Enquete_canonisation AVEC ILLUST - Fonds St-Yves
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SAINT YVES.<br />
Ceux qui l’ont connu, témoignent.<br />
Ceux qu’il a guéris, racontent.<br />
ENQUÊTE DE CANONISATION<br />
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Traduction française<br />
de l'enquête qui fut faite, à Tréguier,<br />
«sur la vie, les mœurs et les miracles<br />
d'<strong>Yves</strong> Hélory de Kermartin»<br />
en vue de sa <strong>canonisation</strong>,<br />
par M. Jean-Paul LE GUILLOU<br />
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AVANT-PROPOS<br />
Le texte original qui présentait l'«Enquête sur la vie, les mœurs et les miracles d'<strong>Yves</strong> Hélory de Ker Martin»<br />
formait un long rouleau de 81 peaux de vélin cousues à la suite les unes des autres. Et ce texte fut présenté en plein<br />
consistoire au pape Jean XXII le 4 juin 1331.<br />
Une copie de ce texte original, un manuscrit de la première moitié du XIVe siècle (1330 à 1340 environ) fut mis en<br />
clair par les soins de A. de la Borderie, l'abbé Daniel, R.P. Perquis et D. Tempier, et imprimé en 1887 par les éditions<br />
Prud'homme à Saint-Brieuc.<br />
C'est la traduction de ce texte latin que nous offrons à quiconque veut connaître avec le maximum de certitude la<br />
vie héroïque de saint <strong>Yves</strong>. Tous ses biographes ont puisé à cette source.<br />
Voici donc la traduction du texte latin, écrit par les Commissaires et les Notaires officiellement chargés en 1330<br />
d'enquêter à Tréguier sur la vie, les mœurs et les miracles d'<strong>Yves</strong> Hélory, prêtre, en vue de sa <strong>canonisation</strong>. Ces clercs<br />
n'accomplissent en rien une œuvre littéraire, comme l'étaient par exemple les nombreuses «Vies» qui fleurirent<br />
pendant tout le Moyen-Age et dans lesquelles saint <strong>Yves</strong> cherchait des exemples à imiter. La fonction des enquêteurs<br />
consistait à interroger les témoins d'après un questionnaire imposé, souvent à se faire traduire les réponses par des<br />
interprètes, et enfin à les transcrire en latin. Pas de place pour des légendes. Il s'agit de faits rapportés par de vrais<br />
témoins vivants, et dûment assermentés.<br />
Les Commissaires convoquent chaque témoin, lui font décliner son nom, éventuellement son statut social, sa<br />
paroisse de résidence, son âge, lequel est toujours approximatif (à cette époque-là, on ne tient pas de registres).<br />
Comme les témoins qui ne parlent que le breton sont sûrement très nombreux, force est d'avoir recours à des<br />
interprètes, et la transcription des noms propres ne va pas de soi pour des oreilles étrangères.<br />
Traducteur, notre préoccupation primordiale a été de délivrer ce que contient le texte. Mais, nous l'avons dit, les<br />
Commissaires sont tenus de chercher des preuves d'après un schéma de questions imposées. Les notaires transcrivent<br />
questions et réponses dans leur style de notaires qui est le discours indirect latin. L'on n'hésite jamais à faire répéter<br />
au témoin des choses qu'il a déjà dites, si le questionnaire y amène.<br />
Chaque fois que c'est possible, nous faisons parler le témoin au style direct, sous-entendant les questions,<br />
supprimant les redites. Ce faisant, nous avons cherché à donner à ce long compte-rendu d'audience, non seulement<br />
des dimensions plus modestes, mais surtout un peu de vie, sans pour autant altérer si peu que ce soit le témoignage.<br />
Les mots traduits sont ceux des témoins.<br />
Au début de chaque déposition, la même formule revient quasi invariablement. Nous la donnons une ou deux fois et<br />
puis nous la remplaçons par des points de suspension. Le lecteur trouvera les mêmes points de suspension à la fin de<br />
chaque déposition à la place de la déclaration de notoriété publique. Cette mention de notoriété publique est pourtant<br />
essentielle. Les canonistes chargés d'établir les faits insistent en effet beaucoup sur leur notoriété. On voudra bien se<br />
rappeler qu'à cette époque un fait est considéré comme réel et avéré s'il est notoire. «C'est un des traits spécifiques du<br />
Moyen-Age, écrit Régine Pernoud dans son introduction à «Vie et mort de Jeanne d'Arc», tout au moins dans sa<br />
grande époque, que d'accorder à la parole cette confiance que nous n'accordons qu'aux écrits... On accordait une<br />
grande attention à la renommée publique, à la voxpopuli, l'ouï-dire». (Voir aussi A. Vauchez : Histoire de la sainteté<br />
au M.A.). Or nous sommes précisément avec saint <strong>Yves</strong> dans la grande époque du Moyen-Age.<br />
Nous aurions voulu pouvoir restituer à chaque témoin son nom et le nom de sa paroisse de résidence. Hélas ! si la<br />
plupart des noms de paroisses sont identifiables (et nous les avons transcrits avec leur orthographe actuelle),<br />
quelques-uns pourtant restent obscurs, et nous les avons laissés tels quels. Quant aux noms propres de personnes, le<br />
plus simple était de copier lettre pour lettre le texte original. Nous avons néanmoins donné à l'un ou à l'autre sa forme<br />
bretonne supposée, abandonnant les autres à leur mystère, et à leurs contradictions. Un spécialiste pourrait un jour<br />
leur imposer une forme.<br />
Tous les témoignages, il est nécessaire, en les lisant, de les imaginer dans leur époque. Quelques révolutions<br />
technologiques et culturelles, nous ont depuis ces temps anciens propulsé comme sur une autre planète, à bien des<br />
égards. La traduction parfois des mots les plus simples pose des problèmes difficiles. Qu 'est-ce exactement que le<br />
pain grossier dont se nourrissait notre saint, et la filasse de chanvre dont sa chemise était tissée ? Et ne parlons pas<br />
des quelques mots dont nous n 'avons jusqu 'ici trouvé le sens nulle part. On sait que le «bochet» était une boisson<br />
fermentée à base d'eau, de miel et de cannelle. Qui est-ce qui en a vu ? Il n 'y avait pas encore, semble-t-il, de<br />
pommiers à cidre en Trégor, ni, bien évidemment, de haricots ou de pommes de terre. Les bruyères dont on parle ne<br />
sont-elles pas des ajoncs ? Pourquoi aucune allusion à la lèpre ? Quelque érudit nous le dira ? Une bonne biographie<br />
est bien utile, qui replace les menus événements rapportés dans leur contexte historique et culturel. Il en existe. Du<br />
point de vue historique et juridique, surtout celle de Le Mappian est excellente. Il y en a d'autres. Malheureusement,<br />
concernant le petit diocèse de Tréguier les documents de l'époque sont rares. Cela donne peut-être d'autant plus de<br />
prix à la présente «Enquête de <strong>canonisation</strong>».<br />
Historiques, les miracles ? Cela pourra en étonner plus d'un. Ils se présentent comme des faits vécus. Ce sont des<br />
faits vécus. Mais nous qui avons, selon le mot de Ricœur, «commis l'acte scientifique», nous avons de plus en plus de<br />
mal à accepter la possibilité d'un accroc aux lois intangibles de la nature. Et plus notre esprit s'est rompu aux<br />
disciplines mathématiques, plus l'intrusion du surnaturel nous paraît irrationnelle, inassimilable. Nous nous faisons<br />
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sans doute une idée fausse du miracle chrétien. Car, en réalité, le miracle n 'est pas un prodige. Il n 'est pas, de soi, un<br />
fait en rupture de ban avec une loi scientifiquement établie. Le miracle est essentiellement «un signe qui renvoie au<br />
Dieu puissant et miséricordieux». Libre à nous de flairer, voire de renifler, dans certains miracles, ici relatés, quelque<br />
trace ou des relents de magie, d'incantation ou d'incubation. Il n 'est pas déraisonnable dépenser que Dieu, dans sa<br />
bienveillance inlassable, prend les hommes comme ils sont, là où ils sont, quitte par ailleurs à leur donner les moyens<br />
de progresser avec le temps, lui qui crée le temps, vers une foi plus pure. Maître aussi des infinités de causes<br />
secondes, pourquoi n'amènerait-il pas à l'existence, à travers elles, le dénouement heureux réclamé avec foi et<br />
confiance par le pauvre qui appelle au secours dans sa détresse ? Dénouement humainement désespéré,<br />
raisonnablement impossible étant donné les circonstances, mais qui, par la suite, après coup, pourrait s'avérer<br />
scientifiquement explicable, le fait miraculeux n 'en a pas moins été pour le «miraculé» signe d'une Bonté secourable.<br />
D'ailleurs l'Auteur de l'univers et de la vie est-il contraint par les lois qu'il a établies ? Allons plus loin. Ces lois ellesmêmes<br />
ne sont-elles pas la marque de fabrique de l'Intelligence fondatrice ? L'univers et la vie sont signes pour le<br />
croyant. Pour le croyant. Et de fait pour percevoir un signe, il faut être un tant soit peu de connivence avec celui qui le<br />
fait, il faut au moins penser que quelqu'un peut l'émettre. Charles de Foucauld incroyant disait : «Mon Dieu, si vous<br />
existez, faites-le moi connaître !». Entre la crédulité naïve et le refus orgueilleusement obstiné, il y a la foi. Jésus l'a<br />
toujours exaucée.<br />
Une dernière remarque. Presque tous ceux qui témoignent sur la vie de saint <strong>Yves</strong> utilisent une formule que nous<br />
pouvons trouver anodine et banale : « fuit homo bone vite, fuit homo honeste conversationis » : il fut un homme de vie<br />
bonne, de mœurs honnêtes. Voici ce qu 'en pense un éminent spécialiste (A. Vauchez : La sainteté en Occident aux<br />
derniers siècles du M.A. p.224) : «Les saints se distinguent d'abord par une série de refus qui sont considérés par<br />
l'opinion à la fois comme les signes et comme les conditions de la perfection : détachement des biens de ce monde,<br />
renoncement aux plaisirs des sens, abandon de toute volonté propre dans un désir profond d'humilité... La pierre de<br />
touche de la sainteté... (est) le degré atteint dans la pratique de la pénitence. Les témoins dans les procès de<br />
<strong>canonisation</strong> ont recours... à des formules comme fuit bone vite... Lorsque ces expressions très vagues sont explicitées<br />
on s'aperçoit qu 'elles se rapportent généralement à la mortification volontaire et au renoncement». Et à la page 348<br />
il présente la pauvreté et l'humilité comme les caractères fondamentaux de la sainteté officielle au XIIIe siècle.<br />
Le lecteur verra que saint <strong>Yves</strong> força l'admiration de ses compatriotes tout autant par son dévouement de tous les<br />
instants envers son prochain, riche ou pauvre, mais surtout pauvre, et par une prière quasi incessante.<br />
Le traducteur sera reconnaissant à quiconque lui donnera tous renseignements lui permettant d'améliorer son<br />
travail, comme il l'est à l'égard des nombreuses personnes qui l'ont déjà si aimablement aidé.<br />
Prière d'adresser les remarques à M. le Curé Archiprêtre, Presbytère, 22220<br />
Tréguier, qui transmettra. Merci.<br />
Le traducteur<br />
J.P. Le Guillou<br />
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ENQUETE CANONIQUE SUR LA VIE<br />
ET LES MIRACLES DE SAINT YVES<br />
INSTRUITE LA 27e ANNEE<br />
APRES LA MORT DU SAINT<br />
Au nom du Seigneur. Amen. Nous, Roger et Aiglin, par mandat divin évêques respectivement de Limoges et<br />
d'Angoulême, ainsi que Aymeri par le même mandat abbé du monastère Saint Martin de Troarn, diocèse de Bayeux,<br />
Commissaires chargés d'enquêter sur la vie, les mœurs et les miracles de Dom <strong>Yves</strong>, d'inoubliable mémoire, prêtre du<br />
diocèse de Tréguier, et délégués par l'autorité apostolique pour écrire ce qui suit, nous portons à la connaissance de<br />
tous que l'an du Seigneur 1330, le 23 juin, de l'indiction le 13e, la 14e année du pontificat du Très Saint Père et<br />
Seigneur, le seigneur Jean XXII, Pape par la Divine Providence, nous trouvant dans la maison ou le manoir du feu<br />
Guillaume de Tournemine, qui fut jadis trésorier de ladite église de Tréguier, le Seigneur <strong>Yves</strong>, Révérend Père dans le<br />
Christ, par la même miséricorde évêque de Tréguier, nous a, en présence des notaires et des témoins soussignés,<br />
produit et présenté deux lettres papales, l'une ouverte, l'autre close, munies d'une vraie bulle de plomb sur une<br />
cordelette de chanvre selon la coutume de la Curie Romaine, et un acte de procuration scellé du sceau du chapître de<br />
l'église de Tréguier : ces lettres papales nous les avons reçues avec la déférence qui leur est due et l'acte de procuration<br />
avec humilité et dévotion. La lettre ouverte du pape, en voici le texte dans les mots qui suivent :<br />
«Jean évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à ses vénérables frères évêques de Limoges et d'Angoulême, et à<br />
son fils bien-aimé abbé du monastère Saint Martin de Troarn, diocèse de Bayeux, salut et bénédiction apostolique.<br />
Qu'exultent et se réjouissent dans les cieux les âmes des saints qui, en imitant les exemples du Christ, ont réduit les<br />
imperfections de leur chair par l'austérité de leur vie ! Qu'exulte assurément le Créateur Eternel lorsqu'il contemple<br />
qu'une sienne créature issue du genre humain a mérité la palme de la gloire après avoir triomphé des entraves de la<br />
chair ! Qu'exulte, et ce n'est pas sans raison, la multitude angélique des cieux lorsqu'elle contemple avec admiration un<br />
habitant des lieux terrestres qui par sa pratique de la foi et l'éclat de sa piété a mis en fuite les ténèbres de la terre et, ce<br />
faisant, s'est vu décerner le titre de citoyen de la patrie céleste et de compatriote des citoyens des régions supérieures.<br />
Il convient donc qu'exultent en joies immenses tous les fervents du Christ, puisque quelqu'un qui a, pour ce nom du<br />
Christ, méprisé les impuretés du monde en s'élevant sur les ailes de la vertu a progressé de manière à recevoir, après le<br />
voyage des jours présents, le prix de la victoire et une habitation dans les hauteurs.<br />
Certes, depuis quelque temps, et ce n'est pas sans les louer avec effusion que nous rapportons ces faits avec une joie<br />
bien motivée, le noble duc de Bretagne, Jean, notre fils bien-aimé, ainsi qu'un assez grand nombre d'autres personnes<br />
de ces régions, de grande réputation, ont présenté par leurs lettres la preuve digne d'éloge qu'ils ont fait connaître avec<br />
bonheur à notre prédécesseur alors vivant, le pape Clément V, aussi bien qu'à nous, qu'une disposition divine a élevé<br />
au sommet de l'apostolat suprême après la mort de ce même prédécesseur, les mérites de la vie sainte dont a resplendi,<br />
à ce qu'on dit, tant qu'il vivait au milieu des humains, <strong>Yves</strong> Hélory, prêtre de Tréguier, d'inoubliable mémoire. Leurs<br />
lettres ont également témoigné des miracles que le Seigneur dans sa puissance a opérés, à ce qu'on rapporte, auprès du<br />
tombeau de celui-là dont le corps repose dans l'église de Tréguier. Par messages et lettres exprès ces personnages nous<br />
ont humblement supplié d'user de notre autorité apostolique pour faire enquêter sur la vie et les miracles en question.<br />
Par la suite le même duc et plusieurs autres personnes des mêmes régions, d'une grande réputation, après l'insistance<br />
des précédentes supplications, ont réitéré leurs demandes par des lettres semblables et, par là, ont estimé qu'il fallait<br />
humblement nous faire parvenir leurs prières, en plus de celles déjà faites, pour que, s'agissant de la vie et des miracles<br />
susdits, miracles qui non seulement continuent d'avoir lieu, mais dont on ne cesse de faire grand cas, certitude soit<br />
obtenue à leur sujet après enquête diligente, et que nous décrétions en conséquence que doit être honoré sur terre celui<br />
que dans les cieux le Seigneur honore déjà.<br />
Tout récemment, nos fils très chers dans le Christ, Philippe et Jeanne, illustres roi et reine de France, ainsi que de<br />
nombreux archevêques, évêques et abbés, avec d'autres prélats du Royaume de France, la totalité aussi des maîtres et<br />
des étudiants de l'Université de Paris, et le déjà nommé Duc de Bretagne nous ont fait parvenir des lettres. En outre<br />
notre vénérable frère <strong>Yves</strong>, évêque de Tréguier, et notre bien-aimé fils le noble Gui de Bretagne, mus par le zèle d'une<br />
rare dévotion, se sont introduits auprès de notre ministère apostolique et lui ont fait entendre que le prêtre <strong>Yves</strong> dont il<br />
s'agit avait, durant sa vie, soumis sa volonté propre aux commandements divins, avait absolument banni les passions<br />
mondaines, s'étant immolé à Dieu en hostie digne d'être agréée, au point que le Seigneur opère d'une façon manifeste<br />
beaucoup de miracles en considération de la grandeur, de la précellence de ses mérites.<br />
Voilà donc quelqu'un que la bonté de la Divine Providence a voulu honorer dans les cieux en raison des mérites de<br />
sa vie : il est permis qu'il s'élève, digne d'être exalté et révéré sur terre par des louanges humaines. Quant à nous ce<br />
n'est pas une mince information que nous aurons reçue par ces importants personnages sur ce qui nous a été<br />
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précédemment envoyé. Toutefois nous voulons nous avancer dans cette affaire avec toute la prudence possible, garder<br />
toute la lenteur<br />
requise dans ce genre de démarches et mettre beaucoup de soin dans la recherche de la vérité. C'est à votre<br />
discernement (et nous affirmons fermement avoir pleine confiance en lui dans le Seigneur) que par écrits apostoliques<br />
nous donnons cette mission : vous, ou deux d'entre vous, dans le lieu ou les lieux qui vous auront semblé convenir,<br />
vous chercherez à découvrir plus scrupuleusement la vérité sur la vie, les mœurs et les miracles du prêtre <strong>Yves</strong> en<br />
question, ainsi que sur toutes les circonstances se rapportant à une affaire de ce genre, conformément aux dispositions<br />
que nous vous envoyons insérées sous notre bulle ; ce que vous aurez trouvé, en plus de ce qui a été envoyé,<br />
enregistrez-le fidèlement dans des écrits que vous ferez parvenir au Siège Apostolique par des hommes dignes de cette<br />
tâche. De cette façon, solidement renseignés par votre enquête comme le travail l'exige et comme manifestement il<br />
aura été opportun de le faire, nous serons à même de nous avancer dans l'affaire elle-même avec plus de sûreté.<br />
Donné à Avignon, le 4 des Calendes de Mars, en la 14e année de Notre Pontificat.<br />
A tous ceux qui examineront la présente lettre et qui entendront l'humble chapitre de Tréguier, salut dans le<br />
Sauveur de l'univers. Vous saurez que, faisant chapître en l'église de Tréguier, à la date et à l'endroit où le chapître a<br />
coutume d'y être là-même célébré, après avoir consciencieusement délibéré entre nous, ayant préalablement considéré<br />
l'utilité de l'église de Tréguier, nous faisons, constituons et ordonnons le révérend père dans le Christ et seigneur, le<br />
seigneur <strong>Yves</strong>, par la grâce de Dieu et du siège apostolique, évêque de Tréguier, comme notre procurateur et nonce<br />
spécial, pour promouvoir dans la curie romaine et ailleurs l'affaire de la <strong>canonisation</strong> du feu dom <strong>Yves</strong> Hélory, prêtre,<br />
connu comme homme de bien, et pour veiller avec soin à ce travail.<br />
Nous donnons à notre même procurateur pouvoir plénier et mandat spécial de promouvoir ledit travail et d'y<br />
apporter ses soins, ainsi que de prendre en bloc et séparément toutes dispositions nécessaires et même opportunes<br />
touchant cette enquête. A notre même procurateur nous retirons et retranchons le pouvoir de lier et de charger par<br />
dettes nous et les biens de ladite église de Tréguier, dans la mesure où ses biens nous regardent, pouvoir que nous ne<br />
concédons pas et que nous ne donnons pas au même procurateur en vertu du présent acte de procuration. Nous tenons<br />
et tiendrons comme établi et durable tout ce qui aura été fait et accompli selon la manière et la forme prescrites par<br />
notre dit procurateur concernant ladite affaire.<br />
Et ces dispositions nous les signifions à tous ceux qu'elles regardent par la présente lettre scellée de notre sceau,<br />
dont nous usons dans le chapitre et pour lui.<br />
Donné le samedi après la fête de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, l'an du Seigneur 1329 ».<br />
Cette lettre du pape et cet acte de procuration, nous les avons lus et examinés. Puis nous avons ouvert (l'autre) lettre<br />
du pape et l'avons lue en secret. Le même seigneur évêque de Tréguier, après avoir entendu et vu ce qu'elle contenait à<br />
prêté le serment exigé «de calumnia et veritate dicenda», puis il a produit devant nous de nombreux témoins. Nous<br />
avons reçu d'eux les serments sur les saints évangiles de Dieu dans la forme du droit, prononcés d'après le contenu des<br />
lettres papales elles-mêmes. Avec chacun d'entre eux en secret et à part, selon la forme à nous donnée, et du mieux que<br />
nous avons pu, nous avons recherché plus consciencieusement la vérité sur la vie, les mœurs et les miracles dudit dom<br />
<strong>Yves</strong>, ainsi que sur toutes les autres circonstances touchant une affaire de ce genre. Les noms de ces témoins et ce<br />
qu'ils ont dit dans leurs dépositions sont rassemblés plus loin.<br />
Ensuite comparut devant nous une grande multitude, une foule, populaire, venue de la cité trégorroise et du diocèse<br />
de Tréguier, ainsi que des régions voisines, au nombre de 500, apparemment, et plus. Ils se retirèrent ensuite à part, et<br />
délibérèrent et discutèrent entre eux, et bientôt après revenant devant nous élevèrent les mains vers l'église de Tréguier<br />
et les saints, et témoignèrent par leurs serments d'une seule âme et d'un seul cœur, affirmant qu'il y avait eu et qu'il y<br />
avait en Bretagne, en France, en Angleterre, en Espagne, dans le pays des Gascons, en Normandie et en terre de langue<br />
occitane ainsi que dans beaucoup d'autres régions voisines, des propos publics et une renommée pour rapporter que<br />
ledit dom <strong>Yves</strong> pendant sa vie et jusque et y compris le moment de sa mort avait été et était catholique bon et fidèle, et<br />
homme saint et de vie bonne et sainte, et de mœurs irréprochables, que durant sa vie et après sa mort s'étaient<br />
accomplis de nombreux miracles à son invocation et en raison de ses mérites, et qu'ils continuaient d'avoir lieu chaque<br />
jour par le même intermédiaire. En outre, pour plus de précaution, dom Mérian, homme vénérable et religieux, abbé<br />
du monastère de Sainte Croix, de l'ordre de Saint Augustin, dudit diocèse de Tréguier, présent en ce même endroit, le<br />
peuple lui-même présent en ce même endroit lui ayant donné mandat et exprimé sa volonté, commença par prêter<br />
serment, en touchant physiquement le livre des saints Evangiles, sur son âme sur l'âme de chacun des assistants,<br />
attestant et rapportant tout ce qui a été dit plus haut. Et sur les propos et la rumeur publics nous avons cherché à faire<br />
d'une façon plus consciencieuse la vérité avec d'autres témoins, après qu'ils eurent prêté serment. Ce que ces derniers<br />
ont dit est contenu d'une façon plus complète dans leurs dépositions.<br />
Nous aussi nous avons assez souvent passé par ses portes pour visiter l'église de Tréguier, cette église où se trouve<br />
le tombeau où repose la dépouille de dom <strong>Yves</strong> en personne. Nous avons connu et vu des pèlerins nombreux et qui<br />
accouraient en grande foule. Et ces gens-là, mus par la dévotion qu'ils avaient eue et qu'ils avaient pour dom <strong>Yves</strong> et<br />
pour son tombeau, multitude d'aveugles, de paralysés, de déments, de fous furieux, ainsi que d'autres malades, en plus<br />
grand nombre, affaiblis par des infirmités multiples et variées, qui séjournaient en ce même endroit, ces gens-là<br />
invoquaient dom <strong>Yves</strong> avec une très grande dévotion pour obtenir la vue et la santé.<br />
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Nous avons vu également en ce même endroit vingt-sept bateaux (ils avaient l'air d'être en argent, mais comme ils<br />
étaient haut suspendus nous ne pouvions pas clairement nous en rendre compte), et de même quatre-vingt dix et plus<br />
bateaux en cire et beaucoup d'autres reproductions en cire, de têtes, d'yeux, de mains, de bras, de jambes et de pieds, et<br />
aussi de nombreux suaires, des seins en cire, des béquilles en bois, et beaucoup d'autres objets votifs en cire posés ou<br />
suspendus tout autour du tombeau. Ces objets se trouvaient là, à l'évidence, et on le disait publiquement, en signe et en<br />
souvenir des miracles accomplis là-même un jour à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> lui-même.<br />
Quelques personnes de notre entourage, après avoir prêté serment devant nous, dirent qu'à leur première venue à<br />
Tréguier ils avaient visité le tombeau de dom <strong>Yves</strong>, qu'ils avaient examiné et noté avec une grande exactitude le<br />
tombeau lui-même et la pierre sur laquelle on avait gravé l'image de la tête de dom <strong>Yves</strong> pour qu'on y déposât avec<br />
dévotion des baisers en souvenir de lui, qu'ils avaient examiné et noté avec exactitude à ce sujet toutes les autres<br />
circonstances. Et ils soutenaient que précisément depuis leur venue la pierre dont on vient de parler avait été et restait<br />
miraculeusement, non par intervention humaine, soulevée de deux doigts et plus. Et cela ils le savaient, c'est ce qu'ils<br />
dirent, par le fait qu'alors elle se trouvait enfoncée et que pour la baiser on s'inclinait un peu plus et avec plus de peine<br />
que maintenant. Quelques autres encore ont prêté serment devant nous pour soutenir la vérité du fait. La rumeur<br />
publique avait fait état en ce même endroit d'un exhaussement, et propageait toujours le phénomène.<br />
Comparurent en outre les bien-aimés dans le Christ Pierre Hernon, Jean Rachel, Guillaume Depierre, Guillaume du<br />
Mont saint Michel, Darian de Trégrom, Alain Duporcel, <strong>Yves</strong> Ducimentier, vicaires et prêtres de ladite église de<br />
Tréguier, Hamon Nicolay et <strong>Yves</strong> Nicolay, clercs de la-dite ville de Tréguier. Après avoir prêté serment en touchant<br />
les saints Evangiles, et ils le firent tous à leur gré, ils dirent qu dès le temps de dom <strong>Yves</strong> et depuis, ils avaient été<br />
vicaires et prêtres de l'église en question. Durant ce temps-là ils avaient vu et entendu beaucoup d'aveugles, de boiteux,<br />
de fous, de fous furieux, de perclus et d'impotents, et un nombre incalculables d'infirmes affligés d'infirmités<br />
nombreuses et variées, et même certains morts, qui à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> fréquemment, par exemple des boiteux<br />
s'étaient mis à marcher, des aveugles avaient recouvré la vue, des fous, des fous furieux, des impotents et d'autres<br />
infirmes en assez grand nombre avaient retrouvé la santé. Mais, d'une part en raison du long temps écoulé et de la<br />
fragilité de la mémoire humaine, et d'autre part en particulier parce que ces faits étaient divers et très nombreux ils ne<br />
pouvaient, à ce qu'ils dirent, les préciser en les prenant un à un, voire en dresser la liste.<br />
(Suit le relevé de quelques mots mis en interligne, et de ratures).<br />
En attestation de ce que nous avons mis ci-dessus, nous, les Commissaires nommés au début, nous avons apposé<br />
nos sceaux en même temps que les marques distinctives et les signatures des notaires soussignés.<br />
Donné le 4e jour du mois d'août courant, sans interruption comme de règle depuis le 23 e jour du mois de juin,<br />
l'année de l'indiction et celle du pontificat déjà dites, en présence des vénérables hommes maîtres Jacques Brasfort et<br />
Guillaume Sambuc, chanoines des églises d'Angoulême et d'Autun, de Barthélémy de Celle, prieur de l'église séculière<br />
de la Bienheureuse Marie de Graçay, diocèse de Bourges, de Jacob Labetre recteur de l'église d'As, diocèse de<br />
Toulouse, et d'assez nombreux autres, spécialement appelés comme témoins pour ce qui précède et interrogés.<br />
Et moi Jean Dalemant du diocèse de Limoges, notaire public par autorité apostolique, j'ai été présent à ce qui a été<br />
dit avant de recevoir les présentes déclarations, et à tout ce qui a été écrit ci-dessus, tandis que cela se faisait et se<br />
disait ; j'ai écrit de ma propre main le présent procès par ordre des dits seigneurs commissaires, avec ce qui a été<br />
mentionné en interlignes et la rature, et je l'ai rédigé dans cette forme officielle, et après avoir été demandé et requis<br />
j'ai signé de ma signature habituelle.<br />
Et moi Pierre de Clousseau, clerc du diocèse d'Angoulême, notaire public par autorité impériale, j'ai assisté en<br />
personne en même temps que le notaire et les témoins précités à tout ce qui a été mis ci-dessus et à chaque chose en<br />
particulier, et, lorsque le notaire a apposé sa signature à ce procès, je me suis inscrit dessous de ma propre main par<br />
ordre desdits seigneurs Commissaires, et sur le présent procès j'ai apposé ma signature habituelle.<br />
Et moi, Roger Pollin, clerc du diocèse de Bayeux, notaire public par autorité du sacré Empire, j'ai assisté en<br />
personne à toutes les choses mises ci-dessus et à chacune d'elles, en même temps que les notaires et les témoins<br />
précités, et lorsque le notaire précédent a eu apposé sa signature, je me suis inscrit dessous de ma propre main par<br />
ordres desdits seigneurs Commissaires et j'ai apposé au présent procès ma signature habituelle.<br />
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1ère PARTIE<br />
ENQUETE SUR LA VIE<br />
DE SAINT YVES<br />
DEPOSITIONS DES TEMOINS<br />
Au nom du Seigneur. Amen. Suivent les dépositions des témoins présentés, assermentés et<br />
interrogés sur la vie et la conduite de dom <strong>Yves</strong> Hélory, prêtre, de bonne mémoire, enterré<br />
en l'église de Tréguier, dépositions recueillies par nos révérends pères dans le Christ, les<br />
seigneurs Roger et Aquelin, évêques respectivement de Limoges et d'Angoulême, et par<br />
Aymeri, Abbé du monastère Saint Martin de Troarn, diocèse de Bayeux, Commissaires<br />
mandatés par l'autorité apostolique. Cette interrogation a débuté le samedi en la Vigile<br />
du Bienheureux Jean-Baptiste et s'est achevée le samedi après la fête de Saint Pierre aux<br />
liens, à Tréguier, l'an du Seigneur 1330.<br />
PREMIER TEMOIN<br />
Discret homme, Jean de Kerc'hoz, clerc et jurisconsulte, paroissien de Pleubian, diocèse de Tréguier, âgé de 90 ans, à<br />
ce qu 'il dit, et son apparence physique les lui donne, témoin présenté, assermenté et diligemment interrogé sur la vie<br />
et les mœurs du prêtre susdit, dom <strong>Yves</strong> Hélory.<br />
Voici ce qu 'il dit, ce qu 'il a déposé sur la foi du serment :<br />
« Je l'ai connu depuis son enfance. J'ai vécu en sa compagnie à Orléans, à Tréguier et ailleurs. Même chambre,<br />
mêmes lieux, mêmes écoles. J'ai enseigné à dom <strong>Yves</strong> ses premières lettres, et je lui ai donné parfois des leçons de<br />
grammaire et de droit civil dans les endroits que j'ai nommés. Il s'y comportait vertueusement et déployait beaucoup de<br />
zèle dans ses études.<br />
J'ai la conviction que dom <strong>Yves</strong> fut un homme chaste. J'ai en effet vécu avec lui depuis son enfance et je n'ai pu<br />
percevoir en lui de quelque manière que ce fût, une parole ou une action qui fût contraire à cette vertu, et pourtant j'ai<br />
apporté une attention minutieuse à cette chose.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme d'une grande humilité et d'une grande bonté. Cela je l'ai vu à tous ses actes extérieurs,<br />
c'est-à-dire à sa manière de parler, de saluer, de marcher, de prier, de se comporter avec tous et principalement avec les<br />
pauvres : en tout il se montrait humble. Il s'habillait aussi d'un habit humble et bon marché, à savoir d'un surcot et<br />
d'une cotte, longs, descendant jusqu'aux talons, taillés dans une étoffe blanche de mauvaise qualité et bon marché,<br />
qu'on appelle «kordet» ou «burell», et pendant les douze ans qui précédèrent sa mort il se chaussait, à la manière des<br />
Cisterciens, de souliers hauts à courroies. Tout cela, et chaque point en particulier, je le sais pour l'avoir vu à dom<br />
<strong>Yves</strong> et aussi pour l'avoir entendu dire.<br />
Il y a eu 27 ans le dimanche après la toute dernière Ascension du Seigneur que dom <strong>Yves</strong> est mort : j'en ai la<br />
certitude. Dom <strong>Yves</strong> fut un homme très sobre et très austère dans sa nourriture. C'est ainsi que durant les douze années<br />
qui précédèrent sa mort, il ne mangeait qu'une seule fois par jour se contentant de grossier pain de seigle ou d'avoine et<br />
parfois de pain de son, de plantes potagères aussi, de pois ou de fèves, cuits parfois sans sel ni farine, sans autre<br />
assaisonnement ou plat préparé. Comme boisson, de l'eau fraîche. Il jeûnait aussi au pain et à l'eau les Mercredis,<br />
Vendredis et Samedis. Ce que je dis là je le sais pour avoir vu dom <strong>Yves</strong> chez moi et chez lui faire ainsi abstinence, et<br />
ces trois jours-là, Mercredi, Vendredi et Samedi, il m'est arrivé de suivre en sa compagnie le même régime».<br />
- Buvait-il de la cervoise ou du «bochet» ?<br />
- «Pas de façon régulière, mais il lui arrivait parfois, très rarement, pour céder aux instances et à une trop grande<br />
insistance de mon épouse, lorsqu'il mangeait chez moi, de boire de la cervoise ou du bochet, ou du vin coupé de<br />
beaucoup d'eau, ou plutôt il feignait d'en boire.<br />
- Mais pouvait-il avoir, s'il le désirait, vin et autres nourritures, et d'autres vêtements que ceux que vous avez décrits ?<br />
- Oui, car il possédait assez de revenus ecclésiastiques et patrimoniaux pour s'en procurer s'il en voulait.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut austère dans sa façon de vivre en ceci : il pouvait user d'un lit, voire de lits bons et douillets, et<br />
prendre du plaisir à se coucher, et pourtant pour se coucher il se couvrait d'un cilice ou d'une chemise grossière de<br />
filasse, à même la peau, et des vêtements déjà nommés. Il s'étendait parfois sur la terre avec sous lui un petit peu de<br />
paille et parfois sur une claie dure et grossière avec un tout petit peu de paille et sous la tête en guise d'oreiller une<br />
pierre ; il gardait aussi aux pieds ses souliers.<br />
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Je le sais pour avoir vu dom <strong>Yves</strong> plusieurs fois à l'endroit où il est né, à Ker Martin dans un grenier, où je l'ai vu<br />
ainsi couché par terre, et je l'ai vu dans son presbytère de Louannec, lui-même dom <strong>Yves</strong>, couché sur une claie faite de<br />
grosses branches ou de bâtons noueux entrecroisés, habillé et chaussé comme je l'ai dit.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut très sensible à la pitié. Il faisait en effet de larges aumônes de pain et d'argent aux pauvres, il les<br />
habillait et leur offrait éventuellement aussi l'hospitalité ; il invitait assez souvent chez lui des religieux mendiants, et<br />
là il les rétablissait avec de bonnes nourritures et de bon vin, faisant croire qu'il mangeait et buvait comme eux, bien<br />
qu'il usât de pain grossier et de plantes potagères, de pois et de fèves préparés comme je l'ai rapporté précédemment, et<br />
d'eau seulement. Cela, je le sais pour l'avoir vu plusieurs fois à Ker-Martin. Une fois un pauvre vint trouver dom <strong>Yves</strong>:<br />
il grelottait, ayant trop froid. Ce pauvre, je ne le connais pas et j'ignore son nom. <strong>Yves</strong> lui donna la cotte qu'il portait.<br />
Peu de temps après le pauvre vint chez moi et me dit en présence de ma femme : «Voici la cotte de dom <strong>Yves</strong> ; il me<br />
l'a donnée pour l'amour de Dieu». C'est ainsi que je l'ai su. C'était bien en effet l'étoffé et la couleur de la cotte de dom<br />
<strong>Yves</strong> : il n'y avait pas huit jours que je l'en avais vu revêtu. Je l'ai dit : c'était une cotte presque neuve et d'une étoffe<br />
blanche qu'on appelle «kordet» ou «burell».<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut bon et sensible à la pitié. En effet il plaidait en justice gratuitement pour les pauvres, les mineurs, les<br />
veuves, les orphelins et toutes les autres personnes malheureuses ; il soutenait leurs causes ; même sans être demandé<br />
il s'offrait à les défendre, si bien qu'on l'appelait partout l'avocat des pauvres et des malheureux. Je me suis trouvé en<br />
concurrence avec dom <strong>Yves</strong> dans ma fonction d'avocat en de nombreux audiences ou tribunaux : c'est là que je l'ai vu<br />
et entendu bien des fois agir ainsi. D'ailleurs bien des gens malheureux qui se recommandaient beaucoup de dom <strong>Yves</strong><br />
du fait de leur état me l'ont rapporté. Du reste dans la ville et le diocèse de Tréguier le fait a toujours été et reste de<br />
notoriété publique.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme très juste. Je l'ai vu Official de l'Archidiacre de Rennes et par la suite Official de l'évêque<br />
de Tréguier. Il s'est comporté dans ces fonctions d'une manière sainte et juste, rendant à chacun la justice rapidement<br />
sans faire de choix ni de différence entre les personnes. En vertu de sa charge d'official il percevait le tiers de<br />
l'émolument afférent au sceau de la cour de Tréguier : il en prélevait de larges aumônes pour les pauvres. Les parties<br />
qui lui soumettaient leurs litiges, et les autres, quels qu'ils fussent, qui avaient entre eux un différend, il les ramenait à<br />
la paix et à la concorde selon ses moyens. Cela, il le faisait très souvent. Je l'ai vu et entendu faire bien des fois, étant<br />
donné que je demeurais presque continuellement avec lui et que j'étais également avocat à la cour de Tréguier.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme d'une très grande patience. Je l'ai toujours vu se déplacer avec un air gai et un visage<br />
joyeux et accomplir toutes les bonnes actions qu'il faisait quel que fût son régime d'abstinence et d'austérité et malgré<br />
de multiples railleries, mais je n'ai aucun souvenir particulier de ces gens-là.<br />
J'atteste que dom <strong>Yves</strong> fut d'une très grande régularité et d'une très grande dévotion dans ses prières, et on ne peut<br />
plus agréable dans ses prédications. J'ai vu et entendu dom <strong>Yves</strong> célébrer un bon nombre de fois très dévotement les<br />
messes et par ailleurs prier longuement, et prêcher au peuple la parole de Dieu dans de multiples endroits. Pour<br />
entendre sa prédication des gens en masses compactes affluaient de diverses régions. J'ai vu ces faits se produire dans<br />
les églises du diocèse de Tréguier, et tout autour du diocèse de <strong>St</strong>-Brieuc et dans bien d'autres lieux dans la ville et le<br />
diocèse de Tréguier.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était issu de parents catholiques fidèles légitimement mariés. J'ai vu et connu son père et sa mère. Je les<br />
ai vus vivre en catholiques dans l'église de Tréguier, et à l'extérieur. J'ai assisté personnellement à leur mariage<br />
solennel. C'est de ce mariage légitime et resté stable qu'est né dom <strong>Yves</strong>. Son père s'appelait Hélory et sa mère Azo. Ils<br />
étaient nobles. Sa mère m'a dit un jour (j'ai oublié la date) que dom <strong>Yves</strong> serait saint, car la chose lui avait été révélée à<br />
elle, sa mère. Elle me l'a dit dans la maison des parents de dom <strong>Yves</strong>, maison qui s'appelle Ker Martin en la paroisse<br />
de Tréguier. Il y avait là la mère et le père de dom <strong>Yves</strong>, dom <strong>Yves</strong> et moi, et personne d'autre. Et ces paroles, la mère<br />
de dom <strong>Yves</strong> les a prononcées il y a cinquante ans ou environ.<br />
Ces faits, ces dépositions que j'ai faites, tout cela est de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier. Et<br />
j'ai dit et fait ces dépositions parce que c'est la vérité, et non parce qu'on m'a prié de le dire, ou payé pour cela, ou par<br />
crainte ou par amour ou pour gagner la faveur de qui que ce soit ni pour l'honneur de la patrie. Je ne suis suborné par<br />
rien ni par personne. Et j'entends par notoriété publique ce qui est dit par tous et publiquement dans une région ou dans<br />
plusieurs.<br />
Dom <strong>Yves</strong> et moi-même avons suivi à Orléans sur le livre des Institutions les leçons du seigneur P. de Capelle, de<br />
bonne mémoire, cardinal de la sacrosainte église romaine, dont le seigneur Roger, actuellement évêque de Limoges est<br />
le neveu, et sur les Décrétâtes les leçons du Seigneur Guillaume Biaise, défunt évêque d'Angoulême, dont le seigneur<br />
Aiglin, actuellement évêque d'Angoulême fut le neveu, tous deux commissaires en cette affaire : je crois et je me dis<br />
avec assurance que cette conjoncture est le fait d'une intervention miraculeuse de Dieu».<br />
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TEMOIN 2<br />
Discrète personne, maître Hervé de Coatréven, sacriste de l'église de Tréguier, âgé de 55 ans et plus, à ce qu'il dit, et<br />
d'après son apparence physique, présenté comme témoin sur la vie et les mœurs de dom <strong>Yves</strong> Hélory, assermenté et<br />
soigneusement interrogé, a fait la déclaration suivante :<br />
« J'ai la conviction qu'<strong>Yves</strong> fut un homme chaste. A Tréguier et dans le diocèse la chose est et fut de notoriété<br />
publique, et de même dans tous les endroits où dom <strong>Yves</strong> a eu des relations. Tout le temps que je l'ai connu je l'ai vu<br />
mener une vie honnête et se conduire vertueusement.<br />
J'ai vu dom <strong>Yves</strong> dévotement assidu à la prière. Il ne cessait pas de distribuer des aumônes. Il m'a donné<br />
l'hospitalité, à moi et à d'autres, bien des fois. Il ne mangeait que du pain grossier et des herbes potagères et parfois des<br />
fèves ou des pois pas bien cuits ; il buvait de l'eau fraîche. J'ai personnellement mangé et bu plusieurs fois avec dom<br />
<strong>Yves</strong> et beaucoup de pauvres, tout autour, mangeaient avec lui, dom <strong>Yves</strong> se tenant au milieu, par terre. Je n'ai jamais<br />
vu dom <strong>Yves</strong> manger autre chose que du pain grossier, des plantes potagères ou bien des fèves ou des pois, sans autre<br />
assaisonnement, bien que dans mes légumes dom <strong>Yves</strong> fît mettre du beurre.<br />
Je l'ai vu moi-même prêcher bien des fois au peuple la parole de Dieu dans l'église de Tréguier. J'ai entendu bien<br />
des fois et beaucoup de personnes dire (mais je ne me rappelle plus leurs noms) que dom <strong>Yves</strong> accompagnait en<br />
prêchant le seigneur Geoffroy de Tournemine, feu évêque de Tréguier, quand il visitait son diocèse : il prêchait<br />
publiquement au peuple la parole de Dieu devant le même seigneur évêque et sur son invitation.<br />
J'ai vu dom <strong>Yves</strong> porter en signe d'humilité, pendant les douze années qui ont précédé sa mort, un long surcot et<br />
une cotte qui lui descendait jusqu'aux talons, ainsi qu'un capuchon, faits d'une grossière étoffe blanche bon marché,<br />
appelée «kordet» ou «burell». Depuis l'époque que j'ai dite je ne l'ai jamais vu aller et venir habillé autrement.<br />
J'ai la certitude que dom <strong>Yves</strong> fut officiai en premier lieu de l'Archidiacre de Rennes, et par la suite de l'évêque de<br />
Tréguier, que dans ces fonctions-là il s'est comporté d'une manière juste et sainte, rendant la justice à chacun sans faire<br />
de différence entre les personnes ; que, touchant, du fait de sa charge d'officiai, le tiers du sceau de la cour de Tréguier,<br />
il en prélevait, comme aussi de ses propres biens, de larges aumônes pour les pauvres, et que les procès ordinaires il<br />
les terminait par la paix et la concorde si bien que n'importe quelle cause, à moins qu'elle ne fut matrimoniale ou ne<br />
dût obligatoirement se clore par un jugement, venait difficilement à sa main en 3e terme. Tout cela je le sais pour<br />
l'avoir entendu dire publiquement et communément.<br />
J'ai vu dans l'«hospitium» (hôtellerie) de dom <strong>Yves</strong> appelé Ker Martin, dans un grenier, le lit de dom <strong>Yves</strong>, fait<br />
d'un peu de paille, recouvert à l'endroit de la tête d'une courte-pointe de peu de valeur. J'ai la conviction qu'il y avait là<br />
une pierre qui tenait lieu d'oreiller et que la courte-pointe ne servait qu'à ne pas laisser voir la pierre. Près de ce lit il y<br />
avait une croix avec l'image du crucifié. J'ai vu un autre lit de dom <strong>Yves</strong> dans une galerie couverte près de son<br />
presbytère de Louannec, lit fait de grosses branches ou de bâtons noueux entrecroisés, avec par-dessus un peu de<br />
paille, et recouvert à l'endroit de la tête d'une couverture de peu de valeur.<br />
J'ai couché trois ou quatre nuits avec dom <strong>Yves</strong> dans cet endroit à Louannec, et avant d'aller nous coucher nous<br />
avons veillé la majeure partie de la nuit, lisant et nous attachant à nous entretenir de Dieu. Moi j'étais accablé de<br />
sommeil, et j'ai la conviction que c'est pour cela que dom <strong>Yves</strong> allait se coucher plus tôt que d'habitude, par amour<br />
pour moi. Quand dom <strong>Yves</strong> est allé se coucher dans le lit que j'ai dit, il s'est dégagé de son surcot, l'a mis en tête-bêche<br />
et a fourré ses pieds dans les ouvertures des bras ».<br />
Le témoin a ajouté plus tard ce qui suit :<br />
«Le lit était si dur que mes côtes en furent bien endolories, et je fus envahi de poux au point qu'il me fallut m'en<br />
aller au bout des trois ou quatre nuits que j'ai couché avec dom <strong>Yves</strong>. Je n'ai pas voulu par la suite retourner coucher<br />
près de lui dans ce lit, ne pouvant supporter davantage une vie aussi dure.<br />
Dom <strong>Yves</strong> se couchait tout habillé, chaussé de souliers hauts à courroies, comme les Cisterciens, revêtu d'un cilice<br />
à même la peau. Cela, je le sais pour l'avoir vu couché comme je l'ai dit. J'ai également entendu le frère Pierre, homme<br />
religieux, abbé du monastère de la Bienheureuse Marie de Bégard, diocèse de Tréguier, dire qu'il avait eu d'un<br />
serviteur de dom <strong>Yves</strong> le cilice. Dom <strong>Yves</strong> le fit remettre en secret, dans la semaine où il est mort, par un serviteur à<br />
un ermite qui demeurait dans un ermitage près de La Roche-Derrien, diocèse de Tréguier. On dit publiquement et<br />
communément que le cilice se trouve toujours au monastère de Bégard.<br />
Ce que j'ai déposé ci-dessus est de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier, et je l'ai attesté parce<br />
que c'est la vérité, et non parce qu'on m'a prié de le faire ni pour de l'argent, ni par affection pour quiconque ou par<br />
crainte de qui que ce soit, ou pour amour de la patrie, ni autrement suborné. Et j'entends par notoriété publique ce qui<br />
est dit publiquement. »<br />
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TEMOIN 3<br />
<strong>Yves</strong> Suet, clerc de la La Roche-Derrien, diocèse de Tréguier, âgé de soixante-dix ans...<br />
«J'ai été à Paris une année, ou à peu près, d'une manière continue en compagnie de dom <strong>Yves</strong> Hélory, partageant la<br />
même chambre, dans le même lieu. Cinquante ans environ se sont écoulés depuis. Nous entendions ensemble les<br />
«logicalia». Dom <strong>Yves</strong> devait alors avoir vers les quatorze ans. Il avait bon caractère ; il apprenait bien. Ses mœurs<br />
étaient bonnes et honnêtes. Il entendait volontiers des messes et fréquemment des sermons.<br />
Par la suite je l'ai vu official de l'archidiacre de Rennes, et plus tard official de l'évêque de Tréguier, et avocat en la<br />
cour de Tréguier. Dans ces fonctions il se comportait en homme de bien, avec justice et bonté. Dom <strong>Yves</strong> était<br />
gratuitement le défenseur et le protecteur des veuves, des orphelins, des mineurs et des autres malheureuses personnes.<br />
Je l'ai vu et entendu plusieurs fois se présenter devant des personnes malheureuses en disant : «Je t'aiderai pour Dieu».<br />
Et je me souviens en particulier d'une certaine veuve Levenitz, de la paroisse de Pommerit qui se trouvait en procès<br />
avec un usurier du même endroit nommé Rivalon Bardoul, à propos d'un certain jardin ou «courtil». Dom <strong>Yves</strong> mena<br />
le procès de Levenitz jusqu'à sa conclusion, gratuitement. J'étais là en personne, voyant, écoutant, connaissant et<br />
assistant cette femme puisqu'elle était de ma famille. Dom <strong>Yves</strong> distribuait aux pauvres d'assez nombreuses aumônes.<br />
J'atteste que j'ai vu le fait plusieurs fois.<br />
Pendant dix ans et plus avant sa mort, dom <strong>Yves</strong> a complètement renoncé aux honneurs du monde et aux vanités du<br />
siècle. Ce qui se cachait au fond de son cœur, son comportement extérieur le révélait. Ainsi l'ai-je vu revêtu d'un surcot<br />
assez long fait d'une grosse étoffe appelée «burell» ou «kordet», avec une seule cotte de la même étoffe, sans boutons.<br />
Il portait des souliers hauts à courroies, à la manière des Prêcheurs, sans bas. J'ai vu par hasard à travers l'encolure de<br />
dom <strong>Yves</strong> le cilice qu'il portait à même la peau. Dès qu'il s'aperçut que j'avais vu ce cilice, il s'empressa de le couvrir<br />
et de le cacher. J'ai vu de nombreux poux sortir du cilice. Plusieurs fois j'ai voulu en débarrasser ses vêtements, mais<br />
dom <strong>Yves</strong> ne me laissait pas faire, il disait : «Renvoie-les à leur réserve».<br />
J'ai bu et mangé bien des fois avec dom <strong>Yves</strong>, par terre, entouré de pauvres. Il ne mangeait que du pain grossier et<br />
des plantes potagères ou des fèves sans autre assaisonnement, et il buvait de l'eau fraîche. J'ai pourtant partagé pas mal<br />
de fois les repas de dom <strong>Yves</strong>, mais je ne l'ai jamais vu manger viandes ni poissons, ni boire de vin. Tout ce qu'il avait,<br />
il le distribuait aux pauvres. Une fois je l'ai vu donner aux pauvres une fournée entière de pain. Ce jour-là, par la suite,<br />
j'étais à table avec lui à Ker Martin, dans sa maison, quand arriva un pauvre d'une laideur extrême et misérablement<br />
vêtu. En ma présence dom <strong>Yves</strong> le fit asseoir en face de lui et manger avec lui dans la même écuelle. Tandis que le<br />
pauvre se tenait près de la porte de la maison, il se tourna vers dom <strong>Yves</strong> et vers moi et nous dit en breton : «Kenavo.<br />
Ra vezo an Aotrou ganeoc'h !» (Adieu. Que le Seigneur soit avec vous !). Cela dit, le pauvre apparut à dom <strong>Yves</strong> beau<br />
et vêtu d'un habit blanc, comme dom <strong>Yves</strong> me le rapporta aussitôt. Il me dit que celui qui était arrivé très laid s'en<br />
allait beau et que la maison resplendissait de la clarté de son habit. A dater de ce jour, dom <strong>Yves</strong> ne mangea pas à cette<br />
table, mais après le départ du pauvre il se mit à verser des larmes et dit : «Maintenant je sais qu'un envoyé de Nôtre-<br />
Seigneur est venu me visiter».<br />
Je l'ai vu une fois près de La Roche-Derrien, un vendredi, jour de marché en ce lieu, deux ans avant sa mort,<br />
acheter six ou sept pièces de grosse étoffe. C'était, à mon avis, pour les donner aux pauvres. J'en ai la ferme conviction<br />
puisque j'ai vu par la suite nombre de pauvres habillés de cette étoffe, et d'ailleurs c'est ce que m'ont rapporté les<br />
pauvres en question.<br />
J'ai vu bien des fois dom <strong>Yves</strong> s'en aller prêcher, accompagnant l'évêque de Tréguier, Geoffroy de Tournemine, en<br />
visite pastorale à travers le diocèse. Je me souviens particulièrement avoir vu dom <strong>Yves</strong> prêcher en présence de cet<br />
évêque dans un village appelé Pommerit où l'évêque faisait sa visite, et j'ai vu dom <strong>Yves</strong> manger à la table de l'évêque<br />
dans ce village, et, bien qu'on y servît de nombreux mets, il n'y mangea que du pain et du potage, et il y but de l'eau.<br />
Ensuite, j'ai vu dom <strong>Yves</strong> s'en aller à pied de Pommerit à Ploëzai, après son évêque, pour prêcher.<br />
J'ai vu dom <strong>Yves</strong> atteint de la maladie dont il est mort. Je l'ai vu six jours avant sa mort à Ker Martin : il était sur<br />
son lit, avec, sous lui, un peu de paille ; il était revêtu de sa cotte ; il avait sur lui une seule petite courte-pointe, sans<br />
valeur, noire, tirée seulement jusqu'à sa poitrine. J'ai vu aussi de la paille sous sa tête, et j'ai la ferme conviction que<br />
sous cette paille se trouvait la pierre qui lui servait d'oreiller. C'est ce que disaient communément les gens qui étaient<br />
là.<br />
<strong>Yves</strong> est mort il y a vingt-sept ans, ou environ ».<br />
Suivent les mêmes déclarations que celles des deux précédents témoins concernant la notoriété publique, la parfaite<br />
intégrité morale, la totale indépendance du témoin, et la véracité de ses dépositions.<br />
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TEMOIN 4<br />
Noble homme, Jean de Pestivien, chevalier, seigneur du même lieu, âgé de 40 ans...<br />
«J'ai connu dom <strong>Yves</strong> pendant à peu près les dix années qui ont précédé sa mort. Ce fut un homme de mœurs<br />
honnêtes et de vie bonne. Je le sais pour l'avoir vu comme confesseur de dame Constance de Roscavel, ma mère,<br />
laquelle l'appela et le choisit comme confesseur pour sa bonté et son honnêteté. A mon avis dom <strong>Yves</strong> fut tel parce<br />
qu'il était un homme chaste. Je le sais et je le dis pour n'avoir vu chez lui ni entendu dire de lui quoi que ce fût de<br />
contraire à la chasteté.<br />
Par ses bonnes paroles et ses exhortations dom <strong>Yves</strong> amena de nombreuses jeunes filles à la chasteté, parmi<br />
