2010-Gal-Petitfaux-Sève-Cizeron-Adé - Actions, significations et ...
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INtroDuCtIoN<br />
Ancrage disciplinaire<br />
Chapitre y<br />
Activité <strong>et</strong> expérience des acteurs<br />
en situation : les apports<br />
de l’anthropologie cognitive<br />
Nathalie <strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong>, Carole <strong>Sève</strong>,<br />
Marc <strong>Cizeron</strong>, David <strong>Adé</strong><br />
L’anthropologie cognitive constitue l’ancrage disciplinaire délimitant le<br />
point de vue adopté dans ce chapitre pour analyser l’intervention en sport<br />
<strong>et</strong> en éducation physique <strong>et</strong> sportive (EPS). Les recherches conduites dans<br />
c<strong>et</strong>te orientation appréhendent l’intervention en se fondant sur un certain<br />
nombre de présupposés relatifs à l’étude de l’activité humaine <strong>et</strong> des situations<br />
sportives.<br />
En premier lieu, ces recherches privilégient une démarche compréhensive. La<br />
fondation du proj<strong>et</strong> anthropologique contient une spécificité, celle de l’autodétermination<br />
par l’homme de sa propre nature, <strong>et</strong> une analyse compréhensive<br />
est nécessaire lorsqu’on adm<strong>et</strong> que les activités humaines ont comme caractéristique<br />
majeure le fait d’avoir un sens pour ceux qui les vivent. Comprendre,<br />
c’est d’abord accéder à ce sens, c’est-à-dire à la façon dont des acteurs font<br />
l’expérience <strong>et</strong> interprètent les situations qu’ils vivent. D’autres sciences humaines<br />
comme la psychologie, la sociologie, l’ergonomie partagent ce point<br />
de vue, à tel point parfois que les frontières susceptibles de démarquer leurs<br />
ancrages disciplinaires sont difficiles à repérer.<br />
En deuxième lieu, ces recherches recourent à une description des situations<br />
d’intervention pour les comprendre. Les relations entre recherche <strong>et</strong> formation<br />
ne sont pas conçues de façon prescriptive : les résultats des études sont<br />
susceptibles d’enrichir les problématiques professionnelles, en apportant un<br />
gain à la compréhension des phénomènes qui s’y développent. Les liens entre<br />
culture scientifique <strong>et</strong> culture professionnelle de l’intervention ne peuvent<br />
se rapporter à un simple schéma d’application : la culture scientifique <strong>et</strong> la<br />
culture professionnelle s’influencent mutuellement.<br />
1
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
En troisième lieu, l’adjectif « cognitive » précise l’orientation thématique du<br />
proj<strong>et</strong> anthropologique. L’anthropologie cognitive s’intéresse aux processus<br />
cognitifs parce qu’ils sont centraux pour étudier une question anthropologique<br />
majeure : celle de l’acquisition <strong>et</strong> de la transmission des pratiques <strong>et</strong> représentations<br />
culturelles. De ce point de vue, les situations d’intervention en sport<br />
<strong>et</strong> en EPS constituent un terrain de choix car les pratiques d’acquisition <strong>et</strong> de<br />
transmission y sont extrêmement présentes <strong>et</strong> sous des formes diversifiées.<br />
Le proj<strong>et</strong> de l’anthropologie cognitive est d’atteindre, à partir de la diversité<br />
des situations humaines étudiées, l’unité des principes qui gouvernent le<br />
fonctionnement cognitif humain. Il constitue un ancrage disciplinaire fécond<br />
pour des programmes de recherche se développant dans différents secteurs<br />
d’intervention (le sport, le travail, l’éducation, les pratiques artistiques, <strong>et</strong>c.).<br />
Inscrites dans c<strong>et</strong> ancrage, les études conduites dans le domaine de l’intervention<br />
en sport <strong>et</strong> en EPS visent à formaliser des principes qui organisent<br />
l’activité des différents intervenants dans ce domaine particulier.<br />
Cadre théorique<br />
Le cadre théorique s’articule avec l’orientation disciplinaire sans s’y confondre.<br />
Si l’anthropologie cognitive délimite un point de vue adopté pour l’analyse<br />
de l’activité humaine, le cadre théorique en précise l’orientation scientifique.<br />
Les études de ce chapitre ont adopté un certain nombre de présupposés<br />
théoriques rassemblés sous la notion d’« action située ».<br />
Le cadre théorique de l’action située (Suchman, 1987) a opéré une rupture<br />
avec le modèle classique de planification de l’action. La prise en compte de<br />
l’environnement dans l’analyse de l’activité a conduit les chercheurs à m<strong>et</strong>tre<br />
en évidence la complexité <strong>et</strong> les propriétés dynamiques des situations ainsi<br />
que le caractère auto-organisé <strong>et</strong> émergeant de l’activité. En soulignant l’importance<br />
de la perception comme processus actif lié à l’intentionnalité du<br />
suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> à son engagement corporel dans la situation, c’est en fin de compte<br />
l’analyse <strong>et</strong> la modélisation de la cognition par analogie avec les ordinateurs<br />
qui a été peu à peu mise en défaut. Le concept d’« action située » n’était pas<br />
à l’origine relié au problème de la cognition. L’expression « action située »<br />
a transité vers celle de « cognition située » pour souligner l’idée que c’est en<br />
réalité l’acteur, en tant qu’agent cognitif, qui est situé.<br />
Le cadre de l’action (ou de la cognition) située s’organise autour de trois idées<br />
clefs, en rupture fondamentale avec les présupposés cognitivistes classiques<br />
(<strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong> <strong>et</strong> Durand, 2001 ; Saury, Ria, <strong>Sève</strong> <strong>et</strong> <strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong>, 2006) :<br />
– le caractère incarné de la cognition. La cognition prend racine dans le corps,<br />
dans ses composantes neurobiologiques les plus profondes ;<br />
– le caractère indéterminé de l’action. Elle se déploie en relation avec des<br />
ressources acquises au cours des expériences passées <strong>et</strong> aussi en exploitant<br />
celles présentes dans la situation actuelle. Toute action est toujours, dans une<br />
certaine mesure, une improvisation en situation ;<br />
2
aCtivité e t e x p é r i e n C e d e S a C t e u r S e n Situation : l e S apportS d e l’a n t h r o p o l o g i e Cognitive<br />
– la cognition (ou l’action) est une construction de <strong>significations</strong>, partagées<br />
par une communauté. La cognition est socialement <strong>et</strong> culturellement située :<br />
