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L'intertextualité biblique chez Baudelaire et Verlaine Myriam ...

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<strong>L'intertextualité</strong> <strong>biblique</strong> <strong>chez</strong> <strong>Baudelaire</strong> <strong>et</strong> <strong>Verlaine</strong><br />

<strong>Myriam</strong> Watthee Delmotte, novembre 2003<br />

1 - LA BIBLE, UNE INTERTEXTUALITÉ PARTICULIÈRE<br />

Commençons par quelques éléments d’analyse culturelle pour contextualiser ce propos. La Bible<br />

partage avec la mythologie antique le rôle d’hypotexte privilégié pour les écrivains français du XIXe<br />

siècle qui ont bénéficié d’une formation scolaire imprégnée de culture classique pour une part, <strong>et</strong><br />

d’une sphère de socialité imprégnée de tradition chrétienne d’autre part. Ces deux sources qui<br />

alimentent l’imaginaire des écrivains seront ensuite concurrencées par d’autres <strong>et</strong>, pour une partie<br />

grandissante du public des lecteurs, elles tendent progressivement à rejoindre une forme<br />

d’exotisme : les contenus <strong>biblique</strong>s <strong>et</strong> mythologiques sont devenus pour certains une terra<br />

incognita, appréhendés de manière superficielle en termes de signes non décodables, voire<br />

assimilés abusivement à ce qui est connu <strong>et</strong> ainsi stéréotypés, vidés de leur contenu dynamique,<br />

ou véritablement méconnus. Les textes anciens imprégnés de références religieuses forment<br />

désormais ce que Jean-Pierre Jossua appelle "une culture engloutie" 1 , qui tend à devenir<br />

inaccessible aux jeunes générations, qui ne perçoivent ni ne décodent plus la majorité des<br />

références religieuses convoquées en littérature.<br />

C’est pour remédier à ce handicap que le comparatiste américain Northrop Frye écrit, à l’intention<br />

de ses étudiants pour qui la littérature classique était devenue l<strong>et</strong>tre morte, Le grand code. La<br />

Bible <strong>et</strong> la littérature 2 , en vue d’offrir un outil pour faciliter le repérage <strong>et</strong> l’interprétation des<br />

éléments d’intertextualité <strong>biblique</strong>. Son titre est emprunté à William Blake qui notait dans son<br />

Laocoön que "The Old & New testament are the Great Cod of Art". Frye fait observer que la Bible<br />

procure aux récits littéraires un modèle de structuration spatiale <strong>et</strong> temporelle. Il pointe aussi un<br />

réservoir d’images <strong>et</strong> d’intrigues, dont Tsv<strong>et</strong>an Todorov estime que "tous les poètes européens se<br />

sont servis, qu’ils l’aient su ou non" 3 . Mais si la Bible est l’un des fondements de l’imaginaire<br />

occidental, son action peut s’opérer tant directement que par "rémanence", lorsque les eff<strong>et</strong>s<br />

continuent à être actifs alors que la cause (l’appartenance confessionnelle) a disparu. Il faut tenir<br />

compte à c<strong>et</strong> égard de la spécificité de la littérature française qui s’inscrit dans une histoire<br />

culturelle marquée par le triomphe des Lumières <strong>et</strong> par la Révolution de 1789, qui entraînent<br />

l’avènement d’une culture laïque, la marginalisation de la religion <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>rait de la spiritualité dans<br />

la sphère privée.<br />

Dans ce contexte, Victor Hugo relate dans le poème "Aux feuillantines" comment ses frères <strong>et</strong> lui<br />

découvrirent par eux-mêmes, au cours de leurs jeux, une Bible que leur mère, en voltairienne<br />

convaincue, avait mise hors d’atteinte de ses enfants 4 , comme on se garde de leur donner l’accès<br />

à une substance toxique :<br />

Nous montions pour jouer au grenier du couvent<br />

Et là, tout en jouant, nous regardions souvent<br />

Sur le haut d’une armoire un livre inaccessible.<br />

Nous grimpâmes un jour jusqu’à ce livre noir ;<br />

Je ne sais pas comment nous fîmes pour l’avoir,<br />

Mais je me souviens bien que c’était une Bible. 5<br />

L’histoire est vieille comme le monde : l’interdit avive l’intérêt <strong>et</strong> "l’odeur d’encensoir" fait dans ce<br />

contexte d’athéisme le même eff<strong>et</strong> que l’odeur de soufre en milieu croyant :<br />

Ce vieux livre sentait une odeur d’encensoir.<br />

Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir.<br />

Des estampes partout ! Quel bonheur ! Quel délire !<br />

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Nous l’ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux,<br />

Et dès le premier mot il nous parut si doux<br />

Qu’oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire 6 .<br />

Il est difficile de savoir si ce poème relate un moment véridique de l’enfance de l’écrivain. Quoi qu’il<br />

en soit, il est intéressant de remarquer que si les illustrations semblent jouer un certain rôle dans<br />

l’attrait exercé par le livre sur les enfants, c’est surtout en tant que réservoir d’histoires (comme les<br />

récits mythologiques ou les contes de fées) que la Bible les séduit :<br />

Nous lûmes tous les trois ainsi, tout le matin,<br />

Joseph, Ruth <strong>et</strong> Booz, le bon Samaritain,<br />

Et, toujours plus charmés, le soir, nous le relûmes 7<br />

Il convient dès lors de se demander s’il y a une différence notoire entre la Bible <strong>et</strong> le fonds<br />

mythique gréco-latin lorsqu’ils se présentent en tant qu’hypotextes littéraires.<br />