lesquelles Aylicie, sœur du Seigneur de Mur, et beaucoup d'autres dont les noms m'échappent présentement.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme d'une grande humilité. Je le sais au fait qu'il portait un habit vraiment pauvre : c'était une<br />
cotte longue et un surcot «talaire» (qui descend jusqu'aux talons) de grossière étoffe de burell, et, à même sa peau, un<br />
cilice. Je l'ai vu bien des fois avec ces habits-là, et, une fois, après la célébration de la messe, alors qu'il déposait les<br />
vêtements sacerdotaux, j'ai vu le cilice dont j'ai parlé, et cela a fortement déplu à dom <strong>Yves</strong>. C'est dans la chapelle du<br />
manoir de Guézec que cela s'est passé. A preuve de ce que je dis, dom <strong>Yves</strong> s'inclinait très humblement devant tous<br />
ceux avec qui il causait et qu'il saluait, et il portait son capuchon tiré sur ses yeux : c'est ainsi que je l'ai vu faire bien<br />
des fois. Il portait des souliers hauts à courroies à la manière des Prêcheurs, sans bas : je l'ai vu ainsi bien des fois au<br />
manoir de Guézec.<br />
Il ne mangeait que du pain grossier de seigle, avec des plantes potagères, sans autre condiment, et buvait de l'eau<br />
fraîche. Je l'ai vu cent fois et plus boire et manger dans la maison de mon père, et je ne l'ai jamais vu manger et boire<br />
autrement, sauf parfois en de grandes solennités quand dame Constance l'en priait beaucoup : il mettait alors du vin<br />
dans l'eau qu'il buvait, et il en mettait autant qu'on en verse dans le vin à l'autel pour la messe. J'ai vu ce que je dis. Il<br />
prenait les viandes et les autres mets qu'on lui servait à table et pourtant il ne mangeait que du pain avec des plantes<br />
potagères, mais il faisait des parts avec les mets et les déposait en aumônes dans les restes pour les pauvres. Cela, je<br />
l'ai vu moi-même dans les divers manoirs de mon père et dans les miens, je veux dire à Pestivien, à Glomel, à Guézec,<br />
dans le diocèse de Quimper.<br />
Il ne mangeait qu'une fois par jour, excepté les dimanches où parfois, rarement, sur les instances pressantes de la<br />
dame que j'ai nommée, il dînait, mais alors seulement de pain et d'eau. J'en ai été témoin oculaire et auriculaire. Durant<br />
le carême il ne se nourrissait que de pain et d'eau. Durant le temps de carême je l'ai vu faire ainsi abstinence, parfois<br />
pendant quinze jours, parfois pendant trois semaines de suite. C'est dans les endroits que j'ai nommés que je l'ai vu se<br />
comporter ainsi.<br />
Dom <strong>Yves</strong> jeûnait trois fois par semaine au pain et à l'eau : c'était le mercredi, le vendredi et le samedi ; et il amena<br />
dame Constance, ma mère, à se priver de viandes le mercredi de chaque semaine, ce qu'elle a fait depuis. Cela se<br />
passait dans les lieux que j'ai nommés.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme très pacifique et très paisible. Il parlait peu en effet, sauf pour s'entretenir de Dieu et<br />
prononcer les paroles du salut ; il ne se mettait pas en colère mais se tenait pacifique et paisible, et ses paroles il les<br />
prononçait avec bienveillance et patience ; il écoutait parler les autres avec un cœur paisible. Toujours dans les mêmes<br />
lieux que j'ai dits, et ailleurs, je l'ai vu souvent converser ainsi. Dans ses paroles venaient très souvent les mots :<br />
«Jésus-Christ, fils de Dieu».<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme très savant et très cultivé. A ce que j'ai entendu dire à bien des gens dont je ne me<br />
rappelle pas les noms, il a été official de Tréguier, et il s'est comporté dans cette fonction d'une manière admirable et<br />
digne de louange, amenant les plaignants à la paix et à la concorde, rendant rapidement à chacun la justice. Il s'offrait à<br />
défendre gratuitement le droit des pauvres, des orphelins, des veuves, et des autres personnes malheureuses, même<br />
sans être sollicité. C'est ce que j'ai entendu dire, et je suis convaincu qu'il en était ainsi, car telle était et telle est encore<br />
la rumeur publique à travers le pays tout entier.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut très dévotement assidu à ses prières, et on ne peut plus agréable dans ses prédications. Dans les<br />
manoirs que j'ai cités, je l'ai vu et entendu plus de cent fois célébrer la messe avec une très grande dévotion : je l'ai vu,<br />
moi qui vous parle.<br />
Très souvent j'ai vu et entendu dom <strong>Yves</strong> prêcher en public au clergé et au peuple la parole de Dieu, dans les<br />
églises et sur les routes, et spécialement chez saint Corentin dans l'église cathédrale de Quimper, et dans plusieurs<br />
autres du même diocèse, après avoir obtenu lui-même la permission de l'évêque du lieu. Vous me demandez sur<br />
quelles routes je l'ai vu prêcher ? C'était un samedi du mois d'août, à peu près une année avant sa mort. Je faisais à pied<br />
un pèlerinage du manoir de Guézec à Saint Renan en la ville de Quimper, avec mon père, ma mère, mes trois sœurs, à<br />
savoir Théophanie, Playse et Bienvenue, en compagnie de dom <strong>Yves</strong> et de plusieurs autres. Voyant que la dame était<br />
fatiguée du trajet accompli, dom <strong>Yves</strong> fit halte à un carrefour et se mit à prêcher la parole de Dieu. Or tandis qu'il<br />
prêchait, il arriva qu'un écuyer, appelé Chevalier, feu seigneur de Coetpont, traversait pareillement en compagnie d'un<br />
autre : à la vérité ce compagnon du seigneur de Coetpont descendit de cheval pour écouter la prédication en cours. Le<br />
seigneur de Coetpont, lui, avait traversé et s'en allait, sans prêter la moindre attention à la prédication. Dom <strong>Yves</strong> dit<br />
alors : «Voyez : celui qui s'en va là est plein de la malice du démon, car s'il y avait ici quatre filles et un tambour du<br />
diable, il serait resté avec plaisir, et il n'a pas voulu s'arrêter pour entendre la parole de Dieu ; je prie Dieu que pour<br />
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cette raison sa chair fasse pénitence avant sa mort». Or, quinze jours ne s'étaient pas écoulés après cet événement que<br />
le seigneur de Coetpont fut frappé de paralysie et devint infirme au lit, et il y resta une année et plus ; et, tandis qu'il<br />
souffrait ainsi, un neveu du paralytique vint trouver ma mère, lui raconta l'infirmité dont souffrait son oncle et la pria<br />
de lui donner un remède si elle en connaissait. La dame se souvint des paroles prononcées par dom <strong>Yves</strong> sur la route,<br />
et elle conseilla au seigneur de Coetpont de se vouer à dom <strong>Yves</strong>, car, disait-elle, elle avait la certitude que s'il<br />
souffrait c'était pour n'avoir pas voulu entendre, sur la route, le sermon de dom <strong>Yves</strong> quand ce dernier allait à Saint<br />
Renan. Le neveu rapporta à son oncle ce qu'il venait d'entendre là. Sur le champ le patient se voua à Dieu et à dom<br />
<strong>Yves</strong> alors défunt, et promit de visiter en personne son tombeau, ce qu'il fit après, et c'est là qu'il recouvra la santé. Je<br />
vous assure que j'ai vu ce seigneur de Coetpont passer devant dom <strong>Yves</strong> qui prêchait, je l'ai vu ne faire aucun cas de<br />
cette prédication, j'ai entendu dom <strong>Yves</strong> prononcer les paroles que j'ai rapportées, et par la suite ce que j'ai dit je l'ai<br />
appris de ma mère, du seigneur de Coetpont et de son neveu.<br />
De Maurice du Mont autrefois mon valet écuyer d'armes lettré et qui est mort, j'ai appris que lorsque les pèlerins<br />
que j'ai cités revenaient de leur pèlerinage à Saint Renan et qu'ils se trouvaient dans un village nommé Landelau, dom<br />
<strong>Yves</strong> et le seigneur Maurice entrèrent dans une chambre pour se coucher. Dom <strong>Yves</strong> était donc dans cette chambre<br />
quand Maurice se mit au lit. Maurice s'endormit. Il croyait que dom <strong>Yves</strong> se trouvait dans la chambre et dormait aussi.<br />
Or, Maurice entendit une voix qui disait : «Le bienheureux est étendu sur une pierre». Tiré de son sommeil, Maurice<br />
surgit de son lit, mais il ne put trouver dom <strong>Yves</strong> dans la chambre. Il se rendit tout de suite au cimetière de ce village<br />
et trouva <strong>Yves</strong> qui dormait ; il avait pris place dans la pierre creuse où saint Elau avait fait pénitence durant sa vie.<br />
Tout ce que dom <strong>Yves</strong> avait ou pouvait avoir il le distribuait aux pauvres. J'ai constaté bien des fois que les pauvres<br />
le suivaient pour recevoir de lui une aumône, j'ai vu plusieurs fois dom <strong>Yves</strong> donner des aumônes aux pauvres. C'était<br />
et c'est de notoriété publique à Tréguier et dans le diocèse de Tréguier que tout ce que dom <strong>Yves</strong> avait ou pouvait avoir<br />
il le donnait aux pauvres indistinctement, qu'il s'agît de vêtements ou d'aliments.<br />
Quand dom <strong>Yves</strong> venait aux manoirs que j'ai nommés, ma mère avait beau faire préparer pour lui un bon lit, il<br />
n'avait cure de se coucher sur ce lit, mais il s'étendait par terre, et le matin on trouvait le lit fait comme l'avaient fait la<br />
veille les domestiques de ma mère.<br />
Dom <strong>Yves</strong> portait sur sa poitrine une petite boîte en argent, très belle, dans laquelle il conservait le corps du Christ<br />
qu'il administrait aux malades qu'il visitait, chaque fois qu'il lui semblait qu'il y avait lieu de le faire.<br />
Je crois que dom <strong>Yves</strong> fut un grand artisan et «restaurateur» de paix. Je le sais parce que je l'ai entendu dire et que<br />
je l'entends encore dire, et parce que la chose est de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier et dans<br />
les autres lieux où dom <strong>Yves</strong> a eu des relations ».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 5<br />
Geoffroy de Saint Léan, recteur de l'église de La Roche-Derrien, diocèse de Tréguier, âgéde 70 ans,...<br />
«Dom <strong>Yves</strong> fut d'une vie bonne et sainte et de mœurs honnêtes. Les trois années qui ont précédé sa mort, feu<br />
Geoffroy de l'Abbaye, à l'époque procureur de l'église de Tréguier, et moi-même qui témoigne, nous nous sommes juré<br />
l'un à l'autre de nous retrouver tous les jours de la semaine, samedi et dimanche exceptés, à la maison de dom <strong>Yves</strong><br />
appelée Ker Martin pour l'entendre expliquer la Bible et prêcher. Nous voulions aussi voir et imiter sa manière de<br />
vivre dans la mesure du possible. Ainsi donc chaque semaine nous sommes venus ensemble en la demeure de dom<br />
<strong>Yves</strong> et nous l'avons entendu faire la lecture de la Bible et prêcher. Cela se passait donc les jours que j'ai dits, fêtes<br />
exceptées. Nous partagions aussi sa table ces jours-là, et je le voyais manger tantôt du pain de seigle, tantôt du pain<br />
d'orge, tantôt du pain d'avoine, tantôt du pain «vassalour», accompagné de plantes potagères ou bien de pois ou fèves<br />
cuits à l'eau sans autre assaisonnement, et sans aucun autre plat préparé, si ce n'est qu'il prenait parfois des raves cuites<br />
avec de la farine, et il ne buvait que de l'eau. Mais les mercredis, vendredis, et samedis sans exception, il jeûnait au<br />
pain et à l'eau, et il ne mangeait qu'une seule fois dans la journée.<br />
Chaque jour de bon matin dans sa chapelle personnelle de Ker Martin il célébrait la messe, et fréquemment il<br />
pleurait très amèrement avant la consécration. Après la messe il nous faisait une lecture de la Bible. Puis il faisait aux<br />
pauvres qui se présentaient alors des aumônes de pain et de ce qu'il avait. Après quoi il prêchait la parole de Dieu<br />
jusqu'aux environs de midi. A midi il prenait la nourriture que j'ai dite en compagnie des pauvres qui étaient là, de<br />
Geoffroy de l'Abbaye et de moi-même. Le repas fini, il regagnait sa chambre pour étudier et pour prier, et s'y tenait<br />
jusqu'à Vêpres. Il quittait ensuite sa chambre et récitait ses heures avec Geoffroy et moi-même. Et quand c'était fini, il<br />
n'arrêtait pas de nous donner de saints avis jusqu'à la nuit tombée.<br />
Il s'étendait la nuit, tout habillé et chaussé comme les Cisterciens de bottes à courroies sans bas, sur une claie, ou<br />
parfois sur le sol avec sous lui un peu de paille ; sous sa tête il posait une pierre ou un livre en guise d'oreiller, et il<br />
n'était couvert que d'une courte-pointe grossière et noire. C'est ainsi que je l'ai vu plusieurs fois, et d'ailleurs il me l'a<br />
reproché.<br />
De jour il allait revêtu d'un long surcot et d'une cotte talaire faits d'étoffé blanche qu'on appelle kordet ou burell,<br />
sans quoi que ce soit comme fourrure. A même sa peau il portait un cilice. Voilà comment je l'ai vu bien des fois.<br />
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Quant au cilice, si je l'ai vu c'est que parfois dom <strong>Yves</strong> mettait sa main dans sa poitrine par l'ouverture du col pour y<br />
rentrer les poux, et il disait alors que sa poitrine était une réserve à poux. C'était alors que le cilice apparaissait.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme chaste : je l'ai entendu en confession générale au cours des trois ans qui ont précédé sa<br />
mort, et je l'ai trouvé libre et exempt de toute faute charnelle et de tout péché mortel. D'ailleurs sa chasteté est de<br />
notoriété publique dans le diocèse de Tréguier et dans tous les lieux qu'il a fréquentés.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut d'une grande patience. Ainsi quand on le raillait et qu'on le traitait de gueux, il se contentait de rire et<br />
ne répondait rien. Ainsi au milieu de toutes ses austérités et adversités, il s'avançait avec un visage agréable et souriant.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était plein de compassion et de pitié pour les petits, les orphelins, les veuves et toutes les personnes<br />
malheureuses ; il les défendait, les aidait, les conseillait et même se faisait gratuitement leur avocat. Je le sais, car<br />
Hervé Fichet me l'a raconté, ainsi que <strong>Yves</strong> Suet, et bon nombre d'autres dont je ne me rappelle pas les noms.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut très attaché à la prédication de la parole de Dieu. Ainsi parfois au cours d'une même journée il<br />
portait cette parole dans trois églises distantes l'une de l'autre d'une lieue, et il faisait le chemin à pied. Je l'ai<br />
accompagné bien des fois. Quant à citer des noms d'églises où j'ai fait cela avec lui, c'était de Ker Martin à l'église de<br />
La Roche-Derrien, de l'église de La Roche-Derrien à celle de Ploëzal, de l'église de Ploëzal à celle de Plouëc, et il lui<br />
arrivait de revenir chez lui à jeûn, malgré pas mal d'invitations.<br />
En ce qui concerne la prière, dom <strong>Yves</strong> fut d'une très grande ferveur et d'une très grande dévotion. La preuve en est<br />
qu'il priait abondamment et longtemps, à genoux, les mains jointes, tout prostré à terre, et le visage couvert de son<br />
capuchon. Je l'ai vu bien des fois dans cette attitude : à l'église de Tréguier, dans sa chapelle en sa maison de Ker<br />
Martin, et dans les églises et localités que j'ai nommées.<br />
Le 3e jour avant sa mort, c'est le jour où j'ai entendu sa confession, je lui ai donc fait une visite, et je l'ai vu dans<br />
l'endroit où il avait l'habitude de se tenir : il était revêtu de sa cotte habituelle ; il était recouvert de la courte-pointe que<br />
j'ai dite, il avait sous la tête une pierre, et il ne cessait de prêcher la parole de Dieu, à moi-même et aux autres<br />
assistants. Depuis, je ne l'ai pas revu vivant.<br />
Selon moi, il y a 27 ans qu'il est mort ce dimanche après l'Ascension du Seigneur, qu'on vient de passer là<br />
récemment ».<br />
Etc. Etc.<br />
Alain Soyan, clerc de la ville de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
TEMOIN 6<br />
«Dom <strong>Yves</strong> fut de bonne vie et de mœurs honnêtes. Et voici pourquoi je sais cela.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme chaste. Plusieurs fois et en de nombreuses circonstances j'ai vécu avec lui dans<br />
l'entourage du seigneur Geoffroy de Tournemine, défunt évêque de Tréguier, et cela, oui, au cours des sept années qui<br />
ont précédé la mort de dom <strong>Yves</strong>. Je n'ai jamais pu déceler en lui le moindre indice, la moindre parole, le moindre<br />
geste qui le montrât prisonnier du vice charnel. Il avait cette réputation auprès de tous les familiers de l'évêque, et de<br />
tous ceux, quels qu'ils fussent, qui le connaissaient.<br />
Dom <strong>Yves</strong> vécut dans une grande abstinence, et fut d'une grande austérité pour lui-même. A preuve, il ne mangeait<br />
par jour qu'une seule fois et se contentait d'un grossier pain de seigle et de plantes potagères cuites sans autre<br />
assaisonnement et à l'exclusion de tout autre plat préparé. Si on lui en apportait, il en faisait des parts et les mettait<br />
dans les restes pour nourrir les pauvres. Il ne buvait que de l'eau fraîche. Le vendredi et le samedi, il jeûnait en ne<br />
prenant que du pain et de l'eau comme je l'ai dit. Bien des fois et dans pas mal d'endroits, je l'ai vu agir ainsi lorsque<br />
nous étions en compagnie de l'évêque de Tréguier. Cela se passait donc à Tréguier et dans plusieurs autres lieux dont<br />
j'ai perdu le souvenir.<br />
Il ne couchait pas dans un lit, bien qu'il en eût un bon tout préparé ; mais il s'étendait par terre et posait sa tête sur<br />
une pierre qui lui servait d'oreiller. Comme il m'arrivait de coucher soit dans la même chambre soit dans la même<br />
maison que lui lorsque nous étions chez l'évêque et dans son entourage, j'ai été plusieurs fois le témoin oculaire de ce<br />
que j'avance.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut de vie bonne et de mœurs honnêtes. C'était en effet quelqu'un d'une grande compassion et d'une<br />
grande bonté, visitant les malades, habillant les pauvres, et leur distribuant des aumônes aussi larges que possible de<br />
pain, d'argent, d'autres biens qu'il avait ou qu'il pouvait se procurer.<br />
Ce fut un homme d'une grande humilité. Car il pouvait porter des vêtements de bonne qualité et de grand prix, et en<br />
posséder plusieurs, étant donné qu'il était bien pourvu en église et en patrimoine. Malgré cela il se contentait en tout et<br />
pour tout d'un long surcot et d'une cotte talaire faits d'une grossière étoffe blanche, bon marché, appelée burell. Il<br />
pouvait aussi se déplacer à cheval, et pourtant il accompagnait à pied son évêque dans ses visites pastorales, et de<br />
même par ailleurs lorsqu'il faisait des tournées de prédication principalement dans les églises du diocèse de Tréguier. Il<br />
avait aux pieds de grands souliers à courroies, comme les Cisterciens, sans bas. Je l'ai vu bien des fois aller et venir de<br />
cette façon-là : je ne l'ai pas vu se déplacer autrement.<br />
Ce fut un homme de beaucoup de patience. J'ai remarqué sa patience du fait qu'au milieu de toutes ses tribulations<br />
et ses austérités il montrait un visage détendu et joyeux. C'est ainsi qu'il allait et venait en toutes circonstances. Je l'ai<br />
constaté maintes fois.<br />
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Ce fut un homme grandement épris de justice. Je m'en suis rendu compte alors qu'il était l'official de Tréguier : il<br />
rendait alors à tous une justice rapide sans faire acception de personne, et il pressait les gens, quels qu'ils fussent, à<br />
faire la paix.<br />
Il était assidu et dévot dans la prière et la prédication de la parole de Dieu. Il priait à genoux, les mains serrées l'une<br />
contre l'autre, courbé vers le sol et la face couverte de son capuchon, et il persistait ainsi bien longtemps. Je l'ai vu bien<br />
des fois dans cette attitude, de même que je l'ai entendu prêcher souvent dans l'église de Tréguier et dans d'autres<br />
églises du diocèse de Tréguier.<br />
Sa compassion fut grande envers les mineurs, les orphelins, les veuves et les autres malheureuses personnes. Voici<br />
comment il exerçait sa compassion à leur égard : il leur portait secours en les conseillant, en les guidant, et en plaidant<br />
pour eux. Je l'ai vu agir ainsi, et j'ai su qu'il l'avait fait, car plusieurs me l'ont raconté, en faveur de qui il avait agi de la<br />
sorte, sans rien recevoir d'eux et sans rien vouloir accepter. Je ne me souviens pas du tout du nom de ces gens-là ».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 7<br />
Pierre Arnou, prêtre, vicaire de l'église de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
«J'ai connu dom <strong>Yves</strong> il y a cinquante ans environ. Ce fut un homme de vie bonne et de mœurs honnêtes. Je l'ai vu<br />
plusieurs fois et à diverses époques manger dans la maison et à la table de mon oncle paternel, maître Théobald<br />
Lebruc, jadis chantre de l'église de Tréguier. On pouvait apporter devant lui viandes, poissons, et autres sortes de mets,<br />
et du vin, dom <strong>Yves</strong> ne prenait que du pain et des plantes potagères ou bien des fèves ou pois, cuits seulement au sel,<br />
sans rien d'autre, et il buvait de l'eau. Il faisait pourtant son possible pour faire semblant de manger des plats présentés<br />
aux autres et de boire du vin comme tout le monde. Je l'ai encore vu pratiquer ailleurs ce genre d'abstinence. C'était<br />
chez le seigneur Alain Lebruc, jadis évêque de Tréguier, dans la ville de Tréguier. Chez le chantre, j'ai été environ<br />
trente fois le témoin de la scène, et chez l'évêque à peu près vingt fois. Mais ni l'évêque ni le chantre ni les autres<br />
convives ne mangeaient de ses légumes, pois ou fèves. On les préparait à part spécialement pour lui. J'ai vu cela bien<br />
des fois, et bien des fois j'y ai collaboré activement. Il ne mangeait qu'une fois par jour, sauf les dimanches. Je l'ai<br />
constaté dans les endroits et les maisons déjà mentionnés, et j'en déduis avec certitude qu'il faisait abstinence partout<br />
de cette façon-là.<br />
J'ai vu dom <strong>Yves</strong> maintes fois coucher par terre tout habillé dans la sacristie de l'église de Tréguier. Il s'enveloppait<br />
d'une courte-pointe et mettait sous sa tête une pierre en guise d'oreiller. S'il couchait dans cette sacristie, c'était pour<br />
surveiller les objets sacrés et les autres biens qui appartenaient à l'église et qui s'y trouvaient. En effet des gens du roi<br />
de France, qui séjournaient alors à Tréguier, voulaient s'en emparer. Ils voulaient prélever sur les biens meubles<br />
appartenant à l'évêque, au chapitre de l'église de Tréguier, et aux autres membres du clergé de la ville et du diocèse,<br />
l'impôt du centième et du cinquantième. Dom <strong>Yves</strong> usait de tous les moyens et usait de toutes les voies pour résister à<br />
cette opération. Un jour (je ne me rappelle plus lequel) un sergent du roi de France avait pris dans la propriété de<br />
l'évêque un cheval moreau qui valait à peu près quarante livres, et, alors qu'il le conduisait, dom <strong>Yves</strong> lui fit face dans<br />
le cimetière, prit le cheval par le mors, l'arracha des mains du sergent et le reconduisit dans la propriété de l'évêque.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était très bon et très enclin à la pitié, car tout ce qu'il avait ou pouvait avoir, il le distribuait aux pauvres,<br />
et il visitait très fréquemment les malades. Je l'ai vu maintes fois faire de larges aumônes aux pauvres et visiter les<br />
malades. J'ai vu et entendu bien des fois à Tréguier des pauvres dire qu'ils avaient reçu des aumônes de lui. D'ailleurs,<br />
quand il quittait l'église de Tréguier pour se rendre chez lui à Ker Martin, il était suivi d'une foule de pauvres. Quant à<br />
me rappeler les noms des malades visités, je ne le puis, d'autant plus qu'il visitait n'importe quels malades, pauvres et<br />
riches, indifféremment.<br />
Je l'ai vu quand il était official du seigneur Allain évêque de Tréguier. Il s'acquittait de sa charge parfaitement,<br />
rendant à tous sans distinction une justice rapide. J'en ai été bien des fois le témoin oculaire et auriculaire à la cour de<br />
Tréguier, du temps où je la fréquentais. Et c'est ce qu'on disait communément en ville et dans le diocèse, et jamais je<br />
n'ai entendu personne se plaindre d'une injustice qu'il aurait commise.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était très humble. Avec les pauvres et avec les riches il avait une manière humble de parler, de saluer, de<br />
se comporter à leur égard. Il se déplaçait vêtu d'un long surcot et d'une cotte talaire, faits d'une grossière étoffe blanche<br />
bon marché appelée burell ou kordet, et chaussé de grands souliers à courroies comme les Prêcheurs. J'ai vu cela bien<br />
des fois et je l'ai entendu dire. Il pouvait avoir de bons habits de grand prix, et de bons souliers, car il avait une bonne<br />
église, Louannec, qui rapportait cinquante livres de rente et plus, et un bon patrimoine, de quoi pouvoir soutenir<br />
autrement son rang de façon honorable. Je sais que son église et son patrimoine étaient d'un si bon rapport, car c'est ce<br />
que tout le monde dit et assure publiquement dans la ville et le diocèse de Tréguier.<br />
Dom <strong>Yves</strong> a toujours supporté avec beaucoup de patience ses adversités et ses austérités. En voici une preuve. J'ai<br />
entendu dire une fois que Guillaume de Tournemine, alors trésorier de Tréguier et percepteur du centième et du<br />
cinquantième du roi de France, avait traité dom <strong>Yves</strong> de coquin. Ce dernier ne dit rien, mais se mit à rire. D'ailleurs il<br />
faisait tout le temps un visage joyeux. J'affirme que c'est ainsi que je l'ai vu bien des fois, et pour ainsi dire toujours.<br />
Dom <strong>Yves</strong> montrait une très grande assiduité et une très grande ferveur dans la prière et la prédication. Je l'ai vu<br />
maintes fois prier, à genoux et les mains jointes, le corps plié et courbé vers le sol. Je l'ai vu souvent célébrer la messe,<br />
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et prêcher dans l'église de Tréguier, dans celle de Langoat, dans celle de Penvénan, au diocèse de Tréguier. J'ai<br />
entendu dire bien des fois qu'il prêchait le même jour dans trois églises distantes l'une de l'autre d'une lieue.<br />
Dom <strong>Yves</strong> avait une grande compassion pour les mineurs, les orphelins, les veuves et les autres personnes<br />
malheureuses. Il les conseillait en effet, les secourait et les défendait même gratuitement, et il établissait la paix entre<br />
elles, pour autant qu'il le pouvait, qu'elles fussent pauvres ou non. J'ai entendu et vu maintes fois bien des personnes se<br />
recommander de lui publiquement à ce sujet. Mais je ne me souviens pas de leur nom.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme chaste. Ni dans ses paroles, ni dans ses gestes, aucun indice d'impureté n'apparaissait<br />
chez lui. Il domptait sa chair à coups d'abstinence et d'austérité au point qu'il ne devait être enclin d'aucune façon à ce<br />
genre de péché. D'ailleurs en cette matière jamais personne n'a parlé en mal de lui, mais plutôt tous le tenaient pour un<br />
homme chaste, et le disaient, et telle était sa réputation».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 8<br />
Hamon Nicolay, clerc de la ville de Tréguier, 50 ans et plus...<br />
On lui demande s'il sait quelque chose sur la vie et les mœurs de dom <strong>Yves</strong>, et quoi.<br />
«Dom <strong>Yves</strong> fut de vie bonne et de mœurs honnêtes. Et voici pourquoi je le dis.<br />
J'ai vécu en sa compagnie parfois, plusieurs fois, dans son manoir de Ker Martin. J'ai aussi bu et mangé avec lui.<br />
Dom <strong>Yves</strong> se mettait alors à mon service et au service des pauvres assez nombreux qui se tenaient là, et il nous servait<br />
à table ; et lorsqu'il nous avait servis, il prenait en notre compagnie du pain grossier de seigle ou d'orge, et des plantes<br />
potagères, ou des pois ou des fèves, tantôt préparés avec du sel, tantôt sans sel et sans autre assaisonnement, et il ne<br />
buvait que de l'eau. Je sais que les plantes potagères, les pois ou les fèves étaient ainsi préparés parce que je les ai<br />
goûtés plusieurs fois, et recrachés comme je fais aux aliments insipides. Dom <strong>Yves</strong> prenait ces aliments par volonté<br />
d'abstinence. Ne le prenait-il pas pour un autre motif, soit qu'il n'eût rien d'autre à manger, soit qu'il n'eût pas de quoi<br />
en acheter ? J'ai la ferme conviction qu'il le faisait par volonté d'abstinence, et qu'aucun autre motif ne le poussait. Il<br />
avait en effet, au diocèse de Tréguier, une église à bons revenus, nommée Louannec, et il possédait aussi un bon<br />
patrimoine, qui lui permettaient, s'il le voulait, de se procurer de bons aliments et du vin. Ce n'était ni par esprit<br />
d'économie ni par avarice, pour amasser de l'argent, qu'il refusait d'acheter : la preuve en est qu'il servait aux malades<br />
et aux indigents d'un cœur joyeux vin et autre nourriture, alors qu'il se les refusait. De même aussi il ne prenait qu'un<br />
repas par jour, et de la façon que j'ai dite. De plus les mercredis, vendredis et samedis, les vigiles de tous les apôtres et<br />
des fêtes solennelles, ainsi qu'aux jeûnes des Quatre-temps, de l'Avent et du Carême, il jeûnait au pain et à l'eau, sauf<br />
légitime empêchement de maladie ou de travail excessif. J'ai vu cela plusieurs fois à Ker Martin. Il était l'homme que<br />
j'ai dit : la preuve c'est que tout ce qu'il avait ou pouvait avoir, il le dépensait pour donner aux pauvres le nécessaire.<br />
Cela, je l'ai constaté plusieurs fois dans l'église de Tréguier, et hors de l'église de Tréguier et à Ker Martin et ailleurs.<br />
Bien des fois j'ai constaté que lorsque dom <strong>Yves</strong> sortait de l'église de Tréguier, des pauvres le suivaient en foule<br />
jusqu'à sa demeure de Ker Martin pour recevoir de lui des aumônes.<br />
Homme de vie bonne et de mœurs honnêtes dom <strong>Yves</strong> le fut aussi pour la raison qu'il prêchait au peuple la parole<br />
de Dieu fréquemment dans l'église de Tréguier et dans les églises de Trédarzec, de Langoat et de Plouguiel, au diocèse<br />
de Tréguier. Je l'ai vu et entendu bien des fois. Parfois quand il avait prêché dans l'église de Tréguier, il se rendait le<br />
même jour à pied à l'église de Trédarzec pour y prêcher la parole de Dieu. L'église de Trédarzec est distante de celle de<br />
Tréguier d'un mille. De là, toujours le même jour, il gagnait à pied l'église de Plemeur pour prêcher encore. Une lieue<br />
sépare l'église de Trédarzec de celle de Pleumeur. Il prêchait d'une façon si agréable que certains, en assez grand<br />
nombre, qui l'avaient entendu en un lieu l'accompagnaient à l'endroit suivant et qu'ils le préféraient à tout autre<br />
prédicateur. J'ai vu dom <strong>Yves</strong> pleurer très amèrement au cours de ses prédications, et moi qui vous parle, qui avais<br />
pourtant le cœur dur, la flamme de sa prédication me faisait verser des larmes, à moi et à bien d'autres.<br />
Je l'ai vu plusieurs fois célébrer la messe dans l'église de Tréguier et dans sa chapelle de Ker Martin, et au début de<br />
la messe tandis qu'il disait le Confiteor, et après le lavement des mains tandis qu'incliné il revenait à l'autel pour dire le<br />
canon, je l'ai vu pleurer amèrement. Je l'ai vu d'ailleurs prier à genoux et les mains jointes, courbé à terre, le visage<br />
recouvert de son capuchon. Bien souvent il soupirait, gémissait et je l'entendais dire assez souvent : «Mon Dieu, crée<br />
en moi un cœur pur et renouvelle en mon sein un esprit affermi». Il célébrait chaque jour à moins d'être recru de la<br />
fatigue d'un voyage ou retenu par la maladie.<br />
De vie bonne et de mœurs honnête dom <strong>Yves</strong> l'était aussi du fait qu'il se montrait humble dans sa manière de<br />
s'habiller et dans sa démarche. Il allait vêtu d'un surcot et d'une cotte, longs, sans boutons aux manches. L'étoffe en<br />
était très bon marché. On l'appelait «de Léonie». Elle coûtait au plus deux sous l'aune. Il portait des souliers hauts à<br />
courroies comme les Cisterciens, et il ne se déchaussait que pour les réparations indispensables. C'est ce que m'ont dit<br />
plusieurs pauvres qui vivaient en sa compagnie et couchaient dans sa maison. Quant aux noms de ces pauvres qui<br />
m'ont rapporté cela, il y avait Hamon Toulefflam et un certain Crabonec, et bien d'autres dont je ne me souviens plus.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était aussi un homme juste. Alors qu'il était l'official de la cour de l'évêque de Tréguier, au temps du<br />
Seigneur Alain Le Bruc et du seigneur Geoffroy de Tournemine, autrefois évêques de Tréguier, il s'acquittait avec<br />
bonté et justice de sa fonction, rendant justice aux pauvres et aux riches. Il entendait plus volontiers les pauvres que les<br />
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iches. Les parties en désaccord qui lui soumettaient leur litige, il faisait tous ses efforts pour les ramener à la paix et la<br />
concorde. J'ai vu et entendu plusieurs fois ces choses-là, étant donné que j'étais alors appariteur de ladite cour.<br />
De même il visitait les malades, surtout les pauvres, partout où il pouvait savoir qu'il y en avait. Je l'ai vu faire et je<br />
me suis trouvé plusieurs fois avec lui dans ces visites-là. Il compatissait aux veuves, aux orphelins, aux pauvres et aux<br />
autres personnes malheureuses, en les conseillant et en plaidant gratuitement pour elles. J'ai entendu et vu bien des fois<br />
plusieurs de ces gens, mais je me souviens plus de leurs noms : ils m'ont rapporté que dom <strong>Yves</strong> les aidait largement et<br />
pour rien.<br />
De même dom <strong>Yves</strong> fut un homme chaste. Si je le sais c'est que j'ai vécu en sa compagnie bien des fois. Jamais je<br />
n'ai pu percevoir ni parole ni action ni geste ni quoi que ce fût qui manifestât des signes de luxure, et pourtant moi qui<br />
vous parle j'ai été à la même époque extrêmement préoccupé de personnes qui vivaient dans la recherche des plaisirs<br />
défendus. Et puis, tout au cours de sa vie dom <strong>Yves</strong> fut considéré comme un homme chaste par tous ceux qui le<br />
connaissaient ; telle fut sa réputation. D'ailleurs, il convainquait d'erreur autant qu'il le pouvait les gens des deux sexes<br />
de quelque condition qu'ils fussent qui s'adonnaient à la luxure.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut aussi un homme de grande patience dans le support des adversités, des injures et des austérités. A<br />
plusieurs reprises Guillaume de Tournemine, alors trésorier de Tréguier et le clerc maître Jean Guérin, citoyen de<br />
Tréguier, insultèrent dom <strong>Yves</strong> dans l'église de Tréguier, et lui qui pourtant était né de race noble étant fils d'un<br />
damoiseau nommé Hélory, fils de Ganaret de Ker Martin, chevalier, ils le traitaient de rustre, de coquin, de truand, de<br />
gueux. Dom <strong>Yves</strong> supportait cela avec patience, et leur répondait en riant : «Que Dieu vous épargne d'être ce que vous<br />
dites !»<br />
Dom <strong>Yves</strong> aussi ensevelissait de ses propres mains, dans l'hôpital de la Bienheureuse Marie de Landreger à<br />
Tréguier les pauvres qui y mouraient, il les portait sur un brancard avec d'autres pour les ensevelir, et il leur donnait<br />
des suaires. J'ai vu cela bien des fois.<br />
Vous m'interrogez encore avec soin sur d'autres points. Je jure que je ne pourrais, aurais-je cent langues, dire<br />
comme il faudrait les bonnes œuvres que dom <strong>Yves</strong> accomplissait tout le temps qu'il vivait».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 9<br />
<strong>Yves</strong> Rachael, prêtre originaire de la ville de Tréguier, vicaire de l'église de Tréguier, âgé de 40 ans...<br />
«J'ai connu dom <strong>Yves</strong> durant les dix années qui ont précédé sa mort. Dom <strong>Yves</strong> est mort il y a eu 27 ans aux<br />
environs de la fête de l'Ascension du Seigneur. C'était un homme de vie bonne et de mœurs honnêtes. Il était en effet<br />
bon et compatissant, dépensant ses biens pour les pauvres et les nourrissant. J'ai vu dom <strong>Yves</strong> dans son manoir de Ker<br />
Martin : il m'y recevait, et beaucoup d'autres pauvres ; il nous faisait asseoir par terre, posait et dépliait une serviette<br />
sur une table basse, et alors seulement servait à tous les pauvres qui avaient pris place du pain grossier de méteil et<br />
tantôt des plantes potagères, tantôt des pois, tantôt des fèves, préparés avec sel et farine, et comme boisson de l'eau. Et<br />
quand on avait fini de manger il me donnait parfois du pain pour mon dîner. Je ne peux pas vous dire combien de fois<br />
j'ai vu cela, car je ne m'en souviens plus.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était aussi très assidu à célébrer la messe, il le faisait avec beaucoup de dévotion, très assidu aussi par<br />
ailleurs à la prière et à la prédication. Je l'ai vu souvent célébrer la messe dans l'église de Tréguier avec une grande<br />
dévotion, et prêcher au peuple la parole de Dieu avec une telle ferveur que beaucoup à l'écouter versaient parfois des<br />
larmes. Je l'ai vu prier à genoux, les mains l'une dans l'autre, courbe à terre, le visage recouvert de son capuchon.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était aussi un homme très humble et très affable. Il portait en effet un habit honnête et humble, je veux<br />
dire un long surcot et une cotte d'une grossière étoffe blanche de Léonie, de piètre qualité et bon marché ; les manches<br />
de sa cotte lui arrivaient au poing, et elles étaient fermées, mais sans boutons, comme les Prêcheurs ; il portait des<br />
souliers hauts et à courroies, à la manière des Prêcheurs ou des frères de l'ordre de Cîteaux. Quand il saluait ou qu'il<br />
parlait, il le faisait quel que fût celui à qui il s'adressait, avec beaucoup d'humilité et de respect, et son visage était<br />
joyeux et affable. J'ai vu et entendu ces choses-là bien des fois.<br />
J'ai la ferme conviction que dom <strong>Yves</strong> fut un homme chaste. Tous le considéraient ainsi, et le disaient, et telle était<br />
sa réputation partout durant sa vie.<br />
J'étais présent quand dom <strong>Yves</strong> reçut l'Extrême-Onction. Il la reçut avec beaucoup de respect et de dévotion. Sous<br />
ses regards, en face de lui, dans une fenêtre, il y avait une croix avec l'image du Crucifié. Il ne cessait de la regarder<br />
avec respect et dévotion. Il aidait celui qui lui administrait l'Extrême-Onction en disant les psaumes et en répondant<br />
aux autres prières. C'est dom Hamon Gorrec, alors vicaire de l'église de Tréguier, qui lui administra le sacrement, car<br />
dom <strong>Yves</strong> était de la paroisse de Tréguier et sur cette paroisse. Il y avait d'autres assistants : maître <strong>Yves</strong> Cognât, alors<br />
chanoine de Tréguier, dom Geoffroy de l'Abbaye, prêtre, et bien d'autres dont je ne me rappelle pas les noms.<br />
Dom <strong>Yves</strong> se trouvait par terre sur un lit de paille, étendu, habillé de sa cotte, recouvert jusqu'à la poitrine d'une<br />
courte-pointe pauvre et noire, et tenant son capuchon tiré sur sa tête. Cela se passait un samedi. Je crois" qu'il y a 27<br />
ans de cela, le samedi immédiatement après l'Ascension du Seigneur. Quant à l'heure, c'était aux alentours du<br />
crépuscule. Je vis dom <strong>Yves</strong> le lendemain avant le lever du soleil : il était mort. C'est dans la maison de Ker Martin<br />
que j'ai vu le lendemain dom <strong>Yves</strong> mort. C'est de là que ce même jour et pour ainsi dire à cette même heure on<br />
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transporta son corps à l'église de Tréguier. J'étais là, j'assistais, et je portais un cierge devant le corps. Il y avait une<br />
grande affluence de gens qui touchaient et baisaient avec une très grande dévotion les pieds et les mains du défunt».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 10<br />
Hervé Fichet, clerc, de Pommerit- Jaudy, diocèse de Tréguier, âgé de 80 ans...<br />
Je jure qu'il y a soixante ans environ que j'ai connu dom <strong>Yves</strong> à l'Université de Paris où dom <strong>Yves</strong> était d'abord<br />
étudiant es arts, et bientôt après je l'ai vu parfois argumenter, et par la suite je l'ai vu en ce même endroit de Paris<br />
écouter les Décrétales : il avait des mœurs bonnes et honnêtes. C'était dans le quartier parisien du Fouarre qu'il était<br />
étudiant es arts et qu'il argumentait. C'est dans le quartier du Clos-Bruneau que je l'ai vu écouter les Décrétales.<br />
Ensuite je l'ai connu et je l'ai vu Official de l'Archidiacre de Rennes et official du seigneur Alain Le Bruc, défunt<br />
évêque de Tréguier, à des époques différentes pourtant. Dans ces fonctions je l'ai vu rendre la justice à chacun. Il<br />
poussait ceux qui lui présentaient leurs différends à la paix et à la concorde, et il les y amenait.<br />
J'ai vécu plusieurs fois dans la compagnie habituelle de dom <strong>Yves</strong> à Tréguier et dans sa maison à Ker Martin. J'ai<br />
mangé et bu avec lui dans sa maison et ailleurs : maître <strong>Yves</strong> Hélory jeûnait tous les jours, et spécialement au pain et à<br />
l'eau trois jours par semaine, les mercredi, vendredi et samedi ; il ne mangeait les autres jours que du pain grossier et<br />
des plantes potagères ou bien des pois cuits et préparés avec seulement du sel ; et il se couchait tout habillé sur un lit<br />
fait d'un peu de paille, où il avait pour sa tête une pierre comme oreiller. J'ai vu cela plusieurs fois à Ker Martin. J'ai<br />
couché quant à moi une seule nuit à Ker Martin dans la maison de dom <strong>Yves</strong> Hélory, et j'y ai vu coucher cette même<br />
nuit, 19 pauvres, pour lesquels il a célébré la messe le lendemain dans sa chapelle. Après la messe, n'ayant pas de pain<br />
à leur donner, il a distribué à chacun une pleine écuelle de farine. Ce que je dis là, je l'ai vu et entendu. De même j'ai<br />
vu et visité dom <strong>Yves</strong> une dernière fois dans ce lieu de Ker Martin le vendredi avant son décès, et je l'ai vu dans son lit<br />
vêtu de ses habits, c'est-à-dire d'une cotte longue et d'un surcot talaire de grossier burell blanc et recouvert d'une vieille<br />
courte-pointe de pacotille. A ce qu'on m'a dit, dom <strong>Yves</strong> décéda le dimanche suivant. Je l'ai vu mort tout de suite après<br />
sur un brancard dans l'église de Tréguier. C'était aux environs de la fête de l'Ascension du Seigneur, soit avant, soit<br />
après, il y a, à ce que je crois, 27 ans environ de cela».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 11<br />
<strong>Yves</strong> Avispice qui fut autrefois de façon continue au service de dom <strong>Yves</strong> Hélory et qui maintenant vit en ermite dans<br />
un ermitage près de Guingamp, diocèse de Tréguier. Il est âgé de 60 ans...<br />
«Je jure que j'ai été au service de dom <strong>Yves</strong> pendant les douze années qui ont précédé sa mort. Je jure qu'il a jeûné<br />
au pain et à l'eau seulement, durant tout le carême pendant onze ans. Au carême de la douzième année, il prenait<br />
chaque jour un potage de fève, de pois ou de plantes potagères préparés avec du sel sans autre condiment, et du pain<br />
grossier de froment mêlé de seigle, et parfois du pain de seigle seulement, à l'exception des mercredis, vendredis et<br />
samedis de carême où il jeûnait au pain et à l'eau seulement. S'il n'a pas jeûné au pain et à l'eau durant le carême de<br />
cette douzième année, comme dans les onze années précédentes, c'est que j'avais été longtemps malade, que je l'étais<br />
encore et que je n'étais pas encore pleinement guéri. Or je ne voulais pas préparer du potage pour moi et pour les<br />
autres pauvres si dom <strong>Yves</strong> n'en mangeait pas. Ce motif, la compassion qu'il avait pour moi et pour les autres pauvres,<br />
l'amena à prendre du potage durant le carême les jours que j'ai dits. Pendant ces douze années, dom <strong>Yves</strong> jeûna au pain<br />
et à l'eau pendant tout l'Avent : il fit de même aux jeûnes des Quatre-Temps, aux vigiles de la Bienheureuse Marie et<br />
des apôtres et aux autres jeûnes institués par l'Eglise. Aux autres époques il jeûnait aussi au pain et à l'eau. Aux autres<br />
jours il prenait une seule fois dans la journée du pain et du potage, à l'exception des dimanches et des fêtes de Noël, de<br />
Pâques, de la Pentecôte, et de la Toussaint : il mangeait ces jours-là deux fois dans la journée du pain et du potage<br />
préparés comme j'ai dit.<br />
Dom <strong>Yves</strong> dormait à peine ou ne dormait pas du tout ni de jour ni de nuit, sauf à être exténué du travail de l'étude<br />
ou de la prière ou de la route au point de ne pouvoir veiller. Il dormait alors tout habillé, rarement déchaussé, par terre<br />
avec sous lui un peu de paille, et il avait sous sa tête en guise d'oreiller parfois un de ses livres avec une planche, et<br />
parfois une pierre. Il couchait ainsi chez lui à Ker Martin, près de Tréguier dans un grenier assez haut. Dans son<br />
presbytère de Louannec il se couchait de la même manière sur une claie faite de branches ou de bâtons noueux<br />
entrecroisés. Près de son lit de Ker Martin il avait une courte-pointe, pauvre et noire, dont il se couvrait pour étudier et<br />
dormir quand il faisait trop froid et pas autrement.<br />
Il était vêtu d'une cotte et d'un surcot longs, descendant jusqu'aux talons, faits de grossier burell blanc bon marché.<br />
Les manches de sa cotte étaient fermées et tombaient sur ses poings ; elles ne s'ornaient pas de boutons. La chemise<br />
était de grosse filasse. J'ai la conviction que dom <strong>Yves</strong> portait dessous un cilice. Il était chaussé de gros souliers à<br />
courroies, comme les Cisterciens. J'ai vu la belle-sœur de dom <strong>Yves</strong> laver sa chemise : je l'ai vue avant le lavage : elle<br />
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était couverte de poux, au point que l'aspect en était répugnant. Comme son trop vieil usage rendait cette chemise<br />
douce et lisse, dom <strong>Yves</strong> ne la remit pas une fois lavée, mais il en fit cadeau à un pauvre.<br />
Dom <strong>Yves</strong> faisait manger et coucher dans sa maison, des pauvres, des infirmes, des estropiés, des vieillards, des<br />
malades ; il leur versait de l'eau pour qu'ils se lavent les mains, et alors même qu'ils n'y tenaient pas. Il leur servait de<br />
ses propres mains, les meilleurs aliments qu'il pouvait avoir et il prenait avec eux la nourriture et la boisson qui lui<br />
étaient habituelles. Lui-même en personne faisait leurs lits ; il les couchait ; de même il aidait à transporter à leur<br />
sépulture les pauvres qui mouraient. J'ai vu et entendu ces choses-là bien des fois.<br />
Dom <strong>Yves</strong> célébrait dévotement la messe chaque jour, le matin, dans sa chapelle de Ker Martin sauf empêchement<br />
de maladie ou de défaillance physique. Souvent avant de célébrer la messe il se prosternait en prière devant l'autel de<br />
sa chapelle à genoux et les mains jointes. Dans de grands gémissements, des soupirs et des larmes il priait ainsi<br />
longuement, avec une telle dévotion que le plus souvent il arrosait de ses larmes ses vêtements sur sa poitrine. Dans<br />
ses messes également, après l'élévation du corps du Seigneur, il pleurait souvent très amèrement, il soupirait et<br />
gémissait. De la même manière il gémissait et pleurait assez souvent quand il voulait se mettre à prêcher la parole de<br />
Dieu. Je l'ai vu et entendu bien des fois.<br />
Je ne l'ai jamais entendu parler que pour dire une parole bonne et religieusement salutaire, et je ne l'ai jamais vu<br />
oisif. Bien au contraire, à chaque heure, ou bien il priait, ou bien il étudiait, ou bien il prêchait, ou il servait les<br />
pauvres, ou il visitait les malades, ou bien il travaillait à la paix et la concorde auprès des gens en procès, ou bien il<br />
pourvoyait aux besoins de sa propre personne ou bien il accomplissait d'autres bonnes œuvres. Je l'ai vu plusieurs fois<br />
pleurer les péchés de ceux qui se confessaient ou s'étaient confessés à lui, au point que bien souvent il amenait à<br />
pleurer les pécheurs eux-mêmes ; et il pleurait bien souvent sur les infirmités et les afflictions des infirmes et des<br />
affligés. J'ai vu cela à Ker-Martin et à Louannec et dans d'autres lieux dont j'ai complètement perdu le souvenir.<br />
Dans la semaine où dom <strong>Yves</strong> mourut (quel jour ? je ne m'en souviens plus), il célébra la messe avec beaucoup de<br />
dévotion en dépit de sa très grande faiblesse. Il versa au cours de cette messe des larmes abondantes ; après l'élévation<br />
du corps du Christ il poussa des soupirs et des gémissements autant qu'il est possible et cela presque le temps que dure<br />
une messe : j'étais témoin de cela, et comme moi assistaient Alain Le Bruc, défunt archidiacre de Tréguier, Thomas de<br />
Kerrimel, <strong>Yves</strong> Le Guernier, moines du monastère de la Bienheureuse Marie de Bégard, diocèse de Tréguier,<br />
maintenant décédés. Dom <strong>Yves</strong> était à ce point défaillant qu'il dut s'appuyer sur l'autel après l'évangile pour se reposer<br />
et que Thomas et d'autres assistants durent le soutenir.<br />
Dom <strong>Yves</strong> reçut l'Extrême-Onction avant sa mort. C'est Olivier Bruc, alors son serviteur, qui me l'a dit. Moi je ne<br />
l'ai pas vu, pour la raison que je n'étais pas là, mais je me trouvais à l'église de Louannec où m'avait envoyé dom <strong>Yves</strong>.<br />
Et je ne suis revenu de cette église qu'à la nouvelle de sa mort.<br />
Tout ce que j'ai dit est de notoriété publique à Tréguier et dans le diocèse de Tréguier et dans les autres lieux<br />
circonvoisins où dom <strong>Yves</strong> a vécu. Quant à ses bonnes œuvres je ne puis en témoigner ni m'en souvenir : il y en a une<br />
infinité».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 12<br />
Raoul Portier, clerc de Lanmeur, diocèse de Dol, âgé de 60 ans et plus...<br />
« Je jure que cela fait 40 ans ou environ que j'ai vu et connu dom <strong>Yves</strong> à l'Université de Paris ; il y étudiait la<br />
théologie et avait des mœurs honnêtes. Parmi ses compatriotes et les autres qui le connaissaient on disait<br />
communément qu'il ne couchait pas dans un lit mais par terre avec un peu de paille, alors qu'il avait un bon lit dans sa<br />
chambre, comme j'affirme l'avoir vu un jour. C'était courant d'entendre dire parmi ceux qui vivaient avec lui qu'il<br />
donnait à des pauvres la portion entière de viande qu'on lui servait à table. Je ne me souviens pas du tout des noms de<br />
ces compatriotes qui m'ont raconté cela. Et je ne me souviens pas dans quel quartier de Paris demeurait alors dom<br />
<strong>Yves</strong>. Je crois pourtant que c'était près de la maison des Hospitaliers.<br />
Il y a bien trente ans et plus que j'ai vu dom <strong>Yves</strong> official de Tréguier, à l'époque de Geoffroy de Tournemine,<br />
évêque de Tréguier. Je l'ai vu plusieurs fois dans cette fonction : il se comportait d'une manière sainte et juste, rendant<br />
à chacun une justice rapide. Entre moi d'un côté, et de l'autre côté Geoffroy de l'Ile et ma mère, il y avait un différend<br />
et un procès important concernant des biens meubles et immeubles. Dom <strong>Yves</strong> insistait auprès des parties pour qu'elles<br />
fissent entre elles la paix par arrangement amiable. Mais le plus souvent Geoffroy n'en voulait pas. Enfin un jour (je ne<br />
me rappelle pas quel jour) dom <strong>Yves</strong> dit aux plaignants qu'il voulait célébrer la messe, et qu'ils eussent à attendre que<br />
la messe fût achevée, car il avait dans le Seigneur espoir et confiance qu'ils aboutiraient après la messe, à la paix et à la<br />
concorde. Enfin sa messe dite, dom <strong>Yves</strong> revint aux plaignants ; et notre Geoffroy, qui s'opposait beaucoup avant la<br />
messe à la paix et à la concorde, y fut amené par les saintes prières de dom <strong>Yves</strong>, c'est ce que je crois, et il offrit de<br />
s'en tenir sur les points litigieux à l'arbitrage et à la décision de dom <strong>Yves</strong> quelle qu'elle fût. Par la suite dom <strong>Yves</strong> mit<br />
entre les parties bonne paix et concorde et donna à ce procès une fin qui donnait satisfaction à chacune des parties.<br />
J'ai vu dom <strong>Yves</strong> plusieurs fois et dans plusieurs endroits prêcher au grand jour et publiquement au peuple la parole<br />
de Dieu, dire ses messes avec dévotion, faire aux pauvres de larges aumônes, mener une vie dure et austère dans le<br />
coucher, le manger et le boire, par exemple en couchant à Ker Martin tout habillé par terre avec sous lui un peu de<br />
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paille, en mangeant du pain grossier de seigle et des plantes potagères avec du sel sans autre condiment, et en buvant<br />
de l'eau fraîche.<br />
J'ai vu un jour, je ne sais plus quel jour, mais c'était autour de la fête du Bienheureux Jean Baptiste, il y a trente ans<br />
et plus, le capitaine d'un grand navire de Normandie et ses compagnons venir trouver dom <strong>Yves</strong> à Ker Martin et lui<br />
donner huit sous ou environ de monnaie de Bretagne, à ce que je crois ; ils se recommandèrent avec beaucoup de<br />
dévotion et d'affection à ses prières, et ils semblaient avoir en elles, et ils le disaient, une grande confiance à cause de<br />
sa sainteté. Dom <strong>Yves</strong> employa sur le champ toute la somme à acheter du pain, qu'il distribua ensuite à des pauvres, en<br />
ma présence et en présence des marins.<br />
J'ai vu de même au presbytère de Trédrez, église dont dom <strong>Yves</strong> fut le recteur, il y a de cela trente ans et plus, un<br />
