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DOSSIER DE PRESSE<br />

PRIX DES AMÉRIQUES INSULAIRES<br />

Sixième Édition Gua<strong>de</strong>loupe Haïti<br />

Du 7 au 20 juin <strong>2010</strong><br />

Association <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires et <strong>de</strong> la Guyane<br />

Le Maud’huy - Sainte-Marthe - 97118 Saint-François<br />

Relations <strong>Presse</strong><br />

Véronique CIREDECK – I Com Icône<br />

Tél : 0690 36 01 01 – 0590 32 11 18 / Fax : 0590 32 11 62<br />

e.mail
:
i.com.icone@orange.fr
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Sommaire<br />

Sommaire______________________________________________________________________________ 2<br />

Note <strong>de</strong> présentation_____________________________________________________________________ 3<br />

Programme général <strong>de</strong>s rencontres ________________________________________________________ 4<br />

• Rencontres avec <strong>le</strong> public _________________________________________________________________ 4<br />

Programme <strong>de</strong> la rési<strong>de</strong>nce _______________________________________________________________ 5<br />

• Rencontres privées _______________________________________________________________________ 5<br />

Liste <strong>de</strong>s ouvrages référencés_____________________________________________________________ 6<br />

• Ecrivains en rési<strong>de</strong>nce à la Gua<strong>de</strong>loupe | 7 - 20 juin <strong>2010</strong>________________________________________ 6<br />

Biographies <strong>de</strong>s écrivains invités __________________________________________________________ 7<br />

• Dany Laferrière __________________________________________________________________________ 7<br />

• Kettly Mars ______________________________________________________________________________ 9<br />

• Jean-Euphe<strong>le</strong> Milcé ______________________________________________________________________ 10<br />

• Gisè<strong>le</strong> Pineau ___________________________________________________________________________ 11<br />

• Léone Ross ____________________________________________________________________________ 13<br />

• Evelyne Trouillot ________________________________________________________________________ 14<br />

• Lyonel Trouillot _________________________________________________________________________ 16<br />

• Marcio Veloz Maggiolo ___________________________________________________________________ 18<br />

Bilan <strong>de</strong> l’édition 2008___________________________________________________________________ 19<br />

Annexes ______________________________________________________________________________ 23<br />

Témoignages recueillis suite au séisme survenu en Haïti <strong>le</strong> 12 janvier <strong>2010</strong> ______________________ 23<br />

Informations pratiques et contacts ________________________________________________________ 46<br />

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Note <strong>de</strong> présentation<br />

Le séisme du 12 janvier nous amène à modifier l’esprit et <strong>le</strong> contenu <strong>de</strong> la sixième édition du <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s<br />

<strong>Amériques</strong> insulaires, prévue en juin <strong>2010</strong>.<br />

Pour mémoire, dans <strong>le</strong> projet initial, la manifestation <strong>de</strong>vait renforcer sa vocation à privilégier la relation avec la<br />

Caraïbe littéraire. Les différentes esca<strong>le</strong>s prévues à Saint-Domingue, en Haïti et en Martinique, avant <strong>le</strong> ren<strong>de</strong>zvous<br />

biennal à la Gua<strong>de</strong>loupe, témoignaient <strong>de</strong> cette volonté <strong>de</strong> rencontre et d’ouverture aux territoires<br />

romanesques du bassin caribéen.<br />

La réf<strong>le</strong>xion menée après la catastrophe avec <strong>le</strong>s membres du Jury, présidé par Dany Laferrière, <strong>le</strong>s acteurs et<br />

<strong>le</strong>s partenaires <strong>de</strong> la manifestation en Gua<strong>de</strong>loupe et en Haïti a permis <strong>de</strong> concevoir, selon un ca<strong>le</strong>ndrier<br />

modifié, un nouveau programme soucieux d’apporter un témoignage <strong>de</strong> fraternité aux écrivains haïtiens et <strong>de</strong><br />

contribuer avec mo<strong>de</strong>stie à la renaissance <strong>de</strong> l’activité culturel<strong>le</strong> à laquel<strong>le</strong> aspire <strong>le</strong> pays.<br />

Au <strong>le</strong>n<strong>de</strong>main du séisme, ces écrivains haïtiens ont <strong>le</strong>s premiers permis au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> comprendre l’amp<strong>le</strong>ur du<br />

désastre. C’est dire combien <strong>le</strong>s médias, en particulier la presse écrite, avaient la conviction <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong><br />

<strong>le</strong>ur paro<strong>le</strong>, <strong>de</strong> la pertinence <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur regard sur la catastrophe mais aussi sur Haïti. Ce sont ces écrivains que<br />

nous souhaiterions mettre à l’honneur en organisant en Gua<strong>de</strong>loupe, en juin, saison traditionnel<strong>le</strong>ment dédiée à<br />

la tenue du <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires, une rési<strong>de</strong>nce d’écriture qui serait éga<strong>le</strong>ment pour eux l’occasion<br />

d’échanger avec tous <strong>le</strong>s publics.<br />

Ce premier ren<strong>de</strong>z-vous, du 7 au 20 juin, <strong>de</strong> la Gua<strong>de</strong>loupe avec l’écriture haïtienne servirait <strong>de</strong> phare et <strong>de</strong><br />

relais, à la secon<strong>de</strong> partie, probab<strong>le</strong>ment fin novembre, début décembre, <strong>de</strong> la déclinaison du programme à<br />

savoir, <strong>le</strong> concours Écrivains, nouvel<strong>le</strong> génération et <strong>le</strong> festival proprement dit qui prendra l’appellation Écritures<br />

<strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong>, pour se substituer au <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires.<br />

En effet, <strong>le</strong>s dotations habituel<strong>le</strong>ment allouées au lauréat et aux écrivains nominés et la partie du budget <strong>de</strong><br />

communication consacrée à l’édition du livret littéraire, seront affectées à la réhabilitation <strong>de</strong> lieux <strong>de</strong> <strong>le</strong>cture en<br />

Haïti et enrichies <strong>de</strong> la contribution <strong>de</strong>s éditeurs sollicités pour <strong>de</strong>s dons <strong>de</strong> livres.<br />

En Gua<strong>de</strong>loupe, <strong>le</strong>s ren<strong>de</strong>z-vous traditionnels avec <strong>le</strong>s écrivains autour <strong>de</strong>s ouvrages en compétition laisseront<br />

la place à la restitution du concours, Écrivains, nouvel<strong>le</strong> génération et <strong>le</strong>s rencontres avec <strong>le</strong> public prolongeront<br />

l'action menée en faveur <strong>de</strong> la promotion et <strong>de</strong> la diffusion <strong>de</strong> la <strong>le</strong>cture.<br />

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Programme général <strong>de</strong>s rencontres<br />

Dans cette version nouvel<strong>le</strong> du <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires, <strong>le</strong>s écrivains <strong>de</strong> la Caraïbe, en rési<strong>de</strong>nce<br />

d’écriture à la Gua<strong>de</strong>loupe, vous convient à cette première session <strong>de</strong> rencontres littéraires.<br />

El<strong>le</strong>s ouvrent la saison du Festival Écritures <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> durant <strong>le</strong>quel se retrouveront en décembre, d’Haïti<br />

à la Gua<strong>de</strong>loupe, <strong>le</strong>s membres du Jury<br />

Vendredi 11 juin I 18 heures 30 / 20 heures<br />

P<strong>le</strong>ine Page présentation : Gilda Gonfier.<br />

Rencontres avec <strong>le</strong> public<br />

Dany Laferrière I Kettly Mars I Jean-Euphè<strong>le</strong> Milcé I Gisè<strong>le</strong><br />

Pineau I Léone Ross I Evelyne Trouillot I Lyonel Trouillot I<br />

Marcio Veloz Maggiolo<br />

Maison du Patrimoine, Basse-Terre.<br />

Mercredi 16 juin I 14 heures 30 / 16 heures 30<br />

Lire aux éclats avec Dany Laferrière<br />

Médiathèque du Gosier.<br />

Vendredi 18 juin I 10 heures / 12 heures<br />

Une traversée littéraire au musée ren<strong>de</strong>z-vous<br />

proposé par Marc Dorcin et Samy Janvier.<br />

Léone Ross I Lyonel Trouillot<br />

Musée Schoelcher, Pointe-à-Pitre.<br />

Vendredi 18 juin I 19 heures / 20 heures 30<br />

L'écrivain rencontre animée par Éric Lefèvre.<br />

Dany Laferrière I Kettly Mars I Jean-Euphè<strong>le</strong> Milcé I Gisè<strong>le</strong><br />

Pineau I Léone Ross I Evelyne Trouillot I Lyonel Trouillot I<br />

Marcio Veloz Maggiolo<br />

Habitation Zevallos, <strong>le</strong> Mou<strong>le</strong>.<br />

Samedi 19 juin I 10 heures / 12 heures<br />

Des écrivains en dédicace<br />

Librairie Jasor, Pointe-à-Pitre.<br />

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Programme <strong>de</strong> la rési<strong>de</strong>nce<br />

Jeudi 10 juin I 14 heures 15 / 16 heures 30<br />

Rencontres privées<br />

Dany Laferrière I Kettly Mars I Jean-Euphè<strong>le</strong> Milcé I Gisè<strong>le</strong><br />

Pineau I Léone Ross I Evelyne Trouillot I Lyonel Trouillot I<br />

Marcio Veloz Maggiolo<br />

Conférence <strong>de</strong> presse Aéroport<br />

Lundi 14 I 09 heures / 11 heures<br />

Rencontre avec Jean-Euphè<strong>le</strong> Milcé, Evelyne Trouillot <strong>de</strong> 9h00-11H00<br />

Centre pénitentiaire Baie Mahault<br />

Mardi 15 I 09 heures / 11 heures<br />

Rencontre en milieu hospitalier avec Lyonel Trouillot <strong>de</strong> 9h00-11H00<br />

Centre hospitalier <strong>de</strong> Monteran – Saint-Clau<strong>de</strong><br />

Lecture avec Dany Laferrière, Kettly Mars <strong>de</strong> 9h00-11H00<br />

Maison d'arrêt Basse Terre<br />

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Liste <strong>de</strong>s ouvrages référencés<br />

ECRIVAINS EN RESIDENCE A LA GUADELOUPE | 7 - 20 JUIN <strong>2010</strong><br />

Livres <strong>de</strong> référence <strong>de</strong>s auteurs invités<br />

Haïti parmi <strong>le</strong>s vivants, Col<strong>le</strong>ctif Éditions Actes Sud, mai <strong>2010</strong><br />

coédition Le Point magazine,<br />

DANY LAFERRIERE<br />

L’énigme du retour, Éditions Grasset, septembre 2009<br />

Tout bouge autour <strong>de</strong> moi, Éditions Mémoire d’encrier, mars <strong>2010</strong><br />

KETTLY MARS<br />

Saisons sauvages, Éditions Mercure <strong>de</strong> France, février <strong>2010</strong><br />

JEAN-EUPHELE MILCE<br />

Un archipel dans mon bain, Éditions Bernard Campiche, juil<strong>le</strong>t 2006<br />

GISELE PINEAU<br />

Folie, al<strong>le</strong>r simp<strong>le</strong>, Éditions Philippe Rey, février <strong>2010</strong><br />

LEONE ROSS<br />

Le sang est toujours rouge, Éditions Actes Sud, avril 2003<br />

Le rire orange, Éditions Actes Sud, août 2001<br />

EVELYNE TROUILLOT<br />

La mémoire aux abois, Éditions Hoëbeke, mai <strong>2010</strong><br />

LYONEL TROUILLOT<br />

Yanvalou pour Charlie, Éditions Actes Sud, août 2009<br />

Haïti, une traversée littéraire, Éditions Philippe Rey, mars <strong>2010</strong>,<br />

en collaboration avec Louis-Philippe Da<strong>le</strong>mbert<br />

MARCIO VELOZ MAGGIOLO<br />

L’homme à l’accordéon, Éditions Anne Carrière, août 2004<br />

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Biographies <strong>de</strong>s écrivains invités<br />

Dany Laferrière<br />

Dany Laferrière, né Windsor Klébert Laferrière est un<br />

intel<strong>le</strong>ctuel, écrivain, et scénariste haïtien vivant au<br />

Canada, né à Port-au-Prince <strong>le</strong> 13 avril 1953.<br />

C'est à Montréal qu'il connaîtra <strong>le</strong> succès en 1985 avec<br />

la publication <strong>de</strong> son premier roman, Comment faire<br />

l'amour avec un nègre sans se fatiguer. Suivront alors<br />

neuf autres romans – cette dizaine <strong>de</strong> romans compose<br />

ce que l'auteur appel<strong>le</strong> « une autobiographie<br />

américaine ».<br />

Plus récemment, l'auteur s'engage dans <strong>le</strong> cinéma. Il<br />

transforme son roman Le Goût <strong>de</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s en<br />

scénario pour <strong>le</strong> film réalisé en 2004 par John L'Écuyer.<br />

En tant que réalisateur, <strong>le</strong> premier film <strong>de</strong> Dany<br />

Laferrière, Comment conquérir l'Amerique en une nuit,<br />

fait croiser ses <strong>de</strong>ux « univers » <strong>de</strong> Montréal et <strong>de</strong> Portau-Prince.<br />

Ce premier long-métrage est primé au Festival <strong>de</strong>s Films<br />

du Mon<strong>de</strong> à Montréal en septembre 2004.<br />

Présent en Haïti lors du tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre du 12<br />

janvier <strong>de</strong>rnier pour <strong>le</strong> festival « Etonnants Voyageurs »<br />

qui <strong>de</strong>vait avoie lieu à Port-au-Prince du 14 au 21 janvier,<br />

Dany Laferrière a été l’un <strong>de</strong>s premiers écrivains à livrer<br />

son témoignage sur la catastrophe.<br />

Il est l’actuel prési<strong>de</strong>nt du prix <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> Insulaires<br />

et <strong>de</strong> la Guyane, et lauréat du <strong>Prix</strong> Médicis 2009.<br />

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Œuvres principa<strong>le</strong>s<br />

Romans et récits :<br />

• Comment faire l'amour avec un nègre sans se<br />

fatiguer. Montréal : VLB, 1985 ; Paris : P. Belfond,<br />

1989 ; J'ai lu, 1990.<br />

• Éroshima. Montréal : VLB, 1987 ; Montréal : Typo,<br />

1998.<br />

• L'O<strong>de</strong>ur du café. (récit) Montréal : VLB, 1991 ;<br />

Montréal : Typo, 1999 ; Paris : Serpent à plumes,<br />

2001.<br />

• Le Goût <strong>de</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s. Montréal : VLB, 1992 ;<br />

Nouvel<strong>le</strong> édition, Montréal : VLB, 2004 ; Paris :<br />

Grasset, 2005.<br />

• Cette Grena<strong>de</strong> dans la main du jeune nègre est-el<strong>le</strong><br />

une arme ou un fruit ? Montréal : VLB, 1993 ; Typo,<br />

2000. Nouvel<strong>le</strong> édition, Paris : Serpent à Plumes,<br />

2002 / Montréal : VLB, 2002.<br />

• Chronique <strong>de</strong> la dérive douce. Montréal : VLB, 1994.<br />

• Pays sans chapeau. Outremont : Lanctôt, 1996 ;<br />

Paris : Serpent à plumes, 1999 ; Monaco : Serpent à<br />

plumes, 2004.<br />

• La Chair du maître. Outremont : Lanctôt, 1997 ;<br />

Paris : Serpent à plumes, 2000.<br />

• Le Charme <strong>de</strong>s après-midi sans fin. (récit)<br />

Outremont : Lanctôt, 1997. Paris : Le Serpent à<br />

plumes, 1998 ; 00h00.com, 1999.<br />

• Le Cri <strong>de</strong>s oiseaux fous. Outremont : Lanctôt, 2000 ;<br />

Paris : Serpent à plumes, 2000.<br />

• Je suis fatigué. Vincennes : Les Librairies Initia<strong>le</strong>s,<br />

2000 ; Outremont : Lanctôt, 2001.<br />

• Vers <strong>le</strong> sud. Paris : Grasset, 2006 ; Montréal :<br />

Boréal, 2006.<br />

• Je suis un écrivain japonais. Paris : Grasset, 2008 ;<br />

Montréal : Boréal, 2008.<br />

• L'énigme du retour. Paris : Grasset, 2009 ;<br />

Montréal : Boréal, 2009.<br />

• Tout bouge autour <strong>de</strong> moi. Montréal : Mémoire<br />

d'encrier, <strong>2010</strong>.<br />

Films :


• Haïti (Québec). Tahani Rached, réalisation. Dany<br />

Laferrière, narration. Office National du Film du<br />

Canada, 1985.<br />

• Comment faire l'amour avec un nègre sans se<br />

fatiguer (How to Make Love to a Negro without<br />

Getting Tired). Jacques W. Benoît, réalisation. Dany<br />

Laferrière, scénario. 1989.<br />

• Le Goût <strong>de</strong>s jeunes fil<strong>le</strong>s (On the Verge of a Fever).<br />

John L'Écuyer, réalisation. Dany Laferrière,<br />

scénario. 2004. Westmount (Québec) : Christal<br />

Films, 2004 (DVD). 88 min.<br />

• Comment conquérir l'Amérique en une nuit. Dany<br />

Laferrière, réalisation et scénario. 2004. Outremont<br />

(Québec) : Lanctôt, 2004 (scénario) ; Montréal :<br />

Équinoxe Films, 2005 (DVD). 96 min.<br />

• Vers <strong>le</strong> Sud (Heading South). Laurent Cantet,<br />

réalisation sur un scénario inspiré par trois nouvel<strong>le</strong>s<br />

<strong>de</strong> Dany Laferrière. 2005. 105 min.<br />

• La dérive douce d'un enfant <strong>de</strong> Petit-Goâve.<br />

Documentaire sur Dany Laferrière réalisé par Pedro<br />

Ruíz. Faits Divers Média, 2009. 90 min.<br />

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<strong>Prix</strong> et distinctions :<br />

Il a reçu <strong>le</strong> Grand <strong>Prix</strong> littéraire international Métropolis<br />

b<strong>le</strong>u en <strong>2010</strong> - <strong>Prix</strong> qui est remis par la Fondation<br />

Métropolis b<strong>le</strong>u <strong>de</strong> Montréal à un écrivain <strong>de</strong> calibre<br />

international et récompense l'ensemb<strong>le</strong> d'une œuvre<br />

pour son apport exceptionnel à la littérature<br />

contemporaine.<br />

- <strong>2010</strong> : Personnalité <strong>de</strong> l'année 2009 La <strong>Presse</strong>/Radio-<br />

Canada<br />

- <strong>Prix</strong> Médicis <strong>de</strong> 2009 pour son roman L'Énigme du<br />

retour.<br />

- 2009 :Grand <strong>Prix</strong> du livre <strong>de</strong> Montréal<br />

Artic<strong>le</strong>s :<br />

http://www.courrierinternational.com/breve/<strong>2010</strong>/01/14/<strong>le</strong>crivain-dany-laferriere-loue-la-solidarite-<strong>de</strong>-la-populationhttp://www.<strong>le</strong>point.fr/actualites-litterature/2009-08-31/<strong>le</strong>nigme-du-retour-laferriere-haiti-monamour/1038/0/372992


Kettly Mars<br />

Kettly Mars, écrivain haïtienne née à Port-au-Prince <strong>le</strong> 03<br />

septembre 1958.<br />

Après <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s classiques, Kettly Mars reçoit une<br />

formation en administration.<br />

Depuis vingt-cinq ans, el<strong>le</strong> travail<strong>le</strong> comme assistante<br />

administrative. Passionnée dès son plus jeune âge <strong>de</strong><br />

<strong>le</strong>cture et <strong>de</strong> poésie, el<strong>le</strong> commence à écrire au début<br />

<strong>de</strong>s années 1990.<br />

C'est par une poésie érotique et passionnée que Kettly<br />

Mars exprime ses premiers élans créateurs.<br />

El<strong>le</strong> passe ensuite à l'écriture <strong>de</strong> la nouvel<strong>le</strong> et reçoit en<br />

1996 <strong>le</strong> premier prix du Concours Jacques-Stephen<br />

A<strong>le</strong>xis <strong>de</strong> la Nouvel<strong>le</strong>.<br />

Cette distinction l'encourage à s'engager davantage dans<br />

la voie littéraire. Poète intimiste, Kettly Mars peint par<br />

petites touches sensuel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s émotions que lui inspirent<br />

l'amour, la beauté <strong>de</strong> la nature, <strong>le</strong>s objets du quotidien.<br />

Dans ses nouvel<strong>le</strong>s, l'auteur haïtien campe avec réalisme<br />

et vivacité <strong>de</strong>s tab<strong>le</strong>aux une société déchirée par ses<br />

profonds antagonismes économiques et politiques. El<strong>le</strong><br />

tente quelques questionnements sur <strong>le</strong>s droits <strong>de</strong>s<br />

femmes, et montre <strong>le</strong> désarroi d'un peup<strong>le</strong> toujours en<br />

quête d'i<strong>de</strong>ntité. Kettly Mars participe éga<strong>le</strong>ment aux<br />

activités culturel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> son pays et est actuel<strong>le</strong>ment<br />

membre du jury du prix littéraire Henri Deschamps.<br />

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Œuvres principa<strong>le</strong>s<br />

Romans :<br />

• Kasalé. Port-au-Prince : Imprimeur II, 2003 ; La<br />

Roque d'Anthéron (France) : Vents d'Ail<strong>le</strong>urs, 2007.<br />

• L'heure hybri<strong>de</strong>. La Roque d'Anthéron : Vents<br />

d'Ail<strong>le</strong>urs, 2005.<br />

• Fado. Paris : Mercure, 2008.<br />

• Saisons sauvages. Paris : Mercure, <strong>2010</strong>.<br />

Roman-feuil<strong>le</strong>ton :<br />

• Kool-Klub. Port-au-Prince : L'Imprimeur II, 2007.<br />

• Kool-Klub, <strong>le</strong> temps <strong>de</strong>s loups. Port-au-Prince :<br />

L'Imprimeur II, 2008.<br />

Nouvel<strong>le</strong>s :<br />

• Un parfum d'encens. Port-au-Prince : Imprimeur II,<br />

1999.<br />

• Mirage-Hôtel. Port-au-Prince : Imprimerie Caraïbe,<br />

2002.<br />

Poésie :<br />

• Feu <strong>de</strong> miel. Port-au-Prince : Imprimeur II, 1997.<br />

• Feu<strong>le</strong>ments et sanglots. Port-au-Prince : Imprimeur<br />

II, 2001.<br />

Artic<strong>le</strong>s :<br />

http ://gangoueus.blogspot.com/<strong>2010</strong>/05/kettly-marssaisons-sauvages.html<br />

http ://www.rfi.fr/contenu/<strong>2010</strong>0309-kettly-mars-liaisonsdangereuses-haiti<br />

http ://www.evene.fr/livres/actualite/interview-kettly-marsheure-hybri<strong>de</strong>-francophonie-haiti-294.php


Jean-Euphe<strong>le</strong> Milcé<br />

Jean-Euphè<strong>le</strong> Milcé naît à Passe-Reine, Gonaïves <strong>le</strong> 14<br />

janvier 1969. Il fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> linguistique appliquée<br />

et <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> l'information à l'Université d'État d'Haïti<br />

et à l'Université <strong>de</strong> Fribourg en Suisse.<br />

Il dirige la Bibliothèque haïtienne <strong>de</strong>s Pères du Saint-<br />

Esprit <strong>de</strong> 1996 à 2000 et la Bibliothèque interculturel<strong>le</strong> <strong>de</strong><br />

Fribourg, en Suisse, <strong>de</strong> 2004 à 2006. Il collabore<br />

éga<strong>le</strong>ment au Département <strong>de</strong> manuscrit et <strong>de</strong> la<br />

Bibliothèque centra<strong>le</strong> <strong>de</strong> l'Université <strong>de</strong> Lausanne.<br />

Son roman, l'Alphabet <strong>de</strong>s nuits, paru en 2004, obtient <strong>le</strong><br />

<strong>Prix</strong> Georges Nico<strong>le</strong> en Suisse et est finaliste du <strong>Prix</strong><br />

Prince Pierre <strong>de</strong> Monaco entre autres. L'univers <strong>de</strong> Jean-<br />

Euphè<strong>le</strong> Milcé est construit autour <strong>de</strong>s drames <strong>de</strong> l'exil et<br />

<strong>de</strong>s incertitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la traversée.<br />

Jean-Euphè<strong>le</strong> Milcé vit actuel<strong>le</strong>ment en Haïti et travail<strong>le</strong><br />

sur <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> mise en place d'infrastructures<br />

culturel<strong>le</strong>s publiques.<br />

Œuvres principa<strong>le</strong>s<br />

Romans :<br />

• L'Alphabet <strong>de</strong>s nuits. Orbe (Suisse) : Campiche,<br />

2004.<br />

• Un Archipel dans mon bain. Orbe : Campiche, 2006.<br />

• Pase m yon Kou Foli, roman créo<strong>le</strong>. Port-au-Prince :<br />

<strong>Presse</strong>s Nationa<strong>le</strong>s d'Haïti, 2008.<br />

Recueil <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s :<br />

• L'envers <strong>de</strong>s rives. Port-au-Prince : <strong>Presse</strong>s<br />