C<strong>et</strong>te question a été traitée par Pierre Cazier 8 , qui avance plusieurs raisons de ne pas assimiler<br />

trop rapidement les références faites à la Bible <strong>et</strong> à la mythologie païenne. Tout d’abord, il rappelle<br />

que la Bible est considérée comme un livre unique, alors que la mythologie antique n’est pas un<br />

corpus clairement constitué. La Bible est un ensemble articulé en deux parties, à l’intérieur duquel<br />

un certain nombre d’échos <strong>et</strong> de correspondances tissent des liens étroits qui perm<strong>et</strong>tent de la<br />

comprendre comme une unité textuelle. Ensuite, la Bible se présente comme un texte non dénué<br />

de références historiques, tandis que les mythes gréco-latins relèvent clairement de la catégorie<br />

exclusive du merveilleux. Tout n’est certes pas d’un vraisemblable criant dans la Bible, mais ce<br />

texte entr<strong>et</strong>ient un certain rapport au réel, dont le moindre n’est pas la mesure occidentale du<br />

temps. De sorte que si on peut légitimement se demander avec Paul Veyne : "Les Grecs ont-ils<br />

cru à leurs mythes ?" 9 , le rapport à la croyance s’avère radicalement différent à l’égard de la Bible,<br />

investie de la valeur sacrée d’une parole de vérité, <strong>et</strong> dont la célébration liturgique a propagé la<br />

connaissance en lui donnant une valeur sacramentelle 10 . Par contraste, la mythologie antique est,<br />

dès le départ, contrecarrée par le rationalisme qui ne l’adm<strong>et</strong> que dans les acceptions allégoriques<br />

ou évhéméristes.<br />

Pour ceux qui ont été imprégnés par une culture chrétienne (soit la majorité des écrivains français<br />

jusqu’à une période récente), le rapport à la Bible n’est donc en rien comparable à celui qu’ils<br />

peuvent avoir avec la mythologie, <strong>et</strong> évoquer le Christ ou Marie n’a pas les mêmes implications<br />

que convoquer Prométhée ou Diane, parce que c’est prendre un parti à l’égard de ce qui est posé<br />

comme une vérité. Si toute citation, selon Compagnon 11 , ne peut être que deux types : suscription<br />

(discours sur) ou souscription (allégeance à), la Bible a dès lors un statut particulier qui la distingue<br />

radicalement de la mythologie, car en fonction de l’horizon de croyance <strong>et</strong> de ritualisation que<br />

lequel se profile la Bible, lorsqu’on la cite, on se réfère à un archétype qui est, pour un public<br />

précis, une matière sérieusement investie de sens ; par contre, lorsque l’on cite L’Iliade, on n’a<br />

affaire qu’à un modèle formel.<br />

Par corollaire, l’inscription sociologique de l’intertextualité est différente : du fait de son statut de<br />

texte religieux officiel, la Bible fait partie des références accessibles (<strong>et</strong> c’est pourquoi la mère<br />

Hugo n’a pas pu empêcher bien longtemps ses fils de découvrir les textes <strong>biblique</strong>s dans une<br />

version illustrée, sans doute populaire). Par contre, la mythologie antique est le fait des l<strong>et</strong>trés. Le<br />

codage, à l’intérieur de c<strong>et</strong>te élite, est clair <strong>et</strong> stable (Phèdre reste Phèdre, même si les réécritures<br />

littéraires éclipsent parfois le modèle antique initial), alors que les contenus <strong>biblique</strong>s font l’obj<strong>et</strong><br />

d’une imprégnation diffuse, avec pour conséquence que le corpus de références n’est pas le seul<br />

texte <strong>biblique</strong> (déjà disponible lui-même en traduction uniquement) mais tous ses supports : les<br />

gloses savantes des Pères de l’Eglise, les relectures quotidiennes de la pastorale, les allusions,<br />

les réemplois <strong>et</strong> les contre-emplois populaires, y compris dans la stéréotypie. La culture populaire<br />

<strong>biblique</strong> nourrit ainsi l’imaginaire des écrivains autant – voire davantage – que le texte sacré. Ce<br />

qui implique que l’écrivain se situe à l’égard de figures dont il ne peut pas, la plupart du temps,<br />

départager le fondement originel <strong>et</strong> les avatars altérés, <strong>et</strong> d’un discours soit dominant, soit<br />

marginalisé, mais jamais neutre. A c<strong>et</strong> égard, lorsque l’on voit la Bible comme "une matrice de<br />

notre culture" 12 , il ne faut donc pas perdre de vue la complexité des relais au travers desquels le<br />

texte <strong>biblique</strong> nous parvient, processus dont rend compte l’ouvrage dirigé par J.-C. Eslin, La Bible.<br />

2000 ans de lectures 13 .<br />

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En conséquence, l’écrivain qui se réfère à la Bible peut, tant du point de vue sociologique que du<br />

point de vue de la croyance, le faire de différentes manières qui déterminent pour Pierre Cazier<br />

une typologie de c<strong>et</strong>te intertextualité qui distingue la lecture orthodoxe de la Bible, le refus du<br />

message chrétien, <strong>et</strong> les attitudes syncrétiques ou indécidables. Les écrivains de conviction<br />

chrétienne ont intentionnellement recours à l’intertextualité <strong>biblique</strong>, soit au sens littéral, comme<br />

lorsque Pierre Emmanuel réécrit dans Evangéliaire certains épisodes de l’Histoire sainte, soit au<br />

sens allégorique, comme lorsque l’Apocalypse perm<strong>et</strong> au poète Pierre Jean Jouve d’interpréter la<br />

guerre comme une épreuve envoyée par Dieu dans Kyrie. A l’opposé, la Bible peut faire l’obj<strong>et</strong><br />

d’une polémique intellectuelle, comme dans Huis clos, où Sartre détruit l’image du Mal extériorisé<br />

dans la figure de Satan <strong>et</strong> la vision <strong>biblique</strong> de l’enfer ; elle peut aussi être la visée d’une intention<br />

blasphématoire, le blasphémateur pouvant être le héros, comme dans Les Chants de Madoror de<br />