jour, je ne sais plus quel jour, mais c'était aux environs de la fête des Rogations, dom <strong>Yves</strong> distribuer à une foule de<br />
pauvres de grandes aumônes à partir d'un petit nombre de pains. C'est par miracle, et non d'autre manière, que ces<br />
pains suffirent, telle est ma conviction, je l'affirme. Il ne pouvait y avoir que pour sept ou huit sous de pain, et une<br />
grande disette sévissait alors dans la région. Et pourtant ils étaient là, je le crois, plus de deux cents pauvres qui<br />
reçurent de ce pain en aumônes. Assistaient à cela dom <strong>Yves</strong>, moi et le vicaire de dom <strong>Yves</strong> dont j'ai oublié le nom.<br />
Ce sont là des faits qui montrent la sainteté de vie de dom <strong>Yves</strong>. Il y en a beaucoup d'autres. Tout cela est de<br />
notoriété publique à Tréguier, dans le diocèse de Tréguier et dans toute la Bretagne ».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 13<br />
Geoffroy de l'Ile, paroissien de Plougasnou, diocèse de Tréguier, âgé de 78 ans...<br />
« Je jure avoir connu dom <strong>Yves</strong> sur une durée de douze ans avant sa mort. Il fut un homme de bonne réputation, de<br />
vie sainte et de mœurs honnêtes.<br />
Quand dom <strong>Yves</strong> était official de Tréguier, il rendait à chacun, pauvre ou riche, rapide justice, sans aucune<br />
acception de personne, et ceux qui lui présentaient leurs différends ou leurs procès il les ramenait autant qu'il le<br />
pouvait à la concorde. Il est arrivé que j'avais depuis longtemps un procès avec maître Raoul Portier, clerc de<br />
Lanmeur, du diocèse de Dol, et Jacques, son frère, lesquels étaient fils de ma femme. Et personne ne pouvait arriver à<br />
nous mettre d'accord. Or un jour, moi et ma femme, et les fils de ma femme, nous nous trouvions dans l'église de<br />
Tréguier. Dom <strong>Yves</strong> me dit à peu près ceci : «Geoffroy, pour l'amour de Dieu, faites la paix, vous et votre femme,<br />
avec les fils de votre femme ; car, moi, si cela vous agrée, je réglerai les choses à l'amiable entre eux et vous». Et j'ai<br />
répondu ceci en substance à dom <strong>Yves</strong> : «Nous ne voulons d'autre paix que celle que nous donneront le droit et la<br />
justice». Dom <strong>Yves</strong> nous répondit alors, à moi et à mon épouse : «Attendez que je revienne vous trouver, car je vais<br />
célébrer la messe du Saint- Esprit et demander à Dieu de pouvoir restaurer entre vous des accords de paix». Dom <strong>Yves</strong><br />
célébra cette messe, et revint nous trouver tous les deux, et nous ne pûmes d'aucune façon nous opposer à sa volonté.<br />
Bien plus nous lui dîmes : «Messire, pour ce qui est du différend qui nous concerne, faites absolument ce que vous<br />
voulez». Il m'apparut que les prières de dom <strong>Yves</strong> avaient changé nos dispositions intérieures et que Dieu voulait faire<br />
la paix entre nous sur cette affaire par dom <strong>Yves</strong>. C'était évident pour moi : <strong>Yves</strong> en effet disait qu'il demandait à Dieu<br />
d'arriver à mettre la paix entre nous, et moi auparavant je n'avais pas voulu y consentir. C'était dom <strong>Yves</strong> qui avait<br />
alors rétabli totalement la paix entre les plaignants que nous étions.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme d'une grande bonté envers les pauvres. Tout ce qu'il pouvait avoir provenant des biens de<br />
son église ou de ceux de son patrimoine, il le distribuait aux pauvres. Les pauvres eux-mêmes il les recevait avec joie,<br />
toutes les fois qu'ils faisaient un détour vers son «hôtellerie», et il leur servait les choses nécessaires le mieux qu'il<br />
pouvait. Je sais cela, car telle était à ce sujet la rumeur publique, quand il vivait et jusqu'à ce moment, à Tréguier et<br />
dans le diocèse de Tréguier.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était d'une grande austérité pour lui-même ; il châtiait son corps par des jeûnes et des abstinences ; il se<br />
nourrissait de pain grossier de seigle et de plantes potagères et se servait d'eau fraîche comme boisson. J'ai eu plusieurs<br />
fois moi-même l'occasion de le voir vivre ainsi. Aussi longtemps que je l'ai vu il ne mangeait qu'une fois par jour. Je<br />
l'ai vu jeûner de cette façon-là dans ma propre maison pendant trois jours et je crois qu'il le faisait aussi ailleurs. Je le<br />
crois parce que le fait était de notoriété publique, dans les lieux que j'ai dits.<br />
Dom <strong>Yves</strong> se consacrait aux œuvres de la bonté et de la charité du Christ en secourant des pauvres de toutes les<br />
façons qu'il pouvait. Il célébrait chaque jour, à moins d'empêchement, et il s'adonnait d'une manière quasi permanente<br />
à la prière et à la prédication. Je l'ai vu et entendu plusieurs fois célébrer, et fréquemment prier, et prêcher au peuple<br />
publiquement la parole de Dieu, et toujours et partout je l'ai vu occupé à de bonnes œuvres. Toutes les bonnes œuvres<br />
qu'il pouvait faire, il les faisait. J'ai vu et entendu ces choses-là bien des fois et j'ai la ferme conviction qu'il vivait ainsi<br />
tout le temps. Telle était d'ailleurs la rumeur publique. Et pour faire ces dépositions en réponse à vos interrogations je<br />
n'ai pas été suborné ».<br />
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… / …<br />
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TEMOIN 14<br />
Frère Guillaume Roland, religieux de l'Ordre des Frères Mineurs, du couvent de Guingamp, âgé de 60 ans...<br />
« Je jure qu'il y a 32 ans que j'ai connu dom <strong>Yves</strong>, avant mon entrée en religion. J'ai vécu parfois avec lui à Ker<br />
Martin, en Tréguier, et à Louannec. J'ai entendu parler de lui avant de le connaître. C'était un jour, je ne sais plus<br />
lequel. Alors j'ai voulu le voir, et je m'y suis beaucoup efforcé. C'est à Louannec que je suis allé le trouver. Là je me<br />
suis confessé à lui de mes péchés. Après cette confession, les saintes monitions de dom <strong>Yves</strong> ont fait naître en moi de<br />
tels sentiments de repentir et de dévotion que je me suis mis à pleurer mes péchés amèrement, et j'ai commencé à<br />
aimer dom <strong>Yves</strong> et à m'appliquer le plus possible à suivre ses traces. A partir de là pendant deux ans je lui ai fait de<br />
fréquentes visites à Ker Martin et à Tréguier. Un jour, je ne sais plus lequel, j'ai sollicité dom <strong>Yves</strong> pour qu'il me<br />
conseille sur la manière la plus sûre et la meilleure de sauver mon âme, et il m'a conseillé. Autant qu'il a pu il m'a<br />
poussé à entrer dans l'Ordre des Frères Mineurs, ce que j'ai fait.<br />
Bien des fois à Ker Martin j'ai constaté que dom <strong>Yves</strong> ne mangeait qu'une fois par jour et qu'avec lui mangeaient à<br />
la même table nombre de pauvres, de boiteux, d'aveugles, de malades et d'estropiés assis par terre. J'ai vu que dom<br />
<strong>Yves</strong> ne mangeait que du pain grossier, des pois ou des fèves ou des plantes potagères apprêtés avec du sel et sans<br />
autre condiment, et qu'il ne buvait pas de vin, mais seulement de l'eau fraîche, et il buvait dans la tasse dont se<br />
servaient les pauvres, ses commensaux. Tout en mangeant il parlait constamment de Dieu. Le vendredi il jeûnait au<br />
pain et à l'eau. Il couchait par terre, avec, sous lui, un peu de paille ; il dormait habille et chaussé ; en guise d'oreiller, il<br />
avait pour sa tête son livre des Décrets et une planche. Je l'ai vu revêtu d'un surcot et d'une cotte talaire d'une étoffe<br />
blanche bon marché de kordet ou burell ; il portait aux pieds des souliers à courroies comme en portent les moines<br />
blancs et les Cisterciens. Je ne l'ai pas vu aller vêtu autrement.<br />
Je l'ai vu et entendu bien des fois célébrer des messes avec une très grande dévotion, et par ailleurs prier les mains<br />
jointes, à genoux, incliné à terre, le visage couvert de son capuchon. Je l'ai vu bien des fois et dans bien des lieux<br />
prêcher la parole de Dieu ouvertement et publiquement, je veux dire à Tréguier, La Roche-Derrien, Pleubian et<br />
Louannec.<br />
Je l'ai vu Official de Tréguier. Dans cette fonction il se comportait selon le bien et la justice, rendant à chacun une<br />
prompte justice. Il aidait les pauvres, les orphelins, les veuves et les autres malheureuses personnes dans leur droit ; il<br />
plaidait pour eux volontiers et gratuitement, même sans y être prié.<br />
Ce que j'ai dit là est de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier et dans bien d'autres localités. On<br />
dit partout de lui qu'il est en paradis en raison de la vie de bien qu'il a menée et à cause des miracles fréquents et très<br />
manifestes que le Seigneur accomplit à Tréguier et ailleurs d'une manière continue et admirable à l'invocation de son<br />
nom. Tout cela est de notoriété publique. C'est en effet ce que tout le monde dit dans le pays ».<br />
<strong>Yves</strong> Bidal, de la ville de Tréguier, âgé de 50 ans...<br />
TEMOIN 15<br />
« Je jure que j'ai connu dom <strong>Yves</strong> il y a quarante ans. C'était un homme de vie bonne et sainte et de mœurs<br />
honnêtes. C'est ainsi qu'on le considérait et telle était sa réputation quand il vivait et jusqu'à maintenant, dans la ville et<br />
le diocèse de Tréguier et dans la Bretagne tout entière. J'ai vu plus d'une fois dom <strong>Yves</strong> faire des aumônes aux pauvres<br />
et leur subvenir sans distinction dans leurs nécessités ; je l'ai vu célébrer des messes ; je l'ai vu et entendu bien des fois<br />
prêcher en public la parole de Dieu. Sa démarche était humble. Il accomplissait toutes sortes d'œuvres bonnes et<br />
saintes. Tout cela est de notoriété publique, car c'est ce que tout le monde rapporte ».<br />
TEMOIN 16<br />
Noble dame Typhaine de Pestivien, épouse de noble homme seigneur Alain de Keranraef, chevalier, paroissien de<br />
Saint Michel en Grève, diocèse de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
« Je jure que j'ai connu dom <strong>Yves</strong> huit bonnes années durant, ces années qui ont précédé sa mort. Je l'ai vu<br />
plusieurs fois à Pestivien, à Glomel, à Guézec, diocèse de Quimper. A cette époque-là il était le confesseur de dame<br />
Constance de Roscavel, ma mère. Ce fut un homme de vie bonne et de mœurs honnêtes. Il jeûnait en effet tous les<br />
jours, excepté les dimanches, et parfois, ces dimanches-là, mais rarement, il dînait à l'invitation pressante de dame<br />
Constance, et c'était alors au pain et à l'eau seulement. Le mercredi, le vendredi et le samedi et durant tout le carême il<br />
jeûnait au pain et à l'eau. Les autres jours il ne mangeait que du pain grossier de seigle et des plantes potagères<br />
préparées au sel, et il buvait de l'eau. Je l'ai vu bien des fois dans les lieux que j'ai nommés supporter ainsi l'abstinence.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme très humble dans son habillement et dans son maintien. Il pouvait en effet, s'il le voulait,<br />
se procurer des vêtements bons et honorables ; il ne se souciait pourtant pas d'en porter. Bien au contraire, il allait vêtu<br />
d'un long surcot et d'une cotte talaire aux larges manches allant jusqu'aux poignets, comme les religieux, sans boutons,<br />
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d'une étoffe blanche bon marché qu'on appelle burell ou kordet ; il avait aux pieds des souliers hauts à courroies<br />
comme les frères de l'ordre de Cîteaux. C'est ainsi que je l'ai vu plus d'une fois.<br />
Il ne prononçait que des paroles de bien et salut, et ne se mettait jamais en colère, mais il s'avançait et faisait toutes<br />
choses avec un visage bienveillant et joyeux. Je l'ai vu et entendu bien des fois à l'époque et dans les lieux que j'ai dits,<br />
et au manoir de Coatredans du seigneur Alain.<br />
J'ai vu dom <strong>Yves</strong> alors qu'il était official de Tréguier du temps du seigneur Alain Le Bruc, évêque de Tréguier. Il se<br />
comporta dans cette fonction d'une manière juste et honnête, rendant à quiconque avait un procès devant lui et quel<br />
qu'il fût une prompte justice ; il ramenait les plaignants à la paix et à la concorde dans la mesure de ses moyens. C'est<br />
ce que j'ai entendu dire à tous. Il demandait en justice en faveur des pauvres, des veuves, des orphelins et des autres<br />
malheureuses personnes, et cela gratuitement et de sa propre initiative, et il aidait ce genre de personnes autant qu'il le<br />
pouvait. Tout le monde disait cela quand il vivait, et on le dit encore. Beaucoup de gens, dont j'ai oublié les noms,<br />
m'ont dit ceci plus d'une fois, quand je demeurais au manoir de Troquéry près de Ker Martin : dom <strong>Yves</strong> était l'official<br />
de l'évêque de Tréguier, et il avait reçu de lui de bons habits fourrés ; il distribua à des pauvres les fourrures de ces<br />
habits et les porta sans leurs fourrures, laissant croire qu'il s'en était fait autre chose.<br />
Tous les aliments que dom <strong>Yves</strong> recevait et qu'on lui portait à table, il faisait semblant d'en manger, mais en réalité<br />
il ne mangeait que le pain et les légumes comme je l'ai dit ; les autres mets il les déposait par morceaux parmi les<br />
restes. J'ai vu cela bien des fois aux endroits que j'ai cités, et pour l'observer j'ai fait plusieurs fois bien attention.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était très assidu aux prières, et très dévot. Je l'ai vu et entendu de nombreuses fois dans les endroits que<br />
j'ai dits, où il célébrait chaque jour quand il y résidait. Avant et après ses messes il s'attardait à prier à genoux, avec<br />
une dévotion et une contrition qui me paraissaient très grandes.<br />
Je l'ai vu et entendu plus d'une fois prêcher en public la parole de Dieu dans l'église de Tréguier et dans bien<br />
d'autres lieux que je ne me rappelle plus.<br />
Tout ce qu'il avait ou pouvait avoir, soit vivres soit vêtements, il le distribuait aux pauvres. Je l'ai vu plusieurs fois<br />
distribuer aux pauvres des aumônes de ce genre. Et d'ailleurs, partout où il a vécu, à Tréguier et dans le diocèse de<br />
Tréguier et dans les lieux de circonvoisins, cela fut, était et est de notoriété publique.<br />
J'ai entendu dire un jour à Maurice du Mont, serviteur «lettré» décédé, que se trouvant avec dom <strong>Yves</strong> dans une<br />
chambre d'une bourgade appelée Landeiau, lui, le serviteur, dormait dans son lit et croyait que dom <strong>Yves</strong> y dormait<br />
aussi. Par trois fois il entendit une voix : « Lève-toi, disait-elle, car le bienheureux est couché dans une pierre ». A ces<br />
mots, tiré de son sommeil, le serviteur chercha à tâtons près de lui ; il ne put trouver dom <strong>Yves</strong>. Vite il se leva, et le<br />
hasard fit qu'il arriva auprès de la pierre creuse où saint Elau avait fait pénitence durant sa vie. Il y trouva dom <strong>Yves</strong> en<br />
train de dormir.<br />
Plusieurs fois ma mère, dame Constance, et moi-même eûmes beau faire préparer un bon lit pour dom <strong>Yves</strong>, il<br />
couchait par terre, tout habillé et chaussé, j'en ai la ferme conviction, avec sous lui un peu de paille. Je le crois pour<br />
avoir toujours retrouvé son lit dans l'état où on l'avait laissé.<br />
Dom <strong>Yves</strong> portait à même la peau une chemise faite de très grossières filasses. Je me suis trouvée à sa sépulture, et<br />
quand il mourut on le trouva vêtu de cette chemise. J'en ai eu un morceau, et aussi un bout de sa ceinture qui était faite<br />
d'une cordelette de laine : je garde ces choses-là et j'en prends un soin respectueux comme de reliques, car cet homme<br />
vertueux est un saint.<br />
Tandis que le corps de dom <strong>Yves</strong> se trouvait sur un brancard dans l'église de Tréguier, une foule nombreuse de<br />
peuple, hommes et femmes, touchait et baisait sa dépouille, à laquelle on faisait toucher parures et anneaux et autres<br />
ornements, car on croyait, sans l'ombre d'un doute, que dom <strong>Yves</strong> serait saint vu ses mérites.<br />
C'était à Coatredrez, dans notre manoir, à mon mari et à moi, dans les trois semaines qui ont précédé sa mort, que<br />
dom <strong>Yves</strong> me dit : «II n'y a pas longtemps j'ai été malade et j ai cru mourir. Je le désire beaucoup, pourvu que cela<br />
plaise à Dieu» - «Ce ne serait pas avantageux pour moi, lui dis-je, et pour beaucoup d'autres. Car nous trouvons dans<br />
votre vie et dans vos enseignements un grand profit» - «Vous-même ou qui que ce soit d'autre, me repondit-il, vous<br />
vous réjouiriez si vous aviez remporté une victoire sur votre adversaire ou sur votre ennemi. De même je suis heureux<br />
de mourir, car je crois que par la grâce de Dieu, j'ai soumis mon ennemi».<br />
Ce que j'ai déposé est de notoriété publique...»<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 17<br />
Alain de La Roche Hugon, damoiseau, âgé de 60 ans et plus, paroissien de Trézélan, diocèse de Tréguier.<br />
« J'ai vu et connu dom <strong>Yves</strong> pendant les quinze années ou environ qui ont précédé sa mort. Tout d'abord je l'ai vu<br />
quand il était l'official de l'Archidiacre de Rennes. Alors que Guillaume de Tournemine, mon suzerain, et moi-même,<br />
traversions la ville de Rennes, l'archidiacre invita le seigneur Guillaume. Nous nous trouvions, le seigneur Guillaume<br />
et moi, dans la maison de l'Archidiacre et les familiers de l'Archidiacre me conduisirent à l'endroit où couchait dom<br />
<strong>Yves</strong>, et me montrèrent le lit sur lequel il s'étendait, me disant : «Voilà le lit où couche maître <strong>Yves</strong>, notre<br />
compatriote». Ils découvrirent le lit d'un côté : il y avait là des fragments ou copeaux de bois et par-dessus un petit peu<br />
de paille avec une couverture de chanvre de peu de valeur.<br />
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Par la suite dom <strong>Yves</strong> se démit de sa fonction d'official et vint chez lui dans son diocèse d'origine à Tréguier.<br />
Aussitôt le seigneur Alain Le Bruc, alors évêque de Tréguier l'appela comme conseiller. C'est alors que pendant dix<br />
ans ou environ, à ce qu'il me semble, nous nous fréquentâmes dom <strong>Yves</strong> et moi. Je vis qu'il changea d'habit et prit un<br />
surcot et une cotte d une etotte grossière blanche appelée burell, étoffe dont il se servit pendant la période évoquée et<br />
jusqu’à sa mort. On racontait que sous sa cotte il portait un cilice, mais je ne l'ai pas vu. Dom <strong>Yves</strong> ne permettait ni à<br />
moi ni à personne d'autre de voir cela.<br />
Pendant la période où je fus près de lui, dom <strong>Yves</strong> mangeait une fois par jour ; il usait de pain grossier de seigle,<br />
communément et plus volontiers que de pain blanc ; il ne prenait pas de bon cœur du potage où l'on avait fait cuire des<br />
viandes. Dans son église paroissiale appelée Louannec il avait un endroit et un lit pour se coucher. Je les ai vus. Il y<br />
avait là un peu de paille et une courte-pointe de chanvre ou de lin de peu de valeur, et comme oreiller pour sa tête une<br />
grosse pierre. Et j'ai entendu dire qu'il couchait de la même façon dans sa maison natale.<br />
J'ai vu et entendu dom <strong>Yves</strong> prêcher souvent, vraiment souvent. Et j'ai entendu dire qu'en un seul et même jour il<br />
prêchait dans deux, trois et parfois quatre églises aux parroissiens de ces églises en public, la parole de Dieu, et il était<br />
si agréable au peuple dans ses sermons et ses prédications que lorsqu'ils l'avaient écouté prêcher et qu'ils entendaient<br />
dire ou comprenaient qu’il allait prêcher ailleurs, une grande partie de ses auditeurs le suivaient pour l'entendre encore.<br />
J ai vu cela plusieurs fois. Pour un seul qui allait écouter les sermons d'un autre, fut-il evêque, ils étaient vingt ou<br />
trente ou environ au sermon de dom <strong>Yves</strong>. Cela est de notoriété publique, comme aussi le fait qu'il était prodigue<br />
d'aumônes, et que tout ce qu'il avait ou pouvait avoir tant de son patrimoine que de son église, il le distribuait aux<br />
pauvres d'une façon ou d une autre, et qu’il donnait l'hospitalité, et que Jésus-Christ opère beaucoup de miracles en<br />
raison de ses mentes.<br />
Le seigneur Geoffroy de Tournemine, de bonne mémoire, défunt évêque de Tréguier, visita dom <strong>Yves</strong> au cours de<br />
la maladie dont ce dernier mourut, et cet évêque me dit, ainsi qu'a plusieurs autres, que, dom <strong>Yves</strong> étant gravement<br />
malade, il était allé le voir et qu'il l'aval trouve tout habillé sur son lit, lequel lit lui paraissait de vraiment piètre qualité<br />
; à son avis il n y avait là que de la paille et une couverture de très mauvaise qualité. Aux reproches de l'eveque lui<br />
disant qu'il était mal, dom <strong>Yves</strong> répondit qu'il résistait mieux comme cela qu'il ne ferait autrement».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 18<br />
Guillaume Pierre, vicaire perpétuel dans l'église de Tréguier, âgé de 50 ans...<br />
« J'ai vu et connu dom <strong>Yves</strong>, et j'ai vécu avec lui deux ans ou environ à Orléans, à l'Université, et nous partagions<br />
la même chambre, rue Malhetz. Il commençait déjà à vivre dans l'abstinence. Ses compagnons mangeaient en effet<br />
parfois de la viande et buvaient du vin ; lui, non. A cette époque-là, il jeûnait aussi le vendredi. Non, je n'ai pas<br />
entendu dire qu'il mangeât de la viande ou bût du vin. Il avait alors 23 ans ou environ. Il allait avec plaisir aux messes<br />
et aux sermons, et disait communément les matines et les laudes de la Bienheureuse Marie. Etant donné que j'allais<br />
continuellement avec lui, j'ai vu et entendu cela. Je ne l'ai jamais vu se brouiller avec ses compagnons, ni jurer par<br />
Dieu ou ses saints, ni proférer quelque parole déshonnête. Jamais non plus je n'ai vu en lui quelque signe d'un manque<br />
de chasteté. Bien au contraire je crois qu'il fut chaste et pur.<br />
A l'époque où dom <strong>Yves</strong> était l'official de l'évêque de Tréguier, Alain Le Bruc, tout ce qui provenait de<br />
l'émolument que lui valait sa part du sceau, et même de ses autres biens il le distribuait aux pauvres. Je l'ai vu<br />
fréquemment recevoir de l'argent pour le sceau. A peine l'avait-il touché qu'il le donnait aux pauvres. Il se comportait<br />
d'une façon bonne et juste dans l'exercice de son officialat : c'était alors l'avis de tout le monde, et c'est toujours de<br />
notoriété publique. J'ajoute qu'il établissait souvent la paix et s'efforçait de ramener à la concorde, selon ses<br />
possibilités, les parties qui engageaient un procès devant lui. J'ai vu et entendu cela plusieurs fois, et cela se disait en<br />
public.<br />
C'est au cours des seize années qui précédèrent sa mort qu'il changea du tout au tout son mode de vie. Il fit choix<br />
d'un habit : c'était une cotte et un surcot d'une étoffe grossière blanche qu'on appelle burell. Il le fit, à mon avis, pour<br />
servir Dieu d'une manière plus humble. De plus il portait un cilice. Une fois mon maître, <strong>Yves</strong> Casin, alors official de<br />
Tréguier, alla faire visite à dom <strong>Yves</strong> qui était malade dans son manoir de Ker Martin. Le seigneur official posa sa<br />
main sur la poitrine de dom <strong>Yves</strong> pour le palper, comme on le fait habituellement aux malades. C'est alors qu'il vit, par<br />
l'ouverture du col, le cilice que dom <strong>Yves</strong> portait à même la peau. C'est comme cela que j'ai su qu'il portait un cilice. Je<br />
l'ai vu moi aussi alors couché à ce même endroit revêtu de sa cotte et de son surcot malgré sa maladie. Le lit se<br />
composait d'un peu de paille et d'une petite courte-pointe bon marché. Je l'ai vu plus d'une fois ainsi couché.<br />
Une foule de pauvres le suivaient pour les aumônes qu'il leur faisait. J'ai vu cela très fréquemment. Je l'ai vu<br />
manger à Ker Martin, et les pauvres tout autour de lui, auxquels il servait de ses propres mains fèves et pois, tandis que<br />
lui-même près d'eux mangeait du pain grossier et se contentait de boire de l'eau. Une fois je l'ai vu manger avec la<br />
prieure de Pleubian qui s'appelait Gervaise ; et bien qu'on lui eût apporté viandes et vin et autres mets qu'il feignait de<br />
manger, en réalité il ne prenait que du pain et de l'eau. J'étais là, et je le voyais se servir en viandes et les déposer<br />
parmi les autres restes de la table. Je voyais aussi qu'il prenait de l'eau à un « pichet » et qu'il la buvait.<br />
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Une fois, qu'il venait de son église de Louannec pour allez chez lui, il enleva sa cotte et la donna à un pauvre, et il<br />
resta en surcot et «blanchet», avec la chemise de chanvre qu'il portait sous sa cotte. J'ai vu le pauvre en question qui<br />
pleurait de joie près de dom <strong>Yves</strong>. Il portait la fameuse cotte, disant qu'il l'avait reçue de dom <strong>Yves</strong>, et dom <strong>Yves</strong> était<br />
là en petit appareil de chemise et de surcot. Moi je revenais d'une église qu'on appelle Pleumeur-Bodou où j'étais<br />
chapelain.<br />
Je l'ai vu et entendu bien des fois prêcher la parole de Dieu, parfois dans plusieurs églises le même jour. Au cours<br />
des quatre années ou environ qui ont précédé sa mort, je l'ai vu un dimanche prêcher dans l'église de Pleubian, puis<br />
dans celle de Pleumeur-Gautier, ensuite j'ai entendu dire, et je le crois fermement, qu'il a prêché ce jour-là dans l'église<br />
de Trédarzec. Il se rendait à pied d'une église à une autre. J'ai vu cela. Et c'était et c'est de notoriété publique qu'il<br />
prêchait souvent dans plusieurs églises un même jour.<br />
Dom <strong>Yves</strong> visitait les malades retenus au lit par leurs maladies, qu'ils fussent pauvres ou riches. Il est venu me voir<br />
quand j'étais malade, et je l'ai vu bien des fois en visiter d'autres, tant à l'Hôtel-Dieu de Tréguier que dans les maisons<br />
particulières.<br />
Au cours de la maladie dont il est mort, j'ai vu dom <strong>Yves</strong>, un lundi, dans sa propriété de Ker Martin. Il y avait<br />
présent le seigneur Geoffroy de Tournemine, alors évêque de Tréguier, avec plusieurs personnes, tant chanoines de<br />
son église qu'autres gens. Dom <strong>Yves</strong> était dans sa cotte, sur le lit que j'ai décrit. Cela se passait il y a 27 ans ou<br />
environ.<br />
Ce que j'ai dit est de notoriété publique dans tout le pays, dans toute la Bretagne, et dans les autres lieux<br />
circonvoisins. Je veux dire par là que c'est ce qu'on entend dire par tout le monde, communément et partout».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 19<br />
Le frère Pierre, religieux, abbé du monastère de Bégard, de l'ordre de Cîteaux, au diocèse de Tréguier, âgé de 50<br />
ans...<br />
« J'ai vu dom <strong>Yves</strong> au cours des quinze années qui ont précédé sa mort. C'était un homme de vie bonne et de<br />
mœurs honnêtes. J'ai vécu en sa compagnie plus d'une fois dans son manoir de Ker Martin. C'était un homme d'une<br />
grande chasteté : jamais en effet je n'ai vu chez lui le moindre indice contraire à la chasteté, ni entendu non plus. Le<br />
fait était de notoriété publique dans le pays.<br />
Il était à l'égard de lui-même d'une grande austérité. Je me suis trouvé bien des fois dans sa propriété de Ker Martin<br />
avant d'entrer en religion, et par la suite parfois l'équivalent d'un bon mois. J'ai mangé avec lui à sa table : il se<br />
nourrissait alors de pain grossier et de plantes potagères salées sans autre condiment, il buvait de l'eau fraîche. Il ne<br />
mangeait qu'une seule fois par jour, sauf les dimanches. Il mangeait alors deux fois, mais peu. Il n'allait se coucher<br />
qu'accablé de sommeil. Il s'allongeait alors par terre avec sous lui un peu de paille. Il y avait toutefois dans sa chambre<br />
une courte-pointe bon marché, mais j'ignore s'il s'en couvrait, car il fermait la chambre.<br />
Il était d'une grande bonté envers les pauvres. J'en ai vu plus d'une fois à Ker Martin, que dom <strong>Yves</strong> servait de ses<br />
propres mains, et il leur distribuait du pain, du blé et ce qu'il avait d'autre. Quel que fût le jour, les pauvres mangeaient<br />
autour de lui, et il leur servait en personne de ses propres mains pain et plantes potagères et autres choses. Il avait une<br />
maison pour recevoir les pauvres la nuit, et en hiver il y faisait faire du feu. C'était là qu'il les visitait et leur prêchait la<br />
parole de Dieu.<br />
C'était un homme d'une grande humilité à la fois intérieurement, de cœur, et extérieurement dans son habit et son<br />
comportement. J'ai vécu avec lui, comme je vous l'ai dit, et jamais je n'ai vu chez lui que des signes et des paroles<br />
d'humilité. Dom <strong>Yves</strong> était venu un jour faire visite à des pauvres, des pèlerins, dans cette maison faite pour eux, et je<br />
m'y trouvais. Et il y avait là un pauvre qui allait, disait-il, à <strong>St</strong> Jacques ou aux Sept Saints de Bretagne, je ne me<br />
rappelle plus bien. «Tu as donc de bons souliers, lui dit dom <strong>Yves</strong>». - «Bien vrai, lui dit le pauvre, s'ils étaient<br />
graissés». Dom <strong>Yves</strong> fit apporter de la graisse, et le pauvre voulut les graisser, mais, sous mes yeux, dom <strong>Yves</strong> les<br />
graissa de ses mains.<br />
C'est par esprit d'humilité qu'il portait un long surcot d'une grossière étoffe blanche qu'on appelle burell et qui ne<br />
coûte pas cher, avec une cotte à grandes manches sans boutons comme en portent les religieux, et un capuchon de<br />
même couleur. Il était plein de poux. J'ai voulu plus d'une fois les lui enlever, mais il ne laissait pas faire. Il marchait<br />
d'une démarche humble, les yeux baissés vers le sol, et le capuchon légèrement rabattu. Il s'est vêtu de cette façon-là<br />
pendant quinze ans ou plus avant sa mort.<br />
Il possédait à un haut degré la vertu de justice et celle de patience. Jamais je ne l'ai vu troublé ou prononcer des<br />
paroles manifestant une âme troublée. Je me souviens d'une femme qui demandait un jeune homme en mariage, mais<br />
j'ai oublié leurs noms. Dom <strong>Yves</strong> sachant cette femme dans son droit défendait sa cause pour l'amour de Dieu. Le<br />
jeune homme disait à dom <strong>Yves</strong> des paroles d'injures le traitant de coquin et de truand. En ma présence dom <strong>Yves</strong><br />
supportait cela avec patience. Aux insultes il ne répondait rien : il se contentait de sourire, et défendait comme à<br />
l'accoutumée la cause de sa paroissienne. Comme elle n'avait pas de quoi payer les mémoires dont elle avait besoin, il<br />
demandait aux notaires de la cour en question d'établir leurs mémoires pour l'amour de Dieu, et il les y engageait.<br />
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Il était assidu à prier et à prêcher, et, jamais oisif, il employait tout son temps à des actions bonnes. Ayant vécu<br />
avec lui, comme je vous l'ai dit, je le sais. A cette époque-là quel que fût le jour, ou peu s'en fallait, il célébrait, lisait,<br />
étudiait dans le livre de la Sainte Ecriture, écrivait aussi ses «Fleurs des Saints», et j'étais là moi aussi à écrire de mon<br />
côté. De plus il priait et il prêchait, à condition, bien entendu d'avoir des auditeurs. Les gens en désaccord, il faisait son<br />
possible pour les rappeler à la concorde, et c'était à cela particulièrement qu'il travaillait. De cette façon, il travaillait<br />
toujours à quelque chose de bien. J'en ai été le témoin oculaire et auriculaire. Il me disait du reste souvent : «Travaille<br />
toujours à quelque chose de bien, de peur que le diable ne te trouve oisif».<br />
Il visitait les malades, et plus volontiers les pauvres que les riches. Je l'ai accompagné bien des fois à Tréguier<br />
jusqu'aux maisons des malades, et dans d'autres localités jusqu'à leur porte, mais je ne restais pas avec lui. Il portait sur<br />
lui, sur sa poitrine, presque continuellement, le corps du Christ, dans une pyxide d'argent, qu'il avait reçue, disait-il, de<br />
la dame de Roscanvel, au diocèse de Quimper. Je l'ai vu bien des fois prendre le corps du Christ dans cette pyxide et<br />
l'administrer aux malades. Voilà pourquoi il portait le corps du Christ dans cette pyxide.<br />
Je l'ai visité au cours des quinze jours où il fut malade avant sa mort, et je l'ai trouvé en cotte sur une courte-pointe<br />
de pacotille, et il n'y avait presque pas de paille. Sous sa tête en guise d'oreiller, il y avait deux livres avec des<br />
planches. Comme il eut besoin de sortir, j'en profitais pour mettre de la paille sur les planches de livres. De retour,<br />
voyant la paille, il l'enleva. Une autre fois que je le visitai durant la même maladie, je le trouvai couché de la même<br />
manière : il disait et prêchait à ses visiteurs la parole de Dieu...»<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 20<br />
Hamon Toulefflam, de la paroisse de Plestin, au diocèse de Tréguier, ermite de bonne réputation, âgé de 60 ans...<br />
« Dom <strong>Yves</strong> était un homme de vie sainte et de mœurs honnêtes. Pendant quatre années de suite et plus j'ai été son<br />
domestique, et après certains pèlerinages que j'ai faits pour visiter d'une part pendant l'année du jubilé les demeures<br />
des Apôtres Pierre et Paul et d'autre part pour aller visiter le Bienheureux Jacques, j'ai vécu par intervalles avec lui la<br />
durée de deux ans. Ainsi lorsque je suis revenu de mon dernier pèlerinage aux Sept Saints de Bretagne, j'ai trouvé dom<br />
<strong>Yves</strong> malade de la maladie dont il est mort. Quand alors je m'attardais avec lui, j'ai constaté ses mœurs saintes et<br />
honnêtes : il lisait la vie des saints et chaque jour il trouvait un exemple de bien et de perfection dans la vie de tel ou<br />
tel saint, il décidait de l'imiter pour autant qu'il le pouvait. C'est ainsi qu'il imitait saint Martin dans sa libéralité envers<br />
les pauvres, et le bienheureux Augustin dans sa charité et sa perfection, et de même les autres saints.<br />
C'était un homme d'une grande chasteté et d'une grande pureté d'esprit, de corps et de parole. Jamais je n'ai vu chez<br />
lui ni perçu le moindre signe contraire à la chasteté. Il avait en horreur au contraire le péché de luxure, contre lequel il<br />
prêchait particulièrement.<br />
Il était d'une grande austérité et d'une grande abstinence. Comme je l'ai dit, j'ai vécu avec lui et je sais qu'il ne<br />
mangeait que du pain grossier et des plantes potagères ou des fèves sans autre condiment, sauf parfois, mais rarement<br />
lorsqu'à cause de ses hôtes il prenait ou faisait semblant de prendre un tout petit peu de beurre. Il buvait de l'eau<br />
fraîche. Il ne mangeait qu'une seule fois par jour excepté les dimanches. Ces jours-là, il dînait mais de peu. Il jeûnait<br />
au pain et à l'eau trois jours par semaine. Il jeûnait aussi tout le carême au pain et à l'eau. Cependant le dernier carême<br />
avant sa mort la pitié et la compassion qu'il avait pour un malade pauvre, nommé <strong>Yves</strong> Avispice, qui est maintenant<br />
ermite, l'amenaient à se nourrir pour l'amour de Dieu, et il lui arrivait de manger, mais c'était rare, des plantes<br />
potagères et des fèves par charité pour ce malade. A ces époques-là, où j'étais pour ainsi dire continuellement avec lui,<br />
jamais je ne l'ai vu manger de viandes, fromages ou poissons, ni rien d'autre que ce que j'ai mentionné plus haut, sauf<br />
le jour de Pâques. Il marquait cette solennité en prenant un œuf ou deux. A ces mêmes époques je ne l'ai pas vu non<br />
plus boire de vin, ni de la cervoise, mais uniquement de l'eau fraîche.<br />
Il m'a envoyé une fois à Louannec chercher du pain, parce qu'il n'y en avait plus dans la maison. Je lui en ai<br />
apporté. Mais c'était du pain trop délicat, à son avis, et il me dit : «Tu veux avoir des douceurs ? Tu n'as pas trouvé du<br />
pain plus ordinaire ?» - «J'ai trouvé, répondis-je, du pain de son, qui ne vaut rien pour soutenir un homme». <strong>Yves</strong> alors<br />
ramassa le pain que j'avais apporté, et me dit de lui apporter le pain grossier que j'avais trouvé. Je le lui apportai, et<br />
nous nous mîmes à table, nous et les pauvres autour de nous. Alors, tandis que nous étions à table, un petit oiseau entra<br />
par la fenêtre et se posa sur dom <strong>Yves</strong> en ma présence. «Voyez, messire, dis-je, l'oiseau tout près de vous, sur votre<br />
habit ». Dom <strong>Yves</strong> prit l'oiseau dans sa main et le regarda pendant un bon moment. Il avait la gorge et la poitrine<br />
cerclés d'un blanc neigeux et le plumage de son dos était d'un vert resplendissant. C'est ainsi que je l'ai vu. Dom <strong>Yves</strong><br />
le regarda donc quelque temps, puis il le laissa partir en disant : « Va, au nom de Dieu ». J'ai la ferme conviction que<br />
c'était un signe de la part de Dieu. Je le crois en raison de la vie bonne qu'il menait, de son jeûne au pain et à l'eau ce<br />
jour-là, et puis jamais dans cette maison ou ailleurs, ni avant ni après, je n'ai vu oiseau semblable. Je le crois aussi pour<br />
la manière dont cet oiseau est venu, dont il l'a reçu, et encore parce qu'il n'est parti que congédié, alors que dom <strong>Yves</strong><br />
l'avait gardé longtemps dans sa main ouverte. Je ne me rappelle plus quel jour c'était.<br />
Dom <strong>Yves</strong> portait à même la peau un cilice ou une chemise grossière faite de filasse. J'ai vu le cilice une fois, alors<br />
qu'il prêchait et qu'il mettait sa main dans un pli de sa poitrine. Sa chemise je la voyais presque tous les jours, mais<br />
j'ignore si dessous il portait continuellement un cilice.<br />
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Il dormait peu étant donné qu'il passait presque toute la nuit à veiller, prier, lire et exhorter. Alors qu'il était accablé<br />
de sommeil, je l'ai vu au bas de son église de Louannec s'étendre tout habillé et chaussé sur un tombeau de pierre. Je<br />
l'ai vu aussi coucher sur une claie faite de branches et de gros bâtons entrecroisés, avec sous lui un peu de paille.<br />
Quand il était chez lui à Ker Martin il couchait par terre avec un peu de paille. C'est ainsi que je l'ai vu. Parfois il<br />
plaçait des livres à sa tête pour lui servir d'oreiller. Il y avait pourtant là une courte-pointe bon marché. Je ne sais pas<br />
s'il s'en couvrait. Il a un jour apporté à ma mère pour les faire laver sa cotte et sa chemise de filasse, et il est resté avec<br />
son surcot sur la peau. Ma mère voulut mettre sa cotte et sa chemise à sécher. Dom <strong>Yves</strong> ne le lui permit pas ; il les<br />
prit et je crois bien qu'il se les mit tout humides, comme elles étaient, et qu'il les garda toute la nuit. Chez lui en effet il<br />
n'avait pas d'autres habits à se mettre, et c'est avec eux que je l'ai vu célébrer le matin.<br />
C'était un homme d'une grande bonté envers les pauvres : il leur distribuait tout ce qu'il avait ; il les servait de ses<br />
propres mains ; il les invitait à déjeuner et il les faisait asseoir près de lui, même s'ils étaient assez repoussants, et il les<br />
faisait manger dans sa propre écuelle. Il visitait aussi les malades, habillait ceux qui manquaient de vêtements,<br />
revigorait les religieux, administrait aussi aux malades le corps du Christ, entendait leurs confessions, accueillait de<br />
nuit les pèlerins pauvres dans une maison spécialement construite pour cela. Comme je vous l'ai dit, j'ai vécu en sa<br />
compagnie et j'ai vu de mes propres yeux ce que je vous raconte. Cela s'est passé en ma présence, et en cela je lui<br />
apportais toute l'aide possible.<br />
C'était un homme d'une grande humilité et d'une grande modestie. Je l'ai vu habillé humblement, pauvrement, alors<br />
qu'il pouvait avoir de bons vêtements. Il portait un long surcot d'une grossière étoffe blanche qu'on appelle burell, une<br />
cotte à larges manches sans boutons comme les religieux, et des souliers à courroies, sans bas. Sa démarche était<br />
humble ; il regardait le sol, la tête inclinée, et son capuchon lui tombait un peu sur les yeux. Il fuyait aussi les honneurs<br />
du monde. Pour moi et pour les autres, manifestement il était humble. Il lui déplaisait beaucoup qu'on le fît valoir, si<br />
bien qu'il n'était pas seulement humble, mais, comme on dit, très humble. C'était un homme d'une longue patience. Je<br />
le dis pour avoir vécu avec lui le temps que l'on sait ; jamais je ne l'ai vu montrer de la nervosité envers quelqu'un.<br />
Il était d'une grande assiduité à prier et à prêcher. Je l'ai vu prêcher plusieurs fois le même jour, même dans des<br />
lieux distants les uns des autres. Il priait avec dévotion et célébrait à peu près tous les jours. Il passait la nuit presque<br />
sans dormir et l'occupait en prières, lectures et bonnes exhortations. Je crois qu'il se serait bien des fois passé de<br />
sommeil, mais qu'il dormait un peu parce qu'il avait à célébrer le lendemain. Sa manière de célébrer était la suivante :<br />
avant de revêtir les ornements sacerdotaux, il se prosternait à terre près de l'autel ; là il priait longtemps et avec<br />
ferveur, et il répandait une grande abondance de larmes. Et quand il avait célébré il priait de la même manière et<br />
pleurait et plus longtemps ; mais il le faisait le plus discrètement possible pour n'être vu de personne.<br />
C'était un homme qui avait une grande compassion pour les mineurs, les orphelins, les veuves, les pauvres et les<br />
autres personnes malheureuses. Il les prenait en pitié, les consolait, leur faisait des aumônes, comme je l'ai déjà dit. Il<br />
avait un « panier », et il y mettait du froment pour les mineurs et les orphelins afin qu'on en prît pour leur préparer à<br />
manger.<br />
Sa sainteté lui valait une grande autorité et un grand respect. Nobles, riches et pauvres l'avaient en vénération et le<br />
révéraient comme un père. Ils se levaient pour lui faire honneur. Ils allaient plus volontiers à ses prédications qu'à<br />
celles des autres. Je crois que celles-ci ont rapproché de Dieu bien des gens que le diable avait entraînés. Il jouissait<br />
d'une si grande autorité et d'un si grand respect qu'il remettait d'accord des gens en contestation. C'était d'ailleurs à cela<br />
qu'il s'appliquait beaucoup et souvent. Ceux qui étaient en désaccord entre eux avaient beau ne pas faire confiance à<br />
d'autres, ils se fiaient à lui, et il arrivait à les mettre en paix. J'ai vu ces choses-là bien des fois, et bien des fois je l'ai<br />
accompagné pour ce genre d'affaires.<br />
C'était un homme d'une grande perfection si bien qu'à considérer ses vertus, que je n'arrive pas à dénombrer, il<br />
n'avait pas son égal sous le soleil. Sa vie et ses mœurs servaient de miroir et de modèle aux autres. Tel ou tel des autres<br />
pouvait mener une vie vertueuse, mais comparée à la sienne cette vie avait l'air, d'une façon ou d'une autre, entachée<br />
de fautes».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 21<br />
Geoffroy Arnaud, âgé de 63 ans... chantre de l'église de Tréguier...<br />
<strong>Yves</strong> fut un homme de vie bonne et de mœurs honnêtes. Je l'ai connu pendant les six années ou environ qui ont<br />
précédé sa mort. Il portait alors, c'est ce que j'ai vu, un vêtement humble ; il était habillé d'une cotte à manches longues<br />
sans boutons, et d'un surcot assez long d'une grossière étoffe blanche appelée burell ; il était chaussé de souliers à<br />
courroies comme en ont les religieux cisterciens.<br />
C'était un homme d'une grande austérité. J'ai entendu dire qu'il ne mangeait que du pain grossier et des plantes<br />
potagères ou des fèves et buvait de l'eau fraîche. Je l'ai vu une fois en compagnie du seigneur Geoffroy de Tournemine<br />
alors évêque de Tréguier, dans l'église de Plouaret au cours d'une visite pastorale. L'évêque mangeait chez le recteur, et<br />
l'on avait servi à table d'assez nombreux mets. Lui ne mangeait que du pain grossier et des plantes potagères et but de<br />
l'eau. Je mangeais à la même table que dom <strong>Yves</strong>, et je l'ai vu manger de ce pain-là et des légumes, et ne boire que de<br />
l'eau.<br />
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Une autre fois je l'ai vu dans la maison du seigneur Alain de Pont Blanc, chevalier, dans cette même paroisse ; et il<br />
n'y mangea que du pain grossier et des plantes potagères, et c'était de l'eau qu'il buvait. J'étais présent dans cette<br />
maison où mangeait dom <strong>Yves</strong> puisque, serviteur du chevalier, j'allais par la salle quand les autres mangeaient.<br />
Le lit où il couchait était fait d'un peu de paille et d'une courte-pointe de peu de valeur. Je le sais pour l'avoir<br />
entendu dire plusieurs fois à plusieurs personnes dignes de foi, et pour avoir visité dom <strong>Yves</strong> au cours des trois jours<br />
qui ont précédé sa mort quand il était atteint de la maladie dont il mourut. Je l'ai trouvé à ce moment-là dans un lit où il<br />
y avait un peu de paille et une courte-pointe de peu de valeur.<br />
C'était un homme d'une grande chasteté, d'une grande humilité, d'une grande bonté envers les pauvres et envers les<br />
malades qu'il visitait, d'un grand amour de la justice, d'une grande patience, d'une grande assiduité à prier, à prêcher et<br />
à célébrer des messes, car je l'ai vu bien des fois prêcher à Tréguier et célébrer et prier en divers endroits. Il avait une<br />
grande compassion pour les pauvres, les veuves et les personnes malheureuses. Je l'ai entendu dire à plusieurs<br />
personnes dignes de foi. Telle était et telle est encore sa réputation à Tréguier, dans le diocèse de Tréguier et dans<br />
toute la Bretagne».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 22<br />
Guillaume de Karanzan, paroissien de Louannec, au diocèse de Tréguier, âgé de 60 ans …<br />
« Dom <strong>Yves</strong> était un homme de vie bonne et de mœurs honnêtes. J'ai bien été pendant dix ans son paroissien et j'ai<br />
vu qu'il était d'une grande bonté et d'une grande compassion à l'égard des pauvres, des mineurs, des veuves et de toutes<br />
les autres personnes malheureuses. Il manifestait cette compassion en faisant, avant de manger, des aumônes à tous les<br />
pauvres qui venaient à la porte de son presbytère de Louannec, et j'ai moi-même plusieurs fois donné des aumônes de<br />
sa part. Il retenait à manger avec lui plusieurs pauvres qu'il plaçait pour cela près de lui et j'ai moi-même mangé avec<br />
lui assez souvent : je voyais donc ces choses-là. Il habillait les pauvres, leur donnait des vêtements et les autres choses<br />
dont ils avaient besoin. Bien des fois je l'ai vu acheter et donner ce que je dis là. Davantage encore : je l'ai vu envoyer<br />
quelqu'un en commission à la ville de Lannion pour acheter des pains et de la toile de façon à en donner aux pauvres.<br />
Dom <strong>Yves</strong> m'a demandé si j'avais des pauvres près de moi. Comme je lui répondais que oui : «Envoyez-les moi, ditil».<br />
Il s'agissait de Hervé, fils d'Amoyr, et de Rivalan, fils d'Aluanec. Je les voyais ensuite porter des vêtements qu'ils<br />
disaient avoir reçus de lui. Mais il y a bien longtemps depuis, et je ne me rappelle ni l'époque ni le jour. Je l'ai vu bien<br />
des fois visiter des malades pauvres de sa paroisse ; il les visitait plus volontiers que les riches. Et j'ai entendu dire ;<br />
qu'il se comportait ailleurs de la même façon.<br />
II entendait de très bonne grâce les confessions de ses paroissiens, et leur administrait, à eux et aux autres, avec une<br />
très grande ferveur, le corps du Christ et les autres sacrements. Je l'ai vu plus d'une fois offrir à des pauvres<br />
l'hospitalité dans sa maison, et pour les servir il utilisait les biens que Dieu lui avait donnés. Lui ne se chauffait pas,<br />
mais il achetait du bois pour eux, et il les faisait se chauffer, et il les plaçait près du feu. Il refaisait les forces des<br />
religieux et les traitait avec amour. Je le sais pour avoir mangé avec des religieux dans sa maison. Ces religieux étaient<br />
des Prêcheurs et des Mineurs. Je ne me souviens pas en avoir vu d'autres.<br />
Il menait une vie austère. Plusieurs fois il a mangé avec moi chez moi, je veux dire dans ma maison. Jamais, je ne<br />
l'ai vu manger de viandes, de poissons, ni de fromage, ni une poire, ni une pomme, ni des noix. J'avais préparé pour lui<br />
une grande et grosse anguille, il ne voulut pourtant pas y goûter. Que ce fût chez moi ou chez lui, je ne l'ai vu manger<br />
que du pain grossier, des plantes potagères, des fèves ou des raves, ou de la bouillie d'avoine ; parfois, mais rarement,<br />
du beurre, et il ne buvait que de l'eau fraîche. Il ne mangeait qu'une fois par jour et jeûnait au pain et à l'eau le vendredi<br />
et le samedi. C'était de notoriété publique qu'il vivait continuellement ainsi, à une exception près. J'ai en effet entendu<br />
dire que parfois le jour de Pâques il prenait des œufs, pour faire honneur à la fête. A même la peau il portait un cilice,<br />
et par-dessus le cilice une grosse chemise de filasse. Il m'est arrivé plusieurs fois de voir le cilice par une ouverture du<br />
vêtement. Dom <strong>Yves</strong> le cachait pourtant, ne voulant pas qu'on le vît. J'ai aperçu très souvent la chemise. Je crois qu'il<br />
couchait tout habillé et chaussé : c'est de notoriété publique. Son lit était une claie faite de branches entrecroisées, avec<br />
un peu de paille et une courte-pointe, pauvre et vieille.<br />
Il était très humble dans ses paroles et dans ses actes, dans son habit et dans son maintien. Il s'avançait<br />
humblement, c'est-à-dire les yeux fixés au sol et le capuchon tiré sur les yeux. Il disait aussi des paroles très humbles<br />
et sages ; il rejetait l'ostentation. Il portait un habit humble et commun : c'était un long surcot et une cotte à larges<br />
manches, comme en portent les religieux, sans boutons, avec un chaperon d'une grossière étoffe blanche appelée<br />
burell. Cette étoffe devait valoir autour de deux sous et demi l'aune. Il portait aussi des souliers à courroies à la<br />
manière des Prêcheurs ou des Cisterciens, sans bas.<br />
C'était un homme d'une grande chasteté et d'une grande patience. Ses paroles, en effet, étaient chastes, ses regards<br />
pleins de réserve, et dans ses prédications il s'élevait surtout contre le péché de la chair. Il y avait chez lui tous les<br />
indices de la chasteté. Jamais je ne l'ai vu énervé contre quiconque ; au contraire il s'avançait toujours avec un visage<br />
joyeux. J'ai entendu ses familiers dire que parfois on lui volait du blé de sa maison, et qu'il supportait cela patiemment.<br />
Et quand on lui disait : «Messire, fulminez donc contre eux des condamnations» - «Laissez-les, répondait-il ; le<br />
seigneur Dieu les corrigera ; ces gens-là en avaient davantage besoin que moi, car je suis, moi, plus riche qu'eux».<br />
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Il célébrait souvent, et priait avec ferveur. Il prêchait en public la parole de Dieu. Je l'ai vu bien des fois prier et<br />
célébrer et verser des larmes pendant la célébration. Il prêchait la parole de Dieu chaque fois qu'il trouvait à qui<br />
prêcher. Je l'ai vu prêcher à des cultivateurs et à d'autres travailleurs, alors qu'ils étaient à leur tâche.<br />
Il était d'une si grande perfection que tous ses paroissiens l'avaient en grande vénération et l'aimaient beaucoup. Il<br />
est arrivé une fois en ma présence que, dom <strong>Yves</strong> s'étant fait faire une cotte, le tailleur vint chez lui vérifier si elle avait<br />
été bien faite. Il fit alors appeler un pauvre de sa paroisse dont je ne me rappelle pas le nom. «Mets cette cotte et son<br />
chaperon aussi, que je voie si c'est bien fait !». Plein de joie et de confusion le pauvre revêtit la cotte. «Elle te va bien,<br />
lui dit dom <strong>Yves</strong>, retourne avec elle». Et c'est ainsi que notre pauvre s'en revint joyeux avec cotte et chaperon...»<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 23<br />
Guidomar de Kararien, paroissien de Louannec, au diocèse de Tréguier, âgé de 40 ans...<br />
«Dom <strong>Yves</strong> fut un homme de bonne réputation, de bonne vie et de mœurs honnêtes. J'étais son paroissien au<br />
moment de sa mort, et je l'ai bien connu au cours des trois ou quatre années qui ont prédédé cette mort. Je l'ai vu<br />
mener une vie parfaite, faire des aumônes aux pauvres, et une grande foule de pauvres le suivaient.<br />
Il menait une vie très rigoureuse. Cela, je l'ai entendu dire. Une fois je l'ai vu manger chez mon père ; il n'y a pris<br />
que du pain grossier et des plantes potagères et du beurre ; il a bu de l'eau fraîche, alors qu'il y avait sur la table du vin,<br />
du poisson et d'autres mets.<br />
Je l'ai vu s'avancer humblement, vêtu d'un surcot et d'une cotte longs, avec chaperon, taillés dans une grossière<br />
étoffe blanche appelée burell ; il portait de grands souliers à courroies, sans bas.<br />
Il était très pacifique ; je ne l'ai jamais vu énervé.<br />
Je l'ai vu bien des fois visiter des malades, et prier avec ferveur, et prêcher la parole de Dieu.<br />
Il était d'une si grande perfection que tous ses paroissiens, et d'autres, le traitaient avec la plus grande vénération ; il<br />
faisait pourtant son possible pour repousser les honneurs mondains. Il portait continuellement avec lui, disait-on, un<br />
livre appelé Bible.<br />
Je suis allé le voir un vendredi au cours de la maladie dont il est mort ; et il s'est éteint le dimanche suivant à<br />
l'aurore. Je l'ai trouvé ce jour-là revêtu de sa cotte, avec sous lui un peu de paille, et sur lui une pauvre courte-pointe<br />
noire. Je l'ai vu plus d'une fois dans un petit grenier de son presbytère coucher sur une claie faite de branches avec un<br />
peu de paille. J'ajoute que bien des gens le désignaient du vocable de prêtre saint. »<br />
TEMOIN 24<br />
