HISTOIRE D'OSTRICOURT
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<strong>HISTOIRE</strong> D’OSTRICOURT<br />
L’histoire d’Ostricourt, c’est ce qui m’a toujours intéressé, alors je me suis mis à<br />
effectuer des recherches des plus sérieuses, et surtout de vérité. Tout ce que vous<br />
lirez est la véritable histoire de notre ville. Lorsque je me suis mis dans mes<br />
recherches, afin de rassembler les différents éléments nécessaires, j’ai eu la<br />
chance de faire la connaissance d’une dame, un véritable puits d’information.<br />
Je lui fais part de mes intentions, elle me dit que son mari lui aussi (enfant<br />
d’Ostricourt) avait fait des recherches et écrit entre 1950 et 1955, dans une petite<br />
brochure un «Historique d’Ostricourt ». Malheureusement il ne lui en reste plus.<br />
« Mais ! me dit-elle, en 1954 Nord Matin (la Voix du Nord ou Nord Eclair<br />
d’aujourd’hui) le publia ». Vite aux archives de Nord Matin. L’histoire fut<br />
publiée entièrement dans une de leurs éditions.<br />
Lecture faite de ce magnifique travail de recherche de Louis PETIT, j’ai<br />
l’honneur de vous faire découvrir une histoire d’Ostricourt, comme il n’y en a<br />
jamais eu.<br />
EN HOMMAGE A LOUIS PETIT, je me suis basé sur son texte original et pour<br />
ma part, j’ai juste apporté quelques précisions (notes jointes au texte cité) et<br />
quelques illustrations afin de mieux vous imprégner de cet ouvrage.<br />
Bonne lecture !<br />
Louis Petit<br />
Monsieur Hamzaoui Nordine
1 ere PARTIE<br />
Extraits du texte de Louis PETIT<br />
« Ostricourt est une très ancienne commune qui a vu autrefois son territoire<br />
occupé par les armées d’Actius (1) et du jeune Majorien (2) lorsqu’ils vinrent<br />
repousser dans le nord de l’actuelle France les tentatives d’invasion de Clodion<br />
le chevelu (3), mais il n’a pas eu l’honneur d’être cité par Sidoine Apollinaire et<br />
il n’est malheureusement pas resté de vestiges de cet ancien et grand<br />
campement. »<br />
Les armes d’Ostricourt que l’on peut voir sur différentes plaques ou affiches en<br />
mairie, comme ci-dessous, se décrivent comme ceci « de gueules au chef d’or ».<br />
Ce qui signifie que le bas de l’écusson est rouge (gueules) et que le haut est<br />
jaune (le chef d’or).<br />
« Ostricourt était une tuilerie. OSTRACRIUM –CURTIS (4). Ce qui veut dire<br />
en latin « maison ferme ou atelier de fabricants de tuiles ». On pense<br />
qu’Ostricourt se dénommait anciennement ainsi, mais on peut encore hasarder<br />
cette étymologie qui est tout aussi vraisemblable et se rapproche le plus de son<br />
nom actuel. »<br />
« Ferme du passage à l’orient, Ostricourt est en effet située sur l’ancienne voie<br />
romaine d’Arras à Tournai la seule qui conduisait de cette province à l’orient.<br />
L’itinéraire de la voie romaine à travers Ostricourt était le suivant. Elle arrivait<br />
de Thumeries par le bois et l’actuelle grande carrière (5) et suivait les rues Jules<br />
Guesde et Anatole France pour aller rejoindre la route d’Evin-Malmaison à<br />
Dourges à l’endroit où est érigée une chapelle. »
« L’exploitation des bois qui environnaient Ostricourt faisait ainsi que ses<br />
tuileries, sa principale richesse. Plus tard, le sable d’Ostricourt qui fut très<br />
renommé, s’exporta en grande quantité.<br />
On a découvert à Ostricourt peu d’années avant la révolution de 1789 des puits<br />
remarquables qu’on a cru être l’ouvrage des romains, ces puits ont été comblés<br />
