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Télécharger les actes du Colloque GEOFLORE 2007 - Floraine

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1997-<strong>2007</strong> - Dixième anniversaire<br />

de <strong>Floraine</strong><br />

Actes <strong>du</strong> colloque <strong>GEOFLORE</strong> <strong>2007</strong><br />

Cartographie de la flore, de la végétation et des milieux


<strong>GEOFLORE</strong> <strong>2007</strong><br />

Dixième anniversaire de <strong>Floraine</strong><br />

<strong>Floraine</strong>, association des Botanistes Lorrains, a été constituée le 27 novembre 1996 au cours<br />

d.une assemblée qui réunissait une trentaine de personnes au Jardin Botanique <strong>du</strong> Montet. La<br />

déclaration officielle en a été faite le 3 février 1997 après réunion d un conseil<br />

d administration qui a travaillé à organiser <strong>les</strong> premières activités de notre association. Elle<br />

est agréée « protection de la nature » depuis décembre 2006.<br />

Depuis, de nombreuses sorties ont été organisées à travers la Lorraine, mais également en<br />

Alsace avec nos amis de la Société Botanique d Alsace. En hiver, sont organisées des<br />

conférences sur des thèmes très variés (Connaissance <strong>du</strong> genre Viola, Influence des<br />

changements climatiques sur la flore, biographies de botanistes célèbres comme Godron ou<br />

Buc hoz.).<br />

<strong>Floraine</strong> participe également à des expositions ou autres manifestations festives (Année Ecole<br />

de Nancy, Journées <strong>du</strong> Développement Durable, Fêtes <strong>du</strong> Champignon à Void-Vacon en<br />

Meuse, Fête de la Truffe à Pulnoy pour ne citer que <strong>les</strong> principa<strong>les</strong>).<br />

Deux publications rendent compte de nos activités : Willemetia bulletin de liaison trimestriel<br />

et LASER (Lorraine Atlas Suivi Etudes et Recherche) bulletin annuel qui fait le point sur <strong>les</strong><br />

connaissances botaniques en Lorraine en lien avec le projet d Atlas.<br />

Nous organisons également des stages sur différents thèmes (plantes comestib<strong>les</strong>,<br />

phytosociologie .).<br />

Des cours de botanique ont été dispensés par nos meilleurs spécialistes, professeurs<br />

d Université. Et enfin, sans que cela soit exhaustif, nous participons à un certain nombre de<br />

comités de pilotage Natura 2000.<br />

<strong>Floraine</strong> travaille selon des thèmes annuels dont <strong>les</strong> derniers sont : en 2004, étude de la flore<br />

des truffières en Meuse, en 2005 année des Lumières à Nancy, Buc.hoz, médecin botaniste de<br />

Stanislas 1er Roi de Pologne, Duc de Lorraine et de Bar, 2006 année des jeunes où nous<br />

avons travaillé en relation avec <strong>les</strong> élèves <strong>du</strong> lycée paysager et horticole de Roville-aux-<br />

Chênes.<br />

Enfin depuis 2002 nous avons mis en place un projet d atlas de la flore de Lorraine qui devrait<br />

aboutir à la publication d un ouvrage d.ici 5 à 6 ans. Aujourd.hui ce sont plus de 170 000<br />

données actuel<strong>les</strong> qui ont été engrangées dans notre base de données avec le partenariat de la<br />

DIREN Lorraine, l Inventaire Forestier National, le Conseil Général de Meurthe-et-Moselle,<br />

le Parc Naturel Régional de Lorraine en attendant d autres partenariats.<br />

Cet atlas est accessible sur Internet sur notre site : www.floraine.net.<br />

Ce colloque a été ren<strong>du</strong> possible grâce à la participation de la DIREN Lorraine, <strong>du</strong> Conseil<br />

Régional de Lorraine, des Conseils Généraux de Meurthe-et-Moselle, Moselle et Vosges, de<br />

la Communauté Urbaine <strong>du</strong> Grand Nancy, de l Agence de l Eau Rhin-Meuse, de L INRA<br />

Nancy-Champenoux avec une mention particulière pour Danièle AUBERT, infographiste qui<br />

a réalisé un très beau site internet, l Office National des Forêts et enfin l Inventaire Forestier<br />

National.<br />

Un grand merci également aux membres <strong>du</strong> comité d organisation et aux contributeurs sans<br />

qui cette fête n aurait pas été.<br />

Le Président de <strong>Floraine</strong><br />

François VERNIER


PICHARD Olivier<br />

Généralités :<br />

Méthodologie et outils informatiques pour<br />

l'élaboration de l'atlas des plantes de Lorraine<br />

Au printemps 2002, <strong>Floraine</strong>, l’association des botanistes de Lorraine a souhaité initier un<br />

atlas des plantes de Lorraine. L’objectif était à la fois d’obtenir la meilleure connaissance possible de<br />

la répartition de toutes <strong>les</strong> espèces végéta<strong>les</strong> vasculaires (phanérogames et ptéridophytes) sur le<br />

territoire lorrain mais également de permettre de dégager des mesures de protection des espèces <strong>les</strong><br />

plus rares ou en forte régression.<br />

L'élaboration d'un atlas floristique à l'échelle de la Lorraine étant une vaste entreprise<br />

pour une association gérée uniquement par des bénévo<strong>les</strong>, il était nécessaire de définir une<br />

méthodologie d’obtention de données à la fois simple, rigoureuse et exploitable en un minimum de<br />

temps. Ce projet a obtenu le soutien financier <strong>du</strong> Conseil Général de Meurthe-et-Moselle et de la<br />

DIREN Lorraine. Des conventions de partenariat ont été signées avec l’Inventaire Forestier National<br />

et le Parc Naturel Régional de Lorraine.<br />

Méthodologie :<br />

A partir des degrés de rareté définis dans la "Nouvelle Flore de Lorraine" de<br />

F. VERNIER, nous avons opté pour une localisation par mail<strong>les</strong> de 5*5 Km pour tous <strong>les</strong> taxons et à<br />

au moins 100 mètres près pour ceux qui sont définis rares à très rares. La majorité des contributeurs<br />

de l’atlas utilisent un GPS offrant ainsi une localisation très précise. Pour éviter un travail fastidieux<br />

de report de contours sur des cartes, la localisation des plantes devait être renseignée par des<br />

coordonnées de type "longitude, latitude". Une fois ces données saisies dans un simple tableur, au<br />

format Excel ou même texte, il est ainsi possible d'intégrer automatiquement ces données dans<br />

n'importe quel système d'information géographique.<br />

5


Chaque maille est identifiée<br />

par ses coordonnées sud-ouest.<br />

Une fiche de relevé standard permet<br />

d obtenir <strong>les</strong> informations suivantes :<br />

- L auteur <strong>du</strong> relevé ;<br />

- La personne ressource (personnes qui<br />

coordonne l atlas au niveau régional ou<br />

botaniste confirmé pouvant assister<br />

éventuellement l auteur <strong>du</strong> relevé) ;<br />

- L année <strong>du</strong> relevé<br />

- Les coordonnées X et Y <strong>du</strong> carré ;<br />

- Tous <strong>les</strong> taxons rencontrés dans la<br />

maille sont à cocher.<br />

Si le taxon est rare à très rare, l auteur doit alors compléter une fiche dite "de relevé<br />

des taxons rares ou très rares". Cette fiche comporte <strong>les</strong> informations suivantes :<br />

Nom <strong>du</strong> taxon de la liste standard ;<br />

Coordonnées X et Y <strong>du</strong> lieu d observation. Les coordonnées peuvent être<br />

notées en Lambert I ou en latitude/longitude (degrés décimaux, WGS84) ;<br />

Si la répartition <strong>du</strong> taxon s étend sur au moins plusieurs dizaines de mètres, <strong>les</strong><br />

coordonnées de l angle <strong>du</strong> rectangle matérialisant l éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> taxon est également noté (X2 ;<br />

Y2) de cette façon :<br />

6<br />

S


L inscription de la commune dominante permet de détecter des erreurs de saisie de<br />

coordonnées.<br />

L abondance est notée selon 3 critères : 1 à 10 indivi<strong>du</strong>s (A) ; 10 à 100 (B) ou<br />

plus de 100 (C) ;<br />

Mois et année de l observation ;<br />

L inscription <strong>du</strong> nom de la maille correspondant à la fiche de relevé<br />

standard permet de vérifier que l espèce a bien été notée dans la fiche<br />

standard ;<br />

Des remarques sur la localisation <strong>du</strong> taxon ou ses caractéristiques peuvent être<br />

précisées.<br />

Les données sont ensuite saisies dans un fichier "Excel". Une macro (programme)<br />

permet d éviter l oubli de la saisie des coordonnées des taxons rares à très rares et de ne pas<br />

avoir à ressaisir le nom des taxons.<br />

Outils informatiques :<br />

Exemple de fiche de relevé des taxons rares ou très rares<br />

Afin de disposer d'un système de gestion de base de données relationnel<strong>les</strong> peu<br />

coûteuse, facile à mettre en uvre et capable de gérer un grand nombre de données, nous<br />

avons choisi la base de données Mysql associée au langage de programmation PHP. Ces deux<br />

outils sont "opensource" et donc totalement gratuits. Mysql gère de très grandes bases de<br />

données. Celle de l'atlas des plantes de Lorraine, qui comporte déjà plus de 100 000 données,<br />

ne devrait pas en nécessiter plus de quelques millions, ce qui est largement en deçà des<br />

capacités de l'outil choisi.<br />

L'avantage de l association de Mysql avec le langage de programmation PHP est<br />

d être totalement adapté à une utilisation sur Internet et de permettre une interrogation en<br />

temps réel depuis n'importe quel ordinateur relié à la toile. PHP est une technologie serveur,<br />

c'est à dire que l'ensemble des informations sont traitées par le serveur hébergeant l'atlas et<br />

non sur le poste de l'internaute, garantissant ainsi une très grande fiabilité et une très large<br />

compatibilité avec l'ensemble des navigateurs (Internet explorer, Firefox, Opera ) et des<br />

plateformes (Windows, Linux, Mac OS ).<br />

Outre la possibilité de pré-programmer de nombreuses requêtes, PHP dispose<br />

également d'un mo<strong>du</strong>le permettant de dessiner des formes géométriques incluant cerc<strong>les</strong> et<br />

polygones. Les coordonnées géographiques saisies dans le cadre de l'atlas sont converties<br />

automatiquement en coordonnées "pixels" de l'écran offrant ainsi une représentation<br />

cartographique dynamique selon des requêtes effectuées par l'utilisateur. Le mo<strong>du</strong>le<br />

cartographique permet également de superposer tout type d'image, y compris des fonds de<br />

cartes topographiques au 1/25000. Cette technique offre un système d'information<br />

géographique peu coûteux, très fiable et consultable par Internet.<br />

La relative simplicité <strong>du</strong> langage de programmation PHP, qui peut s'acquérir au prix de<br />

quelques heures de formation, permet une évolutivité de l'interface de consultation de l'atlas.<br />

7


Les premiers résultats de l atlas des plantes de Lorraine peuvent<br />

être consultés à cette adresse :<br />

http://www.floraine.net/atlas<br />

On peut notamment consulter la carte des prospections<br />

qui comporte 4 niveaux de couleurs :<br />

Blanc : la maille n'a pas été prospectée ;<br />

Bleu claire : la maille a été prospectée et<br />

moins de 150 taxons ont été identifiés ;<br />

Bleu moyen : la maille a été prospectée et de 150 à<br />

300 taxons ont été identifiés ;<br />

Bleu foncé : la maille a été prospectée et plus de<br />

300 ont été identifiés.<br />

Lorsqu'il y a plus de 300 taxons dans une maille on peut<br />

considérer que l'ensemble des taxons y ont été relevés.<br />

A ce jour, plus de 170 395 données ont été saisies totalisant 1441 taxons. La page de<br />

recherche des taxons permet de sélectionner l'un de ces 1441 taxons.<br />

En sélectionnant par exemple le Hêtre<br />

(Fagus Sylvatica), il est alors possible<br />

de visualiser <strong>les</strong> premiers résultats (cf<br />

carte ci-contre).<br />

La présence <strong>du</strong> taxon sélectionné dans<br />

une maille est symbolisée par un trait<br />

oblique rouge. Le fond de carte<br />

correspond au degré de prospection<br />

présenté ci-dessus.<br />

Les noms des auteurs ayant<br />

contribués au dit taxon en Lorraine<br />

sont listés à la suite de la carte de<br />

répartition.<br />

En cliquant sur une des mail<strong>les</strong><br />

où l'espèce à été identifiée, on peut<br />

alors accéder à l'ensemble des espèces<br />

présentes sur ladite maille.<br />

Pour <strong>les</strong> taxons rares à très rares, il est également possible de visualiser précisément<br />

leur présence sur un fond de carte au 1/25 000. (cartes au 1/25000 numérisées) auprès de<br />

l'IGN. Pour le moment, l'accès n'est pas public car <strong>Floraine</strong> étudie la possibilité d'acquérir <strong>les</strong><br />

droits de diffusion des SCAN 25®<br />

8


Taxa, genèse d une base de données botaniques franc-comtoise.<br />

Gil<strong>les</strong> Bailly, Conservatoire Botanique de Franche-Comté, Porte Rivotte, 25000<br />

Besançon. courriel : gil<strong>les</strong>.bailly.cbfc@orange.fr<br />

Résumé : développée initialement pour la réalisation de l Atlas des plantes rares ou<br />

protégées de Franche-Comté, la base de données relationnelle TAXA ©SBFC/CBFC est devenue, au<br />

fil <strong>du</strong> temps, un outil fédérateur pour la botanique comtoise. Ressource commune <strong>du</strong><br />

Conservatoire Botanique de Franche-Comté et de la Société Botanique de Franche-Comté,<br />

elle est mise à disposition des membres de la SBFC, contribuant ainsi au recueil et à la<br />

valorisation des données botaniques issues <strong>du</strong> réseau associatif régional. Les étapes de son<br />

évolution sont retracées et une présentation sommaire de ses fonctionnalités est proposée. Une<br />

réflexion sur l intérêt des bases botaniques loca<strong>les</strong> et sur <strong>les</strong> problèmes d inter-compatibilité<br />

est amorcée.<br />

Mots-clés : inventaire botanique, Atlas floristique, base de données relationnelle.<br />

L orée <strong>du</strong> XXI e siècle a vu la floraison de nombreuses initiatives loca<strong>les</strong> portant sur la<br />

systématisation des inventaires botaniques départementaux ou régionaux soutenus par le<br />

développement de base de données ad hoc.<br />

TAXA ©SBFC/CBFC est une base de données relationnelle développée sur le progiciel<br />

4D TM ; l outil appartient conjointement au Conservatoire Botanique de Franche-Comté et à la<br />

Société Botanique de Franche-Comté.<br />

Historique<br />

Le projet d élaboration d un Atlas des plantes d intérêt patrimonial de Franche-<br />

Comté est né, dès 1995, de l initiative d un petit groupe de botanistes comtois (cf. Y. FERREZ<br />

et J.-F. PROST, 2001) . En 1997, la collecte des données sous forme de bordereaux étant<br />

amorcée, <strong>les</strong> besoins d un outil informatique pour le stockage et <strong>les</strong> gestions des observations<br />

est rapidement ressenti. Une dotation amenée par la DIREN de Franche-Comté permet le<br />

développement d une première base répondant à un cahier des charges limité :<br />

stocker l information en l organisant selon un nombre limité de champs standard :<br />

taxon observé, informateur(s), date, commune<br />

exploiter l information en procédant à des requêtes ;<br />

- automatiser partiellement l édition des cartes de distribution des taxons publiées<br />

dans l ouvrage.<br />

Ce cahier des charges donnera naissance à une première base de données<br />

relationnelle, de structure assez simple, dénommée « Atlas ». La mise en uvre est réalisée<br />

par un des botanistes (G. BAILLY) impliqués dans la réalisation de l Atlas et ayant à son actif<br />

d autres développements, dont la base Ecoplant© ENGREF . Concernant la partie cartographique,<br />

elle est assurée par un mo<strong>du</strong>le interne, développé sous 4D Draw TM , permettant la<br />

représentation des observations sous forme de points colorés sur un fond topographique<br />

schématique. La distribution des taxons est représenté sur une base communale, en utilisant le<br />

barycentre des territoires communaux. Les points peuvent être édités en deux couleurs en<br />

tenant compte d une année de référence de manière à distinguer <strong>les</strong> données anciennes, non<br />

revues récemment des données modernes. Pour l Atlas, l année 1980 a servi de seuil. Les<br />

cartes ainsi pro<strong>du</strong>ites ont été intégrées à la maquette de l ouvrage après modification dans un<br />

logiciel de DAO.<br />

Édité en 2001, l Atlas des plantes rares ou protégées de Franche-Comté (fig. 1)<br />

comporte 350 cartes de distribution de taxons d intérêt patrimonial synthétisant près de 4 500<br />

9


observations élémentaires. Cette réalisation a fédéré l activité bénévole d un noyau d une<br />

dizaine de botanistes régionaux et de plus d une centaine d informateurs naturalistes.<br />

Fig. 1 : atlas des plantes rares ou protégées de Franche-Comté, extrait.<br />

L Atlas étant finalisé, <strong>les</strong> auteurs ont choisi de pérenniser l équipe réunie en<br />

constituant, en 2001, la Société Botanique de Franche-Comté. Le réseau de sociétés<br />

naturalistes étant déjà bien développé en Franche-Comté, l activité de la SBFC se concentre<br />

sur la réalisation et l édition des inventaires de la flore de Franche-Comté et sur <strong>les</strong> problèmes<br />

de systématique végétale. Les inventaires peuvent concerner des entités géographiques<br />

(inventaire de la flore patrimoniale <strong>du</strong> bassin <strong>du</strong> Drugeon [GUYONNEAU, ANDRE et FERREZ,<br />

2006] , révision de ZNIEFF ) ou se concentrer sur un groupe taxonomique (inventaire de<br />

Gagea lutea [ANDRE, 2004], inventaire des Gentianacées de Franche-Comté et <strong>du</strong> massif <strong>du</strong><br />

Jura [FERREZ, 2006] ). Des outils pour l identification des groupes diffici<strong>les</strong> sont élaborés<br />

(clé des Utricularia de Franche-Comté [ANDRE et FERREZ, 2005], clé d identification des<br />

églantiers indigènes [SBFC, 2006] ). Les travaux de la société sont publiés dans un bulletin<br />

annuel, <strong>les</strong> Nouvel<strong>les</strong> Archives de la Flore jurassienne.<br />

Le développement de ces nouvel<strong>les</strong> activités, en particulier la généralisation des<br />

travaux d inventaires, a incité au redéploiement de la base Atlas. Celle-ci constituait une<br />

première ébauche, tout-à-fait fonctionnelle relativement à sa première mission, mais le besoin<br />

d un outil plus généraliste était pressenti. Des échanges avec d autres développeurs,<br />

travaillant sur des outils assez semblab<strong>les</strong> (base Biogeographica, mise en place par L.<br />

DELAUNAY) ont aidé à la conception d un nouveau modèle de structuration des données plus<br />

efficient. En 2001, un petit comité réunissant des botanistes de la SBFC et le développeur<br />

définit <strong>les</strong> orientations de la nouvelle base qui prend le nom de « TAXA » (fig. 2). Cette<br />

évolution est accomplie grâce à un travail bénévole. Pratiquement, pour l utilisateur, elle<br />

amène <strong>les</strong> améliorations suivantes :<br />

intégration <strong>du</strong> glossaire taxonomique de KERGUELEN-BOCK (BDNFF) ;<br />

saisie des inventaires par liste ; la base Atlas était destinée à gérer des observations<br />

mono-spécifiques à partir d une liste ré<strong>du</strong>ite d espèces patrimonia<strong>les</strong> ; l extension des<br />

inventaires au fond floristique commun con<strong>du</strong>it au développement d un outil d aide à la saisie<br />

permettant de saisir ergonomiquement un grand nombre de taxons relevés sur un même site ;<br />

développement d une interface à trois volets permettant de consulter de manière<br />

synoptique <strong>les</strong> listes d inventaire, <strong>les</strong> observations élémentaires et la liste régionale des taxons<br />

(fig. 3)<br />

10


Fig 2 : Taxa, écran de démarrage.<br />

Fig 3 : interface générale de Taxa en mode consultation.<br />

En 2003, un Conservatoire Botanique de Franche-Comté voit le jour après une<br />

longue gestation. Cette création, fortement soutenue par la SBFC, marque une étape dans le<br />

développement de TAXA ©SBFC/CBFC . Peu après la création <strong>du</strong> Conservatoire, en juillet 2004,<br />

une convention est signée entre la SBFC et le CBFC portant sur l utilisation conjointe de<br />

l outil Taxa ©SBFC/CBFC et sur la mise en commun des données botaniques. Les droits<br />

d utilisation sont cédés par le développeur aux deux associations. Le CBFC reçoit ainsi une<br />

dotation de près de 50 000 données élémentaires saisies grâce l activité bénévole des<br />

membres de la SBFC.<br />

L incorporation de TAXA ©SBFC/CBFC à l activité <strong>du</strong> CBFC entraîne une nouvelle série de<br />

développements afin d adapter la base aux missions <strong>du</strong> Conservatoire ; <strong>les</strong> fonctionnalités<br />

suivantes, parmi d autres, sont ajoutées :<br />

11


gestion des synonymes nomenclaturaux et transcription à la volée de la saisie dans<br />

le référentiel choisi ;<br />

gestion de données phénologiques (fig. 4) ;<br />

Fig 4 : interface de saisie des données phénologiques.<br />

Fig 5 : interface de saisie des relevés phytosociologiques.<br />

gestion de listes phytosociologiques, <strong>les</strong> taxons étant quantifiés en abondancedominance<br />

;<br />

prise en compte des données phytosociologiques à un double niveau : niveau<br />

synusial et niveau phytocénotique pour la description des végétations complexes multistratifiées<br />

(fig. 5)<br />

intégration des codifications CORINE biotope, Natura 2000 et de la nomenclature<br />

phytosociologique pour la qualification des syntaxons ;<br />

représentation des distributions des taxons d après un maillage Lambert 5 x 5 km,<br />

alternativement à la représentation par commune;<br />

- calcul de la rareté des taxons sur la base <strong>du</strong> maillage Lambert<br />

12


Fig 6 : mode de fonctionnement <strong>du</strong> réseau des informateurs ;<br />

Fonctionnement<br />

L outil est distribué gratuitement aux informateurs qui souhaitent l utiliser pour la<br />

saisie. Un runtime téléchargeable permet d exécuter l application sur un poste indivi<strong>du</strong>el. Des<br />

versions tournant sous Mac OS X TM ou sous <strong>les</strong> différentes déclinaisons de Windows TM<br />

peuvent être générées à partir de la même base-source.<br />

La base étant répartie sur plusieurs postes distants (actuellement une trentaine), un<br />

mode de fonctionnement, toujours en vigueur, est instauré : une base servant à la<br />

centralisation de la donnée est placée sous la responsabilité d un administrateur en charge de<br />

contrôler la validité des données entrantes. Des extraits de la base centrale sont confiés, selon<br />

leurs requêtes, aux informateurs, en fonction des secteurs géographiques ou des thèmes<br />

taxonomiques qu'ils souhaitent étudier. Les données saisies par <strong>les</strong> informateurs sont ensuite<br />

expédiées à interval<strong>les</strong> réguliers vers la base centrale sous forme de fichiers texte générés par<br />

la base, transmis habituellement en pièces jointes par courrier électronique. Les données sont<br />

automatiquement retranscrites et ré-incorporées à la base centrale où el<strong>les</strong> peuvent être<br />

contrôlées par l administrateur (fig. 6).<br />

À la mi-<strong>2007</strong>, la base Taxa compte près de 255 000 données élementaires, dont 32<br />

500 intégrées à des listes d inventaires, parmi <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> 4 000 relevés phytosociologiques<br />

régionaux, le tout concernant 2 662 taxons. Une partie de ces données provient actuellement<br />

de l activité <strong>du</strong> Conservatoire Botanique de Franche-Comté mais l apport bénévole des<br />

membres de la Société Botanique est loin d être négligeable. Un programme d inventaire<br />

systématique de l ensemble de la flore comtoise a été initié par le CBFC en 2004. Le territoire<br />

régional a été divisé en près de 720 carrés de 5 x 5 km établis sur le carroyage Lambert II.<br />

Chaque année, lors d une « foire aux carrés » certains de ceux-ci sont choisis par des<br />

botanistes de la SBFC qui se chargent d en faire l inventaire exhaustif. En 2006, cet<br />

inventaire recueillait 45 000 nouvel<strong>les</strong> données élémentaires dont 44% issus de l activité<br />

bénévole de membres de la SBFC (fig. 7). Parmi <strong>les</strong> autres informateurs alimentant la base, il<br />

faut citer Espace Naturel Comtois ainsi que d autres partenaires associatifs, institutionnels<br />

(LPO, ONF ) et des bureaux d études.<br />

13


Fig 7 : état d avancement de l inventaire général de la flore comtoise au début <strong>2007</strong> ; la<br />

densité de la couleur des points tra<strong>du</strong>it le nombre de taxons observés dans une maille Lambert II 5 x 5<br />

km. Les points noirs correspondent aux inventaires de plus de 250 taxons.<br />

Dans le cadre de certains programmes (enquête Jonquille, enquête Ambroisie, en<br />

cours ), l information a également été recueillie sous forme d un formulaire accessible sur<br />

une page <strong>du</strong> site Web <strong>du</strong> CBFC.<br />

Perspectives<br />

TAXA ©SBFC/CBFC est un outil en constante évolution. Les prochains développements<br />

vont s'orienter vers la mise au point d outils répondant à une des fonctions <strong>du</strong> CBFC :<br />

l identification des habitats naturels régionaux et l estimation de leur valeur patrimoniale ainsi<br />

que de leur état de conservation dans une perspective de protection de la flore in situ. Cette<br />

expertise passe par l élaboration de référentiels locaux (FERREZ, 2004), mis à la disposition<br />

des intervenants de terrain (bureaux d étude, ONF, gestionnaires de Réserves Naturel<strong>les</strong> )<br />

susceptib<strong>les</strong> de pro<strong>du</strong>ire des cartographies d habitats. L activité <strong>du</strong> CBFC génère elle-même<br />

un flux important de relevés floristiques (plusieurs centaines à plusieurs milliers par an) qu'il<br />

faut identifier relativement au référentiel phytosociologique.<br />

Cette mission requiert le renforcement <strong>du</strong> référentiel phytosociologique régional dans<br />

le sens d une plus grande exhaustivité et passe par la rationalisation <strong>du</strong> diagnostic à l aide de<br />

méthodes statistiques. Pour répondre à ces besoins, TAXA ©SBFC/CBFC va se doter en <strong>2007</strong> d un<br />

mo<strong>du</strong>le « Syntaxa » qui devrait offrir <strong>les</strong> fonctions suivantes :<br />

exportation des données sous forme de tableaux phytosociologiques pré-élaborés, avec<br />

classification automatique des taxons selon leur rang syntaxonomique (fonction déjà<br />

partiellement intégrée à la version actuelle) ;<br />

renforcement des échanges avec le logiciel de statistique open source R ;<br />

gestion d une collection de tableaux phytosociologiques de référence, décrivant <strong>les</strong><br />

divers syntaxons régionaux ;<br />

utilisation de cette collection de référence pour développer un outil d aide au<br />

diagnostic des relevés entrants ; ce projet intégrera à TAXA ©SBFC/CBFC certains fonctions déjà<br />

offertes par le logiciel PHYTOBASE, développé par F. GILLET, également utilisé par le CBFC<br />

(GILLET, 2004)<br />

14


Les communications présentées <strong>du</strong>rant le colloque <strong>Floraine</strong> ont montré la diversité<br />

des solutions apportées par <strong>les</strong> Sociétés Botaniques et <strong>les</strong> institutions à la gestion des données<br />

collectées et à leur publication. On pourrait craindre que cette diversité ne devienne un<br />

obstacle aux échanges inter-régionaux et aux synthèses nationa<strong>les</strong>. Néanmoins, il apparaît que<br />

la manière de structurer <strong>les</strong> données est assez convergente entre <strong>les</strong> diverses réalisations. Par<br />

ailleurs, cette auto-organisation à un niveau local est stimulante pour <strong>les</strong> botanistes et pour <strong>les</strong><br />

personnes qui offrent leurs compétences informatiques. Elle permet une bonne adaptabilité<br />

des solutions numériques aux besoins régionaux et elle conforte <strong>les</strong> botanistes quant à l utilité<br />

de leur travail d inventaire dans la mesure où la mise à disposition des données, sous forme<br />

d Atlas, d artic<strong>les</strong> ou de publication Web est rapide. Cette réactivité ne pourrait sans doute<br />

pas être obtenue avec une solution centralisée d inventaire.<br />

Il conviendra sans doute d assurer, à moyen terme, des compatibilités entre <strong>les</strong> diverses sources,<br />

nécessaires à la communication des données. Ceci suppose un travail de réflexion sur <strong>les</strong> modè<strong>les</strong> de<br />

données utilisés par <strong>les</strong> diverses structures et sur <strong>les</strong> référentiels fondamentaux (référentiels<br />

botaniques, codes communaux ) à adopter. L informatique démultiplie <strong>les</strong> possibilités d intervention<br />

sur <strong>les</strong> données et l écriture de procé<strong>du</strong>res de transcodage est également envisageable Dans le cadre<br />

de l activité <strong>du</strong> CBFC, il est prévu de développer des passerel<strong>les</strong> informatique permettant l échange et<br />

la mutualisation des données notamment entre, d une part, l université de Neuchâtel, et, d autre part,<br />

le Conservatoire Botanique National Alpin, l arc jurassien constituant l entité phytogéographique<br />

fédératrice.<br />

Bibliographie<br />

ANDRE M. et FERREZ Y., 2005. Les Utricularia de Franche-Comté. Nouvel<strong>les</strong><br />

Archives de la Flore jurassienne, n° 3, p 29-39.<br />

FERREZ Y., 2004. Connaissance des habitats naturels et semi-naturels de Franche-<br />

Comté, réferentiels et valeur patrimoniale. Conservatoire Botanique de Franche-Comté,<br />

DIREN Franche-Comté, Conseil Régional de Franche-Comté, 57 p.<br />

FERREZ Y. (coord.), 2006. Inventaire des Gentianacées (y compris <strong>les</strong><br />

Ményanthacées) de Franche-Comté et <strong>du</strong> massif <strong>du</strong> Jura. Nouvel<strong>les</strong> Archives de la Flore<br />

jurassienne, n° 4, p 25-36.<br />

FERREZ Y., PROST J.-F, ANDRE M., CARTERON M., MILLET P., PIGUET A. et VADAM<br />

J.-C., 2001. Atlas des plantes rares ou protégées de Franche-Comté Besançon, Société<br />

d horticulture <strong>du</strong> Doubs et des amis <strong>du</strong> jardin botanique. Turriers, Naturalia Publications, 312 p.<br />

GILLET F., 2004. Guide d utilisation de phytobase 7, base de données<br />

phytosociologiques. Doc. <strong>du</strong> Laboratoire d écologie végétale, Univ. Neuchâtel. 39 p.<br />

GUYONNEAU J., ANDRE M. et FERREZ Y., 2006. Suivi de la flore dans le Bassin <strong>du</strong><br />

Drugeon (Doubs). Principaux résultats de la saison de terrain 2005. Nouvel<strong>les</strong> Archives de la<br />

Flore jurassienne, n° 4, p 5-15.<br />

S.B.F.C., 2006. Compte-ren<strong>du</strong> des observations réalisées lors de l atelier «<br />

connaissance des Rosa indigènes en Franche-Comté », le 21 octobre 2006. Proposition d une<br />

clef de détermination provisoire pour la Franche-Comté, l Ain et le Jura neuchâtelois.<br />

Nouvel<strong>les</strong> Archives de la Flore jurassienne, n° 4, p 21-24.<br />

15


L'inventaire forestier national : un outil pour l'inventaire<br />

et la cartographie de la végétation.<br />

Catherine CLUZEAU & Raymonde VIRION<br />

Inventaire forestier national - 14 rue Girardet - CS 4216 - 54042 Nancy cedex.<br />

catherine.cluzeau@ifn.fr ; raymonde.virion@ifn.fr<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

L inventaire forestier national (IFN) a été créé en 1958 au sein <strong>du</strong> Ministère de<br />

l Agriculture afin de disposer de chiffres sur la ressource forestière. L inventaire des forêts<br />

françaises est réalisé en continu par l IFN depuis plus de 45 ans sur tout le territoire<br />

métropolitain, indépendamment de toute question de propriété.<br />

Jusqu en 2004, l IFN procédait à des inventaires départementaux. Il fallait une<br />

quinzaine d années pour couvrir l ensemble de la France à raison de 6 à 7 départements<br />

inventoriés par an. Depuis novembre 2004, l'ensemble <strong>du</strong> territoire est inventorié chaque<br />

année.<br />

Pro<strong>du</strong>its de l'IFN<br />

L'IFN pro<strong>du</strong>it essentiellement deux types d'information :<br />

des cartes forestières<br />

des données statistiques (dendrométriques et phytoécologiques)<br />

Les cartes forestières sont réalisées à partir de l'analyse de photographies aériennes.<br />

Ce sont des cartes départementa<strong>les</strong> actualisées tous <strong>les</strong> 10 ans environ. Les principaux types<br />

de peuplement forestier ainsi que <strong>les</strong> landes sont cartographiés à l'échelle <strong>du</strong> 1/25 000 avec<br />

une surface minimale de représentation variant de 2,25 à 4 ha selon <strong>les</strong> départements. El<strong>les</strong><br />

sont notamment utilisées pour estimer la surface des différents types de peuplement et<br />

servaient de base à la constitution de l'échantillon de points visités au sol dans la méthode<br />

d'inventaire utilisée jusqu'en 2004.<br />

Vous pouvez voir ces cartes sur le site internet de l'IFN à l'adresse suivante :<br />

http://www.ifn.fr/spip/rubrique.php3?id_rubrique=67<br />

Les données statistiques sont principalement issues des mesures et observations<br />

réalisées sur le terrain par échantillonnage. El<strong>les</strong> permettent d'estimer <strong>les</strong> surfaces de forêt<br />

selon leur structure et leur composition en essences, pour <strong>les</strong> différentes catégories de<br />

propriété (publique/privée), de même que <strong>les</strong> volumes sur pied et la pro<strong>du</strong>ction des<br />

principa<strong>les</strong> essences forestières.<br />

Depuis 1992 (et le début des années 1980 pour certains départements <strong>du</strong> nord-est et<br />

<strong>du</strong> sud-est de la France), <strong>les</strong> relevés dendrométriques de l IFN sont systématiquement<br />

complétés par des relevés phytoécologiques, afin de décrire <strong>les</strong> conditions de croissance des<br />

peuplements. Ces relevés comprennent des observations topographiques, pédologiques et<br />

floristiques. Les relevés dendrométriques apportaient déjà une information sur la répartition<br />

des espèces ligneuses arborescentes en France, celle-ci s'est enrichie de la description de la<br />

flore arbustive et herbacée.<br />

16


Méthode d'inventaire<br />

De 1960 à 2004, <strong>les</strong> inventaires étaient départementaux avec une périodicité<br />

moyenne de 12 ans. Le taux d'échantillonnage était de l'ordre de 1 point pour 130 ha de forêt,<br />

soit en moyenne 1 000 points par département.<br />

En septembre 2004, l'Ifn a modifié sa méthode d'échantillonnage pour passer à un<br />

inventaire systématique annuel. L'ensemble <strong>du</strong> territoire national est couvert chaque année<br />

avec un taux de sondage de 1 point pour 2 000 ha de forêt, ce qui représente environ 7 000<br />

points par an.<br />

Dispositif de mesures au sol<br />

Les placettes d'inventaire de l'Ifn sont des placettes temporaires. El<strong>les</strong> sont formées<br />

de 4 cerc<strong>les</strong> concentriques de rayons variab<strong>les</strong>. Le plus grand cercle (rayon de 25 m et surface<br />

de 20 ares) est utilisé pour la description générale <strong>du</strong> peuplement et la topographie, <strong>les</strong> cerc<strong>les</strong><br />

de 6, 9 et 15 m de rayon pour <strong>les</strong> mesures des arbres. La description <strong>du</strong> sol et le relevé<br />

floristique sont réalisés dans le cercle de 15 m.<br />

Description <strong>du</strong> peuplement<br />

et topographie locale :<br />

cercle de 25 m<br />

de rayon<br />

Données dendrométriques<br />

Relevé floristique<br />

cercle de 15 m de rayon (soit 700m²)<br />

Placettes de mesures des arbres (cerc<strong>les</strong> de 6m, 9m et 15m de rayon selon<br />

la dimension des arbres)<br />

Figure 1. Schéma d'une placette de mesure de l'Ifn.<br />

La description globale <strong>du</strong> peuplement comprend une caractérisation de sa structure<br />

(futaie, taillis, etc.), de sa composition via l'estimation <strong>du</strong> taux de couvert par essence et de<br />

l'importance de la régénération.<br />

Un grand nombre de mesures indivi<strong>du</strong>el<strong>les</strong> sont effectuées sur <strong>les</strong> arbres de diamètre<br />

supérieur à 7,5 cm à 1,30 m : essence, origine (graine/rejet), état végétatif, hauteur totale,<br />

circonférences à différentes hauteurs pour calculer le volume de la tige, accroissements en<br />

diamètre et en hauteur, âge (sur un échantillon d'arbres), etc.<br />

17<br />

Description <strong>du</strong> sol :<br />

fosse de 40 cm de<br />

profondeur et<br />

sondage à la tarière (1 m)


Données phytoécologiques<br />

La végétation est inventoriée sur le cercle de 15 m de rayon (soit une surface de 700<br />

m² environ). Les agents de terrain de l'Ifn font la liste des espèces ligneuses et herbacées<br />

(bryophytes terrico<strong>les</strong> et ptéridophytes comprises) présentes sur la placette et affectent à<br />

chaque taxon une note d abondance-dominance dérivée <strong>du</strong> coefficient de Braun-Blanquet :<br />

1 : présence mais recouvrement < 5% de la surface<br />

2 : 5 - 25 % de la surface<br />

3 : 25 - 50 % de la surface<br />

4 : 50 - 75 % de la surface<br />

5 : > 75 % de la surface<br />

Les caractéristiques topographiques suivantes sont relevées sur le plus grand cercle<br />

(25 m de rayon) et en considérant aussi l'environnement de la placette : altitude, exposition,<br />

pente, position topographique, pente opposée (masque).<br />

Une fosse pédologique creusée à proximité <strong>du</strong> centre de la placette permet de<br />

caractériser le type de sol, la roche-mère, la charge en cailloux, la texture <strong>du</strong> sol, la<br />

profondeur d apparition de l hydromorphie et de la carbonatation. Il faut ajouter à ces<br />

descripteurs pédologiques, le type d humus et l'importance des affleurements rocheux<br />

appréciés sur la placette de 15 m de rayon.<br />

Les observations et mesures de terrain sont effectuées en toute saison, y compris <strong>les</strong><br />

relevés floristiques.<br />

Bases de données de l'IFN<br />

L'Ifn possèdent 3 famil<strong>les</strong> de données dans ses bases : <strong>les</strong> données cartographiques,<br />

<strong>les</strong> données arbres et peuplement et <strong>les</strong> données phytoécologiques. Seu<strong>les</strong> <strong>les</strong> informations<br />

concernant la flore et le sol sont mentionnées ici.<br />

La base de données phytoécologiques de l Ifn contient actuellement près de 120 000<br />

relevés réalisés entre 1985 et aujourd'hui. C'est une source de données unique sur la flore<br />

forestière française puisqu'elle couvre l ensemble <strong>du</strong> territoire métropolitain (Corse comprise)<br />

avec une forte densité de relevés. De plus, ces données ont été recueillies selon un protocole<br />

identique et sont géoréférencées (pour <strong>les</strong> relevés <strong>les</strong> plus récents). Le caractère cyclique des<br />

inventaires permet également de suivre l évolution de la végétation forestière dans le temps.<br />

Deux séries de données floristiques espacées de 12 ans environ sont actuellement disponib<strong>les</strong><br />

pour 9 départements.<br />

Le nombre de taxa enregistrés par l'Ifn dans l'ensemble de ses relevés floristiques est<br />

de 2175 avec en moyenne 18 taxa par relevé (mini : 1 taxon et maxi : 76 taxa). On trouve en<br />

moyenne 5 genres ou espèces d'arbres par relevé (mini : 1 et maxi : 21).<br />

Les relevés d'été (avril à octobre inclus) comptent en moyenne 19 taxa (maxi : 76) et<br />

<strong>les</strong> relevés d'hiver 16 (maxi : 62).<br />

Exemp<strong>les</strong> d'études de la végétation forestière à partir des données de l'Ifn<br />

Bien que mises en place à l origine pour caractériser <strong>les</strong> conditions stationnel<strong>les</strong> des<br />

forêts en France, <strong>les</strong> données phytoécologiques, et plus particulièrement floristiques, de l Ifn<br />

sont utilisées dans un cadre plus large. El<strong>les</strong> permettent notamment d étudier la distribution<br />

géographique des espèces et de modéliser leurs aires de répartition en fonction de paramètres<br />

18


environnementaux. Ces études contribuent à améliorer <strong>les</strong> connaissances autoécologiques des<br />

espèces forestières et à simuler leur distribution future sous l'effet des changements globaux à<br />

moyen et long terme. A travers la valeur bioindicatrice des espèces végéta<strong>les</strong>, <strong>les</strong> données<br />

floristiques de l'Ifn peuvent aussi être utilisées pour dresser des cartes de distribution<br />

géographique des principaux facteurs écologiques (cf. cartes présentées dans le poster réalisé<br />

par Raymonde Virion et présenté à ce colloque) et étudier leur évolution dans le temps.<br />

Quelques exemp<strong>les</strong> d'utilisation des données Ifn dans le cadre d'études portant sur la<br />

végétation forestière sont présentés ci-après.<br />

1. Atlas floristiques<br />

En 2004, l'association <strong>Floraine</strong> a contacté l'échelon Ifn de Nancy dans le cadre de la<br />

réalisation de l'Atlas des plantes de Lorraine. Un partenariat a été mis en place entre <strong>les</strong> deux<br />

structures pour intégrer <strong>les</strong> données floristiques de l'Ifn dans l'atlas et en retour assurer un<br />

contrôle de validité de ces données et la formation des agents Ifn à l'identification des<br />

bryophytes par des membres de <strong>Floraine</strong> (voir Figures 2 et 3 ci-dessous).<br />

Cette première expérience a été suivie de la mise en oeuvre d'autres conventions <strong>du</strong><br />

même type entre l'Ifn et la Société Botanique d'Alsace, le Conservatoire Botanique National<br />

<strong>du</strong> Massif Central et celui <strong>du</strong> Bassin Parisien.<br />

Figure 2 : répartition d'Abies alba en Lorraine - extrait de l'atlas des plantes de Lorraine<br />

(carte dynamique visible sur le site internet de <strong>Floraine</strong>).<br />

Un trait rouge dans une cellule indique que l'espèce a été vue au moins une fois dans cette<br />

maille de 5 x 5 km depuis 1998. Les cases blanches n'ont pas encore été prospectées.<br />

19


Figure 3 : répartition d'Abies alba en Lorraine d'après <strong>les</strong> inventaires Ifn des départements<br />

lorrains (1990-1993). En noir : <strong>les</strong> points avec A. alba (1683), en gris <strong>les</strong> points sans A. alba (5595).<br />

2. Changements à long terme de la végétation forestière : apport des<br />

données de l'Ifn<br />

Dans le cadre d'un programme de recherche lancé en 2001 par le GIP-Ecofor sur <strong>les</strong><br />

forêts et <strong>les</strong> modifications de l'environnement, l'Inra-Nancy (Laboratoire de phytoécologie<br />

forestière) a sollicité l'Ifn pour participer à une étude sur <strong>les</strong> impacts des modifications de<br />

l environnement sur <strong>les</strong> forêts.<br />

Plusieurs chercheurs européens ont mis en évidence des modifications de la<br />

végétation dans <strong>les</strong> forêts de l'Europe de l'ouest au cours des dernières décennies. Dans <strong>les</strong><br />

forêts <strong>du</strong> nord-est de la France on a constaté une augmentation des espèces nitrophi<strong>les</strong> et une<br />

diminution des espèces acidiclines depuis la fin des années 1970.<br />

Les principaux objectifs de cette étude pilote étaient de savoir s il était possible de<br />

suivre <strong>les</strong> évolutions à long terme de la végétation forestière à partir des relevés<br />

phytosociologiques de l Ifn et de confirmer ou infirmer <strong>les</strong> résultats déjà obtenus par l Inra<br />

dans le nord-est de la France sur un intervalle de 20 ans. La végétation forestière présente le<br />

20


double intérêt d'être à la fois un bon bioindicateur des conditions stationnel<strong>les</strong> et un<br />

composant de la biodiversité.<br />

Nous avons comparé <strong>les</strong> caractéristiques de la végétation forestière des départements<br />

de l Ardenne et <strong>du</strong> Haut-Rhin sur deux cyc<strong>les</strong> d inventaire (11 ans d intervalle). Ce sont <strong>les</strong> 2<br />

premiers départements pour <strong>les</strong>quels il existait à l'époque 2 séries temporel<strong>les</strong> d inventaire<br />

avec des relevés phytoécologiques. Ont été étudiées entre autres caractéristiques liées à la<br />

flore :<br />

- <strong>les</strong> changements de la richesse spécifique globale et par relevé<br />

- l'évolution de la fréquence de chaque espèce<br />

- le changement des valeurs indicatrices d'Ellenberg et de Gégout<br />

Les relevés floristiques pouvant être associés sur chaque placette d'inventaire à des<br />

informations dendrométriques, l'évolution des caractéristiques globa<strong>les</strong> des peuplements<br />

(structure, type de peuplement) a également été prise en compte afin de mieux comprendre <strong>les</strong><br />

modifications de flore observées.<br />

La méthode d'échantillonnage et <strong>les</strong> protoco<strong>les</strong> de mesures sont également à<br />

considérer avec attention dans ce genre d'étude et plus particulièrement <strong>les</strong> effets observateurs<br />

et saison qui sont connus pour avoir une grande influence sur la qualité des relevés<br />

floristiques. Ainsi lors de l'inventaire forestier <strong>du</strong> Haut-Rhin en 1988, 54 % des relevés ont été<br />

réalisés en été, dont <strong>les</strong> 2/3 en montagne. En 1999, lors de l'inventaire suivant, 81 % des<br />

relevés ont été effectués en été.<br />

Les résultats de cette étude montrent que la richesse floristique (nombre moyen<br />

d espèces par relevé) a nettement augmenté entre <strong>les</strong> deux cyc<strong>les</strong>, en relation d une part, avec<br />

une meilleure identification des espèces par <strong>les</strong> équipes de l Ifn et d autre part, sous l effet de<br />

changements environnementaux locaux et globaux. En résumé, <strong>les</strong> espèces de milieux riches<br />

et/ou anthropisés (espèces neutro-nitrophi<strong>les</strong>) progressent. Ce sont pour la plupart des espèces<br />

caractéristiques des coupes forestières ou des lisières ainsi que des espèces que l on voit<br />

apparaître ou progresser dans <strong>les</strong> essais de fertilisations des sols forestiers, indiquant donc une<br />

tendance à l eutrophisation (enrichissement) des sols.<br />

Il existe des différences régiona<strong>les</strong> dans cette évolution de la flore liées notamment<br />

au contexte stationnel des peuplements.<br />

L arrivée de plus de 7 000 nouveaux relevés floristiques chaque année est<br />

prometteuse et permettra d ici quelques années de travailler à l échelle de tout le territoire<br />

métropolitain<br />

3. Modélisation de l'aire climatique potentielle des grandes essences<br />

forestières<br />

Cette étude a été réalisée dans le cadre <strong>du</strong> projet de recherche CARBOFOR sur la<br />

Séquestration de carbone dans <strong>les</strong> grands écosystèmes forestiers en France (2002-2004),<br />

faisant lui-même partie <strong>du</strong> programme Gestion et Impacts <strong>du</strong> Changement Climatique (GICC)<br />

coordonné par le Medd.<br />

L'objectif de ce volet <strong>du</strong> projet CARBOFOR était d'étudier, à l'échelle <strong>du</strong> territoire<br />

national, <strong>les</strong> effets des contraintes climatiques sur l extension de l'aire potentielle des<br />

principa<strong>les</strong> essences forestières, et de modéliser le déplacement de ces aires sous l'effet des<br />

changements climatiques.<br />

21


L analyse de la présence/absence de 67 espèces ligneuses sur l ensemble <strong>du</strong> territoire<br />

a été réalisée à partir de plus de 104 000 relevés de l'Ifn effectués entre 1985 et 2001.<br />

Les données climatiques actuel<strong>les</strong> utilisées dans le cadre <strong>du</strong> projet correspondent : i)<br />

aux interpolations <strong>du</strong> modèle AURELHY de Météo-France et ii) aux données <strong>du</strong> Service<br />

d Archivage et de Traitement Météorologique des Observations Spatia<strong>les</strong> (SATMOS)<br />

CNRS / Météo-France. Les données climatiques futures sont issues <strong>du</strong> scénario ARPEGE.<br />

Les relevés pédologiques ne sont systématiques à l Ifn que depuis 1992. En<br />

conséquence il existe des manques importants sur le territoire. Pour prendre en compte la<br />

nature <strong>du</strong> substrat dans le contrôle des aires de répartition, la carte des sols de France au 1/1<br />

000 000 ème<br />

(INRA-Orléans) a été dérivée à l aide de fonctions de pédo-transfert en une carte<br />

thématique donnant trois classes d acidité pour <strong>les</strong> substrats.<br />

Les modè<strong>les</strong> de répartition actuelle des essences forestières issues de l'analyse de la<br />

présence/absence des espèces en fonction des paramètres édaphiques et climatiques présentés<br />

ci-dessus permettent de calculer la probabilité de présence d'une essence en un point donné <strong>du</strong><br />

territoire (voir Figure 4).<br />

Les aires potentiel<strong>les</strong> futures des essences sont simulées par la prise en compte dans<br />

<strong>les</strong> modè<strong>les</strong> de répartition actuelle des éléments climatiques futurs prédits par le modèle<br />

climatique ARPEGE pour <strong>les</strong> 50 et 100 prochaines années (voir Figure 4).<br />

Les conclusions de ce travail montrent que la distribution des aires géographiques<br />

potentiel<strong>les</strong> des essences sur le territoire national fait apparaître un déplacement des groupes<br />

d essences méridionaux vers le Nord et vers l Est. Les groupes montagnards et continentaux<br />

tendent à régresser fortement. Cette conclusion rejoint <strong>les</strong> résultats prédits en terme de<br />

fonctionnement et de pro<strong>du</strong>ction. Les espèces <strong>les</strong> plus sensib<strong>les</strong> et donc vulnérab<strong>les</strong> sont <strong>les</strong><br />

espèces supportant mal <strong>les</strong> sécheresses édaphiques et cel<strong>les</strong> en limite Sud de leur aire<br />

naturelle comme le Hêtre. Il est opportun de noter que cette évolution est prédite dans un laps<br />

de temps de 50 ans, inférieur à la <strong>du</strong>rée de révolution de la plupart des espèces forestières<br />

concernées et de rappeler l optimisme <strong>du</strong> scénario B2, utilisé dans cette étude, qui prédit<br />

l accumulation en gaz à effet de serre la plus lente des scénarios considérés par le GIEC.<br />

Ces résultats ne doivent pas être considérés comme des prévisions <strong>du</strong> fait d'une part,<br />

de la précision des scénarios climatiques et d'autre part, des incertitudes concernant le<br />

comportement des essences. Il faudrait intégrer dans ces modè<strong>les</strong> d'évolution des informations<br />

sur la capacité de migration des espèces pour coloniser de nouvel<strong>les</strong> niches climatiques en<br />

quelques dizaines d'années, sur l'adaptation à de nouvel<strong>les</strong> situations de compétition, sur<br />

l'influence de nouveaux pathogènes et symbiotes et sur la variabilité génétique. Autant de<br />

processus qui ne sont pas toujours bien connus actuellement pour toutes <strong>les</strong> espèces et dont il<br />

va falloir prévoir l'évolution sous l'effet des changements climatiques en cours.<br />

22


a)<br />

b) c)<br />

Figure 4 : aire de répartition <strong>du</strong> sapin pectiné, a) répartition actuelle observée (données Ifn),<br />

b) répartition actuelle modélisée, c) simulation pour 2100.<br />

Dans <strong>les</strong> figures 4b et 4c, <strong>les</strong> couleurs indiquent une probabilité de présence de l'espèce. Plus <strong>les</strong><br />

couleurs sont chaudes plus la probabilité est forte (bleu foncé : de 0.1 à 0.2, rouge foncé : de 0.9 à 1).<br />

Références bibliographiques<br />

Badeau V., Dupouey J.L., Cluzeau C., Drapier J., 2005. Aires potentiel<strong>les</strong> de répartition des<br />

essences forestières d'ici 2010. Forêt entreprise, 2005 (2), n° 162, p. 25-29.<br />

Cluzeau C., Dupouey J.-L., Drapier J., Virion R., 2001. Étude des modifications à long terme<br />

de la végétation forestière à partir des données de l IFN. Rev. For. Fr., 53(3-4), 413-419.<br />

Drapier J., Cluzeau C., 2001. La base de données écologiques de l'IFN. In : Actes <strong>du</strong><br />

séminaire IFN 2000 "Collecte et utilisation des données forestières". Revue forestière française, vol.<br />

LIII, n° 3-4, 2001, p. 365-371.<br />

Dupouey J.L., Thimonier A., Bost F., Becker M., Picard J.F., Timbal J., 1999. Changements<br />

de la végétation dans <strong>les</strong> forêts <strong>du</strong> Nord-Est de la France entre 1970 et 1990. Revue Forestière<br />

Française, 2, 219-230.<br />

Rapport final de l'étude Carbofor téléchargeable sur :<br />

http://www.nancy.inra.fr/extranet/com/carbofor/carbofor-D1-resume.htm#entete<br />

23


L'approche cartographique des stations forestières<br />

Sylvain GAUDIN<br />

Ingénieur environnement et développement<br />

CRPF de Champagne-Ardenne<br />

6 place Sainte-Croix<br />

51000 CHÂLONS en CHAMPAGNE<br />

sylvain.gaudin@crpf.fr<br />

03 26 65 18 25<br />

Connaître la répartition de la flore ou de la végétation sur de vastes territoires<br />

permet d'établir des atlas, de définir des limites chorologiques ou de visualiser <strong>les</strong> effets<br />

possib<strong>les</strong> des changements globaux.<br />

Il faut aussi parfois avoir une approche fine des milieux à des fins de gestion. Par<br />

exemple, la connaissance précise des stations à l'échelle d'une forêt permet de définir et<br />

cartographier <strong>les</strong> potentialités ainsi que de choisir <strong>les</strong> cortèges d'essences adaptées. De<br />

même, sur <strong>les</strong> sites retenus pour le réseau européen Natura 2000, la cartographie des habitats<br />

aboutit au géoréférencement des différents milieux, à la définition spatiale des enjeux et à la<br />

localisation des interventions à réaliser.<br />

Cette contribution présente <strong>les</strong> modalités de mise en uvre d'une cartographie<br />

précise des stations forestières. L'objectif est d'aboutir, à la suite de relevés de terrain, à une<br />

carte dont l'échelle de validité sera par exemple le 1:5000e ou le 1:10 000e.<br />

La notion de station forestière<br />

Un simple parcours en forêt permet facilement d'identifier des changements de<br />

végétation. Par exemple, il est possible de traverser en quelques centaines de mètres des<br />

zones de physionomie différente :<br />

Sur le plateau où dominent le chêne sessile et le charme, la flore <strong>du</strong> sous-bois est<br />

composée de chèvrefeuille (Lonicera periclymenum), de millet diffus (Milium effusum),<br />

d'atrichie on<strong>du</strong>lée (Atrichum un<strong>du</strong>latum) et de canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa).<br />