agir c’est construire des <strong>significations</strong> dans un contexte culturel <strong>et</strong> en relation<br />
avec d’autres individus.<br />
Selon ce cadrage théorique, agir consiste avant tout à attribuer du sens aux<br />
situations vécues de façon à se les rendre familières <strong>et</strong> intelligibles. La formulation<br />
condensée d’ « anthropologie cognitive située » (Theureau, 2004)<br />
perm<strong>et</strong> de rassembler à la fois l’orientation anthropologique <strong>et</strong> son inscription<br />
dans le cadre théorique de l’« action située » (ou « cognition située »). Dans sa<br />
vision de l’« anthropologie cognitive située », Theureau insiste sur le présupposé<br />
d’autonomie de l’acteur au sens de Varela (1989), autrement dit sur l’idée<br />
d’un couplage asymétrique entre l’acteur <strong>et</strong> l’environnement. C<strong>et</strong>te asymétrie<br />
marque le fait que l’individu possède une phénoménologie propre : c’est lui<br />
qui détermine, par son activité, les éléments de l’environnement avec lesquels<br />
il interagit <strong>et</strong> qui construit à chaque instant sa propre situation. Du point de vue<br />
du suj<strong>et</strong> agissant, la situation n’occupe pas une position d’extériorité objective<br />
à laquelle il se confronte : la situation correspond en fait à l’interprétation permanente<br />
qu’il fait de ce qu’il vit, à chaque instant de son activité.<br />
options méthodologiques<br />
Étudier le sens de leur activité pour les acteurs s’accompagne de contraintes<br />
méthodologiques. L’une des plus fortes consiste à intégrer le point de vue de<br />
l’acteur pour décrire correctement son activité. L’idée n’est pas pour autant<br />
de r<strong>et</strong>ourner à une introspection naïve, mais d’armer au plan méthodologique<br />
l’accès à ce point de vue.<br />
À c<strong>et</strong>te fin, des chercheurs en grande partie regroupés autour de Marc Durand<br />
(2001), se sont tournés vers l’appareillage théorique <strong>et</strong> méthodologique du<br />
programme de recherche du cours d’action développé par Theureau (2004).<br />
Pour appréhender l’activité comme construction de <strong>significations</strong>, Theureau a<br />
proposé plusieurs obj<strong>et</strong>s théoriques <strong>et</strong> options méthodologiques, notamment<br />
le « cours d’action ». Il perm<strong>et</strong> de rendre compte de la manière dont évoluent<br />
les préoccupations, perceptions, connaissances, émotions, interprétations,<br />
d’un acteur au cours d’une séquence d’activité. Il est reconstruit sur la base de<br />
l’articulation de données comportementales <strong>et</strong> de verbalisations. Les données<br />
de verbalisation sont recueillies grâce à des entr<strong>et</strong>iens dits d’autoconfrontation.<br />
Lors de ces entr<strong>et</strong>iens, l’acteur est confronté à des traces de son activité<br />
passée (bien souvent des enregistrements audiovisuels) <strong>et</strong> est invité à raconter,<br />
décrire, commenter ce qu’il a perçu, pensé, ressenti, fait. Ces données<br />
d’observation des comportements de l’acteur en situation, <strong>et</strong> de verbalisation,<br />
perm<strong>et</strong>tent au chercheur, moyennant des précautions méthodologiques, de reconstruire<br />
l’activité vécue en s’appuyant sur le point de vue de l’acteur <strong>et</strong> en<br />
respectant la dynamique temporelle propre à son activité.<br />
3
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
Toutes les études rapportées dans ce chapitre ne s’inscrivent pas dans le programme<br />
de recherche du « cours d’action » ; toutefois, elles partagent le recours<br />
à des entr<strong>et</strong>iens d’autoconfrontation (Theureau, 2004) : elles font appel<br />
à la narration, par l’acteur, de son expérience vécue afin d’accéder à son point<br />
de vue <strong>et</strong> rendre compte du sens de son activité. Le point de vue subjectif de<br />
l’acteur est doublement contextualisé au cours de l’entr<strong>et</strong>ien :<br />
– d’une part avec les traces de son activité (rétroaction vidéo ou rappel en<br />
mémoire des événements vécus) ;<br />
– d’autre part avec la façon dont le chercheur m<strong>et</strong> en intrigue c<strong>et</strong>te expérience<br />
vécue (par le choix des séquences qu’il r<strong>et</strong>ient pour l’entr<strong>et</strong>ien, par les questions<br />
qu’il pose, les relances qu’il effectue).<br />
La suite de ce chapitre présente trois lignes de résultats d’études conduites<br />
dans l’orientation de l’anthropologie cognitive située :<br />
– la dynamique <strong>et</strong> l’inscription contextuelle de l’activité ;<br />
– les phénomènes de typicalisation, de catégorisation perceptive <strong>et</strong> de construction<br />
des connaissances pendant l’activité ;<br />
– les phénomènes de coordination interpersonnelle <strong>et</strong> d’articulation des activités<br />
individuelles.<br />
Chaque ligne de résultat s’appuie sur des études récentes, les plus illustratives<br />
de l’approche, dans le domaine de l’entraînement, de l’enseignement de<br />
l’EPS <strong>et</strong> de la formation.<br />
réSultAtS<br />
La dynamique <strong>et</strong> l’inscription contextuelle de l’activité<br />
des intervenants<br />
l’intervention, un cours d’action structuré par des séquences typiques d’action<br />
Un aspect remarquable de l’activité des intervenants est la récurrence de formes<br />
d’organisation de leur action, repérable par des séquences d’actions typiques<br />
: elles reflètent des classes de comportements <strong>et</strong> d’intentions relativement<br />
stables, traduisant la façon dont l’acteur répond <strong>et</strong> s’adapte aux contingences<br />
<strong>et</strong> perturbations environnementales. C<strong>et</strong>te récurrence a notamment été observée<br />
chez des sportifs experts (<strong>Sève</strong> <strong>et</strong> Leblanc, 2003) <strong>et</strong> des enseignants<br />
d’EPS expérimentés en natation sportive (Saury <strong>et</strong> <strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong>, 2003).<br />
4<br />
L’activité hic <strong>et</strong> nunc des intervenants en sport a un caractère contextuel.<br />
Elle est incompréhensible si on ne l’étudie pas en relation avec les empans<br />
temporels <strong>et</strong> l’environnement dans lesquels elle s’inscrit. Elle se structure<br />
à la fois temporellement, l’activité passée configurant l’activité future ; <strong>et</strong><br />
spatialement, par les offres de l’environnement <strong>et</strong> des obj<strong>et</strong>s in situ.