depuis. »<br />
(1) capitaine, général des armées<br />
(2) flavius, julius, majorinus, dit le Majorien, règne sur l’empire romain d’occident de<br />
457à 461<br />
(3) premier roi connu de ce qui deviendra la dynastie des mérovingiens<br />
(4) M GUILMOT donne cette étymologie à Ostricourt : terme de passage à l’orient, du<br />
celtique oost, orient, trich, passage, chemin, et de curt, ferme, maison, château.<br />
tricht , signifie aussi pays, contrée.<br />
(5) la grande prairie en contre bas, avant les ateliers municipaux.<br />
2 eme PARTIE<br />
Extraits du texte de Louis PETIT<br />
« En 1200, on trouve la trace d’Ostricourt dans le domaine du châtelain de<br />
Lille, lequel châtelain y percevait des rentes en blé, en avoine, en chapons et en<br />
corvées de pied (6). Il y avait un moulin à vent banal, ou les manants<br />
d’Ostricourt étaient obligés de moudre leur blé moyennant une redevance à leur<br />
seigneur. En sa ville d’Ostricourt, le châtelain de Lille avait un bailli (7), sept<br />
échevins (8), une fourche à trois piliers (9) (la justice de ce temps était très<br />
expéditive) et une hall où l’on tenait les plaids en toute justice moyenne et basse.<br />
A la suite d’un accord passé en 1200 entre le châtelain de Lille et le seigneur<br />
d’Arras, accord qui fut signé en la châtellenie de Lille, les seigneurs d’Arras ne<br />
pouvaient amener leurs troupes pour leurs guerres ou celles de leurs amis que<br />
jusqu’à Ostricourt. »<br />
(6) transport des denrées au profit du seigneur.<br />
(7) le bailli était, dans l’ancien régime français, le représentant de l’autorité du roi ou<br />
prince dans le baillage, chargé de faire appliquer la justice et de contrôler<br />
l’administration en son nom.
(8) titre d’un officier public.<br />
(9) les fourches consistaient en des piliers de pierres réunis au sommet par des traverses de<br />
bois auxquelles on attachait les criminels, soit qu’on les pendit aux fourches même,<br />
soit que ,l’exécution ayant été faite ailleurs on les y exposât à la vue des passant.<br />
le nombre des piliers variait suivant la qualité des seigneurs : les simples<br />
gentilshommes, haut-justicier en avaient deux, les châtelains trois, les barons quatre ,<br />
les contes six , les ducs huit ; seul le roi pouvait en avoir autant qu’il le jugeait.<br />
« Dans les différends d’intérêts, qui divisaient en 1270 le châtelain de Lille, Jean<br />
III et le mari de sa mère, Robert de Wavrin, sénéchal de Flandres, on voit qu’il<br />
avait été convenu entre eux que le châtelain bâtirait pour le sénéchal une maison<br />
à Ostricourt ou au Plouich. »<br />
« En avril 1317, Wallerand de Luxembourg, chargé envers l’abbaye de Baulieu<br />
d’une rente annuelle, affecte à cette rente 11 bonniers de bois entre Bellincamp<br />
et Ostricourt. »<br />
« On cite dans les statistiques féodales de la châtellenie de Lille l’anecdote<br />
suivante. En 1304 les échevins d’Ostricourt avaient arrêté des bourgeois de<br />
Douai sur le territoire d’Ostricourt. Sur la réclamation des échevins de Douai ,<br />
Jean de Luxembourg alors châtelain de Lille déclara sous forme de convention<br />
que les bourgeois de Douai arrêtés à Ostricourt seraient renvoyés devant les<br />
échevins de Douai, et que les vassaux d’Ostricourt pris à Douai seraient<br />
renvoyés devant les échevins d’Ostricourt. »
3 eme PARTIE<br />
Extraits du texte de Louis PETIT<br />
« Vers 1680, louis XIV qui avait hérité du domaine des châtelains de Lille,<br />