Les sols y sont assez profonds et la texture dominante est limoneuse.<br />

Sur le versant, le hêtre, l'érable champêtre et l'alisier torminal composent le<br />

peuplement. Le sous-bois est riche en arbustes comme le camerisier à balai (Lonicera<br />

xylosteum), la viorne lantane (Viburnum lantana), le fusain (Evonymus europeae) ainsi qu'en<br />

plantes herbacées : brachypode des bois (Brachypodium sylvaticum), mélique uniflore<br />

(Melica uniflora). Le sol à dominante argileuse est peu profond et laisse rapidement la place<br />

à des cailloux calcaires.<br />

En bas de versant, le chêne pédoncule, le frêne et l'orme lisse dominent. La flore<br />

<strong>du</strong> sous-bois comprend notamment l'ail des ours (Allium ursinum), la ficaire (Ranunculus<br />

ficaria), la reine des prés (Filipen<strong>du</strong>la ulmaria) et la circée de Paris (Circaea lutetiana). Le<br />

sol limoneux en surface puis argileux est profond. II est marqué de taches qui tra<strong>du</strong>isent des<br />

périodes d'engorgement hivernal.<br />

Ces constatations ont été faites rapidement par <strong>les</strong> premiers botanistes. Pour trouver<br />

certaines plantes, il fallait herboriser dans des lieux bien précis, aux conditions de milieu<br />

particulières. Il existe, même si <strong>les</strong> liens sont imparfaits, des relations entre la végétation et<br />

le sol. C'est en partant de ces constatations qu'a été définie la notion de station forestière.<br />

Une station est une éten<strong>du</strong>e de terrain de superficie variable, homogène dans ses conditions<br />

physiques et biologiques (mésoclimat, topographie, composition floristique et structure de la<br />

végétation spontanée, sol).<br />

24


Ainsi il est possible de définir par exemple une station de versant nord, sur sol<br />

superficiel et caillouteux, à mésoclimat froid et à flore neutrophile et hygrosciaphile. Sur une<br />

station, la flore sert de bio-indicateur et est classée en groupes ayant <strong>les</strong> mêmes affinités<br />

écologiques (plantes des milieux humides, plantes des milieux riches en nitrates, plantes<br />

exigeantes en humidité atmosphérique...). La connaissance de la station permet de connaître<br />

localement la fertilité et d'énumérer <strong>les</strong> essences forestières à favoriser dans <strong>les</strong> peuplements,<br />

voire à implanter. Sur une ou plusieurs régions naturel<strong>les</strong>, il est possible de construire un<br />

catalogue des stations qui énumère <strong>les</strong> différents types de stations, <strong>les</strong> caractérise, donne<br />

leurs potentialités et permet de <strong>les</strong> identifier sur le terrain grâce à une clef de détermination.<br />

Les méthodes de cartographie<br />

Les différentes méthodes<br />

Pour réaliser une carte des stations, il est nécessaire d'effectuer des relevés<br />

phytoécologiques qui prennent en compte la topographie, l'exposition, la pédologie et la<br />

végétation. Trois méthodes sont possib<strong>les</strong> pour organiser l'échantillonnage (nombre et<br />

positionnement des relevés) et optimiser le travail de terrain (figure 1).<br />

La cartographie systématique s'appuie sur un parcours de la forêt selon une grille<br />

régulière.<br />

L'opérateur chemine entre <strong>les</strong> points et détermine à chaque n ud le type de station.<br />

Un transect est un itinéraire rectiligne d'échantillonnage recouvrant une diversité maximale de<br />

situations topographiques, géologiques, géomorphologiques et végéta<strong>les</strong>. Ainsi, réaliser une<br />

cartographie par transects revient à définir des cheminements et à <strong>les</strong> parcourir en réalisant<br />

des relevés (en notant <strong>les</strong> changements stationnels). La cartographie par zonage préalable a<br />

pour fondement la définition de zones a priori homogènes <strong>du</strong> point de vue stationne! (en<br />

synthétisant toutes <strong>les</strong> informations uti<strong>les</strong>). La phase de terrain sert alors à valider ou à<br />

recadrer le découpage initial et à déterminer de manière précise <strong>les</strong> types de stations.<br />

La méthode par zonage préalable<br />

- Principes<br />

La méthode par zonage préalable apparaît comme intéressante car elle optimise la<br />

disposition des relevés et limite ainsi leur nombre. La mise en pratique de cette méthode est<br />

donc moins coûteuse. Son efficacité a donc été testée en Champagne-Ardenne par le CRPF.<br />

L'observation conjointe de plusieurs données permet à l'opérateur de réaliser une<br />

stratification préalable avant d'aller sur le terrain. Il s'agit :<br />

25


- de la topographie (lue sur <strong>les</strong> courbes de niveau des cartes topographiques ou issue<br />

d'un modèle numérique de terrain),<br />

- de la géologie, issue des cartes <strong>du</strong> BRGM au 1:50 000e,<br />

- des photographies aériennes,<br />

- <strong>du</strong> catalogue des stations s'il est disponible pour la forêt étudiée.<br />

À ces données usuel<strong>les</strong> auxquel<strong>les</strong> sont familiarisés <strong>les</strong> gestionnaires de milieux<br />

naturels, il faut ajouter trois « lois » qui ont été définies par le laboratoire de pédologie de<br />

l'université de Franche-Comté (Lucot et Gaiffe, 1994). Il s'agit de :<br />

- la loi des chaînes de sols,<br />

- la loi des compartiments,<br />

- la loi des buttes.<br />

En règle générale, <strong>les</strong> eaux de ruissellement font que « <strong>les</strong> hauts nourrissent <strong>les</strong> creux<br />

». On observe ainsi des transferts de matière le long des pentes. Les sols des zones convexes<br />

sont soumis à des pertes de matière (<strong>les</strong>sivage, érosion, ruissellement) alors que <strong>les</strong> sols des<br />

dépressions connaissent un apport de matériaux (accumulation, <strong>les</strong>sivage, érosion karstique).<br />

On arrive ainsi à la notion de chaîne de sols.<br />

Il existe des variations plus ou moins continues entre <strong>les</strong> points hauts et <strong>les</strong> creux (ce<br />

qui permet au cartographe d'anticiper <strong>les</strong> variations). Les sols colluviaux des positions basses<br />

présentent généralement une faible variabilité dans un contexte donné. Les relevés pourront y<br />

être limités.<br />

Le sol et <strong>les</strong> roches sous-jacentes ont des propriétés physiques propres. Ils ont donc<br />

localement un comportement différent en ce qui concerne l'écoulement des eaux, notamment<br />

en raison de leur porosité. Il est possible de distinguer quatre systèmes principaux :<br />

- Les systèmes drainants hyper-poreux. Ils correspondent à un réseau de pores très<br />

ouverts (roches fracturées). Les processus d'entraînement et d'érosion fortement favorisés y<br />

limitent l'épaisseur des sols.<br />

- Les systèmes drainants poreux. Le réseau poral y est grossier (roches fissurées,<br />

dépôts alluviaux anciens sablo-graveleux...). Les eaux s'infiltrent verticalement et <strong>les</strong><br />

ruissellements latéraux épisodiques n'entraînent qu'une érosion modérée.<br />

- Les systèmes étanches ouverts. Dans ces systèmes, le réseau de pores trop fins<br />

limite l'infiltration et provoque l'apparition de nappes. Il s'agit soit de nappes perchées (en<br />

26


position de plateau), soit de nappes phréatiques (en plaine alluviale).<br />

- Les systèmes étanches fermés. Ils correspondent aux compartiments non drainants<br />

et aux cuvettes fermées. L'eau y est prisonnière car elle ne peut pas s'écouler.<br />

Définir le ou <strong>les</strong> systèmes présents sur la forêt à cartographier revient à appliquer la<br />

loi des compartiments.<br />

Lorsqu'il existe un relief un peu marqué sur le massif à cartographier, il est possible<br />

de définir des zones convexes (buttes) et des dépressions. Ce modelé résulte de la circulation<br />

des eaux de ruissellement.<br />

Ces eaux ont tendance à progresser le long des discontinuités géologiques et dans <strong>les</strong><br />

zones de partage entre matériaux (figure 3).<br />

Sachant cela, deux buttes voisines ont de fortes chances de présenter des stations différentes.<br />

Cette loi des buttes permet donc d'avoir une première approche focalisée sur <strong>les</strong> buttes pour<br />

estimer si el<strong>les</strong> présentent des différences significatives d'un point de vue stationnel. En<br />

revanche, la loi des chaînes de sols indique que <strong>les</strong> fonds varieront peu en raison <strong>du</strong><br />

colluvionnement qui masque <strong>les</strong> formations sous-jacentes.<br />

Mise en place sur un exemple<br />

La forêt de Pierrepont, située dans <strong>les</strong> crêtes pré-ardennaises a été cartographiée<br />

selon la méthode par zonage préalable. La mise en uvre des critères et des lois con<strong>du</strong>isant à<br />

la stratification est résumé sur la figure 4.<br />

- Topographie et exposition : la forêt possède une zone de plateau au sud, une zone<br />

de versants dans sa partie centrale et une zone de bas de versant et de fond de vallon au nord.<br />

Les versants sont globalement exposés au nord.<br />

- Géologie et géomorphologie : trois formations géologiques sont présentes sur cette<br />

forêt. Les sols lourds issus <strong>du</strong> Callovien se retrouvent sur la dépression au nord. Les versants<br />

sont constitués de gaize oxfordienne, et le plateau, de sols développés sur des sab<strong>les</strong> argileux.<br />

Il existe donc ici une bonne concordance entre topographie et géologie.<br />

- La loi des compartiments : La carte géologique annonce des marnes <strong>du</strong> Callovien<br />

en bas de versant.<br />

La position topographique basse et la texture lourde des sols vont in<strong>du</strong>ire des<br />

systèmes étanches à nappe temporaire ou permanente. L'Oxfordien inférieur forme le versant<br />

de la cuesta. La gaize domine, même si des matériaux fins peuvent être ponctuellement<br />

présents. En raison de la perméabilité de la roche et de la pente, le système reposant sur<br />

l'Oxfordien est drainant. Les dépôts de l'Albien sont faits de sab<strong>les</strong> argileux et glauconieux.<br />

Ils sont en position topographique de plateau.<br />

Il peut en résulter soit un système étanche ouvert (avec une nappe perchée), soit un<br />

système drainant poreux.<br />

27


.<br />

- La loi des buttes : Cette loi indique que <strong>les</strong> points hauts peuvent très souvent avoir des<br />

sols présentant des différences. Les buttes ont donc été repérées par un symbole (+) sur la carte<br />

présentée figure 4, <strong>les</strong> creux par un symbole (-). Les relevés de terrain devront échantillonner<br />

chaque butte.<br />

Les limites de stations entre <strong>les</strong> buttes devront être recherchées.<br />

- La loi des chaînes de sols : II existe des colluvionnements entre <strong>les</strong> points hauts (+)<br />

et <strong>les</strong> points bas<br />

(-). Les transects effectués en allant de l'un à l'autre permettront de recenser des sols<br />

de profondeur variable.<br />

- L'apport <strong>du</strong> catalogue des stations : <strong>les</strong> types de stations <strong>du</strong> catalogue des crêtes<br />

pré-ardennaises sont construits en fonction de divers paramètres dont la topographie,<br />

l'exposition ou le matériau géologique. II est donc possible d'énumérer <strong>les</strong> types potentiels<br />

sur la carte. La lecture <strong>du</strong> catalogue montre que <strong>les</strong> versants ne sont pas nécessairement<br />

homogènes. Les zones <strong>les</strong> plus abruptes correspondent sûrement à des zones sur éboulis de<br />

gaize à système poreux hyperdrainant (type 3). Les zones à pente moins forte (bas ou haut de<br />

pente) correspondent à des stations sur système poreux drainant (type 4 ou 10). Une limite<br />

potentielle supplémentaire a donc été tracée sur la carte en fonction des courbes de niveau. Au<br />

sud de cette ligne, la pente est plus raide qu au nord.<br />

La phase de terrain a pour but d identifier <strong>les</strong> types de stations présents. Le parcours<br />

doit permettre de vérifier <strong>les</strong> hypothèses et d apporter suffisamment d informations pour<br />

réaliser la carte. Il peut être modifié en cours de route pour tenir compte des premiers résultats<br />

obtenus. Vingt relevés ont été effectués sur cette forêt.<br />

28


La validation de la méthode par zonage préalable<br />

Méthode utilisée<br />

Quelle que soit la méthode de cartographie utilisée, il est toujours possible de réaliser<br />

une carte. Il faut cependant, pour juger de la pertinence de la méthode testée, connaître la<br />

validité des résultats cartographiques obtenus. La méthode de cartographie par zonage<br />

préalable a été essayée sur une dizaine de forêts présentant une grande variété de situations<br />

(petites ou grandes surfaces, topographie marquée ou non, nombre d assises géologiques<br />

variable...). Une fois la carte résultant de la méthode par zonage préalable réalisée, une<br />

seconde campagne de terrain utilisant une méthode systématique dense (relevés le plus<br />

souvent au quart d hectare ou au demi-hectare) a eu lieu (figure 5).<br />

Les résultats obtenus<br />

La superposition de la carte initiale et des relevés de vérification (figure 6) permet de<br />

définir un certain nombre d indicateurs :<br />

l indice de bonne superposition,<br />

la comparaison des types de stations rencontrés et des surfaces couvertes par<br />

chaque type selon la méthode utilisée,<br />

le nombre de zones oubliées par la méthode par zonage préalable...<br />

Par exemple, sur la forêt de Pierrepont, l indice de bonne superposition est de 73 %.<br />

Cela signifie que sur presque trois quarts des relevés de vérification effectués, il y a<br />

concordance avec la carte tracée à l issue de la méthode par zonage préalable. Dans certains<br />

29


cas, la mauvaise concordance des résultats repose simplement sur un léger décalage dans le<br />

tracé d une limite. Dans d autres cas, il y a un oubli complet d une zone d un type de station<br />

différent.<br />

Lors de la cartographie par zonage préalable, quatre types de station n ont pas été<br />

rencontrés alors que la vérification systématique a montré leur présence. Ces quatre types<br />

couvrent cependant une surface cumulée assez ré<strong>du</strong>ite (environ 5 % de la surface de la forêt).<br />

La surface totale occupée par chaque type de station varie peu entre <strong>les</strong> deux méthodes. En<br />

revanche, une dizaine d unités cartographiques (de taille modeste) n ont pas été repérées lors<br />

de la cartographie par zonage préalable (figure 7).<br />

Bilan des tests<br />

Des résultats analogues ont pu être obtenus sur l ensemble des forêts testées. Par<br />

exemple, la figure 8 montre la valeur prise par l indice de bonne superposition sur l ensemble<br />

des forêts testées.<br />

Figure 8. Valeur de l indice de bonne superposition sur <strong>les</strong> forêts testées.<br />

Même si <strong>les</strong> tests sont trop peu nombreux pour conclure de manière définitive, <strong>les</strong><br />

premiers résultats étaient suffisamment satisfaisants pour que le CRPF propose à destination<br />

des gestionnaires de forêts ou de milieux naturels, des fiches pratiques pour mettre en oeuvre<br />

la cartographie des stations (Gaudin, 2004). Une de ces fiches indique la ou <strong>les</strong> méthodes de<br />

cartographie <strong>les</strong> plus adaptées en fonction des caractéristiques de la région naturelle. Il<br />

semble, par exemple, que la méthode par zonage préalable fonctionne d autant mieux :<br />

que le relief de la forêt à cartographier est marqué,<br />

que <strong>les</strong> formations géologiques sont diversifiées et qu el<strong>les</strong> influent sur la diversité<br />

des sols.<br />

30


Pour conclure, la cartographie des stations, en particulier celle par zonage préalable,<br />

nécessite un certain savoir-faire. En effet, il est nécessaire de synthétiser et d interpréter au<br />

mieux <strong>les</strong> données et de réaliser de manière judicieuse <strong>les</strong> relevés de terrain. Cette approche<br />

fine des milieux, s appuyant sur le caractère indicateur de la flore, permet de connaître <strong>les</strong><br />

milieux naturels et d optimiser leur gestion.<br />

31


Bibliographie<br />

BAZIN N. et GAUDIN S., 2002, Tests d une méthode de cartographie rapide des<br />

stations forestières, Synthèse générale, CRPF de Champagne-Ardenne, version 1.1, Châlons<br />

en Champagne, Rapportd étude, 47 p. et annexes.<br />

Téléchargeable à l adresse : http://perso.orange.fr/le.mago/Acrobat/Tests.pdf<br />

DELPECH R. et al., 1985, Typologie des stations forestières, Vocabulaire, Paris, IDF,<br />

243 p.<br />

DENIS P., 1997, Cartographie des stations forestières, Bois et Forêts en Pays de la<br />

Loire, n°50, pp. 2-3.<br />

GAUDIN S., 2004, La cartographie des stations : méthodes et conseils, CRPF de<br />

Champagne-Ardenne, version 1.6, Châlons en Champagne, 11 fiches.<br />

Téléchargeable à l adresse : http://www.crpf.fr/crpfchampagne/pdf/Cartographie.pdf<br />

GAUDIN S., 2006, Utiliser et valoriser une carte des stations : exemple en Brie<br />

champenoise, CRPFde Champagne-Ardenne, version 1.51, Châlons en Champagne, 6 fiches.<br />

Téléchargeable à l adresse : http://www.crpf.fr/crpfchampagne/pdf/Valorisation.pdf<br />

GIRAULT D., 1985, Les stations forestières des Crêtes Pré-Ardennaises, DDAF des<br />

Ardennes, 103 p.<br />

LUCOT E. et GAIFFE M., 1994, Cartographie de massifs forestiers témoins sur<br />

substrats calcaires <strong>du</strong> Nord-Est de la France, Intégration de l indice de pierrosité dans la<br />

caractérisation des sols, Université de Franche-Comté, Laboratoire de pédologie, 12 p. et<br />

annexes.<br />

ONF DR Alsace, 1990, Cartographie des stations forestières pour l aménagement, 14 p.<br />

32


Vers un atlas de la flore vasculaire de Wallonie<br />

par L.-M. De<strong>les</strong>caille 1 , M. Dufrêne 1 , J.-L. Gathoye 1 , J. Saintenoy-Simon 2 , C.<br />

Teugels 1,3 et F. van Rossum 4 . *<br />

1. Un Atlas de la flore vasculaire de Wallonie, pour quoi faire ?<br />

La connaissance de la distribution historique des plantes vasculaires de la flore belge<br />

repose essentiellement sur l édition de l'Atlas de la flore belge et luxembourgeoise de van<br />

Rompaey & Delvosalle (1972). Cet atlas est le fruit d'un travail de compilation de données<br />

floristiques anciennes issues de publications, notamment <strong>du</strong> Prodrome de Durant (1899),<br />

d'herbiers, et de données recueillies entre 1939 et 1971 par L. Delvosalle, E. van Rompaey et<br />

de nombreux collaborateurs professionnels et amateurs. Certaines données, récoltées jusqu en<br />

1977, ont été ajoutées dans la seconde édition (van Rompaey & Delvosalle, 1979). A cette<br />

époque, <strong>les</strong> auteurs avaient pour principal objectif de donner une image correcte de la<br />

distribution géographique des espèces végéta<strong>les</strong>. Ils eurent aussi le mérite d'adapter une<br />

méthode de représentation cartographique par quadrillage <strong>du</strong> territoire en mail<strong>les</strong><br />

kilométriques, développée par des botanistes néerlandais dès le début <strong>du</strong> 20 e siècle (Goethart<br />

& Jongmans, 1903-1908), et mise en place en Belgique par l Institut Floristique Belge<br />

devenu, en 1976, l'Institut Floristique Belgo-Luxembourgeois (IFBL). Ce carroyage est<br />

également utilisé au Grand-Duché de Luxembourg et dans le nord de la France (Institut<br />

floristique franco-belge, Delvosalle, 1977).<br />

Depuis la publication de l'atlas, de nombreux botanistes amateurs ou professionnels<br />

ont continué à collecter des données floristiques, publiées - parfois dans des publications<br />

confidentiel<strong>les</strong>, sous forme d artic<strong>les</strong>, d'additions, de compléments, ou simplement conservées<br />

dans des carnets de terrain. Les techniques ont également évolué, de même que <strong>les</strong> objectifs.<br />

Un atlas est devenu un outil incontournable pour la conservation de la biodiversité.<br />

En effet, la connaissance de la distribution des plantes supérieures permet :<br />

- d avoir une idée précise de leur distribution et de leur évolution, en particulier pour <strong>les</strong><br />

espèces prioritaires ou d habitats prioritaires en matière de conservation mais aussi comme<br />

indicateurs biologiques des grands changements environnementaux;<br />

- d évaluer la rareté des espèces;<br />

- de suivre l évolution (régression, progression) des espèces rares (listes rouges) ou des<br />

espèces envahissantes (listes noires);<br />

- de localiser <strong>les</strong> "c urs de nature" qui montrent une grande diversité, ainsi que <strong>les</strong> stations<br />

d'espèces vulnérab<strong>les</strong> insuffisamment incluses au sein des sites protégés (et donc<br />

d identifier des terrains pour de nouvel<strong>les</strong> réserves naturel<strong>les</strong>) ;<br />

- de fournir des données actualisées pour le suivi de l'état de l'environnement par<br />

bioindicateurs, pour <strong>les</strong> études d'incidences, pour l évaluation de l état de conservation des<br />

habitats Natura 2000 ;<br />

- de permettre l'adaptation de la législation, etc.<br />

Depuis la publication de l'atlas de 1979, de nombreuses espèces ont vu leur statut se<br />

modifier ou leur distribution évoluer (De<strong>les</strong>caille & Saintenoy-Simon, <strong>2007</strong>). Beaucoup se<br />

sont raréfiées ou ont disparu, alors que d'autres, souvent exotiques, ont connu une progression<br />

* 1 - Centre de Recherche de la Nature, des Forêts et <strong>du</strong> Bois Avenue Maréchal Juin, 23 B - 5030 Gembloux<br />

2 - Association pour l'Etude de la Floristique Rue A. Roland, 61 B - 1030 Bruxel<strong>les</strong><br />

3 - Unité de Gestion des Ressources forestières et des Milieux naturels - Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de<br />

Gembloux Avenue de la Faculté d'Agronomie, 2 B - 5030 Gembloux<br />

4 - Jardin botanique national de Belgique Domaine de Bouchout B - 1860 Meise<br />

33


spectaculaire. Il est donc primordial de faire une synthèse des données floristiques collectées<br />

ces 30 dernières années et, si besoin est, de <strong>les</strong> compléter par de nouveaux inventaires. En<br />

Flandre, <strong>les</strong> autorités compétentes sont parvenues à fédérer <strong>les</strong> institutions scientifiques et <strong>les</strong><br />

groupements d'amateurs pour pro<strong>du</strong>ire en 2006 un "Atlas de la flore de Flandre et de la<br />

Région bruxelloise", fruit de la collaboration de plus de 1400 personnes, amateurs et<br />

professionnels (van Lan<strong>du</strong>yt et al., 2006). Grâce à une collaboration entre la Direction de la<br />

Conservation de la Nature <strong>du</strong> Ministère de la Région Wallonne, le Centre de Recherche de la<br />

Nature, des Forêts et <strong>du</strong> Bois (CRNFB) et l'Association pour l'Etude de la Floristique (AEF),<br />

un pré-atlas des espèces rares, menacées ou protégées est déjà disponible sous format<br />

électronique (Saintenoy-Simon et al., 2006) 1 . Il reprend notamment <strong>les</strong> principa<strong>les</strong><br />

informations sur la distribution actuelle et ancienne et sur l'évolution <strong>du</strong> statut de quelques<br />

580 taxons indigènes ou anciennement naturalisés, auxquels on peut ajouter 65 taxons<br />

intro<strong>du</strong>its ou en voie de naturalisation, au statut variable.<br />

2. La création <strong>du</strong> Groupe de Travail Atlas de la Flore<br />

Un groupe de travail s'est constitué en vue de mettre au point la méthodologie de<br />

collecte des informations existantes ou à recueillir et afin d offrir une aide aux personnes<br />

désireuses de participer au projet. Il comprend des représentants <strong>du</strong> CRNFB, <strong>du</strong> Jardin<br />

botanique national de Belgique, de l'AEF et de l'Unité de Gestion des Ressources forestières<br />

et des Milieux naturels (Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux).<br />

L objectif final est la publication d'un atlas complet à l'horizon 2010 mais aussi de réaliser un<br />

bilan sur <strong>les</strong> espèces menacées (actualisation de la Liste Rouge).<br />

3. Le système utilisé pour la cartographie<br />

Afin de conserver un lien avec le passé et de permettre des comparaisons, le système<br />

développé par l'IFBL a été conservé : il repose sur des inventaires par maille kilométrique (1 x<br />

1 km) et sur une synthèse cartographique par maille de 4 x 4 km. Dans le but de constituer<br />

une base de données aussi détaillée que possible, une localisation plus précise est demandée<br />

pour <strong>les</strong> espèces rares (localisation par GPS, par exemple).<br />

Traditionnellement, <strong>les</strong> botanistes divisaient <strong>les</strong> cartes topographiques de l'Institut<br />

Géographique National (IGN) au 1/50.000e en 40 cases (5 en x et 8 en y). Dans <strong>les</strong> anciennes<br />

versions des cartes, le coin inférieur gauche était décalé de 12 m en x et de 180 m en y par<br />

rapport aux coordonnées kilométriques Lambert entières. Actuellement, <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> cartes<br />

de l IGN au 1/20.000e sont recadrées sur <strong>les</strong> coordonnées Lambert entières. Malgré <strong>les</strong><br />

risques d'erreur liés à l'utilisation des nouvel<strong>les</strong> cartes, on a décidé de garder l'ancien<br />

quadrillage.<br />

Dans le but de faciliter la tâche des collaborateurs, des supports cartographiques (fonds IGN<br />

nouveaux au 1/20.000e avec surimpression de la grille IFBL) seront disponib<strong>les</strong> sur simple<br />

demande au CRNFB ou directement imprimab<strong>les</strong> via une page Web spécifique au projet. Ceci<br />

assurera de surcroît l exactitude de la superposition de la grille sur la carte.<br />

4. Collecte des données<br />

Afin de répondre au mieux aux attentes des prospecteurs de terrain, deux listes<br />

floristiques classiques sont à leur disposition :<br />

- une liste floristique condensée (liste de l'AEF) qui a l avantage de tenir sur un document de<br />

format A4;<br />

- un nouveau bordereau de terrain inspiré de celui développé par le Conservatoire botanique<br />

national de Bailleul pour l atlas <strong>du</strong> Nord/Pas-de-Calais et adapté pour l atlas de Wallonie. Ce<br />

1 http://mrw.wallonie.be/dgrne/sibw/espèces/ecologie/plantes/listerouge/<br />

34


dernier est constitué de 4 pages (1 A3 recto-verso) et est organisé de manière à éviter au<br />

maximum <strong>les</strong> changements de pages, tout en apportant un certain nombre d informations<br />

complémentaires sur <strong>les</strong> habitats et sur <strong>les</strong> taxons inventoriés (indigénat, statut de protection,<br />

rareté, liste rouge). Afin de rester conviviale, la liste floristique ne comporte que <strong>les</strong> taxons<br />

susceptib<strong>les</strong> d'être observés. Les taxons simplement adventices, spontanés ou cultivés (sauf<br />

grandes cultures) ne sont pas repris dans la liste, de même que <strong>les</strong> taxons considérés comme<br />

éteints depuis plus de 50 ans. Une liste complète des taxons observés (actuellement ou jadis)<br />

en Wallonie est par ailleurs disponible sur le site Web. Un champ libre est toujours prévu<br />

pour ajouter des taxons qui ne figureraient pas sur la liste de base mais que l'observateur<br />

souhaite ajouter.<br />

La première page <strong>du</strong> formulaire est destinée à recueillir <strong>les</strong> informations sur la date et<br />

le lieu de récolte, le collecteur de l'information, <strong>les</strong> biotopes inventoriés, la confidentialité des<br />

données. Dans le cadre de la mise à disposition de données biogéographiques par des tiers à<br />

l'administration wallonne, un code de déontologie a été élaboré pour la définition et la gestion<br />

des concepts de droit d'auteur 2 . Ce code, inspiré de celui de la Fédération des Banques de<br />

Données Biogéographiques, définit ce qu'est une donnée biogéographique détaillée (donnée<br />

complète avec localisation précise <strong>du</strong> lieu d'observation) ou une donnée biogéographique<br />

résumée (donnée localisée dans une grille d'observation - dans ce cas, grille de 1 x 1 km de<br />

côté). Il définit également l'auteur de la donnée (la personne physique qui est l'inventeur de la<br />

donnée taxonomique et de sa localisation géographique) et le contributeur (la personne qui<br />

met en forme, gère ou synthétise des données dont il n'est pas l'auteur). Celui-ci est<br />

généralement le responsable d'une association qui assure la collecte de l'information auprès de<br />

ses membres et qui fournit ensuite <strong>les</strong> données à l'administration qui <strong>les</strong> utilise. Le code<br />

d'accès défini par l'auteur ou le contributeur limite <strong>les</strong> possibilités de diffusion des données<br />

par l'administration qui, rappelons-le, est tenue de fournir <strong>les</strong> informations dont elle dispose<br />

aux citoyens qui en font la demande. Ainsi, la donnée initiale peut être diffusée librement, soit<br />

sous forme détaillée, soit sous forme résumée. La diffusion de la donnée initiale sous forme<br />

détaillée ou sous forme résumée peut également être subordonnée à l'autorisation de l'auteur<br />

et/ou <strong>du</strong> contributeur. D'autres cas de figure sont encore prévus par le code de déontologie ;<br />

nous renvoyons le lecteur intéressé au site de la DGRNE. Pour information, il existe aussi une<br />

procé<strong>du</strong>re de mise à disposition de données biogéographiques gérées par le CRNFB à<br />

l'intention des bureaux d'études ou des groupes de recherche.<br />

La dernière page <strong>du</strong> formulaire a été particulièrement développée à l'intention des<br />

gestionnaires de réserves naturel<strong>les</strong> mais aussi des observateurs de terrain pour leur permettre<br />

de fournir des informations plus précises, si possible de nature (semi)quantitative, sur <strong>les</strong><br />

taxons <strong>les</strong> plus rares.<br />

Transmission des informations<br />

Les données collectées seront centralisées au CRNFB mais resteront accessib<strong>les</strong> aux<br />

différents partenaires <strong>du</strong> projet. Ce choix résulte <strong>du</strong> fait que le Centre gère déjà plusieurs<br />

bases de données biogéographiques en Région wallonne et dispose de l'infrastructure et des<br />

compétences informatiques nécessaires. La communication des données peut se faire de<br />

différentes manières.<br />

Un prototype d encodage en ligne a été développé et est actuellement en phase de test au<br />

CRNFB. Il permet à chaque collaborateur disposant d'un mot de passe d encoder et<br />

d'enregistrer ses données à travers une interface graphique propre ou à travers celle de Google<br />

Maps, mais également de visualiser <strong>les</strong> synthèses pro<strong>du</strong>ites. Dès qu il sera totalement<br />

opérationnel, ce service sera proposé sur le Web.<br />

2 http://mrw.wallonie.be/dgrne/ong/fbdb/deonto.html<br />

35


D'autre part, un formulaire standardisé sous forme de tableur sera mis en ligne pour<br />

le transfert des données. Il est conçu de manière a permettre l'intégration facile, rapide et sans<br />

perte d'information des données dans le logiciel Data-Fauna-Flora (DFF) utilisé pour la<br />

gestion de toutes <strong>les</strong> banques de données biogéographiques gérées par le CRNFB.<br />

Les collaborateurs qui ne disposent pas <strong>du</strong> temps ou <strong>du</strong> matériel nécessaire peuvent<br />

toujours envoyer leurs formulaires de terrain qui seront encodés par <strong>les</strong> soins <strong>du</strong> groupe de<br />

travail.<br />

Programmation des prospections<br />

Pour avoir une cartographie fiable, il est nécessaire de couvrir l ensemble <strong>du</strong><br />

territoire de la façon la plus complète et la plus homogène possible, et donc de prospecter le<br />

plus grand nombre possible de cases de 1x1 km au sein des carrés IFBL de 4x4 km. La<br />

Wallonie compte 19280 cases de 1x1km, ce qui représente une énorme charge de travail.<br />

L objectif est qu au minimum 4 cases de 1x1 km soient prospectées dans chaque carré de 4x4<br />

km. Toutefois, pour avoir un inventaire floristique presque exhaustif (et donc représentatif)<br />

d'un carré de 4x4 km, 9 à 10 cases de 1x1km sur <strong>les</strong> 16 cases devraient idéalement être<br />

prospectées (Van Lan<strong>du</strong>yt et al., 2006). A titre de comparaison, 3 % des carrés 4 x 4 km de<br />

l'atlas de 1979 ne comportaient qu'un seul relevé, 30 % n'en comptaient que 2 et 40 % n'en<br />

comptaient que 3 ou 4 (van Rompaey et Delvosalle, 1979).<br />

Pour optimiser le travail, il est aussi important que <strong>les</strong> prospecteurs évitent<br />

d'inventorier des cases déjà très bien couvertes. Dès 2008, un accès en ligne de l état des<br />

prospections permettra de rendre compte de l'état d'avancement <strong>du</strong> projet. L objectif est de<br />

combler <strong>les</strong> zones lacunaires, sur un mode interactif et dynamique. Une liste de carrés<br />

« vides » est toutefois déjà disponible pour <strong>les</strong> inventaires <strong>2007</strong>.<br />

Bibliographie<br />

De<strong>les</strong>caille, L.-M. & Saintenoy-Simon, J., <strong>2007</strong>. Les plantes vasculaires. In : Cellule Etat<br />

de l'Environnement Wallon. Rapport analytique sur l'état de l'environnement wallon 2006-<br />

<strong>2007</strong>. MRW - DGRNE, Namur : 598-599.<br />

Delvosalle, L., 1977. Le projet de carte de l'Institut floristique franco-belge Normandie-<br />

Rhin. Documents floristiques, 1 (1) : 5-11.<br />

Durant, Th., 1899. Prodrome de la flore belge. T. 3 : phanérogames. Bruxel<strong>les</strong>, A.<br />

Castaigne, 1112 p.<br />

Goethart, W.J.C. & Jongmans, W.J., 1903-1908. Plantenkaartjes voor Nederland. Leiden.<br />

Saintenoy-Simon, J. (coll. Y. Barbier, L.-M. De<strong>les</strong>caille, M. Dufrêne, J.-L. Gathoye, P.<br />

Verté), 2006. Première liste des espèces rares, menacées et protégées de la Région Wallonne<br />

(Ptéridophytes et spermatophytes).<br />

http://biodiversite.wallonie.be/especes/ecologie/plantes/listerouge/<br />

van Lan<strong>du</strong>yt et al., 2006. Atlas van de Flora van Vlaanderen en het Brussels Gewest.<br />

Brussel, Instituut voor natuur- en bosonderzoek & Nationale Plantentuin van België, 1007 p.<br />

van Rompaey, E. & Delvosalle, L., 1972. Atlas de la flore belge et luxembourgeoise.<br />

Ptéridophytes et spermatophytes. Meise, Jardin botanique national de Belgique.<br />

van Rompaey, E. & Delvosalle, L., 1979. Atlas de la flore belge et luxembourgeoise.<br />

Ptéridophytes et spermatophytes. 2e édition. Meise, Jardin botanique national de Belgique.<br />

36


Présentation de l application Recorder pour la gestion des<br />

données biogéographiques au Luxembourg<br />

Tania Walisch & Guy Colling<br />

Musée National d Histoire Naturelle <strong>du</strong> Luxembourg<br />

25, rue Munster<br />

L-2160 Luxembourg<br />

Mots-clés : biodiversité, données d observations, données de collection, Recorder,<br />

thesaurus, portail internet, Luxembourg.<br />

Le musée national d histoire naturelle <strong>du</strong> Luxembourg (MNHNL) a comme mission<br />

d'assembler et de gérer des données d'observations et de collections <strong>du</strong> patrimoine naturel et<br />

de rendre ces informations accessib<strong>les</strong> au public. En 1987, le MNHNL a commencé à<br />

développer une première banque de données relationnelle appelée Luxnat afin de regrouper<br />

<strong>les</strong> informations <strong>du</strong> patrimoine naturel. Entre 1999 et 2000 le Musée a mené une étude<br />

comparative des systèmes de banques de données biogéographiques existants et a finalement<br />

opté pour l'application Recorder, développée par le Joint Nature Conservation Comittee en<br />

Grande-Bretagne.<br />

37<br />

NBN<br />

Figure<br />

1. Schéma montrant <strong>les</strong> différentes versions de Recorder et <strong>les</strong> développements d outils<br />

annexes de gestions de données biologiques et de systèmes d information sur la biodiversité<br />

en Grande-Bretagne. La signature <strong>du</strong> traité de Rio en 1992 a stimulé ces projets et a permis<br />

l établissement <strong>du</strong> National Biodiversity Network (réseau national de la biodiversité en GB)<br />

en 2000.


Avant de pouvoir implémenter Recorder 2000 au MNHNL, il était nécessaire d y<br />

intégrer le système de coordonnées géographiques luxembourgeois. La liste des taxons de la<br />

banque de données Luxnat, ainsi qu'une liste des plantes vasculaires <strong>du</strong> Luxembourg et des<br />

dictionnaires standardisées (localités, méthodes d'observation etc.) ont également été intégrés<br />

dans Recorder 2000. Depuis lors des nouvel<strong>les</strong> versions plus performantes de Recorder sont<br />

apparues et la plus récente version Recorder 6 est basée sur une banque de données<br />

relationnelle utilisant MS-SQL server (fig. 1).<br />

Figure 2. L application Recorder 6 utilise des arbres hiérarchiques pour naviguer dans la<br />

structure complexe des données. Elle comporte des fonctionnalités pour ajouter, éditer et<br />

gérer <strong>les</strong> données à tous <strong>les</strong> niveaux. Un certain nombre de tâches, comme par exemple la<br />

pro<strong>du</strong>ction de rapports ont des assistants automatiques pour guider l utilisateur. La figure<br />

montre la fenêtre principale des observations ainsi que la fenêtre des sites d observation.<br />

Recorder 6 a été conçu à la base pour la gestion de données d observations de la<br />

faune et de la flore (fig. 2). Récemment l'accessibilité des collections biologiques a été<br />

reconnue d'importance communautaire et le Musée national d'histoire naturelle est devenu un<br />

des partenaires <strong>du</strong> projet de recherche européen BIOCASE (Biodiversity Collection Access<br />

Service for Europe http://www.biocase.org/ ; Contrat N° EVR1-CT-2001-40017). Le but de<br />

ce projet est de mettre à disposition des citoyens et de la communauté scientifique<br />

internationale la myriade de données stockées dans <strong>les</strong> collections muséa<strong>les</strong> européennes.<br />

38


Dans le cadre de ce projet, le MNHN sera le n ud national devant regrouper toutes <strong>les</strong><br />

informations concernant <strong>les</strong> collections de données sur le patrimoine naturel luxembourgeois<br />

(collections et observations) et <strong>les</strong> mettre à disposition à l aide d Internet. C'est dans cette<br />

optique que le MNHNL a développé entre 2002 et 2005 dans le cadre <strong>du</strong> projet eCulture <strong>du</strong><br />

Ministère de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche une extension<br />

importante pour Recorder 6 afin de pouvoir intégrer <strong>les</strong> données des collections dans la<br />

banque de données (fig. 3). Cette extension a compris également le développement d'un<br />

Thesaurus permettant de gérer toutes sortes de concepts (taxonomiques, méthodologiques,<br />

géographiques )(fig. 3).<br />

Figure 3. Aperçu <strong>du</strong> mo<strong>du</strong>le des collections et <strong>du</strong> thésaurus développés pour<br />

Recorder 6 par le MNHNL.<br />

Afin de gérer <strong>les</strong> données relevant <strong>du</strong> patrimoine naturel de manière centralisée au<br />

MNHNL, la banque de données Recorder 6 a été installée sur un serveur MS-SQL. L'accès à<br />

distance par le Web est possible grâce à un accès CITRIX © . Des CD d'installation et des<br />

licences gratuites de Recorder 2002 utilisant une base de données en MS-Access ont été<br />

distribuées aux administrations et aux organisations actives dans le domaine de la<br />

conservation de la nature ainsi qu aux collaborateurs scientifiques participant de manière<br />

bénévole à l inventaire de la faune et de la flore <strong>du</strong> Luxembourg. Ces différents acteurs<br />

39


saisissent depuis plusieurs années <strong>les</strong> données qu ils relèvent sur le terrain dans leurs propres<br />

installations de Recorder 2002 pour ensuite <strong>les</strong> transférer en format xml via un modèle<br />

standard de transfert de données au MNHNL (fig. 4). Le Musée pro<strong>du</strong>it et gère <strong>les</strong> listes<br />

taxonomiques d'une manière centralisée afin de garantir la compatibilité des données et il est<br />

responsable de la distribution des nouvel<strong>les</strong> versions de Recorder aux utilisateurs externes. Ce<br />

système opérationnel permet au Musée de jouer le rôle de n ud national pour la biodiversité<br />

au Luxembourg.<br />

Figure 4. Le projet de l'Atlas des plantes menacées <strong>du</strong> Luxembourg est géré grâce à<br />

Recorder 6 au MNHNL. Les observations récentes des espèces végéta<strong>les</strong> menacées ont été<br />

faites et saisies directement dans Recorder 6 par des collaborateurs scientifiques bénévo<strong>les</strong>,<br />

des conservateurs <strong>du</strong> Musée et des bureaux d études et se basent sur un contrôle sur le terrain<br />

des indications recherchées dans des sources historiques diversifiées (Herbier LUX,<br />

publications, anciennes flores, atlas non publié de L. Reichling, ancienne base de données<br />

Luxnat ).<br />

Le projet eCulture a également permis le développement d un portail <strong>du</strong> patrimoine<br />

naturel (luxnat.mnhn.lu) qui extrait <strong>les</strong> données à partir de la base de données de Recorder et<br />

<strong>les</strong> rend publiques par l'intermédiaire <strong>du</strong> Web. Le portail affiche des données d'observations<br />

pour un taxon donné par l'intermédiaire d'une recherche texte ou à partir d'un arbre<br />

hiérarchique systématique. Il permet également de rechercher des observations liées à un nom<br />

d une commune, d une localité ou d un lieu-dit ou à une région géographique en cliquant sur<br />

une carte <strong>du</strong> Luxembourg. Il fournit des données simp<strong>les</strong> liées à une observation, montre une<br />

carte de distribution, une image et une description de chaque taxon à l internaute (fig. 5).<br />

40


Figure 5. Exemple <strong>du</strong> résultat de la recherche d une espèce donnée dans le portail <strong>du</strong><br />

patrimoine naturel luxembourgeois (luxnat.mnhn.lu). Les données de distribution, le texte et<br />

la photo proviennent de la base de données Recorder 6 <strong>du</strong> Musée.<br />

Les développements futurs de Recorder 6 concernent d'une part son<br />

internationalisation et d'autre part la création d'outils Web. Actuellement le Bundesamt für<br />

Naturschutz en Allemagne est en train de réaliser une version allemande de Recorder 6 qui va<br />

être utilisée pour la saisie des données floristiques au niveau national. Le MNHNL et le<br />

musée Naturalis de Leiden aux Pays-Bas envisagent dorénavant une collaboration pour un<br />

développement d une version internet de Recorder 6 qui va permettre la saisie rapide de<br />

données d'observations et des collections en évitant des mises à jour d'installations loca<strong>les</strong><br />

ainsi que des problèmes de sauvegarde des données des utilisateurs particuliers.<br />

41


Evaluation des biais d'échantillonnage dans <strong>les</strong> analyses des<br />

régressions/extensions dans <strong>les</strong> Atlas de répartition<br />

Marc Dufrêne<br />

Observatoire de la Faune, de la Flore et des Habitats<br />

Centre de Recherche de la Nature, des Forêts et <strong>du</strong> Bois (MRW/DGRNE)<br />

Avenue Maréchal Juin, 23<br />

B-5030 Gembloux<br />

Belgique<br />

M.Dufrene@mrw.wallonie.be<br />

http://biodiversite.wallonie.be<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

Les Atlas de répartition ont pour premier objectif de faire un bilan de la répartition des<br />

espèces d un groupe biologique à un moment donné en cartographiant la localisation des<br />

indivi<strong>du</strong>s ou des populations dans des mail<strong>les</strong> géographiques plus ou moins précises. Lorsque<br />

de tel<strong>les</strong> synthèses sont réalisées à deux périodes différentes, la tentation est forte de comparer<br />

<strong>les</strong> répartitions des espèces d un atlas à l autre pour évaluer leur évolution (régression,<br />

stabilité, extension). Les Atlas sont d ailleurs un des supports essentiels de la réalisation des<br />

listes rouges d espèces menacées (IUCN, 2001) qui sont des outils importants pour identifier<br />

<strong>les</strong> priorités en matière de gestion et de conservation de la biodiversité.<br />

De tel<strong>les</strong> comparaisons dans le temps sont faci<strong>les</strong> lorsqu on dispose de jeux de<br />

données récoltées avec des protoco<strong>les</strong> similaires et la même intensité d échantillonnage locale<br />

et régionale. Hors, <strong>les</strong> Atlas sont, par nature, des ensemb<strong>les</strong> hétérogènes de données récoltées<br />

de manière différente à chaque période, avec de nombreux collaborateurs qui inventorient des<br />

zones de travail de manière indépendante et avec des techniques plus ou moins spécifiques.<br />

Les méthodes d investigation ont aussi bien évolué d une période à l autre. Les Atlas ont<br />

souvent été critiqués pour leur caractère hétérogène mais cette hétérogénéité est aussi<br />

défen<strong>du</strong>e par d autres comme un avantage car assimilée à un échantillonnage aléatoire. Il est<br />

évident qu ils recèlent de l information sur <strong>les</strong> tendances, mais il faut être prudent pour <strong>les</strong><br />

mettre en évidence.<br />

Cette contribution a pour but de montrer, avec différents exemp<strong>les</strong> tirés de l analyse<br />

de données de répartition de différents groupes biologiques, <strong>les</strong> caractéristiques majeures des<br />

échantillonnages de données biologiques dans de grandes régions. On résumera <strong>les</strong> méthodes<br />

existantes et on proposera quelques pistes simp<strong>les</strong> à prendre en compte lors de l analyse des<br />

tendances sur de tel<strong>les</strong> données pour comparer des échantillonnages réalisés à des périodes<br />

différentes. On montrera comment évaluer de manière simple l exhaustivité de<br />

l échantillonnage avec la distribution de fréquence <strong>du</strong> nombre d espèces par maille et la<br />

relation généralement étroite qui existe entre l intensité de l échantillonnage et le nombre<br />

d espèces. On vérifiera notamment si des hypothèses comme le fait que toutes <strong>les</strong> espèces<br />

sont échantillonnées de la même manière ou que l ensemble <strong>du</strong> groupe peut être considéré<br />

comme stable dans le temps sont validées. On montrera aussi comment évaluer la répartition<br />

des différences d échantillonnage dans le temps et l impact que cela peut avoir sur <strong>les</strong><br />

hypothèses de base des tests habituels.<br />

42


Les méthodes de base<br />

La Figure 1 montre la répartition de deux espèces de papillons visés par la Directive<br />

européenne CE/92/43 (Faune-Flore-Habitats). L évolution des deux espèces semble à priori<br />

être opposée, le Cuivré des marais (Lycaena dispar) ayant tendance à augmenter son aire de<br />

répartition depuis l an 2000 alors que le Cuivré de la Bistorte (Lyacena helle) semble avoir<br />

régressé. La question qui se pose rapidement est celle de la pertinence de cette tendance<br />

apparente : s agit-il d une tendance réelle ou est-ce dû à un effet d une variation géographique<br />

de l échantillonnage entre <strong>les</strong> deux périodes, tout à fait possible dans le cadre de suivi<br />

d espèces emblématiques.<br />

1995 - 2000 2001 - 2006<br />

Lycaena dispar<br />

Lycaena helle<br />

Figure 1. Carte de répartition de deux espèces de papillons diurnes dans la région continentale de la<br />

Wallonie<br />

De nombreux chercheurs ont essayé de maîtriser ce problème de la variation<br />

géographique de l échantillonnage en développant différentes approches. L une des<br />

premières, souvent attribuée en Belgique à Stroot & Depiereux (1989) mais en fait au moins<br />

déjà utilisée par Desender (1986), consiste à comparer le nombre de mail<strong>les</strong> occupées par une<br />

espèce à l ensemble des mail<strong>les</strong> occupées par <strong>les</strong> autres espèces, la mention d une espèce dans<br />

une maille étant un premier indicateur de l effort d échantillonnage.<br />

Desender (1986) propose un test de Chicarré (test de G par exemple) pour mesurer<br />

l importance de la différence entre la fréquence observée d une espèce et sa fréquence<br />

atten<strong>du</strong>e calculée en fonction des différences d échantillonnage. Si une espèce i occupe<br />

respectivement 58 et 54 carrés pour deux périodes et que l ensemble des observations des<br />

autres espèces est de 4523 et 6345 pour des périodes équivalentes, la valeur de Chicarré est de<br />

4.7, la probabilité associée est de 3% et on peut donc considérer que l espèce régresse bien.<br />

Au lieu d utiliser toutes <strong>les</strong> espèces, certains auteurs comme Maes & Van Swaay (1997)<br />

utilisent une sélection d espèces qui sont considérées comme étant de bons indicateurs de<br />

l échantillonnage (espèces répan<strong>du</strong>es qui n ont à priori pas modifié leur aire de répartition).<br />

Il est évident qu avec ces approches, le facteur clé est le rapport de la mesure<br />

d échantillonnage. S il est surévalué, on aura tendance à déclarer de nombreuses espèces<br />

comme étant en régression alors que ce n est pas vrai. S il est sous-évalué, on sera incapable<br />

de détecter des tendances qui nécessiteraient pourtant des actions sur le terrain. Par ailleurs,<br />

ces approches relatives supposent que la somme des observations <strong>du</strong> groupe d espèces est<br />

stable dans le temps. Si, par exemple, toutes <strong>les</strong> espèces régressent de la même manière,<br />

43


aucune tendance ne sera détectée. Ces approches supposent aussi que toutes <strong>les</strong> espèces ont la<br />

même probabilité de rencontre, ce qui est loin d être vrai. Il est donc crucial dans <strong>les</strong> analyses<br />

de tendance d avoir une maîtrise la plus importante possible de l échantillonnage.<br />

Comment évaluer l échantillonnage ?<br />

Une première étape est de vérifier si le nombre de visites réalisées dans des mail<strong>les</strong><br />

est un bon prédicteur <strong>du</strong> nombre d espèces. La Figure 2 montre une relation générale qui est<br />

souvent observée pour de nombreux groupes biologiques, ici <strong>les</strong> Libellu<strong>les</strong>. Cette relation<br />

peut permettre de définir des seuils à partir desquels des mail<strong>les</strong> peuvent être utilisées pour<br />

des comparaisons absolues de tendance.<br />

Nbr<br />

espèces<br />

R 2 = 75%<br />

Log(nombre de visites)<br />

Figure 2. Relation entre le nombre de visites et le nombre d espèces pour un jeu de<br />

données de Libellu<strong>les</strong><br />

Cette relation n est toutefois mise en évidence que lorsque le nombre moyen de<br />

visites par maille est relativement important et c est loin d être le cas dans des groupes<br />

biologiques où la présence mesurable des espèces sur le terrain n est pas limitée à quelques<br />

semaines (fort renouvellement des espèces au cours <strong>du</strong> temps). Dans <strong>les</strong> autres cas, seu<strong>les</strong> des<br />

méthodes indirectes peuvent être utilisées.<br />

Nombre<br />

de mail<strong>les</strong><br />

40<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13<br />

Nombre<br />

de mail<strong>les</strong><br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13<br />

44<br />

Nombre<br />

de mail<strong>les</strong><br />

Augmentation de l échantillonnage<br />

18<br />

16<br />

14<br />

12<br />

10<br />

8<br />

6<br />

4<br />

2<br />

0<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13<br />

Nombre d espèces Nombre d espèces Nombre d espèces<br />

Figure 3. Evolution de la distribution de fréquence <strong>du</strong> nombre d espèces par maille en<br />

fonction de l intensité de l échantillonnage


Un élément indirect pour évaluer le caractère exhaustif de l échantillonnage est la réalisation<br />

de courbe de distribution de fréquence <strong>du</strong> nombre d espèces par maille. En effet, lorsqu on<br />

commence à faire des inventaires dans une région, on commence par avoir de nombreux<br />

carrés avec très peu d espèces. Plus l intensité des observations augmente (Figure 3), plus le<br />

nombre d espèces par carré augmente et progressivement se découvre une distribution de<br />

fréquence <strong>du</strong> nombre d espèces en forme de cloche, normale et relativement étroite quand une<br />

région est bien échantillonnée et qu elle est relativement homogène.<br />

50<br />

45<br />

40<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

%<br />

Libellu<strong>les</strong><br />

(1x1 km)<br />

2 6 10 14 18 22 26 30 34 38 42 46 50 54<br />

45<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

Flore 1979<br />

(4x4 km)<br />

100 140 180 220 260 300 340 380 420 460 500 540 580 620<br />

Nombre d espèces Nombre d espèces<br />

Figure 4. Fréquence relative <strong>du</strong> nombre d espèces par maille dans deux groupes<br />

inventoriés de manière différente<br />

Ce type de graphique montre très rapidement (Figure 4) que des groupes biologiques<br />

inventoriés sans structure d échantillonnage (Libellu<strong>les</strong>, à l échelle des carrés 1x1 km)<br />

peuvent avoir des profils bien différents de ceux pour <strong>les</strong>quels un échantillonnage<br />

systématique est en place (Flore, Atlas de 1979). Il est aussi possible de réaliser ce type de<br />

graphique par région naturelle pour vérifier si certaines régions sont plus ou moins bien<br />

échantillonnées que d autres et pour tenir compte alors des différences de richesse en espèces<br />

qui peuvent <strong>les</strong> caractériser. On peut aussi tester des effets de la taille des mail<strong>les</strong> (10, 5 ou 1<br />

km ?) pour identifier l échelle géographique à laquelle <strong>les</strong> comparaisons sont <strong>les</strong> plus<br />

pertinentes.<br />

Nbr Nbr<br />

90<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

%<br />

< 1950<br />

60<br />

50<br />

> 1950<br />

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200<br />

Nombre d espèces Nombre d espèces<br />

Figure 5. Différence de fréquence <strong>du</strong> nombre d espèces par maille des données de l atlas<br />

des Coléoptères Carabides pour deux périodes<br />

Appliqué aux deux périodes qu on souhaite comparer, ce type de représentation montre aussi<br />

<strong>les</strong> différences d exhaustivité entre <strong>les</strong> deux périodes. Dans le cas illustré à la Figure 5, seule<br />

une petite partie des carrés a été bien échantillonnée (seuil fixé habituellement : > 30 espèces)


avant 1950, même si <strong>les</strong> carrés <strong>les</strong> plus riches en espèces ont été observés à cette période. Il<br />

est alors nécessaire d être prudent dans <strong>les</strong> interprétations des tendances des espèces.<br />

L effet de la probabilité de rencontre<br />

Lorsqu on travaille avec un rapport de référence commun à toutes <strong>les</strong> espèces, on<br />

suppose que <strong>les</strong> espèces ont toutes la même probabilité de rencontre quand on commence à<br />

inventorier une maille. C est évidemment loin d être le cas sur le terrain. En effet, <strong>les</strong> espèces<br />

rares à l échelle de la Région wallonne sont aussi très fréquemment plus rares à l intérieur<br />

d un carré de 10 x 10 km. Même dans <strong>les</strong> carrés où el<strong>les</strong> sont présentes, <strong>les</strong> chances de <strong>les</strong><br />

observer sont moindres que cel<strong>les</strong> d espèces largement répan<strong>du</strong>es.<br />

Nbr<br />

espèces<br />

20<br />

18<br />

Espèces très répan<strong>du</strong>es<br />

Espèces communes<br />

16<br />

14<br />

12<br />

10<br />

8<br />

6<br />

4<br />

2<br />

0<br />

Espèces rares<br />

0 50 100 150 200<br />

Nombre de visites<br />

Figure 6. Evolution <strong>du</strong> nombre d espèces d Odonates en fonction <strong>du</strong> nombre de<br />

visites réalisées dans <strong>les</strong> carrés 10 x 10 km. Les espèces sont subdivisées en 3 groupes en<br />

fonction de leur rareté à l échelle de la région.<br />

La Figure 6 montre <strong>les</strong> relations entre le nombre d espèces d Odonates observées<br />

dans des carrés de 10 x 10 km et la fréquence des visites qui y ont été effectuées depuis 1990.<br />