aCtivité e t e x p é r i e n C e d e S a C t e u r S e n Situation : l e S apportS d e l’a n t h r o p o l o g i e Cognitive<br />
Il a été mis en évidence que l’activité des pongistes experts s’organise selon<br />
trois structures d’action typiques qui alternent au cours du match : des séquences<br />
dites exploratoires (les joueurs cherchent à interpréter <strong>et</strong> comprendre<br />
le jeu de l’adversaire), exécutoires (ils recherchent une efficacité maximale)<br />
<strong>et</strong> dissimulatoires (ils tentent de masquer leurs doutes à l’adversaire). L’alternance<br />
de ces séquences révèle une adaptation aux contraintes de la situation,<br />
notamment celles liées au mode de comptage des points : lorsque les pongistes<br />
estiment qu’ils ne peuvent plus se perm<strong>et</strong>tre de perdre des points sans<br />
hypothéquer leurs chances de gain de match, ils ne m<strong>et</strong>tent plus en œuvre de<br />
séquences exploratoires.<br />
Dans les leçons de natation scolaire, où les élèves nagent en file indienne<br />
dans un couloir, deux structures typiques d’action sont identifiables chez les<br />
enseignants. Dans la première, nommée « présentation de l’exercice <strong>et</strong> lancement<br />
de la file indienne », l’enseignant réunit les élèves en bout de couloir : il<br />
transm<strong>et</strong> les consignes de travail, organise les départs échelonnés des élèves,<br />
puis se décale sur le bord latéral de la piscine pour superviser. Dans la seconde,<br />
nommée « supervision <strong>et</strong> correction individuelle des apprentissages »,<br />
l’enseignant corrige les élèves pendant qu’ils nagent. Elle est composée de<br />
trois séquences typiques : « flash » (corrections brèves, sur le vif, par injonctions),<br />
« suivi » (injonctions répétées, en suivant l’élève sur le bord pour<br />
l’encourager <strong>et</strong> validation du résultat immédiat), « arrêt » (arrêt de l’élève <strong>et</strong><br />
explications techniques riches). Ces trois modes dépendent :<br />
– du placement que l’enseignant adopte ;<br />
– de la nature des difficultés de nage qu’il perçoit in situ chez les élèves ;<br />
– de celles qu’il juge prioritaires à traiter.<br />
Pistes pour l’intervention<br />
De la singularité des actions émergent des structures d’action repérables, récurrentes<br />
<strong>et</strong> qui se stabilisent au fil de la pratique. Ces séquences typiques traduisent une compétence<br />
de l’intervenant à exploiter les ressources de l’environnement. L’identification de<br />
ces séquences <strong>et</strong> la compréhension de leur organisation ouvrent vers la conception de<br />
nouveaux contenus de formation visant à faciliter le développement de l’expérience des<br />
intervenants.<br />
l’intervention, un cours d’action structuré par des formats pédagogiques<br />
<strong>et</strong> des obj<strong>et</strong>s<br />
Pour organiser l’activité des élèves ou des athlètes, les enseignants <strong>et</strong> entraîneurs<br />
organisent l’espace de travail selon des formats pédagogiques variés<br />
(<strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong> <strong>et</strong> Durand, 2001) dont les plus caractéristiques sont les colonnes,<br />
files indiennes, vagues, ateliers, cercles.<br />
Par exemple, une étude sur l’enseignement scolaire de la gymnastique (<strong>Cizeron</strong><br />
<strong>et</strong> <strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong>, 2006) a mis en évidence trois formats caractéristiques<br />
: le « regroupement » lorsque l’enseignant réunit les élèves pour<br />
5
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
leur expliquer les consignes de travail ; les « ateliers » quand il scinde la<br />
classe en p<strong>et</strong>its groupes répartis dans l’espace ; la « file indienne », les élèves<br />
défilant à la « queue-leu-leu » les uns après les autres. Chaque format<br />
renvoie à une configuration particulière du rapport topographique entre<br />
l’enseignant <strong>et</strong> les élèves, <strong>et</strong> l’intervention de l’enseignant (ses actions<br />
gestuelles, la forme <strong>et</strong> le contenu de ses communications) est indexée aux<br />
propriétés du format.<br />
Ces formats pédagogiques sont structurés à partir d’obj<strong>et</strong>s variés (ballons,<br />
plots, lignes de terrain, <strong>et</strong>c.) dont s’aident les praticiens pour délimiter des espaces<br />
de circulation, corriger <strong>et</strong> évaluer le résultat des actions… Pour autant,<br />
les obj<strong>et</strong>s ne tiennent pas toujours les fonctions que leur a assignées l’intervenant<br />
(<strong>Adé</strong> <strong>et</strong> de Saint Georges, à paraître). Les obj<strong>et</strong>s participent par exemple<br />
à des processus de négociation implicites entre enseignants <strong>et</strong> élèves : pendant<br />
les leçons, les enseignants sont parfois confrontés à des modifications<br />
des formes d’utilisation des obj<strong>et</strong>s par les élèves. Ces modifications participent<br />
à des négociations par une conciliation des intérêts des enseignants <strong>et</strong><br />
des élèves. D’autres études ont pointé le rôle des obj<strong>et</strong>s dans les ritualisations<br />
(<strong>Adé</strong> <strong>et</strong> Poizat, sous presse) : les enseignants utilisent de façon récurrente des<br />
obj<strong>et</strong>s identiques pour des situations similaires afin de construire des rituels<br />
en classe (par exemple, utiliser un banc dans le gymnase pour faire asseoir un<br />
élève ayant commis une déviance).<br />
L’importance du rôle des obj<strong>et</strong>s a également été identifiée chez des nageurs de<br />
haut niveau à l’occasion de l’étude des interactions entre des nageurs <strong>et</strong> un appareillage<br />
technique (le MAD-system composé d’un rail sous l’eau sur lequel<br />
sont fixées des cales disposées perpendiculairement à l’axe de nage) conçu<br />
pour évaluer en crawl les résistances à l’avancement (<strong>Adé</strong>, Poizat, <strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong>,<br />
Seifert <strong>et</strong> Toussaint, sous presse). Il ressort que dans certaines plages de<br />
vitesse, les nageurs déploient des modalités d’utilisation différentes des cales,<br />
au niveau du rythme <strong>et</strong> de la force des appuis. Ces modifications sont similaires<br />
chez les nageurs lors des passages nagés à des vitesses lentes <strong>et</strong> rapides, <strong>et</strong><br />
singulières pour des passages à des vitesses moyennes. C<strong>et</strong>te étude renforce<br />
l’idée que les obj<strong>et</strong>s ne possèdent pas des propriétés objectives susceptibles<br />
de déterminer de façon identique l’activité des acteurs.<br />
6<br />
Pistes pour l’intervention<br />
L’activité <strong>et</strong> l’environnement se définissent mutuellement. Ceci ouvre sur trois pistes<br />
essentielles pour la formation :<br />
– reconnaître l’importance du rôle des formats pédagogiques <strong>et</strong> des obj<strong>et</strong>s dans l’expérience<br />
des intervenants ;<br />
– les concevoir non pas comme des composants de l’environnement « périphériques » à<br />
l’activité des acteurs mais comme des « appels » pour l’intervenant à guider une réponse<br />
attendue <strong>et</strong> des potentiels d’action pour les apprenants ;<br />
– adm<strong>et</strong>tre que tous les acteurs ne vivent pas de la même façon les formats <strong>et</strong> les obj<strong>et</strong>s<br />
avec lesquels ils interagissent.