Nationa<strong>le</strong>s d'Haïti, 2007.<br />

Nouvel<strong>le</strong>s parues dans <strong>de</strong>s ouvrages col<strong>le</strong>ctifs :<br />

• « Il p<strong>le</strong>ut l'ail<strong>le</strong>urs ». Nouvel<strong>le</strong> <strong>de</strong> Jean-Euphè<strong>le</strong><br />

Milcé, avec 60 photographies <strong>de</strong> Jean-Pierre<br />

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Grandjean. Magic Haïti. Jouxtens-sur-Mezery :<br />

Éditions Paro<strong>le</strong> d'image, 2004.<br />

• « Et... Dieu créa l'heure ». Écriture Lausanne<br />

(2004).<br />

• « Les maux dans la marge ». Balises (Bruxel<strong>le</strong>s,<br />

2005).<br />

• « Encre <strong>de</strong> mars ». Riveneuve Continents 2<br />

(printemps 2005) : 130-132.<br />

• « Le premier qui chute n'est pas d'ici ». Terra<br />

Cognita (Berne, 2006).<br />

• « Habiter désir ». La Nouvel<strong>le</strong> Revue Française 576<br />

(janvier 2006) : 169-177.<br />

• « Le temps expire dans trois jours ». Six Nouvel<strong>le</strong>s<br />

du Carnaval, textes réunis par Jean-Euphè<strong>le</strong> Milcé.<br />

Port-au-Prince : Page Ailée / Zémès, 2009 : 49-60.<br />

Poésie :<br />

• Jiwèt Van. Port-au-Prince : Pageailée, 1999.<br />

• Louvri tan. Port-au-Prince : <strong>Edition</strong>s <strong>de</strong> l'Î<strong>le</strong> /<br />

Bibliyotèk Nasyonal Ayiti, 1999.<br />

Essais :<br />

• Préservation et diffusion : <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s<br />

incompatib<strong>le</strong>s ? : proposition pour la gestion <strong>de</strong><br />

fonds patrimoniaux en Haïti. Fribourg : <strong>Presse</strong>s <strong>de</strong><br />

l'Université <strong>de</strong> Fribourg, 2003.<br />

• En parallè<strong>le</strong> avec <strong>le</strong> roman : Mise en perspective<br />

<strong>de</strong>s artic<strong>le</strong>s publiés par Bernard Clavel. Lausanne :<br />

Bibliothèque cantona<strong>le</strong> et universitaire, 2003.<br />

• Haïti, Naissance d'une î<strong>le</strong> noire. Lausanne :<br />

Bibliothèque cantona<strong>le</strong> et universitaire, 2004.<br />

Artic<strong>le</strong>s :<br />

http ://www.croix-rouge.fr/Actualite/Haiti-<strong>de</strong>-l-urgence-ala-post-urgence/Contribution-Jean-Euphe<strong>le</strong>-Milce-Haitigenere-aussi-ses-petits-bonheurs-1139<br />

http ://www.<strong>le</strong>courrier.ch/in<strong>de</strong>x.php<br />

?name=NewsPaper&fi<strong>le</strong>=artic<strong>le</strong>&sid=41839


Gisè<strong>le</strong> Pineau<br />

Gisè<strong>le</strong> Pineau est née à Paris en 1956. Ses parents sont<br />

gua<strong>de</strong>loupéens.<br />

Son père a quitté la Gua<strong>de</strong>loupe en 1943, répondant à<br />

l'Appel du 18 juin lancé par <strong>le</strong> Général <strong>de</strong> Gaul<strong>le</strong>.<br />

La grand-mère, Man Ya, sera une figure récurrente <strong>de</strong><br />

l'œuvre <strong>de</strong> Gisè<strong>le</strong> Pineau. On la retrouve dans son récit<br />

L'exil selon Julia et dans son roman <strong>de</strong> jeunesse Un<br />

papillon dans la cité.<br />

La famil<strong>le</strong>, regagne la France avec Man Ya. La France<br />

<strong>de</strong>vient <strong>le</strong> pays <strong>de</strong> l'exil pour Gisè<strong>le</strong> Pineau, exil vécu par<br />

procuration auprès <strong>de</strong> Man Ya qui raconte la<br />

Gua<strong>de</strong>loupe, <strong>le</strong>s contes, <strong>le</strong>s mystères du pays perdu. Le<br />

racisme, l'intolérance et la force <strong>de</strong>s préjugés rencontrés<br />

chaque jour nourriront plus tard l'œuvre <strong>de</strong> Gisè<strong>le</strong> Pineau<br />

qui s'attache, dans son écriture, à mettre en scène <strong>de</strong>s<br />

personnages en but à la vio<strong>le</strong>nce et l'injustice <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> (in : L'Espérance-macadam ; L'Âme prêtée aux<br />

oiseaux).<br />

De 1970 à 1972, la famil<strong>le</strong> vit en Martinique. C'est la<br />

redécouverte d'une culture, d'une langue (<strong>le</strong> créo<strong>le</strong>),<br />

d'une histoire qui apparaîtront dans Femmes <strong>de</strong>s Antil<strong>le</strong>s,<br />

traces et Voix, 150 ans après l'Abolition <strong>de</strong> l'Esclavage.<br />

En 1975, Gisè<strong>le</strong> Pineau qui vient d'obtenir son<br />

baccalauréat, s'inscrit à l'Université <strong>de</strong> Paris X Nanterre.<br />

El<strong>le</strong> suit, pendant <strong>de</strong>ux années, <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Lettres<br />

Mo<strong>de</strong>rnes qu'el<strong>le</strong> abandonne faute d'argent.<br />

El<strong>le</strong> <strong>de</strong>vient infirmière en psychiatrie en 1979, se marie et<br />

repart pour la Gua<strong>de</strong>loupe où el<strong>le</strong> exercera pendant près<br />

<strong>de</strong> vingt ans sa profession au Centre Hospitalier<br />

Psychiatrique <strong>de</strong> Saint-Clau<strong>de</strong>. A l’automne 2000, el<strong>le</strong><br />

repart vivre à Paris. Mais l’appel <strong>de</strong> la Gua<strong>de</strong>loupe<br />

semb<strong>le</strong> plus fort, el<strong>le</strong> retourne dans l’î<strong>le</strong> si chère, où el<strong>le</strong><br />

mène toujours parallè<strong>le</strong>ment à sa carrière d’écrivain cette<br />

profession qui, dit-el<strong>le</strong>, équilibre sa vie.<br />

11 / 46<br />

Œuvres principa<strong>le</strong>s<br />

Romans :<br />

• La Gran<strong>de</strong> Drive <strong>de</strong>s esprits. Paris : Le Serpent à<br />

Plumes, 1993.<br />

• L'Espérance-Macadam. Paris : Stock, 1995.<br />

• L'Exil selon Julia. Paris : Stock, 1996.<br />

• L'Âme prêtée aux oiseaux. Paris : Stock, 1998.<br />

• Chair piment. Paris : Mercure, 2002.<br />

• F<strong>le</strong>ur <strong>de</strong> barbarie. Paris : Mercure, 2005.<br />

• Morne câpresse. Paris : Mercure, 2008.<br />

Récits :<br />

• Mes quatre femmes. Paris : Philippe Rey, 2007.<br />

• Folie, al<strong>le</strong>r simp<strong>le</strong> ; Journée ordinaire d'une<br />

infirmière. Paris : Philippe Rey, <strong>2010</strong>.<br />

Romans pour la jeunesse :<br />

• Un Papillon dans la cité. Paris : Sépia, 1992.<br />

• Le Cyclone Marilyn (illustré par Béatrice Favereau).<br />

Montréal : Hurtubise HMH, 1998 ; Paris : L'Élan<br />

Vert, 1998.<br />

• Caraïbe sur Seine. Paris : Dapper, 1999.<br />

• Case mensonge (illustré par Sylvain Bourrières). Je<br />

Bouquine 206 (avril 2001) ; Je Bouquine 153 (mai<br />

2004) ; Paris : Bayard jeunesse, 2004.<br />

• C'est la règ<strong>le</strong>. Paris : Thierry Magnier, 2002.<br />

• Les Colères du volcan. Paris : Dapper, 2004.<br />

Ouvrages <strong>de</strong> référence :<br />

• Femmes <strong>de</strong>s Antil<strong>le</strong>s ; traces et voix cent cinquante<br />

ans après l'abolition <strong>de</strong> l'esclavage (avec Marie<br />

Abraham). Paris : Stock, 1998.<br />

Nouvel<strong>le</strong>s :<br />

• « Paro<strong>le</strong>s <strong>de</strong> terre en larmes », « Ombres créo<strong>le</strong>s »<br />

et « Léna ». Paro<strong>le</strong>s <strong>de</strong> terre en larmes. Paris :<br />

Hatier, 1987 : 5-20 ; 96-110 ; 112-128.<br />

• « Une antique malédiction ». Le Serpent à plumes,<br />

15 (Printemps 1992) : 37-52.<br />

• « Aimée <strong>de</strong> Bois-Vanil<strong>le</strong> ». Le Serpent à plumes, 28<br />

(1994).<br />

• « Tourment d'amour ». Écrire la « paro<strong>le</strong> <strong>de</strong> nuit » ;<br />

la nouvel<strong>le</strong> littéraire antillaise. Paris : Gallimard<br />

(folio, essais), 1994 : 79-87.<br />

• « Piéça dévorée et pourrie ». Noir <strong>de</strong>s Î<strong>le</strong>s (col<strong>le</strong>ctif).<br />

Paris : Gallimard, 1995 : 159-203.<br />

• « Le ventre <strong>de</strong> Léocadie ». L'Express (octobre<br />

1998).


• « Amélie et <strong>le</strong>s anolis ». Nouvel<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong>.<br />

(Maryse Condé et Lise Gauvin, dir.) Montréal :<br />

L'Hexagone, 1998 : 25-40.<br />

• « Les enchaînés ». Tropiques, revue négro-africaine<br />

<strong>de</strong> littérature et <strong>de</strong> philosophie 61 (2ème semestre<br />

1998). (Dakar).<br />

• « Fichues racines ». Paradis Brisé, nouvel<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s<br />

Caraïbes. Col<strong>le</strong>ction Étonnants Voyageurs. Paris :<br />

Hoëbeke, 2004 : 199-218.<br />

• « Ta mission, Marny ». Nouvel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> Gua<strong>de</strong>loupe.<br />

Paris : Magellan & Cie / Fort-<strong>de</strong>-France : Desnel,<br />

2009 : 11-30.<br />

12 / 46<br />

<strong>Prix</strong> et distinctions littéraires :<br />

• 1994 : Grand <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>le</strong>ctrices d'El<strong>le</strong>, pour La<br />

Gran<strong>de</strong> Drive <strong>de</strong>s esprits.<br />

• 1994 : <strong>Prix</strong> Carbet <strong>de</strong> la Caraïbe, pour La Gran<strong>de</strong><br />

Drive <strong>de</strong>s esprits.<br />

• 1996 : <strong>Prix</strong> du Livre RFO, pour L'Espérance-<br />

Macadam.<br />

• 1996 : <strong>Prix</strong> Terre <strong>de</strong> France, pour L'Exil selon Julia.<br />

• 1997 : <strong>Prix</strong> Rotary, pour L'Exil selon Julia.<br />

• 1998 : <strong>Prix</strong> Amerigo Vespucci, pour L'Âme prêtée<br />

aux oiseaux.<br />

• 2002 : <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s Hémisphères Chantal Lapicque,<br />

pour Chair piment.<br />

• 2006 : <strong>Prix</strong> Littéraire Rosine Perrier, pour F<strong>le</strong>ur <strong>de</strong><br />

barbarie.<br />

Artic<strong>le</strong>s :<br />

http ://www.bibliosurf.com/Mes-quatre-femmes<br />

http ://www.africultures.com/php/in<strong>de</strong>x.php<br />

?nav=artic<strong>le</strong>&no=8063


Léone Ross<br />

Leone Ross est née à Coventry, en Ang<strong>le</strong>terre, 26 juin<br />

1969. Leone a six ans quand sa mère retourne à la<br />

Jamaïque, terre <strong>de</strong> sa naissance. E<strong>le</strong>vée et éduquée en<br />

Jamaïque, el<strong>le</strong> obtient <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures notes du corps<br />

professoral <strong>de</strong> l'Université <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s occi<strong>de</strong>nta<strong>le</strong>s en<br />

1990.<br />

El<strong>le</strong> retourne en Ang<strong>le</strong>terre pour y faire une maîtrise en<br />

journalisme international à l'Université <strong>de</strong> Londres.<br />

Londres où el<strong>le</strong> s’instal<strong>le</strong> et où el<strong>le</strong> vit toujours.<br />

Attachée à la Jamaïque, el<strong>le</strong> dit ne pouvoir imaginer qui<br />

ou quoi que ce soit sans ce lien à la terre : « c’est <strong>le</strong> vrai<br />

sens d’être chez soi. »<br />

Leone a commencé à travail<strong>le</strong>r en tant que journaliste,<br />

quand el<strong>le</strong> avait 15 ans, el<strong>le</strong> écrit <strong>de</strong>s artic<strong>le</strong>s en tant<br />

qu’ indépendant pour diverses ONG en Jamaïque et pour<br />

la Inter Press News Agency.<br />

Son premier travail dans une équipe a été pour <strong>le</strong> journal<br />

The Voice à Londres, où el<strong>le</strong> a fina<strong>le</strong>ment été promue au<br />

gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> rédacteur en chef.<br />

El<strong>le</strong> a contribué à diverses publications, y compris pour<br />

<strong>le</strong>s entreprises comme : Mizz, <strong>le</strong> Sunday Times et <strong>le</strong><br />

magazine féministe Sibyl<strong>le</strong> au Royaume-Uni, et <strong>le</strong><br />

magazine MS aux États-Unis.<br />

13 / 46<br />

El<strong>le</strong> a publié son premier roman en 1996 chez un petit<br />

éditeur indépendant, et a écrit <strong>de</strong>s fictions pour toute une<br />

série d'anthologies publiées aux Etats-Unis, au<br />

Royaume-Uni, en Europe <strong>de</strong> l'Est et au Canada.<br />

Son <strong>de</strong>uxième roman a été publié au Royaume-Uni en<br />

1999 et traduit aux Etats-Unis et en France. Son travail<br />

traite généra<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> la race, la sexualité, <strong>le</strong>s états<br />

modifiés <strong>de</strong> conscience, et <strong>le</strong>s effets <strong>de</strong> l'enfance.<br />

En 2000, Leone a été <strong>le</strong> bénéficiaire d'une bourse du<br />

London Arts Board Writers Award. Aujourd'hui, el<strong>le</strong><br />

enseigne la littérature à l'Institut littéraire <strong>de</strong> la vil<strong>le</strong> <strong>de</strong><br />

Londres et est chargée <strong>de</strong> cours au Trinity Col<strong>le</strong>ge <strong>de</strong><br />

Dublin <strong>de</strong>puis 2001.<br />

El<strong>le</strong> est l’auteur <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux romans, « Le rire orange » et<br />

« Le sang est toujours rouge » parus respectivement en<br />

2001 et 2003 aux <strong>Edition</strong>s Actes Sud.<br />

Artic<strong>le</strong>s :<br />

http ://translate.goog<strong>le</strong>.fr/translate<br />

?hl=fr&langpair=en|fr&u=http<br />

://web.mac.com/<strong>le</strong>onerosswrites/Site/Welcome.html


Evelyne Trouillot<br />

Évelyne Trouillot est née <strong>le</strong> 2 janvier 1954 à Port-au-<br />

Prince (Haïti). Après <strong>le</strong>s étu<strong>de</strong>s secondaires, el<strong>le</strong> part<br />

pour <strong>le</strong>s États-Unis d'Amérique où el<strong>le</strong> fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s<br />

universitaires en langues et en éducation. Depuis son<br />

retour dans son pays en 1987 el<strong>le</strong> vit « à petits pas et à<br />

gran<strong>de</strong>s foulées, avec beaucoup d'humilité et <strong>de</strong><br />

détermination face à une situation souvent chaotique ».<br />

Évelyne Trouillot publie son premier recueil <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s<br />

La chambre interdite en 1996. Depuis, el<strong>le</strong> a publié <strong>de</strong>ux<br />

autres recueils <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s, Islan<strong>de</strong> suivi <strong>de</strong> La mer<br />

entre lait et sang et Par<strong>le</strong>z-moi d'amour ; éga<strong>le</strong>ment,<br />

<strong>de</strong>ux recueils <strong>de</strong> poèmes, Sans Parapluie <strong>de</strong> retour (en<br />

français) et Pli<strong>de</strong>twal (en créo<strong>le</strong>). Pour <strong>le</strong>s jeunes<br />

<strong>le</strong>cteurs, el<strong>le</strong> a écrit <strong>de</strong>s contes et <strong>de</strong>s récits <strong>de</strong> jeunesse.<br />

En 2002, el<strong>le</strong> publie une étu<strong>de</strong> qui présente à la fois un<br />

constat et une plaidoirie sur l'enfance et l'état <strong>de</strong> droit en<br />

Haïti.<br />

Son premier roman, Rosalie l'infâme (Dapper, 2003) se<br />

situe à Saint-Domingue dans <strong>le</strong>s années 1750 et<br />

présente <strong>le</strong>s esclaves comme <strong>de</strong>s individus avec <strong>le</strong>urs<br />

passions, <strong>le</strong>urs faib<strong>le</strong>sses, <strong>le</strong>ur détermination et <strong>le</strong>ur<br />

détresse. Rosalie l'infâme est l'histoire <strong>de</strong> la résistance<br />

au quotidien, racontée du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s femmes,<br />

hommes et enfants qui ont lutté contre l'esclavage <strong>de</strong><br />

manière individuel<strong>le</strong> et col<strong>le</strong>ctive, reflétant dans <strong>le</strong>urs<br />

combats <strong>le</strong> courage et la dignité <strong>de</strong> l'être humain faisant<br />

face à une situation inhumaine.<br />

L'Œil-Totem, <strong>le</strong> <strong>de</strong>uxième roman d'Évelyne Trouillot, est<br />

dédié à sa mère, à sa grand-mère et « à toutes ces<br />

figures <strong>de</strong> femmes, porteuses d'histoires, qui ont nourri<br />

[son] enfance et posé sur [el<strong>le</strong>] <strong>le</strong>ur œil-totem ». Le<br />

roman met en scène une vieil<strong>le</strong> peintre <strong>de</strong> 88 ans, Marie-<br />

Jeanne Thévenot Dorcil, porteuse <strong>de</strong> l'œil-totem, et son<br />

petit-fils Dimitri, revenu <strong>de</strong> la diaspora. Par ses<br />

conversations hebdomadaires avec el<strong>le</strong>, Dimitri construit<br />

la généalogie <strong>de</strong> la famil<strong>le</strong> Thévenot, la mystérieuse<br />

légen<strong>de</strong> d'une jarre enfouie et l'histoire <strong>de</strong> sa grandmère,<br />

dit Madame Karolis.<br />

Le mirador aux étoi<strong>le</strong>s (2007) est un roman qui abor<strong>de</strong><br />

<strong>le</strong>s thèmes <strong>de</strong>s préjugés <strong>de</strong> cou<strong>le</strong>ur et <strong>de</strong> classe qui<br />

perturbent <strong>le</strong>s relations entre <strong>le</strong>s êtres et se cachent sous<br />

<strong>de</strong>s tabous et secrets familiaux. Dans ce roman, on<br />

trouve <strong>de</strong>s clins d'œil à l'histoire : <strong>de</strong>s références à Portau-Prince<br />

sous l'occupation américaine et à certains<br />

actes <strong>de</strong> résistance <strong>de</strong>s citoyens haïtiens face à<br />

l'occupant.<br />

14 / 46<br />

Le premier texte théâtral d'Évelyne Trouillot, Le B<strong>le</strong>u <strong>de</strong><br />

l'î<strong>le</strong>, est primé par ETC Caraïbes et reçoit <strong>le</strong> prix<br />

Beaumarchais <strong>de</strong> la Caraïbe ex aequo en 2005. Il est mis<br />

en <strong>le</strong>cture à Paris, à la Martinique et la Gua<strong>de</strong>loupe. Le<br />

B<strong>le</strong>u <strong>de</strong> l'î<strong>le</strong> est joué à Port-au-Prince en septembre 2009<br />

par la troupe Dram'Art dans <strong>le</strong> cadre du festival théâtral<br />

Quatre chemins. Le B<strong>le</strong>u <strong>de</strong> l'î<strong>le</strong> se base sur une tragédie<br />

survenue en juin 2000 lorsque <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s dominicains<br />

tirent sur une camionnette transportant <strong>de</strong>s Haïtiens<br />

voulant traverser la frontière haitiano-dominicaine ; plus<br />

d'une dizaine d'Haïtiens sont tués.<br />

Évelyne Trouillot partage son temps entre la littérature et<br />

l'éducation et dirige <strong>de</strong>puis 2002 pré-Texte, un bureau <strong>de</strong><br />

production <strong>de</strong> textes.<br />

Œuvres principa<strong>le</strong>s :<br />

Romans :<br />

• Rosalie l'infâme. Paris : Dapper, 2003 ; Port-au-<br />

Prince : <strong>Presse</strong>s Nationa<strong>le</strong>s d'Haïti, 2007.<br />

• L'Œil-Totem. Port-au-Prince : <strong>Presse</strong>s Nationa<strong>le</strong>s<br />

d'Haïti, 2006.<br />

• Le Mirador aux étoi<strong>le</strong>s. Port-au-Prince : L'Imprimeur<br />

II, 2007.<br />

• La mémoire aux abois. Paris : Hoëbeke, <strong>2010</strong>.<br />

Nouvel<strong>le</strong>s :<br />

• La chambre interdite. Paris : L'Harmattan, 1996.<br />

• Islan<strong>de</strong>, suivi <strong>de</strong> La mer, entre lait et sang. Port-au-<br />

Prince : Éditions <strong>de</strong> l'Î<strong>le</strong>, 1998.<br />

• Ma maison en <strong>de</strong>ntel<strong>le</strong> <strong>de</strong> bois, suivi <strong>de</strong> Une<br />

cousine inattendue. Port-au-Prince : Éditions<br />

Mémoire, 1999.<br />

• Par<strong>le</strong>z-moi d'amour... Haiti : Imprimerie Caraïbe,<br />

2002.<br />

Contes et récits pour enfants :<br />

• L'oiseau mirage. Port-au-Prince : Éditions Haïti<br />

Solidarité Internationa<strong>le</strong>, 1997.<br />

• L'î<strong>le</strong> <strong>de</strong> Ti Jean. Illustrations <strong>de</strong> Sophie Mondésir,<br />

avec un CD (interprétation et conception musica<strong>le</strong><br />

Mariann Mathéus) Paris : Dapper, 2004.<br />

• Poésie :<br />

• Sans parapluie <strong>de</strong> retour. Port-au-Prince - 2001.