vendit Ostricourt à Alexandre Petit, chevalier, seigneur du châtelain et de<br />
Grantsar fils de Michel Petit et de Marguerite Garibaldo , de descendance<br />
génoise décédée en 1680.<br />
Né en février 1651, nommé greffier au bureau des finances de la généralité de<br />
Lille en 1692, commis greffier en 1693, Alexandre Petit mourut le 8 mai 1708.<br />
Il avait épousé Marguerite de Beaumaretz, fille de Jacques de Beaumaretz et de<br />
Jeanne-Claire Bayart. Ils eurent pour enfants Pierre-Joseph et Marie-Thérèse,<br />
morte en 1758 et qui avait épousé en 1707 Jean Ferdinand Guillaume le Prévost<br />
de Basserode, chevalier, seigneur de Haut-Grenier.<br />
Pierre-Joseph Petit, chevalier seigneur d’Ostricourt à la mort de son père ,<br />
greffier au bureau des finances en 1713, commis greffier en 1746, obtint des<br />
lettres de vétérances en 1751. Il avait épousé en 1708 Marie-Catherine Rousel<br />
de Wagnonville qui lui avait donné trois enfants, dont Pierre Nicolas Joseph<br />
Petit, qui prit le titre de seigneur d’Ostricourt à la mort de son père, et périt noyé<br />
dans les fossés de l’esplanade à Lille le 31 mars 1785 sans enfants. »<br />
« La comptabilité des seigneurs d’Ostricourt encore conservée de nos jours, était<br />
établie d’une façon extrêmement correcte. Voici extraite d’un document de<br />
l’année 1743 et reproduite dans son texte intégral une décision d’imposition de<br />
la taille (10). »<br />
(10) impôt direct<br />
« assiette d’un vingtième de tous biens du village de Ostricourt pour fournir et satisfaire au payement<br />
de la somme de cent quarante florins quatre patars que porte la double taille de passage à eux demandés<br />
par messieurs les baillis des quatre seigneurs hauts justiciers représentant l’estat de la chatelnie de<br />
lille , douy et Orchies par leur envoie du vingt quatre avril 1743 payables par tous les manants du<br />
village d’Ostricourt et des forains tenant et labourant terre sur le d’image dudit lieu présentement<br />
trouvés en occupation de quelque qualité et condition ils soient à l’exception des ecclésiastique et noble<br />
payable par tous le moi de juin de cet an 1743 pour aquoy satisfaire le pied a esté pris à l’avenant de<br />
deux patars de chacune razière de terre ainsi assis audit lieu pardevant et espérence des sieurs billy et<br />
échevins soussignés le 18juillet 1743. »
Antoine Joseph de Beauquesne…..bailli<br />
Pierre Durteste………………….échevin<br />
Jean Jacques Carpentier…………… »….<br />
Marc Antoine Carlier……………… » …<br />
Jean Alexis Deswatines……………… »…<br />
« L’imposition dont il est question dans le texte ci-dessus était payable par<br />
toutes les familles d’Ostricourt dont voici la liste complète, ce qui ne manquera<br />
pas d’intéresser de nombreux Ostricourtois et Ostricourtoise qui pourront ainsi<br />
retrouver la trace de leurs ancêtres. »<br />
Jean Pierre Henry, Baltazard Duquesne, Jean Francois Drumez, Pierone Delrive,<br />
Joseph Duthilloeul, Estienne Trachaez, Antoine Pollart , Romain Le Mesre, Jean Baptiste<br />
Lombart, Albert Bos, Jean Benoit Bleusé, Jean Baptiste Plachez, Jean Alexis Deswatines,<br />
Chrétien Deuzy, Pierre Francois Pollet, Jean Baptiste Baratte, Nicolas Crampon, Athonius<br />
Wacheux, Jean Baptiste Le Mesre, Antoine Deleporte, Eloy De Monchy, Jean Michel du<br />
flot, Bonnaventure Thorel, Apollinaire Pincquet, Albert Hennotel, Pierre Toussaint Picquet,<br />
