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Livret pédagogique enseignant - Mémorial de Verdun

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<strong>Mémorial</strong> <strong>de</strong> <strong>Verdun</strong><br />

Service éducatif-PP<br />

Classes GENEVOIX<br />

Etu<strong>de</strong> croisée : lettres - histoire<br />

<strong>Livret</strong> Professeur


Rédaction :<br />

Pascal Puig<br />

Choix <strong>de</strong>s textes littéraires :<br />

Corinne Gervaise<br />

Crédit photographique :<br />

Collection Maurice Genevoix<br />

Collection du <strong>Mémorial</strong> <strong>de</strong> <strong>Verdun</strong><br />

Pascal Puig<br />

Conception et réalisation :<br />

Pascal Puig<br />

1ère édition : mars 2009


Classes Genevoix<br />

Service éducatif<br />

6<br />

7<br />

3<br />

2<br />

1<br />

Sur les pas <strong>de</strong> Maurice Genevoix<br />

Déroulement <strong>de</strong> la visite<br />

3bis<br />

5<br />

4<br />

N<br />

1<br />

5bis<br />

500 m<br />

Maurice Genevoix,<br />

Incorporé au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> sous-lieutenant<br />

Au 106ème R.I..<br />

Légen<strong>de</strong> :<br />

Relief encadrant le village. Itinéraire “Classes Genevoix”.<br />

Village <strong>de</strong>s Eparges. Variante <strong>de</strong> l’itinéraire.<br />

Cimetière 1 “points lectures”<br />

Route<br />

Entonnoir <strong>de</strong> mine.<br />

“Ce que nous avons fait, c’est plus qu’on ne pouvait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à<br />

<strong>de</strong>s hommes et nous l’avons fait.”<br />

Maurice Genevoix


Classes Genevoix<br />

Point 1 : débouché du chemin <strong>de</strong> relève.<br />

Service éducatif<br />

Sur les pas <strong>de</strong> Maurice Genevoix<br />

commentaire historique<br />

Avant guerre, les habitants <strong>de</strong>s villages <strong>de</strong>s Eparges et <strong>de</strong> Combres cultivaient en bonne entente les<br />

collines qui portent leur nom, cultures céréalières, prairies, jardins, vergers, bois, tel était le paysage<br />

jusqu'au début <strong>de</strong> septembre 1914.<br />

ème ème ème<br />

Mercredi 17 février 1915, les hommes du 2 bataillon (5 à 8 compagnies, chef <strong>de</strong> Bataillon<br />

ème<br />

Marchal) du 106 RI, soit <strong>de</strong> 5 à 600 combattants, quittent à 4 h 15 du matin leur bivouac installé au<br />

carrefour <strong>de</strong> la route <strong>de</strong> Mouilly et <strong>de</strong> la tranchée <strong>de</strong> Calonne : c'est le cœur <strong>de</strong> l'hiver, il fait froid, la<br />

marche est difficile suite au mauvais temps <strong>de</strong> la veille qui a détrempé le terrain. Ils ont 4 km à accomplir<br />

avant d'atteindre les ruines du village <strong>de</strong>s Eparges. Ils empruntent un réseau <strong>de</strong> boyaux les mettant à l'abri<br />

<strong>de</strong>s éclats d'obus, tout en évitant <strong>de</strong> s'égarer <strong>de</strong> nuit, ce sont les chemins <strong>de</strong> relève (les combattants<br />

séjournent dans un secteur donné avant d'être relevés, ils utilisent pour cela divers itinéraires pour s'y rendre<br />

ou en revenir).<br />

La relève doit être effectué avec le maximum <strong>de</strong> sécurité afin d'éviter les pertes humaines : les<br />

hommes se déplacent en colonne, espacés <strong>de</strong> quelques mètres, dans les boyaux. L'avance se fait en<br />

silence, sans fumer (une cigarette se distingue <strong>de</strong> nuit à plusieurs centaines <strong>de</strong> mètres : le tireur d'élite<br />

aperçoit un premier tirage, ajuste au second et tire au troisième !). La progression est lente : les hommes<br />

sont chargés <strong>de</strong> 20 à 25 kg : vivres, munitions, armes, à cela s'ajoutent une tenue imbibée <strong>de</strong> pluie, <strong>de</strong> la<br />

boue collée aux chaussures.<br />

Quelques centaines <strong>de</strong> mètres restent à faire avant <strong>de</strong> se mettre à couvert ravin d'Hardimel, Cote<br />

280.<br />

Le plateau <strong>de</strong>s Eparges forme un croissant largement ouvert au Nord, il est long d'environ 1100 m,<br />

large <strong>de</strong> 800 m dans son maximum et culmine à près <strong>de</strong> 350 m. Il forme un éperon se détachant en<br />

avant <strong>de</strong> la Côte <strong>de</strong>s Hauts <strong>de</strong> Meuse offrant un point <strong>de</strong> vue admirable sur la plaine et le pied <strong>de</strong>s Côtes<br />

<strong>de</strong> Meuse ; en cela, il constitue un objectif essentiel aux yeux <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux adversaires.<br />

ème<br />

Compte tenu <strong>de</strong> la longueur <strong>de</strong> cette crête, la 12 DI, en charge du secteur, prépare <strong>de</strong>ux<br />

attaques simultanées : moitié Est, en direction du Point X, le 132 RI, moitié Ouest, le 106 RI. Au 2<br />

ème<br />

2<br />

ème ème nd<br />

Bataillon, 7 Compagnie, se trouve le sous-lieutenant Genevoix. Ces <strong>de</strong>ux attaques sont appuyées par<br />

<strong>de</strong> nombreuses batteries d'artillerie <strong>de</strong> différents calibres. Les <strong>de</strong>ux RI rassemblent chacun dans cette<br />

opération environ 2000 hommes (4000 hommes au total). Côté allemand, les effectifs sont aussi<br />

importants, bien installés dans <strong>de</strong>s tranchées et <strong>de</strong>s abris bétonnés sur le plateau <strong>de</strong>s Eparges ou en<br />

réserve au col <strong>de</strong>s Eparges prêts à intervenir le moment venu.<br />

Point 2 : pied <strong>de</strong> la cote 280. ème er<br />

A l'aube, les hommes du 2 Bataillon ont pris possession <strong>de</strong>s abris, rejoignant ceux du 1 Bataillon :<br />

c'est l'entente, longue, jusqu'à 14 h, heure à laquelle 4 explosions <strong>de</strong> mines souterraines signaleront le<br />

début <strong>de</strong> l'assaut. En attendant cela, les hommes se reposent, à l'exception <strong>de</strong> quelques guetteurs. Les<br />

risques sont nombreux : toute impru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong>s 1200 hommes peut être meurtrière pour tous bien<br />

avant l'assaut, les Allemands peuvent découvrir <strong>de</strong>s indices concernant le préparatif <strong>de</strong> l'attaque et<br />

bombar<strong>de</strong>r la cuvette, les abris risquent <strong>de</strong> s'écraser sur les hommes. Cette attente est mise à profit :<br />

(re)lecture d'une lettre, écriture <strong>de</strong> quelques mots sur un carnet, contemplation <strong>de</strong> photos d'êtres chers, et<br />

penser ; penser à la mort, aux conséquences familiales, aux risques <strong>de</strong> captivité mais aussi aux blessures,<br />

surtout les blessures mutilantes et invalidantes qui contrarient tout retour à une vie civile normale pour une<br />

population <strong>de</strong> soldats en général issu du mo<strong>de</strong> agricole et qui a forcément besoin <strong>de</strong> ses 4 membres<br />

pour travailler.<br />

Les explosions ont lieu à 14 h, elles entraînent le déclenchement <strong>de</strong> la préparation<br />

d'artillerie, les compagnies parcourent dans la boue les 4 ou 500 mètres les séparant <strong>de</strong><br />

la plateforme aménagée par le Génie : ils doivent y arriver pour 14 h 30 : leur avancée<br />

est d'autant plus pénible qu'ils sont lour<strong>de</strong>ment chargés, les hommes s'essoufflent<br />

rapi<strong>de</strong>ment.


