qu’elle ressemble a une vertu ! elle en<br />
a la figure, et vous voyez bien qu’une vertu en apprivoise facilement une autre. (11-14)<br />
— 2.3 Approche sémantique des connecteurs introduisant un argument additif.<br />
+ a) Emploi particulier de la conjonction de coordination et<br />
38
. Conjonction copulative dont valeur précise déterminée par le contexte (mais : rôle<br />
avant tout de connecteur énumératif [≠ argumentatif], à valeur simplement additive — cf.<br />
aussi, également, de même ; progression ; en plus, encore… / assigne place ds série :<br />
ouverture — d’abord… —, relais intermédiaire — alors, après, ensuite, puis — , clôture :<br />
enfin, bref, voilà…).<br />
. Ici, peut se gloser comme introduisant un argument plus fort dans une série = de<br />
surcroît, de plus , en outre…<br />
— (5-7) dans démonstration de la position surprenante de l’homme taciturne<br />
quant à la jalousie (éventuellement : remplacer par or = intro. d’un argument décisif) ;<br />
lecture possible comme opposition (remplacer par mais): pas jaloux d’une femme<br />
coquette > jamais jaloux / jaloux d’une femme vertueuse > parfois jaloux…<br />
séduction).<br />
— (11-14) argument sur l’apparence + argument sur la convenance (><br />
. Écriture de la densité et de l’implicite : même connecteurs = proches de la parataxe.<br />
+ b) Adverbes<br />
. Même = adverbe marquant l’extension, le renchérissement ; argument le plus fort<br />
dans une série montrant la défaite progressive de la femme vertueuse (son plaisir et sa<br />
faiblesse même s’augmente des résistances qu’elle leur oppose… ; prend cette valeur dans le<br />
mouvement du passage : liage + paquetage) : antéposition possible et cf. de surcroît, en<br />
outre…<br />
— Force tient à la lecture possible de même comme adj. indéfini marquant<br />
l’identité (y insistant : valeur d’ipséité ≠ identité quand antéposée ; opposition ne se<br />
fait pas ainsi, par position, en fr ; classique ; mais usage FM fixé au 18 e ) : paradoxe de<br />
la faiblesse s’accroissant de ce qui la combat.<br />
. D’ailleurs = intro. un argument placé à un autre niveau (mais dans le même sens que<br />
ce qui précède) : il se fait tard + orage à venir > se retirer (et se quitter)<br />
+ c) Locutions<br />
. Contexte donne valeur de connecteur argumentatif additif (pourrait valoir comme<br />
simple renforcement), en plus du et : cf. suppression possible, remplacement par de surcroît<br />
(ou équivalent), voire remplacement de et vous voyez bien par or (argument décisif).<br />
4. Conclusion<br />
a. Conjonction de coordination<br />
39
Vous me surprenez, comment l’entendez-vous donc ? lui dis-je. (5)<br />
Elle lui résiste donc, cela est dans les règles […] (19-20)<br />
et je la garantie perdue quinze jours après (44-45)<br />
et nous ferons sagement de nous retirer. (47)<br />
b. Adverbe<br />
et enfin il n’est point d’égarement dont elle ne soit capable avec un cœur de la trempe du<br />
sien […] (37-38)<br />
Ainsi, croyez-moi, monsieur, une femme comme celle-là, quand on lui parle d’amour, n’a<br />
point d’autre parti à prendre que de fuir. (39-41)<br />
— 2.4. Approche sémantique des connecteurs argumentatifs à valeur conclusive<br />
+ a) Conjonctions de coordination<br />
. Mobilité donc > plutôt adverbe de liaison que conjonction de coordination (lesquelles<br />
se placent toujours en tête du gpe qu’elles introduisent ; ne peuvent se combiner entre elles ;<br />
seulement devant un adv ; de liaison).<br />
. Nuances de sens de donc :<br />
— 19-20 : conclut un raisonnement ; en fait le reprend : impose silence <<br />
principe ; donc : résiste < règles<br />
— 5 = marque plutôt la surprise inspirée par ce qui précède (valeur possible<br />
d’insistance, aussi : taisez-vous donc !) [cette relation à ce qui précède fait le caractère<br />
conclusif du connecteur]<br />
. De nouveau polyvalence de et (précisions possible / simple connecteur énumératif<br />
additif) : conclusif, peut valoir pour donc.<br />
— 44 : glose possible par donc, mais plutôt par somme toute (= bilan d’une<br />
suite d’arguments contradictoires ; renvoie alors ici à toute la démonstration qui<br />
précède, reprise ici de façon synthétique)<br />
+ b) Adverbes<br />
. Enfin = sens temporel (phénoménologie de la séduction : temporalité abstraite — en<br />
tout cas fable exemplaire : cf. présent de généralité) mais aussi argumentatif conclusif (valeur<br />
de somme toute) — lecture plus forte que simple valeur énumérative de clôture de série.<br />
. Ainsi = sens conclusif à partir d’un exemple (peut aussi servir, à l’inverse, à<br />
introduire un exemple) ; ici développement de la fable exemplaire à partir de la vision d’une<br />
femme précise croisée « dans une promenade publique » > conclusion = « une femme comme<br />
celle-là » : exemple quelconque d’un type.<br />
40
— Conclusion :<br />
+ a) Grande variété et polyvalence des connecteurs :<br />
. Polyvalence : ex. de et, mais aussi de mais voire donc…<br />
. Variété : liste ouverte, activation contextuelle (cf. mot-phrase oui, valeur concessive<br />
de cela est dans les règles)<br />
+ b) Dominantes : malgré tout narrative et dramatique, même dans l’argumentation.<br />
. Connecteurs conclusifs et additifs = peuvent se comprendre dans continuité des<br />
connecteurs spatiaux : oriente linéairement la temporalité propre au texte (simplification :<br />
parallélisme entre déroulement du texte et temporalité du référent) ; écriture de la vitesse et de<br />
la progression.<br />
— caractéristique peut-être : absence des connecteur d’explication et de<br />
justification = pas re retour en arrière, sur soi, du discours.<br />
. Grande abondance des connecteurs d’opposition et de concession : dramaturgie des<br />
idées, voire effet possible de polyphonie (argument adverse liée à l’interlocuteur, ou<br />
présuppose sa possible intervention).<br />
+ c) Abondance variée et polyvalence [cf. aussi connecteurs : de reformulation (je vous le<br />
répète 8), énumératifs (« et » additif)] = travaille relation d’énonciation.<br />
. Grammaire de texte : moins régie par des règles de langues et relève plus d’une<br />
pragmatique > cf. par connecteur mise en jeu plus ouverte de la relation narrateur-philosophe<br />