Lautréamont, ou le contre-exemple mis en échec, comme dans le Don Juan de Molière. Mais la<br />

plupart des écrivains de la modernité se situent dans l’indécidabilité <strong>et</strong> ce, selon deux modalités<br />

possibles : celle de la banalisation, car la stéréotypisation des images <strong>biblique</strong>s a pour<br />

conséquence que les contenus de croyance ne sont pas nécessairement convoqués (Une fille<br />

d’Eve de Balzac n’est plus qu’une métaphore <strong>et</strong> dans ce cas, l’équivalence avec la mythologie<br />

antique est réalisée) ; <strong>et</strong> celle du détournement poétique de la Bible, lorsque l’écrivain utilise<br />

l’imagerie <strong>biblique</strong> pour développer son propre imaginaire : ainsi la figure du Christ <strong>chez</strong> Cocteau –<br />

qui se dit "esprit religieux sans religion précise"– sert, autant que celle d’Orphée, à élaborer<br />

l’image du poète inspiré voué au sacrifice, situé en un autre lieu que les mortels. Ce syncrétisme<br />

lui perm<strong>et</strong> d’exprimer son sens de l’élévation dans une perspective qui reste marquée par la quête<br />

du divin en tant qu’unité, mais en ramenant celui-ci à l’expérience poétique : Orphée est lancinant<br />

<strong>chez</strong> Cocteau parce que l’auteur croit en la poésie autant, sinon plus, qu’en Dieu ; il fait donc<br />

fusionner l’image <strong>biblique</strong> avec une conception personnelle du monde 14 . Des positions de ce type<br />

sont appelées à se développer tant que l’enseignement religieux se maintient avec un degré de<br />

suffisance pour que le public ne se situe pas, à l’égard des références <strong>biblique</strong>s, en situation<br />

d’exotisme total. L’impossibilité du repérage implique en eff<strong>et</strong> la fin de ce type d’exploitation,<br />

hormis une littérature à visée ésotérique.<br />

Sur c<strong>et</strong> horizon, nous analyserons ici l’exploitation particulière que <strong>Baudelaire</strong> <strong>et</strong> <strong>Verlaine</strong><br />

effectuent des références <strong>biblique</strong>s, en esquissant ce qu’elles dévoilent de la fin-de-siècle en<br />

termes d’identité culturelle.<br />

2 - LA "RELIGION TRAVESTIE" DE BAUDELAIRE<br />

"O cher ô magnifique ô très saint <strong>Baudelaire</strong>". Telle est la dédicace du Tombeau de <strong>Baudelaire</strong> de<br />

Pierre Jean Jouve 15 , qui fait contraste avec l’image volontiers subversive du poète parisien, obj<strong>et</strong><br />

de scandale, qui emplit ses textes d’horreur <strong>et</strong> de blasphèmes, condamné en son temps pour<br />

"obscénité <strong>et</strong> immoralité". Pourtant, <strong>Baudelaire</strong> déclare dans une l<strong>et</strong>tre à son tuteur Ancelle : "Fautil<br />

donc vous dire… que dans ce livre atroce, j’ai mis tout mon coeur, toute ma tendresse, toute ma<br />

religion travestie" 16 . Voilà qui invite à observer de près les modalités de l’intertextualité <strong>biblique</strong><br />

qu’il pratique, qui peut éclairer la "saint<strong>et</strong>é" perçue par Jouve.<br />

Robert Vivier, qui a étudié les sources de la poésie baudelairienne 17 , fait remarquer que l’influence<br />

de l’imagerie <strong>biblique</strong> s’atteste à maints endroits <strong>chez</strong> le poète, surtout à l’égard du Cantique des<br />

cantiques. Mais il s’empresse de préciser qu’il s’agit à l’époque de poncifs portés par le lyrisme<br />

romantique (Hugo, Vigny, Lamartine ou Chateaubriand pour la France, Milton, Quincey ou Poe<br />

pour les influences anglaises). Il fait remarquer la présence des anges (entre autres des anges<br />

gardiens, qui sont une invention de l’imagerie populaire, dans "Le Flambeau vivant") <strong>et</strong> de la<br />

personnification de Satan directement héritée du roman frénétique anglais (Byron) <strong>et</strong> des<br />

romantiques tels que Hugo, Gautier, Aloysius Bertrand ou Michel<strong>et</strong>. <strong>Baudelaire</strong> se réfère donc aux<br />

images <strong>biblique</strong>s en tenant compte de ses glosateurs de l’époque, <strong>chez</strong> lesquels se lit une vision<br />

du monde particulière, marquée par le luciférianisme comme expression de la douleur <strong>et</strong> de la<br />

révolte. Anne-Marie Amiot a montré qu’il était en cela l’héritier de l’illuminisme <strong>et</strong> tout<br />

particulièrement de la pensée de Saint-Martin, qui a exercé une influence décisive sur le<br />

romantisme en intériorisant la présence de Satan dans le psychisme humain 18 . <strong>Baudelaire</strong> ne fait<br />

ainsi que révéler le "Lucifer latent" qui loge en tout homme. D’autres critiques ont insisté sur les<br />

filtres culturels que représentaient pour <strong>Baudelaire</strong> l’oeuvre de Dante, le verbe haut de Lamennais<br />