Classes Genevoix<br />

Point 3 : débouché du boyau ; monument du Génie.<br />

Service éducatif<br />

Sur les pas <strong>de</strong> Maurice Genevoix<br />

commentaire historique<br />

Cette plateforme est aménagée par les hommes du Génie ; c'est une base <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>s galeries<br />

<strong>de</strong> mines qui ne peuvent servir pour l'instant d'abris, <strong>de</strong>s gaz <strong>de</strong> combustion <strong>de</strong>s explosifs y séjournent<br />

encore. Les hommes se reposent, réajustent leur charge et atten<strong>de</strong>nt la levée du tir d'artillerie pour pouvoir<br />

poursuivre. Les combattants passent d'un dispositif en file à celui en ligne : il s'agit <strong>de</strong> faire face à 'objectif<br />

avec un espace <strong>de</strong> quelques mètres entre chaque combattant ; cette dispersion est indispensable afin<br />

<strong>de</strong> limiter les pertes humaines.<br />

La levée <strong>de</strong>s tirs d'artillerie est prévue à 15 h, heure H en jargon militaire. Les chefs <strong>de</strong> section veillent<br />

à leurs hommes, vérifiant leur matériel et équipements. Les tirs d'artillerie amis levés, en quelques minutes<br />

et par bonds successifs, sous la riposte <strong>de</strong>s quelques survivants allemands, les combattants français<br />

atteignent l'objectif qui leur a été assigné, à savoir les lèvres <strong>de</strong> l'entonnoir.<br />

Ce monument à la gloire du Génie est le <strong>de</strong>rnier en date sur le site ; il est érigé en 1963. Il rappelle le<br />

rôle important <strong>de</strong> cette arme dans cette guerre <strong>de</strong>s mines et lors <strong>de</strong>s assauts auxquels les sapeurs<br />

mineurs participèrent pour l'aménagement <strong>de</strong>s positions conquises. Il est composé <strong>de</strong> 7 colonnes, sur<br />

chacune d'elle est inscrite une <strong>de</strong>s spécialités <strong>de</strong> cette arme : sapeur mineur, pontonnier, artificier,<br />

télégraphiste et transmission, sapeur <strong>de</strong>s chemins <strong>de</strong> fer et communication, aérostier, sapeur électromécanicien.<br />

Point 4 : monument du 106ème R.I., Dit “<strong>de</strong>s revenants”.<br />

Sur cette position, le point A <strong>de</strong>s artilleurs, se trouve un bastion fortifié allemand, la mission confiée<br />

ème<br />

aux hommes du 106 est <strong>de</strong> s'établir sur les lèvres <strong>de</strong> l'entonnoir côté adversaire ; cet entonnoir constitue<br />

un obstacle pour les hommes, tout comme la multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s trous d'obus ; leur approche sur zone est<br />

rendue d'autant plus difficile que les gaz <strong>de</strong> combustion <strong>de</strong> l'explosion <strong>de</strong>s mines et <strong>de</strong>s obus ren<strong>de</strong>nt la<br />

respiration difficile. Trous d'obus et entonnoirs limitent leurs déplacements, mais leur assurent <strong>de</strong>s<br />

ème<br />

protections provisoires. Les soldats <strong>de</strong> la 7 compagnie parviennent aux lèvres <strong>de</strong> l'entonnoir ; ils<br />

s'installent tant bien que mal, aménageant un emplacement <strong>de</strong> combat avec leur pelle-bèche ou<br />

pelle-pioche. La riposte alleman<strong>de</strong> ne se fait pas attendre : l'artillerie lour<strong>de</strong> (<strong>de</strong>s canons <strong>de</strong> 150 et <strong>de</strong><br />

210) pilonnent les anciennes positions, soumettant les combattants français à un véritable déluge <strong>de</strong> feu.<br />

Des combats d'une rare intensité, parfois au corps à corps, ont lieu plusieurs jours durant avant que le<br />

ème ème ème<br />

106 ne soit relevé : la moitié du 2 bataillon du 106 ne reviendra pas <strong>de</strong> cet enfer <strong>de</strong> boue, <strong>de</strong> sang,<br />

<strong>de</strong> pourriture.<br />

Ce monument est le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>s monuments construits durant l'entre-<strong>de</strong>ux-guerres, il est inauguré le<br />

ème<br />

30 juin 1935. Il porte l'inscription « les revenants du 106 à leurs camara<strong>de</strong>s » et est l'œuvre du sculpteur<br />

parisien Maxime Réal <strong>de</strong>l Sarte, ancien combattant <strong>de</strong>s Eparges où il a perdu un bras (sa prothèse <strong>de</strong><br />

main est visible dans les collections du <strong>Mémorial</strong>). Il est construit par George Ricôme, ancien officier du<br />

ème<br />

106 , installé comme entrepreneur à <strong>Verdun</strong>, suite à une souscription lancée par le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />

ème ème<br />

l'association <strong>de</strong>s anciens combattants du 106 , « les revenants du 106 RI ».<br />

C'est une pyrami<strong>de</strong> trapue, surmontée d'une tête humaine, sur les faces <strong>de</strong> laquelle l'artiste a<br />

sculpté <strong>de</strong>s petites croix, <strong>de</strong>s ossements, <strong>de</strong>s crânes, <strong>de</strong>s mains décharnées et crispées, pour évoquer le<br />

grand nombre <strong>de</strong> morts et le calvaire qu'ils ont dû endurer. Sur le pié<strong>de</strong>stal, un bas-relief <strong>de</strong> bronze<br />

représente la France casquée et assise tenant dans ses bras étendus en forme <strong>de</strong> croix un soldat expirant.<br />

Nous y voyons une reprise <strong>de</strong> la symbolique <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scente <strong>de</strong> croix (comme la sculpture se situant dans<br />

la cathédrale <strong>de</strong> Chartres) où Marie est ici la France, le Christ un soldat qui s'est donné en sacrifice pour la<br />

Nation.<br />

3


Classes Genevoix<br />

Point 5 : monument <strong>de</strong> la 12ème D.I., Dit “du Coq”.<br />

Service éducatif<br />

Sur les pas <strong>de</strong> Maurice Genevoix<br />

commentaire historique<br />

Arrêt du groupe au bord d'un entonnoir.<br />

Il s'agit <strong>de</strong> l'effet d'une explosion <strong>de</strong> mines dont l'explosif utilisé se situe au point le plus bas. Cet<br />

entonnoir est le résultat du volume <strong>de</strong> terre projeté par l'explosion : les soldats à l'intérieur <strong>de</strong> la<br />

circonférence sont pulvérisés, tandis que ceux autour sont engloutis vivants sous cette avalanche <strong>de</strong> terre<br />

et <strong>de</strong> pierres qui les recouvre.<br />

La guerre <strong>de</strong>s mines souterraines est très ancienne : à l'époque médiévale, elle est utilisée pour créer<br />