• Pli<strong>de</strong>twal (en créo<strong>le</strong>). Port-au-Prince : <strong>Presse</strong>s<br />

Nationa<strong>le</strong>s d'Haïti, - 2005.<br />

Théâtre :<br />

• Le B<strong>le</strong>u <strong>de</strong> l'î<strong>le</strong>, 2005, inédit.<br />

• Mise en <strong>le</strong>cture au Théâtre du Rond-Point à Paris<br />

(2005), à la Martinique et en Gua<strong>de</strong>loupe ; mise en<br />

scène par la troupe Dram'Art à Port-au-Prince en<br />

septembre 2009<br />

<strong>Prix</strong> et distinctions littéraires :<br />

15 / 46<br />

• 2004 : <strong>Prix</strong> Soroptimist <strong>de</strong> la Romancière<br />

Francophone (Grenob<strong>le</strong>), pour Rosalie l'infâme.<br />

• 2005 : <strong>Prix</strong> Beaumarchais (ex æquo), pour Le B<strong>le</strong>u<br />

<strong>de</strong> l'î<strong>le</strong>.<br />

Artic<strong>le</strong>s récents :<br />

http://www.<strong>le</strong>nouvelliste.com/artic<strong>le</strong>forprint.php<br />

?PubID=1&Artic<strong>le</strong>ID=53271<br />

http ://www.gens<strong>de</strong>lacaraibe.org/in<strong>de</strong>x.php<br />

?option=com_content&view=artic<strong>le</strong>&id=4358 :lamemoire-aux-aboisou-<strong>le</strong>xpression-tota<strong>le</strong>-<strong>de</strong>-la-memoireevelyne-trouillot&catid=209


Lyonel Trouillot<br />

Professeur <strong>de</strong> littérature et poète, Lyonel Trouillot vit<br />

dans la capita<strong>le</strong> haïtienne et est l'auteur <strong>de</strong> romans<br />

édités par Actes Sud, parmi <strong>le</strong>squels "Rue <strong>de</strong>s pasperdus",<br />

"Thérèse en mil<strong>le</strong> morceaux" ou "Les Enfants<br />

<strong>de</strong>s héros". Si <strong>le</strong> jeune homme, issu d'une famil<strong>le</strong><br />

d'avocats, fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> droit, sa passion pour la<br />

littérature <strong>le</strong> rattrape vite : c'est en tant qu'écrivain qu'il<br />

fera carrière.<br />

La suite <strong>de</strong> son parcours est marquée par ses<br />

collaborations dans différents journaux et revues d'Haïti.<br />

L'écrivain publie éga<strong>le</strong>ment beaucoup <strong>de</strong> poèmes et <strong>de</strong><br />

textes critiques avant <strong>de</strong> se lancer dans l'écriture <strong>de</strong><br />

textes <strong>de</strong> chansons pour <strong>de</strong>s artistes comme Tambou<br />

Libète ou Manno Char<strong>le</strong>magne.<br />

Homme <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> expérience, Lyonel Trouillot est<br />

membre du col<strong>le</strong>ctif <strong>de</strong> la revue Cahiers du vendredi et<br />

codirecteur <strong>de</strong> la col<strong>le</strong>ction portant <strong>le</strong> même nom. Il ne<br />

cesse <strong>de</strong> mettre sa notoriété au service <strong>de</strong> la démocratie<br />

<strong>de</strong> son pays et <strong>de</strong> la résistance face à une dictature<br />

oppressante, comme en témoigne <strong>le</strong> roman<br />

"Bicentenaire", paru en 2006. En publiant<br />

successivement "L'Amour avant que j'oublie", en 2007,<br />

puis "Yanvalou pour Charlie" en 2009.<br />

Lyonel Trouillot témoigne <strong>de</strong> sa capacité à convoquer un<br />

registre intime et sentimental tout en confirmant son<br />

engagement social, une richesse <strong>de</strong> répertoire qui <strong>le</strong><br />

place parmi <strong>le</strong>s auteurs francophones <strong>le</strong>s plus<br />

passionnants <strong>de</strong> sa génération.<br />

16 / 46<br />

Oeuvres principa<strong>le</strong>s<br />

Romans :<br />

• Les Fous <strong>de</strong> Saint-Antoine : traversée rythmique.<br />

(préface par René Philoctète) Port-au-Prince :<br />

<strong>Edition</strong>s Deschamps, 1989.<br />

• Le Livre <strong>de</strong> Marie. Port-au-Prince : <strong>Edition</strong>s<br />

Mémoire, 1993.<br />

• Rue <strong>de</strong>s pas perdus. Port-au-Prince : <strong>Edition</strong>s<br />

Mémoire, 1996 ; Ar<strong>le</strong>s : Actes Sud, 1998.<br />

• Thérèse en mil<strong>le</strong> morceaux. Ar<strong>le</strong>s : Actes Sud,<br />

2000.<br />

• Les Enfants <strong>de</strong>s héros. Ar<strong>le</strong>s : Actes Sud, 2002.<br />

• Bicentenaire. Ar<strong>le</strong>s : Actes Sud, 2004.<br />

• L'Amour avant que j'oublie. Ar<strong>le</strong>s : Actes Sud, 2007 ;<br />

Port-au-Prince : <strong>Presse</strong>s Nationa<strong>le</strong>s d'Haïti, 2007.<br />

• Yanvalou pour Charlie. Ar<strong>le</strong>s : Actes Sud, 2009.<br />

Nouvel<strong>le</strong>s :<br />

• Les dits du fou <strong>de</strong> l'î<strong>le</strong>. Port-au-Prince : <strong>Edition</strong>s <strong>de</strong><br />

l'Î<strong>le</strong>, 1997.<br />

• « Mariéla ». Notre Librairie 143 (janvier-mars 2001) :<br />

140-142.<br />

• « Le Testament du mal <strong>de</strong> mer ». L'Odysée<br />

atlantique, [coffret <strong>de</strong>] 6 nouvel<strong>le</strong>s inspirées par <strong>le</strong><br />

Be<strong>le</strong>m. Ar<strong>le</strong>s : Actes Sud / Fondation Be<strong>le</strong>m, 2002.<br />

Le Testament du mal <strong>de</strong> mer, réédition avec Trois<br />

poètes (poèmes dédiés à René Philoctète, à<br />

Georges Castera et à Syto Cavé). Port-au-Prince :<br />

<strong>Presse</strong>s Nationa<strong>le</strong>s d'Haïti, 2004.<br />

• « Fait-divers sur écran noir ». Paradis Brisé,<br />

nouvel<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s Caraïbes. Col<strong>le</strong>ction Étonnants<br />

Voyageurs. Paris : Hoëbeke, 2004 : 219-229.<br />

• « Yanvalou ». Nouvel<strong>le</strong>s d'Haïti (Col<strong>le</strong>ctif). Paris :<br />

Magellan & Cie, 2007 : 57-67.<br />

Récits :<br />

• Lettres <strong>de</strong> loin en loin, une correspondance<br />

haïtienne (avec Sophie Boutaud <strong>de</strong> La Combe).<br />

Paris : Acte Sud, 2008.<br />

Poésie (en français) :<br />

• La petite fil<strong>le</strong> au regard d'î<strong>le</strong>. Port-au-Prince :<br />

Éditions Mémoire, 1994.<br />

• « menm zwazo a mouri <strong>le</strong>vi... » (« <strong>le</strong> même oiseau<br />

meurt et renaît... »). Conjonction 195 (juil<strong>le</strong>tseptembre<br />

1992) : 54-5 ; repris dans Notre Librairie<br />

133 (janvier-avril 1998) : 5.<br />

• Éloge <strong>de</strong> la contemplation, suivi <strong>de</strong> Les dits du fou<br />

<strong>de</strong> l'î<strong>le</strong> et Ren<strong>de</strong>z-vous. Paris : Riveneuve, 2009.


Pwezi (an kreyòl) :<br />

• Depa<strong>le</strong>. (en collaboration avec Pierre Richard<br />

Narcisse) Port-au-Prince : <strong>Edition</strong>s <strong>de</strong> l'Association<br />

<strong>de</strong>s écrivains haïtiens, 1979.<br />

• Zanj nan dlo. Port-au-Prince : <strong>Edition</strong>s Mémoire,<br />

1995.<br />

Artic<strong>le</strong>s choisis :<br />

• « Haïti 90 : l'esthétique du délabrement ». Notre<br />

Librairie 133 (janvier-avril 1998) : 22-25.<br />

• « Patrimoine littéraire, connais pas ! ». Conjonction<br />

206 (2001) : 5-7.<br />

• « Je porte l'î<strong>le</strong> en moi comme la langue l'oxymore ».<br />

Notre Librairie 143 (janvier-mars 2001).<br />

• « Langues, voyages et archipels ». Pour une<br />

littérature-mon<strong>de</strong>, sous la direction <strong>de</strong> Michel Le Bris<br />

et Jean Rouaud. Paris : Gallimard, 2007 : 197-204.<br />

• « Jacques Roumain : mon Bogart <strong>de</strong> gauche ». Mon<br />

Roumain à moi. Port-au-Prince : <strong>Presse</strong>s Nationa<strong>le</strong>s<br />

d'Haïti, 2007 : 173-82.<br />

• « Bonjour mon frère » (poème). Une journée<br />

haïtienne, textes réunis par Thomas C. Spear.<br />

Montréal : Mémoire d'encrier / Paris : Présence<br />

africaine, 2007 : 185-189.<br />

• « Du Québec et <strong>de</strong> la littérature... ». Riveneuve<br />

Continents 6 (août 2008) : 203-207.<br />

• De nombreux artic<strong>le</strong>s dans Le Matin (voir <strong>le</strong> site du<br />

quotidien dans <strong>le</strong>s liens ci-<strong>de</strong>ssous).<br />

17 / 46<br />

Textes <strong>de</strong> Lyonel Trouillot enregistrés et mis en<br />

musique :<br />

• « Se pa fòt mwen » et « Pòtoprens ap graje fresko<br />

», textes <strong>de</strong> Lyonel Trouillot mis en musique et<br />

interprétés par Wooly Saint Louis Jean sur son<br />

disque Quand la paro<strong>le</strong> se fait chanson, Port-au-<br />

Prince : Productions Batofou, 2005.<br />

• « Wout », poème <strong>de</strong> Lyonel Trouillot dit par Pierre<br />

Brisson sur son disque À voix basse (volume 2).<br />

Port-au-Prince : Pierre J. Brisson, 2006.<br />

<strong>Prix</strong> et distinctions littéraires :<br />

• 2002 : <strong>Prix</strong> Gouverneur <strong>de</strong> la Rosée du Livre et <strong>de</strong><br />

la Littérature, Ministère <strong>de</strong> la Culture, Haïti, pour «<br />

Les Vendredis Littéraires ».<br />

• 2005 : <strong>Prix</strong> TSR du roman (Télévision Suisse<br />

Roman<strong>de</strong>), pour Bicentenaire.<br />

• 2005 : <strong>Prix</strong> Louis-Guilloux, pour Bicentenaire.<br />

• 2006 : <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires et <strong>de</strong> la<br />

Guyane (ex æquo), pour Bicentenaire.<br />

• 2009 : <strong>Prix</strong> Wep<strong>le</strong>r-Fondation La Poste, pour<br />

Yanvalou pour Charlie.<br />

Artic<strong>le</strong>s :<br />

http ://www.evene.fr/livres/actualite/haiti-lyonel-trouillotetonnants-voyageurs-tremb<strong>le</strong>ment-terre-2723.php<br />

http<br />

://homepage.mac.com/chemla/fic_doc/trouillot01.html


Marcio Veloz Maggiolo<br />

Essayiste, conteur, romancier, poète, dramaturge et<br />

journaliste, Mario Veloz Maggiolo est reconnu comme <strong>le</strong><br />

plus grand auteur dominicain contemporain. En 1996, il a<br />

reçu <strong>le</strong> <strong>Prix</strong> national <strong>de</strong> littérature pour l'ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> son<br />

oeuvre. En France, on <strong>le</strong> découvre avec "L'homme à<br />

l'accordéon", en 2004, son premier roman traduit en<br />

français.<br />

C'est aussi un spécialiste en sciences-humaines. Après<br />

<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>le</strong>ttres, <strong>de</strong> philosophie, d'histoire,<br />

d'anthropologie et d'archéologie, il <strong>de</strong>vient professeur<br />

d'ethnologie, et d'anthropologie à l'université autonome<br />

<strong>de</strong> Saint-Domingue.<br />

Œuvres principa<strong>le</strong>s<br />

• 1957 : Le so<strong>le</strong>il et <strong>le</strong>s choses<br />

• 1960 : The Good Thief<br />

• 1961 : Créon et six histoires<br />

• 1962 : Le fugitif<br />

• 1965 : La vie n'a pas <strong>de</strong> nom<br />

• 1966 : Anges <strong>de</strong> pierre<br />

• 1969 : Culture, <strong>le</strong> théâtre et <strong>le</strong>s histoires <strong>de</strong> Saint-<br />

Domingue<br />

• 1975 : A partir d'avril<br />

• 1977 : Culture dominicaine propos<br />

18 / 46<br />

• 1978 : Où avez <strong>le</strong> peup<strong>le</strong><br />

• 1980 : Sur la culture et la politique culturel<strong>le</strong> en<br />

République dominicaine<br />

• 1981 : La réunion mot<br />

• 1986 : Descendre <strong>le</strong> masque<br />

• 1986 : Florbella<br />

• 1986 : Histoires, raconte et casicuentos<br />

• 1986 : La poésie dans la fabrication et <strong>le</strong> retour à la<br />

Paro<strong>le</strong><br />

• 1993 : Le chef était pieds nus Intus (<strong>Prix</strong> National <strong>de</strong><br />

Poésie 1962)<br />

<strong>Prix</strong> et distinctions littéraires :<br />

• Judas - The Good Thief (Premio Nacional <strong>de</strong> Novela<br />

1962)<br />

• 1996 : Trujillo, Francisca Villa et Ghosts<br />

• Biographie Castañeda (Premio Nacional <strong>de</strong> Novela<br />

1981)<br />

• L'agonie <strong>de</strong> l'amour ferti<strong>le</strong> (National Short Story<br />

Award 1981)<br />

• Matières premières (prix annuel pour <strong>le</strong> roman<br />

1990)<br />

• Rites <strong>de</strong> cabaret (<strong>Prix</strong> annuel pour <strong>le</strong> roman 1992)<br />

Artic<strong>le</strong>s :<br />

http ://www.culturessud.com/contenu.php ?id=182


Retour sur <strong>le</strong>s débuts<br />

Bilan <strong>de</strong> l’édition 2008<br />

Fondé en juin 2000, à Saint-François, à l’initiative <strong>de</strong> l’écrivain Maryse Condé et <strong>de</strong> l’industriel, Amédée<br />

Huyghues Despointes, <strong>le</strong> <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires - prix Amédée Huyghues Hespointes - cherche<br />

à faire écho à l’imaginaire romanesque du grand bassin caribéen et à susciter auprès d’un large public<br />

<strong>le</strong> goût <strong>de</strong>s mots et <strong>de</strong>s histoires.<br />

Au cours d’une semaine <strong>de</strong> rencontres et <strong>de</strong> <strong>le</strong>ctures publiques, auxquel<strong>le</strong>s participent <strong>le</strong> jury, <strong>le</strong>s<br />

auteurs invités et <strong>le</strong>s écrivains en sé<strong>le</strong>ction, cette manifestation littéraire bienna<strong>le</strong>, centrée sur<br />

l’attribution d’un prix et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux bourses d’écriture décernés à la Gua<strong>de</strong>loupe, apporte sa contribution à<br />

la connaissance et à la diffusion <strong>de</strong>s œuvres.<br />

Depuis la première édition dont <strong>le</strong>s auteurs invités, notamment Edwige Danticat, témoignaient <strong>de</strong> son<br />

ancrage dans <strong>le</strong>s zones francophone, hispanophone et anglophone <strong>de</strong> la Caraïbe, <strong>le</strong> <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s<br />

<strong>Amériques</strong> insulaires affermit aussi sa vocation d’ouverture aux écritures du mon<strong>de</strong>.<br />

Après avoir reçu en juin 2002 Zadie Smith, l’édition 2004 a permis <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce la vitalité<br />

littéraire <strong>de</strong> l’océan indien grâce à la présence <strong>de</strong> Jean-Marie Gustave <strong>le</strong> Clézio, aujourd’hui membre du<br />

jury du <strong>Prix</strong>.<br />

La venue, lors <strong>de</strong> l’édition 2006, d’Alain Mabanckou, <strong>de</strong>venu éga<strong>le</strong>ment membre du jury, et <strong>de</strong> Yasmina<br />

Khadra a, pour sa part apporté un éclairage particulier aux productions du Maghreb et <strong>de</strong> l’Afrique.<br />

Bilan d’activité <strong>de</strong> l’édition 2008<br />

La cinquième édition du <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires qui s’est déroulée du 20 au 28 juin 2008, avait<br />

pour invités l’auteur dramatique et comédien Jean-René Lemoine, <strong>le</strong> romancier Pedro Pérez Sarduy.<br />

Pour conforter sa présence dans l’espace caribéen, el<strong>le</strong> a inauguré un nouveau passage au cœur d’un<br />

autre territoire <strong>de</strong> la Caraïbe.<br />

Sous l’égi<strong>de</strong> du Prési<strong>de</strong>nt du Jury Dany Laferrière, Alain Mabanckou, Gisè<strong>le</strong> Pineau, Michel Reinette, et<br />

certains <strong>de</strong>s écrivains en sé<strong>le</strong>ction dont Zoé Valdès, ont participé - du 20 au 22 juin- avec Yanick<br />

Lahens, Emmelie Prophète et Gary Victor à <strong>de</strong>s échanges organisés par <strong>le</strong> Ministère <strong>de</strong> la Culture<br />

d’Haïti et l’institut français <strong>de</strong> Port-au-Prince.<br />

D’autres auteurs tels Bonel Auguste, Duccha Charitab<strong>le</strong>, Pierre Clitandre, Kerline Devise et Clau<strong>de</strong><br />

Pierre <strong>le</strong>s ont accompagnés dans <strong>le</strong>s ren<strong>de</strong>z-vous programmés à Port-au-Prince et en province.<br />

À l’instar <strong>de</strong>s éditions précé<strong>de</strong>ntes, l’organisation en Gua<strong>de</strong>loupe - en juin 2008- <strong>de</strong> conférences et <strong>de</strong><br />

débats a offert, jusqu’à la désignation du lauréat, entre tous <strong>le</strong>s acteurs <strong>de</strong> la manifestation, <strong>le</strong>s<br />

personnalités invitées et <strong>le</strong>s écrivains nominés : Pedro Juan Gutiérrez, Mayra Montero et Zoé Valdès <strong>de</strong><br />

nombreuses occasions <strong>de</strong> partage au gré d’un ca<strong>le</strong>ndrier conçu pour inviter <strong>le</strong> public à la plus large<br />

participation et à une véritab<strong>le</strong> intimité avec <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’écriture.<br />

19 / 46


Une Après-midi au Fort, organisée en partenariat avec la Médiathèque Caraïbe et la librairie Jasor a<br />

retrouvé, par l’animation <strong>de</strong> séances <strong>de</strong> signatures et <strong>de</strong> <strong>le</strong>ctures, sa place d’excel<strong>le</strong>nce au centre <strong>de</strong><br />

cette saison littéraire et s’est enrichie d’un concert et <strong>de</strong> la projection du film <strong>de</strong> Philippe Bérenger :<br />

Cahier d’un retour au pays natal.<br />

Un nouveau ren<strong>de</strong>z-vous au théâtre <strong>de</strong> verdure du Lamentin : Jardin <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> a offert au public la<br />

mise en <strong>le</strong>cture du texte Cambridge <strong>de</strong> Caryl Philipps par <strong>le</strong> comédien Jean-René Lemoine, précédée<br />

d’une performance musica<strong>le</strong>.<br />

Le jury, présidé par Dany Laferrière, était composé <strong>de</strong> :<br />

Alain Mabanckou | Eduardo Manet | Daniel Picouly | Gisè<strong>le</strong> Pineau | Simone Schwartz-Bart<br />

| Philippe Val<strong>le</strong>t.<br />

Les écrivains et personnalités invités étaient :<br />

Jean-René Lemoine | Michel Reinette | Pedro Pérez Sarduy | Yanick Lahens | Emmelie<br />

Prophète | Gary Victor<br />

Bonel Auguste | Duccha Charitab<strong>le</strong> | Pierre Clitandre | Kerline Devise | Clau<strong>de</strong>l Pierre .<br />

Parmi <strong>le</strong>s trois auteurs nominés : Pedro Juan Gutiérrez, Mayra Montero et Zoé Valdès, <strong>le</strong> jury a décidé<br />

<strong>de</strong> récompenser Pedro Juan Gutiérrez pour son roman Le nid du serpent publié en août 2007 aux<br />

éditions Albin Michel.<br />

Il a salué l’écriture crue et provocante <strong>de</strong> l’auteur, une voix nouvel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la littérature cubaine où<br />

s’expriment <strong>le</strong>s rages d’un jeune homme contre la pauvreté et <strong>le</strong>s désordres d’une société.<br />

Deux bourses d’écriture ont été décernées à Mayra Montero et Zoé Valdès respectivement pour La<br />

Havane, 1957 publié aux éditions Gallimard en octobre 2007, un livre dans <strong>le</strong>quel la romancière<br />

réinvente <strong>le</strong>s cabarets, <strong>le</strong>s grands hôtels, <strong>le</strong> zoo et la mafia dans <strong>le</strong> Cuba d’avant Castro et, pour<br />

L’éternité <strong>de</strong> l’instant publié aux éditions Gallimard en mars 2007, un roman d’un genre nouveau,<br />

comme un retour aux sources, aux origines chinoises <strong>de</strong> son auteur.<br />

Le résultat du vote du jury qui a délibéré à la Gua<strong>de</strong>loupe a été annoncé par Patrick Poivre d’Arvor,<br />

retenu à Paris, dans <strong>le</strong> cadre d’une visioconférence.<br />

Objectifs<br />

Pour la cinquième édition, l’objectif du projet a été reconduit, à savoir : proposer à la Gua<strong>de</strong>loupe une<br />

manifestation littéraire d’envergure et contribuer ainsi au rayonnement culturel <strong>de</strong> la région. En se<br />

plaçant ainsi au carrefour <strong>de</strong>s écritures <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires, l’archipel s’attache à <strong>de</strong>venir, l’espace<br />

d’une saison littéraire, <strong>le</strong> lieu <strong>de</strong> résonance <strong>de</strong> multip<strong>le</strong>s imaginaires.<br />

Une itinérance au cœur <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires s’est conjuguée à cet objectif initial par un ancrage<br />

enthousiasmant en Haïti. Ainsi l’édition 2008 a t-el<strong>le</strong> confirmé sa volonté <strong>de</strong> dialogue et <strong>de</strong> fraternité<br />

avec d’autres î<strong>le</strong>s <strong>de</strong> la Caraïbe.<br />

20 / 46


Contenus<br />

L’attribution du <strong>Prix</strong>, au terme d’une session d’animations littéraires a convié <strong>le</strong> public à rencontrer un<br />

large plateau d’écrivains.<br />

De la conférence inaugura<strong>le</strong> : Je suis un écrivain japonais présentée par Dany Laferrière à la rési<strong>de</strong>nce<br />

départementa<strong>le</strong>, à la désignation <strong>de</strong>s lauréats, <strong>de</strong> nombreux ren<strong>de</strong>z-vous ont permis aux <strong>le</strong>cteurs d’être,<br />

dans la liberté <strong>de</strong>s débats, au contact <strong>de</strong>s écrivains et <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs œuvres.<br />

Un programme, largement diffusé, indiquait <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>s ron<strong>de</strong>s, entretiens, conférences et dédicaces<br />

proposés dans <strong>le</strong>s nombreux lieux <strong>de</strong> <strong>le</strong>cture publique qui ont accueilli <strong>le</strong>s échanges.<br />

La réception en Haïti et en Gua<strong>de</strong>loupe <strong>de</strong>s écrivains <strong>de</strong>s Caraïbes insulaires et <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>s auteurs<br />

invités a mobilisé en retour la contribution <strong>de</strong>s <strong>le</strong>cteurs, <strong>de</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels et <strong>de</strong> la presse.<br />

Outre ces échanges qui manifestent la volonté d’associer au plus prés <strong>le</strong> public à la connaissance <strong>de</strong>s<br />

œuvres en compétition, et plus particulièrement à cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s trois nominés présents au long <strong>de</strong> la<br />

semaine <strong>de</strong> rencontres, la diffusion d’un livret a assuré l’impact littéraire <strong>de</strong> la manifestation et laissé<br />

une trace durab<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’engagement et <strong>de</strong> l’adhésion <strong>de</strong>s partenaires.<br />

Le Comité <strong>de</strong> pilotage, constitué notamment d’une directrice <strong>de</strong> Médiathèque, d’un professeur <strong>de</strong><br />

collège, d’un professeur <strong>de</strong>s éco<strong>le</strong>s et d’un journaliste, a été partie prenante <strong>de</strong> l’opération et s’est<br />

impliqué, dans <strong>le</strong>s secteurs respectifs d’intervention <strong>de</strong> ses différents membres, avant, pendant et après<br />

la manifestation.<br />

En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s partenaires institutionnels, qui répon<strong>de</strong>nt très généreusement au projet <strong>de</strong> la<br />

manifestation, <strong>le</strong>s déci<strong>de</strong>urs du mon<strong>de</strong> économique et culturel ont été sollicités sur <strong>le</strong> plan financier et<br />

organisationnel.<br />

La sucrerie Gar<strong>de</strong>l avec laquel<strong>le</strong> l’entreprise Siagat, qui initie et assure l’organisation <strong>de</strong> la<br />

manifestation, entretient <strong>de</strong>s liens historiques, a confirmé l’attribution <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux bourses d’écriture qui<br />

permettent <strong>de</strong> pérenniser ainsi un chal<strong>le</strong>nge intéressant.<br />

Une priorité a été donnée à la recherche <strong>de</strong> fonds privés auprès <strong>de</strong>s acteurs économiques <strong>de</strong> la<br />

Gua<strong>de</strong>loupe, qui ont répondu à hauteur <strong>de</strong> 51 000 €, soit près <strong>de</strong> 40 % du budget réalisé.<br />

Les relations privilégiées établies pendant la manifestation permettent d’espérer <strong>le</strong>s voir renouve<strong>le</strong>r <strong>le</strong>ur<br />

partenariat dans <strong>le</strong> cadre <strong>de</strong>s prochaines éditions du <strong>Prix</strong> et <strong>le</strong> rayonnement <strong>de</strong>s manifestations<br />

littéraires, <strong>de</strong> motiver <strong>de</strong> nouveaux sponsors d’autant que la distinction <strong>de</strong> Jean-Marie <strong>le</strong> Clézio,<br />

membre du jury du <strong>Prix</strong>, retenu cette année en Corée mais présent au travers d’un long message<br />

adressé au public, ajoute <strong>le</strong> prestige du prix Nobel <strong>de</strong> littérature à la manifestation.<br />

Public et médiatisation<br />

L’édition <strong>de</strong> supports <strong>de</strong> communication variés a permis <strong>de</strong> donner une large visibilité à la manifestation,<br />

relayée quotidiennement par une campagne <strong>de</strong> promotion radiophonique financée par <strong>le</strong> Conseil<br />