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ou la pensée de Joseph De Maistre 19 . En un mot, si <strong>Baudelaire</strong> entre dans un rapport<br />

d’intertextualité avec la Bible, ce n’est jamais que de seconde main.<br />

Mais ni les matériaux de réemploi, ni les modes d’emploi existants n’empêchent la nouveauté de<br />

l’assemblage. Ainsi le poème "Prière"est-il un exemple de ce que Gérard Gen<strong>et</strong>te appelle une<br />

"transvalorisation", soit une opération d’ordre axiologique où l’hypertexte réfute l’hypotexte du point<br />

de vue des valeurs :. En un mot, si <strong>Baudelaire</strong> entre dans un rapport d’intertextualité avec la Bible,<br />

ce n’est jamais que de seconde main.<br />

Gloire <strong>et</strong> louange à toi, Satan, dans les hauteurs<br />

Du Ciel, où tu régnas, <strong>et</strong> dans les profondeurs<br />

De l’Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence !<br />

Fais que mon âme un jour, sous l’Arbre de Science,<br />

Près de toi se repose, à l’heure où sur ton front<br />

Comme un Temple nouveau ses rameaux s’épandront ! 20<br />

Il s’agit, on le voit, d’un usage à contre-emploi des images <strong>biblique</strong>s <strong>et</strong> des formules liturgiques<br />

dans une perspective blasphématoire, tout au moins en apparence. Car l’ "Arbre de<br />

Science"pourrait n’être ici qu’une variante des "Fleurs du Mal", <strong>et</strong> ramener au modèle illuministe.<br />

Rappelons que ce titre n’a pas été initialement trouvé par <strong>Baudelaire</strong>, mais seulement r<strong>et</strong>enu par<br />

lui sur la proposition d’Hippolyte Babou, un titre dans lequel A.M. Amiot voit une trace flagrante de<br />

l’illuminisme 21, ce qui sera confirmé par l’illustration de Félicien Rops pour les Epaves, que<br />

<strong>Baudelaire</strong> décrit en ces termes : "un squel<strong>et</strong>te enraciné <strong>et</strong> arborescent représentant l’arbre de la<br />

science du bien <strong>et</strong> du mal à l’ombre duquel croissent sept fleurs représentant allégoriquement les<br />

sept péchés capitaux" 22<br />

Dans la même perspective, on peut lire les "Litanies de Satan"– formule clairement destinée à<br />

choquer – en y voyant une image prométhéenne, à savoir Satan comme prototype de la révolte<br />

face à l’injustice, avec une étonnante inversion des rôles, puisque l’iniquité est le fait de Dieu, qui<br />

est responsable du mal dans le monde :<br />

O Prince de l’exil, à qui l’on a fait tort,<br />

Et qui, vaincu toujours te redresses plus fort,<br />

O Satan, prends pitié de ma longue misère ! 23<br />

On lit de même dans Mon coeur mis à nu : "si l’unité est devenue dualité, c’est Dieu qui a chuté.<br />

En d’autres termes, la création ne serait-elle pas la chute de Dieu ?" 24 C<strong>et</strong>te image est essentielle<br />

dans l’univers baudelairien <strong>et</strong> il n’est pas impossible qu’elle soit héritée de l’illuminisme ; elle est en<br />

tous cas caractéristique du symbolisme décadent : la nature tout entière est horrible <strong>et</strong> le salut ne<br />

vient que de l’art <strong>et</strong> de la poésie. D’où la fonction cathartique de l’art baudelairien, résumée dans le<br />

vers célèbre : "J’ai pétri de la boue <strong>et</strong> j’en ai fait de l’or" 25 .<br />

Un exemple patent de c<strong>et</strong>te fonction, liée à l’intertextualité <strong>biblique</strong>, est le long poème intitulé "Le<br />

reniement de saint Pierre". Ce texte ne se comprend pas seulement en référence à Matthieu 26,<br />

69-75, mais encore (surtout ?) en regard d’autres passages, car Pierre ne renie pas le Christ par<br />

simple peur d’être inquiété lui-même par la justice ; ici, il s‘agit de dénier un Dieu dont le rapport<br />

visible à l’homme est le mal, car c’est un scandale, une énigme indéchiffrable <strong>et</strong> insupportable :<br />

Certes, je sortirai, quant à moi, satisfait<br />

D’un monde où l’action n’est pas la soeur du rêve ;<br />

Puissé-je user du glaive <strong>et</strong> périr par le glaive !<br />

Saint Pierre a renié Jésus… il a bien fait ! 26<br />

Pierre Emmanuel a analysé ce poème 27 <strong>et</strong> montré qu’il illustre en fait d’autres extraits <strong>biblique</strong>s<br />

que celui annoncé par son titre : Luc 2, 3, où le Messie apparaît comme "signe de contradiction",<br />

<strong>et</strong> Mathieu 26, 3, où le Christ dit Lui-même : "Vous allez tous vous scandaliser à cause de moi,<br />

c<strong>et</strong>te nuit-même", <strong>et</strong> encore Matthieu 10, 34 : "Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le<br />

glaive". Ici encore, la provocation blasphématoire est un jeu : elle a une fonction cathartique. Pierre<br />

Emmanuel explicite ce mouvement : "Il se donne à tâche de pousser le scandale jusqu’à le rendre<br />

intolérable aux chrétiens comme aux athées : aux chrétiens qui ne veulent pas boire que leur Dieu<br />

