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<strong>THÉÂTRE</strong> <strong>140</strong><br />
<strong>SAISON</strong> <strong>2013–2014</strong>
Je me vois un peu minuscule comme les<br />
personnages de Sempé, arpentant les artères<br />
vertigineuses de New York à la recherche<br />
d’un petit théâtre Off-Off-Broadway ou dans<br />
les errements de la banlieue parisienne ou encore<br />
confrontant les distances londoniennes qui me<br />
mèneront finalement à Edimbourg. Amsterdam<br />
où je découvrais Tadeusz Kantor et le Mexicaanse<br />
Hond, Cologne où j’ai vu Pina Bausch pour<br />
la première fois. Tokyo, non, Yokohama où<br />
je rencontre Kazuo Ohno, c’est un peu leur<br />
Tervueren. New York, le Living Theatre, Alain<br />
Platel à Gand, Courtrai, Rome où je mange<br />
une glace Piazza Navona avec Giovanna Marini,<br />
Barcelone, M7 Catalonia et Paco Ibañez, les Pink<br />
Floyd à 3h du matin lors d’un festival rock à<br />
Utrecht, Lyon et son Théâtre de la Renaissance,<br />
Charleroi, Berlin, Villeneuve-d’Ascq, Armentières,<br />
Stockholm, hier à Bordeaux pour voir répéter<br />
Ariadone… Et bien sûr Avignon. Avignon dans<br />
les chaleurs de juillet. Je ne déniche pas seul<br />
les spectacles, il nous faut deux regards. Durant<br />
près de trente ans, Renée Paduwat, notre ex codirectrice<br />
au <strong>140</strong>, fut constamment de ce voyage,<br />
on disait d’ailleurs volontiers « Jo et Renée »,<br />
une âme commune. Tant de belles mémoires…<br />
Et aujourd’hui je prends le train, l’avion ou<br />
le volant avec Astrid Van Impe, la plus jeune<br />
collaboratrice de ma merveilleuse équipe.<br />
Elle a plus que quiconque le théâtre dans<br />
le ventre. Nous voilà en spéléologie à la recherche<br />
d’« univers » à identifier, pourchassant les créateurs<br />
de spectacle au singulier, c’est en effet<br />
qu’ils parlent toujours d’eux-mêmes en scène,<br />
en élèves récalcitrants. Ils ne racontent pas<br />
de petites histoires comme on le fait dans les<br />
comédies, ils se racontent. C’est donc l’Autre<br />
théâtre.<br />
Le music-hall de notre enfance n’est pas loin,<br />
les variétoches, on s’aperçoit que le théâtre<br />
off d’aujourd’hui se nourrit de ce matériau<br />
en le détournant avec une belle perfidie. Il<br />
en est de même de la danse, Alain Platel en<br />
témoignera en février. Et d’ailleurs on ouvrira<br />
la saison anniversaire sur ce ton avec une<br />
sorte d’éblouissement dansé d’un « mauvais<br />
goût » sublime, du pas de deux au pas de six<br />
androgynes, la compagnie Cecilia Bengolea<br />
& François Chaignaud, la nouvelle coqueluche<br />
à la Biennale de la Danse de Lyon, plus newyorkaise<br />
que parisienne. D’immenses danseurs<br />
trépidant en multicolore nous initient aux<br />
déhanchements de la croupe d’une nouvelle<br />
danse venue de Jamaïque, le bashment,<br />
deux DJ’s londoniens sont de la fête.<br />
Avec Anton Tchekhov détourné en musique<br />
live, avec le merveilleux Théâtre National<br />
Palestinien, Ingmar Bergman, William Sheller,<br />
Pascal Duquenne, Alfredo Arias et ses duettistes<br />
« tangolâtres », André Agassi au vestiaire, Darina<br />
Al Joundi, rappelez-vous Le jour où Nina Simone<br />
a cessé de chanter, en février elle chantera sa<br />
propre Marseillaise, Axel Bauer, Jeanne Cherhal…<br />
John Scofield, le jazz réapparait au <strong>140</strong>.<br />
Et Toxique avec Françoise Sagan et l’ombre<br />
chantée de ses 18 ans.<br />
Abonnez-vous dès maintenant. Ce sera votre<br />
manière de nous souhaiter bon anniversaire.<br />
3
Afin de sabrer le champagne avec nous !<br />
Aussi avons-nous mis les petits plats dans les<br />
grands, d’Anton Tchekhov à Françoise Sagan,<br />
en musique live.<br />
Des querelles de couples issues de la plume<br />
d’Ingmar Bergman aux propos de vestiaire<br />
du champion de tennis André Agassi.<br />
Notre amie libanaise Darina Al Joundi racontera<br />
son débarquement en France et la grande<br />
danseuse allemande Andrea Sitter nous amènera<br />
son cochon adoptif, avec elle l’humour est<br />
toujours du voyage.<br />
Et vous aurez accès aux autres spectacles de la<br />
saison à un tarif préférentiel. Nos abonnés sont<br />
chez eux au <strong>140</strong>.<br />
Des bulles avant le spectacle, des bulles après<br />
au bar des artistes et un assortiment de zakouskis<br />
préparés de mes propres mains : saumon fumé,<br />
charcuterie italienne, petits desserts. J’en oublie<br />
la collaboration inspirée de Dominique et Fyl, nos<br />
barmen attitrés.<br />
Jo Dekmine<br />
PlATONOv mAIS...<br />
Théâtre à cru<br />
DU MA 22 AU JE 24 OCTOBRE<br />
ObSTINÉS lAmbEAux d’ImAgES<br />
Cie Die Donau / Andrea Sitter<br />
DU MA 19 AU JE 21 NOVEMBRE<br />
SHuT yOuR mOuTH<br />
Collectif DRAO<br />
DU ME 4 AU VE 6 DéCEMBRE<br />
mA mARSEIllAISE<br />
Noun Cie / Darina Al Joundi<br />
DU ME 12 AU VE 14 FéVRIER<br />
ANdRÉ<br />
Théâtre Vidy-L<br />
DU ME 12 AU VE 14 MARS<br />
5 spectacles : 80 euros<br />
(70 euros pour les Comptes Libres*)<br />
L’abonnement Bulles est « all inclusive ».<br />
Nos abonnés bénéficient automatiquement d’un tarif réduit pour<br />
les autres spectacles de la saison.<br />
* Un statut privilégié au <strong>140</strong> : le Compte Libre.<br />
Le dépôt d’une caution de 38 euros vous offre pour une durée<br />
illimitée des réductions sur deux places par spectacle et des<br />
réservations facilitées.<br />
Contactez-nous !<br />
p.15<br />
p.25<br />
p.27<br />
p.35<br />
p.39<br />
5
Le bonheur de danser poussé jusqu’à l’indécence<br />
Un slip vichy bleu<br />
et blanc, un string beige,<br />
une culotte orange,<br />
un shorty rose, un<br />
tanga noir... Gros plan<br />
sur les fesses des cinq<br />
danseurs du spectacle<br />
altered natives’Say<br />
Yes to Another Excess-<br />
TWERK, chorégraphié<br />
par Cecilia Bengolea<br />
et François Chaignaud.<br />
Et quelles fesses ! Ce<br />
déchaînement de hanches<br />
en folie culmine dans des<br />
emboîtements malicieux<br />
au gré d’un Kâmâsûtra<br />
acrobatique et collectif.<br />
Entre une brouette à dix<br />
jambes et une chenille<br />
la tête fourrée entre les<br />
jambes du voisin, les<br />
danseurs ne font plus<br />
qu’un et crapahutent<br />
à qui mieux mieux.<br />
Une vision organique<br />
et « bon vivant » du sexe<br />
à laquelle Cecilia Bengolea<br />
et François Chaignaud,<br />
qui nous ont habitués<br />
aux excès les plus crus<br />
mais aussi les plus suaves<br />
depuis 2007, donnent une<br />
couleur acidulée. Au fait,<br />
altered natives’Say Yes to<br />
Another Excess-TWERK<br />
introduit une nouvelle<br />
danse de club très à la<br />
mode aux Etats-Unis :<br />
le twerk. D’origine<br />
africaine, elle mobilise<br />
uniquement le postérieur<br />
qu’elle fait exploser sans<br />
façon. Tremblez, jolis<br />
fessiers, et au boulot,<br />
ça va twerker !<br />
Rosita Boisseau,<br />
Le Monde<br />
TWERK<br />
AlTEREd NATIvES’ SAy yES<br />
TO ANOTHER ExcESS<br />
cEcIlIA bENgOlEA & FRANçOIS cHAIgNAud<br />
En tout homme, il y a une femme et vice versa.<br />
Les six danseurs et danseuses de haut vol de<br />
la compagnie Cecilia Bengolea et François<br />