Louis Ladureaux, Louis Francois Dussois, Jean Francois Desmarquette, Pierre Joseph<br />
Duhamel, Augustin Le febve, Jean Francois Turbelin, Simon Lagache, jean desprez , jean jacques<br />
dubois,jean baptiste duhem, pierre denis courtecuisse, jean carpentier, jacque boulanger, jacque<br />
fleurquin, jean jacque lombart,marcq antoine carlier , martin ollivier , simon pollet, pierre tillau, jean<br />
francois mordacq, juste fiévé, berthelemy mahieu.<br />
« On remarquera que de nombreux noms figurant dans cette liste ont été publiés<br />
avec le temps pour avoir la forme qu’ils possèdent actuellement.<br />
La période révolutionnaire qui suivit la mort du seigneur d’Ostricourt, Pierre<br />
Nicolas Joseph Petit se passa très calmement à Ostricourt. Si l’on s’en rapporte<br />
aux bulletins de la révolution conservés dans les archives et dont voici<br />
l’essentiel. »<br />
Le 14 février 1791, théophile marrissal, curé, et monsieur dubois, refusent de preter le serment de<br />
fidélité à la république et sont de fait , remplacés dans leurs fonctions le 21 février même année,<br />
monsieur le curé caron qui ,lui, avais accepté ce serment.
Le 30 germinal an II (19 avril 1794) monsieur caron est dénoncé
Turbelin Debersée……………………………….. « 188<br />
Despez Miquet ………………………………… « 185<br />
Lefebvre Caillet Adrien…………………………. « 185<br />
Pollart Dubois « …………………………………. « 184<br />
Ségard Dumont………………………………… « 165<br />
Lefebvre Lemaire Jean Baptiste …………………. « 163<br />
Lemaire Nicolas………………………………… « 149<br />
Monsieur Dubois Etienne ayant obtenu à ces élections le plus grand nombre de<br />
suffrages est élu maire et monsieur Lefebvre Caillet, adjoint.<br />
C’est ce conseil municipal qui, au cour de sa réunion du 11 novembre 1882, prit<br />
la savoureuse décision dont voici le procès - verbal :<br />
Le maire communique à l’assemblée une demande du garde champêtre de cette commune à l’effet<br />
d’obtenir une indemnité pour l’achat d’un pantalon .<br />
Le conseil municipal considérant que cette demande est motivée par le besoin de remplacer le pantalon<br />
faisant partie de la tenue du garde champêtre.<br />
Considérant la situation de la caisse municipale , est d’avis d’accorder une indemnité de trente francs<br />
pour achat de ce pantalon .<br />
Ainsi délibéré en séance le 11 novembre 1882.<br />
Le budget de commune était à l’époque très restreint et peut paraître de nos jours<br />
dérisoire. Voici le tableau des crédits proposés pour dépenses annuelles<br />
ordinaires pour l’année 1883.<br />
Frais de perception des recettes et confection des rôles et matrices……………..796<br />
Police et services divers………………………………………………..600<br />
Service de la cloche de retraite……………………………………………65<br />
Charge et entretien des bien communaux………………………………….145<br />
Dépenses pour les chemins……………………………………………3.665<br />
Secours publics……………………………………………………… 35<br />
Service des enfants assistés……………………………………………...12<br />
Instruction primaire…………………………………………………2.345<br />
Traitement au desservant du culte………………………………………..150<br />
Pompe et pompier……………………………………………………..135<br />
Abonnements divers et dépenses imprévues…………………………………36
L’église Saint-Vaast d’Ostricourt<br />
Total……..8.434<br />
De style gothique, l’église dans son état actuel, a été reconstruite en 1868<br />
d’après les plans de (monsieur) Charles Maillard, architecte à Tourcoing. Elle<br />
est due en grande partie à l’intervention et à la générosité de Monseigneur<br />