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moral est un blasphème ; aux athées qui refusent de voir la profondeur du mal dans l’homme, qui<br />

est l’Abîme du silence de Dieu. <strong>Baudelaire</strong> est donc seul contre tous <strong>et</strong> d’abord contre soi" 28 . C’est<br />

en ce sens que Pierre Jean Jouve évoque les "masques" baudelairiens ; en ce sens aussi que l’on<br />

peut comprendre sa "religion travestie". En eff<strong>et</strong>, le poète se reconnaît comme un "maudit" ; il n’est<br />

en rien un donneur de leçons, mais seulement un inquiéteur. Il se tient sur la corde raide d’une<br />

position indécidable, car son aspiration à l’infini s’exprime sous les deux formes divine <strong>et</strong><br />

satanique. Son aspiration à l’idéal lui fait dire : "Je suis catholique <strong>et</strong> romain, <strong>et</strong> j’y ai beaucoup<br />

réfléchi" 29 mais il n’arrive qu’à exprimer son rej<strong>et</strong> violent d’un monde "où l’action n’est pas la soeur<br />

du rêve". D’où sa valorisation de la révolte contre l’inadmissible acceptation du mal, de la<br />

mesquinerie <strong>et</strong> de la bassesse qui règnent autour de lui, <strong>et</strong> sa recherche de l’extase, jusque dans<br />

la débauche ou la drogue. On se souvient des derniers vers des Fleurs du Mal : "Nous voulons,<br />

tant ce feu nous brûle le cerveau / Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? / Au<br />

fond de l’inconnu pour trouver du nouveau !".<br />

En un mot, les intertextes <strong>biblique</strong>s perm<strong>et</strong>tent de saisir la complexité de l’univers imaginaire de<br />

<strong>Baudelaire</strong>. Ils éclairent la dimension ludique du texte qui joue avec l’intertextualité, cite sans citer,<br />

m<strong>et</strong> de la distance – du jeu – entre le texte canonique <strong>et</strong> son propre discours pour exprimer un<br />

système de valeurs qui lui est propre ; ils soulignent la dimension métatextuelle <strong>et</strong> montrent jusque<br />

dans les formes de l’écriture, qui miment le psaume, la prière, la litanie, la puissance rituelle,<br />

sacrée, accordée à la poésie, d’où peut venir une forme de salut du monde. Ce faisant, le poète se<br />

veut un agitateur, car il entend remuer la torpeur. De la boue, il cherche à faire de l’or, en quoi<br />

réside, pour Jouve qui croit aussi au "rôle sanctificateur de l’art" 30 , sa "saint<strong>et</strong>é".<br />

3 - VERLAINE ENTRE MEPRIS ET REMORDS<br />

Paul <strong>Verlaine</strong> est un autre "maudit" (on connaît le vers célèbre "Je suis élu, je suis damné !" 31 ) qui<br />

entr<strong>et</strong>ient avec la religion chrétienne des rapports fluctuants <strong>et</strong> ambigus. Son recueil Sagesse<br />

(1880), fruit de sa conversion dans la prison de Mons, le fait cataloguer comme "poète<br />

catholique"(Huysmans y voit "les seuls vers mystiques éclos depuis le Moyen Age", tandis que<br />

Claudel parle de "la saint<strong>et</strong>é de <strong>Verlaine</strong>"<strong>et</strong> qu’Anna de Noailles évoque "le bon saint <strong>Verlaine</strong>") 32 ,<br />

alors que Parallèlement (1889) le range catégoriquement du côté des impies. Or dans son va-<strong>et</strong>vient<br />

entre foi <strong>et</strong> athéisme, qui épouse l’alternance d’une vie rangée ou dissolue (car l’aspect moral<br />

de c<strong>et</strong>te oscillation est ici essentiel), <strong>Verlaine</strong> voit son travail de poète comme une entreprise de<br />

réécriture indissociable de formes expressives préexistantes issues entre autres de la Bible ou des<br />

grands mystiques.<br />

Il faut remarquer que les allusions <strong>biblique</strong>s, <strong>chez</strong> <strong>Verlaine</strong>, sont tardives : les références à<br />

l’Antiquité <strong>et</strong> aux grandes figures littéraires l’emportent largement en quantité, surtout au début de<br />

sa carrière. C’est que l’éducation religieuse du jeune Paul a été plutôt tiède <strong>et</strong> qu’il n’en a r<strong>et</strong>enu<br />

que l’aspect opprimant <strong>et</strong> moralisateur, ce qui a engendré <strong>chez</strong> lui du mépris pour ce qu’il<br />

considère comme une incitation à l’hypocrisie, qui cache de la méchanc<strong>et</strong>é sous des apparences<br />

édulcorées, comme en témoigne le poème "Jésuitisme" :<br />

C’est un Tartuffe qui, tout en m<strong>et</strong>tant des roses<br />

Pompons sur les autels des Madones moroses,<br />

Tout en faisant chanter à des enfants de choeur<br />

Ces antiques d’eau tiède où se baigne le coeur,<br />

[…]<br />

Tout en parlant avec componction de l’âme,<br />

N’en médite pas moins ma ruine, - l’infâme ! 33<br />

Un autre exemple serait la confession terrible de Philippe II, qui finit cependant "à la droite du<br />

Père" 34 .<br />

En raison de ces considérations morales, on est en droit de se demander ce qui peut intéresser<br />

<strong>Verlaine</strong> dans les textes <strong>biblique</strong>s. Il semble en fait que le poète soit plus attentif aux formes<br />

qu’aux contenus, tout au moins dans un premier temps. Ainsi dit-il que ce qu’il a, au début de sa<br />

carrière, écrit "des espèces de psaumes de David, avec mon triste moi dedans" 35 . On peut<br />

comprendre que celui qui revendique, avec les symbolistes, que la poésie soit "de la musique<br />

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avant toute chose", se soit effectivement penché davantage sur c<strong>et</strong>te section de la Bible. Après sa<br />

conversion, il continue à affirmer une admiration toute formelle pour ces textes :<br />

Ce que je goûte surtout […], c’est le déroulement, simple ou somptueux, des psaumes de David, où<br />

toute la Vérité, toute la Morale, toute l’Adoration chantent dans toute la Beauté d’un latin<br />

merveilleusement, non pas décadent, mais savamment <strong>et</strong> sévèrement barbare, au contraire". 36<br />

