Temps libres : le triangle des Bermudes de l'aménagement ... - Datar
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Territoires 2020 - N°3 30/05/01 10:19 Page 55<br />
Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et prospective<br />
<strong>Temps</strong> <strong>libres</strong> : <strong>le</strong><br />
triang<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Bermu<strong><strong>de</strong>s</strong><br />
<strong>de</strong> l’aménagement<br />
du territoire<br />
Comment travail<strong>le</strong>r sur un objet si impossib<strong>le</strong> à<br />
cerner ? Le temps libre, c’est quoi ? Tout ce qui<br />
n’est pas travail enregistré par la pointeuse ? Oui,<br />
mais la retraite ? L’amour ? La nuit ? Les étu<strong><strong>de</strong>s</strong> ?<br />
Ne jouons pas, mais reconnaissons que la notion<br />
<strong>de</strong> temps libre a été construite relativement à une<br />
certaine idée du travail, laquel<strong>le</strong> s’est largement<br />
perdue <strong>de</strong>puis.<br />
En outre qu’ont donc en commun <strong><strong>de</strong>s</strong> spécialistes<br />
<strong>de</strong> la culture, du sport, <strong><strong>de</strong>s</strong> mobilités, <strong><strong>de</strong>s</strong> loisirs <strong>de</strong><br />
proximité, <strong><strong>de</strong>s</strong> vacances… qui, tous, ont légitimité<br />
à appartenir à un groupe temps libre mais qui,<br />
eux, n’ont jamais considéré <strong>le</strong>urs objets scientifiques<br />
comme une sous-catégorie <strong>de</strong> cette notionlà.<br />
Nous sommes chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> hyper-spécialistes<br />
avec <strong><strong>de</strong>s</strong> histoires et <strong><strong>de</strong>s</strong> références qui ne se<br />
chevauchent pas.<br />
Certes, mais nous avons un point commun, je<br />
dirais presque un ennemi commun (et cela réunit<br />
bien sûr) et cet ennemi, c’est l’ensemb<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
pensées et <strong><strong>de</strong>s</strong> analyses pour qui tout ce qui se<br />
passe en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la sphère du travail - élargie au<br />
domici<strong>le</strong> nécessaire -, est petite bière politique,<br />
économique, symbolique et spatia<strong>le</strong>. Ce qui nous<br />
réunit, c’est la conviction que ce que nous cernons<br />
mal - ce temps libre -, a plus aménagé la France<br />
<strong>de</strong>puis 30 ans que bien <strong><strong>de</strong>s</strong> politiques publiques<br />
(y compris récemment en matière <strong>de</strong> localisation<br />
d’entreprises) et parallè<strong>le</strong>ment que la puissance<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> différents secteurs économiques qui concourent<br />
à nos temps <strong>libres</strong> renvoie –, par exemp<strong>le</strong>, – à<br />
une production <strong>de</strong> richesse et <strong>de</strong> territoire<br />
juin 2001 n° 3<br />
très largement supérieure à l’économie agraire<br />
dont on fait tant <strong>de</strong> cas ; l’exemp<strong>le</strong> agraire n’étant<br />
pas pris au hasard, tant il semb<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s vacances<br />
aient concouru à une re<strong>le</strong>cture imaginaire<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> lieux et à un ressourcement symbolique <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
êtres qui vaut bien l’agriculture, sa Marianne et<br />
ses gerbes <strong>de</strong> blés -, d’où d’ail<strong>le</strong>urs <strong><strong>de</strong>s</strong> concurrences<br />
objectives et imaginaires trop souvent<br />
sous-estimées.<br />
Mais donc, nous sommes unis par la même adversité,<br />
ce qui nous a permis un peu laborieusement<br />
au début (reconnaissons-<strong>le</strong>), <strong>de</strong> peu à peu définir<br />
en commun <strong><strong>de</strong>s</strong> objets d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, <strong><strong>de</strong>s</strong> démarches<br />
et un projet. D’abord, faire l’état <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux <strong>de</strong><br />
toutes <strong>le</strong>s évolutions dans nos différents champs<br />
et domaines, ensuite, ouvrir à une pensée<br />
prospective portée par l’émergence d’une société<br />
où l’idée même <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> travail mesuré en<br />
durée commence à être questionnée tant nous<br />
entrons sans doute dans une logique <strong>de</strong><br />
"présence continue voisinante" <strong>de</strong> pratiques hier<br />
distinctes. Dans une gran<strong>de</strong> administration d’État<br />
par exemp<strong>le</strong> durant la négociation sur <strong>le</strong>s<br />
35 heures, il fut suggéré d’équiper <strong>le</strong>s agents<br />
en téléphones portab<strong>le</strong>s pour qu’ils soient<br />
joignab<strong>le</strong>s en permanence. Cela fait rire, mais sans<br />
doute est-ce largement plus près du réel qui nous<br />
attend que bien <strong><strong>de</strong>s</strong> réf<strong>le</strong>xions sur l’augmentation<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> départs en vacances.<br />
Ce texte ne vise pas à décrire, nous <strong>le</strong> ferons dans<br />
notre premier ouvrage qui paraitra mi 2001, mais<br />
il vise à faire partager <strong><strong>de</strong>s</strong> questions que nous<br />
D A T A R<br />
Jean Viard<br />
Directeur <strong>de</strong> recherche CNRS<br />
Prési<strong>de</strong>nt du groupe <strong>de</strong> prospective<br />