Si on répartit <strong>les</strong> espèces en trois groupes en fonction de leur rareté régionale (> 80 carrés : 19<br />

espèces très répan<strong>du</strong>es, entre 80 et 25 carrés : 18 espèces communes, < 25 carrés : 29 espèces<br />

rares), on observe des évolutions bien différentes qui vont d une courbe logarithmique avec<br />

une asymptote (le nombre total de 19 espèces répan<strong>du</strong>es) vers des courbes apparemment<br />

exponentiel<strong>les</strong>.<br />

46


Nbr<br />

espèces<br />

300<br />

250<br />

200<br />

150<br />

100<br />

50<br />

0<br />

Espèces répan<strong>du</strong>es : > 500 carrés ( 241)<br />

Espèces communes : 100-500 (351)<br />

Espèces rares : < 100 carrés (885)<br />

0 100 200 300 400 500 600 700<br />

Nbr espèces total<br />

Figure 7. Evolution <strong>du</strong> nombre d espèces de trois groupes d espèces de la Flore<br />

et <strong>du</strong> nombre total d espèces observées dans <strong>les</strong> carrés IFBL wallons 4 x 4 km.<br />

Des profils similaires sont observés dans d autres groupes biologiques et notamment<br />

la Flore (données de l Atlas de 1979, Van Rompaey & Delvosalle, 1979). Pour ce dernier<br />

groupe (Figure 7), comme on ne dispose pas d un indicateur de la fréquence des visites ou de<br />

l exhaustivité de l échantillonnage, on utilise le nombre total d espèces comme indicateur<br />

indirect (cfr Figure 2). Le graphique montre bien que <strong>les</strong> carrés caractérisés par un faible<br />

nombre d espèces sont dominés par <strong>les</strong> espèces répan<strong>du</strong>es. Cela peut être évidemment dû à la<br />

diversité des habitats présents dans un carré mais aussi tout simplement à l intensité des<br />

visites dans un carré.<br />

Les deux graphiques confirment bien que plus on échantillonne un carré, plus on<br />

observe d abord des espèces très répan<strong>du</strong>es, puis des espèces communes et enfin des espèces<br />

rares. Par définition, <strong>les</strong> espèces n ont donc pas la même probabilité d être observées et il faut<br />

en tenir compte dans l analyse. Il est donc alors difficile d admettre que la disparition d une<br />

espèce rare compense l observation d une espèce répan<strong>du</strong>e dans <strong>les</strong> analyses de tendance et il<br />

est nécessaire d avoir des indicateurs de l intensité de l échantillonnage associés à la récolte<br />

de données biologiques.<br />

La variabilité géographique de l échantillonnage<br />

L importance de la probabilité de rencontre est essentiellement <strong>du</strong>e au fait qu entre<br />

<strong>les</strong> larges périodes qui caractérisent généralement <strong>les</strong> Atlas, la manière dont on échantillonne<br />

<strong>les</strong> carrés ou <strong>les</strong> mail<strong>les</strong> a fort évolué. Cela est surtout vrai pour <strong>les</strong> groupes biologiques qui<br />

ne font pas l objet de prospections systématiques de mail<strong>les</strong> comme on essaye de le faire avec<br />

<strong>les</strong> Oiseaux ou la Flore. Il est par exemple évident en Wallonie que pour <strong>les</strong> papillons, <strong>les</strong><br />

Coléoptères Carabides ou <strong>les</strong> libellu<strong>les</strong>, le nombre de carrés visités après 1980 ou 1990 est<br />

beaucoup plus important qu il ne l était avant. La Figure 8 montre que si on calcule un index<br />

symétrique de rapport d échantillonnage comme (per2 - per1) / (per2 + per1) avec per1 =<br />

nombre d espèces à la période 1 (ici < 1990) et per2 = nombre d espèces à la période 2 (ici ><br />

1989), on confirme que de nombreux carrés ont été mieux échantillonnés après 1989.<br />

47


14<br />

11<br />

47<br />

34<br />

82<br />

Ratio : (per2-per1)<br />

(per1+per2)<br />

Figure 8. Variation géographique de l échantillonnage dans le temps (avant et<br />

après 1990) montrant que le nombre de carrés qui ont augmenté en nombre d espèces<br />

est beaucoup plus important (116 carrés > 0.2) que le nombre de carrés avec moins<br />

d espèces (25 carrés < -0.2).<br />

Comme ces nouveaux carrés ne sont pas nécessairement échantillonnés de manière<br />

très intense et que la probabilité de rencontre favorise largement <strong>les</strong> espèces très répan<strong>du</strong>es, il<br />

est très probable que <strong>les</strong> espèces répan<strong>du</strong>es soient largement dominantes dans <strong>les</strong> observations<br />

des périodes récentes et que donc, el<strong>les</strong> ne peuvent servir de référence ou que la somme totale<br />

des observations au cours d une période n est pas un indicateur correct pour le rapport<br />

d échantillonnage.<br />

Ce problème potentiel est sans doute moins manifeste dans <strong>les</strong> programmes<br />

d inventaires de mail<strong>les</strong> qui sont réalisés systématiquement mais à la seule condition que<br />

l intensité de l échantillonnage soit similaire au cours des deux périodes. C est en pratique<br />

rarement le cas, au moins dans certaines régions.<br />

La solution : tenir compte de l échantillonnage !<br />

Il est donc pratiquement incontournable de mesurer l intensité de l échantillonnage qui a été<br />

réalisé dans <strong>les</strong> différentes mail<strong>les</strong> au cours des différentes périodes étudiées. Cette évaluation<br />

de l échantillonnage impose que <strong>les</strong> observations soient stockées de manière assez détaillée<br />

afin d être capable d identifier la proportion des mail<strong>les</strong> géographiques qui ont été<br />

inventoriées (toponyme, polygone, site, ) ainsi que le nombre de visites effectuées ou <strong>les</strong><br />

techniques d échantillonnage réalisées (inventaire systématique, relevé partiel, observation<br />

ponctuelle). Ces informations devraient figurer dans <strong>les</strong> bases de données biologiques au<br />

même titre que <strong>les</strong> résultats de l échantillonnage, c est-à-dire la liste des espèces observées. Il<br />

est donc nécessaire que la structure des bases de données puisse gérer cette information. C est<br />

par exemple le cas de la base de données Data Fauna Flora (Barbier et al, 2000) où la<br />

structure des trois tab<strong>les</strong> principa<strong>les</strong> pour décrire des observations suppose de définir des<br />

localisations géographiques (table des stations) dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> on effectue des<br />

échantillonnages (table des conditions) pour <strong>les</strong>quels enfin, on donne <strong>les</strong> listes d espèces et<br />

informations associées (table des observations).<br />

48


Dans bien des cas, on ne dispose pas de ces données descriptives de<br />

l échantillonnage dans <strong>les</strong> anciens relevés qui servent de référence actuellement, mais el<strong>les</strong><br />

sont pourtant nécessaires pour être capable dans le futur de réaliser des évaluations des<br />

tendances qui seront <strong>les</strong> plus correctes possible.<br />

Une approche espèce par espèce en évaluant l échantillonnage se dessine aussi<br />

comme étant la plus précise et la plus proche de la réalité de terrain. En pratique, l idée de<br />

base est de sélectionner toutes <strong>les</strong> mail<strong>les</strong> où une espèce a été observée et de ne garder pour<br />

<strong>les</strong> comparaisons entre périodes que <strong>les</strong> mail<strong>les</strong> qui ont été échantillonnées aux deux périodes<br />

de manière supposée similaire. Par exemple, Dufrêne et al. (2003) ont utilisé cette technique<br />

pour <strong>les</strong> papillons et <strong>les</strong> libellu<strong>les</strong> en ne prenant en compte que <strong>les</strong> visites réalisées pendant la<br />

période de vol (définie par le jeu de données) de chacune des espèces.<br />

Le tableau suivant montre <strong>les</strong> différences de résultats obtenus pour une espèce<br />

répan<strong>du</strong>e, le Paon <strong>du</strong> jour (Inachis io). Dans le cas de l approche relative, comme cette espèce<br />

pourtant très répan<strong>du</strong>e a été relativement moins observée en deuxième période (après 2000),<br />

elle est considérée comme en régression. Or, si on utilise l approche spécifique, l espèce<br />

apparaît comme stable car elle a été observée dans 167 carrés différents avant le 1 er janvier<br />

2000 et 159 carrés différents après et le nombre de carrés échantillonnés de la même manière<br />

est de 225 carrés.<br />

Période 1 Période 2 Ratio<br />

Période 1 Période 2<br />

Ratio relatif<br />

spécifique<br />

328 665<br />

167 159<br />

Inachis io<br />

Inachis io<br />

Autres<br />

espèces<br />

10685 24577 Inventoriés 225 225<br />

Chi 2 = 4.3 P() = 4%<br />

Chi<br />

Régression<br />

2 = 0.2 P() = 66%<br />

Stabilité<br />

Tableau 1. Comparaison de l approche relative comparant l évolution des nombres<br />

de carrés 1x1 km occupé par Inachis io par rapport à ceux occupés par <strong>les</strong> autres espèces de<br />

papillons et de l approche spécifique en ne sélectionnant que <strong>les</strong> carrés 1x1 où l espèce a été<br />

mentionnée aux deux périodes et qui ont été échantillonnés correctement (dans le cas présent<br />

pendant la période de vol) aux deux périodes.<br />

Il ressort aussi de ces analyses que seulement environ 50% des observations sont<br />

effectivement utilisab<strong>les</strong> car, soit très souvent on ne repasse pas aux mêmes endroits<br />

qu auparavant, soit le nombre de nouveaux carrés échantillonnés est très important. Pour<br />

maximiser la qualité des futures comparaisons, il sera nécessaire d organiser <strong>les</strong> prospections<br />

pour maximiser la couverture des populations connues des espèces <strong>les</strong> plus sensib<strong>les</strong>. C est ce<br />

qui est en cours dans <strong>les</strong> programmes d inventaire et de surveillance des papillons et des<br />

libellu<strong>les</strong> en Wallonie (http://biodiversite.wallonie.be/especes/).<br />

49


Conclusions<br />

Cette contribution n avait pour but que d essayer de révéler <strong>les</strong> biais potentiels des<br />

jeux de données utilisés lors de la définition des tendances dans la répartition d espèces et<br />

notamment dans la définition des listes rouges. On ne peut que conseiller de structurer au<br />

mieux <strong>les</strong> programmes d inventaires de terrain afin qu ils soient <strong>les</strong> plus comparab<strong>les</strong><br />

possib<strong>les</strong> dans la manière dont on a inventorié au cours des périodes étudiées. Les bases de<br />

données doivent de leur côté permettre de gérer <strong>les</strong> informations relatives à l intensité de<br />

l échantillonnage. On ne peut que se méfier des comparaisons utilisant un rapport relatif<br />

commun à toutes <strong>les</strong> espèces, surtout quand l intensité des inventaires est loin d être<br />

comparable. Si c est le cas, il y a un risque non négligeable d identifier des espèces comme<br />

étant menacées alors qu el<strong>les</strong> ne le sont pas nécessairement. Toutefois, <strong>les</strong> populations<br />

d espèces rares sont souvent <strong>les</strong> mieux surveillées et il est facile de contrôler l existence ou<br />

non de tendances à la régression par un protocole de suivi adapté.<br />

Remerciements<br />

Les données utilisées pour réaliser <strong>les</strong> différentes analyses de synthèse résultent, pour<br />

<strong>les</strong> papillons et <strong>les</strong> libellu<strong>les</strong>, de programmes d inventaire et de surveillance de l état de<br />

l environnement wallon financés par la Région wallonne. Nous profitons de cette occasion<br />

pour remercier <strong>les</strong> nombreux bénévo<strong>les</strong> qui participent aux inventaires et nous ne pouvons<br />

que <strong>les</strong> encourager à continuer à améliorer l intensité et la qualité de l échantillonnage.<br />

Références bibliographiques<br />

Barbier, Y., Rasmont, P., Dufrêne, M. & J.-M. Sibert. (2000). Data Fauna-Flora 1.0.<br />

Guide d'utilisation. Université de Mons-Hainaut, Mons, Belgique. 106 pp<br />

Desender, K., 1986. Distribution and ecology of Carabid beet<strong>les</strong> in Belgium (Coleoptera,<br />

Carabidae). Parts 1-4. Documents de travail, I.R.Sc.N.B., Bruxel<strong>les</strong>.<br />

Dufrêne, M., Fichefet, V. & Goffart, Ph., 2003. Red lists in Wallonia : existing tools<br />

and their limits. Report of a communication to EIS - Colloquium organized in Cardiff (UK)<br />

September 2003.<br />

IUCN, 2001. Catégories et Critères de l UICN pour la Liste Rouge : Version 3.1.<br />

Commission de la sauvegarde des espèces de l UICN. UICN, Gland, Suisse et Cambridge,<br />

Royaume-Uni. ii + 32 pp.<br />

Stroot, Ph. & Depiereux, E., 1989. Proposition d'une méthodologie pour établir des<br />

"Listes Rouges" d'Invertébrés menacés. Biological Conservation, 48 : 163-179.<br />

Maes, D. and van Swaay, Ch.A.M., 1997. A new methodology for compiling<br />

national Red Lists applied to butterflies (Lepidoptera, Rhopalocera) in Flanders (N-Belgium)<br />

and the Netherlands, Journal of Insect Conservation, 1 : 113-124.<br />

Van Rompaey, E. & Delvosalle, L. 1979. Atlas de la Flore belge et luxembourgeoise.<br />

Jardin Botanique National, Meise.<br />

50


La régression des plantes protégées de Lorraine au cours <strong>du</strong><br />

20 ème siècle établie à partir de la cartographie communale de leur<br />

distribution.<br />

Serge MULLER, Laboratoire Interactions Ecotoxicologie, Biodiversité,<br />

Ecosystèmes, UMR CNRS n° 7146, UFR Sci. F.A., Université Paul Verlaine - Metz, rue <strong>du</strong><br />

Général De<strong>les</strong>traint, 57070 METZ, muller@univ-metz.fr.<br />

Résumé<br />

L atlas de la distribution actuelle des plantes protégées de Lorraine (216 espèces) a été<br />

établi sur la base d une cartographie communale de la distribution des espèces concernées. La<br />

comparaison avec <strong>les</strong> données anciennes (en particulier cel<strong>les</strong> des différentes éditions de la<br />

flore de Godron et <strong>les</strong> catalogues floristiques de la fin <strong>du</strong> 19 ème siècle) permet d évaluer <strong>les</strong><br />

modifications de la distribution de ces espèces (progression ou régression) au cours <strong>du</strong> 20 ème<br />

siècle.<br />

La validité de ces comparaisons est toutefois conditionnée par l intensité et la qualité des<br />

prospections réalisées aussi bien au 19 ème siècle que récemment. Le bilan établi permet ainsi<br />

d identifier <strong>les</strong> espèces pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> des prospections complémentaires devraient être<br />

établies en priorité pour en préciser la distribution actuelle. Par ailleurs, certaines espèces<br />

protégées n ont été distinguées des espèces voisines qu au 20 ème siècle. C est le cas de<br />

Dactylorhiza praetermissa, Epipactis leptochila, E. muelleri, Ranunculus rionii, etc. Pour ces<br />

espèces, une comparaison avec leur distribution au siècle précédent s avère donc impossible.<br />

La comparaison de la distribution à un siècle d intervalle permet ainsi de distinguer 7<br />

groupes d espèces : (1) <strong>les</strong> espèces indiquées par erreur dans le territoire lorrain, (2) cel<strong>les</strong><br />

pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> données sont insuffisantes pour établir une comparaison, (3) cel<strong>les</strong> qui sont<br />

apparues au 20 ème siècle ou sont en progression depuis un siècle, (4) <strong>les</strong> espèces à situation<br />

relativement stable, qui se sont maintenues ou n ont subi qu une faible régression, (5) cel<strong>les</strong><br />

qui ont subi une régression assez forte (disparition de ¼ à ¾ <strong>du</strong> nombre de stations), (6) cel<strong>les</strong><br />

qui ont subi une forte régression (disparition de plus de ¾ des localités), comme par exemple<br />

Carex davalliana, Gentiana cruciata, Hammarbya paludosa, Helichrysum arenarium,<br />

Pulicaria vulgaris, Sisymbrium supinum, Spiranthes spiralis, (7) cel<strong>les</strong> qui n ont plus été<br />

retrouvées à la fin <strong>du</strong> 20 ème siècle et au début <strong>du</strong> 21 ème et qui sont donc considérées comme<br />

disparues. Ainsi <strong>les</strong> 20 espèces suivantes n ont plus été retrouvées en Lorraine depuis des<br />

périodes plus ou moins anciennes : Anacamptis coriophora, Anagalis tenella, Botrychium<br />

multifi<strong>du</strong>m, Calamagrostis purpurea subsp. phragmitoides, Carex praecox, Cryptogamma<br />

crispa, Dryopteris cristata, Epipogium aphyllum, Eriophorum gracile, Herminium monorchis,<br />

Hypochaeris maculata, Isoetes echinospora, Lindernia palustris, Ludwigia palustris,<br />

Pulsatilla vernalis, Saxifraga paniculata, Scorzonera laciniata, Se<strong>du</strong>m villosum, Subularia<br />

aquatica, Viola elatior.<br />

Cette comparaison plaide ainsi pour la mise en place de plans régionaux de conservation<br />

pour <strong>les</strong> espèces <strong>les</strong> plus menacées de Lorraine et de plans d urgence de restauration pour<br />

cel<strong>les</strong> qui sont dans une situation critique.<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

L érosion de la biodiversité consécutive à l action de l homme est malheureusement<br />

devenue un constat classique. En France, c est avant tout Aymonin (1972, 1975, 1980a,<br />

1980b, 1982, 1999) qui a lancé à partir des années 1970 <strong>les</strong> premiers cris d alarme sur la<br />

régression de la flore. Contrairement à des pays voisins comme l Allemagne, la Belgique ou<br />

le Royaume-Uni, l ampleur de ces régressions reste cependant peu documentée dans notre<br />

pays <strong>du</strong> fait des insuffisances de la connaissance générale de notre flore.<br />

51


Certaines synthèses ont toutefois été tentées sur la base des données disponib<strong>les</strong>, comme<br />

le livre rouge de la flore menacée de France (Olivier et al., 1995), actuellement en cours de<br />

complément et de réactualisation. Ces synthèses doivent être fondées sur des données précises<br />

relatives à l évolution de la distribution des espèces rares et menacées. Après l établissement<br />

des listes d espèces protégées, d abord au niveau national (en 1982), puis au niveau régional<br />

(à partir de 1986), des ouvrages ont été publiés en vue d une meilleure connaissance de la<br />

distribution et de l évolution des stations de ces espèces patrimonia<strong>les</strong> (Danton & Baffray,<br />

1995 pour la France métropolitaine ; Arnal, 1998 pour l Ile de France ; Ferrez et al., 2001<br />

pour la Franche-Comté, Arnal & Guittet, 2004 pour l Essonne, etc, etc).<br />

La présente étude repose sur la publication récente d une synthèse relative aux plantes<br />

protégées de Lorraine (Muller, 2006). Elle a pour objectif d analyser plus en détail l évolution<br />

de la distribution des espèces concernées au cours <strong>du</strong> 20 ème siècle.<br />

Historique de l étude et de la connaissance de la flore lorraine<br />

L étude de la flore lorraine a commencé assez tardivement, puisque très peu de données<br />

ont été publiées avant 1800. Par contre, le début <strong>du</strong> 19 ème siècle correspond à un foisonnement<br />

de travaux dans <strong>les</strong> quatre départements de notre région : flore de la Moselle de Holandre<br />

(1829), flore de la Meuse de Doisy (1835), catalogue floristiques des Vosges de Mougeot<br />

(1845) et surtout la synthèse de tous ces travaux dans la flore de la Lorraine de D.A. Godron,<br />

qui fit l objet de trois rééditions successives (1843/44, 1857, 1883), si bien qu on dispose à la<br />

fin <strong>du</strong> 19 ème siècle d une assez bonne connaissance de la flore de ce territoire.<br />

La première moitié <strong>du</strong> 20 ème siècle connut un net ralentissement des études botaniques,<br />

sans aucun doute lié à l impact humain des deux guerres mondia<strong>les</strong>, qui ont <strong>du</strong>rement touché<br />

ce territoire. Un renouveau de la botanique lorraine ne s amorce que dans la deuxième moitié<br />

<strong>du</strong> siècle, en grande partie sous l impulsion de botanistes belges, d abord J. Duvigneaud à<br />

partir des années 1950, puis G.H. Parent à partir des années 1970, qui ont tous deux apporté<br />

une contribution essentielle à la connaissance de la flore de ce territoire (Parent, 1987 ;<br />

Muller, 2006).<br />

Ce renouveau a également été encouragé par un certain nombre d impulsions publiques et<br />

privées à partir des années 1970/80 (lancement de l inventaire des ZNIEFF, inventaires<br />

coordonnés par l Institut Européen d Ecologie, travaux initiés par <strong>les</strong> Conservatoire et Jardins<br />

botaniques de Nancy, création des Parcs Naturels Régionaux de Lorraine, des Vosges <strong>du</strong><br />

Nord et des Ballons des Vosges, création <strong>du</strong> Conservatoire des Sites lorrains en 1984, etc).<br />

Les publications des listes des plantes protégées au niveau national (en 1982), puis au niveau<br />

régional en Lorraine (en 1994) ont également stimulé <strong>les</strong> prospections relatives aux espèces<br />

concernées, réalisées sous l impulsion et la coordination des Conservatoire & Jardins<br />

botaniques de Nancy et plus récemment avec le concours de l association <strong>Floraine</strong>, fondée en<br />

1997.<br />

Méthodologie : Faisabilité, intérêt et difficultés d une comparaison de la flore à un<br />

siècle d écart<br />

La plupart des données anciennes, en particulier cel<strong>les</strong> publiées dans <strong>les</strong> flores et <strong>les</strong><br />

catalogues floristiques, correspondent à l indication des territoires communaux de présence<br />

des espèces rares et remarquab<strong>les</strong>. Parfois ces indications sont précédées de celle <strong>du</strong> chef-lieu<br />

de canton ou d arrondissement (c est souvent le cas dans la flore de Godron), qu il ne faut<br />

donc pas retenir comme une localité de présence de l espèce El<strong>les</strong> peuvent aussi être<br />

accompagnées de la mention <strong>du</strong> lieu-dit. Cette mention se substitue aussi parfois à l indication<br />

52


de la commune (par exemple tourbière de Faux-en-Forêt, étang de Waldeck), mais il est en<br />

général possible de rapporter cette mention à un territoire communal identifié. Par contre<br />

l indication « Hohneck » est très ambiguë, car l espèce peut être présente sur territoire lorrain<br />

ou alsacien<br />

Il faut également prendre garde aux communes qui portent le même nom dans plusieurs<br />

départements (par exemple Sorbey en 55 et 57, Moussey en 57 et 88), ainsi qu aux communes<br />

fusionnées au cours <strong>du</strong> 20 ème siècle. Mais un minimum de perspicacité permet, dans la grande<br />

majorité des cas, de déjouer <strong>les</strong> pièges de ces données anciennes et de <strong>les</strong> rapporter sans<br />

erreurs aux territoires communaux actuels. Les inventaires récents peuvent sans difficultés<br />

être rapportés aux mêmes unités spatia<strong>les</strong>, ce qui permet d établir des comparaisons et en<br />

même temps de responsabiliser <strong>les</strong> populations et autorités communa<strong>les</strong> concernées par<br />

rapport à leur patrimoine.<br />

Toutefois la comparaison des distributions des espèces se heurte parfois à des difficultés<br />

taxonomiques ou chorologiques:<br />

- Certaines données plus ou moins anciennes (et parfois aussi récentes) se révèlent<br />

par la suite correspondre à des erreurs d identification. Ainsi la mention de Carex dioica à<br />

Montenach s est ensuite révélée être erronée.<br />

- Dans certains cas, la localisation des espèces reste trop imprécise (par exemple,<br />

massif <strong>du</strong> Hohneck) Il arrive aussi qu elle n ait n a pas été précisée pour des espèces<br />

relativement communes au 19 ème siècle (par exemple Gagea villosa).<br />

- Pour certaines espèces, <strong>les</strong> connaissances de leur distribution restaient très<br />

imprécises par suite d un manque d intérêt et de prospection dans <strong>les</strong> habitats concernés.<br />

Ainsi il a pu être montré que la forte régression supposée de Carex hordeistichos lors de la<br />

rédaction en 1995 <strong>du</strong> livre rouge de la flore menacée de France n était pas réelle, car des<br />

prospections détaillées à la fin <strong>du</strong> 20 ème siècle ont montré que l espèce restait sensiblement<br />

aussi abondante actuellement qu au 19 ème siècle (Muller et al., 1999).<br />

- Certains taxons n ont été distingués que récemment. Parmi <strong>les</strong> espèces protégées<br />

en Lorraine, c est le cas de Dactylorhiza praetermissa, Dryopteris remota, Epipactis muelleri,<br />

E. leptochila, Ranunculus rionii, pour <strong>les</strong>quels la distribution ancienne n est donc pas connue.<br />

- D autres espèces n ont été découvertes dans notre région qu au cours <strong>du</strong> 20 ème<br />

siècle. Ces espèces étaient soit méconnues antérieurement, soit el<strong>les</strong> constituent des<br />

acquisitions récentes (spontanées ou intro<strong>du</strong>ites par l homme) de notre flore.<br />

Résultats : Bilan de la comparaison<br />

La comparaison des distributions des espèces entre la fin <strong>du</strong> 19 ème et celle <strong>du</strong> 20 ème siècle<br />

permet de distinguer différents groupes d espèces :<br />

Espèces<br />

indiquées<br />

par<br />

erreur en<br />

Lorraine<br />

Données<br />

insuffisantes<br />

Espèces<br />

apparues<br />

ou en<br />

progression<br />

Espèces<br />

stab<strong>les</strong> ou<br />

en faible<br />

régression<br />

53<br />

Espèces<br />

en<br />

régression<br />

assez forte<br />

(1/4 à 3/4)<br />

Espèces<br />

en forte<br />

régression<br />

(> 3/4)<br />

Espèces<br />

disparues<br />

5 12 11 82 69 17 20<br />

1. Les espèces indiquées par erreur sur le territoire lorrain<br />

Pour quelques espèces protégées, il s est avéré que <strong>les</strong> données étaient erronées, soit au<br />

niveau de leur identification (Asplenium cuneifolium, Carex dioica, Sorbus latifolia), soit de<br />

leur présence sur le territoire lorrain (Anemone narcissiflora, Hieracium alpinum).


2. Les espèces pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> données sont insuffisantes pour établir une<br />

comparaison<br />

Ce sont principalement des taxons qui n ont été identifiés ou indivi<strong>du</strong>alisés qu au cours <strong>du</strong><br />

20 ème siècle, comme Dactylorhiza praetermissa, Dryopteris remota, Epipactis leptochila, E.<br />

muelleri, Ranunculus rionii, ainsi que ceux dont l existence en Lorraine n a été établie que<br />

récemment (Galium fleurotii, Leontodon hyoseroides, Silene vulgaris subsp. glareosa,<br />

Trichomanes speciosum, Viola canina subsp. ruppii). Ainsi, la découverte en 1915 dans <strong>les</strong><br />

Vosges de la fougère Hymenophyllum tunbrigense et la mise en évidence d une dizaine de<br />

stations entre <strong>les</strong> vallées de la Plaine et <strong>du</strong> Rabodeau peuvent tra<strong>du</strong>ire aussi bien une<br />

méconnaissance antérieure de la distribution de cette petite espèce que son extension récente<br />

(Muller et al., 2006). Il en est de même pour l Orchidée Epipactis microphylla, dont<br />

l existence n était pas signalée en Lorraine au 19 ème siècle (Parent, 1996). Sa discrétion et le<br />

petit nombre d indivi<strong>du</strong>s de chaque population peuvent expliquer qu elle n ait pas été<br />

découverte avant la fin <strong>du</strong> 20 ème siècle. Mais peut-être est-elle aussi en extension ? Pour toutes<br />

ces espèces, l absence de données sur leur distribution au cours <strong>du</strong> 19 ème siècle ne permet pas<br />

d établir de comparaison avec leur situation de la fin <strong>du</strong> 20 ème siècle.<br />

3. Les espèces apparues ou en progression depuis un siècle<br />

Il s agit d espèces pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> la distribution actuelle est sensiblement plus éten<strong>du</strong>e<br />

que celle de la fin <strong>du</strong> 19 ème siècle. Ainsi Vallisneria spiralis a connu au cours <strong>du</strong> 20 ème siècle<br />

une extension de son aire de distribution dans le réseau hydrographique lorrain, en particulier<br />

dans la Moselle (Walter, 1935 ; Georges, <strong>2007</strong>). De même Armeria vulgaris n était pas connu<br />

en Lorraine au 19 ème siècle et a été observé pour la première fois au début <strong>du</strong> 20 ème siècle,<br />

d abord dans le Warndt (Krause, 1907), puis dans la région de Bitche (Walter, 1937). Sa<br />

présence résulte vraisemblablement d une intro<strong>du</strong>ction anthropique involontaire, peut-être par<br />

l intermédiaire des mouvements de troupes militaires (espèce obsidionale). Selon Parent<br />

(1990), il en est de même pour Buphtalmum salicifolium. Un cas sans doute analogue est celui<br />

de Trientalis europaea dans sa station <strong>du</strong> Reisberg, dont <strong>les</strong> modalités de croissance de<br />

l espèce ont permis d estimer son intro<strong>du</strong>ction aux environs de 1918 (Simon, 1995).<br />

La présence et l extension de la fougère Matteucia struthiopteris résultent probablement<br />

d intro<strong>du</strong>ctions d origine anthropique, vraisemblablement comme plante horticole (Dardaine<br />

& Vernier, 1994 ; Vernier, 1998). Il en est sans doute de même pour Doronicum<br />

pardalianches, au moins pour ses stations de plaine. L apparition de Bupleurum tenuissimum<br />

dans <strong>les</strong> zones halophi<strong>les</strong>, découverte au début des années 1960 (Kapp, 1961), peut par contre<br />

correspondre à un cas d ornithochorie à longue distance. C est peut-être aussi le cas pour<br />

Eleocharis multicaulis, non mentionné de la région de Bitche par Schultz (1846) et découvert<br />

sur <strong>les</strong> étangs de ce secteur au début <strong>du</strong> 20 ème siècle<br />

De même il semble que Blackstonia perfoliata, non mentionné en Lorraine avant 1970,<br />

présente une extension spontanée actuelle de son aire de distribution (Parent, 1973 ; Dardaine,<br />

2002 ; Muller, 2008, à paraître). C est également le cas de l espèce halophile Alopecurus<br />

bulbosus, qui avait été découverte en Lorraine dès 1810. Son extension dans <strong>les</strong> zones<br />

halophi<strong>les</strong> de la vallée de la Seille au cours des dernières décennies <strong>du</strong> 20 ème siècle est<br />

clairement documentée depuis la publication de référence de Duvigneaud (1967). Pour la<br />

fougère Asplenium viride, une expansion naturelle a aussi pu être mis en évidence en Lorraine<br />

dans des habitats anthropiques (Parent, 1980).<br />

Les 11 espèces mentionnées ci-dessus peuvent donc être considérées comme étant dans<br />

une situation plus favorable en Lorraine à la fin <strong>du</strong> 20 ème siècle qu à la fin <strong>du</strong> 19 ème .<br />

54


4. Les espèces relativement stab<strong>les</strong> : maintien des populations au cours <strong>du</strong> 20ème<br />

siècle ou perte de moins de ¼ des localités anciennes<br />

Pour un certain nombre d espèces protégées, la comparaison de leur distribution à la fin<br />

<strong>du</strong> 19 ème et <strong>du</strong> 20 ème siècle n a pas mis en évidence de variation sensible <strong>du</strong> nombre de<br />

localités. Cela peut être le cas d espèces rares ou peu répan<strong>du</strong>es, inféodées à des habitats bien<br />

spécifiques, comme Asplenium obovatum subsp. billotii sur rochers de grès, Potentilla<br />

crantzii (une seule station connue !) sur rocher de serpentine, Fumana procumbens sur<br />

affleurements calcaires, Luronium natans dans des lacs oligotrophes ou encore Andromeda<br />

polifolia en tourbières. Dans certains cas il s agit aussi d espèces plus répan<strong>du</strong>es, comme<br />

Aster amellus dans <strong>les</strong> pelouses calcaires, Ranunculus lingua dans <strong>les</strong> roselières, Buxus<br />

sempervirens, Gagea lutea ou Leucojum vernum en forêt.<br />

Un cas particulier est constitué par <strong>les</strong> espèces qui ont connu une régression, puis une<br />

reconstitution de leurs populations par suite de la protection de leurs habitats et/ou de la<br />

réintro<strong>du</strong>ction de l espèce. C est le cas en particulier de Calla palustris, qui avait fortement<br />

régressé en Lorraine jusqu à la moitié <strong>du</strong> 20 ème siècle, puis a restauré sa situation par suite de<br />

l intro<strong>du</strong>ction réussie de l espèce dans plusieurs sites tourbeux de la région de Gérardmer à<br />

partir de plantes de la station de Retournemer et de son extension naturelle consécutive à la<br />

protection de ses habitats dans <strong>les</strong> Vosges <strong>du</strong> Nord.<br />

5. Les espèces en régression assez forte (disparition de ¼ à ¾ des localités au cours<br />

<strong>du</strong> 20 ème siècle)<br />

Près <strong>du</strong> tiers des espèces protégées de Lorraine (soit 69 espèces) a été rangé dans cette<br />

catégorie. Il s agit généralement d espèces dont <strong>les</strong> habitats ont sensiblement régressé dans<br />

notre région. On y retrouve en premier lieu de nombreuses espèces inféodées à des zones<br />

humides, comme Carex limosa, C. pulicaris, Cicuta virosa, Dianthus superbus, Drosera<br />

longifolia, Eleocharis quinqueflora, Eriophorum latifolium, E. vaginatum, Gentiana<br />

pneumonanthe, Gratiola officinalis, Inula britannica, , Hippuris vulgaris, Juncus capitatus,<br />

Limosella aquatica, Littorella uniflora, Lycopodiella inundata, Mentha pulegium,<br />

Menyanthes trifoliata, Nymphoides peltata, Parnassia palustris, Pedicularis palustris,<br />

Samolus valerandi, Scheuchzeria palustris, Schoenus nigricans, Stellaria palustris, ,<br />

Teucrium scordium, Thelypteris palustris, Triglochin palustre, Utricularia minor, etc.<br />

Un certain nombre d espèces protégées des pelouses sèches entrent également dans cette<br />

catégorie, comme Botrychium lunaria, Crepis praemorsa, Dactylorhiza viridis, Daphne<br />

cneorum, Euphorbia seguieriana, Linum leonii, Melampyrum cristatum, Neotinea ustulata,<br />

Orchis simia, Orobanche major, Thesium linophyllon, Trifolium scabrum, etc.<br />

Plus rarement il peut s agir d espèces forestières ou inféodées aux lisières ou coupes<br />

forestières (Campanula cervicaria, Centaurea montana, Cypripedium calceolus, Genista<br />

germanica, Tephroseris helenitis).<br />

6. Les espèces en forte régression (disparition de plus des ¾ des localités au cours <strong>du</strong><br />

20 ème siècle).<br />

17 espèces ont été rattachées à ce groupe. Ce sont encore principalement des espèces de<br />

zones humides (Blysmus compressus, Carex davalliana, Gymnadenia odoratissima,<br />

Hammarbya paludosa, Pilularia globulifera, Potamogeton alpinus, Pulicaria vulgaris,<br />

Radiola linoides, Ranunculus baudotii, Ruppia maritima) ou de pelouses sèches, calcaires ou<br />

sableuses (Anemone sylvestris, Gentiana cruciata, Helichrysum arenarium, Rosa gallica,<br />

Se<strong>du</strong>m rubens, Sisymbrium supinum, Spiranthes spiralis).<br />

55


Ainsi la régression est particulièrement forte pour Gentiana cruciata, malgré des<br />

découvertes récentes (en <strong>2007</strong>) de quelques stations inédites par C. Courte dans le Barrois<br />

(Muller, 2008, à paraître), dernier bastion de l espèce en Lorraine, puisque l espèce est<br />

considérée comme disparue dans <strong>les</strong> départements de la Moselle et des Vosges.<br />

Mais la situation la plus préoccupante actuellement est certainement celle d Helichrysum<br />

arenarium, dont il ne subsiste en <strong>2007</strong> qu une seule population stérile, restreinte à une surface<br />

de 20 x 50 cm² (qui constitue la dernière station française de l espèce !), alors que cette<br />

immortelle était connue au 19 ème siècle en une dizaine de localités lorraines situées dans 4<br />

secteurs géographiques différents (Parent, 1997).<br />

7. Les espèces considérées comme disparues<br />

Ce sont des espèces qui n ont plus été revues au cours des dernières décennies, malgré des<br />

recherches spécifiques. Vingt espèces sont actuellement rangées dans cette catégorie. Ce sont<br />

des espèces aquatiques (Isoetes echinospora, Subularia aquatica), de vases d étangs en assec<br />

(Lindernia palustris, Ludwigia palustris), de marais tourbeux (Anagallis tenella, Dryopteris<br />

cristata, Eriophorum gracile, Se<strong>du</strong>m villosum), de mégaphorbiaies subalpines (Calamagrostis<br />

purpurea subsp. phragmitoides), de pelouses ou prairies relativement oligotrophes<br />

(Anacamptis coriophora Carex praecox Herminium monorchis, Viola elatior), de landes<br />

(Pulsatilla vernalis, Hypochoeris maculata, Botrychium multifi<strong>du</strong>m), d éboulis ou<br />

d affleurements rocheux (Cryptogamma crispa, Saxifraga paniculata), plus rarement de<br />

forêts (Epipogium aphyllum) et même de milieux rudéralisés (Scorzonera laciniata).<br />

Toutefois la redécouverte de certaines d entre el<strong>les</strong> reste toujours possible. En particulier,<br />

Calamagrostis phragmitoides nécessiterait d être recherché attentivement dans la station<br />

découverte au Ballon d Alsace par Philippi (1970). De même, concernant Scorzonera<br />

laciniata, il serait assez surprenant qu une espèce inféodée à des milieux rudéralisés, qui sont<br />

partout en extension, ait pu totalement disparaître<br />

En effet, plusieurs autres espèces qui étaient considérées comme disparues à la fin des<br />

années 1990 ont été redécouvertes au cours des dernières années, ainsi Hammarbya paludosa<br />

(Mathé & Pierné, 2001), Cicendia filiformis (Pax, 2002) et Spiranthes spiralis (Muller, 2005),<br />

ce qui laisse des espoirs de redécouvertes pour d autres espèces<br />

Discussion et conclusion<br />

Cette comparaison permet d établir, pour <strong>les</strong> espèces bénéficiant d une connaissance<br />

suffisante, que 47% d entre el<strong>les</strong> (groupes 3 et 4, soit 93 espèces) sont dans un état de<br />

conservation satisfaisant, alors que 53% (groupes 5, 6 et 7, soit 106 espèces) marquent une<br />

régression plus ou moins sensible. Parmi cel<strong>les</strong>-ci, la régression est très forte (plus des ¾ des<br />

stations anciennes disparues) pour 17 espèces (8,5%), alors que 20 espèces (soit 10%) sont<br />

considérées comme disparues. Des prospections complémentaires sont nécessaires pour<br />

préciser la distribution d espèces dont la distribution précise reste mal connues (Circaea<br />

alpina, Hypericum elodes, Listera cordata, Pulicaria vulgaris, Wahlenbergia hederacea, etc)<br />

et rechercher également certaines espèces considérées comme disparues (en particulier<br />

Calamagrostis purpurea subsp. phragmitoides, Scorzonera laciniata, Se<strong>du</strong>m villosum), pour<br />

<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> subsiste un espoir de redécouverte.<br />

Ce bilan doit surtout inciter à la mise en place de plans de conservation pour <strong>les</strong> espèces<br />

<strong>les</strong> plus menacées (Anemone sylvestris, Gentiana cruciata, etc) et de plans d urgence de<br />

restauration pour <strong>les</strong> espèces en situation critique (Diphasiastrum zeilleri, Gagea pratensis,<br />

Helichrysum arenarium, etc).<br />

56


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58


Changements observés de la végétation dans <strong>les</strong> montagnes<br />

<strong>du</strong> Sud-Est de la France entre 1984 et 1998<br />

Jeanne Bodin 1,2 , Jean Luc Dupouey 1 , Vincent Badeau 1 , Catherine Cluzeau 3 ,<br />

Jacques Drapier 3 , Eric Bruno 4<br />

1. UMR Écologie et Écophysiologie Forestière, INRA-Nancy, 54280 Champenoux<br />

mail : <strong>du</strong>pouey@nancy.inra.fr<br />

2. Institut für Geobotanik, Université de Hanovre, Allemagne<br />

3. Ifn-Nancy<br />

4. Ifn-Montpellier<br />

Résumé<br />

La végétation <strong>du</strong> sous-bois forestier est un excellent bio-indicateur de<br />

l environnement, climatique en particulier. En montagne, où <strong>les</strong> gradients verticaux de<br />

température et donc de végétation sont forts, on peut espérer pouvoir suivre <strong>les</strong> effets des<br />

changements climatiques en cours grâce à un rééquilibrage rapide de la végétation avec cet<br />

environnement climatique.<br />

Nous présentons ici <strong>les</strong> résultats d une étude de rééchantillonnage de la<br />

végétation dans 11 départements <strong>du</strong> Sud-Est de la France entre 1984 et 1998, sans<br />

relocalisation des placettes anciennes. Nous étudions <strong>les</strong> modifications de l optimum<br />

d altitude des espèces. Sur 1949 taxons échantillonnés, 123 sont suffisamment fréquents, bien<br />

reconnus et présentent une réponse à l altitude en forme de courbe « en cloche » aux deux<br />

dates d échantillonnage. Pour ces 123 taxons, le déplacement moyen en 14 ans est de 20 m<br />

vers le haut. Ce résultat suggère un effet <strong>du</strong> réchauffement climatique en cours, mais d autres<br />

interprétations possib<strong>les</strong> sont discutées.<br />

Mots-clés : dynamique de la végétation ; forêt ; montagne ; altitude ; changement<br />

climatique ; Inventaire forestier national ; rééchantillonnage<br />

Abstract<br />

Forest floor vegetation is a reliable bioindicator of the environment, including<br />

of climatic conditions. In the mountains, where vertical gradients of temperature and, hence,<br />

vegetation, are strong, one can expect monitoring early impacts of climate warming because<br />

species should be able to rapidly track their climatic niche.<br />

Here we present first results from a resampling study of vegetation in<br />

southeastern part of France, between 1984 and 1998. The sampling scheme was not based on<br />

permanent plots and the two samp<strong>les</strong> from each date were independent. The number of plots<br />

observed by National forest inventory teams was high: over 15000 at each date.<br />

Consequently, we modelled species presence as a function of elevation at each of the two<br />

sampling dates and analyzed shifts of the estimated optimum of presence within 14 years.<br />

Over 1949 observed taxa, 123 only were frequent enough, reliably identified and presented a<br />

bell-shaped curve at the two sampling dates. The average elevation shift of the optimum over<br />

these 123 taxa was of 20 metres towards highest elevation. This result suggests an impact of<br />

climatic warming in the Alps on forest vegetation. However, other potential causes of this<br />

shift are discussed.<br />

Keywords : vegetation dynamics ; forest ; mountain ; elevation ; climatic change ;<br />

national forest inventory ; resampling.<br />

59


Contexte et objectifs<br />

La température moyenne annuelle de la planète a augmenté de 0,6°C au cours<br />

<strong>du</strong> XX e siècle. En France, ce réchauffement a été plus élevé, de 0,9°C pour la température<br />

moyenne et de 1,2°C pour la température minimale (Moisselin et al. 2002). Ce réchauffement<br />

s est accéléré à la fin <strong>du</strong> XX e siècle, atteignant 0,5°C/décennie entre 1970 et 2000. Peut-on<br />

déjà observer des effets de cette augmentation de la température sur l aire de répartition des<br />

espèces ? Nous avons, pour répondre à cette question, étudié <strong>les</strong> changements de la végétation<br />

forestière dans <strong>les</strong> montagnes <strong>du</strong> Sud-Est de la France, observés au travers des données de<br />

l Inventaire forestier national (Ifn).<br />

En montagne, la diminution de température est en moyenne de 1°C pour une<br />

élévation en altitude de 150 mètres, alors que, en plaine, ce même écart de température<br />

correspond à un déplacement de 150 kilomètres vers le Nord. On considère donc qu en<br />

réponse au réchauffement <strong>du</strong> climat, puisque la distance à parcourir est beaucoup plus faible,<br />

<strong>les</strong> espèces peuvent plus facilement retrouver l optimum de leur niche climatique en<br />

montagne qu en plaine. De plus, <strong>les</strong> obstac<strong>les</strong> à la migration <strong>du</strong>s à l urbanisation et aux<br />

surfaces agrico<strong>les</strong> y sont moindres.<br />

Ainsi, Grabherr et al. (1994) et Walther et al. (2005) ont observé une<br />

augmentation de la richesse en espèces des sommets alpins, liée à une immigration d espèces<br />

des étages inférieurs qu ils interprètent comme un effet <strong>du</strong> réchauffement climatique. D autre<br />

part, une remontée de la limite supérieure de la forêt est observée dans de nombreuses régions<br />

<strong>du</strong> monde. Ces observations faites dans <strong>les</strong> milieux supra-forestiers sont délicates à interpréter<br />

en raison des récentes et fortes variations de la pression de pâturage dans <strong>les</strong> mêmes zones<br />

(Didier & Brun 1998).<br />

Les forêts de montagne présentent, par rapport aux milieux supra-forestiers,<br />

l avantage d avoir été moins influencées par ces variations des pratiques de pâturage, ou <strong>du</strong><br />

moins cette influence est-elle un peu moins récente. D autre part, la sylviculture y est en<br />

moyenne moins intensive qu en plaine.<br />

La majorité des études réalisées sur <strong>les</strong> changements de végétation à moyen ou<br />

long terme l ont été par rééchantillonage de placettes permanentes. Cette méthode présente<br />

l inconvénient de confondre <strong>les</strong> effets <strong>du</strong> vieillissement des peuplements avec ceux des<br />

changements environnementaux. Nous utilisons ici une nouvelle méthode, basée sur le<br />

rééchantillonnage de placettes non permanentes. Au lieu d étudier l apparition ou la<br />

disparition d espèces dans des placettes permanentes, nous bâtissons des modè<strong>les</strong> de présence<br />

de chaque espèce en fonction de l altitude et nous testons le décalage éventuel de ces courbes<br />

de réponse au cours <strong>du</strong> temps.<br />

Echantillonnage<br />

L Ifn a réalisé deux cyc<strong>les</strong> complets de relevés phytoécologiques en 1984 et<br />

1998 dans le Sud-Est de la France. Il s agit de l année moyenne de chacun des deux cyc<strong>les</strong><br />

d inventaire, qui se sont étalés en fait de 1981 à 1989 pour le premier et de 1992 à 2004 pour<br />

le second. Les relevés sont répartis dans 11 départements (Alpes de Haute Provence, Hautes<br />

Alpes, Alpes maritimes, Ardèche, Bouches <strong>du</strong> Rhône, Drôme, Gard, Hérault, Var, Vaucluse<br />

et Corse <strong>du</strong> Nord). Ils sont distribués de 0 à 2500 mètres d altitude. L échantillonnage est<br />

stratifié, par département, en fonction <strong>du</strong> type de peuplement (essence dominante et structure)<br />

et de la classe de propriété foncière. Il est reconstruit de façon indépendante à chacun des<br />

deux inventaires.<br />

60


Les relevés contiennent des observations topographiques (pente, altitude,<br />

exposition ), pédologiques et floristiques. La végétation est inventoriée dans un cercle de 6<br />

m de rayon lors <strong>du</strong> premier inventaire et de 15 m de rayon lors <strong>du</strong> second. La liste des espèces<br />

ligneuses et herbacées (bryophytes terrico<strong>les</strong> et ptéridophytes comprises) présentes dans la<br />

placette est dressée, chaque taxon étant affecté d une note de dominance dérivée <strong>du</strong><br />

coefficient de Braun-Blanquet (Cluzeau & Virion, ce volume).<br />

Nous disposons au total de 15754 relevés pour le premier inventaire floristique<br />

et de 15231 pour le second. Le nombre moyen d espèces par relevé est de 16,6 en 1984, pour<br />

25,3 en 1998. On comptabilise au total 1949 taxons sur <strong>les</strong> deux cyc<strong>les</strong>, dont 1139 taxons<br />

communs aux deux cyc<strong>les</strong>. Nous disposons enfin d une note de fiabilité de la détermination<br />

<strong>du</strong> taxon estimée par <strong>les</strong> observateurs de l IFN.<br />

Analyse des données<br />

La présence des espèces est modélisée par régression logistique, en<br />

intro<strong>du</strong>isant comme variab<strong>les</strong> explicatives l altitude et son carré :<br />

logit (p) = log[p/(1-p)] = a*altitude 2 + b*altitude + c + (1)<br />

avec p : probabilité de présence de l espèce,<br />

a, b et c : paramètres <strong>du</strong> modèle,<br />

: erreur.<br />

La position altitudinale de l optimum de l espèce est estimée à partir des paramètres<br />

<strong>du</strong> modèle :<br />

optimum = -b/2a (2)<br />

Le modèle (1) est ajusté indépendamment pour chaque espèce et pour chacun<br />

des deux cyc<strong>les</strong> d inventaire. Seu<strong>les</strong> <strong>les</strong> espèces présentant un nombre d occurrences<br />

supérieur à 50 à chaque date ont été retenues dans cette analyse. Cel<strong>les</strong> pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> le<br />

paramètre a <strong>du</strong> modèle (1) est positif et significativement différent de zéro présentent une<br />

réponse de type « courbe en cloche » à l altitude. Parmi ces espèces, nous ne conservons que<br />

cel<strong>les</strong> pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> l optimum d altitude estimé par le modèle se situe dans la gamme des<br />

altitudes échantillonnées (0 à 2200 m). Lorsque c est le cas aux deux dates, on peut alors<br />

calculer le déplacement de leur optimum entre <strong>les</strong> deux cyc<strong>les</strong> d inventaire. Nous avons<br />

finalement testé, par un test t apparié de comparaison de moyenne, si le déplacement moyen<br />

de l ensemble de ces espèces était significativement différent de zéro, indiquant alors un<br />

mouvement altitudinal global de la végétation. Nous n avons retenu, pour ce test, que <strong>les</strong><br />

espèces reconnues avec une fiabilité maximale par <strong>les</strong> équipes de l Ifn.<br />

Résultats<br />

Le tableau I synthétise <strong>les</strong> résultats obtenus :<br />

Sur <strong>les</strong> 1949 taxons observés aux deux échantillonnages, seuls 386 présentent une<br />

fréquence de présence supérieure à 50 à chacune des deux dates d inventaire.<br />

Parmi ceux-ci, 243 montrent une distribution « en cloche » en fonction de l altitude,<br />

mais seuls 157 présentent un optimum situé entre 0 et 2200 m.<br />

On ne conserve enfin que <strong>les</strong> 123 taxons ayant une très bonne fiabilité de<br />

reconnaissance par <strong>les</strong> équipes de terrain.<br />

61


Sur ces 123 taxons retenus, 79 présentent un décalage positif de leur optimum,<br />

c est-à-dire une montée en altitude (fig. 1a), contre 44 seulement présentant un décalage<br />

négatif (fig. 1b). La valeur moyenne des déplacements de ces 123 taxons est de +20,0 mètres<br />

(+17,8 mètres en valeur médiane). Cette valeur est significativement différente de 0 selon un<br />

test t apparié. En considérant que le gradient de température moyenne est de -0,56°C/100 m,<br />

une remontée de 17,8 mètres en 14 ans équivaut, dans le cadre hypothétique d un<br />

rééquilibrage parfait de l optimum de la niche des espèces avec leur climat, à un changement<br />

de température de +0,07°C par décennie.<br />

Figure 1 : Distribution observée de la fréquence de deux espèces par classes<br />

d altitudes (vert : 1984 ; bleu : 1998), et ajustement d un modèle de régression logistique<br />

(noir : 1984 ; rouge : 1998). a) exemple de déplacement vers le haut : Corylus avellana. b)<br />

exemple de déplacement vers le bas : Mercurialis perennis.<br />

Discussion<br />

Méthodes<br />

Le mode de rééchantillonnage sur placettes non permanentes a pro<strong>du</strong>it des<br />

résultats utilisab<strong>les</strong> pour l étude des modifications de la végétation sur 14 ans. La très forte<br />

intensité d échantillonnage (plus de 15000 relevés à chaque cycle, soit environ un relevé pour<br />

130 ha de forêt à chaque date) permet d estimer la courbe de réponse des espèces à l altitude,<br />

et en particulier la position de son optimum, avec une bonne précision. On peut ainsi détecter<br />

des changements de faible amplitude et mettre en évidence des évolutions de la végétation<br />

malgré la courte période de temps séparant <strong>les</strong> deux échantillonnages.<br />

62


Nombre total 1949 taxons<br />

Occurrence > 50 à chaque date 386 taxons<br />

Courbe « en cloche »<br />

et optimum entre 0 et 2200 m<br />

63<br />

157 taxons<br />

Forte fiabilité de reconnaissance 123 taxons<br />

Augmentation / diminution d altitude 79 / 44 taxons<br />

Valeur médiane des déplacements + 17,8 m<br />

Déplacement en équivalent<br />

température<br />

0,08°C / décennie<br />

Tableau I : Résultats de l analyse par régression logistique <strong>du</strong> déplacement altitudinal<br />

des taxons dans le Sud-Est de la France entre 1984 et 1998.<br />

Il faut noter que le nombre moyen d espèces par relevé a fortement augmenté<br />

entre <strong>les</strong> deux inventaires en raison d une surface d observation plus importante et d une<br />

meilleure exhaustivité <strong>du</strong> relevé au deuxième cycle d échantillonnage. Or, ce nombre moyen<br />

d espèces a augmenté plus fortement dans <strong>les</strong> altitudes élevées qu en plaine et collines : audessus<br />

de 1000 m d altitude, il passe de 16,7 à 27,3 espèces par relevé entre <strong>les</strong> deux dates<br />

d échantillonnage, alors qu il passe de 16,6 à 24,7 espèces par relevé en dessous de cette<br />

altitude. Les augmentations d altitude que nous avons observées sont donc en partie liées à cet<br />

accroissement différentiel de la richesse spécifique entre haute et basse altitude. Le rôle exact<br />

de ce possible biais reste à quantifier.<br />

Résultats<br />

Un nombre significatif d espèces, soit plus de deux tiers des espèces retenues<br />

dans l analyse, montre une augmentation de leur optimum. La valeur médiane de la remontée<br />

est de 18 mètres, correspondant à un réchauffement de 0,07°C par décennie. Cette valeur est<br />

légèrement en deçà <strong>du</strong> réchauffement moyen mesuré en France au cours de l ensemble <strong>du</strong><br />

XX ème siècle qui est de presque 0,1°C par décennie. Elle est largement inférieure aux valeurs<br />

observées depuis 1970, qui atteignent 0,5°C par décennie. Plusieurs facteurs peuvent<br />

expliquer ce retard entre le réchauffement réellement mesuré et <strong>les</strong> déplacements observés de<br />

la végétation. De nombreuses espèces forestières sont connues pour leur très faible pouvoir de<br />

dispersion (Dupouey et al. 2002). En montagne, la remontée en altitude des graines pourrait<br />