/ lecteur (orientation de la lecture + importance de l’interprétation).<br />
41
D.<strong>Guillaume</strong><br />
Stylistique<br />
AGRÉGATION 2001-2002<br />
GRAMMAIRE-STYLISTIQUE<br />
<strong>Marivaux</strong><br />
Le Spectateur français (1728)<br />
Troisième feuille [27 janvier 1722], pp. 124-125<br />
— Réflexion sur apparence d’une physionomie comme théâtre heméneutique < observation<br />
des mines à la sortie d’un théâtre : cohérence discursive prend les dehors — narratifs — d’une<br />
contingence factuelle.<br />
+ I. Analyse des apparence passe par un discours lui-même figuré, de façon contradictoire,<br />
entre animation de l’abstrait (abstraction des actants) et personnification du corporel (naturel,<br />
isolé comme tel, devient intentionnel).<br />
. Cette analyse se fait par un relation, rhétoriquement structurée, au lecteur ><br />
+ II. Animation argumentative du monde s’accompagne d’une circulation stylistique du<br />
sens: jeu des ruptures et liaisons, phrastiques et textuelles.<br />
I. Une critique des figures<br />
Réflexion s’amorce à partir de la périphrase des « porteurs de visages » (1) = double<br />
mouvement d’abstraction, au sens étym. (retrait, dissociation) : S. / visage , être / paraître,<br />
personne / physionomie (unité de la vie disjointe — devient une activité, éventuellement<br />
pénible, ou professionnelle :cf. déverbal « porteurs » — dans la personne au profit de la<br />
nature, agent premier qui fonde sans doute, philosophiquement, les diverses<br />
personnifications : « la nature [a] ajusté tout cela »)<br />
et de concrétisation animée : « visage », devenant attribut séparé (et non manifestation,<br />
éménation d’un S.), prend statut s’O possible (masque : cf. sortie du théâtre ; O du verbe<br />
42
« porter ») mais aussi, peu à peu, de S. autonome (psychologie de forces plurielles et<br />
incarnées).<br />
— 1. L’animation de l’abstrait : sa caractérise par variété ds les tournures et les degrés, qui<br />
font le caractère précieux du passages (ingéniosité généralisée, fonde la cohérence<br />
thématique du texte) + l’éloigne de toute caricature (malgré périphrase initiale : ≠<br />
« commodités de la conversation »…).<br />
+ a) Une abstraction diversement « mitigée » (VIII. p.149§3), concernant essentiellement<br />
l’homme, ds son intériorité mais parfois au plus près de ses actes.<br />
. force, principe : nature (10) (proche de la Fortune ou de Dieu)<br />
. instance psychique : « L’âme » (11),<br />
. trait de caractère : « vanité » (29, 39), « amour-propre » (24)<br />
. pensées et sentiments : « opinion » (15), « plaisir » (18), « sécurité » (24), « distraction » (25)<br />
. type de comportement (dont manifestation concrète pas précisée : abstrait par ellipse<br />
ou généralité…) : « contenance » (6), « air » (25), « étalage » (30)<br />
+ b) Substantifs abstrait s sujets de verbes d’action ou de sentiment :<br />
pas un [porteur de visage] dont la contenance ne me dit : Je m’y tiens. (6)<br />
L’âme souffrait (11-12) [voir glissement de détermination : anaphore = « leur âme »]<br />
un air de distraction dédaigneuse, qui punissait […] et qui disait à la rivale qu’on n’avait<br />
pas seulement pris garde à elle (25-28)<br />
sa vanité ne trouverait pas son compte (39)<br />
. S. possible sous-entendu par la valence d’un participe passé (employé comme<br />
épithète mais < V. transitif, > peut régir un complément d’agent)<br />
certains visages mieux traités [par la nature (cf. juste avant, 57)] (10)<br />
+ c) CO de de verbes et locutions verbales régissant des animés<br />
un maudit visage qui vient chercher noise à la bonne opinion que vous avez du vôtre (15-<br />
16)<br />
qui voudrait enfin accuser d’abus le plaisir qu’on a […] (18)<br />
+ d) Complément déterminatif abstrait au lieu d’un animé : < portant sur un substantif qui<br />
désigne un trait de caractère ou de comportement.<br />
43
. avec déterminant : actualise précisément le complément déterminatif<br />
la vanité de son étalage (26) [syllepse sur vanité : « orgueil » > métaphore / « inutilité » ><br />
pas de métaphore]<br />
. sans déterminant : propriété, cause (agent ?) = peu marqué, stylistiquement <<br />
fréquent chez <strong>Marivaux</strong> ds analyse psychologique, et très en faveur dans langage à la mode<br />
18 e (beaucoup de locutions nouvelles : de + N. sans déterminant) : substantif apparaît dans sa<br />
plus grande généralité, comme notion pure (et non comme exemple d’un type) > tend à<br />
former des locutions lexicalisées (cf. affaire d’amour, bigoterie de langage, irrégularité de<br />
conduite, jargon de galanterie, liaison d’amitié, morale de conversation…) = subtilité<br />
d’analyse et figures prises dans usage de la langue.<br />
une admirable dextérité d’amour propre (23-24)<br />
de quel expédient de vanité peut se servir une femme laide (29-30)<br />
+ e) Substantifs abstraits (sentiments) déterminés par des épithètes caractérisant un animé .<br />
. Hypallage métonymique : ce qui porte sur un mot d’une phrase(contexte proche)<br />
semble en caractériser un autre — principe métonymique (contiguïté) < sentiment pour celui<br />
qui l’éprouve :<br />
une fière sécurité (24) [la personne est fière]<br />
un air de distraction dédaigneuse (25) [dédain = caractérise la personne ou son<br />
expression]<br />
— 2. La personnifications des parties du corps<br />
+ a) Corps sujet de verbes et locutions impliquant un animé (une intention)<br />
. Métaphore filée du visage combattant et procédurier : dérision de l’isotopie guerrière,<br />
courant e dans langage de la première préciosité (cf. mieux sous les armes = « mieux habillée »…) =<br />
ramené à une scène de duel (provocation) > supplanté par terminologie juridique (comme<br />
dans langage à la mode : relevé par le Dico néologique de Desfontaine).<br />
un maudit visage qui vient chercher noise à la bonne opinion que vous avez du vôtre (15-<br />
16)<br />
qui vous présente hardiment le combat (16)<br />
qui voudrait enfin accuser d’abus le plaisir qu’on a le plaisir qu’on a de croire sa<br />
physionomie sans reproche et sans pair (18-20)<br />
. Personnification > traitement burlesque du nez (36 sq.) ; burlesque en soi (≠ visage,<br />