<strong>de</strong>s brèches sous les murailles. Cela consiste à creuser une sape ou galerie souterraine sous une position<br />

tenue par l'adversaire ; cette sape se termine par une chambre dans laquelle on entasse l'explosif stocké<br />

en caisse <strong>de</strong> bois. La mise à feu se fait à distance <strong>de</strong> manière électrique pour plus <strong>de</strong> sécurité ; l'explosion<br />

est ainsi commandée le moment venu.<br />

Les <strong>de</strong>rniers cratères visibles ici datent du printemps 1918. En tout, la crête <strong>de</strong>s Eparges aurait connu<br />

300 explosions <strong>de</strong> mines ; les tonnages mis en œuvre par les belligérants sont variables. Cela commence<br />

par quelques tonnes pour <strong>de</strong>s tirs <strong>de</strong> contre-mines, tirs défensifs <strong>de</strong> faible puissance dont le but est<br />

d'écraser les galeries adverses ; ce genre <strong>de</strong> tir constitue environ la moitié <strong>de</strong>s tirs effectués. Les tirs<br />

offensifs nécessitent plusieurs tonnes d'explosif : les Allemands feront <strong>de</strong>s tirs <strong>de</strong> 20, voire <strong>de</strong> 30 tonnes<br />

d'explosifs ! (à Vauquois, où le même type <strong>de</strong> guerre est pratiqué, les Allemands réaliseront un tir avec 60<br />

tonnes d'explosifs !)<br />

ème<br />

Premier monument à être érigé sur le site <strong>de</strong>s Eparges en 1924, le monument <strong>de</strong> la 12 DI se trouve<br />

au centre <strong>de</strong> la crête, au point C, selon le canevas <strong>de</strong> l'artillerie française qui i<strong>de</strong>ntifiait les points<br />

remarquables <strong>de</strong> la crête à une lettre <strong>de</strong> l'alphabet.<br />

ème<br />

Il porte l'inscription « La 12 Division à ses morts et à leurs frères d'armes tombés aux Eparges ». Il<br />

s'agit d'un obélisque reposant sur un pié<strong>de</strong>stal à gradins, surmonté d'un coq gaulois <strong>de</strong> bronze, symbole<br />

ème ème<br />

<strong>de</strong> la 12 DI. Sur les côtés, sont gravés les citations obtenues par la 12 Division, ainsi que les unités ayant<br />

combattu sur le site <strong>de</strong>s Eparges.<br />

Comme les autres monuments « historiques » <strong>de</strong> la crête, celui-ci est l'œuvre d'anciens soldats <strong>de</strong>s<br />

ème<br />

unités ayant combattu aux Eparges : pour le monument du Coq, le statuaire est un ancien du 132 RI,<br />

ème<br />

LEFEBVRE-KLEIN et a été construit par <strong>de</strong>s soldats du 132 alors en garnison à <strong>Verdun</strong>. Sin financement a<br />

ème ème ème<br />

été réalisé par souscription lancée au près <strong>de</strong>s anciens du 132 , 332 RI et du 45 RIT <strong>de</strong> Reims.<br />

Variante : point 5bis<br />

Abris allemands.<br />

Si en surface, on note la présence <strong>de</strong> quelques bastions ou abris bétonnés <strong>de</strong> mitrailleuses (en fait<br />

les objectifs <strong>de</strong>s assauts <strong>de</strong> février 1915), l'essentiel <strong>de</strong> l'implantation alleman<strong>de</strong> sur le site est souterraine,<br />

à l'image <strong>de</strong> ce qui a été réalisé à la butte <strong>de</strong> Vauquois.<br />

Les organisations alleman<strong>de</strong>s ont été fouillées dès la prise <strong>de</strong>s Eparges le 13 septembre 1918 par<br />

<strong>de</strong>s équipes du Génie et <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> réserve. Elles comportent <strong>de</strong>s abris ayant <strong>de</strong>s vocations variées<br />

(ambulance / lazarett, poste <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment, magasin à munition, cuisine, chambrée pour<br />

compagnie…), le tout reliés par <strong>de</strong>s kilomètres <strong>de</strong> galeries, tunnels.<br />

Le bâtiment que l'on voit ne constitue, en fait, que la partie visible d'un immense iceberg qui s'étend<br />

dans les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> la crête, tout comme sous la butte voisine <strong>de</strong> Combres. A l'instar d'autres vestiges<br />

allemands <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Guerre, ce blockhaus porte le nom <strong>de</strong> blockhaus du Kronprinz (visite possible du<br />

prince héritier, mais surtout zone confiée à son comman<strong>de</strong>ment).<br />

4<br />

Monument <strong>de</strong> la 12ème D.I., Dit “du Coq”.


Classes Genevoix<br />

Point 6 : monument du Point X.<br />

Service éducatif<br />

Sur les pas <strong>de</strong> Maurice Genevoix<br />

commentaire historique<br />

Le point X constitue la pointe Est <strong>de</strong> la crête <strong>de</strong>s Eparges ; il s'agit d'un véritable observatoire sur la<br />

plaine <strong>de</strong> la Woëvre ainsi que sur la ligne <strong>de</strong>s Côtes <strong>de</strong> Meuse, <strong>de</strong> part sa position avancée, que ce soit<br />

vers le Sud, Hattonchâtel ou vers le Nord. Ce véritable point stratégique ferme le front <strong>de</strong> <strong>Verdun</strong> à l'Est. Il<br />

sera l'objet d'âpres combats après les assauts <strong>de</strong> l'hiver 1915 : les Allemands le possé<strong>de</strong>ront jusqu'à la<br />

<strong>de</strong>rnière offensive <strong>de</strong> septembre 1918 réalisée par <strong>de</strong>s troupes coloniales soutenues par <strong>de</strong>s divisions<br />

ème<br />

étasuniennes du V Corps US.<br />

Le monument du Point X est le second à être édifié, en 1925. Il s'agit d'un mur : <strong>de</strong> face, un autel<br />

rustique s'y trouve accolé, surmonté d'une croix en creux ; <strong>de</strong> dos, face à la plaine <strong>de</strong> Woëvre, un basrelief<br />

représente un officier, arme au poing, menant ses hommes au combat. Le <strong>de</strong>ssin préparatoire <strong>de</strong><br />

ce bas-relief est l'œuvre <strong>de</strong> la comtesse <strong>de</strong> Cugnac qui a perdu son fiancé dans les combats qui se sont<br />

ème<br />

déroulés pour la conquête du site. Il est l'œuvre du sculpteur Fischer, ancien du 67 RI, a été érigé suite à<br />

ème ème ème<br />

la souscription lancée auprès <strong>de</strong>s anciens du 67 , 74 et 274 RI et est construit par l'entreprise Ory qui<br />

reconstruisait le village <strong>de</strong> Combres.<br />

Ce monument est dédié à ceux qui n'ont pas <strong>de</strong> tombe, les 10.000 combattants français et<br />

allemands disparus, engloutis ou déchiquetés par la guerre <strong>de</strong>s mines.<br />