Olivier Floc'h, gardien des reliques de l'église de Tréguier et vicaire perpétuel dans cette même église, âgé de 40<br />
ans...<br />
Dom <strong>Yves</strong> était de vie bonne et de mœurs honnêtes. J'ai fait sa connaissance à l'époque où il était l'official de<br />
l'Archidiacre de Rennes, appelé Maurice, car j'étais alors à l'école à Rennes avec un autre qui s'appelait Darien<br />
Guidomar, devenu Prêcheur par la suite. Dom <strong>Yves</strong> nous donnait deux deniers tous les trois jours, et ensuite il nous<br />
invitait à manger aux fêtes annuelles, c'est-à-dire à Noël, à Pâques, à la Pentecôte et à la Toussaint lorsque<br />
l'Archidiacre n'était pas dans sa résidence. C'est alors que j'ai vu ceci : on préparait les mets pour le repas, comme on le<br />
fait d'habitude en de pareilles fêtes, et quand les tables étaient dressées, dom <strong>Yves</strong> faisait porter et disposer les plats sur<br />
la table, comme s'il y avait des gens en train de manger ; ensuite il faisait les parts, les plaçait dans un panier et les<br />
donnait à garder. Puis il disait : «Je vais chercher mes gens». Et il ouvrait toute grande la porte par où les pauvres<br />
entraient. Il faisait alors apporter les plats, et il les leur servait lui-même, leur donnant deux fois à boire. Puis il venait<br />
se mettre à table avec nous deux. Alors nous mangions abondamment les mets en compagnie de ses familiers. Dom<br />
<strong>Yves</strong> se contentait de pain grossier et de plantes potagères, et ne buvait que de l'eau fraîche puisée à une fontaine<br />
nommée Garmoyr, près de la résidence.<br />
A cette époque-là, du fait de sa fonction, il avait un beau lit, et pourtant je l'ai vu plusieurs fois coucher nu (= sans<br />
couverture) par terre ; il enlevait seulement ses souliers qu'il rangeait parmi ses livres, et c'était moi qu'il faisait<br />
coucher dans le lit préparé pour lui.<br />
Dom <strong>Yves</strong> est venu plusieurs fois me chercher chez mon père pour que je l'aide à célébrer la messe dans sa<br />
chapelle de Ker Martin, et je l'ai donc aidé plusieurs fois : il officiait avec une très grande ferveur... J'ai mangé bien<br />
des fois avec lui. Avant de manger il faisait des aumônes à des voisins pauvres ; il en invitait d'autres à manger avec<br />
lui et les faisait manger près de lui ; et avant de se mettre à table il leur rompait le pain. Alors seulement il mangeait du<br />
pain grossier et des plantes potagères et parfois mais rarement du beurre ; et il buvait de l'eau fraîche. Il couchait par<br />
terre tout habillé avec un peu de paille ; tantôt il enlevait ses souliers, tantôt non. Je l'ai vu bien des fois prêcher la<br />
parole de Dieu en public dans plusieurs localités et plusieurs fois, parfois trois fois le même jour. Les gens aimaient<br />
mieux entendre ses sermons que ceux des autres prédicateurs...»<br />
Etc. Etc.<br />
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… /…
TEMOIN 25<br />
Hervé Ouchemal, chanoine de l'église de Brélévenez, au diocèse de Tréguier, âgé de 55 ans...<br />
« Dom <strong>Yves</strong> était un homme de vie bonne et de mœurs honnêtes. Je l'ai bien connu pendant les cinq années qui ont<br />
précédé sa mort. Je l'ai vu célébrer avec ferveur, prier et prêcher la parole de Dieu, même plusieurs fois par jour. Il<br />
avait toujours à la bouche des paroles de bien, et quand il rencontrait quelques personnes rassemblées, il leur disait<br />
toujours quelque chose de la vie de quelque saint. Il était humble dans sa façon de marcher et de se vêtir. Il menait une<br />
vie austère. Je me suis trouvé avec lui bien des fois dans son presbytère de Louannec : il ne mangeait que du pain<br />
grossier et des plantes potagères ou des pois, et buvait de l'eau fraîche, et il avait avec lui des pauvres à sa table. Je l'ai<br />
vu manger dans la maison du chevalier Geoffroy de Tournemine, à Voloy, avec sa femme qui était malade. C'était un<br />
vendredi, et il ne prit que du pain et de l'eau. Il en donna une bouchée dans de l'eau à la dame qui en mangea. Elle me<br />
dit par la suite en avoir recouvré la santé. Je l'ai vu manger à Tréguier avec l'abbé de Bégard, dans la maison du<br />
seigneur Guillaume de Tournemine, frère de celui qui à cette époque était évêque de Tréguier ; il ne mangea que du<br />
pain et du potage, et but de l'eau fraîche. Une autre fois je l'ai vu manger chez une femme dans la paroisse de<br />
Pleumeur-Bodou. Il ne prit que du pain et du potage avec du lait, et but de l'eau fraîche. La nuit il coucha tout habillé<br />
par terre avec un peu de paille, bien qu'on lui eût préparé un bon lit. J'ai vu également son lit dans son presbytère de<br />
Louannec : il se trouvait par terre avec un peu de paille dessous, et une courte-pointe de peu de valeur.<br />
Il était parfaitement obéissant à son prélat...»<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 26<br />
Guillaume Adegan, de la paroisse de Plouguiel, âgé de 75 ans...<br />
« La vie de dom <strong>Yves</strong> fut une vie sainte. Je l'ai connu depuis sa jeunesse. J'ai été son compagnon à Orléans où<br />
j'habitais la même chambre que lui. Il avait une conduite honnête et dévote. Plus tard je l'ai vu aller et venir vêtu très<br />
humblement d'un surcot d'une grossière étoffe blanche appelée burell, et d'une cotte de même étoffe et de même<br />
couleur.<br />
Il faisait beaucoup d'aumônes et les pauvres le suivaient en groupes nombreux. Je l'ai vu prêcher la parole de Dieu à<br />
Tréguier et à La Roche Derrien, et dans plusieurs autres localités. J'ai mangé une fois avec lui dans sa propriété de Ker<br />
Martin ; il ne prit que du pain grossier et du potage, et il but de l'eau fraîche. Le bruit courait, et cela se dit toujours,<br />
qu'à partir du moment où il résigna sa charge d'official, il ne mangea ni viande, ni poisson, et qu'il ne but plus de vin.<br />
Il y a 27 ans qu'il est mort, aux alentours de la fête de l'Ascension. Je ne me rappelle plus quel jour. Je suis allé le<br />
voir la veille de sa mort, et je l'ai trouvé revêtu de sa cotte, sur une courtepointe de peu de valeur. J'ai entendu dire<br />
qu'on lui recommandait de faire venir un médecin, et qu'il répondit : «Je n'ai jamais d'autre médecin que Notre<br />
Seigneur Jésus-Christ».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 27<br />
Discret homme le seigneur Pierre de Lanmeur, professeur de droit, du diocèse de Dol, âgé de 60 ans...<br />
« Dom <strong>Yves</strong> mena une vie sainte. C'était un homme d'une grande perfection, d'une grande dureté pour lui-même et<br />
d'une grande assiduité dans la prière, la prédication de la parole de Dieu et le ministère de la confession. Cela était et<br />
cela est de notoriété publique dans la province de Tours et dans les pays circonvoisins.<br />
Je l'ai vu bien des fois se déplacer : il portait un vêtement pauvre, bien qu'il eût de bons revenus tant patrimoniaux<br />
qu'ecclésiastiques, et qu'il fût bon clerc, prudent dans les affaires temporelles. Je l'ai vu prêcher la parole de Dieu à<br />
Guingamp et à Guimaëc en présence du seigneur Geoffroy de Tournemine alors évêque de Tréguier, et dans plusieurs<br />
autres localités. Je l'ai vu suivi d'une grande foule de pauvres, parce qu'il leur donnait joyeusement tout ce qu'il avait.<br />
Je l'ai vu manger chez ma mère, et il ne prit ni poisson ni viande, et il ne but pas de vin. C'est ce que j'ai entendu dire<br />
aussi ; on disait et on dit qu'il vivait ainsi tout le temps.<br />
On avait eu beau chez ma mère lui préparer un bon lit, je crois fermement, et je l'ai entendu dire, qu'il dormit par<br />
terre sans couverture ; et j'ai la ferme conviction qu'il le faisait tout le temps...».<br />
Etc. Etc.<br />
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TEMOIN 28<br />
Noble homme le seigneur Guillaume de Pléchec, chevalier, seigneur du château Tilbaudi, au diocèse de Quimper, âgé<br />
de 45 ans, etc.<br />
« Dom <strong>Yves</strong> fut un homme de vie sainte, d'une grande perfection, d'une grande humilité et d'une grande dévotion.<br />
Telle était d'ailleurs sa réputation et tout le monde actuellement encore étend cette renommée à tous les coins de<br />
Bretagne.<br />
Je l'ai vu dans la forêt de Freau où il faisait préparer du bois pour l'église de Tréguier. Ce bois lui avait été donné<br />
par le seigneur Pierre, défunt seigneur de Rostenel. Il se tenait là presque tout le temps à côté des ouvriers, ne se<br />
nourrissant que de pain grossier et buvant de l'eau fraîche. Je l'ai vu une fois dans une localité nommée Locuzer<br />
(Lohuec ?), au diocèse de Tréguier. C'était le jour, je ne me rappelle plus lequel, où une très grande foule de peuple se<br />
rassemblait là chaqueannée. Moi et plusieurs autres avec moi, nous préférions l'entendre prêcher plutôt que n'importe<br />
quel autre. Lui pourtant voulut céder par déférence cet honneur à des Frères Prêcheurs qui se trouvaient là. Il avait<br />
l'humilité de dire qu'il n'était pas digne de prêcher en leur présence. Et il nous amena, moi et les autres, tout<br />
mécontents que nous étions, à écouter le sermon des Prêcheurs.<br />
Généreux en aumônes, d'une grande sainteté, et d'une grande austérité : telle était l'idée qu'on se faisait et qu'on se<br />
fait encore de lui dans les diocèses de Quimper et de Tréguier, et dans d'autres lieux circonvoisins...».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 29<br />
Homme religieux frère Guidomar Maurel, de l'ordre des Frères Mineurs du couvent de Guingamp, âgé de 65 ans,...<br />
« Dom <strong>Yves</strong> mena une vie sainte et fut d'une grande charité. Je l'ai bien connu pendant trente ans et plus. Je l'ai vu en<br />
maintes occasions et dans plusieurs lieux : il était de mœurs honnêtes, priait avec ferveur, prêchait fréquemment,<br />
faisait aux pauvres de larges aumônes, visitait les malades, fournissait de la toile à suaires pour ensevelir les morts, et<br />
se déplaçait humblement et dans des habits humbles. J'ai vu des pauvres manger avec lui, et je l'ai vu leur prêcher et<br />
les accueillir en toute saison et à toute heure du jour et de la nuit.<br />
Je suis resté dans sa maison de Ker Martin trois semaines de suite à ses frais : j'étais alors gardien de Guingamp et<br />
j'avais une jambe malade. C'est alors que j'ai constaté que les actes de bonté qu'<strong>Yves</strong> accomplissait là, accueillant les<br />
pauvres qui s'y rencontraient en grand nombre, refaisaient leurs forces matériellement et spirituellement. Un jour un<br />
malade pauvre mourut dans sa maison. Et ce jour-là les pauvres n'y vinrent pas, contrairement à leur habitude, parce<br />
qu'ils ne voulaient ni laver ni porter à ensevelir le défunt pauvre, à cause de l'odeur fétide que dégageait son cadavre.<br />
Alors dom <strong>Yves</strong> et mon compagnon, le frère Olivier Porquoyt, le lavèrent humblement et dévotement. Dom <strong>Yves</strong><br />
cousait le suaire, coupant le fil avec ses dents. C'est mon compagnon qui me l'a rapporté. Après quoi tous les deux<br />
portèrent le défunt à sa sépulture et l'enterrèrent.<br />
Je n'ai pas vu dom <strong>Yves</strong> manger de la viande ni du poisson, mais uniquement du pain grossier, des plantes potagères,<br />
des pois, des fèves, et boire de l'eau ; pas de vin ; et pourtant par amitié pour moi il a pu deux ou trois fois en goûter,<br />
ce qui correspond en tout au contenu d'un petit verre. Dans sa propriété de Ker Martin je ne l'ai pas vu se coucher,<br />
mais j'ai appris de mon compagnon qu'il s'étendait par terre tout habillé dans son grenier ou dans une chambre, avec<br />
sous lui un tout petit peu de paille. Mais je l'ai vu assez souvent coucher par terre dans ma demeure des Frères Mineurs<br />
de Guingamp. On avait beau lui préparer un bon lit, il se contentait de s'y appuyer. Je l'ai vu coucher dans son<br />
presbytère de Louannec sur une claie faite de branches entrecroisées, tout habillé et chaussé, sur un peu de paille et<br />
sans autres couvertures.<br />
Quand j'étais malade, à Ker Martin, j'ai demandé en secret à dom <strong>Yves</strong> de me dire ce qui l'avait conduit à vivre comme<br />
cela, d'une façon rigoureuse et sainte. Il eut beaucoup de mal à me répondre : « J'étais l'official de l'Archidiacre de<br />
Rennes, et j'entendais commenter le Quatrième Livre des Sentences et parler sur la Bible dans la maison des Frères<br />
Mineurs. Les divines paroles que j'entendais m'ont amené à mépriser le monde et à rechercher les choses du ciel. La<br />
raison et la sensualité se livraient souvent en moi-même un grand combat. Et je suis resté ainsi à combattre pendant<br />
huit années ; c'est la neuvième année que ma raison a gagné sur ma sensualité ; et je me suis mis à prêcher dans mes<br />
bons habits. Mais la dixième année je me suis réglé sur la parfaite raison ; j'ai, pour l'amour de Dieu, donné mes bons<br />
habits ; et j'ai pris des habits, cotte avec manches longues et amples sans boutons, et surcot, assez longs et tout à fait<br />
convenables, d'une grossière étoffe blanche appelée burell, pour ramener les brebis du Seigneur à l'amour du Christ».<br />
Un jour que l'archevêque de Tours visitait la ville de Tréguier, une ancienne servante de dom <strong>Yves</strong> pria ce dernier,<br />
devant moi qui étais donc malade, de solliciter du seigneur archevêque une indulgence pour un travail que faisait<br />
l'ermite Denys dans son ermitage près de La Roche Derrien. L'ayant entendue, dom <strong>Yves</strong> resta pensif, en prière,<br />
pendant un bon moment les yeux levés au ciel. Après quoi : « Cet ermite, dit-il, son amour de l'argent le perdra ».<br />
Après la mort de dom <strong>Yves</strong>, l'ermite en question abandonna son ermitage.<br />
Pendant toute mon existence je n'ai pas vu un homme, religieux ou séculier, qui menât une vie si austère et si sainte<br />
que dom <strong>Yves</strong>. Dieu atteste ses mérites par de nombreux miracles».<br />
Etc. Etc.<br />
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TEMOIN 30<br />
Geoffroy Jubiter, recteur de l'église de Trédrez, diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans...<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> et j'ai été à son service treize ans, ou environ. C'était dans l'église de Trédrez dont il fut le<br />
recteur huit ans et plus, et dans son manoir de Ker Martin, pendant sept ans ou environ.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme de vie bonne et de mœurs honnêtes. Il célébrait chaque jour sans manque, ou presque, à<br />
moins qu'il ne fût empêché par quelque chose d'important. Il disait ses heures canoniales sans faille, et comme j'étais<br />
son clerc, je l'aidais bien des fois, voire très souvent, à dire ses offices.<br />
Il avait plus d'affection pour les pauvres que pour les riches ; il faisait aux malades des visites très fréquentes, les<br />
réconfortant et les entretenant des choses de Dieu, et il leur distribuait ce qu'il pouvait en aumône de pain, de vin et<br />
d'argent. Je le suivais presque toujours ; je portais sa Bible et son bréviaire. J'entendais donc et je voyais tout cela.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme chaste. Jamais en effet je n'ai vu ni entendu chez lui quoi que ce fût de contraire à la<br />
chasteté. Bien mieux, ses regards étaient pleins de réserve, ses paroles très chastes, et son cœur, j'en suis sûr, pur de<br />
tout penchant au mal. Aussi dans ses prédications engageait-il hommes et femmes à se comporter chastement et à<br />
s'abstenir du vice charnel et de tous les vices. Bien des fois je l'ai vu et entendu prêcher la parole de Dieu dans les lieux<br />
que j'ai mentionnés, et dans plusieurs autres : c'était ce vice qu'il détestait par-dessus tout.<br />
Il fit construire à Ker Martin dans le domaine paternel une maison pour les pauvres, et il les recevait là, refaisant<br />
leurs forces grâce aux biens que Dieu lui donnait. J'étais avec lui quand il faisait faire cette maison, et je voyais tout<br />
cela. Plus d'une fois et particulièrement en hiver, il lui est arrivé d'acheter des étoffes, dont il habillait les pauvres du<br />
Christ. J'ai transporté moi-même ces étoffes chez dom <strong>Yves</strong>, et je suis allé avec lui bien des fois donner aux pauvres<br />
leur part de vêtements. Tout ce qu'il avait, il le leur distribuait si bien que parfois il ne lui restait rien à manger. Et j'en<br />
étais réduit bien des fois à pleurer, même s'il me disait pour me réconforter : «Vous aurez assez de pain». Quand j'étais<br />
à Ker Martin j'allais tous les jours sur son ordre à Tréguier chercher le pain qu'il distribuait aux pauvres.<br />
Dom <strong>Yves</strong>, sa vie durant, dépensait tout son temps en actions bonnes. Voici comment : d'une façon habituelle et<br />
régulière ou bien il disait ses heures canoniales, ou bien il lisait les Saintes Ecritures, ou bien il étudiait, ou bien il se<br />
consacrait à des prières et à des veilles ou à des prédications de la parole de Dieu, ou bien il s'occupait à soutenir et à<br />
défendre les pauvres, les veuves et les orphelins et il prenait en main leurs justes causes de très grand cœur et pour<br />
rien. J'ai vu un pauvre, un noble, il s'appelait Richard Le Brouz, il était de la paroisse de Trédrez. Ce noble était en<br />
procès avec l'abbé de la Bienheureuse Marie du Relecq, au diocèse de Léon. Or sa pauvreté l'empêchait de poursuivre<br />
son procès. Il s'en vint donc trouver dom <strong>Yves</strong>, le suppliant pour Dieu et par bonté de l'aider et de le soutenir dans son<br />
bon droit contre cet abbé qui cherchait à lui enlever sa terre ; il ne pouvait se défendre car il était vidé, pour ainsi dire,<br />
de toute sa substance. Dom <strong>Yves</strong> lui demanda : «Votre cause est-elle juste ?» - « Oui, répondit-il, je le crois et je suis<br />
prêt à vous en donner l'assurance par serment ». Ce qu'il dut faire, avant que dom <strong>Yves</strong> ne voulût s'engager dans son<br />
procès. Mais le serment prononcé, dom <strong>Yves</strong> se mit aussitôt à conduire le procès du pauvre, et il le mena jusqu'à sa<br />
conclusion au profit de notre pauvre, dont il défendait le bon droit. Voilà ce que j'ai vu.<br />
<strong>Yves</strong> allait fréquemment à pied d'une localité à une autre prêcher la parole de Dieu. Un même jour je l'ai vu se<br />
rendre à l'église de Trédrez, à celle du Bienheureux Michel en Grève, au diocèse de Tréguier, et il prêcha dans ces<br />
deux églises. A plusieurs reprises et deux fois le même jour je l'ai vu prêcher : c'était dans l'église et dans le cimetière<br />
de Tréguier.<br />
La nuit il se livrait à l'étude et à la prière, et bien souvent j'ai entretenu son luminaire.<br />
Il usait d'un pain grossier de seigle, d'orge ou d'avoine, et de plantes potagères préparées à l'eau et au sel ; il y<br />
mettait parfois un peu de farine ; parfois il mangeait des fèves mal cuisinées, et il buvait de l'eau fraîche. Il jeûnait trois<br />
jours par semaine au pain et à l'eau, les mercredi, vendredi et samedi. Il jeûnait encore au pain et à l'eau durant tout le<br />
carême. De même tous les ans il jeûnait au pain et à l'eau de la fête de l'Ascension à celle de la Pentecôte. Quand il se<br />
trouvait en compagnie d'évêques ou de riches amis, il lui arrivait, mais c'était rare, de céder à leurs instantes prières et<br />
de mettre dans son eau autant de vin qu'on met d'eau dans le vin d'habitude. C'est ainsi qu'il faisait durant les dix<br />
dernières années de sa vie, et durant cette décennie il n'a, à ma connaissance, jamais bu de vin.<br />
Quand il était dans sa maison de Ker Martin, il prenait la même nourriture et la même boisson que les pauvres et<br />
s'asseyait par terre avec eux. C'est ce que j'ai vu bien des fois.<br />
Il était humble. Bien pourvu en effet en église et en patrimoine, il pouvait se présenter en vêtements de qualité et<br />
monter un bon cheval. Malgré cela, il portait un long surcot, une cotte et un chaperon d'une grossière étoffe blanche, et<br />
c'est à pied qu'il parcourait le pays pour prêcher au peuple la parole de Dieu.<br />
Un jour le seigneur Alain, alors évêque de Tréguier, fit mener à dom <strong>Yves</strong> par messager un palefroi. Dom <strong>Yves</strong><br />
reçut le palefroi, le retint et dit au domestique : «Va, car je te suis sur le champ». Et voulant prendre la route sans<br />
tarder, il m'intima l'ordre, à moi son clerc à l'époque, d'enfourcher la bête, et c'est ce que je fis, tandis que lui me<br />
suivait à pied.<br />
Quand dom <strong>Yves</strong> était l'official de Tréguier, le tiers du revenu du sceau, part que sa fonction rapportait à l'official,<br />
il le donnait aux pauvres. Il rendait la justice à chacun rapidement, et il faisait son possible pour rappeler et ramener à<br />
la paix et à la concorde ceux qui engageaient un procès devant lui. Je me souviens avoir vu et entendu cela plus d'une<br />
fois.<br />
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Il portait comme chaussures des souliers hauts à courroies comme en portent les Prêcheurs et les Cisterciens, sans<br />
bas. Je l'ai vu bien des fois, et c'est de notoriété publique.<br />
Il avait une chemise faite d'étoupes grossières, et un cilice à même sa peau. La chemise, je l'ai vue souvent ; le<br />
cilice également, mais dom <strong>Yves</strong> ne savait pas du tout que je les avais vus.<br />
Par considération pour ceux qui pouvaient se présenter, les chapelains de dom <strong>Yves</strong>, quand celui-ci venait à son<br />
église, faisaient faire pour lui un lit convenable ; mais il n'y couchait jamais. Bien au contraire, il s'étendait tout habillé<br />
par terre, n'ayant sous lui qu'un peu de paille et rien d'autre. J'ai vu plusieurs fois qu'il se comportait ainsi et je<br />
constatais le matin que son lit était fait comme la veille. Quand il s'en allait prêcher par les villages et qu'il devenait<br />
l'hôte des riches du pays, ceux-ci lui faisaient préparer un bon lit. Dom <strong>Yves</strong> malgré cela n'y couchait jamais, et quand<br />
il se trouvait dans la chambre il commençait par veiller et prier longuement. Après quoi il s'étendait par terre tout<br />
habillé, et faisait un somme assez court. Et tout de suite debout pour la prière. Moi, je dormais dans le lit fait pour lui.<br />
Il m'est arrivé plusieurs fois de voir cela et de coucher de cette façon.<br />
Dans sa maison de Ker Martin dom <strong>Yves</strong> s'endormait parfois dans la chaise où il s'était assis pour étudier, mais la<br />
plupart du temps il s'étendait par terre avec, sous lui, un peu de paille. Je le sais pour l'avoir vu plus d'une fois, et<br />
d'ailleurs à cet endroit il ne pouvait faire autrement, étant donné qu'il n'y avait pas de lit».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 31<br />
Alain Thomas, de Ploulec'h, diocèse de Tréguier, âgé de 70 ans...<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> pendant les douze années qui ont précédé sa mort. Sa vie fut sainte et chaste, et ses mœurs<br />
honnêtes. Je n'ai en effet jamais vu chez lui le moindre indice de mal, et je ne l'ai jamais entendu proférer la moindre<br />
parole mauvaise, pas plus que je n'ai entendu dire de lui rien qui mît en doute sa chasteté. Je l'ai pourtant vu bien des<br />
fois tant chez moi que chez lui. Non seulement il était chaste dans sa vie personnelle, mais encore la sainteté de ses<br />
propos et de sa conduite nous entraîna, mon épouse et moi, à faire le vœu de chasteté et de continence, et à le tenir.<br />
C'est ainsi que pendant 25 ans, je l'affirme, nous avons gardé la continence.<br />
C'était un homme épris de justice. Officiai de Tréguier, il rendait la justice à chacun rapidement, sans la moindre<br />
acception de personnes. Ceux qui lui soumettaient leur procès, et même d'autres, il faisait son possible pour les<br />
ramener à la concorde. Je le sais pour l'avoir vu et entendu. Et d'ailleurs ces choses sont de notoriété publique dans la<br />
ville et le diocèse de Tréguier.<br />
Grands étaient son autorité et son ascétisme. Je l'ai vu fréquemment tant chez lui que chez moi : ce qu'il mangeait<br />
c'était toujours du pain grossier de seigle, d'orge ou d'avoine, des plantes potagères aussi ou des fèves, parfois avec du<br />
sel et de l'eau, sans autre condiment. Si quelqu'un, à son insu, mettait dans ces aliments-là quelque graisse, il s'en<br />
apercevait tout de suite et refusait d'en prendre. Trois fois par semaine c'est-à-dire le mercredi, le vendredi et le<br />
samedi, il jeûnait au pain et à l'eau. Je l'ai vu jeûner ainsi ; et il passait ainsi le carême dans le jeûne. Une seule fois je<br />
l'ai vu se coucher : il s'est étendu par terre après avoir répandu sur le sol en l'éparpillant, un peu de paille en guise de<br />
matelas.<br />
Grande était sa bonté envers les pauvres et les malades, et il les visitait très souvent leur servant par bonté ce dont<br />
ils avaient besoin, dans la mesure de ses moyens. Ceux-là et d'autres il les amenait par ses paroles et ses exhortations<br />
et plus encore en prêchant la parole de Dieu, à aimer Dieu et à le craindre, à tenir le monde pour néant parce que la<br />
gloire du monde est éphémère et creuse. Quand les pauvres venaient à sa demeure de Ker-Martin ou à son presbytère<br />
de Louannec, il les invitait à déjeuner si c'était le moment. Et quand ce n'était pas l'heure de déjeuner, il leur servait du<br />
pain en si grande quantité qu'avec ce qu'il leur donnait ils pouvaient vivre convenablement toute une journée. J'ai vu<br />
cela plusieurs fois et j'ai mangé avec lui dans les lieux que j'ai nommés et dans beaucoup d'autres. Et cela est de<br />
notoriété publique.<br />
C'était un homme d'une grande humilité : envers les pauvres comme envers les riches il se comportait humblement,<br />
prononçant des paroles très humbles pour les saluer, manifestant par ses attitudes la patience de son âme et l'humilité<br />
de ses convictions, portant des habits grossiers faits d'une étoffe blanche qu'on appelle burell, alors que s'il le voulait, il<br />
pouvait s'offrir des vêtements éclatants ou précieux, puisque son église et son patrimoine lui rapportaient au bas mot<br />
60 livres par an.<br />
Dom <strong>Yves</strong> allait quelquefois prêcher le même jour à deux reprises, et c'est à pied qu'il parcourait les distances assez<br />
grandes qui séparaient les différentes localités, alors qu'il pouvait entretenir un bon cheval, s'il avait voulu vivre selon<br />
ses moyens. Cela, je l'ai constaté bien des fois, et je l'ai entendu dire, car je le suivais à travers mon pays de Bretagne<br />
pour entendre ses sermons, et d'autre part telle était sa réputation.<br />
C'était un homme d'une grande compassion envers les mineurs, les orphelins, les veuves et les autres personnes<br />
malheureuses : pour leur donner de quoi vivre, il leur distribuait tout ce qu'il pouvait avoir de biens provenant de son<br />
église ou de son patrimoine, et il défendait leurs causes gratuitement contre n'importe quel adversaire. Un chevalier<br />
pauvre, nommé Richard Le Roux, de la paroisse de Trédrez, diocèse de Tréguier, était en procès avec l'abbé de la<br />
Bienheureuse Marie du Relecq, diocèse de Quimper, et n'avait pas de quoi poursuivre son action. Sa pauvreté lui aurait<br />
au contraire fait perdre tout à fait son procès, si dom <strong>Yves</strong> n'était intervenu pour favoriser et soutenir son action<br />
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gratuitement et par bonté, et il obtint gain de cause. Cependant maître <strong>Yves</strong> Hélory n'accepta de prendre en main<br />
l'affaire de ce pauvre que ce dernier n'eût juré sur les Saints Evangiles qu'il se croyait dans son bon droit. Il se fit aussi<br />
une obligation d'entendre les témoignages de ceux qui savaient juste sa cause. Dans ces régions-là, ces faits sont de<br />
notoriété publique.<br />
Il s'appliquait d'une manière continue à la prière, à la prédication et à l'étude ; il n'était jamais oisif ; au contraire il<br />
était toujours pris par quelque bonne occupation. Que dire de plus ? La sainteté d'une telle vie ne peut s'exprimer par<br />
des mots. J'assure que tous ceux qui sont là en raison des circonstances diraient de lui énormément de bien, comme ils<br />
peuvent le faire en toute vérité».<br />
Etc. Etc.<br />
Denys Jameray, citoyen de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
TEMOIN 32<br />
«J'ai connu dom <strong>Yves</strong> pendant les vingt années, ou environ, qui ont précédé sa mort. Dom <strong>Yves</strong> menait une vie<br />
sainte et juste ; il avait des mœurs honnêtes. Je l'ai vu toujours vivre saintement et se comporter d'une manière parfaite<br />
; et tout ce qu'il pouvait avoir il le distribuait aux pauvres. Voici des preuves. Ceci advint une fois aux alentours de la<br />
fête de la Bienheureuse Marie Madeleine. Une grande famine sévissait à cette époque, et dom <strong>Yves</strong> n'avait plus rien à<br />
donner aux pauvres, alors qu'ils étaient venus plus nombreux le trouver à Ker Martin en quête d'aumônes. « Je n'ai<br />
pour le moment, leur dit-il, rien à vous donner ; mais allez dans mon verger et voyez si les fèves qui s'y trouvent sont<br />
bonnes à manger, et, si elles le sont et qu'elles vous conviennent, cueillez-en à volonté et rapportez-moi les gousses ici<br />
à mon «hôtellerie» pour les faire cuire, et vous qui êtes de cette ville portez-en à vos hospices autant qu'il sera<br />
nécessaire ». Le lendemain les pauvres de la ville de Tréguier allèrent à ces fèves, plusieurs aussi des localités<br />
d'alentour, si bien qu'en trois ou quatre jours les pauvres et les voisins eurent mangé et emporté les fèves. Je connais le<br />
fait pour avoir entendu dom <strong>Yves</strong> recommander aux pauvres de cueillir les fèves autant qu'ils en auraient besoin, et<br />
pour avoir vu les pauvres en question cueillir et emporter les fameuses fèves. Autre fait. Une certaine année, je ne me<br />
rappelle pas laquelle, mais de grands froids sévissaient, et c'était encore la fête de Noël et le carême. Bon nombre de<br />
pauvres vinrent le trouver, disant qu'ils étaient absolument transis de froid et engourdis. «Si vous ne nous aidez pas,<br />
nous n'avons rien pour nous chauffer». - «Je n'ai pas de bois de chauffage à vous donner, leur dit dom <strong>Yves</strong> ; mais<br />
allez dans tel de mes champs où il y a des bruyères. Prenez-en à votre convenance, et laissez le reste pour d'autres qui<br />
en auront également besoin». J'ai entendu dom <strong>Yves</strong> recommander aux pauvres de prendre des bruyères pour leurs<br />
besoins et je les ai vus en prendre et en emporter.<br />
Un vendredi tandis qu'il revenait de La Roche-Derrien, diocèse de Tréguier, où il avait prêché la parole de Dieu,<br />
dom <strong>Yves</strong> rencontra un pauvre à peine vêtu et transi de froid, qui lui demanda l'aumône. «Viens chez moi, lui dit-il, et<br />
je te ferai donner du pain». - «Hélas ! dit le pauvre, je ne suis pas en quête de pain, car je ne pourrais pas le manger. Je<br />
cherche quelque bout de vêtement à me mettre pour ne pas mourir de froid». Emu de pitié, dom <strong>Yves</strong> avisa une<br />
maison, y entra, se défit de la cotte blanche qu'il portait et, hélant le pauvre, il la lui remit. Aussitôt rentré chez lui en<br />
toute hâte, il envoya quelqu'un à Tréguier chez Rivalan Le Folent chercher trois aunes de burell blanc pour se faire une<br />
cotte. J'ai vu le pauvre dont il s'agit revêtu de cette cotte et c'est lui qui m'a dit l'avoir reçue de dom <strong>Yves</strong>. Ayant vu<br />
bien des fois cette cotte j'ai bien reconnu qu'il s'agissait de celle de dom <strong>Yves</strong>.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme chaste, d'une chasteté que ses paroles et ses actes manifestaient, car sa pudeur l'empêchait<br />
de proférer des paroles déshonnêtes et impudiques, mais encore il rougissait d'en entendre. Je constatais pour ainsi dire<br />
tous les jours sa conduite parfaite et chaste, et de nombreux indices ainsi que ses paroles révélaient au dehors cette<br />
chasteté.<br />
C'était un homme d'une grande austérité envers lui-même. Pendant les douze années, ou environ, qui ont précédé sa<br />
mort, il a jeûné chaque jour, d'une manière générale, sans interruption. Les vendredis et les samedis il jeûnait au pain<br />
et à l'eau, et je crois que les mercredis aussi. Il prenait en général du pain grossier de seigle, d'orge ou d'avoine, avec<br />
des plantes potagères préparées au sel et à l'eau sans autre condiment. Il mangeait quelquefois des navets ou des raves.<br />
Quand des pauvres du Christ étaient avec lui à table il mangeait comme eux, même nourriture, et même boisson, c'està-dire<br />
de l'eau fraîche. Je l'ai vu boire et manger ainsi, et ce comporter ainsi communément avec les pauvres.<br />
C'était un homme d'une grande bonté. Il visitait de très bon cœur ceux qu'il pouvait savoir malades aussi bien dans<br />
sa paroisse qu'ailleurs, et il les amenait par de saintes paroles et par de bons exemples à recevoir les sacrements du<br />
salut, et par là à ne pas craindre la mort, protégés qu'ils étaient par les marques de leur appartenance au Christ.<br />
Avaient-ils besoin de ses biens, ils le lui disaient en confiance, et lui d'un cœur généreux leur apportait le nécessaire.<br />
J'ai constaté cela bien des fois ; il m'est arrivé à plusieurs reprises de l'accompagner et je l'ai aussi entendu dire. Tout<br />
ce qu'il pouvait avoir de ses biens patrimoniaux et des revenus de son église, il le distribuait aux pauvres, comme je l'ai<br />
rapporté précédemment.<br />
C'était un homme d'une grande humilité. Ses gestes extérieurs traduisaient l'humilité de son âme. Il s'habillait en<br />
effet d'habits grossiers, alors qu'il pouvait en avoir de très chers. Il portait aussi une chemise de filasse grossière. Il<br />
avait un long surcot avec une cotte d'une grossière étoffe blanche appelée burell. Quand il rencontrait des pauvres, il<br />
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usait de paroles humbles pour les saluer, et il éprouvait plus de joie à se trouver avec les pauvres qu'avec les riches. Il<br />
agissait ainsi sous mes yeux de façon pour ainsi dire continue et je le voyais se comporter avec cette humilité.<br />
C'était un homme d'une grande patience. Je l'ai connu sur une longue période. Or, jamais je ne l'ai vu énervé contre<br />
quelqu'un ni en colère, sauf quand il entendait dire qu'on machinait quelque injustice contre son prochain. Il se fâchait<br />
alors contre celui qui cherchait injustement à intenter un mauvais procès ; et il le pressait et l'amenait par ses saintes<br />
paroles à un accord de paix.<br />
Il était d'une très grande régularité dans l'oraison, qu'il pratiquait à genoux, le capuchon tiré sur son visage, et il<br />
célébrait la messe presque tous les jours. Je l'ai vu très souvent prier ainsi et célébrer bien des messes. Il prêchait<br />
fréquemment au peuple la parole de Dieu. C'est ce que j'ai vu bien des fois et entendu.<br />
Il avait une grande compassion envers les mineurs, les orphelins, les veuves et les autres malheureuses personnes.<br />
Je l'ai vu maintes fois aller à la rencontre de telles gens, et il leur disait alors de venir chez lui, qu'il leur partagerait les<br />
biens qu'il avait reçus de Dieu. A diverses reprises je l'ai vu envoyer aux veuves et autres personnes qui habitaient<br />
l'«hôtellerie» un ou deux boisseaux de blé à faire passer au moulin. Un jour, je ne me rappelle pas lequel, qu'il y avait<br />
grande disette en été et que dom <strong>Yves</strong> n'avait à donner aux pauvres qu'un cheval qu'il gardait pour cultiver ses terres, il<br />
s'en alla de Ker Martin à la ville de Tréguier trouver un bourgeois nommé Rivalan Tranquie, qui avait épousé une de<br />
ses sœurs. «Achetez-moi mon cheval, lui dit-il». Le bourgeois se mit à le railler : «Vous êtes un sot, lui dit-il, de<br />
vouloir vendre votre cheval pour faire des cadeaux aux pauvres». Dom <strong>Yves</strong> ne tint pas compte de ces paroles<br />
outrageantes, mais il insista auprès du bourgeois, qui lui acheta son cheval cinquante sols. Une fois le prix fixé et payé,<br />
dom <strong>Yves</strong> rentra en toute hâte chez lui et pria sa sœur de lui envoyer dix sols de pain à distribuer aux pauvres, car de<br />
tous côtés des pauvres le suivaient presque continuellement. J'ai vu et entendu comment dom <strong>Yves</strong> vendit son cheval<br />
et je l'ai entendu prier sa sœur de lui envoyer les pains et j'ai vu son serviteur mettre les pains dans une corbeille, et j'ai<br />
l'absolue conviction que ces pains-là furent distribués aux pauvres, étant donné que des pauvres, comme je l'ai dit<br />
précédemment, le suivaient».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 33<br />
Dame Oliva, veuve du seigneur Olivier Charruel, chevalier, de la paroisse de Pleumeur, diocèse de Tréguier...<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> durant les huit années ou environ qui ont précédé sa mort. J'ai la conviction que c'était un<br />
homme chaste. Jamais je n'ai remarqué chez lui un symptôme de mal ni entendu de sa bouche une parole mauvaise ou<br />
déshonnête ; bien au contraire les paroles qu'il proférait étaient toujours vertueuses, chastes, pures, voire très pures, et<br />
de toute manière de résonance chaste.<br />
Il s'abstenait des aliments ordinairement servis et de vin, et pourtant le chevalier, mon mari, et moi-même nous<br />
insistions beaucoup et bien souvent pour le faire agir autrement ; si parfois d'aventure las de nos prières, il se trouvait<br />
forcé, il se contentait de verser en souriant un tout petit peu de vin dans un gobelet plein d'eau et c'était nos prières qui<br />
le contraignaient à en boire. Et bien qu'il ne prît pas les aliments communs, il feignait pourtant de le faire. Sa<br />
nourriture ordinaire se composait de pain grossier avec des plantes potagères ou d'autres potages préparés uniquement<br />
au sel et à l'eau ; mais parfois, rarement, il mangeait ou faisait semblant de manger un peu de poisson pour céder à nos<br />
instances, mais c'était contre sa volonté libre. Je le sais pour l'avoir constaté bien des fois tant chez moi que chez le<br />
seigneur Guillaume de Tournemine, dans la ville de Tréguier, où j'ai eu maintes occasions de le voir manger et boire<br />
de la manière que j'ai décrite.<br />
C'était un homme d'une grande bonté envers les pauvres et les malades ; il visitait les impotents, et distribuait aux<br />
pauvres tout ce qu'il pouvait avoir. Bien des pauvres me l'ont dit, à qui il faisait des aumônes. Et j'ai constaté que des<br />
pauvres le suivaient bien souvent. D'ailleurs tout cela est de notoriété publique sur le territoire de la Bretagne.<br />
C'était un homme d'une grande humilité. J'ai vu l'humilité avec laquelle il saluait les pauvres du Christ. J'ai constaté<br />
l'humilité de ses gestes, de son maintien, de sa démarche, expressions visibles de l'humilité de son âme.<br />
C'était un homme d'une grande patience. Il se fâchait rarement, voire jamais. En effet si je l'ai vu fréquemment,<br />
jamais je n'ai constaté chez lui de la colère ou de l'agacement contre quelqu'un. Il priait assidûment, célébrait de même,<br />
et prêchait aussi quand il pouvait trouver un endroit et du temps pour le faire. Je l'ai vu bien des fois prier ; je l'ai vu et<br />
entendu célébrer la Messe et maintes fois prêcher.<br />
C'était un homme d'une grande compassion envers les pauvres, les orphelins et les veuves, et les personnes<br />
malheureuses. Je l'ai vu compatir aux malheurs de ces gens-là. Il s'est chargé gratuitement du procès qu'un pauvre (j'ai<br />
totalement oublié son nom) avait contre le seigneur Olivier, mon mari, et il les a mis d'accord, après une longue<br />
contestation. L'affaire de ce pauvre, j'ai vu dom <strong>Yves</strong> la prendre en main lui-même contre mon mari ».<br />
Etc. Etc.<br />
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… / …
TEMOIN 34<br />
Jean de Croyfrooc, écuyer, paroisse de Ploubezre, diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans...<br />
J'ai connu dom <strong>Yves</strong> pendant les trois années qui ont précédé sa mort. Il y a environ 27 ans qu'il est décédé. C'était<br />
un homme d'un grand ascétisme : il châtiait son corps très durement par des jeûnes et des abstinences. Je l'ai vu<br />
plusieurs fois jeûner chez moi et dans bien d'autres lieux que j'ai oubliés.<br />
C'était un homme d'une grande bonté, car il visitait très volontiers les malades et distribuait aux pauvres tout ce qu'il<br />
pouvait avoir. Son maintien, ses paroles, son travail étaient manifestations de son humilité. De jour et de nuit, quand il<br />
se trouvait dans des endroits qui s'y prêtaient, il suppliait Dieu sans cesse par des gémissements et des soupirs, et très<br />
souvent, traversant diverses localités, il prêchait ; il défendait les causes des pauvres, des veuves et des autres<br />
personnes malheureuses dans la mesure de ses moyens. Je me rappelle qu'il se chargea de l'affaire matrimoniale d'une<br />
femme pauvre, qu'on appelait la fille de Marioy, de la paroisse de Louannec, le nom précis de cette personne<br />
m'échappe. Les preuves de tout cela ? Je l'ai vu faire visite à des malades dans bien des lieux, mais j'ai oublié les noms<br />
de ces malades. Je l'ai vu distribuer des aumônes dans la paroisse de Louannec et ailleurs. Je l'ai vu se comporter d'une<br />
manière habituelle humblement dans ses oraisons. Je l'ai vu encore bien des fois prêcher, et à Ploubezre, et à<br />
Brélévenez et dans d'autres localités. J'ai constaté aussi qu'il s'est chargé gratuitement du procès de la femme pauvre<br />
dont j'ai parlé. Je crois que toutes les autres œuvres de charité et de miséricorde il les réalisait en y mettant toutes ses<br />
ressources, car je l'ai vu bien des fois accomplir un très grand nombre de bonnes actions, et je n'ai jamais entendu dire<br />
qu'il eût agi autrement».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 35<br />
Menguy <strong>Yves</strong>, de la paroisse de Louannec, diocèse de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> dans la paroisse de Louannec pendant les dix années ou environ qui ont précédé sa mort.<br />
C'était un homme de vie bonne et sainte et de mœurs honnêtes. Quand il est arrivé dans cette paroisse de Louannec,<br />
l'incurie du recteur précédent, peu ou pas préoccupé du progrès des âmes, avait fait que bon nombre de gens aux<br />
mœurs dépravées s'y trouvaient. Dès son arrivée, dom <strong>Yves</strong> se mit à prêcher à ses paroissiens la parole de Dieu, et sa<br />
prédication fut suivie d'effet au point que les gens honnêtes et bons s'améliorèrent, et que les paroissiens mauvais,<br />
dépravés ou malhonnêtes, furent remis dans la voie du salut grâce à ses prédications saintes et bonnes, et il amena<br />
aussi à faire pénitence ceux qui s'adonnaient publiquement à la luxure ou à l'usure ; ils s'amendèrent grâce à lui, il les<br />
fit jeûner au pain et à l'eau certains jours et à certaines époques, à se déplacer sans chemise, à faire des pèlerinages. La<br />
sainte instruction qu'il leur donnait, l'enseignement quasi continu qu'il leur prodiguait, les exemples saints et les<br />
œuvres qu'il étalait sous leurs yeux tant en agissant qu'en parlant, produisaient de tels effets. Je me souviens entre<br />
autres de Darien de Kergoat, un noble, qui, de l'avis de tous, violentait les femmes et violait les jeunes filles et même<br />
était homicide. Dom <strong>Yves</strong> le convertit si bien qu'il se rendit à Rome à pied, pleurant ses péchés et faisant pénitence ;<br />
et, de retour au pays, ce Darien se mit à faire aux pauvres de larges aumônes, et à réciter chaque jour les heures de la<br />
Bienheureuse Marie, bien qu'il fût marié. Je me souviens aussi d'un clerc nommé Aucrède Rimenton, qui, enfoncé<br />
dans la luxure, vivait de la façon la plus immorale qui fût. Les prédications de dom <strong>Yves</strong> l'amenèrent à une vie sainte,<br />
si bien qu'il partit à pied de sa propre initiative à Rome. A son retour grâce aux conseils de dom <strong>Yves</strong> il se vit promu<br />
au sacerdoce. Par la suite il vécut longtemps, et ne cessa jamais de faire le bien. Cet Aucrède jeûnait pendant le carême<br />
au pain et à l'eau. Si je sais tout cela, c'est que j'ai vu les personnes concernées se comporter comme je l'ai dit d'une<br />
manière immorale et qu'ensuite j'ai constaté que sous l'influence des exhortations et des conseils de dom <strong>Yves</strong> elles ne<br />
cessaient d'agir bien, comme on le disait publiquement. Et j'en ai vu bien d'autres dont j'ai totalement oublié les noms.<br />
Dom <strong>Yves</strong> parcourait parfois à pied en un seul et même jour cinq ou sept lieues pour prêcher la parole de Dieu dans<br />
diverses localités fort éloignées les unes des autres. Le peuple écoutait ses sermons avec beaucoup de plaisir. Je l'ai vu<br />
et entendu prêcher bien des fois et je l'ai accompagné à plusieurs reprises dans diverses localités.<br />
Il prenait comme nourriture du pain grossier de seigle, d'avoine ou d'orge, et comme boisson de l'eau fraîche. Tant<br />
qu'il était seul il jeûnait presque tous les jours au pain et à l'eau, car il ne faisait jamais préparer de potages pour lui<br />
tout seul. Quand se trouvaient avec lui des pauvres du Christ, c'est alors qu'il prenait des plantes potagères, des pois ou<br />
des fèves, préparés au seul et à l'eau sans autre condiment, et il n'en prenait qu'avec eux, habituellement, pas avec<br />
d'autres, de ce pain et de ces potages. Et s'il y avait des malades, des impotents ou des paralytiques, alors parfois il<br />
faisait mettre un peu de beurre sur la table, mais il n'y touchait pas lui-même, sauf à céder, et c'était rare, à quelque<br />
grande instance. Quand arrivaient le trouver Prêcheurs et Mineurs et autres hommes de bien, c'est avec un visage<br />
joyeux qu'il les restaurait, et il feignait d'user des mets et de la boisson servis à tous. Je l'ai vu faire tout cela, et manger<br />
ainsi bien des fois.<br />
Il s'habillait couramment d'un long surcot et d'une cotte d'une grossière étoffe blanche appelée burell, et il portait<br />
une chemise faite de filasse grossière. Chaque fois qu'il voyait un pauvre du Christ dans le besoin, il lui faisait cadeau<br />
d'un de ces vêtements-là. Il arriva un jour que voulant acheter un habit pour ma femme je dis à dom <strong>Yves</strong> : «Messire,<br />
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j'ai l'intention de me rendre à Lannion acheter un habit pour ma femme». - «Achète-moi de l'étoffe, me dit alors dom<br />
<strong>Yves</strong>, de la même que d'habitude, pour me faire une cotte et un chaperon». Ce que je fis. Comme on avait<br />
confectionné dans la maison de dom <strong>Yves</strong> la cotte et le chaperon, le tailleur lui dit : «Messire, voyez si cette cotte est<br />
bien faite». Tandis qu'il voulait essayer la cotte, il regarda du côté de la porte et vit un pauvre sans vêtement et dans<br />
une très grande détresse. Sur le champ il le héla : «Enfile cette cotte, et vois si elle te va bien». - «Messire, lui dit le<br />
pauvre tout craintif, je ne suis pas digne de porter un tel habit». - «Tu le feras, lui dit dom <strong>Yves</strong>». Et tout de suite notre<br />
pauvre mit la cotte. <strong>Yves</strong> lui dit alors : «Prends le chaperon». Et quand le pauvre se fut coiffé du capuchon, dom <strong>Yves</strong><br />
lui dit : «Va gagner ton pain avec la bénédiction de Dieu, et ne commets pas le mal». Et notre pauvre s'en alla avec<br />
cotte et chaperon. J'ai vu et entendu tout cela, puisque j'étais présent. Comme chaussures il portait des souliers hauts à<br />
courroies comme les Prêcheurs et les Cisterciens. Je l'ai vu porter couramment de telles chaussures.<br />
Il couchait toujours tout habillé par terre avec sous lui un peu de paille éparpillée, et parfois sur une claie faite de<br />
grosses branches noueuses entrecroisées, avec par-dessus un peu de paille, comme on l'a dit. Et c'est ainsi qu'il<br />
couchait, aussi bien dans son presbytère de Louannec qu'ailleurs, j'en ai la ferme conviction. Il ne dormait pas du tout,<br />
à moins d'être épuisé du labeur de l'étude ou de la fatigue de la route, ou las de ses oraisons prolongées ; et alors il<br />
dormait à genoux, à moins que dans son sommeil il ne prît une autre position, et il gardait presque toujours dans sa<br />
main ou sur sa poitrine une Bible ou un bréviaire. A Ker Martin, dans son «hôtellerie» il avait une courte-pointe, noire<br />
et de petites dimensions, et de peu de valeur, dont il se couvrait par grands froids. Je l'ai vu souvent coucher ainsi aux<br />
endroits que j'ai dits, et je l'ai également entendu dire à ses domestiques.<br />
Tout ce qu'un homme pourrait accomplir en fait d'œuvres bonnes et saintes, que ce soit en pratiquant l'ascétisme ou<br />
l'aumône ou la prédication, ou en donnant de bons exemples par la parole et par l'action, et de tout autre manière, tout<br />
cela dom <strong>Yves</strong> le faisait. Je l'ai constaté bien des fois, et je l'ai entendu dire».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 36<br />
Dame Pleysou, de Pestivien, veuve du seigneur Henri Carruel, chevalier, âgé de 50 ans...<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> plusieurs années avant sa mort, et j'ai vu qu'il se conduisait honnêtement et qu'il menait une<br />
vie sainte. C'est à Pestivien et au manoir du chevalier, mon mari, manoir nommé Le Ferty, au diocèse de Tréguier<br />
(sic), que j'ai vu dom <strong>Yves</strong> se comporter ainsi.<br />
Cet homme vivait d'une façon très austère et pratiquait beaucoup l'abstinence. Il se nourrissait de pain grossier de<br />
seigle, bien qu'on plaçât devant lui du pain de froment ; il mangeait aussi des plantes potagères préparées au sel et à<br />
l'eau sans autre condiment ; il jeûnait continuellement, excepté le dimanche. C'est ce que j'ai constaté dans les manoirs<br />
que j'ai cités.<br />
C'était un homme d'une grande bonté envers tout le monde, surtout envers les pauvres, car il leur faisait de larges<br />
aumônes. Il visitait aussi très souvent les malades, leur servait ce dont ils avaient besoin selon que Dieu lui avait<br />
donné. Et il prêchait très souvent la parole de Dieu à ces pauvres et à ces malades-là, et à n'importe qui par ailleurs. Je<br />
l'ai vu agir ainsi bien des fois.<br />
C'était un homme très humble et qui éprouvait plus de joie à se trouver avec les pauvres qu'avec les riches. Il traitait<br />
les pauvres, et qui que ce soit, avec humilité. Cette humilité se manifestait dans son maintien, dans ses paroles et dans<br />
ses actions où tout était humble, et il amenait tout homme à des actes méritoires d'humilité. C'est ce que j'ai vu bien<br />
des fois. Dans tout ce que j'ai dit de lui il n'y avait qu'humilité, d'après ce que j'ai vu.<br />
Partout où il se trouvait il passait tout son temps à prier et à prêcher tant de jour que de nuit, à tel point que<br />
plusieurs fois il passait des nuits pratiquement sans dormir, et s'il s'endormait c'était un petit moment à l'approche du<br />
jour, de façon à pouvoir célébrer la messe convenablement. Cela je l'ai constaté bien des fois, et c'est de notoriété<br />
publique dans la ville et le diocèse de Tréguier.<br />
C'était un homme d'une grande chasteté. Il avait toujours à la bouche les paroles de Dieu et un langage pur, et dans<br />
sa prédication il mettait la chasteté au-dessus de toutes les autres vertus. Par la sainteté de ses prières et de ses<br />
exemples, il entraînait hommes et femmes à garder cette vertu. C'est ainsi que je l'ai vu faire dans les sermons qu'il<br />
adressait fréquemment au peuple.<br />
C'était un homme d'une grande compassion à l'égard des orphelins, des mineurs, des veuves et des autres personnes<br />
malheureuses, et tout le bien qu'il pouvait leur faire en les aidant il le faisait, aussi bien par ses aumônes qu'autrement.<br />
Toutes les œuvres de charité et de miséricorde il les accomplissait avec sollicitude à la mesure de ses moyens. Les<br />
paroles ne peuvent rendre compte des bonnes œuvres qu'il réalisait couramment, et même on n'arriverait pas à<br />
l'imaginer. Partout où je l'ai vu vivre, j'ai constaté qu'il effectuait de bonnes œuvres. Et cela est de notoriété publique<br />
dans la ville et le diocèse de Tréguier, et dans les autres localités où dom <strong>Yves</strong> a exercé son activité. Son humilité et sa<br />
sainteté étaient si grandes qu'à le regarder, hommes et femmes se sentaient transformés, et les hommes avaient de la<br />
peine à se séparer de lui, si tant est qu'ils le pouvaient, tant était grand le charme qui émanait de lui. Je le sais pour<br />
m'être souvent trouvée en sa compagnie dans les endroits que j'ai déjà nommés et dans beaucoup d'autres. Il me<br />
déplaisait beaucoup qu'il quittât ces lieux, car telle était sa bonté, que j'aurais voulu qu'il restât toujours avec moi, si la<br />
chose lui avait été possible.<br />
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Il couchait habituellement par terre, quoique bien souvent on lui eût préparé de bons lits, et alors qu'on le croyait<br />
bien des fois dans sa chambre, il passait la nuit dans la chapelle ou à l'église, et cela de façon presque courante. Je le<br />
sais du fait que de jeunes damoiseaux suivaient parfois dom <strong>Yves</strong> pour voir ce qu'il faisait, et c'est ainsi qu'ils le<br />
voyaient faire : plusieurs l'ont rapporté et je l'ai entendu dire à d'autres. Et le fait est et était de notoriété publique. Il<br />
portait ordinairement un long surcot et une cotte et un chaperon d'une grossière étoffe blanche, et des souliers hauts à<br />
courroies. C'est dans cette tenue que je l'ai vu bien des fois».<br />
Etc. Etc.<br />
<strong>Yves</strong> Haloic, de la ville de Tréguier, âgé de 50 ans...<br />
TEMOIN 37<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> pendant les huit ans qui ont précédé sa mort. C'était un homme de vie bonne et sainte et de<br />