qui peut être reflet de l’âme) + tire vers le bas corporel : dialogue de l’œil, du visage et du nez<br />
44
cf. manoir de Messer Gaster dans Quart Livre de Rabelais, « premier maître ès art du<br />
monde », se fait obéir de tous par signes < fable des membres et de l’estomac, d’Œsope [vaine<br />
révolte des premiers contre le second] :<br />
— burlesque évident > verbe fait quitter la vraisemblance (nez comme plante)<br />
ce nez […] se raccourcit-il, ou s’allonge-t-il (33-34)<br />
— comique dans décalage entre corporéité du nez et des traits, et isotopie<br />
morale et mondaine :<br />
à la faveur des services que lui rendent les autres traits qu’on lui associe (44-45)<br />
ces autres traits n’obligent pas un ingrat (46)<br />
et ce nez, devenu plus honorable, les accompagne à son tour de fort bonne grâce (47)<br />
+ b) Caractérisations métaphoriques d’un GN, ou par un GN désignant le visage ou le nez<br />
. Caractérisation par un adj. impliquant un animé<br />
— épithète héroï-comique (registre tragique) : ce nez infortuné (41)<br />
— adjectif substantivé : ces autres traits n’obligent pas un ingrat (46)<br />
— attribut : et ce nez, devenu plus honorable (47)<br />
. Complément déterminatif corporel au lieu d’un animé : < portant sur un substantif<br />
qui met en relation des animés (« elle » / X = visages…)<br />
à la rencontre de certains visages […], elles avaient peur d’être obligées d’estimer moins<br />
le leur (10-11)<br />
+ c) GN COD (COI) désignant une partie du corps<br />
. d’un verbe régissant un animé :<br />
à la rencontre de certains visages […], elles avaient peur d’être obligées d’estimer moins<br />
le leur (10-11) [estimer = avoir bne opinion (de qqn.) plutôt qu’accorder de la<br />
valeur (à qqch.) : cf. 15 la bonne opinion que vous avez du vôtre]<br />
un air de distraction dédaigneuse, qui punissait le visage altier […] (25-26)<br />
ce nez infortuné qu’elle esquive […] (41) = implique un mouvement plus que la<br />
vie à proprement parler (gradation, nvelle fois)<br />
à la faveur des services que lui rendent [au nez] les autres traits qu’on lui associe (44-45)<br />
= COS indiquant un destinataire (complément d’attribution)<br />
et ce nez, devenu plus honorable, les accompagne [les traits] à son tour de fort bonne<br />
grâce (47)<br />
. avec attribut du COD impliquant un animé :<br />
45
croire sa physionomie sans reproche et sans pair (19-20) [jeu / « sans peur et sans<br />
reproche », dans contexte tournant en dérision imagerie galante militaire<br />
(caractérisant plutôt la première préciosité)]<br />
+ d) CC. d’un verbe (locution verbale) régissant plutôt un animé<br />
. CC. dit d’accompagnement : personnification passe par choix du relatif (impliquant<br />
un antécédent animé : qui ≠ lequel…)<br />
. CC. de manière :<br />
ce nez, avec qui, pour lors, sa vanité ne trouverait pas son compte (38-39)<br />
et ce nez, devenu plus honorable, les accompagne à son tour de fort bonne grâce (47)<br />
+ Animation de l’abstrait et personnification du corps en ses parties > circulation dramatisée<br />
de la parole.<br />
— 3. Une circulation dramatique<br />
+ a). La phrase comme théâtre classique aménagé: structuration rhétorique de périodes<br />
dynamiques (tradition La Bruyère plus que Bossuet, ou même La Rochefoucaut…)<br />
. binaires :<br />
— deux prop. sub. COD (relative > interro. indirecte): 2-3<br />
Je tâchais de démêler ce que chacun pensais de son lot, comment il s’y trouvait.<br />
— série binaire avec et sans étayage sur anaphore et parallélisme ; globalement<br />
mineure, mais sans effet de rupture épigrammatique : simple resserrement de la<br />
critique (pointe atténuée).<br />
1a) J’en voyais cependant, 1b) surtout des femmes, [double COD]<br />
1b1) qui n’auraient pas dû être contentes, 1b2) et qui auraient pu se plaindre de leur<br />
partage, sans passer pour difficiles ; [double relative : anaphore et parallélisme]<br />
2a) il me semblait même qu’à la rencontre de certains visages mieux traités,<br />
2b) elles avaient peur d’être obligées d’estimer moins le leur. [protase > apodose]<br />
— connecteurs, parallélisme et topicalisation permettent une analyse par<br />
regroupement binaire d’une longue période que les pts-virgules et points<br />
d’exclamation segmentent en sept membres (hors rhétorique) : constat ><br />
développement explicatif ; cadence majeure > mineure (pointe) [cf. La bruyère]<br />
11-20<br />
[constat] :<br />
L’âme souffrait ; aussi l’occasion était-elle chaude !<br />
[explication] : thème en protase > propos en apodose<br />
46
jouir d’une mine qu’on a jugée la plus avantageuse ! qu’on ne voudrait pas changer […]<br />
et voir […] un maudit visage […] qui vient chercher noise […], qui vous présente […] et<br />
qui vous jette […] ; qui voudrait enfin […] (4 = 3 guerrier +1 juridique) : //<br />
ces moments-là sont périlleux !<br />
. Ternaire structure une démonstration dont les moments recourent au binaire, puis au<br />
ternaire (phrase en expansion).<br />
36-47<br />
[situation : 36-39]<br />
1a) Quand une femme se regarde […], son nez reste fait comme il est ; 1b) mais elle n’a<br />
garde d’aller fixer son attention sur ce nez […] ;<br />
[action : 39-42]<br />
2a) ses yeux glissent seulement dessus,<br />
2b1) et c’est tout son visage […], ce sont tous ses traits qu’elle regarde 2b2) , et non<br />
pas ce nez […] ; 2b3) [2 verbes ; le second amené par double extraction du<br />
prédicat + a 3 COD]<br />
[conséquences : 42-47]<br />
3a) et de cette façon, il y aurait bien du malheur si […] il ne devient piquant […]<br />
3b) bien plus, ces autres traits n’obligent pas un ingrat,<br />
3c) et ce nez […] les accompagne à son tour de fort bonne grâce.<br />
. Structures rhétoriques = surtout évidente dans le détail : cadre global fort mais peu<br />
appuyée (période classique pulvérisée) = reconstitué à l’aide d’une interprétation qui s’appuie<br />
sur une grammaire de texte autant voire plus que de phrase (interprétations de connecteurs<br />
polyvalents, voire de la simple parataxe) : repose sur une relation de discours plus que sur des<br />
règles de langue.<br />
+b) Hors même d’une situation de dialogue, une parole adressée se démultiplie :<br />
. Champ onomasiologique de la parole : se rapporte aux propos du spectateur, mais<br />
