Plaquette Jérémy1 - Jérémy Gabriel

On lui annonce le transfert de l’enfant en soins intensifs et Sylvie pleure à
chaudes larmes. On la console. C’est courant. C’est la déprime post-natale,
lui dit-on. Normal aussi que l’enfant perde du poids. Ça, elle sait en revanche
que tous les enfants en perdent. On lui permettra de monter dans l’ambulance
à ses côtés, c’est promis.
Sylvie ressent, elle, un malaise diffus qui aiguillonne sa conscience en alerte.
Dans sa famille, on n’est pas malade, elle n’a jamais fréquenté les hôpitaux
ni qui que ce soit qui soit en lien avec le milieu hospitalier. Quelque chose,
elle en est certaine, cloche avec son petit. […]
”
“
Peu après nous être levés, nous avons mangé copieusement: œufs miroirs,
bacon et pancakes tartinés de sirop d’érable. Gaëlle et Alycia, la petite
brune de la famille, se poursuivent dans la maison avec des cris joyeux. Le
moment est venu, je le sens, de prendre Jérémy à part.
Je suis en face de lui. Nous nous regardons. Nous nous sourions.
— On y va, Jérémy?
— D’accord.
Il est déjà debout. Depuis hier, c’est les vacances scolaires. Toujours en
pyjama, il m’entraîne vers sa chambre en me prenant la main. Il me donne
la chaise de son bureau et s’assied sur son lit. Face à moi, le mur où est
peinte une fresque avec des personnages de Walt Disney. J’enclenche mon
dictaphone. Ma première question concerne ses rêves, évidemment. Je lui
demande:
— Comment ils te viennent?
— Je fais des rêves pendant la nuit, mais ils se réalisent lorsque j’ai des
flashs.
J’ai la puce à l’oreille.
— Des flashs? Quelle différence avec les rêves?
— Ils m’arrivent brusquement sans que j’y pense, dans la journée. C’est
comme un phénomène laser. Ça ne dure pas plus d’une seconde troisquarts
et puis c’est tout. C’est comme si tu allumais une lumière… Tu l’ouvres
puis tu la fermes. C’est ça un flash. C’est Dieu qui choisit les flashs,
c’est lui qui contrôle. C’est comme s’il était dans sa grande maison là-haut,
et qu’il y avait les flashs de toutes les personnes sur la terre. Alors Dieu fait
ça.
Jérémy actionne l’interrupteur, puis il éteint.
— Si tu crois que ça va arriver, ça arrive. Mais des fois je le garde pour moi
quand j’en ai un…
— Pourquoi ?
Chapitre 9