Chaignaud renouent avec la tradition des<br />
travestis au music-hall, mais cela se situe à l’étage<br />
supérieur et les paillettes sont de maintenant.<br />
Venus de Londres, deux DJ’s virtuoses le<br />
confirment, berçant de leurs décibels éclatants<br />
les pas de deux, de quatre, de six d’une compagnie<br />
dont l’étoile monte au rythme de leurs<br />
laïques « dervicheries ».<br />
Un cinquantième anniversaire, cela se fête.<br />
Le <strong>140</strong>, en entrée de saison, propose ce pèlerinage<br />
à Lindsay Kemp, aux Dzi Croquettes,<br />
aux Ballets Trockadero de Monte Carlo.<br />
Les Rolling Stones et leurs excès ne sont pas<br />
loin non plus. Un divertissement, émancipé, un<br />
peu louche, ouvert sur la nature des danseurs.<br />
Découvert à la Biennale de Lyon, on n’a pas<br />
résisté.<br />
Jo Dekmine<br />
Chorégraphie : Cecilia Bengolea et François Chaignaud Avec : Elisa Yvelin, Ana Pi, Alex Mugler,<br />
Cecilia Bengolea et François Chaignaud Musique Live : DJ Elijah et DJ Skilliam Lumières : Jean-Marc<br />
Segalen, Dominique Palabaud, Cecilia Bengolea et François Chaignaud Costumes : Cecilia<br />
Bengolea et François Chaignaud<br />
_<br />
www.arthappens.be<br />
7
Les grands loufoques conceptuels<br />
Accrocher un sourire de pur plaisir sur les lèvres<br />
du public à la seconde où vous apparaissez sur scène<br />
est déjà un phénomène. Le transformer en rire parfois,<br />
en gloussement de temps à autre, pour laisser la place<br />
à un contentement baba, ressemble à une prouesse.<br />
Et quand l’exploit dure depuis 1982…<br />
L’athlète a deux têtes et porte le nom incongru de Grand<br />
Magasin. Composé de Pascale Murtin, plus pop tu meurs<br />
avec ses bracelets en plastique vert, et François Hifler,<br />
plus vert tu meurs (une seconde fois) avec son pantalon<br />
pomme granny, non seulement le duo maintient un taux<br />
exponentiel de divagations, mais conserve une identité<br />
d’une invraisemblable fraîcheur. Une boîte en carton<br />
et des bouts de bois pour le théâtre, un piano jouet ou<br />
une vieille radio pour la musique, et l’amour des mots<br />
pour lier les uns et les autres sur le plateau, tout Grand<br />
Magasin est là.<br />
Ce traffic d’influences, soumis à la question du sens<br />
et celle de l’absurde, se lit en direct dans leur nouvelle<br />
pièce, Les Rois du Suspense. Typique mais jamais<br />
identique, elle met la tête sous le capot et désosse le<br />
moteur du duo. Depuis leurs envies d’un jour (mettre<br />
François à poil et chanter des madrigaux) à leurs choix<br />
de toujours (bouts de ficelle et galipettes verbales)<br />
jusqu’au titre (mystère ou suspense ?), Grand Magasin<br />
ouvre son arrière-boutique. Alors même que le<br />
spectacle revient sans cesse sur ses pas tout en jouant<br />
à chercher des solutions déjà trouvées à des problèmes<br />
qui n’existent plus, le suspense se faufile et mène le<br />
public par le bout du nez.<br />
« à poil ».<br />
à défaut de voir François nu comme le lui demande<br />
Pascale, en se moquant au passage de la tendance<br />
« à poil » de la danse contemporaine, c’est le spectacle<br />
au sens large que Grand Magasin déshabille. N’est-ce<br />
pas au fond un système d’enchaînements d’actions<br />
absurdes, avec un texte plaqué dessus, dessous,<br />
lorsqu’il ne se plante pas carrément à côté, qui scelle<br />
le contrat avec le théâtre, celui de la représentation<br />
mais aussi de la vie.<br />
Le charme de Grand Magasin réside dans sa fausse<br />
naïveté toute en finesse. Sérieux pour de faux, grave<br />
vraiment, artificiel et pourtant nature, il dresse son<br />
modeste garde-fou contre le vide et la vulgarité.<br />
Avec cette saveur comme à la maison où entre les<br />
trajets, les regards, on devine les activités quotidiennes,<br />
les doutes, les peurs et l’angoisse de la page blanche.<br />
Rosita Boisseau, Le Monde<br />
Création, mise en scène et interprétation : Pascale Murtin et François Hifler<br />
_<br />
www.grandmagasin.net<br />
lES ROIS<br />
du SuSPENSE<br />
gRANd<br />
mAgASIN<br />
(PARIS)<br />
Ils nous reviennent.<br />
Invités cinq fois au<br />
<strong>140</strong> depuis La vie<br />
de Paolo Ucello,<br />
notre obstination est<br />
méritoire, essentielle,<br />
historique. élèves<br />
à Mudra, l’école de<br />
Maurice Béjart en<br />
même temps que Anne<br />
Teresa De Keersmaeker,<br />
Michèle-Anne De Mey<br />
et Pierre Droulers, ils<br />
refusent de danser<br />
mais ils sautillent<br />
comme des oiseaux<br />
dans un univers qui<br />
appartient à leur<br />
logique. Refaisons<br />
connaissance.<br />
Jo Dekmine<br />
9
Je dis non non non !<br />
lES mONSTRuEuSES AcTuAlITÉS dE<br />
cHRISTOPHE AlÉvêquE<br />
Christophe Alévêque fonce, lève le poing,<br />
mais dérape. Fatigué de se battre, il grogne<br />
et attaque. Tout l’énerve. Colère noire. Il s’en<br />
prend aux fascismes domestiques, aux angoisses<br />
quotidiennes, aux manipulations médiatiques<br />
et à la domination religieuse de l’économie.<br />
Avec batteur, accordéoniste et guitariste,<br />
Alévêque chante les aberrations du monde,<br />
la société ultralibérale et son goût pour la<br />
surveillance. Il chante : « Obéissance, allégeance,<br />
garde-à-vous, je dis non ! » Il balance un acide<br />
de mots crus à la face des ennemis publics :<br />
l’impunité des aguerris du pouvoir, la pensée<br />
unique et tiède, la résignation. Il réveille par les<br />
éclats d’un rire salvateur les dormeurs aux ventres<br />
gras. La grippe, les banlieues, le terrorisme,<br />
les banques. « Pourquoi violer les gens quand<br />
on peut les baiser ? » Les affaires qui se succèdent,<br />
le FN qui se réveille, l’arrière-goût retrouvé d’une<br />
France moisie qui justifie la délation. Sujets en<br />
or qu’il déchiquette avec les crocs. Il abhorre le<br />
cynisme satisfait, il rit pour alarmer, veut que ça<br />
change, que ça choque. Vulgarité, brutalité, il<br />
retourne les armes à sa portée, et tire sur tout<br />
ce qui ne bouge plus.<br />
Mise en scène : Philippe Sohier Texte et interprétation : Christophe Alévêque Accordéon et cor :<br />
Maxime Perrin Guitare : Francky Mermillod Batterie et trompette : Stéphane Sangline Son : Stéphane<br />
Uriot Lumières : Fred l’Indien<br />
_<br />
www.aleveque.com<br />
11
Le Rock shamane<br />
EN cONcERT<br />
AxEl bAuER<br />
Il vient de sortir un livre étonnant, il écrit des<br />
albums puissants, il n’est pas fatigué, nous non<br />
plus, on lui court après, il court vers vous, cet<br />
homme est une course permanente entre le Rock<br />
et la France, entre la guitare et l’électronique,<br />
entre l’énergie et la conscience, entre l’envie<br />
de vous envoûter et celle de se faire comprendre,<br />
une course entre les impossibles, les incompatibles,<br />
les pôles opposés, une course après<br />
la passion, les états de la passion, les limites<br />
de la passion, les dangers de la passion,<br />
une course permanente, sans jamais de baisse<br />
de tension, sans jamais de coup de mou, ne pas<br />
se laisser faire... juste faire, faire, et encore faire<br />
du Rock, et emmener son public, et le voilà, dans<br />