aussi à la mise en scène métaphorique du corps qu’il propose :<br />
— verbe dire > passages aux discours directs et indirects :<br />
pas un [visage] dont la contenance ne me dît : Je m’y tiens. (6)<br />
un air de distraction dédaigneuse […] disait à la rivale qu’on n’avait pas seulement pris<br />
garde à elle (25-28)<br />
— verbes et locutions (para)synonymes : spécifications diverses de la parole<br />
des femmes […] qui auraient pu se plaindre (8)<br />
un maudit visage qui vient chercher noise (15)<br />
visage insulté (21)<br />
Non, ce n’est pas cela, me répondis-je. (34-35) [acte illocutoire de dénégation ?]<br />
— apparence comme texte :<br />
47
je lisais tout l’embarras du visage insulté (21)<br />
. Discours direct > variations de modalité d’énonciation : interrogative<br />
— discours direct :<br />
Mais, disais-je en moi-même, de quel expédient de vanité peut se servir une femme<br />
laide […] ? (29-32)<br />
[…] ce nez […] se raccourcit-il, ou s’allonge-t-il ? (33-34)<br />
— discours indirect :<br />
Je tâchais de démêler ce que chacun pensait de son lot, comment il s’en trouvait. Par<br />
exemple, s’il y avait quelqu’un qui prît le sien en patience […] (3-4)<br />
. Caractère dialogique des propos du spectateur > sujet clivé dans mise en scène qui en<br />
fait à la fois locuteur et allocutaire, mais aussi par indétermination et glissements dans adresse<br />
aux lecteurs :<br />
— S. clivé :<br />
me répondis-je (35)<br />
— Adresse aux lecteurs :<br />
Mais, disais-je en moi-même […] (29) = à qui ? ouverture de l’adresse<br />
Si elle a la bouche mal faire, ou si vous voulez […] (32) = vacillement de la fiction du<br />
discours intérieur tenu à soi (cf. encore 35) et rapporté ensuite : adresse au<br />
lecteur se fait d’emblée.<br />
II. Les mouvements de l’esprit<br />
— 1. Les surprises de la phrase: poétique de la vivacité d’attention (cf. VII. 145.3) conduit<br />
à ménager de l’imprévu dans le déroulement phrastique — surprise que mitigent les<br />
structures rhétoriques et surtout le soin pris à créer (rétablir) des liens qui maintiennent la<br />
fluidité du mouvement.<br />
+ a) Relations interrompues : disjonction : moment d’attente dans résolution du syntagme (ou<br />
de la prop.) dont l’enchaînement canonique est interrompu (intonation parenthétique).<br />
. Proposition incise sépare connecteur de la phrase qu’il introduit :<br />
Mais, disais-je en moi-même, de quel expédient de vanité peut se servir une femme laide<br />
[…] (29-30)<br />
. Proposition. subordonnée concessive : conjonction de subordination / prop. sub.<br />
hypothétique qu’elle introduit.<br />
48
[…] il y aurait bien du malheur si, tout laid qu’il est, il ne devient piquant […] (43-44)<br />
. Modalisateur sépare :<br />
— PN. démonstratif reprenant une proposition / CCM qui la complète :<br />
et cela [se tirer de ce mauvais pas], sans doute, par une admirable dextérité d’amour<br />
propre […] (23-24)<br />
— COI / proposition (locution verbale) qu’il complète :<br />
[…] ce nez, avec qui, pour lors, sa vanité ne trouverait pas son compte (38-39) [COI<br />
car préposition non commutable]<br />
. Stylistique burlesque du nez : GNS (base, noyau) / V < prop. sub. CCT ou groupe<br />
adjectival apposé (à valeur de CCT ou CCM) :<br />
Ce nez, quand elle le regarde, se raccourcit-il, ou s’allonge-t-il ? (33-34)<br />
et ce nez, devenu plus honorable, les accompagne […] (46-47)<br />
+ b) Relations rompue : anacoluthe<br />
hypothétique :<br />
. Non respect de la concordance des temps entre apodose et protase du système<br />
il y aurait bien du malheur si, tout laid qu’il est, il ne devient piquant (43-44)<br />
— Conditionnel présent (dans la principale —apodose — ici antéposée) =<br />
normalement régi par une subordonnée (protase) à l’imparfait de l’indicatif (après si)<br />
[irréel du présent ou potentiel] ; ici = au présent (< normalement, apodose id. ou passé<br />
composé) ; amorce oriente vers irréel du présent > résolution discordante = envisage<br />
l’hypothèse comme réalisée, simple condition > indicatif = donne plus de réalitéà<br />
l’hypothèse défavorable envisagée [id. : concessive = pas au subjonctif] (mais :<br />
atténuée par négation avec ne seul — comme en FM [aussi : V de modalité, Qui ne…<br />
Que ne…])<br />
+ c) Relation condensée (précipitée) : ellipse.<br />
. Connecteur (locution introduisant un exemple comme vérification [particulière] de ce<br />
qui vient d’être dit [en général]) permet l’effacement du V. principal (reconstitué d’après le<br />
précédent, qui gère aussi des prop. sub. interrogatives indirectes [partielles])<br />
Je tâchais de démêler ce que chacun pensait de son lot […]. Par exemple, s’il y avait<br />
quelqu’un qui prît le sien [visage comme lot] en patience […] (3-4)<br />
+ Accidents phrastiques varient de fait les relations entre les termes qui les constituent > id.<br />
d’une phrase à l’autre<br />
— 2. Liens subtils et mobiles : anaphores, relances<br />
49
+ a) Anaphore pronominale :<br />
. Représentation totale :<br />
ce que chacun pensait de son lot, comment il s’en trouvait (2-3)<br />
son lot > Je m’y tiens (6)<br />
J’en voyais cependant, surtout des femmes (6-7) > représentation totale, assurant un<br />
moment la continuité thématique : elles (10.)<br />
— avec glissement du défini à l’indéfini :<br />
elles avaient peur d’être obligée d’estimer moins (10-11) > jouir d’une mine qu’on a jugée<br />
la plus avantageuse (12-13) = désigne un représentant quelconque de l’ensemble<br />
précédemment défini (facilité par expansion àp d’un verbe à l’infinitif =<br />
sans S. déterminé) : valeur de distance légèrement ironique<br />
> glisse vers l’hypocoristique = atténuation du rapport d’interlocution, /<br />
lecteur inclus pour finir dans référent possible de l’indéfini (passage P3 > P2<br />
= « on » sert d’intermédaire » [en suggérant une P1 : je + elles > je +<br />
vous]) :<br />
= un maudit visage qui vient chercher noise à la bonne opinion que vous<br />
avez du vôtre (14-16) [représentation partielle : reprise implique différence]<br />
Celle à qui appartenait ce visage (22) > un air de distraction dédaigneuse […] qui disait à la<br />