être plus difficile que leur descente. Pour de nombreuses espèces, <strong>les</strong> milieux forestiers<br />

fermés sont peu favorab<strong>les</strong> à la colonisation et seule l ouverture <strong>du</strong> couvert suite à une<br />

perturbation peut permettre leur installation.<br />

Notre modèle n intègre que l altitude. Or, d autres facteurs environnementaux<br />

pourraient venir modifier la relation que nous avons observée entre la présence des espèces et<br />

l altitude, au premier rang desquels l exposition. Il faut donc soit s assurer que ces facteurs<br />

n ont pas varié dans l ensemble de l échantillon entre <strong>les</strong> deux cyc<strong>les</strong> d inventaire, soit <strong>les</strong><br />

intégrer dans notre modèle de présence des espèces. Une analyse de la distribution aux deux


dates des expositions mesurées sur le terrain n indique pas de variation nette. Mais d autres<br />

modifications de l environnement forestier sont intervenues au cours de la seconde moitié <strong>du</strong><br />

XX ème siècle. Ainsi, <strong>les</strong> surfaces libérées par l abandon <strong>du</strong> pâturage et la déprise agricole en<br />

montagne ont permis la progression de la forêt, en particulier dans le Sud de la France (Saïd et<br />

al. 2003). Le second cycle d inventaire contient donc probablement plus de forêts récentes<br />

que le premier. D autre part, on constate une eutrophisation des sols forestiers entraînée par<br />

<strong>les</strong> dépôts d azote atmosphériques, menant également à une modification des communautés<br />

végéta<strong>les</strong> par l augmentation de la fréquence de présence des espèces nitrophi<strong>les</strong> (Thimonier<br />

1994). L analyse des caractéristiques écologiques et fonctionnel<strong>les</strong> des espèces pour<br />

<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> nous avons observé une variation d altitude devrait permettre de mieux interpréter<br />

<strong>les</strong> causes des changements observés.<br />

En conclusion, si nous observons bien une remontée globale de la végétation,<br />

celle-ci ne peut pas être reliée de façon non ambiguë au réchauffement climatique. En effet,<br />

<strong>les</strong> échantillons que nous avons étudiés présentent des variations entre <strong>les</strong> deux dates, soit en<br />

raison des méthodes d échantillonnage, soit en raison d autres changements de<br />

l environnement que le seul réchauffement climatique, qui pourraient venir interagir avec<br />

l effet de l altitude.<br />

Références<br />

Cluzeau C., Virion R., <strong>2007</strong> ; L Inventaire forestier national : un outil pour l inventaire et la<br />

cartographie de la végétation. Actes <strong>du</strong> <strong>Colloque</strong> Géoflore, Nancy, 10-12/5/07, ce volume.<br />

Didier L., Brun J.-J., 1998 ; Limite supraforestière et changements environnementaux : pour<br />

une approche pluriscalaire et spatialisée des écosystèmes d altitudes. Géographie physique<br />

et quaternaire, 52, 1-9.<br />

Dupouey JL., Sciama D., Koerner W., Dambrine E. et Rameau JC., 2002 ; La végétation des<br />

forêts anciennes, Revue Forestière Française, 54 (6), p. 521-531.<br />

Grabherr G., Gottfried M., Pauli H., 1994 ; Climate effects on mountain plants. Nature, 369,<br />

448.<br />

Moisselin J.-M., Schneider M., Canellas C., Mestre O., 2002 ; Les changements climatiques<br />

en France au XX ème siècle. Étude des longues séries homogénéisées de données de<br />

température et de précipitations. La météorologie, 38, 45-56.<br />

Said S., Rameau J., Brun J.-J., 2003 ; Evolution et diversité végéta<strong>les</strong> en Corse suite à la<br />

déprise agricole. Revue Forestière Française, 55 (4), 309-322.<br />

Thimonier A., 1994 ; Changements de la végétation et des sols en forêt tempérée européenne<br />

au cours de la période 1970-1990. Rôle possible des apports atmosphériques. Thèse de<br />

Doctorat, Paris XI-Orsay.<br />

Walther, G.-R., Beissner S. & Burga C., 2005 ; Trends in the upward shift of alpine plants.<br />

Journal of Vegetation Science, 16, 541-548.<br />

64


Les conservatoires botaniques nationaux : une répartition<br />

interrégionale pour une connaissance nationale<br />

D. Malengreau, fédération des Conservatoires botaniques nationaux<br />

Avec la collaboration de L. Poncet, CBN <strong>du</strong> Bassin Parisien<br />

Depuis 1990, le réseau des Conservatoires botaniques nationaux (CBN)<br />

couvre progressivement le territoire national, dans le cadre de missions redéfinies par<br />

le Code de l environnement en 2004 et d un agrément ministériel. L originalité de<br />

l action des CBN en matière de connaissance et de conservation de la flore et des<br />

habitats, ainsi que la responsabilité que leur donne leur agrément en matière d appui<br />

technique et d expertise, <strong>les</strong> con<strong>du</strong>it à assurer, dans la mesure <strong>du</strong> possible, le transfert<br />

de ces connaissances vers tous ceux qui interviennent dans la gestion <strong>du</strong> milieu naturel<br />

et l aménagement <strong>du</strong> territoire. Les orientations et perspectives des CBN en matière<br />

de connaissance sont précisées et un état de la connaissance rassemblée par <strong>les</strong> CBN<br />

est présenté (plus de 15 millions de données de répartition sur la flore métropolitaine).<br />

Les Conservatoires botaniques nationaux collectent, valident et gèrent<br />

l information sur la flore et <strong>les</strong> habitats dans des bases de données établies à l échelle<br />

de leur territoire d agrément et doivent cependant veiller à l interopérabilité de leurs<br />

bases de données et se doter d outils permettant de regrouper l information pertinente<br />

pour répondre aux besoins nécessitant une approche nationale.<br />

Devenus des acteurs incontournab<strong>les</strong> de la connaissance de la flore en France<br />

et en capacité d intervenir à toutes <strong>les</strong> échel<strong>les</strong> de connaissances (locale,<br />

départementale ou régionale, nationale), <strong>les</strong> CBN se coordonnent au niveau national<br />

dans le cadre de leur Fédération qui remplit des missions spécifiques, comme par<br />

exemple pour le Système D information sur la nature et <strong>les</strong> paysages, développé par le<br />

Ministère de l écologie et <strong>du</strong> développement <strong>du</strong>rable.<br />

65


Prédiction spatiale des aires de distribution d'habitats naturels<br />

forestiers : <strong>du</strong> domaine biogéographique à la gestion des Zones<br />

Spécia<strong>les</strong> de Conservation<br />

Damien MARAGE 1 , Benoît RENAUX 1<br />

1 AgroParisTech, UMR1092 Laboratoire d'étude des Ressources Forêt-Bois<br />

(LERFoB), 14 rue Girardet, CS 4216 F-54000 Nancy<br />

Auteur correspondant : marage@engref.fr<br />

Thématique : exploration spatiale des données<br />

Résumé<br />

La modélisation spatiale des communautés végéta<strong>les</strong> est un enjeu majeur pour<br />

mesurer à la fois l'impact des changements globaux et donner des indications pour <strong>les</strong><br />

gestionnaires d'espaces naturels. Ces derniers et <strong>les</strong> décideurs sont en effet de plus en plus<br />

demandeur de données et de modè<strong>les</strong> spatialement explicites sur de vastes espaces<br />

géographiques et, qui plus est, à haute résolution.<br />

Matériel et méthodes. La plupart des modè<strong>les</strong> de prédiction spatiale de communautés<br />

végéta<strong>les</strong> à l'échelle de domaine biogéographique n'ont pas un niveau de précision à l'échelle<br />

locale satisfaisant pour <strong>les</strong> gestionnaires car ils n'intègrent pas des gradients écologiques<br />

directs comme des variab<strong>les</strong> édaphiques. Nous avons modélisé, sur l'ensemble <strong>du</strong> territoire<br />

national, six habitats forestiers d'intérêt communautaire (sensu Directive 92/43 "Habitat,<br />

Faune, Flore"), au pas de 50 m. Pour calibrer ces modè<strong>les</strong>, nous avons utilisé 2108 relevés<br />

extraits de la base de données ECOPLANT. Des régressions logistiques pas à pas ont été<br />

utilisées pour modéliser la réponse de chaque habitat forestier en fonction de variab<strong>les</strong><br />

climatiques et édaphiques. Des statistiques de performance classique (courbe ROC, AUC et<br />

matrice de confusion) ont été utilisées pour évaluer ces six modè<strong>les</strong>. 2091 relevés de la base<br />

de données SOPHY ont ensuite été employé pour valider ces modè<strong>les</strong>. A l'échelle de trois<br />

futures Zones Spéciale de Conservation, la concordance spatiale a été calculée entre <strong>les</strong><br />

prédictions et <strong>les</strong> valeurs observées par des cartographies de terrain.<br />

Résultats. De très bonnes qualités de prédiction sont obtenues pour quatre des six<br />

habitats forestiers modélisés (D² > 0.40, AUC > 0.90, taux de succès > 90%). Tous <strong>les</strong><br />

modè<strong>les</strong> sont améliorés en prenant en compte <strong>les</strong> variab<strong>les</strong> édaphiques (pH eau et rapport<br />

C/N). Les mêmes qualités de prédiction ont été obtenues avec <strong>les</strong> données de validation issues<br />

de la base de données SOPHY. Le niveau de concordance spatiale au niveau local est<br />

comparable à celui obtenu par <strong>les</strong> cartographies de terrain.<br />

Synthèse et applications. Nos recherches s'inscrivent dans la démarche d'évaluation<br />

de l'état de conservation des habitats naturels puisque nous avons accès à la fois à l'aire de<br />

distribution potentielle et aux surfaces correspondantes, ceci pour une résolution spatiale<br />

concordant avec <strong>les</strong> attentes des gestionnaires. Notre démarche méthodologique peut<br />

s'appliquer à d'autres types d'habitats naturels non-obstant <strong>les</strong> limitations liées au nombre<br />

d'occurrences dans <strong>les</strong> bases de données disponib<strong>les</strong>. Nos travaux permettent également de<br />

connaître, à la fois au sein et en dehors <strong>du</strong> réseau Natura 2000, la distribution des habitats<br />

naturels. Ceci a évidemment des implications importantes dans le cadre des changements<br />

environnementaux à venir. Notre étude apparaît alors comme un outil efficace pour asseoir la<br />

fonctionnalité de réseaux d'espaces protégés car <strong>les</strong> futurs changements environnementaux<br />

vont sûrement réorganiser et impacter <strong>les</strong> écosystèmes continentaux terrestres à toutes <strong>les</strong><br />

échel<strong>les</strong>.<br />

Mots-clés: Aire de répartition, carte de distribution potentielle, France, habitat<br />

naturel, hêtre, Natura 2000, niche écologique, variab<strong>les</strong> édaphiques, S.I.G<br />

Nomenclature phytosociologique: Bardat et al. 2004 [2]<br />

66


Intro<strong>du</strong>ction<br />

La modélisation spatiale des communautés végéta<strong>les</strong> est un enjeu majeur pour<br />

mesurer à la fois l'impact des changements globaux [34, 35], et donner des indications pour<br />

<strong>les</strong> gestionnaires d'espaces naturels [8, 20]. Ces derniers et <strong>les</strong> décideurs sont en effet de plus<br />

en plus demandeurs de données et de modè<strong>les</strong> spatialement explicites sur de vastes espaces<br />

géographiques et, qui plus est, à haute résolution [21].<br />

La volonté politique de créer [1], dans l'Union Européenne, un vaste réseau<br />

d espaces naturels (Réseau Natura 2000), nécessite de cartographier ces espaces, puis de<br />

disposer d outils capab<strong>les</strong> d'en suivre l évolution et d'en apprécier le bon état de conservation.<br />

La cartographie des habitats naturels est donc le point de passage obligé avant toutes actions<br />

concertées de gestion. Malgré <strong>les</strong> efforts d harmonisation et de vulgarisation pour la<br />

description des habitats et leurs cartographies [30, 31], ce travail reste un exercice difficile et<br />

coûteux.<br />

Les travaux sur la modélisation statique de la distribution des communautés<br />

végéta<strong>les</strong> tentent de relier leur aire de distribution à des variab<strong>les</strong> environnementa<strong>les</strong> qui<br />

définissent au mieux la niche écologique de ces communautés. De nombreux travaux sur ce<br />

sujet existent [3, 7, 14, 17, 19, 21, 22, 32, 37]. Beaucoup de travaux ont été axés sur la<br />

prédiction des communautés végéta<strong>les</strong> alpines [5, 6, 11, 13, 28, 29, 37]. Mais peu d études ont<br />

été con<strong>du</strong>ites spécifiquement sur des habitats forestiers inscrits à l'annexe I de la Directive<br />

92/43 "Habitat, Faune, Flore")[18, 23, 26].<br />

La plupart des modè<strong>les</strong> de prédiction spatiale de communautés végéta<strong>les</strong>, à l'échelle<br />

de domaine biogéographique, n'ont pas un niveau de précision à l'échelle locale satisfaisant<br />

pour <strong>les</strong> gestionnaires car ils n'intègrent pas de gradients écologiques directs comme des<br />

variab<strong>les</strong> édaphiques.<br />

Notre objectif est de modéliser, au pas de 50 m, sur l'ensemble <strong>du</strong> territoire national<br />

français, six habitats forestiers d'intérêt communautaire à l'aide de variab<strong>les</strong> climatiques,<br />

topographiques et édaphiques géoréférencées. Nous testerons sur de futures Zones Spécia<strong>les</strong><br />

de Conservation (ZSC) la qualité de prédiction de nos modè<strong>les</strong> à l'échelle locale.<br />

Matériels et méthodes<br />

Jeux de données<br />

Pour calibrer <strong>les</strong> modè<strong>les</strong>, nous avons utilisé 2108 relevés extraits de la base de<br />

données EcoPlant [12]. Pour la validation, nous avons extrait 2091 relevés forestiers de la<br />

base de données SOPHY [4].<br />

Habitats d'intérêt communautaire modélisés<br />

Six habitats forestiers d'intérêt communautaire, relevant des forêts <strong>du</strong> Fagetalia<br />

sylvaticae, ont été modélisés. Le tableau I indique le nom <strong>du</strong> syntaxon, le code EUR 25 [10]<br />

et l'occurrence de ces habitats dans <strong>les</strong> deux jeux de données. Les cahiers d'habitats forestiers<br />

donnent une description détaillée de ces habitats [30].<br />

Prédicteurs spatialisés<br />

La résolution spatiale des modè<strong>les</strong> est de 50 m, car toutes <strong>les</strong> sources de données<br />

géoréferencées ont été conditionnées par la résolution <strong>du</strong> Modèle Numérique de Terrain<br />

(MNT) issu de la BD Alti de l'IGN. L'ensemble des prédicteurs géoréférencés a été mis au<br />

format Grid et incorporé sous ArcInfo 8.3. La description de ces prédicteurs est donnée dans<br />

le tableau II.<br />

67


Tableau I. Hêtraies d'intérêt communautaire modélisées ; syntaxonomie (Bardat et<br />

al. 2004), code EUR 25, prévalence (P) dans <strong>les</strong> jeux de données.<br />

Syntaxonomie Code EUR 25 Données de calibration Données de validation<br />

- n° de (EcoPlant)<br />

(SOPHY)<br />

l'habitat élémentaire<br />

(n = 2108)<br />

(n = 2091)<br />

N P N P<br />

Carpinion betuli<br />

Endymio-Fagetum<br />

9130-3 56 0.026<br />

39 0.018<br />

Galio odorati-Fagetum<br />

9130-5 175 0.083<br />

18 0.008<br />

Poo chaixii-Fagetum<br />

Fagion sylvaticae<br />

9130-6 214 0.101<br />

34 0.016<br />

Hordelymo-Fagetum<br />

9130-9 52 0.024<br />

35 0.016<br />

Festuco altissimae-<br />

Abietetum<br />

Luzulo-Fagion<br />

9130-10 99 0.046<br />

61 0.029<br />

sylvaticae<br />

Luzulo luzuloidis-<br />

Fagetum<br />

9110-(2,3,4) 100 0.047<br />

44 0.021<br />

Tableau II. Prédicteurs environnementaux spatialisés utilisés pour la modélisation<br />

des six habitats forestiers d'intérêt communautaire.<br />

Nom Définition<br />

Unité<br />

Climat<br />

SUMT Somme des températures<br />

mensuel<strong>les</strong> moyennes °C<br />

AMPLIT Amplitude thermique annuelle<br />

MGSR Radiations solaires moyennes<br />

sur la saison de végétation<br />

(Mars-Octobre)<br />

WIPREC Précipitations hiverna<strong>les</strong><br />

moyennes<br />

février)<br />

(décembre -<br />

WB6 Bilan hydrique climatique de<br />

°C<br />

j m -<br />

2 jour _1<br />

mm<br />

juin: P - ETP* mm<br />

Topographie<br />

Pente Pente dérivée <strong>du</strong> MNT au pas<br />

de 50 m<br />

Mini Moyenne Maxi Source<br />

59.9<br />

68<br />

-<br />

125.1 217.6 Météo-France<br />

Modèle<br />

AURELHY<br />

88.9 15.4 20.7 Météo-France<br />

Modèle<br />

AURELHY<br />

12298.6 49319.2 71850.2 ENGREF<br />

113 81.4 266.6 Méteo<br />

Modèle<br />

France -<br />

-138.2 -52.4 246.0<br />

AURELHY<br />

ENGREF<br />

0 5.2 78.9 IGN- BD Alti<br />

Altitude Altitude au-dessus <strong>du</strong> niveau<br />

de la mer issue <strong>du</strong> MNT au<br />

pas de 50 m<br />

0 304.1 4799 IGN-BD Alti<br />

Sol<br />

(horizon A)<br />

pH pH (H2O) 3.3 5.1 8.2 ENGREF - IFN<br />

CN C/N ratio 7.9 17 45.8 ENGREF-IFN<br />

* La méthode retenue pour le calcul de l'ETP est celle de Turc (1961) [36]


Modélisation statistique<br />

Calibration des modè<strong>les</strong><br />

L ajustement des modè<strong>les</strong> est caractérisé par une mesure de la ré<strong>du</strong>ction de la<br />

variance. Dans le cadre des modè<strong>les</strong> généralisés, l estimation se fait par la méthode <strong>du</strong><br />

maximum de vraisemblance (Maximum-Likelihood Estimation (MLE) [16]. Dans ce cas,<br />

l ajustement se caractérise par la mesure de la ré<strong>du</strong>ction de la déviance, exprimée à travers le<br />

D². Un D² ajusté a été également calculé. Il tient compte <strong>du</strong> nombre d observations (n) et <strong>du</strong><br />

nombre de prédicteurs (p). C est une mesure adéquate pour comparer des modè<strong>les</strong> qui<br />

incluent différentes combinaisons de variab<strong>les</strong>, comme dans notre cas. Il est de la forme [15]:<br />

<br />

2<br />

adjusted D <br />

1<br />

( n 1)<br />

/( n p)<br />

1<br />

D²<br />

Pour l ensemble des régressions logistiques multip<strong>les</strong> pas à pas, le critère d Akaiké<br />

(AIC) a été retenu pour sélectionner <strong>les</strong> modè<strong>les</strong> [25].<br />

L'autocorrélation spatiale peut augmenter artificiellement la qualité de prédiction des<br />

modè<strong>les</strong> lorsque <strong>les</strong> données de calibration et de validation sont trop proches <strong>les</strong> unes des<br />

autres [9]. Afin d'éviter ce problème, nous avons donc sélectionné <strong>les</strong> relevés de calibration de<br />

manière à ce qu'ils soient géographiquement distants d'au moins 500 m. Lorsque ce n'était pas<br />

le cas, la règle de décision a été de retenir ces relevés, si et seulement si, la différence<br />

d'altitude était supérieure à 50 m, l'exposition supérieure à 90 ° et la valeur de pH d'au moins<br />

une unité.<br />

Validation des modè<strong>les</strong><br />

La validation interne des modè<strong>les</strong> est basée sur <strong>les</strong> statistiques de performance<br />

classique utilisées dans le cadre des modè<strong>les</strong> de prédiction d'absence/présence [24]. A partir<br />

d'une matrice de confusion, l Area Under the Curve (AUC) dérivée de la méthode ROC, le<br />

taux de succès (S), la sensibilité (Sn) et la spécificité (Sp) des modè<strong>les</strong> ont été calculés.<br />

L interprétation de ces statistiques suit <strong>les</strong> recommandations de Manel et al. (2001)[24].<br />

La constitution des cartes de distribution potentielle des communautés repose sur une<br />

méthodologie déjà éprouvée par Guisan et al. (2000) [15]. Les cartes de probabilités sont<br />

basées sur le seuil de probabilité optimisé. Celui-ci correspond au point de la courbe ROC où<br />

la somme de sensitivité et de la spécificité <strong>du</strong> modèle est maximale [24].<br />

Les modè<strong>les</strong> sont ensuite testés par comparaison des cartes de prédiction avec des<br />

cartes indépendantes, réalisées sur trois sites Natura 2000 lorrains. Le taux de succès est<br />

calculé d après la table de contingence issue de la comparaison entre carte observée et<br />

modélisée. Cette statistique est maintenant largement employée pour évaluer la concordance<br />

spatiale [5, 14, 19, 22, 27, 37].<br />

Résultats et discussion<br />

De très bonnes qualités de prédiction sont obtenues pour quatre des six habitats<br />

forestiers modélisés (D² > 0.40, AUC > 0.90, taux de succès > 90%) (Tab. III). Il s'agit<br />

respectivement des hêtraies atlantiques à Jacinthe (9130-3), des hêtraies montagnardes à Orge<br />

d'Europe (9130-9), des Hêtraies-sapinières à Fétuque (9130-10) et des hêtraies montagnardes<br />

à Luzule blanchâtre (9110-(2,3,4)). La qualité de prédiction de tous <strong>les</strong> modè<strong>les</strong> est améliorée<br />

en prenant en compte <strong>les</strong> variab<strong>les</strong> édaphiques spatialisées (pH eau et rapport C/N).<br />

Les modè<strong>les</strong> ajustés pour <strong>les</strong> hêtraies collinéennes continenta<strong>les</strong> à Aspérule odorante<br />

(9130-5) et cel<strong>les</strong> à Pâturin de Chaix (9130-6) sont de moins bonne qualité que <strong>les</strong> précédents<br />

(Tab. III).<br />

Les mêmes ordres de grandeur en termes de qualité de prédiction ont été obtenus<br />

avec <strong>les</strong> données de validation issues de la base de données SOPHY (Tab. III).<br />

69


La figure 1 représente pour chacun des habitats modélisés, la carte de répartition "à<br />

dire d'expert" et la carte de présence/absence, au seuil optimal de la courbe ROC, issue des<br />

prédictions des différents modè<strong>les</strong>. A l'échelle <strong>du</strong> territoire national, nous observons<br />

globalement une bonne adéquation entre <strong>les</strong> cartes de répartition "à dire d'expert" et <strong>les</strong><br />

modè<strong>les</strong> de prédiction obtenus. Concernant l'Endymio-Fagetum, nous constatons que notre<br />

modèle le prédit plus à l'Est que ne le prévoit "l'expert"(Fig. 1 a et a'). Nous constatons que<br />

notre modèle repro<strong>du</strong>it assez fidèlement l'aire de répartition de Endymion nutans [33]. Pour<br />

<strong>les</strong> hêtraies collinéennes continenta<strong>les</strong> à Aspérule odorante (9130-5) et Pâturin de Chaix<br />

(9130-6), <strong>les</strong> deux cartes de distribution potentielle se recoupent de manière conséquente<br />

(93% de surface commune), mais sont assez fidè<strong>les</strong> aux cartes pro<strong>du</strong>ites "à dire d'expert" (Fig.<br />

1 b et c). Pour <strong>les</strong> hêtraies montagnardes à Orge d'Europe (Fig. 1, d), le modèle <strong>les</strong> prédit de<br />

manière quasi similaire à celle prévue par l'expert, à savoir dans l'arc jurassien et <strong>les</strong> Alpes <strong>du</strong><br />

Nord. Les Hêtraies-sapinières à Fétuque (9130-10), normalement inféodées au massif vosgien<br />

(Fig. 1, e), sont prédites en dehors de cette dition. La carte prédite inclue une partie des Alpes<br />

<strong>du</strong> Nord et le Massif central. Une association vicariante <strong>du</strong> Festuco-Abietetum (9130-10), le<br />

Milio effusi-Fagetum (9130-7) est présente dans le Jura, <strong>les</strong> Alpes <strong>du</strong> nord et le Massif<br />

Central. Les prédictions <strong>du</strong> 9130-10 dans ces trois massifs ne sont donc pas aberrantes car <strong>les</strong><br />

conditions écologiques sont quasi similaires. Enfin, nous ne constatons pas de hiatus majeur<br />

entre la carte "à dire d'expert" des Hêtraies montagnardes à Luzule blanchâtre (9110-(2,3,4))<br />

et la carte prédite. Les prédictions spatia<strong>les</strong> obtenues (Fig. 1) permettent ainsi d estimer la<br />

distribution potentielle de ces six habitats forestiers d'intérêt communautaire. Le déterminisme<br />

de ces habitats forestiers est principalement contrôlé par des variab<strong>les</strong> édaphiques (pH eau),<br />

climatiques (amplitude thermique, précipitations hiverna<strong>les</strong>) et physiographiques (pente<br />

notamment). En Suisse, Maggini et al. 2006 obtiennent <strong>les</strong> mêmes qualité de prédiction que<br />

cel<strong>les</strong> que nous avons obtenues [23].<br />

Tableau III. Résultats des régressions logistiques pas à pas et statistiques de<br />

performance associées pour <strong>les</strong> données de calibration et de validation<br />

Habitat<br />

Null Deviance Adju Optimum<br />

Calibration Validation<br />

EUR 25 b. deviance re<strong>du</strong>ction sted- probability<br />

code Var.<br />

D²<br />

AUC S Sn Sp AUC S Sn Sp<br />

9130-3 5 516.85 265.97 0.48 0.06 0.97 91 96 91 0.87 88 97 88<br />

9130-5 5 1206.10 846.73 0.29 0.17 0.88 81 85 81 0.73 81 79 81<br />

9130-6 6 1384.55 937.18 0.32 0.14 0.89 77 89 76 0.85 91 85 91<br />

9130-9 7 487.74 245.75 0.49 0.06 0.97 92 94 92 0.82 98 67 98<br />

9130-10 5 798.83 416.51 0.47 0.07 0.95 89 94 89 0.87 88 99 87<br />

9110-2 5 804.84 386.19 0.52 0.07 0.96 90 89 90 0.74 90 64 91<br />

Le niveau de concordance spatiale, au sein des trois sites Natura 2000, varie de 16%<br />

à 89%. Ce taux de succès dépend des sites étudiés et des habitats. Concernant le massif de la<br />

Reine (site FR4100189), deux habitats modélisés correspondaient aux habitats présents sur le<br />

site, respectivement le Galio odorati-Fagetum et le Poo chaixii-Fagetum. Le taux de succès<br />

de ce dernier est égal à 55% tandis que celui <strong>du</strong> Galio odorati-Fagetum est de 89%. Le massif<br />

de Parroy (site FR4100192) est constitué principalement des forêts relevant <strong>du</strong> Poo chaixii-<br />

Fagetum. Le taux de succès, dans ce massif, est de 80%. Enfin, le massif de Longegoutte, site<br />

FR4100202, situé dans le massif vosgien, présente <strong>les</strong> habitats 9130-10 et 9110-2. Les taux de<br />

succès sont respectivement de 62% pour le 9110-2 et seulement de 16% pour le 9130-10.<br />

Pour valider <strong>les</strong> cartes d habitats pro<strong>du</strong>ites lors de la rédaction des documents<br />

d'objectifs, notre démarche s avère prometteuse. Si <strong>les</strong> modè<strong>les</strong> présentent globalement de<br />

bonnes qualités de prédiction et s avèrent performants, c'est qu'ils rendent compte, à la fois,<br />

70


de l'hétérogénéité climatique à l'échelle locale (contrastes microclimatiques) et de celle des<br />

paramètres édaphiques (niveau trophique et nutrition azoté).<br />

Ces modè<strong>les</strong> restent perfectib<strong>les</strong> dans la mesure où d'autres variab<strong>les</strong> édaphiques,<br />

tel<strong>les</strong> la réserve utile, le niveau d'hydromorphie pourraient être incorporées, à l'instar de ce qui<br />

a été réalisé sur <strong>les</strong> variab<strong>les</strong> pH eau et C/N. Notamment, <strong>les</strong> modè<strong>les</strong> des habitats collinéens<br />

continentaux (9130-5 et 6) devraient être améliorés par la prise en compte de ces variab<strong>les</strong><br />

édaphiques hydriques. La prise en compte des zones alluvia<strong>les</strong> permettrait également de<br />

modéliser d'autres types d'habitas forestiers inféodés à ces milieux.<br />

Nos recherches peuvent s'inscrire dans la démarche d'évaluation de l'état de<br />

conservation des habitats naturels forestiers puisque nous avons accès à la fois à l'aire de<br />

distribution potentielle et aux surfaces correspondantes ; ceci pour une résolution spatiale<br />

concordant avec <strong>les</strong> attentes des gestionnaires. Notre démarche méthodologique peut<br />

s'appliquer à d'autres types d'habitats naturels non-obstant <strong>les</strong> limitations liées au nombre<br />

d'occurrences dans <strong>les</strong> bases de données disponib<strong>les</strong>. Nos travaux permettent également de<br />

connaître, à la fois au sein et en dehors <strong>du</strong> réseau Natura 2000, la distribution de ces habitats<br />

naturels. Ceci a évidemment des implications importantes dans le cadre des changements<br />

environnementaux à venir. Notre étude apparaît alors comme un outil efficace pour asseoir la<br />

fonctionnalité de réseaux d'espaces protégés car <strong>les</strong> futurs changements environnementaux<br />

vont sûrement réorganiser et impacter <strong>les</strong> écosystèmes continentaux terrestres à toutes <strong>les</strong><br />

échel<strong>les</strong>.<br />

71


(a)<br />

(a')<br />

(d)<br />

(d')<br />

Figure. 1.Aires de répartition observées " à dire d'expert" des six types de hêtraies<br />

d'intérêt communautaire et leur aires de distribution potentielle modélisées : (a - extrait <strong>du</strong><br />

cahier d'habitat forestier) (a') 9130-3; (b) (b'), 9130-5, (c) (c'), 9130-6, (d) (d') 9130-9; (e)<br />

(e') 9130-10; (f) (f') 9110-2. Les départements en jaune représentent <strong>les</strong> zones pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong><br />

<strong>les</strong> informations floristiques sont momentanément indisponib<strong>les</strong>.<br />

72<br />

(b)<br />

(b')<br />

(e)<br />

(e')<br />

(c)<br />

(c')<br />

(f)<br />

(f')


Remerciements<br />

Nous tenons à remercier Messieurs Bruno Tessier <strong>du</strong> Cros, de la Direction territoriale de<br />

l'Office National des Forêts de Lorraine ainsi que Fabien Dupont, <strong>du</strong> Parc Naturel Régional<br />

des Ballons des Vosges, pour la fourniture des données cartographiques de validation.<br />

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73


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74


Carte phytogéographique des forêts françaises et<br />

modélisation de l impact <strong>du</strong> changement climatique<br />

Dupouey Jean-Luc, Badeau Vincent, Wallerich Maud, UMR 1137 INRA-UHP,<br />

Équipe Phytoécologie forestière, INRA, 5280 Champenoux, courriel : <strong>du</strong>pouey@nancy.inra.fr<br />

Cluzeau Catherine, Ifn, Echelon de Nancy, 14 rue Girardet, CS 4216, 54042 Nancy<br />

Cedex, courriel : catherine.cluzeau@ifn.fr<br />

A la suite de nos travaux portant sur la modélisation de la niche bioclimatique des<br />

grandes essences forestières françaises et de son évolution prévue au cours <strong>du</strong> XXI e siècle<br />

sous l effet des changements climatiques (projet Carbofor), nous présentons ici <strong>les</strong> premiers<br />

résultats obtenus sur la caractérisation et l évolution de la niche des espèces herbacées des<br />

forêts françaises (projet ANR QDiv).<br />

Nous utilisons une approche biogéographique qui repose sur trois étapes : (1)<br />

délimitation cartographique et caractérisation de la végétation des principa<strong>les</strong> zones<br />

phytogéographiques françaises, (2) recherche des caractères édaphiques et climatiques<br />

discriminants ces régions phytogéographiques et (3) projection de ces aires<br />

phytogéographiques dans <strong>les</strong> scénarios climatiques futurs.<br />

La première étape est basée sur une analyse des 100 000 relevés de végétation<br />

forestière effectués par l Inventaire forestier national (Ifn) entre 1992 et 2005, à raison d un<br />

relevé pour 130 ha de forêts environ. Les relevés sont regroupés en 308 petites régions<br />

forestières avant analyse. Sur un total initial de plus de 2000 taxons relevés, seu<strong>les</strong> 1111<br />

espèces sont retenues dans l analyse après élimination des taxons de trop faible fréquence ou<br />

posant des problèmes d identification particuliers.<br />

La seconde étape repose sur la spatialisation des données climatiques de<br />

températures et précipitations mensuel<strong>les</strong> au pas de 1 km sur la France entière (modèle<br />

Aurelhy de Météo-France), sur <strong>les</strong> données pédologiques issues de la carte des sols de France<br />

au 1 :1 000 000 (INRA) ou relevées par l Ifn au même endroit que <strong>les</strong> relevés de végétation.<br />

Pour <strong>les</strong> projections de déplacement des zones phytogéographiques au cours <strong>du</strong> XXI e<br />

siècle, nous utilisons le scénario Arpège B2 de Météo-France, un scénario « modéré » dans<br />

lequel la température moyenne n augmente que de 2,3°C en 2100.<br />

Ces données sont analysées par analyse canonique des correspondances, qui prend en<br />

compte de façon conjointe dans l analyse relevés de végétation et <strong>les</strong> données climatiques ou<br />

édaphiques, ou par analyse factorielle des correspondances classique, dans laquelle le<br />

couplage entre données floristiques et environnementa<strong>les</strong> est fait a posteriori.<br />

Pour la première fois, nous pouvons identifier et ordonner sur des bases objectives<br />

<strong>les</strong> principaux facteurs de structuration de la végétation forestière à l échelle nationale. Le<br />

caractère plus ou moins méditerranéen de la végétation est le principal facteur de variation de<br />

la végétation forestière sur notre territoire, le caractère montagnard de la végétation est le<br />

second et le degré d acidité des sols impose le troisième gradient de variation. Le caractère<br />

atlantique de la végétation ne s indivi<strong>du</strong>alise pas comme un facteur de variation à part entière,<br />

car le nombre d espèces qui lui sont liées est probablement trop faible, mais il apparaît de<br />

façon combinée, en un gradient unique, avec le caractère montagnard.<br />

Les scénarios climatiques permettent de localiser ces zones phytogéographiques dans<br />

la France de 2100. La zone méditerranéenne, ou plus exactement la zone subméditerranéenne,<br />

s étend alors au Nord de la Loire. Les zones de végétation montagnardes<br />

régressent, en particulier dans <strong>les</strong> Alpes externes, alors que la zone atlantique s étend<br />

fortement vers l Est (Champagne) et dans le Centre de la France. Nous discutons la<br />

signification exacte de ces cartes en termes de prévision de déplacement de la végétation.<br />

75


La Thurifèraie de Saint-Crépin (Hautes-Alpes),<br />

Analyses historiques, spatia<strong>les</strong> et temporel<strong>les</strong><br />

Laurent LATHUILLIERE<br />

Office National des Forêts, Agence <strong>du</strong> Puy-de-Dôme, Responsable <strong>du</strong> service<br />

Aménagements Marmilhat sud, BP 107, 63 370 LEMPDES<br />

T : 04 73 42 01 32 / F : 04 73 42 01 66 / Mél : laurent.lathuilliere@onf.fr<br />

RESUME<br />

Le Genévrier thurifère (Juniperus thurifera L.) est une cupressacée présente dans le<br />

bassin Ouest méditerranéen (Maroc, Espagne), et en France, dans <strong>les</strong> Alpes surtout<br />

méridiona<strong>les</strong>, <strong>les</strong> Pyrénées et la Corse. Il représente un élément remarquable <strong>du</strong> patrimoine<br />

naturel français, et forme des écosystèmes riches et variés. Son histoire et sa dynamique ont<br />

depuis toujours été étroitement liées aux populations qui l entouraient.<br />

L un des peuplements de genévriers thurifères le plus important, se situe à Saint-Crépin<br />

dans <strong>les</strong> Hautes-Alpes, et a fait l objet de récentes études qui ont permis dans un premier<br />

temps d analyser l état des peuplements, <strong>les</strong> enjeux de dynamiques végéta<strong>les</strong> et d évolution,<br />

<strong>les</strong> risques pour <strong>les</strong> populations, et ensuite de définir des mesures, pour limiter <strong>les</strong> menaces<br />

qui pèsent sur l espèce, et mettre en uvre des interventions concrètes associant <strong>les</strong> acteurs <strong>du</strong><br />

site.<br />

Le genévrier thurifère, bien que considéré comme une relique glaciaire, est en voie<br />

d extension en France, mais un suivi de ses populations, de leur régénération, de leur<br />

extension et des phases de reconquête des essences ligneuses, et une gestion conservatoire des<br />

principaux sites, sont nécessaires pour le préserver et permettre son renouvellement, voir son<br />

développement.<br />

AIRE DE REPARTITION DU GENEVRIER THURIFERE<br />

Le genévrier thurifère est présent uniquement autour de la Méditerranée occidentale :<br />

dans <strong>les</strong> Atlas marocains surtout, en Espagne de manière conséquente puisqu il y couvre<br />

plusieurs centaines de milliers d hectare (seul ou en mélange), dans <strong>les</strong> Pyrénées françaises (2<br />

secteurs seulement autour de Marignac en Haute-Garonne et de Ussat en Ariège), dans <strong>les</strong><br />

Alpes, en Corse (massif <strong>du</strong> Cinto et <strong>du</strong> Niolù) et quelques stations en Italie (cf. carte en<br />

annexe 1).<br />

Cette espèce autrefois considérée comme rare, couvre une aire assez vaste et s avère<br />

bien présente dans <strong>les</strong> montagnes des Alpes <strong>du</strong> sud. Cependant, seu<strong>les</strong> 6 stations étaient citées<br />

dans <strong>les</strong> Alpes au début <strong>du</strong> siècle dernier. La plus importante et la plus célèbre était la station<br />

de Saint Crépin dans <strong>les</strong> Hautes-Alpes, mais tout au long <strong>du</strong> 20 ème siècle de nombreux<br />

botanistes ou forestiers se sont intéressés à cette espèce remarquable et ont découvert de<br />

nombreuses stations, parfois importantes constituant de véritab<strong>les</strong> peuplements, <strong>les</strong><br />

thurifèraies.<br />

Le département où le genévrier thurifère est le plus présent est sans aucun doute celui<br />

des Hautes-Alpes avec quelques unes des plus bel<strong>les</strong> thurifèraies de France (Saint-Crépin,<br />

Saint-Genis, Saint-André de Rosans). Il en existe aussi dans <strong>les</strong> Alpes-Maritimes (haute vallée<br />

de la Tinée et Col de Tende) et d'assez nombreux sites dans <strong>les</strong> Alpes-de-Haute-Provence<br />

(notamment dans <strong>les</strong> hautes vallées de la Bléone et <strong>du</strong> Verdon).<br />

Dans <strong>les</strong> Alpes <strong>du</strong> nord, il est présent uniquement autour de Grenoble et de la<br />

Chartreuse méridionale, au nord <strong>du</strong> Vercors, en Savoie au-dessus de Montmélian (limite d'aire<br />

au nord), ainsi que plus au sud de manière assez diffuse dans la partie est <strong>du</strong> département<br />

Drôme avec quelques populations importantes (Saou, Pommerols).<br />

76


HABITATS ET ECOCOMPLEXES LIES AU GENEVRIER THURIFERE<br />

Le Genévrier thurifère est une espèce méditerranéo-montagnarde sud-occidentale qui<br />

occupe des stations xéro-thermophi<strong>les</strong> et héliophi<strong>les</strong> (falaises, crêtes ou barres rocheuses,<br />

pentes fortes rocailleuses, exposées au sud, fortement ensoleillées), entre 600 et 1800<br />

mètres d altitude dans <strong>les</strong> Alpes méridiona<strong>les</strong>, et entre 300 et 800 m dans <strong>les</strong> Alpes<br />

septentriona<strong>les</strong>. C'est un arbre au tempérament d'acier qui peut pousser dans des conditions<br />

d'eau et de sol très diffici<strong>les</strong>, là où pratiquement aucune autre espèce ligneuse ne lui fait de<br />

concurrence.<br />

Les habitats naturels constitués par le Genévrier thurifère ont d ailleurs été identifiés<br />

comme étant d intérêt communautaire (matorrals arborescents à Juniperus ssp. / Eur 25 :<br />

5210), et prioritaire (forêts endémiques à Juniperus ssp. / Eur 25 : 9560), participant ainsi au<br />

réseau Natura 2000. Sept types d habitats élémentaires ont été retenus pour décrire la<br />

variabilité écofloristique des thurifèraies en France (RAMEAU & al, 2001).<br />

Si ces habitats (et toutes leurs transitions entre des formations pastora<strong>les</strong>, parfois présteppiques,<br />

et des formations boisées) sont d un grand intérêt, ils forment avec <strong>les</strong> milieux qui<br />

leur sont associés (rochers, falaises, pelouses, éboulis, landes, fruticées et même parfois petits<br />

marais ou zones humides) des écocomplexes d une forte valeur patrimoniale, qui recèlent de<br />

nombreuses richesses faunistiques et floristiques, avec des espèces remarquab<strong>les</strong>, protégées<br />

ou menacées, comme par exemple : la Dauphinelle ou Pied d Alouette fen<strong>du</strong> (Delphinium<br />

fissum), la Fraxinelle (Dictamnus albus), l Astragale de Montpellier (Astragalus<br />

monspessulanus), la Notholaène de Maranta (Notholaena marantae) etc...<br />

Par ailleurs, outre la présence dans <strong>les</strong> formations de genévrier thurifère et pin sylvestre<br />

<strong>du</strong> Guil<strong>les</strong>trin (haute vallée de la Durance) de l Isabelle (Graellsia isabellae, Lépidoptère<br />

hétérocère, protégé au niveau national (arrêté <strong>du</strong> 3 août 1979) et inscrit à l Annexe II de la<br />

Directive Habitats), plusieurs espèces d insectes inféodées aux genévriers (par exemple<br />

Pamene juniperana Miller var. thuriferana Cleu, Nothris thuriferella Cleu) trouvent autour<br />

des genévriers thurifères, des conditions écologiques et/ou microclimatiques rappelant cel<strong>les</strong><br />

de leur aire d origine (Espagne ou Afrique <strong>du</strong> nord).<br />

.<br />

UTILISATIONS ET USAGES DU GENEVRIER THURIFERE<br />

Le genévrier thurifère a souvent été utilisé par <strong>les</strong> populations loca<strong>les</strong> pour de multip<strong>les</strong><br />

usages. Son bois est odorant (utilisé comme succédané de l'encens), très <strong>du</strong>r, résistant et<br />

imputrescible. Les gens s'en servaient pour faire des meub<strong>les</strong> (notamment des lits, l'odeur<br />

éloignant <strong>les</strong> punaises), des parties de charpente ou des piquets de clôture ou de vigne.<br />

Si en France son utilisation est anecdotique actuellement (stylos), en Espagne où il<br />

couvre de grandes surfaces, il fait l objet d un véritable commerce, et est utilisé notamment<br />

pour la construction (structures et parements).<br />

Au Maroc, il est beaucoup utilisé pour le chauffage (le genévrier thurifère étant par<br />

excellence l arbre de la haute montagne marocaine) ou la cuisine (seule source de<br />

combustible), ainsi que parfois pour réaliser de menus objets (outils, bijoux...), ou pour<br />

préparer, par distillation d importantes quantités de bois, une pâte aux vertus cicatrisantes et<br />

antiseptiques pour <strong>les</strong> hommes et <strong>les</strong> bêtes. Il y est également apprécié des populations car il<br />

fournit un feuillage pour le bétail, <strong>les</strong> chèvres des Atlas n étant pas reboutées par celui-ci<br />

(alors qu en Espagne et en France, el<strong>les</strong> ne le consomment pas).<br />

Ce feuillage a par contre été employé en France, et depuis longtemps, en médecine<br />

populaire ou vétérinaire pour ses propriétés stimulantes, purgatives et emménagogues.<br />

77


LA THURIFERAIE DE SAINT CREPIN<br />

Présentation <strong>du</strong> site et historique<br />

La commune de Saint-Crépin se situe dans la haute vallée de la Durance (entre<br />

Guil<strong>les</strong>tre et Briançon, Hautes-Alpes), dont le climat se caractérise par une faib<strong>les</strong>se des<br />

précipitations (600-700 mm/an), une grande amplitude des températures, un ensoleillement<br />

élevé et des influences méditerranéennes nettes. Ces conditions climatiques et stationnel<strong>les</strong><br />

(sécheresse et froid) sont favorab<strong>les</strong> au genévrier thurifère qui y est assez abondant, mais<br />

souvent présent par pieds isolés.<br />

La thurifèraie de Saint-Crépin, située sur un versant abrupt à exposition ouest à sudouest,<br />

de 950 à 1300 m d'altitude, constitue par contre un véritable peuplement sur près<br />

d une cinquantaine d hectares. L insolation et l'ensoleillement sont intenses et la<br />

sécheresse estivale est forte, renforçant <strong>les</strong> contraintes climatiques de la vallée.<br />

Cette station semble connue depuis 1789 grâce à Dominique Villars, mais celui-ci ne<br />

parle en réalité que de Saint Clément près d Embrun, proche de Saint Crépin il est vrai, mais<br />

il est possible qu il ne soit pas allé à Saint Crépin à l époque.<br />

Il faudra attendre 1877 pour voir apparaître une mention explicite de Saint-Crépin par<br />

MATHIEU dans sa Flore Forestière, dans laquelle il indique que le genévrier sabine (c est<br />

seulement en 1898 que DE COINCY rattachera nos genévriers thurifères au Juniperus<br />

thurifera décrit par Linné en 1753) «forme quelquefois à lui seul de petits massifs boisés ».<br />

De fait, le site a toujours eu une grande importance pour <strong>les</strong> botanistes et <strong>les</strong> forestiers,<br />

en particulier Philibert GUINIER, dont le père Ernest GUINIER, écrivait déjà vers 1900 à<br />

propos <strong>du</strong> Genévrier thurifère, « combien il serait désirable que l'Etat fit l'acquisition <strong>du</strong> bois<br />

de Genévriers de Saint-Crépin pour sauver <strong>les</strong> vieux sujets remarquab<strong>les</strong> par leur grosseur<br />

autant que pour perpétuer cette essence sur ce terrain où le parcours incessant des moutons<br />

enlève tout espoir de régénération».<br />

Son souhait s est finalement réalisé sous l impulsion de Philibert GUINIER, lorsque ce<br />

dernier est devenu en 1921, directeur de l'Ecole Nationale des Eaux et des Forêts, et qu il<br />

s'est attaché à sauvegarder ce milieu qui semblait menacé.<br />

En effet, la commune de Saint Crépin avait proposé dès 1921 de vendre la propriété<br />

dite de la Bellive à l Etat, mais sa volonté expresse de conserver la jouissance <strong>du</strong> pâturage<br />

sur le site (très apprécié compte tenu de sa situation juste au dessus <strong>du</strong> village et de son<br />

exposition) et la clause restrictive liée à celui-ci rendait l'acquisition par l'Administration<br />

des Eaux et Forêts impossible, le code forestier interdisant formellement l'établissement<br />

dans une forêt domaniale d'un droit d'usage de cette nature.<br />

L'Ecole Nationale des Eaux et des Forêts par contre, dotée de la personnalité civile, a<br />

heureusement pu se substituer à l'Etat et depuis le 12 septembre 1924 est donc devenue<br />

propriétaire de la partie la plus boisée et la plus intéressante de la thurifèraie, sur 20 ha, «pour<br />

le motif "enseignement forestier"» (POURTET, 1975). L'Ecole des Eaux et Forêts créait ainsi<br />

bien avant l'heure, une Réserve Naturelle (un «Parc National en miniature» selon<br />

GUINIER, 1931), rare réalisation française en la matière à l'époque.<br />

En dépit de cette acquisition et de son intérêt patrimonial, la thurifèraie n'a fait l'objet<br />

que d'études ponctuel<strong>les</strong> depuis sa découverte. Il semblait pour beaucoup de personnes à<br />

l'époque que l'acquisition par l'Ecole était suffisante pour assurer sa protection. Pourtant<br />

GUINIER, en 1931, insistait déjà sur l'intérêt de mesures conservatoires en plus d'une simple<br />

"mise en défens" pour assurer la pérennité <strong>du</strong> massif.<br />

POURTET a également proposé en 1975 quelques mesures envisageab<strong>les</strong> pour cette<br />

station qui, étant la plus importante en France, «mérite d'être un objet d'étude et de bénéficier<br />

de quelques soins». Certaines mesures ont été appliquées, mais il n'y a cependant pas eu de<br />

78


gestion particulière, et il n a été entrepris par l Ecole que quelques interventions ponctuel<strong>les</strong> :<br />

création en 1924 d un sentier aujourd hui disparu, mise en défens d'une placette<br />

d ensemencement disparue également - dans <strong>les</strong> années 1930 pour étudier la régénération<br />

naturelle <strong>du</strong> thurifère, réfection partielle <strong>du</strong> bornage et mise en place de panneaux.<br />

Première étude d ensemble <strong>du</strong> site<br />

Ce paysage étant exceptionnel en France et d'un grand intérêt biologique et<br />

historique, <strong>les</strong> évolutions dynamiques de la végétation observées sans qu en soient connus<br />

<strong>les</strong> causes et enjeux, ont incité à réaliser une étude approfondie <strong>du</strong> site, démarche préalable<br />

à toute réflexion conservatoire.<br />

C'est ainsi que sous l impulsion de Jean-Claude RAMEAU, enseignant-chercheur à<br />

l E.N.G.R.E.F. et très attaché comme Philibert GUINIER, au genévrier thurifère, une<br />

première étude écologique de cette thurifèraie a été réalisée en 1994 (Laurent<br />

LATHUILLIERE) en collaboration avec l'E.N.G.R.E.F., propriétaire, et le Conservatoire<br />

Botanique National Alpin de Gap. Elle a concerné à la fois la propriété de la Bellive au<br />

sens strict, et <strong>les</strong> secteurs situés de part et d autre, car il était évident qu une analyse de<br />

l ensemble <strong>du</strong> site était indispensable.<br />

Les données disponib<strong>les</strong> à l époque étant très limitées, mis à part quelques documents<br />

historiques et photographiques (le seul plan datait de l acquisition en 1924), l objectif<br />

premier était de réaliser un état des lieux de la propriété, d un point de vue écologique et<br />

dendrométrique. Une analyse historique a rapidement semblé nécessaire pour comprendre<br />

<strong>les</strong> dynamiques végéta<strong>les</strong> de ces formations, de toute évidence très liées aux populations de<br />

la vallée. Nous avons donc travaillé sous <strong>les</strong> trois aspects :<br />

- spatial : étude de la répartition des genévriers thurifères et des principa<strong>les</strong> essences<br />

ligneuses, étude des peuplements existants et des formations végéta<strong>les</strong>, étude<br />

dendrométrique des ligneux (diamètre, hauteur, âge mesuré ou estimé par carottage, port,<br />

sex-ratio) ;<br />

- historique : étude des documents d archives existants : clichés photographiques,<br />

rapports d études, descriptions anciennes, évolution de la population de Saint-Crépin ;<br />

- temporel : comparaison des photographies anciennes (début <strong>du</strong> 20 ème siècle) et des<br />

clichés pris en 1993, ainsi que des photographies aériennes (campagnes de 1948, 1971,<br />

1990).<br />

Nous avons ainsi pu réaliser une première carte de la végétation <strong>du</strong> site, intégrant <strong>les</strong><br />

formations boisées à genévrier thurifère et/ou pin sylvestre et pin noir. Celle-ci a mis en<br />

évidence pour la première fois de manière quantitative, l importance des surfaces occupées<br />

par <strong>les</strong> essences ligneuses concurrentes <strong>du</strong> genévrier thurifère, par rapport au peuplement<br />

originel de genévrier thurifère, et de manière qualitative <strong>les</strong> zones de dynamiques végéta<strong>les</strong><br />

(dissémination et régénération).<br />

L analyse des courbes de populations <strong>du</strong> village de Saint-Crépin a montré (comme<br />

d ailleurs dans l ensemble de l arc alpin) de nombreuses fluctuations, avec un maximum<br />

d habitants (environ 1200) vers 1835, et ensuite une décroissance régulière jusqu en 1970,<br />

mais assez marquée à partir de 1900.Nous reviendrons ultérieurement sur <strong>les</strong><br />

interprétations et conclusions que nous avons pu en tirer.<br />

Nous avons pu établir un premier bilan de l état de conservation de la thurifèraie, et<br />

avons proposé une interprétation dynamique de l évolution <strong>du</strong> site depuis <strong>les</strong> sièc<strong>les</strong><br />

derniers, ce qui a relancé l intérêt et l implication <strong>du</strong> propriétaire et de ses partenaires, et a<br />

permis de proposer des orientations de gestion conservatoire.<br />

C est ainsi qu en 1996 et 1997, plusieurs interventions ont été réalisées par la<br />

commune et l O.N.F., avec la participation financière <strong>du</strong> Sivom <strong>du</strong> canton de Guil<strong>les</strong>tre, de<br />

l Etat et de l Union Européenne : réfection <strong>du</strong> sentier des Guions, travaux sylvico<strong>les</strong> de<br />

79


dégagement des Genévriers par l extraction des pins envahissant la thurifèraie sur une<br />

surface d environ 5 ha, pose d un panneau d information, et achat d une clôture à moutons.<br />

Deuxième étude complète <strong>du</strong> site<br />

La propriété de l E.N.G.R.E.F. bénéficiant <strong>du</strong> régime forestier depuis le 5 février 1999<br />

et sa gestion étant assurée par l Office National des Forêts, une nouvelle étude <strong>du</strong> site menée<br />

en 2005 (Nicolas LORIQUE) a permis d établir un nouveau diagnostic, de compléter <strong>les</strong><br />

documents cartographiques, de poursuivre <strong>les</strong> études (notamment dendrométriques), et surtout<br />

d élaborer le plan d aménagement forestier de la forêt pour la période 2006-2025, afin<br />

également de préciser <strong>les</strong> mesures de gestion à mettre en oeuvre sur le site.<br />

L approche écologique a été différente de celle menée en 1994, en raison d une part de<br />

l objectif d aménagement forestier (il a ainsi été établi une carte des stations, une carte<br />

spécifique de dynamique végétale), et d autre part d une évolution dans la caractérisation des<br />

végétations : une carte des habitats naturels a été réalisée alors que cette notion n était pas<br />

encore prise en compte en tant que telle en 1994. De même, la carte des peuplements s est<br />

basée sur une analyse dendrométrique plus que de physionomie végétale, laquelle avait<br />

présidé en 1994.<br />

Néanmoins, <strong>les</strong> résultats obtenus lors de ces deux études sont tout à fait comparab<strong>les</strong> et<br />

montrent en un espace de temps court, une évolution nettement perceptible des formations<br />

végéta<strong>les</strong>, déjà identifiée en 1994. Ils permettent surtout de disposer désormais de dispositifs<br />

et documents qui permettront à l avenir de suivre plus précisément <strong>les</strong> évolutions <strong>du</strong> site.<br />

Analyses dendrométriques<br />

L inventaire dendrométrique a été effectué en 2005 sous la forme de placettes<br />

circulaires permanentes (une soixantaine) afin de permettre un suivi dans le temps de la<br />

structure des formations ligneuses. Les données de 1994 ne constituaient qu une première<br />

approche dendrométrique réalisée dans un but surtout historique : âge, dimensions et<br />

forme.<br />

Nous avons ainsi mis en évidence à l époque l étonnante diversité de forme des<br />

genévriers thurifères, depuis <strong>les</strong> sujets à port columnaire, caractéristique des indivi<strong>du</strong>s <strong>les</strong> plus<br />

jeunes (quelques dizaines d années) en croissance libre, aux sujets <strong>les</strong> plus âgés et <strong>les</strong> plus<br />

tourmentés dont <strong>les</strong> troncs et <strong>les</strong> branches présentent des mouvements et des circonvolutions<br />

déconcertantes de la part d un arbre, en passant par <strong>les</strong> sujets multicau<strong>les</strong> (ces derniers en<br />

particulier dans <strong>les</strong> falaises et <strong>les</strong> barres rocheuses).<br />