aCtivité e t e x p é r i e n C e d e S a C t e u r S e n Situation : l e S apportS d e l’a n t h r o p o l o g i e Cognitive<br />
l’intervention, un cours d’action inscrit dans des cadres temporels<br />
emboîtés<br />
Les intervenants attribuent une signification aux actions <strong>et</strong> événements présents<br />
en les rattachant, d’une part à des actions <strong>et</strong> événements passés, <strong>et</strong><br />
d’autre part à des actions proj<strong>et</strong>ées <strong>et</strong> intentions futures.<br />
Par exemple, pour les entraîneurs olympiques de voile (Saury <strong>et</strong> <strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong>,<br />
2003), les périodes de préparation à la régate sont enchâssées dans des<br />
unités significatives plus larges, qui caractérisent les différents cadres temporels<br />
dans lesquels s’inscrit leur action au cours de la préparation olympique.<br />
À titre d’illustration, au cours d’une interaction à l’issue d’une régate, l’entraîneur<br />
s’était focalisé sur les sensations de l’athlète liées à l’utilisation d’un<br />
nouveau mât. Il rattachait son action à quatre horizons temporels :<br />
– la régate (les sensations immédiates perçues) ;<br />
– l’ensemble des régates de la compétition (la mise au point du mât) ;<br />
– la phase de la préparation (expérimentation du mât <strong>et</strong> évolution des sensations<br />
liées à son utilisation) ;<br />
– la Préparation olympique sur quatre ans (conception d’un mât pour optimiser<br />
la performance de l’athlète).<br />
Des études en EPS ont également pointé l’inscription temporelle de l’intervention.<br />
Par exemple, les conflits en classe se développent dans le cadre d’une<br />
histoire entre les enseignants <strong>et</strong> les élèves (Durand, 2001). La réaction d’un<br />
enseignant vis-à-vis d’un comportement déviant d’élève ne peut souvent se<br />
comprendre qu’en relation avec l’historique des interactions au cours même<br />
de la séance, des cycles, voire de l’année précédente. La sanction émise à<br />
l’instant « t » ne résulte pas du comportement immédiat de l’élève mais d’un<br />
ensemble de comportements précédents.<br />
C<strong>et</strong>te inscription temporelle de l’action est également décelable à l’échelle<br />
d’une situation pédagogique. Durand (2001), lors d’une étude sur l’enseignement<br />
de la gymnastique scolaire, a mis en évidence qu’un élève avait de fortes<br />
chances de recevoir de la part de l’enseignant un commentaire de nature similaire<br />
à celui donné juste avant à l’élève précédent. C<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> de contamination<br />
des consignes d’un élève à l’autre pointe l’ancrage de l’action présente dans<br />
celle qui la précède. Ceci peut s’expliquer par un phénomène d’hystérésis,<br />
c’est-à-dire d’adhérence aux événements <strong>et</strong> pensées passées.<br />
Pistes pour l’intervention<br />
L’intervention ici <strong>et</strong> maintenant prend son sens en référence à trois niveaux de temporalité<br />
: l’histoire des évènements passés ; les contraintes <strong>et</strong> ressources présentes ;<br />
l’accomplissement des objectifs visés. Former à l’intervention nécessite de prendre en<br />
compte la relation entre les échelles temporelles classiques de la planification (cycles,<br />
séances, exercices, <strong>et</strong>c.) <strong>et</strong> celle propre au décours même de l’activité.<br />
7
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
Précisions théoriques<br />
L’intervention a une organisation temporelle particulière <strong>et</strong> se structure non<br />
pas dans un environnement mais par c<strong>et</strong> environnement. Les formats pédagogiques<br />
<strong>et</strong> les obj<strong>et</strong>s influent sur l’organisation spatiale <strong>et</strong> temporelle de l’activité.<br />
L’intervention intègre une utilisation permanente de supports pour l’action<br />
(espaces, obj<strong>et</strong>s) qui constituent des « artefacts cognitifs » assurant des<br />
fonctions cognitives de guidage <strong>et</strong> de contrôle des actions. Par l’expérience,<br />
les praticiens apprennent à exploiter les ressources que leur offre l’environnement<br />
pour en faire des artefacts <strong>et</strong> agir plus efficacement. Comprendre l’intervention<br />
nécessite d’étudier comment les praticiens conçoivent ces artefacts, <strong>et</strong><br />
comment ceux-ci structurent en r<strong>et</strong>our leur activité.<br />
Précisions méthodologiques<br />
Analyser les dimensions contextuelles de l’intervention nécessite l’élaboration<br />
d’un observatoire perm<strong>et</strong>tant d’appréhender l’activité en relation avec les<br />
conditions spatiales, matérielles <strong>et</strong> dynamiques des situations. C<strong>et</strong> observatoire<br />
repose tout d’abord sur une observation <strong>et</strong>hnographique : les comportements<br />
du praticien sont enregistrés puis décrits finement de façon à reconstituer<br />
la chronique de ses actions <strong>et</strong> communications, leur inscription spatiale,<br />
leur instrumentation par des artefacts, ainsi que leur forme <strong>et</strong> contenu. Par<br />
l’auto-confrontation, le chercheur accède à la manière dont les espaces <strong>et</strong> obj<strong>et</strong>s<br />
influent sur la dynamique de construction des <strong>significations</strong> de l’acteur.<br />
Précisions épistémologiques<br />
L’espace <strong>et</strong> le temps sont couramment vus comme des entités distinctes de<br />
l’intervention. Les études présentées refusent de les dissocier <strong>et</strong> recourent à la<br />
méthodologie du cours d’action (Theureau, 2004), particulièrement féconde<br />
pour rendre compte du contexte vécu de l’activité. Toutefois, si le cours d’action<br />
perm<strong>et</strong> d’accéder aux propriétés contextuelles significatives pour l’acteur,<br />
il ne perm<strong>et</strong> pas de rendre compte de l’ensemble du processus d’incorporation<br />
des espaces <strong>et</strong> des obj<strong>et</strong>s qui reste pour partie indicible par l’acteur.<br />
Typification, catégorisation perceptive <strong>et</strong> construction<br />
de connaissances dans l’action<br />
8<br />
Les connaissances des intervenants mobilisées au cours de leur activité ont<br />
un caractère pragmatique : elles sont finalisées <strong>et</strong> modelées dans <strong>et</strong> par les<br />
situations d’intervention. Elles renvoient à des processus de typification de<br />
l’expérience : elles prennent la forme de « types » par lesquels les intervenants<br />
donnent du sens aux situations qu’ils rencontrent. Leur étude dans le<br />
cours de l’intervention m<strong>et</strong> en évidence leur caractère contextuel, incarné,<br />
à la fois dispositionnel <strong>et</strong> opportuniste. L’analyse réflexive est un moyen<br />
d’accéder à ces connaissances, de les conceptualiser <strong>et</strong> de les développer.