Point 7 : cimetières militaires.<br />

Cimetière militaire français du Trottoir.<br />

Le cimetière du Trottoir est créé dès 1915, suite aux combats <strong>de</strong>s Hauts <strong>de</strong> Meuse ; il est réaménagé<br />

à plusieurs reprises durant l'entre-<strong>de</strong>ux-guerres. Il regroupe les corps <strong>de</strong> 2960 combattants : 2108 en<br />

tombe et 852 en fosse commune. Parmi ces soldats, figure l'ami <strong>de</strong> Maurice Genevoix, le sous-lieutenant<br />

Robert Porchon : blessé dans un premier temps le 19 février, il est tué par un éclat d'obus à proximité du<br />

poste <strong>de</strong> secours.<br />

Cité à l'ordre <strong>de</strong> l'Armée en ces termes : « Porchon, Robert, Charles, Joseph, sous-lieutenant au<br />

ème<br />

106 RI. D'une bravoure admirable et en même temps d'un calme communicatif, a commandé sa<br />

section avec la plus gran<strong>de</strong> intelligence, donnant à ses hommes par sa tenue la plus gran<strong>de</strong> confiance.<br />

A été mortellement blessé le 19 février 1915 au cours d'un bombar<strong>de</strong>ment ».<br />

Trois autres cimetières français se situent à Montvillers, Trésauvaux, et Saint-Rémy-la-Calonne (ce<br />

<strong>de</strong>rnier compte les tombes d'Alain Fournier et <strong>de</strong> ses compagnons d'infortune) ; ils réunissent 938 tombes<br />

sans fosse commune.<br />

De 1971 à 1980, Maurice Genevoix est venu <strong>de</strong> manière régulière sur le site : il accomplissait le<br />

parcours réalisé par les élèves et venait se recueillir sur la tombe <strong>de</strong> son ami Porchon.<br />

Cimetière militaire allemand.<br />

Le services <strong>de</strong>s sépultures alleman<strong>de</strong>s entretient dans le secteur <strong>de</strong>s Eparges les cimetières<br />

suivants : Saint-Maurice-sous-les-Côtes (1387 tombes et 402 en ossuaire), Viéville-sous-les-Côtes (1044<br />

tombes et 135 en ossuaire) et Troyon-Vaux-les-Palameix (2655 tombes et 135 en ossuaire) (soit un total<br />

<strong>de</strong> 5086 tombes et 672 en ossuaire).<br />

Trois tombes sont remarquables dans le cimetière <strong>de</strong> Troyon-Vaux-les-Palameix : elles se situent à<br />

l'ouest du cimetière et témoignent <strong>de</strong> la présence d'ateliers <strong>de</strong> sculpteurs à proximité du champ <strong>de</strong><br />

bataille.<br />

Dans ce cimetière, se trouvent <strong>de</strong>s stèles juives.<br />

5


<strong>Mémorial</strong> Classes Genevoix<br />

<strong>de</strong> <strong>Verdun</strong><br />

Service éducatif<br />

Etu<strong>de</strong> d’un objet<br />

Point 1 : débouché du chemin <strong>de</strong> relève.<br />

6<br />

Texte<br />

Mauvais coin le nôtre, pour ces trois jours : <strong>de</strong>s trous creusés dans un talus, près d'un chemin en pente, purineux.<br />

Comme on est vu <strong>de</strong>s Boches, malgré quelques petits sapins fichés en écran dans la boue, on passe <strong>de</strong>s heures dans une galerie étroite,<br />

les genoux au menton, les mains croisées sur les genoux. Lorsqu'on se hasar<strong>de</strong> à sortir, on voit la vallée du Longeau, et par-<strong>de</strong>là le piton<br />

jaune, balafré <strong>de</strong> tranchées et <strong>de</strong> sapes.<br />

Dieu ! comme on les voit bien, toutes ces sapes creusées par notre génie ! Elles rampent, zigzagantes, vers la crête. On dirait que<br />

chacune d'elles cache une grosse bête fouisseuse, qui s'enfonce, s'enfonce, en rejetant <strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong>s bourrelets d'argile soulevée,<br />

et soudain disparaît, comme pour émerger bientôt sur l'autre flanc <strong>de</strong> la colline crevée. On dirait aussi que les Boches veulent tuer la bête,<br />

ou la murer dans sa galerie avant qu'elle ne soit arrivée : ils bombar<strong>de</strong>nt, à coups énormes <strong>de</strong> 150 ; sept points <strong>de</strong> chute, toujours les<br />

mêmes, sept panaches <strong>de</strong> suie molle qui jaillissent presque au même instant, et se balancent à n'en plus finir au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> chaque tête <strong>de</strong><br />

sape.<br />

Cela fait un étrange effet, <strong>de</strong> loin. Il me semble que je vois cela pour la première fois. Pour quoi faire, toutes ces sapes? Pour<br />

ménager <strong>de</strong>s fourneaux <strong>de</strong> mine jusque sous la tranchée alleman<strong>de</strong>. Et quand les fourneaux sont prêts, bourrés, amorcés, on les fera sauter<br />

tous ensemble… Mais une fois qu'ils auront sauté ? Et où saurons-nous, nous autres, lorsque les fourneaux sauteront ?<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, pp 530/531.<br />

Nous avons quitté Calonne avant le jour. Nous sommes arrivés à pointe d'aube. Il fait très beau, un temps plein <strong>de</strong> lumière, presque<br />

tiè<strong>de</strong> à mesure que le soleil s'élève, et qui déjà fait songer au printemps. Il y a pourtant, sur la friche d'en bas, <strong>de</strong>rrière les guitounes <strong>de</strong> la<br />

réserve, <strong>de</strong>s loques <strong>de</strong> neige éblouissantes et quelques tas <strong>de</strong> neige plus terne <strong>de</strong>vant la porte <strong>de</strong>s gourbis. A flanc <strong>de</strong> coteau, <strong>de</strong>s<br />

bourrelets <strong>de</strong> neige très minces soulignent les talus exposés au nord.<br />

On nous a fait monter à la cuvette 280.<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, p 559.<br />

Point 2 : pied <strong>de</strong> la cote 280.<br />

Les terrassiers nocturnes ont beaucoup travaillé, <strong>de</strong>puis une semaine : les bords, les creux <strong>de</strong> la cuvette sont défoncés <strong>de</strong> trous<br />

rectangulaires, qui s'ouvrent béants en plein ciel, près <strong>de</strong>s piles <strong>de</strong> rondins qui <strong>de</strong>vraient les couvrir…<br />

On nous laisse libres ; il n'y a pas d'avion en l'air ; pas un obus n'est tombé <strong>de</strong>puis que nous sommes arrivés.<br />

Ordre d'entrer dans les « abris », et <strong>de</strong> s'y tenir immobiles. « Tassez-vous ! Il faut que tout le mon<strong>de</strong> tienne. » Tout le mon<strong>de</strong> ne peut pas<br />

tenir ; les abris débor<strong>de</strong>nt ; la cuvette surpeuplée débor<strong>de</strong>. Il est neuf heures du matin ; on se sent les doigts gonflés, les jambes lour<strong>de</strong>s<br />

comme au printemps. Encore cinq heures d'attente, avant que les mines explosent.<br />