<strong>Temps</strong> libre et dynamiques spatia<strong>le</strong>s<br />
jean.viard@wanadoo.fr<br />
55
Territoires 2020 - N°3 30/05/01 10:19 Page 56<br />
<strong>Temps</strong> <strong>libres</strong> : <strong>le</strong> triang<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Bermu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> l’aménagement du territoire<br />
nous posons et qui, nous <strong>le</strong> pensons, doivent se<br />
croiser avec cel<strong>le</strong>s que bien d’autres se posent. Il<br />
est donc sans prétention.<br />
Premier cadrage<br />
problématique<br />
L’organisation <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>s temps <strong>libres</strong>, <strong>le</strong>s uns par<br />
rapport aux autres, <strong>le</strong>urs interrelations et <strong>le</strong>urs<br />
effets croisés sont très peu connus. Par exemp<strong>le</strong>,<br />
on ne sait quasiment rien sur <strong>le</strong>s relations entre<br />
taux <strong>de</strong> départ en vacances, types <strong>de</strong> vacances et<br />
consommations culturel<strong>le</strong>s et sportives, ni sur <strong>le</strong>s<br />
activités spécifiques du temps <strong>de</strong> vacances pris au<br />
domici<strong>le</strong>. On connaît aussi mal <strong>le</strong>s critères <strong>de</strong><br />
mobilités rési<strong>de</strong>ntiel<strong>le</strong>s par rapport à la <strong>de</strong>nsité<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> offres culturel<strong>le</strong>s et sportives <strong>de</strong> proximité, ou<br />
par rapport à l’attractivité touristique <strong>de</strong> la région<br />
<strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce. On pressent <strong>le</strong> développement<br />
d’une culture bi-rési<strong>de</strong>ntiel<strong>le</strong> massive, mais on<br />
n’en est pas très sûr; on anticipe <strong><strong>de</strong>s</strong> migrations <strong>de</strong><br />
jeunes retraités vers <strong>le</strong>s cités high-tech, mais c’est<br />
plus une hypothèse qu’un fait avéré…<br />
La mesure d’un secteur spécifique d’une<br />
économie du temps libre est incertaine. On doit<br />
pouvoir dire, sans se tromper beaucoup, que c’est<br />
<strong>le</strong> premier secteur économique du pays en particulier<br />
en matière d’emploi, car l’économie du<br />
temps libre est riche en emploi - aussi bien durant<br />
<strong>le</strong>s vacances, pour <strong>le</strong>s pratiques culturel<strong>le</strong>s et sportives<br />
que pour <strong>le</strong>s activités <strong>de</strong> proximité. Mais estce<br />
vraiment un secteur économique en soi,<br />
compte tenu que <strong>le</strong>s multip<strong>le</strong>s activités qui y sont<br />
liées ont aussi d’autres fonctions sociéta<strong>le</strong>s. Ceci<br />
est très net pour <strong>le</strong> tourisme.<br />
Enfin, en matière spatia<strong>le</strong>, si on constate recensement<br />
après recensement <strong><strong>de</strong>s</strong> migrations massives<br />
<strong>de</strong> populations vers l’espace périurbain <strong>de</strong> Paris -<br />
et <strong>de</strong> cités historiques situées en région <strong>de</strong><br />
vacances -, peu <strong>de</strong> recherches explicites analysent<br />
ce phénomène.<br />
Parallè<strong>le</strong>ment, comment articu<strong>le</strong>r <strong>le</strong> recul <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
départs en vacances, la croissance <strong><strong>de</strong>s</strong> mobilités<br />
<strong>de</strong> loisirs et <strong>de</strong> sorties familia<strong>le</strong>s dans la proximité<br />
56 Territoires 2020 Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et prospective<br />
du domici<strong>le</strong>, et l’investissement massif effectué<br />
par <strong>le</strong>s Français <strong>de</strong>puis 20 ans sur <strong>le</strong>urs domici<strong>le</strong>s ?<br />
Peut-être faut-il d’ail<strong>le</strong>urs plutôt chercher à lier<br />
habitat avec jardin périurbain et réduction <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
voyages <strong>de</strong> vacances ? Le phénomène est-il plus<br />
conjoncturel qu’on ne <strong>le</strong> pense ? Y a-t-il ici déjà un<br />
effet troisième âge que l’on n’aurait pas analysé ?<br />
Le signe d’une pauvreté croissante <strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes, y<br />
compris <strong>le</strong>s étudiants ?…<br />
En outre l’organisation <strong>de</strong> l’appareil d’État, entre<br />
ministères, et entre <strong>le</strong>s différents niveaux <strong>de</strong> la<br />
décision publique, est-il adapté aux évolutions <strong>de</strong><br />
la société ? Pourquoi <strong>le</strong> projet <strong>de</strong> ministère du<br />
<strong>Temps</strong> libre a-t-il été abandonné ? La Culture n’aurait-el<strong>le</strong><br />
pas dû en faire partie ? Qui par ail<strong>le</strong>urs se<br />
sent responsab<strong>le</strong> du départ <strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes en<br />
vacances ? Les régions ? Les départements ?<br />
L’État ? Mais en quoi la question <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>libres</strong><br />
relève-t-el<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’intervention publique ?<br />
L’hypothèse centra<strong>le</strong> <strong>de</strong> ce groupe est que <strong>le</strong>s<br />
usages <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>libres</strong> sont <strong>de</strong>venus, et vont<br />