On comprend dès lors que <strong>Verlaine</strong> lit la Bible avant tout comme un texte littéraire, intéressant<br />

pour son écriture, <strong>et</strong> dont il peut d’inspirer pour la musicalité de son art poétique.<br />

Toutefois, on trouve aussi <strong>chez</strong> lui une exploitation de l’imaginaire <strong>biblique</strong>, mais avec une<br />

focalisation privilégiée sur les images du mal. Ainsi le paradis perdu par la faute d’Adam se<br />

r<strong>et</strong>rouve tant dans les Poèmes saturniens (1866) que dans Sagesse (1880) <strong>et</strong> Amour (1888), <strong>et</strong> les<br />

marques de la malédiction (comme "Mané, Thécel, Pharès") apparaissent dans les Poèmes<br />

saturniens. Sodome est plus présent que l’épouse du Cantique, cela se passe de commentaire.<br />

Après sa conversion, c’est toujours l’imagerie du mal qui r<strong>et</strong>ient son attention, comme le prouve la<br />

présence de Job <strong>et</strong> de Jacob (boiteux pour avoir lutté avec l’ange) dans Bonheur (1891) 37 .<br />

<strong>Verlaine</strong>, comme <strong>Baudelaire</strong>, écrit des textes d’invocation <strong>et</strong> procède à une sélection signifiante de<br />

passages <strong>biblique</strong>s qui l’intéressent pour exprimer son propre traj<strong>et</strong> poétique. Comme lui encore,<br />

ce sont les images de douleur <strong>et</strong> de lutte qu’il privilégie. L’image du Sauveur lui-même n’est<br />

présente que pour exprimer la culpabilité du poète à l’égard de ses fautes, entre autres dans un<br />

discours christique inversé :<br />

Voici ma chair indigne de souffrance,<br />

Voici mon sang que je n’ai pas versé. 38<br />

Il utilise le même stratagème du pseudo-discours christique pour disserter sur la "felix culpa", ce<br />

qui justifie les fautes comme autant de moments nécessaires sur le chemin vers Dieu :<br />

Il faut m’aimer. Je [Christ] suis Ces Fous que tu [le poète] nommais,<br />

Je suis l’Adam nouveau qui mange le vieil homme,<br />

Ta Rome, ton Paris, ta Sparte <strong>et</strong> ta Sodome,<br />

Comme un pauvre rué parmi d’horribles m<strong>et</strong>s. 39<br />

Outre ces allusions directes, Jacques-Henri Bornecque fait remarquer une forme de mimétisme<br />

indirect du discours christique dans Sagesse, dont le mot-clef n’est précisément pas "sagesse" (le<br />

mot revient dix fois seulement dans le recueil), mais "amour", quant à lui omniprésent. Dans<br />

Bonheur se trouve à c<strong>et</strong> égard une réécriture remarquable de l’Apocalypse de Jean 1, 8 : "Car<br />

aimer c’est l’Alpha, fils, <strong>et</strong> c’est l’Omega". Max Milner a observé qu’aucune image pascale<br />

n’apparaît <strong>chez</strong> <strong>Baudelaire</strong> ; Yves-Alain Favre note la même chose <strong>chez</strong> <strong>Verlaine</strong> 40 , mais peut-être<br />

un peu hâtivement. Car s’il y a bien <strong>chez</strong> ces deux écrivains une prédilection à dire l’emprise du<br />

mal, on trouve <strong>chez</strong> <strong>Verlaine</strong> c<strong>et</strong>te formule pseudo-johannique : "Le Verbe s’est fait chair pour<br />

relever tes chutes" 41 . On voit comment le poète arrive à faire jouer ici les connotations dans deux<br />

directions inverses mais complémentaires : explicitement, l’hypotexte de l’Evangile de Jean 1, 14,<br />

dit que la chair est sacrée, mais entre les lignes de l’hypertexte, on lit que c’est la tentation<br />

charnelle qui a provoqué les chutes <strong>et</strong> donné prise au démoniaque <strong>chez</strong> le poète lui-même.<br />

L’intertextualité <strong>biblique</strong> n’est donc pas simple : elle donne lieu à un jeu complexe grâce auquel le<br />

poète cultive à loisir l’ambivalence, qui traduit sa position propre à l’égard de la religion.<br />

Que lui apporte dès lors l’intertextualité <strong>biblique</strong> ? Comme on l’a vu pour <strong>Baudelaire</strong>, celle-ci<br />

perm<strong>et</strong> à l’écrivain de jouer sur la reconnaissance, par le lecteur, d’un texte sacré à l’égard duquel<br />

il se situe à la fois en distance <strong>et</strong> en adhésion. La distance est ce qui autorise le jeu littéraire, qui<br />

poursuit son propre but de création <strong>et</strong> se complaît à traiter du thème de la perte. L’adhésion est ce<br />

qui perm<strong>et</strong> tant la suscription (le "discours sur", fût-il polémique) que la souscription (l’allégeance).<br />

Chez <strong>Verlaine</strong>, ces modalités soulignent l’oscillation de l’écrivain entre le mépris <strong>et</strong> le remords ;<br />

elle nourrit le rapport d’amour/haine que l’écrivain entr<strong>et</strong>ient avec la religion chrétienne qui lui<br />

impose une moralité contraignante mais qui, en même temps, est reconnue par lui comme la voie<br />

de son salut. L’intertextualité <strong>biblique</strong> perm<strong>et</strong> de visualiser pleinement c<strong>et</strong>te tension.<br />

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Bien d’autres écrivains symbolistes manifestent des complexités du même ordre. Ainsi Joris-Karl<br />