sa course d’une traite marquée de jalons fous<br />
qu’il nous rapporte sur sa guitare, parce qu’avec<br />
Bauer la guitare est la reine et elle le lui chante<br />
sans cesse. Le talent, quelle affaire.<br />
Publiquement né sur la collision géniale de<br />
son écriture, du rêve graphique de Jean-Baptiste<br />
Mondino, des lignes de Jean-Paul Gaultier, puis<br />
d’une fuite à Londres pendant cinq ans, il a réussi<br />
à garder le cap pour porter la chanson française<br />
à un niveau alors inexistant. Prendre la foule par<br />
le bras, mais sans jamais céder sur le contenu,<br />
rester cohérent... s’offrir comme une promesse<br />
tenue. Quand Bashung me manque, et c’est<br />
souvent, je cherche Bauer et me baigne de<br />
leurs âmes tenaces, leur étrange fureur Rock<br />
vaporeuse, leur lien au son et aux mots.<br />
To do list :<br />
- lire Maintenant tu es seul<br />
- écouter Peaux de serpent<br />
- venir au <strong>140</strong><br />
- disjoncter sur les riffs d’Elle est SM<br />
- demander à Axel de jouer aussi un morceau<br />
de Hendrix, s’il est dans le mood, s’il veut bien.<br />
Un héros je vous dis.<br />
Nicolas Dekmine<br />
Chant, guitare & lead : Axel Bauer Guitare : Bastien Burger Claviers : Franck Terranova<br />
_<br />
www.axelbauer.com<br />
13
Anton Tchekhov en musique…<br />
AbONNEmENT<br />
bullES<br />
—<br />
Le CD des chansons,<br />
succulentes, existe ;<br />
nous l’écouterons<br />
au bar du théâtre.<br />
PlATONOv mAIS...<br />
<strong>THÉÂTRE</strong> à cRu (TOuRS)<br />
ANTON TcHEKHOv<br />
Tchekhov est bien là et, surprenant, le voici<br />
illustré de chansons « rockisantes » par les<br />
comédiens eux-mêmes. On les savait capables<br />
de tout, de s’approprier un écrit théâtral et de lui<br />
restituer sa vie propre, un peu équivoque dans ce<br />
cas précis, ils truffent d’interventions musicales<br />
les bavardages de Platonov et de son entourage<br />
un tantinet exsangue.<br />
Le thème ? Les oisifs, les jeunes rentiers de<br />
la Russie du début du siècle dernier étalent leur<br />
paresse à la vie et leurs désordres sentimentaux.<br />
Maxime Gorki parlait déjà de ceux-ci dans Les<br />
estivants. Cette pièce de jeunesse a le mérite de<br />
revisiter sans le vouloir Les liaisons dangereuses<br />
quelque deux cents ans plus tard, une nuance plus<br />
douillette. Un peu noyée dans la vodka.<br />
Que d’énergie théâtrale pour parler de l’absence<br />
d’énergie humaine. A l’ombre du drame mondain<br />
qui se joue ici, Tchekhov est toujours efficace,<br />
il dessine ses personnages entre médiocrité et<br />
fausse grandeur, celle de la séduction qui déroute.<br />
L’occasion pour le Théâtre à cru de démontrer<br />
qu’il ne faut pas « cuire » les mélodrames pour<br />
les rendre attachants. Important d’en souligner<br />
les « attendus », les sublimes banalités.<br />
Platonov n’est donc pas un personnage<br />
recommandable, son excuse est de l’ordre<br />
du désespoir existentiel.<br />
Jo Dekmine<br />
Conception, mise en scène et adaptation : Alexis Armengol Avec : Stéphane Gasc, Céline Langlois,<br />
Alexandre Le Nours, Edith Mérieau, Laurent Seron-Keller et Camille Trophème Guitare, batterie,<br />
chant et composition musicale : Christophe Rodomisto Piano, rhodes, chant et composition musicale<br />
: Camille Trophème Batterie, création sonore : Stéphane Bayoux Lumières : François Blet<br />
Costumes : Linda Bocquel et Audrey Gendre Scénographie : James Bouquard<br />
—<br />
www.theatreacru.org<br />
15
Notre quart-monde au naturel<br />
Tous les hommes dans<br />
la vie de ma mère étaient<br />
morts ou en prison. Mon<br />
frère et ma sœur avaient<br />
foutu le camp. J’étais le<br />
seul sur lequel elle pouvait<br />
encore se défouler…<br />
(extrait)<br />
lAcRImA<br />
cOmPAgNIE cEcIlIA (gANd)<br />
Arne Sierens, co-auteur de tant de spectacles<br />
avec Alain Platel dont Moeder en Kind et<br />
Bernadetje vient de transcrire et porter à la scène<br />
la mémoire de son adolescence endolorie. On<br />
retrouve l’univers de Tous des gagnants, en effet<br />
le quart-monde belge et ses péripéties habitent<br />
la rue à côté de la nôtre.<br />
Cette fois, Arne Sierens parle de lui à la première<br />
personne et c’est l'un de nos comédiens fétiches,<br />
Jan Hammenecker, qui s’y identifie avec<br />
l’énergie créatrice qu’on lui connaît. On le vit<br />
indifféremment jouer en français Il n’y a aucun<br />
mérite à être quoi que ce soit de Marcel Mariën<br />
sous la conduite de Charlie Degotte et en flamand<br />
rejoindre les dramaturges de la nouvelle vague<br />
néerlandophone.<br />
En réalité, dans Lacrima, il y a deux personnages<br />
en scène qui chevauchent plusieurs rangées de<br />
bancs. Une jeune fille de bonne famille, d’origine<br />
japonaise, Sayaka Kaiwa, écoute le récit de Jan<br />
Hammenecker avec une sorte d’amusement<br />
enfantin comme pour relativiser ce qu’elle entend.<br />
Elle est danseuse et du coup la mise en scène<br />
prend des allures chorégraphiques.<br />
Lacrima est un bijou tout simple dont l’écriture<br />
se réclame de la plus parfaite trivialité poétique.<br />
Pas de faux-fuyants, on a le nez dedans. Ni besoin<br />
de sous-titres. Et d’ailleurs Jan Hammenecker<br />
passera d’une langue à l’autre avec naturel,<br />
comme le faisaient encore il n’y a pas si<br />
longtemps certains vieux Bruxellois dans<br />
les Marolles.<br />
Jo Dekmine<br />
Texte et mise en scène : Arne Sierens Avec : Jan Hammenecker et Sayaka Kaiwa Chorégraphie :<br />
Ted Stoffer Musique : Jean-Yves Evrard Scénographie : Guido Vrolix Lumières : Timme Afschrift<br />
Costumes : Ilse Vandenbussche<br />
_<br />
www.compagnie-cecilia.be<br />
17
EN cONcERT<br />
JOHN ScOFIEld<br />
ÜbERJAm bANd<br />
Qu’est-ce qui peut bien faire que le guitariste<br />
John Scofield soit une voix unique dans le jazz<br />
d’aujourd’hui ? Personne d’autre que lui n’a su<br />
élaborer une telle synthèse du blues et du jazz.<br />
Passionné de musique noire, fana de Jimi Hendrix,<br />
il arrive en 1983 dans l’orchestre de Miles Davis.<br />
Il devient avec Pat Metheny et Bill Frisell un<br />
guitariste majeur dans l’histoire du jazz.<br />
Avec son projet Überjam (opus sorti en 2002),<br />
Scofield nous balance un mélange de jazz,<br />
de jazz-rock, de rythmes funk ou des bases R’n’B<br />
aux couleurs psychédéliques. Il explore de<br />
nouveaux mondes tout en retournant à l’essence<br />
même du jazz.<br />
Artiste caméléon, c’est sur scène que sa musique<br />
prend sa réelle dimension, chargée d’un feeling<br />
bluesy qui touche au cœur.<br />
Corinne Owieczka<br />
Guitare : John Scofield & Avi Bortnick Basse : Andy Hess Batterie : Louis Cato<br />
_<br />
www.johnscofield.com<br />
19
La plus belle version<br />
C’est un spectacle dont<br />
la beauté plastique, la<br />
rigueur, n’étouffent jamais<br />
l’émotion soulevée par<br />
les mots de Sophocle, la<br />
musique du Trio Joubran,<br />
le talent radieux des<br />
interprètes. Parfois les<br />
applaudissements éclatent<br />
parce qu’une réplique<br />
semble correspondre<br />
exactement à la réalité<br />
douloureuse du peuple<br />
palestinien. Mais c’est<br />