rivale qu’on n’avait pas seulement pris garde à elle (28) = distance ironique cf.12-13<br />
— avec glissement : antécédent inanimé > PN relatif qui renvoie à un animé :<br />
ce nez, avec qui, pour lors, sa vanité ne trouverait pas son compte (38)<br />
— anaphore accompagne reprise d’un terme (dans la même fonction),<br />
coordonné à ce qui précède pour y apporte rune retouche corrective =<br />
il s’y peignait un air de distraction dédaigneuse, qui punissait le visage altier de la vanité<br />
de son étalage ; mais qui l’en punissait habilement […] (25-27)<br />
— anaphore conceptuelle : pronom démonstratif reprend le contenu de toute<br />
une proposition précédente (≠ mot précis) > peut être (23) complété par un CCM ;<br />
dans logique de la relance par reprise = moyen de la phrase d’analyse :<br />
ce nez, quand […], se raccourcit-il ou s’allonge-t-il ? Non, ce n’est pas cela […] (33-34)<br />
Celle à qui appartenait ce visage se tirait à merveille de ce mauvais pas ; et cela, sans doute,<br />
par une admirable dextérité d’amour propre […] (22-24)<br />
50
. Représentation partielle :<br />
tous ces porteurs de visages > je n’en découvris pas un […] (5-6)<br />
certains visages > le leur (10-11)<br />
une mine > une autre (12 > 14)<br />
> J’en voyais cependant […] (6-7)<br />
— avec glissement lexical (< locution verballe) :<br />
ce que chacun pensait de son lot > s’il y avait quelqu’un qui prît le sien en patience (3-4) =<br />
comme un mal<br />
+ b) Anaphore nominale:<br />
. Anaphore fidèle : reprise du terme avec simple changement de déterminant<br />
tout l’embarras du visage insulté > cet embarras + ce visage (20-21) [article défini ><br />
démonstratif]<br />
Si elle a […] le nez trop long ou trop court, ce nez, quand […], se raccourcit-il ou<br />
s’allonge-t-il ? (33-34)<br />
son nez (36) > ce nez, avec qui […] (38) > ce nez infortuné (41) et ce nez, devenu […]<br />
(46) = comique de répétition, augmenté par récurrence d’un détachement<br />
subséquent (incise) qui l’isole (manière de le faire saillir) + jeu ponctuel de<br />
rime en prose (41).<br />
. Anaphore infidèle : avec changements lexicaux<br />
tous ces porteurs de visages > ce que chacun pensait de son lot (1-3)<br />
> qui auraient pu se plaindre de leur partage (8) = humour dans<br />
trasnfo. du visage en effet de la destinée (ou nature)<br />
J’en voyais cependant, surtout des femmes (6-7<br />
c’est tout son visage à la fois, ce sont tous ses traits qu’elle regarde > en l’enveloppant<br />
dans une vue générale (40-42) = variation dans système de la retouche corrective<br />
(tout > somme des parties > tout comme objet du regard — anaphore<br />
nominal d’un sé d’abord verbal)<br />
51
ce nez (38 sq.) > un ingrat (46) = humour dans la personnification + jeu de mot<br />
possible (antiphrase ironique jouant d’une syllepse : = qui mangue<br />
d’agrément / apparence physique)<br />
. Anaphore associative : passage de l’antécédent au GN anaphorique se fait<br />
l’intermédiaire d’une relation sous-entendu (pas de coréférence stricte) = connaissance<br />
partagée par locuteur et allocutaire (stéréotype ; tout > partie)<br />
à la rencontre de certains visages mieux traités, elles avaient peur d’être obligées d’estimer<br />
moins le leur. L’âme souffrait […] (11-12) : relation du tout à la partie = elles ><br />
l’âme ; actualisation implique aussi anaphore : femmes évoquées = totalité<br />
du référent > article défini à valeur de généralité à l’intérieur de ce référent<br />
[particularité étendue]<br />
. Anaphore conceptuelle :<br />
à la rencontre de certains visages mieux traités, elles avaient peur d’être obligées d’estimer<br />
moins le leur […] > aussi l’occasion était-elle chaude ! (12) [anaphore se fait par<br />
article défini]<br />
+ c) Anaphore adverbiale :<br />
= aussi cataphore par rapport au développement qui suit : jouir […] et voir<br />
[…] (12 sq.) > nouvelle anaphore conceptuelle :<br />
> ces moments-là sont périlleux ! (20) [déterminant démonstratif]<br />
> ce mauvais pas (23)<br />
— adverbe de comparaison : implique un antécédent (même différent de ce<br />
qu’il signifie lui-même) :<br />
précédente<br />
quelqu’un qui prît le sien en patience, faute de pouvoir faire mieux (4-5)<br />
à la rencontre de certains visages mieux traités, elles avaient peur d’être obligées d’estimer<br />
moins le leur (10-11)<br />
— adverbe de négation : reprend sé du noyau verbal de la proposition<br />
ce sont tous ses traits qu’elle regarde, et non pas ce nez infortuné<br />
— adverbe de lieu :<br />
ce nez > ses yeux glissent seulement dessus (39-40)<br />
52
+ d) Anaphore verbale : V. faire<br />
— 3. Liens par détachement: l’art stylistique du mouvement est un art de penser, et de faire<br />
penser = interprétation de relations de subordination syntaxique et d’une dynamique<br />
communicative manifeste par une simple juxtaposition.<br />
+ a. Emphases : extraction du thème et détachement du thème par dislocation ; tend à<br />
démultiplier et graduer la prédication<br />
. Extraction du prédicat :<br />
c’est tout son visage à la fois, ce sont tous ses traits qu’elle regarde (40-41)<br />
. Détachement du thème :<br />
— antéposition du thème avec reprise par anaphore conceptuelle (+<br />
démonstratif) :<br />
jouir d’une mine qu’on a jugée la plus avantageuse ! […] et voir devant ses yeux […] : ces<br />
moments-là sont périlleux ! (11-20) ; certaine autonomie : point d’exclamation<br />
initial + infinitif > peut être lue comme phrase exclamative autonome, avant<br />
développement par seconde relative (exclamatif = type de phrase facultatif<br />
[assertion, interrogatif, impératif : non cumulable entre eux] + modalité<br />
d’énoncé — axiologique — plutôt que d’énonciation, correspondant à un<br />
acte de langage spécifique)<br />
forme d’autonomie assertive (prédicative) : connexion narrative ou<br />
argumentative des deux infinitifs : et = « soudain » ou « mais », « pourtant »<br />
+ b. Détachement des circonstants joue aussi de la dynamique communicative :<br />
. Circonstants antéposés posent un simple cadre thématique :<br />
à la rencontre de certains visages […], elles avaient peur d’être obligées […] (9-12) =<br />
CCT<br />
Quand une femme se regarde dans son miroir, son nez reste comme il est (36-37) = id.<br />