<strong>de</strong>venir <strong>de</strong> plus en plus dans <strong>le</strong> futur, <strong><strong>de</strong>s</strong> organisateurs<br />
spatiaux et sociaux structurants dans notre<br />
société. Ceci aussi bien au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> cités, dans <strong>le</strong>s<br />
rapports vil<strong>le</strong>/campagne ou dans <strong>le</strong>s échanges<br />
entre régions. Les opportunités liées aux temps<br />
<strong>libres</strong> étant à la fois <strong><strong>de</strong>s</strong> phénomènes attractifs<br />
pour certains lieux et certaines régions, et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
phénomènes répulsifs dans <strong><strong>de</strong>s</strong> zones rura<strong>le</strong>s<br />
profon<strong><strong>de</strong>s</strong>, voire en certaines banlieues.<br />
Les usages <strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>libres</strong> agissant comme :<br />
• organisateurs spatiaux par <strong>le</strong>urs effets sur l’investissement<br />
en logement et sur <strong>le</strong>s localisations<br />
rési<strong>de</strong>ntiel<strong>le</strong>s - halo périurbain, migrations vers <strong>le</strong><br />
sud, l’ouest Bretagne, <strong>le</strong>s cités historiques -, mais<br />
aussi par <strong>le</strong>s effets sur <strong>le</strong>s transformations <strong><strong>de</strong>s</strong> politiques<br />
d’équipements publics, notamment en<br />
zones périurbaines et en centre-vil<strong>le</strong> ; enfin, par la<br />
croissance <strong><strong>de</strong>s</strong> mobilités aléatoires durant ces<br />
temps <strong>libres</strong>, d’où <strong><strong>de</strong>s</strong> questions fortes vis-à-vis<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> politiques actuel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> transports en commun ;<br />
• organisateurs sociaux par <strong>le</strong>urs fonctions, organisatrices<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> liens sociaux et amico-familiaux et par
Territoires 2020 - N°3 30/05/01 10:19 Page 57<br />
Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et prospective<br />
la structuration <strong>de</strong> " tribus " <strong>de</strong> pratiquants culturels,<br />
sportifs, estivaux… ou exclus assignés à rési<strong>de</strong>nce<br />
au cœur d’une culture - et d’un culte -, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
mobilités. Plus même, <strong>le</strong>s stratégies d’usage <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
temps <strong>libres</strong> <strong>de</strong>viennent sans doute <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments<br />
importants <strong>de</strong> la compétence <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs et <strong>de</strong><br />
<strong>le</strong>urs carrières professionnel<strong>le</strong>s ; d’où <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
réf<strong>le</strong>xions nécessaires sur <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> intégrateur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
mobilités <strong>de</strong> loisirs et <strong>de</strong> vacances aussi bien pour<br />
la formation <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>le</strong>s élites, <strong>le</strong> renouvel<strong>le</strong>ment<br />
<strong>de</strong> <strong>le</strong>urs compétences que pour l’insertion<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> jeunes peu qualifiés.<br />
Pour comprendre ces évolutions, et <strong>le</strong>urs effets<br />
actuels et prévisib<strong>le</strong>s, il ne suffit pas d’avoir une<br />
approche quantitative. Certes, la réduction du<br />
temps <strong>de</strong> travail dans une vie, la politique <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
35 heures, <strong>le</strong>s nouveaux horaires scolaires, <strong>le</strong><br />
développement <strong><strong>de</strong>s</strong> horaires soup<strong>le</strong>s <strong>de</strong> travail…<br />
sont autant d’éléments nécessaires à ces évolutions.<br />
Mais c’est, semb<strong>le</strong>-t-il, l’appropriation<br />
culturel<strong>le</strong> et socia<strong>le</strong> massive <strong>de</strong> ces nouvel<strong>le</strong>s<br />
temporalités qui paraît permettre d’expliquer <strong>le</strong>s<br />
évolutions très puissantes que nous observons<br />
<strong>de</strong>puis 20 ans. Nous sommes dans une pério<strong>de</strong><br />
d’invention d’organisation individuel<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> temporalités<br />
où souvent <strong>le</strong>s individus doivent se<br />
débrouil<strong>le</strong>r sans modè<strong>le</strong> préétabli.<br />
Notre hypothèse est que notre société est en<br />
retard dans l’observation et l’analyse <strong>de</strong> ces<br />
phénomènes qui pourtant réorganisent à gran<strong>de</strong><br />
vitesse <strong>le</strong> territoire et <strong>le</strong>s liens sociaux. Ce retard<br />
étant dû au primat que l’on continue à accor<strong>de</strong>r à<br />
l’économie <strong>de</strong> production et à une certaine idée<br />
du travail dans l’observation sociéta<strong>le</strong>.<br />
La logique<br />
du projet personnel<br />
Nous sommes entrés dans une société où chaque<br />
individu tente <strong>de</strong> se construire un projet personnel<br />
<strong>de</strong> vie qui sinue entre <strong>de</strong>ux pô<strong>le</strong>s d’action et <strong>de</strong><br />