aCtivité e t e x p é r i e n C e d e S a C t e u r S e n Situation : l e S apportS d e l’a n t h r o p o l o g i e Cognitive<br />
la connaissance mobilisée dans l’action est un « type »<br />
Connaître pour agir, c’est reconnaître les traits typiques des situations d’intervention<br />
<strong>et</strong> évènements s’y déroulant. Ces typifications dans l’activité des<br />
intervenants sont des catégorisations à la fois conceptuelles <strong>et</strong> perceptives ;<br />
elles portent sur différents aspects des situations d’intervention. <strong>Sève</strong> (2001)<br />
montre, par exemple, qu’en cours de match, les pongistes de haut niveau m<strong>et</strong>tent<br />
en relation diverses connaissances, interprétations <strong>et</strong> éléments perceptifs.<br />
Leur activité est une mobilisation incessante de « types » pour s’adapter à<br />
l’incertitude de la situation, en reconnaissant des situations de jeu familières,<br />
dans lesquelles l’efficacité des actions a déjà été éprouvée.<br />
En étudiant l’activité des entraîneurs de haut niveau en gymnastique, Rolland <strong>et</strong><br />
<strong>Cizeron</strong> (2008) parviennent à des résultats analogues. Pour intervenir efficacement<br />
auprès des gymnastes, les entraîneurs mobilisent des connaissances fondées<br />
sur des processus de reconnaissance perceptive : ce qu’ils perçoivent correspond<br />
à des totalités dynamiques qui intègrent des formes particulières du corps du<br />
gymnaste, mais aussi des forces, des trajectoires, des vitesses, des accélérations,<br />
des durées. S’ils voient au cours de telle habil<strong>et</strong>é gymnique une position particulière<br />
de la tête vis-à-vis du buste, ils savent que c<strong>et</strong>te position entraîne un mouvement<br />
particulier du corps. Proches de gestalts dynamiques, ces types constituent<br />
des modèles par lesquels ils rendent intelligible le mouvement gymnique.<br />
Pistes pour l’intervention<br />
Les connaissances dans l’action ont un caractère fortement praxique <strong>et</strong> expérientiel.<br />
Intervenir efficacement suppose que le praticien apprenne à voir <strong>et</strong> à interpréter ce qui<br />
est pertinent en situation (« avoir le coup d’œil », « avoir l’œil du maquignon »...).<br />
les connaissances des intervenants sont structurées par des croyances<br />
Les connaissances que les intervenants mobilisent pour agir consistent pour<br />
partie en des croyances, c’est-à-dire des connaissances seulement « tenuespour-vraies<br />
». Croire, c’est adhérer à une idée sans nécessairement contrôler<br />
les arguments perm<strong>et</strong>tant de la démontrer. Les situations d’intervention étant<br />
par nature complexes, les croyances sont heuristiques pour caractériser les<br />
connaissances des intervenants <strong>et</strong> expliquer leur pertinence pragmatique. Une<br />
étude conduite avec des enseignants chevronnés spécialistes de gymnastique<br />
a mis en évidence un système de croyances (<strong>Cizeron</strong> <strong>et</strong> <strong>Gal</strong>-<strong>P<strong>et</strong>itfaux</strong>, 2002).<br />
Pour justifier leurs interventions en classe, les enseignants recourent notamment<br />
à des énoncés de connaissances essentiellement allusifs, approximatifs,<br />
métaphoriques <strong>et</strong> parfois en contradiction avec les énoncés scientifiques. Ils<br />
justifient par exemple leurs prescriptions d’alignement <strong>et</strong> de gainage du corps<br />
en mobilisant les notions de « transfert d’énergie » <strong>et</strong> de « fuite d’énergie ».<br />
Leur façon d’expliciter l’énergie montre qu’ils la comprennent de façon métaphorique<br />
comme une substance, un fluide, <strong>et</strong> ils métaphorisent le corps comme<br />
système de segments articulés dans lequel circule c<strong>et</strong>te « énergie substance ».<br />
9
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
10<br />
Pistes pour l’intervention<br />
Les croyances des intervenants ont un caractère essentiellement stable <strong>et</strong> résistant<br />
au changement. Au-delà des formalisations canoniques transmises, elles organisent<br />
le système de pensée des intervenants. Leur analyse aide à la conception des dispositifs<br />
de formation : les croyances sont des « dispositions à agir » <strong>et</strong> sont générées,<br />
transmises, renforcées sur le lieu même de l’action, d’où leur fonctionnalité pratique<br />
incontestable.<br />
Apprendre à intervenir en construisant des connaissances par l’action<br />
La littérature montre que les connaissances pour intervenir reposent sur deux<br />
registres complémentaires : des connaissances dites disciplinaires, académiques<br />
ou théoriques ; des connaissances d’expérience, construites dans l’action<br />
même. Ces dernières résultent d’une adaptation permanente aux situations<br />
d’entraînement <strong>et</strong> d’enseignement.<br />
En s’intéressant à la construction de connaissances au cours d’interactions<br />
sportives, des études pointent le caractère hypothétique des connaissances<br />
mais aussi leur résistance au changement. Une étude sur l’activité des pongistes<br />
experts (<strong>Sève</strong>, 2001) montre qu’en début de match, les joueurs testent au<br />
cours du jeu la validité de certaines connaissances construites antérieurement.<br />
Au fil du résultat des actions en cours, les connaissances existantes sont validées<br />
ou invalidées. Ce processus est asymétrique : une seule confirmation<br />
suffit à valider une connaissance existante, alors que plusieurs infirmations<br />
sont nécessaires pour l’invalider. Les pongistes construisent également de<br />
nouvelles connaissances dans l’action en identifiant des régularités dans les<br />
réponses de l’adversaire.<br />
En enseignement, des études ont repéré des processus similaires de construction,<br />
validation/invalidation de connaissances dans l’action, au cours d’expériences<br />
comme les dilemmes (Ria, Saury, <strong>Sève</strong>, Durand, 2001) ou les conflits en<br />
classe (Durand, 2001). Par exemple, les enseignants construisent des connaissances<br />
lorsqu’ils éprouvent des dilemmes, c’est-à-dire lorsqu’ils sont animés<br />
à un instant donné par des intentions d’action contradictoires. Ce type d’étude<br />
souligne le caractère situé <strong>et</strong> incarné des connaissances pour l’action à travers<br />
le rôle des émotions : bien qu’elle soit source d’inconfort pour l’intervenant,<br />
la tonalité émotionnelle vécue dans l’action apparaît comme une ressource<br />
potentielle pour apprendre.<br />
Pistes pour l’intervention<br />
Les analyses précédentes invitent à rem<strong>et</strong>tre en cause une idée courante selon laquelle<br />
les athlètes apprendraient à l’entraînement <strong>et</strong> appliqueraient ensuite leurs connaissances<br />
en match. De même, elles ont des r<strong>et</strong>ombées sur les dispositifs de formation des<br />
enseignants : considérer les stages professionnels non seulement comme un lieu d’application<br />
de connaissances, mais d’émergence, d’analyse de problèmes professionnels<br />
<strong>et</strong> de construction de connaissances pour l’action.