Desprez, archevêque de Toulouse et fils d’Ostricourt, qui la consacra le 22 juin<br />
1869.<br />
Primitivement, l’église qui date de 1540 n’était qu’un bâtiment vétuste qui<br />
suffisait aux besoins de la population de l’époque. Une pierre, se trouvant sur<br />
une des portes latérales, porte l’inscription « 1540 ». Par la suite, il fut adjoint un<br />
clocher à ce bâtiment en 1755-1756 qui fut conservé lors de la reconstruction de<br />
1868.<br />
La cloche actuelle fut fondue en Belgique à la suite du vol de l’ancienne par les<br />
Allemands lors de la guerre 14-18. L’ancienne cloche qui datait de 1863 portait<br />
l’inscription suivante (« J’ai eu pour parrain monsieur Jean Baptiste Albert<br />
Joseph Dubois , né à Ostricourt le 14 mars 1861,et pour marraine mademoiselle<br />
Marie Monique Dubois, née le 4 octobre 1860, qui m’ont nommée Marie<br />
Augustine Catherine »).<br />
Devant l’importance grandissante de la population d’Ostricourt, il fut décidé la<br />
construction d’une deuxième église dédiée à Saint-Jacques, dont la décoration<br />
intérieure fait l’admiration de ses nombreux visiteurs.<br />
Monsieur Louis Petit
Nous avons à Ostricourt un personnage que peu de villes peuvent se vanter<br />
d’avoir eu : LE CARDINAL DESPREZ, archevêque de Toulouse (1807-1895).<br />
On peut effectivement se dire voici encore un enfant d’Ostricourt qui fait<br />
vraiment partie du patrimoine historique de notre ville. Voici un extrait de son<br />
histoire, que j’ai pu rassembler à partir des différents documents et manuscrits<br />
tirés de mes recherches, et surtout du beau livre de J.M.J. Bouillat qui nous a<br />
fourni les éléments de cette biographie, bonne lecture.<br />
Monsieur Nordine Hamzaoui<br />
Julien- Florian-Félix Desprez naquit à Ostricourt, le 14 avril 1807. Son père,<br />
Germain Desprez , et sa mère Félicité Turbelin , étaient possesseurs d’une petite<br />
propriété qu’ils cultivaient eux-mêmes. Ils avaient su, dans leur modeste<br />
position, s’attirer les sympathies et mériter l’estime de tous leurs concitoyens.<br />
Très attachés à la foi catholique, ils ne manquèrent pas d’inculquer leurs<br />
sentiments aux trois enfants, que Dieu leur avait donnés.<br />
Dès son plus jeune âge, Florian montra un vif attrait pour les cérémonies<br />
religieuses et pour l’étude des vérités saintes. La direction qu’il recevait sous le<br />
toit paternel fut fortifiée par un oncle et une tante qui lui témoignèrent une vive<br />
affection, l’abbé Turbelin, qui l’avait baptisé, et la Sœur Pélagie Turbelin,<br />
religieuse du bon pasteur avant la Révolution, et ensuite supérieure de la<br />
Providence à Douai. Quand vint le moment d’étudier, il suivit avec succès les<br />
cours du Collège royal de Douai.<br />
Ce fut vers l’âge de douze ans que le jeune Florian parla pour la première fois de<br />
la vocation à laquelle il se sentait appelé. Il était précisément à Cuincy.<br />
S’adressant un jour, d’un air sérieux et décidé, au curé de la paroisse :<br />
- Mon oncle, lui dit-il , je voudrais être prêtre…..<br />
- Bon désir, mon enfant, répondit tranquillement le curé, mais cette question ne<br />
saurait être traitée à la légère. Nous en reparlerons.<br />
Pour conduire leur fils jusqu’au sacerdoce tant désiré, les parents du jeune<br />
Desprez ne reculèrent devant aucun sacrifice. Ils n’hésitèrent pas à vendre un<br />
champ afin de subvenir aux frais de son éducation. Plus tard, devenu non<br />
seulement prêtre, mais évêque et cardinal, le fils de Germaine Desprez reçut<br />
