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a artiste peintre<br />

Chevaux et<br />

Merveilles<br />

Voyage à la découverte de trois univers fantastiques:<br />

le cheval, l’art, les mythologies et lég<strong>en</strong>des et d’un personnage extraordinaire :<br />

<strong>Anne</strong> PIOLA…<br />

Le Cheval d’abord, cette<br />

créature qui me fait<br />

rêver et vivre depuis<br />

si longtemps, cet animal que<br />

je glorifie, déifie, dans la réalité<br />

comme dans le songe,<br />

cette race nue de Pégase et de<br />

Licorne... L’attraction irrésistible<br />

qu’il a exercé sur nous, humains<br />

primitifs, a inspiré bi<strong>en</strong> des<br />

oeuvres et récits merveilleux.<br />

Sa vitesse est dev<strong>en</strong>ue si lég<strong>en</strong>daire<br />

qu’on l’aurait vu voler, il<br />

s’est vu attribuer magies et sortilèges,<br />

parole même et, fusion<br />

ultime, l’homme s’est fondu à<br />

lui <strong>en</strong> un être unique, le C<strong>en</strong>taure.<br />

De la nuit des temps au<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong><br />

Marwari<br />

coin du feu, de récits <strong>en</strong> récits,<br />

de représ<strong>en</strong>tations picturales,<br />

sculpturales, <strong>en</strong> tableaux de<br />

maîtres, le cheval est dev<strong>en</strong>u<br />

être fabuleux, fantastique, presque<br />

un demi-dieu...<br />

Je vous invite dans une balade<br />

au pays du mythe cheval, à travers<br />

ses lég<strong>en</strong>des du Monde,<br />

les romans et oeuvres cinématographiques<br />

où il figure <strong>en</strong><br />

être glorifi é.<br />

Je vous invite dans mon monde,<br />

mon univers onirique, voir danser<br />

mes chevaux merveilleux.<br />

Cheval émerveille, chevaux<br />

émerveill<strong>en</strong>t, Chevaux et Merveilles...<br />

Suivez moi, le voyage comm<strong>en</strong>ce<br />

ici et maint<strong>en</strong>ant dans votre<br />

Magazine EN SELLE !<br />

Dans la mythologie Celte, Epona<br />

était la déesse des chevaux.<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong> aime à dire qu’Epona<br />

s’est, peut-être un jour, p<strong>en</strong>-<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong><br />

Poséidon<br />

chée sur son berceau, escortée<br />

par la joyeuse sarabande du<br />

Petit Peuple.<br />

— «Mes petites mains se<br />

levai<strong>en</strong>t parfois dans le vide,<br />

les doigts t<strong>en</strong>dus vers une<br />

chose invisible, même dans le<br />

noir... Ma grand-mère disait que<br />

je pouvais voir les anges... mais<br />

aussi les démons...»<br />

A la maternelle déjà, ses cahiers<br />

d’exercices se couvr<strong>en</strong>t de<br />

chevaux, de licornes et d’êtres<br />

ailés étranges. Ses instituteurs<br />

la trouv<strong>en</strong>t étranges, elle aussi...<br />

Gripoil, l’Etalon noir, les licornes<br />

et Pégase occup<strong>en</strong>t ses rêves<br />

qui se peupl<strong>en</strong>t de vols de dragons,<br />

de fées, d’elfes et autres<br />

sylphes. Ses écrits ne parl<strong>en</strong>t<br />

que de ce monde étrange et,<br />

bi<strong>en</strong>sûr, elle ne dessine que ça.<br />

Elle rêve du cheval fabuleux, le<br />

plus beau de tous, le plus rapide,<br />

le plus sauvage, il est forcem<strong>en</strong>t<br />

noir ou blanc, aéri<strong>en</strong> ou puissant,<br />

aux crins démesurés et<br />

fl ottants. Au collège, ge, elle grave<br />

éperduem<strong>en</strong>t perduem<strong>en</strong>t des cavalcades<br />

sur ses bureaux, <strong>en</strong>trelacées<br />

d’<strong>en</strong>luminures elfi ques et celtiques.<br />

Peut-être tre y sont-elles<br />

toujours...<br />

— «La surface vide de<br />

mes bureaux ne le restait<br />

jamais longtemps,<br />

une génération spontanée<br />

d’animaux fabuleux<br />

et de chevaux sauvages<br />

et merveilleux v<strong>en</strong>ait<br />

<strong>en</strong>luminer les veines du<br />

bois...»<br />

Que ça, a, mais surtout que des<br />

chevaux, mais ses chevaux ont<br />

une aura étrange trange propre aux<br />

seuls êtres tres magiques. Pour elle,<br />

se sont des chevaux d’un autre<br />

monde, des chevaux de rêve.<br />

Les chevaux dont elle rêve.<br />

Dans la verte campagne du<br />

Vaucluse où elle est née voilà 35<br />

années, les poneys et les chevaux<br />

du c<strong>en</strong>tre équestre voisin<br />

lui appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la vie au rythme<br />