mœurs honnêtes. Je le sais pour l'avoir vu vivre dans la justice et la sainteté et l'avoir vu se comporter d'une manière<br />
parfaite. Il prêchait de très bon cœur et très fréquemment, et, dans ses sermons, il s'exprimait avec beaucoup de<br />
charme. Il se déplaçait très souvent d'une localité à une autre en prêchant publiquement la parole de Dieu. Bien des<br />
fois je l'ai vu et entendu prêcher dans l'église de Tréguier et à La Roche-Derrien et dans beaucoup d'autres lieux dont je<br />
ne me souviens plus.<br />
C'était un homme d'une grande austérité : il mangeait en effet ordinairement du pain de seigle et n'usait comme<br />
boisson que d'eau fraîche. Je l'ai vu boire et manger comme cela dans sa maison de Ker Martin, et il est de notoriété<br />
publique dans toute la Bretagne qu'il vivait ainsi.<br />
Il visitait les malades avec humilité. Je l'ai vu un jour à Tréguier visiter plusieurs malades. Précisément, alors qu'il<br />
passait dans une rue de Tréguier qu'on appelle rue des Perdrix, j'ai vu un homme lui dire : «Messire <strong>Yves</strong>, pour Dieu,<br />
venez entendre la confession d'un tel qui est malade et qui est en train de mourir dans telle maison». Dom <strong>Yves</strong> quitta<br />
son chemin et entra dans la maison indiquée. «Si je refusais, dit-il, d'aller voir ce malade, je serais en état de<br />
désobéissance à Dieu».<br />
Tout ce qu'il pouvait réunir de biens tant ecclésiastiques (par exemple de son église de Louannec quand il en était<br />
recteur) que personnels et patrimoniaux, il les distribuait aux pauvres. Ce sont les pauvres bénéficiaires de ses dons qui<br />
me l'ont rapporté bien souvent. Une fois j'ai vu le fait suivant : dom <strong>Yves</strong> n'avait pas d'argent et des pauvres lui<br />
demandaient l'aumoûe. Il débarrassa sa tête de son chaperon et le mit en gage pour avoir du pain qu'il distribua sur le<br />
champ aux pauvres. Cela se passait dans l'église de Tréguier.<br />
C'était un homme humble. Il saluait avec humilité tous ceux qui venaient à sa rencontre, et ses gestes manifestaient<br />
l'humilité de son cœur. Il avait plus de plaisir à rencontrer les pauvres que les riches, et il fréquentait plus souvent leur<br />
compagnie. Il les disposait à ne pas s'attrister de leur pauvreté, mais à la supporter avec patience. Je l'ai vu et entendu<br />
quelquefois leur tenir ce genre de propos.<br />
Il priait tout le temps et longuement tant qu'il était dans son église, à moins qu'il ne fût occupé à prêcher ou à<br />
entendre quelqu'un en confession. Jamais, en quelque endroit qu'il fût, il ne restait oisif. Très souvent j'ai vu et entendu<br />
dom <strong>Yves</strong> accomplir ces œuvres bonnes et de semblables.<br />
Ceux qui avaient des différends il les engageait à se réconcilier, et il soutenait plus volontiers les pauvres que les<br />
riches. En une occasion j'ai été le témoin oculaire du fait suivant. Dom <strong>Yves</strong> a soutenu contre mon père la cause d'un<br />
pauvre nommé Corstricin, et je crois que la cause de ce pauvre était juste ».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 38<br />
Guillaume, fils d'Aymonel, de la paroisse de Trélévern, diocèse de Tréguier, âgé de 40 ans...<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> plusieurs années avant sa mort. Il fut de vie bonne et de mœurs honnêtes. En effet tout le<br />
temps que je l'ai vu j'ai constaté qu'il vivait dans le bien et la sainteté et qu'il se comportait d'une manière parfaite. Tout<br />
ce qu'il pouvait posséder aussi bien dans sa maison personnelle de Ker Martin que dans son église de Louannec, aussi<br />
bien quand il se déplaçait d'un lieu à un autre en s'adonnant à la prédication qu'autrement, tout cela il le distribuait aux<br />
pauvres. Je l'ai vu bien des fois faire aux pauvres des largesses en aumônes, et j'ai reçu de lui de nombreuses aumônes.<br />
Quand il voyait une personne en proie à la désolation ou s'écartant du chemin de la vérité, la compassion le poussait, et<br />
il se mettait à lui prêcher, à elle toute seule, à seule fin de pouvoir l'arracher à l'erreur. C'est ainsi que j'ai vu dom <strong>Yves</strong><br />
prêcher la parole de Dieu à une brave femme toute seule. Elle s'appelait Helion, elle était de la paroisse de Trélévern. Il<br />
lui prêchait dans sa maison parce qu'elle était alors désolée d'avoir perdu quelque chose.<br />
Il ne mangeait qu'une seule fois chaque jour, sauf le dimanche ; il usait de pain grossier, ordinairement de seigle, et<br />
de plantes potagères préparées au sel et à l'eau sans autre condiment. Celui qui me l'a dit bien des fois c'est mon patron<br />
tailleur, qui mangeait fréquemment avec dom <strong>Yves</strong>, et je le crois fermement.<br />
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C'était un homme assidu à la prière. Je l'ai vu prier à l'église à genoux et les mains jointes, et il s'y tenait toujours<br />
ainsi sauf s'il célébrait la messe ou l'office divin ou s'il prêchait ; et fréquemment il pleurait très amèrement pendant<br />
qu'il priait. J'ai vu cela plusieurs fois.<br />
Il visitait les malades d'un cœur joyeux et souvent il les instruisait dans la foi du Christ. Aux laïcs qui ne savaient<br />
pas lire, il recommandait de dire souvent le «Notre Père», et il prêchait aussi cette pratique dans ses sermons. Je l'ai vu<br />
et entendu plus d'une fois prêcher, car j'assistais souvent à ses prédications.<br />
Il nourrissait les pauvres et les orphelins ; il les disposait à apprendre à lire, les plaçait aux écoles, acquittant le<br />
salaire des maîtres sur ses ressources personnelles. J'ai constaté cela plus d'une fois et je me souviens avoir vu <strong>Yves</strong><br />
Avispice et Amon En Quoquennec, du diocèse de Tréguier, être l'objet de tels soins.<br />
C'était un homme d'une grande bonté. Il traitait avec affection et bonté les pauvres du Christ, leur servait les choses<br />
nécessaires de ses propres mains, s'asseyant ensuite parmi eux comme l'un d'eux, et mangeait avec eux ; je crois qu'il<br />
se comportait toujours de cette façon-là.<br />
L'habit qu'il mettait était humble. Il portait en effet des vêtements grossiers faits d'une étoffe blanche qu'on appelle<br />
gros burell. C'étaient une cotte à manche longues et larges tombant sur les poignets, sans boutons, et un surcot qui lui<br />
descendait jusqu'aux talons, des souliers liés par des courroies comme en portent les Cisterciens. C'est ainsi que je l'ai<br />
toujours vu se tenir.<br />
Il formait le peuple à exercer la charité partout, et il le faisait tant par la parole que par l'exemple. Il l'amenait à<br />
mépriser la gloire du monde. C'est ce que j'ai vu et entendu plus d'une fois».<br />
Etc. Etc.<br />
TEMOIN 39<br />
Noble homme seigneur Alain de Karamnos, chevalier, du diocèse de Tréguier, âgé de 62 ans...<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> pendant les vingt années ou environ qui ont précédé sa mort. Il fut de vie bonne et sainte et<br />
de mœurs honnêtes. Je l'ai vu en effet dans mon «hôtellerie». On pouvait apporter devant lui de bons mets et du vin, je<br />
ne l'ai jamais vu manger autre chose que du pain grossier ni boire autre chose que de l'eau, bien qu'il fît son possible<br />
pour feindre le contraire, quand je le pressais d'instances convenables jusqu'à l'amener à céder. Je ne l'ai jamais vu non<br />
plus coucher dans un lit, mais s'étendre par terre tout habillé, malgré le bon lit qu'on lui préparait.<br />
Pendant dix ans et plus avant sa mort, je l'ai vu sortir constamment vêtu d'une cotte, d'un surcot et d'un chaperon<br />
d'une étoffe blanche de peu de valeur, qu'on appelle burell, alors que ses biens patrimoniaux aussi bien que ses revenus<br />
ecclésiastiques qui lui rapportaient 40 livres et plus par an, pouvaient lui permettre de s'offrir d'autres vêtements<br />
honorables et de bonne qualité. J'ai entendu dire qu'il portait à même la peau un cilice.<br />
J'ai entendu plus d'une fois dom <strong>Yves</strong> prêcher la parole de Dieu, et parfois, le même jour dans deux, trois et quatre<br />
églises éloignées l'une de l'autre ; dans ses prédications et dans ses activités bonnes et saintes le peuple le trouvait on<br />
ne peut plus agréable.<br />
Tout ce qu'il pouvait avoir et quelle qu'en fût l'origine, il le distribuait aux pauvres...»<br />
TEMOIN 40<br />
Panthonada, veuve de Rivallon le Jongleur, de la paroisse de Prisiac, du diocèse de Vannes, âgée de 80 ans...<br />
« Rivallon, mon défunt mari et moi-même, accompagnés des quatre enfants que j'avais, nous vînmes, onze ans<br />
environ avant la mort de dom <strong>Yves</strong>, à sa maison de Ker Martin pour recevoir aumônes et hospitalité pour l'amour de<br />
Dieu. Dom <strong>Yves</strong> nous accueillit avec beaucoup de joie, et pendant ces onze années-là, ou à peu près, il nous a gardés<br />
chez lui, pourvoyant à notre nourriture et à notre habillement.<br />
Pendant cette période j'ai constaté que dom <strong>Yves</strong> ne mangeait qu'une seule fois par jour du pain grossier, tantôt de<br />
seigle, tantôt d'avoine, tantôt d'orge ou de son, avec des plantes potagères, des fèves, des pois, des raves, sans la<br />
moindre graisse ni autre condiment, et qu'il buvait de l'eau. Tel était son régime, sauf les mercredis, vendredis et<br />
samedis de carême et de l'Avent du Seigneur, les Vigiles des Apôtres, et les jeûnes des Quatre-Temps, où il jeûnait au<br />
pain et à l'eau seulement. Il faut mettre à part les dimanches, car ces jours-là il dînait d'un peu de pain sans rien d'autre.<br />
Dom <strong>Yves</strong> sortait vêtu invariablement d'un surcot et d'une cotte longs et d'un chaperon d'une étoffe blanche bon<br />
marché qu'on appelle burell, aux manches longues et arrondies et sans boutons. Il était chaussé de bottes à courroies<br />
comme les Cisterciens et sans bas ; sous sa cotte il portait une chemise de filasse grossière. J'ai parfois lavé cette<br />
chemise et j'y ai vu tellement de poux que j'en avais horreur. La nuit il faisait un tout petit peu sécher cette chemise<br />
près du feu et il la remettait immédiatement toute mouillée ou humide.<br />
Il passait ses nuits presque sans dormir, à l'écart, dans sa chambre, à étudier et à prier. Il ne s'endormait jamais en<br />
effet qu'accablé d'un trop lourd sommeil. Alors il disposait ses bras autour de sa poitrine, se courbait en avant comme<br />
sur une croix et restait assis la poitrine appuyée sur ses livres, et la tête légèrement inclinée il dormait. Je jure l'avoir vu<br />
plus d'une fois dans cette position.<br />
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J'ai vu et entendu dom <strong>Yves</strong> dire chaque jour ses heures à Ker Martin, et célébrer ses messes dans la chapelle qu'il<br />
possédait là, à moins que la maladie ou quelqu'autre empêchement ne rendissent ces choses-là légitimement<br />
impossibles. Dom <strong>Yves</strong> est resté douze jours enfermé dans sa chambre, et pendant sept jours il n'a ni mangé ni bu de<br />
ce qui lui a été servi par moi ou par quelques autre membre de ma famille ou par qui que ce soit d'autre à ma<br />
connaissance. Après ces sept jours-là il sortit de sa chambre à la demande pressante de l'évêque de Tréguier que la<br />
famille de dom <strong>Yves</strong>, le croyant mort, avait prié de venir ; et il apparut en si bon état, avec un si bon visage que s'il<br />
avait mangé somptueusement chaque jour de bons repas. Je jure que j'ai vu cela se passer à cette époque-là.<br />
J'ai vu pendant ces onze années dom <strong>Yves</strong> recevoir sans faire de distinction ni de différence tous les pauvres qui se<br />
rejoignaient chez lui pour recevoir de lui une aumône, de la nourriture ou l'hospitalité, et parfois il leur distribuait des<br />
aumônes de pain, parfois d'argent. Il leur servait du pain grossier de seigle, d'avoine ou d'orge ; mais aux malades et<br />
aux infirmes il donnait du pain blanc de froment avec du potage de plantes potagères, de pois, de fèves ou de raves, et<br />
autres, qu'il avait, et il se mettait en leur compagnie, plaçant tout près de lui particulièrement les grands infirmes et les<br />
gens difformes ; il mangeait du pain grossier et buvait de l'eau fraîche comme je l'ai déjà dit ; et il les couchait dans la<br />
chambre qu'il avait fait aménager spécialement pour eux. J'ai vu dom <strong>Yves</strong> distribuer aux pauvres des vêtements<br />
d'étoffé grossière, et faire cadeau à deux pauvres l'un après l'autre à quelque temps de distance de la cotte qu'il portait<br />
sur lui parce qu'il n'avait pas sur le moment d'autres vêtements à leur offrir, mais je ne me souviens pas du tout du nom<br />
de ces pauvres.<br />
J'ai vu et j'ai su que quinze jours avant sa mort dom <strong>Yves</strong> portait un ciliée très difficile à supporter et très rugueux.<br />
Je m'en suis aperçue parce qu'au cours de la maladie dont il mourut, ce cilice lui devenant insupportable il l'enlevait un<br />
jour et le remettait le lendemain. Dans la semaine de sa mort, un jour, je ne sais plus lequel, dom <strong>Yves</strong>, malade et<br />
faible au point de ne pouvoir se soutenir mais tenu debout de temps en temps par quelques assistants dont j'ai oublié<br />
les noms, célébra la messe dans sa chapelle de Ker Martin. J'y assistais et j'ai donc vu la scène. Un samedi très tard<br />
dans la soirée, j'ai vu dom Amon Gorec, prêtre, curé de l'église de Tréguier, administrer à dom <strong>Yves</strong> le sacrement de<br />
l'Extrême-Onction et lui faire les onctions ; et j'ai entendu dom <strong>Yves</strong> répondre lui-même aux prières qui accompagnent<br />
l'onction et aux autres prières qu'on lisait au cours de cette cérémonie. L'onction achevée, il perdit l'usage de la parole.<br />
Alors le regard fixé sur la croix qui se trouvait là placée devant lui, joignant de temps en temps les mains, et à<br />
plusieurs reprises se signant et se protégeant dévotement du signe de la croix, il expira. De sa bouche, de son nez, de<br />
ses oreilles ou de ses yeux ne sortit ni bave ni autre chose. Pour tous les assistants il avait pour ainsi dire l'air de<br />
sourire et de transpirer, et il paraissait plus beau et plus rosé que de son vivant. Il y a vingt ans ou environ que dom<br />
<strong>Yves</strong> est mort, à la fête de la Pentecôte ou à celle qui tombe le plus près aux environs...»<br />
TEMOIN 41<br />
Amicia, fille de Panthonada, veuve de Rivallon le Jongleur, de la paroisse de Prisiac, âgée de 40 ans...<br />
« Dom <strong>Yves</strong> fut absolument de bonne réputation, de bonne vie et de mœurs honnêtes. Mes parents m'ont portée à<br />
Ker Martin dans la maison de dom <strong>Yves</strong> onze ans environ, je crois, avant sa mort, et je me souviens que, sur les onze<br />
années, il y en a eu six où, pleinement consciente, j'ai vu dom <strong>Yves</strong> mener une vie honnête et distribuer aux pauvres de<br />
larges aumônes. Pendant les dix années que j'évoquais, il a pourvu mes parents et leurs enfants pour l'amour de Dieu<br />
en vivres et en vêtements, et leur a assuré le nécessaire. Comme on l'a déjà dit, dom <strong>Yves</strong> ne prenait qu'un seul repas<br />
par jour et ne mangeait que du pain grossier avec du potage de plantes potagères, de pois ou de fèves, sans aucun<br />
condiment, excepté les dimanches où il mangeait parfois, et c'était rare, un tout petit peu de pain au repas du soir. Il y<br />
avait beaucoup de jours, mais je ne sais plus lesquels, où il jeûnait au pain et à l'eau, sans rien d'autre. Jamais je ne l'ai<br />
vu boire de vin, sauf quand il célébrait la messe, et je n'ai jamais entendu dire qu'il l'eût fait.<br />
Tout ce temps-là j'ai toujours vu dom <strong>Yves</strong> sortir vêtu d'un long surcot et d'une cotte à manches longues et<br />
arrondies sans boutons, ainsi que d'un chaperon d'une étoffe blanche bon marché qu'on appelle burell ; et il portait aux<br />
pieds des bottes à courroies comme les Cisterciens, sans bas.<br />
Il couchait tout habillé par terre sur un peu de paille. Quand il était sorti de sa maison, il m'est arrivé assez souvent<br />
de pénétrer dans la chambre où il couchait, pour voir l'endroit et le lit où il s'allongeait, et j'ai vu qu'il y avait là un tout<br />
petit peu de paille et une courte-pointe de peu de valeur.<br />
J'ai vu bien des fois dom <strong>Yves</strong> prier, à genoux, incliné vers le sol, et même pleurer par moments des larmes amères.<br />
Et quand il séjournait ou se trouvait à Ker Martin, chaque jour il célébrait la messe dans sa chapelle avec une très<br />
grande ferveur. Il m'est arrivé une fois de me confesser à lui ; il pleurait très amèrement en m'écoutant, et je crois qu'il<br />
voulait m'amener au vif regret de mes péchés.<br />
Dom <strong>Yves</strong> aidait tous les pauvres qui recouraient à lui sans faire entre eux de différence et il leur faisait l'aumône,<br />
soit en argent, soit en pain, soit en vivres par ailleurs, selon ce que lui fournissait le Seigneur. Dans son «hôtellerie» il<br />
pourvoyait à l'hébergement de ceux qui le voulaient et au coucher de ceux qui cherchaient un lit. Il mangeait et buvait<br />
au milieu des plus maléficiés et des plus difformes, qu'il faisait asseoir près de lui, comme on l'a déjà dit.<br />
Bien souvent il donnait des vêtements aux pauvres. Je jure l'avoir vu faire, et j'ajoute que j'ai vu une fois dom <strong>Yves</strong><br />
se défaire de sa cotte, et la mettre à un pauvre, parce qu'il n'avait pas d'autres vêtements à lui donner. Cela se passait à<br />
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Ker Martin un hiver aux environs de la mort de dom <strong>Yves</strong>, en période de grand froid. Pour ce qui est du pauvre, je ne<br />
connais ni son nom ni sa personne.<br />
J'ai vu dom <strong>Yves</strong> une fois se tenir enfermé sept jours et cinq jours encore dans sa chambre et y rester sans pain ni<br />
eau ni autre nourriture naturelle. Au bout de sept jours de cette réclusion, ma mère et moi nous le crûmes mort, mais<br />
n'ayant pas qualité pour entrer près de lui nous nous rendîmes près du seigneur évêque de ce temps-là. A cette<br />
nouvelle, il vint à Ker Martin avec certains chanoines. Il ne put entrer dans la chambre où se trouvait dom <strong>Yves</strong>. C'est<br />
alors que le beau-frère d'<strong>Yves</strong> parvint à la chambre et en brisa la fenêtre pour voir ce qu'il en était. Et, comme il nous<br />
le raconta par la suite, il vit dom <strong>Yves</strong> occupé à prier. «Je voudrais que tu sois malades en ce moment, lui dit-il». Et j'ai<br />
la ferme conviction que pendant douze jours il fut soutenu par une nourriture céleste et angélique. La preuve qu'il ne<br />
prit ni pain ni boisson ni autre nourriture matérielle, c'est que peu avant qu'il n'entrât dans la chambre en question, j'y<br />
fus moi-même, et il n'y avait là ni pain ni eau ni quelque autre nourriture matérielle. Je l'y ai vu entrer : il ne portait<br />
rien avec lui et je n'ai vu personne lui servir quoi que ce fût pendant ce laps de temps, ni avoir entrée ou accès près de<br />
lui, ni lui-même quitter sa chambre. Et son visage, quand il en sortit, ne montrait aucune altération.<br />
La semaine de sa mort, un jour, je ne sais plus lequel, dom <strong>Yves</strong> célébra la messe dans sa chapelle de Ker Martin,<br />
bien qu'il fût malade et faible, au point que des assistants durent à plusieurs reprises le soutenir. J'étais là, et ma mère<br />
aussi, et beaucoup d'autres dont je ne me rappelle plus les noms. Le samedi de cette semaine-là, bien tard dans la<br />
soirée, un prêtre, dom Hamon Gorec, lui administra le sacrement d'Extrême-Onction et l'oignit. Dom <strong>Yves</strong> répondait<br />
aux prières qu'on disait au cours de cette liturgie, à laquelle assistaient maître <strong>Yves</strong> Le Cognac, alors official de<br />
Tréguier, Geoffroy de l'Abbaye, le prêtre Alain Salomon, Gruer Conan et <strong>Yves</strong> son fils, alors vivants, maintenant<br />
défunts, et ma mère, et plusieurs autres dont j'ai oublié les noms. La cérémonie achevée, dom <strong>Yves</strong> perdit l'usage de la<br />
parole et fixa ses regards sur une croix placée devant lui. Joignant les mains et de temps en temps se signant du signe<br />
de la croix, il laissa échapper un souffle comme pour s'endormir. L'aube du jour suivant, qui était un dimanche, allait<br />
poindre. Aux environs de la Pentecôte toute proche il y a eu de cela 27 ans.<br />
Ces choses-là sont et ont été de notoriété publique dans le diocèse et la ville de Tréguier. Notre-Seigneur-Jésus-<br />
Christ a opéré et opère chaque jour beaucoup de miracles par dom <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 42<br />
Hamon de Ker Goussi, de la paroisse de Plouguiel, diocèse de Tréguier, âgé de 55 ans...<br />
« J'ai vu et connu personnellement dom <strong>Yves</strong> dans la ville de Tréguier et dans beaucoup d'autres localités pendant<br />
vingt années et plus avant sa mort. Dimanche dernier qui était le dimanche après l'Ascension du Seigneur, il y a eu 27<br />
ans qu'il est décédé. Telle est, à mon avis, la date de sa mort.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était un homme de vie bonne et sainte et de mœurs honnêtes, car il était d'une grande chasteté et d'une<br />
grande fidélité à ses devoirs. Je l'ai vu agir en tout selon le bien. Il aimait ceux qu'il savait vivre dans la chasteté et<br />
dans la droiture, et jamais je n'ai constaté en lui un indice qui pût me faire soupçonner quoi que ce fût de déshonnête,<br />
très particulièrement de contraire à la chasteté. J'ai vu plusieurs personnes réputées chastes et fidèles à leurs<br />
obligations que dom <strong>Yves</strong> aimait beaucoup et avec qui je vivais habituellement, et en particulier Hamon Toulefflam, et<br />
<strong>Yves</strong> Ermeus à cette époque de la paroisse de Louannec, et plusieurs autres dont à présent je ne me rappelle plus du<br />
tout les noms. Une autre preuve que dom <strong>Yves</strong> était tel que je l'ai résenté c'est qu'il menait une vie très austère, ne<br />
mangeant que du pain grossier et du potage de plantes potagères, de pois ou de fèves, tantôt salés tantôt sans sel, sans<br />
autre condiment. Je l'ai vu bien des fois manger et particulièrement dans la maison de Geoffroy de Ker River,<br />
damoiseau, et d'Adévisia Nux, damoiselle du diocèse de Tréguier, et dans beaucoup d'autres endroits. J'ai vu les autres<br />
manger là de bons plats et du beurre, mais lui, on avait beau lui en présenter, il refusait d'en prendre, et se contentait<br />
d'eau comme boisson. Il ne mangeait qu'une seule fois par jour. C'est ce que j'ai vu bien des fois dans les lieux que j'ai<br />
dits. Parfois il ne mangeait pas de toute la journée, quand il rentrait de ses prédications, comme je l'ai entendu dire à<br />
plusieurs personnes qui le fréquentaient. Les personnes qui m'ont renseignée là-dessus sont Adelicia, fille défunte<br />
d'Amon Derte et feue Rudeleine de la paroisse et de la ville de Tréguier. On les appelait les sœurs de dom <strong>Yves</strong>, parce<br />
qu'il les avait converties à une vie sainte et vertueuse.<br />
Dom <strong>Yves</strong> portait un surcot, une cotte et un chaperon de grossier burell blanc, et chaussait des souliers hauts à<br />
courroies comme les Cisterciens. Je l'ai vu très fréquemment dans cet habit. Je lui ai fait visite dans sa maison de Ker<br />
Martin alors que la maladie dont il mourut le tenait couché, et j'ai donc vu le lit sur lequel il était étendu : il consistait<br />
en un peu de paille ; là-dessus il se tenait couché recouvert d'une pauvre courte-pointe.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était un homme d'une grande bonté. Il visitait en effet les malades, les pauvres, et il distribuait tout ce<br />
qu'il pouvait avoir. Je l'ai vu fréquemment visiter les malades, en particulier mon défunt frère, Alain de Ker Goussi,<br />
feue Constance de Ker Tanve, Adevisia Nuz, dont j'ai déjà parlé. Il a visité ces deux dernières plusieurs fois en ma<br />
présence quand elles étaient malades, ainsi que plusieurs autres dont j'ai oublié les noms. J'ai vu très souvent des<br />
pauvres le suivre et accourir vers lui, et il leur faisait des aumônes, j'en étais témoin. Cela se passait à Ker Martin. Et<br />
d'ailleurs tout le monde en parlait publiquement.<br />
C'était un homme d'une grande humilité. Il s'avançait toujours avec humilité et bienveillance, et parlait à tous avec<br />
un visage humble et joyeux.<br />
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Dom <strong>Yves</strong> aimait la justice, et on le disait publiquement quand il était l'official de Tréguier. Avocat, il favorisait au<br />
maximum la cause des pauvres et des personnes malheureuses. Je ne l'ai pas vu faire, mais j'ai ouï dire très souvent<br />
qu'il le faisait. C'était ce qu'on disait couramment et publiquement.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était un homme d'une grande patience. Il supportait patiemment et humblement tout ce qu'on lui disait.<br />
C'était un homme d'une grande assiduité à la prédication et à la prière. Je l'ai vu très souvent prier et dans bien des<br />
endroits, principalement à Tréguier et dans la paroisse de Plouguiel déjà citée. Je l'ai vu célébrer la messe dans les<br />
endroits déjà mentionnés, avec une très grande ferveur. Je l'ai vu alors, avant sa messe et après, se mettre en oraison et<br />
prier très dévotement les mains jointes et les bras levés au ciel...»<br />
TEMOIN 43<br />
Jaquet, fils de feu Rivallon, de la paroisse Saint Pierre de Louannec, âgé de 50 ans...<br />
«J'ai vu et connu dom <strong>Yves</strong> à partir du moment où il fut recteur de l'église de Louannec. Et il me semble qu'il fut<br />
pendant onze ans ou environ recteur de cette église jusqu'à sa mort. Dom <strong>Yves</strong> est décédé il y a 27 ans environ.<br />
C'était un homme de vie sainte et chaste et honnête. Les paroles qu'il prononçait étaient en effet toujours saintes,<br />
honnêtes et bonnes, et surtout dans ses prédications il instruisait les gens à vivre dans la chasteté et la vertu, et je pense<br />
que personne n'aurait osé dire ou accomplir en sa présence quoi que ce fût de déshonnête. Je me suis trouvé en<br />
relations avec lui bien des fois, fréquemment même, pendant la période que j'ai dite ; je l'ai entendu et je le voyais<br />
prêcher et parler de cette façon-là. Et d'ailleurs des gens, le voyant et l'entendant, se tournaient vers le bien grâce à ses<br />
paroles saintes et à ses actions chastes et vertueuses, devenaient en toutes choses plus vertueuses et meilleures. Ainsi<br />
après que dom <strong>Yves</strong> eut commencé à prêcher aux gens du pays, ils devinrent deux fois meilleurs qu'auparavant,<br />
comme on le dit couramment dans mon pays. Ni moi ni un autre n'avons pu entendre sortir de sa bouche la moindre<br />
parole mauvaise ou déshonnête.<br />
C'était un homme d'une grande austérité envers soi-même. Je le voyais en effet ne manger que du pain grossier, et<br />
du potage et ne boire que de l'eau. Il ne mangeait qu'une seule fois par jour, et jeûnait, je l'ai constaté bien des fois,<br />
tous les vendredis au pain et à l'eau, sans rien d'autre. De même à cette époque il ne s'habillait que d'une grossière<br />
étoffe de burell blanc, surcot, cotte et chaperon, et portait une chemise de toile grossière. Je lui faisais ses vêtements et<br />
je les lui voyais porter. Dom <strong>Yves</strong> portait un ciliée, mais je n'ai pas pu le voir car il faisait tout son possible pour le<br />
cacher, mais un sien clerc, nommé Olivier Teyson, qui l'avait vu, me l'a rapporté. Il portait des souliers grossiers et<br />
durs à courroies. Je l'ai vu bien des fois ainsi chaussé. Il couchait sur un peu de paille lorsqu'il voulait dormir, et sous<br />
sa tête il plaçait parfois deux livres. J'ai vu bien des fois cet endroit sur un petit grenier, et je l'ai vu coucher de cette<br />
façon-là quand il demeurait au presbytère de Louannec. Le lit où il couchait dans sa maison de Ker Martin, quand il<br />
séjournait là, était pareillement fait d'un peu de paille, que recouvrait une petite courte-pointe de peu de valeur. J'ai<br />
fréquemment vu et touché le lit en question.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était très enclin à la pitié. C'est ainsi qu'il renonçait à manger et à boire pour visiter les malades, et il les<br />
consolait dans leurs maladies. Ainsi je l'ai vu souvent visiter les malades tous sans exception, et il m'a visité moi en<br />
particulier quand j'étais malade, et aussi Eveguent la fille d'Audreinec et Adelicia la fille d'Anteudec, et bien d'autres<br />
qu'il m'est difficile de me rappeler. Et il les réconfortait en ma présence, les amenait à se confesser, et il leur prêchait<br />
de saintes paroles, pour qu'ils s'établissent dans de bonnes dispositions, s'ils voulaient obtenir la santé du corps et de<br />
l'âme. Tout ce qu'il pouvait avoir provenant de son église ou de son patrimoine, il le distribuait aux pauvres. Je<br />
constatais cela fréquemment, et je ne l'ai jamais vu dire non à un pauvre quelconque qui lui demandait l'aumône. Il lui<br />
arrivait fréquemment en ma présence de faire cuire une fournée de pain, et de ses propres mains il partageait en<br />
morceaux, ce pain aux pauvres, retenant avec lui les plus dédaignés et les plus faibles, auxquels personnellement il<br />
servait le pain et l'eau et le potage qu'il avait, et même il offrait l'eau pour laver les mains des pauvres avant le repas, et<br />
il mangeait avec eux, près d'eux et comme eux. Je voyais souvent cela et je l'aidais aussi personnellement dans cette<br />
tâche. J'ai vu dom <strong>Yves</strong> acheter et faire acheter de l'étoffe pour habiller les pauvres : c'était moi qui, sur sa demande,<br />
en confectionnais des vêtements qu'il distribuait aux pauvres en ma présence. L'étoffe, il l'achetait à La Roche-Derrien<br />
et à Lannion ; la distribution des habits se faisait dans la paroisse de Louannec et dans beaucoup d'autres lieux.<br />
C'était un homme très humble. Il se comportait à l'égard de n'importe qui avec respect et humilité, et quand il<br />
prêchait il poussait les gens par-dessus tout à l'humilité, disant que s'ils étaient humbles et bienveillants Dieu les<br />
exalterait et leur ferait du bien. Maintes fois je l'ai vu et entendu prêcher de cette façon-là, et se comporter<br />
humblement, particulièrement dans l'église de Louannec et dans l'église de Tréguier, et à l'égard de nombreuses<br />
personnes de la ville et du diocèse de Tréguier.<br />
C'était un homme d'un grand esprit de justice, car il s'efforçait d'amener à la paix les gens en désaccord, respectant<br />
leurs droits autant qu'il le pouvait, et quand il ne pouvait pas les amener à faire la paix entre eux, étant official de<br />
Tréguier, il leur rendait une justice rapide. J'ai vu bien des faits de ce genre, mais il y a longtemps de cela, et je n'en ai<br />
plus aucun souvenir. Tous alors le louaient de sa bonne justice, et jamais je n'ai vu ni entendu personne se plaindre du<br />
contraire.<br />
C'était un homme d'une grande patience. A voir sa façon d'agir et ses attitudes, je suis convaincu que si quelqu'un<br />
l'avait frappé, il l'aurait supporté avec patience.<br />
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Dom <strong>Yves</strong> était un homme très assidu à prier et à prêcher. Il dépensait dans la prière et la prédication une énergie<br />
très grande. C'est ainsi que je l'ai vu maintes fois célébrer et prêcher dans son église et ailleurs avec tant de charme et<br />
de ferveur que les gens ne pouvaient se rassasier de l'entendre. Avant chaque messe et chaque sermon, comme après, il<br />
priait très dévotement, parfois avec larmes. Il lui arrivait fréquemment d'aller prêcher le même jour dans plusieurs<br />
endroits, et il rentrait parfois de ses prédications extraordinairement fatigué, comme j'ai pu m'en rendre compte moimême.<br />
C'était un homme à compatir d'abord et avant tout aux gens malheureux. Aussi quand il connaissait des orphelins<br />
ou des veuves ou d'autres personnes semblables dans le malheur, leur donnait-il de son blé et de son argent pour<br />
subvenir à leurs besoins, ne gardant rien pour lui dès lors qu'il pouvait savoir quelqu'un dans une telle indigence. Je le<br />
voyais agir ainsi très souvent aussi bien dans sa paroisse qu'à travers d'autres localités.<br />
Je n'ai pas assisté à sa mort. Cependant j'étais là durant sa maladie jusqu'au troisième jour avant sa mort. Ce jour-là<br />
dom <strong>Yves</strong> m'a commandé d'aller à son église pour empêcher les gens de venir le voir, et leur dire qu'il était en bonne<br />
condition, grâce à Dieu ; et il le fit faire parce qu'à l'annonce de la gravité de sa maladie les gens commençaient à<br />
affluer à son chevet, et particulièrement de la paroisse de Louannec...».<br />
TEMOIN 44<br />
Derrien de Bouaysalio, autrement dit, Denys de Bosche Alioche, de la paroisse de la Bienheureuse Marie de Sulard<br />
qui dépend ou qui fait partie maintenant de l'église de Louannec, âgé de 60 ans...<br />
« J'ai connu dom <strong>Yves</strong> tout le temps qu'il fut recteur de l'église de Louannec. Je l'avais vu et connu aussi du temps<br />
qu'il était officiai de Tréguier. Il menait une vie très dure et très rude, en ce qui concerne aussi bien la nourriture et la<br />
boisson que les chaussures, les habits et même le coucher. J'ai vu bien des fois dom <strong>Yves</strong> manger du pain grossier et<br />
du potage et boire uniquement de l'eau, dans ma maison plus d'une fois, et au presbytère de Louannec ; et je crois que<br />
dom <strong>Yves</strong> vivait toujours de cette façon-là, principalement parce qu'on le disait publiquement. Une fois dom <strong>Yves</strong>,<br />
quelques autres et moi, sommes allés en pèlerinage ensemble, à la Bienheureuse Vierge de Quintin, au diocèse de<br />
Saint-Brieuc. A cette occasion, un de nos compagnons, nommé Thomas de Kerrimel, touché par les exhortations et les<br />
prédications que dom <strong>Yves</strong> lui avait faites, se fit en chemin moine au monastère de la Bienheureuse Marie de Bégard.<br />
Lorsque dom <strong>Yves</strong> eut résigné sa charge d'official de Tréguier, il portait des vêtements, surcot, cotte et chaperon,<br />
de grossier burell blanc, et des souliers hauts à courroies, comme en portent les moines de Bégard de l'ordre de<br />
Cîteaux. Je l'ai vu très souvent jusqu'à l'époque de sa mort et il portait ces habit-là. Jusqu'à l'époque de sa mort, cela<br />
signifie dix ou douze années, à ce qu'il me semble. Et je pense qu'il y a bien 27 ans et plus qu'il est mort. J'ai vu très<br />
souvent l'endroit où il couchait : c'était sur un grenier une claie : là-dessus il avait pour lit un peu de paille ; je n'y ai<br />
rien vu d'autre. C'était là qu'il étudiait, comme je l'ai vu parfois, et qu'il dormait comme on le disait.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était un homme d'une grande bonté. Je l'ai vu faire aux pauvres de nombreuses aumônes, et il leur<br />
donnait tout ce qu'il avait ou pouvait avoir. Telle est et telle était la rumeur publique à ce sujet. J'ai vu dom <strong>Yves</strong> une<br />
année faire battre rapidement les blés de ses moissons et les distribuer aux pauvres. C'est alors, en ma présence, qu'un<br />
certain Alain de Carbon, de la paroisse de Louannec, lui dit qu'il manquait de prudence à livrer ainsi son blé à cette<br />
époque-là, car, s'il le gardait en réserve, il en tirerait davantage. Dom <strong>Yves</strong> répondit devant moi à cet Allain : «Je ne<br />
suis pas certain d'être en vie à ce moment-là». J'ai vu et entendu dom <strong>Yves</strong>, l'année s'étant écoulée, demander à notre<br />
Alain combien il avait gagné en mettant de côté pour lui le blé de l'année précédente. Ce dernier lui répondit : «J'ai<br />
gagné le cinquième». «J'attends un plus grand profit, lui dit dom <strong>Yves</strong>, de mon blé que j'ai livré à l'époque des<br />
moissons». Fréquemment j'ai vu dom <strong>Yves</strong> visiter un très grand nombre de malades dans la paroisse de Louannec et de<br />
Kermaria-Sulard : ce serait trop long à raconter. La visite aux malades consistait à les réconforter, à les amener à se<br />
confesser et ensuite à entendre leurs confessions.<br />
C'est avec simplicité et douceur que dom <strong>Yves</strong> entrait en relations avec tout le monde, gens de rang élevé aussi bien<br />
que petites gens, qu'il les écoutait, qu'il leur parlait, prononçant toujours ses paroles avec gaîté et gentillesse.<br />
C'était un homme d'un grand esprit de justice. Ainsi quand il était officiai de Tréguier, je l'ai entendu et vu bien des<br />
fois rendre devant moi à toutes les parties une rapide justice, s'il n'avait pas réussi auparavant à les mettre d'accord.<br />
Cela est de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était un homme assidu à prier, à prêcher, et à célébrer la messe. Je l'ai vu bien des fois prêcher à<br />
Louannec et à Tréguier, et dans plusieurs autres localités. Je l'ai vu très souvent célébrer la messe. Très pieusement il<br />
se mettait en oraison avant ses sermons et après, avec une si grande dévotion que ceux qui étaient présents il les<br />
amenait à la dévotion jusqu'aux larmes, et il y parvenait aussi lorsqu'il prêchait. Pour cette raison, quand il devait<br />
célébrer et prêcher, tous ceux qui le pouvaient le suivaient. D'ailleurs avant que dom <strong>Yves</strong> ne commençât ses<br />
prédications, les gens de toute la région étaient très durs à pousser au bien ; mais ses prédications et ses bons exemples<br />
les édifièrent et les rendirent meilleurs. J'ai constaté que les gens d'alors étaient plus portés à la débauche et aux péchés<br />
qu'on ne l'est aujourd'hui. Et c'est d'ailleurs l'opinion des hommes du pays que cela est dû aux exhortations que dom<br />
<strong>Yves</strong> n'a cessé de répandre dans la région.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était un homme d'une grande compassion à l'égard des mineurs, des orphelins, des veuves et des autres<br />
personnes malheureuses qu'il voyait ou savait pauvres, ou à l'égard des autres impotents, comme on le dit couramment<br />
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et publiquement dans le pays. C'est ce que j'ai vu bien des fois et entendu dans les localités déjà mentionnées et dans<br />
plusieurs autres, et c'était de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier. Dom <strong>Yves</strong> était par ailleurs<br />
plein de discrétion, de science, de bonté et des autres bonnes vertus agréables à Dieu.<br />
Je n'ai pas assisté à la mort de dom <strong>Yves</strong>. Mais je lui ai fait visite à Ker Martin au cours de sa maladie le vendredi<br />
avant sa mort ; il est décédé, d'après ce que j'ai ouï dire, à l'aube du dimanche suivant. Ce vendredi-là, il était couché,<br />
étendu sur un peu de paille, revêtu de sa cotte et couvert d'une courte-pointe de peu de valeur, noire et misérable, il<br />
avait son capuchon sur sa tête. Je lui ai dit : «Messire, vous n'êtes pas guéri comme disaient vos gens ?» «Dieu sait et<br />
connaît, m'a-t-il répondu». Et il a levé ses mains jointes vers un crucifix qu'il avait devant lui. Je suis parti ce vendredilà<br />
; et par la suite je suis revenu le dimanche même, alors qu'il était mort et que son corps se trouvait dans l'église de<br />
Tréguier. Je vis alors comment le peuple venait. Quiconque le pouvait le touchait ou touchait ses effets, comme je l'ai<br />
fait moi-même.<br />
Toutes les bonnes vertus que j'ai mentionnées, moi Darien, témoin présenté, assermenté et soigneusement interrogé<br />
sur la vie et les mœurs de dom <strong>Yves</strong>, tout ce que j'ai déposé est de notoriété publique...»<br />
TEMOIN 45<br />
Constance, épouse d'Etienne Ymbert, de la ville de Tréguier, âgée de 55 ans...<br />
« J'ai vu et connu dom <strong>Yves</strong> pendant les dix années ou environ, me semble-t-il, qui ont précédé sa mort. C'était un<br />
homme vertueux, humble et bienveillant, d'une grande patience, faisant grande pénitence, assidu à prier et à prêcher,<br />
miséricordieux et bon dans ses visites aux malades, dans les distributions qu'il faisait aux pauvres de tout ce qu'il avait<br />
ou pouvait avoir, dans l'aide qu'il apportait aux mineurs, aux orphelins, aux veuves et à toutes les autres personnes<br />
malheureuses, en les consolant, en les secourant, en plaidant pour elles. Je l'ai vu bien des fois : il sortait en vêtement<br />
humble, convenable et pauvre ; il était vêtu d'un long surcot, et d'une cotte et d'un chaperon d'une grossière étoffe de<br />
burell de peu de valeur, et cela pendant huit ans et plus avant sa mort. Et avant cette époque-là je l'ai vu un jour (je ne<br />
sais plus lequel) revêtu d'une cotte, d'un surcot et d'une housse de couleur perse avec un chaperon du même tissu, à<br />
fourrures ; il était chaussé de bottes et il entrait dans l'Hôtel-Dieu ou Hôpital de Tréguier. Peu après je l'ai vu qui<br />
sortait de ce même hôpital sans chaperon, sans surcot ni housse et qui se hâtait nu pieds de gagner sa maison de Ker<br />
Martin, tenant un pan de son surcot sur sa tête en guise de capuchon. Ma mère et moi nous nous rendîmes alors à<br />
l'Hôtel-Dieu et découvrîmes que dom <strong>Yves</strong> avait donné son chaperon à un pauvre estropié, à un autre la fourrure de sa<br />
housse, et à un autre cette housse, et ses bottes à un autre pauvre aveugle. J'affirme que tout ce que je dis là je l'ai vu et<br />
que les pauvres en question me l'ont rapporté. J'affirme encore avoir vu dom <strong>Yves</strong> après cette époque sortir chaussé de<br />
gros souliers à courroies ; et j'ai entendu dire à son serviteur, son clerc, nommé Olivier, qu'il portait un cilice à même<br />
la peau.<br />
J'ai vu et entendu plusieurs fois dom <strong>Yves</strong> prêcher, célébrer des messes et prier avec une très grande dévotion,<br />
distribuer aux pauvres ses biens, visiter les malades, apporter aide et consolation à ces personnes malheureuses. Tout<br />
cela que j'ai dit est de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier et dans les autres régions<br />
circonvoisines. Je n'ai pas assisté à la mort de dom <strong>Yves</strong>, mais j'étais bien à sa sépulture dans l'église de Tréguier. J'y<br />
ai vu à cette occasion une foule de gens qui touchaient alors le corps de dom <strong>Yves</strong> ou la civière sur laquelle il gisait.<br />
Certains le faisaient avec leurs capuchons, quelques-uns de leurs mains, du mieux qu'il pouvaient. Il y avait là une<br />
immense multitude de pauvres, d'estropiés, d'infirmes et d'autres qui pleuraient sa mort...»<br />
<strong>Yves</strong> de Trégordel, paroissien de Pleubian, âgé de 55 ans...<br />
TEMOIN 46<br />
« J'ai connu et vu dom <strong>Yves</strong> ; j'ai été avec lui à l'Université d'Orléans. Cependant je n'ai pas habité la même maison<br />
que lui, mais je le voyais fréquemment et j'avais des relations avec lui, une première fois pendant deux ans, et une<br />
deuxième fois pendant deux ans et demi environ. Dom <strong>Yves</strong> menait une vie chaste et vertueuse, à ce que je pouvais en<br />
juger et d'après ce qu'on disait chez ceux qui demeuraient avec lui dans cette Université. Il assistait à des messes avec<br />
beaucoup de piété, il disait même ses heures. Il m'est arrivé parfois de le voir et de l'entendre le faire, et des<br />
compagnons, qui étaient avec lui tout le temps, affirmaient la même chose. Une fois de retour dans son pays, il se mit<br />
au bout d'un certain temps à mener une vie admirable, jeûnant, portant des vêtements grossiers, priant, prêchant,<br />
célébrant des messes, disant les autres offices divins, donnant des aumônes, et visitant aussi les malades. Je le sais<br />
pour l'avoir vu et entendu très souvent.<br />
Je l'ai vu mille fois, car je vivais avec lui parfois une semaine et parfois deux semaines et plus. Il jeûnait chaque<br />
jour de la semaine, sauf le dimanche, ne mangeant que du pain grossier et du potage et buvant de l'eau seulement.<br />
Certains jours de la semaine, dont je ne me souviens plus, il prenait par jour une seule fois du pain et de l'eau sans rien<br />
d'autre. Il me servait alors la quantité de vin dont j'avais besoin. J'eus beau à plusieurs reprises le prier d'en prendre,<br />
jamais à mes prières il n'en voulut boire, sauf une seule fois et un petit peu. Couramment, lorsqu'il mangeait, il y avait,<br />
mangeant à sa table près de lui, des pauvres : ils affluaient de toutes parts vers lui et le suivaient ; et il les servait de ses<br />
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propres mains dans sa maison de Ker Martin et au presbytère de son église de Louannec. C'est ce que j'ai vu et c'est ce<br />
que beaucoup de gens m'ont rapportée. J'ai vu dom <strong>Yves</strong> manger dans plusieurs autres lieux, parfois chez moi, bien<br />
entendu, et au prieuré de Pleubian, et ailleurs. Il mangeait alors et buvait ce que j'ai dit et se privait comme je l'ai dit.<br />
Dom <strong>Yves</strong> portait, c'est ainsi que je l'ai vu faire, des habits de grossier burell blanc, et une chemise grossière, de toile<br />
très grossière, qu'on appelle en français «reparon» ; il portait aussi des souliers hauts à la manière des frères<br />
Cisterciens. J'ai vu très fréquemment l'endroit où il couchait à Ker Martin. Il y avait là un peu de paille ; c'était couvert<br />
d'une vieille petite courte-pointe bon marché, et à l'endroit de la tête il y avait une pierre en guise d'oreiller. C'est ce<br />
que bien des fois j'ai vu, j'ai touché, j'ai palpé.<br />
Je l'ai vu très souvent visiter les malades dans la ville de Tréguier, et dans la paroisse de Pleubian et dans celle de<br />
Pleumeur, et dans bien d'autres endroits. Et moi-même parfois il m'a visité dans ma propre maison quand j'étais<br />
malade. Dom <strong>Yves</strong> surpassait en humilité tous les hommes que j'ai pu voir. C'était lui qui saluait les gens, et il parlait à<br />
tout le monde avec une très grande humilité et un très grand respect. C'est ce que j'ai pu voir et entendre très<br />
fréquemment, et je n'ai jamais pu savoir ni entendre que quelque parole hautaine fût jamais sortie de sa bouche.<br />
Dom <strong>Yves</strong> aimait beaucoup la justice. Ainsi tout le temps qu'il était l'official de Tréguier, il rendait une prompte<br />
justice aux parties engagées en procès devant lui comme tous le disaient dans le milieu des juristes de la cour de<br />
l'évêque de Tréguier devant moi qui écoutais. Il s'efforçait avant toutes choses d'amener les parties qui avaient un<br />
différend à établir la paix. Je l'ai vu agir de cette façon fréquemment et c'est ce que m'ont rapporté plusieurs personnes<br />
dignes de foi.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était très patient et très bienveillant. Parfois quelques gens, je ne me rappelle plus qui, le traitaient de<br />
coquin devant moi, en se moquant de lui. Et dom <strong>Yves</strong> pourtant supportait et endurait cela patiemment et gaîment.<br />
Il prêchait avec un charme extrême la parole de Dieu au clergé et au peuple. Je l'ai vu et entendu très fréquemment,<br />
car je le suivais et j'écoutais ses sermons. Cela se passait à Tréguier, dans la cathédrale et le cimetière, et parfois dans<br />
les églises de Pleubian et de Pleumeur déjà mentionnées. Comme on le disait communément, il lui est arrivé maintes<br />
fois de prêcher le même jour dans plusieurs églises. Je l'ai vu et entendu prêcher un vendredi saint dans l'église de<br />
Pleubian, et beaucoup disaient qu'il avait prêché ce même jour dans sept églises. La chose paraissait vraisemblable, car<br />
après son sermon dans l'église de Pleubian, il était fatigué au point qu'il pouvait à peine se soutenir. Il a même fallu<br />
que je le soutienne. Le peuple préférait entendre ses sermons plutôt que ceux de quelque autre prédicateur. J'ai entendu<br />
plus de cent personnes le dire, tandis qu'il prêchait dans les localités déjà citées, et c'était aussi mon avis. Ses bonnes<br />
prédications et ses exhortations ont fait revenir un grand nombre de gens de leurs perversités et de leurs erreurs. Parmi<br />
ces gens-là, il y eut un certain Geoffroy Carbanec qui était auparavant un méchant débauché et en avait la réputation.<br />
Or après l'exhortation de dom <strong>Yves</strong> il devint un homme honnête et bon, et il l'est encore à ce jour. Je sais qu'il a<br />
converti cet homme pour l'avoir entendu fréquemment lui prodiguer recommandations et encouragements de façon à le<br />
faire renoncer à la vie mauvaise qu'il menait ; et ce Geoffroy en est venu, en ma présence, à donner son entier<br />
consentement de parole et de fait aux avis de dom <strong>Yves</strong>. La même chose est arrivée à beaucoup d'autres, comme je l'ai<br />
entendu, et c'est ce qu'on dit, et telle est la rumeur, que les gens de toute la région sont meilleurs qu'auparavant grâce à<br />
ses bons sermons.<br />
Dom <strong>Yves</strong> priait avec beaucoup de ferveur, et très fréquemment il se tenait à genoux, prosterné vers le sol, les<br />
mains jointes, et il versait parfois des larmes, comme je l'ai constaté fréquemment dans sa maison et dans maints autres<br />
lieux.<br />
Il était très compatissant envers les mineurs, les veuves et les personnes malheureuses. Ainsi je l'ai vu très<br />
fréquemment écrire les lettres et les mémoires de ce genre de personnes pour rien ; mais je ne savais pas de qui il<br />
s'agissait. Avec une très grande bonne grâce et très fréquemment, et sans se faire payer, il soutenait les causes de ces<br />
personnes-là dans la cour de l'évêque de Tréguier, et dans les autres cours de son pays, comme je l'ai vu bien des fois<br />
et entendu. Et je me souviens avoir vu dom <strong>Yves</strong> une fois défendre la cause d'une femme, une pauvre veuve, nommée<br />
Alice Amon, de la ville de Tréguier, dans la cour du Seigneur G. de Tournemine, contre le fils Prigent de Ploëzal. A<br />
cette occasion, l'avocat de la partie adverse l'insulta de bien des manières. Dom <strong>Yves</strong> lui dit : «Ne me dites pas des<br />
injures pour la raison que c'est moi qui défends la cause juste». Et tout le temps qu'il parlait son visage était joyeux et<br />
son rire bienveillant. Cela, je l'ai vu et entendu moi-même...»<br />
…/…<br />
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TEMOIN 47<br />
Darien de Trégroin, recteur du diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans et plus...<br />
« J'ai connu et vu dom <strong>Yves</strong> dès le début de l'époque où il était l'official de l'évêque de Tréguier. C'était un homme<br />
de vie sainte et honnête, dépassant en cela tous les hommes que j'ai jamais vus. J'avais avec lui de fréquentes relations<br />
dans la maison où il demeurait à Tréguier, grâce à un oncle maternel qui s'appelait <strong>Yves</strong> de Forn et qui était alors<br />
chancelier de la cour de Tréguier. Je voyais alors dom <strong>Yves</strong> se comporter en paroles et en actes d'une manière chaste et<br />
honnête. Jamais je n'ai entendu de lui une parole ou su qu'il avait accompli un acte qui fussent en quoi que ce soit<br />
contraires au bien. Plus encore, il n'usait de la parole que pour parler de Dieu et pour former aux bonnes mœurs.<br />
Dom <strong>Yves</strong> portait les habits qui lui venaient du seigneur évêque de Tréguier, avant de revêtir sa robe de burell. A<br />
dater de là il ne mangea plus que du pain grossier et du potage et ne but que de l'eau, bien qu'on lui servît du vin et<br />
d'autres bons plats. Je me tenais très fréquemment debout devant lui dans la maison que j'ai dite, pendant le repas, et je<br />
voyais tout. Je ne l'ai jamais vu manger plus d'une fois par jour et je n'ai jamais su qu'il l'eût fait. Par la suite il donna<br />
aux pauvres l'habit qu'il tenait de l'évêque de Tréguier, comme on me l'a dit, et il prit une cotte et un surcot et un<br />
chaperon de gros burell blanc, de grands souliers à courroies, et une chemise de filasse de chanvre grossière et<br />
rugueuse, et il porta cet habit jusqu'aux moments de sa mort. C'est dans cet habit que je l'ai vu, et vivant et mort, tant<br />
de fois que je ne saurais m'en rappeler le nombre. J'ai entendu dire qu'il portait toute sa vie un cilice, mais je ne sais<br />
pas qui m'a dit cela. Dom <strong>Yves</strong> adopta l'habit que j'ai dit pendant les quinze années ou environ qui précédèrent sa mort,<br />
à ce qu'il me semble. J'ai vu le lit où il couchait au manoir de Ker Martin : il n'y avait là qu'un peu de paille par terre, et<br />
une pierre en guise d'oreiller, et sur la paille une piètre courte-pointe presque toute brune de terre et de poussière.<br />
Je fus de ceux qui à sa mort portèrent le corps de dom <strong>Yves</strong> dans l'église de Tréguier. Cependant je n'ai pas assisté<br />
à sa mort. Lorsqu'on l'eut porté dans cette église, je le vis dépouiller des habits dont il était revêtu, c'est-à-dire de la<br />
cotte, de la housse et de la chemise. Et la chemise fut placée, d'après ce que j'ai entendu dire, parmi les reliques de<br />
l'église de Tréguier. Par la suite, je l'ai vue parmi ces reliques-là.<br />
Il fut un homme d'une grande bonté. Il visitait en effet les malades de l'Hôtel-Dieu de la ville de Tréguier, et<br />
beaucoup d'autres malades de la ville, mais présentement je ne me rappelle plus qui. De ses biens il distribuait aux<br />
pauvres tout ce qu'il pouvait avoir, comme je l'ai constaté fréquemment. Une foule de pauvres l'accompagnaient<br />
auxquels il donnait, en ma présence, l'argent qu'il avait. J'ai entendu dire qu'il achetait du tissu dont il habillait<br />
beaucoup de pauvres. J'ai entendu dire aussi qu'il lui est arrivé parfois de leur donner les vêtements qu'il portait sur lui.<br />
Une fois, à ce qu'on m'a dit, alors qu'il était envahi de pauvres dans sa maison et qu'il n'avait à leur donner que les<br />