Général et la librairie Jasor.<br />

Certains <strong>de</strong> ces supports ont été diffusés en amont, notamment <strong>le</strong>s dossiers <strong>de</strong> presse, programmes,<br />

affiches et communiqués.<br />

Pour ce qui concerne <strong>le</strong>s livrets, ils ont été distribués gratuitement pendant la manifestation et laissés à<br />

la disposition <strong>de</strong>s <strong>le</strong>cteurs <strong>de</strong>s médiathèques et bibliothèques d’Haïti et <strong>de</strong> la Gua<strong>de</strong>loupe. Des roll-up<br />

ont assuré la permanence du visuel du <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires dans <strong>le</strong>s différents lieux <strong>de</strong><br />

rencontre.<br />

21 / 46


Grâce au recrutement d’une attachée <strong>de</strong> presse et à la présence d’une stagiaire <strong>de</strong> l’EFAP, la mise en<br />

place et <strong>le</strong> suivi d’un média-planning, orienté vers <strong>le</strong>s émissions <strong>de</strong> proximité en radio et en télévision a<br />

permis aux écrivains <strong>de</strong> se faire connaître du grand public. La conférence du Prési<strong>de</strong>nt du Jury a<br />

notamment été diffusée dans son intégralité sur une chaîne régiona<strong>le</strong>.<br />

Ce public, particulièrement nombreux lors d’un grand ren<strong>de</strong>z-vous comme Une Après-Midi au Fort a<br />

montré ses capacités d’intervention et d’échanges et prouvé l’impact <strong>de</strong> la manifestation sur la scène<br />

culturel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Gua<strong>de</strong>loupe.<br />

Le Prési<strong>de</strong>nt, <strong>le</strong>s membres du jury, <strong>le</strong>s auteurs nominés, <strong>le</strong>s personnalités et <strong>le</strong>s écrivains invités ont<br />

rencontré <strong>de</strong> nombreux <strong>le</strong>cteurs en Haïti dans différents lieux comme la Fokal, l’Institut français <strong>de</strong> Portau-Prince,<br />

<strong>le</strong>s bibliothèques <strong>de</strong> province, en Gua<strong>de</strong>loupe dans <strong>le</strong>s médiathèques, <strong>le</strong> Fort F<strong>le</strong>ur d’Épée<br />

du Gosier ou <strong>le</strong> théâtre <strong>de</strong> Verdure du Lamentin.<br />

L’itinérance en Haïti avait ouvert un champ prometteur <strong>de</strong> relations, cristallisées par la création du<br />

concours Écrivains, nouvel<strong>le</strong> génération. El<strong>le</strong>s <strong>de</strong>vaient s’enrichir <strong>de</strong> nouveaux partages avec la<br />

Caraïbe littéraire anglophone et hispanophone notamment, dans <strong>le</strong> cadre <strong>de</strong> l’esca<strong>le</strong> prévue à Saint-<br />

Domingue en juin <strong>2010</strong>.<br />

Mais, après <strong>le</strong> séisme du 12 janvier, <strong>le</strong> Festival Écritures <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> est sommé <strong>de</strong> modifier son<br />

rythme et sa trajectoire pour suivre <strong>le</strong> sillage <strong>de</strong>s écrivains qui, au milieu <strong>de</strong>s ruines, ont témoigné du<br />

pouvoir <strong>de</strong> la littérature pour dire Haïti à la face du mon<strong>de</strong>. Une première séquence <strong>de</strong> la manifestation<br />

aura lieu en juin, à la Gua<strong>de</strong>loupe, sous la forme d’une rési<strong>de</strong>nce d’auteurs haïtiens, favorab<strong>le</strong> à<br />

l’écriture autant qu’aux ren<strong>de</strong>z-vous avec <strong>le</strong>s <strong>le</strong>cteurs.<br />

La secon<strong>de</strong>, initiée en novembre par la tenue du concours Écrivains, nouvel<strong>le</strong> génération prolongera, <strong>le</strong><br />

dialogue et <strong>le</strong>s échanges entre nos <strong>de</strong>ux pays, à travers <strong>le</strong>s différentes variations du programme<br />

littéraire.<br />

22 / 46


Annexes<br />

Témoignages recueillis suite au séisme survenu en Haïti <strong>le</strong> 12 janvier <strong>2010</strong><br />

Suite au séisme <strong>de</strong> janvier <strong>2010</strong> qui a touché Haïti ; <strong>le</strong>s auteurs <strong>de</strong> l’î<strong>le</strong> et <strong>de</strong> Gua<strong>de</strong>loupe témoignent et<br />

donnent <strong>le</strong>urs sentiments sur cet évènement.<br />

Haïti : <strong>le</strong> témoignage <strong>de</strong> Dany Laferrière<br />

Romancier récompensé à l'automne 2009 par <strong>le</strong> prix Médicis pour L'Enigme du retour (Grasset), Dany Laferrière faisait<br />

partie <strong>de</strong>s écrivains invités au festival Etonnants Voyageurs en Haïti, qui <strong>de</strong>vait avoir lieu à Port-au-Prince du 14 au 21<br />

janvier. Après plusieurs jours passés dans la capita<strong>le</strong> haïtienne, <strong>de</strong> retour à Montréal, où il rési<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> longues années,<br />

il nous a accordé, vendredi 15 janvier, un entretien.<br />

Où étiez-vous lorsque <strong>le</strong> séisme s'est produit ?<br />

J'étais à l'Hôtel Karibé, qui se situe à Pétionvil<strong>le</strong>, en<br />

compagnie <strong>de</strong> l'éditeur Rodney Saint-Eloi. Il venait juste<br />

d'arriver et voulait al<strong>le</strong>r dans sa chambre. Comme j'avais<br />

faim, je l'ai entraîné au restaurant et cela l'a peut-être<br />

sauvé… Nous étions donc en train <strong>de</strong> dîner lorsque nous<br />

avons entendu un bruit très fort. Dans un premier temps,<br />

j'ai pensé que c'était une explosion qui venait <strong>de</strong>s<br />

cuisines, puis ensuite j'ai compris qu'il s'agissait d'un<br />

tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre. Je suis aussitôt sorti dans la cour<br />

et me suis couché par terre. Il y a eu soixante secon<strong>de</strong>s<br />

interminab<strong>le</strong>s où j'ai eu l'impression que ça allait non<br />

seu<strong>le</strong>ment jamais finir, mais que <strong>le</strong> sol pouvait s'ouvrir.<br />

C'est énorme. On a <strong>le</strong> sentiment que la terre <strong>de</strong>vient une<br />

feuil<strong>le</strong> <strong>de</strong> papier. Il n'y plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsité, vous ne sentez<br />

plus rien, <strong>le</strong> sol est tota<strong>le</strong>ment mou.<br />

Et après ces soixante secon<strong>de</strong>s ?<br />

Nous nous sommes re<strong>le</strong>vés et nous nous sommes<br />

dit qu'il fallait s'éloigner <strong>de</strong> l'hôtel, qui est un<br />

bâtiment assez haut, donc peu sûr. Nous sommes alors<br />

<strong>de</strong>scendus vers <strong>le</strong> terrain <strong>de</strong> tennis, où tout <strong>le</strong> mon<strong>de</strong><br />

s'est regroupé. Deux ou trois minutes plus tard, nous<br />

avons commencé à entendre <strong>de</strong>s cris… Près <strong>de</strong> l'hôtel,<br />

où il n'y avait que peu <strong>de</strong> dégâts, il y a, dans la cour, <strong>de</strong><br />

23 / 46<br />

petits immeub<strong>le</strong>s où <strong>le</strong>s gens vivent à l'année. Tous<br />

étaient effondrés. On a dénombré neuf morts. Alors qu'on<br />

redoutait d'autres secousses, <strong>de</strong>s personnes se sont<br />

<strong>le</strong>vées pour commencer à porter secours.<br />

Un énorme si<strong>le</strong>nce est tombé sur la vil<strong>le</strong>. Personne ne<br />

bougeait ou presque. Chacun essayait d'imaginer où<br />

pouvaient se trouver ses proches. Car lorsque <strong>le</strong> séisme<br />

s'est produit, mardi 12 janvier, Port-au-Prince était en<br />

p<strong>le</strong>in mouvement. A 16heures, <strong>le</strong>s élèves traînent encore<br />

après <strong>le</strong>s cours. C'est <strong>le</strong> moment où <strong>le</strong>s gens font <strong>le</strong>urs<br />

<strong>de</strong>rnières courses avant <strong>de</strong> rentrer et où il y a <strong>de</strong>s<br />

embouteillages. Une heure d'éclatement total <strong>de</strong> la<br />

société, d'éparpil<strong>le</strong>ment. Entre 15 et 16heures, vous<br />

savez où se trouvent vos proches mais pas à 16h50.<br />

L'angoisse était tota<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> a créé un si<strong>le</strong>nce étourdissant<br />

qui a duré <strong>de</strong>s heures. Ensuite, on a commencé à<br />

rechercher <strong>le</strong>s gens. Nous sommes retournés à l'hôtel et,<br />

grâce à la radio américaine et au bouche-à-oreil<strong>le</strong>, on a<br />

appris que <strong>le</strong> palais prési<strong>de</strong>ntiel s'était effondré mais que<br />

<strong>le</strong> prési<strong>de</strong>nt Préval était sauf. Mais personne autour <strong>de</strong><br />

nous n'avait <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> sa famil<strong>le</strong>.<br />

Comment en avez-vous eu ?<br />

Grâce à mon ami, <strong>le</strong> romancier Lyonel Trouillot,<br />

admirab<strong>le</strong>. Bien qu'il ait <strong>de</strong>s difficultés pour marcher, il est<br />

venu à pied jusqu'à l'hôtel. Nous étions sur <strong>le</strong> terrain <strong>de</strong>


tennis, il ne nous a pas vus. Il est revenu <strong>le</strong> <strong>le</strong>n<strong>de</strong>main en<br />

voiture pour m'emmener chez ma mère. Après quoi, nous<br />

sommes passés voir <strong>le</strong> grand Frankétienne [dramaturge<br />

et écrivain], qui avait sa maison fissurée et qui était en<br />

larmes. Juste avant <strong>le</strong> séisme, il répétait <strong>le</strong> solo d'une <strong>de</strong><br />

ses pièces <strong>de</strong> théâtre qui évoque un tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong><br />

terre à Port-au-Prince. Il m'a dit: "On ne peut plus jouer<br />

cette pièce."<br />

Je lui ai répondu: "Ne laisse pas tomber, c'est la culture<br />

qui nous sauvera. Fais ce que tu sais faire." Ce<br />

tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre est un événement tragique, mais la<br />

culture, c'est ce qui structure ce pays. Je l'ai incité à sortir<br />

en lui disant que <strong>le</strong>s gens avaient besoin <strong>de</strong> <strong>le</strong> voir.<br />

Lorsque <strong>le</strong>s repères physiques tombent, il reste <strong>le</strong>s<br />

repères humains. Frankétienne, cet immense artiste, est<br />

une métaphore <strong>de</strong> Port-au-Prince. Il fallait qu'il sorte <strong>de</strong><br />

chez lui. En me rendant chez ma mère, j'étais angoissé<br />

car j'ai vu <strong>de</strong>s immeub<strong>le</strong>s en apparence soli<strong>de</strong>s<br />

tota<strong>le</strong>ment détruits, et aussi d'innombrab<strong>le</strong>s victimes.<br />

Même à Pétionvil<strong>le</strong>, moins touchée ?<br />

Oui, beaucoup. J'ai commencé à <strong>le</strong>s compter, puis j'ai<br />

cessé… C'étaient <strong>de</strong>s pi<strong>le</strong>s <strong>de</strong> corps que <strong>le</strong>s gens<br />

disposaient avec soin, <strong>le</strong> long <strong>de</strong>s routes, en <strong>le</strong>s couvrant<br />

d'un drap ou d'un tissu. Après <strong>le</strong> temps <strong>de</strong> si<strong>le</strong>nce et<br />

d'angoisse, <strong>le</strong>s gens ont commencé à sortir et à<br />

s'organiser, à colmater <strong>le</strong>urs maisons. Car ce qui a sauvé<br />

cette vil<strong>le</strong> c'est l'énergie <strong>de</strong>s plus pauvres. Pour ai<strong>de</strong>r,<br />

pour al<strong>le</strong>r chercher à manger, tous ces gens ont créé une<br />

gran<strong>de</strong> énergie dans toute la vil<strong>le</strong>. Ils ont donné<br />

l'impression que la vil<strong>le</strong> était vivante. Sans eux, Port-au-<br />

Prince serait restée une vil<strong>le</strong> morte, car <strong>le</strong>s gens qui ont<br />

<strong>de</strong> quoi vivre sont restés chez eux pour la plupart.<br />

C'est pour témoigner <strong>de</strong> cette énergie que vous êtes<br />

rentré ?<br />

En effet, mais pas seu<strong>le</strong>ment. Lorsque l'ambassa<strong>de</strong> du<br />

Canada m'a proposé d'embarquer vendredi, j'ai accepté<br />

car je craignais que cette catastrophe ne provoque un<br />

discours très stéréotypé. Il faut cesser d'employer ce<br />

terme <strong>de</strong> malédiction. C'est un mot insultant qui sousentend<br />

qu'Haïti a fait quelque chose <strong>de</strong> mal et qu'il <strong>le</strong><br />

paye.<br />

C'est un mot qui ne veut rien dire scientifiquement. On a<br />

subi <strong>de</strong>s cyclones, pour <strong>de</strong>s raisons précises, il n'y a pas<br />

eu <strong>de</strong> tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre d'une tel<strong>le</strong> magnitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis<br />

<strong>de</strong>ux cents ans. Si c'était une malédiction, alors il faudrait<br />

dire aussi que la Californie ou <strong>le</strong> Japon sont maudits.<br />

24 / 46<br />

Passe encore que <strong>de</strong>s télévangélistes américains<br />

préten<strong>de</strong>nt que <strong>le</strong>s Haïtiens ont passé un pacte avec <strong>le</strong><br />

diab<strong>le</strong>, mais pas <strong>le</strong>s médias… Ils feraient mieux <strong>de</strong> par<strong>le</strong>r<br />

<strong>de</strong> cette énergie incroyab<strong>le</strong> que j'ai vue, <strong>de</strong> ces hommes<br />

et <strong>de</strong> ces femmes qui, avec courage et dignité,<br />

s'entrai<strong>de</strong>nt. Bien que la vil<strong>le</strong> soit en partie détruite et que<br />

l'Etat soit décapité, <strong>le</strong>s gens restent, travail<strong>le</strong>nt et vivent.<br />

Alors <strong>de</strong> grâce, cessez d'employer <strong>le</strong> terme <strong>de</strong><br />

malédiction, Haïti n'a rien fait, ne paye rien, c'est une<br />

catastrophe qui pourrait arriver n'importe où.<br />

Il y a une autre expression qu'il faudrait cesser<br />

d'employer à tort et à travers, c'est cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> pillage.<br />

Quand <strong>le</strong>s gens, au péril <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur vie, vont dans <strong>le</strong>s<br />

décombres chercher <strong>de</strong> quoi boire et se nourrir avant que<br />

<strong>de</strong>s grues ne viennent tout raser, cela ne s'apparente pas<br />

à du pillage mais à <strong>de</strong> la survie. Il y aura sans doute du<br />

pillage plus tard, car toute vil<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux millions<br />

d'habitants possè<strong>de</strong> son quota <strong>de</strong> bandits, mais jusqu'ici<br />

ce que j'ai vu ce ne sont que <strong>de</strong>s gens qui font ce qu'ils<br />

peuvent pour survivre.<br />

Comment est perçue la mobilisation<br />

internationa<strong>le</strong> ?<br />

Les gens sentent que cette fois, cette ai<strong>de</strong> est sérieuse,<br />

que ce n'est pas un geste théâtral comme cela a pu se<br />

produire par <strong>le</strong> passé. On perçoit que <strong>le</strong>s gouvernements<br />

étrangers veu<strong>le</strong>nt vraiment faire quelque pour chose pour<br />

Haïti, et aussi que dans <strong>le</strong> pays personne ne veut<br />

détourner cette ai<strong>de</strong>. Car ce qui vient <strong>de</strong> se produire est<br />

bien trop grave. Il y a tant à faire, à commencer par<br />

ramasser <strong>le</strong>s morts. Cela prendra sans doute plusieurs<br />

semaines. Ensuite, il faudra déblayer toute la vil<strong>le</strong> pour<br />

éviter <strong>le</strong>s épidémies. Mais <strong>le</strong> problème numéro un, c'est<br />

l'eau, car à Port-au-Prince, el<strong>le</strong> est polluée.<br />

Habituel<strong>le</strong>ment, on la fait bouillir pour la boire, mais il n'y<br />

a plus <strong>de</strong> gaz.<br />

Les Haïtiens espèrent beaucoup <strong>de</strong> la communauté<br />

internationa<strong>le</strong>. Si <strong>de</strong>s choses sont décidées à un très<br />

haut niveau, dans <strong>le</strong> cadre d'un vaste plan <strong>de</strong><br />

reconstruction, alors <strong>le</strong>s Haïtiens sont prêts à accepter<br />

cette <strong>de</strong>rnière souffrance. La représentation <strong>de</strong> l'Etat, à<br />

travers <strong>le</strong> gouvernement décimé, étant touchée, c'est <strong>le</strong><br />

moment d'al<strong>le</strong>r droit vers <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> et <strong>de</strong> faire enfin<br />

quelque chose d'audacieux pour ce pays.<br />

Propos recueillis par Christine Rousseau<br />

Artic<strong>le</strong> paru dans l'édition du Mon<strong>de</strong> datée du<br />

17.01.10


Des mots lâchés en catastrophe, James NOEL<br />

Poète-vitrier né à Hinche, James Noël publie dans diverses revues et journaux et a vu son recueil « <strong>le</strong> sang visib<strong>le</strong> du vitrier<br />

» édité chez Vents d’ail<strong>le</strong>urs. Ses textes poétiques sont éga<strong>le</strong>ment mis en musique.<br />

Texte paru initia<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong> Nouvel Observateur du 25 janvier <strong>2010</strong>. Cet artic<strong>le</strong> est reproduit avec l’autorisation <strong>de</strong><br />

l’auteur.<br />

DES MOTS LACHES EN CATASTROPHE<br />

Nous ne sommes pas à notre première fin du mon<strong>de</strong> en Haïti.<br />

Ici la mort saccage abondamment. Nous p<strong>le</strong>urons nos<br />

morts sans plus disposer d’une seu<strong>le</strong> goutte <strong>de</strong> larme<br />

dans <strong>le</strong> corps. Plus <strong>de</strong> dix jours après <strong>le</strong> drame, <strong>le</strong>s rues<br />

sont dégagées <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs montagnes <strong>de</strong> cadavres. Les<br />

famil<strong>le</strong>s qui ont découvert <strong>le</strong>urs morts <strong>le</strong>s enterrent sans<br />

perdre <strong>de</strong> temps dans <strong>le</strong>ur cour, question d’éviter la fosse<br />

commune. Ces morts-là, ne sont pas encore déclarés.<br />

De toutes <strong>le</strong>s victimes <strong>de</strong> cette fin du mon<strong>de</strong> sur mesure,<br />

en saura-t-on jamais <strong>le</strong> nombre un jour ?<br />

Les rues sont déblayées, mais <strong>le</strong>s ruines mangent tout<br />

l’espace, faudrait attendre encore <strong>de</strong>s semaines, voire<br />

plusieurs mois pour débarrasser la cité <strong>de</strong> tous ces<br />

bâtiments brisés, <strong>de</strong> toutes ces vies cassées en bloc<br />

sous <strong>le</strong>s décombres. Ces <strong>de</strong>rniers jours à Port-au-Prince,<br />

après <strong>le</strong> séisme assassin-démolisseur <strong>de</strong> magnitu<strong>de</strong> 7,<br />

<strong>le</strong>s habitants se réveil<strong>le</strong>nt, pour ceux qui arrivent à<br />

dormir, avec <strong>le</strong> saisissement d’être authentiquement<br />

vivants. Les questions d’urgence qui se posent lors <strong>de</strong>s<br />

retrouvail<strong>le</strong>s... Est-ce qu’un tel ou une tel<strong>le</strong> a survécu ou<br />

pas ? Si la personne a survécu, ça provoque un<br />

soulagement, sinon on accepte sans mot dire.? Plus <strong>de</strong><br />

dix jours après, et je suis sûr que ça va me coûter la vie<br />

entière, cette tristesse insoutenab<strong>le</strong>, cette perte capita<strong>le</strong><br />

que cel<strong>le</strong> d’une vil<strong>le</strong>, avec ses palais et ses élus.<br />

Ses églises et ses dieux. Tous <strong>le</strong>s lieux symboliques ont<br />

coulé bas (bibliothèques, musées, éco<strong>le</strong>s publiques et<br />

privées) Que reste-t-il quand tout s’effondre ? Une fou<strong>le</strong><br />

éperdue qui ne sait plus sur quel pied danser. Des<br />

artistes peut-être. Des cita<strong>de</strong>l<strong>le</strong>s <strong>de</strong> dou<strong>le</strong>ur sûrement.<br />

Des rêves <strong>de</strong> tombeaux munis <strong>de</strong> masques à oxygène<br />

pour accueillir nos morts dans une éternité plus<br />

respirab<strong>le</strong>.?Hier mes frères sont venus me rendre visite,<br />

m’apportant <strong>de</strong>s provisions <strong>de</strong> nourritures en provenance<br />

<strong>de</strong> Hinche, où toute ma famil<strong>le</strong> s’est entassée dans la<br />

maison maternel<strong>le</strong>. Il parait que cette vil<strong>le</strong> n’a pas du tout<br />

été touchée, pas un seul mort, pas un b<strong>le</strong>ssé. Donc ma<br />

sœur sinistrée du côté <strong>de</strong> Canapé-vert à Port-au-Prince,<br />

a pris ses jambes à son cou avec son mari et ses quatre<br />

25 / 46<br />

enfants pour se réfugier avec <strong>le</strong>s autres membres <strong>de</strong> la<br />

famil<strong>le</strong> sous <strong>le</strong> toit maternel. Un rêve que ma mère<br />

chérissait <strong>de</strong>puis toujours, celui <strong>de</strong> rassemb<strong>le</strong>r en même<br />

temps ses enfants et ses petits enfants.<br />

El<strong>le</strong> envoie mes frères comme messagers pour me<br />

convaincre <strong>de</strong> retourner sans délai avec ma compagne et<br />

ma petite fil<strong>le</strong>. Les sismographes préten<strong>de</strong>nt que cette<br />

vil<strong>le</strong>, par sa position géographique, serait toujours<br />

épargnée au cas d’un éventuel séisme. Mes frères se<br />

lamentent, on n’a toujours pas <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong> <strong>de</strong> Blanc,<br />

notre cousin. Ce <strong>de</strong>rnier, je présume, doit être porté<br />

disparu, j’en connais beaucoup <strong>de</strong> cet ordre-là, dont<br />

jamais on ne saura comment faire <strong>le</strong> <strong>de</strong>uil.<br />

C’est <strong>le</strong> cas <strong>de</strong> l’amoureux <strong>de</strong> Sergine, Gérard Le<br />

Chevallier, un magnifique salvadorien passionné d’Haïti.<br />

Il venait d’inscrire sur sa peau un tatouage <strong>de</strong> la terrib<strong>le</strong><br />

déesse Erzulie Dantor. Les secouristes n’ont pas encore<br />

repéré Le Chevallier qui était l’une <strong>de</strong>s éminences grises<br />

<strong>de</strong> la mission onusienne perdue sous <strong>le</strong>s décombres <strong>de</strong><br />

L’hôtel Christopher.<br />

Mes frères ajoutent d’autres noms propres dans mon<br />

carnet <strong>de</strong> nécrologie intime : Samanta, Liline, ainsi que<br />

l’épouse toute neuve du fils ainé <strong>de</strong> mon parrain.?Je<br />

n’arrive pas à me conso<strong>le</strong>r pour l’ami Axel, ce père <strong>de</strong><br />

famil<strong>le</strong> quadragénaire qui remuait ciel et terre pour é<strong>le</strong>ver<br />

dans la dignité ces trois enfants, tous péris sous <strong>le</strong>s<br />

décombres <strong>de</strong> sa maison à la rue Chrétien. Comment<br />

dormir sinistré avec autant <strong>de</strong> morts issus d’une même<br />

famil<strong>le</strong> ??Je pense à mon ami, l’écrivain Georges<br />

Angla<strong>de</strong>, tué avec sa femme Mireil<strong>le</strong> par <strong>le</strong> séisme. La<br />

veil<strong>le</strong>, il m’avait adressé un beau courrier rayonnant <strong>de</strong><br />

mil<strong>le</strong> feux, pour saluer en même temps mon retour en<br />

Haïti et la naissance <strong>de</strong> ma fil<strong>le</strong>.<br />

On se promettait <strong>de</strong> trinquer nos verres à la soirée<br />

d’ouverture du festival Étonnant voyageur qui <strong>de</strong>vait<br />

débuter <strong>le</strong> <strong>le</strong>n<strong>de</strong>main, mais la fête <strong>de</strong>s voyageurs<br />

étonnés n’aura pas lieu en ce maudit soir du douze<br />

janvier, car Port-au-Prince était déjà une vil<strong>le</strong> au soir <strong>de</strong>


sa vie. Définitivement trop triste la date du douze janvier.<br />

Douze comme si toutes <strong>le</strong>s heures p<strong>le</strong>uraient en même<br />

temps la perte sèche <strong>de</strong> toutes ces vies.?Que dire <strong>de</strong> la<br />

vil<strong>le</strong> <strong>de</strong> Léogane ? De la vil<strong>le</strong> <strong>de</strong> Jacmel ? Détruites<br />

comme <strong>de</strong>s châteaux <strong>de</strong> cartes. Quelqu’un nous a<br />

appelés <strong>le</strong> <strong>le</strong>n<strong>de</strong>main pour nous apprendre que la mer <strong>de</strong><br />