de leur galop et du temps. Une<br />

vie où l’être de ses rêves fantasmagoriques<br />

se dévoile, se<br />

révèle, dans toute sa spl<strong>en</strong>deur<br />

mais aussi dans toute sa fureur.<br />

Elle n’<strong>en</strong> est que plus fascinée,<br />

que plus amoureuse.<br />

Pour assouvir sa passion dévorante,<br />

elle fait souv<strong>en</strong>t l’école<br />

buissonnière, sur les plateaux<br />

lozéri<strong>en</strong>s, dans les forêts de<br />

l’Ardèche où elle a vu, dit-elle,<br />

d’étranges choses. Hantée,<br />

<strong>Anne</strong> fi nit par abandonner le<br />

lycée, où elle s’<strong>en</strong>nuie et s’étiole,<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong><br />

Trio sauvage<br />

pour appr<strong>en</strong>dre le dur métier<br />

de cavalier-soigneur. Dès lors,<br />

elle vit sa passion à c<strong>en</strong>t pour<br />

c<strong>en</strong>t. A l’aube<br />

de ses 16<br />

ans,<br />

e l l e<br />

devi<strong>en</strong>t le<br />

chef de tout un troupeau<br />

de chevaux de trait dans<br />

une ferme élevage du Vaucluse.<br />

Elle rêve éveillée parmi les pursang<br />

arabes d’un élevage réputé,<br />

si bi<strong>en</strong> que ces créatures dit<br />

«Buveurs de v<strong>en</strong>t» resteront<br />

sont inspiration principale bi<strong>en</strong><br />

que son coeur apparti<strong>en</strong>ne aux<br />

chevaux d’Espagne, ces danseurs<br />

au panache royal, nobles<br />

et magnifi ques. Avec eux, dans<br />

une «aci<strong>en</strong>da» prov<strong>en</strong>çale, elle<br />

a connu «sa communion avec<br />

le dieu des chevaux, le cheval<br />

des roi». Avec eux, elle a dansé,<br />

a été tour à tour chevalier et<br />

barbare, cavalière andalouse et<br />

écuyère de Haute Ecole, elfe ou<br />

Peau-Rouge... Elle vivait <strong>en</strong>fi n<br />

ses rêves de gosse ! Elle a connu<br />

l’Art équestre, celui <strong>en</strong>seigné<br />

par des maîtres uniquem<strong>en</strong>t<br />

aux rois et aux princes. C<strong>en</strong>-<br />

taure, elle l’était <strong>en</strong>fi n ! Sa voie<br />

était toute tracée.<br />

Mais à 23 ans, une superbe<br />

jum<strong>en</strong>t andalouse, Ser<strong>en</strong>ata,<br />

brise son rêve, sa carrière équestre<br />

montant dans le milieu du<br />

spectacle équestre. C’est l’accid<strong>en</strong>t.<br />

Grave. <strong>Anne</strong> est brisée...<br />

Deux ans durant, elle ne verra<br />

les chevaux que de son lit d’hôpital,<br />

de son fauteuil roulant et<br />

du bord des carrières de dressage<br />

et de spectacle. Elle meurt<br />

un peu...<br />

Mais son monde est là, les<br />

chevaux sont là,<br />

dans sa<br />

tête,<br />

d a n s<br />

son coeur,<br />

dans son corps, ancrés<br />

dans son âme, toujours plus<br />

<strong>Télécharger</strong> «Contes et lég<strong>en</strong>des du<br />