Si la forme de ces derniers s explique aisément par l impact des pierres et blocs qui se<br />

détachent fréquemment des zones rocheuses et étêtent <strong>les</strong> tiges, celle des sujets<br />

pluricentenaires (certains indivi<strong>du</strong>s ont vraisemblablement plus d un millier d années comptetenu<br />

<strong>du</strong> nombre de cernes déterminés sur une petite partie seulement <strong>du</strong> diamètre) est plus<br />

surprenante, et résulte également des nombreuses mutilations que <strong>les</strong> habitants <strong>du</strong> village leur<br />

ont fais subir au cours des sièc<strong>les</strong> en prélevant au fur et à mesure de leurs besoins des tiges et<br />

des branches (notamment pour en faire des piquets d échalas). Les photographies anciennes et<br />

récentes montrent que certains indivi<strong>du</strong>s semblent n avoir pas changé depuis un siècle !<br />

Par ailleurs, <strong>les</strong> données relatives à l âge des genévriers thurifères montrent :<br />

- une dominance de genévriers thurifères multiséculaires (plus de 250 ans), de<br />

dimensions importantes (le plus imposant a une circonférence de 7,10 m), aux formes<br />

tourmentées, au c ur <strong>du</strong> site constituant la thurifèraie originelle ;<br />

- la présence de sujets âgés de moins de 150 ans, de croissance régulière dans <strong>les</strong><br />

secteurs en recolonisation autour de la thurifèraie principale ;<br />

- un déficit marqué d arbres âgés de 150 à 200 ans, quelque soit la situation (hors cas<br />

des falaises et rochers, non explorés).<br />

80


Interprétation de la dynamique <strong>du</strong> genévrier thurifère sur le site<br />

Le Genévrier thurifère est considéré comme une relique de l ère tertiaire, qui à partir de<br />

stations refuges, aurait grâce à la dissémination des galbu<strong>les</strong> par <strong>les</strong> oiseaux, participé aux<br />

formations pré-steppiques lors des premières phases de reconquête post-glaciaire dans tout<br />

l arc alpin. Il se serait ainsi implanté dans plusieurs vallées présentant des conditions<br />

écologiques favorab<strong>les</strong> et une moindre concurrence d autres espèces post-pionnières.<br />

Il a trouvé à Saint Crépin des conditions optima<strong>les</strong> pour son écologie, mais il y a<br />

vraisemblablement été favorisé par <strong>les</strong> populations humaines qui avaient conscience des<br />

bienfaits et apports de cette essence polyvalente.<br />

En effet, lorsque <strong>les</strong> villages se sont développés, et <strong>les</strong> communautés ayant vécu pendant<br />

longtemps en autarcie grâce à l élevage (le mouton était l avoir par excellence) et<br />

l agriculture, <strong>les</strong> habitants ont mis à profit <strong>les</strong> particularités <strong>du</strong> genévrier thurifère d une part<br />

(utilisation <strong>du</strong> bois pour la construction et surtout <strong>les</strong> échalas), et <strong>du</strong> site d autre part (pour le<br />

pâturage). Les populations qui se sont succédées ont donc préservé cette essence, même aux<br />

époques de déforestation intenses.<br />

Les habitants ont prélevés sur <strong>les</strong> arbres jusqu au début <strong>du</strong> siècle dernier, le bois dont ils<br />

avaient besoin (échalas notamment), ce qui a causé <strong>les</strong> mutilations dont on observe<br />

aujourd hui <strong>les</strong> effets dans <strong>les</strong> formes tourmentées des vieux thurifères.<br />

Le pâturage préservait le genévrier thurifère, bien implanté au c ur <strong>du</strong> site, de la<br />

concurrence d autres espèces ligneuses, mais le passage et le piétinement intense des<br />

animaux, dégradait le sol et empêchait toute régénération, en particulier il y 150 à 200 ans,<br />

lorsque <strong>les</strong> populations étaient <strong>les</strong> plus importantes dans toute la vallée. Cela explique<br />

l absence d indivi<strong>du</strong>s de cette tranche d âge.<br />

Avec la déprise agricole et pastorale après 1900, la pression <strong>du</strong> bétail a diminué et de<br />

nombreuses surfaces cultivées ou parcourues ont été abandonnées progressivement par <strong>les</strong><br />

hommes et ont pu être colonisées par <strong>les</strong> genévriers thurifères (avec de meilleures<br />

conditions de germination) à partir <strong>du</strong> peuplement originel au c ur <strong>du</strong> cirque, et des<br />

indivi<strong>du</strong>s situés en stations primaires dans <strong>les</strong> falaises, barres rocheuses. Mais dans le<br />

même temps <strong>les</strong> autres ligneux n étaient plus contenus et ont commencé leur colonisation<br />

de la thurifèraie, en particulier <strong>les</strong> pins sylvestres.<br />

Ce phénomène a été accentué par l intro<strong>du</strong>ction de boisements de pin sylvestre<br />

et pin noir à proximité immédiate <strong>du</strong> site (dans le cadre des opérations de<br />

restauration des terrains de montagne) qui ont fournis un important potentiel de<br />

graines et donc de dissémination. Cette dynamique est bien visible par comparaison<br />

diachronique des photographies aériennes et des clichés <strong>du</strong> site (cf. annexe 2).<br />

Synthèse sur <strong>les</strong> évolutions des peuplements<br />

Ces deux récentes analyses, con<strong>du</strong>ites à 10 années d intervalle, et leur comparaison avec<br />

<strong>les</strong> données historiques, montrent ainsi que <strong>les</strong> menaces pour le thurifère sont :<br />

- d'une part, l'envahissement rapide par <strong>les</strong> pins (sylvestre, et marginalement pin noir<br />

d Autriche), qui ont une croissance bien plus rapide, surpassent en hauteur <strong>les</strong> genévriers<br />

thurifères, et risquent à court ou moyen terme de faire disparaître ces habitats, dans <strong>les</strong><br />

stations secondaires, et notamment au c ur de la thurifèraie ;<br />

- d'autre part, le problème <strong>du</strong> renouvellement des peuplements et de la faible<br />

régénération naturelle de l'espèce dans <strong>les</strong> parties <strong>les</strong> plus anciennes : forte dégradation des<br />

sols (érosion et sur-piétinement par le pâturage au siècle dernier), et faible taux de<br />

germination des graines. En effet, <strong>les</strong> études actuel<strong>les</strong> de l INRA (ROQUES, 2005) sur la<br />

prédation des galbu<strong>les</strong> de thurifère par son cortège d acariens associés démontrent le très<br />

81


faible potentiel de semences viab<strong>les</strong>, et donc le déficit de régénération. Si ce phénomène est<br />

probablement compensé par la longévité de l espèce, il ne tient malheureusement pas compte<br />

de la concurrence des autres ligneux.<br />

Par contre, l espèce en elle-même n est pas menacée grâce à son importante<br />

régénération dans <strong>les</strong> milieux issus de la déprise agricole et pastorale (terrasses et pelouses)<br />

tout autour de la thurifèraie originelle. Ce ne sont cependant pas des milieux sélectifs, mais<br />

plutôt transitoires, et d autres essences viendront s y implanter ultérieurement.<br />

L'envahissement par la végétation ligneuse présente par ailleurs des risques d'incendies<br />

(une centaine d'hectares ont brûlés en 1993 sur le versant opposé à la thurifèraie).<br />

Plan d aménagement forestier et règ<strong>les</strong> de gestion<br />

Le plan d aménagement forestier, élaboré par l O.N.F., a été validé par l E.N.G.R.E.F.,<br />

propriétaire, en novembre 2006, et approuvé par le préfet de région le 15 mars <strong>2007</strong>. Il s agit<br />

ainsi, après sa mise en protection en 1924, <strong>du</strong> premier document de gestion <strong>du</strong>rable de ce<br />

patrimoine naturel et écologique, unique en France. Il définit la thurifèraie comme série<br />

d intérêt écologique particulier, l exclut de toute sylviculture, et affirme sa vocation de<br />

protection d un patrimoine naturel exceptionnel.<br />

L'objectif principal <strong>du</strong> propriétaire et de l aménagement forestier est donc la<br />

préservation de la biodiversité, des milieux naturels, de la thurifèraie, mais le principal<br />

problème de la conservation n'est pas lié à l'espèce en elle-même, car d'une part la<br />

régénération est assez importante autour de la thurifèraie (sur <strong>les</strong> pelouses et <strong>les</strong> terrasses<br />

abandonnées), et d'autre part, <strong>les</strong> vieux arbres semblent pouvoir encore vivre pendant<br />

plusieurs dizaines, voir centaines d'années. C'est surtout la dynamique de la végétation qui<br />

menace la pérennité des genévriers thurifères.<br />

Les mesures conservatoires suivantes ont donc été décidées :<br />

- une intervention directe sur <strong>les</strong> peuplements pour limiter la progression des pins<br />

et autres ligneux, favoriser la régénération naturelle et le renouvellement <strong>du</strong> peuplement, et<br />

prévenir dans le même temps <strong>les</strong> risques d'incendie par débroussaillage régulier, opérations<br />

en cours de réalisation sur une dizaine d hectares dans le cadre d un contrat « Natura<br />

2000 » ;<br />

- un entretien, par un pâturage extensif et contrôlé, des pelouses pré-steppiques, tout<br />

en cherchant à assurer une meilleure régénération naturelle <strong>du</strong> genévrier thurifère ;<br />

- la réalisation d'études approfondies sur différents aspects de la biologie, de la<br />

croissance, et <strong>du</strong> fonctionnement écologique de la thurifèraie (notamment en ce qui concerne<br />

la régénération et la prédation des galbu<strong>les</strong>), avec mise en place de placettes de suivi<br />

permanentes ;<br />

- enfin, une mise en valeur, pour le public, <strong>du</strong> site, de son histoire, des milieux, sous<br />

forme notamment d un sentier de découverte.<br />

CONCLUSIONS<br />

Le genévrier thurifère est une espèce présentant de nombreux intérêts tant écologiques<br />

qu'historiques, culturels ou économiques, au sein de son aire. Il possède ainsi une très forte<br />

valeur patrimoniale. Il forme à Saint Crépin des paysages très particuliers, préservés et<br />

façonnés par des sièc<strong>les</strong> d'histoire, de civilisations agro-pastora<strong>les</strong> et d'évolution naturelle.<br />

82


Contrairement aux thurifèraies <strong>du</strong> Maroc actuellement fortement dégradées par <strong>les</strong><br />

populations qui y vivent (pour le bois de chauffage ou pour nourrir le bétail), l espèce est<br />

actuellement en lente voie d'extension en France : il ne faudrait donc pas le considérer<br />

comme une relique sans avenir.<br />

Les évolutions dynamiques mises en évidence au travers de l exemple de Saint Crépin<br />

sont également valab<strong>les</strong> pour toute l aire <strong>du</strong> genévrier thurifère dans <strong>les</strong> Alpes françaises :<br />

- d'une part, la diminution <strong>du</strong> pâturage et <strong>du</strong> parcours en forêt laisse le champ libre à<br />

d'autres essences (pins ou chêne pubescent) qui s implantent rapidement et sont en général<br />

bien plus vigoureuses que le thurifère, risquant de le faire régresser et faire disparaître ses<br />

habitats naturels et associés ;<br />

- d autre part, la déprise humaine, agricole et pastorale libère de nombreuses surfaces<br />

(terrasses, labours) qui sont assez rapidement colonisées par de jeunes thurifères à proximité<br />

des principaux peuplements, ou même de stations isolées. Mais ce phénomène n'est<br />

vraisemblablement que transitoire, et la dynamique ultérieure con<strong>du</strong>ira certainement à la<br />

même situation que précédemment (envahissement par des essences concurrentes et<br />

reboisement progressif).<br />

Dans ces dynamiques, <strong>les</strong> stations primaires, protégées de la concurrence ligneuse,<br />

jouent un rôle fondamental de refuge et de dissémination de l espèce.<br />

Les récentes analyses « historico-spatio-temporel<strong>les</strong> » réalisées permettent désormais,<br />

avec la participation des différents acteurs <strong>du</strong> site de Saint-Crépin (propriétaire, commune,<br />

scientifiques, gestionnaire) et le soutien financier de l Etat et de l Union Européenne<br />

(notamment au travers <strong>du</strong> réseau Natura 2000), de mieux connaître l espèce et le site, de<br />

mettre en uvre <strong>les</strong> principa<strong>les</strong> mesures de gestion préconisées pour préserver et améliorer de<br />

manière <strong>du</strong>rable ces peuplements relictuels, mais non sans avenir, de Genévrier thurifère.<br />

REMERCIEMENTS<br />

Nos remerciements s adressent à toutes <strong>les</strong> personnes qui nous ont apporté leur aide<br />

et leur soutien au sein des services de l O.N.F. : Grégoire GAUTIER (Direction de<br />

l Environnement et <strong>du</strong> Développement Durable), François VERNIER (Lorraine), Pascal<br />

CHONDROYANNIS et Jean-Christophe GATTUS (Hautes-Alpes), Jean-Pierre ROCHE et<br />

Michel VEROLLET (Puy-de-Dôme).<br />

Nous remercions également Luc GARRAUD (Conservatoire Botanique National Alpin<br />

de Gap), Bernard ESMIEU et Jean COMBE (commune de Saint-Crépin), Damien MARAGE<br />

et Jean-Claude GEGOUT (ENGREF), avec une pensée particulière pour Jean-Claude<br />

RAMEAU.<br />

ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE<br />

BOREL, A.; POLIDORI, J.L.; 1983. Le Genévrier thurifère (Juniperus thurifera L.)<br />

dans le Parc National <strong>du</strong> Mercantour (Alpes-Maritimes). Bulletin de la Société Botanique de<br />

France, Lettres botaniques, 130 (3) : 227-242.<br />

CHAS, E.; 1994. Atlas de la Flore des Hautes-Alpes . Edition Conservatoire Botanique<br />

national Alpin de Gap-Charance, Conservatoire des Espaces Naturels de Provence et des<br />

Alpes <strong>du</strong> sud, Parc national des Ecrins. Gap. 816 p.<br />

CONRAD, M.; 1986. Essai sur la répartition de Juniperus thurifera en Corse, en 1985.<br />

Le Monde des Plantes, 80 : 423-424.<br />

De COINCY ; 1898. Remarques sur le Juniperus thurifera L. et <strong>les</strong> espèces voisines <strong>du</strong><br />

bassin de la Méditerranée. Bulletin de la Société Botanique de France, Tome 45 - p. 429-433.<br />

83


GARRAUD, L.; 2003. Flore de la Drôme, Atlas écologique et floristique. Edition<br />

Conservatoire Botanique National Alpin. Gap. 925 p.<br />

GUINIER, P. ; 1931. Le peuplement de Genévrier thurifère de Saint-Crépin (Hautes-<br />

Alpes). IIème Congrès International pour la Protection de la Nature, Rapport, 584 pages : p.<br />

235-238.<br />

LATHUILLIERE, L.; 1994. Le Genévrier thurifère (Juniperus thurifera L.). Ecole<br />

Nationale <strong>du</strong> Génie Rural, des Eaux et Forêts, Conservatoire Botanique national Alpin de<br />

Gap-Charance, Mémoire d études Formation des Ingénieurs Forestiers. 80 p. + annexes.<br />

LATHUILLIERE, L.; 1996. Le Genévrier thurifère, élément remarquable <strong>du</strong> patrimoine<br />

naturel. Le courrier de la nature. Société Nationale de Protection de la Nature, Paris. 155 : 34-<br />

38, et 157 : 36-39.<br />

LORIQUE, N.; 2005. La thuriféraie de Saint Crépin : proposition d aménagement<br />

conservatoire et tentative d étude dendroécologique. Ecole Nationale <strong>du</strong> Génie Rural, des<br />

Eaux et des Forêts, Office National des Forêts, Université Paul Sabatier. Mémoire d études<br />

Formation des Ingénieurs Forestiers. 68 p + annexes.<br />

OFFNER, J.; BREISTROFFER, M.; 1948. Sur la répartition géographique <strong>du</strong> Juniperus<br />

thurifera L.. P.V. Mensuels de la Société Scientifique <strong>du</strong> Dauphiné, 63 (1) : 6-8.<br />

POURTET, J. ; 1975. Fiche d'inventaire de la station de Genévriers thurifères de Saint-<br />

Crépin (05) ; Visite <strong>du</strong> 2 Juin 1975 - Ministère de l'Agriculture, Paris. 4 pages.<br />

RAMEAU, JC.; BENSETTITI, F.; CHEVALLIER, H.; BARTOLI, M.; 2001. Cahiers<br />

d habitats Natura 2000. Tome 1 Habitats forestiers / Vol. 2. La Documentation Française,<br />

Paris.<br />

ROQUES, A.; 2005. Les insectes et acariens associés au Genévrier thurifère et leur<br />

impact sur la conservation de l espèce, INRA Orléans communication aux journées <strong>du</strong><br />

patrimoine 2005 de Saint-Crépin.<br />

84


Etude de la Variabilité génétique des populations de<br />

Gladiolus palustris dans la partie occidentale<br />

de son aire de répartition<br />

Par<br />

Tiphaine MAURICE<br />

Université Paul Verlaine Metz -Laboratoire des Interactions Ecotoxicologie,<br />

Biodiversité, Ecosystèmes - U.F.R. Sci.F.A., Campus Bridoux, Avenue <strong>du</strong> Général<br />

De<strong>les</strong>traint - F 57070 METZ<br />

tiphaine.maurice@umail.univ-metz.fr<br />

Avant propos<br />

Dans le cadre d une convention de collaboration entre l Université Paul Verlaine de Metz<br />

et le Musée National d'Histoire Naturelle <strong>du</strong> Luxembourg, une étude sur la variabilité<br />

génétique de Gladiolus palustris, une espèce rare et menacée au niveau européen, a pu être<br />

mise en place à l aide d une technique de génétique moléculaire.<br />

I/ Présentation de Gladiolus palustris<br />

Gladiolus palustris, une espèce menacée<br />

Durant <strong>les</strong> dernières décennies, beaucoup d espèces végéta<strong>les</strong> rares et menacées ont<br />

régressé sur l ensemble de leur aire de répartition européenne. C est le cas notamment de<br />

Gladiolus palustris, ou Glaïeul des marais, qui outre la cueillette, est menacé principalement<br />

par la perte de son habitat naturel à cause <strong>du</strong> drainage, des changements de mode<br />

d exploitation (abandon de pratiques agrico<strong>les</strong> adaptées comme la fauche tardive ou par<br />

rotation ou le pâturage extensif), de la construction d infrastructures qui sont souvent à<br />

l origine de la destruction de stations et de la fermeture des milieux.<br />

Statuts et protections<br />

Il s agit d une espèce menacée et rare au niveau européen, répertoriée à l annexe II de la<br />

directive Habitats-Faune-Flore 92/43/EEC (29 septembre 2003) suite à son élargissement<br />

(règlement n°1882/2003).<br />

G. palustris figure également sur l annexe 1 des espèces strictement protégées suite à<br />

l arrêté <strong>du</strong> 20 janvier 1982 relatif à la liste des espèces végéta<strong>les</strong> protégées sur l'ensemble <strong>du</strong><br />

territoire français, modifié le 31 août 1995. Sont interdits à ce titre sa destruction, sa coupe,<br />

son arrachage, sa détention, son transport et son achat sur l ensemble <strong>du</strong> territoire<br />

métropolitain (art. L. 411-1 <strong>du</strong> Code de l environnement).<br />

G. palustris est également répertorié sur la liste des taxons <strong>du</strong> Livre Rouge (Tome 1).<br />

La cotation IUCN <strong>du</strong> Glaïeul des marais pour la France est « Vulnérable », et la catégorie<br />

patrimoniale à laquelle il a été intégré est « C2 » qui regroupe <strong>les</strong> espèces présentent dans au<br />

moins trois pays <strong>du</strong> monde, rares et/ou menacées seulement en France.<br />

Biologie de Gladiolus palustris<br />

Gladiolus palustris est un géophyte vivace et glabre de 30 à 60 cm de haut en moyenne.<br />

Son corme, mesurant de 1 à 2 cm, est ovoïde à arrondie et enveloppée de fibres radica<strong>les</strong><br />

brunes entrecroisées en mail<strong>les</strong> très larges ova<strong>les</strong>centes et fortement réticulées dans sa partie<br />

supérieure. Cette tunique fibreuse semble protéger <strong>les</strong> bulbes des inondations et de la<br />

87


déshydratation (Ferrez Y., Mombrial F., 2006) auquel la plante est soumise dans le milieu<br />

dans lequel elle vit.<br />

Sa tige simple, cylindrique et grêle est surmontée par une inflorescence terminale en<br />

grappe unilatérale et lâche, pro<strong>du</strong>isant de 3 à 7 fleurs sessi<strong>les</strong> de couleur rose violacé. Ses<br />

fleurs, relativement grandes (2,5 à 4 cm de long et 0,6 à 1,6 cm de large), sont écartées de 20 à<br />

30 mm (Kirschleger F., 1836) et possèdent deux spathes lancéolées, ne dépassant pas le tiers<br />

de la longueur <strong>du</strong> périanthe (Ferrez Y., Mombrial F., 2006). Ces fleurs s épanouissent<br />

successivement <strong>du</strong> bas vers le haut, et de part leur protandrie présentent d abord un stade<br />

mâle, avant de passer à l état hermaphrodite en développant le style (Käsermann C. et Moser<br />

D.M., 1999).<br />

La période de floraison s étend de juin en plaine, à juillet en montagne (Ferrez Y.,<br />

Mombrial F., 2006). Le fruit est une capsule obovale à trois loges (Danton P., Baffray M.,<br />

1995) polyspermes, avec une capacité moyenne de 40 à 60 graines. La capsule arrondie au<br />

sommet possède une hauteur variant de 14 à 16 mm (Bulova T., 2002). L ovaire est infère.<br />

Les graines de couleur brune à rouille sont aplaties et ailées de façon assez large et lâche<br />

(Kirschleger F., 1836). La dissémination est donc de type anémochore, mais la dissémination<br />

de type hydrochore n est pas à exclure lors des inondations hiverna<strong>les</strong> (Ferrez Y. et Mombrial<br />

F., 2006). Après maturation, la dissémination prend effet, selon <strong>les</strong> stations, de fin juillet à miaoût.<br />

Ses feuil<strong>les</strong> lancéolées-linéaires, aiguës au sommet et longuement engainantes à la<br />

base sont ordinairement au nombre de 3 (certains indivi<strong>du</strong>s repro<strong>du</strong>ctifs possédant 2, voir 4<br />

feuil<strong>les</strong>). Cel<strong>les</strong>-ci sont étroites (0,4 à 1 cm) et allongées (10 à 40 cm) (Danton P., Baffray<br />

M., 1995).<br />

Contrairement à d autres taxons eurasiatiques, cette espèce est capable d avoir recours à<br />

une multiplication sexuée et pro<strong>du</strong>it des semences viab<strong>les</strong> (Vinciguerra L., 2001). La<br />

multiplication végétative est assurée par la pro<strong>du</strong>ction de caïeux à la base <strong>du</strong> bulbe. La<br />

pro<strong>du</strong>ction de plus d un petit bulbe par saison est très rare (Bulova T., 2002).<br />

Concernant <strong>les</strong> pollinisateurs, il semble que G. palustris soit plus attractif visuellement<br />

qu olfactivement avec mise à disposition de quantités ré<strong>du</strong>ites de nectar pour <strong>les</strong> insectes<br />

(Mora F., Artéro A., 2006).<br />

Habitat<br />

G. palustris est une plante des prairies ou dépressions humides marécageuses, supportant<br />

bien <strong>les</strong> inondations temporaires. On la retrouve également en clairière ou en lisière de bois<br />

bordant ces biotopes. Cependant, il faut des milieux ouverts pour cette plante à tendance<br />

héliophile qui tolère temporairement l ombre. Sa répartition altitudinale varie de 150 m en<br />

plaine (Alsace) à 1200 m dans l étage montagnard (Ain) pour la France.<br />

D un point de vue phytosociologique, ces prairies humides appartiennent au Molinion<br />

(caeruleae en France), le sol y est pauvre en nutriment mais riche en matière organique,<br />

souvent calcaire mais parfois acide en surface, argileux et à mull (Vinciguerra L., 2001).<br />

Les groupements relevant <strong>du</strong> Molinion sont étroitement liés aux activités anthropiques, ils<br />

sont traditionnellement exploités comme prairie à litière et ne sont pas engraissés (Ferrez Y.,<br />

Mombrial F., 2006). Quand <strong>les</strong> pratiques agrico<strong>les</strong> cessent, Molinia caerulea envahit le milieu<br />

empêchant le développement <strong>du</strong> Glaïeul des marais de par sa densité, on peut avoir une<br />

évolution <strong>du</strong> milieu vers une mégaphorbiaie en plaine ou assister à une fermeture <strong>du</strong> milieu<br />

par envahissement des ligneux.<br />

La présence <strong>du</strong> Glaïeul des marais est un indicateur d humidité <strong>du</strong> sol bien que ce sol<br />

doive être à humidité fluctuante (plus humide après <strong>les</strong> précipitations et plus sec après <strong>les</strong><br />

périodes plus sèches) (Vinciguerra L., 2001). Le caractère fluctuant de la nappe est un facteur<br />

prédominant dans le maintien de ce type de prairie et <strong>du</strong> Glaïeul des marais. Grâce au corme<br />

88


vivace de cette plante, qui assure la pérennité <strong>du</strong> Glaïeul <strong>du</strong>rant la mauvaise saison, l espèce<br />

est adaptée à de fortes variations <strong>du</strong> niveau piézométrique. Elle supporte ainsi <strong>les</strong> sécheresses,<br />

mais aussi des inondations prolongées (Ferrez Y., Mombrial F., 2006).<br />

Répartition mondiale et française<br />

D'origine eurasiatique ou sud-est européenne, le Glaïeul des marais s'est installé à la<br />

faveur de la période sub-boréale <strong>du</strong> post-glaciaire (Burckel C., 200?). Il a actuellement une<br />

aire de répartition euro-continentale à tendance subméditerranéenne, dont la limite nord de<br />

distribution s arrête en Pologne, et la limite Sud en Albanie.<br />

Au niveau de la France, on le retrouve uniquement dans l est <strong>du</strong> pays au sein de cinq<br />

départements : Bas-Rhin, Territoire de Belfort, Jura, Ain et Haute Savoie.<br />

Mesures visant à limiter cette régression<br />

Dans l état actuel des connaissances, <strong>les</strong> mesures visant à limiter sa régression sont :<br />

Protection des zones humides<br />

Maintien de la fauche tardive<br />

Limitation des reboisements<br />

Aucun engraissement<br />

Information et sensibilisation <strong>du</strong> public<br />

Programme de surveillances régulières<br />

II/ Présentation de l AFLP<br />

La technique de génétique moléculaire utilisée ici est une AFLP (Amplified Fragment<br />

Length Polymorphisms) qui correspond à une PCR (Polymerase Chain Reaction) avec une<br />

amplification de segments d ADN qui sont, pour l essentiel, inconnus des scientifiques.<br />

En premier lieu, on va extraire l ADN des tissus des feuil<strong>les</strong>. Puis, on pourra procéder à<br />

une digestion de cet ADN par des enzymes de restriction.<br />

Des adaptateurs sont ensuite ajoutés aux extrémités des sites de coupure pour que <strong>les</strong><br />

amorces puissent se fixer sur <strong>les</strong> fragments.<br />

Afin d'augmenter la quantité d'ADN, une pré-amplification est effectuée sur tous <strong>les</strong><br />

fragments par PCR (amorces sans nucléotides sélectifs). L'amplification sélective permet<br />

ensuite d'ajuster le nombre de fragments à observer.<br />

Puis, on injecte <strong>les</strong> échantillons dans le séquenceur afin d observer le polymorphisme.<br />

Avantages et désavantages de l AFLP<br />

Il faut savoir que la quantité de matériel nécessaire à cette analyse est assez faible, ce qui<br />

est un point positif pour <strong>les</strong> espèces menacées comme G. palustris.<br />

Les marqueurs n'exigent aucune connaissance antérieure concernant le génome, ils sont<br />

donc rapidement et facilement déterminab<strong>les</strong>.<br />

Cependant, ceux-ci sont dominants (<strong>les</strong> hétérozygotes ne peuvent pas être distingués des<br />

homozygotes dominants).<br />

Outre sa repro<strong>du</strong>ctibilité assez élevée, l AFLP est une méthode qui demande beaucoup de<br />

travail, mais qui est assez fiable et qui est plus facilement adaptable entre <strong>les</strong> espèces.<br />

Seule restriction, l achat d un séquenceur très onéreux.<br />

89


III/ Etude de la variabilité génétique<br />

Au total, 3 coup<strong>les</strong> enzyme/amorce ont été sélectionnés permettant de déterminer un total<br />

de 130 marqueurs pour 66,7% de marqueurs polymorphiques.<br />

Analyse de la variance moléculaire (AMOVA)<br />

Une analyse de la variance moléculaire (AMOVA) (Fig. 1) a montré une différenciation<br />

génétique très élevée entre <strong>les</strong> régions et entre <strong>les</strong> populations à l intérieur des régions<br />

indiquant un flux de gènes très faible.<br />

Entre <strong>les</strong><br />

indivi<strong>du</strong>s<br />

90<br />

Inter régions<br />

Inter<br />

population à<br />

l'intérieur des<br />

régions<br />

Figure 1 : Analyse de variance moléculaire (AMOVA)<br />

Analyse de coordonnées principa<strong>les</strong> (ACP)<br />

Une analyse de coordonnées principa<strong>les</strong> (ACP) (Fig. 2) a montré un clivage des<br />

populations en quatre groupes correspondant aux régions géographiques prélevées.<br />

Figure 2 : Analyse de coordonnées principa<strong>les</strong> des populations de Gladiolus palustris échantillonées


Les populations alsaciennes, forment le groupement le plus éloigné génétiquement, il<br />

existe donc une grande séparation historique entre ces stations et cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> Jura (Légna,<br />

Ranchette), de l Ain (Mont d Ain, Nantua, Oyonnaxe) et de la Haute Savoie (Margencelle,<br />

Sciez, Perrignier, Faverges), situées plus au sud.<br />

La population des Rosses est à mi chemin entre l ensemble des populations jurassiennes et<br />

celui des populations de Haute-Savoie. Les Rosses sont cependant plus proches<br />

géographiquement de l ensemble Haute-Savoie.<br />

Les populations de l Ain forment également un ensemble, dont la distinction génétique<br />

peut être <strong>du</strong>e à l altitude des stations et la présence de massifs montagneux.<br />

Un test de Mantel a permis de mettre en évidence une corrélation significative entre<br />

l éloignement géographique et <strong>les</strong> distances génétiques des différentes populations (P =<br />

0,004).<br />

Dendrogramme des populations de Glaïeul des marais<br />

Un dendrogramme obtenu selon la méthode UPGMA (Fig.3) confirme <strong>les</strong> hypothèses<br />

fondées à partir de l ACP. Effectivement, on retrouve à nouveau un clivage historique bien<br />

marqué entre <strong>les</strong> populations alsaciennes <strong>du</strong> Bas-Rhin et <strong>les</strong> populations plus méridiona<strong>les</strong>.<br />

Figure 2 : Dendrogramme des populations de Glaïeul des marais<br />

prospectées, établi selon la méthode UPGMA en fonction des distances de Nei<br />

L ensemble composé des stations méridiona<strong>les</strong> se découpe en trois sous-groupes selon le<br />

dendrogramme, <strong>les</strong> populations de la forêt de Planbois et des prés de Faverges en Haute-<br />

Savoie et à la frontière suisse, <strong>les</strong> populations de l Ain et <strong>les</strong> populations <strong>du</strong> Jura.<br />

Ici encore on notera que la station des rosses est en marge de la région géographique à<br />

laquelle elle devrait appartenir.<br />

91


Problématique de renforcement de la station des Rosses<br />

Les données concernant la station des Rosses doivent être considérées avec prudence, car<br />

l analyse génétique de cette population n a été effectuée que sur trois indivi<strong>du</strong>s seulement, <strong>les</strong><br />

tests ont donc un pouvoir statistique très faible.<br />

En effet, la population des Rosses comptant très peu d indivi<strong>du</strong>s, il est question d un<br />

réenforcement à partir <strong>du</strong> site des prés de Faverges en Suisse, station la plus proche<br />

géographiquement. Dans ce genre de petites populations, il existe des risques accrus de<br />

consanguinité, ce qui peut être handicapant pour l avenir de la station qui se développera à<br />

partir d un pool génétique assez faible et qui risque donc d être plus sensib<strong>les</strong> aux<br />

perturbations <strong>du</strong> milieu. Il s agit d un problème qui doit être rencontré également sur d autres<br />

stations de Gladiolus palustris à faib<strong>les</strong> effectifs.<br />

Cependant, <strong>les</strong> analyses génétiques laissent envisager que <strong>les</strong> stations des Rosses et des<br />

prés de Faverges n ont pas la même histoire génétique, ce qui pourrait entraîner de nouveaux<br />

problèmes.<br />

En effet, on craint que ce genre de population ait sélectionné des gènes en rapport avec<br />

leur milieu lors de leur isolement historique et géographique. Les variations spatia<strong>les</strong> des<br />

conditions environnementa<strong>les</strong> peuvent entraîner une adaptation locale pour <strong>les</strong> populations<br />

végéta<strong>les</strong>, en particulier si le flux de gènes parmi <strong>les</strong> populations est faible (Becker U. et al.,<br />

In press) et l apport d indivi<strong>du</strong>s allogènes risque d amener des gènes récessifs délétères dans<br />

la population au risque de la faire disparaître au bout de quelques années.<br />

L utilisation d indivi<strong>du</strong>s d une population étrangère, dans certain cas, a seulement un<br />

impact mineur. Une rapide sélection ou introgression avec <strong>les</strong> populations loca<strong>les</strong> peut donner<br />

lieu à de bonnes adaptations similaires aux caractéristiques des indivi<strong>du</strong>s autochtones au<br />

niveau morphologique et écologique (Hodder K., Bullock J., 1997).<br />

La difficulté rencontré avec G. palustris est que cette plante met longtemps à se<br />

développer et à donner un indivi<strong>du</strong> repro<strong>du</strong>ctif à partir de graines, pourtant il faudrait<br />

pourvoir procéder à des rétrocroisements avec pollinisation en serre de 30 indivi<strong>du</strong>s sur<br />

plusieurs générations avant d envisager pourvoir mélanger deux populations éloignées<br />

génétiquement. Et ce afin de constater d une descendance viable.<br />

Ici, une gestion adaptée <strong>du</strong> site peut être un premier pas pour pallier à la disparition de<br />

cette station en ouvrant à nouveau le milieu.<br />

L établissement d une banque de graines par le prélèvement de plusieurs capsu<strong>les</strong> sur le<br />

site, voire un renforcement par des indivi<strong>du</strong>s obtenus par le croisement de plantes de la même<br />

population reste une alternative envisageable afin de conserver au mieux un patrimoine<br />

génétique qui semble se départir <strong>du</strong> reste des populations françaises. Au delà d une<br />

problématique de conservation de la station, il existe un aspect intéressant de conservation <strong>du</strong><br />

patrimoine génétique en lui-même qu il faut prendre en compte.<br />

IV/ En conclusion<br />

L analyse de génétique moléculaire réalisée sur Gladiolus palustris révèle un clivage<br />

historique au niveau génétique assez marqué entre <strong>les</strong> différentes populations prélevées au<br />

niveau français, ce clivage est d ailleurs corrélé avec l éloignement géographique assez fort<br />

de ces stations. Il est difficile d envisager l avenir de ces populations dans une vision globale,<br />

<strong>les</strong> sites étant très fragmentés géographiquement. Les stations de faib<strong>les</strong> effectifs qui ne sont<br />

pas gérées augmentent fortement leur risque de disparition notamment par fermeture <strong>du</strong><br />

milieu, cependant la gestion seule n est pas forcément la réponse à la diminution des menaces<br />

qui pèsent sur cette espèce.<br />

92


En parallèle d une gestion appropriée, des réintro<strong>du</strong>ctions peuvent être envisagées sur des<br />

stations historiques où l'espèce était présente par le passé, solution préférable au renforcement<br />

de stations encore existantes.<br />

Dans le but de préserver la diversité génétique de cette espèce, la conservation de toutes<br />

<strong>les</strong> populations existantes sera nécessaire et ce surtout au niveau des populations Alsaciennes<br />

qui forment ici le groupe le plus isolé géographiquement et génétiquement.<br />

Références bibliographiques<br />

Becker U., Colling G., Dostal P., Jakobsson A. et Matthies D., In press. Local adaptation in<br />

the monocarpic perennial Carlina vulgaris at different spatial sca<strong>les</strong> across Europe.<br />

Bulova T., 2002. Biologie, ekologie a rozsireni druhu Artemisia pancicii, Cardamine<br />

parviflora a Gladiolus palustris na Morave [Biology, ecology and distribution of<br />

Artemisia pancicii, Cardamine parviflora and Gladiolus palustris in Moravia]<br />

Burckel C., 200?. Nos Rieds, Une sélection de 24 diapositives éditées par le CRDP d'Alsace.<br />

Page consultée sur Internet le 15/02/06 à : http://www.crdpstrasbourg.fr/sciences/ried/NosRieds.pdf<br />

Danton P., Baffray M., 1995. Inventaire des plantes protégées de France. Gladiolus palustris<br />

Gaudin. Edition Nathan.<br />

Ferrez Y et Mombrial F, 2006. Préservation de Gladiolus palustris Gaudin en Franche-<br />

Comté. Proposition d un plan de conservation Conservatoire Botanique de Franche-<br />

Comté, DIREN de Franche-Comté, Conseil Régional de Franche-Comté, 29 p + annexes<br />

Hodder K., Bullock J., 1997. Translocation of native species in the UK: implications for<br />

biodiversity. Journal of Applied Ecology 1997, 43, 547-565.<br />

Käsermann C., Moser D.M., 1999. Fiches pratiques pour la conservation, plantes à fleurs et<br />

fougères, Etat: octobre 1999. OFEFP/CRSF/PRONATURA, 344 p. P.152-153. Disponible<br />

sur Internet le 29/08/06 à :<br />

http://www.villege.ch/cjb/rsf/fra/fiches/pdf/glad_palu_f.pdf#search=%22gladiolus%20palustris%22<br />

Kirschleger F., 1836 : Prodrome de la flore d Alsace.<br />

Mora F., Artéro A., Fév. 2006. Analyse <strong>du</strong> cortège des insectes florico<strong>les</strong> exploitant le glaïeul<br />

des marais (Gladiolus palustris).<br />

Vinciguerra L., 2001. Programme de conservation <strong>du</strong> Glaïeul des marais (Gladiolus palustris<br />

Gaudin) : actions conservatoires ex situ. Rapport n°2/10-2001, Conservatoire Botanique<br />

National Alpin, DIREN Rhône-Alpes, Conseil Régional Rhône-Alpes, Conseil Général de<br />

l'Ain, Conseil Général de Haute-Savoie, 47 p. + annexes.<br />

93


Cartographie forestière par télédétection :<br />

Cas de la forêt de chêne-liège de Benslimane (Maroc)<br />

Er-riyahi SABER 1 , Mouhssine RHAZI 2 , Laïla RHAZI 3<br />

1. Université de Provence, Aix-Marseille I, France. Email: e.saber@caramail.com<br />

2. Université Moulay Ismaïl, Faculté des Sciences et Techniques, Boutalamine, Errachidia,<br />

Maroc. Email: rhazimouhssine@yahoo.fr<br />

3. Université Hassan II, Faculté des Sciences Aïn Chock, Casablanca, Maroc. Email:<br />

rhazilaila@yahoo.fr<br />

Résumé<br />

Au Maroc, le chêne-liège s étend sur une superficie près de 350 000 ha (15% de la superficie<br />

mondiale des subéraies), principalement dans <strong>les</strong> régions de la Mamora, <strong>du</strong> Plateau Central et<br />

<strong>du</strong> Rif. Vaste d une superficie d environ 12 000 ha, la subéraie de Benslimane occupe la<br />

deuxième place après celle de la Mamora (135 000 ha).<br />

La subéraie de Benslimane assure la survie d une faune variée (plusieurs espèces de gibiers et<br />

de mammifères) et joue un rôle important dans la vie économique et sociale des populations<br />

riveraines (extraction de liège, récolte de bois, pâturage, glands, champignons etc.).<br />

Bien que cet écosystème présente un intérêt écologique et socio-économique<br />

considérable, il est malheureusement soumis à plusieurs menaces d origines naturelle et/ou<br />

anthropozoogène. Ces menaces con<strong>du</strong>isent à la ré<strong>du</strong>ction de la superficie de la subéraie et<br />

affectent négativement le développement des indivi<strong>du</strong>s de chêne-liège.<br />

Afin d évaluer l impact de ces menaces, une carte de végétation de 1955 et deux<br />

images satellitaires Landsat (TM et ETM+) acquises en 1987 et 2001 ont été utilisées. Les<br />

résultats obtenus, sur l évolution spatio-temporelle de cette formation forestière, sont discutés<br />

dans une perspective d apporter des éléments pour la gestion et la conservation de ce<br />

patrimoine naturel.<br />

Mots clés : Subéraie de Benslimane, télédétection, évolution spatio-temporelle.<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

Le chêne-liège (Quercus suber) est une espèce endémique <strong>du</strong> bassin méditerranéen<br />

occidental présentant une plasticité écologique quant à la température et la pluviométrie. Il<br />

s étale à cheval sur <strong>les</strong> bioclimats subhumide et semi-aride (M hirit, 1995).<br />

Les forêts de chêne-liège couvrent approximativement 2 687 000 hectares au<br />

Portugal, en Espagne, au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Italie et en France (carte 1). Ces<br />

espaces forestiers sont très riches en termes de biodiversité. Ils présentent aussi une haute<br />

valeur économique (extraction de liège, lieu de pâturage, bois, glands, etc.).<br />

94


Carte 1 : Distribution <strong>du</strong> chêne-liège dans son aire géographique méditerranéenne et<br />

atlantique (en rouge, d après l Institut Méditerranéen <strong>du</strong> Liège, France. Site Internet :<br />

http://www.institut<strong>du</strong>liege.com).<br />

Au Maroc, le chêne-liège s étend sur une superficie près de 350 000 ha (15% de la superficie<br />

mondiale des subéraies), principalement dans <strong>les</strong> régions de la Mamora, <strong>du</strong> Plateau Central et<br />

<strong>du</strong> Rif (Hammoudi, 2002). La subéraie de Benslimane (carte 2), d une superficie d environ<br />

12 000 ha, est située dans la province de Benslimane, entre <strong>les</strong> deux agglomérations <strong>les</strong> plus<br />

importantes <strong>du</strong> Maroc (Rabat-Salé, Casablanca-Mohammedia). Elle est très diversifiée avec<br />

une dominance des formations naturel<strong>les</strong> : chêne-liège et thuya qui en représente 72,53%. Les<br />

peuplements de chêne-liège représentent 62,23%, <strong>les</strong> reboisements occupent 14,81 %, <strong>les</strong><br />

formations de thuya représentent 10,30 %, <strong>les</strong> essences secondaires (9,09 %) suivi des vides<br />

et clairières (3,57 %). Cette forêt appartient au domaine forestier de l état, à l exception de<br />

quelques parcel<strong>les</strong> distraites au profit des forces armées roya<strong>les</strong> (Bouhaloua et Et-Tobi, 2001).<br />

95


Carte 2 : Localisation géographique <strong>du</strong> Maroc et de la subéraie de Benslimane<br />

A l instar de la majorité des forêts marocaines, la subéraie de Benslimane a connu<br />

une dégradation sévère depuis le début <strong>du</strong> XX ème siècle et surtout à partir des années<br />

cinquante. Les causes naturel<strong>les</strong> et/ou anthropiques <strong>du</strong> recul <strong>du</strong> chêne-liège sont nombreuses.<br />

Les objectifs de ce travail étaient :<br />

1- l intégration des données de télédétection dans un système d information<br />

géographique afin d étudier la dynamique de la subéraie de Benslimane<br />

2- faire des propositions de gestion et de conservation <strong>du</strong>rable de ce patrimoine<br />

naturel sur la base des résultats obtenus.<br />

Matériel et Méthode<br />

L étude diachronique basée sur la télédétection et <strong>les</strong> systèmes d information<br />

géographique (SIG) est une démarche efficace dans l évaluation de la dynamique des<br />

géosystèmes. Les images satellitaires combinées aux documents anciens, sont d une grande<br />

utilité dans cette démarche.<br />

Les données de télédétection spatiale sont issues de deux scènes <strong>du</strong> satellite Landsat<br />

datées <strong>du</strong> 06 janvier 1987 et <strong>du</strong> 20 janvier 2001. Il s agit de données multispectra<strong>les</strong> avec une<br />

résolution de 30 m. Les deux images sont géoréférencées à l acquisition dans un système de<br />

projection UTM. Une carte de végétation au 1/200 000 (figure 1) établie par Théron et Vindt<br />

en 1955 a été également utilisée afin d élargir le pas de temps de l étude. La méthode utilisée<br />

consistait, d une part, à géoréférencer cette carte de végétation et à traiter <strong>les</strong> deux images<br />

satellitaires sous Idrisi ; d autre part, à cartographier <strong>les</strong> unités spatia<strong>les</strong> de la subéraie à partir<br />

de la carte de végétation géocodée et des deux compositions colorées sous ArcView GIS<br />

(figure 2).<br />

96


Figure 2 : Compositions colorées réalisées à partir des scènes Landsat 1987 (à<br />

gauche) et 2001 (à droite) sur la subéraie de Benslimane<br />

Résultats et discussion<br />

L analyse de la carte de végétation au 1/200 000 de 1955 et des images satellitaires<br />

Landsat (1987 et 2001), conjuguées aux observations de terrain permettent de saisir <strong>les</strong><br />

tendances d évolution de la subéraie de Benslimane et d évaluer la rapidité des<br />

transformations des structures spatia<strong>les</strong> entre ces trois dates. Les résultats de cette diachronie,<br />

présentés dans <strong>les</strong> cartes 3 et 4, mettent effectivement en exergue une régression des<br />

peuplements de chêne-liège. En effet, entre 1955 et 1987, la superficie de chêne-liège a<br />

régressé de 1500 ha alors que 235 ha de chêne-liège ont disparu entre 1987 et 2001, avec donc<br />

un total de 1735 ha sur une période de 47 ans (1955-2001). La régression des peuplements de<br />

chêne-liège était en faveur, des reboisements d eucalyptus et de pin, de la création de carrières<br />

et de l extension urbaine qui font partie intégrante des activités humaines. Les clairières qui<br />

apparaissent sur la carte 3 sont probablement le résultat de défrichements qui ont eu lieu entre<br />

1914 et 1950, pour alimenter <strong>les</strong> grandes vil<strong>les</strong> en bois de chauffage (Boudy, 1958). Aucun<br />

reboisement, dans la subéraie de Benslimane, n a été signalé à l époque par Théron et Vindt.<br />

Ceci explique que l intensité de la dégradation de la subéraie a pris de l ampleur après 1955.<br />

Le reboisement d eucalyptus (plante refusée par le bétail) dans <strong>les</strong> parties défrichées<br />

augmente la pression <strong>du</strong> pâturage sur le chêne-liège (Nafaa,1997), notamment sur <strong>les</strong><br />

plantu<strong>les</strong> posant ainsi un sérieux problème de régénération naturelle.<br />

L extraction <strong>du</strong> gravier, un des éléments <strong>les</strong> plus appréciés par <strong>les</strong> in<strong>du</strong>striels <strong>du</strong><br />

secteur de la construction, a con<strong>du</strong>it à la naissance d une grande carrière au dépens de la<br />

subéraie qui subi une dégradation continuelle au fur et à mesure que le chantier s élargit<br />

davantage.<br />

97<br />

Figure 1: Extrait de la<br />

carte de végétation au 1/200 000<br />

sur la subéraie de Benslimane<br />

(Théron et Vindt, 1955)


L extension de la ville de Benslimane a entraîné la destruction d une partie de la<br />

subéraie. Plusieurs indivi<strong>du</strong>s de chêne-liège ont été abattus pour préparer le terrain aux<br />

aménagements locatifs. L extension urbaine est liée à l augmentation <strong>du</strong> taux démographique<br />

dans cette ville qui combine à la fois l augmentation <strong>du</strong> taux de naissances et l installation de<br />

personnes venant notamment des vil<strong>les</strong> voisines comme Casablanca et Rabat.<br />

La contrainte climatique a <strong>du</strong> avoir également un effet négatif sur le peuplement de<br />

chêne-liège. La succession d années sèches affaiblissent le chêne-liège et le rendent<br />

vulnérable à toute attaque d insectes ravageurs et de champignons parasites.<br />

A la lueur de résultats trouvés dans le cadre de cette étude, il ressort clairement que<br />

<strong>les</strong> menaces qui pèsent sur la subéraie de Benslimane s intensifient continuellement. Ainsi, si<br />

des mesures de gestion rationnelle et de conservation de ce patrimoine biologique ne sont pas<br />

élaborées et prises en compte, la dégradation de cet écosystème forestier pourra atteindre un<br />

seuil où sa restauration sera probablement incertaine et sa réhabilitation sera très coûteuse<br />

financièrement. A ce stade actuel, il est encore possible de mettre au point un plan de gestion<br />

de cet espace forestier. Pour cela nous proposons quelques éléments à ce propos :<br />

(1) assurer une protection urgente des espaces <strong>les</strong> plus dégradés pour favoriser la<br />

régénération <strong>du</strong> chêne-liège par la création de zones protégées<br />

(2) diminuer la charge pastorale et améliorer la pro<strong>du</strong>ctivité fourragère des<br />

écosystèmes ouverts au parcours<br />

(3) lancer des campagnes de formation et de sensibilisation de la population locale et<br />

des usagers sur l intérêt patrimonial et l utilisation rationnelle des forêts afin d en assurer la<br />

pérennité. Les gardes forestiers, entre autres, peuvent jouer un rôle prépondérant sur cet<br />

aspect.<br />

Carte 3 : La subéraie de Benslimane en 1955<br />

98


Carte 4 : Dynamique de la subéraie de Benslimane entre 1987 et 2001<br />

Conclusion<br />

La superficie de la subéraie de Benslimane a connu depuis <strong>les</strong> années cinquante une<br />

diminution de 15% passant ainsi de 11412 ha en 1955 à 9677 ha en 2001, soit une perte<br />

annuelle de 37 ha de chêne-liège. Cette dégradation est attribuée aux actions combinées de la<br />

sécheresse et des multip<strong>les</strong> pressions humaines sur cet écosystème forestier. Conscient <strong>du</strong> rôle<br />

que joue cette subéraie, <strong>les</strong> pouvoirs publics ont pris un certain nombre de mesures en vue<br />

d atténuer ces dégradations. Le rajeunissement et l aménagement de la forêt ont été le but<br />

principal des efforts déployés par <strong>les</strong> services compétents malgré un manque de moyens<br />

humains et financiers.<br />

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Casablanca au 1/ 200 000. Mémoire hors série et divers, Institut Scientifique Chérifien,<br />

Rabat.<br />

99


Protoco<strong>les</strong> de suivi, bases de données et cartographie pour<br />

mettre en évidence l'impact des activités anthropiques sur la<br />

diversité végétale<br />

Audrey MURATET, Jean-Claude ABADIE et Nathalie MACHON<br />

Conservatoire botanique national <strong>du</strong> Bassin parisien,<br />

UMR 5173 MNHN-CNRS-UPMC, Conservation des Espèces, Restauration et Suivi des Populations,<br />

Service <strong>du</strong> Patrimoine Naturel<br />

61 rue Buffon, 75005 Paris<br />

muratet@mnhn.fr ou machon@mnhn.fr<br />

Dans le monde entier, <strong>les</strong> changements d occupation des sols in<strong>du</strong>its par l homme<br />

façonnent et modèlent <strong>les</strong> dynamiques de la végétation sauvage et semi naturelle tels <strong>les</strong><br />

abandons des terres agrico<strong>les</strong> très répan<strong>du</strong>s en Europe et en Amérique <strong>du</strong> Nord depuis<br />

quelques décennies. A l inverse, certaines zones ont tendance à être gérées de manière plus<br />

intensive, avec des problèmes associés de pollution, de déchets et de perte de biodiversité<br />

comme <strong>les</strong> aires urbaines, par exemple. L impact anthropique peut être plus indirect. Il<br />

s exerce par exemple à travers le changement <strong>du</strong> climat ou <strong>les</strong> invasions biologiques qui<br />

bouleversent la répartition des espèces.<br />

La compréhension de ces processus qui perturbent la biodiversité et par voie de<br />

conséquence le fonctionnement des écosystèmes, est essentielle pour pouvoir prédire ce que<br />

peut devenir l environnement des êtres humains dans <strong>les</strong> sièc<strong>les</strong> à venir et ainsi permettre la<br />

mise en uvre de mesures de préservation.<br />

Afin d évaluer de façon précise l impact des activités humaines tel<strong>les</strong> que : <strong>les</strong><br />

changements climatiques, la fragmentation et la destruction des habitats naturels (comme<br />

l urbanisation par exemple) et <strong>les</strong> invasions biologiques, sur la biodiversité, l acquisition de<br />

nombreuses données de terrain sont nécessaires : des données d inventaires et des données<br />

caractérisant le milieu. El<strong>les</strong> permettent, par traitement statistique, de faire le lien entre <strong>les</strong><br />

activités humaines et la dynamique de la biodiversité et d en faire ressortir <strong>les</strong> processus<br />

impliqués.<br />

Au sein <strong>du</strong> Département « Ecologie et Gestion de la Biodiversité » <strong>du</strong><br />

Muséum national d Histoire naturelle, nous étudions plus particulièrement l impact des<br />

activités anthropiques sur la diversité végétale. Nos études se font à différentes échel<strong>les</strong> :<br />

A une échelle locale, plusieurs types de travaux sont en cours concernant divers types<br />

d activités humaines. Les plus importants sont <strong>les</strong> pratiques agrico<strong>les</strong>, la gestion des<br />

voies de transport terrestre (autoroutes ou routes), <strong>les</strong> aménagements des berges de<br />

rivières et l urbanisation.<br />

A une échelle plus large, des processus plus globaux sont étudiés.<br />

100


1. Études à une échelle locale<br />

Dans cette partie, nous prendrons en exemple la thèse d Audrey Muratet (1 er auteur de<br />

cet article) étudiant l impact de l urbanisation sur la diversité végétale car il s agit, à ce jour,<br />

<strong>du</strong> projet de recherche le plus avancé de notre laboratoire concernant l analyse des<br />

interactions entre la biodiversité et <strong>les</strong> activités humaines. De plus, l étude de la biodiversité<br />

urbaine et des mécanismes qui contrôlent sa dynamique est d une importance majeure car<br />

l urbanisation est une composante essentielle des processus de transformation <strong>du</strong> paysage sur<br />

la planète et une des premières causes d extinction des espèces (McKinney, 2006). C est<br />

pourquoi un nombre croissant d études de la biodiversité et plus particulièrement de la flore<br />

urbaine émergent (Pysek 1998, Zerbe et al. 2003, Godefroid 2001, Kent et al. 1999, Angold<br />

et al., 2006 Ricotta et al. 2001, Dana et al. 2002). C est dans ce contexte que nous avons<br />

entrepris une étude dans un département fortement urbanisé de la région parisienne, <strong>les</strong> Hautsde-Seine.<br />

Le but ultime était d aider <strong>les</strong> gestionnaires de l espace urbain à préserver au mieux<br />

la biodiversité de leur territoire. Nous avons cherché à mesurer la diversité floristique des<br />

différents habitats de ce département pour définir <strong>les</strong> plus intéressants. Puis nous avons pris<br />

en compte <strong>les</strong> différentes caractéristiques de l urbanisation pour évaluer leur impact sur cette<br />

diversité.<br />

Dans un contexte urbain, <strong>les</strong> méthodes d échantillonnage classiques ne sont pas<br />

adaptées. La probabilité de sélectionner des zones inaccessib<strong>les</strong> ou dépourvues de végétation<br />

est trop élevée en suivant un échantillonnage systématique (en effectuant des relevés à<br />

interval<strong>les</strong> réguliers) ou aléatoire (en sélectionnant aléatoirement la position des sites à<br />

inventorier) (Hayek et Buzas 1997). Pour cette étude, nous avons donc réalisé un<br />