de cette façon même, il y aurait bien du malheur si […] il ne devient piquant (42-44) CC<br />
concessif<br />
. Sinon, il ajoute à la phrase un prédicat : nouvelle info..<br />
s’il y en avait un qui prît le sien en patience, faute de pouvoir faire mieux (4-5)CCC<br />
53
il y aurait bien du malheur si […] il ne devient piquant, à la faveur des services que lui<br />
rendent les autres traits […] (42-44) CCC<br />
qui auraient pu se plaindre, sans passer pour trop difficiles (8-9)CCM ou conséquence<br />
niée<br />
pour entrer, de la meilleure foi du monde, en concurrence avec un femme aimable (30-<br />
31)CCM<br />
+ c. Modificateurs détachés du GN : déborde simple détermination ou caractérisation<br />
(abondance des termes évaluatifs) du GN < prennent parfois valeur circonstancielle, voire<br />
entre dans stratégie argumentative.<br />
— GN apposé :<br />
j’en voyais cependant, surtout des femmes […] (6-7) = expansion / « en »<br />
— Groupe adjectival apposé : part. passé + son complément = nuance causale<br />
et ce nez, devenu plus honorable, les accompagne à son tour de fort bonne grâce (46-47)<br />
— PSR explicatives:<br />
j’en voyais cependant, surtout des femmes, qui n’auraient pas dû être contentes, et qui<br />
auraient pu se plaindre […] […] (6-8) = genre de l’attribut montre que porte sur<br />
« femmes » et non sur « porteurs de visages »<br />
série des relatives en qui (13 sq.) = explicative après la première < référent<br />
déjà déterminé + possible enchaînement argumentatif (par connecteurs<br />
notamment : implique plusieurs assertions) :<br />
jouir d’une mine qu’on a jugée la plus avantageuse ! qu’on ne voudrait pas changer pour<br />
une autre, (13-14) = parataxe comme ajout d’un argument additif ( pour<br />
démontrer attachement / son visage)<br />
une maudit visage qui vient cherche noise […] ; qui vous présente hardiment le combat, et<br />
qui vous jette dans la confusion […] ; qui voudrai enfin accuser d’abus […] (15-20) =<br />
argument additif > conclusion (dans démonstration du caractère<br />
insupportable de l’affront subi)<br />
avec nuance circonstancielle :<br />
elle n’a garde d’aller fixer son attention sur ce nez, avec qui […] sa vanité ne trouverait pas<br />
son compte (37-39) = valeur explicative (cause évidente : présupposée, cf.<br />
puisque)<br />
54
— Dramatisation et mimèsis sociale (urbaine) de la contingence :<br />
+ Système métaphorique d’une grande cohérence : animation et personnification dans cadre<br />
rhétorique à la fis souple et rigoureux.<br />
+ Rapport clair et souple au lecteur : cohésion textuelle accidentée et déliée, qui laisse part<br />
importante (quoique guidée) à l’interprétation = surprise, anaphore multiple, et juxtaposition<br />
apparente comme lien de subordination d’interdépendance communicative.<br />
+ Nature = support du système métaphorique (agent implicite des personnifications —<br />
croyance implicite, mais cohérente / esthétique de Mvx.) ; mais naturel du style est bien<br />
mondain : tient à la libre part — et donc une certaine marge d’incertitude (lecture du « on »,<br />
reconstitution d’argumentation) — laissée au lecteur.<br />
. paradoxe en abîme ds réflexion : corps prend sens par interprétation.<br />
55
AGRÉGATION 2001-2002<br />
GRAMMAIRE-STYLISTIQUE<br />
<strong>Marivaux</strong><br />
Le Spectateur français (1728)<br />
Seizième feuille [27 mars 1723]<br />
QUESTIONS<br />
I. Langue<br />
—1. Lexique.<br />
Étudiez les mots désagrément (l.6), attraits (l.19), ébauchée (l.25) et déconcerte (l.26) [4 points]<br />
— 2. Morphosyntaxe.<br />
a) Étudiez la négation dans le texte. [6 points]<br />
b) Faites toutes les remarques qui vous paraissent nécessaires sur : il fallait voir[…] comme ses mains<br />
travaillaient machinalement après sa robe (l.3-5) [2 points]<br />
— Étudiez le style de ce texte. [8 points]<br />
II. Style<br />
56
D. <strong>Guillaume</strong><br />
AGRÉGATION 2001-2002<br />
GRAMMAIRE-STYLISTIQUE<br />
<strong>Marivaux</strong><br />
Le Spectateur français (1728)<br />
Seizième feuille [27 mars 1723]<br />
Corrigé<br />
— 1. Lexique [ne pas oublier les guillemets pour toute citation et indication du sens des mots]<br />
+ a) Désagrément (l.7) : subst. masc( 17 e) < dérivé : dés- (> lat. dis : privation) + agrément ; ce dernier terme<br />
(15 e ) = parasynthétique : a- (< lat. ad : direction, vers un aboutissement) + gré- + -ment (suffixe de<br />
nominalisation pour des noms d’actions: accompagnement, sentiments…), dérivé du verbe agréer (id. avec<br />
suffixe verbal) « consentir, approuver » 12 e . La racine de cette famille de mot est donc le subst. gré (10 e )<br />
« consentement » puis « faveur » (13 e ), « don » (15 e ), employé surtout en locution < lat. gratum, neutre<br />
substantivé de l’adj. gratus « agréable, bien venu » (probablement ancien terme religieux) ; très productif<br />
puisque donne aussi malgré, réfection (14 e ) de maugré (12 e ), cf. V. maugréer (13 e ). Agrément signifie d’abord<br />
« action d’agréer, approbation » puis « charme, attrait (de qqn.) » (15 e ) puis « ornement » (16 e ), concernant<br />
musique et style (18 e ). Désagrément = d’emblée sens actuel « chose désagréable, source de contrariété ;<br />
difficulté, ennui, souci ». C’est le sens du texte, qui frappe cpdt. par l’application concrète du terme : cf. sa<br />
construction avec un complément du nom (en l.6 *le désagrément de ses cheveux) = génitif subjectif (cheveux =<br />
cause du désagrément) ; valence ouverte du substantif : qui subit le désagrément (spectateur ou femme) ?<br />
+ b) Attraits (l.20) : participe passé substantivé (12 e ) du V. attraire, vivant > 16 e , < lat. pop. *attragere < lat.<br />
class. attrehere (< ad- + trahere) ; AF « faire venir » puis (13 e ) «charmer, séduire » (voc. courtois) ; remplacé<br />
par attirer, comme traire par tirer. Subst. apparaît pour « puissance qui attire » (en partic. amour) ; courant au<br />
plur. ds. langue classique pour « qualité qui plaît ; qui suscite le désir (chez une femme) », en concurrence avec<br />
appâs. Devenu archaïque dans ce sens ; s’emploie aujourd’hui avec sens plus abstrait. Part. présent du V.,<br />