Cheval» (textes et illustrations : <strong>Anne</strong><br />

<strong>Piola</strong>) sur http://anne.piola.free.fr<br />

fous. Alors, elle se met à la peinture,<br />

la vraie, à l’huile.<br />

— «Je veux, dit-elle, qu’on les<br />

voit comme je les vois, leurs<br />

naseaux dilatés, dilat leur regard<br />

de feu. L’oeil, je le fais toujours<br />

<strong>en</strong> dernier, exorbit exorbité, peureux,<br />

furieux, curieux et surtout,<br />

sauvage. Peut-être Peut- parce<br />

que l’oeil de Ser<strong>en</strong>ata était<br />

comme ça lorsque, couchée<br />

sur moi, elle me<br />

regardait...»<br />

Ses toiles se peupl<strong>en</strong>t<br />

parfois d’autres êtres, et<br />

les dragons y crach<strong>en</strong>t<br />

leur feu, les c<strong>en</strong>taures s’y<br />

batt<strong>en</strong>t et toujours, les ffées<br />

se cach<strong>en</strong>t parmi les feuilles<br />

des sous bois.<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong><br />

Onikage<br />

Textes et propos recueillis par<br />

Jean-Jacques BARLOY,<br />

Docteur Es Sci<strong>en</strong>ce pour<br />

Animaux Magazine<br />

o<br />

/ / / Juillet<br />

2007 2007 / / N<br />

N 16<br />

o<br />

uillet 2007 / N 4 o<br />

/ / / Juillet<br />

2007 2007 / / N<br />

No <strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong><br />

L’appel du Prophète<br />

17<br />

uillet 2007 / N 4


Interview<br />

a<br />

artiste peintre<br />

Dans la mythologie Celte,<br />

Epona était la déesse des chevaux.<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong> aime à dire<br />

qu’Epona s’est, peut-être p<strong>en</strong>chée<br />

sur son berceau, escortée<br />

par la joyeuse sarabande du<br />

Petit Peuple, <strong>Anne</strong> dite nous si<br />

c’est la réalité ?<br />

AP : Elevée à la campagne,<br />

<strong>en</strong>tourée de mythes et de<br />

lég<strong>en</strong>des du terroir, oui, je p<strong>en</strong>se<br />

que cette déesse celte des<br />

chevaux a touché mon front<br />

un jour ou un autre.<br />

Dans mes rêves, depuis toujours,<br />

le cheval est prés<strong>en</strong>t,<br />

omniprés<strong>en</strong>t. Il est là dans le<br />

roulem<strong>en</strong>t d’orage d’un galop<br />

effréné qui fait vibrer le coeur,<br />

le souffle rauque et puissant<br />

v<strong>en</strong>u du fond d’un poitrail<br />

grondant, des crins lourds,<br />

blancs, noirs, des claquem<strong>en</strong>ts<br />

de d<strong>en</strong>ts sur des mors d’or et<br />

d’arg<strong>en</strong>t, des naseaux grand<br />

ouverts, palpitants, des sabots<br />

ailés ou frappant comme des<br />

masses, des yeux étincelants,<br />

farouches, sauvages, fous et des<br />

h<strong>en</strong>nissem<strong>en</strong>ts, des h<strong>en</strong>nissem<strong>en</strong>ts<br />