aCtivité e t e x p é r i e n C e d e S a C t e u r S e n Situation : l e S apportS d e l’a n t h r o p o l o g i e Cognitive<br />
l’analyse réflexive de l’activité aide à construire des connaissances<br />
pour l’intervention<br />
Les dispositifs de formation à l’intervention sont confrontés à la difficile articulation<br />
avec l’expérience pratique. Dans le cas du conseil pédagogique par exemple,<br />
les enseignants débutants construisent des connaissances <strong>et</strong> un vocabulaire<br />
communs avec leur conseiller pédagogique leur perm<strong>et</strong>tant de repérer des difficultés<br />
d’enseignement <strong>et</strong> d’envisager des actions à réaliser. Mais, en classe, ils<br />
ne parviennent que très rarement à agir en conformité avec ces anticipations.<br />
Assistée par le formateur, l’analyse réflexive vise à aider l’intervenant à mieux<br />
comprendre les situations qu’il a vécues, à les problématiser. Des études s’intéressent<br />
par exemple au développement professionnel des intervenants en enseignement<br />
à partir d’une analyse réflexive (Leblanc, Ria, Dieumegard, Serres<br />
<strong>et</strong> Durand, 2008). Elles montrent que l’analyse réflexive de pratiques :<br />
– facilite une conceptualisation des connaissances mobilisées ;<br />
– aide à construire des connaissances sous forme de types pour des classes de<br />
situations ;<br />
– montre au stagiaire que les connaissances pour agir sont sans cesse reconstruites<br />
en cours d’activité, tout en dotant celle-ci d’éléments de régularité.<br />
Pistes pour l’intervention<br />
Pour le praticien, l’analyse réflexive de sa propre activité vécue en situation d’intervention<br />
peut être une aide efficace, à condition que : le point de départ de c<strong>et</strong>te analyse soit<br />
effectivement son expérience vécue ; l’analyse passe par la description de son activité<br />
<strong>et</strong> l’explicitation des <strong>significations</strong> qui l’animaient en situation (intentions, émotions, perceptions<br />
<strong>et</strong> connaissances sur lesquelles il s’appuyait pour agir). L’analyse consiste alors<br />
à thématiser, problématiser, conceptualiser l’expérience, pour faire émerger de nouvelles<br />
connaissances susceptibles d’orienter l’action future.<br />
Précisions théoriques<br />
La connaissance mobilisée en action a une spécificité contextuelle <strong>et</strong> pragmatique.<br />
Dire que la connaissance est située signifie qu’il s’agit de la connaissance<br />
d’un acteur engagé par l’action dans une situation, <strong>et</strong> qu’elle ne peut<br />
être comprise qu’en relation étroite avec le sens que c<strong>et</strong>te situation a pour lui.<br />
Le caractère pragmatique de la connaissance mobilisée en action renvoie à sa<br />
nature opératoire ; la connaissance est une ressource perm<strong>et</strong>tant à l’intervenant<br />
de savoir-faire, de s’adapter à des situations complexes <strong>et</strong> aléatoires.<br />
Cependant, sa nature opératoire rend sa formalisation difficile. Théorisée par<br />
le chercheur seul, elle risque à tort d’épouser les formes prédicatives canoniques<br />
<strong>et</strong> habituelles de formulation du savoir (par exemple, énoncés propositionnels<br />
sous forme de règles, principes, <strong>et</strong>c.). Lorsque la parole est donnée<br />
aux acteurs, c’est rarement sous c<strong>et</strong>te forme qu’ils l’expriment. Ils mêlent dans<br />
leurs énoncés des éléments hétérogènes (images, métaphores, impressions,<br />
sentiments, sensations, perceptions, typifications de leurs expériences).<br />
11
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
La connaissance en action est donc, en tant que « type », une totalité signifiante<br />
qui a ses racines dans la corporéité. Elle a un caractère incarné au sens<br />
où elle a une dimension sensori-motrice, est perceptivement structurée, <strong>et</strong><br />
n’est pas isolable d’un ressenti émotionnel.<br />
Précisions méthodologiques<br />
Appréhender la connaissance mobilisée en action nécessite de recourir à des<br />
méthodologies perm<strong>et</strong>tant de l’étudier dans le cours même de l’intervention.<br />
Nos méthodes combinent une description <strong>et</strong>hnographique fine des actions observables<br />
par le chercheur <strong>et</strong> des entr<strong>et</strong>iens faisant expliciter par l’acteur ses<br />
pensées, interprétations, raisons, au moment même où il accomplissait telle<br />
ou telle action. La difficulté méthodologique principale est de focaliser l’acteur<br />
sur l’analyse du couplage action-cognition, en l’invitant à ancrer précisément<br />
son discours à propos du contexte de l’action.<br />
Les méthodologies employées en recherche ont dès lors aussi une certaine<br />
pertinence dans le domaine de la formation à l’intervention. Dans la mesure<br />
où c’est essentiellement dans l’action que se construit la connaissance pour<br />
l’intervention, il est important de r<strong>et</strong>enir les expériences vécues des praticiens<br />
comme un support à la formalisation <strong>et</strong> au développement de la connaissance<br />
des intervenants.<br />
Précisions épistémologiques<br />
La connaissance des praticiens est enchâssée dans leur activité, construite <strong>et</strong><br />
mobilisée à partir du contexte d’intervention. Son caractère incorporé suppose<br />
que le praticien, pour l’expliciter, décrive ses interprétations dans l’action,<br />
<strong>et</strong> non qu’il rationalise celles-ci a posteriori. Ainsi, la connaissance pratique<br />
des intervenants incite la recherche à s’orienter vers une épistémologie de<br />
la pratique, même si ces connaissances énoncées par le praticien ne forment<br />
qu’une partie de celles utilisées dans <strong>et</strong> pour son action.<br />
Coordinations interpersonnelles <strong>et</strong> articulation des activités<br />
individuelles<br />
Les situations sportives comportent une dimension collective. Elles m<strong>et</strong>tent<br />
en présence des individus devant ajuster leur propre activité à celle des<br />
autres pour coopérer ou s’affronter. Mais un « collectif expert » ne peut<br />
être réduit à un « collectif d’experts ». Une performance collective est autre<br />
chose que la somme des performances individuelles.<br />
Des communautés de pratique<br />
Dans l’enseignement des sports d’opposition en EPS, les enseignants prescrivent<br />
des tâches d’apprentissage dites coopératives ou compétitives pour<br />
12
aCtivité e t e x p é r i e n C e d e S a C t e u r S e n Situation : l e S apportS d e l’a n t h r o p o l o g i e Cognitive<br />
développer chez les élèves des compétences d’entraide ou d’opposition à<br />
autrui. Cependant des études récentes ont montré que les préoccupations<br />
des élèves une fois engagés dans ces tâches d’apprentissage sont multiples<br />
<strong>et</strong> qu’ils déploient conjointement ou successivement une activité à orientation<br />
coopérative ou compétitive. L’activité déployée par les élèves n’est pas<br />
toujours congruente avec la prescription de la tâche par l’enseignant : les<br />
élèves peuvent coopérer dans des tâches compétitives <strong>et</strong> s’affronter dans des<br />
tâches coopératives. Par exemple, lors de tâches d’évaluation, les élèves sont<br />
susceptibles d’adopter des stratégies de « coopération dans l’adversité » pour<br />
répondre aux enjeux évaluatifs (Saury <strong>et</strong> Rossard, sous presse). Ces modes de<br />
collaboration expriment une micro-culture propre à la communauté de pratique<br />
de la classe.<br />
Pistes pour l’intervention<br />
Ce résultat invite les intervenants à passer d’une vision prescriptive à une vision proscriptive<br />
des situations d’intervention en sport. Les tâches mises en place ne déterminent<br />
pas en totalité l’activité des élèves ou des athlètes mais leur offrent un champ de possibles<br />