Huysmans dans son évolution <strong>et</strong> ses ambiguïtés, ou Villiers de l’Isle-Adam à qui l’intertextualité<br />

<strong>biblique</strong> perm<strong>et</strong> d’exprimer un tiraillement entre les aspirations à l’idéal <strong>et</strong> le sens du progrès<br />

scientiste. <strong>Baudelaire</strong> <strong>et</strong> <strong>Verlaine</strong> perm<strong>et</strong>tent d’esquisser ici une piste d’analyse peu exploitée<br />

encore, mais dont on perçoit qu’elle offre des potentialités intéressantes sur le plan de l’inscription<br />

de la création littéraire dans le champ culturel. On voit déjà dans ce rapide parcours combien les<br />

écrivains fin-de-siècle sont les héritiers d’un bagage d’imagerie populaire, pour une part<br />

banalisant, <strong>et</strong> d’un discours méprisant à l’égard de la religion chrétienne ; combien aussi leur<br />

travail littéraire est sciemment élaboré afin de jouer sur ce que la référence <strong>biblique</strong> a de<br />

particulier, à savoir son caractère sacré, pour dire un élan vers l’absolu dont leur art profane se<br />

veut le support. Un art qui perm<strong>et</strong> de dire le manque, la déréliction, l’angoisse de l’homme<br />

moderne, <strong>et</strong> qui tente de se renforcer en se légitimant d’une hypotextualité prestigieuse. Car<br />

comme le dit Gérard Gen<strong>et</strong>te : "L’hypertexte gagne toujours – même si ce gain peut être jugé,<br />

comme on dit de certaines grandeurs, négatif – à la perception de son être hypertextuel" 42 . Ce qui<br />

doit être complété par c<strong>et</strong>te citation de Maurice Blanchot : "Le poème nomme le sacré, c’est le<br />

sacré qu’entendent les hommes, non le poème. Mais le poème nomme le sacré comme<br />

innommable ; il dit en lui l’indicible" 43 .<br />

Ceci est particulièrement vrai de la poésie symboliste qui repose sur une crise de la spiritualité<br />

dans ses manifestations directes <strong>et</strong> cherche les formes de son expression en creux.<br />

L’intertextualité <strong>biblique</strong>, ici, est donc de l’ordre du contr<strong>et</strong>ype ; elle est une exploitation en négatif<br />

de ce "grand code" qui repose sur la puissance du verbe. Les symbolistes trouvent dans ce texte<br />

sacré le fondement même de leur idéalisation de la parole poétique, <strong>et</strong> instrumentalisent dès lors<br />

l’intertextualité <strong>biblique</strong> pour la dire. Quant aux aspects spirituels de leur oeuvre, si l’analyse de<br />

l’épaisseur sémantique des textes perm<strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre au jour leurs enjeux théologiques, ceux-ci sont<br />

toujours de l’ordre du questionnement, jamais de la réponse. Car ces poètes qui se perçoivent<br />

comme des inquiéteurs, pensent, comme le dira Blanchot, que "la réponse est le malheur de la<br />

question" 44 .<br />

_______________<br />

<strong>Myriam</strong> Watthe-Delmotte<br />

Maître de recherche du FNRS<br />

Professeur à l’Université catholique de Louvain<br />

(Louvain-la-Neuve, Belgique)<br />

_____________________________________________________________________________<br />

1. Jossua J.-P., La littérature <strong>et</strong> l’inquiétude de l’absolu, Paris, Beauchesne, 2000.<br />

2. Frye N., Le grand code. La Bible <strong>et</strong> la littérature, (trad. Fr.), Paris, Le Seuil, 1984. C<strong>et</strong> ouvrage a été suivi<br />

de La Parole souveraine. La Bible <strong>et</strong> la littérature II, (trad. Fr.), Paris, Le Seuil, 1994.<br />

3. Todorov T., introduction au Grand code, op. cit., p. 19.<br />

4. Comme le note Géraud Venzac, "L’apport <strong>biblique</strong> est sans point d’attache dans l’enfance de Victor<br />

Hugo", qui n’a pas eu d’éducation religieuse (Les Premiers maîtres de Victor Hugo, Paris, Bloud <strong>et</strong> Gay,<br />

1966, p. 396.). Le christianisme d’Hugo s’enracine, bien plus tard, dans son amour pour Adèle Foucher,<br />

une femme pieuse qu’il n’a pu épouser qu’après s’être converti, <strong>et</strong> même confessé auprès de…<br />

Lamennais. Pour plus de détails, voir Emmanuel Godo Victor Hugo <strong>et</strong> Dieu : bibliographie d’une âme,<br />

Paris, Le Cerf, 2001.<br />

5. Hugo V. "Aux feuillantines", (Les Contemplations), dans OEuvre poétique, tome II, Paris, Gallimard,<br />

"Bibliothèque de la Pléiade, 1967, p. 692.<br />

6. Idem.<br />

7. Hugo V. "Aux feuillantines", Idem.<br />

8. Cazier P., "La Bible <strong>et</strong> la création littéraire : de la théorie patristique à la pratique profane", dans Uranie<br />

n°1, 1991 : "Mythe <strong>et</strong> création", pp. 53-70.<br />

9. Veyne P., Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l’imagination constituante, Paris, Le Seuil,<br />

1983.<br />

10. Par le rite, on réitère l’instant fondateur en y faisant participer ceux qui y croient. , il ne faut donc<br />

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11. Compagnon A., La seconde main ou le travail de la citation, op. cit..<br />

12. Descouleurs B. <strong>et</strong> Nouailhat R. (dir.), Enseignement, littérature <strong>et</strong> religion, Paris, Desclée De Brouwer,<br />