comme un cantique<br />

obsédant. J’<strong>en</strong> rêvais la nuit, le<br />

jour et je ne sais plus vraim<strong>en</strong>t<br />

si je rêvais que j’avais un cheval,<br />

des chevaux, si j’étais cavalière<br />

ou si, moi-même, j’étais cheval.<br />

Je crois qu’<strong>en</strong> fait, j’étais possédée<br />

et que cette “maladie”,<br />

inexhorcisable, inguérissable,<br />

me ronge <strong>en</strong>core aujourd’hui.<br />

Est-ce Epona qui m’habiterait,<br />

peut-être, mais je dois vous<br />

avouer que c’est plutôt du<br />

c<strong>en</strong>taure que je tirerais !<br />

Votre passion remonte à la<br />

maternelle, où déjà on nous dit<br />

que l’on trouvait des dessins<br />

de chevaux dans vos cahiers,<br />

<strong>en</strong> avez-vous des souv<strong>en</strong>irs ?<br />

AP : Des myriades !!! Le cheval<br />

me fascine depuis toujours.<br />

Tout bébé déjà, l’odeur même<br />

des chevaux m’animait, quand<br />

à leur vision, même à travers<br />

les vitres de la voiture, elle<br />

décl<strong>en</strong>chait des cris de joie. J’ai<br />

comm<strong>en</strong>cé l’équitation à l’âge<br />

t<strong>en</strong>dre de 6 ans, âge où l’animal<br />

est presque un être fabuleux,<br />

magique. Mes poneys étai<strong>en</strong>t<br />

des licornes, des “pégases” et<br />

je rêvais d’eux... comme tels !<br />

Un peu introvertie, c’est avec<br />

le crayon que je m’exprimais<br />

beaucoup, donc le moindre<br />

bout de papier était sauvagem<strong>en</strong>t<br />

rempli... de chevaux et<br />

d’autres êtres fabuleux. Cette<br />

habitude avait pour effet d’agacer<br />

mes instituteurs, d’<strong>en</strong> fasciner<br />

d’autres, ne passait jamais<br />

inaperçue... Jusqu’au collège où<br />

un professeur de dessin, cavalier,<br />

avait fait de moi, mon dieu,<br />

son égérie ! Complètem<strong>en</strong>t fou,<br />

c’est le mot, de mes “oeuvres”, il<br />

ne me les r<strong>en</strong>dait jamais et je<br />

crois bi<strong>en</strong>, aujourd’hui, qu’il est<br />

l’une des personne possédant<br />

le plus d’oeuvres de moi dans<br />

sa collection !<br />

J’avais 4 ou 5 ans et je me souvi<strong>en</strong>s<br />

d’un imm<strong>en</strong>se cheval noir.<br />

Oui, bi<strong>en</strong> sûr, à cet âge-là tout<br />

paraît imm<strong>en</strong>se et Prince avait<br />

pour moi la taille d’un géant.<br />

Cet animal, un lourd, attaché à<br />

un piquet, paissait sur le bord<br />

du chemin que ma mère, ma<br />

petite soeur <strong>en</strong> poussette et<br />

moi empruntions très souv<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> ballade. Lorsque j’approchais<br />

de cette gigantesque<br />

masse de chair chaude, que son<br />

imm<strong>en</strong>se tête aux grands yeux<br />

sombres desc<strong>en</strong>dait vers moi<br />

pour me souffl er sur le visage<br />

un air au parfum d’herbe et de<br />

foin, j’étais <strong>en</strong> extase, ravie, et<br />

je pouvais rester des minutes<br />

<strong>en</strong>tières, agrippée à ses jambes,<br />

les yeux fermés, à l’écouter<br />

mâcher et respirer. Son maître,<br />

un vieux monsieur, m’avait mise<br />

une fois sur son dos et, perchée<br />

ainsi, les doigts <strong>en</strong>fouis dans la<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong><br />

Ibn-Allah<br />

longue crinière de<br />

Prince, les jambes<br />

chauffées par sa<br />

peau, <strong>en</strong>tre ciel et<br />

terre et un coeur<br />

qui bat, j’étais au<br />

paradis.<br />

Il était hors de<br />

question de manquer<br />

une visite<br />

à Prince, avec un<br />

sac de pain dur,<br />

de carottes ou<br />

de pommes que<br />

je portais sans<br />

<strong>en</strong> laisser le soin à personne.<br />

Le vieux monsieur discutait<br />

avec maman, ma petite soeur<br />

dormait à l’ombre d’un fi guier<br />

et moi, je communiais avec un<br />

cheval, assise dans les pâquerettes<br />

et les piss<strong>en</strong>lits, la tête<br />

<strong>en</strong> l’air, <strong>en</strong>tre quatre jambes <strong>en</strong><br />