l’art et le partage qui<br />
réunissent ici le public.<br />
Pas les discours politiques.<br />
Armélle Héliot, Le Figaro<br />
_<br />
Époustouflant. Une troupe<br />
audacieuse de Jérusalem-<br />
Est s’est emparée de la<br />
tragédie de Sophocle.<br />
Elle rend toute sa force<br />
à cette œuvre universelle.<br />
Fragile et forte, belle et<br />
majestueuse, Shaden<br />
Salim irradie. D’Antigone<br />
à Mahmoud Darwich,<br />
la force des symboles<br />
traverse les siècles.<br />
Jack Dion, Marianne<br />
_<br />
Deux millénaires plus<br />
tard, la plus tragique<br />
des héroïnes de Sophocle,<br />
trouve un nouvel écho<br />
dans la mise en scène<br />
d’Adel Hakim. Un choix<br />
d’une extrême justesse<br />
qui met à l’honneur la<br />
figure de la résistance.<br />
Eva Fichefeux, Libération<br />
ANTIgONE<br />
dE SOPHOclE<br />
lE <strong>THÉÂTRE</strong> NATIONAl<br />
PAlESTINIEN (JÉRuSAlEm-EST)<br />
AdAPTATION ET mISE EN ScèNE d’AdEl HAKIm<br />
Basé à Jérusalem-Est, le Théâtre National<br />
Palestinien y crée sa version d’Antigone, en arabe<br />
(évidemment surtitré) et depuis son triomphe<br />
dans la ville sainte, il porte l’actualité et la<br />
pertinence de ce discours antique à travers le<br />
monde entier.<br />
On ne se savait pas si proche de la tragédie de<br />
Sophocle. C’est qu’elle nous parle indirectement<br />
des émotions qui nous submergent aujourd’hui<br />
et la langue utilisée nous en favorise l’approche,<br />
exaltante à l’oreille.<br />
Son adaptation fidèle et vivante est d’Adel Hakim,<br />
portée par une sorte d’urgence et un étonnant<br />
prosaïsme poétique. Le Théâtre des Quartiers<br />
d’Ivry, qu’il dirige à Paris, est la plaque tournante<br />
de ce merveilleux spectacle. Plus question de<br />
distanciation culturelle, nous y étions, revivant<br />
cet immuable classique comme une histoire vraie.<br />
Et nous tenions la main d’Antigone, la gorge<br />
serrée d’émotion. Sans aucun pouvoir sur son sort.<br />
Jo Dekmine<br />
Aucun pouvoir politique ne soutient évidemment<br />
aujourd’hui le Théâtre National Palestinien.<br />
Portons leur aventure hors du commun.<br />
Mise en scène : Adel Hakim Texte : Sophocle Avec : Husam Abu Eisheh, Alaa Abu Garbieh, Kamel Al<br />
Basha, Mahmoud Awad, Yasmin Hamaar, Shaden Salim et Daoud Toutah Scénographie et lumières :<br />
Yves Collet Musique : Trio Joubran<br />
_<br />
www.theatre-quartiers-ivry.com<br />
21
EN cONcERT WIllIAm SHEllER<br />
& lE quATuOR STEvENS<br />
Merci, tellement merci Barbara d’avoir encouragé<br />
cette carrière, d’avoir poussé ce jeune homme<br />
dans les bras des maisons de disques pour qu’il<br />
puisse parcourir le chemin qui nous a menés<br />
progressivement dans son nouveau monde.<br />
Rien ne ressemble à Sheller. Juste Sheller.<br />
Parfois on l’écoute chronologiquement, parfois<br />
on mélange les époques, impact entre Lux<br />
Aeterna et Tristan, Erotissimo et Les miroirs<br />
dans la boue. De partout dans ses paniers<br />
de chansons on reconnaît des fruits du classique,<br />
la finesse d’une plume d’où aucun mot ne se trace<br />
par hasard, le réflexe WWBD (What would the<br />
Beatles do ? What would Bach do ?), l’appétit...<br />
la voracité des histoires. Et du travail abouti<br />
on aime imaginer la période de création. William<br />
à sa table, à son piano. Retro-engineering créatif,<br />
on se rend compte de la taille des montagnes<br />
à déplacer.<br />
C’est au <strong>140</strong> que ça se passait déjà, pop formation<br />
explosive, quatuor à cordes, solo piano, c’est au<br />
<strong>140</strong> que ça devait continuer... on déborde<br />
de plaisir, on ne sait plus comment vous le dire :<br />
il vous revient.<br />
Nicolas Dekmine<br />
Chant et piano : William Sheller<br />
Quatuor Stevens<br />
Premier violon : David Makhmudov Deuxième violon : Laurence Ronveaux Alto : Eric Gerstmans<br />
Violoncelle : Christelle Heinen<br />
_<br />
www.universalmusic.fr/william-sheller<br />
23
La danse, l’humour, le cirque…<br />
AbONNEmENT<br />
bullES<br />
—<br />
Avec Andrea Sitter,<br />
Sarah Schwarz et Max,<br />
son cochon philosophe<br />
—<br />
Un baisemain,<br />
un évanouissement,<br />
la princesse intouchable,<br />
le prince incapable, le<br />
sourire de la constipation<br />
éternelle ?<br />
Des fois on se fait belle<br />
pour rien…<br />
Je volerai la ceinture de la<br />
reine des amazones, cette<br />
salope…<br />
Faites des expériences :<br />
culinaires, amoureuses,<br />
musicales, faites enfin<br />
le Yodel Diplom ?<br />
Ou mangez un cornichon,<br />
ça rend gai.<br />
Andrea Sitter<br />
ObSTINÉS lAmbEAux d’ImAgES<br />
ANdREA SITTER<br />
cIE dIE dONAu (PARIS)<br />
Andrea est cette danseuse allemande inouïe<br />
que nous suivons de spectacle en spectacle<br />
et que Michèle Noiret plébiscite ; Sarah Schwarz<br />
est circassienne, fil-de-fériste, toujours<br />
accompagnée de Maximilian, son cochon adoptif.<br />
Andrea écrit sans accent, on vous en donne<br />
quelques échantillons et Pascal Quignard,<br />
romancier, prix Goncourt, lui donne<br />
la réplique sur bande son. Maximilian est un<br />
animal dont les congénères finissent souvent<br />
en tranches de bacon. Il sera bien présent ici,<br />
considéré comme un compagnon auquel on<br />
peut parler, qui porte sa propre autonomie,<br />
nous observe traversant son cosmos à lui,<br />
de son point de vue.<br />
Ce spectacle comportera : des grands écarts<br />
et des pirouettes très gaies, des pommes,<br />
des courgettes, du silence, de la sérénité et<br />
aussi une interprétation de la tristesse, des<br />
traversées aériennes, des araignées, des danses<br />
de câble et de sol, du lard, des os, un couteau,<br />
Salomé, un Schuhplattler sans culotte de cuir,<br />
des frétillements de queue, un castrat, des<br />
interrogatoires inattendus, des collisions de textes<br />
drôles et tragiques. Et c’est néanmoins un très<br />
beau spectacle de danse. De UIAR à La Reine<br />
s’ennuie, Andrea Sitter nous a toujours fascinés,<br />
émerveillés.<br />
Il nous faut encore faire la connaissance de Max.<br />
Jo Dekmine<br />
Conception, mise en scène, chorégraphie : Andrea Sitter Textes : Andrea Sitter et Pascal Quignard<br />
Avec : Andrea Sitter, Sarah Schwarz et Max Accompagnement artistique : Philippe-Ahmed Braschi<br />
Lumières : Frédéric Mérat Création et enregistrements sonores : Alain Mahé Images : Laurent Jarrige<br />
25
Les dialogues d’Ingmar Bergman, Lars Norén et Jon Fosse<br />
AbONNEmENT<br />
bullES<br />
—<br />
Un homme et une femme<br />
qui s’engueulent, se<br />
déchirent, s’envoient<br />
des horreurs à la figure :<br />
qui n’a pas été le témoin<br />
involontaire de ces<br />
scènes de ménage dont<br />
tout le voisinage peut<br />
profiter grâce à une<br />
fenêtre ouverte, un jardin<br />
mitoyen ou des murs mal<br />
insonorisés. (…) à la base<br />
de leur création collective,<br />
les univers d’Ingmar<br />
Bergman, Lars Norén<br />
et Jon Fosse. Plongeant<br />
dans Scènes de la vie<br />
conjugale du premier,<br />
Démons et La veillée<br />
du second et enfin Hiver,<br />
Quelqu’un va venir et<br />
Et jamais nous ne serons<br />
séparés du troisième,<br />