dans sa maison paternelle plusieurs prélats de ses amis. Il les entraîna dans ce<br />
champ, racheté par ses soins et rendu à son frère Louis le continuateur de la
famille. « Messeigneurs, leur dit-il, laissez tomber vos bénédictions sur cette<br />
terre arrosée des sueurs de mes parents à qui j’ai tant coûté. Ils firent le sacrifice<br />
pour couronner mes études, je vous demande une prière pour ces pieux parents<br />
à qui j’ai tant coûté. »<br />
Admis en octobre 1824, au Grand Séminaire de Cambrai, le jeune ecclésiastique<br />
en sortit quatre ans plus tard avec l’auréole du sacerdoce au front. Ses rares<br />
qualités avaient frappé ses supérieurs. Aussi nul ne s’étonna de le voir nommé à<br />
l’âge de vingt deux ans, vicaire à la cathédrale. Là, sous la direction de<br />
Monsieur Léville, son archiprêtre, homme non moins remarquable par son<br />
éloquence que par sa piété, il conquit vite l’estime et l’affection des paroissiens.<br />
Son zèle et son dévouement étaient sans limite. On en eut des témoignages<br />
admirables au moment où la peste exerça d’affreux ravages dans le pays.<br />
Quand son vieil archiprêtre devint infirme, l’abbé Desprez fut désigné pour le<br />
suppléer. Il s’acquitta de ses diverses fonctions avec tant de sagesse, de<br />
distinction et de grandeur que, au dire de M.Carlier, vicaire général, il avait l’air<br />
d’un « petit évêque ». Mais M.Louville étant mort, (le vicaire de la cathédrale)<br />
l’abbé Desprez fut désigné pour la cure de Pont-à-Marcq. Il n’avait que vingt six<br />
ans. Accompagné de sa sœur Justine, qui ne devait plus le quitter jusqu’à sa<br />
mort, l’abbé Desprez arriva dans sa paroisse en février 1834. Là, église,<br />
presbytère, tout tombait en ruines. Devant ce délabrement, le frère et la sœur ne<br />
purent retenir leurs larmes. Mais cette faiblesse, devait dire plus tard le cardinal,<br />
ne dura qu’un instant, et je m’écriais :<br />
« A l’œuvre ! Il faut une maison, à dieu, il l’aura, Mais où trouver des ressources ? La personne<br />
du pays la plus fortunée, en m’offrant 300 francs, croyait m’offrir tout l’or du monde ; et comme je lui<br />
exprimais le désir d’en avoir le double pour réaliser mes desseins :600francs, dit-elle, mais vous n’y<br />
pensez pas !…Vous ne les aurez jamais ! » . Le zélé pasteur les eut, et au delà, et l’église<br />
fut bâtie.<br />
Frère et sœur vivaient heureux avec ce bon peuple de Pont-à-Marcq, quand un<br />
ordre de l’évêché le nomma curé doyen de Templeuve. « Nous quittâmes Pont-À-<br />
Marcq, écrit-il dans ses notes personnelles, avec un déchirement de cœur que nous ne saurions<br />
exprimer. »<br />
A Templeuve, paroisse de 300 âmes, le jeune doyen visita chaque maison. La<br />
glace du premier abord fut vite brisée, il sait se faire à tout et à tous, les enfants<br />
courent à lui comme à un père dont ils se sentent aimés. Au moment où le doyen<br />
installait à Templeuve une école et une salle d’asile dirigées par les religieuses,<br />
il reçut sa nomination pour la cure de Roubaix. Ce fut avec peine et tristesse que<br />
l’abbé Desprez se soumit à la décision de l’archevêché.<br />
Roubaix, où il arriva le 17 février 1847, était alors un simple chef-lieu de<br />
canton. Ce bourg est devenu une des grandes villes de France, sa population est<br />
montée de 8000 à 150 000 habitants, dans ce centre industriel, un des plus actifs<br />
et des plus riches du monde, dira plus tard le cardinal.