attrayant (13 e ), avec sens de « séduisant », reste moins litt. que le subst., même si agréable est plus courant. Le<br />
sens du texte est conforme à l’usage classique (mais : COD d’un V., disposer, signifiant une intervention<br />
délibérée — l’artifice fait apparaître la qualité naturelle).<br />
+ c) Ébauchée (l.25) : part. passé du V. ébaucher (14 e ), dérivé préfixé de l’AF. balc, bauch « poutre » (> FM.<br />
bau [voc. marin], balcon), croisé avec AF eboschier « tailler la vigne » (14 e ) < francique bosk « bois » (> bois).<br />
Le V. a signifié « émonder », et « dégrossir » le bois des poutres > extension de sens dès le 14 e : « donner de la<br />
forme à un ouvrage », 15 e « commencer (un geste, mouvement) sans l’exécuter jusqu’au bout ». Débaucher (12 e )<br />
« détourner de son travail », puis « de son devoir » (15 e ) / embaucher (16 e ) proviennent de la même racine. Le<br />
subst. ébauche apparaît au 17 e , mais c’est avec le romantisme que se trouvera valorisée l’esquisse inachevée<br />
d’une œuvre d’art. Le mot renvoie bien dans le texte à une œuvre commencée mais demeurée en suspens (cf.<br />
antonyme achever, auquel s’oppose la négation restrictive ne… que…) : un verbe renvoyant à un travail d’art<br />
permet ici de caractériser un être animé (part. passé attribut du S. je). La belle surprise trop tôt se considère<br />
comme une œuvre.<br />
+ d) Déconcerte (l.27) : V. tr., dérivé (fin 15 e ) dé- + concerter, ce dernier sans doute emprunt du MF. (15 e ) à<br />
l’italien concertare (14 e ) « projeter qqch. en commun »< empr. lat. chrét. concertare « agir dans un but<br />
commun » < lat. class. « rivaliser » (cum- + certare, itératif de cernere [> fr. cerner]). Apparaît en fr. avec<br />
valeur de l’ital. et du lat., et se maintient ainsi jusqu’au FM, en particulier sous la forme pronominale se<br />
concerter . Emploi dans un sens musical « jouer ensemble harmonieusement » (17 e ) est probablement<br />
réemprunté à l’ital., après l’emprunt de concert (16 e < ital. concerto) — a vieilli puis disparu, sauf le part. présent<br />
( partie concertante 17 e ). Déconcerter signifie d’abord « déranger un accord entre personne », encore vivant dans<br />
un usage très litt. « déjouer » ; au 18 e , prend sens moderne de « faire perdre contenance (à qqn.) ». Le part. passé<br />
> deux adj. déconcerté, déconcertant : devenus plus usuels au 19 e que le V, surtout le second, au sens de<br />
« bizarre, étrange ». Le verbe a dans le texte son sens moderne — métaphoriquement, puisqu’il porte sur son<br />
esprit (≠ personne). Toutefois, le lexique de l’art et de l’artifice dans le passage (ébaucher, disposer, toilette)<br />
fait entendre aussi le sens musical du verbe non préfixé, encore assez récent à l’époque, et plus largement le<br />
sens, étymologique, d’un accord entre diverses parties (italianisme ? cf. importance des comédiens ital. pour<br />
<strong>Marivaux</strong>).<br />
— 2a. La négation [6 pts.]<br />
57
+ A. Introduction. La négation est une prédication négative, qui inverse la valeur de vérité d’une proposition.<br />
Comme le verbe est le noyau de la plupart des phrases, et donc de leur prédicat, la négation porte généralement,<br />
par des moyens grammaticaux spécifiques, sur le V. (I). Elle peut être totale ou partielle (a/b), mais aussi porter<br />
sur d’autres éléments de la phrase (II), par des moyens qui sont aussi lexicaux.<br />
+ B. Relevé<br />
I. Négations portant sur le V.<br />
Elle porte sur l’ensemble de la préposition, ou sur une partie de celle-ci.<br />
Le signifié négatif a généralement en français, contrairement au latin, un signifiant double. Le premier<br />
de ces marqueurs de négation est ne (< lat. non, en position proclitique) que l’on dit « discordantiel »<br />
(Damourette et Pichon) ; il oriente vers le seuil de la négativité, sans le faire franchir (G.<strong>Guillaume</strong>).<br />
a. Négation totale<br />
a1. Ne seul : forme normale de la négation jusqu’à la Renaissance, à partir de la<br />
langue classique, il ne subsiste ainsi que dans certains emplois, ainsi avec certains verbes. Avec oser, on peut la<br />
comprendre comme exprimant une négation atténuée, tandis qu’avec pouvoir, vouloir, elle manifeste sans doute<br />
la survivance d’un état de langue plus ancien.<br />
des yeux qui n’osaient regarder, une taille qui n’osait se faire valoir, un visage qui n’osait<br />
se montrer. (16-19)<br />
L’emploi dit explétif, en proposition subordonnée, manifeste que le procès est exprimé positivement,<br />
mais que sa réalisation est envisagée négativement (discordance motivée ici par la crainte).<br />
la crainte qu’elle a que vous ne la jugiez par avance déconcerte aussi son esprit (27)<br />
Ne n’est pas suivi de ses corrélatifs lorsque le complément du verbe comprend deux éléments de même<br />
catégorie et même fonction, coordonnés au moyen de la conjonction de coordination ni (< lat. nec) répétées<br />
devant chacun d’eux. Cette conjonction joue alors le rôle de forclusif.<br />
il me semblait qu’elle n’avait ni son esprit ni son ton de voix (14-15)<br />
a2. Corrélation négative. Le second élément de celle-ci est en effet dit « forclusif »<br />
(Damourette et Pichon) car il permet de considérer des faits comme exclus, forclos de la réalité ; il fait franchir le<br />
seuil de la négativité (G. <strong>Guillaume</strong>). De tels éléments sont issus de substantifs désignant en AF de petites<br />
quantités (pas, point, goutte…).<br />
elles n’étaient pas en état (9)<br />
on ne peut pas dire que ce soit véritablement elle (22)<br />
Ce n’est pas moi (23) vous ne me voyez pas encore (24)<br />
ce n’était point là elle en tout (16)<br />
une belle femme qui n’a point encore disposé ses attraits (19-20)<br />
b. Négation partielle Le second élément de la corrélation restreint le champ de la négation.<br />
Avec rien (< subst. lat. rem « chose », glissement de sens en fr. à cause de l’emploi fréquent comme COD en<br />
phrase négative), elle porte sur un complément (ou sur le S.).<br />
qui n’a rien de préparé pour plaire (20-21)<br />
Que (conjonction < pron. bas lat. quia « le fait que ») n’a pas à proprement parler de sens négatif : c’est<br />
un « uniceptif » (D&P), il inverse le mouvement vers la négativité (GG.) ; il permet en effet d’envisager le seul<br />