pour agir. Aussi une compétence des intervenants est de comprendre la manière<br />
dont les élèves s’engagent dans les tâches prescrites, les modifient <strong>et</strong> négocient leurs<br />
exigences : un comportement d’élève qui peut sembler inapproprié au regard de la tâche<br />
proposée devient intelligible s’il est re-situé dans le contexte global des interactions au<br />
sein du groupe classe. Appréhender les éléments de la culture collective (propre à une<br />
classe, une équipe, un groupe d’élèves) constitue également une ressource pour l’activité<br />
des enseignants <strong>et</strong> des entraîneurs.<br />
la notion de référentiel commun<br />
La coopération entre les partenaires d’une même équipe exige une coordination<br />
des activités individuelles pour perm<strong>et</strong>tre l’atteinte d’un but commun.<br />
Une des notions les plus souvent mises en avant pour expliquer ces processus<br />
de coordination interpersonnelle est celle de référentiel commun, c’est-à-dire<br />
le partage de connaissances communes. Ce référentiel est essentiel dans la<br />
mesure où il donne aux membres de l’équipe un cadre de jeu <strong>et</strong> des repères<br />
collectifs communs.<br />
Des travaux montrent que les connaissances du référentiel commun sont<br />
construites par les membres de l’équipe au cours de leurs interactions passées,<br />
<strong>et</strong> du coup se modifient en relation avec ces interactions sur différents<br />
empans temporels (une saison sportive, un match). À titre d’illustration, certaines<br />
des connaissances partagées, notamment celles relatives aux aspects<br />
stratégiques, évoluent de manière différente au cours du match selon les<br />
joueurs. Une connaissance partagée au début du match telle que « notre zone<br />
presse m<strong>et</strong> l’équipe adverse en difficulté » peut être, au cours du jeu, renforcée<br />
chez certains joueurs <strong>et</strong> invalidée chez d’autres. De la même manière, lors<br />
du match, les partenaires d’une équipe ne construisent pas toujours les mêmes<br />
connaissances sur les adversaires.<br />
13
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
14<br />
Pistes pour l’intervention<br />
Pour améliorer l’efficacité collective d’une équipe en sport, une des voies d’intervention<br />
est d’actualiser les contenus du référentiel commun. Il s’agit d’accéder à la conception<br />
qu’ont les joueurs de l’organisation collective des actions (les conditions d’efficacité<br />
de l’organisation collective au niveau technique, physique, tactique ; les priorités dans<br />
l’orientation du jeu). Par exemple, dans des situations de coaching, l’entraîneur recherche,<br />
lors des briefings d’avant match, un partage par tous les coéquipiers de connaissances<br />
identiques quant à la stratégie collective à adopter. Dans la mesure où ces connaissances<br />
stratégiques évoluent de manière différente selon les joueurs, au cours même du<br />
déroulement du match, l’entraîneur doit rechercher régulièrement (grâce au temps morts<br />
par exemple) une réactualisation de ce partage.<br />
le partage de connaissances : similarité ou complémentarité<br />
Le partage des connaissances entre les membres d’un collectif peut être envisagé<br />
de différentes manières :<br />
– en termes de similarité : les membres de l’équipe possèdent des connaissances<br />
isomorphes ;<br />
– en termes de complémentarité : tout en présentant une part commune, leurs<br />
connaissances sont différentes ;<br />
– en termes de distribution : les connaissances sont différentes les unes des<br />
autres.<br />
Des études sur l’activité d’élèves (De Keukelaere, Guérin <strong>et</strong> Saury, 2008)<br />
ont mis en évidence l’aspect complémentaire <strong>et</strong> distribué du partage en montrant<br />
que lors des situations d’apprentissage <strong>et</strong> de performance, les élèves ne<br />
mobilisaient <strong>et</strong> ne construisaient pas toujours les mêmes connaissances. Par<br />
exemple, en volley-ball, une équipe respectait le principe de rotation lors de<br />
la récupération du service, alors que certains élèves n’avaient pas construit la<br />
« règle » correspondant à c<strong>et</strong>te rotation : ils se laissaient guider par d’autres<br />
élèves qui avaient une meilleure connaissance du « volley-ball fédéral ». Par<br />
contre ces élèves aidaient l’équipe à respecter une forme de comptage spécifique<br />
(avec des points bonus) prescrite par l’enseignant.<br />
Pistes pour l’intervention<br />
Pour l’intervenant en sport, il semble essentiel de s’interroger sur les formes de partage<br />
(similarité vs complémentarité) les plus efficaces au regard des exigences de la tâche<br />
collective. Ce n’est pas parce qu’un groupe d’élèves est efficace collectivement que chaque<br />
élève a construit l’ensemble des connaissances exigées par la réalisation de la tâche<br />
collective. Les élèves (ou les sportifs) peuvent avoir développé des compétences qui leur<br />
sont propres, <strong>et</strong> c’est leur agencement in situ qui perm<strong>et</strong> de produire une performance<br />
collective efficace. Aussi se pose une question de fond pour l’intervenant : est-il préférable<br />
de développer les compétences individuelles des élèves, ou est-il plus pertinent<br />
de leur apprendre à exploiter les ressources offertes par les autres tout en m<strong>et</strong>tant ses<br />
propres compétences à leur service ?
aCtivité e t e x p é r i e n C e d e S a C t e u r S e n Situation : l e S apportS d e l’a n t h r o p o l o g i e Cognitive<br />
Processus de partage <strong>et</strong> construction d’une intelligibilité mutuelle<br />
Les interactions sportives reposent sur des formes diverses de coordination<br />
interindividuelle. Par exemple, des études ont pointé cinq formats caractéristiques<br />
d’activité chez les acteurs sportifs lors de leurs interactions (Poizat,<br />
<strong>Sève</strong>, Bourbousson <strong>et</strong> Saury, 2009) :<br />
– l’enquête : consiste à explorer la situation pour la comprendre (exemple :<br />
identifier les points forts ou faibles de son adversaire) ;<br />
– la mise en visibilité : consiste à rendre ostentatoire certaines de ces intentions<br />
(exemple : signaler par un code gestuel à son partenaire le type de service<br />
que l’on va réaliser) ;<br />
– la surveillance : consiste à prendre régulièrement des informations sur la<br />
situation pour contrôler son évolution (exemple : évaluer l’adaptation de son<br />
adversaire contre un coup gênant) ;<br />
– le masquage : consiste à cacher à l’autre certaines de ses interprétations ou<br />
intentions (exemple : dissimuler ses doutes) ;<br />
– la recherche d’influence : consiste en une tentative d’influer sur les interprétations<br />
<strong>et</strong> jugements d’autrui (exemple : inciter son partenaire à opter pour les<br />
mêmes choix tactiques que soi).<br />
Ces cinq formats d’activités se r<strong>et</strong>rouvent dans les interactions coopératives<br />
<strong>et</strong> compétitives : ils visent à assurer une compréhension partagée entre les acteurs,<br />
nécessaire à la coordination interpersonnelle. Il s’agit, pour des acteurs<br />
engagés dans la réalisation d’une tâche collective, de reconnaître <strong>et</strong> comprendre<br />
leurs intentions <strong>et</strong> conduites réciproques. Dans le cas des interactions coopératives,<br />
c<strong>et</strong>te reconnaissance vise à faciliter l’activité de ses partenaires ;<br />
dans le cas des interactions compétitives, elle vise à contrarier l’activité de<br />
ses adversaires.<br />
Pistes pour l’intervention<br />
Ces cinq formats d’activité sont constitutifs de toute interaction humaine. Par exemple,<br />
lorsque l’on rencontre une personne (même familière), l’échange commence souvent par<br />
une « enquête » la concernant (« Est-elle disponible pour me parler ? Prête à m’écouter<br />