Va-et-vient machinal, d'un trou à un autre trou.<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, p 559.<br />

Que <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> là-haut ! Que <strong>de</strong> soldats partout ! On en voit sur la route <strong>de</strong> Mesnil ; on en voit qui remuent à la crête du<br />

Montgirmont, d'autres dans les vergers d'en bas, le long <strong>de</strong>s maisons du village ; une fumée qui floconne sur un toit évoque soudain tous<br />

ceux qu'on ne voit pas, cachés par les toits <strong>de</strong>s maisons. Ici, chaque trou <strong>de</strong> la cuvette bouillonne <strong>de</strong> corps amoncelés ; il semble que la<br />

terre se gonfle, qu'elle palpite d'une large vie, d'une même vie étrangement humaine, aussi loin que l'on puisse marcher. Où sont les miens<br />

là-<strong>de</strong>dans ? Et que sont-ils, mes cent pauvres hommes ?<br />

« Ne bougez pas ! Rentrez dans les abris ! »<br />

Depuis l'instant où mon bâton a disparu, mes doigts continuent <strong>de</strong> trembler. J'ai l'impression que l'air a changé, qu'il vibre, chargé<br />

d'horripilants effluves.<br />

« Rentrez ! Rentrez ! Personne <strong>de</strong>hors ! »<br />

Des gradés vocifèrent, s'efforcent, avec <strong>de</strong>s gestes ridicules d'impuissance, d'apaiser ce bouillonnement d'hommes qui débor<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s entrailles <strong>de</strong> la terre. Toujours pas d'avions ; toujours pas d'obus, nous n'avons pas entendu cinq coups <strong>de</strong> mauser, <strong>de</strong> tout le jour.<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, p 566.


<strong>Mémorial</strong> Classes Genevoix<br />

<strong>de</strong> <strong>Verdun</strong><br />

Etu<strong>de</strong> d’un objet<br />

Point 3 : Boyau - Assaut.<br />

Service éducatif 7<br />

Texte<br />

Et ma gorge s'est serrée tandis que je regardais ma montre, à <strong>de</strong>ux heures moins trois minutes.<br />

Tout est vi<strong>de</strong>. Je ne peux pas sentir autre chose, exprimer autre chose que cela. Tout ce qui emplit le mon<strong>de</strong>, d'ordinaire, ce flux <strong>de</strong><br />

sensations, <strong>de</strong> pensées et <strong>de</strong> souvenirs que charrie chaque secon<strong>de</strong> du temps, il n'y a plus rien, rien. Même pas la sensation creuse <strong>de</strong><br />

l'attente ; ni l'angoisse, ni le désir obscur <strong>de</strong> ce qui pourrait advenir. Tout est insignifiant, n'existe plus : le mon<strong>de</strong> est vi<strong>de</strong>.<br />

Et c'est d'abord, contre nos corps accroupis, un sursaut pesant <strong>de</strong> la terre. Nous sommes <strong>de</strong>bout lorsque les fumées monstrueuses<br />

et blanches, tachées <strong>de</strong> voltigeantes choses noires, se gonflent au bord du plateau, <strong>de</strong>rrière la ligne proche <strong>de</strong> l'horizon. Elles ne jaillissent<br />

pas : elles développent <strong>de</strong>s volutes énormes, qui sortent les unes <strong>de</strong>s autres, encore, encore, jusqu'à former ces quatre monstres <strong>de</strong> fumée,<br />

immobiles et criblés <strong>de</strong> sombres projectiles. Maintenant les mines tonnent, lour<strong>de</strong>ment aussi, monstrueusement, à la ressemblance <strong>de</strong>s<br />

fumées. Le bruit reflue, roule sur nos épaules ; et tout <strong>de</strong> suite, <strong>de</strong> l'autre côté, <strong>de</strong> tous les vals, <strong>de</strong> toute la plaine et du ciel même, les canons<br />

lâchent les vannes déferlantes du vacarme.<br />

« En avant ! Par un ; <strong>de</strong>rrière moi. »<br />

Nous montons vers l'entrée du boyau, sans la voir, bousculés par l'immense fracas, titubants, écrasés, obstinés, rageurs.<br />

« En avant ! Dépêchons-nous ! »<br />

Le ciel craque, se lézar<strong>de</strong> et croule. Le sol martelé pantelle. Nous ne voyons plus rien, qu'une poudre rousse qui flambe ou qui<br />

saigne, et parfois, au travers <strong>de</strong> cette nuée fuligineuse et puante, une coulée fraîche d'adorable soleil, un lambeau <strong>de</strong> soleil mourant.<br />

« En avant ! Suivez… En avant… Suivez… »<br />

Il me semble que mes hommes suivent. Par-<strong>de</strong>ssus le boyau, je vois bondir une forme humaine, capote terreuse, tête nue ; et sur la<br />

peau, sur l'étoffe sans couleur, du sang qui coule, très frais, très rouge, d'un rouge éclatant et vermeil.<br />

« Suivez… Suivez… »<br />

Des mots cahotent, mêlés au fracas <strong>de</strong>s canons :<br />

« Un boche… La boue sur les frusques… Un Français… Foutu… »<br />

Plus <strong>de</strong> voix ; plus <strong>de</strong> pas ; rien que la folie <strong>de</strong>s canons. Ceux du Montgirmont cogne à la volée, se rapprochent, nous poussent dans<br />

le dos. Ceux <strong>de</strong> Calonne, ceux du Bois-Haut, ceux <strong>de</strong>s ravins, tous les canons <strong>de</strong>s Hauts se rapprochent, les mortiers, les obusiers, les 75, les<br />

120, les 155, les pièces <strong>de</strong> marine, toute la meute se rapproche et hurle, toute la ligne douce et longue <strong>de</strong>s collines ne peut plus être aussi<br />

loin qu'elle était, avance jusqu'au village, le débor<strong>de</strong> et nous pousse brutalement. C'est inouï, cette brutalité. Le Montgirmont <strong>de</strong>vient fou,<br />

crache ses obus par-<strong>de</strong>ssus nos têtes, nous courbe sous un vol <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s faux, sifflant, volontaire et bestial.<br />

Nous suffoquons. Des pierres jaillissent et retombent ; une flamme jaillit, avec un ricanement furieux.<br />

« Allez ! Allez ! Par-<strong>de</strong>ssus ! »<br />

Quelque chose <strong>de</strong> lourd a cogné mes jambes, et j'ai fléchi, les jarrets coupés nets.<br />

« Par-<strong>de</strong>ssus ! En avant ! »<br />

C'est la tête <strong>de</strong> Grondin qui a cogné dans mes jambes. Je me suis retourné, sans horreur ; et j'ai vu le corps écrasé, enseveli déjà<br />

sous l'immense piétinement, avec encore, à ras <strong>de</strong> terre, la plaie glougloutante du cou.<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, pp 567/569.<br />