pratique, <strong>le</strong> travail et <strong>le</strong>s loisirs. Cette idée avancée<br />
par Olivier Donnat paraît fécon<strong>de</strong>. Ceux-ci<br />
peuvent aussi se décliner sur <strong>le</strong> temps <strong>de</strong> l’année<br />
entre travail/vacances et sur <strong>le</strong> temps <strong>de</strong> la vie<br />
entre étu<strong><strong>de</strong>s</strong>/travail/retraite.<br />
juin 2001 n° 3<br />
C’est cette autonomie croissante <strong><strong>de</strong>s</strong> trajets <strong>de</strong> vie<br />
face à une offre socia<strong>le</strong> tripolaire activité <strong>de</strong> travail,<br />
activité <strong>de</strong> temps libre, activité <strong>de</strong> vacances qui<br />
paraît une hypothèse novatrice.<br />
Cette autonomie croissante <strong><strong>de</strong>s</strong> trajets <strong>de</strong> vie va<br />
entraîner <strong><strong>de</strong>s</strong> relations nouvel<strong>le</strong>s aussi bien avec <strong>le</strong><br />
travail qu’avec l’ensemb<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques <strong>de</strong> temps<br />
libre. La problématique <strong>de</strong> la liberté du choix est<br />
en permanence à l’œuvre au niveau <strong>de</strong> la représentation<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs. Le travail comme <strong>le</strong>s offres<br />
<strong>de</strong> loisirs et <strong>de</strong> culture y passent du côté <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
" gran<strong><strong>de</strong>s</strong> institutions " face auxquel<strong>le</strong>s l’acteur<br />
recherche une autonomie croissante, même si <strong>le</strong>ur<br />
présence lui paraît une nécessité pour garantir son<br />
droit à la liberté <strong>de</strong> faire. Mais l’essentiel est dans<br />
l’être et dans l’instrumentalisation du faire à cette<br />
fin centra<strong>le</strong>. Ici, on peut dire que <strong>le</strong>s acquis <strong>de</strong> la<br />
culture du temps <strong>de</strong> vacances ont peu à peu<br />
submergé l’ensemb<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> comportements.<br />
Il ne s’agit pas <strong>de</strong> par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> fin du travail, ou <strong>de</strong> fin<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> loisirs, mais <strong>de</strong> nouveaux enjeux entre individus/métiers/activités<br />
par où se glissent <strong>de</strong><br />
nouvel<strong>le</strong>s normes <strong>de</strong> comportements plus liées<br />
aux générations, aux sexes et aux territoires qu’on<br />
<strong>le</strong> croit souvent, ce au sein d’une culture <strong>de</strong> mobilité<br />
quasi généralisée aussi bien dans <strong>le</strong>s parcours<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> territoires, <strong><strong>de</strong>s</strong> carrières professionnel<strong>le</strong>s, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
vies privées…<br />
Cette évolution comportementa<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’acteur en<br />
société contemporaine développée, traverse<br />
parallè<strong>le</strong>ment, et profondément, la crise scolaire<br />
ou être à l’éco<strong>le</strong> et faire <strong><strong>de</strong>s</strong> étu<strong><strong>de</strong>s</strong> semb<strong>le</strong>nt<br />
souvent se té<strong>le</strong>scoper à partir du moment où<br />
l’enfant <strong>de</strong>vient au collège un jeune adulte. Ce<br />
té<strong>le</strong>scopage questionnant l’idée même <strong>de</strong> l’élève :<br />
celui qui doit s’é<strong>le</strong>ver par <strong>le</strong>s étu<strong><strong>de</strong>s</strong>, principe qui<br />
a fondé notre modè<strong>le</strong> scolaire et social. La question<br />
<strong>de</strong> la part nécessaire d’apprentissage inclus<br />
dans chacune <strong>de</strong> nos pratiques, y compris <strong>de</strong><br />
vacances et <strong>de</strong> loisirs, <strong>de</strong>vant alors être reconsidérée.<br />
Comme cel<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> relations entre temps <strong>de</strong><br />
travail effectif et temps intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>ment<br />
consacré au travail.<br />
À partir <strong>de</strong> là, on peut faire hypothèse que <strong>le</strong>s<br />
acteurs instrumentalisent <strong>le</strong> travail comme ils<br />
D A T A R<br />
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Territoires 2020 - N°3 30/05/01 10:19 Page 58<br />
<strong>Temps</strong> <strong>libres</strong> : <strong>le</strong> triang<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Bermu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> l’aménagement du territoire<br />
instrumentalisent <strong>le</strong>s offres <strong>de</strong> culture, <strong>de</strong> loisirs et<br />
<strong>de</strong> vacances…, en fonction <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs propres<br />
projets, voire dans certains cas auto-produisent<br />
une culture parallè<strong>le</strong>, à côté <strong><strong>de</strong>s</strong> offres officiel<strong>le</strong>s,<br />
comme dans <strong>le</strong> cas <strong><strong>de</strong>s</strong> " rave parties ".<br />
On peut sans doute penser en termes <strong>de</strong> logique<br />
tripolaire travail/offre culturel<strong>le</strong> et estiva<strong>le</strong>/type <strong>de</strong><br />
domici<strong>le</strong> et activité au domici<strong>le</strong> ; trois lieux, trois<br />
temps, trois types <strong>de</strong> réseaux relationnels interconnectés,<br />