voûte de cathédrale.<br />

Vous avez fait souv<strong>en</strong>t l’école<br />

buissonnière, sur les plateaux<br />

lozéri<strong>en</strong>s, dans les forêts de<br />

l’Ardèche où il paraît que vous<br />

avez vu d’étranges choses,<br />

pouvez vous nous les dévoiler<br />

?<br />

AP : (Sourire) Si je vous les<br />

dévoilais, elles disparaîtrai<strong>en</strong>t...<br />

J’ai débuté l’équitation à l’âge<br />

de 6 ans. Un appr<strong>en</strong>tissage “à la<br />

dure”, sans selle sur des poneys<br />

hargneux et dressés comme<br />

des wagons, avec une monitrice<br />

aussi gueulante qu’un capitaine<br />

d’infanterie. Il n’y avait pas<br />

de place au rêve dans ces mises<br />

<strong>en</strong> selle “à la militaire”, dans ces<br />

heures de tape-cul dans des<br />

carrières boueuses tous les<br />

mercredis après-midi et samedis<br />

matin. Cartouche, Magaly la<br />

terrible, Flûte la douce, Edjaz...<br />

se sont succédés sous mes<br />

fesses meurtries par leur dos<br />

<strong>en</strong> lame de scie. Chaque cours<br />

était une torture que j’<strong>en</strong>durais...<br />

avec délice ! Pour ri<strong>en</strong> au<br />

monde je n’aurais manqué une<br />

seule reprise.<br />

Obsédée. Je l’étais. M’<strong>en</strong>tourant<br />

du cheval comme d’une<br />

armure jusqu’à garder dans<br />

ma chambre mes vêtem<strong>en</strong>ts<br />

et mes bottes d’équitation<br />

qui y distillai<strong>en</strong>t leur odeur,<br />

pour moi délicieuse. Que dire<br />

d’autre d’une gamine qui tressaillait<br />

au son d’un h<strong>en</strong>nissem<strong>en</strong>t,<br />

qui galopait plus qu’elle<br />

ne marchait et qui, tricotant<br />

des jambes et arquant le cou,<br />

déroulait avec brio une Saint<br />

George (reprise de dressage) ?<br />

Obsédée...<br />

A l’école, mes cahiers arborai<strong>en</strong>t<br />

à chaque page leurs cheval,<br />

licorne, Pégase et au lycée,<br />

toujours aussi “malade”, je me<br />

dérobais quelques semaines<br />

par ans pour aller courir l’av<strong>en</strong>ture<br />

<strong>en</strong> randonnées sauvages.<br />

Ces jours <strong>en</strong>tiers passés sur<br />

le dos d’un cheval, au rythme<br />

de ses pas dans des paysages<br />

éblouissants de beauté, ces<br />

soirées de bonheur près d’un<br />

feu de camps, ces nuits sous<br />

les étoiles à écouter le v<strong>en</strong>t<br />

dans les chênes, le cri terrible<br />

de l’effraie et le lugubre hululem<strong>en</strong>t<br />

de la hulotte, le souffl e<br />

des chevaux et le son doux<br />

de leurs mâchoires lorsqu’ils<br />

mang<strong>en</strong>t, m’ont défi nitivem<strong>en</strong>t<br />

fait basculer. Il est diffi cile d’ex-<br />

pliquer avec des mots ce que<br />

l’on ress<strong>en</strong>t après des heures<br />

de chevauchée, dans l’imm<strong>en</strong>sité,<br />

seul avec soi-même, avec<br />

un animal extraordinaire qui<br />

semble pouvoir vous porter<br />

jusqu’au bout du monde, qui<br />

vous réchauffe de son corps<br />

alors que le brouillard vous<br />

glace et le v<strong>en</strong>t vous fait pleurer.<br />

On est transc<strong>en</strong>dé, euphorique<br />

et extralucide à la fois, on<br />

vit quelque chose de puissant<br />

qui vous ébranle, vous exalte,<br />

vous r<strong>en</strong>d un peu fou. La folie<br />

comm<strong>en</strong>ce lorsque, au grand<br />

galop parmi des poulains <strong>en</strong><br />

transhumance, vous poussez<br />

à gorge déployée un cri de<br />

Sioux <strong>en</strong> levant le poing, lorsque,<br />

au pied d’une forteresse<br />

cathare, majestueuse, vous<br />

fermez les yeux et <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dez le<br />

claquem<strong>en</strong>t des orifl ammes et<br />

le cliquetis des épées, lorsque,<br />

rassemblé autour du feu pour<br />

écouter chanter un “cow-boy<br />

de là-bas”, il vous semble s<strong>en</strong>tir<br />

à plein nez l’odeur des vaches<br />

et <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, au loin, un coyote<br />

