La Gazette médicale du Centre - Université François Rabelais
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REVUE MENSUELLE 101<br />
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Conférence faite à l'Institut -Fourarigeau, en février' 1914.<br />
MESDAMES,<br />
MESSIEURS,<br />
Par M. Jàaiimt LE GOFF.<br />
Puisque ie temps nous est mesuré et que soixante<br />
minutes sont vite écoulées, permettez-moi de ne point<br />
m'arrêter aux bagatelles de la porte, qui sont les horsd'oeuvre<br />
d'une Conférence, et d'attaquer tout de suite la<br />
pièce de résistance, afin d'en extraire la substantifique<br />
mouette, comme aurait dit notre Maistre <strong>François</strong> <strong>Rabelais</strong>.<br />
A quelques pas de la Basilique de Saint-Martin se<br />
trouve — comme vous le savez — une rue dite Rue<br />
Rapin. Ce nom propre, ainsi placé seul, ne signifie pas<br />
grand'chose, et sans doute qu il ne vous rappelle rien.<br />
Quand les noms propres n'ont point par eux-mêmes une<br />
notoriété telle qu'ils suffisent seuls pour rappeler un personnage,<br />
un prénom est absolument nécessaire. Devant<br />
ce nom de Rapin, qu'on mette le prénom de René; et aussitôt<br />
l'obscurité tombe, le doute disparaît, nous savons de<br />
qui il est question, une figure se présente à notre pensée,<br />
et un homme est devant nous. Cet homme, c'est un Tourangeau<br />
; et c'est pour cette raison que je vais vous parler<br />
à présent de lui, puisqu'il est bien entendtt que, dans nos<br />
Causeries de l'Institut Tourangeau, qui, toujours à son<br />
poste, est entré dans sa quatrième année d'existence, nous<br />
ne parlons que des personnes ou des choses de la Touraine.<br />
C'est la raison d'être de notre Institut: il ne porte<br />
envie à personne, il ne doit également porter ombrage à<br />
personne. Il se confine dans notre chère province de Touraine;<br />
il n'a pas besoin d'aller chercher ses sujets d'entretien<br />
ailleurs que dans ce beau pays que traverse la Loire<br />
majestueuse. Il y a eu en Touraine assez d'hommes et<br />
assez de femmes dignes d'attirer et de retenir notre attention,<br />
pour que nous ne soyons pas obligés d'aller emprunter<br />
aux autres provinces de la France, voire à l'étranger. '<br />
C'est inutile d'aller jusqu'en Norvège chercher tes Bjcernsôn<br />
et les Ibsen — auxquels nous ne comprenons rien ou,<br />
<strong>du</strong> moins, pas grand'chose --, quand nous avons nos compatriotes.<br />
Cessons donc, une bonne fois pour toutes, de<br />
nous montrer si amoureux des choses exotiques, pour être<br />
et pour rester des Français.<br />
Ce fut un vrai Français que l'homme dont je vais rapidement<br />
vous retracer la vie et vous faire connaître les<br />
oeuvres, sinon toutes, <strong>du</strong> moins quelques-unes, celles<br />
pour lesquelles son nom a dû de passer à la postérité.<br />
Bene Rapin (I) naquit à Tours, le 24 avril de l'année 1620,<br />
d'après la date de son acte de baptême, en l'année 1621,<br />
au dire des dictionnaires d'Histoire. Nous ne discuterons<br />
pas ici ce point en litige. Nous n'en avons pas le temps,<br />
et nous acceptons la date donnée par l'acte de baptême<br />
auquel, en cette occurrence, on doit ajouter le plus foi, ce<br />
nous semble. Les faiseurs de dictionnaires, qui se copient<br />
tous les uns les autres, se trompent souvent d'une et<br />
(1) Un autre Rapin (Nico/as), né à Fontenay-le-Comte vets 1510,<br />
Avocat au Parlement de Paris et l'un des spirituels écrivains qui tirent<br />
la Satire Ménippée (1593), mourut à Tours le 15 février 1608. Il n'a<br />
rien de commun avec notre René Rapin, si ce n'est le nom de<br />
famille.<br />