poreux qui définissent <strong>le</strong>s stratégies<br />
personnel<strong>le</strong>s aux différents âges au cœur d’une<br />
appropriation <strong>de</strong> plus en plus mobi<strong>le</strong>, imprévisib<strong>le</strong><br />
et risquée <strong>de</strong> la vie.<br />
La logique<br />
<strong>de</strong> la diversité<br />
Il faut suivre Bernard Préel quand il montre <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />
croissant <strong><strong>de</strong>s</strong> cultures générationnel<strong>le</strong>s, et <strong>le</strong>s<br />
spécialités <strong>de</strong> la famil<strong>le</strong> qui disent que <strong>le</strong> faire<br />
ensemb<strong>le</strong> prime <strong>de</strong> plus en plus sur <strong>le</strong> faire avec,<br />
ce qui veut dire qu’on cherche à al<strong>le</strong>r ensemb<strong>le</strong>,<br />
mais faire <strong><strong>de</strong>s</strong> choses différentes, par exemp<strong>le</strong> du<br />
sport pour l’homme et <strong>de</strong> la consommation culturel<strong>le</strong><br />
pour la femme. Évolution que l’on retrouve<br />
aussi au sein <strong><strong>de</strong>s</strong> entreprises dans l’autonomisation<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> tâches et <strong>le</strong>s horaires soup<strong>le</strong>s. Phénomène<br />
encore accentué par la loi sur <strong>le</strong>s 35 heures.<br />
Nous assistons à <strong><strong>de</strong>s</strong> effets en bouc<strong>le</strong> mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie<br />
privée/type <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce/pratiques <strong>de</strong> loisirs et <strong>de</strong><br />
vacances/rapport au travail qui semb<strong>le</strong>nt affirmer<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> types socio-urbano-régionaux qui accentuent<br />
<strong>le</strong>s différenciations par rapport à la pério<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nte.<br />
En outre, très probab<strong>le</strong>ment, la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
acteurs peuvent, au fil <strong>de</strong> la vie, changer <strong>de</strong><br />
logique. Changeant par là même <strong>de</strong> vil<strong>le</strong>, voire <strong>de</strong><br />
région, au sein <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> toute manière<br />
bâtis sur <strong>le</strong>s mobilités réel<strong>le</strong>s et virtuel<strong>le</strong>s tout au<br />
long <strong>de</strong> la vie.<br />
Ainsi, nous sommes face à un éclatement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
modè<strong>le</strong>s dont il va nous falloir construire <strong>le</strong>s<br />
profils, <strong>le</strong>s enjeux et <strong>le</strong>s évolutions. Les travaux<br />
<strong>de</strong> Bruno Marzloff sont ici stimulants. Et au sein<br />
<strong>de</strong> cet ensemb<strong>le</strong>, l’autonomie <strong><strong>de</strong>s</strong> modè<strong>le</strong>s<br />
parisiens paraît forte avec <strong>de</strong>ux logiques innovantes<br />
marquées : cel<strong>le</strong> du modè<strong>le</strong> célibat,<br />
58 Territoires 2020 Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et prospective<br />
studio/Paris/mobilité professionnel<strong>le</strong>/consommations<br />
culturel<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s femmes, sportives pour<br />
<strong>le</strong>s hommes/multi-départ en vacances ; cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la<br />
bi-rési<strong>de</strong>ntialité - en partie liée à la permanence<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> relations familia<strong>le</strong>s avec la région dite d’origine<br />
- aussi bien <strong>le</strong> Maroc que la Bretagne ou la<br />
Corse. Semb<strong>le</strong> <strong>de</strong>meurer en outre un modè<strong>le</strong> plus<br />
populaire avec forte <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> pratiques <strong>de</strong><br />
proximité/famil<strong>le</strong>/mono départ en été.<br />
Les pratiques provincia<strong>le</strong>s apparaissent fortement<br />
décalées et en voie <strong>de</strong> revendications différentialistes<br />
positivées (Chasse pêche nature et traditions,<br />
Fiesta <strong><strong>de</strong>s</strong> suds…). Le taux <strong>de</strong> départ en<br />
vacances y est beaucoup plus faib<strong>le</strong> (taux compris<br />
entre 50 et 60 % là où la région capita<strong>le</strong> est<br />
au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 80 %), la revitalisation <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques<br />
festives et ludiques dites traditionnel<strong>le</strong>s y est<br />
sensib<strong>le</strong>, <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> jardins y <strong>de</strong>vient déterminant,<br />
la prise en main loca<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques estiva<strong>le</strong>s y est<br />
sans doute plus forte qu’on ne <strong>le</strong> pense : par<br />
exemp<strong>le</strong> Avignon aurait 70 % <strong>de</strong> public régional.<br />
Sur la pratique du jardin, la France ressemb<strong>le</strong> à<br />
l’Espagne où 11 % <strong><strong>de</strong>s</strong> gens ont un jardin mais<br />
diffère <strong>de</strong> la Belgique où ce taux est <strong>de</strong> 80 %.<br />
Comment se répartissent ici <strong>le</strong>s différentes régions<br />
et <strong>le</strong>s différentes populations ? Quels effets <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