ils ont monté un spectacle<br />
où se succèdent les crises<br />
de couple. Chez les trois<br />
auteurs en question, si<br />
deux couples forment<br />
un quatuor, ils sont surtout<br />
l’addition de quatre<br />
solitudes. (…) Passant<br />
d’un personnage à l’autre,<br />
ils font jaillir les mots<br />
comme d’autres lancent<br />
des couteaux tandis que<br />
Thomas Matalou, en bord<br />
de scène, les accompagne<br />
de ses créations sonores.<br />
On rit régulièrement. On<br />
est souvent pétrifié par<br />
la violence des dialogues,<br />
la charge de la frustration,<br />
de la rancœur, de la<br />
douleur, de la solitude.<br />
Jean-Marie Wynants,<br />
Le Soir<br />
SHuT yOuR mOuTH<br />
cOllEcTIF dRAO (PARIS)<br />
Une accumulation trépidante de répliques<br />
« horribles », décalquées de l’intimité de plusieurs<br />
couples de notre bourgeoisie moderne.<br />
Les écrivains scandinaves s’entendent à gifler<br />
avec les mots et les quatre comédiens du Collectif<br />
DRAO nous les restituent avec la vérité incongrue<br />
qui s’impose. C’est ici et maintenant, chez<br />
des gens qu’on croit reconnaître, en situation<br />
paroxystique parfaitement imaginable.<br />
On est dans le rouge, un bel échantillonnage<br />
de la sauvagerie civilisée, drôle et terrifiant,<br />
d’un cynisme indispensable.<br />
Festen était cela dans la monstruosité de l’inceste,<br />
ici bien au contraire il n’est parlé que de rapports<br />
de couples « normaux » et de leur psychodrame<br />
au quotidien, réjouissant et navrant si ces deux<br />
adjectifs pouvaient être accordés.<br />
Ce théâtre-là, c’est vraiment du cinéma.<br />
Jo Dekmine<br />
Mise en scène, scénographie et interprétation : Benoît Mochot, Gilles Nicolas, Sandy Ouvrier<br />
et Fatima Soualhia-Manet D’après les textes : d’Ingmar Bergman, Lars Norén et Jon Fosse Création<br />
sonore : Thomas Matalou<br />
—<br />
www.drao.fr<br />
27
Théâtre visuel<br />
EN ANglAIS<br />
ScHRödINgER<br />
Ou cEcI N’EST PAS uNE bOîTE<br />
REcKlESS SlEEPERS (lONdRES / gANd)<br />
On y parle de quoi ?<br />
Dans la boîte d’Erwin Schrödinger, un des pères<br />
de la physique quantique au siècle dernier, il y a :<br />
une bouteille contenant un gaz toxique, un atome<br />
dans un état instable susceptible de déclencher<br />
un mécanisme qui brise la bouteille, et un chat.<br />
La boîte est fermée, le chat est-il mort ou vivant ?<br />
Les deux, nous prouve le physicien. En l’absence<br />
d’observation, le chat a effectivement autant<br />
de chance d’être l’un que l’autre, il est en même<br />
temps ce qu’il est et ce qu’il deviendra.<br />
S’inspirant de ce paradoxe et de la perception<br />
surréaliste à tiroirs à la Magritte, Mole Wetherell<br />
installe ses acteurs dans une boîte, une chambre,<br />
un monde fini soumis à ses propres règles, où<br />
il se livre à toute une série d’expériences. Et de<br />
même que la présence d’un observateur influe sur<br />
le résultat d’une expérience scientifique, celle du<br />
public n’est pas sans incidence sur ce qui se passe<br />
dans Schrödinger.<br />
D'une gestuelle quasi chorégraphique, il n’est pas<br />
indispensable de comprendre l’anglais pour être<br />
fasciné par ce spectacle mystérieux, qui joue avec<br />
nos perceptions, nos compréhensions et leurs<br />
relativités, on ne s’ennuie jamais !<br />
Sylvie Strosser<br />
Mise en scène et texte : Mole Wetherell Interprétation : Mole Wetherell, Leen Dewilde, Leentje Van<br />
De Cruys, Alex Covell et Kevin Egan Régie : Jack Dale<br />
_<br />
www.reckless-sleepers.co.uk<br />
29
Les mots de la vie restitués par deux grands comédiens<br />
Ici tout compte, tout est<br />
aussi important pour que<br />
naisse cet objet étrange<br />
et séduisant, cet objet<br />
unique.<br />
Le Figaro<br />
_<br />
Un spectacle aussi inventif<br />
sur le plan scénique<br />
que l’est la poésie de<br />
Tarkos. La pièce tient<br />
sur tous les fronts du<br />
théâtre, de la musique,<br />
de la peinture, du cinéma<br />
et, surtout, du jeu tant<br />
le projet repose sur le<br />
couple formé par deux<br />
comédiens étourdissants<br />
et bouleversants. (…)<br />
Hervé Pierre parle,<br />
beaucoup, intarissable<br />
comme l’est la poésie de<br />
Tarkos. Pascal Duquenne<br />
l’observe, nous observe,<br />
présence étrange et<br />
douce, douloureusement<br />
inquiétante parfois. Il<br />
peint aussi, sur le décor en<br />
forme de panneaux noir et<br />
blanc : de longues spirales<br />
blanches ou rouges, ou la<br />
forme de leurs corps à eux<br />
deux, comme pour tenter<br />
de redéfinir ce qu’est un<br />
homme, d’en retrouver<br />
les contours. Alors, au<br />
terme de cette épopée,<br />
on se dit que c’est bien<br />
quelque chose de l’ordre<br />
de la fraternité qui se joue,<br />
ce mot si galvaudé qui<br />
retrouve ici une sacrée<br />
noblesse. (…) une heure de<br />
bonheur théâtral.<br />
Fabienne Darge,<br />
Le Monde<br />
Tu TIENS SuR TOuS lES FRONTS<br />
<strong>THÉÂTRE</strong> dE lA RENAISSANcE (lyON)<br />
d’APRèS cHRISTOPHE TARKOS<br />
cONcEPTION, muSIquE ET mISE EN ScèNE<br />
dE ROlANd AuzET<br />
En scène deux identités. Le comédien Hervé<br />
Pierre s’approprie librement les mots du poète<br />
disparu Christophe Tarkos et Pascal Duquenne,<br />
l’acteur révélé par Le huitième jour, lui donne<br />
muettement la réplique, le pinceau à la main,<br />
car aujourd’hui il peint, devant nous il tague des<br />
visages, proche de Rouault, il éclabousse la scène<br />
et ne laisse pas Hervé Pierre indemne. L’un parle,<br />
de long en large, l’autre le suit d’un regard amusé,<br />
bouge comme pas deux et leur théâtre total est<br />
de l’ordre de la performance lyrique absolue. Une<br />
sorte de rêve éveillé. Roland Auzet, metteur en<br />
scène et compositeur, a découvert en Tarkos un<br />
musicien des mots. Une langue qui voyage entre<br />
Samuel Beckett et Gertrude Stein. Elle décrypte<br />
la vie courante pour en faire comme un chant<br />
répétitif, drôle et magnifique.<br />
« Je vis parce qu’il est agréable de vivre.<br />
Je sais pourquoi je vis. Je vis parce que cela me<br />
fait plaisir. J’ai bien vu que c’est agréable d’être<br />
vivant, qu’il y a des plaisirs. Ainsi j’ai décidé de<br />
vivre… ».<br />
« Heureusement qu’il y a un mort, il n’y<br />
a pas de raison, sinon c’est complétement<br />
absurde. Heureusement qu’il est mort. C’est bien<br />
qu’il meure, il n’avait rien fait, il y avait un trou<br />
et hop il est tombé dedans, comme quoi il y a<br />
des trous. Tant mieux qu’il y ait des trous ».<br />
C’est arbitraire d’échantillonner Tarkos de cette<br />
façon, on a l’impression d’amnésier plein de<br />
pages superbes. En somme, venez l’écouter et<br />
venez les voir ces deux-là qui mettent en lumière<br />
la belle folie de ce langage. J’en oublie, j’oublie<br />
la musique de Roland Auzet, son piano qui joue<br />
tout seul et les murs transformés en écrans<br />
d’ordinateur. Et puis il y a le fameux « serrage<br />
de mains », on se serre la main à l’infini, avec<br />
l’humour de la tendresse.<br />
Jo Dekmine<br />
Conception, musique et mise en scène : Roland Auzet D’après les textes de Christophe Tarkos<br />