échantillonnage stratifié des sites à étudier selon la méthode définie par Sukopp et Weiler<br />

(1988). Ainsi, <strong>les</strong> surfaces inventoriées dans <strong>les</strong> différents habitats sont proportionnel<strong>les</strong> aux<br />

surfaces tota<strong>les</strong> occupées par ces habitats sur le département. Les stations choisies selon cette<br />

méthode correspondent à une zone occupée par un seul type d habitat. Dans chacune des 986<br />

stations inventoriées entre 2001 et 2005, un inventaire floristique global de la flore vasculaire<br />

sauvage (espèces indigènes et naturalisées) a été effectué.<br />

L estimation de la diversité floristique d un site donné a été calculée de manière<br />

simple et objective à un niveau quantitatif avec (1) la richesse spécifique (nombre total<br />

d espèces répertoriées dans un site) et qualitatif avec (2) un indice de rareté (pour une espèce<br />

donnée cet indice correspond à la proportion de sites dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> l espèce n a pas été vue.<br />

L indice de rareté d un site correspond ainsi à la moyenne des indices de rareté des espèces<br />

présentes sur ce site) et (3) un indice de naturalité (proportion d espèces indigènes sur le total<br />

d espèces indigènes et naturalisées). Nous avons ainsi pu établir la carte de la répartition de<br />

l intérêt floristique des sites sur l ensemble des Hauts-de-Seine. Comme atten<strong>du</strong>, <strong>les</strong> zones de<br />

forte biodiversité se trouvent en bord de Seine (Figure 1 zone A) et dans <strong>les</strong> forêts domania<strong>les</strong><br />

<strong>du</strong> département (Figure 1 zone B) tandis que la plaine in<strong>du</strong>strielle au nord (Figure 1 zone C)<br />

se révèle particulièrement pauvre. Les efforts de préservations devront se concentrer sur <strong>les</strong><br />

premières tandis que <strong>les</strong> efforts de restauration devront plutôt se porter sur <strong>les</strong> deuxièmes.<br />

101


B<br />

A<br />

Indice très élevé<br />

Indice élevé<br />

Indice moyen<br />

Indice faible<br />

Indice très faible<br />

Richesse Naturalité Rareté<br />

C<br />

Figure 1 : Distribution des trois indices d intérêt floristique (la richesse spécifique, la<br />

naturalité et la rareté) sur le département des Hauts-de-Seine obtenu à partir d une<br />

interpolation IDW (<strong>les</strong> zones de plus fort intérêt sont <strong>les</strong> plus sombres). A et B sont des<br />

exemp<strong>les</strong> de zones de fort intérêt : <strong>les</strong> berges de Seine et <strong>les</strong> forêts domania<strong>les</strong> ; C est un<br />

exemple d une zone de moindre intérêt : la zone in<strong>du</strong>strielle <strong>du</strong> nord <strong>du</strong> département.<br />

Les différents types et degrés d urbanisation présents sur le territoire d étude ont<br />

été définis à partir <strong>du</strong> Mode d Occupation des Sols (MOS). Le MOS, établi par l IAURIF<br />

(Institut d aménagement et d urbanisme de la région Île-de-France 2003), est issu de photos<br />

aériennes interprétées, de fichiers administratifs, de bulletins municipaux et de consultations<br />

des communes. Il décrit l'usage <strong>du</strong> sol sur toute l Île-de-France divisé en 83 classes. Cette<br />

information sur l occupation des sols a été cartographiée sur des plans au 1/5000 e et mise à<br />

jour tous <strong>les</strong> 4 ou 5 ans depuis 1982. Les 83 classes <strong>du</strong> MOS ont été regroupées en 9 classes<br />

pour notre étude (voir le tableau 1).<br />

102


Mode<br />

d Occupation des<br />

Sols<br />

Activités<br />

Logements collectifs<br />

Équipements<br />

Logements<br />

indivi<strong>du</strong>els<br />

Transports<br />

Chantiers et terrains<br />

vacants<br />

Espaces ruraux et<br />

urbains ouverts<br />

Définitions<br />

Zones d activités, Bureaux, entreprises,<br />

centres commerciaux<br />

É<strong>du</strong>cation, Santé, Administration,<br />

Cimetières, Électricité, Gaz, Pétrole<br />

Voies ferrées, Autoroutes, Aéroport,<br />

Parkings<br />

Espaces ruraux (Vergers, Pépinières,<br />

Cultures) et urbains ouverts (Parcs,<br />

Jardins, Golfs, Hippodromes, Terrains de<br />

sport)<br />

Eau<br />

Bois ou forêts<br />

Tableau 1 : Mode d Occupation des Sols divisé en neuf classes (IAURIF 2003)<br />

Pour identifier <strong>les</strong> types d urbanisation qui agissent sur l intérêt floristique d un site,<br />

nous avons donc relié leurs surfaces existant dans un rayon de 200 mètres autour de la station<br />

(voir exemple Figure 2) avec <strong>les</strong> différents indices d intérêt floristique de cette station.<br />

MOS en 9 classes<br />

Activités<br />

Bois ou forêts<br />

Chantiers et terrains vacants<br />

Eau<br />

Équipements<br />

Espaces ruraux et urbains ouverts<br />

Logements collectifs<br />

Logements indivi<strong>du</strong>els<br />

Transports<br />

Figure 2 : Représentation d un site échantillonné (polygone avec une bor<strong>du</strong>re épaisse<br />

au centre <strong>du</strong> cercle) avec <strong>les</strong> différents types de modes d occupation des sols présents autour<br />

<strong>du</strong> site dans un rayon de 200 m.<br />

103


Nous avons pu ainsi montrer, dans le cas des friches urbaines, que la présence de<br />

logements collectifs ou indivi<strong>du</strong>els dans un rayon de 200 m autour <strong>du</strong> site a un effet<br />

significativement négatif sur l indice de rareté. Nos résultats indiquent que la création de<br />

logements collectifs et indivi<strong>du</strong>els in<strong>du</strong>irait certainement une ré<strong>du</strong>ction de la qualité des<br />

friches urbaines voisines et plus généralement des espaces verts. A l inverse, la présence<br />

d eau (mares, lacs ou fleuve) serait corrélée positivement à la rareté des espèces observées<br />

(Muratet et al. <strong>2007</strong>). Les habitats humides sont généralement riches en espèces et abritent de<br />

nombreuses espèces rares à fort intérêt de conservation en milieu urbain. Ces résultats<br />

permettent d apporter quelques recommandations pour optimiser la gestion des terrains<br />

vagues ou autres types de sites, dans une optique de conservation de la biodiversité urbaine.<br />

Par exemple, <strong>les</strong> berges de la Seine sont le siège de nombreuses espèces intéressantes comme<br />

Cardamine impatiens L., Equisetum telmateia Ehrh. et Stachys palustris L. qui sont rares ou<br />

spécifiques à ce type d habitat à condition que ces berges ne soient pas bétonnées.<br />

D autres études portant sur des habitats ou des structures particulières sont également<br />

en cours au Muséum national d Histoire naturelle. El<strong>les</strong> concernent en particulier la flore des<br />

bor<strong>du</strong>res de champs cultivés pour savoir dans quelle mesure <strong>les</strong> pratiques agrico<strong>les</strong> ont un<br />

impact sur la biodiversité et si <strong>les</strong> mesures agri-environnementa<strong>les</strong> mises en pratique par <strong>les</strong><br />

agriculteurs ont bien <strong>les</strong> effets escomptés (thèse de Jean-Claude Abadie). El<strong>les</strong> concernent par<br />

ailleurs <strong>les</strong> infrastructures de transport terrestre pour définir <strong>les</strong> méthodes de gestion qui sont<br />

le moins destructrices pour la diversité végétale (thèses d Isabelle Le Viol et Louis De<br />

Redon).<br />

2. Études à l échelle nationale<br />

Les études sur de grandes échel<strong>les</strong> spatia<strong>les</strong> et temporel<strong>les</strong> sont essentiel<strong>les</strong> pour séparer<br />

<strong>les</strong> effets des processus autogéniques et des évènements stochastiques par rapport aux<br />

changements environnementaux plus gra<strong>du</strong>els sur la structure des communautés (von Oheimb<br />

<strong>2007</strong>). C est pourquoi des programmes nationaux de suivi de la biodiversité ont été entrepris<br />

dans beaucoup de pays. Les méthodes utilisées sont relativement diverses. Cependant, pour<br />

éviter d éventuels biais, el<strong>les</strong> se doivent d être simp<strong>les</strong> et bien standardisées (Brandt et al.<br />

2002). Trenkel et al. (2004) ont démontré que le choix de la méthode et de la période<br />

d échantillonnage peut avoir un impact important sur la perception de la structure et de la<br />

dynamique d'une communauté écologique. Pour cette raison, (1) <strong>les</strong> localisations où <strong>les</strong><br />

inventaires seront réalisés doivent être déterminés aléatoirement selon un protocole standard,<br />

(2) <strong>les</strong> observateurs doivent posséder un bon niveau de connaissance, aussi uniforme que<br />

possible entre eux ; (3) <strong>les</strong> relevés doivent être le plus exhaustifs possible sur la surface<br />

inventoriée, (4) <strong>les</strong> périodes de relevé doivent être <strong>les</strong> mêmes dans une région donnée où des<br />

caractéristiques environnementa<strong>les</strong> sont relativement homogènes. Les protoco<strong>les</strong> bien<br />

standardisés peuvent ainsi fournir des données robustes concernant la biodiversité présente<br />

dans divers habitats. Par exemple en Grande-Bretagne un programme de suivi appelé<br />

« Countryside Survey » (CS) a commencé en 1978 en utilisant une méthode<br />

d échantillonnage stratifiée aléatoire (Firbank et al. 2003 ; Haines-Jeune et al. 2003) et qui<br />

recense <strong>les</strong> plantes et <strong>les</strong> oiseaux. En Suisse, depuis 2001 un programme de suivi de la<br />

biodiversité (BDM) est en cours (Weber et al. 2004 ; Plattner et al. 2004) utilisant une<br />

méthode d échantillonnage systématique, incluant <strong>les</strong> plantes, <strong>les</strong> oiseaux, <strong>les</strong> mollusques et<br />

<strong>les</strong> lépidoptères. En France, un suivi temporel des oiseaux communs a débuté en 1989 (STOC<br />

; Julliard et al. 2003). Suivant ces exemp<strong>les</strong>, en partenariat avec <strong>les</strong> Conservatoires botaniques<br />

nationaux, nous entreprenons le lancement d un programme de suivi de la flore commune à<br />

l échelle de l ensemble de la France métropolitaine. L objectif est de mettre en relation <strong>les</strong><br />

104


changements observés sur la distribution des espèces au fil des années, avec <strong>les</strong> facteurs<br />

agissant sur cette distribution. La méthode utilisée dans ce programme est un inventaire<br />

systématique de 8 placettes de 10 m² dont <strong>les</strong> positions dans une maille de 1 km² sont fixes<br />

(figure 3).<br />

Figure 3 : Disposition des huit placettes dans la maille d un kilomètre carré. Chacune<br />

est indiquée par une lettre (majuscule en jaune). Pour chaque point se trouve un point de<br />

rechange (lettre minuscule en orange) qui pourra servir de substitution lorsque le point<br />

principal est inaccessible.<br />

La localisation de la maille kilométrique est, quant à elle, tirée au sort. Ces<br />

inventaires seront ensuite comparés avec <strong>les</strong> cartes d évolution <strong>du</strong> climat ou d utilisation <strong>du</strong><br />

sol afin d évaluer <strong>les</strong> impacts liés aux changements climatiques et aux autres perturbations<br />

anthropiques qui transforment <strong>les</strong> milieux naturels. Cette étude nous permettra de suivre<br />

l évolution temporelle de la répartition des principa<strong>les</strong> espèces de plantes communes de<br />

France et de déterminer <strong>les</strong> facteurs qui agissent sur cette évolution (agriculture,<br />

urbanisation ou des changements globaux).<br />

Une étude pilote a été menée à l échelle de l Ile-de-France pour tester des protoco<strong>les</strong><br />

et fournir une idée de la qualité des résultats à attendre. 50 mail<strong>les</strong> ont été tirées au sort<br />

préalablement (figure 4) dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> huit placettes ont été inventoriées.<br />

105


Figure 4 : Carte de répartition des 50 mail<strong>les</strong> échantillonnées en Île-de-France au cours des<br />

campagnes 2005 et 2006<br />

Cet échantillonnage est relativement adéquat puisque 67% des inventaires ont été<br />

effectués (aléatoirement) dans des zones cultivées, 23% en milieu forestier, et 10 % dans des<br />

zones urbaines, ce qui correspond assez fidèlement à la proportion de chacun de ces habitats<br />

en Ile-de-France.<br />

Dans <strong>les</strong> relevés, 429 espèces ont été recensées, ce qui représente 25% de l ensemble<br />

des espèces recensées à ce jour dans la région. On peut donc affirmer qu avec cette méthode<br />

simple, une partie significative de la flore est échantillonnée, même si il s agit de la fraction la<br />

plus commune (figure 5).<br />

106


Fréquence des espèces (en %)<br />

35<br />

30<br />

25<br />

20<br />

15<br />

10<br />

5<br />

0<br />

CCC CC C AC AR R TR RR<br />

statut de rareté<br />

Figure 5 : Fréquence des espèces par classe de rareté (CCC=extrêmement commun ; CC=très<br />

commun ; C=commun ; AC=assez commun ; AR=assez rare ; R=rare ; TR=très rare et<br />

RR=extrêmement rare). Le statut de rareté à 8 degrés a été défini par le CBNBP (2003).<br />

Les premiers résultats ont permis de montrer que la richesse spécifique dépendait en<br />

premier lieu <strong>du</strong> type d habitat dans lequel l inventaire floristique a été réalisé (forêt, champ,<br />

ville ) (50% de la variabilité expliquée), de la variabilité paysagère à l intérieur d une maille<br />

(paysage très hétérogène fait de beaucoup de petites parcel<strong>les</strong> diversifiées ou bien paysage<br />

très homogène (grandes cultures par exemple)) (26%) et de facteurs stationnels (roche mère<br />

(20%) et pente (4%)).<br />

Nous espérons que cette étude va s étendre rapidement au reste <strong>du</strong> territoire français<br />

pour que <strong>les</strong> grandes tendances d évolution de la répartition des espèces puissent être<br />

renseignées et intégrées dans <strong>les</strong> modè<strong>les</strong> prédictifs.<br />

En résumé, l ensemble de ces travaux montre que le travail <strong>du</strong> botaniste est d une<br />

extrême utilité pour la compréhension <strong>du</strong> fonctionnement de la biodiversité et la mise en place<br />

de mesures de conservation. En réalisant leurs inventaires, <strong>les</strong> botanistes apportent des<br />

données précieuses dont l analyse sera d autant plus facilitée s ils sont bien standardisés :<br />

Les sites échantillonnés doivent être représentatifs de la zone étudiée. En pratique, le<br />

mieux est de tirer leur localisation aléatoirement sur une carte. Dans <strong>les</strong> milieux où la<br />

flore est peu présente (comme en ville par exemple), il est préconisé de répertorier <strong>les</strong><br />

sites, au préalable, puis de tirer au sort ceux qui vont être étudiés, au pro rata de leur<br />

surface sur la zone.<br />

Les inventaires doivent être le plus exhaustif possible sur plusieurs placettes de tail<strong>les</strong><br />

standardisées dont la localisation dans le site doit se faire au préalable soit de façon<br />

systématique, soit de façon aléatoire.<br />

Pour être comparab<strong>les</strong>, <strong>les</strong> inventaires doivent être réalisés dans un laps de temps fixe<br />

(Archaux et al. 2006). Les espèces sont détectab<strong>les</strong> de façon séquentielle au cours de<br />

l année, il est donc préférable d effectuer tous <strong>les</strong> inventaires à la même saison.<br />

Ainsi, ces données prélevées selon <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> définies plus haut, confrontées à des<br />

données de Mode d Occupation <strong>du</strong> Sol ou de climat, peuvent renseigner de façon efficace des<br />

modè<strong>les</strong> prédictifs. Grâce à ces modè<strong>les</strong>, en testant différents scénarios de gestion ou de<br />

climat, <strong>les</strong> scientifiques seront bientôt à même de fournir des conseils efficaces pour la<br />

préservation de la biodiversité.<br />

107


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109


Les apports <strong>du</strong> S.I.G dans l évaluation des impacts<br />

écologiques :<br />

Exemple de l aménagement d un fleuve pour la ré<strong>du</strong>ction<br />

<strong>du</strong> risque Inondation<br />

Marie-Pierre VECRIN-STABLO 1 , Julian BRANCIFORTI 1 , Emmanuel<br />

PEREZ 2 , Mathias VOIRIN 1 & Christelle JAGER 1<br />

1 : Bureau d études ESOPE<br />

52-54, rue de Metz - 57950 Hagondange - FRANCE<br />

E-mail : vecrin@bureau-etude-esope.com<br />

2 : Université de Liège<br />

Département en Sciences et Gestion de l Environnement - Laboratoire Eau et<br />

Environnement - Avenue de Longwy, 185 - 6700 Arlon - BELGIQUE<br />

1. Intro<strong>du</strong>ction<br />

Suite à d importantes crues dans le lit majeur de la Meuse, l Etablissement Public<br />

d Aménagement de la Meuse et de ses Affluents (EPAMA) a été chargé de définir une<br />

stratégie partagée, cohérente et solidaire d aménagement et de gestion des crues à l échelle <strong>du</strong><br />

bassin français <strong>du</strong> fleuve, de Neufchâteau (88) à Givet (08). Le scénario d aménagement<br />

envisagé prévoit l implantation de sept retenues en lit majeur, dans des secteurs déjà<br />

inondab<strong>les</strong>, non urbanisés, à l activité principalement agricole, en compensation à des<br />

protections localisées (recalibrage, coupure de boucle, remplacement de barrage à aiguil<strong>les</strong> et<br />

endiguement).<br />

Plus précisément, <strong>les</strong> retenues consistent en l aménagement de Zones de<br />

Ralentissement Dynamique des Crues (ZRDC). Ces ZRDC sont constituées de digues de<br />

retenue non pérennes, barrant transversalement le lit majeur et partiellement le lit mineur.<br />

El<strong>les</strong> garantissent le maintien des conditions norma<strong>les</strong> d écoulement pendant <strong>les</strong> périodes<br />

d étiage et de crues courantes afin de ne pas perturber le fonctionnement des milieux, et surstockent<br />

temporairement <strong>les</strong> eaux lors <strong>du</strong> passage des crues rares, ce qui entraîne un<br />

écrêtement des débits de pointe et un abaissement de la ligne d eau à l aval.<br />

Or <strong>les</strong> secteurs de la plaine alluviale de la Meuse concernés par ces ZRDC sont<br />

caractérisés par des complexes d habitats prairiaux et aquatiques remarquab<strong>les</strong> sur le plan de<br />

la biodiversité, en étroite relation avec le fonctionnement hydrique de la plaine alluviale. La<br />

vallée de la Meuse est en effet connue pour abriter de nombreuses espèces anima<strong>les</strong> et<br />

végéta<strong>les</strong> inféodées aux prairies alluvia<strong>les</strong>. Citons pour exemple le très emblématique Râle<br />

des genêts (Crex crex), oiseau typique de ces milieux et fortement menacé à l échelle<br />

mondiale depuis plusieurs décennies. La vallée de la Meuse correspond au principal site de<br />

nidification de l espèce en Lorraine.<br />

Au regard <strong>du</strong> caractère exceptionnel de certains habitats et espèces de la vallée de la<br />

Meuse, l EPAMA a initié une étude scientifique visant à construire et à valider un modèle<br />

capable de prédire l impact de ces aménagements sur le milieu naturel. Cette étude a pour but<br />

de répondre aux questions suivantes :<br />

- Des conséquences sur le milieu naturel sont-el<strong>les</strong> atten<strong>du</strong>es en amont des ouvrages, où<br />

<strong>les</strong> eaux d inondation seront temporairement sur-stockées ?<br />

- Si oui, de quelle nature et de quelle ampleur pour le milieu naturel ?<br />

110


Pour ce faire, la mission se compose en deux étapes. L étape 1 vise à la réalisation<br />

d un état de référence des zones d étude. L étape 2 consiste à construire le modèle prédictif<br />

des impacts écologiques des aménagements sur le milieu naturel.<br />

o Etape 1 : Réalisation d un état de référence des zones d étude :<br />

La première étape <strong>du</strong> travail a consisté à établir un état de référence écologique,<br />

au sein des secteurs concernés, sur la flore, l avifaune et l ichtyofaune. Ces trois<br />

compartiments biologiques constituent ainsi <strong>les</strong> descripteurs écologiques utilisés pour le<br />

modèle. Une étude de terrain réalisée en 2006 a ainsi permis de pro<strong>du</strong>ire d une part des<br />

cartographies d habitats et d espèces remarquab<strong>les</strong> pour chacun de ces groupes et d autre<br />

part des cartographies d enjeux écologiques, qui seront utilisées lors des étapes<br />

ultérieures.<br />

o Etape 2 : construction d un modèle prédictif des impacts écologiques des aménagements<br />

sur le milieu naturel :<br />

La seconde étape, en cours de réalisation, vise à construire un modèle prédictif<br />

anticipant la réaction des compartiments biologiques suivant <strong>les</strong> différents scénarii<br />

d aménagement hydraulique. Pour ce faire, <strong>les</strong> descripteurs écologiques seront confrontés<br />

aux paramètres agrico<strong>les</strong>, paysagers et hydrauliques (à savoir <strong>du</strong>rée et hauteur de<br />

submersion). L objectif est de mettre en exergue <strong>les</strong> variab<strong>les</strong> explicatives, c'est-à-dire <strong>les</strong><br />

facteurs qui ont une influence significative sur la présence des descripteurs écologiques.<br />

Cette démarche de modélisation con<strong>du</strong>ira à la pro<strong>du</strong>ction de cartographies prédictives des<br />

communautés végéta<strong>les</strong> et anima<strong>les</strong> atten<strong>du</strong>es suite aux aménagements proposés et donc à<br />

l évaluation des impacts des aménagements hydrauliques sur ces communautés.<br />

Le travail étant en cours de réalisation actuellement, seule la démarche retenue et le<br />

type de résultats atten<strong>du</strong>s sont présentés ici, tant pour le volet diagnostic <strong>du</strong> milieu naturel que<br />

pour le volet modélisation.<br />

2. Description de la zone d étude<br />

La zone d étude est constituée de sept entités, qui sont majoritairement situées dans<br />

le département de la Meuse et très ponctuellement dans <strong>les</strong> Ardennes. El<strong>les</strong> sont réparties<br />

entre Void-Vacon (55) au sud et Mouzon (08) au nord.<br />

Ces sept entités correspondent aux sept ouvrages qui sont envisagés dans la vallée de<br />

la Meuse. Sont concernés <strong>les</strong> ouvrages de Mouzon, Dun-sur-Meuse, Consenvoye, Dieue-sur-<br />

Meuse, Tilly-sur-Meuse, Saint-Mihiel et Void.<br />

Au total, ce sont près de 3900 ha qui ont fait l objet de prospections. Les zones<br />

d études correspondent en fait à tout secteur en amont d une ZRDC où une surcôte est<br />

atten<strong>du</strong>e dans le cas d une crue centennale.<br />

Longue de plus de 900 km, la Meuse prend sa source sur le plateau de Langres (en<br />

Haute-Marne), elle franchit entre autres Neufchâteau, Ver<strong>du</strong>n, Sedan puis Charleville-<br />

Mézières avant d arriver en Belgique. Elle parcourt ainsi près de 490 km en France. Une<br />

partie de son cours, entrecoupé de canaux, est navigable (de Givet à Saint-Mihiel).<br />

La Meuse est un département rural. Le fleuve coule dans une vallée élargie. Le lit<br />

majeur constitue ainsi une large plaine où la Meuse serpente et décrit de nombreux méandres.<br />

Essentiellement composé d écosystèmes prairiaux, le lit majeur n est ponctué que de<br />

quelques éléments boisés. Le paysage a été façonné depuis des sièc<strong>les</strong> principalement par<br />

l exploitation agricole. Cette exploitation agricole est restée pendant très longtemps<br />

traditionnelle. Malgré une intensification des pratiques agrico<strong>les</strong> depuis ces dernières<br />

décennies, le lit majeur reste encore dominé par <strong>les</strong> milieux ouverts prairiaux.<br />

111


La dominance de ces écosystèmes prairaux et pâturés s expliquent par <strong>les</strong><br />

inondations de la Meuse, qui rythment l usage agricole de la vallée. Les exploitations<br />

agrico<strong>les</strong> qui bordent la vallée sont ainsi essentiellement des exploitations d élevage (plus de<br />

90%) (Chambre d agriculture de la Meuse, 2006).<br />

Les cultures sont peu présentes dans le paysage, seu<strong>les</strong> quelques parcel<strong>les</strong> cultivées<br />

ponctuent le lit majeur (essentiellement <strong>du</strong> maïs, qui se prête le mieux à une exploitation en<br />

plaine inondable).<br />

C est pourquoi la Meuse et ses prairies sont aujourd hui encore dotées d une forte<br />

valeur écologique, tant d un point de vue floristique que faunistique, notamment<br />

avifaunistique. Parmi <strong>les</strong> espèces d oiseaux nicheurs <strong>les</strong> plus remarquab<strong>les</strong>, on citera<br />

notamment le Courlis cendré (Numenius arquata), le Tarier des prés (Saxicola rubetra) et le<br />

Râle des genêts (Crex crex).<br />

En fait, la vallée de la Meuse abrite des prairies alluvia<strong>les</strong> dont le déterminisme est<br />

étroitement lié au fonctionnement hydraulique de la vallée et à leur mode d exploitation. Ces<br />

milieux présentent un intérêt écologique très fort.<br />

3. Démarche retenue<br />

3.1. Etape 1 : réalisation d un état de référence des zones d étude<br />

La description de l état initial des zones d études répond à deux objectifs :<br />

- recueillir <strong>les</strong> données nécessaires à la construction <strong>du</strong> modèle (synthèse des données<br />

bibliographiques et expertises de terrain),<br />

- estimer <strong>les</strong> enjeux écologiques des zones concernées par le projet (avant la mise en<br />

uvre des aménagements).<br />

Les descripteurs écologiques sont retenus : la flore et <strong>les</strong> habitats, l avifaune et<br />

l ichtyofaune.<br />

Volet Flore et Habitats<br />

La description <strong>du</strong> compartiment végétal a été réalisée suivant plusieurs approches :<br />

- réalisation de 240 relevés phytosociologiques, suivant la méthode de Braun-Blanquet<br />

(1964),<br />

- cartographie des habitats des zones d étude, suivant la codification CORINE Biotopes<br />

(Bissardon et al., 1997),<br />

- recherche des espèces remarquab<strong>les</strong> et invasives. La définition des espèces<br />

remarquab<strong>les</strong> est basée sur Terrisse et Caupenne (1992), auxquel<strong>les</strong> sont ajoutées <strong>les</strong><br />

espèces mentionnées dans Vernier (2001) comme étant très rares en Lorraine. La<br />

définition des espèces invasives est quant à elle basée sur <strong>les</strong> travaux d Aboucaya<br />

(1999).<br />

Les expertises floristiques ont été réalisées de mai à septembre 2006.<br />

A l issue de ces expertises, différents jeux de données ont été pro<strong>du</strong>its et sont<br />

exploitab<strong>les</strong> pour l étape de modélisation. Tout d abord, la matrice des 240 relevés a été<br />

utilisée pour affiner la description des habitats rencontrés sur <strong>les</strong> zones d études. Ces relevés<br />

ont été confrontés à la littérature, et notamment aux nombreux travaux de l université de Metz<br />

portant sur <strong>les</strong> différentes vallées alluvia<strong>les</strong> <strong>du</strong> nord-est de la France (Grévilliot 1996 et<br />

Muller et al. 2000, entre autres).<br />

112


Cette matrice de relevés est également un outil de base pour la construction <strong>du</strong><br />

modèle (cf. Etape 2).<br />

Différentes bases de données complètent <strong>les</strong> résultats. Une base de données « espèces<br />

remarquab<strong>les</strong> » a été construite. Y sont notamment spécifiés <strong>les</strong> différentes espèces<br />

remarquab<strong>les</strong> recensées, leur statut, leur localisation ainsi que <strong>les</strong> effectifs rencontrés.<br />

De la même manière, une base de données « espèces invasives » a été construite.<br />

Concernant la base de données « habitats », elle renseigne, pour chaque polygone<br />

cartographié sur le terrain, différentes informations, qui permettent d une part sa description<br />

phytosociologique et d autre part l évaluation de l enjeu écologique qui lui est associé. Ainsi<br />

cette base contient <strong>les</strong> catégories suivantes : dénomination de l habitat, code CORINE<br />

Biotopes, Code Natura 2000 (si l habitat est reconnu d intérêt communautaire au titre de la<br />

directive Habitats/Faune/Flore), état de conservation, si l habitat abrite des espèces protégées<br />

ou au contraire des espèces invasives, si l habitat est déterminant ZNIEFF (suivant DIREN<br />

Lorraine, 2006), si l habitat est caractéristique de la vallée inondable, si il est artificialisé et<br />

son niveau de rareté au sein de la zone d étude.<br />

L ensemble de ces critères a permis la définition d une cotation qui se tra<strong>du</strong>it par un<br />

niveau d enjeu floristique. Plusieurs catégories sont retenues : enjeux floristiques très fort,<br />

fort, moyen et faible.<br />

L ensemble de ces informations a fait l objet de différents ren<strong>du</strong>s, sous forme de<br />

tableaux synthétiques et de cartographies (notamment cartographies des habitats, des espèces<br />

remarquab<strong>les</strong>, des espèces invasives et des enjeux floristiques de la zone d étude).<br />

3.1.1. Volet Avifaune<br />

La description des cortèges avifaunistiques a été réalisée suivant plusieurs<br />

approches :<br />

- Inventaire de l avifaune nicheuse, présente <strong>du</strong>rant la saison de nidification :<br />

Recensement des oiseaux chanteurs par la méthode des points d écoute<br />

(réalisation de 240 relevés), protocole adapté à partir de la méthode des IPA<br />

(Blondel et al., 1970),<br />

prospections complémentaires<br />

sorties nocturnes<br />

- Inventaire de l avifaune migratrice et hivernante, présente <strong>du</strong>rant la période<br />

internuptiale, via des prospections diurnes.<br />

Les expertises ornithologiques ont été réalisées entre février 2006 et février <strong>2007</strong>.<br />

De la même manière que pour la flore, <strong>les</strong> recensements avifaunistiques ont permis le<br />

recueil de nombreuses données, qui ont été intégrées à une base de données « avifaune ».<br />

Cette base de données constitue d une part la matrice de base pour la construction <strong>du</strong> modèle<br />

prédictif et d autre part, elle permet la définition des enjeux ornithologiques des différentes<br />

zones d études.<br />

3.1.2. Volet Ichthyofaune<br />

La première phase <strong>du</strong> volet ichthyofaune a visé à définir <strong>les</strong> espèces cib<strong>les</strong>. Ont été<br />

retenus le Brochet et la Loche d étang. Le travail de terrain a alors consisté à évaluer la<br />

qualité des habitats de ces espèces cib<strong>les</strong> en situation de référence.<br />

113


Pour le Brochet, l évaluation des fonctionnalités des populations pour l ensemble des<br />

phases de son cycle de vie (à savoir repro<strong>du</strong>ction, stades uf, larvaire, juvénile et a<strong>du</strong>lte) a été<br />

réalisée par une approche physique <strong>du</strong> cours d eau [indice de conformité d Inskip (Inskip,<br />

1982)].<br />

La méthode de l indice de conformité d Inskip est basée sur trois principa<strong>les</strong><br />

variab<strong>les</strong> : surface de la végétation hélophytique et prairiale (frayère, potentiel de<br />

repro<strong>du</strong>ction) ; surface de la végétation macrophytique (capacité d accueil) et stabilité des<br />

niveaux d eau dans <strong>les</strong> frayères (efficacité des frayères potentiel<strong>les</strong> à Brochet).<br />

Pour la Loche d étang, une comparaison de la cartographie des habitats optimaux de<br />

l espèce sur <strong>les</strong> zones d étude avec ses préférences d habitats connues dans la littérature<br />

scientifique a été effectuée.<br />

Les expertises piscico<strong>les</strong> ont été réalisées entre avril 2006 et avril <strong>2007</strong>.<br />

Concernant la problématique <strong>du</strong> brochet, la collecte de données s est articulée<br />

suivant différentes phases : établissement d une cartographie précise des sites potentiels de<br />

repro<strong>du</strong>ction de l espèce, établissement d une cartographie précise de la végétation aquatique<br />

et établissement d une topographie fine sur un échantillon représentatif et stratifié de frayèrestests<br />

identifiées au préalable.<br />

Ces différents jeux de données ont ensuite été confrontés aux paramètres<br />

hydrauliques.<br />

Afin de permettre un calcul automatique des indices, l ensemble des données<br />

collectées pendant <strong>les</strong> inventaires de terrain ainsi que <strong>les</strong> paramètres hydrauliques ont été<br />

intégrés dans une géodatabase unique. Ce système permet entre autre la gestion de différentes<br />

bases de données. Ces différentes bases de données sont liées par un schéma de relation et un<br />

système de requêtes afin de réaliser automatiquement <strong>les</strong> calculs nécessaires à l élaboration<br />

des indices.<br />

Cette géodatabase a permis la définition des différents indices pour chacune des<br />

ZRDC.<br />

Concernant la Loche d étang, le travail a consisté essentiellement en une phase de<br />

terrain, qui a permis d identifier différents sites comme potentiellement favorab<strong>les</strong> à la Loche<br />

d étang.<br />

Ces différents jeux de données piscico<strong>les</strong> ont ensuite été utilisés pour définir <strong>les</strong><br />

enjeux piscico<strong>les</strong>. Comme pour <strong>les</strong> autres groupes, <strong>les</strong> bases de données ont permis la<br />

réalisation de cartographie des enjeux piscico<strong>les</strong>.<br />

3.1.3. Synthèse des enjeux<br />

Les résultats issus des prospections et des analyses inhérentes à chaque groupe<br />

écologique ont été exploités afin de créer une dernière base de données, nommée « enjeux<br />

écologiques ». Dans cette base, sont synthétisés l ensemble des enjeux floristiques,<br />

avifaunistiques et piscico<strong>les</strong>. La confrontation de ces trois résultats a permis la définition des<br />

enjeux écologiques globaux. L approche utilisée pour la construction de cette base<br />

synthétique est additive, mais non soustractive. Ainsi l enjeu maximal est retenu, quelque soit<br />

le groupe écologique concerné. Par exemple, si un secteur présente un enjeu fort pour la flore<br />

mais faible pour l avifaune et <strong>les</strong> poissons, l enjeu global est défini comme fort, et non pas<br />

moyen. On retient ainsi toujours l enjeu maximal attribué.<br />

Comme précédemment, cette base de données a permis l élaboration de cartes<br />

synthétiques qui présentent <strong>les</strong> enjeux écologiques pour chacune des ZRDC.<br />

114


3.2. Etape 2 : Construction d un modèle prédictif des impacts écologiques des<br />

aménagements sur le milieu naturel<br />

3.2.1. Contexte théorique<br />

Les prairies alluvia<strong>les</strong> constituent des écosystèmes particuliers <strong>du</strong> fait de l alternance<br />

de périodes de submersion et d exondation. La <strong>du</strong>rée des inondations, le plus souvent<br />

hiverna<strong>les</strong>, conditionne la différentiation <strong>du</strong> tapis herbacé <strong>du</strong> système prairial. Il s avère donc<br />

que la végétation de ces milieux herbacés est directement orientée par le facteur hydrique en<br />

relation directe avec <strong>les</strong> inondations et la microtopographie <strong>du</strong> lit majeur. Un autre facteur agit<br />

également sur la composition floristique de tels milieux, il s agit <strong>du</strong> facteur anthropique. Bien<br />

que pris en compte dans le cadre de cette étude, ce facteur ne sera pas développé ici.<br />

Différents travaux réalisés par l université de Metz ont mis en évidence la<br />

structuration des groupements végétaux le long <strong>du</strong> gradient hydrique (figure 1). Les<br />

communautés végéta<strong>les</strong> subissent en effet des <strong>du</strong>rées d inondation et des fluctuations de la<br />

nappe d ampleurs différentes.<br />

Ainsi, au niveau topographique le plus élevé, <strong>les</strong> prairies sèches à Colchique<br />

d automne (Colchico-Festucetum pratensis) sont rarement inondées. Ce groupement prairial<br />

est dominé par des graminées tel<strong>les</strong> que Avenula pubescens, Arrhenatherum elatius et des<br />

espèces mésophi<strong>les</strong>, tel<strong>les</strong> que Sanguisorba minor, Colchicum autumnale.<br />

A un niveau intermédiaire, <strong>les</strong> prairies moyennement humides à Séneçon aquatique<br />

(Senecioni-Oenanthetum mediae) occupent de larges surfaces (en moyenne, plus de 85% des<br />

écosystèmes prairiaux de la plaine) et sont fréquemment inondées. Ce groupement végétal est<br />

également dominé par <strong>les</strong> graminées, tel<strong>les</strong> que Phleum pratense, Festuca pratensis. Les<br />

espèces mésophi<strong>les</strong> (Lotus corniculatus, Trifolium pratense) et mésohygrophi<strong>les</strong> (Senecio<br />

aquaticus, Achillea ptarmica) caractérisent cette association.<br />

Les prairies humides à Oenanthe fistuleuse (Gratiolo-Oenanthetum fistulosae) sont<br />

situées au niveau topographique le plus bas et sont le plus longuement inondées. Les espèces<br />

hygrophi<strong>les</strong> (Myosotis scorpioides, Mentha aquatica) et <strong>les</strong> hélophytes (Iris pseudacorus,<br />

Carex acutiformis) caractérisent ce groupement prairial.<br />

La figure 2 illustre un exemple des relations entre <strong>les</strong> groupements prairiaux, le<br />

gradient topographique et le niveau hydrique.<br />

Figure 1 : Illustration d une toposéquence de succession végétale classiquement observée en<br />

Vallée de la Meuse (source : Muller et al., 2000)<br />

115


Figure 2 : Relations entre <strong>les</strong> communautés végéta<strong>les</strong> et le niveau d eau pendant l hiver 1994/95<br />

(d après Grévilliot, 1996)<br />

250<br />

200<br />

150<br />

100<br />

50<br />

0<br />

23/11<br />

20/12<br />

13/01<br />

26/01<br />

07/02<br />

3.2.2. Hypothèses de travail<br />

Sur la base des relations présentées ci-dessus, il convient de s interroger sur <strong>les</strong><br />

conséquences des modifications des <strong>du</strong>rées de submersion de ces écosystèmes prairiaux,<br />

atten<strong>du</strong>es suite à la mise en uvre des ouvrages. La question à laquelle doit répondre le<br />

modèle est la suivante : <strong>les</strong> modifications des <strong>du</strong>rées de submersion atten<strong>du</strong>es dans le cadre<br />

des ZRDC sont el<strong>les</strong> de nature à modifier <strong>les</strong> cortèges floristiques des prairies ? Par exemple,<br />

le cortège floristique d une prairie mésohygrophile, sera-t-il modifié suite à la mise en uvre<br />

de l ouvrage et va-t il évoluer vers un cortège de prairie hygrophile ?<br />

De la même manière, si on note une modification des cortèges floristiques, <strong>les</strong><br />

cortèges faunistiques associés seront-ils modifiés ?<br />

3.2.3. Démarche retenue pour la construction des modè<strong>les</strong><br />

3.2.3.1. Volet flore, habitats et avifaune<br />

Dans un premier temps, le travail consiste à confronter <strong>les</strong> jeux de données<br />

écologiques avec <strong>les</strong> paramètres hydrauliques, calculés avant aménagement (état initial) afin<br />

de construire et valider un modèle explicatif d occurrence des habitats et des espèces<br />

remarquab<strong>les</strong>.<br />

Cette étape s attache à détailler <strong>les</strong> relations qui lient <strong>les</strong> descripteurs écologiques à<br />

certaines variab<strong>les</strong> explicatives (tel<strong>les</strong> que hauteurs, <strong>du</strong>rées de submersion). Dans l état initial<br />

(situation actuelle avant projet), ces relations peuvent être décrites par régression logistique, et<br />

la pertinence de chaque variable explicative peut être évaluée sur la base de tests statistiques.<br />

Seront ainsi éliminées certaines variab<strong>les</strong> hydrauliques, qui manifestement n influent pas sur<br />

la présence de certaines espèces végéta<strong>les</strong>, d oiseaux, ou de certains habitats. A l inverse, <strong>les</strong><br />

tests statistiques permettront de mettre en évidence <strong>les</strong> facteurs qui ont une influence<br />

significative sur la présence des descripteurs écologiques (exemple hypothétique : <strong>du</strong>rée<br />

moyenne de submersion en mars). Les variab<strong>les</strong> explicatives finalement retenues pourront<br />

être agrégées par régression logistique multiple (Lehman et al., 2002; Manel et al., 1999). Les<br />

résultats de cette modélisation consistent donc en des équations qui lient la probabilité de<br />

présence d un descripteur écologique à la valeur de différentes variab<strong>les</strong> explicatives.<br />

23/02<br />

116<br />

08/03<br />

22/03<br />

05/04<br />

Prairie mésophile Prairie mésohygrophile Prairie hygrophile<br />

26/04


Dans un second temps, <strong>les</strong> jeux de données écologiques seront confrontés aux<br />

paramètres hydrauliques à l état projet (c est-à-dire après la mise en place des ZRDC)<br />

calculés sur la base d un modèle hydraulique. Il résultera de cette étape un modèle des<br />

données écologiques atten<strong>du</strong>es, à l état projet.<br />

La dernière phase de la construction d un modèle réside dans sa validation, qui pourra se faire<br />

par validation croisée au sein de l échantillonnage des 7 ZRDC (« cross-validation » sur<br />

données indépendantes). Des indices d évaluation des modè<strong>les</strong> pro<strong>du</strong>its seront ensuite<br />

calculés et permettront d éliminer <strong>les</strong> modè<strong>les</strong> <strong>les</strong> moins pertinents pour ne retenir que <strong>les</strong><br />

modè<strong>les</strong> <strong>les</strong> plus efficaces à l usage.<br />

Il sera ainsi possible de pro<strong>du</strong>ire une cartographie prédictive des secteurs de présence<br />

potentielle des communautés végéta<strong>les</strong> et des espèces végéta<strong>les</strong> ou aviennes remarquab<strong>les</strong>, en<br />

fonction de différents scénarii d aménagements. Ce ren<strong>du</strong> cartographique rend possible<br />

l évaluation qualitative et quantitative des impacts des aménagements hydrauliques sur <strong>les</strong><br />

espèces et habitats concernés par <strong>les</strong> législations réglementant <strong>les</strong> atteintes portées à<br />

l environnement.<br />

3.2.3.2. Volet ichtyofaune<br />

Concernant le Brochet, la mission de modélisation n est pas dissociable de l étape 1,<br />

qui est déjà en elle-même un travail de modélisation de la fonctionnalité des frayères à l état<br />

initial. Afin de mener à bien cette étape, il s agit d utiliser <strong>les</strong> paramètres hydrauliques<br />

calculés à l état projet et de tester leur influence sur la fonctionnalité des frayères. Ce travail<br />

est réalisé, de la même manière que lors de l étape 1, grâce à l indice Inskip.<br />

Concernant la Loche d étang, l évaluation des impacts sera obtenue directement par<br />

comparaison de la surface des habitats optimaux à l état projet et à l état initial, qui sera une<br />

des sorties <strong>du</strong> modèle flore / habitats.<br />

4. Premières conclusions et perspectives<br />

Bien que l étude soit toujours en cours de réalisation actuellement, un premier bilan<br />

peut être tiré de ce travail.<br />

Concernant l étape 1, la réalisation de l état de référence a permis de confirmer le<br />

fort intérêt écologique des secteurs concernés, et ce pour <strong>les</strong> trois descripteurs appréhendés<br />

dans le cadre de cette étude. Cependant, bien que la littérature soit riche sur cette vallée, ce<br />

travail de terrain a également permis de mettre en exergue de nouvel<strong>les</strong> données. Par exemple,<br />

de nombreuses nouvel<strong>les</strong> stations botaniques d espèces végéta<strong>les</strong> protégées ont été<br />

découvertes au cours de ces prospections.<br />

Concernant l étape 2, la démarche présentée sera réitérée pour chaque espèce et<br />

habitat remarquable identifiés au cours de l étape 1. Cela permettra ainsi l évaluation des<br />

variations, qu el<strong>les</strong> soient positives ou négatives, quant aux potentialités d occurrence des<br />

habitats et des espèces remarquab<strong>les</strong> sur chacune des ZRDC étudiées.<br />

Cependant, cette étude comporte plusieurs limites. Tout d abord, seuls quelques<br />

groupes écologiques sont appréhendés. Il aurait été intéressant d inclure dans ce programme<br />

d autres groupes faunistiques, notamment l herpétofaune et l entomofaune. A noter que la<br />

présente étude n entre pas dans un cadre réglementaire. L ensemble des différents groupes<br />

faunistiques classiquement étudiés dans le cadre d une étude d impact sera étudié dès lors que<br />

<strong>les</strong> projets feront l objet d études réglementaires.<br />

Par ailleurs, dans le cadre de cette étude, seu<strong>les</strong> <strong>les</strong> zones amont sont prises en<br />

compte. En effet, le travail de terrain et la modélisation ne portent que sur <strong>les</strong> secteurs qui font<br />

l objet d un surstockage. Il serait pourtant très intéressant d évaluer <strong>les</strong> conséquences<br />

écologiques atten<strong>du</strong>es en aval des ouvrages.<br />

117


Enfin, de manière générale, rappelons que la modélisation <strong>du</strong> milieu naturel peut<br />

s avérer difficile. Les informations issues <strong>du</strong> modèle permettront de statuer sur <strong>les</strong><br />

probabilités d occurrence des espèces et des habitats. Mais il conviendra de s interroger sur<br />

<strong>les</strong> différents facteurs qui conditionneront <strong>les</strong> patrons de distribution des espèces (dynamique<br />

des populations, capacité de dispersion, de recolonisation et d installation des espèces,<br />

compétition interspécifique, ).<br />

Aussi, parallèlement à cette étude de modélisation, un suivi diachronique a été initié<br />

par l EPAMA sur la ZRDC de Mouzon, où l ouvrage est en cours de construction. L objectif<br />

de ce suivi in situ est de décrire et analyser <strong>les</strong> modifications effectives <strong>du</strong> milieu naturel suite<br />

à la mise en place de l ouvrage.<br />

Il sera ainsi possible de confronter <strong>les</strong> distributions potentiel<strong>les</strong> prédites par le<br />

modèle avec <strong>les</strong> distributions réel<strong>les</strong>, observées sur le terrain.<br />

5. Bibliographie<br />

Aboucaya A., 1999. Premier bilan d'une enquête nationale destinée à identifier <strong>les</strong> xénophytes<br />

invasifs sur le territoire français (Corse comprise). Actes <strong>du</strong> colloque "Les plantes<br />

menacées de France", Brest, 15-17 octobre 1997. Bull. Sco. Bot. Centre Ouest. N.S., n°<br />

spécial, 19. 463-482.<br />

Bissardon M., Guibal L. & Rameau J.C. 1997. CORINE Biotopes. Version originale. Types<br />

d habitats français. ENGREF. Atelier Technique des Espaces Naturels. 179 p.<br />

Blondel J., Ferry C. & Frochot B. 1970. La méthode des indices ponctuels d abondance<br />

(I.P.A.) ou des relevés par "stations d écoutes". Alauda 38 : 55-71.<br />

Braun-Blanquet J. 1964. Pflanzensoziologie. 3rd ed. Springer, Wien.<br />

Chambre d Agriculture de la Meuse. 2006. Enquête agricole préalable à la rédaction <strong>du</strong><br />

document d objectifs. Site FR 4112008 ZPS de la Vallée de la Meuse. 15 p + annexes +<br />

cartes.<br />

DIREN Lorraine. 2006. Modernisation des ZNIEFF en Région Lorraine. Espèces et habitats<br />

déterminants de Lorraine. Rapport DIREN Lorraine. 84p.<br />

Grévilliot F. 1996. Les écosystèmes prairiaux de la plaine alluviale de la Meuse lorraine :<br />

Phytosociologie, dynamique et fonctionnement, en relation avec <strong>les</strong> gradients hydriques et<br />

<strong>les</strong> modifications des pratiques agrico<strong>les</strong>. Laboratoire de Phytoécologie. Université de<br />

Metz. 217 p. + annexes.<br />

Inskip P. D. 1982. Habitat suitability index models : Northern Pike. Biological Service<br />

Program and Division of Ecological Services, Fish ans Wildlife Service FWS/OBS-<br />

82/10.17 july 1982, 40 p.<br />

Lehman A., Overton J.McC. & Austin, M.P. 2002. Regression models for spatial prediction :<br />

their role for biodiversity and conservation. Biodiversity and Conservation 11 : 2085-<br />

2092.<br />

Manel S., Dias J.M. & Ormerod S.J. 1999. Comparing discriminant analysis, neural networks<br />

and logistic regression for predicting species distributions: a case study with a Himalayan<br />

river bird. Ecological Modelling 120 : 337-347.<br />

Muller S., Branciforti J., Corbonnois J., Grandet G., Grévilliot F., Jager C., Krebs L., Mony<br />

F., Mony J.F., Selinger-Looten R. & Vécrin M.P. 2000. Biodiversité et fonctionnement<br />

des écosystèmes prairiaux inondab<strong>les</strong> des vallées alluvia<strong>les</strong> dans le Nord-est de la France.<br />

Application à leur gestion conservatoire et restauration. Programme National de<br />

Recherche sur <strong>les</strong> Zones Humides. Ministère de l Aménagement <strong>du</strong> Territoire et de<br />

l Environnement. Agence de l Eau Rhin-Meuse. Région Lorraine. 139 p.<br />

Terrisse J. & Caupenne M. 1992. OGAF-Environnement canton de Marennes (17). Etude<br />

écologique préalable. Ministère de l Environnement. DIREN Poitou-Charentes, LPO. 38 p.<br />

Vernier F. 2001. Nouvelle Flore de Lorraine. 544 p. Kruch Editeur.<br />

118


Evolution générale de la flore de Flandre (Belgique) entre<br />

1939-1971 et 1972-2004 : évaluation des changements en tenant<br />

compte de l intensité d inventaire.<br />

Wouter Van Lan<strong>du</strong>yt, INBO, Rue <strong>du</strong> Clinique 25, B-1070 Bruxel<strong>les</strong>,<br />

wouter.vanlan<strong>du</strong>yt@inbo.be<br />

Ivan Hoste, Jardin botanique national de Belgique, Domein van Bouchout, B-1860 Meise<br />

Leo Vanhecke, Jardin botanique national de Belgique, Domein van Bouchout, B-1860 Meise<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

La région de Flandre ensemble avec la région Capital Bruxelloise est une région de<br />

13692 km². Cette région se trouve presque complètement dans le domaine phytogéographique<br />

Atlantique et il ya peut de variation d altitude (max. hauteur 287m) et de variations<br />

climatologiques. L occupation <strong>du</strong> sol est dominée par l agriculture et <strong>les</strong> urbanisations.<br />

Le début de la cartographie systématique de la flore en Belgique en générale et en<br />

Flandre en particulier se situe en 1939 quand Emile van Rompaey mis au point un système<br />

d inventaire au base d un maillage des kilomètres carrées sur toute le territoire de la Belgique.<br />

Avec des bordereaux des plantes la présence de toutes <strong>les</strong> espèces de plantes sauvages dans<br />

chaque maille doit être notée. En 1972 cette recherche résulte dans l Atlas de la Flore Belge et<br />

Luxembourgeoise (Van Rompaey & Delvosalle 1972). Dans cet atlas la distribution des<br />

espèces est présentée avec une maille de 16 km². Depuis la publication de cette atlas la<br />

cartographie de la flore en Belgique en générale en en Flandre en particulier continue avec la<br />

même méthodologie. En Flandre, depuis le début de 1995 la recherche floristique est<br />

coordonnée par l association Flo.Wer. Une des objectifs de cette nouvelle association dans le<br />

temps était de publier un nouvel atlas pour la Flandre. En 2006 cette objectif est réalisée par<br />

la publication de l Atlas de flore de la Flandre et de la région Bruxelloise (Van Lan<strong>du</strong>yt et al.<br />

2006).<br />

Méthodologie pour évaluer <strong>les</strong> changements de la distribution des espèces<br />

La réalisation de l Atlas de la flore vasculaire (1417 espèces) de Flandre et de<br />

Bruxel<strong>les</strong> a permis de comparer deux périodes de cartographie (1939-1971 et 1972-2004)<br />

(Hoste et al. 2006). En effet, le territoire de la Flandre a été cartographié pendant ces deux<br />

périodes (33 ans chacune) selon une méthode similaire, et pour toutes <strong>les</strong> mail<strong>les</strong> de synthèse<br />

(4 x 4 km) <strong>du</strong> réseau cartographique.<br />

Toutefois, <strong>les</strong> résultats des deux périodes ne sont pas faci<strong>les</strong> à comparer <strong>du</strong> fait d un<br />

inventaire plus intensif en 1972-2004 qu en 1939-1971. Pendant la première période, la<br />

plupart des mail<strong>les</strong> de 16 km² n avaient été prospectées que pour 1-3 unités de base (1km²),<br />

tandis que lors de la deuxième période au moins 4 unités de 1km² ont été prospectées dans<br />

presque toutes <strong>les</strong> mail<strong>les</strong> de 16 km² (avec même plus de 8 unités de 1 km² pour la moitié des<br />

mail<strong>les</strong>). Du fait de cet inventaire plus approfondi, le nombre moyen d espèces par carré de 4<br />

x 4 km a augmenté de 250 à 350. Même si l aire globale de la distribution des espèces n a pas<br />

changé, cel<strong>les</strong>-ci sont souvent mieux représentées dans la deuxième période. Pour pouvoir<br />

faire la distinction entre <strong>les</strong> changements réels de la flore en Flandre et l effet d intensité<br />

d inventaire, nous avons calculé le changement relatif de chaque espèce en le comparant avec<br />

le comportement de l ensemble des espèces (Telfer et al. 2002), celui-ci étant estimé par la<br />

relation entre le nombre des mail<strong>les</strong> de 16 km² occupés par <strong>les</strong> espèces pour <strong>les</strong> deux périodes<br />

(Fig. 1). La régression mesure l effet d intensité d inventaire. La valeur rési<strong>du</strong>elle des points<br />

(<strong>les</strong> espèces) vis-à-vis de la ligne de régression indique le changement réel (indice de<br />

changement). Un inventaire plus intensif a relativement moins d effet quand <strong>les</strong> espèces sont<br />

très communes ou très rares (Fig. 2).<br />

119


Pour chaque espèce on peut donc calculer un indice de changement. Ces indices<br />

varient entre +6.06 et -3.13. Le zéro indice qu il n y a pas de changements relatifs au<br />

changement général.<br />

période 1972-2004<br />

6<br />

4<br />

2<br />

0<br />

-2<br />

-4<br />

-6<br />

y = 1.0726x + 0.7858<br />

R 2 = 0.8606<br />

-8<br />

-6 -4 -2 0 2 4<br />

période 1939-1971<br />

Fig. 1: Relation entre le nombre de carrés IFBL occupés par espèce en 1939-71 et en 1972-<br />

2004. (transformation logit des variab<strong>les</strong> ; n = 857 sp.)<br />

nombre de carrés expectées dans la periode 1972-2004<br />

1000<br />

900<br />

800<br />

700<br />

600<br />

500<br />

400<br />

300<br />

200<br />

100<br />

0<br />

0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000<br />

Nombre de carrés dans la période 1939-1971<br />

Fig. 2 : Relation entre le nombre de carrés IFBL occupés par <strong>les</strong> espèces en 1939-72 et le<br />

nombre des carrés atten<strong>du</strong>s en 1972-2004.<br />

120


Expansion et régression : résultats<br />

Expansion<br />

Parmi <strong>les</strong> 100 espèces qui ont expansé le plus fort 83 sont des néophytes, beaucoup<br />

plus que la portion des néophytes de toutes <strong>les</strong> espèces traitées dans l atlas (19 %). Entre ces<br />