glapir à la place d’un chi<strong>en</strong>...<br />

Vous avez alors l’âme emplie<br />

de lég<strong>en</strong>des, comme autant de<br />

fantômes surgissant des profondeurs<br />

du temps. Alors vous<br />

savez, les fées et les dragons ne<br />

sont pas bi<strong>en</strong> loin...<br />

Nous connaissons votre tragique<br />

histoire de vie, aujourdhui<br />

y p<strong>en</strong>sez vous toujours et cette<br />

émotion se retrouve telle dans<br />

vos oeuvres ?<br />

AP : Ser<strong>en</strong>ata. Son nom résonne<br />

dans mon coeur, brûlant. Cette<br />

jum<strong>en</strong>t, une lusitani<strong>en</strong>ne à la<br />

carrure d’étalon, a marqué ma<br />

vie, mon âme et mon corps à<br />

tout jamais. Elle a brisé un rêve,<br />

sous ses 560 kg... Oui, je n’ai pas<br />

“fait carrière” dans l’équitation,<br />

où je me destinais ambitieusem<strong>en</strong>t<br />

au clinquant, à la gloire<br />

du spectacle, aux feux de la<br />

scène. Qu’à cela ne ti<strong>en</strong>ne, cavalière<br />

un jour, cavalière toujours.<br />

C’est plus vrai que jamais. Si<br />

p<strong>en</strong>dant quelque temps je n’ai<br />

pu poser mes humbles fessiers<br />

sur le dos d’un cheval, je chevauchais<br />

Pégase. Mon oeuvre a<br />

comm<strong>en</strong>cé réellem<strong>en</strong>t lors de<br />

ma convalesc<strong>en</strong>ce. Obsession.<br />

Ce mot revi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core. Mon<br />

crayon, mes pinceaux et mes<br />

plumes obsèd<strong>en</strong>t ma main et<br />

c’est un gigantesque troupeau<br />

aux yeux fous, des étalons, des<br />

jum<strong>en</strong>ts, ailés ou non, cornus<br />

ou pas, fantastiques toujours,<br />

qui jaillit sur tous les supports<br />

possibles et imaginables. Ils ont<br />

tous le regard de Ser<strong>en</strong>ata, je la<br />

r<strong>en</strong>d ainsi immortelle.<br />

Pourquoi avoir <strong>en</strong> autre choisit<br />

la peinture, parmi les arts<br />

que vous exercez ?<br />

AP : Et bi<strong>en</strong>, <strong>en</strong> réalité, je n’ai<br />

pas choisi la peinture, ce serait<br />

plutôt le contraire !<br />

Les arts équestres sont pour<br />

moi des passions, de la haute<br />

équitation à la peinture. Et<br />

l’une n’a pas remplacé l’autre,<br />

lui a seulem<strong>en</strong>t succédé, dans<br />

une continuité évid<strong>en</strong>te.<br />

La photomanipulation est mon<br />

nouveau moy<strong>en</strong> d’expression.<br />

Toujours le cheval bi<strong>en</strong> sûr,<br />

mais je compte bi<strong>en</strong> ét<strong>en</strong>dre<br />

mes horizons. Cette technique<br />

particulière fait autant appel à<br />

l’imaginaire mais offre des possibilités<br />

quasi fantastiques et<br />

infi nies. Mais cela pourra faire<br />

l’objet d’un prochain article !<br />

Quelle est votre technique<br />

picturale ?<br />

AP : Je travaille beaucoup l’<strong>en</strong>cre<br />

et l’acrylique, à la plume et<br />

aux pinceaux. J’aime intégrer,<br />

<strong>en</strong> touches brillantes, de l’or, de<br />

l’arg<strong>en</strong>t ou du cuivre dans mes<br />

peintures. J’ai alors des secrets<br />

que je garde jalousem<strong>en</strong>t.<br />

N’ayant pourtant pas l’exclusivité<br />

de cette technique, les<br />

<strong>en</strong>lumineurs médiévaux pratiquai<strong>en</strong>t<br />

déjà cela, les peintres<br />

russes et indi<strong>en</strong>s égalem<strong>en</strong>t.<br />

Le crayon sépia, la sanguine<br />

ou la pierre noire me plais<strong>en</strong>t<br />

beaucoup par la spontanéité<br />

du trait qu’ils offr<strong>en</strong>t. C’est<br />

moins fi n que l’<strong>en</strong>cre mais aussi<br />

vivant. Il me plaît de dessiner<br />

à la pierre noire et au crayon<br />

blanc.<br />

J’ai un peu “laissé tomber” la<br />

peinture à l’huile pour mes<br />

expositions, très longue à mettre<br />

<strong>en</strong> “chantier”, à faire sécher,<br />

je la réserve à mes comman-<br />

des particulières. Mais il n’est<br />

pas exclu que je retourne à ce<br />

premier amour... tellem<strong>en</strong>t plus<br />

spectaculaire il est vrai.<br />

Quelle formation avez-vous,<br />

diplômée ou autodidacte ?<br />

AP : En art ? Autodidacte ! Les<br />

Beaux Arts m’ont été refusé par<br />

une ori<strong>en</strong>tation... mal ori<strong>en</strong>tée<br />

! J’ai donc, à la place, atterrie <strong>en</strong><br />