Jacmel était partie. Il y voyait <strong>de</strong>s poissons morts<br />

plongés dans un fond sec. Nous craignions tous un<br />

retour en force <strong>de</strong> cette mer, <strong>le</strong> risque du tsunami, mais<br />

ce phénomène redoutab<strong>le</strong> a dû se rendre compte qu’il<br />

était déjà passé par là et a laissé tomber <strong>le</strong> projet <strong>de</strong><br />

revenir avec bruits et fureurs.?L’après tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong><br />

terre est une réalité, une expérience hors norme à<br />

laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s Haïtiens doivent faire face avec beaucoup <strong>de</strong><br />

fiel, pour se remettre <strong>de</strong>bout, beaucoup <strong>de</strong><br />

transcendance et <strong>de</strong> force intérieure pour se remettre et<br />

réapprendre à marcher. Je pense comme à un film<br />

d’horreur aux 200 000 b<strong>le</strong>ssés dont, pour la plupart, <strong>le</strong>s<br />

mé<strong>de</strong>cins ont dû, pour faire court, en<strong>le</strong>ver un bras, ou<br />

amputer une jambe. Serait-il trop tôt pour s’apitoyer<br />

<strong>de</strong>vant <strong>le</strong> sombre tab<strong>le</strong>au <strong>de</strong> tout un peup<strong>le</strong> d’éclopés, <strong>de</strong><br />

veuves et d’orphelins, sans compter <strong>le</strong> lot <strong>de</strong>s détraqués.<br />

Pensons à la profon<strong>de</strong>ur du trauma et à toutes <strong>le</strong>s folies<br />

inédites que nos pauvres têtes vont <strong>de</strong>voir<br />

encaisser.?Nous ne sommes pas à notre première fin du<br />

mon<strong>de</strong> en Haïti? L’année 2004 c’était hier, date<br />

marquant <strong>le</strong> bicentenaire <strong>de</strong> la république d’Haïti, mais la<br />

fête n’a pas eu lieu. Al<strong>le</strong>z savoir pourquoi ? Une bonne<br />

occasion pour réveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s fantômes parlants et pour<br />

ouvrir la boîte <strong>de</strong> pandore. Une bonne occasion aussi<br />

pour la presse occi<strong>de</strong>nta<strong>le</strong> d’en finir avec <strong>le</strong>s clichés, <strong>de</strong><br />

cesser d’être <strong>de</strong>s ruminants d’un bricolage d’histoire,<br />

monté <strong>de</strong> toutes pièces, raconté pour el<strong>le</strong> et par el<strong>le</strong>même.<br />

Lors <strong>de</strong> cette fameuse année 2004, <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> a<br />

26 / 46<br />

retenu <strong>de</strong> nous l’image négative d’un peup<strong>le</strong> <strong>de</strong> barbares<br />

s’entre-déchirant <strong>de</strong>ux cents ans après une révolution.<br />

Lors <strong>de</strong> cette même année, une tempête surnommée<br />

Jeanne la tueuse a fait plus <strong>de</strong> trois mil<strong>le</strong> morts dans la<br />

cité <strong>de</strong>s Gonaïves. Le mon<strong>de</strong> entier a dû retourner <strong>le</strong>s<br />

projecteurs sur <strong>le</strong> pays. Des centaines <strong>de</strong> millions <strong>de</strong><br />

dollars ont été promis. Des dizaines <strong>de</strong> millions ont été<br />

volatilisés avant même d’arriver dans la vil<strong>le</strong> inondée. La<br />

presse internationa<strong>le</strong> avait une fol<strong>le</strong> compassion pour<br />

nous, mais <strong>le</strong> coup <strong>de</strong> théâtre s’est produit avec <strong>le</strong><br />

Tsunami qui nous a volé <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> <strong>de</strong> triste ve<strong>de</strong>tte sur la<br />

scène internationa<strong>le</strong>. Et Haïti s’est remis <strong>de</strong> plus bel<strong>le</strong> à<br />

hur<strong>le</strong>r sans témoins, à p<strong>le</strong>urer dans la solitu<strong>de</strong>.?C’était<br />

hier encore, en 2008, on s’en souvient, quatre tempêtes,<br />

phénomène rares dans la littérature météorologique<br />

haïtienne, ont frappé coup sur coup <strong>le</strong> pays. Les<br />

journalistes <strong>de</strong> l’univers s’excitaient pour nous une fois<br />

<strong>de</strong> plus, mais la crise économique mondia<strong>le</strong> nous a pris<br />

par-<strong>de</strong>rrière.<br />

Dans cet univers en banqueroute, il était <strong>de</strong>venu presque<br />

impudique <strong>de</strong> crier au-secours.?Maintenant voici<br />

qu’arrive un séisme <strong>de</strong> magnitu<strong>de</strong> 7.3, ce qui ne rentre<br />

pas du tout dans <strong>le</strong>s habitu<strong>de</strong>s du sol haïtien. Ce<br />

tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> notre tiers d’î<strong>le</strong> qui a provoqué un<br />

tressail<strong>le</strong>ment mondial est un test brutal pour nous <strong>le</strong>s<br />

Haïtiens et un grand cri d’a<strong>le</strong>rte pour <strong>le</strong> mon<strong>de</strong>. Au plus<br />

fort <strong>de</strong> ces manifestations <strong>de</strong> solidarité planétaire, Haïti<br />

serait-el<strong>le</strong> encore blackboulée par une autre catastrophe<br />

qui pourrait survenir dans n’importe quel coin du globe,<br />

replaçant <strong>le</strong> pays <strong>de</strong>rrières ses barreaux familiers et<br />

l’oubli coutumier ?


Un si<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil défiant un arrêt <strong>de</strong> mort, Jean-Clau<strong>de</strong> BAJEUX<br />

Jean-Clau<strong>de</strong> Bajeux est Directeur Exécutif du Centre œcuménique <strong>de</strong>s Droits Humains (CEDH) à Port-au-Prince.<br />

Ce plaidoyer, pour un <strong>de</strong>uil national,<br />

je voulais l’adresser à ceux qui nous gouvernent,<br />

non pas pour <strong>le</strong>ur dire <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur si<strong>le</strong>nce mais<br />

au contraire<br />

pour pénétrer tous ensemb<strong>le</strong> dans un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> si<strong>le</strong>nce<br />

affronter <strong>le</strong> monumental défi <strong>de</strong> la mort.<br />

Les trois cent petites fil<strong>le</strong>s <strong>de</strong> Saint Gérard<br />

el<strong>le</strong>s sont toutes parties, dansant, chantant<br />

dans un adieu <strong>de</strong> pieds nus et <strong>de</strong> jupe longue,<br />

et tant <strong>de</strong> milliers d’autres sous <strong>le</strong> béton concassé,<br />

<strong>le</strong> 21 janvier, en un jour, en un seul voyage,<br />

dix mil<strong>le</strong> personnes basculées dans <strong>le</strong>s terres <strong>de</strong><br />

Titanyen.<br />

En cet état <strong>de</strong> mort nous n’aurions que faire <strong>de</strong> discours<br />

<strong>de</strong> ceux qu’on débite comme <strong>de</strong>s pensums,<br />

vi<strong>de</strong>s comme vent, plus so<strong>le</strong>nnels que <strong>de</strong>s draps<br />

mortuaires.<br />

La mort el<strong>le</strong> ne mâche pas ses mots : el<strong>le</strong> fait ce qu’el<strong>le</strong><br />

fait<br />

avec une efficacité qui pétrifie.<br />

regardant danser <strong>le</strong>s écolières <strong>de</strong> Saint-Gérard,<br />

nous revoyons ce spectac<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong>s nous laissent<br />

victoire sur un <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> mort<br />

quand dans nos yeux el<strong>le</strong>s revivent,<br />

par la mémoire par notre regard et notre si<strong>le</strong>nce<br />

el<strong>le</strong>s dansent une danse <strong>de</strong> vie<br />

survivant à tout instant,<br />

par <strong>le</strong>ur naturel<strong>le</strong> grâce<br />

défiant l’immobi<strong>le</strong> grimace <strong>de</strong> la mort<br />

cette subite avalanche si bruta<strong>le</strong>ment infligée<br />

UN SILENCE DE DEUIL DEFIANT UN ARRÊT DE MORT<br />

27 / 46<br />

si cruel<strong>le</strong>ment, à la face du mon<strong>de</strong><br />

sachant que nous n’aurions<br />

jamais assez <strong>de</strong> f<strong>le</strong>urs pour <strong>le</strong>s embaumer,<br />

jamais assez d’encens pour <strong>le</strong>ur offrir,<br />

ni <strong>de</strong> mots pour dire seu<strong>le</strong>ment la litanie <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs<br />

prénoms,<br />

et encore moins<br />

assez <strong>de</strong> larmes pour <strong>le</strong>s p<strong>le</strong>urer<br />

au terrib<strong>le</strong> gron<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la terre<br />

répond notre si<strong>le</strong>nce,<br />

dans une persistante existence<br />

d’une autre nature et d’un autre mon<strong>de</strong><br />

si<strong>le</strong>nce du regard et <strong>de</strong> la mémoire<br />

évocation reconnaissance <strong>de</strong> ces cinq minutes <strong>de</strong> danse<br />

qui réveil<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s disparus<br />

par la mort même <strong>de</strong>venue capsu<strong>le</strong>s d’éternité.<br />

Imaginons <strong>le</strong> pays couvert d’un <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> trois fois cent<br />

jours<br />

nos regards <strong>de</strong>venant <strong>le</strong> défi que nous dédions aux dieux<br />

du malheur<br />

inventant répétant<br />

intemporels<br />

gestes et rituels, <strong>le</strong>s chants et <strong>le</strong>s danses,<br />

<strong>le</strong>s récits souvenirs et rêves<br />

<strong>le</strong>s promesses <strong>le</strong>s parfums et <strong>le</strong>s pardons<br />

offran<strong>de</strong>s<br />

à tant d’âmes qui flottent parmi nous.


Les signes d'Haïti, Jacky DAHOMAY<br />

Jacky Dahomay est professeur <strong>de</strong> philosophie à la Gua<strong>de</strong>loupe. Il a participé à divers projets en Haïti notamment à<br />

l’élaboration du Plan national d’éducation et a été membre du Comité présidé par Régis Debray consacré à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

France à Haïti.<br />

Les signes d’Haïti.<br />

La catastrophe qui frappe Haïti est terrib<strong>le</strong>, comme s’il y<br />

avait là une finalité <strong>de</strong> la nature qui aurait visé<br />

symboliquement <strong>le</strong>s institutions fondamenta<strong>le</strong>s du pays.<br />

Même la représentation religieuse en a été frappée. Le<br />

tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre <strong>de</strong> Lisbonne en 1755 avait produit<br />

un bou<strong>le</strong>versement <strong>de</strong> la pensée philosophique et<br />

théologique européenne et une forte polémique entre<br />

Voltaire et Rousseau. Nous avons en ce moment à<br />

l’esprit ces vers extraits du poème que Voltaire avait<br />

consacré à l’événement : « D’autres peup<strong>le</strong>s naîtront <strong>de</strong><br />

vos murs écrasés / Le Nord va s’enrichir <strong>de</strong> vos pertes<br />

fata<strong>le</strong>s »<br />

Mais nous ne sommes plus au XVIII° sièc<strong>le</strong> et nos<br />

problématiques postmo<strong>de</strong>rnes sont bien éloignées <strong>de</strong><br />

cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> Voltaire et <strong>de</strong> Rousseau. Pourtant nous avons<br />

<strong>le</strong> sentiment que <strong>le</strong> séisme qui produit un tel malheur<br />

dans l’ancienne « per<strong>le</strong> <strong>de</strong>s Antil<strong>le</strong>s » nous invite à<br />

dépasser une émotion légitime quoique trop médiatisée<br />

et à penser quelque chose que nous ne pensons pas<br />

encore et qui serait déterminant pour <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> et la<br />

philosophie politique <strong>de</strong> ce XXI° sièc<strong>le</strong> commençant.<br />

Mais quoi ? L’écrivain haïtien René Depestre nous<br />

affirme qu’il faut voir, à travers ce soutien massif à Haïti,<br />

une forme d’éveil d’une société civi<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong>. A l’aube<br />

du XIX° sièc<strong>le</strong>, Haïti avait obligé <strong>le</strong>s Droits <strong>de</strong> l’homme à<br />

accomplir <strong>le</strong>ur universalité dans <strong>le</strong>ur concrétu<strong>de</strong>.<br />

Aujourd’hui, ce pays meurtri mais digne donne une<br />

nouvel<strong>le</strong> dimension effective à l’idée d’humanité.<br />

Mais que dire d’autre ? Bérard Cenatus, directeur <strong>de</strong><br />

l’ENS écroulée sous <strong>le</strong>s gravas, « ce mélange <strong>de</strong> sang,<br />

<strong>de</strong> liqueurs et <strong>de</strong> poudre » (pour citer encore Voltaire),<br />

refuse <strong>de</strong> nous par<strong>le</strong>r. Il nous fait dire qu’il n’y a rien à<br />

déclarer face à une tel<strong>le</strong> catastrophe. C’est sans doute<br />

vrai et nous comprenons <strong>le</strong> mutisme <strong>de</strong> notre ami. Il y a<br />

là <strong>de</strong> l’ineffab<strong>le</strong>, nous renvoyant à notre humanité brute,<br />

compassionnel<strong>le</strong>, compulsionnel<strong>le</strong> et ici, seuls <strong>le</strong> cri ou <strong>le</strong><br />

si<strong>le</strong>nce sont possib<strong>le</strong>s.<br />

28 / 46<br />

Mais pouvons-nous nous taire quand même <strong>le</strong>s chiens<br />

ne se taisent pas ? Le sociologue haïtien, Laennec<br />

Hurbon, m’a raconté sa fuite dans <strong>le</strong>s rues <strong>de</strong> Port-au-<br />

Prince - <strong>le</strong> séisme l’ayant surpris au Champ <strong>de</strong> Mars. Il<br />

nous a dit cette fou<strong>le</strong> et ces cris insoutenab<strong>le</strong>s, ces gens<br />

courant comme lui en tous sens comme <strong>de</strong>s fourmis<br />

fol<strong>le</strong>s. Or, avoue-t-il, la chose qui l’a frappé <strong>le</strong> plus c’est<br />

un chien, vers <strong>le</strong> Canapé vert, sans doute abandonné,<br />

qui ne cessait <strong>de</strong> japper à tue-tête, si on nous permet<br />

l’expression, comme s’il voulait interpel<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s hommes en<br />

déroute ne comprenant pas <strong>le</strong>ur fuite désordonnée.<br />

Laennec nous dit ne pas comprendre pourquoi, outre <strong>le</strong>s<br />

bâtiments officiels <strong>de</strong> l’Etat et <strong>de</strong> l’Eglise qui<br />

s’effondraient en sang et en poussière, c’est ce chien qui<br />

l’a frappé. Est-ce là un signe à déchiffrer ? C’est comme<br />

si <strong>le</strong> chien, issu <strong>de</strong> la nature, interrogeait <strong>le</strong>s hommes sur<br />

ce qui pourrait être comme un effondrement <strong>de</strong> la culture.<br />

Le tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre, irruption sauvage d’une nature<br />

cruel<strong>le</strong> et innocente, semb<strong>le</strong> pervertir <strong>le</strong> rapport<br />

nature/culture cher aux anthropologues. Toute la<br />

transition entre nature et culture ou <strong>le</strong> lieu focal <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur<br />

connexion, se symbolise dans <strong>le</strong> chien, être <strong>de</strong> la nature<br />

sans doute, mais qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, malgré nos malheurs, à<br />

être articulé avec la culture. Bon courage au chien !<br />

Si donc <strong>le</strong>s chiens ne se taisent pas, nous ne <strong>de</strong>vons pas<br />

nous taire. Il faut par<strong>le</strong>r, pour notre ami Bérard Cenatus<br />

qui ne <strong>le</strong> peut pas en ce moment. Rousseau a raison.<br />

Cessons d’incriminer la nature. Il en va toujours <strong>de</strong> la<br />

responsabilité <strong>de</strong>s hommes. Le séisme dévoi<strong>le</strong> au grand<br />

jour l’incapacité historique <strong>de</strong>s élites politiques haïtiennes<br />

à mener <strong>le</strong>ur peup<strong>le</strong> à une véritab<strong>le</strong> émancipation<br />

politique et socia<strong>le</strong>. Devant l’omniprésence <strong>de</strong>s<br />

puissances internationa<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> délitement <strong>de</strong> l’Etat<br />

haïtien malgré l’existence d’un prési<strong>de</strong>nt dérouté et<br />

rescapé, il est absolument nécessaire <strong>de</strong> constituer une<br />

société civi<strong>le</strong> forte. Les poètes et écrivains comme Dany<br />

Laferrière insistent pour nous montrer qu’Haïti n’est pas<br />

mort, qu’il lui reste la culture. Mais <strong>le</strong>s poètes n’ont pas<br />

toujours été <strong>de</strong> bons politiques (on <strong>le</strong> sait <strong>de</strong>puis Platon).<br />

Cette culture est là, il est vrai, et c’est ce qui permet aux


haïtiens <strong>de</strong> survivre dans la dignité, mais l’heure est à la<br />

construction d’une fondation politique nouvel<strong>le</strong>, d’un<br />

authentique espace public permettant cette refondation.<br />

Nous pensons à la mobilisation <strong>de</strong> la société civi<strong>le</strong> ayant<br />

entraîné la chute <strong>de</strong> Jean-Clau<strong>de</strong> Duvalier, mobilisation<br />

populaire que <strong>le</strong> populisme <strong>de</strong> Jean-Bertrand Aristi<strong>de</strong> et<br />

<strong>de</strong> ses amis a dévoyée, pour un nouveau malheur<br />

d’Haïti. Il appartient donc à <strong>de</strong>s personnalités fortes et<br />

respectées (comme Michè<strong>le</strong> Duvivier Pierre-Louis,<br />

ancienne Premier ministre) <strong>de</strong> tout mettre en œuvre pour<br />

l’existence d’une société civi<strong>le</strong> forte face aux pouvoirs qui<br />

se mettront en place dans <strong>le</strong> cadre <strong>de</strong> la reconstruction<br />

du pays.<br />

Mais encore une fois que pèsent <strong>le</strong>s mots sur <strong>le</strong>s<br />

tragédies <strong>de</strong> l’histoire ? Nous avons envie <strong>de</strong> nous taire<br />

ou <strong>de</strong> crier mais voici que <strong>de</strong> nouveau nous repensons<br />

au chien du Canapé vert. Si la nature a été cruel<strong>le</strong> lors<br />

du séisme, avec <strong>le</strong> chien c’est comme si el<strong>le</strong> dirigeait<br />

toute l’attention <strong>de</strong> notre humanité vers <strong>le</strong> cri <strong>de</strong> la fou<strong>le</strong>,<br />

vers ces p<strong>le</strong>urs et ces plaintes, vers ce qu’il y là <strong>de</strong><br />

profondément tragique au sens <strong>le</strong> plus authentique du<br />

terme. La tragédie grecque exprimait dans ces plaintes et<br />

ces dou<strong>le</strong>urs (surtout venant <strong>de</strong>s femmes selon Nico<strong>le</strong><br />

Loraux) quelque chose <strong>de</strong> l’humain qui n’a pu être<br />

résorbé par <strong>le</strong> politique, comme ce qui serait un reste <strong>de</strong><br />

nos constructions politiques, souvent arbitraires. Et <strong>le</strong>s<br />

cris et <strong>le</strong>s dou<strong>le</strong>urs expulsées vers <strong>le</strong> ciel muet à Port-au-<br />

Prince désignent aussi, face à un Etat effondré, une<br />

souffrance populaire que jamais la politique n’a su<br />

véritab<strong>le</strong>ment prendre en compte. Mais cela ne s’adresse<br />

pas qu’à l’Etat haïtien ni à ses élites politiques<br />

défaillantes. C’est toute la politique mo<strong>de</strong>rne qui est<br />

visée dans ses fon<strong>de</strong>ments et, en ce sens, <strong>le</strong> drame<br />

haïtien est la gran<strong>de</strong> tragédie qui ouvre <strong>le</strong> XXI° sièc<strong>le</strong>.<br />

29 / 46<br />

Car comment expliquer que <strong>le</strong> pays qui a connu la<br />

première révolte d’esclaves ayant réussi soit aujourd’hui<br />

<strong>le</strong> plus meurtri <strong>de</strong> la planète ? Avec la colonisation et<br />

l’esclavage, Haïti, per<strong>le</strong> <strong>de</strong>s Antil<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s dominants,<br />

a été comme une épine dans <strong>le</strong>s pieds <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité,<br />

quelque chose qu’el<strong>le</strong> n’a pas su positivement assumer.<br />

Aujourd’hui encore, la première république noire se<br />

dévoi<strong>le</strong> soudain <strong>le</strong> talon d’Achil<strong>le</strong> <strong>de</strong> nos temps<br />

postmo<strong>de</strong>rnes. La politique <strong>de</strong>s puissants <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong><br />

trouve là ses limites <strong>de</strong> même que tous <strong>le</strong>urs plans <strong>de</strong><br />

développement économico-politiques. Voilà pourquoi <strong>le</strong><br />

mal qui frappe <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> haïtien nous interpel<strong>le</strong> tous et<br />

nous invite à <strong>le</strong> penser.<br />

Mais en attendant, nous n’avons pas <strong>de</strong> concepts<br />

pouvant rendre compte d’un tel malheur et toute notre<br />

philosophie politique est ébranlée. Faut-il alors, entre <strong>le</strong><br />

cri et <strong>le</strong> concept, redonner la paro<strong>le</strong> aux poètes ? Sans<br />

doute. Ces bribes <strong>de</strong> vers, du poète Anthony Phelps, que<br />

nous aimions réciter à Bérard Cenatus quand nous<br />

étions étudiants à Bor<strong>de</strong>aux, nous reviennent à l’esprit : «<br />

Si triste est la saison, qu’il est venu <strong>le</strong> temps <strong>de</strong> se par<strong>le</strong>r<br />

par signes…. Le logos s’est réfugié dans <strong>le</strong> mutisme <strong>de</strong><br />

la pierre ». Recueillons-nous donc et communions avec<br />

<strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> notre ami Bérard et avec celui <strong>de</strong> tous ces<br />

survivants et <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>urs morts aux sépultures<br />

inachevées.<br />

Jacky Dahomay


Paro<strong>le</strong> pour Haïti, Max RIPPON<br />

CATAPLASME<br />

Les hasards d’un commerce cupi<strong>de</strong><br />

Nous a fait germer sur <strong>de</strong>s rives<br />

distantes<br />

Nous, long lasso d’î<strong>le</strong>s chevauchant<br />

<strong>le</strong>s fail<strong>le</strong>s profon<strong>de</strong>s<br />

Tétons hérissés dans <strong>le</strong>s turquoises<br />

caraïbes<br />

Te voilà Haïti Toma<br />

Sœur b<strong>le</strong>ssée<br />

Terre lardée<br />

Linceul césarisé à vif<br />

Si je <strong>de</strong>vais par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> toi encore<br />

Jumel<strong>le</strong> ari<strong>de</strong> tant <strong>de</strong> fois éprouvée<br />

J’épouserais <strong>le</strong> plus infime battement<br />

<strong>de</strong> ton cœur<br />

Pour essorer tes plaintes résignées<br />

Avec mon drap trop vieux, <strong>de</strong> har<strong>de</strong>s<br />

remisées<br />

Les hasards <strong>de</strong> ce commerce cupi<strong>de</strong><br />

et honteux<br />

A fait partition <strong>de</strong> terres soumises<br />

Et ton sol tant <strong>de</strong> fois mis à ru<strong>de</strong><br />

partie<br />

30 / 46<br />

De sang asséché <strong>de</strong>puis si longtemps<br />

S’est laissé briser en une seu<strong>le</strong> semonce à sept <strong>de</strong>grés<br />

décomptés<br />

Si je <strong>de</strong>vais alors<br />

Dire ma part <strong>de</strong> souffrances<br />

Quand tes tripes <strong>le</strong> soir<br />

S’éta<strong>le</strong>nt à même <strong>le</strong>s flancs <strong>de</strong>s coulées cathodiques<br />

Je me ferais fils <strong>de</strong> Toma chérie<br />

Délitant mes dou<strong>le</strong>urs dans <strong>le</strong>s rizières si<strong>le</strong>ncieuses <strong>de</strong><br />

l’Artibonite inconsolée<br />

Je me ferais messager vagabond <strong>de</strong>s guerriers aphones<br />

Pour chambou<strong>le</strong>r la sieste <strong>de</strong>s puissants<br />

Je me voudrais buvard multip<strong>le</strong>, doci<strong>le</strong> et poreux<br />

Pour éponger tes larmes<br />

Pour partager tes doutes et <strong>le</strong>ver tes inquiétu<strong>de</strong>s<br />