100 espèces la moitié est des espèces qui ont été intro<strong>du</strong>ite dans notre région comme des<br />

plantes des jardins (Solidago gigantea, Heracleum mantegazium, Buddleja davidii). Autres<br />

néophytes en expansion sont intro<strong>du</strong>ite dans la région de Flandre par le transport des pro<strong>du</strong>its<br />

d agriculture (grains, aliments <strong>du</strong> bétail, laine) comme Coronopus didydymus (fig. 3) et<br />

Senecio inaequidens. Une groupe particulier sont <strong>les</strong> espèces associé a la culture <strong>du</strong> mais<br />

(Echinochloa muricata, Panicum dichotomiflorum, Setaria faberi, Setaria verticillata).<br />

Un autre groupe d espèces en expansion sont certaines espèces des milieux salins<br />

(Cochlearia danica,<br />

Puccinellia distans) qui sont plus limitées à des endroits à coté de la mer <strong>du</strong> Nord<br />

mais poussent également aux bords des autoroutes et d autres grand routes ou on utilise<br />

fréquemment le sel d épandage pendant l hiver.<br />

Fig. 3: Expansion de Coronopus didymi<strong>du</strong>s. Distribution dans la période 1939-1971 : carrés gris ;<br />

distribution dans la période 1972-2004 : point noirs.<br />

Régression<br />

Parmi <strong>les</strong> 100 espèces qui ont régressé <strong>les</strong> plus 8 espèces sont des archéophytes, 88<br />

des plantes indigènes, plus que leur proportion dans la totalité des espèces (5% et 75%). Des<br />

néophytes figurent presque pas dans ces 100 espèces, seulement 3 espèces (Lolium remotum,<br />

Camelina alyssum et Cuscuta epilinum) qui sont lié à la culture <strong>du</strong> lin qui a largement<br />

disparue dans cette région. Entres <strong>les</strong> archeophytes en régression il y a pas mal d espèces des<br />

cultures de blé (Centaurea cyanus, Ranunuculus arvensis (fig. 4), Delia segetalis).<br />

Les plus grands déclins des espèces indigènes se situent parmi <strong>les</strong> espèces des<br />

milieux oligotrophes, acides ou alcalins (landes, pelouses acides, étangs acides et<br />

oligotrophes, bas-marais alcalins). Les plantes des biotopes aquatiques ont régressé el<strong>les</strong> aussi<br />

à cause de l eutrophisation de l eau.<br />

121


Fig. 4: Régression de Ranunculus arvensis. Distribution dans la période 1939-1971 : carrés<br />

gris ; distribution dans la période 1972-2004 : point noirs.<br />

Fig. 5: Régression de Liparis loeselii. Distribution dans la période 1939-1971 : carrés gris ;<br />

distribution dans la période 1972-2004 : point noirs.<br />

Changements en rapport avec des valeurs indicatrices d Ellenberg<br />

On a comparé avec un ANOVA <strong>les</strong> indices de changement des différents classes de<br />

valeurs indicatrices de Ellenberg (Ellenberg et al. 1991) pour comparer <strong>les</strong> grandes directions<br />

des changements.<br />

Pour <strong>les</strong> valeurs qui indicent la richesse d azote <strong>du</strong> milieu (coefficient Ellenberg N),<br />

<strong>les</strong> espèces des milieux riches montrent une expansion relative comparée avec <strong>les</strong> espèces des<br />

milieux oligotrophes qui montrent une régression relative.<br />

Pour <strong>les</strong> valeurs de l acidité <strong>du</strong> milieu (coefficient Ellenberg R) <strong>les</strong> espèces des<br />

milieux acides sont en régression comparé aux espèces des milieux neutres et calcaires qui<br />

sont généralement stab<strong>les</strong>.<br />

Les indices des changements pour <strong>les</strong> valeurs de l humidité (coefficient Ellenberg F)<br />

indiquent que <strong>les</strong> espèces aquatiques et ceux des milieux très humides (marais) déclinent<br />

comparé aux autres espèces.<br />

Les indices des changements pour <strong>les</strong> coefficients d Ellenberg pour la lumière<br />

montrent peut de différences entres <strong>les</strong> milieux ombrageux et des milieux plus ouvertes.<br />

Néanmoins, dans certains région écologiques spécifiques comme la région des Dunes le long<br />

de la côte des milieux ouvertes on été largement remplacé par des milieux boisées (Provoost<br />

& Van Lan<strong>du</strong>yt 2001).<br />

122


Conclusion générale<br />

Malgré le fait que le nombre total d espèces en Flandre a augmenté, <strong>les</strong> différences<br />

floristiques entre <strong>les</strong> districts phytogéographiques sont moindres à cause de la disparition des<br />

milieux semi-naturels, de l agriculture intensive et de l expansion des zones d urbanisation.<br />

Le nombre d espèces par carré IFBL a augmenté, mais on a per<strong>du</strong> une partie de la diversité<br />

régionale spécifique. Les espèces en expansion sont surtout des espèces des habitats<br />

anthropogène qui sont en expansion dans une grande partie de l Europe.<br />

Références<br />

Ellenberg, H., Weber, H. E., Düll, R., Wirth, V., Werner, W., Paulißen, D., 1991.<br />

Zeigerwerte von Planzen in Mitteleuropa. Scripta Geobotanica 18, 1-248.<br />

Hoste, I., Van Lan<strong>du</strong>yt, W., Verloove, F., 2006. Landschap en flora in beweging,<br />

19de en 20ste eeuw. In Atlas van de Flora van Vlaanderen en het Brussels Gewest, réd. W.<br />

Van Lan<strong>du</strong>yt et al., pp. 45-67. Instituut voor Natuur- en Bosonderzoek & Nationale<br />

Plantentuin van België.<br />

Provoost, S., Van Lan<strong>du</strong>yt, W., 2001. The flora of the Flemish coastal <strong>du</strong>nes<br />

(Belgium) in a changing landscape. In Coastal <strong>du</strong>ne management, shared experience of<br />

European conservation practice. Proceedings of the European symposium Coastal Dunes of<br />

the Atlantic Biogeographical Region, Southport, northwest England, september 1998, eds. J.<br />

A. Houston, S. E. Edmondson, & P. J. Rooney, pp. 393-401. Liverpool University Press,<br />

Liverpool.<br />

Telfer, M. G., Preston, C. D., Rothery, P., 2002. A general method for measuring<br />

relative change in range size from biological atlas data. Biological Conservation 107, 99-109.<br />

Van Lan<strong>du</strong>yt, W., Hoste, I., Vanhecke, L., Van den Bremt, P., Vercruysse, E., De<br />

Beer, D., 2006. Atlas van de Flora van Vlaanderen en het Brussels Gewest, Instituut voor<br />

natuur- en bosonderzoek, Nationale Plantentuin van België & Flo.Wer, Brussel.<br />

Van Rompaey, E., Delvosalle, L., 1972. Atlas de la Flore Belge et Luxembourgeoise,<br />

Ptéridophytes et Spermatophytes, Jardin Botanique National de Belgique, Meise.<br />

123


Utilisation des images Alsat 1 pour la réalisation d'une carte<br />

d'occupation<br />

<strong>du</strong> sol des milieux semi-arides<br />

Cas de la région des Aurès- Algérie-<br />

Résumé:<br />

BENMESSAOUD H. * KALLA M. * DRIDI H. *<br />

* Laboratoire « Risques Naturels et Aménagement <strong>du</strong> Territoire »<br />

Faculté des sciences -Université El Hadj Lakhdar Batna- Algérie<br />

Email : ha123_m123@yahoo.fr Tél.: 075 98 15 55<br />

L'Algérie avec ses potentialités économiques, compte parmi <strong>les</strong> pays utilisateurs de<br />

l'information spatiale dans divers domaines, notamment dans la cartographie des ressources<br />

naturel<strong>les</strong>.<br />

Dans ce travail, nous allons essayer d'utiliser l'image de la nouvelle génération <strong>du</strong><br />

satellite Algérien Alsat 1(scène datée le 13 Mars 2005 est composée de 3 bandes spectra<strong>les</strong> de<br />

résolution 32m) pour la réalisation d'une carte d'occupation <strong>du</strong> sol et de l'environnement<br />

naturel de la région des Aurès.<br />

A cet effet, une approche méthodologique à été conçue où dans un premier temps, une<br />

composition colorée a été obtenue pour le repérage des échantillons et l'extraction des points<br />

d'appuis: ensuite une correction géométrique à été appliquée sur l'image afin de la<br />

géoréférencer par rapport à la carte topographique.<br />

Dans un second temps, une classification supervisée basée sur la méthode <strong>du</strong><br />

maximum de vraisemblance a été utilisée sur <strong>les</strong> trois canaux d'images. La carte d'occupation<br />

ainsi réalisée par la classification a fait ressortir <strong>les</strong> différents thèmes choisis (13 thèmes) où<br />

<strong>les</strong> grands ensemb<strong>les</strong> se distinguent nettement, caractérisant <strong>les</strong> différentes classes<br />

d'occupation <strong>du</strong> sol de la région.<br />

L'avantage de disposer d'informations récentes sur la région d'étude et d'identifier très<br />

vite <strong>les</strong> grands thèmes en présence et d'appréhender leur éten<strong>du</strong>e.<br />

Mots clés: Images Alsat 1 - Classification <strong>du</strong> maximum vraisemblance carte<br />

d'occupation <strong>du</strong> sol - Les Aurès.<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

Actuellement, <strong>les</strong> zones arides et semi-arides, sont soumises à des pressions<br />

anthropiques importantes dont dépendent fortement <strong>les</strong> phénomènes, parfois irréversib<strong>les</strong>,<br />

de désertification et de dégradation de parcours.<br />

Ces zones nécessitent des inventaires synchroniques et diachroniques de leurs<br />

potentiels biologiques qui s appuient sur une bonne connaissance des ressources en place<br />

et des conditions éco-géographiques.<br />

La gestion efficace de ce patrimoine nécessite, au préalable, la cartographie et<br />

l inventaire des ressources disponib<strong>les</strong>.<br />

En plus de ces données statistiques, il est indispensable d assurer le suivi et la<br />

surveillance de la dynamique <strong>du</strong> milieu <strong>du</strong>e aux changements <strong>du</strong> couvert végétal s opérant<br />

sous l effet de plusieurs facteurs : dégradation <strong>du</strong> sol, surpâturage, intro<strong>du</strong>ction de la<br />

124


culture mécanisée, exploitation in<strong>du</strong>strielle, pharmaceutique et ménagère des ressources<br />

végéta<strong>les</strong> etc.<br />

Cette forte pression exercée sur <strong>les</strong> ressources exige une planification des activités et<br />

des interventions sur le territoire basée sur une connaissance plus précise des processus de<br />

dégradation <strong>du</strong> couvert végétal.<br />

Il est donc vital de développer des stratégies de surveillance et de gestion de<br />

l environnement et de l agriculture. Ces stratégies doivent reposer sur des moyens<br />

technologiques performants.<br />

L image satellitaire est de nos jours une source d information importante pour<br />

l observation de la surface terrestre.<br />

L Algérie avec ces potentialités économiques est parmi <strong>les</strong> pays utilisateurs de<br />

l information spatiale dans divers domaines notamment dans la cartographie des<br />

ressources naturel<strong>les</strong>.<br />

Les données utilisées dans cette étude concernent <strong>les</strong> images de la nouvelle génération<br />

<strong>du</strong> satellite Algérien Alsat1 <strong>du</strong> 13 Mars 2005 ayant une résolution au Sol de 32 mètres et<br />

de trois bandes spectra<strong>les</strong> dans le visible et le proche infra-rouge.<br />

Plate forme<br />

Charge utile<br />

(camera)<br />

Tableau N°01 : Caractéristiques techniques de Alsat1<br />

Altitude : 686 Km<br />

Inclinaison orbitale 98,2°<br />

Poids : 90Kg<br />

Répétitivité : 5 jours<br />

Période : 1 h 39 mn<br />

Elle est constituée de 2 cameras par bande<br />

spéciale (2 barrettes CCD de 10200 pixels canal)<br />

Focal 150 m<br />

Résolution spatial : 32 m<br />

Fouchée : 600 Km<br />

Bandes spécia<strong>les</strong> : Vert Rouge PI Rouge<br />

Champ de vue (FOV) : 23,62°<br />

Codage : 8 bits par pixel<br />

L objectif de ce travail est :<br />

d apprécier <strong>les</strong> champs d applications des données télé détectées à moyenne résolution<br />

spatiale des images Alsat 1 pour la mise en place d inventaires des ressources<br />

naturel<strong>les</strong> renouvelab<strong>les</strong> en zones aride et semi arides et la compréhension <strong>du</strong><br />

fonctionnent des écosystème en place.<br />

De réaliser une carte d occupation <strong>du</strong> sol à l échelle de la région des Aurès.<br />

La possibilité de disposer périodiquement des images Alsat 1 permettra le suivi de<br />

l évolution des zones pertinentes.<br />

Présentation de la zone d étude<br />

La région des Aurès, située à 500 Km au sud Est d Alger. Elle est limitée au Nord par<br />

la ville de Batna (Ouest) et la ville de Khenchela (Est) et au Sud par la Wilaya de Biskra .La<br />

région d étude couvrent une superficie total de 21. 000 Km²<br />

Géographiquement, la zone d étude se localise entre <strong>les</strong> méridiens (5° 08 et 7°01 ) et<br />

<strong>les</strong> parallè<strong>les</strong> (34°29 et 35°32 ).<br />

125


.<br />

Notre zone d étude est caractérisée par un climat de type méditerranéen semi aride au<br />

nord et aride au sud avec un hiver froid marqué par :<br />

Une faible pluviométrie ;<br />

Une longue saison de sécheresse ;<br />

Des gelées fréquentes.<br />

Ces conditions climatiques sont contraignantes pour le développement des<br />

cultures et de<br />

la végétation.<br />

Le paysage a l entoure comprend différentes écosystèmes qui est traditionnellement une<br />

zone d élevage, une zone de pastoralisme transhumant, avec localement des points de<br />

sédentarisation, <strong>les</strong> oasis, des forets, des cultures<br />

Ces caractéristiques <strong>du</strong> milieu physique et cel<strong>les</strong> notamment de l occupation <strong>du</strong><br />

sol confèrent à la région une vocation de type agro-sylvo-pastorale.<br />

La région se caractérise par de fortes dénivellations sur de courtes distances. Sur le<br />

versant Nord l altitude varie entre 1200 m et 2300 m. Sur le versant Sud elle descend au Nord<br />

à moins de 50 m.<br />

126


Ces fortes dénivellations ont des conséquences sur la répartition <strong>du</strong> climat et des<br />

ressources naturel<strong>les</strong>.<br />

Données utilisées :<br />

Cartes topographiques : 08 Coupures au 1/50.000 et deux cartes de 1/200.000 qui<br />

couvrent la région des Aurès ont été utilisées pour l étape de correction géométrique et<br />

<strong>les</strong> missions d échantillonnages de terrain.<br />

Image Alsat 1 : <strong>les</strong> données de l image prises le 13 Mars 2005 à 9h 38 avec une<br />

élévation solaire de 56,6°. El<strong>les</strong> sont représentées par une Fenêtre de 5541x3875<br />

pixels sur <strong>les</strong> canaux brû<strong>les</strong> B1, B2 et B3.<br />

Un GPS pour un repérage géographique précis des données de terrain dans <strong>les</strong><br />

missions d échantillonnages ainsi que pour la vérification de la réalité de terrain.<br />

Méthodologie de travail :<br />

La méthodologie générale de travail est représentée par l organigramme suivant:<br />

127


Les différentes phases concernant :<br />

La composition colorée :<br />

La composition colorée a été obtenue à partir d une superposition de trois canaux<br />

(B1B2, B3) de la scène.<br />

Elle a été utilisée comme une image de départ afin de guider <strong>les</strong> traitements d images,<br />

l échantillonnage au sol et l extraction des points d appui pour une éventuelle correction<br />

géométrique.<br />

128


Correction géométrique :<br />

Les corrections géométriques permettent de compenser en totalité ou une partie ces<br />

déformations de distorsion.<br />

Pour la correction géométrique de l image, un modèle polynomial de déformation de<br />

degré (2) a été adopté en utilisant (11) points d appui de référence.<br />

Classification de l image :<br />

C est le mode supervisée qui a été choisi pour réaliser <strong>les</strong> classifications <strong>du</strong> milieu. La<br />

méthode <strong>du</strong> maximum de vraisemblance a été retenue pour la classification d image.<br />

Cette méthode est considérée comme une technique puissante de classification. La<br />

règle de décision de cette méthode est basée sur la probabilité qu a un pixel d appartenir à une<br />

classe particulière.<br />

129


Missions d échantillonnages et réalité de terrain :<br />

Pour la réalisation et la conception de la carte d occupation <strong>du</strong> sol de la région des Aurès,<br />

nous nous basons sur <strong>les</strong> données de contacte de terrain qui ont été récoltées lors des<br />

missions d échantillonnages (printemps 2006). Ces missions ont été effectuées pour le<br />

repérage et la connaissance d un certain nombre de parcel<strong>les</strong> représentatives des différents<br />

types d occupation <strong>du</strong> sol que l on rencontre sur la zone d étude<br />

Les différentes classes qui ont été retenues sont :<br />

1 Forêt dense 7 Voile sableux<br />

2 Forêt clair maquis 8 Sol nu<br />

3 Maquis + Reboisements 9 Eau de Barrage<br />

4 Cultures irriguées 10 Cours d eau<br />

5 Parcours des steppes 11 Sebkha, chotts et sol humide<br />

6 Terrains rocheux 12 Urbain et agglomération<br />

130


Validation de la classification :<br />

Il est possible d évaluer <strong>les</strong> performances de cette classification en évaluant le<br />

pourcentage et le nombre de pixels correctement classés à l intérieur de chaque polygone test.<br />

La matrice de confusion illustre cette performance<br />

Tableau N° :02 : Matrice de confusion (en pixels et en %)<br />

L analyse de ce dernier montre la bonne performance de la classification.<br />

131


Résultats obtenus :<br />

Les résultats obtenus par la classification supervisée <strong>du</strong> maximum vraisemblance ont<br />

servi à dresser la carte d occupation <strong>du</strong> sol géoréférencée après l étape de correction<br />

géométrique.<br />

La carte d occupation <strong>du</strong> sol des Aurès représente des informations très importantes<br />

par l identification et l inventaire de l espace, en général <strong>les</strong> formations forestières, <strong>les</strong><br />

parcours, <strong>les</strong> cultures, <strong>les</strong> sols dépourvus de la végétation, <strong>les</strong> infrastructures ainsi que <strong>les</strong><br />

cours d eau qui sont bien identifiab<strong>les</strong>.<br />

Conclusion :<br />

L utilisation de l imagerie Alsat 1 a permis d obtenir <strong>les</strong> grandes classes d occupation<br />

<strong>du</strong> sol en un temps ré<strong>du</strong>it;<br />

Les informations extraites sont récentes et peuvent être intégrées dans la base de<br />

données qui sera élaborée;<br />

La possibilité de se disposer périodiquement des images Alsat 1 permettra le suivi de<br />

l évolution des zones semi-arides.<br />

Références:<br />

1- ABDESSEMED K. (1981) : Le cèdre de l Atlas (Cedrus atlantica Manetti)<br />

dans le massif de l Aurès et <strong>du</strong> Belezma - Etude phytosociologique, problème de<br />

conservation et d aménagement. Thèse Doctorat, Université d Aix-Marseille.<br />

2- BALLAIS J.L (1981) : Recherches géomorphologiques dans <strong>les</strong> Aurès<br />

(Algérie).<br />

Thèse doctorat- Université de Paris I, pp 572 + annexes + Cartes<br />

132


3- BENHANIFIA K. (2003) : Etude comparative des données Alsat 1 et Landsat<br />

ETM+ pour l évolution de l état des Forêts dans la région Ouest- Oran - Actes des<br />

journées techniques Alsat 1 / Utilisateurs Asal, 14 et 15 juillet 2003-Algerie.<br />

4- BENSAID A. (1997) : Traitement des données multi sources et conception<br />

d une base des données dans un SIG en vue de la caractérisation d une milieu physique :<br />

application à une zone steppique au Nord de Laghouat.<br />

Thèse de Magister, 122 pages, CNTS, Arziew- Algérie.<br />

5- BOYOSSORO H. K et al (<strong>2007</strong>) : Insécurité climatique et géorgiques en<br />

Côte d Ivoire : Etude <strong>du</strong> risque d érosion hydrique des sols dans la région semi-<br />

montagneuse de Man (Ouest de la Cote d Ivoire). Revue sécheresse, Volume 18, Numéro<br />

01, pp 29-37.<br />

6- DUBOIS J. M. et al (1997) : La réalité de terrain en télédétection : Pratiques<br />

et méthodes. Actes des journées scientifiques de Sainte-Foy- Agence Universitaire de la<br />

Francophonie- AUPELF-UREF, pp356.<br />

7- FERDINAND B. (1996) : Précis de télédétection, Volume2, Applications<br />

thématiques<br />

Eddition : Presse de l Université Du Québec, pp 617.<br />

8- FOJSTNG E. (1999) : Contribution de la Morphologie mathématique à la<br />

cartographie de l occupation <strong>du</strong> sol a partir d image SPOT (Région de l extrême Nord-<br />

Cameroum).Rapport de doctoral en télédétection, Réseau télédétection, AUPELF- UREF,<br />

pp91.<br />

9- GAROUANI A et al (1993) : Cartographie de l occupation <strong>du</strong> sol et des<br />

zones humides par télédétection dans la basse vallée de la Medjerda (Tunisie). Cinquième<br />

journées scientifiques <strong>du</strong> réseau de la télédétection de AUPELF- UREF,<br />

Tunisie, 21-24 Septembre 1993 ; pp : 163-170.<br />

10- HADDOUCHE I. (2002) : Utilisation de la télédétection pour l étude de la<br />

déforestation en milieu semi-aride- Cas de la région de Djelfa. Rapport de stage, 34 pages.<br />

133


Adaptation de la stratégie<br />

d intervention et des modalités de gestion<br />

pratiquées par le Conservatoire des Sites<br />

Lorrains à partir de l évolution de la<br />

connaissance floristique<br />

Pascale RICHARD Conservatoire des Sites Lorrains 14 rue de l Eglise 57930<br />

FENETRANGE, p.richard@cren-lorraine.fr<br />

Présentation <strong>du</strong> Conservatoire des Sites Lorrains<br />

Créé en 1984 sous forme associative, le Conservatoire des Sites Lorrains s est fixé<br />

pour mission la conservation des richesses biologiques et esthétiques des sites, milieux et<br />

paysages lorrains. Parmi <strong>les</strong> moyens statutaires, figurent aux côtés de la maîtrise foncière ou<br />

d usage de sites à enjeux biologiques forts, la réalisation d inventaires et l établissement de<br />

plans de gestion.<br />

Aujourd hui le CSL assure la protection et la gestion d un réseau de 206 sites pour<br />

environ 4000 ha, représentatif des grands types de milieux naturels régionaux, tourbières<br />

acides ou alcalines, prés salés, pelouses calcaires, étangs et prairies. Aux côtés de centaines de<br />

bénévo<strong>les</strong>, une équipe de 45 salariés uvre sur la base de financements de la C.E.E, <strong>du</strong><br />

Conseil Régional de Lorraine, de l Agence de l Eau Rhin-Meuse, de l Etat et de trois<br />

départements.<br />

Les actions <strong>du</strong> CSL s articulent sur 4 axes :<br />

La connaissance (plans de gestion, expertises sites et espèces, suivis scientifiques)<br />

La protection (acquisitions, baux emphytéotiques et conventions)<br />

La gestion (Chantiers en régie, chantiers en partenariat avec formations agrico<strong>les</strong>,<br />

Contrats avec exploitants agrico<strong>les</strong>)<br />

La valorisation (Equipement de site, Animations scolaires et Grand public).<br />

La prise en compte des enjeux floristiques intervient donc à 2 niveaux :<br />

lors de la mise en uvre de la protection à travers le choix des sites<br />

lors de la gestion des sites protégés à travers <strong>les</strong> objectifs de conservation à long<br />

terme.<br />

1 Intégration des enjeux floristiques dans la protection des sites<br />

1.1 Première stratégie d intervention : <strong>les</strong> sites naturels exceptionnels et<br />

<strong>les</strong> programmes européens<br />

A l issue de la première phase de l inventaire des ZNIEFF (Zones Naturel<strong>les</strong><br />

d Intérêt Faunistique et Floristique) qui aboutit dans <strong>les</strong> années 1988, pas moins de 650 sites<br />

furent identifiés en Lorraine. Cette base de connaissance ayant fait appel à de nombreux<br />

naturalistes bénévo<strong>les</strong> attribua une part de choix à la botanique. En effet, <strong>les</strong> botanistes<br />

régionaux et belges se mobilisèrent pour assurer la description et l inscription des milieux<br />

naturels connus pour leur richesse floristique. Cette phase d inventaire ZNIEFF fut l occasion<br />

de découvertes de sites exceptionnels comme entre autres <strong>les</strong> tourbières alcalines de<br />

Sarreguemines et de Villouxel. Ce travail permis une première vision de l état <strong>du</strong> patrimoine<br />

floristique.<br />

134


Aussi dans un premier temps le choix des sites à protéger fut basé sur une approche<br />

de sites exceptionnels dont la flore était une composante pesant fortement grâce à un bon état<br />

de connaissance. Ainsi <strong>les</strong> efforts de préservation portèrent avant tout sur des sites d intérêt au<br />

moins régional. Des programmes européens furent mise en uvre tel l ACNAT prés salés qui<br />

aboutit à l acquisition de 140 ha de sources et prairies halophi<strong>les</strong> dans la vallée de la Seille.<br />

D autres ambitieux programmes européens furent menés, dans <strong>les</strong> Vosges notamment sur <strong>les</strong><br />

tourbières à enjeux Tétras, et dans <strong>les</strong> vallées allluvia<strong>les</strong> de la Moselle et de la Meuse où <strong>les</strong><br />

problématiques d eau potable ou de crues furent incitatives auprès des financeurs.<br />

1.2. Seconde stratégie d intervention : <strong>les</strong> sites naturels remarquab<strong>les</strong><br />

De 1992 à 1995, le CSL a con<strong>du</strong>it pour <strong>les</strong> conseils généraux de Meuse, de Meurthe<br />

et Moselle et des Vosges des inventaires d Espaces Naturels Sensib<strong>les</strong>. A cette occasion, la<br />

mise à jour des ZNIEFF et la description de nouveaux sites ont porté à un millier le nombre<br />

de sites naturels remarquab<strong>les</strong>.<br />

Face à la nécessité de hiérarchiser <strong>les</strong> priorités d intervention de protection, une<br />

bioévaluation basée sur 8 critères fut mise en uvre sur la base de :<br />

Intérêt floristique<br />

Intérêt faunistique<br />

Rareté ou originalité des habitats<br />

Diversité des habitats<br />

Représentativité des habitats<br />

Degré de conservation<br />

Superficie<br />

Fragilité naturelle.<br />

La prise en compte de l enjeu « Flore » ne constitue alors pas une priorité en soi,<br />

mais <strong>du</strong> fait d une bonne connaissance de ce groupe et de son interrelation avec le concept<br />

d habitat (d ordre phytosociologique), la flore reste un enjeu important.<br />

Surtout cette approche a permis de relativiser l état de connaissance et de<br />

conservation par grands types de milieux dits naturels en Lorraine. Par exemple pour <strong>les</strong><br />

pelouses calcico<strong>les</strong> qui représentent 143 sites pour 3350 ha, l état de protection en 1996 est<br />

illustré comme suit :<br />

135


Si cette stratégie d intervention répondait à la problématique de conservation<br />

prioritaire des sites à forts enjeux patrimoniaux en revanche elle ne permettait pas de garantir<br />

de facto la conservation d espèces cib<strong>les</strong>. Aussi un troisième niveau de stratégie a été instauré.<br />

1.3. Troisième stratégie d intervention : l approche par groupe<br />

systématique, la Flore.<br />

En 1996, face à l effectif notable de pelouses calcaires préservées (soit 50 sites), le<br />

CSL a réalisé une expertise floristique qui lui a permis de réorienter le choix de nouveaux<br />

sites d intervention vers des stations de plante à préserver. Sur la base de 43 plantes typiques<br />

des pelouses et ayant un statut de protection ou de rareté, il fut identifié 8 espèces sans sites<br />

protégés (dont le Sabot de vénus).<br />

En application de cette démarche, la pelouse de Rosselange inscrite dans le vaste lot<br />

des pelouses régiona<strong>les</strong>, fut sélectionnée en tant que station unique pour l Euphorbe de<br />

Séguier (Euphorbia seguieriana Neck).<br />

De même, cette mise en perspective fut faite en 1998 pour la flore remarquable des<br />

zones humides soit 116 taxons. Ce travail a montré la fragilité <strong>du</strong> statut d une quinzaine de<br />

plantes classées en 7 catégories :<br />

1 - Plantes disparues ou éteintes (5 espèces)<br />

2 - Plantes en site unique non protégé (Pillularia globulifera, Bupleurum tenuissinum<br />

et Hammarbya paludosa)<br />

3 - Plante en site unique protégé (Carex appropinquata et Carex hartmanii)<br />

4 - Plantes en 2 à 3 sites sans site protégé (Potamogeton alpinus, Drosera longifolia)<br />

5 - Plantes en 2 à 3 sites dont au moins 1 protégé (Eleocharis quinqueflora, Liparis<br />

loeselii)<br />

6 Plantes connues sur plus de 3 sites, sans site protégé (Equisetum hyemale,<br />

Teucrium sordium, Alisma gramineum et Seneçio sarracenicus)<br />

7 Plantes connues sur plus de 3 sites dont au moins 1 site protégé (plus de 50<br />

plantes)<br />

Les prescriptions de cette analyse furent tra<strong>du</strong>ites concrètement par :<br />

- la réalisation de recherche de station pour des espèces comme Seneçon des fleuves<br />

(Seneçio sarracenicus L.) et la protection <strong>du</strong> site le plus important ( Belleville -54- site<br />

VNF)<br />

- la protection de nouvel<strong>les</strong> zones humides comme le marais de Lay St Rémy (Carex<br />

appropinquata).<br />

1.4 Bilan floristique des 3 stratégies de protection<br />

Sur la base des inventaires de flore réalisés au sein des 206 sites protégés et gérés par<br />

le CSL et compte tenu de la prise en compte des espèces revues au cours des 10 dernières<br />

années, nous pouvons dressé le bilan pour <strong>les</strong> 193 plantes protégées avérées présentes en<br />

Lorraine :<br />

72 % bénéficient d au moins 1 site protégé dont 64 % à travers le réseau de<br />

sites CSL<br />

l objectif de 85 % est possible à 10 ans, à travers la mise en place d un<br />

réseau ONF (14 plantes), et la poursuite de celui mis en uvre via le CSL, et<br />

<strong>les</strong> Parcs naturels régionaux.<br />

136


de plus pour plus d une dizaine de plantes, le nombre de sites à protéger doit<br />

être augmenté (Gratiola officinalis, Senecio sarracenicus)<br />

2. Intégration des enjeux floristiques dans la gestion des sites protégés<br />

2.1. Collecte et conservation des données floristiques<br />

C est lors de l établissement <strong>du</strong> plan de gestion que d importantes investigations sont<br />

faites pour tous <strong>les</strong> groupes et tout particulièrement pour la flore. Pour <strong>les</strong> espèces rares, leur<br />

localisation et leur dénombrement sont systématiques. De plus, un bilan floristique total et<br />

aussi exhaustif que possible est fait pour chaque site. Enfin, phase préalable à la cartographie<br />

des habitats, <strong>les</strong> relevés phytosociologiques constituent une base de 4000 relevés soit environ<br />

80000 données.<br />

Toutes ces données sont sauvegardées au sein de bases naturalistes adaptées et des<br />

liens vers des couches géographiques sur SIG sont en cours.<br />

2.2 Suivi des structures et compositions des habitats<br />

La première clé d entrée en terme d objectif de conservation à long terme est<br />

l habitat et, son bon état de conservation. C est en permettant le maintien des habitats dans<br />

des conditions écologiques favorab<strong>les</strong> que l on cherche à obtenir leur optimum, soit<br />

l expression d une flore typique comportant souvent des espèces cib<strong>les</strong> pour <strong>les</strong> habitats<br />

d intérêt européen.<br />

La flore intervient alors comme principale clé de lecture de ces habitats et de leur état<br />

de conservation. Des méthodes qualitatives ou quantitatives sont choisies selon <strong>les</strong> cas. A<br />

Pagny sur Meuse, un suivi diachronique d habitats est pratiqué depuis 1988 par le biais de 30<br />

placettes permanentes de 50 points. Avec une périodicité d environ 3 ans, ce dispositif totalise<br />

1200 données de fréquence spécifique qui peuvent être analysées par des méthodes<br />

statistiques classiques (Cf ci-dessous Analyse des Composantes Principa<strong>les</strong> des molinaies à<br />

Pagny sur Meuse).<br />

-- axe 2 (18% ) --><br />

1,5<br />

1<br />

0,5<br />

0<br />

-0,5<br />

-1<br />

Placettes molinaies CDEHKLM<br />

Cercle des corrélations : axe 1 et axe 2 (45% )<br />

Evolution<br />

NbreGes<br />

137<br />

Phrag<br />

sp sol nu<br />

Paturage<br />

Liparis<br />

sp cariçaie<br />

Fauche Molinie<br />

Junsub<br />

4 carex<br />

Nbre Esp<br />

Esp rares<br />

sp types<br />

-1,5<br />

-1,5 -1 -0,5 0<br />

-- axe 1 (27% ) --><br />

0,5 1 1,5


Ces résultats peuvent être affinés par groupes d espèces et par intensité<br />

de pression de pâturage.<br />

2.3 Conservation de population d espèces cib<strong>les</strong><br />

Lorsque le site protégé comporte des plantes de très fort enjeu patrimonial (espèce<br />

cible), la conservation de population viable est prescrite spécifiquement dans <strong>les</strong> objectifs à<br />

long terme <strong>du</strong> plan de gestion. C est notamment le cas <strong>du</strong> Liparis de Loesell , plante inscrite à<br />

la l annexe II de la Directive Habitats.<br />

En ce cas, des modalités spécifiques de suivi (et non de gestion qui el<strong>les</strong> se situent au<br />

niveau de l habitat) notamment par plan quadrillé ont été développées.<br />

138<br />

Dispositif de suivi <strong>du</strong><br />

Liparis de Loesell à Pagny sur<br />

Meuse (F-55)<br />

Méthode <strong>du</strong> plan quadrillé<br />

de 20mx20m pour 3 ha soit 77 zones<br />

de dénombrement


Les résultats de ce suivi sont exprimés en nombre de pieds et pourcentage de floraison :<br />

Année 1999 2000 2001 2002 2003 2004<br />

Nbr<br />

pieds<br />

489 576 431 418 1761 1780<br />

Taux<br />

floraison<br />

- 74% 60% 33% 41% 48%<br />

D autres cas de suivis diachroniques de stations d espèces par plans exhaustifs ou par<br />

plans quadrillés sont pratiqués sur <strong>les</strong> sites gérés par le CSL. Ces expériences de suivi de la<br />

flore remarquab<strong>les</strong> incitent aux conclusions suivantes :<br />

-> il faut rester prudent sur <strong>les</strong> conclusions car <strong>les</strong> temps de réponse peuvent être plus<br />

ou moins long et la compréhension des facteurs de dynamiques être multip<strong>les</strong> (liés ou non à<br />

la gestion)<br />

-> pour une même espèce l on peut noter une grande variation de dynamique selon<br />

<strong>les</strong> sites (difficile de transposer d un site à l autre).<br />

A la lumière des suivis floristiques pratiqués depuis quelques années sur <strong>les</strong> sites<br />

gérés par le CSL, nous pouvons établir des états de conservation comme suit :<br />

1. Bon état de conservation<br />

Liparis loeselii (Pagny sur Meuse)<br />

Gentiane pneumonanthe (Resson et autres sites <strong>du</strong> Barrois, mais à la limite de<br />

disparition à Jezainville)<br />

Fumana procumbens (tous sites)<br />

Orchis simia (Arnaville)<br />

Anemone sylvestris (tous sites)<br />

Cypéracées tourbières alcalines (tous sites)<br />

2. Mauvais état de conservation<br />

Pedicularis palustris (disparition de tous sites)<br />

Helichrysum arenarium (station relictuelle à Puttelange <strong>les</strong> thionville et disparition<br />

probable à court terme)<br />

Linum leonii (4 sites de présence pour 1 seul site à population notable - Arnaville)<br />

Seneçio paludosus (tous sites CSL mais autres stations dynamiques en Meuse)<br />

Conclusion<br />

La flore tant pour elle-même que pour sa capacité de tra<strong>du</strong>ction des habitats et de<br />

leur état de conservation constitue depuis la création <strong>du</strong> Conservatoire des Sites Lorrains, un<br />

enjeu et un outil fortement mobilisés.<br />

Si près 75% des plantes protégées possèdent au moins 1 station située en sites<br />

protégés, ceci ne peut être considéré comme suffisant. Aussi l actuel réseau de sites protégés<br />

se doit d être conforté pour assurer la sauvegarde à moyen et long terme des plantes <strong>les</strong> plus<br />

menacées possédant souvent le statut d espèces protégées. Un tel réseau de sites ne peut<br />

aboutir qu avec l appui des autres partenaires régionaux comme l ONF et <strong>les</strong> Parcs naturels<br />

régionaux.<br />

La gestion des sites protégés possédant des enjeux de plantes cib<strong>les</strong> passe par la<br />

réalisation de suivis spécifiques qui doivent permettre de mieux en connaître l écologie et de<br />

tester <strong>les</strong> méthodes de gestion. A noter toutefois que l on ne peut dissocier ce suivi de ceux<br />

pratiqués pour <strong>les</strong> habitats. Le bon état de conservation des habitats restent l objectif premier<br />

des plans de gestion, <strong>les</strong> plantes cib<strong>les</strong> s y exprimant de facto.<br />

139


Comment reconstituer <strong>les</strong> forêts <strong>du</strong> XVIIIe siècle d après<br />

<strong>les</strong> registres de martelages ?<br />

L exemple des hêtraies-chênaies lorraines<br />

Xavier Rochel<br />

Maître de Conférences<br />

Département de Géographie, Université Nancy 2<br />

xrochel@univ-nancy2.fr<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

Etudes d impacts et plans de gestions de réserves éludent trop souvent l évolution des<br />

territoires concernés au cours des derniers sièc<strong>les</strong>. Géographes et historiens ont pourtant mis<br />

au point diverses techniques de reconstitution des paysages à partir des archives existantes.<br />

Ces reconstitutions ont souvent porté sur <strong>les</strong> finages cultivés, laissant de côté <strong>les</strong> espaces dits<br />

naturels, que la formation des chercheurs ne leur permettait pas de bien comprendre : le temps<br />

était à l étude de l openfield lorrain, de la châtaigneraie ardéchoise, ou <strong>du</strong> bocage normand, et<br />

sur <strong>les</strong> cartes réalisées, <strong>les</strong> bois n étaient représentés que par une plage uniformément verte.<br />

Aujourd hui, considérant qu une forêt n est, après tout, pas moins diversifiée qu un finage, <strong>les</strong><br />

chercheurs en géographie historique ont l opportunité de se rapprocher de l histoire de<br />

l environnement pour chercher à reconstituer l état passé des espaces boisés, voire des zones<br />

humides et autres espaces <strong>du</strong> saltus 3 .<br />

Parmi <strong>les</strong> sources utilisab<strong>les</strong> pour l Ancien Régime, <strong>les</strong> registres de martelages se<br />

distinguent par leur précision et l exhaustivité des informations apportées. Il s agit de<br />

registres sur <strong>les</strong>quels étaient enregistrées, jour après jour et arbre par arbre, toutes <strong>les</strong><br />

opérations sylvico<strong>les</strong> effectuées sur le terrain. Ils apportent donc des données quantitatives et<br />

sériel<strong>les</strong> inestimab<strong>les</strong> pour un travail précis sur la connaissance <strong>du</strong> passé des forêts ; surtout,<br />

toutes <strong>les</strong> informations apportées sont cartographiab<strong>les</strong> avec une précision plus ou moins<br />

grande. On cherchera ici à montrer <strong>les</strong> apports et <strong>les</strong> limites de ce type de source dans la<br />

reconstitution cartographique des hêtraies-chênaies de la Lorraine des Lumières. Si <strong>les</strong><br />

résultats de ces travaux sont relativement satisfaisants, et apportent une vue assez précise des<br />

peuplements de certaines forêts, ils restent diffici<strong>les</strong> à interpréter ; ces incertitudes ne seront<br />

ré<strong>du</strong>ites qu au prix de la multiplication des travaux de ce type, et de leur extension aux très<br />

riches archives des sièc<strong>les</strong> postérieurs.<br />

1. Une question ancienne, des sources nouvel<strong>les</strong><br />

1.1. L évolution des forêts, un classique de l histoire forestière<br />

La reconstitution de l état passé des forêts passe par l utilisation des archives<br />

naturel<strong>les</strong> (microrestes et macrorestes végétaux), mais aussi par <strong>les</strong> archives humaines. La<br />

palynologie apporte une vision éten<strong>du</strong>e dans le temps, assez précise quant aux espèces<br />

végéta<strong>les</strong> représentées (Galop 1998), mais relativement insatisfaisante quant à la<br />

spatialisation et la cartographie rétrospective des milieux. L anthracologie, elle, apporte<br />

des données plus localisées ; elle a par exemple con<strong>du</strong>it à d intéressants et ambitieux<br />

travaux de cartographie rétrospective des forêts pyrénéennes (Bonhôte 1998). En ce qui<br />

concerne <strong>les</strong> quatre derniers sièc<strong>les</strong>, <strong>les</strong> archives des forestiers apportent également une<br />

3 En témoignent <strong>les</strong> travaux <strong>du</strong> Groupe d Histoire des Forêts Françaises (GHFF, né en 1980)<br />

et de son petit frère le Groupe d Histoire des Zones Humides (né en 2002).<br />

140


pléthore d informations encore trop peu exploitées. Les géographes ont su, sur quelques<br />

sites bien documentés, pro<strong>du</strong>ire des travaux cartographiques relativement précis qui<br />

complètent et mettent en perspective <strong>les</strong> apports des archives naturel<strong>les</strong>. Suivant le plus<br />

souvent une méthode régressive, formalisée par Jean-Jacques Dubois notamment, ils ont<br />

pu établir l état des lieux de certains massifs à différentes dates, cartographier <strong>les</strong><br />

peuplements, localiser <strong>les</strong> interventions humaines, et éventuellement établir des modè<strong>les</strong><br />

d analyse de l évolution des milieux forestiers (Houzard 1980, Dubois 1989, Rochel 2004).<br />

Les textes réglementaires sont classiquement utilisés pour tenter de connaître le passé<br />

des forêts et l action des forestiers. Ils sont assez peu nombreux, clairs, faci<strong>les</strong> d accès,<br />

souvent imprimés. Ils sont censés régir l action des forestiers et de l administration, donc<br />

jouer un rôle fondamental dans l économie vosgienne, mais n allons pas croire que ces textes<br />

sont respectés à la lettre ! Par ailleurs leur contenu est souvent décevant. Il organise en détail<br />

la rémunération des officiers, le recrutement <strong>du</strong> personnel forestier, <strong>les</strong> droits de chacun, la<br />

procé<strong>du</strong>re ; mais la sylviculture en est presque absente, et <strong>les</strong> paysages brillent par leur<br />

absence.<br />

Les descriptions de forêts présentent un intérêt supérieur. On parle de « procèsverbaux<br />

de visites », ou de « visites et reconnaissances » de forêts ; il s agit évidemment de<br />

documents parmi <strong>les</strong> plus intéressants pour la reconstitution des paysages forestiers. Ce sont<br />

<strong>les</strong> sources écrites <strong>les</strong> plus couramment utilisées dans <strong>les</strong> tentatives d approche des paysages<br />

forestiers disparus. Malheureusement, faute de temps, <strong>les</strong> observateurs ne visitent<br />

généralement qu une fraction des forêts concernées ; <strong>les</strong> informations apportées sont<br />

ponctuel<strong>les</strong> et souvent limitées à une thématique précise. L accent est souvent mis sur ce qui<br />

va mal, ce qui peut laisser croire, à tort, que <strong>les</strong> peuplements sont totalement ruinés : le<br />

commissaire qui enquête sur des dégradations ne va décrire que <strong>les</strong> dégradations, et peu<br />

importe pour lui si la forêt est de chênes ou de hêtres. Les listes d arbres abattus ou surcenés,<br />

incendies, chablis, essarts et défrichements, laissent alors une désagréable impression de<br />

désastre.<br />

D autres documents écrits ont encore pu être prospectés. Il s agit en particulier de<br />

registres de rapports des forestiers (registres de délits forestiers), et de registres de rapports de<br />

bangards, ceux que l on appellera plus tard gardes champêtres (registres de mésus<br />

champêtres). Les procès-verbaux apportent de précieuses informations sur <strong>les</strong> activités en<br />

forêt, comme l élevage, et plus particulièrement sur <strong>les</strong> besoins en bois des communautés ; ils<br />

apportent aussi des témoignages d acteurs auxquels <strong>les</strong> archives d Ancien Régime accordent<br />

rarement la parole. Les rapports de forestiers méritent donc l attention que certains leur ont<br />

déjà accordé, à l instar de Daniel Berni, qui a exploré près de 18000 rapports extraits des<br />

archives de la maîtrise des Eaux et Forêts de Nancy (Berni 1997).<br />

Les comptes des gruyers apportent également des informations intéressantes quant aux<br />

revenus tirés des forêts ; ils permettent parfois de quantifier et de localiser <strong>les</strong> exploitations,<br />

comme en gruerie de Mortagne. Les accompagnent une masse de documents écrits :<br />

correspondances, acensements de scieries, rapports de toute sortes, de lourdes liasses dont<br />

l exploration, souvent décevante, laisse parfois apparaître, au détour d un document en<br />

apparence anodin, une information fondamentale, une précieuse donnée chiffrée.<br />

Derniers documents à avoir été exploités par <strong>les</strong> historiens et <strong>les</strong> géographes, <strong>les</strong><br />

registres de martelages représentent des sources autrement plus riches. Il s agit de registres<br />

sur <strong>les</strong>quels sont enregistrées toutes <strong>les</strong> opérations effectuées sur le terrain par <strong>les</strong> officiers<br />

forestiers, jour après jour, arbre par arbre, ou assiette de coupe par assiette de coupe. Deux<br />

famil<strong>les</strong> d opérations sont concernées :<br />

141


- <strong>les</strong> martelages proprement dits, au cours desquels <strong>les</strong> forestiers marquent de marteaux<br />

spéciaux <strong>les</strong> arbres à exploiter (martelages en abandon) ou, au contraire, <strong>les</strong> arbres à conserver<br />

(martelages en réserve) ;<br />

- <strong>les</strong> récolements, qui consistent à inspecter <strong>les</strong> exploitations de façon à reconnaître<br />

d éventuels délits.<br />

Le nom de « registres de martelages » a semblé le plus approprié ; mais ils sont parfois<br />

appelés ou intitulés « registres de délivrances », ou « registres d assiettes » (ce qui semble<br />

ré<strong>du</strong>cteur, puisque même en plaine une partie des exploitations ne se fait pas par assiettes). De<br />

tels documents apparaissent en Lorraine à partir de 1698, sans doute sous l influence<br />

française. Ils font partie des quatre registres ren<strong>du</strong>s obligatoires par l article XIX <strong>du</strong> règlement<br />

de 1701, équivalent lorrain de l ordonnance de 1669. Les archives départementa<strong>les</strong> de<br />

Meurthe-et-Moselle conservent ainsi des séries plus ou moins ininterrompues de registres<br />

datés de 1698 à 1791, concernant <strong>les</strong> grueries et maîtrises <strong>du</strong>ca<strong>les</strong>, notamment en Lorraine<br />

centrale.<br />

Longtemps, ces lourds registres mal écrits, emplis de termes ésotériques, ont rebuté<br />

l attention des chercheurs. Dans <strong>les</strong> répertoires de la série B des Archives de Meurthe-et-<br />

Moselle, Lepage qui fut pourtant un extraordinaire érudit <strong>les</strong> cite avec indifférence : « ces<br />

registres ne renferment point de mentions intéressantes. » Pourtant, le chercheur trouve là<br />

une pléthore d informations, le plus souvent chiffrées, qui se prêtent bien à la constitution<br />

d une base de données. Le travail de reconstitution peut donc se faire avec exhaustivité et<br />

efficacité, limitant ainsi au maximum <strong>les</strong> approximations qui sont toujours à craindre dans une<br />

étude de documents d archives.<br />

La cartographie est permise par <strong>les</strong> croquis réalisés, lors de chaque martelage,<br />

par l arpenteur de la maîtrise (figure 1). Ces croquis sont cotés en toises ou verges (la toise de<br />

Lorraine valant 2, 859 m) ; <strong>les</strong> coupes se suivant en tire et aire, il est possible de retracer un<br />

par un ces croquis sur un fond de carte récent, jusqu à obtenir le plan de l ensemble des<br />

coupes délimitées par <strong>les</strong> forestiers <strong>du</strong> temps des Lumières, un peu à l image d un puzzle, ou<br />

d une photographie dont le temps de pose serait de 25 à 30 ans.<br />

Figure 1 : croquis d arpenteur, 10 mai 1782, extrait d un registre de martelages de la maîtrise<br />

de Pont-à-Mousson ( A.D.M.-M. B 12250).<br />

142


1.2. Le cas des hêtraies-chênaies<br />

Cette méthode d exploitation des registres de martelages, déjà mise à<br />

contribution dans l étude géohistorique des forêts de la montagne vosgienne (Rochel 2004),<br />

devait être appliquée aux hêtraies-chênaies de basse altitude, où la modestie <strong>du</strong> relief facilite<br />

considérablement le travail.<br />

Ici, contrairement à la montagne vosgienne où domine la futaie jardinée, le taillis sous<br />

futaie est le traitement appliqué à la totalité des forêts. Deux strates composent le peuplement.<br />

Une strate de taillis, recépée à chaque rotation, fournit <strong>du</strong> bois de feu. Elle est surmontée<br />

d une strate de futaie composée de ce que l on appelle la réserve, c est-à-dire des arbres<br />

réservés lors des coupes <strong>du</strong> taillis, et destinés à atteindre un âge élevé. La réserve fournit <strong>du</strong><br />

bois d uvre, et <strong>les</strong> arbres <strong>les</strong> plus âgés sont en même temps <strong>les</strong> semenciers qui assurent le<br />

renouvellement <strong>du</strong> peuplement.<br />

Le traitement en taillis sous futaie est donc techniquement plus ar<strong>du</strong> que celui en taillis<br />

simple. Aux problèmes soulevés par le taillis s ajoutent <strong>les</strong> choix possib<strong>les</strong> pour la<br />

constitution et l entretien de la réserve. Le taillis sous futaie, solution sé<strong>du</strong>isante aux attentes<br />

de la société et de l économie d Ancien Régime, est loin d être parfait, en particulier parce<br />

qu il est très délicat à mettre en uvre.<br />

Première composante d un peuplement de taillis sous futaie, le taillis est<br />

périodiquement coupé sur une surface appelée assiette de la coupe. A chaque coupe de taillis,<br />

un certain nombre d arbres sont réservés et marqués ; ils seront épargnés par l exploitation de<br />

façon à pro<strong>du</strong>ire <strong>du</strong> bois d oeuvre et des semis qui assureront à la fois le renouvellement de la<br />

réserve et des souches épuisées <strong>du</strong> taillis. Les réserves de la première génération,<br />

théoriquement issues de semence, sont appelées baliveaux de l âge (bien qu el<strong>les</strong> n aient pas<br />

nécessairement l âge précis <strong>du</strong> taillis) ; cel<strong>les</strong> épargnées pour la seconde fois, âgées de une à<br />

deux fois l âge <strong>du</strong> taillis, sont appelées modernes ; cel<strong>les</strong> âgées de deux à trois fois l âge <strong>du</strong><br />

taillis sont <strong>les</strong> anciens, cel<strong>les</strong> âgées de plus de trois fois l âge <strong>du</strong> taillis sont <strong>les</strong> vieil<strong>les</strong><br />

écorces 4 . Ces quatre catégories d effectif théoriquement décroissant forment la composante<br />

futaie <strong>du</strong> taillis sous futaie. Le choix des arbres ainsi conservés est la plus lourde<br />

responsabilité <strong>du</strong> marteleur.<br />

D abord, quelle densité d arbres doit-on baliver ? Que le couvert soit trop épais, et l on<br />

risque de favoriser <strong>les</strong> essences d ombre en premier lieu le hêtre. Les rejets, qui nécessitent<br />

une certaine luminosité, ne seront pas nombreux ; le taillis sera famélique, et la pro<strong>du</strong>ction de<br />

bois de feu souffrira de ce choix exagérément prudent. Les jeunes brins attendront trop<br />

longtemps, souffreteux, à l ombre de leurs aînés. En outre, on risque de ne pas profiter d une<br />

glandée ou d une faînée qui pourrait permettre de recruter facilement de jeunes brins de belle<br />

venue... Faut-il, à l inverse, privilégier un balivage léger ? Dans cette hypothèse, le couvert<br />

exagérément ré<strong>du</strong>it donnera trop de lumière au sol, ce qui favorisera <strong>les</strong> essences de lumière :<br />

le chêne peut-être, mais aussi des bois blancs peu appréciés tels que le bouleau. Les jeunes<br />

brins risquent une concurrence excessive au sein d une souille abondante. De plus, <strong>les</strong><br />

disponibilités en bois d uvre seront ré<strong>du</strong>ites.<br />

Le choix <strong>du</strong> balivage, dans sa densité et sa répartition sur la coupe, détermine donc la qualité<br />

des rejets, leur vitesses de croissance, la quantité de jeunes brins issus de semence, <strong>les</strong><br />

essences présentes dans <strong>les</strong> deux étages : taillis et futaie.<br />

4 Ce sont là <strong>les</strong> appellations lorraines <strong>du</strong> XVIIIe siècle. Dans le système français classique, <strong>les</strong><br />

vieil<strong>les</strong> écorces ont 5 fois l âge <strong>du</strong> taillis ; <strong>les</strong> arbres de la catégorie inférieure sont <strong>les</strong><br />

bisanciens.<br />

143


Figure 2 : Principes <strong>du</strong> taillis sous futaie en Lorraine, pendant la période 1701-1789.<br />

Le choix <strong>du</strong> forestier n est pas neutre et son action le jour <strong>du</strong> balivage sera<br />

déterminante pour <strong>les</strong> décennies, voire <strong>les</strong> sièc<strong>les</strong> à venir. Bien souvent, faute de temps ou de<br />

disponibilités, le travail ne peut être fait que lorsque la feuillaison est déjà très avancée<br />

habituellement de la fin avril à la fin mai pour ce qui concerne la maîtrise de Pont-à-Mousson.<br />

Le sous-bois gêne alors le travail des marteleurs qui ne peuvent bien apercevoir <strong>les</strong> arbres<br />

voisins, encore moins apprécier la densité de la réserve ou l état sanitaire des anciens et<br />

vieil<strong>les</strong> écorces. Le balivage est donc particulièrement délicat à mener.<br />

Les modalités d application <strong>du</strong> taillis sous futaie sous l Ancien Régime, bien<br />

connues dans l ensemble depuis <strong>les</strong> travaux d Andrée Corvol, n ont pu rester sans<br />

conséquence sur la composition des forêts et sans doute sur la flore. L idée généralement<br />

admise aujourd hui est que le respect accordé aux arbres de la réserve par <strong>les</strong> forestiers a<br />

souvent con<strong>du</strong>it à la constitution d une réserve exagérément dense ; le couvert aurait con<strong>du</strong>it à<br />

des difficultés de recrutement des baliveaux, et surtout à une fuite <strong>du</strong> chêne, bien avant <strong>les</strong><br />

conversions à la futaie <strong>du</strong> siècle suivant (Corvol 1984, Rochel 2004). Les Archives<br />