Avec : Pascal Duquenne et Hervé Pierre sociétaire de la Comédie-Française Scénographie : Goury<br />
Assistant à la mise en scène : Julien Avril Lumières : Bernard Revel Création électronique : Olivier<br />
Pasquet Vidéo : Arié van Egmond<br />
_<br />
www.theatrelarenaissance.com<br />
31
Tango<br />
Des chansons interprétées<br />
par un duo sublime<br />
d’Argentines, Sandra<br />
Guida et Alejandra<br />
Radano – les Hermanas,<br />
ce sont elles. Deux<br />
fausses jumelles aux<br />
jambes puissantes et<br />
aux bouches dévorantes,<br />
leurres carnivores, statues<br />
vivantes dont les serretête<br />
sont des mains noires<br />
aux ongles vernis de<br />
rouge.Blondes, blafardes<br />
de maquillage, agressives<br />
et vêtues de capes<br />
blanches, de combinaisons<br />
rouges, de robes sombres<br />
de crépon à dominante<br />
orange ou bleue, ce sont<br />
des sœurs à la sensualité<br />
fouettarde, comme le<br />
théâtre d’Arias en impose<br />
tant. Elles chantent<br />
comme elles jouent et<br />
comme elles font rire,<br />
violemment.<br />
Libération<br />
_<br />
Quelles voix ! Quelle<br />
présence scénique ! Des<br />
vedettes de music-hall<br />
comme on n’en voit plus<br />
beaucoup.<br />
Pariscope<br />
HERmANAS<br />
AlFREdO ARIAS (buENOS AIRES / PARIS)<br />
SANdRA guIdA / AlEJANdRA RAdANO<br />
Arias, le metteur en scène argentin de toutes<br />
les distances, depuis l’Histoire du théâtre, Peines<br />
de cœur d’une chatte anglaise, Luxe et Comédie<br />
policière au Trocadéro.<br />
Alfredo Arias créa Luxe au Palace, rue<br />
Montmartre, une espèce d’hommage à l’envers<br />
des Folies Bergères et son corps de ballet aux<br />
seins étoilés. Les stars d’un jour descendaient<br />
en fanfare le grand escalier. Le regard acidulé<br />
d’un demi siècle sur le précédent. Et puis à<br />
la surprise générale, il assuma le temps d’un<br />
spectacle la direction artistique de ces mêmes<br />
Folies Bergères tant l’obsédait le surréalisme kitch<br />
de cette tradition de la revue. Un peu comme<br />
Philippe Decouflé le fait au Crazy Horse. L’ère<br />
du strass et des tableaux vivants. C’était les nuits<br />
tango de Buenos Aires et celles des chanteurs<br />
et danseurs argentins, de ce caf’conc magique<br />
qui va de Carlos Gardel à la môme Piaf,<br />
Mistinguett et Joséphine Baker.<br />
Arias a déniché pour ce faire deux chanteuses<br />
inouïes. Arpentant la scène de leurs grandes<br />
guibolles, mais quelle classe, quelles voix !<br />
On se croirait à l’Olympia des grands jours.<br />
Et le tango l’emporte de justesse sur le répertoire<br />
parisien.<br />
Alfredo Arias est également au rendez-vous,<br />
nous donnant le borsalino sur l’oreille, une sorte<br />
de mini-conférence illustrée sur ce music-hall<br />
dont il a l’instinct et la science. Une présence<br />
amusée à la Woody Allen.<br />
Jo Dekmine<br />
Conception et mise en scène : Alfredo Arias Texte : Alfredo Arias et René De Ceccatty Avec : Sandra<br />
Guida, Alejandra Radano & Alfredo Arias Chorégraphie : Gustavo Wons Maître de chant : Ana Carfi<br />
_<br />
www.alfredo-arias.com<br />
33
Après le jour où Nina Simone a cessé de chanter<br />
AbONNEmENT<br />
bullES<br />
—<br />
Darina Al Joundi<br />
retrace son long<br />
chemin vers la<br />
naturalisation<br />
française. Un<br />
spectacle sans<br />
tabou, féroce<br />
et déchirant.<br />
Le Monde<br />
_<br />
Pieds nus dans<br />
une robe fluide<br />
d’un bleu saphir,<br />
Darina Al Joundi<br />
met toute sa grâce<br />
enjouée, son<br />
intelligence, son<br />
courage moral,<br />
intellectuel,<br />
sa sensualité,<br />
sa connaissance<br />
du Moyen-Orient<br />
(père syrien,<br />
mère libanaise),<br />
de l’Islam, pour<br />
nous raconter ses<br />
mésaventures du<br />
Canada à la France<br />
en passant par<br />
New York. Enjoué,<br />
grave, tour à tour.<br />
C’est déchirant et<br />
hilarant.<br />
Le Figaro<br />
mA mARSEIllAISE<br />
dARINA Al JOuNdI<br />
NOuN cIE (bEyROuTH / PARIS)<br />
Darina nous a fait vivre la saga de son adolescence<br />
en pleine guerre du Liban, sa liberté<br />
conquise d’heure en heure, l’hommage à son<br />
père, ce grand laïc, ce spectacle qui fût il y a<br />
cinq ans au <strong>140</strong> un grand succès théâtral doublé<br />
d’une confidence humaine. Nous vibrons encore<br />
au souvenir de cette voix, cette présence, cette<br />
écriture.<br />
La voici à nouveau pour nous raconter son arrivée<br />
à Paris, menant une bataille éperdue pour être<br />
naturalisée française. D’où le titre Ma Marseillaise<br />
et dans la foulée, elle nous dira avec ce lyrisme<br />
qui n’appartient qu’à elle, ce qu’une femme arabe<br />
francophone et cultivée, a vécu en France, ce pays<br />
qu’elle adore.<br />
Elle plaide ici pour les autres femmes arabes qui<br />
n’ont pas sa célébrité et pour qu’elles conquièrent<br />
un jour leur liberté, leur dignité de femme…<br />
Avec humour, avec rage. Détails à l’appui.<br />
Son texte est sans doute dans toutes les bonnes<br />
librairies mais il faut la voir jouer pour en retirer<br />
le suc.<br />
Jo Dekmine<br />
Mise en scène et scénographie : Alain Timar Texte et interprétation : Darina Al Joundi Lumières :<br />
Marie-Hélène Pinon Arrangement musical : Jean-Jacques Lemêtre Production : Acte 2 / Noun<br />
Productions / Théâtre des Halles / Théâtre La Bruyère<br />
—<br />
www.acte2.fr<br />
35
Nouvelle création<br />
TAubERbAcH<br />
AlAIN PlATEl<br />
mÜNcHNER KAmmERSPIElE /<br />
lES bAllETS c dE lA b<br />
Tandis que nous transcrivons ces lignes, le nouveau<br />
spectacle est en cours de réalisation. L’image qui<br />
le représente ici est une projection psychologique<br />
de l’idée maîtresse de l’œuvre, la vision qu’Alain et<br />
sa complice, la comédienne Elsie de Brauw, ont d’une<br />
certaine humanité dépossédée. C’est donc clairement<br />
une œuvre de compassion.<br />
Dans ce projet, Platel opte de continuer à explorer<br />
et développer son langage de mouvement connu comme<br />
« la danse bâtarde ». On essaie de découvrir la gestuelle<br />
qui naît au moment où « les danseurs se blottissent dans<br />
ce coin du cerveau encore préservé de toute civilisation ».<br />
Cette fois-ci, l’idée de faire cette création émane d’une<br />
demande de l’actrice du NTGent Elsie de Brauw qui voulait<br />
réaliser un spectacle unissant danseurs et acteur(s).<br />
Depuis longtemps, Platel et de Brauw suivent le travail<br />
l’un de l’autre. Le point de départ provisoire est Estamira,<br />
un documentaire de Marcos Prado racontant l’histoire<br />
d’une femme atteinte de schizophrénie qui vit et travaille<br />
dans une décharge des environs de Rio de Janeiro. Elle<br />
a développé sa propre forme de communication, qui est<br />
très singulière. Ce sera le thème de cette création :<br />
(sur)vivre avec dignité dans des conditions quasiimpossibles.<br />
D’autres sources d’inspiration pour cette<br />
production sont « Tauber Bach » (musique de Bach<br />
chantée par des sourds) et les arias de Mozart qui seront<br />
chantées live.<br />
La direction musicale est dans les mains de Steven<br />
Prengels qui a déjà collaboré avec Alain pour les<br />