vêtements qu'il avait sur lui, il les leur donna tous et resta sans rien. Il s'enveloppa pourtant de la courte-pointe dont j'ai<br />
parlé jusqu'à ce qu'il eût pu se procurer d'autres habits. Toutes ces choses-là sont connues et célèbres tant auprès des<br />
petites gens que des Grands de mon pays, et, à mon avis, peu les ignorent.<br />
Dom <strong>Yves</strong> fut un homme très humble et très bienveillant. Il entrait en effet en relations avec tous indistinctement,<br />
avec les pauvres comme avec les riches, et il le faisait avec humilité, et c'est avec douceur qu'il parlait à tout le monde.<br />
Je le voyais très fréquemment parler de cette manière-là. Et quand il allait par les grandes routes, il marchait très<br />
humblement, la tête inclinée, les yeux baissés, le capuchon rabattu.<br />
Dom <strong>Yves</strong> était un homme animé d'un grand esprit de justice. A l'époque en effet où il occupait la charge d'officiai<br />
il encourageait tous ses collaborateurs à être justes comme on le disait publiquement, et, quand il le pouvait il faisait<br />
tous ses efforts pour ramener la paix chez les parties adverses. J'ai vu bien des fois dom <strong>Yves</strong> en personne établir la<br />
paix entre beaucoup de gens en désaccord et en procès ; mais comme je ne m'intéressais pas beaucoup à ces choses-là,<br />
je ne me rappelle pas de qui il s'agissait. Sur ce sujet il avait une telle renommée dans son pays que tous le louaient<br />
aussi pour la paix qu'il établissait entre les gens en désaccord que pour la justice dont il faisait preuve à l'égard des<br />
requérants.<br />
C'était un homme très patient. J'ai vu fréquemment beaucoup de gens le chercher. Lui, ni cela ni d'autres motifs ne<br />
le troublaient ni ne l'offensaient. Au contraire il riait alors davantage et se réjouissait. C'est ce que j'ai vu et entendu<br />
moi-même. Une fois, en ma présence, des gens du roi de France voulaient s'emparer de force d'un cheval de l'évêque<br />
de Tréguier. Dom <strong>Yves</strong> accourut et le leur arracha. «Vous ne pouvez, leur dit-il, rien revendiquer sur le territoire libre<br />
du bienheureux Tudual». Sur les entrefaites, celui qui était trésorier de Tréguier se moqua de lui et l'injuria : «Coquin,<br />
coquin, lui dit-il, vous nous avez mis en péril de perdre tout ce que nous avons, et vous agissez ainsi parce que vous<br />
n'avez rien à perdre». A quoi <strong>Yves</strong> répondit avec bienveillance et bonne humeur : «Vous direz ce qui vous plaira,<br />
mais, moi, pour autant que je le pourrai, je me battrai toute ma vie pour la liberté de l'Eglise». Tous se demandaient<br />
avec beaucoup d'appréhension quel malheur s'ensuivrait. Cependant pour le lendemain tout était apaisé ; et les<br />
émissaires royaux n'emportèrent rien. Le fait fut jugé comme un très grand miracle et complètement imputé à la bonté<br />
et aux mérites de dom <strong>Yves</strong>.<br />
Dom <strong>Yves</strong> s'adonnait très fréquemment à l'exercice de la prédication. Il allait d'une église à l'autre, prêchant au<br />
clergé et au peuple la parole de Dieu. Je l'ai vu et entendu très souvent prêcher dans la ville de Tréguier et ailleurs. Et<br />
parfois, comme je l'ai entendu dire, il lui arrivait de prêcher le même jour trois ou quatre fois dans des localités<br />
différentes. Les gens trouvaient ses sermons si pleins de charme que le peuple (j'y étais et je l'ai vu) le suivait d'une<br />
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paroisse à l'autre. Il s'agissait en l'occurence des paroisses de Pleubian, de Pleumeur et de Trédarzec, et de beaucoup<br />
d'autres localités.<br />
Il priait avec beaucoup de ferveur et célébrait ses messes très dévotement. Les larmes accompagnaient souvent ses<br />
célébrations et ses prières. C'est ce que j'ai vu. Parfois il se tenait à genoux, et de temps en temps il restait étendu par<br />
terre, le capuchon sur la figure.<br />
C'était un homme d'une grande compassion à l'égard des personnes malheureuses. J'ai vu et entendu souvent qu'il<br />
défendait les causes et les droits des mineurs, des veuves, des orphelins, et des autres personnes malheureuses. Je ne<br />
me souviens pas des noms de ces gens-là, car à l'époque je ne me souciais pas de confier ce genre de choses à ma<br />
mémoire...»<br />
TEMOIN 48<br />
Geoffroy, fils de Panthonada veuve de Rivallon le Jongleur, etc. a fait la même déposition que sa mère Panthonada en<br />
tout et pour tout en substance et de fait, en ajoutant ceci : «Dom <strong>Yves</strong> m'a plusieurs fois conduit par les paroisses<br />
circonvoisines de l'église de Tréguier, tandis qu'il s'y rendait pour prêcher et pour visiter les malades».<br />
TEMOIN 49<br />
An Koanta, sœur dudit Geoffroy, etc, a dit la même chose que sa sœur Amicia en tout et pour tout en sustance et de<br />
fait, en ajoutant ceci : «J'ai quarante ans et plus ; je me rappelle parfaitement la vie que dom <strong>Yves</strong> a menée pendant les<br />
18 années assurément qui ont précédé sa mort. Ma sœur Amicia dans sa déposition qu'elle a faite a dit ce qu'étaient la<br />
vie et la conduite de dom <strong>Yves</strong> pendant cette période».<br />
TEMOIN 50<br />
Jean Autred, recteur de l'église du Faouet, au diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans...<br />
«J'ai vu et connu dom <strong>Yves</strong> pendant les quatorze années qui ont précédé sa mort. C'était un homme de vie bonne et<br />
de conduite honnête. Je l'ai vu en effet vivre vertueusement, distribuer des aumônes aux pauvres, et j'ai constaté qu'une<br />
foule de pauvres le suivaient.<br />
La vie qu'il menait était très rigoureuse et très sévère. Je l'ai vu maintes fois s'asseoir à la table du seigneur<br />
Geoffroy de Tournemine, naguère évêque de Tréguier, et à celle de beaucoup d'autres personnages de haut rang. Il ne<br />
mangeait en la circonstance que du pain grossier et des plantes potagères et buvait de l'eau, mais il faisait semblant de<br />
prendre les mets servis à tous qu'on plaçait devant lui.<br />
Je l'ai vu aller et venir en cotte, housse et chaperon de grossière étoffe blanche de «burell», et il portait des souliers<br />
hauts à courroies, alors qu'il pouvait s'offrir de bons vêtements puisqu'il possédait tant en biens patrimoniaux qu'en<br />
biens ecclésiastiques quarante livres de revenus qu'il donnait aux pauvres.<br />
Je l'ai vu bien souvent célébrer la messe avec dévotion, prier et prêcher en public au peuple la parole de Dieu. A ce<br />
qu'on disait il portait un cilice. J'ai vu plus d'une fois des poux se promener autour de son cou. Quand il s'en apercevait<br />
lui-même, il les repoussait sur sa poitrine contre sa peau, et il n'admettait pas qu'on les enlevât. A ceux qui voulaient le<br />
faire, il disait : «Laissez-les retourner à mon cadavre».<br />
Trois ou quatre jours avant la mort de dom <strong>Yves</strong>, je suis allé le voir dans son manoir de Ker Martin, en compagnie<br />
de maître <strong>Yves</strong> Cognac, alors officiai de Tréguier, et nous l'avons trouvé sur son lit, c'est-à-dire par terre, revêtu d'une<br />
cotte et d'une housse avec des souliers ou ses bottes, et il y avait à sa tête une pierre comme oreiller. L'official lui<br />
reprocha d'être couché de la sorte et de ne pas avoir sous lui sa courte-pointe ou assez de paille ou de litière. A quoi<br />
dom <strong>Yves</strong> répondit qu'il n'était pas digne d'en avoir, et que ce qu'il avait lui suffisait. Je l'ai vu plusieurs fois ainsi, et je<br />
l'ai entendu ; et ce que j'ai déposé est de notoriété publique dans la ville et le diocèse de Tréguier ».<br />
A mon Lobero, de la ville de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
TEMOIN 51<br />
«Une fois dom <strong>Yves</strong> et moi, venions du bourg de Lanvollon (diocèse de Tréguier) pour nous rendre à la ville de<br />
Tréguier. Il pleuvait dru. Quand la pluie eut cessé, dom <strong>Yves</strong> enleva sa housse qui était trempée. C'est alors que je vis<br />
le cilice qu'il portait sur la peau. Je le vis par-dessous, car la cotte se souleva quand dom <strong>Yves</strong> se défit de sa housse.<br />
C'est alors que la partie inférieure du cilice se laissa voir un peu. Je l'ai vu de cette façon-là, et c'était fait de poils<br />
bruns. Quant à dire à quelle époque j'ai vu ce cilice, je ne m'en souviens pas bien, mais il me semble que ce fut en<br />
hiver il y a bien de cela, je pense 40 ans et plus. Je ne me rappelle plus bien en présence de qui cela s'est passé. C'était<br />
dans la maison d'une pauvre femme, mais je ne sais plus ni le nom de la femme, ni même le nom de l'endroit.<br />
Cependant cette maison se trouve près de la route qui va du bourg de Lanvollon à la ville de Tréguier. Cela j'en suis<br />
sur».<br />
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TEMOIN 52<br />
Sibille, veuve de Raymond de Gressilh, de La Roche-Derrien, âgée de 55 ans...<br />
«Dom <strong>Yves</strong> était un homme de vie bonne, et de grande austérité, et de conduite honnête, et très pieux. En effet je l'ai<br />
vu et entendu bien des fois prêcher et célébrer des messes. J’appris que dom <strong>Yves</strong> était malade, alors que, enceinte de<br />
deux enfants, j'étais excessivement grosse. J’allais trouver dom <strong>Yves</strong> à Ker Martin pour me confesser, car il était mon<br />
confesseur C était le mercredi avant l'Ascension du Seigneur, il y a 27 ans passés. Je trouvai dom <strong>Yves</strong> dans sa<br />
chapelle en train de se défaire de ses vêtements sacerdotaux, car il avait célébré la messe. Il était si faible et si malade<br />
qu'il pouvait à peine se tenir debout. Bien plus, l'abbé de Beau Port et le seigneur Alain Le Bruc, archidiacre de<br />
Tréguier, le soutenaient. Et quand dom <strong>Yves</strong> eut été dévêtu il me dit : «Madame, que voulez-vous ? » - «Messire, lui<br />
répondis-je, j'ai entendu dire que vous étiez malade et je voudrais me confesser à vous». Il s'assit alors et entendit ma<br />
confession ; le dimanche suivant de bon matin il décéda, comme je l'ai entendu dire.<br />
***********<br />
Et moi Pierre de Clouseau, clerc d'Angoulême, notaire public par autorité impériale, j ai assisté, étant présent, à la<br />
production des témoins sus-nommés, à leur prestation de serment, à leur interrogatoire, et aux enquêtes faites à partir<br />
du samedi avant la Nativité du Bienheureux Jean Baptiste, en l'an du Seigneur 1330, de l'indiction le 13e, l'an<br />
quatorzième du pontificat du Très Saint Père et Seigneur, le Seigneur Jean XXII, pape par la Divine Providence, jusqu<br />
au samedi après la fête du Bienheureux Pierre aux liens, inclusivement, dans la ville de Tréguier par les révérends<br />
dans le Christ pères et seigneurs Roger et Aiglin, par la grâce de Dieu eveque de Limoges et d'Angoulême, et Aymeri,<br />
par la permission divine abbé du monastère du Bienheureux Maurice (sic) de Troarn (diocèse de Bayeux),<br />
commissaires délégués par le Siège Apostolique pour enquêter sur la vie et la conduite et les miracles de dom <strong>Yves</strong><br />
Hélory, prêtre, de bonne mémoire enterre dans l'église de Tréguier, en union avec les hommes discrets, les seigneurs<br />
Barthélémy de Celle, prieur de l'église séculière de la Bienheureuse Marie de Graçay (diocèse de Bourges),<br />
Guillaume Sambuc et Jacob Brasfort, chanoine d'Autun et d'Angoulême, Raoul de Fayolie archiprêtre de Thirose<br />
(diocèse de Limoges) et Jacob Labeyte recteur de l'église d'As (diocèse de Toulouse), et les notaires inscrits cidessous.<br />
Et par ordre desdits seigneurs commissaires, les dépositions des témoins, contenues dans 26 rouleaux de<br />
parchemin cousus en haut, à la suite, je les ai écrites de ma propre main, aussi bien que les interlignes et les ratures<br />
faites dans les textes, aussi n’ont-elles aucune importance, puisque je les ai faites en entier de ma propre main, et j’ai<br />
apposé mon sceau habituel sur les rouleaux ; nous étaient adjoints comme interprètes présents le vénérable père dans<br />
le Christ le seigneur Aufret, abbé du monastère de Bon Repos, de l'ordre des Citeaux (diocèse de Quimper), et les<br />
maîtres Hervé de Ploezmet, chanoine des églises de Nantes et de Saint-Brieuc Olivier de Curie, du diocèse de Léon,<br />
des clercs, des notaires publics d'autorité apostolique, et Jacob recteur de l'église de Mesquel (diocèse de Nantes)<br />
pour l'interrogatoire des témoins qui ne parlaient que le breton, langue que nous ignorons, lesquels ont traduit en<br />
français les paroles desdits témoins, après avoir prêté serment de les traduire avec exactitude ; en vérité ces<br />
interprètes et témoins qui viennent d'être nommés, ou quatre d'entre eux, furent continuellement présents en personne<br />
aux dépositions susdites.<br />
Et moi, Jean Dalamant, du diocèse de Limoges, notaire public par autorité apostolique, pour qui sont clairs les<br />
interlignes et les ratures dont a fait mention dans sa suscription le notaire précédemment cité, j'ai été continuellement<br />
présent à tous ceux qui ont été précédemment nommés, tandis qu 'ils parlaient et agissaient, en même temps qu 'aux<br />
dits interprètes et témoins, ou aux quatre présents parmi eux, en compagnie du notaire inscrit plus haut et ci-dessous :<br />
c'est pourquoi j'ai souscrit mon nom ci-dessous, et, prié et requis, j'ai apposé mon seing.<br />
Et moi, Roger Polin, clerc du diocèse de Bayeux, notaire public par autorité du Saint Empire, j'ai été présent à tout ce<br />
qui a été mentionné précédemment et à chaque chose en particulier, en même temps que les notaires ci-dessus<br />
nommés et que lesdits interprètes et témoins, et, prié, j'ai apposé mon seing habituel en preuve des choses dites cidessus.<br />
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2 ème PARTIE<br />
ENQUÊTE SUR MIRACLES<br />
DE SAINT YVES<br />
DEPOSITIONS DES TEMOINS<br />
Au nom du Seigneur. Suivent les dépositions des témoins produits, assermentés et questionnés sur les miracles<br />
accomplis à l'invocation de seigneur <strong>Yves</strong> Hélory, prêtre, de bonne mémoire, enterré en l'église de Tréguier, lesquels<br />
témoins ont été reçus et interrogés par les Révérends Pères dans le Christ, les seigneurs Roger, évêque de Limoges, et<br />
Aiglin, évêque d'Angoulême, etAymeri, abbé du monastère du Bienheureux Martin de Troarn (diocèse de Bayeux),<br />
commissaires délégués par l'autorité apostolique. L'interrogatoire a commencé le samedi avant la Nativité du<br />
Bienheureux Jean Baptiste et s'est achevé le samedi après la fête de Saint Pierre aux liens, l'an 1330 du Seigneur.<br />
TEMOIN 53<br />
Adénora, veuve d'Alain Guidon, de la paroisse de Prat, âgée de 76 ans...<br />
« Mon fils mort a été ressuscité grâce aux mérites de dom <strong>Yves</strong>. Je sais qu'il était mort, puisque je lui ai fermé moimême<br />
la bouche et les narines, et que je l'ai vu faire le hoquet qu'ont l'habitude de faire les hommes quand ils meurent.<br />
Je l'ai enlevé du lit comme mort, et je l'ai déposé par terre. Quelques-uns des assistants ont mis sur lui un linge, n'ayant<br />
pas de suaire et ont façonné avec une branche une croix de bois qu'ils ont placée au-dessus de sa tête. Ils l'ont veillé<br />
toute la nuit comme un mort, et ont demandé au prêtre de se tenir prêt le lendemain pour la sépulture. Cela se passait<br />
trois mois ou environ après la mort de dom <strong>Yves</strong>, et depuis la mort de dom <strong>Yves</strong> vingt sept années se sont écoulées.<br />
C'était au mois de septembre, un vendredi, en la Vigile de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, après None,<br />
environ à l'heure de Vêpres. Il est resté dans l'état de mort depuis cette heure de vêpres jusqu'au lendemain vers<br />
l'aurore, qui était le samedi de la fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie. Je voulais le mettre dans son<br />
suaire, et c'est alors que je l'ai vu se tourner vers moi. Il m'a demandé de lui donner de l'eau. Puis il m'a dit : «Mère, tu<br />
m'as donné un grand travail». Et ensuite : «Mon père est ici». Les gens qui se trouvaient présents quand on lui a fermé<br />
les yeux, les narines et la bouche, étaient Alain Hylari, Catherine et Levenez, mes filles, et moi. Ce sont cet Alain et<br />
cette Catherine qui lui ont fermé les yeux, les narines et la bouche, longtemps après sa mort ; il y avait bien le temps de<br />
faire une demi-lieue. J'ajoute encore que plusieurs assistants (j'étais troublée et je ne me souviens pas de leurs noms)<br />
disaient : «C'est mal fait, car tu as tellemant tardé à lui fermer les yeux, les narines et la bouche». J'ajoute encore<br />
qu'après sa mort il a perdu une grande quantité de sang, et qu'il était froid comme de la glace. J'ajoute encore qu'il y<br />
eut bien pour le veiller soixante personnes, tant hommes que femmes. Vous dire les noms de ceux qui veillèrent ? Il y<br />
eut moi, mes deux filles, une dame nommée Amicia, veuve du seigneur Alain, décédée, de cette paroisse, et Matthieu,<br />
le fils du même chevalier. Cela eut lieu au village de Garrougant, de la même paroisse, dans notre maison à nous,<br />
parents du défunt. Vous me demandez qui j'ai invoqué et quelles paroles j'ai employées. Je me suis mise à genoux pour<br />
invoquer dom <strong>Yves</strong>, et j'ai dit : «Seigneur <strong>Yves</strong>, je croyais que vous étiez un saint et j'avais entendu dire que vous<br />
faisiez des miracles. Je vous demande mon fils, et si vous me le rendez, tous les jours de ma vie je jeûnerai le<br />
mercredi, le vendredi et le samedi, le vendredi particulièrement au pain et à l'eau ; et jamais je ne porterai de vêtements<br />
de lin ou linges». Etaient présentes à ce vœu les personnes que j'ai nommées plus haut, car je criais en public et à haute<br />
voix, et c'est vers le milieu de la nuit notamment que j'ai émis ce vœu. Le défunt s'appelait Alain. Il n'est plus vivant.<br />
Après qu'il a été ressuscité, il a vécu douze ans, et tout le temps de sa vie il a gardé une narine bouchée ; il est mort par<br />
la suite à Paris où il étudiait. Sa maladie consistait en une fièvre persistante, et il est mort après sept jours de maladie.<br />
C'est à la nouvelle de sa mort que ce samedi-là deux cents personnes et plus sont venues pour le porter à l'église. Il est<br />
né au village et dans la maison que j'ai dits...»<br />
TEMOIN 54<br />
Catherine Alain Guigon, fille de ladite Adenora, témoin présenté sur ledit miracle, assermentée et soigneusement<br />
questionnée. Voici ce qu'elle a dit sur la foi du serment :<br />
« Mon frère Alain mourut et se trouvait mort. C'est à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> qu'il est revenu à la vie. Pour cela,<br />
ma mère, Adenora, à genoux, invoqua dom <strong>Yves</strong> de la manière suivante : «Messire saint <strong>Yves</strong>, je crois que vous êtes<br />
saint, et que le seigneur Jésus-Christ opère par vos mérites beaucoup de miracles. Je vous demande mon fils ; rendez-<br />
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lui la vie, et je vous promets de jeûner chaque semaine le mercredi, le vendredi et le samedi, le vendredi au pain et à<br />
l'eau, et de ne jamais porter de vêtements de lin ou linges». Alain mourut un vendredi entre none et vêpres et revint à<br />
la vie le lendemain vers l'aurore, et ma mère fit son invocation et son vœu vers le milieu de la nuit, alors que nous<br />
veillions le mort, il y a de cela vingt-sept ans environ. Je ne me rappelle ni le mois ni la semaine. C'était dans la<br />
maison des parents d'Alain».<br />
On l'interrogea alors sur les personnes présentes. Là-dessus elle fit la même réponse que sa mère qui venait de<br />
témoigner. Interrogée sur les signes de mort que présentait ledit mort Alain : «Nous lui avons fermé les yeux, la<br />
bouche et les narines. Il resta froid, roide et pâle depuis l'heure de sa mort jusqu'à l'heure où il revint à la vie. Et par la<br />
suite, tant qu'il vécut, et ce fut pendant douze années environ, il garda jusqu'à sa mort comme trace une narine<br />
bouchée, ce qu'il n'avait pas avant. Les personnes présentes furent ma mère, ma sœur Leveneze, et moi-même, et<br />
beaucoup d'autres dont je ne me rappelle plus les noms. J'ai la ferme conviction, et telle est la rumeur publique qu'il est<br />
revenu à la vie à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites. »<br />
TEMOIN 55<br />
Leveneze Alain Guigon, fille de ladite Adenora, témoin présentée, assermentée, etc. fait la même déposition que les<br />
deux témoins précédents.<br />
TEMOIN 56<br />
Savina, veuve de Rivalon Cozober, originaire de la paroisse de Plouguiel, âgée de 80 ans...<br />
« Un jour ma fille Adenora et moi, avec mon fils aujourd'hui défunt, alors âgé de 5 ans, nous avons gagné la cité<br />
d'Angers pour quêter des aumônes, et nous avons été hébergés dans l'hôpital de cette cité. Nous y avons séjourné un<br />
certain temps, quand mon fils <strong>Yves</strong>, un Jeudi saint, est mort dans cet hôpital vers le milieu de la nuit. Ma fille et moi,<br />
nous l'en avons fait sortir, le transportant à travers la ville, en quête d'aumônes pour lui confectionner un suaire et pour<br />
lui donner une sépulture, en quête aussi d'un prêtre pour cette sépulture. En raison du grand respect dû à la solennité du<br />
Vendredi Saint, du Samedi et de la fête de Pâques qui suivait, nous n'avons pas pu trouver un prêtre qui voulût assurer<br />
la sépulture. Arriva le dimanche de Pâques. Vers l'heure de vêpres nous nous trouvions dans la maison d'un Breton,<br />
dont je ne me rappelle pas le nom. Nous portions l'enfant mort, et demandions donc l'aumône pour son suaire et sa<br />
sépulture. Notre Breton, s'avisant que nous étions bretons, et voyant mon fils mort, nous questionna : «L'avez-vous,<br />
dit-il, voué à saint <strong>Yves</strong> ? C'est votre voisin». Nous répondîmes que non. «Je vous engage à le faire. Vouez donc votre<br />
fils à saint <strong>Yves</strong> ; par des invocations ferventes demandez-lui de lui rendre la vie». C'est alors que j'invoquai dom<br />
<strong>Yves</strong>, et que je lui vouai mon fils de la manière suivante : « O saint <strong>Yves</strong>, je vous rends mon fils à vous qui êtes mon<br />
voisin, et je vous promets un cierge de cire aussi long et aussi gros que lui ». Et tenant mon fils je pris ses<br />
mensurations, sa longueur et sa grosseur. Quand je l'eus ainsi mesuré en ce dimanche de Pâques vers l'heure de vêpres,<br />
je sentis et vis apparaître en lui des signes de vie. Par la suite il vécut jusqu'à la fête de la Nativité du Seigneur. Je sais<br />
que mon fils a été mort, car depuis l'heure où il mourut, heure que j'ai déjà précisée, jusqu'à cette heure où il est revenu<br />
à la vie, il était et est resté pâle, froid et roide ; il avait et il a gardé ses yeux et sa bouche clos. Il n'a fait aucun<br />
mouvement des mains, ni du corps. Il n'a pas aspiré l'air ; il n'a pas bu ; il n'a pas mangé ; et il n'a pas donné le moindre<br />
signe de vie. Depuis ce temps-là, dix-huit ans ou environ se sont écoulés. Le mois, le jour et les lieux sont ceux que j'ai<br />
déjà dits. Quant aux personnes qui étaient présentes au moment de la mort, il y avait ma fille et moi, et de nombreuses<br />
autres personnes que je ne connaissais pas. Les gens qui étaient là quand il est revenu à la vie étaient ce Breton, que je<br />
ne connais pas, et dont je ne me rappelle pas le nom, ma fille et moi. J'ai la ferme conviction que mon fils est revenu à<br />
la vie à l'invocation et par miracle de dom <strong>Yves</strong>. J'ajoute que à la vue et à la nouvelle de ce miracle, beaucoup<br />
d'Angevins que je ne connais pas sont tout de suite accourus là. Ces faits sont de notoriété publique à Angers et dans la<br />
ville et le diocèse de Tréguier...»<br />
TEMOIN 57<br />
Adenora, fille de Savina, veuve de Rivallon Cozoher, native et paroissienne de Plouguiel, âgée de 37 ans...<br />
« Feu <strong>Yves</strong>, mon frère, avait alors cinq ans environ. Il était mort. Et à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> Hélory il revint à la<br />
vie. Il mourut un Jeudi-Saint vers le milieu de la nuit, il y a de cela dix-huit ans ou environ, dans l'hôpital de la ville<br />
d'Angers, en ma présence et en présence de ma mère et de beaucoup d'autres gens que je ne connais pas et dont je ne<br />
me rappelle pas les noms. Mort, il le resta le vendredi et le samedi et le dimanche de Pâques suivant jusqu'à vers<br />
l'heure de vêpres. C'est alors que ma mère, à l'instigation d'un Breton, dont je ne me rappelle ni le nom ni le lieu<br />
d'origine, voua, dans la maison de ce Breton, <strong>Yves</strong> alors mort à dom <strong>Yves</strong>, qu'elle invoqua en ces termes : «Seigneur<br />
saint <strong>Yves</strong>, qui êtes mon voisin, je vous rends mon fils, et je promets de vous offrir un cierge de sa longueur et de sa<br />
grosseur». Sur le champ dans mon frère se manifestèrent le souffle et les signes de la vie, et il revint à la vie. Par la<br />
suite il resta en vie jusqu'à la fête suivante de la Nativité du Seigneur. Je sais qu'il avait été mort puisque j'étais là<br />
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quand il expira, comme je l'ai déjà dit, et par la suite, il fut et resta mort, et ne respira pas jusqu'à l'heure de vêpres du<br />
dimanche, demeurant roide, pâle et froid, et gardant les yeux, la bouche et les narines clos comme un mort, et il ne<br />
mangea, ni ne but, ni ne remua, et il ne donna pas le moindre signe de vie. J'ai la ferme conviction que mon frère est<br />
revenu à la vie à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, et que ces faits sont de notoriété publique à Angers et dans la ville et le<br />
diocèse de Tréguier ».<br />
TEMOIN 58<br />
Mobilia, épouse d'Alain de Rosnezne, paroisse de Ploelan (diocèse de Léon), âgée de 55 ans et plus...<br />
« Ma fille Théophanie, alors âgée de 3 ans, ou environ, atteinte d'une maladie grave et, je crois, d'une fièvre<br />
continue, avait expiré. Moi-même, et beaucoup d'autres gens qui maintenant sont morts, avons voué ma fille à dom<br />
<strong>Yves</strong>, et, nous mettant à genoux nous l'avons supplié avec humilité et ferveur de lui rendre la vie. Après ce vœu et<br />
cette prière, nous avons regardé ma fille, et nous avons reconnu et constaté en elle des signes de vie qui commençaient<br />
à se manifester ; et sur le champ ma fille est redevenue vivante, et elle vit toujours. Sa mort eut lieu un mardi vers<br />
l'heure de vêpres, et dès lors elle resta et on la vit morte jusqu'à l'heure de None du mercredi qui suivait. Et c'est à<br />
l'heure de None, comme on vient de le dire, qu'elle a repris vie, au mois d'octobre, il y a de cela 17 ans, ou environ, en<br />
ma présence et en présence de beaucoup d'autres gens déjà morts. J'ai reconnu en elle les signes suivants de la mort : je<br />
l'ai vue faire le hoquet de la mort, et puis elle a expiré ; ensuite je l'ai touchée, elle était froide, pâle et roide ; aucun<br />
souffle de vie ne se manifestait en elle ; je l'ai veillée toute la nuit ; j'ai préparé du tissu pour son suaire et j'ai fait<br />
préparer la cire pour sa sépulture, et j'ai fait convoquer les amis. J'ai la ferme conviction, et telle est la rumeur<br />
publique, qu'elle est revenue à la vie à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites».<br />
Quant à nous, nous avons vu la fille en question bien vivante et en bonne santé. Questionnée sur ce qu'elle entendait<br />
par rumeur publique, elle a dit que c'était ce que les gens disent communément dans la paroisse.<br />
TEMOIN 59<br />
Théophanie, fille de ladite Mabilia, âgée de 20 ans, ou environ...<br />
« J'ai entendu dire bien des fois et par bien des gens de la paroisse de Ploelan, dont je ne me rappelle pas les noms,<br />
que j'ai été morte, et qu'à l'invocation et en raison des mérites de dom <strong>Yves</strong> je suis redevenue vivante. J'ai la ferme<br />
conviction que c'est vrai, parce que ce fait a été et est de notoriété publique dans la paroisse de Ploelan et dans les<br />
paroisses circonvoisines, et que cette rumeur publique dit ce qu'a dit ma mère ».<br />
TEMOIN 60<br />
Dameta, épouse de Geoffroy de Rosnezne, de la paroisse de Ploelan, âgée de 40 ans et plus...<br />
« J'ai entendu dire, et j'ai la ferme conviction, et c'est de notoriété publique dans la paroisse de Ploelan, que cette<br />
Théophanie dont on parle, fille de ladite Mabilia, alors âgée de 3 ans ou environ a été morte, et qu'à l'invocation de<br />
dom <strong>Yves</strong> et en raison de ses mérites elle est revenue à la vie...»<br />
TEMOIN 61<br />
Guenureta, fille de Rivalon Maguet, paroissienne de Saint Scilien (diocèse de Léon) âgée de 30 ans et plus...<br />
«Je sais, et je m'en souviens, que j'ai été pendant un an en état de démence et de déraison. Mon père qui est mort,<br />
mais qui vivait alors, me conduisit en pèlerinage à plusieurs saints de Bretagne pour obtenir ma santé, et je n'en tirai<br />
aucun profit : j'étais démente au point qu'il fallait me lier les mains et les pieds. Mon père finit par conduire la pèlerine<br />
folle que j'étais au tombeau de dom <strong>Yves</strong> dans l'église de Tréguier pour obtenir ma santé. J'y restai sept jours. On<br />
m'avait déposée pieds et mains liés, attachée à un poteau en bois parce que je mordais ceux que je pouvais atteindre. Je<br />
restai ainsi liée, quand un samedi, vers l'heure de none mes liens se défirent d'eux-mêmes, car j'expirai, comme me<br />
l'ont dit mon père et certains autres. Je restai à l'endroit même, morte, depuis cette heure de None jusqu'au lendemain<br />
après la grand-messe, et ils me déposèrent ainsi morte dans un suaire, et ils cousirent l'étoffé jusqu'au milieu. Alors<br />
mon père me voua à dom <strong>Yves</strong> de la manière suivante, selon ce qu'il m'a bien des fois rapporté : «O seigneur saint<br />
<strong>Yves</strong>, je vous dévoue ma fille Guerenuta. Comment vais-je porter ce genre de nouvelle à sa mère, moi qui ai peiné<br />
toute une année pour obtenir sa santé ?» A cet instant je me remuai et je sortis du suaire, d'après ce que m'ont raconté<br />
mon père et plusieurs autres assistants. Mais moi, je ne m'en souviens pas. Par contre je voyais, et je me souviens que<br />
ce dimande-là, à l'heure que j'ai dite, je me vis toute nue, et je vis le suaire. Quand on m'eut raconté ce que je viens<br />
d'exposer, j'offris le suaire et les cierges allumés que m'apportèrent le prêtre dom Alain Robin, alors vivant, maintenant<br />
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défunt, et un autre prêtre, au tombeau de dom <strong>Yves</strong>. Cela eut lieu un dimanche aux environs de la Pentecôte, il y a 18<br />
ans, en présence de dom Alain et de l'autre prêtre, personnes déjà citées, d'Adélicia de Tronc, veuve Croetkrisiou, et de<br />
mon père. alors vivants, et morts maintenant. Ces événements sont de notoriété publique dans la ville et le diocèse de<br />
Tréguier, et dom <strong>Yves</strong> fut un homme de vie et de mœurs bonnes et saintes, et Dieu opère à cause de ses mérites tous<br />
les jours et partout de nombreux miracles».<br />
TEMOIN 62<br />
Agnès, veuve de J. Briancie, de la paroisse de Pomment le Vicomte (diocèse de Tréguier), âgée de 50 ans ou environ...<br />
« Ma fille Amicie, âgée de trois ans ou environ, parvint dans ma maison à un état de maladie tel qu'elle prit<br />
l'apparence de la mort, et elle semblait morte, et j'ai la ferme conviction qu'elle l'était. Et elle redevint vivante. Cela eut<br />
lieu un vendredi aux environs de la fête de la Nativité de Saint Jean Baptiste, il y a 27 ans ou environ, en présence de<br />
feu mon mari et de moi-même, et dans notre maison. Qui avons-nous invoqué et en quels termes, pour qu'elle revive ?<br />
Mon mari a voué ma fille à dom <strong>Yves</strong> en disant à peu près ceci : «Seigneur dom <strong>Yves</strong>, je vous demande la vie de ma<br />
fille, et je promets de vous acquitter deux deniers par an». A l'issue de ce vœu, ma fille, qui semblait morte, a repris<br />
vie. Car elle portait sur elle les signes de la mort : elle était toute glacée ; aucun signe de vie ne paraissait en elle ; et<br />
j'ai la ferme conviction qu'elle avait été morte et qu'elle revivait guérie. Sa maladie avait duré trois mois ; elle était<br />
originaire de cette paroisse de Pommerit le Vicomte, et elle vit toujours. J'ai la ferme conviction, et c'est de notoriété<br />
publique dans cette paroisse et dans la ville et le diocèse de Tréguier qu'elle a été guérie et rétablie à l'invocation de<br />
dom <strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites. Elle est restée ainsi sous nos yeux glacée et morte toute une demi journée...»<br />
TEMOIN 63<br />
Rolland de Pléchec, paroissien de Plœuc (diocèse de Saint-Brieuc) âgé de 50 ans ou environ...<br />
«Quelqu'un s'était noyé dans un étang, et à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> il est revenu miraculeusement à la vie. Je le<br />
sais pour l'avoir retiré moi-même de l'étang. Cela s'est passé il y a bien 20 ans, ou environ. C'était au mois d'août, un<br />
samedi, au coucher du soleil. Il y avait là feue sa dame, appelée Jeanne, défunte, ainsi que la mère et la sœur du noyé<br />
qui sont arrivées quand il a été retiré de l'étang. Le lieu de l'événement était l'étang d'une localité appelée le Grand<br />
Hospice de Poullaouen, qui appartenait alors et appartient toujours au seigneur Guillaume de Plœuc. C'est à<br />
l'invocation de dom <strong>Yves</strong> que la chose s'est produite. L'homme s'est noyé de la manière suivante. On l'avait envoyé<br />
une deuxième fois dans cette maison pour chauffer le four en vue de cuire le pain. C'était donc le samedi que j'ai dit. Il<br />
m'avait remis le pain qu'il avait fait cuire, et il était allé se baigner à l'étang, comme me l'a rapporté une naine, dont je<br />
ne rappelle pas le nom et qui me dit : «Rolland, Rolland, Henri est noyé dans l'étang». A cette nouvelle, sa dame, qui<br />
voulait aller à table, dit : «Saint <strong>Yves</strong> je vous le remets et vous le confie, car je suis en grand péché à ce sujet, car c'est<br />
moi en l'envoyant qui ai fait qu'il soit resté dedans». Alors je me suis rendu à toute vitesse à l'étang. Je l'ai trouvé dans<br />
la partie la plus profonde près de la chaussée, et il était tout entier dans l'eau presque à l'horizontale. Je suis retourné<br />
tout de suite à la maison, j'ai pris un tisonnier au four et je suis revenu à l'étang. Je l'ai trouvé alors au fond de l'étang,<br />
le visage tourné vers la terre, et, comme je le cherchais, je ne vis que ses cheveux noirs. Je les ai alors enroulés autour<br />
du tisonnier, et je l'ai tiré hors de l'étang. Il était comme mort, et ne présentait aucun signe de vie. Je croyais, et je jure<br />
que je le crois toujours, qu'il était tout à fait mort, et, je vous assure, tous ceux qui étaient là autour le croyaient aussi.<br />
Sa maîtresse pleurait énormément, et se frappait souvent la poitrine : «Saint <strong>Yves</strong>, disait-elle, je vous le recommande».<br />
Il était resté là depuis un long moment, mort, quand dans ma conviction qu'il était mort, je dis : «Enlevons-le d'ici !».<br />
Et je voulus l'enlever, et c'est alors que le noyé dit : «Où est ma mère ?». Alors sa maîtresse en larmes le recommanda<br />
de nouveau à dom <strong>Yves</strong> en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je vous le recommande».<br />
Le noyé s'appelle Henri Olivier ou de Mostier de Lon, de la paroisse de Plounevez ou de Poullaouen (diocèse de<br />
Quimper). Pour le soigner on le transporta à la maison ; on le déposa sur un lit et on le confia à la garde de sa mère et<br />
de sa sœur. Il n'expulsa pas d'eau. Cependant il était tout stupéfait, et ne savait pas ce qui lui était arrivé. Mais au bout<br />
de trois jours sur ordre de sa maîtresse qui l'avait voué à dom <strong>Yves</strong> il prit la route pour aller à Tréguier au tombeau de<br />
dom <strong>Yves</strong>. Sa maîtresse lui avait donné de l'argent en ma présence pour faire une offrande...»<br />
TEMOIN 64<br />
Henri Olivier, paroissien de Plounevez (diocèse de Quimper), âgé de 40 ans et plus...<br />
« D'avoir chauffé le four du seigneur Guillaume de Ploch, alias de Pleueuc, chevalier, dont, en qualité de<br />
«fournier», j'étais à cuire le pain, j'avais trop chaud, et je suis allé me baigner dans l'étang du seigneur de Poullaouen.<br />
Je me suis déshabillé pour me baigner, et une chute m'a fait aller dans l'eau profonde. Finalement je me suis noyé et<br />
mort s'en est suivie. Cela m'est arrivé vers l'heure de vêpres un samedi, entre la fête de saint Jean Baptiste et celle du<br />
Bienheureux Laurent, il y a de cela 26 ans environ. Après le coucher du soleil je me suis trouvé dans la maison du<br />
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chevalier, j'ai commencé à aspirer l'air et il me semblait avoir alors plus de mal que lorsque je me noyais. Une fois<br />
revenu à la vie, j'ai entendu dire que Jeanne, ma maîtresse, l'épouse du chevalier, m'avait voué à dom <strong>Yves</strong> lorsque<br />
j'étais noyé, que c'était par les cheveux à l'aide d'un long bâton qu'on m'avait retiré du fond de l'eau, et qu'on m'avait<br />
transporté, noyé et mort, dans la maison en question. J'ai la ferme conviction, et c'est de notoriété publique dans la<br />
paroisse de Poullaouen et dans les autres paroisses circonvoisines et dans la ville et le diocèse de Tréguier, que j'ai été<br />
mort noyé, et que c'est à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> et à cause de ses mérites que j'ai repris vie. J'ai donc appris que ma<br />
maîtresse s'était mise à genoux pour me vouer avec ferveur à dom <strong>Yves</strong> alors que j'étais noyé. Sous les huit jours elle<br />
m'a envoyé au tombeau de dom <strong>Yves</strong> dans l'église de Tréguier où je suis venu en pèlerin, et j'y ai offert un cierge de<br />
cire de ma longueur avec deux sous et six deniers. La personne qui m'a vu me noyer était Nizeta, la naine, maintenant<br />
défunte, et je pense que ce sont ses cris qui ont fait venir ceux qui m'ont sorti de l'eau. Quant à ceux qui se trouvaient<br />
là quand je suis revenu à la vie, il y avait ma maîtresse dont j'ai parlé, et beaucoup d'autres maintenant défunts, et<br />
Rolland, le serviteur du chevalier et bien d'autres dont je ne me souviens pas...»<br />
TEMOIN 65<br />
Basilia, épouse de <strong>Yves</strong> Cadioc Scalart, paroisienne de Pleubian, âgée de 40 ans et plus...<br />
«J'ai vu mon fils Alain, alors âgé d'un an et demi, ou environ, mort noyé dans l'eau d'un fossé situé près de la<br />
maison de Jean fils de Geoffroy appelé Kentanganet (premier né). Je l'ai soulevé et enlevé de là, et l'ai remis à Jean,<br />
qui l'a déposé par terre près du fossé. Et ensuite, à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, il est redevenu vivant, et il vit toujours.<br />
Cela se passait au mois d'octobre, je ne me rappelle pas quel jour, il y a de cela 21 ans ou environ, et il y avait là, Jean,<br />
le père et le grand-père de l'enfant, et moi, et beaucoup d'autres dont je ne me souviens plus. Cela s'est passé de la<br />
manière suivante : le père et le grand-père et moi et beaucoup d'autres, nous nous sommes mis humblement à genoux<br />
et nous avons avec ferveur demandé à dom <strong>Yves</strong> de rendre la vie à cet enfant ; et le grand-père, le père et moi le lui<br />
avons voué et lui avons promis de donner et d'acquitter à son tombeau un cierge de cire d'un denier, et en plus d'offrir<br />
chaque année un denier. Nous avions à peine fait ce vœu et cette invocation que l'enfant est revenu à la vie, et que la<br />
respiration et les autres signes de la vie ont fait en lui leur apparition. Je l'ai vu en état de mort le temps de parcourir un<br />
quart de lieue. Quant aux signes de mort qu'il présentait à ma vue : il était, quand je l'ai touché, glacé et roide, et pâle ;<br />
il avait les yeux clos, et il ne respirait pas. On s'est procuré du tissu pour lui confectionner un suaire, et tout ce qu'il<br />
fallait par ailleurs pour sa sépulture. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique dans la paroisse de<br />
Pleubian comme dans la ville et le diocèse de Tréguier, qu'il s'est noyé et qu'il a été mort, et qu'il est revenu à la vie à<br />
l'invocation et grâce aux mérites de dom <strong>Yves</strong>, en faveur de qui Dieu fait de nombreux miracles dans diverses<br />
régions...»<br />
TEMOIN 66<br />
Jean, fils de Geoffroy, dit Kentanganet, paroissien de Pleubian, âgé de 40 ans, etc.<br />
«J'ai vu Alain, fils de Cadioc Scalart jeune, alors âgé de un an et demi, ou environ, selon toute apparence, mort<br />
noyé, et j'ai constaté qu'il est revenu à la vie à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> Hélory. Cela s'est passé au mois d'octobre.<br />
Quel jour ? Je ne m'en souviens plus. Vingt et un ans se sont écoulés depuis, ou environ. Il y avait là le père et la mère<br />
de cet Alain et moi, et beaucoup d'autres dont je ne me souviens pas. Je l'ai vu mort noyé dans l'eau d'un fossé situé<br />
près de ma maison dans la paroisse de Pleubian. Je l'ai vu soulever et enlever de là par sa mère, et ensuite il a été posé<br />
sur la route près du fossé. Le père, la mère, et le grand-père d'Alain et beaucoup d'autres dont je ne me souviens pas se<br />
sont mis à genoux et ont invoqué dom <strong>Yves</strong>, le priant de donner la vie à l'enfant. Son père et sa mère et son grand-père<br />
ont fait vœu et promesse de donner en compensation à dom <strong>Yves</strong> un cierge d'un denier, et de plus d'offrir un denier par<br />
an. A peine eurent-ils fait ce vœu et cette invocation que l'enfant revint à la vie ; apparurent en lui le souffle et les<br />
autres signes de la vie, et il vit toujours. J'ai vu l'enfant, mort, aussi bien dans l'eau que sur le sol le temps de parcourir<br />
un quart de lieue ou environ. Quant aux marques de la mort que j'ai vues et reconnues en lui, je sais que je l'ai touché,<br />
et qu'il était glacé, roide et pâle, qu'il avait les yeux clos, qu'il ne respirait pas, non, autant qu'on pouvait s'en rendre<br />
compte, il n'aspirait ni ne rejetait de l'air. J'ai la ferme conviction qu'il a été noyé et mort, et que cet enfant est revenu à<br />
la vie à l'invocation et en raison des mérites de dom <strong>Yves</strong>...»<br />
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TEMOIN 67<br />
<strong>Yves</strong> Cadioc Scalart, originaire et paroissien de Pleubian, âgé de 40 ans et plus...<br />
«Je battais du blé chez <strong>Yves</strong> Tréguoezel, de Pleubian, quand j'ai entendu des cris. Je suis sorti pour voir ce que<br />
c'était, et j'ai appris que mon fils Alain, alors âgé de un an et demi ou environ, s'était noyé et était mort dans un fossé<br />
situé près de la maison de Jean, fils de Geoffroy Kentanganet. Je me suis rendu à cet endroit et j'ai vu mon fils par<br />
terre, près du fossé, mort. Ensuite à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> Hélory il est redevenu vivant...»<br />
On l'interroge alors sur la date de l'événement, sur les paroles prononcées pour ramener l'enfant à la vie, sur le<br />
temps pendant lequel l'enfant est resté mort, le témoin a répondu ce qu'avait dit le témoin immédiatement précédent.<br />
«J'ai la ferme conviction,...»<br />
TEMOIN 68<br />
Raymond, fils d'Alain Le Roux, paroissien de Saint Briac (Bourbriac), diocèse de Tréguier, âgé de 35 ans ou environ...<br />
«Je bouchais l'arrivée d'eau d'un moulin de Henri Duaut de la paroisse de Bourbriac, et je fis une chute et tombai<br />
sous la roue et dans l'eau du moulin, à l'heure de midi. J'avais ressenti au début de ma chute une grande douleur et, en<br />
dépit de cela, ensuite, je n'éprouvai plus rien, car j'avais absolument rendu l'esprit. Ensuite je me suis retrouvé dans ma<br />
propre maison où l'on m'avait transporté il y avait deux jours, et c'est alors que j'ai ressenti un très grande douleur dans<br />
tous mes membres et particulièrement à la tête. (Il nous a fait voir la cicatrice d'une blessure qui semblait avoir été<br />
grande).<br />
Cela s'est passé il y a dix-huit ans ou environ, me semble-t-il. C'était au mois d'avril, je ne me rappelle pas le jour.<br />
Etaient présents quand je suis tombé, personne ; quand j'ai repris vie, Geoffroy Morvan et Eudes ou <strong>Yves</strong> Lebrun, de<br />
la paroisse de Ploumagoar, et plusieurs autres déjà morts. Si je sais que j'ai repris vie au bout de deux jours, c'est que<br />
les assistants m'ont dit que deux jours s'étaient écoulés depuis ma chute. Si je sais que j'ai rendu l'esprit, c'est que<br />
durant tout le temps intermédiaire, je n'ai éprouvé aucune sensation, mais je crois que j'ai recouvré la vie à cause des<br />
mérites de dom <strong>Yves</strong> Hélory. Car Geoffroy Morvan a fait pour moi un vœu à dom <strong>Yves</strong>. C'est ce que lui et plusieurs<br />
autres m'ont dit. Ces faits sont de notoriété publique...»<br />
TEMOIN 69<br />
Geoffroy Morvan, paroissien de Ploumagoar, diocèse de Tréguier, âgé de 60 ans ou environ...<br />
«Certains autres et moi avons retiré Raymond, fils d'Alain Le Roux, de la paroisse de Bourbriac, de l'eau, sous la<br />
roue du moulin de Henri Duaut, de la paroisse de Bourbriac. Il était tombé dans le cours d'eau. Quand nous l'en avons<br />
retiré, nous l'avons trouvé avec une grande blessure à la tête et des blessures aussi aux autres membres. J'ai la ferme<br />
conviction qu'il était mort, car il était glacé et ne remuait pas un brin. Alors dans un mouvement de bonne affection, je<br />
suis tombé à genoux, et j'ai dans mes larmes voué Raymond à dom <strong>Yves</strong>. Quand par la suite j'ai vu que Raymond se<br />
mettait à reprendre vie, car je l'entendais un tout petit peu gémir, je me suis mis à genoux et j'ai rendu grâce à Dieu et à<br />
dom <strong>Yves</strong>, en même temps que ceux qui étaient là. Cela s'est passé il y a 20 ans ou environ, en été, mais je ne me<br />
rappelle plus le mois ni le jour. Etaient présents <strong>Yves</strong> Lebrun, de la paroisse de Ploumagoar, qui travaillait dans un<br />
champ avec moi, et encore plusieurs autres dont je n'ai pas gardé le souvenir. C'était donc dans la paroisse de<br />
Manibriac (Bourbriac), près du moulin déjà mentionné. J'ai invoqué dom <strong>Yves</strong>, et en ces termes : «Je vous prie,<br />
seigneur saint <strong>Yves</strong>, rendez la vie, s'il vous plaît, à cet adolescent, et moi je ferai en sorte que sa mère vous acquitte<br />
une offrande pour lui, un cierge de la longueur de son tour de taille». Il est resté sous la roue le temps de parcourir une<br />
lieu, me semble-t-il. Je le sais pour avoir entendu crier tout ce temps-là. Si j'ai tant tardé à le secourir, c'est qu'on avait<br />
de la peine à comprendre le vieillard qui criait. Ce vieillard, dont j'ignore le nom, était à ce moment- là dans le moulin,<br />
et c'est quand il a vu que la roue du moulin s'était arrêtée qu'il est sorti pour se rendre compte et qu'il a découvert que<br />
Raymond avait fait sa chute. Il s'est alors mis à crier, comme il l'a raconté devant moi. Le temps qui s'est écoulé entre<br />
le moment où on l'a retiré de l'eau et celui où il a recouvré la vie, correspond à celui qu'on met à parcourir une lieue, et<br />
plus ; ensuite, on a transporté Raymond, me semble-t-il, dans sa maison. Ce Raymond est originaire de la paroisse de<br />
Bourbriac, m'a-t-on dit. Et il avait 15 ans, ou environ, je pense, et c'était aussi l'avis des autres. Ces faits sont de<br />
notoriété publique...».<br />
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TEMOIN 70<br />
<strong>Yves</strong> Lebrun, autrement dit Eudes Lebrun, paroissien de Ploumagoar, âgé de 50 ans ou environ...<br />
« J'étais là avec certains autres pour retirer de l'eau de la roue du moulin de Henri Duaut de Menibriac Raymond<br />
Le Roux, de la paroisse de Bourbriac. Je suis entré dans l'eau jusqu'au cou. Je suis absolument certain, je le jure, que<br />
ce Raymond on l'a retiré mort de l'eau. Il avait de très grandes blessures à la tête, au visage et aux épaules et dans<br />
beaucoup d'autres endroits du corps, et il était tout brisé et noir. J'ai vu et entendu Geoffroy Morvan le vouer à dom<br />
<strong>Yves</strong>. Après ce vœu, il s'est passé un certain temps, et j'ai vu que Raymond reprenait son souffle, et gémissait très<br />
faiblement. Cela s'est passé il y a bien seize ans et plus, et il me semble que c'était l'été. Je ne me rappelle ni le mois ni<br />
le jour. Etaient présents neuf laboureurs, dont Geoffroy Morvan et feu <strong>Yves</strong> Bolbin, et plusieurs autres encore qui sont<br />
morts. Cela a eu lieu auprès du moulin en question, à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, et il me semble que Geoffroy a<br />
prononcé pour cela les paroles suivantes ou d'équivalentes : «Saint <strong>Yves</strong>, je vous remets et voue cet homme, pour que<br />
vous lui rendiez la vie ; et moi je vous ferai acquitter pour lui une ceinture (sic) de cire de la grosseur de son corps». Je<br />
ne connaissais pas ce Raymond auparavant. Il est bien resté sous la roue dans l'eau le temps d'une messe basse. Et je le<br />
sais pour avoir entendu le vieillard crier pour qu'on l'en sorte. C'est parce qu'il n'y mettait pas beaucoup de voix que<br />
mes compagnons et moi avons mis pour accourir le temps que j'ai dit. Entre le moment où l'on a retiré le corps de l'eau<br />
et le moment où la vie est revenue, il s'est passé à peu près le même temps. Ensuite, je crois, on a transporté Raymond<br />
dans sa maison. Ce Raymond était originaire de la paroisse de Bourbriac, selon ce que j'ai entendu dire. Il avait alors<br />
douze ou treize ans, je pense. Je sais qu'il etait mort, du fait qu'il ne présentait aucun signe de vie, et tous ceux qui<br />
étaient présents le tenaient pour mort...».<br />
TEMOIN 71<br />
Prima (Ar Kenta) fille dudit Laguadec, de la paroisse de Pédernec (diocèse de Tréguier), âgée de 16 ans ou environ...<br />
«Il y a deux ans, ou environ, après la fête de Tous les Saints, me semble-t-il, tandis que je faisais paître les bêtes de<br />
mon père, j'ai vu un garçon nommé Rolland, alors âgé de six ans ou environ, je pense, fils de Geoffroy Le Sec, de la<br />
paroisse de Botlézan, du même diocèse, et cet enfant tomba dans une rivière appelée Le Guindy. Moi, je n'osais pas<br />
entrer dans cette rivière pour porter secours à l'enfant ; car il y avait trop d'eau et elle était profonde. J'ai crié fort :<br />
«Geoffroy, Geoffroy, ai-je dit, courez à votre fils ; il se noie dans l'eau». J'ai crié assez longtemps, et Geoffroy a fini<br />
par accourir. Il est entré dans l'eau, et l'en a retiré, glacé et mort. Et il l'a transporté mort comme on transporte une<br />
brebis morte. J'ai entendu le père de Rolland invoquer saint <strong>Yves</strong>. J'ai vu et entendu ces choses-là, puisque j'étais<br />
présente. Cela se passait après la fête de la Toussaint comme j'ai dit. Quant au mois et au jour, je ne sais plus. Il y avait<br />
là le père de l'enfant et moi, et nous nous trouvions le long de la rivière du Guindy près du moulin de Coetléguer en<br />
bas du village du Quinquis qui fait partie de la paroisse de Pédernec. Je connaissais l'enfant auparavant. Pour ce qui est<br />
de l'heure, il devait être midi ou environ. L'enfant est resté sous l'eau le temps de faire une lieue, ou à peu près...»<br />
Et nous, nous avons vu le Rolland en question sain et vivant devant nous, en présence du témoin qui attestait que<br />
c'était bien l'enfant.<br />
Geoffroy Ar Sec'h, paroissien de Botlézan, âgé de 40 ans...<br />
TEMOIN 72<br />
«J'ai entendu une fois une jeune fille nommé Ar Kenta, fille d'un homme nommé Lagadec, de la paroisse de<br />
Pédernec, m'appeler : «Venez en courant, criait-elle d'une voix forte». Je ne comprenais pas pourquoi elle criait. Je<br />
pensais qu'une des brebis qui étaient là se trouvait en danger, et j'accourus au plus vite à l'endroit où elle se trouvait,<br />
c'est-à-dire près de la rivière Le Guindy, dans la paroisse de Pédernec. La jeune fille me dit que mon fils était tombé<br />
dans la rivière.Vivement affecté j'entrai rapidement dans l'eau : «Saint <strong>Yves</strong>, dis-je, je vous remets et vous dévoue mon<br />
fils». C'est en disant cela que j'ai trouvé mon fils dans l'eau, et que je l'en ai retiré mort. Ensuite je l'ai transporté chez<br />
moi sur mes épaules comme une brebis morte, et alors que le garçon se trouvait là mort, vers le coucher du soleil, il a<br />
fini par revivre ; et le Sème jour, sa mère, mon épouse, est allée porter son offrande au Bienheureux <strong>Yves</strong> dans l'église<br />
de Tréguier. Il était mort puisqu'il n'y avait en lui aucun signe de vie ; au contraire il était absolument glacé et blanc, et<br />
il avait le cou dénoué comme habituellement les morts. Cela se passait un samedi, il y aura deux ans l'hiver prochain, à<br />
ce qu'il me semble, vers l'heure de midi. Je ne me rappelle plus quel mois. Il n'y avait près de la rivière que la fille et<br />
moi, mais par contre dans ma maison beaucoup d'autres vinrent voir, mais je ne me rappelle plus qui. J'ai invoqué dom<br />
<strong>Yves</strong> dans les termes que je vous ai déjà rapportés. J'ignore combien de temps le garçon est resté sous l'eau. Je sais<br />
que depuis le moment où j'ai commencé d'entendre les cris jusqu'au moment où je l'ai tiré de l'eau, un homme aurait<br />
parcouru une lieue entière ; pourtant je pense qu'il a été longtemps sous l'eau, glacé et pâle comme il était. L'eau était<br />
profonde d'une brassée et plus. L'enfant a rejeté de l'eau, le contenu d'une pleine coupe...»<br />
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TEMOIN 73<br />
Jeanne, veuve de Gruey Selvel, de la paroisse de Lannion (diocèse de Tréguier), âgée de 55 ans...<br />
«Un garçon, nommé Aymeri, fils de Hamon Corgeeysay, de la même paroisse, se baignait un jour avec d'autres<br />