mênie de plusieurs années. Errare humanum est... Mais<br />
les personnes qui font un acte de baptême séance tenante<br />
ne peuvent se tromper au sujet <strong>du</strong> millésime d'une année<br />
et mettre, comme dans le cas qui nous occupe, 1620 au<br />
lieu de 1621. Disons, en outre, que ces actes.cle baptême<br />
étaient dressés par des prêtres, personnes sérieuses.<br />
René Rapin fut le premier enfant issu <strong>du</strong> mariage <strong>du</strong><br />
sieur René Rapin et de demoiselle Marie-Madeleine Bouault,<br />
fille de <strong>François</strong> Bouault, marchand bourgeois de la ville<br />
de Tours, et de Diane Viau. Cette union avait eu lieu le<br />
19 juillet 1618 à la Paroisse Saint-Vincent. Cette église<br />
n'existe plus. Elle avait été fondée au vi° siècle sous l'épiscopat<br />
d'Euphrône, {8e évêque de Tours (556-573), puis<br />
reconstruite vers l'année 1363. On retrouve encore aujourd'hui<br />
quelques restes de cette très vieille église dans des<br />
maisons situées rue de la Scellerie, près de la rue des Cordeliers.<br />
Saint-Vincent avait été érigé en prieuré-cure vers le<br />
xne siècle. Les anciens titres de cette Paroisse se trouvent<br />
aux archives de Tours, Série G, n° 1029-1030 1031.<br />
Le père de notre René Rapin, de l'homme qui nous<br />
occupe et qui nous intéresse, exerçait dans la bonne ville<br />
de Tours la profession de maistre apothicaire — aujourd'hui,<br />
on dit pharmacien —, tout comme le père de <strong>Rabelais</strong><br />
qui avait été maistre apothicaire à Chinon. Et, puisque<br />
nous parlons des apothicaires de ces temps-là, disons, en<br />
passant, à l'honneur de ces apothicaires, que c'étaient des<br />
hommes galants à l'égard des dames. En voici une preuve :<br />
en l'année 1554, parmi les présents qui furent offerts, lors<br />
de son passage à Tours, à Madame de Vendôme, on remarqua<br />
pour la première fois douze boîtes de confitures sèches<br />
de divers fruits, fournies par un des apothicaires de la<br />
ville. Les grandes dames de nos jours ne se contenteraient<br />
peut-être pas d'un cadeau, en somme, si modeste, ou, <strong>du</strong><br />
moins, qui semblerait tel à l'époque où nous vivons. Autre<br />
temps, autres moeurs. Douze boîtes de confitures sèches,<br />
ah ! ce serait, avec nos moeurs actuelles, un présent bien<br />
sec I<br />
Dans cette famille des Rapin de Tours, on était maistre<br />
apothicaire de père en fils, et dans l'ordre de primogéniture.<br />
Le grand-père paternel, qui se prénommait egalement<br />
René, avait exercé cette profession utile à toute<br />
l'humanité souffrante, ainsi que le bisaïeul qui, lui, avait<br />
reçu le prénom de Victor, comme le prouve un acte de<br />
l'année 1591. Et, infailliblement, le René qui nous occupe,<br />
René<br />
pourrions-nous dire — aurait suivi la même<br />
voie que celle qu'avaient prise et son père et son grand-père<br />
et son arrière-grand-père, si la Providence n'avait eu<br />
sur lui d'autres visées, s'il ne s'était point senti lui-même<br />
attiré par une vocation toute spéciale. Et cette vocation<br />
s'explique et se comprend : ces vieilles familles de la France<br />
d'autrefois, au xvie et au xvir siècles, étaient foncièrement<br />
honnêtes, honorables, laborieuses, et aussi attachées, pour<br />
le plus grand nombre, aux idées, aux traditions et aux<br />
croyances religieuses des ancêtres.<br />
René Rapin fut — nous l'avons dit -2- l'aîné de ses<br />
frères et de ses soeurs. Voici, à titre de curiosité, quelques<br />
détails assez précis -- et je remercie ici l'ami et le collègue<br />
auquel je les dois — sur les enfants de René II Rapin et de