élément avec lequel le fait exprimé ne soit pas en discordance : il restreint ici la portée de la relation attributive<br />
assertée (en sous-entendant une échelle de valeur sur laquelle l’attribut occupe une place inférieure à d’autres).<br />
que je ne l’eusse vu que cette fois (14)<br />
attendez, je ne suis qu’ébauchée (24-25)<br />
II. Autres négations<br />
a. Emplois de non (< lat. non en position tonique) Mot phrase permettant à lui seul de nier une<br />
phrase entière ou, comme ici, de renforcer une proposition négative qu’il annonce.<br />
Non, ce n’était point là elle en tout (16)<br />
b. Conjonctions de coordination Entre constituants négatifs par ni. Conjonction concessive<br />
mais inverse, par un argument plus fort, conclusion implicite de ce qui la précède (une négation implicite est une<br />
composante de son sens).<br />
La pauvre femme nous parlait, mais […] il me semblait qu’elle n’avait ni son esprit ni son<br />
ton de voix (14-15)<br />
c’était […] ses yeux […], mais des yeux qui n’osaient regarder […] (16-17)<br />
cela me ressemble en laid, mais vous ne me voyez pas encore (23-24)<br />
c. Négation lexicale Relaye la grammaire pour expression d’une négation concernant un seul<br />
terme de la phrase.<br />
c1. Dérivation. Fait apparaître la négation dans la morphologie d’un terme : préfixes<br />
négatifs (dé- + consonne ou dés- + voyelle < lat. dis- ; mal- [mau- dans qqs. mots : maudire, maugréer…] < adv.<br />
58
mal < lat. male). Nuances de sens : contraire (désagrément), perte (déshonorer), gradation possible (malpropre =<br />
qui ne témoigne d’aucun soin, ou qui en manque).<br />
un négligé malpropre (3)<br />
pour en diminuer le désagrément (7)<br />
une paire de mules qui déshonoraient son pied (12)<br />
la crainte qu’elle a que vous ne la jugiez par avance déconcerte aussi son esprit (27)<br />
c2. Antonymie. La négation lexicale tient ici à la seule signification de termes<br />
impliquant un contradictoire (défaut = « absence » / présence : l’un est la négation de l’autre), un contraire<br />
(diminuer / augmenter : la négation de l’un n’est pas nécessairement l’affirmation de l’autre — cf. maintenir).<br />
elle était embarrassée et honteuse (1-2)<br />
un négligé des plus négligés (3)<br />
pour en diminuer le désagrément (7)<br />
la confusion d’avoir des bras trop longs par le défaut d’engageantes (10)<br />
je la voyais en peine (11)<br />
elle succombait sous tant d’embarras (12-13)<br />
cela me ressemble en laid (23-24)<br />
la crainte qu’elle a que vous ne la jugiez par avance déconcerte aussi son esprit (27)<br />
Ici la négation apparaît bien comme fait de discours, dans la mesure où elle n’est pas la simple inversion<br />
logique d’une assertion positive, à valeur descriptive. Les antonymes — renvoyant tous à l’embarras de la jeune<br />
femme et à sa cause — sont compris comme tels dans la mesure où le spectateur fait entendre — par les<br />
négations grammaticales, et lexicales dérivationnelles — ce que devraient et pourraient être ici apparence et<br />
sentiment : apprêts et aisance.<br />
— 2b. b) Remarques sur : il fallait voir[…] comme ses mains travaillaient machinalement après sa robe<br />
(l.3-5) [2 points]<br />
+ Verbe impersonnel (ne connaît pas d’autre emploi qu’à la P3 masc. sing. : unipersonnel) ; le sujet antéposé<br />
est dit grammatical car il n’a aucune des propriétés sémantiques habituelles du sujet (ni agent, ni siège du<br />
procès) ; ne peut non plus — contrairement au sujet des verbes exprimant des phénomènes météorologiques —<br />
être glosé par ça, désignant un agent indéterminé, diffus : est donc sujet dans la seule mesure où il précède le<br />
verbe et en régit l’accord. L’actant du procès est exprimé par le groupe infinitif « voir … robe » (il pourrait<br />
s’agir d’un complément nominal ou d’une complétive), qui se pronominalise comme un COD : « *Il le fallait. »<br />
+ Proposition exclamative indirecte. Peut être transposée en phrase exclamative : « *Comme ses mains<br />
travaillaient machinalement après sa robe ! » = « à quel point », « avec quelle intensité, fièvre… » : l’expression<br />
d’un haut degré motive l’exclamation. Prop. sub. introduite par l’adverbe exclamatif comme (≠ comment,<br />
interrogatif), et complétant un verbe (voir) du même type que ceux qui peuvent régir des interrogatives indirectes<br />
(se demander, ignorer, apprendre, ne pas savoir…) = impliquant que la connaissance des fait exprimés par la<br />
subordonnée n’est pas simplement assertée (> complétive intro. par que), mais en suspens, recherchée — ou,<br />
comme ici, valorisée.<br />
+ Travailler après… : verbe transitif direct ou intransitif régissant une préposition généralement non<br />
lexicalisée, mais qui n’a pas ici son sens temporel ou spatial. Construction en usage dans la langue parlée du<br />
temps, et que l’on peut rapprocher d’autres, encore en vigueur quoique régionales, populaires et archaïsantes<br />
(demander, crier, être après qqn. = « s’acharner sur une personne »). Elle s’éclaire de l’emploi transitif de<br />
travailler pour désigner une activité suivie, et en particulier, plus proche du sens étym., qui cause un tourment<br />
(une douleur, une préoccupation travaille qqn.…) ; cf. aussi travailler à = recherche d’un but. On comprendra<br />
donc ici le complément intro. par après comme relevant de la valence du verbe (patient ou destinataire du<br />
procès), et non comme un circonstant.<br />
II Style<br />
— Récit au service d’un discours démontrant , par l’exemple (fable et style), la nécessité d’un art (apprêt) pour<br />
qu’apparaisse le naturel.<br />
+ I. L’animation du récit. 1. Pertinence du temps : organisé (après, ensuite), orienté vers le destinataire (p.<br />
composé / imparfait > présent [et futur] de discours) 2. Actants et interlocuteurs : P3 +V = animation du corps ;<br />
présence croissante du spectateur et implication du lecteur (nous, je, elle > on + vous)<br />
+ II. Les ressources d’une parole. 1. Lexique ouvert : concret / abstrait, évaluatif axiologique 2.La phrase,<br />
entre naturel et rhétorique : répétitions expressives, anaphore + expolition, extraction du thème ; parallélisme<br />
antithétique, travail de la concession.<br />
59