En avant ! »<br />

Toute la force était <strong>de</strong>rrière moi, il n'y avait rien par-<strong>de</strong>vant, pas d'obstacle sensible qu'il m'ait fallu franchir. Je n'ai rien senti, qu'un<br />

grandissement soudain, une plongée <strong>de</strong> tout mon corps dans un espace inconnu, immensément large et pur. Je me suis retourné : j'ai vu<br />

que Sicot et Biloray me suivaient, les premiers, <strong>de</strong>vant les <strong>de</strong>ux sergents ; j'ai vu <strong>de</strong>rrière leurs épaules une foule d'hommes encore ensevelis,<br />

crevant la terre <strong>de</strong>s pointes <strong>de</strong> leurs baïonnettes, et sortant, sortant, à n'en plus finir.<br />

« En avant ! En avant ! »<br />

Notre artillerie ne tire plus ; les fusils allemands ne tirent pas. Nous enjambons les fils <strong>de</strong> fer tordus, trébuchons dans les vagues d'argile<br />

soulevées par les canons ; chacun <strong>de</strong> nos pas fait monter jusqu'à nos narines l'o<strong>de</strong>ur corrosive et violente <strong>de</strong> la terre empoisonnée.<br />

e<br />

Nous voyons tout : les hommes <strong>de</strong> la 5 qui sortent à notre gauche, et qui montent, sous les lueurs <strong>de</strong>s baïonnettes ; la friche<br />

e<br />

bouleversée, longuement déserte à notre droite, où les hommes <strong>de</strong> la 6 n'apparaissent pas encore.<br />

Devant nous, personne. A notre gauche, loin, nous voyons Floquart qui galope, tête nue ; Noiret, qui court un peu plus loin, se<br />

penche et disparaît <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la crête. Pas un Allemand… Où sont-ils ?<br />

e<br />

Un coup <strong>de</strong> fusil vers la gauche ; un tapotement bref <strong>de</strong> mitrailleuse ; et plus rien. Les hommes <strong>de</strong> la 5 sortent toujours.<br />

La mine 6 : <strong>de</strong>s madriers enchevêtrés, fracassés, <strong>de</strong>s fibres <strong>de</strong> bois blême faisant charpie sur la terre noire, <strong>de</strong>s chevaux <strong>de</strong> frise en<br />

miettes, une loque <strong>de</strong> drap brûlé accrochée aux ronces d'un fil <strong>de</strong> fer. Un grand silence : c'est ici que montait l'une <strong>de</strong>s formidables fumées.<br />

Personne toujours. La mitrailleuse, à gauche, a <strong>de</strong> nouveau tapé cinq ou six balles, puis s'est tue. Nous avançons encore,<br />

enjambons un talus qui s'éboule, et tombons dans la tranchée alleman<strong>de</strong> vi<strong>de</strong>.<br />

C'est la première, celle qui nous dominait hier, celle d'où les Boches déversaient sur nos têtes leurs écopes <strong>de</strong> bois remplies d'eau,<br />

celles d'où leurs tirailleurs battaient le pont sur le Longeau, la vallée, le petit calvaire, cherchaient dans nos parapets les minces trous noirs <strong>de</strong><br />

nos créneaux, celle d'où ils nous ont tué Bujon, Maignan, Soriot, tous les autres…<br />

Nous sommes très haut. Nous dominons les collines et les prés, la Woëvre immense, les routes <strong>de</strong> nos vieux cheminements ; nous<br />

respirons un air plus léger ; il semble que nous nous dominions nous-mêmes.<br />

« Ah ! Voilà les potes ! »<br />

e<br />

Ceux <strong>de</strong> la 6 sont enfin sortis. Ils montent ; je les appelle <strong>de</strong> loin, en agitant mon manche à balai. Mes hommes rient à présent,<br />

e<br />

stupéfaits <strong>de</strong> cet assaut étrange, <strong>de</strong> cette conquête dérisoirement facile. Ils crient à ceux <strong>de</strong> la 6 , lorsqu'ils passent :<br />

« L'arme à la bretelle ! Tout <strong>de</strong> suite ! Vous avez l'air d'andouilles, avec vos baïonnettes en l'air ! »<br />

L'heure d'angoisse effrayante sous la fureur <strong>de</strong> nos canons, ils l'oublient ; le corps <strong>de</strong> Grondin qu'ils viennent <strong>de</strong> piétiner, ils l'oublient,<br />

et le premier blessé ruisselant d'un sang si rouge, et toute cette dure journée d'attente, dans les trous… Ils regar<strong>de</strong>nt à leurs pieds, très loin,<br />

par-<strong>de</strong>ssus les lignes moutonnantes <strong>de</strong>s bois, aux confins mauves <strong>de</strong> la Woëvre, le plus loin qu'ils peuvent regar<strong>de</strong>r. Ils crient, pleins d'une<br />

fierté d'enfants :<br />

« Ça fait rien ! Ils étaient guère vaches les Boches ! […] »<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, pp 572/573.


<strong>Mémorial</strong> Classes Genevoix<br />

<strong>de</strong> <strong>Verdun</strong><br />

Service éducatif<br />

Etu<strong>de</strong> d’un objet<br />

Point 4 : monument du 106ème RI, dit “<strong>de</strong>s revenants”.<br />

Point 5 : monument <strong>de</strong> la 12ème DI, dit “du Coq”.<br />

8<br />

Texte<br />

J'ai quitté la tranchée, pour <strong>de</strong>scendre par le boyau 6. Comme l'entonnoir est loin, maintenant ! Comme je suis seul ! Depuis une dizaine<br />

<strong>de</strong> mètres, le boyau dresse à mes côtés ses anciennes parois presque intactes, <strong>de</strong>ux coupures <strong>de</strong> boue polie, tassée, soli<strong>de</strong>, rassurante. Si mes<br />

ban<strong>de</strong>s molletières tombées sur mes souliers fangeux n'alourdissaient mes jambes <strong>de</strong> ces paquets énormes, je pourrais presque courir.<br />

Attention… Les entonnoirs se touchent au bord du fossé démoli : il faut ramper une fois <strong>de</strong> plus. Attention encore… Même sans ces souliers<br />

pesants, je ne pourrais pas courir. Les entonnoirs se chevauchent, se confon<strong>de</strong>nt : le boyau n'a plus <strong>de</strong> parois. Et là-bas, au tournant…<br />

Je me suis arrêté, pour mieux voir. Il y a un homme couché sur le dos, la tête posée sur les reins d'un second, déjà presque enfoui dans la<br />

boue ; il y en a un troisième, à genoux, et qui ne bouge pas plus que les <strong>de</strong>ux autres. Ils sont morts ; <strong>de</strong>ux d'entre eux, je le vois, <strong>de</strong>puis quelques<br />

minutes peut-être…<br />

Je comprends : le boyau effondré est pris d'enfila<strong>de</strong> à cette place. L'homme qui est <strong>de</strong>ssous a été tué hier ou cette nuit, par un obus, les<br />

autres viennent d'être tués par les tireurs allemands embusqués au faîte <strong>de</strong> l'entonnoir, les mêmes qui ont tué Gerbeau <strong>de</strong>vant nous, blessé<br />