Mais il n’en était pas ainsi à l’arrivée de (M.) l’abbé Desprez. Son église, quatre<br />
murs, un autel provisoire, c’était tout. Les familles ouvrières ravagées par la<br />
misère ou l’ivrognerie, point d’œuvres catholiques, ni confréries, ni associations<br />
de piété. Il se met à l’œuvre avec ardeur. Peu à peu , dans son église restaurée et<br />
embellie sous ses yeux, son dévouement fit naître et grandir les œuvres les plus<br />
consolantes : Confrérie de Notre-Dame des Sept-Douleurs, œuvre des Zélatrices,<br />
Conférence de Saint-Vincent de Paul, Enfants de Marie, Ouvriers assistés. On<br />
lui décerne le titre de Père des malheureux.<br />
Après trois ans d’apostolat, le nonce du Pape et le Président de la République se<br />
sont mis d’accord pour en faire le premier évêque de Saint-Denis à l’île de la<br />
Réunion. Les ouvriers dirent : « Il ne partira pas. Nous voulons le garder ». Des<br />
délégués seront nommés et iront présenter leur requête au président, en vain.<br />
La traversée fut heureuse, le 25 mai 1850 le (…) Cassini arriva en vue de la<br />
Réunion. Parmi ces derniers se trouvaient : la sœur du prélat, Mademoiselle<br />
Justine Desprez, Monsieur Vérolles, qui regagnait son vicariat apostolique de la<br />
Mandchourie, et plusieurs ecclésiastiques qui accompagnaient l’évêque de<br />
Saint-Denis, tels que Messieurs Pouillaude et Chrétien, ses vicaires généraux, et<br />
Monsieur l’abbé Fava, son jeune secrétaire, que sa grandeur avait ordonné<br />
prêtre, six jours après son sacre, et à qui elle devait conférer l’onction épiscopale<br />
en 1871.<br />
Un nuage de tristesse voilait pourtant le front de certaines personnes<br />
influentes, elles voyaient d’un mauvais œil l’arrivée d’un homme dont la<br />
dignité, pensaient-elles, devait éclipser leur prestige. De là des méfiances, des<br />
insinuations malveillantes et bien peu d’empressement au-devant de<br />
Monseigneur Desprez. Heureusement, tous les officiers, tout l’équipage et tous<br />
les passagers du Cassini et de l’Archimède, alors dans le port, firent cortège au<br />
prélat. Revêtu de magnifiques ornements, Monseigneur Desprez fit une entrée<br />
solennelle dans sa ville épiscopale. Dans la cathédrale, sa parole tendre et<br />
paternelle lui gagna toutes les sympathies.<br />
Dès les premiers jours, Monseigneur Desprez se mit à l’œuvre avec tant de<br />
bonheur, que le gouverneur de la réunion qui, jusqu’alors avait eu le clergé sous<br />
sa main, au point de régler même l’heure des cérémonies, en prit ombrage. Il fut<br />
rappelé et eut pour successeur Hubert Delisle, homme très intelligent et très<br />
habile, qui eut avec son évêque les meilleurs rapports.<br />
La canne à sucre devenait une source de prospérité ; les crédits ouverts à toutes<br />
les bonnes volontés, encourageaient toutes les industries naissantes, et la liberté<br />
était récemment rendue à une multitude d’esclaves. La lèpre exerçait d’affreux<br />
ravages à la Réunion. Les infortunés, qui en étaient atteints, promenaient comme<br />
des cadavres ambulants leurs plaies hideuses de forêt en forêt, de montagne en<br />
montagne, sans oser s’approcher des habitations dont ils étaient l’effroi et<br />
victimes. Monseigneur Desprez finit par les grouper sur le penchant de la<br />
montagne Saint-Bernard. Une vaste léproserie recueillit ces infortunés, l’évêque<br />
voulut remplir en personne les premières fonctions.