enfants dans un bras de mer, et disparut sous l'eau. Tout de suite les enfants qui étaient là se mirent à crier, et à ces cris<br />
beaucoup accoururent et retirèrent l'enfant de l'eau, comme on me l'a rapporté. Sur ces entrefaites j'arrivai et vis, glacé<br />
et mort, l'enfant qu'on avait retiré de l'eau. Puis, en ma présence, on transporta l'enfant ainsi mort chez son père et on le<br />
déposa sur un lit. Comme on le transportait pour l'ensevelir, sa mère arriva. Elle était allée loin au moulin, à ce qu'on<br />
disait. Quand elle vit l'enfant ainsi mort, elle se mit à genoux et dans un grand cri le voua à dom <strong>Yves</strong> Hélory.<br />
Immédiatement l'enfant ouvrit un œil et appela sa mère, qui lui dit : «Mon fils, où étais-tu ?» - «Avec un homme en<br />
blanc, répondit-il, qui m'a tiré de la fosse où je m'étais noyé». Peu de temps après, m'a-t-on dit, le père et la mère de<br />
l'enfant l'ont conduit avec une offrande au tombeau de dom <strong>Yves</strong> en l'église de Tréguier. Je suis au courant de ces<br />
choses-là puisque j'ai entendu les cris, que j'ai vu les gens accourir et qu'ils m'ont dit avoir retiré l'enfant. Pareillement<br />
quand on a retiré l'enfant de l'eau, j'étais présente à tous ces événements que j'ai relatés, sauf quand on a conduit<br />
l'enfant au tombeau de dom <strong>Yves</strong>. Cela s'est passé il y a 24 ans, un vendredi, au mois de mai, à ce qu'il me semble. Il y<br />
avait là moi-même et ma fille nommé Catherine, et Théophanie, fille de Daguet, et Jean, fils du même Daguet, et<br />
Nicolas, fils de Ker-Geminart et plusieurs autres. Cela se passait dans la mer nommée Léguer près de la ville nommée<br />
Lannion. Il me semble que la mère a prononcé sur son fils les paroles suivantes ou de semblables : «De même que c'est<br />
moi en personne qui t'ai mis au monde, de même je te voue à saint <strong>Yves</strong>». Je connaissais l'enfant en question depuis sa<br />
naissance, car c'est le fils de mon frère. Il est resté dans l'eau le temps de parcourir une lieue, d'après ce que m'ont dit<br />
les gens qui étaient là. Moi je l'ai vu mort, était donné qu'il était pâle et glacé, qu'il n'avait pas de respiration, qu'il n'y<br />
avait de vie dans aucun membre, ce dont je me suis rendue compte en le touchant avec attention et en le palpant.<br />
L'enfant était originaire de la ville de Lannion. Il avait onze ans ou environ...»<br />
TEMOIN 74<br />
Catherine, fille de feu Hervé Selvel, de la paroisse de Lannion, âgée de 38 ans ou environ...<br />
« J'ai entendu un jour des gens crier : «Venez vite, venez vite, disaient-ils, le fils de Hamon Cargeesay est mort».<br />
Alors je suis accourue avec ma sœur Jeanne, et j'ai trouvé mort sur une rive le fils en question. El j'ai vu les gens qui<br />
étaient là remuer ce garçon dans tous les sens, et ils le touchaient à qui mieux-mieux et ils le palpaient, sans trouver en<br />
lui ni souffle ni vie. Puis ils l'ont transporté sur une échelle dans la maison de son père. Et c'est alors que j'ai vu peu<br />
après survenir sa mère, qui jusque-là était absente. A la vue de son fils dans un tel état de mort, elle se mit à crier bien<br />
fort et à répéter : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je vous demande mon fils, et je vous dévoue mon fils et je vous le dévoue». Et<br />
sur le champ le garçon ouvrit un œil, puis l'autre, souleva une main et dit : «Où est ma mère ?» Je sais cela car j'étais<br />
là, comme je l'ai dit. Cela s'est passé il y a bien plus de 20 ans. Il me semble qu'on était en été, mais je ne me souviens<br />
ni du mois ni du jour. Les personnes présentes étaient ma mère et moi, et beaucoup d'autres, mais je ne sais plus qui,<br />
car les cris avaient rassemblé là un très grand nombre de gens. C'était le long d'un bras de mer appelé Léguer et dans la<br />
ville de Lannion. J'ai déjà dit qui on avait invoqué et en quels termes. Je dis que ce garçon était mort, car j'en ai la<br />
ferme conviction, étant donné qu'il présentait tous les signes de la mort : il tenait les yeux clos, tous ses membres<br />
étaient glacés et roides, et tous ceux qui le voyaient le regardaient comme mort sans avoir l'ombre d'un doute. L'enfant<br />
s'appelait Aymeri, et je le connaissais auparavant, puisque c'était un parent et un voisin. Il avait 10 ans ou davantage.<br />
Je l'ai vu en état de mort environ le temps d'une lieue. Il était originaire de Lannion. Il a rendu de l'eau ce que peut<br />
contenir le creux de la main...»<br />
TEMOIN 75<br />
Hervé Mindre, paroissien de Lannion, âgé de 35 ans ou environ...<br />
«Un jour Aymeri, fils de Amon Largeesay, de la même paroisse, et moi nous nous baignions dans un bras de mer<br />
appelé Léguer près de la ville de Lannion. Nous avions atteint à la nage sans y prendre garde une fosse qui se trouve<br />
au fond de cette eau. Nous pensions au contraire qu'il y avait là peu d'eau, car nous avions par ailleurs selon nous fait<br />
attention à la fosse en question, puisque nous ne savions nager qu'à condition d'avoir pied. C'est alors que nous<br />
trouvant au-dessus de la fosse nous nous mîmes à perdre pied. Epouvantés et voulant nous aider l'un l'autre, nous nous<br />
poussions violemment au fond, frappés de stupeur et complètement perdus. Survint alors un nommé Thomas Musard,<br />
aujourd'hui défunt, originaire de Lannion. Otant tout de suite sa chemise, il la tendit. C'est moi qui me présentai le<br />
premier à la surface, et de ma main je saisis la chemise et m'y maintins, et je sortis ainsi de l'eau. Mais Aymeri<br />
rejoignit de nouveau le fond de la fosse et y resta noyé devant moi qui le voyais. Survint un homme du nom de<br />
Bogolguen, de la ville de Lannion, aujourd'hui défunt. Il se dévêtit, plongeant nu dans l'eau et y chercha le noyé. Mais<br />
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il ne put le trouver cette fois-là. Il sortit et se reposa un petit instant, car il était trop fatigué. Il chercha encore une<br />
deuxième et une troisième fois. La Sème fois, il trouva le noyé, et le sortit mort et le transporta vers la maison de son<br />
père. Et puis le lendemain je vis le même Aymeri sain et vivant comme avant. Il était âgé de 10 ou 11 ans. Cela se<br />
passait il y a 20 ans ou environ. Je ne me rappelle ni le jour ni le mois, mais c'était en été vers l'heure de midi. Etaient<br />
présents ceux que j'ai nommés : Thomas Musard, Bogolguen et moi. L'endroit était la mer qu'on appelle Léguer. Il est<br />
resté sous l'eau le temps d'une bonne lieue et plus. Je sais qu'il était raide et glacé absolument comme un mort, et ceux<br />
qui étaient là le jugeaient ainsi et je ne pense pas que quiconque ait jugé autrement. Je dis que s'il est revenu à la vie<br />
c'est grâce aux mérites de dom <strong>Yves</strong> Hélory, et vraiment j'en ai la ferme conviction, car j'ai entendu dire qu'on avait<br />
voué Aymeri à dom <strong>Yves</strong>. Je n'étais pas présent quand on a transporté le noyé chez son père, car quand ils ont<br />
commencé à le porter, moi j'ai pris la fuite par peur des remontrances de mon père...»<br />
TEMOIN 76<br />
Hervé Molloe, paroissien de Gazvallon (Plouégat-Guerrand), diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans ou environ...<br />
«Un jour, je ne sais plus lequel, il me semble que c'était au mois de juin comme aujourd'hui, il y a de cela 7 ans ou<br />
environ, j'entendis des gens qui criaient très fort : «Venez vite, venez vite, disaient-ils. Ily a un mort !». J'entendis cela<br />
le temps d'une demi-lieue, et je voulus à la fin savoir ce que c'était. Je me rendis à l'étang du Grand Port, où avaient<br />
lieu ces cris. Et j'y trouvai beaucoup de gens rassemblés. Ils me dirent que Guillaume, le fils d'Alain Guidomar, de ma<br />
paroisse, se trouvait noyé dans l'étang. Je demandai aux gens qui étaient là dans quel endroit de l'étang cet enfant avait<br />
disparu sous l'eau. J'enlevai alors ma chemise et pénétrai dans l'étang. Je n'arrivais pas à me pencher, vu la trop grande<br />
profondeur de l'eau. C'est avec mes pieds que je cherchais le noyé, et je disais : «Saint <strong>Yves</strong>, au secours, au secours, je<br />
m'en remets à vous». Et à ces mots j'atteignis du pied le noyé. Je le soulevai un peu, le pris d'une main par une jambe<br />
et peu à peu le ramenai à la rive. Puis je le retirai de l'eau. Je le déposai ensuite sur le bord, glacé et mort. Le père et la<br />
mère arrivèrent plus tard et s'écrièrent : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, nous vous dévouons notre fils, et vous promettons de<br />
vous acquitter tous les ans un cierge aussi long que lui» Et devant moi ils emportèrent ainsi le mort chez eux. Le jour<br />
même dans l'après-midi, je me rendis à la maison de l'enfant noyé, et je le vis sain et vivant ; et je crois que cela est dû<br />
aux mérites de dom <strong>Yves</strong> à qui ses parents l'avaient voué comme on l'a dit. »<br />
L'enfant est toujours vivant et en bonne santé, comme nous avons pu le constater.<br />
« Etaient présents : mon épouse Théophanie, fille d'Alain Keunaroc, Richard, fils de Le Nain, et Guillot, fils de<br />
Hervé Banicon, de la paroisse de Gazvallon ; et beaucoup d'autres personnes étaient là, mais il ne serait difficile de<br />
retrouver leurs noms.<br />
Suit le rappel du lieu, des paroles de l'invocation, du nom de l'enfant noyé. Et répondant aux questions le témoin<br />
continue : «Je connaissais l'enfant auparavant puisqu'il était mon voisin, et il l'est toujours. Il est resté sous l'eau le<br />
temps d'une grande lieue, compte tenu de la durée des cris et du temps que j'ai mis à le trouver. Quant à estimer<br />
pendant combien de temps je l’ai vu mort hors de l'eau, je dis la durée d'un tiers de lieue. Je sais qu'il était mort,<br />
puisqu'il est resté sous l'eau un bon bout de temps, qu'il était glacé, roide et sans couleur tout à fait comme un mort, et<br />
que tous ceux qui étaient là le considéraient comme mort... A mon avis, il était âge de six ans ou environ. Il a rendu<br />
pas mal d'eau, mais je ne saurais évaluer combien. L'enfant est originaire comme son père de la paroisse de Gazvallon<br />
(Plouégat-Guerrand)... »<br />
TEMOIN 77<br />
Alain Guidomar, paroissien de Gazvallon, âgé de 50 ans ou environ...<br />
«Je suis arrivé quand Hervé Mollec tirait Guillaume de l'étang du Grand Port comme l'a dit le même Hervé.<br />
Et Guillaume était tout à fait mort. Sa mère arriva aussi, et, père et mère, nous l'avons voué à dom <strong>Yves</strong>. Avec ma<br />
femme j'ai transporté Guillaume dans notre maison, mort et glacé, et nous l'avons déposé sur un lit, en recommençant<br />
le même vœu. Bientôt après le regardant, nous nous sommes aperçus que notre garçon avait recouvré la vie. Nous lui<br />
avons demandé comment il allait. «Bien, nous a-t-il répondu». Et puis sans attendre un mois je l'ai conduit au<br />
Bienheureux <strong>Yves</strong> en l'église de Tréguier avec les offrandes que nous, ses parents, avions promises pour lui. Je sais<br />
qu'il avait été mort parce qu'il en présentait bien clairement les signes à la vue et au toucher, et que tous ceux qui<br />
l'entouraient le disaient. Il y a de cela sept ans ou environ, a ce qu'il me semble, mais je n'ai plus souvenir ni du mois ni<br />
du jour. Le lieu était celui qu'a dit Hervé. J'ai invoqué le Bienheureux <strong>Yves</strong> en ces termes : «O saint <strong>Yves</strong>, Je vous<br />
dévoue mon fils ; et je vous remettrai chaque année un denier». La mère a prononcé les mêmes paroles, à cette<br />
différence près qu'elle a promis un cierge de la taille de l'enfant noyé. J'ai la ferme conviction que c'est le Bienheureux<br />
<strong>Yves</strong> qui a obtenu pour nous auprès de Dieu son retour à la vie. Il est reste dans l'eau le temps d'une lieue, comme je<br />
l'ai entendu, et je le pense. Quant au temps où je l'ai vu mort une fois hors de l'eau, c'était depuis tierce jusqu'à none. Il<br />
a bien rejeté de l'eau, mais je ne saurais bien dire quelle quantité. Il me semble que l'enfant avait alors six ans...»<br />
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TEMOIN 78<br />
Guillaume, fils d'Alain Guidomar, de la même paroisse, âgé de 12 ans ou environ...<br />
«Je me souviens bien être tombé dans l'étang en question. C'est en courant sur le bord que je suis tombé dedans. Aije<br />
été mort sous l'eau ? Oui. Je le sais à ceci que je ne sentais rien et que par la suite c'est ce que les autres m'ont dit.<br />
J'ignore la date et le mois où cela s'est passé. Cependant on mettait alors le lin dans l'eau. Je suis né dans cette paroisse<br />
de Gazvallon...»<br />
TEMOIN 79<br />
Derien Caeremieyr, de la paroisse de Prat, âgé de 40 ans ou environ...<br />
«Un jour, c'était le matin, j'ai laissé ma fille à la maison pour qu'elle la garde, et je suis parti gagner mon pain. Le<br />
soir quand je suis revenu j'ai trouvé ma fille avec un œil enflé et fermé, au point qu'elle ne voyait plus rien avec ; et le<br />
lendemain l'autre œil était également fermé et enflé, si bien qu'elle ne voyait rien des deux yeux. Le jour suivant,<br />
persuadé par un voisin, j'ai voué cette fille au Bienheureux <strong>Yves</strong> ; et le lendemain elle a vu des deux yeux comme<br />
avant, et j'affirme être convaincu que le fait est dû aux mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong>. Cette fille s'appelle Théophanie.<br />
Le mal en question lui est venu, selon elle, pendant son sommeil. Elle a six ans. C'est cette année au mois d'octobre, un<br />
samedi, qu'un œil s'est enflé ; le dimanche matin l'autre l'était aussi. C'est le soir du lundi immédiatement suivant que<br />
j'ai fait le vœu, et le mardi, vers l'heure de sexte, elle a vu parfaitement des deux yeux. Je sais qu'elle ne voyait pas, car<br />
je l'ai constaté et vérifié, et ma fille disait ne pas voir ; bien plus il fallait la conduire par la main. Quand le mal a pris<br />
dans un seul œil, personne n'était là, sauf deux petits, plus jeunes qu'elle, et quand l'autre œil fut enflé le lendemain,<br />
moi j'étais présent, ainsi que mon épouse Margilia, la mère de la fille. Et quand j'ai fait mon vœu, ma femme aussi était<br />
là. Cela s'est passé dans ma maison à Prat, à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>, et voici les termes employés : «Saint <strong>Yves</strong>, je<br />
vous dévoue ma fille, et je vous remettrai deux yeux en cire chaque année moi vivant»... Nous avons personnellement<br />
vu la fille qui s'est présentée devant nous tout à fait guérie et en bonne santé. »<br />
TEMOIN 80<br />
Olivier Rivalon Gigot, de la même paroisse, âgé de 19 ans ou environ...<br />
«J'ai vu moi-même la fille en question les yeux enflés au point qu'elle ne pouvait absolument pas voir. J'allais<br />
jusqu'à penser qu'elle devrait mourir plutôt que de guérir étant donné l'énormité et l'aspect très laid de l'enflure. Par la<br />
suite je l'ai constatée tout à fait guérie et jouissant normalement de la vue. (Ses réponses sur le temps, le mois et le jour<br />
coïncident avec la déclaration précédente). Je ne me rappelle pas qui était présent, car je ne m'en souciais pas. J'ignore<br />
qui on a invoqué et en quels termes. Cependant, j'ai entendu dire que son père l'avait vouée au Bienheureux <strong>Yves</strong>, et<br />
que c'est pour cela qu'elle a été guérie. Cette fille s'appelait Théophanie, et je la connaissais, car elle était ma voisine.<br />
Je l'ai vue une fois alors qu'elle était aveugle, et quatre jours ne s'étaient pas écoulés que je l'ai vu guérie. Elle est<br />
originaire de la paroisse de Prat...»<br />
TEMOIN 81<br />
Jean, fils de Jean Alain, paroissien de Plounévez, âgé de 15 ans ou environ...<br />
«L'année dernière, je ne sais plus quel jour, vers mai, à midi, j'avais coupé beaucoup de bruyères ou de genêts, et je<br />
m'étais énormément fatigué à ce travail. J'avais chargé mes épaules d'un fagot de ces genêts, et je l'avais transporté de<br />
la distance d'un jet de pierre, quand une sorte de goutte me prit brusquement, accompagnée d'une très grande douleur.<br />
Je sentis de telles crampes dans le dos et dans les autres membres qu'à peine pouvais-je aller courbé et tenant mes<br />
mains sur mes cuisses, et même je pouvais avancer très peu et avec une énorme peine. Quand je voulais m'asseoir, je<br />
n'y arrivais pas, je m'affaissais. Enfin samedi dernier on m'a transporté de ma localité au tombeau du Bienheureux<br />
<strong>Yves</strong> dans l'église de Tréguier, et à partir du dimanche suivant après-midi voulant sortir de cette église, me redressant<br />
du mieux que je pouvais, je me sentis soudain guéri. Je m'approchai du tombeau de saint <strong>Yves</strong>, et je dis à ceux qui<br />
étaient là que je me trouvais guéri grâce aux mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong>, à qui ma mère m'avait voué. Il y avait là<br />
beaucoup de gens, tant sains que malades, dont j'ignore les noms. C'est le Bienheureux <strong>Yves</strong> qu'on a invoqué, et j'ai dit<br />
fréquemment pendant que j'étais près de son tombeau : «Saint <strong>Yves</strong>, demandez pour moi à Dieu de me libérer de cette<br />
infirmité par la mort ou par la vie, comme il lui plaira», et ma mère a dit avant qu'on me transportât, dans cette église :<br />
«Je voue mon fils au Bienheureux <strong>Yves</strong>, et je lui promets un denier chaque année». Et je suis resté ainsi infirme<br />
pendant deux bonnes années».<br />
Interrogé d'où il était originaire, il a refait la même déclaration que précédemment. Et nous l'avons vu se promener<br />
librement...<br />
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TEMOIN 82<br />
Floride, épouse de Geoffroy L'Ecrivain, de la cité de Tréguier, âgée de 30 ans et plus...<br />
«Jean Alain fut apporté samedi dernier chez moi sur un cheval ; son frère nommé Geoffroy le descendit du cheval<br />
et je le vis alors tout perclus et le dos courbé : il ne pouvait ni s'asseoir ni guère rester debout, ni se déplacer, sauf un<br />
petit peu en se tenant aux genoux avec les mains. C'est dans cet état qu'on l'a conduit de ma maison à l'église de<br />
Tréguier. Puis je ne l'ai pas vu jusqu'à tout de suite, car je me suis absentée de la cité. J'ai la ferme conviction qu'il doit<br />
sa guérison aux mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong>, étant donné qu'on le lui a voué et recommandé, comme je l'ai ouï dire,<br />
et qu'on le lui a apporté, comme je l'ai vu et déjà relaté. Quand on l'a apporté, il y avait là présents moi et ma fille<br />
Floride et ma servante Agnès. Et cela s'est passé dans la cité de Tréguier, dans ma maison. J'ignore la formulation des<br />
paroles employées, mais on a invoqué le Bienheureux <strong>Yves</strong>, comme je l'ai appris de Jean et de son frère Geoffroy, et je<br />
n'ai connu Jean infirme ni ne l'ai vu dans cet état qu'après qu'on l'eut apporté ; mais j'ai appris que son infirmité durait<br />
depuis deux ans ou environ. Il est originaire de la localité de Plounévez, comme je l'ai entendu dire...».<br />
TEMOIN 83<br />
Petitbon, paroissien de Benigla (diocèse de Tréguier) âgé de 60 ans ou environ...<br />
«J'ai vu et connu ledit Jean perclus et courbé, pouvant à peine se déplacer et tenant ses mains sur ses genoux, et il<br />
n'arrivait pas à s'asseoir, et, cela depuis samedi dernier parce que Geoffroy le frère de ce Jean, me l'avait recommandé.<br />
Je crois vraiment que le Jean en question a dû sa guérison aux mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong>, pour cette raison que je<br />
l'ai vu, ce Jean, dans l'église de Tréguier en train de solliciter saint <strong>Yves</strong> d'obtenir sa guérison ; et j'en faisais autant.<br />
Cependant je n'étais pas présent au moment de sa guérison, mais je suis vite accouru aux clameurs des gens ; et je l'ai<br />
vu guéri dans l'église de Tréguier, comme il l'est aujourd'hui manifestement. Etaient là quand la fameuse clameur a eu<br />
lieu plus de cent personnes. J'en ignore les noms, car je ne m'en souciais pas...»<br />
TEMOIN 84<br />
Pierre Ar C'horr (Le Nain) paroissien de Saint Melaine de Morlaix (diocèse de Tréguier), âgé de 25 ans ou environ...<br />
«Un jour j'étais allé en mer sur un bateau pour transporter une pipe de vin, quand j'entendis des gens qui criaient<br />
après moi en ces termes : «Revenez, revenez vite». Je revins et trouvai un petit enfant, mon fils, dans mon<br />
«hôtellerie». On le disait passé par la mort, car il était tombé dans l'eau sous la roue du moulin qui se trouve dans la<br />
ville de Morlaix de ladite paroisse. Tel que je vis l'enfant pour la première fois après sa chute, il était tout entier brisé<br />
et couvert de bleus, bien qu'il eût déjà recouvré la vie. J'appris que ma femme l'avait voué au bienheureux <strong>Yves</strong>, et<br />
quand par la suite il avait repris vie, je vis que sa mère le vouait de nouveau, et j'ai la ferme conviction que c'est pour<br />
cela que le lendemain il était totalement délivré. J'avais pourtant l'absolue certitude que cet enfant ne devait pas se<br />
remettre avant un an tant il était rompu et brisé par devait et par derrière et dans tous ses membres. L'enfant était alors<br />
âgé de quatre ans ou environ. Et cela s'est passé cette année, le dimanche avant la fête du Bienheureux Jean Baptiste.<br />
Quant aux personnes présentes, il y avait là pour le tirer de l'eau Jean Rinchie, et <strong>Yves</strong> de Torozc, à ce qu'on m'a dit, et<br />
c'étaient les mêmes qui se trouvaient aussi dans l'hôtellerie quand je suis arrivé, ainsi que ma femme, mon beau-père et<br />
beaucoup d'autres de mes voisins. La chute s'est donc produite dans le moulin que j'ai nommé, dans la dite ville. On a<br />
invoqué le Bienheureux <strong>Yves</strong>, et c'est ma femme qui l'a fait en ces termes : «Je voue mon fils au Bienheureux <strong>Yves</strong>, et<br />
s'il est guéri, je le ferai porter à son tombeau et j'offrirai pour lui un cierge de sa longueur». Ma femme avait prononcé<br />
ces mêmes paroles avant mon arrivée, à ce qu'on m'a dit. Cet enfant s'appelle Jean. Il est resté ainsi fracturé depuis<br />
l'heure des vêpres de ce dimanche où il ne pouvait se tenir debout, jusqu'au lendemain où il a joué comme d'habitude<br />
avec d'autres garçons. Sous huit jours on l'a porté au tombeau du Bienheureux <strong>Yves</strong>, dans l'église de Tréguier, comme<br />
on l'avait promis...»<br />
TEMOIN 85<br />
Heliot Rinchue, de la même paroisse Saint Melaine, âgé de 20 ans ou environ...<br />
«Un jour un enfant m'a dit que le fils de Pierre Le Nain était tombé dans l'eau du moulin qui se trouve dans cette<br />
ville de Morlaix. J'ai donc aussitôt gagné ce lieu, et je suis entré dans l'eau en cherchant ça et là. J'ai fini par trouver<br />
l'enfant immergé sous la roue du moulin. Je l'ai saisi et retiré de l'eau mort et glacé. C'est alors qu'<strong>Yves</strong> de Torocz, de<br />
la même paroisse, l'a pris et l'a porté chez son père. Tandis qu'il le transportait est survenue sa mère, criant et pleurant,<br />
et elle a voué l'enfant au Bienheureux <strong>Yves</strong>. Sur le champ l'enfant a repris vie et s'est mis visiblement à remuer un petit<br />
peu. Le lendemain je l'ai vu sain et joyeux, et j'ai la ferme conviction que cela est arrivé grâce aux mérites du<br />
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Bienheureux <strong>Yves</strong>. Le fait s'est produit cette année, le dimanche avant la fête de la Nativité du Bienheureux Jean<br />
Baptiste, je crois. Les personnes présentes étaient la mère de l'enfant nommée Margilia, qui est arrivée sur les<br />
entrefaites, comme je l'ai dit, ceux aussi que j'ai déjà nommés et encore beaucoup d'autres. L'endroit était le moulin qui<br />
est au duc de Bretagne, dans ladite ville. On a invoqué le Bienheureux <strong>Yves</strong>, et la mère a prononcé les paroles<br />
suivantes : «Saint <strong>Yves</strong>, je vous dévoue mon fils». Ce vœu, elle l'a fait en cours de route, tandis qu'on portait l'enfant.<br />
Cet enfant s'appelle Jean. Je le connaissais bien auparavant, du fait qu'il est mon voisin. Il avait quatre ans ou environ,<br />
je pense. Il est resté sous l'eau le temps d'un quart de lieue depuis le moment où l'on m'a appelé jusqu'au moment où on<br />
l'a retiré. Je dis qu'il était mort, car il portait sur lui les signes de la mort : pâleur, frigidité, immobilité de tout le corps,<br />
et noirceur des lèvres...»<br />
TEMOIN 86<br />
Margilia, épouse de Pierre Ar C'horr (Le Nain), de la paroisse de Saint-Métairie de Morlaix, diocèse de Tréguier,<br />
âgée de 25 ans ou environ...<br />
«Je suis arrivée tandis qu'on transportait mon fils qu'on avait sorti mort de l'eau. Tout de suite, bien que l'angoisse<br />
me serrât le cœur, je me suis pourtant souvenue des miracles que chaque jour Dieu fait par le Bienheureux <strong>Yves</strong>, et je<br />
lui ai voué mon fils en ces termes : «Saint <strong>Yves</strong>, je vous dévoue mon fils ; et si vous me le rendez, je le porterai à votre<br />
tombeau avec un cierge aussi long que lui». A ces mots sous mes yeux, mon fils a recouvré la vie, et l'enfant, par la<br />
grâce de Dieu et les mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong> était pour le lendemain complètement guéri. Je croyais pourtant<br />
qu'il ne pourrait jamais se remettre parfaitement, car le bas de son corps était plein de fractures. Je sais que les os<br />
étaient brisés à ce point, car je l'ai palpé avec beaucoup de soin, et je sais qu'il était mort, parce qu'alors que je le<br />
voyais et le touchais aucun signe de vie ne se manifestait en lui ni à la vue ni au toucher. D'ailleurs de l'avis de ceux<br />
qui étaient présents, il était bel et bien mort. Ces personnes présentes étaient mon père, et quelqu'un de la paroisse de<br />
Saint Melaine nommé <strong>Yves</strong> Torozc, celui qui a transporté l'enfant à la maison de mon mari, et mon mari survenu<br />
tandis qu'on le transportait, et beaucoup d'autres parmi les voisins, mais je n'en ai pas gardé le souvenir, tant mon<br />
angoisse était grande. Cela s'est passé cette année, un dimanche avant la fête de la Nativité du Bienheureux Jean<br />
Baptiste. C'est en cours de route qu'il a recouvré la vie, tandis qu'on le transportait, mais c'est à la maison qu'il a été<br />
guéri. J'ai vu l'enfant mort le temps qu'il faut pour dire l'oraison dominicale et je l'ai vu infirme jusqu'au lendemain où<br />
je l'ai constaté guéri. Il était âgé de quatre ans environ...».<br />
TEMOIN 87<br />
<strong>Yves</strong> de Torozc, de la même paroisse Saint Melaine, âgé de 25 ans ou environ...<br />
«Je suis arrivé quand Yannick, le fils de Pierre Ar C'horr, a été retiré de l'eau du moulin de Morlaix, et l'enfant était<br />
absolument glacé et vraiment mort. C'est alors que je l'ai pris et transporté à la maison de son père dans la ville de<br />
Morlaix. Tandis que je le portais ainsi, est survenue sa mère, nommée Margilia, qui, au milieu de ses larmes et de ses<br />
cris, l'a voué au Bienheureux <strong>Yves</strong> ; et aussitôt, sous mes yeux, l'enfant est revenu à la vie. J'ai ensuite déposé l'enfant<br />
dans la maison de son père, et je me suis retiré. Plus tard, le lendemain, j'ai vu cet enfant en bonne santé, guéri, et je<br />
crois que cela est dû aux mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong> à qui sa mère l'a voué. Je crois qu'il était mort parce qu'il me<br />
paraissait tel du fait qu'il n'avait en lui ni souffle, ni chaleur, ni couleur et que tout son corps avait été broyé et<br />
immergé sous la roue du moulin d'où on l'a extrait, à ce qu'on m'a dit. Quant à la date de l'événement, il n'y a pas<br />
longtemps que cela s'est passé puisque c'était au mois de juin dernier et un dimanche. Il y avait là Heliot Rinchue, celui<br />
qui avait retiré l'enfant de l'eau au moment de mon arrivée sur les lieux, et la mère de l'enfant, et le grand-père, et<br />
beaucoup d'autres que les cris avaient fait accourir, et aussi le père de l'enfant qui pareillement était arrivé sur les<br />
entrefaites. Quant à dire qui on a invoqué et en quels termes il me semble que la mère disait : «Seigneur, saint <strong>Yves</strong>, je<br />
vous dévoue mon fils, et je le porterai chez vous avec un cierge, si vous lui rendez la vie». Cet enfant, je l'ai toujours<br />
connu, car nous sommes voisins. J'ignore combien de temps il a été sous l'eau, mais une fois hors de l'eau il est<br />
demeuré ainsi mort presque le temps d'un tiers de lieue, me semble-t-il...»<br />
TEMOIN 88<br />
Sibille, veuve de Raymond de Grunlie, bourgeois de La Roche Derrien, âgée de 50 ans ou environ...<br />
«Un jour j'ai fait placer dans un navire douze tonneaux de blé à envoyer par mer en Gascogne. Mon fils Arnaud et<br />
plusieurs autres étaient montés à bord et les matelots du navire l'avaient conduit par mer jusqu'à La Rochelle. Les<br />
marins avec plusieurs autres quittèrent là le navire si bien qu'il ne resta à bord qu'Arnaud et deux autres pour assurer la<br />
garde. C'est alors que soudain s'éleva en mer une grande tempête accompagnée d'une très grande obscurité à tel point<br />
que le navire prenait une gite très mauvaise au risque de sombrer, et c'est à peine s'ils pouvaient se voir les uns les<br />
autres. Alors Arnaud avec les deux hommes restés à bord se mit à invoquer le Bienheureux <strong>Yves</strong>, s'écriant en ces<br />
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termes : «Saint <strong>Yves</strong>, aide-nous». Sur le champ à leurs yeux apparut une clarté au-dessus de la mer, et tout de suite la<br />
tempête cessa. Les autres qui avaient quitté le navire remontèrent à bord en empruntant un canot et par la suite ils<br />
continuèrent heureusement leur traversée. Toutes ces choses, comme je vous les ai rapportées, mon fils Arnaud me les<br />
a racontées. Pour moi je crois, sans l'ombre d'un doute, que le navire, mon fils et ceux qui s'y trouvaient ont dû aux<br />
mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong> d'échapper à ce grand péril, surtout que chaque jour après le départ du navire je<br />
recommandais au Bienheureux <strong>Yves</strong> le navire, mon fils et les autres personnes. Ensuite, après le retour du navire, j'ai<br />
offert douze deniers au Bienheureux <strong>Yves</strong>. Cela s'est passé il y a deux ans environ. Quant au jour et au mois, je ne<br />
m'en souviens plus, mais il me semble que le navire est rentré aux environs de la fête de Tous les Saints. Quels sont les<br />
noms de ceux qui sont revenus dans ce navire ? Je n'en sais rien, car je ne connaissais que mon fils...»<br />
TEMOIN 89<br />
Homme religieux dom Aufred, abbé du monastère de la Bienheureuse Marie de Bon Repos, de l'ordre de Cîteaux, âgé<br />
de 50 ans ou environ...<br />
«Un jour que j'étais venu à la cité de Tréguier en pèlerinage dans l'église, j'aperçus une femme aveugle, qui<br />
vraiment ne voyait rien, et cela était très évident pour moi, et tous ceux qui étaient là le disaient aussi. Cette femme<br />
sortit de l'église ; sa fille la conduisait, sous mes yeux, comme on conduit un aveugle, car elle voulait, comme elle le<br />
dit aux autres personnes présentes et à moi-même, regagner sa maison. C'est alors que sous mes yeux cette fille du<br />
milieu de ses larmes se mit à prononcer à haute voix des paroles comme celles-ci : «Bienheureux <strong>Yves</strong>, vous faites<br />
beaucoup de miracles et en beaucoup de gens ; mais en ma mère qui est restée ici pendant longtemps avec sa cécité,<br />
votre puissance miraculeuse ne se manifeste pas». Et tandis qu'elles se retiraient ainsi, mère et fille, et qu'elles se<br />
trouvaient hors de l'église dans le cimetière, tout à coup la fille en question, prise d'une grande joie, se mit à crier plus<br />
fort : «Ma mère voit, ma mère voit». Alors j'ai aperçu la mère revenir sans guide vers l'église : elle voyait<br />
parfaitement, c'était évident, et elle l'affirmait devant moi qui étais là. Et pour rendre grâce à Dieu et au Bienheureux<br />
<strong>Yves</strong> elle rentra dans l'église de Tréguier toute seule la première, et sa fille la suivait sans la toucher. C'est ce que j'ai<br />
vu et entendu, comme je l'ai dit. Il y a bien dix ans de cela au moins. Quant au mois et au jour, je ne m'en souviens pas,<br />
mais il me semble que c'était entre la fête de Pâques et celle de la Pentecôte. Etaient présents : un frère de mon<br />
monastère, dont je ne me rappelle pas le nom, et une foule nombreuse d'autres gens dont je n'ai pas du tout gardé le<br />
souvenir pour ce qui est des noms. Comment s'appelaient la mère et la fille, je ne le sais pas du tout, et je ne les<br />
connaissais pas auparavant. Combien de temps avait-elle été aveugle ? J'ai entendu sa fille dire qu'elle l'avait été<br />
longtemps...»<br />
TEMOIN 90<br />
A mon Lobero, de la cité de Tréguier, âgé de 70 ans ou environ...<br />
«J'étais le serviteur de dom <strong>Yves</strong>. Or un jour, vers l'aube, à la lueur de la lune, tandis que dom <strong>Yves</strong> et moi venions<br />
à pied de la cité de Redon à celle de Tréguier, nous parvînmes à une rivière appelée «Leve». Or cette rivière était si<br />
grosse qu'elle passait par-dessus le pont fait pour la traverser. Dom <strong>Yves</strong> avait commencé à s'engager dans l'eau et se<br />
dirigeait en droite ligne vers le pont. «N'entrez pas dans l'eau, lui dis-je, car il y a danger à le faire». A l'entrée et à la<br />
sortie du pont l'eau était si profonde en effet que personne n'aurait pu traverser sans risquer d'être englouti. Sans<br />
désemparer, dom <strong>Yves</strong> en riant me prit par la main et me dit en m'entraînant : «Nous traverserons sûrement tous les<br />
deux ensemble, grâce à Dieu, ou nous serons tous les deux noyés». Nous parvenions au premier endroit profond à<br />
l'entrée du pont, là où il y avait un trou. Dom <strong>Yves</strong> fit alors sur l'eau le signe de la croix, et sur le champ l'eau se divisa,<br />
et se retira, de telle manière que nous gagnâmes tous les deux le pont. Puis à la sortie du pont où l'eau était<br />
pareillement profonde, il fit encore un signe de croix, et l'eau se divisa encore si bien que nous traversâmes librement<br />
sur l'autre rive. L'eau reprit aussitôt son état antérieur, au point qu'aucun homme n'aurait pu d'aucune façon traverser.<br />
J'en fus stupéfait d'admiration, et je me rendis compte alors que Dieu était avec dom <strong>Yves</strong> et que cela expliquait cette<br />
action merveilleuse. Les eaux furent divisées, je le sais, car j'ai constaté qu'après le signe de croix fait par dom <strong>Yves</strong><br />
ces eaux se séparèrent et se retinrent d'avancer jusqu'à ce que nous eussions traversé tous les deux en toute liberté. Je<br />
ne me souviens pas bien de l'époque, mais je pense qu'il y a bien de cela 45 ans et plus. Je n'ai aucun souvenir ni du<br />
mois ni du jour ; il me semble que c'était autour du mois d'août ; en tout cas c'était en été. Comme personnes présentes<br />
il n'y avait, à ma connaissance, que nous deux. Le lieu était le pont appelé Leu...»<br />
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…/…<br />
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TEMOIN 91<br />
Jean Gac, de la paroisse de Trédarzec, âgé de 40 ans ou environ...<br />
«Un jour je me trouvais à bord d'un navire en mer près du Port Béni (du même diocèse). Une tempête eut lieu si<br />
grande à cet endroit que notre navire se brisa et que les flots le recouvrirent et l'engloutirent. Dans ma grande angoisse<br />
et dans ma peur, j'invoquai le Bienheureux <strong>Yves</strong> et me vouai à lui. Tout de suite, grâce aux mérites du Bienheureux,<br />
j'en suis fermement convaincu, je trouvai un petit fragment de navire, je crois, et avec cette épave je nageai et parvins<br />
sur l'eau à un autre navire sur lequel j'embarquai. C'est ainsi que je me sauvai. Mes autres compagnons de navigation,<br />
périrent. Ils ont péri, à mon avis, parce qu'ils ne se sont pas voués, surtout que deux d'entre eux savaient nager, alors<br />
que moi non. Je sais que ces compagnons-là savaient nager pour les avoir vus le faire à des époques antérieures.<br />
L'événement a eu lieu il y a onze ans, ou environ, au mois d'octobre, un samedi. Les gens présents étaient mes<br />
compagnons défunts, et plusieurs autres qui se trouvaient sur le navire qui m'a sauvé. Ces gens-là je ne les connaissais<br />
pas, car c'étaient des étrangers, je veux dire du Goëlo, à ce qu'on disait. Le lieu était donc le Port Béni ; et les paroles<br />
par lesquelles je me suis voué furent : «Saint <strong>Yves</strong>, je me voue à vous ; et si je m'en sors, je me rendrai nu à votre<br />
tombeau». Et je répétais sans cesse l'invocation : «Saint <strong>Yves</strong>, saint <strong>Yves</strong>, aide-moi». Combien de temps suis-je resté<br />
en mer sur mon épave ? Le temps d'une demi-lieue, et plus. L'épave qui m'a permis de me sauver avait un pied de long<br />
ou environ, et trois doigts de large...»<br />
TEMOIN 92<br />
Olivier Darien, de la paroisse de Plouguiel, âgé de 50 ans ou environ...<br />
«Un jour le feu avait pris dans une maison, et il se trouva que ce feu qui la brûlait était très intense. Or cette maison<br />
n'était distante de la mienne que de deux pas ou environ. Un grand vent soufflait, tant et si bien que la flamme de<br />
l'incendie recouvrait ma demeure. Alors mon père invoquant dom <strong>Yves</strong> lui voua ma maison ainsi recouverte de la<br />
flamme de l'incendie. Aussitôt un vent contraire se leva à travers la flamme et ma maison fut sauvée de l'incendie<br />
grâce aux mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong>. C'est là ma conviction. Si je le sais, c'est que, présent aux faits, j'ai vu et<br />
entendu qu'à peine le vœu prononcé la flamme se tourna dans la direction opposée, comme je l'ai dit. Il y a de cela 20<br />
ans ou environ ; on était au mois de septembre ; je ne me rappelle plus le jour. Etaient présents Geoffroy Pasquio, et<br />
feu Darien Quérin, et son épouse, et plusieurs autres de la paroisse de Plouguiel, maintenant décédés. Le vœu fut<br />
prononcé en des paroles comme celles-ci que mon père dit en ma présence : «Saint <strong>Yves</strong>, saint <strong>Yves</strong>, je vous dévoue<br />
ma maison, et je vous donnerai en retour huit deniers chaque année tant que je vivrai». Mon père s'appelait Darien<br />
Amon Guérin. Le feu dura presque deux jours, et la flamme de l'incendie se maintint le temps d'une demi-lieue audessus<br />
de ma maison...»<br />
TEMOIN 93<br />
Alain Cloareg, paroissien de Trédarzec, âgé de 55 ans ou environ...<br />
«Un jour je naviguais à travers un bras de mer que longe la cité de Tréguier, quand j'entendis des gens crier bien<br />
fort : «Venez vite, venez vite, les marins, car des gens se noient par ici». Arrivés près de l'endroit où les cris avaient<br />
lieu, nous trouvâmes sur les flots de la mer un enfant revêtu de ses habits, gisant sur le dos comme s'il voulait dormir,<br />
étendu avec un petit bâton dans la main. Les gens criaient alors plus fort : «Saint <strong>Yves</strong>, saint <strong>Yves</strong>, à l'aide». Le navire<br />
avec, à son bord, moi et ceux qui m'accompagnaient, s'approcha de l'endroit où se trouvait sur les flots notre garçon.<br />
J'étendis la main, saisis l'enfant et l'attirai à moi. Aussitôt l'enfant tendit les mains et me prit par le cou jusqu'à ce qu'il<br />
fût sur le navire. Il échappa ainsi au danger de la noyade, grâce aux mérites du Bienheureux <strong>Yves</strong>, comme avec piété<br />
et conviction nous l'avons cru, moi et mes compagnons. Cela se passait en été autour de la fête Bienheureux Jean<br />
Baptiste, et il me semble que 23 ans ou environ se sont écoulés depuis. Je ne me rappelle pas le jour. Il y avait là le<br />
père de l'enfant nommé André, Jean Gegot, feu Hervé Trifor, feu Olivier Mengut, de la paroisse de Trédarzec, qui se<br />
trouvaient à bord avec moi. L'enfant en question s'appelait Alain André. Il avait dix ans ou environ, à ce qu'il me<br />
semble. Je connaissais l'enfant avant et après, car c'était mon voisin. Il est resté sur l'eau le temps d'un tiers de lieue ou<br />
environ, à partir du moment où j'ai entendu les cris que j'ai dits. Ceux qui criaient, c'étaient d'une part trois garçons, les<br />
compagnons du garçon en question qui se trouvaient sur la rive du bras de mer, et d'autre part plusieurs femmes.<br />
J'ignore les noms des femmes, mais les enfants s'appelaient l'un Olivier Prieur, l'autre Maguit Guillaume, et l'autre<br />
Alain Puelle (Plac'hig ?). L'enfant ne savait pas nager, c'est ce qu'il m'a dit, et d'ailleurs il ne faisait aucun signe<br />
montrant qu'il nageait...»<br />
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TEMOIN 94<br />
Alain André, de la paroisse de Trédarzec, âgé de 70 ans ou environ...<br />
«Je me trouvais un jour sur le bord de la rivière maritime qu'on a désignée précédemment, en compagnie des trois<br />
enfants déjà cités et nous avions recueilli un tas de cette herbe marine qu'on appelle goémon. J'étais monté sur ce tas<br />
dans les eaux de la rivière pour le ramener chez mon père, comme un pilote les navires. Je l'avais pourtant déjà mené<br />
par l'eau sur la distance d'un jet de pierre, mais le tas se défit et s'éparpilla parmi les eaux. Je tombai donc de mon tas<br />
dans la mer, croyant pouvoir rejoindre la terre à pied, mais je n'y parvins pas, l'eau étant très profonde. C'est ainsi que<br />
je demeurais sur l'eau, et tandis que je criais : «Saint <strong>Yves</strong>, saint <strong>Yves</strong>», j'entendis les cris d'une femme et ceux des<br />
enfants dont on a parlé : ils me dévouaient pareillement au Bienheureux <strong>Yves</strong>. Peu après, alors qu'emporté par le flot<br />
j'avais été dans l'eau le temps d'une demi-lieue, me semblait-il, avec mon bâton entre les mains et de l'eau partout sauf<br />
sur le visage, le bateau dont on a parlé survint ».<br />
(Le témoin fît alors la même déposition que le précédent, à l'exception de ceci :<br />
«Je me soulevai de l'eau avant que Alain Cloareg me prît les mains. Mon père m'a dit qu'il voulait me mettre la tête<br />
en bas pour faire sortir l'eau que j'avais dans le ventre, mais je refusai disant que cela ne présentait aucun intérêt,<br />
puisque je n'avais pas avalé la moindre goutte»).<br />
(Interrogé sur le mois et le jour, il dit comme le précédent, avec cette différence qu'à son avis c'était un jeudi. Sur<br />
les personnes présentes, même déclaration. Sur le lieu il dit que cela se passait près du Port Maen (ou Roc'h Du), le<br />
long de la côte comme le précédent l'a dit).<br />
«Je ne savais pas nager, et je ne le sais pas non plus maintenant. Je me tenais debout sur le tas, comme on se tient<br />
debout sur un bateau...»<br />
Jean Gegot, de ladite paroisse, âgé de 50 ans ou environ...<br />
TEMOIN 95<br />
A fait sur la foi du serment la même déposition que Alain Cloareg, à ceci près qu'il a dit avoir bien vu le garçon en<br />
question se dresser sur l'eau avant que ledit Alain ne le prît par les mains, et qu'il a bien vu le père du même garçon<br />
chercher à le mettre la tête en bas, comme on l'a dit, et que ce garçon n'en a pas voulu, disant ce qui a été mentionné<br />
précédemment. Interrogé sur l'époque, le mois et le jour, il a dit la même chose qu'Alain Cloareg. Interrogé sur les<br />
personnes présentes, il a répondu comme les témoins précédents, et de même aux questions sur le lieu.<br />
Questionné s'il connaissait le garçon, et combien de temps ce dernier était resté dans l'eau, il a fait la même<br />
déclaration qu'Alain Cloareg. Sur l'âge qu'avait alors l'enfant, il a répondu comme Alain Cloareg, et, à son avis, le<br />
garçon en question ne savait pas nager, car c'est ce qu'il disait devant lui qui écoutait...<br />
TEMOIN 96<br />
André Bon Ami, père du susdit garçon, âgé de 55 ans ou environ,...<br />
Questionné sur le précédent miracle a fait sur la foi du serment sur tous les points la même déposition qu'Alain<br />
Cloareg, à ceci près qu'il dit que l'événement a eu lieu au mois de juin, mais il ne se souvient pas du jour...<br />
TEMOIN 97<br />
Margilia, épouse du fils Théos, de la paroisse de Lanmeur, âgée de 55 ans ou environ...<br />
«Un jour, en compagnie d'une autre femme nommée Mahaut, épouse de Rivallon Leizour, de la même paroisse,<br />
j'allais en pèlerinage visiter les basiliques des Sept Saints de Bretagne, et je rencontrai <strong>Yves</strong> Hélory sur la route entre<br />
la cité de Tréguier et la ville nommée Lannion. Je fus très heureuse de le voir, car je le connaissais par ailleurs et je<br />
l'avais entendu prêcher d'une manière excellente. Je désirais pour cette raison beaucoup le voir et l'entendre. Après<br />
l'avoir salué, nous l'avons suivi toutes les deux dans notre soif d'entendre de lui les divines paroles qu'il se plaisait à<br />
prononcer lorsqu'il trouvait des gens qui voulaient l'écouter. C'est ce dont je m'étais aperçue un jour. Nous faisions<br />
donc route avec dom <strong>Yves</strong>, quand nous rencontrâmes sur notre chemin un pauvre étendu sous une hutte et qui<br />
demandait l'aumône aux passants. Dom <strong>Yves</strong> se dirigea vers le pauvre qui lui demandait l'aumône et qui disait mourir<br />
de faim. Après avoir eu avec lui une longue conversation secrète, il se décoiffa de son chaperon, et le donna au pauvre<br />
en disant : «Prends ; je n'ai pour l'instant rien d'autre à t'offrir en aumône». Puis il s'éloigna avec nous, les femmes, fit<br />
route sans chaperon en disant ses heures l'espace d'un tiers de lieue. Quand ensuite nous le regardâmes, il avait sur la<br />
tête le chaperon qu'il avait donné au pauvre ; cela me paraissait absolument certain. Dom <strong>Yves</strong> alors à genoux sur la<br />
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oute et les mains jointes dit : «Seigneur Jésus-Christ, je te remercie de ton cadeau». Et il se frappait la poitrine. Alors<br />
nous nous mîmes à pleurer amèrement, émerveillées du miracle accompli sous nos yeux. Il nous dit à nous, les femmes<br />
: «Allez votre chemin et que Dieu vous bénisse, faites le bien et Dieu vous le rendra». Puis il obliqua vers sa maison<br />
personnelle de Ker Martin. Je sais que c'était bien là le chaperon qu'il avait donné au pauvre, car il en avait absolument<br />
l'apparence. Cela s'est passé il y a environ 30 ans ; je ne me souviens ni du mois ni du jour, mais c'était dans la semaine<br />
de la Pentecôte. Etaient présents dom <strong>Yves</strong>, et nous, les deux femmes. Je ne me souviens pas du nom de l'endroit.<br />
J'avais connu dom <strong>Yves</strong> deux ans avant le miracle...»<br />
TEMOIN 98<br />
Mahaut, épouse de Rivallon Leyzour, de la même paroisse, âgée de 50 ans ou environ...<br />
« J'ai vu dom <strong>Yves</strong> un jour donner son chaperon à un pauvre qui lui demandait l'aumône, en lui disant qu'il n'avait<br />
rien d'autre à lui donner. Dom <strong>Yves</strong> s'était éloigné du pauvre de la distance d'une demi-lieue environ sans chaperon.<br />
C'est alors que je le vis avec le même chaperon sur la tête. Il se mit à genoux, joignit les mains, s'inclina un peu et<br />
rendit grâce à Dieu, mais je ne savais pas en quels termes. Alors ma compagne et moi nous avons beaucoup pleuré,<br />
voyant ce miracle et dom <strong>Yves</strong> en prière. Trente ans et plus se sont écoulés depuis lors ; c'était un lundi autour de la<br />
fête de la Pentecôte, je crois. Etaient présents ma compagne et moi et dom <strong>Yves</strong>. Cela se passait sur la route entre<br />
Tréguier et Lannion. J'allais avec le témoin précédent en pèlerinage aux Sept Saints de Bretagne. Je connaissais dom<br />
<strong>Yves</strong> avant ce miracle, depuis un an et plus, me semble-t-il. J'ai la ferme conviction que c'est par miracle qu'il est<br />
rentré en possession du chaperon...»<br />
TEMOIN 99<br />
De même interrogé sur un autre miracle accompli grâce aux mérites de dom <strong>Yves</strong>, elle a fait la déclaration suivante<br />
sur la foi du serment :<br />
«J'ai été la nourrice d'une jeune enfant nommée Margillia, fille du seigneur Pierre Daminier, chevalier, du diocèse<br />
de Dol. Je constatai que cette fille avait une taie sur l'œil. Sa mère la voua à saint <strong>Yves</strong>, et peu de temps après je vis<br />
que la petite était totalement débarrassée de la taie en question. Il peut y avoir dix ou douze ans de cela, environ, mais<br />
je ne m'en souviens pas tout à fait. La taie est restée sur l'œil de la fille huit jours ou environ, je crois. Je ne me<br />
souviens ni du mois ni du jour. Il me semble pourtant que c'était en été. Les personnes présentes furent la mère de<br />
l'enfant nommée Levenez, et aussi son père, moi-même et plusieurs autres. Cela s'est passé dans la maison du<br />
chevalier, père de l'enfant, au lieu nommé Kozh Ker, dans la paroisse de Guimaëc. C'est à l'invocation du Bienheureux<br />
<strong>Yves</strong> que le miracle s'est accompli. Et l'invocation, la mère de la fille l'a fait en ces termes : «Margillia, ma fille, je<br />
préférerais de beaucoup te voir morte plutôt qu'affligée d'une taie, et je te voue à saint <strong>Yves</strong>, car ton père et moi nous<br />
irons pieds nus lui faire une offrande». J'étais présente quand ces paroles furent prononcées. La petite fille je la<br />
connaissais déjà depuis quatre ans ou environ avant que la taie ne lui vînt sur l'œil, et cette taie est apparue après<br />
qu'elle eut contracté la maladie qu'on appelle la vérole. La taie avait la grosseur d'un petit pois...»<br />
TEMOIN 100<br />
<strong>Yves</strong> L'Oiseleur, reclus près du pont de Guingamp, âgé de 60 ans ou environ...<br />
«Dom <strong>Yves</strong> avait entendu dire qu'on disait de quelqu'un qu'il avait un démon. Il m'envoya donc le chercher, et cet<br />
homme vint avec moi, sans opposer la moindre résistance, alors qu'auparavant il se débattait et qu'on le tenait enfermé<br />
pour l'empêcher de nuire. Il parvint en présence de dom <strong>Yves</strong> dans son presbytère de Louannec, et ce dernier lui<br />
demanda s'il avait un démon. «Oui, répondit-il, il y en a un en moi qui souvent me tourmente et me parle». <strong>Yves</strong> alors<br />
l'amena à se confesser. Et après sa confession il lui demanda en ma présence si le démon après cela lui avait encore<br />
parlé. «Oui, dit-il ; il m'a menacé en ces termes : «Pourquoi m'as-tu fait venir ici ? Pourquoi m'as-tu fait venir ici ?<br />
Malheur à toi cette nuit de m'avoir fait venir ici !» <strong>Yves</strong> dit alors au démoniaque : «II ment, le démon ; car ce n'est pas<br />
toi qui paieras. Mais lui. Tu mangeras et tu coucheras avec moi cette nuit dans ma maison». Et le soir venu, il fit faire<br />
pour lui un lit près de l'endroit où lui-même couchait. Ensuite, sous mes yeux, il aspergea d'eau bénite le lit et la<br />
maison, et lut l'évangile du Bienheureux Jean, et plusieurs autres oraisons. Après quoi il fit se mettre au lit le<br />
démoniaque, tandis que lui veilla toute la nuit dans l'étude et la prière. Le lendemain il interrogea notre démoniaque :<br />
«Comment s'est passée la nuit ?» - «Bien, dit-il. Cela fait trois ans que je ne me suis pas bien reposé comme cette nuitci».<br />
Et dom <strong>Yves</strong> : «Le démon t'a-t-il encore parlé ?» - «Non, dit-il, bien au contraire, il m'a quitté». - «Rends donc<br />
grâce à Dieu, lui dit dom <strong>Yves</strong>, et moi aussi je le fais. Retourne chez toi et fais le bien, entends des messes et des<br />
sermons, fais des aumônes, sois bon, garde les préceptes de l'Eglise, de peur que le démon ne revienne à toi, et qu'il ne<br />
l'arrivé pis qu'avant».<br />
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Je sais tout cela parce que étant présent j'ai vu et entendu les choses comme je les ai rapportées, étant donné que<br />
j'étais au service de dom <strong>Yves</strong>. Et je sais que dom <strong>Yves</strong> a veillé comme j'ai dit car je couchais à côté et que je voyais la<br />
lumière ne cesser de brûler, ce qui n'avait coutume d'arriver que lorsqu'il étudiait et priait. Il y a 29 ans de cela, ou<br />
environ ; je ne me souviens pas du mois, mais c'est un lundi que j'ai amené le démoniaque, lequel est retourné chez lui<br />
guéri le lendemain. Quand je suis allé chercher le démoniaque il y avait comme personnes présentes dans sa maison<br />
son épouse et sa famille, je crois, et dans la maison de dom <strong>Yves</strong> un autre serviteur nommé Amon Toullefflam,<br />
maintenant reclus. La confession eut lieu dans l'église de Louannec ; le reste se passa dans la maison de cette église.<br />
Le démoniaque s'appelait Alain Kozh, de la paroisse de Trélévern. Je connaissais ledit Alain avant cet événement. Je<br />
ne l'avais pas vu ainsi possédé, mais j'ai entendu dire qu'il l'a été trois ans. J'ignore d'où il était originaire ; cependant il<br />
demeurait dans ladite paroisse...»<br />
TEMOIN 101<br />
A mon Toullefflam, reclus, paroissien de Louannec, âgé de 60 ans ou environ...<br />
«J'ai vu un soir ce démoniaque, alors que j'étais rentré des champs, coucher sur un lit de paille près de l'endroit où<br />
couchait <strong>Yves</strong>, et le lendemain celui qui avait été démoniaque, j'assure l'avoir vu sain et rétabli : et j'ai entendu <strong>Yves</strong><br />
demander audit Alain comme il allait. Ce dernier lui répondit qu'il était guéri, puisque le diable s'était retiré de lui. Je<br />
ne me rappelle plus quand cela s'est passé, mais il me semble que c'était deux ou trois ans avant la mort d'<strong>Yves</strong>. Je ne<br />
me souviens pas quel mois. Il y avait là présents : moi, qui étais au service de dom <strong>Yves</strong>, et <strong>Yves</strong> l’Oiseleur, clerc de<br />
dom <strong>Yves</strong>, et feue Julienne, ma mère. Cela se passait dans le presbytère de l'église de Louannec. Le démoniaque<br />
s'appelait Alain, fils de Kozh. Je le connaissais auparavant. Je ne l'ai pas vu auparavant possédé ; je ne l'ai vu ainsi<br />
qu'alors. Et il l'a été trois ans, c'est ce qu'on disait publiquement...»<br />