J’interrogerais <strong>le</strong>s <strong>le</strong>n<strong>de</strong>mains lointains plongés dans la<br />

gorge <strong>de</strong>s horizons<br />

Pour donner à tes jours <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur du brillant <strong>de</strong>s so<strong>le</strong>ils<br />

Je fermerais <strong>le</strong>s yeux aux assauts <strong>de</strong>s midis grondants<br />

Pour t’inventer <strong>de</strong>s aubes qui esquivent<br />

l’engourdissement du <strong>de</strong>rnier angélus<br />

Une paro<strong>le</strong> pour Haïti. Janvier <strong>2010</strong><br />

Max Rippon


Haïti ou la santé du malheur, Yanick LAHENS<br />

Lauréate en 2009 du prix RFO du livre pour son roman « La cou<strong>le</strong>ur <strong>de</strong> l’aube » (Sabine Wespieser), Yanick Lahens est<br />

aussi l’auteur <strong>de</strong> nombreuses nouvel<strong>le</strong>s parmi <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s « La Petite Corruption » publié aux éditions Mémoire d'encrier. El<strong>le</strong><br />

enseigne la littérature à Port-au-Prince.<br />

Texte paru dans <strong>le</strong> Cahier central <strong>de</strong> Libération en date du mardi 19 janvier <strong>2010</strong>, publié avec l’autorisation <strong>de</strong> l’auteur.<br />

«Haïti ou la santé du malheur»<br />

A 4 heures 53 minutes, <strong>le</strong> mardi 12 janvier <strong>2010</strong>, Haïti a<br />

basculé dans l’horreur. Le séisme a duré une minute<br />

trente secon<strong>de</strong>s. Debout dans l’embrasure d’une porte,<br />

pendant que <strong>le</strong>s murs semb<strong>le</strong>nt vouloir cé<strong>de</strong>r tout autour,<br />

<strong>le</strong> sol se dérober sous vos pieds, une minute trente<br />

secon<strong>de</strong>s c’est long, très long. Dans <strong>le</strong>s secon<strong>de</strong>s qui ont<br />

suivi, la clameur grosse <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> hur<strong>le</strong>ments d’effroi,<br />

<strong>de</strong> cris <strong>de</strong> dou<strong>le</strong>ur, est montée comme d’un seul ventre<br />

<strong>de</strong>s bidonvil<strong>le</strong>s a<strong>le</strong>ntour, <strong>de</strong>s immeub<strong>le</strong>s plus cossus<br />

autour <strong>de</strong> la place et est venue me saisir à la gorge<br />

jusqu’à m’asphyxier. Et puis j’ai ouvert <strong>le</strong> portail <strong>de</strong> la<br />

maison. Sur <strong>le</strong> commencement <strong>de</strong> l’horreur. Là, déjà, au<br />

bout <strong>de</strong> ma rue. Des corps jonchés au sol, <strong>de</strong>s visages<br />

empoussiérés, <strong>de</strong>s murs démolis. Avec cette certitu<strong>de</strong><br />

que plus loin, plus bas dans la vil<strong>le</strong>, ce serait terrifiant.<br />

Nous avons tout <strong>de</strong> suite porté secours aux victimes<br />

mais nous ne pouvions pas ne pas p<strong>le</strong>urer.<br />

Et dans ce crépuscu<strong>le</strong> tropical toujours si prompt à se<br />

faire dévorer par la nuit, je n’ai pas pu m’empêcher <strong>de</strong><br />

poser cette question qui me tarau<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis: pourquoi<br />

nous <strong>le</strong>s Haïtiens? Encore nous, toujours nous ? Comme<br />

si nous étions au mon<strong>de</strong> pour mesurer <strong>le</strong>s limites<br />

humaines, cel<strong>le</strong>s face à la pauvreté, face à la souffrance,<br />

et tenir par une extraordinaire capacité à résister et à<br />

retourner <strong>le</strong>s épreuves en énergie vita<strong>le</strong>, en créativité<br />

lumineuse. J’ai trouvé mes premières réponses dans la<br />

ferveur <strong>de</strong>s chants qui n’ont pas manqué <strong>de</strong> se <strong>le</strong>ver<br />

dans la nuit. Comme si ces voix qui montaient, tournaient<br />

résolument <strong>le</strong> dos au malheur, au désespoir. J’ai<br />

parcouru <strong>le</strong> <strong>le</strong>n<strong>de</strong>main matin une vil<strong>le</strong> chaotique, jonchée<br />

<strong>de</strong> cadavres, certains déjà recouverts d’un drap blanc ou<br />

d’un simp<strong>le</strong> carton, <strong>de</strong>s corps d’enfants, <strong>de</strong> jeunes,<br />

empilés <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s éco<strong>le</strong>s, <strong>de</strong>s mouches dansant déjà<br />

autour <strong>de</strong> certains autres, <strong>de</strong>s b<strong>le</strong>ssés, <strong>de</strong>s vieillards<br />

hagards, <strong>de</strong>s bâtiments et <strong>de</strong>s maisonnettes détruits. Il<br />

ne manquerait que <strong>le</strong>s trompettes <strong>de</strong> l’Ange <strong>de</strong><br />

l’Apocalypse pour annoncer la fin du mon<strong>de</strong> si <strong>le</strong><br />

courage, la solidarité et l’immense patience <strong>de</strong>s uns et<br />

31 / 46<br />

<strong>de</strong>s autres n’étaient venus nous rattacher au plus tenu <strong>de</strong><br />

l’essentiel…<br />

Une longueur d’avance<br />

A ce principe d’humanité, <strong>de</strong> solidarité qui ne <strong>de</strong>vrait<br />

jamais faire naufrage et que <strong>le</strong>s pauvres connaissent si<br />

bien. Pour dire la puissance <strong>de</strong> la vie. Ces vivants si<br />

farouchement vivants dans une vil<strong>le</strong> morte. Patients<br />

jusqu’à l’extrême limite. Les quelques inévitab<strong>le</strong>s pillards<br />

systématiquement relayés par la presse internationa<strong>le</strong> ne<br />

font pas <strong>le</strong> poids face à tant <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> dignité<br />

revendiquées.<br />

Et je tirai ma <strong>le</strong>çon en pensant à un mot <strong>de</strong> Camus<br />

envoyé par un ami écrivain: «Nous avons maintenant la<br />

familiarité du pire. Cela nous ai<strong>de</strong> à lutter encore.» Cet<br />

acharnement m’a semblé non point <strong>le</strong> fait d’une<br />

quelconque fatalité (laissons cela à ceux qui voudraient<br />

encore par paresse ou déroba<strong>de</strong> évoquer <strong>le</strong> cliché d’une<br />

Haïti maudite) mais celui d’une suite <strong>de</strong> hasards qui nous<br />

ont propulsés au cœur <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>s enjeux du mon<strong>de</strong><br />

mo<strong>de</strong>rne. Pour <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>çons d’humanité. Encore<br />

et encore…<br />

Hasard géologique qui nous a fixés sur la fail<strong>le</strong><br />

dantesque <strong>de</strong>s séismes, hasard géographique qui nous a<br />

placés sur la route <strong>de</strong>s cyclones en nous sommant, en<br />

sommant <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> repenser à chacune <strong>de</strong> ces<br />

catastrophes, <strong>le</strong>s causes profon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la pauvreté.<br />

Hasard historique qui nous a amenés à réaliser<br />

l’impensab<strong>le</strong> au début du XIXe sièc<strong>le</strong>, une révolution<br />

pour sortir du joug <strong>de</strong> l’esclavage et du système colonial.<br />

Notre révolution est venue indiquer aux <strong>de</strong>ux autres qui<br />

l’avaient précédée l’américaine et la française, <strong>le</strong>urs<br />

contradictions et <strong>le</strong>urs limites, qui sont cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> cette<br />

mo<strong>de</strong>rnité dont el<strong>le</strong>s ont <strong>de</strong>ssiné <strong>le</strong>s contours, la difficulté<br />

à humaniser <strong>le</strong> Noir et à faire <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs terres <strong>de</strong>s<br />

territoires à part entière. A la démesure du système qui<br />

nous oppressait nous avons répondu par la démesure<br />

d’une révolution. Pour exister. Exister, entre autres, au<br />

prix d’une <strong>de</strong>tte à payer à la France, au prix d’une mise<br />

au ban <strong>de</strong>s nations. Ce qui ne nous a pas soustraits du


<strong>de</strong>voir <strong>de</strong> solidarité agissante envers tous ceux qui,<br />

comme Bolivar en Amérique latine ou ail<strong>le</strong>urs, au début<br />

<strong>de</strong> ce XIXe sièc<strong>le</strong>, luttaient pour <strong>le</strong>ur liberté. Et puisque<br />

nous avons ouvert la terre d’Haïti à tous ceux-là, nous<br />

avons une longueur d’avance dans ce savoir-là. Savoir<br />

qui se révè<strong>le</strong> d’une brûlante actualité dans ce moment<br />

où, à travers la catastrophe qui frappe Haïti, <strong>de</strong>vrait se<br />

jouer la réciproque et pourquoi pas la redéfinition sinon la<br />

refondation <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> la solidarité à l’échel<strong>le</strong><br />

mondia<strong>le</strong>.<br />

La Révolution américaine et la Révolution française,<br />

contrairement à la nôtre, ont, el<strong>le</strong>s, su faire avancer la<br />

question <strong>de</strong> la citoyenneté. Nous n’avons pas su user <strong>de</strong><br />

la constance et <strong>de</strong> la mesure qu’exigeait la construction<br />

<strong>de</strong> la citoyenneté qui aurait dû mettre <strong>le</strong>s hommes et <strong>le</strong>s<br />

femmes <strong>de</strong> cette terre à l’abri <strong>de</strong> conditions infrahumaines<br />

<strong>de</strong> vie. Parce que la démesure a ses limites, la<br />

glorification stéri<strong>le</strong> du passé comme refuge aussi. Qu’on<br />

se souvienne <strong>de</strong> Césaire qui fait dire à l’épouse du roi<br />

Christophe, dans la tragédie du même nom, <strong>de</strong> prendre<br />

gar<strong>de</strong> que l’on ne juge <strong>le</strong>s malheurs <strong>de</strong>s fils à la<br />

démesure du père.<br />

Sur un pied d’égalité<br />

En dépit <strong>de</strong> ces limites-là, en dépit <strong>de</strong> sa pauvreté, <strong>de</strong><br />

ses vicissitu<strong>de</strong>s politiques, <strong>de</strong> son exiguïté, Haïti n’est<br />

32 / 46<br />

pas une périphérie. Son histoire fait d’el<strong>le</strong> un centre. Je<br />

l’ai toujours vécu comme tel. Comme une métaphore <strong>de</strong><br />

tous <strong>le</strong>s défis auxquels l’humanité doit faire face<br />

aujourd’hui et pour <strong>le</strong>squels cette mo<strong>de</strong>rnité n’a pas tenu<br />

ses promesses. Son histoire fait qu’el<strong>le</strong> dialogue sur un<br />

pied d’égalité avec <strong>le</strong> reste du mon<strong>de</strong>. Qu’el<strong>le</strong> oblige<br />

encore aujourd’hui à la faveur <strong>de</strong> cette catastrophe à<br />

poser <strong>le</strong>s questions essentiel<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s rapports Nord-Sud,<br />

cel<strong>le</strong>s aussi fondamenta<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s rapports Sud Sud, et à<br />

ne pas esquiver <strong>le</strong>s questions et <strong>le</strong>s urgences <strong>de</strong> fond.<br />

Qu’el<strong>le</strong> somme aussi plus que jamais ses élites<br />

dirigeantes à changer radica<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> paradigme <strong>de</strong><br />

gouvernance. Tous <strong>le</strong>s symbo<strong>le</strong>s déjà faib<strong>le</strong>s <strong>de</strong> l’Etat se<br />

sont effondrés, la population est aux abois et la vil<strong>le</strong><br />

dévastée. De cette Tabula rasa <strong>de</strong>vra naître un Etat enfin<br />

réconcilié (même partiel<strong>le</strong>ment) avec sa population.<br />

Mais Haïti donne une autre mesure tout essentiel<strong>le</strong> du<br />

mon<strong>de</strong>, cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la créativité. Parce que nous avons<br />

aussi forgé notre résistance au pire dans la constante<br />

métamorphose <strong>de</strong> la dou<strong>le</strong>ur en créativité lumineuse.<br />

Dans ce que René Char appel<strong>le</strong> «la santé du malheur».<br />

Je n’ai aucun doute que nous, écrivains, continuerons à<br />

donner au mon<strong>de</strong> une saveur particulière.<br />

Port-au-Prince, Haïti, dimanche 17 janvier <strong>2010</strong>


De la catastrophe <strong>de</strong> l’intime à la catastrophe d’un pays, José PLIYA<br />

Auteur <strong>de</strong> théâtre contemporain José Pliya, lauréat en 2003, du <strong>Prix</strong> du Jeune Théâtre André Roussin <strong>de</strong> l’Académie<br />

Française pour « Le comp<strong>le</strong>xe <strong>de</strong> Thénardier» et l'ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> son œuvre, riche d'une douzaine <strong>de</strong> pièces publiées aux<br />

éditions l'Avant-scène théâtre, est <strong>de</strong>puis juil<strong>le</strong>t 2005 directeur général <strong>de</strong> l'Artchipel, Scène Nationa<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Gua<strong>de</strong>loupe.<br />

«Haïti : <strong>de</strong> la catastrophe <strong>de</strong> l’intime à la<br />

catastrophe d’un pays, résolument <strong>de</strong>bout »<br />

Lorsque j’ai pris la direction généra<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’Artchipel,<br />

scène nationa<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Gua<strong>de</strong>loupe, j’ai voulu initier un<br />

projet <strong>de</strong> création théâtra<strong>le</strong>.<br />

C’est ainsi que j’ai rencontre Haïti par <strong>le</strong> biais d’un grand<br />

roman « Amour, Colère et Folie » <strong>de</strong> Marie Vieux<br />

Chauvet (édition Emina So<strong>le</strong>y).<br />

J’en ai fait l’adaptation théâtra<strong>le</strong> et <strong>le</strong> premier vo<strong>le</strong>t «<br />

Amour » a été créé en 2007 avec dans <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> titre une<br />

immense comédienne haïtienne, Magali Comeau Denis.<br />

Magali et ses enfants vont bien.<br />

Ce chef d’œuvre <strong>de</strong> la littérature est un poignard plongé<br />

dans la misère politique, socia<strong>le</strong>, sexuel<strong>le</strong>, humaine du<br />

pays haïtien. Roman mythique, interdit sous François<br />

Duvalier, ouvrage <strong>de</strong> résistance et <strong>de</strong> prophétie.<br />

Je vous laisse lire ce que Marie Vieux Chauvet écrit en<br />

1968 par la voie <strong>de</strong> sa narratrice Claire Clamont dans «<br />

Amour » :<br />

Nous avons <strong>de</strong>puis quelques temps <strong>de</strong>s airs <strong>de</strong> chiens<br />

hargneux, harcelés que nous sommes par la peur, l’été,<br />

<strong>le</strong> so<strong>le</strong>il. Un terrib<strong>le</strong> so<strong>le</strong>il <strong>de</strong> cœur d’été haïtien nous tire<br />

la langue. Une langue épaisse, gigantesque, chargée<br />

d’effluves, qui nous lèche la peau du corps et nous brû<strong>le</strong><br />

sur place. Notre sueur cou<strong>le</strong> sans fin. Nous sommes<br />

maudits. Cyclones, tremb<strong>le</strong>ments <strong>de</strong> terre, sécheresse,<br />

rien ne nous a fait grâce. Les mendiants pullu<strong>le</strong>nt. Les<br />

rescapés du <strong>de</strong>rnier cataclysme, infirmes à moitié nus,<br />

hantent <strong>le</strong>s barrières <strong>de</strong>s maisons. Chacun feint <strong>de</strong> ne<br />

pas <strong>le</strong>s voir. Par quel mirac<strong>le</strong> ce peup<strong>le</strong> a-t-il pu pendant<br />

si longtemps rester bon, inoffensif, hospitalier et gai<br />

malgré la misère, l’injustice, <strong>le</strong>s préjugés sociaux ?<br />

On soulage <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> souffrances pour en voir<br />

éclore <strong>de</strong>s millions d’autres. Peine perdue. La faim du<br />

corps, cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’âme ; cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’intelligence, cel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s<br />

sens. Toutes <strong>le</strong>s souffrances se va<strong>le</strong>nt. L’homme, pour<br />

se défendre, a cultivé sa cruauté. Nous nous exerçons à<br />

nous entr’égorger. La haine entre nous est née. D’el<strong>le</strong><br />

sont sortis <strong>de</strong>s tortionnaires. Ils torturent avant d’égorger.<br />

C’est un héritage colonial auquel nous nous<br />

cramponnons. Nous sommes <strong>de</strong>venus méchants par<br />

contagion : agenouil<strong>le</strong>ments sur du sel en grains,<br />

33 / 46<br />

obligation pour <strong>le</strong>s suppliciés <strong>de</strong> compter <strong>le</strong>s coups qui<br />

<strong>le</strong>ur enlèvent la peau du corps, patates bouillantes dans<br />

la bouche sont <strong>le</strong>s moindres châtiments que certains<br />

hommes infligent à <strong>le</strong>urs petits domestiques, véritab<strong>le</strong>s<br />

esclaves, à <strong>le</strong>urs maîtresses, à <strong>le</strong>urs amantes cachées…<br />

Mon sang bouillonne, la révolte gron<strong>de</strong> en moi.<br />

Claire, la vieil<strong>le</strong> fil<strong>le</strong>, la noirau<strong>de</strong> « mal sortie » ignorée <strong>de</strong><br />

l’homme qu’el<strong>le</strong> aime, sexuel<strong>le</strong>ment frustrée nous<br />

raconte au fil <strong>de</strong>s pages la catastrophe <strong>de</strong> son cœur et<br />

<strong>de</strong> son corps ; el<strong>le</strong> est la métaphore du peup<strong>le</strong> haïtien.<br />

Constat luci<strong>de</strong>, implacab<strong>le</strong> mais ô combien digne et<br />

responsab<strong>le</strong>. Mais, par <strong>de</strong>là <strong>le</strong> cyc<strong>le</strong> ininterrompu <strong>de</strong> la<br />

catastrophe, ce que nous dit Marie Vieux Chauvet c’est<br />

que ce peup<strong>le</strong> est et restera toujours vivant, résolument<br />

<strong>de</strong>bout :<br />

Les cris d’une fou<strong>le</strong> en émeute m’arrachent à mon délire.<br />

D’où viennent ces cris ?…<br />

Je cache <strong>le</strong> poignard dans mon corsage.<br />

Je <strong>de</strong>scends.<br />

Dans la rue, <strong>le</strong>s mendiants, armés par Calédu, éructent.<br />

Les paysans brandissent <strong>de</strong>s torches. Ils hur<strong>le</strong>nt !<br />

Calédu et ses sbires chargent.<br />

Vingt corps tombent.<br />

Les bal<strong>le</strong>s siff<strong>le</strong>nt tout près <strong>de</strong> moi.<br />

Je reconnais Joël et Jean tapis <strong>de</strong>rrière <strong>le</strong>s balustra<strong>de</strong>s.<br />

Des uniformes jonchent <strong>le</strong> sol.<br />

Le commandant recu<strong>le</strong> tout en tirant.<br />

Il a peur. Il se rapproche à reculons <strong>de</strong> ma maison.<br />

Je <strong>le</strong> guette, je l’attends.<br />

Je <strong>le</strong> vois hésiter, tourner la tête dans tous <strong>le</strong>s sens.<br />

Le voilà à portée <strong>de</strong> ma main.<br />

Je lui plonge <strong>le</strong> poignard dans <strong>le</strong> dos.<br />

Une fois, <strong>de</strong>ux fois ; trois fois.<br />

Le sang gic<strong>le</strong>.<br />

Il se retourne en agrippant la porte.<br />

Son regard.<br />

Pas <strong>de</strong> remords.<br />

Les mendiants, comme <strong>de</strong>s fous, se ruent sur son<br />

cadavre. J’entends hur<strong>le</strong>r Joël Marti: « A la prison !


Libérons <strong>le</strong>s prisonniers ! » Une vaste clameur lui<br />

répond.<br />

Jean Luze apparaît ; une arme fumante au poing.<br />

-« Je suis fatiguée, si tu savais comme je suis fatiguée »<br />

Il me saisit <strong>le</strong>s mains. Je tiens encore <strong>le</strong> poignard rouge<br />

<strong>de</strong> sang.<br />

-« Comme une bête, il est mort comme une bête, comme<br />

un chien… »<br />

-« Tu l’as tué ? Toi ? C’est donc toi qui l’as eu ? Ah !<br />

Claire ! »<br />

Sa joue contre la mienne, son souff<strong>le</strong> dans mon oreil<strong>le</strong>.<br />

Ses bras qui m’étouffent.<br />

-« Si tu savais comme je suis fatiguée…»<br />

Est-ce moi qui ai prononcé ces mots ?<br />

Est-ce moi qui l’ai doucement, très doucement repoussé<br />

?<br />

34 / 46<br />

Est-ce moi…<br />

Je <strong>le</strong> quitte.<br />

J’entre dans ma chambre, m’enferme à doub<strong>le</strong> tour.<br />

Ce sang sur mes mains, ce sang sur ma robe, ce sang<br />

sur <strong>le</strong> poignard…<br />

(temps)<br />

J ‘aperçois par la fenêtre <strong>le</strong>s torches qui vacil<strong>le</strong>nt dans <strong>le</strong><br />

vent.<br />

Les portes <strong>de</strong>s maisons sont ouvertes et la vil<strong>le</strong> entière,<br />

<strong>de</strong>bout.<br />

Tâchons d’être et <strong>de</strong> rester <strong>de</strong>bout avec Haïti.


Haïti Année Zéro, Jean-René LEMOINE<br />

Comédien, auteur, metteur en scène, Jean-René Lemoine se consacre aujourd’hui à la mise en scène et à l’écriture<br />

dramatique. A ce titre, il a publié <strong>de</strong> nombreux textes pour <strong>le</strong> théâtre, notamment « Ecchymose » aux éditions Les Solitaires<br />

intempestifs et « L’Adoration » aux éditions Lanzman.<br />

Texte paru dans <strong>le</strong> Cahier central <strong>de</strong> Libération en date du mardi 19 janvier <strong>2010</strong>, publié avec l’autorisation <strong>de</strong> l’auteur.<br />

Haïti, Année Zéro.<br />

Avant toute chose, redisons-<strong>le</strong>. Il n’y a pas <strong>de</strong><br />

malédiction haïtienne. Si malédiction il y a, el<strong>le</strong> est dans<br />

<strong>le</strong> fantasme d’un Occi<strong>de</strong>nt dont on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s’il n’a<br />

pas besoin d’une terre où dévi<strong>de</strong>r sa propre peur. «Haïti,<br />

pays <strong>le</strong> plus pauvre <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong>», ce slogan mis en<br />

exergue dans <strong>de</strong> si nombreux artic<strong>le</strong>s, semb<strong>le</strong> brandi<br />

comme une amu<strong>le</strong>tte, un exorcisme. Que signifient ces<br />

mots, répétés à l’envi comme une sentence ? Que c’est<br />

là et pas ail<strong>le</strong>urs que ce séisme <strong>de</strong>vait advenir ? Qu’il n’y<br />

a plus, qu’il n’y aura jamais plus d’espoir ? Qu’il existe<br />

sur terre un espace dédié exclusivement à l’horreur ? Au<br />

début <strong>de</strong>s années 80, la rumeur disait que <strong>le</strong> foyer du<br />

sida était en Haïti.<br />

La peste était née là-bas. Ce pays-là représentait l’infini<br />

danger tout comme maintenant il synthétise pour<br />

beaucoup l’infinie misère et <strong>le</strong> cataclysme annoncé. Et<br />

avant encore, quand je me disais haïtien, on me<br />

répondait «ah oui, <strong>le</strong>s Tontons Macoutes !» cette<br />

proposition n’étant même pas insérée dans une phrase<br />

structurée. Haïti était réductib<strong>le</strong> à ce seul lieu commun.<br />

Je sais combien ce pays est pauvre, fragi<strong>le</strong>, malmené. Je<br />

sais qu’il a connu une kyriel<strong>le</strong> <strong>de</strong> malheurs, a subi, entre<br />

autres, <strong>le</strong>s dictatures <strong>de</strong>s Duvalier, père et fils, mais on<br />

ne raconte pas une terre, aussi meurtrie soit-el<strong>le</strong>, en<br />

faisant un zoom sur une plaie. C’est lacunaire et donc<br />

faux.<br />

Il serait plus juste <strong>de</strong> dire qu’Haïti est un pays<br />

bou<strong>le</strong>versant qui dans sa dou<strong>le</strong>ur cè<strong>le</strong> aussi une<br />

incroyab<strong>le</strong> et inestimab<strong>le</strong> vitalité. C’est un pays où <strong>le</strong>s<br />

gens ont une force <strong>de</strong> résilience qui <strong>le</strong>s maintient <strong>de</strong>bout,<br />

un pays où la vio<strong>le</strong>nce fait <strong>de</strong>s ravages, mais où l’individu<br />

n’est pas agressif. Un pays qui a résolu son Œdipe avec<br />

la France, dont il fut la plus riche colonie, qui a conservé<br />

et transfiguré sa mémoire africaine. Un pays<br />

incroyab<strong>le</strong>ment riche en traditions, où l’art et <strong>le</strong> mystère<br />

sont partout. C’est un pays <strong>de</strong> peinture, <strong>de</strong> sculpture, <strong>de</strong><br />

littérature, <strong>de</strong> musique. C’est aussi <strong>le</strong> pays où une<br />

religion, <strong>le</strong> vaudou, accompagne <strong>de</strong> ses rites <strong>le</strong> quotidien<br />

35 / 46<br />

d’un peup<strong>le</strong> et là encore, on est loin <strong>de</strong>s clichés <strong>de</strong><br />

sorcel<strong>le</strong>rie. Un pays <strong>de</strong> contes et <strong>de</strong> mythologies où <strong>le</strong><br />

merveil<strong>le</strong>ux est à la croisée d’innombrab<strong>le</strong>s chemins. Un<br />

pays qui a gardé, dans son extrême dénuement, <strong>le</strong> sens<br />

et la générosité. Beaucoup <strong>de</strong> gens qui y ont vécu<br />

pourraient en témoigner, car aussi paradoxal que cela<br />

puisse paraître, on en tombe souvent amoureux.<br />

Haïti fait partie du mon<strong>de</strong><br />

Alors, <strong>de</strong> grâce, finissons-en avec cette épuisante et<br />

suintante compassion kouchnérienne, osons d’abord<br />

entendre ce que cette terre qui gémit maintenant tente <strong>de</strong><br />

nous dire. Comprenons qu’el<strong>le</strong> p<strong>le</strong>ure ses victimes et<br />

respectons son affliction. A l’annonce <strong>de</strong> la catastrophe<br />

j’ai été sidéré. J’avais beau regar<strong>de</strong>r <strong>le</strong>s images<br />

hallucinantes, je n’arrivais pas à <strong>le</strong>s intégrer comme étant<br />

la réalité.<br />

Ensuite, j’ai, comme beaucoup, cherché à savoir où<br />

étaient mes proches, qui était vivant, qui était mort. Je<br />

voudrais dire à tous ceux qui souffrent, mes<br />

condoléances : dire que je souffre avec eux. Je sais<br />

combien c’est peu <strong>de</strong> chose, mais je me souviens que<br />

<strong>de</strong>s mots m’ont consolé quand je pensais être<br />

inconsolab<strong>le</strong> et je <strong>le</strong>s glisse, ces mots, comme un<br />

talisman (qu’il est temps maintenant pour moi <strong>de</strong> rendre)<br />

dans la main <strong>de</strong> qui voudra <strong>le</strong>s prendre.<br />

Cela étant dit, je salue l’élan <strong>de</strong> solidarité que je vois<br />

naître <strong>de</strong> toutes parts et l’humanité que témoignent tous<br />

ceux que je rencontre. Le mon<strong>de</strong> semb<strong>le</strong> comprendre<br />

qu’Haïti fait partie du mon<strong>de</strong> et qu’on ne peut plus<br />

abandonner cette contrée comme on l’a fait <strong>de</strong>puis si<br />

longtemps. Des gens agissent en cet instant,<br />

ar<strong>de</strong>mment, distribuent aux sinistrés <strong>de</strong> l’eau, <strong>de</strong> la<br />

nourriture, <strong>de</strong>s soins. Tout cela est admirab<strong>le</strong>. Mais il faut<br />

dès maintenant penser l’avenir. Une amie haïtienne me<br />

disait : «On ne peut pas laisser <strong>le</strong>s gens à la fois dans <strong>le</strong><br />

dénuement et dans <strong>le</strong> traumatisme <strong>de</strong> l’au revoir, quand<br />

<strong>le</strong>s organisations humanitaires s’en vont.»