? »). De même, un enseignant fait preuve d’une activité permanente de masquage <strong>et</strong>/<br />
ou de mise en visibilité de ses intentions/interprétations vis-à-vis des élèves. Enseigner<br />
l’EPS c’est, de part la variété des situations d’interactions sportives qu’elle offre, l’occasion<br />
de développer ces formats d’activité chez les élèves <strong>et</strong> rendre ainsi ces derniers plus<br />
aptes à s’engager dans des interactions humaines.<br />
Précisions théoriques<br />
Les processus de coordination perm<strong>et</strong>tant aux différents membres d’un collectif<br />
de coordonner efficacement leurs actions individuelles, constituent<br />
une dimension essentielle de la performance collective. Ces processus sont<br />
conçus, d’une façon générale, en termes de partage de « contenus cognitifs<br />
» entre les partenaires. Le cadre du cours d’action perm<strong>et</strong> de caractériser le<br />
contenu <strong>et</strong> les processus de partage en appréhendant simultanément les acti-<br />
15
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
vités individuelles <strong>et</strong> l’activité collective, selon deux présupposés principaux.<br />
Le premier est qu’un collectif correspond à une totalité organisée, dont l’organisation<br />
est constamment remise en cause par les activités individuelles<br />
<strong>et</strong> reconstruite par elles. Le deuxième présupposé concerne l’importance du<br />
sens partagé, construit par les activités antérieures, dans la constitution du<br />
collectif actuel (par exemple, règles constitutives d’un groupe, pré-construits<br />
culturels) : ce sont les interactions entre acteurs qui font émerger l’activité<br />
collective <strong>et</strong> sa dynamique, dont la forme est, entre autres, celle du partage de<br />
normes, valeurs, routines collectives…<br />
Précisions méthodologiques<br />
Le cadre théorique <strong>et</strong> méthodologique d’analyse du « cours d’action » invite à<br />
étudier les activités humaines en tant qu’activités individuelles-sociales, c’està-dire<br />
à rendre compte de la manière dont l’activité d’un acteur est en relation<br />
constitutive avec celle d’autrui. L’activité d’un acteur n’est pas un phénomène<br />
isolé mais intègre d’autres acteurs (présents on non dans la situation). L’obj<strong>et</strong><br />
théorique de « cours d’action collectif » caractérise la manière dont l’activité<br />
collective se construit sur la base de la concaténation d’activités individuelles,<br />
elles mêmes envisagées comme individuelles-sociales. Au niveau méthodologique,<br />
la reconstruction d’un cours d’action collectif repose sur la reconstruction<br />
préalable <strong>et</strong> l’articulation des cours d’action individuels : elle rend<br />
compte de la construction d’un sens partagé entre les acteurs au cours d’une<br />
période d’activité, sur la base de la comparaison de l’évolution des <strong>significations</strong><br />
qu’ils construisent <strong>et</strong> des éléments qu’ils prennent en compte.<br />
Précisions épistémologiques<br />
Concernant l’étude des processus de coordination, un des intérêts essentiels<br />
de la méthodologie du cours d’action est qu’elle perm<strong>et</strong> d’identifier les éléments<br />
pris en compte dans la situation par les acteurs, <strong>et</strong> ainsi de préciser les<br />
éléments communs <strong>et</strong> les processus de partage. Cependant elle ne perm<strong>et</strong><br />
d’accéder qu’à une partie des éléments communs pris en compte : ceux dont<br />
l’acteur parle lors des entr<strong>et</strong>iens. D’autres éléments de la situation peuvent<br />
avoir été en quelque sorte « transparents » aux yeux des acteurs <strong>et</strong> avoir pourtant<br />
joué un rôle dans les processus de coordination. Une analyse de type <strong>et</strong>hnographique<br />
perm<strong>et</strong> d’identifier certains de ces éléments (par exemple, une<br />
analyse fine des comportements des pongistes a permis de m<strong>et</strong>tre en évidence<br />
l’importance des jeux de regard dans les processus de coordination).<br />
CoNCluSIoN<br />
Au terme de ce chapitre, quatre considérations soulignent la contribution spécifique<br />
de ce programme dans le champ de la recherche sur l’intervention.<br />
16
aCtivité e t e x p é r i e n C e d e S a C t e u r S e n Situation : l e S apportS d e l’a n t h r o p o l o g i e Cognitive<br />
le primat accordé à l’expérience des praticiens<br />
L’appui sur l’anthropologie cognitive privilégie la prise en compte des <strong>significations</strong><br />
propres aux acteurs pour décrire leur activité <strong>et</strong> les connaissances qui<br />
y sont enchâssées. Les études empiriques présentées soulignent l’importance<br />
de l’expérience des praticiens comme point de départ de l’analyse, c’est-à-dire<br />
la façon dont ils font <strong>et</strong> vivent leur activité de travail. Elles ont montré que<br />
l’intervention était porteuse à la fois d’une expérience privée <strong>et</strong> d’une culture<br />
dessinant une communauté de pratique <strong>et</strong> un genre collectif (Durand, 2001).<br />
une démarche de recherche fondée sur « l’étude de cas »<br />
La rigueur scientifique de notre démarche s’exprime, entre autres, par le travail<br />
méticuleux du chercheur pour m<strong>et</strong>tre en évidence des résultats ayant une<br />
valeur générique à partir de l’étude de cas singuliers. La recherche anthropologique<br />
consiste à penser à partir du cas, <strong>et</strong> non à penser le cas. Elle vise à<br />
dégager des éléments de généralité, ou plus précisément de généricité dans le<br />
sens où les études de cas engendrent une construction théorique par réitération<br />
des observations jusqu’à identification de principes explicatifs généraux.<br />
un programme de recherche à double visée : épistémique <strong>et</strong> transformative<br />
Ce programme de recherche défend conjointement à sa visée « épistémique »<br />
une visée « transformative ». Les pratiques sont étudiées avec le souci d’offrir<br />
aux praticiens eux-mêmes des possibilités de transformation de leur intervention<br />
<strong>et</strong> de leurs situations professionnelles. Premièrement, le fait d’étudier<br />
comment les intervenants construisent leur pratique au niveau où elle est<br />
significative pour eux perm<strong>et</strong> l’élaboration de modèles d’intelligibilité de la<br />
pratique <strong>et</strong> des connaissances en action, dans lesquels les praticiens se reconnaissent.<br />
Ceci facilite l’accueil des résultats de recherche dans la communauté<br />
des praticiens. Deuxièmement, les études deviennent des artefacts susceptibles<br />
d’aider la conception de dispositifs de formation professionnelle, à partir<br />
des résultats des études de cas <strong>et</strong> des outils méthodologiques (par exemple,<br />
pour instrumenter la réflexivité lors d’entr<strong>et</strong>iens).<br />
les conditions éthiques de la collaboration praticien-chercheur<br />
L’irruption de chercheurs dans l’intimité des pratiques des intervenants s’accompagne<br />
de conditions éthiques nécessaires pour approcher les situations de<br />
travail authentiques. Nous en r<strong>et</strong>iendrons deux principales :<br />
– le respect fondamental des exigences de la pratique, en adaptant les procédures<br />
<strong>et</strong> dispositifs de recherche pour ne pas en gêner le cours de l’intervention ;<br />
– l’adoption d’une posture compréhensive, <strong>et</strong> non de jugement surplombant<br />
vis-à-vis du praticien : l’activité du chercheur est d’abord une collaboration<br />
pratique, basée sur la confiance <strong>et</strong> la compréhension mutuelle, avec les praticiens<br />
eux-mêmes, des phénomènes étudiés.<br />
17
SC i e n C e S d e l’i n t e r v e n t i o n e n epS e t e n S p o r t<br />
BIBlIoGrAPhIe<br />
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