évolutions en cours sur <strong>le</strong>s autres pratiques <strong>de</strong><br />
temps libre ?<br />
Enfin n’oublions pas <strong>le</strong> développement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
" néosé<strong>de</strong>ntaires " astreints à rési<strong>de</strong>nce par <strong>le</strong>s<br />
formes diverses <strong>de</strong> l’exclusion et <strong><strong>de</strong>s</strong> interdits<br />
sociaux, souvent habitants <strong>de</strong> ce que l’on appel<strong>le</strong><br />
<strong>le</strong>s banlieues, sur <strong>le</strong>squels il va falloir travail<strong>le</strong>r.<br />
Des logiques<br />
rési<strong>de</strong>ntiel<strong>le</strong>s<br />
d’arts <strong>de</strong> vivre<br />
L’hypothèse forte qui décou<strong>le</strong> <strong>de</strong> cette approche<br />
est qu’une part sans cesse croissante <strong>de</strong> la population<br />
se localise d’abord en fonction d’une<br />
logique rési<strong>de</strong>ntiel<strong>le</strong>. Cel<strong>le</strong>-ci apparaît comp<strong>le</strong>xe –<br />
liée à la qualité du logement (individuel avec jardin<br />
en l’absence <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce secondaire ou <strong>de</strong><br />
parent en possédant un pour <strong>le</strong>s jeunes), à la
Territoires 2020 - N°3 30/05/01 10:19 Page 59<br />
Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et prospective<br />
qualité <strong>de</strong> l’hyper proximité, ses services, et son<br />
image, à l’aire urbaine <strong>de</strong> référence et aux aires<br />
différentes <strong><strong>de</strong>s</strong> marchés du travail. Mais <strong>de</strong> plus en<br />
plus fortement, <strong>le</strong> lieu du travail perd sans doute<br />
une part <strong>de</strong> son rô<strong>le</strong> déterminant.<br />
Une gran<strong>de</strong> part <strong><strong>de</strong>s</strong> régions proches <strong>de</strong> Paris, ou<br />
valorisées par <strong>le</strong> tourisme, semb<strong>le</strong> alors attirer une<br />
émigration urbaine forte bâtie autour d’un projet<br />
famil<strong>le</strong>/enfants/jardin/authenticité/campagne/mo<br />
no départ en vacances, <strong>le</strong> tout à moins <strong>de</strong><br />
40 minutes d’un centre vil<strong>le</strong>. Ces évolutions infra<br />
ou intra-régiona<strong>le</strong>s concernent certainement<br />
plusieurs millions <strong>de</strong> personnes <strong>de</strong>puis 20 ans,<br />
mais il est pour l’instant diffici<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>le</strong>s quantifier<br />
et <strong>de</strong> <strong>le</strong>s penser par rapport aux migrations<br />
<strong>de</strong> retraite, dont on sait assez peu <strong>de</strong> choses<br />
semb<strong>le</strong>-t-il.<br />
Une part <strong>de</strong> ces évolutions se joue entre la<br />
rési<strong>de</strong>nce principa<strong>le</strong> et la rési<strong>de</strong>nce secondaire<br />
péri-urbaine, même si on sait mal si ce sont <strong>le</strong>s<br />
mêmes acteurs qui changent l’usage <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs<br />
rési<strong>de</strong>nces secondaires, ou si cel<strong>le</strong>s-ci changent <strong>de</strong><br />
marché sous la pression <strong>de</strong> ce nouvel habitat. Les<br />
travaux <strong>de</strong> Jean-François Gaucher sur la Bretagne<br />
sont ici éclairants. Cette logique doit être élargie à<br />
une tendance à la bi-rési<strong>de</strong>ntialité puissante qui<br />
comprend, outre <strong>le</strong>s possesseurs réels <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
rési<strong>de</strong>nces, <strong>de</strong> multip<strong>le</strong>s usagers ponctuels <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
gran<strong><strong>de</strong>s</strong> métropo<strong>le</strong>s.<br />
Dans <strong>le</strong> même mouvement la valorisation <strong>de</strong><br />
l’authenticité, la charge symbolique et esthétique<br />
investie sur <strong>le</strong>s villages et <strong>le</strong> cœur historique <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
cités semb<strong>le</strong>nt sous-tendre <strong>le</strong>s migrations observées<br />
<strong>de</strong>puis 20 ans. Les politiques publiques<br />
menées dans ces <strong>de</strong>ux hauts lieux en matière<br />
d’équipement <strong>de</strong> proximité semb<strong>le</strong>nt avoir porté<br />
<strong>le</strong>urs fruits en réduisant <strong>le</strong>s mobilités intra-zones<br />
(village/périurbain/vil<strong>le</strong> centre) pour un certain<br />
nombre d’activités.<br />
Ces différents éléments obligent à une pensée <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
nouvel<strong>le</strong>s diversités d’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> territoires. Ils<br />
montrent au sein <strong>de</strong> la toi<strong>le</strong> d’araignée hyper<br />
<strong>de</strong>nse <strong><strong>de</strong>s</strong> mobilités mo<strong>de</strong>rnes, une réorganisation<br />
en cours <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux rési<strong>de</strong>ntiels et <strong>le</strong> délaissement<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> périurbanités d’hier.<br />
juin 2001 n° 3<br />
Les enjeux forts<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> débats sur<br />
<strong>le</strong>s agglomérations<br />
et <strong>le</strong>s pays<br />
Quand on pose ces questions à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> différents<br />