On sait que <strong>le</strong>s catastrophes ont sur beaucoup l’impact<br />

du spectaculaire. On sait à quel<strong>le</strong> vitesse ce même<br />

spectac<strong>le</strong> se démo<strong>de</strong>. Mais si on ne change pas <strong>de</strong> point<br />

<strong>de</strong> vue, toutes ces images diffusées en bouc<strong>le</strong>s n’auront<br />

servi à rien. On ne peut pas poser un frê<strong>le</strong> paravent <strong>de</strong><br />

charité sur un tel désastre et ensuite s’en al<strong>le</strong>r, la messe<br />

étant dite. Il faut, il est indispensab<strong>le</strong> que naisse une<br />

pensée pour que toute cette souffrance, toutes ces<br />

<strong>de</strong>structions n’aient pas eu lieu en vain.<br />

Il faut absolument penser à reconstruire. C’est d’abord la<br />

communauté internationa<strong>le</strong> qui en a <strong>le</strong> pouvoir. Cela ne<br />

veut pas dire mettre Haïti sous tutel<strong>le</strong>, comme on enlève<br />

ses droits à un parent fou. Haïti est un parent, mais<br />

luci<strong>de</strong>. C’est un pays qui a besoin d’ai<strong>de</strong> pour se re<strong>le</strong>ver<br />

et retrouver une cohérence. C’est un pays qui traverse la<br />

mort et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à renaître. Je sais qu’il y a là-bas,<br />

malgré l’exo<strong>de</strong> dont on a tant parlé, <strong>de</strong>s gens capab<strong>le</strong>s<br />

d’agir. Il faut une concertation avec eux pour penser cette<br />

reconstruction. Si cela est mis en place, alors un espoir<br />

est possib<strong>le</strong>. L’espoir d’un vrai changement. Reconstruire<br />

un véritab<strong>le</strong> espace <strong>de</strong> vie, c’est un projet extraordinaire<br />

qui peut générer un profond bou<strong>le</strong>versement. Cette<br />

utopie peut <strong>de</strong>main <strong>de</strong>venir réalité.<br />

36 / 46<br />

Un espoir s’est <strong>le</strong>vé.<br />

Lorsque l’on m’a <strong>de</strong>mandé ce témoignage, j’ai répondu<br />

que j’étais incapab<strong>le</strong> d’écrire, car pétrifié, il me fallait du<br />

temps. Et puis bien sûr, à la secon<strong>de</strong> suivante, j’ai<br />

commencé à écrire, dans ma tête. Je sais que <strong>de</strong>s<br />

écrivains diront, raconteront ce qui s’est passé. Cela<br />

aussi est important. J’espère que <strong>le</strong>urs mots pourront<br />

non seu<strong>le</strong>ment témoigner du désastre, car une mémoire<br />

est nécessaire, mais qu’ils diront aussi que quelque<br />

chose s’est ouvert, qu’un espoir exemplaire s’est <strong>le</strong>vé<br />

dans cette î<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Caraïbe, sœur <strong>de</strong> dou<strong>le</strong>ur et complice<br />

<strong>de</strong> tant d’autres î<strong>le</strong>s, <strong>de</strong> tant d’autres pays.


Rester en vie et perpétuer la vie, Kettly MARS<br />

Née à Port-au-Prince où el<strong>le</strong> rési<strong>de</strong> toujours, Kettly Mars commence sa carrière d’auteur par l’écriture <strong>de</strong> poèmes. Lauréate<br />

en 1996 du prix Jacques-Stéphen-A<strong>le</strong>xis <strong>de</strong> la nouvel<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> affirme aussi sa vocation d’écrivain par la publication chez<br />

Vents d’ail<strong>le</strong>urs <strong>de</strong> « L’heure hybri<strong>de</strong> » en 2005 et <strong>de</strong> « Kasalé » en 2007.<br />

(Texte paru dans <strong>le</strong> journal Die Zeit en date du 21 janvier, publié avec l’autorisation <strong>de</strong> l’auteur)<br />

Rester en vie et perpétuer la vie…<br />

Pétion-Vil<strong>le</strong>, Haïti<br />

Je suis <strong>de</strong> ceux et cel<strong>le</strong>s qui ont survécu au séisme du<br />

12 janvier 2009. J’ai encore une maison. Ma famil<strong>le</strong><br />

proche est vivante, nous ne p<strong>le</strong>urons aucune perte. J’ai<br />

<strong>de</strong> la chance d’avoir encore <strong>de</strong> l’é<strong>le</strong>ctricité et d’accé<strong>de</strong>r à<br />

l’internet. Alléluia ! Quand j’ouvre mon pc et qu’un<br />

nouveau nom figure dans la liste <strong>de</strong> mes contacts en<br />

ligne, je respire un grand coup. Ayibobo ! Nous sommes<br />

<strong>de</strong>ux famil<strong>le</strong>s voisines et nous mettons nos moyens en<br />

commun pour tenir.<br />

Des secousses jusqu’au milieu <strong>de</strong> la journée, quatre<br />

jours après. Je suis traumatisée, j’en ai conscience mais<br />

je ne peux tout simp<strong>le</strong>ment pas retenir mon corps quand<br />

il panique. Je crois qu’environ <strong>de</strong>ux millions <strong>de</strong><br />

personnes souffrent du même traumatisme. Nous<br />

entendons <strong>le</strong> bruit sinistre qui vient avec la secousse et<br />

nous sentons la terre frémir sous nos pieds, mais nous<br />

ne savons pas toujours si la sensation est imaginée ou<br />

ressentie. L’enfer va-t-il encore danser sous nos pieds ?<br />

J’appel<strong>le</strong> cela <strong>le</strong> syndrome <strong>de</strong> la secousse.<br />

Je souffre aussi du syndrome <strong>de</strong> la porte ouverte. Quand<br />

je suis dans la maison, je dois toujours avoir une porte<br />

ouverte sous <strong>le</strong>s yeux. Pour courir plus vite que la mort.<br />

Une illusion pourtant. Les survivants ont survécu parce<br />

que <strong>le</strong>s maisons sous <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s ils se trouvaient ne sont<br />

pas tombées. Les autres n’ont pas eu <strong>le</strong> temps <strong>de</strong> sortir.<br />

En quelques secon<strong>de</strong>s, tout était fini, <strong>de</strong>ux spasmes <strong>de</strong>s<br />

entrail<strong>le</strong>s <strong>de</strong> la terre et notre <strong>de</strong>stin faisait une tête à<br />

queue. Nous dormons encore sous <strong>le</strong>s étoi<strong>le</strong>s. Dieu, ce<br />

que <strong>le</strong>s nuits sont bel<strong>le</strong>s !<br />

Dans <strong>le</strong>s quartiers populaires du bas <strong>de</strong> Port-au-Prince,<br />

après quatre jours, <strong>le</strong>s humains cohabitent avec <strong>le</strong>s<br />

cadavres décomposés. La dou<strong>le</strong>ur mûrit, el<strong>le</strong> habite la<br />

vil<strong>le</strong>. Les moyens du Centre National <strong>de</strong> l’Equipement<br />

sont dépassés, il faudrait cinquante fois plus <strong>de</strong> camions<br />

pour emporter, brû<strong>le</strong>r ou enterrer <strong>le</strong>s morts. Une o<strong>de</strong>ur<br />

37 / 46<br />

pesti<strong>le</strong>ntiel<strong>le</strong> recouvre <strong>le</strong>s quartiers <strong>le</strong>s plus touchés, on<br />

ne peut <strong>le</strong>s traverser sans vomir. Exo<strong>de</strong> vers la province.<br />

Certaines rues sont bondées <strong>de</strong> gens qui vont dans<br />

toutes <strong>le</strong>s directions. Il faut quitter la capita<strong>le</strong>, ces rues<br />

qui sont <strong>de</strong>s veines éclatées. Les vo<strong>le</strong>urs hantent <strong>le</strong> bas<br />

<strong>de</strong> la vil<strong>le</strong>, on pil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s magasins. On braque <strong>le</strong>s piétons,<br />

on dépouil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s gens du peup<strong>le</strong> du peu qu’ils ont.<br />

Il y a <strong>de</strong>s quartiers qui sont plus touchés que d’autres,<br />

mais tous sont touchés. Bidonvil<strong>le</strong>s, bas <strong>de</strong> la capita<strong>le</strong>,<br />

quartiers popu<strong>le</strong>ux, quartiers rési<strong>de</strong>ntiels. Pour une fois<br />

en Haïti <strong>le</strong>s clivages <strong>de</strong> société n’ont fait aucune<br />

différence, <strong>le</strong> séisme ne connait ni classe socia<strong>le</strong> ni<br />

cou<strong>le</strong>ur <strong>de</strong> peau. Nous p<strong>le</strong>urons tous <strong>de</strong>s morts, chaque<br />

appel, chaque visite nous apprend plus <strong>de</strong> fatalités. Des<br />

b<strong>le</strong>ssures que nous ne pouvons encore vivre en toute<br />

conscience. Le choc est là, on voudrait en avoir rêvé.<br />

L’ai<strong>de</strong> internationa<strong>le</strong> est présente, <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> entier a<br />

entendu la rumeur qui a emporté Haïti dans ses<br />

profon<strong>de</strong>urs. Ce pays qui fait par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> lui toujours pour<br />

<strong>de</strong>s raisons tragiques. Ce pays marqué du signe du<br />

sang. Les autorités sont dépassées par la situation. On<br />

n’entend pas <strong>le</strong> gouvernement. Il reste muet, il ne par<strong>le</strong><br />

pas à son peup<strong>le</strong>. Il nous confirme sa faib<strong>le</strong>sse.<br />

Le chef <strong>de</strong> l’état ne sait pas trouver <strong>le</strong>s mots pour par<strong>le</strong>r<br />

au peup<strong>le</strong>, pour nous encourager, nous donner<br />

confiance. Nous sommes frappés à la tête. Nous,<br />

Haïtiens, avons jusqu’à présent <strong>le</strong> sentiment d’être livrés<br />

à nous-mêmes. Pourtant l’ai<strong>de</strong> a débarqué et continue <strong>de</strong><br />

débarquer massivement. Le gouvernement <strong>de</strong> la<br />

République Dominicaine voisine a été l’un <strong>de</strong>s premiers à<br />

réagir, oubliant tous <strong>le</strong>s conflits qui nous opposent à<br />

cause <strong>de</strong> la migration haïtienne qui est un problème<br />

économique et politique grave entre nos <strong>de</strong>ux pays. Les<br />

États-Unis d’Amérique, la France, <strong>le</strong> Canada, l’Europe, <strong>le</strong><br />

Japon, la Chine, tous se mobilisent, tous veu<strong>le</strong>nt faire


atterrir <strong>de</strong>s avions dans notre espace aérien bondé. Il n’y<br />

a plus <strong>de</strong> tour <strong>de</strong> contrô<strong>le</strong> à l’aéroport. Il y a même eu un<br />

inci<strong>de</strong>nt diplomatique suite au refus <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s<br />

autorités étrangères contrôlant l’aéroport <strong>de</strong> laisser<br />

atterrir un avion hôpital venant d’Europe.<br />

Mais cette ai<strong>de</strong> internationa<strong>le</strong> ne cou<strong>le</strong> pas dans <strong>le</strong>s rues,<br />

pas encore <strong>de</strong> tentes, pas encore <strong>de</strong> dispensaires<br />

ambulants, pas encore <strong>de</strong> soulagement. Nos hôpitaux<br />

sont dépassés, plus <strong>de</strong> médicaments, aucun soin ne<br />

peut-être donné. Le peup<strong>le</strong>, la masse <strong>de</strong>s sans-abris qui<br />

occupe <strong>le</strong>s rues et <strong>le</strong>s places publiques attend toujours,<br />

dans la peur et la frustration. Il y a toujours <strong>de</strong>s hommes,<br />

<strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s enfants en vie sous <strong>le</strong>s décombres.<br />

Pour eux, pour ceux qui <strong>le</strong>s recherchent et <strong>le</strong>s atten<strong>de</strong>nt,<br />

l’espoir diminue d’heure en heure. Ceux qui <strong>le</strong> peuvent<br />

quittent <strong>le</strong> pays par la frontière, l’exo<strong>de</strong> à un autre niveau.<br />

Sur <strong>le</strong>s places publiques, <strong>de</strong>s installations <strong>de</strong> fortune, on<br />

s’agglutine pê<strong>le</strong>-mê<strong>le</strong>. On fait ses besoins ou on peut. On<br />

a faim, soif, et on souffre. Et on prie, toute la nuit. Pour la<br />

cinquième nuit consécutive ils ont prié, <strong>le</strong>s mains <strong>le</strong>vées<br />

au ciel. Jésus!... Jésus ! Le nom sur toutes <strong>le</strong>s lèvres.<br />

Nous avons trop péché, c’est la punition divine.<br />

Repentez-vous ! Une tel<strong>le</strong> épreuve ne peut-être qu’une<br />

punition <strong>de</strong> Dieu, fatigué <strong>de</strong> nous voir pêcher. Diffici<strong>le</strong><br />

d’en<strong>le</strong>ver cela <strong>de</strong>s têtes, diffici<strong>le</strong> <strong>de</strong> ne pas croire à la<br />

malédiction. Surtout quand 90% <strong>de</strong>s églises chrétiennes<br />

sont tombées. Le combat du bien contre <strong>le</strong> mal.<br />

L’archevêque <strong>de</strong> Port-au-Prince a péri.<br />

Où sont <strong>le</strong>s vodouisants ? Aucun tambour n’a résonné<br />

dans la beauté <strong>de</strong>s nuits criblées d’étoi<strong>le</strong>s. La<br />

suprématie chrétienne se révè<strong>le</strong> dans toute sa<br />

puissance. En Haïti, <strong>le</strong> vodou évolue dans une certaine<br />

ombre, <strong>de</strong> façon mitigée, acceptée sur un plan esthétique<br />

et défendu par une génération d’artistes qui y voient un<br />

élément puissant <strong>de</strong> notre culture, un matière première<br />

au potentiel esthétique inépuisab<strong>le</strong>; mais rejeté par <strong>le</strong>s<br />

chrétiens, particulièrement ceux <strong>de</strong>s cultes réformés. Le<br />

vodou traverse notre structure menta<strong>le</strong>, l’haïtien est<br />

mystique <strong>de</strong> nature, il vit près <strong>de</strong> ses rêves.<br />

C’est pourquoi cet héritage spirituel ne peut pas<br />

disparaître <strong>de</strong> notre culture. Mais il vit en situation<br />

hypocrite. Ceux qui en ce moment prendraient <strong>le</strong> risque<br />

<strong>de</strong> faire un service vodou se verraient probab<strong>le</strong>ment<br />

lynchés. Cela s’est déjà vu dans <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> crises<br />

politiques aigües dans <strong>le</strong> passé en Haïti. La foi vodou<br />

<strong>de</strong>vra rester « un<strong>de</strong>rground », <strong>le</strong>s esprits <strong>de</strong> nos ancêtres<br />

<strong>de</strong>vront encore souffrir <strong>de</strong> la soif et <strong>de</strong> la faim.<br />

Alors qu’on se chamaillait pour <strong>le</strong>s prochaines é<strong>le</strong>ctions<br />

législatives, alors que <strong>le</strong>s politiciens s’attrapaient par <strong>le</strong>s<br />

cheveux pour quelques places au sénat ou à la chambre<br />

<strong>de</strong>s députés, tout paraît a présent tel<strong>le</strong>ment dérisoire. Le<br />

pouvoir actuel veut se perpétuer, c’est une sorte<br />

38 / 46<br />

d’instinct qui pousse <strong>le</strong> politicien haïtien à se<br />

déshumaniser. Toujours la même histoire du petit<br />

groupe qui veut tout gar<strong>de</strong>r, et gar<strong>de</strong>r <strong>le</strong> statu quo <strong>de</strong> la<br />

misère pour tous <strong>le</strong>s autres.<br />

Le gouvernement a été frappé <strong>de</strong> p<strong>le</strong>in fouet. Presque<br />

tous <strong>le</strong>s immeub<strong>le</strong>s étatiques sont tombés, entrainant<br />

dans <strong>le</strong>urs chutes <strong>de</strong>s dizaines, <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> cadres<br />

du gouvernement. La faib<strong>le</strong>sse <strong>de</strong>s structures rend la<br />

distribution <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> internationa<strong>le</strong> impossib<strong>le</strong> jusqu’au<br />

matin <strong>de</strong> ce cinquième jour. Émeutes et pillages sont<br />

inévitab<strong>le</strong>s si la ceinture <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong> la vil<strong>le</strong> n’est pas<br />

garantie par <strong>de</strong>s forces militaires et policières soli<strong>de</strong>s. On<br />

attend <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> militaires américains dans <strong>le</strong>s<br />

prochains jours. Mais la frustration en attendra-t-el<strong>le</strong><br />

autant avant d’éclater ?<br />

La société civi<strong>le</strong> se réveil<strong>le</strong>, cherche à se rassemb<strong>le</strong>r<br />

pour ai<strong>de</strong>r, monter <strong>de</strong>s cellu<strong>le</strong>s d’urgence. Il a fallu<br />

enterrer <strong>le</strong>s morts en vitesse ; il y a encore <strong>de</strong>s milliers<br />

<strong>de</strong> corps sans sépultures à l’échel<strong>le</strong> <strong>de</strong> toute la capita<strong>le</strong>,<br />

<strong>de</strong> ses environs, <strong>de</strong>s vil<strong>le</strong>s <strong>de</strong> Léogâne, vers <strong>le</strong> sud, <strong>de</strong><br />

Jacmel au sud-est, <strong>de</strong> Cabaret, à l’Ouest et bien d’autres<br />

encore. Maintenant il faut concentrer toutes nos<br />

énergies pour un grand élan <strong>de</strong> solidarité, <strong>le</strong> plus grand<br />

élan <strong>de</strong> solidarité que notre histoire exigera <strong>de</strong> nous. Car<br />

<strong>le</strong>s jours à venir sont sombres. L’année scolaire semb<strong>le</strong><br />

compromise, tous <strong>le</strong>s services sociaux sont gravement<br />

touchés. Les épidémies nous menacent. Tout est à<br />

reconstruire dans un pays déjà pauvre, déjà touché par<br />

<strong>le</strong> sous-développement endémique. L’immensité <strong>de</strong> la<br />

tâche est écrasante. Mais il vaut mieux ne pas la<br />

considérer dans sa totalité, nous <strong>de</strong>vons voir la première<br />

main à tendre, la première souffrance à soulager. Rester<br />

en vie et perpétuer la vie, un jour à la fois, une heure à la<br />

fois.<br />

Nous sommes dans un instant <strong>de</strong> nos vies où seu<strong>le</strong> la foi<br />

nous tient <strong>de</strong>bout. La foi en un pays qui s’appel<strong>le</strong> Haïti et<br />

qui malgré tous <strong>le</strong>s coups reçus, <strong>le</strong>s coups qu’il s’est<br />

donné, ne veut pas mourir. Une nation née dans <strong>de</strong><br />

drô<strong>le</strong>s <strong>de</strong> circonstances, dans <strong>le</strong> feu, <strong>le</strong> fer et <strong>le</strong> sang.<br />

Une nation qui traîne un passé <strong>de</strong> gloire <strong>de</strong>venu trop<br />

lourd à porter. Ce tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre nous met à<br />

genoux, <strong>le</strong> nez dans la boue, dans la détresse la plus<br />

tota<strong>le</strong>. Est-ce <strong>le</strong> coup <strong>de</strong> grâce pour Haïti ? Nous disons<br />

non. C’est peut-être une chance, une renaissance. Une<br />

force émergera peut-être <strong>de</strong> cette épreuve, el<strong>le</strong> fera peutêtre<br />

tomber <strong>le</strong>s ban<strong>de</strong>aux sur nos yeux, ceux qui nous<br />

empêchent <strong>de</strong> nous voir tels que nous sommes. Nous<br />

avons <strong>le</strong> droit à ce rêve <strong>de</strong> pure folie. Mais nous avons<br />

besoin <strong>de</strong> la force <strong>de</strong>s autres avec nous, pour <strong>de</strong> vrai,<br />

pour longtemps.