productions Gardenia (2010) et C(H)OEURS (2012).<br />
Le <strong>140</strong> suit le chemin d’Alain Platel depuis Bonjour<br />
Madame et Moeder en kind qu’il mena avec Arne Sierens.<br />
Que de belles mémoires.<br />
Je fis moi-même un portrait d’Alain pour l’opéra<br />
national et il témoigne de mon aventure dans une édition<br />
d’Alternatives théâtrales qui fut consacrée au <strong>140</strong> en 2010.<br />
Jo Dekmine<br />
Conception et mise en scène : Alain Platel Créé et joué par : Bérengère Bodin, Elie Tass, Elsie de<br />
Brauw, Lisi Estaras, Romeu Runa et Ross McCormack Dramaturgie : Koen Tachelet et Hildegard<br />
De Vuyst Direction musicale : Steven Prengels Lumières : Carlo Bourguignon Costumes : Theresa<br />
Vergho Décor : Alain Platel et les ballets C de la B<br />
_<br />
www.lesballetscdela.be<br />
37
Une jeune comédienne s’est glissée dans la peau<br />
du champion de tennis américain André Agassi<br />
AbONNEmENT<br />
bullES<br />
_<br />
Un de ces moments de<br />
grâce qui touchent sans<br />
que l’on sache exactement<br />
pourquoi. Ce héros malgré<br />
lui, cet enfant soumis à<br />
l’écrasant désir d’un père<br />
brutal, ce cœur pur qui<br />
attendra d’être sorti des<br />
courts pour avouer avoir<br />
toujours détesté le tennis,<br />
la toute jeune comédienne<br />
l’incarne d’une manière<br />
aussi inattendue que<br />
sidérante.<br />
Armelle Héliot, Le Figaro<br />
_<br />
Marie Rémond,<br />
particulièrement<br />
touchante à travers<br />
la personne d’André<br />
Agassi, ses doutes, ses<br />
désirs, les violences<br />
qu’on lui impose et qu’il<br />
s’impose aussi, ses accès<br />
de révolte et son côté<br />
perdu, elle fait passer, en<br />
évitant soigneusement<br />
les aspects sulfureux,<br />
une histoire certes<br />
unique, mais en laquelle<br />
chacun peut reconnaître<br />
des sentiments qui<br />
le traversent ou l’ont<br />
traversé, à un moment ou<br />
à un autre de la vie. C’est<br />
vraiment un joli spectacle.<br />
Brigitte Salino, Le Monde<br />
ANdRÉ<br />
<strong>THÉÂTRE</strong> vIdy-l (lAuSANNE)<br />
uN SPEcTAclE dE mARIE RÉmONd<br />
Un miracle d’identification : Marie Rémond EST<br />
André Agassi, elle l’a pisté à travers sa bio,<br />
son parcours et nous le restitue avec un naturel<br />
stupéfiant.<br />
Surgissent sur scène le papa qui le força dès ses<br />
huit ans à entreprendre cette carrière, le frère,<br />
un peu débile, l’entraineur, une espèce de<br />
militaire, tout ce petit monde qu’il n’a pas choisi.<br />
à la fois drôle et tragique cette icône d’un sport<br />
adulé nous fait entendre sa répugnance au rôle<br />
que son équipe lui fait jouer. Non, André Agassi<br />
n’aimait pas le tennis et ce don particulier qu’il<br />
avait l’obligeait à se surpasser à son corps<br />
défendant.<br />
Un drôle d’oiseau dans le vent, utilisé<br />
abusivement, en résistance permanente.<br />
Marie Rémond et ses complices ont co-écrit<br />
les dialogues, quasi sous dictée, dérivés de<br />
l’autobiographie Open publiée chez Plon, sur<br />
laquelle elle était tombée dans une boutique<br />
de gare.<br />
C’est une grande rencontre et nous voulons vous<br />
la faire partager.<br />
Jo Dekmine<br />
Mise en scène : Marie Rémond Texte et interprétation : Clément Bresson, Sébastien Pouderoux<br />
et Marie Rémond Collaboration artistique : Pierre-Marie Poirier Lumières : David Perez<br />
_<br />
www.vidy.ch<br />
39
La nouvelle chanson<br />
EN cONcERT<br />
Chant : Jeanne Cherhal<br />
_<br />
www.jeannecherhal.net<br />
JEANNE cHERHAl<br />
Jeanne de cuivre et de marbre, Jeanne de feu<br />
et de coton, piquante ou sucrée, joueuse, blessée,<br />
ou combattante. Elle est tout ça, une à la fois.<br />
Jeanne Cherhal raconte un monde bien réel<br />
passé par son filtre très écrit, drôle, volontiers<br />
vamp dont on dévore les courbes, ou cadrant en<br />
quelques rimes un écueil de société. Car si elle<br />
peut sourire et séduire du haut de ses jambes<br />
infinies, lèvres carmin et robe de soirée, elle ne<br />
se gêne pas pour aussi revenir en t-shirt lancer<br />
des javelots quand ça la démange, quand il ne<br />
faut pas laisser un sujet en paix. Alors l’Amiral<br />
Cherhal fait bouger ses armées. La femme, les<br />
profiteurs, les mutations, les âges, la séduction,<br />
définir le plus exactement possible jusqu’où vont<br />
les bords de la sincérité. Rendre gloire à ceux qui<br />
les respectent, malmener ceux qui en sortent.<br />
Complexe et sexy, au piano son complice, à la<br />
guitare dominante, Jeanne Cherhal bondit sur<br />
les identités et provoque un lien naturel entre<br />
tous ces personnages. C’est elle, entière et<br />
multiple, c’est tout. Une femme libre. Un album<br />
en 2014 on le sait, et des amis partout entre<br />
lesquels elle s’amuse. Véronique Sanson, Biolay,<br />
Loizeau, Tiken Jah, Delerm, Camille, Sophie,<br />
Murat, Sanseverino, des duos des trios, des paris<br />
réussis. Osmosant son époque, elle ajoute une<br />
dose de complicité et de talent à une scène qui<br />
ne demandait que ça.<br />
Nicolas Dekmine<br />
41
Nous rencontrons Françoise Sagan<br />
Deux voix pour faire entendre Sagan<br />
Sous le titre Toxique, l’auteure révélée par Bonjour<br />
Tristesse en 1957, écrit le journal de sa désintoxication.<br />
Star de la littérature à 19 ans, elle est devenue accro<br />
à la morphine suite à un terrible accident qui a failli lui<br />
coûter la vie. Accueillie dans un hôpital où l’on traite<br />
de nombreux problèmes mentaux, elle décrit son<br />
quotidien, ses rapports avec les médecins et les autres<br />
patients, les visites de ses proches, le monde littéraire<br />
dont elle a compris le fonctionnement. Assise sur un<br />
baffle, Valérie Diome porte le texte de Sagan. Elle<br />
raconte les premiers jours, l’évolution du sevrage,<br />
le corps qui se construit, les discussions avec les<br />
autres pensionnaires, la littérature qui abrutit comme<br />
n’importe quel autre travail, la littérature qui devient<br />
la seule possibilité d’expression pour une jeune femme<br />
trop différente du monde qui l’entoure… Avec une<br />
distance et une acuité sans pareil, elle évoque sa propre<br />
écriture, le rôle qui lui est déjà assigné dans les lettres<br />
françaises. Valérie Diome passe de la décontraction<br />
à la fureur, de l’humour à l’exaspération, faisant claquer<br />
les mots de Sagan avec énergie. Un chant distant et<br />
déchirant. S’il n’y avait que cela, on resterait toutefois<br />
dans le domaine de l’adaptation scénique bien faite<br />
d’un texte littéraire. Un monologue écrit, une voix<br />
pour le porter. Mais la metteuse en scène Anne-Sophie<br />
Pauchet nous a réservé une surprise de la plus belle eau.<br />
Un peu en retrait, Juliette Richards gratte doucement<br />
les cordes de sa guitare. Longs cheveux blonds, petite<br />
robe bleue, elle a tout d’une ingénue. Mais lorsqu’elle<br />
chante, sa voix à la Patti Smith file des frissons à toute<br />
la salle.<br />
Ce pourrait être un simple effet de mise en scène.<br />
C’est beaucoup plus que cela. Juliette Richards est<br />
un peu plus jeune que la Sagan écrivant Toxique.<br />