Troubat dans la tête <strong>de</strong> sape. Mais alors, moi… Il faut pourtant passer. Je sais bien que je pourrais remonter vers le boyau 7, vers un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

autres, 5 ou 4. Je n'y songe même pas : c'est trop loin ; je suis trop las ; mes pieds ligotés sont trop lourds… Je vais courir, et sauter par-<strong>de</strong>ssus les<br />

morts.<br />

Il faut m'approcher un peu plus, chercher <strong>de</strong>s yeux la place où je poserai mes pas : ici, sur cette claie qui émerge ; un peu plus loin, contre<br />

le flanc <strong>de</strong> l'homme allongé sur le dos… Je ferai mon possible pour ne pas écraser sa main. Oh !... Elle vient <strong>de</strong> bouger, cette main ! et l'homme<br />

soulève la tête, me regar<strong>de</strong> intensément.<br />

Je m'approche, en rampant, avec un coup d'œil en arrière vers l'entonnoir meurtrier. Je ne vois pas les sacs à terre ; je rampe ; les yeux <strong>de</strong><br />

l'homme vivant sont maintenant tout près <strong>de</strong>s miens.<br />

Il essaie <strong>de</strong> parler, balbutie quelques sons d'une voix gargouillante, et me regar<strong>de</strong>, me regar<strong>de</strong> encore.<br />

« Où es-tu touché ? »<br />

Il secoue la tête.<br />

« Prends patience… Je <strong>de</strong>scends, tu vois… Je vais ramener les brancardiers. »<br />

Encore une fois sa tête remue <strong>de</strong> droite à gauche : non, ce n'est pas cela. Sa main se soulève faiblement ; son regard, qui s'appuie, qui<br />

s'attriste <strong>de</strong> ne pouvoir se faire comprendre, <strong>de</strong>vient presque intolérable.<br />

« … en… On…. ai… ué… »<br />

Est-ce possible ? Est-ce bien cela qu'il veut me dire ?<br />

« Que je fasse attention ? Que je vais me faire tuer ? »<br />

Le regard s'apaise, s'illumine ; et les paupières disent oui, sans que la tête bouge désormais.<br />

Savoir son nom, le lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r… Il a dû recevoir une balle dans la moelle ; il est là, paralysé, muet ; nous avons <strong>de</strong>ux morts pour témoins.<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, pp 587/588.<br />

Ce que nous attendons va sûrement arriver : dans dix minutes ; dans quelques secon<strong>de</strong>s… On entend <strong>de</strong>s cris quelque part. A gauche ?<br />

Oui, à gauche…<br />

Des coups <strong>de</strong> fusil ; <strong>de</strong>s cris encore ; <strong>de</strong>s détonations cinglantes, ouatées, dont le bruit inconnu nous déconcentre et nous effraie. Trente<br />

hommes sont <strong>de</strong>bout dans l'entonnoir ; ils voudraient sortir, pour voir. Mais ils <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt, glissent au plus profond du trou.<br />

Tous les hommes <strong>de</strong>bout se heurtent les uns les autres, trébuchent et crient, la bouche ouverte. Quelques-uns, tombés à genoux,<br />

s'efforcent <strong>de</strong> gravir les pentes : ils glissent sur l'argile visqueuse, et retombent. Brusquement, une ligne <strong>de</strong> capotes bleues se profile au faîte <strong>de</strong><br />

l'entonnoir ; d'autres cris nous frappent au visage, tandis que <strong>de</strong>s corps nous heurtent, roulent sur nous, nous entraînent avec eux jusqu'au chaos<br />

<strong>de</strong>s madriers brisés.<br />

« Restez là ! Restez là !<br />

- Ils arrivent !<br />

e<br />

- La 5 a lâché !<br />

- Restez là !<br />

- On est tourné !<br />

- Restez là, nom <strong>de</strong> Dieu ! »<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, pp 581/582.<br />

Point 6 : monument du Point X.<br />

Ah ! qu'ils tirent ! Qu'ils répon<strong>de</strong>nt ! C'est s' fout'e <strong>de</strong> nous !<br />

- On est sacrifié… »<br />

Hors l'amoncellement <strong>de</strong> nos corps, <strong>de</strong>s mots ne cessent <strong>de</strong> monter, en bulles d'angoisses ou <strong>de</strong> colère. Sans voir jamais aucun visage,<br />

sans reconnaître jamais personne, on sent fermenter contre soi la colère et l'angoisse <strong>de</strong> tous. Elles nous imprègnent, elles ne nous lâcheront plus.<br />

Elles grandissent, au contraire, à mesure que tombent les obus allemands, et que se taisent nos canons. Comment échapper à cela, avec sa<br />

misérable force d'homme, d'homme tout seul qui est là-<strong>de</strong>ssous ? Mille obus : on tient ; <strong>de</strong>ux mille : on tient ; dix mille… C'est forcé qu'on se laisse<br />

aller, si les obus tombent toujours, rien que <strong>de</strong>s obus allemands, tous les obus <strong>de</strong> toutes les pièces <strong>de</strong> Metz, tandis que les pièces <strong>de</strong> <strong>Verdun</strong>, toutes<br />

les pièces que nous entendions hier, se taisent, nous abandonnent, refusent <strong>de</strong> nous venir en ai<strong>de</strong>.<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, p 580.


<strong>Mémorial</strong> Classes Genevoix<br />

<strong>de</strong> <strong>Verdun</strong><br />

Service éducatif<br />

Etu<strong>de</strong> d’un objet<br />

Point 7 : cimetières militaires.<br />

9<br />

Texte<br />

Aucun d'eux n'osera plus parler : on a touché au plus profond, au plus secret d'eux-mêmes. Cela palpite en chacun d'eux. Et chacun,<br />

même ce soir, huit jours avant l'assaut qui menace, est le maître ombrageux <strong>de</strong> son cœur.<br />

Leurs pensées… Qui se vantera <strong>de</strong> jamais les connaître ? Je sais que nous nous ressemblons tous. Je sais aussi que j'ai voulu être près<br />

d'eux, et qu'ils me sentissent près d'eux : à cause <strong>de</strong> cela, parfois, j'ai cru que leurs yeux se livraient. Leurs pensées… Est-ce que je sais ? Ce qui m'a<br />

ému dans leurs yeux, n'était-ce pas un reflet <strong>de</strong> moi-même ?... Eux et moi, chacun <strong>de</strong> nous et tous les autres. Et pour moi seul, ce mon<strong>de</strong> caché<br />

<strong>de</strong> souvenirs et d'espoirs, ce mon<strong>de</strong> prodigieux qui mourra si je meurs. Et pour chacun d'eux tous, un autre mon<strong>de</strong> que je ne connaîtrai jamais.<br />

Visage <strong>de</strong>s souvenirs, murmure <strong>de</strong> voix qu'on est seul à entendre, tié<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s rêves, formes légères d'espoirs glissant parmi les souvenirs… Ils me<br />

ressemblent, leurs yeux me l'ont dit quelquefois : mais rien <strong>de</strong> plus, dans l'échange furtif d'un regard ; rien qu'une lueur émouvante, entre <strong>de</strong>ux<br />

infinis <strong>de</strong> silence et <strong>de</strong> nuit.<br />

Ils se taisent <strong>de</strong>puis que Durozier s'est tu. Malheureux d'être ensemble, ils se quittent. Une à une, leurs ombres s'éloignent dans la nuit.<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, p 544.<br />

Comme je les ai revus alors ! Tous, tous… Même ceux qui furent tués loin <strong>de</strong> moi et que je n'avais pas vus : Desoignes, Duféal et Moline, les<br />

trois ensemble. Tout à l'heure, dans l'abri du colonel, <strong>de</strong>s voix avaient prononcé leurs noms, et je m'étais enfui, ayant peur d'autres noms encore…<br />