terrains, on sent une très forte pression <strong>de</strong><br />
nombreux acteurs pour que <strong>le</strong>s réorganisations<br />
territoria<strong>le</strong>s en cours tiennent compte <strong>de</strong> ces<br />
critères d’art <strong>de</strong> vivre, <strong>de</strong> loisirs, <strong>de</strong> vie culturel<strong>le</strong>,<br />
<strong>de</strong> qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> logements, <strong><strong>de</strong>s</strong> aires d’éducation<br />
universitaires et <strong>de</strong> santé, <strong>le</strong> tout lié à une patrimonialisation<br />
renforcée <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux. Par exemp<strong>le</strong>, à<br />
Monteux lors d’un débat récent avec <strong>le</strong>s chefs<br />
d’entreprise, l’essentiel <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs remarques sur <strong>le</strong>s<br />
logiques d’agglomérations et <strong>de</strong> pays portait sur<br />
ce type <strong>de</strong> critères beaucoup plus que sur <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
critères d’ai<strong><strong>de</strong>s</strong> aux entreprises. Leurs problèmes<br />
face à la logique communa<strong>le</strong> étaient presque tous<br />
liés à l’absence <strong>de</strong> structures adaptées à l’aire <strong>de</strong><br />
vie <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs cadres, y compris au niveau scolaire où<br />
l’émiettement communal <strong><strong>de</strong>s</strong> politiques ne favorise<br />
pas toujours une qualité suffisante.<br />
Ainsi, percevoir que <strong>le</strong>s réorganisations territoria<strong>le</strong>s<br />
en cours incluent <strong>de</strong> manière décisive l’enjeu<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> temps <strong>libres</strong>, <strong>de</strong> la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> offres, <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs<br />
praticités et ce y compris au niveau <strong>de</strong> l’éco<strong>le</strong>,<br />
bou<strong>le</strong>verse <strong><strong>de</strong>s</strong> perceptions trop fonctionnalistes<br />
en termes <strong>de</strong> liaisons interentreprises et <strong>de</strong> bassins<br />
d’emplois homogènes. Car <strong>le</strong>s bassins d’emplois<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> emplois rares sont au minimum interrégionaux,<br />
voire européens ou mondiaux : or ce critère<br />
<strong>de</strong> l’accueil <strong>de</strong> ces emplois rares est bien souvent<br />
déterminant dans la localisation et <strong>le</strong> développement<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>le</strong>s activités.<br />
La force <strong>de</strong><br />
l’éclatement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
temps organisés<br />
Sans doute <strong>le</strong>s effets spatiaux que nous observons<br />
ne sont-ils saisissab<strong>le</strong>s, et ce surtout <strong>de</strong> manière<br />
prospective, que si on mène une réf<strong>le</strong>xion approfondie<br />
sur <strong>le</strong>s transformations qualitatives <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
temporalités. Non seu<strong>le</strong>ment seul 10 % du temps<br />
D A T A R<br />
59
Territoires 2020 - N°3 30/05/01 10:19 Page 60<br />
<strong>Temps</strong> <strong>libres</strong> : <strong>le</strong> triang<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Bermu<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> l’aménagement du territoire<br />
d’une vie reste consacré au travail, mais surtout<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> mutations technologiques majeures - <strong>le</strong><br />
portab<strong>le</strong> et Internet - sont venues fournir <strong>le</strong>s<br />
moyens technologiques pour réorganiser autour<br />
<strong>de</strong> chaque individu un temps coordonné et un<br />
accès immédiat et rapi<strong>de</strong> à la société cognitive.<br />
L’invention <strong>de</strong> ces objets et <strong>le</strong>urs fulgurants succès<br />
sont venus apporter <strong><strong>de</strong>s</strong> réponses à <strong><strong>de</strong>s</strong> questions<br />
individuel<strong>le</strong>s préalab<strong>le</strong>ment émergentes, nées <strong>de</strong><br />
la place nouvel<strong>le</strong> qu’occupe <strong>le</strong> savoir et <strong>de</strong> la fin<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> institutions temporel<strong>le</strong>s. Mais <strong>le</strong>urs<br />
généralisations en complément <strong><strong>de</strong>s</strong> autres mobilités<br />
peuvent avoir <strong><strong>de</strong>s</strong> effets très rapi<strong><strong>de</strong>s</strong> sur <strong>le</strong>s<br />
stratégies spatia<strong>le</strong>s <strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs car une part <strong>de</strong><br />
<strong>le</strong>urs problèmes <strong>de</strong> désorganisation <strong><strong>de</strong>s</strong> temporalités<br />
a trouvé réponse.<br />
La continuité lieu (x) <strong>de</strong> vie/lieu (x) <strong>de</strong> travail s’est<br />
bruta<strong>le</strong>ment accentuée du fait d’Internet, <strong>de</strong><br />
même que <strong>le</strong> niveau <strong>de</strong> désorganisation <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
temporalités acceptab<strong>le</strong>s dans un champ professionnel<br />
ou familial, à quoi répond <strong>le</strong> portab<strong>le</strong>. Des<br />