Comme celle-ci, elle s’exprime d’une voix bien plus mûre<br />
que celle qu’on attendrait d’une si jeune fille. Toujours<br />
en retrait, un peu irréelle, elle ne quitte jamais l’actrice<br />
des yeux, intervenant régulièrement par quelques notes<br />
égrenées ou par de bouleversantes interprétations<br />
de titres comme I am waiting for my man de Lou Reed.<br />
Tandis que Valérie Diome porte les mots de Sagan<br />
comme si cette dernière relisait ses notes quelques<br />
années plus tard, Juliette Richards nous fait entendre<br />
la voix de la jeune fille en train d’écrire. Cinglante<br />
et ironique, distante et déchirante. On n’est pas près<br />
de l’oublier.<br />
Jean-Marie Wynants, Le Soir<br />
TOxIquE<br />
cOmPAgNIE<br />
AKTÉ (lE HAvRE)<br />
Françoise Sagan est<br />
présente. à travers<br />
un écrit qui est une<br />
confidence personnelle<br />
sur un état vécu.<br />
Elle est présente<br />
doublement par la<br />
voix de Valérie Diome<br />
et celle de Juliette<br />
Richards qui nous la<br />
restitue à l’âge tendre<br />
de Bonjour Tristesse.<br />
Une émotion partagée<br />
par tous en Avignon,<br />
je laisse le soin à la<br />
plume de Jean-Marie<br />
Wynants de divulguer<br />
mieux que je ne l’aurais<br />
fait, le secret de cette<br />
alchimie théâtrale…<br />
Jo Dekmine<br />
Mise en scène : Anne-Sophie Pauchet Texte : Françoise Sagan Avec : Valérie Diome et Juliette<br />
Richards Scénographie : Pascale Mandonnet Collaboration artistique : Arnaud Troalic Lumières :<br />
Philippe Ferbourg Son : Laurent Gruau<br />
_<br />
www.akte.fr<br />
43
OCTOBRE<br />
NOVEMBRE<br />
DéCEMBRE<br />
10<br />
11<br />
TWERK<br />
Cecilia Bengolea et François<br />
Chaignaud<br />
1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
15 Les rois du suspense<br />
16 Cie Grand Magasin (Paris)<br />
17 1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
18<br />
19<br />
Les monstrueuses actualités de<br />
Christophe Alévêque<br />
Axel Bauer<br />
En concert<br />
22 Platonov mais…<br />
23 Théâtre à cru (Tours)<br />
24 1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
5<br />
6<br />
7<br />
8<br />
Lacrima<br />
Compagnie Cecilia (Gand)<br />
15 ¤ / 13 ¤ / 12 ¤ / 8 ¤<br />
John Scofield<br />
Überjam Band<br />
En concert<br />
12 Antigone<br />
13 Le Théâtre National Palestinien<br />
14 1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
15 William Sheller & le quatuor Stevens<br />
16 En concert<br />
19 Obstinés lambeaux d’images<br />
20 Andrea Sitter - Cie Die Donau (Paris)<br />
21 1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
4<br />
5<br />
6<br />
Shut your mouth<br />
Collectif DRAO (Paris)<br />
1 8 ¤/ 1 6 ¤/ 15 ¤/ 8 ¤<br />
p.7<br />
p.9<br />
p.11<br />
p.13<br />
p.15<br />
p.17<br />
p.19<br />
p.21<br />
p.23<br />
p.25<br />
p.27<br />
JANVIER<br />
FéVRIER<br />
MARS<br />
EN AVRIL<br />
EN MAI<br />
15<br />
16<br />
Schrödinger<br />
Reckless Sleepers (Londres / Gand)<br />
15 ¤ / 13 ¤ / 12 ¤ / 8 ¤<br />
28 Tu tiens sur tous les fronts<br />
29 Théâtre de la Renaissance (Lyon)<br />
30 20 ¤ / 17 ¤ / 1 6 ¤ / 8 ¤<br />
31<br />
1<br />
12<br />
13<br />
14<br />
Hermanas<br />
Alfredo Arias (Buenos Aires/Paris)<br />
1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
Ma Marseillaise<br />
Noun Cie (Beyrouth/Paris)<br />
1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
26 Tauberbach<br />
27 Alain Platel / Münchner Kammerspiele<br />
Les ballets C de la B<br />
12<br />
13<br />
14<br />
15<br />
André<br />
Théâtre Vidy-L (Lausanne)<br />
1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
Jeanne Cherhal<br />
En concert<br />
19 Toxique<br />
20 Compagnie Akté (Le Havre)<br />
21 1 8 ¤ / 1 6 ¤ / 15 ¤ / 8 ¤<br />
NUITS NOMADES<br />
JUSTE POUR RIRE Brussels<br />
KUNSTENFESTIVALDESARTS<br />
Abonnement Bulles<br />
Spectacle découverte<br />
Tarifs préférentiels pour les plus de 60 ans,<br />
moins de 26 ans, enseignants, chômeurs,<br />
professionnels du spectacle et partenaires<br />
du Théâtre <strong>140</strong>.<br />
p.29<br />
p.31<br />
p.33<br />
p.35<br />
p.37<br />
p.39<br />
p.41<br />
p.43
Direction artistique :<br />
Jo Dekmine<br />
Adresse :<br />
Théâtre <strong>140</strong><br />
Avenue Eugène Plasky <strong>140</strong><br />
1030 Bruxelles<br />
à deux pas de la place Meiser<br />
Bus, trams et métro<br />
7, 21, 25, 28, 29, 63<br />
arrêt Plasky, Diamant ou Meiser<br />
www.theatre<strong>140</strong>.be<br />
Tickets et réservations :<br />
+32 (0) 2 733 97 08<br />
tickets@theatre<strong>140</strong>.be<br />
Du lundi au vendredi de 12h à 18h,<br />
les samedis de représentation de 15h à 19h,<br />
le soir du spectacle à partir de 19h45.<br />
Les places réservées seront impérativement<br />
payées d’avance.<br />
À la billetterie : en espèces ou par carte bancaire<br />
(Maestro / Visa / Mastercard)<br />
Par virement sur le compte du Théâtre <strong>140</strong>,<br />
uniquement après confirmation<br />
de votre réservation<br />
BIC BBRUBEBB<br />
IBAN BE76 3100 1114 6295<br />
Parking :<br />
- Reyers, 12 minutes à pied.<br />
via E40 : sortie Reyers, première bretelle à droite,<br />
le parking se trouve sur le côté droit.<br />
via boulevard Reyers : l’entrée se trouve rue<br />
Colonel Bourg, en face du n°42.<br />
Villo :<br />
- Diamant / Boulevard Auguste Reyers<br />
- Plasky / Square Eugène Plasky<br />
- Meiser / Place Général Meiser<br />
Av. Léon Mahillon<br />
Av. Félix Marchal<br />
Chaussée de Louvain<br />
Av. de la topaze<br />
Av. du diamant<br />
Rue Victor Hugo<br />
Av. E. Milcamps<br />
Av. Émile Max<br />
Av. Eugène<br />
Square<br />
Eugène<br />
Plasky<br />
Plasky<br />
Plasky<br />
Av. Eugène<br />
Place<br />
Meiser<br />
Av. de l’éme<br />
Boulevard Reyers<br />
raude<br />
Av. Émile Max<br />
Av. de l’opéra<br />
Av. du diamant<br />
Boulevard Reyers<br />
P<br />
Rue Colonel Bourg<br />
Reyers
<strong>THÉÂTRE</strong> <strong>140</strong><br />
N°170 / <strong>SAISON</strong> 2013 – 2014<br />
Conception Graphique :<br />
Toufan Hosseiny<br />
toufanhosseiny.two-t.com<br />
Laurane Perche<br />
lauraneperche.com<br />
éditeur responsable :<br />
Jo Dekmine<br />
Spectacles d’Aujourd’hui asbl<br />
Imprimé sur Offset 120gr<br />
par Hayez / Avril 2013<br />
Crédits photographiques :<br />
Christophe Alévêque ©B.Enguerand<br />
André ©Mario Del Curto<br />
Antigone ©Nabil Boutros<br />
Axel Bauer ©Yann Orhan<br />
Jeanne Cherhal ©Micky Clément<br />
Lacrima ©Kurt Vander Elst<br />
Les rois du suspense ©V. Ellena<br />
Ma Marseillaise ©Sylvie Biscioni<br />
Obstinés lambeaux d'images ©P. Bouclier<br />
Platonov mais… ©Marie Pétry<br />
Schrödinger © philpottdesign<br />
John Scofield ©Nick Suttle<br />
William Sheller ©Lisa Roze<br />
Shut Your Mouth ©Danica Bijeljac<br />
Tauberbach ©Jacques De Backer<br />
Toxique ©Arnauld Troalic<br />
Tu tiens sur tous les fronts © E. Murbach<br />
TWERK ©Émile Zeizig
THéÂTRE <strong>140</strong><br />
Avenue Eugène Plasky <strong>140</strong><br />
1030 Bruxelles<br />
www.theatre<strong>140</strong>.be<br />
www.facebook.com/Theatre<strong>140</strong><br />
—<br />
Réservations :<br />
+32 (0) 2 733 97 08<br />
tickets@theatre<strong>140</strong>.be