premier lieu sur les bancs de<br />

cours de secrétariat avant de<br />

m’échapper vers le cheval. Pour<br />

toujours.<br />

Lorsque vous comm<strong>en</strong>cez<br />

une toile, avez-vous une idée<br />

précise du voyage que vous<br />

désirez faire découvrir et de<br />

laboutissem<strong>en</strong>t souhaité ?<br />

AP : Et bi<strong>en</strong>, pas toujours, je vous<br />

dirais même presque jamais.<br />

C’est bi<strong>en</strong> pour cela qu’Epona<br />

me guide sans doute... Et lorsque<br />

l’ébauche se dessine sur<br />

le papier ou la toile, c’est pour<br />

parfois s’<strong>en</strong>voler complètem<strong>en</strong>t<br />

ailleurs... où je la suis !<br />

Travaillez-vous toujours<br />

dans limaginaire ou peut-on<br />

vous demander de réaliser<br />

le portrait du cheval que lon<br />

aime ?<br />

AP : L’imaginaire reste mon<br />

sujet favori, ces chevaux qui<br />

peupl<strong>en</strong>t mon esprit et mon<br />

coeur devant un jour ou l’autre<br />

s’<strong>en</strong> échapper.<br />

Je me suis spécialisé dans le<br />

portrait équin. C’est un travail<br />

o<br />

/ / / Juillet<br />

2007 / N No o<br />

uillet 2007 / N 4 18 / / / Juillet<br />

2007 / N No 19<br />

uillet 2007 / N 4<br />

Interview


aartiste<br />

peintre<br />

que j’aime particulièrem<strong>en</strong>t<br />

pour tout ce qu’il représ<strong>en</strong>te. Il<br />

est d’abord exaltant de pouvoir<br />

côtoyer un animal aimé et qui<br />

aime, même si ce n’est qu’<strong>en</strong><br />

photo. Une relation étrange<br />

se crée alors <strong>en</strong>tre moi et mon<br />

modèle. C’est assez particulier...<br />

J’ai eu l’occasion de réaliser le<br />

portrait d’un cheval disparu. Sa<br />

propriétaire, avec qui j’avais tissé<br />

une relation étroite m’avait<br />

pour ce faire confié tout son<br />

album. Lorsque j’ai eu cet objet<br />

dans les mains, un magnifi que<br />

recueil scrapbooké, cet hommage<br />

émouvant à un animal,<br />

à un être cher, cette “machine<br />

à remonter le temps”, ses moindres<br />

détails, de la courbe d’un<br />

coeur désuetem<strong>en</strong>t tracé à la<br />

gommette collée, à ces regards<br />

qui vous assaill<strong>en</strong>t, ces petits<br />

bout de vie, tout cet amour qui<br />

vous est dévoilé, j’ai presque<br />

pleuré... C’est vous dire comme<br />

le portrait peut être <strong>en</strong>vahissant.<br />

Je m’investis toujours<br />

beaucoup.<br />

On me commande égalem<strong>en</strong>t<br />

parfois des oeuvres spéciales,<br />

sur commande. Par exemple<br />

une représ<strong>en</strong>tation de Bucephale<br />

cadeau pour un très<br />

illustre monsieur, un cavalier<br />

mongol avec son aigle pour un<br />

passionné, le cheval des rêves<br />

d’une petite fi lle, un cheval noir<br />

aux crins très blancs et avec des<br />

yeux bleus... les seules représ<strong>en</strong>tations<br />

que je rechigne un<br />

peu à faire, et pourtant, on m’<strong>en</strong><br />

demande, sont les scènes de<br />

tauromachie à cheval... J’ai du<br />

mal à peindre le sang et l’horreur...<br />

mais le sujet n’est pas là !<br />

Interview artiste peintre<br />

Permettez-moi cette question<br />

très intime, que vous apporte<br />

la peinture <strong>en</strong> général ?<br />

AP : Cette question n’est pas<br />

intime ! Le bonheur ! L’évasion<br />

! La joie ! Miss Potter, grande<br />

artiste, s’évadait dans son<br />

monde de lapins et de souris, je<br />

m’évade moi dans mon monde<br />

de chevaux !<br />

Ho, comme j’aimerais les voir<br />

bouger pour de vrai mes chevaux,<br />

les voir bondir hors du<br />

papier ou de la toile juste là,<br />

devant moi ! Je pourrais alors<br />

s<strong>en</strong>tir leur peau pour de vrai,<br />

elle s<strong>en</strong>tirait le poivre et la cannelle,<br />

l’herbe sèche et le v<strong>en</strong>t,<br />

et une odeur autre, profonde,<br />

cette odeur particulière qui<br />

n’apparti<strong>en</strong>t qu’à eux. Et ils<br />

volerai<strong>en</strong>t sans doute mes chevaux,<br />

oui, ils volerai<strong>en</strong>t. Et j’<strong>en</strong><br />

aurais autant que je voudrais,<br />

autant que j’<strong>en</strong> dessinerais,<br />

des gris, des blancs, des noirs...<br />

Ce serait merveilleux !<br />

Une lég<strong>en</strong>de conte quil y a<br />

1200 ans, lillustre Han Gan<br />