verrous matériels à un nouvel éclatement spatial<br />
risque là d’avoir sauté bruta<strong>le</strong>ment.<br />
Parallè<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> besoin <strong>de</strong> rencontres, <strong>de</strong> fêtes,<br />
d’impromptus et d’imprévus, comme <strong>le</strong>s multiattentes<br />
vis-à-vis <strong><strong>de</strong>s</strong> lieux <strong>de</strong> la mobilité, risque <strong>de</strong><br />
se trouver favorisés par ces évolutions. Comme si<br />
plus l’individualisation se développe, plus <strong>le</strong><br />
besoin <strong>de</strong> faire exceptionnel<strong>le</strong>ment masse venait<br />
rassurer. Mais aussi plus <strong>le</strong> portab<strong>le</strong> offre un fi<strong>le</strong>t<br />
<strong>de</strong> sécurité aux risques <strong>de</strong> dysfonctionnement<br />
temporel, plus la flânerie et l’acceptation <strong>de</strong> l’imprévu<br />
peuvent se développer. Sur ces questions<br />
nous <strong>de</strong>vons être extrêmement attentifs.<br />
Conclusion<br />
L’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> ces évolutions bouscu<strong>le</strong> <strong>le</strong>s lieux et<br />
<strong>le</strong>s moments hospitaliers. Et ce <strong>de</strong> manière différenciée<br />
pour différents groupes, y compris parce<br />
que semb<strong>le</strong>nt apparaître <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes d’innovateurs<br />
différents face à ces bou<strong>le</strong>versements<br />
rapi<strong><strong>de</strong>s</strong> auxquels nous étions peu préparés.<br />
60 Territoires 2020 Étu<strong><strong>de</strong>s</strong> et prospective<br />
Dans la pério<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nte, l’investissement<br />
considérab<strong>le</strong> sur <strong>le</strong> domici<strong>le</strong>, sa transformation en<br />
équipement culturel personnalisé interconnecté<br />
au mon<strong>de</strong> extérieur mais aussi son déplacement<br />
vers <strong>le</strong>s hauts lieux <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong> l’authentique<br />
(villages, régions <strong>de</strong> vacances, centres historiques),<br />
semb<strong>le</strong>nt avoir marqué <strong>le</strong>s stratégies <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
acteurs.<br />
Des corrélations sensib<strong>le</strong>s sont apparues entre ces<br />
nouveaux lieux attractifs pour <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s<br />
cartes <strong>de</strong> créations d’entreprises laissent penser<br />
que ces observations infléchissent un <strong>de</strong>venir du<br />
tissu économique. Notre hypothèse <strong>de</strong> départ qui<br />
liait art <strong>de</strong> vivre local, dynamique sportive et culturel<strong>le</strong>,<br />
attractivité touristique, peup<strong>le</strong>ment et créations<br />
d’entreprises, semb<strong>le</strong> déjà largement<br />
confortée. Et il nous faut l’intégrer à l’échel<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
migrations intra-européennes.<br />
Mais la mise en lumière <strong>de</strong> l’évolution <strong><strong>de</strong>s</strong> stratégies<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> acteurs peut induire <strong><strong>de</strong>s</strong> contre-stratégies<br />
rapi<strong><strong>de</strong>s</strong>, notamment d’un certain nombre <strong>de</strong> vil<strong>le</strong>s<br />
qui commencent à percevoir que la qualité <strong>de</strong> vie<br />
<strong>de</strong>vient en soi un élément d’attraction <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
hommes et <strong><strong>de</strong>s</strong> entreprises. Des vil<strong>le</strong>s comme<br />
Belfort ou Saint-Brieuc par exemp<strong>le</strong> se posent ce<br />
genre <strong>de</strong> questions avec <strong>de</strong> bons atouts pour y<br />
répondre. Ainsi la concurrence <strong><strong>de</strong>s</strong> territoires et <strong>le</strong><br />
développement du TGV et d’Internet <strong>de</strong>vraient<br />
élargir la qualité <strong><strong>de</strong>s</strong> offres territoria<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s 20<br />
ans qui viennent, du moins dans <strong>le</strong>s régions valorisées<br />
par <strong><strong>de</strong>s</strong> halos touristiques puissants ; creusant<br />
sans doute l’écart avec <strong><strong>de</strong>s</strong> régions hors champ,<br />
sauf si cel<strong>le</strong>s-ci savent se construire <strong><strong>de</strong>s</strong> champs<br />
d’attraction vis-à-vis d’autres régions, comme <strong>le</strong><br />
Nord <strong>le</strong> fait avec la Flandre dans <strong>le</strong> cadre d’une<br />
réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong>s pratiques <strong>de</strong> courts séjours <strong>de</strong> son<br />
" nord " à el<strong>le</strong>.<br />
Déjà ces premiers questionnements qui doivent<br />
être retravaillés, débattus et élargis montrent tout<br />
l’intérêt <strong>de</strong> ce groupe. Mais en fonction <strong><strong>de</strong>s</strong> prévisions<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> effets <strong><strong>de</strong>s</strong> nouvel<strong>le</strong>s technologies sur la<br />
réorganisation individuel<strong>le</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> temporalités et sur<br />
<strong>le</strong>urs fractionnements, <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s pistes <strong>de</strong><br />
réf<strong>le</strong>xions spatia<strong>le</strong>s sont à élaborer.