L'urgence <strong>de</strong> dire, Emmelie PROPHETE<br />

Lauréate en 2009 du grand prix littéraire Caraïbe <strong>de</strong> l’ADELF - Association <strong>de</strong>s Écrivains <strong>de</strong> Langue Française pour « Le<br />

Testament <strong>de</strong>s solitu<strong>de</strong>s » paru aux éditions Mémoire d’encrier, Emmelie Prophète est directrice <strong>de</strong> la Direction Nationa<strong>le</strong> du<br />

Livre au Ministère <strong>de</strong> la Culture.<br />

(Texte paru dans <strong>le</strong> Cahier central <strong>de</strong> Libération en date du mardi 19 janvier <strong>2010</strong>, publié avec l’autorisation <strong>de</strong> l’auteur.)<br />

L’urgence <strong>de</strong> dire<br />

Je ne sais si c’est mon cœur qui bat ou si c’est la terre<br />

qui tremb<strong>le</strong> sous mes pieds. Diffici<strong>le</strong> <strong>de</strong> faire la<br />

différence. Tout s’est curieusement mélangé <strong>de</strong>puis ce<br />

mardi 12 janvier 17 heures, heure loca<strong>le</strong>. Les mots et <strong>le</strong>s<br />

choses. Les vivants et <strong>le</strong>s morts. Je ne peux plus p<strong>le</strong>urer.<br />

Il y a trop <strong>de</strong> morts, trop d’amis sous <strong>le</strong>s décombres, trop<br />

<strong>de</strong> mauvaises nouvel<strong>le</strong>s qui arrivent.<br />

Je relis au hasard une nouvel<strong>le</strong> <strong>de</strong> Georges Angla<strong>de</strong> titré<br />

« La carte rouge d’Haïti » C’est une bel<strong>le</strong> nouvel<strong>le</strong>. Estce<br />

la beauté du texte ou la mort <strong>de</strong> Georges qui me fait<br />

p<strong>le</strong>urer ? Georges est mort. Enseveli sous <strong>le</strong>s décombres<br />

<strong>de</strong> sa maison, ce mardi 12. Le tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre<br />

semb<strong>le</strong> avoir voulu tout gommer d’un seul coup. Le<br />

passé. L’avenir. Le pays.<br />

La poussière est tenace. Les o<strong>de</strong>urs aussi. Il ne reste<br />

que cela <strong>de</strong> la vil<strong>le</strong>. Il ne reste que cela <strong>de</strong> la vie. O<strong>de</strong>urs<br />

et poussières.<br />

La réunion du PEN Haïti <strong>de</strong> vendredi <strong>de</strong>rnier semb<strong>le</strong><br />

dater d’une autre époque, <strong>le</strong> festival du film et du livre<br />

Etonnants voyageurs qui aurait du commencer <strong>le</strong> 14<br />

janvier et qui aurait du être une bel<strong>le</strong> fête <strong>de</strong> la paro<strong>le</strong> et<br />

<strong>de</strong> l’amitié semb<strong>le</strong> être un <strong>de</strong> ces rêves qu’on ne raconte<br />

pas. Un rêve bruta<strong>le</strong>ment cassé par <strong>le</strong> malheur.<br />

Que sont ces mots écrits, ces mémoires encombrées,<br />

tout ce désir d’être dans cet espace <strong>de</strong> peur et <strong>de</strong><br />

confusion ? Je prends la mesure <strong>de</strong> la banalité, <strong>de</strong> la<br />

relativité <strong>de</strong>s choses. Cela me fait presque du bien ce<br />

vendredi matin- tiens on est vendredi !-, <strong>le</strong>s jours existent<br />

donc toujours ? <strong>de</strong> ne me sentir personne. Je suis tous<br />

ces corps anonymes en décomposition déposés sur <strong>le</strong>s<br />

trottoirs. Le hasard qui a fait que je ne sois pas parmi eux<br />

39 / 46<br />

est trop flou. Il n’est pas <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>s choses qui<br />

puissent se comprendre, encore moins se dire. Même la<br />

force <strong>de</strong>s choses ne m’y fait pas croire. Etre vivant ici et<br />

maintenant cela ne veut rien dire, ou pas grand-chose…<br />

Les journées sont longues. L’eau et la nourriture<br />

s’épuisent. Lutter pour la vie. Lutter pour la mort. Donnemoi<br />

un peu <strong>de</strong> ta mort Christine, je te donnerai un peu <strong>de</strong><br />

ma vie. J’ai envie <strong>de</strong> continuer à partager <strong>de</strong>s choses<br />

avec toi comme on avait partagé Marquez, Barrico,<br />

Schmidt.<br />

Je suis coincée avec <strong>le</strong>s autres survivants dans l’inutilité<br />

<strong>de</strong>s choses. Je suis un personnage <strong>de</strong> roman, orphelin<br />

<strong>de</strong> <strong>le</strong>cteurs et d’amitiés. J’accepte la vacuité, comme on<br />

accepte sa naissance, sans avoir rien <strong>de</strong>mandé. Je<br />

touche du doigt ce passé tel<strong>le</strong>ment présent.<br />

Les enfants du désastre n’ont peur <strong>de</strong> rien. Ils sont <strong>de</strong>s<br />

centaines à sortir <strong>de</strong>s morts et <strong>de</strong>s <strong>de</strong>mi vivants sous <strong>le</strong>s<br />

décombres. Ce sont <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong> prochains<br />

romans, <strong>de</strong>s héros qui resteront anonymes, invisib<strong>le</strong>s<br />

qu’ils sont <strong>de</strong>rrière <strong>le</strong>urs masques <strong>de</strong> fortune, <strong>de</strong>rrière<br />

<strong>le</strong>ur pauvreté.<br />

Des festivals <strong>de</strong> la vie, du livre, <strong>de</strong> la musique, nous en<br />

ferons. Nous en referons sur <strong>le</strong>s décombres et pour vous<br />

rendre hommage chers héros, chers morts.<br />

Il y a sans doute plus que jamais l’urgence du dire,<br />

l’urgence du témoignage. La rumeur qui se confirme<br />

toujours est cel<strong>le</strong> <strong>de</strong> la vie.<br />

Emmelie Prophète<br />

Port-au-Prince, Haïti<br />

15 janvier <strong>2010</strong>


Interview <strong>de</strong> Lyonel TROUILLOT<br />

Lauréat du <strong>Prix</strong> Wep<strong>le</strong>r 2009 pour <strong>le</strong> roman « Yanvalou pour Charlie » publié chez Actes Sud, Lyonel Trouillot est aussi un<br />

intel<strong>le</strong>ctuel engagé sur <strong>le</strong> front <strong>de</strong> la reconstruction démocratique <strong>de</strong> son pays. Haïti <strong>de</strong>meure la source <strong>de</strong> son inspiration<br />

romanesque<br />

Interview <strong>de</strong> Lionel Trouillot réalisé par Soazig Quéméner.<br />

Le Journal du Dimanche, édition du dimanche 17 janvier <strong>2010</strong>.<br />

"On <strong>le</strong>ur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, foutre, <strong>de</strong> diriger !"<br />

Où êtes-vous, comment al<strong>le</strong>z-vous?<br />

Depuis mardi soir, nous sommes une vingtaine à<br />

partager une cour, <strong>le</strong>s plus actifs sortant vers <strong>le</strong>s rues. Il<br />

y a ma sœur et mon beau-frère, spécialistes en<br />

éducation, dont l’université privée, <strong>le</strong> rêve d’une vie, s’est<br />

effondrée. Il y a en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s vivants et <strong>de</strong>s morts. Ils<br />

se démènent pour essayer <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> pour sortir<br />

<strong>le</strong>s corps. C’est diffici<strong>le</strong>. On a fina<strong>le</strong>ment sorti quelques<br />

étudiants vivants, mais il y a encore en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s<br />

cadavres qui pourrissent. Il y a la femme <strong>de</strong> mon frère<br />

qui a perdu une cousine sous <strong>le</strong>s décombres du<br />

supermarché préféré <strong>de</strong>s élites et <strong>de</strong>s coopérants. Nous<br />

sommes chanceux. Parmi <strong>le</strong>s plus chanceux. Dans<br />

d’autres quartiers, c’est pire.<br />

Quatre jours après <strong>le</strong> séisme, comment surviton<br />

à Port-au-Prince?<br />

Il y a <strong>le</strong>s vivants qui comptent <strong>le</strong>urs morts, et <strong>le</strong>s<br />

décombres, et l’o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la mort, et la rareté qui s’instal<strong>le</strong><br />

au fur et à mesure. Et <strong>le</strong> soir tombé, l’obscurité et <strong>le</strong> bruit<br />

<strong>de</strong>s bal<strong>le</strong>s. Car cela commence à tirer. Les tentatives <strong>de</strong><br />

pillage, <strong>de</strong> vol, se multiplient (cela a quand même pris<br />

trois jours, preuve d’un haut <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> civilisation) et la<br />

police réagit par l’action la plus faci<strong>le</strong>, la plus prompte: <strong>le</strong><br />

coup <strong>de</strong> feu. C’est cela l’état <strong>de</strong>s lieux, <strong>de</strong>s gens qui<br />

dorment sur <strong>de</strong>s terrains vagues, <strong>de</strong>s efforts pour<br />

ramasser <strong>le</strong>s cadavres et <strong>le</strong>s enterrer pour essayer <strong>de</strong><br />

sauver <strong>le</strong>s vivants emmurés, la pagail<strong>le</strong> aussi: qui<br />

appe<strong>le</strong>r? Où al<strong>le</strong>r? Comment obtenir <strong>de</strong>s soins pour <strong>le</strong>s<br />

b<strong>le</strong>ssés?<br />

Vous sentez-vous abandonnés?<br />

La colère monte. Sur une radio, un homme hur<strong>le</strong>:<br />

"Préval, souke bounda a" (littéra<strong>le</strong>ment: "Préval, secouetoi<br />

<strong>le</strong> cul!"). C’est vrai qu’on ne sent pas la présence <strong>de</strong><br />

l’Etat. Nombreux sont <strong>le</strong>s survivants bien portants qui<br />

voudraient ai<strong>de</strong>r, mais personne ne <strong>le</strong>ur dit quoi faire.<br />

40 / 46<br />

L’ai<strong>de</strong> arrive, mais qui coordonne quoi? On en a marre<br />

que <strong>le</strong>s médias rappel<strong>le</strong>nt qu’Haïti est <strong>le</strong> pays <strong>le</strong> plus<br />

pauvre <strong>de</strong> l’Amérique. On en a marre que ce<br />

tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre soit une nouvel<strong>le</strong> occasion <strong>de</strong> sortir<br />

<strong>le</strong>s clichés, <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssiner <strong>le</strong>s mêmes caricatures. Mais on<br />

est surtout agacé <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> l’Etat. Le<br />

tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre n’a pas tué l’Etat. On <strong>le</strong>ur<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>, foutre, <strong>de</strong> diriger!<br />

"Ce pays est viab<strong>le</strong>"<br />

Que pensez-vous <strong>de</strong> cette conférence sur la<br />

reconstruction d’Haïti qui est déjà annoncée?<br />

Conférence… Propositions américaines… Luttes<br />

d’influence déjà? Volontés <strong>de</strong> mainmise? On s’interroge.<br />

Cela paraît précipité. Est-ce <strong>le</strong> moment <strong>de</strong> par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> tout<br />

cela? Tout discours, toute attitu<strong>de</strong> qui pourrait laissé<br />

penser que l’on souhaite en profiter pour par<strong>le</strong>r <strong>de</strong><br />

l’échec d’Haïti ne peut que braquer et inquiéter. Les<br />

Haïtiens n’accepteront pas que <strong>le</strong> tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre<br />

se transforme en prétexte à autre chose. D’ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s<br />

choses sont nettes. Leurs pays ont rapatrié <strong>le</strong>s<br />

ressortissants étrangers, avec quelques Haïtiens<br />

(partenaires affectifs). C’est normal. On sourit en pensant<br />

au poids d’un passeport ou d’une relation. Les<br />

nationalités jouent dans <strong>le</strong>s grands malheurs. Sans que<br />

cela renvoie aux comportements <strong>de</strong>s personnes. Avec<br />

son passeport canadien, je n’ai jamais vu Dany Laferrière<br />

aussi haïtien que lors <strong>de</strong> cette catastrophe.<br />

On a beaucoup entendu dans <strong>le</strong>s témoignages cette<br />

semaine qu’Haïti était fini?<br />

Ce pays est viab<strong>le</strong>, meurtri, matériel<strong>le</strong>ment détruit par ce<br />

foutu tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre, miné aussi par <strong>de</strong>s<br />

problèmes sociopolitiques, mais viab<strong>le</strong>, en tant qu’entité<br />

politique. C’est cela la mise <strong>de</strong> ceux et cel<strong>le</strong>s qui<br />

essayent <strong>de</strong> sortir <strong>le</strong>s gens sous <strong>le</strong>s ruines, <strong>de</strong>s jeunes<br />

qui essayent <strong>de</strong> mettre en place <strong>de</strong>s comités <strong>de</strong> quartier,


<strong>de</strong>s nombreux cadres, enseignants, <strong>le</strong>a<strong>de</strong>rs politiques,<br />

ingénieurs, intel<strong>le</strong>ctuels, écrivains, tués par <strong>le</strong><br />

tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre. C’était cela la mise <strong>de</strong> ce jeune<br />

homme, Pierre-Richard Jean-Pierre, enseignant,<br />

animateur culturel, qui venait d’accepter <strong>le</strong> poste <strong>de</strong> chef<br />

<strong>de</strong> cabinet <strong>de</strong> la ministre <strong>de</strong> la Culture, sur <strong>le</strong>quel <strong>le</strong><br />

ministère s’est effondré. Ici, ni <strong>le</strong>s morts, ni <strong>le</strong>s vivants ne<br />

réclament une inter gouvernance.<br />

Comment se remettre alors d’une tel<strong>le</strong><br />

catastrophe?<br />

Avec l’ai<strong>de</strong> étrangère (on ne pourra pas <strong>le</strong> faire seuls) et<br />

dans la dignité (c’est Haïti qu’il faut construire et pas une<br />

fiction ni une communauté cobaye <strong>de</strong> quelque nouvel<br />

41 / 46<br />

ordre), il faudra reconstruire un pays avec moins<br />

d’injustice socia<strong>le</strong>, avec un meil<strong>le</strong>ur partage <strong>de</strong>s<br />

richesses. Avec un Etat plus digne et au service <strong>de</strong> la<br />

population. Même lorsque nos maisons ont tremblé et se<br />

sont effondrées sur nos têtes, tuant nos proches et<br />

détruisant nos quelques biens, nous n’avons pas cessé<br />

d’y croire. De cette "communauté du pire" dont parlait<br />

Camus, tirons la <strong>le</strong>çon <strong>de</strong> la nécessité d’un meil<strong>le</strong>ur<br />

vivre-ensemb<strong>le</strong>. Ce tremb<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> terre, qu’on ne s’y<br />

trompe pas, n’a pas rendu <strong>le</strong>s Haïtiens moins haïtiens,<br />

mais <strong>le</strong>ur offre une terrib<strong>le</strong> occasion d’être eux-mêmes et<br />

solidaires.


Pour Haïti, Ernest PEPIN<br />

Poète et romancier récompensé par <strong>le</strong> <strong>Prix</strong> Casa <strong>de</strong> las Americas pour <strong>le</strong>s recueils "Boucan <strong>de</strong> Mots Libres » et "L'Ecran<br />

Rouge" paru aux éditions Gallimard, Ernest Pépin entretient <strong>de</strong>puis longtemps <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> littérature et d’affection avec <strong>le</strong><br />

pays-Haïti. Il est Directeur <strong>de</strong>s Affaires Culturel<strong>le</strong>s et du Patrimoine au Conseil Général <strong>de</strong> la Gua<strong>de</strong>loupe.<br />

POUR HAÏTI<br />

Les voi<strong>le</strong>s <strong>de</strong> la mort sont apparues. Pays brisé, enseveli<br />

sous <strong>le</strong>s décombres d’un cauchemar. Et <strong>le</strong>s rues que l’on<br />

voit comme <strong>de</strong>s fantômes hur<strong>le</strong>nt sous <strong>le</strong> masque <strong>de</strong>s<br />

jours.<br />

Haïti ! Haïti ! Au visage <strong>de</strong> cendre, au ciel couvert <strong>de</strong><br />

sang, prie d’une voix somnambu<strong>le</strong>.<br />

Il y a une nièce, une sœur, un père dont l’absence nous<br />

hè<strong>le</strong>. Ils habitent l’invisib<strong>le</strong> dans un décor <strong>de</strong> mouches.<br />

Il y a ceux qui dorment <strong>de</strong>bout ou à même <strong>le</strong>s trottoirs.<br />

Leurs yeux calcinés refusent <strong>de</strong> se fermer.<br />

Il y a ceux qui portent sur <strong>le</strong>ur tête <strong>le</strong> désespoir dans une<br />

valise.<br />

Haïti s’agenouil<strong>le</strong> auprès <strong>de</strong>s immeub<strong>le</strong>s décomposés,<br />

<strong>de</strong>s corps tuméfiés, et toute la vil<strong>le</strong> marche d’un pas <strong>de</strong><br />

fossoyeurs.<br />

Désastre qu’on emporte dans <strong>de</strong>s draps <strong>de</strong> fortune.<br />

Désastre d’entrail<strong>le</strong>s quand la vie s’évapore dans un<br />

regard d’eau morte. La mu<strong>le</strong> du malheur court toujours<br />

comme une femme fol<strong>le</strong>.<br />

Nous sommes, avec vous, hommes <strong>de</strong> boues sèches et<br />

femmes que <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce déchire.<br />

Nous sommes, avec vous, enfants <strong>de</strong> ma<strong>le</strong>mort quand <strong>le</strong><br />

pays s’en va, <strong>de</strong> secousses en secousses, dévorer <strong>le</strong>s<br />

enfances.<br />

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Nous sommes avec vous et nous disons pour vous une<br />

paro<strong>le</strong> bienveillante.<br />

Paro<strong>le</strong> déshabillée où seu<strong>le</strong> règne une larme<br />

Vous êtes toutes nos guerres et c’est notre sang qu’un<br />

cimetière allume comme un cierge.<br />

Vous êtes l’ombre couchée <strong>de</strong> nos oublis d’antan. Les<br />

éclats <strong>de</strong> nos si<strong>le</strong>nces d’antan.<br />

Des sièc<strong>le</strong>s ont crié meurtris <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> cris et l’arbre<br />

s’est nourri du si<strong>le</strong>nce <strong>de</strong>s oiseaux.<br />

Mais la terre <strong>de</strong>meure<br />

Haïti n’est pas mort sous ses paupières <strong>de</strong> nuit<br />

Haïti ne mourra pas trop <strong>de</strong> poètes l’ont créé<br />

Nous donnons <strong>le</strong>ur nom à <strong>de</strong>main, au petit jour <strong>de</strong>s mots,<br />

à la griffe <strong>de</strong> l’espoir, au petit peup<strong>le</strong> faiseur <strong>de</strong> mirac<strong>le</strong>s<br />

Haïti so<strong>le</strong>il <strong>de</strong>s carrefours et qui va son chemin <strong>de</strong><br />

lumière convulsée, d’imprévisib<strong>le</strong> survie parmi <strong>le</strong>s<br />

cimetières et la graphie <strong>de</strong>s vents<br />

Haïti ne mourra pas<br />

Nous lui tendons <strong>le</strong>s mains p<strong>le</strong>ines d’ancêtres-frères et<br />

nous p<strong>le</strong>urons parce qu’il faut p<strong>le</strong>urer mais nous écrivons<br />

sur tous <strong>le</strong>s murs tombés pour que renaisse l’enfant<br />

vieil<strong>le</strong> <strong>de</strong> trois jours sans nom :<br />

HAÏTI NE MOURRA PAS !<br />

Ernest Pépin<br />

Faugas<br />

Le 16 janvier <strong>2010</strong>


Le témoignage <strong>de</strong> Maryse CONDE<br />

Née à la Gua<strong>de</strong>loupe Maryse Condé, est l’auteur d’une œuvre considérab<strong>le</strong>. Souvent inspirés <strong>de</strong>s réalités antillaises, ses<br />

romans et ses livres pour la jeunesse accor<strong>de</strong>nt une large place à Haïti. El<strong>le</strong> a participé à la première édition du festival «<br />

Étonnants voyageurs » à Port-au-Prince en 2009.<br />

Je ne saurais imaginer <strong>de</strong> sentiment plus cruel que celui<br />

qu’on éprouve en se trouvant dans un appartement<br />

confortab<strong>le</strong>, protégé, donnant sur <strong>le</strong> Hudson et <strong>le</strong>s beaux<br />

arbres effeuillés par l’hiver <strong>de</strong> la berge et d’assister<br />

minute par minute à la désolation qui s’abat sur Haïti.<br />

Pour une fois je ne reproche pas à CNN son goût du<br />

spectaculaire et du morbi<strong>de</strong>.<br />

J’absorbe tout: <strong>le</strong>s morts éparpillés à travers <strong>le</strong>s rues, <strong>le</strong>s<br />

b<strong>le</strong>ssés sortis pénib<strong>le</strong>ment <strong>de</strong>s décombres, <strong>le</strong>s sansabris,<br />

<strong>le</strong>s monuments affaissés, <strong>le</strong>s maisons détruites,<br />

toute cette souffrance. Mes amis qui étaient en train<br />

d’adopter <strong>de</strong>s enfants haïtiens m’informent que<br />

l’orphelinat est pratiquement détruit et que tous <strong>le</strong>s<br />

papiers ont disparu. Ils avaient tout préparé pour<br />

accueillir ces petits, <strong>de</strong>s chambres, <strong>de</strong>s jouets, en un mot<br />

rien ne manquait. D’autres amis, Haïtiens ceux-là, sont<br />

sans nouvel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs famil<strong>le</strong>s, moi-même j’envoie <strong>de</strong>s<br />

mails ici et là et ne reçois pas <strong>de</strong> réponse. J’apprends<br />

que Jacmel, lieu <strong>de</strong> souvenirs si agréab<strong>le</strong>s, est détruit et<br />

malgré moi <strong>de</strong>s larmes me viennent aux yeux.<br />

Parfois <strong>de</strong>s pensées plus prosaïques m’assail<strong>le</strong>nt.<br />

J’écrivais un roman composé <strong>de</strong> trois histoires dont l’une<br />

se passait à Port-au-Prince. Me basant sur <strong>le</strong>s<br />

informations que je recevais, la fin en était optimiste. Le<br />

pays serait en train <strong>de</strong> s’engager dans une ère <strong>de</strong> paix et<br />

<strong>de</strong> prospérité relatives. Les kidnappings avaient<br />

pratiquement cessé. Les chefs <strong>de</strong> ban<strong>de</strong> avaient tous<br />

déposé <strong>le</strong>s armes. Maintenant que <strong>le</strong> pays est à<br />

reconstruire il me faudra tout réécrire. Ou tout au moins<br />

changer <strong>le</strong>s <strong>de</strong>rnières pages. Après <strong>de</strong>ux jours où je vis<br />

43 / 46<br />

en pensant au cataclysme, lasse <strong>de</strong> me repaître <strong>de</strong> tous<br />

ces malheurs, je passe sur TV5 Mon<strong>de</strong> et j’apprends<br />

qu’Eric Rohmer a rejoint lui aussi <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’invisib<strong>le</strong><br />

par <strong>de</strong>s voies moins douloureuses, je pense.<br />

En hommage au cinéaste, la télévision propose un film.<br />

El<strong>le</strong> avait annoncé “Le genou <strong>de</strong> Claire”, mais c’est “Ma<br />

nuit chez Mau<strong>de</strong>” qu’el<strong>le</strong> présente. Je m’en veux <strong>de</strong><br />

prendre tant <strong>de</strong> plaisir à réentendre ces dialogues<br />

lumineux, à admirer <strong>le</strong> jeu <strong>de</strong> Françoise Fabian et <strong>de</strong><br />

Jean-Louis Trintignant. Hélas l’être humain est ainsi fait,<br />

comp<strong>le</strong>xe, pluriel. A la fin du film, je retourne à mes<br />

images <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction. Evi<strong>de</strong>mment il y a <strong>de</strong>s moments<br />

absur<strong>de</strong>s. Le Pasteur Robertson revient sur la<br />

malédiction d’Haïti qui aurait signé un pacte avec <strong>le</strong><br />

diab<strong>le</strong> pour sortir du colonialisme français. Le<br />

commentateur d’extrême droite, Rush Limbaugh,<br />

conseil<strong>le</strong> <strong>de</strong> ne pas envoyer un sou pour Haïti car <strong>le</strong><br />

prési<strong>de</strong>nt Obama qu’il déteste en ferait son affaire<br />

personnel<strong>le</strong>. Sur une autre chaîne j’apprends que Brad<br />

Pitt et Angelina Jolie consacrent un million <strong>de</strong> dollars <strong>de</strong><br />

<strong>le</strong>ur fortune personnel<strong>le</strong> à ai<strong>de</strong>r ce malheureux pays<br />

sinistré. D’autres célébrités font aussi <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur mieux.<br />

Moi je ne peux offrir que ma dou<strong>le</strong>ur et ma profon<strong>de</strong><br />

sympathie à ce pays que j’aime <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années et<br />

que j’admire.<br />

Maryse Condé, Ecrivaine


Photos <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong>s<br />

écrivains invités<br />


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<br />

L'énigme du retour Tout bouge autour <strong>de</strong> moi<br />

Dany LAFERRIERE Dany LAFERRIERE<br />


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<br />

Saison sauvages Un archipel dans mon bain<br />

Kettly MARS Jean-Euphe<strong>le</strong> MILCE<br />


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Folie, al<strong>le</strong>r simp<strong>le</strong> Le sang est toujours rouge<br />

Gisè<strong>le</strong> PINEAU Leone ROSS<br />


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<br />

Le rire Orange Yanvalou pour Charlie<br />

Leone ROSS Lyonel TROUILLOT<br />


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<br />

Haïti, une traversée littéraire L'homme à l'accordéon<br />

Lyonel TROUILLOT Marcio VELOZ MAGGIOLO<br />


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Informations pratiques et contacts<br />

Contacts<br />

• Association <strong>Prix</strong> <strong>de</strong>s <strong>Amériques</strong> insulaires et <strong>de</strong> la Guyane<br />

Le Maud’huy - Sainte-Marthe - 97118 Saint-François<br />

Tél : 05 90 88 40 11 – Fax : 0590 88 71 82 - GSM : 0690 58 11 45<br />

Mail : marie.abraham@wanadoo.fr / anne_senemaud@yahoo.fr / jean-luc@arobasyk.com<br />

Site internet : http://www.prix<strong>de</strong>sameriques.org<br />

• Contact <strong>Presse</strong><br />

Véronique CIREDECK – I Com Icône<br />

Tél : 0690 36 01 01 – 0590 32 11 18 / Fax : 0590 32 11 62<br />

Mail : i.com.icone@orange.fr<br />

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