peignait avec tant de réalisme<br />

ses chevaux quil les <strong>en</strong>travait<br />

sur le papier pour quils ne<br />

séchapp<strong>en</strong>t pas. Quel don<br />

étonnant et extraordinaire !<br />

Un soir, un valeureux guerrier<br />

vint frapper à sa porte. Il lui dit<br />

que le pays était attaqué, quil<br />

devait se battre le l<strong>en</strong>demain<br />

et que sans cheval, il n’était ri<strong>en</strong><br />

d’autre qu’un pauvre homme.<br />

Il lui demanda de peindre<br />

pour lui le plus merveilleux<br />

des coursiers, l’animal le plus<br />

beau, le plus fort, le plus rapide<br />

et courageux qu’il puisse exister.<br />

Han Gan sexécuta et cette<br />

nuit-là un cheval magnifi que et<br />

fougueux sortit du papier.<br />

Le guerrier partit <strong>en</strong> guerre<br />

avec le cheval de Han Gan, le<br />

cur vaillant et sans peur. L’animal<br />

était fantastique, le sauvant<br />

de la mort bi<strong>en</strong> des fois tel un<br />

ange gardi<strong>en</strong>...<br />

L’histoire finit sur le papier à<br />

nouveau.<br />

Nous savons aussi, que<br />

vous écrivez parlez nous de<br />

cette autre passion, et a qui<br />

sadresse vos manuscrits ?<br />

AP : Le cheval. Après la conquête<br />

de son être de chair, de son<br />

âme de doux et fi er sauvage, il<br />

me fallait partir <strong>en</strong> quête de ses<br />

lég<strong>en</strong>des, de ses mythes, de ses<br />

contes. Des années de recherches<br />

m’ont permit de découvrir<br />

maint contes et lég<strong>en</strong>des<br />

populaires et mythologiques<br />

du cheval à travers le monde.<br />

Contes et Lég<strong>en</strong>des du Cheval<br />

Tome 1 est un ouvrage, achevé,<br />

écrit et illustré par moi même.<br />

Cet ouvrage, fruit de ces recherches,<br />

<strong>en</strong> rassemble une petite<br />

tr<strong>en</strong>taine, c’est à dire un petit<br />

nombre, car il y <strong>en</strong> a <strong>en</strong>core<br />

beaucoup<br />

o<br />

/ / / Juillet<br />

2007 / N No uillet 2007 / N 4 20<br />

En recherche d’un éditeur, que<br />

ceux là se manifest<strong>en</strong>t, il est<br />

actuellem<strong>en</strong>t consultable sur<br />

mon site internet.<br />

Depuis mon adolesc<strong>en</strong>ce, j’ai<br />

toujours écrit. Des poèmes, des<br />

nouvelles, de sci<strong>en</strong>ces fi ctions,<br />

fantastiques, épiques, le cheval<br />

t<strong>en</strong>ait bi<strong>en</strong> sa place aux côtés<br />

d’héroïnes ou héros aux destins<br />

fabuleux. Comme la peinture,<br />

ce moy<strong>en</strong> d’expression, que je<br />

gardais pourtant secret dans<br />

mes tiroirs, était un moy<strong>en</strong><br />

de “passer de l’autre côté du<br />

miroir”.<br />

Dernière question, avec votre<br />

regard dartiste que p<strong>en</strong>sez<br />

vous du magazine EN SELLE<br />

et de lidée de gratuité ?<br />

AP : L’idée de gratuité me séduit,<br />

c’est si rare de nos jours que je<br />

ne peux que saluer et louer<br />

l’initiative. De plus, EN SELLE<br />

est un magazine de grande<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong><br />

L’Age d’Or<br />

<strong>Anne</strong> <strong>Piola</strong><br />

Valmyera<br />

qualité, riche et bi<strong>en</strong> fait. Il a la<br />

générosité de s’adresser autant<br />

au néophyte qu’à l’éclairé, sans<br />

oublier le professionnel.<br />

Agréable à parcourir, il offre<br />

une belle richesse d’articles<br />

variés et très bi<strong>en</strong> illustrés. Je<br />

gage qu’il ira loin et sera dans<br />

la course <strong>en</strong> très bonne place<br />

dans le peloton de tête des<br />

grands magazines équestres<br />

francophones. C’est sûr.<br />

Vous vous r<strong>en</strong>dez compte<br />

suite à cette r<strong>en</strong>contre à quel<br />

point <strong>Anne</strong> vie sa passion,<br />

qu’elle retranscrit d’un geste<br />

sûr et adroit sur ses toiles. Les<br />

créatures, êtres, et chevaux<br />

qu’elle peint impos<strong>en</strong>t leur<br />

force autant que leur douceur.<br />

Ses créations sont très belles et<br />

agréables à découvrir Encore<br />

un grand Merci pour ce doux<br />

voyage, que votre imaginaire<br />

nous fasse toujours rêver !<br />

pub<br />

o<br />

21 / / / Juillet<br />

2007 2007 / / N<br />

No uillet 2007 / N 4

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