2000, p. 8.<br />

13. Eslin J.-C. La Bible. 2000 ans de lectures, Paris, Desclée - De Brouwer, 2003.<br />

14. Voir Wyns M., Jean Cocteau, l’empreinte de l’ange, Paris, L’Harmattan, 2005.<br />

15. Jouve P.J., "Tombeau de <strong>Baudelaire</strong>", dans Défense <strong>et</strong> illustration, Neuchâtel, Ides <strong>et</strong> Calendes, 1943.<br />

16. L<strong>et</strong>tre de <strong>Baudelaire</strong> datée du 18/02/1866, à M. Ancelle. Citée dans Jouve P.J., op. cit., p. 36. C’est nous<br />

qui soulignons.<br />

17. Vivier R., L’originalité de <strong>Baudelaire</strong>, Bruxelles, Académie de langue <strong>et</strong> de Littérature Françaises de<br />

Belgique, 1952.<br />

18. Amiot A.-M., <strong>Baudelaire</strong> <strong>et</strong> l’illuminisme, Paris, Niz<strong>et</strong>, 1982.<br />

19. Voir, outre les travaux de Vivier <strong>et</strong> Amiot, Raynaud-Reynolds <strong>et</strong> Pierre Emmanuel.<br />

20. <strong>Baudelaire</strong> Ch., Les Fleurs du Mal, dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, "Bibliothèque de la<br />

Pléiade", 1975, p. 125.<br />

21. C'est Ch. Asselineau qui défend c<strong>et</strong>te vision des choses. Voir Amiot A.-M., op. cit., p. 297.<br />

22. L<strong>et</strong>tre de <strong>Baudelaire</strong> datée du 29 août 1860, citée dans Amiot, ibid., p. 303.<br />

23. <strong>Baudelaire</strong> Ch., Les Fleurs du Mal, dans Œuvres complètes, op. cit., pp. 124-125.<br />

24. <strong>Baudelaire</strong> Ch., Mon coeur mis à nu, dans ibid., p.1209.<br />

25. <strong>Baudelaire</strong> Ch., "Bribes" (Reliquat des ) Les Fleurs du Mal, dans ibid., p. 188.<br />

26. <strong>Baudelaire</strong> Ch., Les Fleurs du Mal, dans ibid., p. 121.<br />

27. Emmanuel P., <strong>Baudelaire</strong>, la femme <strong>et</strong> Dieu, Paris, Le Seuil, 1982.<br />

28. Ibid., p. 135.<br />

29. L<strong>et</strong>tre de <strong>Baudelaire</strong> datée de 1864, soit lors de son exil en Belgique, reprise dans ibid., p. 144.<br />

30. "Je n’aurais jamais écrit une ligne si je ne croyais pas au rôle sanctificateur de l’Art", Jouve P. J., En<br />

miroir. Journal sans date, dans Œuvre complète, tome II, Paris, Mercure de France, p. 1161.<br />

31. Premier vers du "Bon Disciple", dans <strong>Verlaine</strong> P., Œuvres poétiques complètes, Paris, Gallimard,<br />

"Bibliothèque de la Pléiade", 1977, p. 215.<br />

32. Pour plus de détails, nous renvoyons à l’ouvrage dirigé par Jacques Duf<strong>et</strong>el, La spiritualité verlainienne,<br />

Paris, Klincksieck, 1997.<br />

33. <strong>Verlaine</strong> P., "Jésuitisme", dans Poèmes saturniens, dans Œuvres complètes, op. cit., p. 75.<br />

34. <strong>Verlaine</strong> P., "La mort de Philippe II", dans ibid., p. 88.<br />

35. <strong>Verlaine</strong> P., L<strong>et</strong>tre à Delahaye datée du 29 avril 1875, citée par Duf<strong>et</strong>el J., op. cit., p. 106.<br />

36. <strong>Verlaine</strong> P., L<strong>et</strong>tre à Cazals datée du 26 août 1889, citée dans ibid., p. 192. Par "barbare", on peut<br />

comprendre une allusion aux vers boiteux, comme ceux de 13 syllabes qu’il affectionne.<br />

37. "Seigneur, vous m’avez laissé vivre / Pour m’éprouver jusqu’à la fin. / Vous châtiez c<strong>et</strong>te chair ivre, / Par<br />

la douleur <strong>et</strong> par la faim ! / Et vous permîtes que le diable / Tentât mon âme misérable / Comme l’âme<br />

forte de Job, / Qui gagea le combat étrange / Avec le grand aïeul Jacob", <strong>Verlaine</strong> P., extrait XVI de<br />

Bonheur, ibid., p. 679.<br />

38. <strong>Verlaine</strong> P., extrait de Sagesse, ibid., p. 265.<br />

39. Ibid., p. 270.<br />

40. "Max Milner note le fait essentiel que le Christ rédempteur est absent de l’oeuvre, ce qui déséquilibre les<br />

postulations du côté du Mal", dans Emmanuel P., op. cit., p. 23. Voir l’introduction d’Yves-Alain Favre à<br />

Liturgies intimes dans Paul <strong>Verlaine</strong>, OEuvre poétique complète, Paris, Laffont, "Bouquins", 1992, p. 413<br />

: "Assez curieusement, aucun poème ne traite du carême <strong>et</strong> de Pâques".<br />

41. <strong>Verlaine</strong> P., "Bornemouth", dans Amour, ibid., p. 414.<br />

42. Gen<strong>et</strong>te G., op. cit., p. 555.<br />

43. Blanchot M., L’Espace littéraire, Paris, Gallimard, "Folio", 1988, p. 307.<br />

44. Blanchot M., L’entr<strong>et</strong>ien infini, Paris, Gallimard, 1971, p. 15.<br />

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