J. Florian Desprez, premier évêque de Saint-Denis<br />
Un jour il était à Saint-Paul ; pendant qu’il portait le Saint Sacrement, le soleil trop ardent<br />
aveugla pour jamais son œil droit. J’en fis gaiement mon sacrifice, racontait-il plus tard, l’œil du canon<br />
restait intact (1).Mes ses amis et ses parents eurent la résignation moins facile. Déjà sa sœur,<br />
trouvant trop insalubre, un pays ou le bonheur lui avait cependant souri, c’était résignée à une<br />
séparation douloureuse et demandait à l’air natal le rétablissement des forces perdues. Ses<br />
vœux appelaient son frère en France.<br />
Le 19 mars 1857, Mgr Desprez fut transféré à l’évêché de Limoges. Il n’y passa que deux<br />
années. C’est à lui que l’on doit la restauration de la liturgie romaine dans un temps ou le<br />
gallicanisme régnait en maître.<br />
Le 26 septembre 1859, Mgr Desprez était préconisé Archevêque de Toulouse et de Narbonne,<br />
primat de la Gaule Narbonnaise. A peine installé, il défendit publiquement le pouvoir du<br />
Pape, protesta contre l’envahissement des Etats pontificaux et félicita chaleureusement Mgr<br />
Pie de sa noble attitude devant les hommes du gouvernement impérial. Elu mainteneur de<br />
l’académie des Jeux Floraux, il se faisait un plaisir d’assister aux séances de la docte<br />
Compagnie. En 1862, le 17 mai il avait annoncé une fête solennelle à l’occasion du troisième<br />
centenaire de la délivrance de Toulouse, qui avait échappé aux dévastations des protestants en<br />
1562. Le 8 décembre 1864, le Pape avait envoyé aux évêque du monde catholique<br />
l’Encyclique Quanta cura, suivie du Syllabus ; le gouvernement impérial prit ombrage et<br />
voulut en interdire la publication en France. Mgr Desprez protesta contre cet abus de pouvoir<br />
civil. Le Syllabus fut publié, Mgr Desprez blâmé à paris, et félicité à Rome. Un autre<br />
événement de grande importance s’accomplit, 1875,1876 la fondation de l’Université<br />
Catholique de Toulouse était décidée. Deux ans plus tard tout désignait Mgr Desprez aux<br />
honneurs de la pourpre cardinalice. Léon XIII réalisa le dessein, en faisant entrer l’archevêque<br />
de Toulouse dans le sacré-Collège, en même temps que Mgr Pie, évêque de poitiers. La<br />
cérémonie de la remise de la barrette eut lieu le 26 mai 1879, c’était le quinzième cardinal<br />
qu’on voyait sur le siége de saint Saturnin.<br />
Le nouveau cardinal reçut l’anneau et le chapeau dans le Consistoire du 22 septembre.<br />
(1) on appelle œil canon, l’œil gauche car c’est celui qui permet au prêtre de lire, à l’autel sans se détourner.<br />
En mars 1885, le cardinal fit son douzième voyage à Rome. Deux ans plus tard, Mgr Desprez<br />
se trouvait encore à Rome ; il avait tenu à présenter ses hommages à XIII à l’occasion de son<br />
jubilé sacerdotal. En 1892 deux paroisses seulement de son diocèse n’avaient pas été visitées<br />
par lui, celles de Melles et Lèges, tout deux sur les pics élevés des pyrénées. A quatre-vingt-
cinq ans, l’archevêque ne recula pas devant la fatigue d’atteindre ces hauteurs. A la fin de<br />
cette années, Mgr Desprez fut douloureusement frappé dans ses affections de famille, sa sœur<br />
Justine, qui l’avait toujours suivi, lui était ravie dans la nuit du 23 novembre. Cette séparation,<br />
après soixante-trois ans d’une vie commune, affecta péniblement le prélat.<br />
L’Archevêque de Toulouse, remplit toutes les fonctions de sa charge. Le 16 janvier 1895, une<br />
indisposition sérieuse l’obligeait à garder le lit, et le 21 janvier 1895, il rendait son âme à<br />
Dieu. Dans son testament, il avait défendu qu’on fasse son éloge funèbre, soit à la métropole,<br />
soit à l’Académie des Jeux Floraux. On se conforma à ses dernières volontés, ses obsèques<br />
furent célébrées le 26 janvier.<br />
Mr Hamzaoui Nordine