A quoi bon ? Il fallait bien que cela vînt : Porchon, qu'est-ce qu'on a fait <strong>de</strong> toi ? Juste au bas du boyau, à quelques pas du poste <strong>de</strong> secours, un 77<br />

t'a ouvert la poitrine, tu es tombé la face contre terre, et tu es mort. Est-ce que tu te battais encore ? Et Butrel qui <strong>de</strong>scendait chercher <strong>de</strong> l'eau ? Et<br />

e<br />

Troubat déjà blessé ? Et le paralysé couché sur les cadavres ? Les obus, sur la crête, ont tué Janselme, un mé<strong>de</strong>cin du 3 bataillon ; les obus, au<br />

village, ont écrasé un poste <strong>de</strong> secours ; les obus, sur la route <strong>de</strong> Mesnil, ont tué les blessés qui s'en allaient. Et même les autres, Hirsch, Jeannot,<br />

Muller… Pourquoi ? Pourquoi ma tranchée pleine <strong>de</strong> morts, tous ces morts déchiquetés, éventrés, broyés, tombés les uns auprès <strong>de</strong>s autres sans<br />

avoir tiré une cartouche ? Pourquoi l'entonnoir plein <strong>de</strong> morts, et le coin d'acier froid fiché dans le crâne <strong>de</strong> Raynaud ? Pourquoi ce lourd bouclier,<br />

retombant <strong>de</strong> si haut sur la jambe du capitaine Secousse ? J'entends sa voix, son accent <strong>de</strong> douceur stupéfaite et résignée : « Oh ! ma jambe… »<br />

Le commandant Sénéchal tremble et chevrote ; Petitbru recommence à hurler, Biloray court, tombe, se relève et court ; Laviolette se cache pour<br />

mourir, et sa main frissonne sur sa tête dans une moufle <strong>de</strong> laine bleue…<br />

D'après Maurice Genevoix, Ceux <strong>de</strong> 14, éd. Omnibus, 1998, p 620.<br />

23 février.<br />

J'ai quelques instants pour vous parler un peu <strong>de</strong>s heures que nous venons <strong>de</strong> vivre. Je me borne à un récit très bref, qui vous donne une<br />

idée sommaire <strong>de</strong> ce que nous avons fait. Le 17, à 2 heures, les mines creusées par le génie sautaient. Puis c'était un bombar<strong>de</strong>ment d'une<br />

heure, bombar<strong>de</strong>ment effroyable qui faisait trembler le sol, emplissait les crânes <strong>de</strong> tumulte et donnait une étrange impression <strong>de</strong> surnaturel et<br />

<strong>de</strong> prodigieux. Puis l'assaut. Nous avons pris la côte <strong>de</strong>s Eparges, presque sans coup férir. Mais nous marchions sur une terre bouleversée,<br />

calcinée, puante semée <strong>de</strong> débris <strong>de</strong> fils <strong>de</strong> fer, <strong>de</strong> piquets, <strong>de</strong> vêtements hachés et sanglants, <strong>de</strong> paquets <strong>de</strong> chair humaine. A cinq heures le<br />

bombar<strong>de</strong>ment allemand commençait. Jusqu'à minuit, les gros calibres : 150, 210, et 305. Pendant le même temps, <strong>de</strong>s mitrailleuses qui tiraient<br />

<strong>de</strong> flancs combinaient leurs effets avec ceux <strong>de</strong> l'artillerie. De minuit à 6 heures, bombar<strong>de</strong>ment moins intense. Mais, dès 6 heures, la danse a<br />

recommencé, épileptique jusqu'à 9 heures ; et à 9 heures, l'infanterie alleman<strong>de</strong> attaquait. Nous avons reçu <strong>de</strong>s grena<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s bombes, un tas<br />

d'engins infernaux qui affolent nos hommes. Je me suis lancé en avant, le revolver à la main. J'en ai tué 3 à bout portant. Deux caporaux<br />

m'avaient suivi : ils ont été tués tous les <strong>de</strong>ux. Nous avons perdu les tranchées conquises. Mais le soir, à 4 heures, nous y retournions et les occupions<br />

<strong>de</strong> nouveau. Nous y restions malgré les contre-attaques. Nous y restions malgré le bombar<strong>de</strong>ment incessant et formidable. Le plus affreux fut le<br />

quatrième jour au soir. Il restait à ma section 20 hommes : 3 dans un petit élément <strong>de</strong> tranchée, en liaison avec une autre compagnie, 17 avec<br />

moi dans la gran<strong>de</strong> tranchée. Un 305 est tombé <strong>de</strong>dans <strong>de</strong>vant moi. Mes <strong>de</strong>ux voisins ont été tués net ; celui <strong>de</strong> droite est resté dans l'attitu<strong>de</strong> qu'il<br />

avait au moment où l'obus est arrivé ; il avait à la main, encore, le morceau <strong>de</strong> pain qu'il était entrain <strong>de</strong> manger. Deux autres sont morts une<br />

heure après. Sept autres qu'on avait pu emmener, sont restés jusqu'au len<strong>de</strong>main matin dans un entonnoir <strong>de</strong> mine, m'appelant, moi, me<br />

<strong>de</strong>mandant à boire, me réclamant mon revolver, si je ne voulais pas les achever moi-même, me décrivant leurs blessures, me <strong>de</strong>mandant<br />

d'écrire à leur femme, à leur mère, <strong>de</strong> leur couper le bras, tout <strong>de</strong> suite, si je ne voulais pas qu'ils meurent. J'ai passé une nuit <strong>de</strong> cauchemar.<br />

Porchon avait été tué le matin. Je restais avec trois hommes, ceux qui étaient séparés <strong>de</strong> moi. Les 17 autres étaient morts ou blessés. Moi j'avais la<br />

tête douloureuse, la poitrine serrée, le front ensanglanté par un éclat. Je me suis évanoui dans les bras du commandant. Quand je suis revenu à<br />

moi mon capitaine était parti, le tympan crevé, toute son énergie à bout. J'ai pris le comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la compagnie. Je ne sais pas ce qu'on<br />

va faire <strong>de</strong> nous maintenant. Porchon est mort : il avait été blessé légèrement ; il allait se faire panser ; un éclat d'obus lui a ouvert la poitrine au<br />

moment même où il arrivait aux abris. Cette guerre est ignoble ; j'ai été pendant 4 jours souillé <strong>de</strong> terre, <strong>de</strong> sang, <strong>de</strong> cervelle. J'ai reçu au travers <strong>de</strong><br />

la figure <strong>de</strong>s paquets d'entrailles, et sur une main une langue, à quoi l'arrière-gorge était attachée. Je suis écoeuré, saoul d'horreur. Je sais que je<br />

resterai ; il faut que je reste. J'accepte la responsabilité qui m'échoit. Je ne sens pas ma force entamée… »<br />

D'après une lettre <strong>de</strong> Maurice Genevoix à Paul Dupuy, 23 février 1915.


<strong>Mémorial</strong> <strong>de</strong> <strong>Verdun</strong><br />

MEMORIAL DE VERDUN<br />

1 avenue du Corps Européen<br />

55100 Fleury-<strong>de</strong>vant-Douaumont<br />

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Tél : 03 29 84 35 34 / Fax : 03 29 84 45 54<br />

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