Départementa<strong>les</strong> de Meurthe-et-Moselle renferment, parmi <strong>les</strong> registres de la maîtrise des<br />

Eaux et Forêts de Pont-à-Mousson, des registres de martelages 5 dont la précision et la<br />

continuité entre 1748 et 1792 peuvent permettre d affiner <strong>les</strong> réflexions actuel<strong>les</strong> sur l impact<br />

de la gestion d Ancien Régime sur <strong>les</strong> écosystèmes forestiers. Ce travail est en particulier<br />

appuyé par la reconstitution des massifs tels qu ils se présentaient dans la seconde moitié <strong>du</strong><br />

XVIIIe siècle.<br />

5 A.D.M.-M. B 12247 à 12250.<br />

144


2. Les hêtraies-chênaies de la maîtrise de Pont-à-Mousson<br />

Les essais de reconstitution ont porté sur des massifs domaniaux, seuls<br />

concernés par <strong>les</strong> registres utilisés. Certaines forêts, de petite taille, ont été ven<strong>du</strong>es après la<br />

Révolution ; el<strong>les</strong> peuvent donc avoir été défrichées ; c est le cas d une grande partie de la<br />

forêt de Mangeseille, ou de la forêt de Létricourt. L impossibilité de con<strong>du</strong>ire à l avenir, sur<br />

ces sites, des études comparatives entre peuplements actuels et forêts d il y a deux sièc<strong>les</strong> a<br />

con<strong>du</strong>it à privilégier l étude des forêts encore existantes. Les forêts domania<strong>les</strong> de Facq et<br />

Juré, Bois le Prêtre, et Puvenelle sont donc <strong>les</strong> trois principaux massifs prospectés dans le<br />

cadre de ce projet. Une reconstitution <strong>du</strong> bois de Ressaincourt a également été tentée, bien que<br />

la plus grande partie soit aujourd hui terrain militaire, ce qui rendra diffici<strong>les</strong> de futures<br />

prospections.<br />

2.1. La forêt de Puvenelle<br />

Ce massif imposant, localisé au sud-ouest de Pont-à-Mousson, s étend sur le<br />

revers des côtes de Moselle, à une altitude compris entre 220 et 350 m environ. Il fait partie<br />

de ces forêts qui occupent l essentiel des plateaux des côtes lorraines, sur un relief coupé de<br />

vallons secs parfois assez encaissés. Chêne et hêtre dominent <strong>les</strong> peuplements.<br />

Malheureusement, ce massif en un seul bloc, aux limites peu découpées, sans cours<br />

d eau, manque de points de repères susceptib<strong>les</strong> d aider à la compréhension des croquis<br />

d arpenteur. Le travail doit donc être réalisé à partir des seu<strong>les</strong> cotes indiquées dans <strong>les</strong><br />

registres ; une seule erreur de la part de l arpenteur peut en compromettre la réalisation. Par<br />

ailleurs, <strong>les</strong> ang<strong>les</strong> ne sont jamais indiqués ; un croquis montrant une coupe en forme de<br />

quadrilatère dont on ne connaît que <strong>les</strong> dimensions des quatre côtés peut être interprété de<br />

diverses façons. Il résulte que la reconstitution de la « marche des coupes », pour reprendre le<br />

vocabulaire <strong>du</strong> XVIIIe siècle, est insatisfaisante entre 1748 et 1764, puis entre 1785 et 1792 ;<br />

par prudence, ces coupes ne seront pas prises en compte. Il ne reste donc que <strong>les</strong> peuplements<br />

exploités entre 1765 et 1784, ce qui représente une ré<strong>du</strong>ction considérable des ambitions<br />

initia<strong>les</strong> <strong>du</strong> travail entrepris.<br />

La structure <strong>du</strong> peuplement semble relativement homogène ; avec une réserve<br />

équilibrée, conforme aux moyennes observées en Lorraine et dans le reste de la France <strong>du</strong><br />

Nord : plus de quarante baliveaux de l âge par hectare et trente modernes en moyenne. La<br />

composition des peuplements, en revanche, est nettement spatialisée. Le hêtre domine <strong>les</strong><br />

peuplements (81 % des réserves) ; mais le chêne domine fortement <strong>les</strong> environs <strong>du</strong> vallon de<br />

la Vau de Châtel, alors que cette zone de versants exposés au Nord-Est aurait pu être occupée<br />

par une belle hêtraie. Si le susbstrat et la topographie ne permettent pas d expliquer cette<br />

répartition des essences, le passé de l exploitation de la forêt est sans doute en cause. Situé au<br />

bas <strong>du</strong> massif, à portée de Dieulouard, ce canton a peut-être fait <strong>les</strong> frais d une exploitation<br />

intensive dans le passé, laquelle aurait favorisé le chêne <strong>du</strong> fait de coupes trop rapprochées.<br />

Les archives existantes ne permettent pas d informer ou de confirmer cette hypothèse ; si la<br />

cartographie obtenue est relativement précise, son interprétation pose problème.<br />

145


Figure 3 : la forêt de Puvenelle, structure des peuplements, 1765-1784.<br />

2.2. La forêt de Facq<br />

Aujourd hui partie de la forêt domaniale de Facq et Juré, la forêt de Facq est un<br />

massif de basse altitude (196 à 225 m) occupant, au Sud-Est de Pont-à-Mousson, une<br />

dépression très mollement vallonnée. Là encore, hêtre et chêne s y mêlent ; dans la seconde<br />

moitié <strong>du</strong> XVIIIe siècle, le hêtre représente 64 % des réserves. Que le chêne (<strong>les</strong> archives ne<br />

permettent pas de distinguer le sessile <strong>du</strong> pédonculé) ait été plus fortement représenté que sur<br />

le plateau de Puvenelle ne surprendra personne. Malheureusement, seu<strong>les</strong> <strong>les</strong> coupes de 1773<br />

à 1790 ont pu être replacées ; el<strong>les</strong> couvrent cependant la quasi-totalité <strong>du</strong> massif, à<br />

l exception de son extrémité occidentale, aujourd hui en partie défrichée.<br />

La structure des peuplements est, cette fois, nettement spatialisée. A l Est se<br />

trouvent <strong>les</strong> cantons <strong>les</strong> plus riches en bois, dont le taillis est exploité entre 1785 et 1789. Les<br />

anciens et vieil<strong>les</strong> écorces sont bien représentés. A l inverse, <strong>les</strong> peuplements occidentaux<br />

semblent bien plus pauvres (presque dix fois moins d anciens et de vieil<strong>les</strong> écorces) 6 . La<br />

composition semble répondre au même schéma, quoique de manière plus discrète ; le chêne<br />

est plus présent à l Ouest, tandis que le hêtre domine largement <strong>les</strong> peuplements préservés à<br />

l Est.<br />

6 Cette réserve plus riche à la fin de la période ne peut être considérée comme relevant d un<br />

changement de politique des officiers forestiers, car elle ne s observe qu à Facq. Elle résulte<br />

donc d une différenciation spatiale au sein <strong>du</strong> massif.<br />

146


Cette fois, l interprétation peut sembler aisée. A l Ouest se trouve la ville de<br />

Pont-à-Mousson ; la proximité immédiate de la ville a pu générer des prélèvements plus forts,<br />

un appauvrissement relatif de la réserve, et peut-être (comme à Puvenelle) une raréfaction <strong>du</strong><br />

hêtre au profit <strong>du</strong> chêne.<br />

Figure 4 : la forêt de Facq, structure des peuplements et part <strong>du</strong> chêne dans la réserve, 1773-1790.<br />

2.3. Le Bois le Prêtre<br />

La forêt domaniale <strong>du</strong> Bois le Prêtre, connue pour son histoire agitée et<br />

aujourd hui encore marquée des cicatrices <strong>du</strong> premier conflit mondial, est une forêt de plateau<br />

occupant, sur la côte de Moselle, un relief inégal centré sur le vallon <strong>du</strong> Père Hilarion. Les<br />

registres de la maîtrise de Pont-à-Mousson permettent de n en reconstituer qu une fraction ;<br />

en effet, des bois ecclésiastiques, réunis par la suite au domaine de l Etat, en occupaient la<br />

plus grande partie jusqu à la Révolution. La marche des coupes évite de ce fait la partie<br />

centrale <strong>du</strong> massif actuel et ne permet malheureusement pas d apprécier <strong>les</strong> différences entre<br />

versants qui auraient pu être particulièrement intéressantes.<br />

147


Les coupes de 1766 à 1786 montrent une structure assez mal équilibrée (sans<br />

prendre pour autant <strong>les</strong> formes très déséquilibrées constatées dans <strong>les</strong> hêtraies vosgiennes)<br />

avec 40 baliveaux, 38 modernes mais seulement 10 anciens et à peine une vieille écorce par<br />

hectare en moyenne. Cette réserve est inégalement répartie ; elle est dix fois plus riche aux<br />

extrémités Nord et Est qu au centre de l espace couvert par <strong>les</strong> coupes étudiées. Comme à<br />

Facq, la pauvreté de la réserve se double d une sur-représentation <strong>du</strong> chêne dans cette partie<br />

centrale. Là encore, une exploitation intensive aurait-elle défavorisé le hêtre ? La<br />

topographie, en tout cas, et <strong>les</strong> différences de substrat ne correspondent pas nettement aux<br />

différences rencontrées au sein <strong>du</strong> peuplement. Le registre évoque une explication très<br />

vraisemblable : l existence dans le passé de coupes extraordinaires dont le motif, l éten<strong>du</strong>e et<br />

la chronologie restent à déterminer.<br />

Figure 5. La forêt <strong>du</strong> Bois le Prêtre, structure des peuplements, 1766-1787.<br />

Conclusion<br />

Si <strong>les</strong> résultats de la reconstitution cartographique des peuplements sont relativement<br />

satisfaisants, leur interprétation reste problématique et ne pourra être facilitée que par la<br />

multiplication de tels travaux de géographie historique. Les archives pléthoriques <strong>du</strong> XIXe<br />

siècle apporteront sans doute une reconstitution plus détaillée, et des explications plus<br />

franches aux répartitions observées. A terme, l association de ce travail d archives avec<br />

l étude des forêts actuel<strong>les</strong> doit permettre de compléter la chaîne de données permettant un<br />

véritable travail rétrospectif et explicatif sur <strong>les</strong> forêts feuillues de Lorraine.<br />

Il reste que <strong>les</strong> registres de martelages aident à prendre à contre-pied, s il en était<br />

encore besoin, l idée héritée de l historiographie <strong>du</strong> XIXe siècle selon laquelle <strong>les</strong> forêts<br />

d Ancien Régime étaient dégradées, mal gérées, pillées par <strong>les</strong> communautés voisines. Une<br />

lecture rapide des archives, en particulier des requêtes et textes à caractère officiel (où,<br />

comme on le sait, la règle <strong>du</strong> jeu consiste à se lamenter pour attirer la sollicitude <strong>du</strong> prince ou<br />

148


de ses agents) peut donner une impression trompeuse ; mais dans <strong>les</strong> faits, la réserve est<br />

dense, le balivage se fait dans de bonnes conditions ; la rotation constatée est de 25 à 30 ans,<br />

ce qui est particulièrement long comparé aux cyc<strong>les</strong> moyens en France et même en Europe.<br />

D une manière générale, la forêt lorraine est préservée et gérée de manière remarquable au<br />

siècle des Lumières.<br />

Références bibliographiques<br />

BERNI D. 1997. La maîtrise des Eaux et Forêts de Nancy dans la seconde moitié <strong>du</strong><br />

XVIIIème siècle (1747-1791). Administration forestière et répression des délits. Thèse doct.<br />

Droit, Univ. Nancy 2, 2 t. 582 p.<br />

BOYE P. 1909. Les Eaux et Forêts en Lorraine au XVIIIème siècle. Paris : Imprimerie<br />

Nationale, 43 p.<br />

CORVOL A. 1984. L Homme et l arbre sous l Ancien Régime. Paris : Economica, 1984, 757 p.<br />

DUHAMEL DU MONCEAU H.-L. 1766. De l exploitation des bois, ou moyens de tirer un<br />

parti avantageux des taillis, demi-futaies et hautes-futaies, et d en faire une juste estimation :<br />

avec la description des Arts qui se pratiquent dans <strong>les</strong> forêts. Paris : Guérin et Delatour, 2 t.<br />

706 p. + planches.<br />

GALMICHE. 1893. Etude sur <strong>les</strong> réserves des taillis sous futaie. B.S.F.F.C. t. II, 3-1893, p.<br />

108-119.<br />

GUYOT C. 1886. Les forêts lorraines jusqu en 1789. Nancy, Crépin-Leblond, 410 p.<br />

HUFFEL G. 1926. Les méthodes de l Aménagement forestier en France étude historique.<br />

Nancy-Paris-Strasbourg, Berger-Levrault, 1926, 231 p. (et : Anna<strong>les</strong> de l Ecole Nationale des<br />

Eaux et Forêts, t. 1, fasc. 2, 1927, 229 p. )<br />

HUSSON J.-P. 1991. Les hommes et la forêt en Lorraine. Paris, Bonneton, 318 p.<br />

HUSSON J.-P. 1997. L apport des cartes anciennes à la connaissance biogéographique des<br />

forêts. dans CORVOL A. ARNOULD P. HOTYAT M. (dir.) La forêt. Perceptions et<br />

représentations. Paris, l Harmattan, 1997, 401 p. (p. 25-32).<br />

MATHEY A. 1898. Les taillis sous futaie dans le bassin de la Saône. R.E.F. XXXVII, p. 689-<br />

703, 721-738, 753-765.<br />

MATHEY A. 1909. Traitement et aménagement d'un taillis sous futaie. B.S.F.F.C. vol. X, p.<br />

221-227.<br />

MONCHEREL. 1778. Commentaire sur <strong>les</strong> ordonnances de Lorraine, civile, criminelle, et<br />

concernant <strong>les</strong> eaux et forêts, combinées avec cel<strong>les</strong> de France. Bouillon : Société<br />

Typographique, pagination multiple.<br />

ROCHEL X. « Géographie historique et biogéographie : <strong>les</strong> apports des registres de<br />

martelages <strong>du</strong> XVIIIème siècle. Application à la hêtraie-sapinière vosgienne ». Dans<br />

BOULANGER P. TROCHET J.-R. où en est la géographie historique ? Actes <strong>du</strong><br />

colloque à l Université de Paris-Sorbonne, 12-14 septembre 2002, Paris :<br />

l Harmattan, 2005, p. 291-302.<br />

ROCHEL X. Gestion forestière et paysages dans <strong>les</strong> Vosges d après <strong>les</strong> registres de<br />

martelages <strong>du</strong> XVIIIe siècle. Essai de biogéographie historique. Thèse, géographie,<br />

université Nancy 2, 2004, 489 p.<br />

149


Comment valoriser <strong>les</strong> inventaires et cartographies <strong>du</strong> parc<br />

naturel régional de Lorraine ; programmes passés et à venir,<br />

l'observatoire <strong>du</strong> patrimoine naturel.<br />

Laurent GODÉ<br />

Responsable <strong>du</strong> service environnement <strong>du</strong> Parc naturel Régional de Lorraine<br />

Historique des connaissances botaniques <strong>du</strong> PnrL :<br />

Le parc naturel régional de lorraine, a été créé en 1974, en particulier au vu de son<br />

patrimoine naturel de zones humides (étangs, prairies, sources, cours d eau, mares, mares<br />

salées, marais alcalin ) mais aussi d éléments géologiques et paysagers tels que <strong>les</strong> côtes de<br />

Meuse et de Moselle.<br />

Ces milieux se répartissent sur <strong>les</strong> 220 000 ha des 189 communes <strong>du</strong> territoire Parc<br />

répartis sur 3 départements (Meurthe-et-moselle, Meuse et Moselle)<br />

Le travail d inventaire et de connaissances botaniques de ce territoire n a<br />

vraiment débuté qu à partir de 1985 : avec «l inventaire des espèces végéta<strong>les</strong> <strong>les</strong> plus<br />

remarquab<strong>les</strong> de la flore <strong>du</strong> PNRL » par Pierre Dardaine. Puis vinrent une série de<br />

recherches plus actives :<br />

1989: « sites d intérêt floristique <strong>du</strong> PNRL » par Serge Muller<br />

Entre1980 et 1990: de nombreux travaux sur <strong>les</strong> ZNIEFF, <strong>les</strong> messico<strong>les</strong> et <strong>les</strong> vallons<br />

froids furent engagés<br />

Dès 1993: des campagnes plus exhaustives de terrain débutèrent avec « l atlas<br />

communal »<br />

1997: début de 8 années d inventaires sur <strong>les</strong> prairies <strong>du</strong> Parc (avec <strong>les</strong> jardins et<br />

Conservatoires Botaniques de Nancy, l université de Metz et de nombreux bureaux<br />

d études).<br />

1997: début d inventaires de la flore des étangs (puis ponctuellement jusqu en 2006)<br />

1999: début des inventaires Natura 2000 (Rupt de Mad, Lindre, forêt de la reine,<br />

vallée de la Seille, vallée de l Esch, étangs de Lachaussée )<br />

2006: début de modernisation des ZNIEFF (sur 3 ans)<br />

Ainsi, en <strong>2007</strong>, ce sont pour l instant 1257 taxons botaniques référencés sur 1441 de<br />

la flore Lorraine sauvage.<br />

Un des plus importants outils de connaissance <strong>du</strong> patrimoine végétal <strong>du</strong> Parc est sans<br />

conteste le programme « Atlas communal »<br />

Mis en place en 1993, cet outil a pour ambition de réaliser l inventaire <strong>du</strong> patrimoine<br />

naturel des 189 communes <strong>du</strong> Parc, de le cartographier, de le hiérarchiser et de restituer cette<br />

information aux communes.<br />

Les financeurs principaux son le Conseil Régional, l Etat (via la Diren) et le conseil<br />

général de Moselle.<br />

Les objectifs principaux sont :<br />

Pour le territoire,<br />

INFORMATION : partage des connaissances <strong>du</strong> patrimoine naturel commun :<br />

milieux et espèces remarquab<strong>les</strong> et nature « ordinaire » aux habitants.<br />

CONNAISSANCE : intégrer ces éléments dans <strong>les</strong> mesures d aménagement <strong>du</strong><br />

territoire (élus).<br />

150


Pour le Parc naturel régional de Lorraine,<br />

CONNAISSANCE : ce sera la base des connaissances des richesses écologiques<br />

(milieux, faune, flore) avec une description détaillée et cartographiée des espaces non<br />

urbanisés.<br />

EXPERIMENTAL : traitements et analyses d images satellites pour corréler<br />

l information de terrain et envisager des mises à jour plus rapides..<br />

AGIR : suite aux restitutions en communes, mettre en place des mesures de gestion<br />

et de protection des milieux ou espèces remarquab<strong>les</strong>.<br />

Pour cela, au sein <strong>du</strong> service environnement <strong>du</strong> Parc, existe une équipe «SIG-Atlas<br />

communal » malheureusement pour le moment ré<strong>du</strong>ite à une seule personne.<br />

La chronologie d un Atlas communal est la suivante.<br />

D abord, présentation <strong>du</strong> programme en mairie et si la commune accepte, un avis aux<br />

habitants est lancé afin de savoir si certains refusent l accès de leurs parcel<strong>les</strong> à des fins<br />

d inventaire. En parallèle, il y a recueil des données existantes (bibliographie, audit ) suivi<br />

des inventaires et cartographies de terrain. De retour au bureau, l intégration des données sous<br />

ArcView 3.2 commence et permet d obtenir des cartes thématiques puis la conception des<br />

documents qui feront l objet de restitution publique (avec diaporama et verre de l amitié ).<br />

Le données cartographiques issues des inventaires de terrain correspondent à<br />

Carte d occupation <strong>du</strong> sol<br />

Carte de typologie des milieux<br />

Carte des périmètres et zones d inventaires<br />

Carte des VALEURS ECOLOGIQUES (synthèse)<br />

Ces dernières valeurs sont scindées en 5 degrés : Sans intérêt remarquable, Intérêt<br />

local, Intérêt Parc, Intérêt Régional et Intérêt National à International.<br />

Il y est également fait mention des périmètres et zones d inventaires (ZNIEFF, ENS, Natura<br />

2000 ).<br />

Pour aboutir à tout cela, de très nombreuses fiches de terrain sont remplies d un très grand<br />

nombre d information, en particulier sur <strong>les</strong> espèces, mais pour l instant une faible<br />

valorisation de cette information est réalisée. Une première étape est franchie en ce moment<br />

avec, par exemple, la signature d une convention de mutualisation des données floristiques<br />

avec l association <strong>Floraine</strong>. Ainsi, un grand nombre des informations de l Atlas vont<br />

retrouvées une nouvel<strong>les</strong> vie dans leur informatisation pour l Atlas des plantes de Lorraine.<br />

De même, pour le Parc, se met en place en <strong>2007</strong> un atlas interactif sur Internet, donnant pour<br />

l instant de l information globale sur le territoire mais qui va bientôt se développer via la<br />

création d un observatoire <strong>du</strong> patrimoine naturel. Les objectifs de ce programme sont de<br />

suivre et évaluer la Charte <strong>du</strong> Parc, de rassembler et partager l information avec <strong>les</strong><br />

associations, <strong>les</strong> partenaires, <strong>les</strong> habitants au travers d une base de données interactives et<br />

d organiser avec <strong>les</strong> partenaires et acteurs régionaux de l environnement l information<br />

échangeable sur <strong>les</strong> données naturalistes.<br />

Cet observatoire servira également à agglomérer <strong>les</strong> données cartographiques pour un suivi<br />

spatial de la répartition des espèces et de l évolution des territoires. En particulier, ces<br />

cartographies et base de données seront utilisées pour établir et poursuivre <strong>les</strong> cartographies et<br />

études nécessaires à l application d une politique active basée sur <strong>les</strong> réseaux et corridors<br />

écologiques (en cours).<br />

Nous espérons que ces phases en cours de développement permettront à tous <strong>les</strong> acteurs de la<br />

connaissance et de la protection des milieux naturels lorrains de se réunir et de mutualiser<br />

leurs données pour en faveur d une préservation accrue de la biodiversité en Lorraine.<br />

151


La flore <strong>du</strong> canton de Genève (Suisse): inventaire, analyse et<br />

Liste Rouge<br />

Cyrille LATOUR, Nicolas WYLER & Catherine LAMBELET-HAUETER<br />

Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève<br />

Situé à l'extrême ouest de la Suisse, au carrefour des domaines atlantique, continental et<br />

méditerranéen, le canton de Genève possède une flore très diversifiée sur un territoire pourtant<br />

modeste. Sa superficie limitée et sa topographie très peu accidentée ont ren<strong>du</strong> possible un inventaire<br />

exhaustif de l'ensemble des plantes vasculaires qui y croissent, en utilisant <strong>les</strong> mail<strong>les</strong> kilométriques <strong>du</strong><br />

réseau topographique suisse comme unité d'échantillonnage. Outre des informations généra<strong>les</strong> portant<br />

sur le canton dans son ensemble, notamment la répartition de chaque espèce, le nombre de famil<strong>les</strong>, de<br />

55<br />

555<br />

5<br />

5<br />

55<br />

5555<br />

55555<br />

55<br />

555<br />

5<br />

5 5<br />

55<br />

5555 5 5 555<br />

55 555<br />

@ @ 555<br />

555 5 555<br />

@ 5 5 55555 5<br />

555 5 5555 5<br />

@ 5555<br />

@ 55<br />

5 5 5<br />

5 5 5<br />

5<br />

5<br />

555<br />

Répartition de Galium sylvaticum.<br />

genres et d espèces présents, ou encore leur<br />

provenance géographique, des analyses plus fines<br />

portant sur la répartition de divers facteurs ont été<br />

effectuées à partir des données de présence de chaque<br />

taxon au sein des mail<strong>les</strong> kilométriques, en particulier<br />

la répartition des valeurs écologiques et des groupes<br />

écologiques, permettant une première subdivision <strong>du</strong><br />

canton en secteurs floristiques. Enfin, cette étude<br />

constitue un "état 0" de la flore selon une méthode<br />

standardisée et repro<strong>du</strong>ctible.<br />

Les données récoltées <strong>du</strong>rant cet inventaire ont également été mises à profit pour évaluer<br />

l'impact des paramètres paysagers sur la<br />

répartition de la richesse spécifique de la flore <strong>du</strong><br />

canton, en utilisant des modè<strong>les</strong> statistiques associés à<br />

un système d'informations géographiques (SIG).<br />

L'objectif était de réaliser des prédictions de la<br />

répartition spatiale de la richesse floristique à trois<br />

niveaux: la flore dans son ensemble, <strong>les</strong> espèces<br />

menacées et <strong>les</strong> espèces rares. Les modè<strong>les</strong> expliquent<br />

jusqu'à 80 % de la répartition de la richesse spécifique.<br />

Par conséquent, <strong>les</strong> variab<strong>les</strong> paysagères constituent de<br />

bons prédicteurs dans le cadre de cette problématique.<br />

Les conclusions de cette étude devraient permettre de<br />

faire des propositions de gestion, afin d'assurer la<br />

conservation de cette flore très diversifiée.<br />

Une application concrète des résultats de la cartographie de la flore <strong>du</strong> canton de Genève a<br />

été l'élaboration d'une Liste Rouge des plantes vasculaires <strong>du</strong> canton, venant affiner <strong>les</strong> données<br />

disponib<strong>les</strong> au niveau national. Les résultats à l'échelle kilométrique de la cartographie de la flore <strong>du</strong><br />

canton étant insuffisants pour évaluer <strong>les</strong> effectifs des populations des espèces rares et leur localisation<br />

précise, un inventaire complémentaire a été effectué. Cette Liste Rouge représente un instrument<br />

indispensable pour la protection de la nature, notamment en matière de mise en priorité des actions de<br />

conservation. En mettant en évidence l'importance de la conservation des taxons menacés, elle<br />

constitue un levier efficace pour la protection des espèces. Enfin, une Liste Rouge a également un<br />

impact sur le monitoring général de la biodiversité.<br />

152<br />

Modélisation de la<br />

richesse floristique.


Les groupements végétaux de la cédraie <strong>du</strong> massif de Chélia<br />

« Aurès Algérie»<br />

BEGHAMI Yassine 1 , DE BELAIR Gérard 2<br />

1-Université de Biskra, 2-Université d'Annaba<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

A l inverse des pays <strong>du</strong> nord de la méditerranée <strong>les</strong> formations forestières de la rive<br />

sud et est de la méditerranée sont en régression (QUEZEL, 2000). Cette régression est in<strong>du</strong>ite<br />

surtout par une action anthropique très marquée <strong>du</strong>e à une surexploitation (surpâturage<br />

permanent, coupes illicites et incendies de forêt) de ces milieux très fragi<strong>les</strong> et qui sont de<br />

plus soumis à des contraintes naturel<strong>les</strong> localement sévères. Bien enten<strong>du</strong> que cette régression<br />

ne se limite pas non seulement aux milieux forestiers mais menace dans une moindre mesure<br />

la biodiversité des zones pré-forestière et non forestière. Pour diagnostiquer et proposer <strong>les</strong><br />

remèdes possib<strong>les</strong>, un état des lieux de la végétation s avère le point de départ pour toute<br />

évaluation de cette régression.<br />

En consultant la littérature relative aux cédraies <strong>du</strong> Maghreb et notamment<br />

cel<strong>les</strong> des Aurès, peu de recherches et travaux phytosociologiques lui ont été consacrées<br />

(ABDESSAMED, 1981). D une manière plus globale la description des groupements<br />

végétaux de l Algérie reste encore peu définie ou peu connues (BEN ABID, 1994). Aussi<br />

faut-il souligner qu aucune recherche systématique récente dans le domaine de la flore<br />

méditerranéenne au Maghreb, et spécialement cel<strong>les</strong> des montagnes de Est algérien (Aurès).<br />

Notre approche se base sur un échantillonnage stratifié visant à déterminer <strong>les</strong> facteurs<br />

écologiques responsab<strong>les</strong> <strong>du</strong> déterminisme de la végétation <strong>du</strong> massif de Chelia (BEGHAMI,<br />

2003 ; BEGHAMI et al. in prep). L objectif est la définition de groupements végétaux et leur<br />

répartition selon le gradient écologique ainsi établi.<br />

Présentation <strong>du</strong> site<br />

Le site d étude se situe dans l Est algérien à environ 200 km de la mer Méditerranée,<br />

sur <strong>les</strong> montagnes de l Atlas saharien (Fig.1).<br />

Fig.1 : Présentation<br />

<strong>du</strong> site<br />

Carte des points-chauds de biodiversité végéta<strong>les</strong> dans le bassin méditerranéen ( VELA & BENHOUHOU <strong>2007</strong>,<br />

sous-presse)<br />

153


Il se trouve ainsi à moins de 60 Km de la première oasis <strong>du</strong> Sahara (la palmeraie de<br />

Khérane), et est soumis à des influences climatiques très diffici<strong>les</strong> (notamment un vent sec et<br />

chaud venant <strong>du</strong> sud). La calotte sommitale de ce massif est l unique paysage dans <strong>les</strong> Aurès<br />

et le Belezma portant une végétation de physionomie particulière, dominée par des<br />

« orophytes épineuses en coussinet ».<br />

Fig.2 : Carte des secteurs phytogéographiques dans le<br />

nord de l Algérie (QUEZEL & SANTE 1962)<br />

Le massif de chélia est localisé à l intérieur des coordonnées géographiques<br />

suivantes : de 35°1724 à 35°2315 de latitude Nord et 6°4549 à 6°3353 de longitude Est.<br />

La lithologie de ce massif étant composite : <strong>les</strong> strates <strong>du</strong> Barrémien et de l Aptien affleurent<br />

sous un faciès gréseux, l Albien par un faciès Flysch et le Cénomanien présente un faciès<br />

marno-calcaire (Fig.3).<br />

Quant à la pluviométrie moyenne annuelle, ce massif reçoit une tranche d eau qui<br />

varie en fonction de l altitude et de l orographie de la montagne, de 500 jusqu à 1000 mm par<br />

an.<br />

Le massif de Chélia est parcouru par <strong>les</strong> étages bioclimatiques de végétation allant <strong>du</strong><br />

semi-aride supérieur jusqu à l humide.<br />

154


Fig. 3 : CARTE GEOLOGIQUE (LAFFITE, 1939)<br />

1<br />

4 Km<br />

Flysch de<br />

l Albien<br />

Méthodologie<br />

Notre contribution est portée sur la définition et la cartographie des<br />

groupements végétaux <strong>du</strong> massif de Chelia. L échantillonnage stratifié est le plus adéquat<br />

pour ce genre d étude. La lithologie de ce massif est hétérogène, nous l utiliserons donc<br />

comme critère principal de stratification pour subdiviser le domaine à étudier en sous<br />

ensemb<strong>les</strong>. Il en résulte 4 sous ensemb<strong>les</strong> : <strong>les</strong> marno-calcaires <strong>du</strong> cénomanien, <strong>les</strong> Flysch de<br />

l albien, <strong>les</strong> grés de l aptien et enfin <strong>les</strong> grés <strong>du</strong> barrémien. A l intérieur de chaque strate<br />

définie par la lithologie nous opérons un nouveau découpage en tenant compte des critères<br />

floristico-écologiques (formation végétale au sens physionomique, la pente, l orographie et<br />

l altitude). Au total 37 relevés ont été effectués <strong>du</strong>rant 2 compagnes <strong>du</strong> printemps<br />

(BEGHAMI, 2003). Sur chaque relevé la liste de toutes <strong>les</strong> espèces vasculaires a été dressé, la<br />

détermination est faites en se basant principalement de la flore de l Algérie (QUEZEL et<br />

SANTA, 1962).<br />

Après avoir récolter <strong>les</strong> données relatives à la végétation, un tableau à deux<br />

entrées a été élaboré (BEGHAMI, 2003). En effet <strong>les</strong> espèces végéta<strong>les</strong> sont disposées en<br />

lignes et <strong>les</strong> relevées en colonnes. Au total 189 espèces ont été inventoriées, à l intersection<br />

des lignes et des colonnes nous avons noté la présence ou l absence de l espèce. Ce tableau a<br />

subi l analyse factorielle des correspondances. Le diagramme suivant résume l enchaînement<br />

de l analyse.<br />

Notons que <strong>les</strong> espèces de fréquence inférieure à 3 ont été éliminées de l analyse afin<br />

de se concentrer sur le signal dominant et effacer le « bruit » <strong>du</strong>e aux espèces trop rares.<br />

Résultats<br />

D après l analyse factorielle relative au plan formé par le premier et le<br />

deuxième facteur : nous pouvons discriminer 4 sous-ensemb<strong>les</strong>, ce qui signifie que le massif<br />

de Chelia est partagé par 4 principaux groupements végétaux (Fig.4).<br />

155<br />

Grès de l Aptien<br />

Grés <strong>du</strong> Barrémien<br />

Marno-calcaire de<br />

cénomanien<br />

Cône de déjection<br />

torrentielle


Fig. 4 : Carte de l analyse factorielle des correspondances<br />

relative au plan 1.2 Sur 37 relevés x 111 espèces végéta<strong>les</strong>.<br />

Graphe des valeurs propres.<br />

Si nous examinons la distribution de ces groupements le long d un gradient<br />

bioclimatique (Q2) nous constatons qu il n a pas une indivi<strong>du</strong>alité nette. L indivi<strong>du</strong>alité<br />

observée lors de l analyse n est que l effet de l échantillonnage. La répartition de la<br />

végétation de ce massif peut être représentée ainsi par une structure en écaille qui manifeste<br />

une transition gra<strong>du</strong>elle et progressive, phénomène connu sous le terme continuum écologique<br />

(Fig.5).<br />

156<br />

0.582<br />

0 38<br />

0


Fig. 5 : Structure en écaille des groupements végétaux <strong>du</strong> massif de Chélia suivant un<br />

gradient croissant de Q2 (d'après le diagramme proposé par Godron cité par CORRE,<br />

1970 ; GOUNOT 1969)<br />

5<br />

Chaque groupement englobe un certain nombre de relevés, ainsi <strong>les</strong> cordonnées<br />

des relevés de chaque groupement ont été utilisées pour une représentation spatiale des<br />

groupements prédéfinies dans le massif de Chélia (Fig.6).<br />

Fig.6: Répartition spatiale des groupements végétaux <strong>du</strong> massif de Chélia<br />

Aurès, Algérie<br />

7<br />

157<br />

9<br />

1<br />

Q


Aussi avons-nous tenté de représenter <strong>les</strong> groupements végétaux de ce site sur un<br />

profil topographique de direction Nord-Ouest / Sud-Est en fonction de la lithologie, de<br />

l altitude et de l orographie en passant par le point culminant (2328 m) (Fig.7).<br />

ysch de<br />

l'Albien<br />

Fl<br />

Fig.7 : Répartition des groupements végétaux <strong>du</strong> massif de Chélia le long<br />

d un profil topographique de direction Nord-ouest Sud-Est en passant par le<br />

point culminant 2328m.<br />

L analyse multidimensionnelle de la végétation nous a con<strong>du</strong>it à définir 4<br />

groupements végétaux fortement reliés à un gradient bioclimatique combinant altitude de la<br />

station et exposition générale de la montagne. En réalité, il n existe pas une indivi<strong>du</strong>alité nette<br />

de ces groupements, et <strong>du</strong> fait de la variation progressive des facteurs écologiques<br />

déterminants, on constate une transition gra<strong>du</strong>elle d un groupement à l autre (continuum<br />

écologique), la discontinuité n étant que le fait de l échantillonnage.<br />

326<br />

Grés<br />

Marno<br />

calcaire de cénomanien<br />

158<br />

Gré<br />

s <strong>du</strong> Barrémien<br />

G<br />

rés de<br />

Flysch<br />

de l'Albien


Conclusion<br />

Jusqu à présent, la seule carte de végétation disponible était une carte des formations<br />

végéta<strong>les</strong> déterminée sur la base de la seule physionomie (espèce dominante). Notre approche<br />

phyto-écologique permet d appréhender le découpage spatial de la végétation selon une<br />

méthode de description écologique.<br />

Il est important de mieux cerner l écologie <strong>du</strong> Cèdre dans une zone soumise à des<br />

contraintes anthropiques de plus en plus sévères (surpâturage, érosion, coupes illicites) qui<br />

s ajoutent à des contraintes naturel<strong>les</strong> déjà très fortes. De tel<strong>les</strong> recherches seront poursuivies<br />

dans l avenir afin d établir un diagnostic diachronique de la dynamique régressive de cette<br />

végétation, dans l espoir de rétablir une gestion écologique et conservatoire de ce massif<br />

forestier.<br />

Bibliographie<br />

ABDESSAMED K. 1981 : Le cèdre de l Atlas (Cedrus atlantica M.) dans <strong>les</strong> massifs<br />

de l Aurès et Belezma. Etude phytosociologique et problèmes de conservation et<br />

d aménagement. Thèse de docteur Ingénieur. Univ. Aix- Marseille 199p.<br />

BEGHAMI Y. 2003 : Contribution a l etude de la flore et de quelques paramètres de<br />

l environnement de la cédraie <strong>du</strong> massif de chélia Aurès Algérie<br />

BENABID A. - 1994 : Biogéographie et phytodynamique des cédraies de l Atlas Cedrus<br />

atlantica (Manetti). Ann. Rech. For. Maroc, 27 (spécial), Vol.1, IXXXVI & 1-361 62-75<br />

CORRE J. 1987 : Cours post-universitaire pour l aménagement intégré des territoiresvaleur<br />

indicatrice de la végétation - Commission Française pour l U.N.E.S.C.O 139p<br />

GOUNOT M. 1969 : Méthodes d étude quantitatives de la végétation. Masson.314p.<br />

LAFFITE R.- 1939 : Esquisse géologique de l Aurès. Thèse ès sciences- Paris France<br />

QUEZEL et SANTA. (1962, 1963) : Nouvelle flore de l Algérie et des régions désertiques<br />

méridiona<strong>les</strong> p1170 (Ed.) C.N.R.S paris 7.<br />

159


Typologie phytosociologique et croissance des peuplements<br />

de pin d'Alep dans le massif des Ben-Imloul (Aurès).<br />

KHERCHOUCHE Dalila (1), KAABECHE Mohammed (2)<br />

Dans <strong>les</strong> Aurès, le massif des Beni-Imloul abrite l'une des plus bel<strong>les</strong> forêts de<br />

Pinus halepensis Mill. Il constitue l'un des sites où la diversité biologique et écologique est<br />

exceptionnellement riche.<br />

Malheureusement, cette pinède constitue le dernier rempart contre l'avancée <strong>du</strong> désert, elle<br />

est limitée au Sud par la première oasis (Palmeraie de Kheïrane).<br />

Afin de préserver cette biodiversité et donc pour pratiquer une gestion sylvicole efficace, le<br />

forestier a besoin de connaître l'influence <strong>du</strong> milieu sur la croissance et la pro<strong>du</strong>ction des peuplements.<br />

La composition floristique constitue le reflet biologique de l'ensemble des variab<strong>les</strong><br />

écologiques d'une station. Il est donc amené à tenter d'établir une relation végétation-croissance à<br />

partir des peuplements existants.<br />

Ainsi 17 stations couvrant toutes <strong>les</strong> variations possib<strong>les</strong> des conditions <strong>du</strong> milieu ont été<br />

échantillonnées dans la pinède des Beni-Imloul. Dans chaque station trois types de relevés ont été<br />

réalisés : dendrométrique, écologique et phytosociologique (sur une aire minimale de 100 m 2 ).<br />

Le relevé dendrométrique nous a permis de modéliser la croissance en hauteur<br />

dominante à partir d'analyses de tiges et définir 4 classes de croissance ou de fertilité.<br />

Pour la mise en évidence de la relation végétation croissance, deux aspects ont été comparés<br />

: l'un synécologique et l'autre autoécologique.<br />

Selon la première approche, la corrélation entre <strong>les</strong> groupements végétaux et <strong>les</strong> classes de<br />

croissance a été faible, par contre la prise en compte des espèces séparément (autoécologie) a permis<br />

de dégager des espèces caractéristiques ou indicatrices pour chaque classe de croissance.<br />

Ces espèces peuvent servir alors de bio-indicateurs sur la fertilité de la station et<br />

fournir assez rapidement au gestionnaire forestier un outil de diagnostic simple pour choisir <strong>les</strong> modes<br />

de sylviculture <strong>les</strong> mieux adaptés pour ces peuplements.<br />

Cet outil permettra également d'apprécier <strong>les</strong> stations <strong>les</strong> plus favorab<strong>les</strong> aux reboisements<br />

<strong>du</strong> pin d'Alep dans cette zone (même en l'absence de peuplements) dont la pérennisation de la forêt<br />

reste primordiale.<br />

Mots clé :<br />

Biodiversité, phytosociologie, pin d'Alep, végétation, Beni-Imloul, Croissance,<br />

Typologie, Synécologie, autoécologie.<br />

(1) Département d'Agronomie, Faculté des Sciences, Université de Batna<br />

05000 (Algérie). E-mail: d.kherchouche@yahoo.fr<br />

(2) Département de Biologie, Faculté des Sciences, Université de Sétif 19000<br />

(Algérie). E-mail: kaabeche2@yahoo.fr<br />

160


Evolution de la distribution des espèces messico<strong>les</strong><br />

dans deux régions <strong>du</strong> Nord-Est de la France<br />

Fried Guillaume 1 , Cadet Emilie 1 & Hoff Michel 2 .<br />

1 UMR 1210 Biologie et Gestion des Adventices, INRA, ENESAD, UB,<br />

17 rue Sully, BP 86510, F-21065 Dijon<br />

2 Herbier de l Université Louis Pasteur, Institut de Botanique<br />

28, rue Goethe, 67000 Strasbourg<br />

Contexte et objectifs. Les espèces messico<strong>les</strong> sont des plantes annuel<strong>les</strong> inféodées aux<br />

céréa<strong>les</strong> d hiver. El<strong>les</strong> ont été intro<strong>du</strong>ites en Europe occidentale avec <strong>les</strong> céréa<strong>les</strong>, par différentes<br />

voies, depuis le Proche Orient et le Bassin méditerranéen. Au cours <strong>du</strong> XX ème siècle, ces espèces ont<br />

subi une forte régression <strong>du</strong> fait de l intensification des pratiques agrico<strong>les</strong>. Un Plan national d action<br />

pour la conservation des plantes messico<strong>les</strong> a été initié en 1998. Ce plan prévoit entre autres objectifs<br />

des actions d inventaires, afin d actualiser <strong>les</strong> connaissances sur la répartition passée et présente de ces<br />

espèces. Dans ce cadre, ce travail vise à établir la cartographie temporelle des espèces messico<strong>les</strong> dans<br />

deux régions <strong>du</strong> Nord-Est de la France, historiquement citées comme riches en messico<strong>les</strong> (Alsace et<br />

Côte-d Or), afin de déterminer : i) l évolution <strong>du</strong> statut des différentes espèces et ii) de localiser <strong>les</strong><br />

zones historiquement et actuellement <strong>les</strong> plus riches en messico<strong>les</strong>.<br />

Matériels et méthodes. Dans un premier temps, une base de données regroupant toutes <strong>les</strong><br />

observations de ces espèces a été établie à partir de différentes sources. Les données anciennes<br />

couvrant le XIX ème et le début <strong>du</strong> XX ème siècle ont été compilées à partir de différents herbiers de<br />

l Université Louis Pasteur de Strasbourg (STR) et <strong>du</strong> Muséum de l Arquebuse de Dijon, de manuscrits<br />

de botanistes, de flores anciennes <strong>du</strong> XIX ème siècle, etc. Des bases de données informatisées (base<br />

Brunfels de la Société Botanique d Alsace et base Flora <strong>du</strong> Conservatoire Botanique national <strong>du</strong><br />

Bassin parisien) ont permis de couvrir la période la plus récente. Les informations relevées se<br />

répartissent en quatre catégories : (1) temporelle : date de récolte ou d observation, (2) spatiale :<br />

commune et parfois lieu-dit ou coordonnée géographique précise, (3) écologique : habitat, type de sol,<br />

altitude, etc., et plus rarement (4) démographique : taille de la population. Dans un second temps, des<br />

prospections de terrain ont été effectuées, en 2004 en Alsace et en 2005-2006 (en cours) en Côte-d Or.<br />

Ces prospections ont été con<strong>du</strong>ites en suivant deux règ<strong>les</strong> de priorité, visite prioritaire : i) dans <strong>les</strong><br />

stations encore connues récemment et ii) dans <strong>les</strong> secteurs localisab<strong>les</strong> d après <strong>les</strong> données anciennes<br />

(coordonnées précises, lieux-dits), puis, dans un rayon plus large (dans l ensemble de la commune).<br />

Les données ont été réparties au sein de trois périodes chronologiques : avant 1970 (i.e. avant le<br />

processus d intensification), de 1970 à 1990 et après 1990.<br />

Principaux résultats. (1) En Alsace, ce travail a permis de classer <strong>les</strong> espèces messico<strong>les</strong> en 4<br />

catégories suivant l évolution de leur statut : 21 espèces ont disparues avant 1990, 19 espèces sont en<br />

danger dont 7 au bord de l extinction (1 ou 2 stations relictuel<strong>les</strong>), 7 espèces sont en régression<br />

accusée sans être menacée à court terme et 15 espèces se maintiennent plus ou moins. En Côte-d Or,<br />

<strong>les</strong> premiers résultats semblent montrer que la situation est moins précaire, avec le maintien de<br />

plusieurs espèces non revues récemment en Alsace (Bupleurum rotundifolium, Nigella arvensis, etc.).<br />

(2) La cartographie a permis de faire émerger quelques zones géographiques plus propices aux espèces<br />

messico<strong>les</strong>, correspondant soit à un type d habitat particulier (zones combinant des terres calcaires<br />

filtrantes et un climat plus chaud, favorab<strong>les</strong> aux espèces <strong>les</strong> plus xéro-thermophi<strong>les</strong>), soit à une région<br />

agricole ayant conservé des pratiques extensives (exemple de l Alsace Bossue où la polycultureélevage<br />

et l utilisation de semences de fermes restent favorab<strong>les</strong> à Bromus secalinus). Le travail de<br />

cartographie permet ainsi d orienter de futures campagnes de prospections plus fines et de délimiter<br />

<strong>les</strong> zones <strong>les</strong> plus favorab<strong>les</strong> à la conservation des différentes espèces. (3) La connaissance des<br />

répartitions anciennes et actuel<strong>les</strong> apportée par ce travail a considérablement amélioré la perception <strong>du</strong><br />

statut des espèces par rapport aux publications récentes. De manière annexe, ce travail a permis de<br />

mettre en évidence des zones historiquement sous prospectées (Alsace Bossue et Sundgau en Alsace et<br />

Nord <strong>du</strong> Châtillonais en Côte-d Or) qui mériteraient une attention plus particulière des botanistes.<br />

161


Les écosystèmes forestiers en Lorraine et en Alsace<br />

Raymonde VIRION<br />

Inventaire forestier national<br />

14, rue Girardet CS 4216<br />

54042 NANCY CEDEX<br />

Courriel : raymonde.virion@ifn.fr<br />

Depuis 1992, l Inventaire forestier national effectue des relevés écologiques et floristiques<br />

tout au long de l année sur toutes ses placettes de sondage en France métropolitaine, la base de<br />

données nationale contient actuellement plus de 100 000 placettes géoréférencées réparties dans tous<br />

<strong>les</strong> milieux forestiers.<br />

Le poster proposé est constitué de deux parties illustrant différentes possibilités de<br />

représentation des relations entre <strong>les</strong> plantes et leur milieu dans <strong>les</strong> écosystèmes forestiers :<br />

La première partie donne une carte de répartition des types de sol en Lorraine et en Alsace<br />

ainsi que la liste des données stationnel<strong>les</strong> relevées par l IFN sur ses points de sondage.<br />

Des exemp<strong>les</strong> de graphiques réalisés sur une région forestière nationale illustrent quelques<br />

possibilités de représentation de l importance des facteurs influençant la croissance des<br />

arbres forestiers.<br />

La seconde partie permet de voir la diversité des types de forêts dans <strong>les</strong> régions<br />

considérées, <strong>les</strong> indices calculés à partir des relevés de végétation avec la méthode<br />

Ecoflore* permettent de caractériser <strong>les</strong> niveaux trophique et hydrique des régions<br />

forestières. Les cartes de répartition d espèces figurant sur le poster sont cel<strong>les</strong> de l Atlas<br />

des plantes de Lorraine qui intègre <strong>les</strong> données floristiques IFN après examen et validation<br />

par FLORAINE.<br />

Les données écologiques et floristiques de l IFN peuvent être utilisées pour l élaboration de<br />

documents typologiques (catalogues et guides de stations forestières), l étude des habitats forestiers<br />

et le zonage de facteurs de risque pour la santé des forêts.<br />

Les données floristiques constituent un intégrateur permettant de définir <strong>les</strong> milieux<br />

naturels existants et le croisement avec <strong>les</strong> données dendrométriques permet<br />

d établir des relations avec la croissance des arbres.<br />

*Ecoflore :<br />

BARTOLI (M.), TRAN-HA (M.) - Logiciel ECOFLORE ONF, 1999.<br />

BARTOLI (M.), TRAN-HA (M.), LARGIER (G.), DUMÉ (G.), LARRIEU<br />

(L.) Ecoflore : un logiciel simple de diagnostic écologique. - RFF, vol. LII,<br />

n°6, 2000, pp. 530-547.<br />

BRUNO (E.), BARTOLI (M.) - Premiers enseignements de l utilisation <strong>du</strong><br />

logiciel ECOFLORE pour traiter <strong>les</strong> relevés botaniques de l IFN. RFF, vol.<br />

LIII, n° 3-4, 2001, pp. 391-396.<br />

162


Cartographie des espèces patrimonia<strong>les</strong> et son utilisation dans<br />

la gestion forestière<br />

Pascal Holveck ONF Alsace MF Bischofslaeger 67710 Wangenbourg<br />

La connaissance précise des localités d espèces patrimonia<strong>les</strong> est incontournable pour<br />

évaluer <strong>les</strong> enjeux environnementaux, et appréhender <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> de gestion nécessaires au maintien de<br />

la biodiversité dans <strong>les</strong> forêts gérées par l Office National des Forêts.<br />

Celle-ci doit passer par un outil informatique cartographique, afin de donner une répartition<br />

spatiale des espèces patrimonia<strong>les</strong>. La localisation sur un fond de plan doit être précise (carte IGN,<br />

orthophotos )<br />

Ces prises de données au niveau <strong>du</strong> terrain ne nécessitent pas de grandes compétences<br />

informatiques, avec un minimum de moyens matériels sans budget excessif.<br />

Matériels utilisés :<br />

- un PC avec bonne capacité de stockage et mémoire suffisante<br />

- un GPS Garmin 76 avec antenne<br />

- un logiciel de cartographie : Fgis (logiciel gratuit jusqu en sept/05)<br />

- un logiciel d échange PC-GPS : G7toWin<br />

- un logiciel de conversion au format shape (.shp) : Convert LT<br />

- fonds cartographiques : IGN (scans couleur 25000, orthophotoplans géoréférencés)<br />

Méthodologie :<br />

La localisation des espèces d intérêt patrimonial est prise à l aide <strong>du</strong> GPS en s assurant<br />

d une bonne réception satellitaire (3D minimum).<br />

Les données issues <strong>du</strong> GPS sont déchargées sur PC au format texte (.txt). Ce fichier est<br />

ensuite repris et converti en un fichier shape (.shp), utilisable dans tous <strong>les</strong> logiciels cartographiques.<br />

Les coordonnées géographiques (X,Y) sont versés dans une table attributaire (Thème) dont<br />

on renseigne <strong>les</strong> champs définis au préalable.<br />

Dans notre cas, <strong>les</strong> champs de la table utilisés sont <strong>les</strong> suivants :<br />

- ID : numéro d identification de la donnée<br />

- ESPECE : nom de genre + espèce + sous-espèce (voire variété)<br />

- LIEU_DIT : localisation <strong>du</strong> lieu-dit le plus proche (carte IGN)<br />

- FORET : type et nom de la foret (FD, FC ou FI ou privée)<br />

- PARCELLE : nom de la parcelle forestière<br />

- COMMUNE : nom <strong>du</strong> territoire communal de la donnée<br />

- DEPARTEMENT : numéro <strong>du</strong> département de la donnée<br />

- STATUT_PROTECTION : NA1, NA2 : protection nationale ; DH5 : Directive habitat annexe 5 ;<br />

PR_ALSACE : protection régionale Alsace ; LR_ALSACE : liste rouge Alsace.<br />

- X et Y : coordonnées géographiques en Lambert 2 éten<strong>du</strong> ou WGS 84<br />

- DATE : date de la prise de donnée<br />

- DECOUVREUR : nom de la personne ayant découvert l espèce<br />

Utilisations :<br />

Les données patrimonia<strong>les</strong> sont communiquées et utilisées par différents gestionnaires<br />

forestiers de terrain pour :<br />

- connaissance des ressources biodiversité d une foret : espèces + milieux remarquab<strong>les</strong><br />

- prise en compte dans la gestion forestière : exploitation, débardage, travaux de routes<br />

- intégrer <strong>les</strong> données patrimonia<strong>les</strong> dans <strong>les</strong> Aménagements forestiers (gestion <strong>du</strong>rable).<br />

D utilisation facile, ces données informatisées permettent également des échanges entre<br />

botanistes pour vérification des localisations et améliorer la base de données régiona<strong>les</strong>.<br />

163


Bases de données historiques pour l élaboration de l atlas de la<br />

Flore de Lorraine<br />

Jean Paul KLEIN 1 et François VERNIER 2<br />

L élaboration de l atlas des plantes de Lorraine nécessite la consultation des Flores anciennes et des<br />

herbiers. Depuis le XVIIIe siècle <strong>les</strong> botanistes ont parcouru la Lorraine et ont consignés <strong>les</strong> données<br />

de terrain. La littérature botanique concernant la région est abondante : Flores, Floru<strong>les</strong>, catalogues de<br />

plantes, synthèses bibliographiques, atlas des ptéridophytes, manuels, guides <strong>du</strong> botaniste,<br />

monographies, essais de géographie botanique, thèses, brochures, notes d herborisation, carnets de<br />

terrain, publications en séries, listes rouges, listes réglementaires, etc. Parmi <strong>les</strong> ouvrages de références<br />

il faut citer <strong>les</strong> Flores de France, <strong>les</strong> Flores régiona<strong>les</strong> de Lorraine et <strong>les</strong> Flores départementa<strong>les</strong><br />

(Meuse, Moselle, Vosges).<br />

Les archives de plantes desséchées constituées par <strong>les</strong> herbiers et <strong>les</strong> centuries présentent non<br />

seulement un intérêt historique et scientifique pour <strong>les</strong> études taxonomiques mais aussi pour l étude de<br />

l évolution <strong>du</strong> tapis végétal. El<strong>les</strong> sont aussi un bon outil de vérification de la littérature de l époque<br />

des récoltes.<br />

L ensemble des archives papiers (littérature botanique) et des plantes desséchées (herbiers)<br />

établissent <strong>les</strong> bases pour analyser l évolution spatio-temporelle de la flore de Lorraine. Ainsi, <strong>les</strong><br />

données historiques sont capita<strong>les</strong> pour l étude des plantes envahissantes ou simplement nouvel<strong>les</strong><br />

pour la région. En revanche, <strong>les</strong> données anciennes manquent pour certains groupes systématiques<br />

comme celui des Renoncu<strong>les</strong> aquatiques car <strong>les</strong> botanistes ne faisaient pas la distinction entre <strong>les</strong><br />

différentes espèces.<br />

Enfin, <strong>les</strong> banques de données consultab<strong>les</strong> sur internet facilitent la collecte des informations<br />

avec un gain de temps appréciable par rapport aux bibliothèques.<br />

Mots-clés : Lorraine, Atlas, Flore de Lorraine, herbiers, base de données.<br />

1 98 Rue des Capucins 55200 COMMERCY email : jean.paul.klein@wanadoo.fr<br />

2 77 Grande rue, Résidence le Village, 54180 HEILLECOURT<br />

email :francois.vernier@numericable.fr<br />

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