TEMOIN 102<br />
Guillaume, fils de Alain Kozh, de la paroisse de Trélévern, âgé de 50 ans ou environ...<br />
« J'ai vu moi-même mon père souffrir du délire et de l'agitation violente causés par le diable : il cherchait à frapper<br />
les autres, s'il le pouvait ; il mettait en pièces ses propres vêtements ; il poussait des cris affreux, ne prenait pas un brin<br />
de sommeil et parfois gisait par terre, disant : «Pourquoi me tourmentes-tu ?», et il proférait d'autres paroles<br />
semblables. Aussi le gardait-on tout le temps enfermé dans une maison, et c'est par une petite fenêtre de cette maison<br />
qu'on lui donnait à manger. Il urinait sur cette nourriture pour la manger ensuite. Il le faisait sous mes yeux. Il<br />
mangeait peu. Je le sais donc pour l'avoir de jour et de nuit entendu et vu très souvent par la fenêtre agir et parler ainsi,<br />
et il disait parfois qu'il avait dans son corps un démon qui lui parlait. Un jour que j'étais absent de ma maison, dom<br />
<strong>Yves</strong>, m'a-t-on dit, envoya quelqu'un pour mon père, et le lui fit amener. Il le guérit par ses prières et le libéra du<br />
démon, comme on le disait publiquement. J'ai vu moi-même mon père, après son retour, absolument libéré, et jamais<br />
de toute sa vie par la suite ce mal ne l'a saisi ni tourmenté. Bien au contraire, jusqu'au jour de sa mort personne n'a su<br />
qu'il ait jamais subi la moindre rechute. Et il a vécu 15 ans ou environ après sa guérison. Je sais bien tout cela, car je<br />
demeurais avec lui et le voyais constamment. Ces événements se sont passés il y a bien 30 ans ou environ. Je ne me<br />
souviens ni du mois ni du jour. Les personnes présentes étaient ma mère et mon frère qui tous sont morts. C'est dans<br />
une maison sise en la paroisse de Trélévern que j'ai été de tout cela le témoin oculaire et auriculaire. J'ai vu mon père<br />
ainsi malade pendant trois années consécutives. Il était originaire de Trélévern...»<br />
TEMOIN 103<br />
<strong>Yves</strong>, fils d'<strong>Yves</strong> Galien, paroissien de Pédernec, âgé de 18 ans ou environ...<br />
«Je me baignais dans la rivière qu'on appelle Le Jaudy, près du moulin de Saint-Efflam de cette paroisse, quand je<br />
perdis la mémoire au point de ne plus savoir ni ce que je faisais ni où je me trouvais. Cela se produisit vers l'heure de<br />
midi, je ne sais plus à quelle époque, ni quel mois, ni quel jour. Et pendant ce temps-là un mal me saisit aux mains et<br />
aux bras, aux pieds et aux jambes, si bien que j'avais les bras inertes et les jambes aussi, et je pouvais à peine me<br />
déplacer. En moi, ma langue et mes os étaient comme en feu, mais j'ignore comment et quand cela m'est arrivé ; je sais<br />
qu'après avoir perdu la mémoire j'ai ressenti ces choses-là. Et puis le dimanche après l'octave de la Naissance du<br />
Bienheureux Jean Baptiste, cette année, j'ai recouvré ma mémoire et me suis trouvé guéri de mes infirmités que j'ai<br />
décrites. J'ai la ferme conviction que je le dois aux miracles du Bienheureux <strong>Yves</strong>, car j'ai appris de mon père qu'il<br />
m'avait voué à lui et qu'il m'avait amené à son tombeau pour obtenir ma santé. Je n'ai pas le souvenir des personnes<br />
présentes, car lorsque j'ai recouvré la santé il y en avait beaucoup, et je ne les connaissais pas. C'est dans la maison<br />
qu'occupe à Tréguier le seigneur de Limoges, près de la porte de cette maison, que j'ai recouvré la santé...»<br />
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TEMOIN 104<br />
<strong>Yves</strong> Galien, père du précédent <strong>Yves</strong>, de la même paroisse que lui, âgé de 50 ans ou environ...<br />
«Il y a deux ans ou environ, et en ce mois de juillet, j'ai trouvé mon fils, qui se baignait dans la rivière du Jaudy,<br />
près du moulin de Saint Efflam, et qui parlait et agissait d'une façon incohérente, comme un homme atteint de délire et<br />
de folie. Pendant son délire il attrapa un mal qui lui fit avoir la langue et la bouche en feu, les mains et les pieds glacés,<br />
les jambes croisées l'une sur l'autre et les bras pareillement. C'est pourquoi au bout d'un certain temps j'ai voué mon<br />
fils à dom <strong>Yves</strong> et je l'ai amené à son tombeau dans l'église de Tréguier. Et je suis resté dans la cité de Tréguier dix<br />
jours consécutifs, sans cesser de faire des visites à l'église. Enfin, les dix jours achevés, mon fils s'est vu parfaitement<br />
guéri. Je sais tout cela, car je l'ai vu malade, je l'ai voué comme j'ai dit, et puis tout récemment le voilà guéri. Je l'ai<br />
trouvé malade à l'époque que je vous ai dite, mais je n'ai pas gardé le souvenir du jour. Cependant c'est cette année au<br />
mois de juillet, un mercredi, qu'il a été guéri dans l'hôtel de feu Tournemine, où demeure actuellement l'évêque de<br />
Limoges, dans la cité de Tréguier. Comment cette guérison s'est-elle accomplie ? Je l'ai vu droit sur ses pieds et guéri.<br />
Quant aux personnes présentes quand il se baignait : personne ; mais au moment de sa guérison, il y avait là pas mal de<br />
gens dont je ne me souviens pas, car dans ma joie je n'en avais cure. Cela s'est fait à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, et en<br />
ces termes : «Saint <strong>Yves</strong>, je vous dévoue mon fils et je veux qu'il soit à vous en échange d'un cierge annuel de la<br />
longueur de son tour de taille». L'enfant s'appelle <strong>Yves</strong> ; son mal a duré presque deux ans de suite, et quelque peu en<br />
moins...»<br />
TEMOIN 105<br />
Hervé <strong>Yves</strong> Avenant, de la cité de Tréguier, âgé de 25 ans ou environ...<br />
«J'ai vu le fils désigné ci-dessus atteint de débilité mentale, les jambes croisées, les pieds et les mains glacés, les<br />
bras l'un sur l'autre repliés, la bouche et la langue en feu. J'ai par la suite vu ce fils <strong>Yves</strong> complètement guéri grâce aux<br />
mérites de dom <strong>Yves</strong>, j'en ai la ferme conviction. Je le voyais en effet fréquemment dans l'église de Tréguier près du<br />
tombeau de dom <strong>Yves</strong> tant qu'a duré sa maladie, attendant là dans cet état. C'était cette année et en ce mois de juin, et à<br />
des jours différents que je l'ai vu malade et guéri comme je l'ai dit. Cela s'est passé dans la cité de Tréguier, à<br />
l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, comme je l'ai appris du père et du fils. Les paroles prononcées, je les ignore ; son nom je<br />
l'ignore, je ne l'ai connu que maintenant. Je l'ai vu malade pendant une semaine environ...»<br />
TEMOIN 106<br />
Pierre Le Prévost, paroissien de Pleslin (diocèse de Saint Malo), âgé de 40 ans ou environ...<br />
« Guillaume Chonet, paroissien de Pleslin, était privé de raison et fou furieux au point que quatre hommes forts<br />
avaient du mal à le tenir même ligoté. Sa mère et ses frères le vouèrent à Dieu et à dom <strong>Yves</strong> et l'amenèrent donc à<br />
l'église de Tréguier. Les prières et les mérites de dom <strong>Yves</strong> firent qu'il fut guéri de sa démence et de sa fureur. Je sais<br />
cela pour avoir vu ledit Guillaume dément et fou furieux comme j'ai dit, et par la suite j'ai constaté qu'il était bel et<br />
bien guéri. Je fus de ceux qui amenèrent ce Guillaume à l'église de Tréguier, au tombeau de dom <strong>Yves</strong>. Ce miracle eut<br />
lieu le mercredi après la fête des Bienheureux Pierre et Paul, l'an du Seigneur 1330. Le mois et le jour furent donc ceux<br />
que je viens de dire. Etaient présents moi-même et ses frères, Etienne et Pierre Chonnet, Joseph Le Saufnir, parent de<br />
ses frères. Cela s'est passé sur le chemin qui se trouve entre la paroisse de Pleslin et Saint-Brieuc des Vallées, alors que<br />
nous amenions Guillaume à l'église de Tréguier. Il fut guéri à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Pour ce qui est des termes<br />
employés dans cette invocation, sa mère et ses frères dirent qu'ils le vouaient à Dieu et à dom <strong>Yves</strong> avec la promesse<br />
de l'amener ou de le faire amener au tombeau de dom <strong>Yves</strong>, s'il lui donnait la santé. Je connaissais Guillaume depuis<br />
mon enfance, car il est mon voisin. Guillaume a été malade quinze jours ou environ, et je l'ai vu malade tout ce tempslà,<br />
comme je viens de le dire. Il est âgé de 40 ans ou environ. Il n'a pas eu par ailleurs d'autre maladie...»<br />
TEMOIN 107<br />
Etienne Chamet, frère de Guillaume Chamet, paroissien de Pleslin, âgé de 35 ans ou environ...<br />
«Guillaume Chamet, mon frère, a été guéri de sa folie furieuse et de sa démence par les prières et les mérites de<br />
dom <strong>Yves</strong>, enseveli dans l'église de Tréguier. Je le sais pour avoir amené Guillaume en compagnie de Pierre Le<br />
Prévost, paroissien de Pleslin, de mon frère Pierre et de Jean Le Saunier, mon parent. Nous l'avons amené de sa<br />
maison ligoté et nous avons fait une lieue en direction de Tréguier vers le tombeau de dom <strong>Yves</strong>, sa mère et ses frères<br />
l'ayant voué à dom <strong>Yves</strong> à cause de sa maladie. Nous nous trouvions à un endroit éloigné d'une lieue de la maison en<br />
question quand le malade se mit à reprendre ses esprits et à mieux se comporter, tant et si bien que moi, Etienne et<br />
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Pierre nous l'avons délié pour le conduire paisible et tranquille au tombeau. Or quand nous avons quitté la maison<br />
quatre hommes avaient du mal à l'amener et à le tenir, même après l'avoir ligoté. Une fois près du tombeau, nous<br />
l'avons voué et nous avons prié, et il est revenu à son état normal antérieur. Cela s'est passé le mercredi après la fête<br />
des Apôtres Pierre et Paul l'an du Seigneur 1330. Etaient présents avec moi Pierre Chamet, mon frère, et Pierre Le<br />
Prévost, déjà cité, et Jean Le Saulnier, notre parent. J'ai déjà dit le lieu et qui fut invoqué. Pour ce qui est des paroles<br />
qui ont exprimé le vœu, sa mère et ses frères dirent qu'ils le vouaient à Dieu et à dom <strong>Yves</strong>, promettant de l'amener ou<br />
de le faire amener au tombeau de dom <strong>Yves</strong>, et d'y offrir un cierge de la grosseur de son ventre et un autre de la<br />
grosseur de sa tête s'il lui donnait la santé. Notre mère et moi, nous l'avions auparavant voué déjà et amené à saint<br />
Jagu, et à saint Léonard, et à saint Guillaume au diocèse de Saint Malo, et il en est revenu malade comme il y était allé.<br />
C'est pourquoi nous avons voué Guillaume à dom <strong>Yves</strong>, comme on l'a dit. Guillaume fut ainsi malade quinze jours ou<br />
environ, et je l'ai vu malade tout ce temps-là. Par ailleurs il n'a pas souffert de ce mal...».<br />
Et nous avons vu le Guillaume en question devant nous, guéri, et sur ses bras les cicatrices faisaient voir à quel point<br />
sa folie furieuse l'avait fait ligoter serré.<br />
TEMOIN 108<br />
<strong>Yves</strong> Bidal, de la cité de Tréguier, âgé de 50 ans ou environ...<br />
« J'ai vu une femme, nommée Gloaguel, folle furieuse, dans l'église de Tréguier près du tombeau de dom <strong>Yves</strong>. On<br />
l'avait ligotée à cause de ses crises de fureur. Cette femme à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> a recouvré la santé. Cela s'est<br />
passé dans la saison de l'été, il y a 8 ans environ, je crois ; mais je n'ai retenu ni le mois ni le jour. Je ne sais pas quelles<br />
furent les personnes présentes, car je ne me trouvais pas là au moment du miracle. Mais il y avait bien huit jours que je<br />
voyais cette femme dans son état de folie furieuse et je l'ai bien vue par la suite en bonne santé les trois ou quatre jours<br />
suivants, et guérie de sa maladie. J'ai la ferme conviction que cela s'est fait à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Je le crois pour<br />
avoir vu l'homme qui l'avait amenée et qui la gardait, mais dont j'ignore le nom, affirmer l'avoir vouée à Dieu et au<br />
Bienheureux <strong>Yves</strong> pour qu'ils lui donnent et lui restituent la santé. Cet homme disait qu'elle était sa nièce et que cela<br />
faisait trois semaines et plus qu'elle était malade. Son nom était donc Gloaguel, comme je l'ai dit. Je vous ai dit que je<br />
l'ai vue huit jours ainsi furieuse, mais j'ignore combien de temps elle a été malade, sauf donc ce que j'ai dit. Cette<br />
femme est originaire des environs de Morlaix, comme je l'ai entendu dire à l'homme qui la gardait. Elle avait quinze<br />
ans ou environ, d'après son aspect physique...»<br />
TEMOIN 109<br />
Amon de Ker Goussi, paroissien de Plouguiel, âgée de 40 ans ou environ...<br />
«Vingt ans se sont écoulés depuis qu'une femme des environs de Plestin, dont je ne me rappelle pas le nom, avait<br />
un fils en bas âge qui pleurait énormément. Je demandai un jour à cette femme pourquoi son fils pleurait tant. «Parce<br />
qu'il a faim, me dit-elle, car je n'ai qu'un tout petit peu de lait dans une de mes mamelles». - «Vouez-vous à dom <strong>Yves</strong>,<br />
lui dis-je, afin d'obtenir par grâce du lait pour nourrir votre enfant». Alors cette femme se mit à part pour se vouer, et<br />
vint ensuite m'en rendre compte. Et sur le champ en ma présence, et sous mes yeux, le lait se mit à abonder dans la<br />
mamelle sèche, de telle sorte qu'on pouvait le voir couler goutte à goutte. Devant ce fait, je me mis à genoux et rendit<br />
grâce à Dieu et à saint <strong>Yves</strong>, car j'ai la ferme conviction qu'on doit ce miracle aux mérites de saint <strong>Yves</strong>. Je n'ai aucun<br />
souvenir du jour ni du mois, et pourtant il me semble qu'on se trouvait aux environs du mois d'août. Qui était là ? Je ne<br />
me souviens que de moi, de la femme et de son garçon. Cela eut lieu à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>, comme la femme me<br />
l'a rapporté, mais elle ne m'a pas raconté en quels termes elle avait exprimé l'invocation. Il y avait bien six mois que je<br />
connaissais cette femme avant l'événement. Et sa mamelle, disait-elle, ne donnait pas de lait depuis la naissance de ce<br />
garçon. Je pense que l'enfant avait un an, à en juger par son aspect corporel...»<br />
TEMOIN 110<br />
<strong>Yves</strong> Nédélec, paroissien de Le Trehou, diocèse de Léon, âgé de 60 ans...<br />
«J'avais une sœur nommée Gleoguena ; elle était folle au point de chercher à mordre ses bras et ses mains, et ceux<br />
qui l'approchaient, comme si elle voulait manger ; et sa fureur obligeait à lui lier les mains et les pieds. Alors qu'elle<br />
était ainsi en crise, il arriva que le seigneur Guillaume Vallesauxe, de bonne mémoire, alors évêque de Léon, vint<br />
visiter l'église du Trehou et la vit en fureur et ligotée. Il dit alors, à moi et à ceux qui assistaient la folle : «Mon avis est<br />
qu'il est bon et louable qu'on voue et qu'on remette cette malade à saint <strong>Yves</strong>, et j'ai la conviction qu'elle sera guérie.<br />
Pour moi, dès maintenant je la voue et la remets à Jésus-Christ et à saint <strong>Yves</strong>. Qu'on la conduise donc au tombeau de<br />
saint <strong>Yves</strong> !»<br />
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Daniel Brion, oncle maternel de la femme en question et moi la vouâmes à saint <strong>Yves</strong> en ces termes : «Nous te<br />
vouons et te remettons dès maintenant à saint <strong>Yves</strong>». Puis son oncle et moi qui l'avions ligotée nous l'amenâmes au<br />
tombeau. Aussitôt elle se traîna sur ses pieds liés, et pénétra dans le tombeau par une petite ouverture pratiquée à la<br />
tête de ce tombeau. Elle resta à l'intérieur et s'y tint debout peu de temps, puis elle sortit, et les liens qui lui tenaient les<br />
jambes attachées tombèrent. Elle dit alors : «Saint <strong>Yves</strong>, je vous remercie de m'avoir rendu la santé mentale que j'avais<br />
perdue». Puis elle regagna son pays, se maria dans sa région et donna le jour à de nombreux enfants. Elle est restée<br />
cinq semaines malade chez elle, et quatre jours à Tréguier. C'est la veille de la Nativité de Saint Jean Baptiste qu'elle a<br />
été guérie. Vingt et un ans ou environ se sont écoulés depuis lors. Son oncle et elle sont décédés. Il y a déjà longtemps<br />
que cette femme ainsi furieuse m'a mordu à plusieurs reprises aux mains et à plusieurs autres endroits du corps, et m'a<br />
enlevé un morceau du côté gauche. Tandis que j'étais debout près du tombeau, beaucoup de malades, de boiteux et<br />
d'aveugles sont venus à ce tombeau de dom <strong>Yves</strong>, et les aveugles ont recouvré la vue, les boiteux la capacité de<br />
marcher, les malades la santé, mais j'ignore absolument qui ils étaient et d'où ils venaient. J'ai entendu sonner les<br />
cloches et rendre grâce à Dieu et à saint <strong>Yves</strong>, et j'ai entendu le clergé et le peuple trégorrois mener d'autres solennités,<br />
comme on le fait habituellement pour les miracles. Et j'ai la ferme conviction que ma sœur a été rendue à la santé,<br />
guérie, à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> et en raison de ses mérites...»<br />
TEMOIN 111<br />
Adevisia, fille de Hynisan, paroissienne de Ploubezre, originaire de cette paroisse (diocèse de Quimper) (sic), âgée de<br />
30 ans et plus...<br />
« J'étais folle et furieuse au point qu'il fallait me tenir et me lier, et je dois ma santé et ma guérison aux mérites de<br />
dom <strong>Yves</strong>. Cela s'est produit il y a douze ans ou environ, aux alentours de la fête de la Nativité du Bienheureux Jean<br />
Baptiste. Je n'ai pas souvenir du jour. Ma mère était présente, et Dureguena, fille de Gualle de Ker Robert, de la même<br />
paroisse, dans le champ appelé Egal qui était à mon père (paroisse de Ploubezre). Ma mère Adevisia a invoqué saint<br />
<strong>Yves</strong> et m'a voué à lui devant moi qui voyais et entendais. Elle l'a fait en ces termes : «Je te voue, moi, à saint <strong>Yves</strong>. Il<br />
s'agit d'un cierge de cire de ta longueur et de ta grosseur, à offrir chaque année tant que tu vivras, pour qu'il te donne la<br />
santé». Elle prit sa ceinture qui était de cuir noir et mesura ma taille et ma grosseur. Aussitôt je fus guérie et rétablie.<br />
J'étais restée malade avant ce moment et apparaissait telle aux yeux de tous, pendant une année et plus, j'en ai la<br />
conviction. Il est notoire que j'ai été guérie et rétablie à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites. J'ai la ferme<br />
conviction, et cela est de notoriété publique, que dom <strong>Yves</strong> a été et est saint, et que Dieu a opéré et opère beaucoup de<br />
miracles grâce à ses mérites ».<br />
Et nous, nous l'avons vue en bonne santé, c'était évident, et en pleine possession de ses facultés.<br />
Gui, dit Embis, de la paroisse de Ploubezre...<br />
TEMOIN 112<br />
« Cette Adevisia, qui vient de témoigner juste avant moi, je l'ai vue, pendant une année environ, folle et furieuse au<br />
point qu'il était nécessaire de la tenir et de la ligoter, et puis je l'ai vue, au bout d'un court intervalle, en bonne santé et<br />
guérie, et rendue à son état d'avant sa maladie. Douze ans ou environ se sont écoulés depuis. Et j'ai appris de la mère<br />
de cette Adevisia, et j'en ai la ferme conviction, et cela fut et reste de notoriété publique, qu'elle doit sa santé et sa<br />
guérison à l'invocation et aux mérites de dom <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 113<br />
Margellia, fille de Guillaume Gwennili (L'Hirondelle), paroissienne de Prat où elle est née, âgée de 22 ans, et plus...<br />
«J'étais folle et furieuse au point de me jeter sur ma mère et sur les autres, de lacérer mes vêtements et de faire<br />
beaucoup d'autres extravagances, si bien qu'il fallait me tenir et me ligoter. Grâce aux mérites de dom <strong>Yves</strong> j'ai été<br />
rendue à la santée, libérée, guérie. Cela s'est passé l'année dernière au mois de juin, un dimanche, je ne sais plus lequel,<br />
en présence de Pleysou, ma mère, et de beaucoup d'autres personnes que je ne connais pas, dans l'église de Tréguier,<br />
près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>. On m'y avait amenée en pèlerinage pour obtenir ma santé. C'est à saint <strong>Yves</strong> que ma<br />
mère m'a vouée, mais je ne me souviens pas en quels termes. Le vœu à peine prononcé, j'ai eu santé et guérison. Ma<br />
mère a fait pour moi sur place l'offrande d'un cierge de cire. J'étais restée ainsi folle et furieuse au su et au vu de tous<br />
pendant un mois et plus. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, que je dois à l'invocation de<br />
saint <strong>Yves</strong> d'avoir reçu la santé. Oui, cela est de notoriété publique. Cette maladie m'est venue alors que j'étais au lit,<br />
une nuit, je ne sais plus la date. J'ai ressenti des piqûres. C'était comme si des flèches de feu me parcouraient tout le<br />
corps en me poignant, et c'est de là que je suis devenue folle et furieuse...»<br />
TEMOIN 114<br />
Pleysou, épouse de Guillaume Gwennili, mère de Margillia, le témoin immédiatement précédent, paroissienne de Prat,<br />
âgée de 40 ans et plus...<br />
page 81 / 123
« J'ai connu et vu ma fille Margillia en un tel état de fureur et de folie qu'elle se jetait sur moi et sur les autres,<br />
qu'elle lacérait ses vêtements, et faisait beaucoup d'autres extravagances, si bien qu'il fallait la tenir et la ligoter. Elle<br />
s'est vue libérée et guérie de sa fureur et de sa démence grâce aux mérites de saint <strong>Yves</strong>. Je le sais pour avoir amené<br />
ma fille dans cet état de démence et de fureur en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong> pour obtenir sa santé, et c'est là<br />
que j'ai invoqué saint <strong>Yves</strong>, que je lui ai voué ma fille, pour qu'il lui donne la santé. Ma fille était présente et entendait,<br />
et voici les termes de mon vœu : «Bienheureux <strong>Yves</strong>, je te voue et te remets ma fille, et je te supplie d'intercéder pour<br />
elle auprès du Seigneur Jésus-Christ, pour qu'elle soit guérie de sa démence et de sa fureur». J'ai offert pour elle près<br />
du tombeau un cierge de cire, et sur le champ ma fille a eu guérison et santé, en ma présence et en présence de<br />
beaucoup d'autres gens que je ne connaissais pas. Cela s'est passé l'an dernier, au mois de juin, un dimanche, je ne sais<br />
plus lequel. Margillia est restée dans un état de folie furieuse au su et au vu de tous pendant un mois et plus. J'ai la<br />
ferme conviction, et c'est de notoriété publique, que ma fille s'est vue guérie et rendue à la santé à l'invocation de saint<br />
<strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites...»<br />
TEMOIN 115<br />
Guillaume de Prat, paroissien de ladite paroisse, âgé de 30 ans et plus...<br />
« J'ai vu et connu cette Margillia, ma voisine, fille de Guillaume Gwennili, dans un état de fureur et de démence tel<br />
qu'elle lacérait ses vêtements et brisait les ustensiles de la maison, et qu'elle faisait beaucoup d'autres extravagances, si<br />
bien qu'il fallait la tenir et la ligoter. Je l'ai vue l'année dernière presque tout le mois qui avoisine la fête de la Nativité<br />
du Bienheureux Jean Baptiste dans cet état de démence et de fureur. Puis, après un espace de deux jours je l'ai vue et<br />
connue guérie de sa démence et de sa fureur et rendue à la santé. Elle venait en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong><br />
en l'église de Tréguier. C'était pour obtenir sa santé qu'on l'avait conduite en pèlerinage : c'est ce que m'ont rapporté et<br />
la fille elle-même et sa mère. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, qu'elle a eu santé et<br />
guérison à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites...»<br />
TEMOIN 116<br />
Bimenca, épouse de <strong>Yves</strong> Hervé, paroissienne de Pomment le Vicomte, et originaire de cette paroisse, âgée de 40 ans<br />
et plus...<br />
« J'avais donné à garder à Agnès, épouse de Geoffroy Quokin, ma fille Rabon âgée d'un an environ, et j'étais allée<br />
avec mes bêtes aux champs. Je me suis mise alors à trembler dans mon cœur et à prendre peur. Ignorant d'où cela<br />
pouvait venir, inquiète au sujet de ma fille, je l'ai vouée à saint <strong>Yves</strong> et l'ai invoqué en ces termes : «O saint <strong>Yves</strong> très<br />
doux, je vous dévoue la maison où se trouve ma fille pour qu'elle ne périsse pas». Tout de suite je suis retournée à<br />
cette maison, et j'ai aperçu, qui en provenait, la fumée d'un incendie. J'ai couru pour y entrer. J'ai vu l'incendie, et ma<br />
fille, là, dans un berceau : les étoffes jusqu'au nombril avaient été consumées par le feu, mais ma fille se trouvait saine<br />
et sans brûlures. Je l'en ai retirée. Elle vit toujours. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, que<br />
le feu de l'incendie a cessé et que ma fille est demeurée saine et sans brûlures grâce à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et à<br />
ses mérites. 24 années se sont écoulées depuis ; cela se passait un jeudi avant l'entrée en Carême. Elle était née dans<br />
cette paroisse de Pomment le Vicomte. Je ne me souviens plus des circonstances...»<br />
TEMOIN 117<br />
Seigneur Jean de Pestivien, chevalier, seigneur du même lieu, du diocèse de Quimper, âgé de 50 ans ou environ...<br />
« Il y a longtemps, cela fait bien 25 ans ou environ, aux alentours de la fête de Tous les Saints ou avant, après la<br />
mort de dom <strong>Yves</strong>, je ne me rappelle plus le jour, je me trouvais en compagnie de Henri Biel, chevalier, de Payen de<br />
Mont Ville écuyer, et d'un groupe d'autres au nombre d'une quinzaine. Nous sommes montés à bord d'un bateau et<br />
nous nous y sommes installés de nuit pour nous rendre de mon manoir de Roscoler, c'est-à-dire Rosé de Couleur, à une<br />
île appelée Thenes située en mer à une distance d'une lieue de la côte ; nous y allions chasser. Nous naviguions et nous<br />
nous trouvions près de l'île à environ un jet de pierre, quand une bourrasque et une forte tempête se levèrent sur la mer<br />
au point que le pilote perdit confiance et jugea que nous devions faire demi-tour. Mais le seigneur Henri ne fut pas de<br />
cet avis, s'empara d'un aviron et, dans sa vigueur à ramer, le brisa. Il en prit un autre qu'il brisa de même, car la force<br />
de la tourmente et de la tempête grandissait sur la mer. Dans le navire presque rempli d'eau il ne restait plus d'avirons,<br />
et nous désespérions d'avoir la vie sauve. Alors avec les autres je me suis voué à Dieu et à dom <strong>Yves</strong>, promettant, si<br />
nous pouvions parvenir au port sains et saufs, de nous rendre au tombeau de dom <strong>Yves</strong> pieds nus et sans chemise.<br />
Nous fîmes donc ce vœu, et aussitôt le bateau se tourna face à l'assaut de la mer, du vent et de la tempête, et nous<br />
ramena droit au port d'où nous venions : nous étions délibrés, sains et saufs. J'ajoute que j'ai à plusieurs reprises vu bon<br />
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nombre d'Anglais, d'Espagnols, de Bayonnais, de Gascons et de Normands venir en pèlerinage au tombeau de dom<br />
<strong>Yves</strong> à plusieurs reprises et à des époques différentes : ils racontaient qu'ils avaient dû à l'invocation de dom <strong>Yves</strong><br />
d'échapper a un naufrage et à beaucoup d'autres dangers...»<br />
TEMOIN 118<br />
Payen de Montville, écuyer, témoin présenté au sujet du précédent miracle, assermenté et soigneusement<br />
questionné a déclaré en substance et de fait la même chose que le seigneur Jean de Pestivien, chevalier, témoin<br />
immédiatement précédent, mais concernant l'époque il a dit que cela s'était passé, pense-t-il, il y aurait douze ans et<br />
plus en hiver...<br />
TEMOIN 119<br />
<strong>Yves</strong> L'Oiseleur, ermite, demeurant dans un ermitage près de Guingamp, âgé de 60 ans ou environ...<br />
« Un incendie consumait la maison d'Amon Le Roux, paroissien de Louannec, près de l'église de Louannec. Je n'ai<br />
plus souvenir du jour. Et les gens comme d'habitude criaient : «Au feu !». Dom <strong>Yves</strong> vivait alors et se tenait dans son<br />
presbytère de Louannec. On l'appela et on lui demanda de venir. Il vint donc près de la maison. Il vit que le feu la<br />
consumait, prit un peu de lait qu'il trouva dans un vase, fit de la main le signe de la croix en disant «Au nom du Père et<br />
du Fils et du Saint Esprit. Amen» et jeta le lait sur la maison. Immédiatement le feu cessa et s'éteignit complètement.<br />
Cela, je le sais pour l'avoir vu, puisque j'étais présent. Et l'on était, me semble-t-il, en août, il y a, je crois, trente ans ou<br />
environ. Se trouvaient là dom <strong>Yves</strong>, Hamon Le Roux, ma défunte épouse Marguerite, moi-même et plusieurs autres<br />
dont je ne me rappelle plus du tout les noms.<br />
Le feu avait encerclé la maison et l'avait envahie tout entière...»<br />
Laurent Le Saint, de la cité de Tréguier, âgé de 40 ans...<br />
TEMOIN 120<br />
« Un jour, je ne sais plus lequel, mais il y aura de cela dix ans ou environ vers la fête de la Bienheureuse Catherine,<br />
un Espagnol, du nom de Michel de Fontarabie, s'en venait de l'église de Tréguier, quand il rencontra un aveugle dont il<br />
dit ignorer le nom. L'aveugle lui demanda l'aumône pour Dieu et pour l'amour de dom <strong>Yves</strong>. Ce dom Michel, irrité<br />
contre le pauvre, tendit le bras vers lui et comme par moquerie lui mit dans la main un gros tournois d'argent sans le<br />
lâcher, et le reprit sur le champ. Puis il lui donna une pièce sans valeur en ducat de Bretagne. Le pauvre la lui rendit<br />
immédiatement puisqu'elle ne valait rien. En la reprenant Michel cracha sur la main du pauvre, qui lui dit en breton :<br />
«An Aotrou Doue ha Sant Erwan d'adrein d'eoc'h ar dismegans hoc'h eus graet din» (Dieu et Saint <strong>Yves</strong> vous rendent<br />
l'injure que vous m'avez faite). A l'instant même Michel s'effondra, hurlant comme un fou furieux, répétant qu'un<br />
homme vêtu de blanc le frappait à mort, et lui-même se frappait néanmoins la poitrine de ses deux poings. Apercevant<br />
ce Michel dont j'avais fait auparavant la connaissance, je le relevai de terre, et avec l'aide d'un marin, Alain Le Gagou,<br />
je le conduisis chez Pétronille, fille de Moysan, de la cité de Tréguier, et là nous l'avons ligoté. Des compagnons de<br />
Michel arrivèrent sur les entrefaites. Ils le transportèrent sur le navire qu'il avait pris pour venir. Ils y trouvèrent le<br />
patron de Michel et du navire. Ce dernier voua notre Michel à Dieu et à dom <strong>Yves</strong>, disant aux compagnons qui se<br />
trouvaient avec lui sur le navire qu'ils conduiraient et porteraient Michel à l'église de Tréguier, et que là ils<br />
demanderaient à Dieu et à dom <strong>Yves</strong> de bien vouloir lui faire grâce, s'il les avait offensés en quelque manière. Puis ce<br />
même jour le patron avec ses compagnons conduisirent Michel à l'église où il veilla toute la nuit. Le lendemain le<br />
patron avec ses compagnons fit dire des messes, offrit des cierges à dom <strong>Yves</strong>, et ils donnèrent aux pauvres qui se<br />
trouvaient dans cette église de nombreuses aumônes. Le lendemain matin, je vins dans cette église entendre la messe,<br />
et je trouvai Michel devant moi, rétabli, en bonne santé. Ces choses-là que j'ai dites, je les connais pour les avoir vues<br />
et entendues. (Ici le témoin répète ce qu'il a déjà dit concernant la date, le lieu, l'invocation, les termes de cette<br />
invocation, le nom de la personne miraculée, son lieu d'origine, s'il la connaissait, la durée de la maladie). Michel<br />
avait, je pense, cinquante ans ou environ... Le Michel en question resté dans la cité de Tréguier après sa guérison une<br />
quinzaine de jours, et pendant ce temps-là j'ai été plusieurs fois en relations avec lui, et j'ai constaté qu'il demeurait en<br />
bonne santé...»<br />
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Alain Le Gagon, matelot, de la cité de Tréguier...<br />
TEMOIN 121<br />
« Un jour, je ne sais plus lequel, j'ai vu un Espagnol, tombé à terre, fou furieux. Il avait craché sur la main d'un<br />
pauvre qui lui demandait l'aumône pour l'amour de Dieu et de dom <strong>Yves</strong>. Cet Espagnol criait, disant que saint <strong>Yves</strong> et<br />
plusieurs autres gens vêtus de vêtements blancs et qui avaient à la main des cierges allumés le frappaient à mort. J'ai<br />
vu ensuite cet homme dans la cité de Tréguier guéri de sa démence et de sa fureur. Il y aura dix ans aux environs de la<br />
fête prochaine de la Bienheureuse Catherine que cela s'est produit. C'était donc au mois qu'on vient de dire. Etaient<br />
présents Laurent Le Saint et plusieurs autres dont je ne me rappelle pas les noms. L'endroit où j'ai vu et entendu ce fou<br />
furieux crier alors qu'il était par terre était la voie publique près de l'église de Tréguier, et le lieu où je l'ai vu guéri était<br />
la cité de Tréguier comme je l'ai dit. C'est à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> à qui l'avait voué son patron que cet homme a<br />
été guéri. Le patron l'a fait en ma présence par les paroles suivantes ou de semblables adressées à leurs compagnons<br />
(les siens et ceux du miraculé) lorsque Laurent et moi le leur avons amené ligoté : «Demandons à Dieu et au<br />
Bienheureux <strong>Yves</strong> de vouloir bien faire grâce à cet homme, s'il les a de quelque manière offensés». Et ce même jour le<br />
patron et ses compagnons ont conduit l'homme à l'église, où il a veillé cette nuit-là près du tombeau de dom <strong>Yves</strong>. Le<br />
lendemain le patron a offert des cierges à dom <strong>Yves</strong> pour lui dans cette église, et c'est pour cela, j'en ai la ferme<br />
conviction, que cet homme a recouvré la santé qu'il avait perdue. Je connaissais cet homme déjà auparavant parce que<br />
je l'avais vu plusieurs fois à Tréguier et que j'avais été en relations avec lui. Il est resté malade, je crois, deux ou trois<br />
jours...»<br />
TEMOIN 122<br />
Jean de Trévou, clerc, du diocèse de Dol, demeurant à Tréguier, âgé de 50 ans et plus...<br />
« Ledit Michel logeait dans ma maison avant et après sa maladie. Je l'ai vu en bonne santé avant les événements<br />
qu'on a rapportés et je l'ai vu ensuite fou furieux, et enfin sain d'esprit et de corps, et cela dans ma maison et dans bien<br />
d'autres lieux, plusieurs jours et à plusieurs reprises. Comment il a contracté cette maladie et comment il a été guéri, je<br />
l'ignore ; car je n'ai pas assisté aux faits. J'ai appris pourtant de Laurent Le Saint, qu'Alain Le Gagon, du Michel en<br />
question, et de plusieurs autres, que ce Michel avait attrapé son mal pour avoir craché sur la main d'un pauvre qui lui<br />
demandait l'aumône pour l'amour de Dieu et de dom <strong>Yves</strong>, et qu'il avait ensuite recouvré la santé à l'invocation de dom<br />
<strong>Yves</strong>...»<br />
De même Floria, épouse de ce Jean de Trévou, témoin présenté sur le précédent miracle, assermentée et<br />
soigneusement questionnée a fait en tout et sur tout la même déposition que son mari, en substance et en fait.<br />
Laurent Le Saint, de la cité de Tréguier...<br />
TEMOIN 123<br />
« J'ai vu il y a déjà dix ans ou environ, un homme qui se disait originaire de Niort venir à l'église de Tréguier et y<br />
entrer, en chemise et braies, et une corde au cou. Il disait en l'avouant publiquement et en faisant serment à Maître<br />
Hervé, alors Official de Tréguier pour frère Jean Rigaud alors évêque de Tréguier, qu'il arrivait en cette tenue dans<br />
l'église de Tréguier parce qu'il avait échappé au danger de mort à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> enseveli dans l'église de<br />
Tréguier. Il avait en effet été condamné à la pendaison à Niort et trois fois le même jour avait été pendu. Mais la corde<br />
s'était cassée par le milieu. Sur le cou de l'homme les cicatrices des blessures causées par la corde de ses pendaisons<br />
apparaissaient d'une manière très visible. Je vous ai dit ce que je connais et ne sais rien d'autre. Il y a donc dix ans de<br />
cela. Je ne me souviens ni du mois ni du jour. J'ai vu cet homme et j'ai entendu ce qu'il disait en présence de Catherine,<br />
veuve du fils Belen, citoyen de Tréguier, d'Olivier Lann, de Hervé Goëlo et devant une foule nombreuse de peuple<br />
venue écouter le récit de miracle. Je ne connaissais pas cet homme auparavant, et j'ignore le lieu du miracle et l'origine<br />
de l'homme, en dehors de ce que j'ai déjà dit...»<br />
Le même témoin raconte :<br />
«L'année de la mort de dom <strong>Yves</strong>, une femme de la cité de Tréguier, nommée Helyendis, épouse d'Amireys, citoyen<br />
de Tréguier, hydropique et à ce point grosse et enflée que la peau avait cédé en plusieurs endroits de son corps, fut<br />
guérie de sa maladie à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Je le sais pour avoir vu cette femme plusieurs fois alors qu'elle était<br />
comme j'ai dit hydropique et enflée. Ensuite je l'ai vue plusieurs fois dans la cité de Tréguier, guérie de sa maladie. La<br />
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guérison s'est accomplie de la façon suivante : Cette femme était restée sans discontinuer dans l'église de Tréguier,<br />
près du tombeau de dom <strong>Yves</strong> à veiller et à prier, sûrement une quinzaine de jours environ, jusqu'à ce que son mari,<br />
désespérant de sa guérison, l'a fait rentrer à la maison. Plus tard, une nuit, je ne sais plus laquelle, dom <strong>Yves</strong> révéla en<br />
songe à cette femme qu'elle eût à revenir à l'église, à faire mettre et brûler un cierge sur son tombeau, et qu'ainsi elle<br />
recouvrerait la santé. Le lendemain elle se fit transporter à l'église de Tréguier, et là un trou, comme d'une piqûre<br />
d'abeille, se fit par miracle près de son nombril, et par ce trou sortirent des humeurs aqueuses qui s'écoulèrent goutte à<br />
goutte en très grande quantité. La femme ne se rendit compte de rien, c'est elle qui me l'a dit, jusqu'à ce que l'endroit<br />
où elle était se trouvât mouillé. C'est ainsi que s'opéra sa guérison. J'ai donc vu cette femme bien des fois pendant<br />
quinze jours à l'endroit que j'ai dit. Et c'est pourquoi je sais toutes ces choses. J'y ai vu qu'un trou s'était formé, que<br />
l'humeur en était sortie goutte à goutte, que le sol en avait été mouillé. Il y a eu 27 ans à la Pentecôte passé que dom<br />
<strong>Yves</strong> est mort. Quant au mois et au jour où les phénomènes de la guérison ont eu lieu, je ne m'en souviens plus. C'était<br />
dans la matinée. Etaient présents Catherine, maintenant veuve du fils Kelen, Bleve épouse Kade, Hervé Marvan,<br />
Etienne Amireys, de la cité de Tréguier, et plusieurs autres femmes et hommes dont je ne me rappelle pas les noms.<br />
(Le témoin redit encore le lieu des événements et le lieu d'origine de la femme). Je connaissais la femme auparavant, et<br />
cela depuis mon enfance, car elle était ma voisine. Je l'ai vue ainsi malade trois ans ou environ. Et je l'ai vue guérie<br />
pendant presque une année, durant laquelle elle a mis au monde un fils conçu après sa guérison. Ensuite je ne l'ai pas<br />
revue, car j'ai quitté mon pays pour la Gascogne où je suis resté sept ans ou environ ; et quand je suis revenu j'ai<br />
constaté qu'elle était morte. Au moment de sa guérison elle avait 40 ans ou environ, je pense...»<br />
TEMOIN 124<br />
Catherine, veuve du fils Kelen, de la cité de Tréguier, âgée de 80 ans...<br />
« J'ai vu et entendu un homme qui confessait publiquement et sur la foi du serment qu'il avait été pendu trois fois<br />
en un seul jour. Il y a 20 ans de cela, ou à peu près, et j'ai la ferme conviction que c'est vrai. Cela se passait au mois de<br />
mars. Je ne me rappelle plus quel jour. C'était vers midi. Il y avait là Olivier Lann, Hervé de Goëlo et une foule<br />
nombreuse. Je ne le connaissais pas auparavant. Quant au lieu où s'est produit le miracle, l'homme à qui c'est arrivé<br />
disait qu'il s'agissait de Niort, d'où il était originaire. Sur son cou apparaissaient des blessures qui semblaient provenir<br />
de sa pendaison. Il portait au cou une corde cassée par la moitié ; il disait qu'elle avait servi à le pendre...»<br />
Du même témoin cette autre déposition :<br />
« Helyendis, épouse Amireys, citoyen de Tréguier, alors qu'elle était hydropique a été libérée et guérie de sa<br />
maladie à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Je le sais pour avoir vu cette femme ainsi malade pendant dix ans ou environ, et<br />
je l'ai vue par la suite guérie et cela pendant trois ans et plus. Il y a 20 ans et plus que sa guérison a eu lieu. Je ne me<br />
rappelle pas quel mois. C'est la femme hydropique qui m'a dit qu'elle était restée dans l'église de Tréguier près du<br />
tombeau de dom <strong>Yves</strong>, à qui elle s'était vouée, l'espace de quinze jours et plus, et que son mari, désespérant de sa<br />
guérison, l'avait fait revenir chez elle. Une nuit dom <strong>Yves</strong> lui est apparu, et elle a semblé le voir. Il lui a dit d'apporter<br />
un cierge, et de le mettre et de l'allumer sur son tombeau, et elle recouvrerait la santé : ce qu'elle a fait comme elle me<br />
l'a raconté. J'ai vu des humeurs lui sortir du ventre près du nombril par un trou qui avait la forme d'une piqûre de<br />
fuseau. Cela n'a pu se faire que par miracle, c'est ma ferme conviction. Etaient présents Bleven, épouse Kadé, et Hervé<br />
Morvan, et Etienne Amireys, fils de cette Helyendis, et plusieurs autres femmes dont je ne me rappelle pas les noms.<br />
Le lieu de ces faits c'est l'église de Tréguier et la maison de Helyendis : c'est là que plusieurs fois j'ai vu et entendu ce<br />
que j'ai dit...»<br />
TEMOIN 125<br />
Olivier Lann, âgé de 60 ans... a fait pour l'essentiel la même déposition que Laurent Le Saint, témoin précédent, sur les<br />
deux miracles qu'on vient de relater, ajoutant qu'il a vu, selon ses dires, ladite femme, à savoir Heliendis, en bonne<br />
santé pendant deux ans et plus, après la guérison dont il s'agit.<br />
TEMOIN 126<br />
Adelicia, fille Billon, de la paroisse de Ploèzai, âgée de 30 ans ou environ...<br />
« Une nuit un insecte venimeux m'a mordu à la gorge entre la mâchoire et le cou. Ce fut si grave que de la tête au<br />
nombril l'infection me gagna. J'enflai et fus si malade qu'à partir de ce moment-lè j'eus le sentiment que j'allais mourir<br />
et j'en eus peur. C'est pourquoi je me vouai à dom <strong>Yves</strong>, à peu près en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je me dévoue<br />
à vous et je vous demande de vouloir bien me délivrer de mon mal et du danger où je me trouve, et moi je visiterai<br />
votre tombeau et je vous ferai une offrande». Après cela, le mari de Catherine Hélory, sœur de dom <strong>Yves</strong>, que j'étais<br />
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allée voir chez elle, dit à Catherine sa femme d'apporter le chaperon de dom <strong>Yves</strong> qu'elle avait chez elle, et il le posa<br />
sur la malade que j'étais. Aussitôt je me sentis soulagée, et le lendemain à l'aube j'étais complètement guérie, rendue à<br />
la santé. Cela eut lieu, je crois, un mois d'août. Quelle année et quel jour ? Je ne m'en souviens plus. Je suis restée<br />
malade huit jours ou environ. Ceux qui m'ont vue ainsi souffrante furent <strong>Yves</strong> Allain, déjà nommé, et Catherine son<br />
épouse, et Robert Briencie, et plusieurs autres. C'est bien la morsure d'un insecte qui m'a rendue malade et m'a fait<br />
enfler, car avant que je l'aie pris en train de me piquer et de me mordre à la gorge, et que je l'aie jeté au loin après<br />
l'avoir attrapé d'une main tremblante, avant cela, je me portais bien. J'ignore l'espèce de cet insecte et sa couleur, car il<br />
faisait nuit et je ne pouvais le voir. C'est à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> à qui je me suis vouée que j'ai été guérie. Et j'ai<br />
été guérie en présence d'<strong>Yves</strong> Allain, de son épouse Catherine et de beaucoup d'autres. L'endroit de ma guérison c'est<br />
la maison des époux Allain à Hengret (Hengoat). Après cela je n'ai pas été malade...».<br />
Et nous avons constaté qu'elle était bien portante.<br />
TEMOIN 127<br />
Catherine Hélory, sœur de dom <strong>Yves</strong> Hélory, de bonne mémoire, prêtre enterré dans l'église de Tréguier, de la<br />
paroisse de Hengoat, âgée de 80 ans...<br />
« Un jour Adelicia, fille Billon, paroissienne de Ploëzai, est venue chez moi à Hengoat. Elle avait la tête, le cou et<br />
la poitrine horriblement et dangereusement enflés, au point qu'elle pouvait à peine respirer et parler tellement elle avait<br />
mal. Poussée par la pitié que m'inspiraient son enflure et sa souffrance, et par les conseils des nombreuses personnes<br />
présentes, dont je ne me rappelle plus du tout les noms, je suis allée chercher le chaperon de dom <strong>Yves</strong> que je gardais<br />
dans ma maison comme une relique et que je conserve encore maintenant avec soin et piété, et j'ai placé sur elle ce<br />
chaperon. Aussitôt Adelicia s'est mise à dire à peu près ceci : «Saint <strong>Yves</strong>, je vous rends grâce, car mon mal<br />
commence à ne plus me faire souffrir». Et c'est ainsi qu'elle s'en est retournée chez elle, et le lendemain elle avait<br />
recouvré la santé. Je sais cela pour l'avoir vue d'abord malade et ensuite en parfaite santé. Mais je n'ai souvenir ni de<br />
l'époque, ni du jour, ni du mois. Je l'ai vue malade le temps qu'elle est venue chez moi. Mais elle m'a dit qu'elle avait<br />
souffert huit jours de son mal. C'est à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> à qui elle s'était vouée qu'elle a été guérie et c'est au<br />
nom du même dom <strong>Yves</strong> et par dévotion pour lui que j'ai posé sur elle son chaperon. J'ai la ferme conviction qu'elle<br />
doit sa guérison à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, car beaucoup de gens ont été guéris de leurs maladies par le contact ou<br />
l'imposition de ce chaperon. Cela est de notoriété publique dans la paroisse de Hengoat et dans la cité et le diocèse de<br />
Tréguier. Cette imposition du chaperon s'est faite en présence de ma fille Catherine et de plusieurs autres dont je ne me<br />
rappelle pas les noms présentement. Cela s'est passé dans ma maison. Quant à l'étoffe du chaperon et sa couleur, c'est<br />
du «burell» blanc qui ne vaut pas grand chose et qui ne coûte pas cher».<br />
TEMOIN 128<br />
<strong>Yves</strong> Gwiader, fils d'Olivier Dali, de la paroisse de Pleumeur-Gautier, âgé de 40 ans ou environ...<br />
« Un navire chargé de maërl fit complètement naufrage par suite d'une tempête soudaine. J'étais à bord, et quand je<br />
vis qu'on se perdait en mer, j'ai invoqué de mon mieux dom <strong>Yves</strong> lui faisant vœu que si grâce à ses mérites je me<br />
sauvais du naufrage, j'irais nu visiter son tombeau. Tout de suite le calme est revenu et j'ai fini par me trouver à l'abri<br />
de la perdition. Cela se passait un samedi, il y aura 16 ans au mois de juin cette année. Se trouvaient à bord avec moi<br />
Yann Gorrek, fils dudit Gorrek, de la même paroisse et du même diocèse, sauvé du naufrage, et six hommes dont je ne<br />
me rappelle pas les noms, qui périrent alors noyés. Le naufrage eut lieu entre l'île Saint Maudez et la ville de<br />
Lézardrieux. Yann Gorrek et moi avons échappé au naufrage grâce à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Je sais comment Yann<br />
s'en est tiré parce que je l'ai entendu plusieurs fois crier : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, au secours, au secours ; je fais le vœu<br />
de visiter nu ton tombeau si j'en réchappe, et si vous me sauvez la vie». Quand j'ai été sauvé, je me rappelle que j'étais<br />
dans la mer près de Ker Mouster, qui se situe à une lieue de l'endroit du naufrage, et le soleil se couchait. Je ne savais<br />
pas nager. Ce sont des voisins qui sont venus en barque sur les lieux, près de Ker Mouster et qui m'ont tiré de l'eau et<br />
pris à bord...»<br />
TEMOIN 129<br />
Yann Gorrek, fils dudit Gorrek, de la paroisse de Pleumeur Gautier, âgé de 40 ans ou environ...<br />
« Un samedi du mois de juin il y a 16 ans, je crois, je naviguais entre l'île Saint Maudez et la ville de Lézardrieux,<br />
en compagnie de <strong>Yves</strong> Guïader, Hamon Skuber, Geoffray Guillot Bihan, et certains autres dont je ne me rappelle pas<br />
les noms. Le bateau était chargé de maerl. Une tempête se leva et le navire fut brisé net. Six hommes qui étaient à bord<br />
furent noyés. Mais <strong>Yves</strong> Guïader et moi avons échappé à ce péril. Car dès que je me suis aperçu du danger que nous<br />
courions je me suis voué de cœur et de bouche à dom <strong>Yves</strong>, à peu près en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, aide-moi<br />
; je me dévoue à vous et je promets, si j'en réchappe, d'aller nu visiter votre tombeau». Et grâce aux mérites de dom<br />
<strong>Yves</strong> que nous n'avons pas cessé d'appeler à notre secours, j'ai finalement été sauvé par quelques marins du voisinage<br />
qui sont arrivés sur les lieux en bateau. Je suis resté en butte au danger depuis l'heure de none presque jusqu'au<br />
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coucher du soleil. Les marins m'ont retiré de l'eau près de Ker Mouster, qui est à une lieue de l'endroit où nous avions<br />
sombré. Je connaissais ces marins, car c'étaient des voisins. L'époque, le mois et le jour étaient ceux que j'ai dits : un<br />
samedi du mois de juin il y a 16 ans. Aurais-je été sauve si je n'avais pas fait de vœu ? J'ai la ferme conviction que<br />
non. Les autres en effet, à l'exception de <strong>Yves</strong> Guïader, se sont noyés, tout de suite. Or moi je ne savais pas nager,<br />
mais à peine ai-je prononcé mon vœu que la tempête a cessé et que la mer s'est apaisée. J'ai entendu que mon<br />
compagnon <strong>Yves</strong> s'était voué à dom <strong>Yves</strong> en des termes à peu près semblables aux miens. Le lundi suivant <strong>Yves</strong> et<br />
moi nous avons accompli notre vœu...»<br />
TEMOIN 130<br />
Blezvenna Gasqueder, de la cité de Tréguier, âgée de 60 ans et plus...<br />
« Une nuit que j'étais absente de la maison où je demeurais à Tréguier, des voleurs pénétrèrent chez moi et<br />
enlevèrent tout ce que j'avais. De retour le lendemain matin, je me retrouvai dépouillée de tout. Affligée, gémissant,<br />
versant toutes les larmes possibles, je me rendis au tombeau de dom <strong>Yves</strong> et priai dom <strong>Yves</strong> de me permettre de<br />
récupérer les biens que j'avais perdus. Je lui promis de lui donner une fois dix sous, et chaque année tant que je vivrai<br />
douze deniers, s'il m'arrivait de retrouver mon bien. A l'issue de ce vœu, une inspiration divine, je le crois, me vint à<br />
l'esprit et au cœur, que je les trouverais dans la maison de la veuve Galou, dans la maison de Briencie Judicelle Bozec,<br />
près de la fontaine saint Tudual, et dans la maison d'<strong>Yves</strong> Ponteur de Langoat près de la chapelle de saint Quay, au<br />
diocèse de Tréguier. Aussitôt j'allai trouver les sergents de l'évêque de Tréguier, du seigneur Henri de Troguidy, et de<br />
Maurice de Plougras, qui avaient juridiction sur les lieux où se trouvaient mes biens. Je fis soigneusement fouiller par<br />
les sergents les maisons en question. On trouva chez la veuve Galou et chez Briencie Judicelle les trois quarts de mes<br />
biens, et un jugement des dits seigneurs me les fit bientôt rendre. Mais un des voleurs, je veux dire <strong>Yves</strong> Ponteur,<br />
s'enfuit secrètement et se retira du côté de La Roche Derrien, à une lieue de Tréguier. Comme il se trouvait dans un<br />
endroit appelé Park Hervé, fils de Hervé Bozec, il devint complètement aveugle. Alors son épouse envoya <strong>Yves</strong> Loke,<br />
son frère, de la paroisse de Tréguier, maintenant moine à Beauport (diocèse de Dol) lui disant d'aller trouver son mari<br />
à l'endroit indiqué, car il voulait quitter la région. Le moine gagna donc alors l'endroit décrit et trouva l'homme comme<br />
sa femme le lui avait dit. Il raconta au moine que s'il était aveugle, c'était pour avoir dérobé des objets dans ma maison,<br />
et il lui demanda de venir me trouver : «Qu'elle vienne ici, dit-il, et elle y recevra ses affaires». Le moine là-dessus vint<br />
donc me voir, et me dit d'aller au lieu appelé Le Parc. C'est là, dans un endroit couvert de bruyères noueuses, que je<br />
retrouvais mon bien. Ce que je fis. Et les choses se passèrent comme le moine avait dit. Il y a de cela dix ans ou<br />
environ, je pense, et c'était au mois de mars, le premier lundi du mois. Etaient témoins du vœu et du recouvrement des<br />
biens disparus Prigent Cozic, sergent du seigneur Geoffroy de Tournemine, alors évêque de Tréguier, Berté<br />
Gwazhiennus, préposé du même évêque, tous les deux décédés, et Huro fils Guidon, alors sergent de l'évêque, et<br />
plusieurs autres dont je ne me rappelle plus les noms. Les trois premières parties des biens volés, je les ai récupérés le<br />
lundi, le jour même de mon vœu ; la partie suivante avant le dimanche qui suivit. Et c'est donc à l'invocation de dom<br />
<strong>Yves</strong> que j'ai récupéré mon bien. Les termes de mon vœu sont ceux que j'ai déjà mentionnés. Je ne concevais, avant<br />
mon vœu, aucun soupçon sur les voleurs. Je sais qu'<strong>Yves</strong> Ponteur est devenu aveugle de cette façon-là, parce que le<br />
moine et plusieurs autres me l'ont dit...»<br />
<strong>Yves</strong> Ponteur, de la cité de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
TEMOIN 131<br />
« Une nuit, je ne m'en rappelle pas la date, pris de boisson, j'ai dérobé de la maison de Belzvenna, avec certains<br />
autres, les biens dont on a parlé. Puis je me suis enfui au lieu appelé Le Parc avec la part que mes complices m'avaient<br />
assignée, et c'est là que je suis devenu aveugle. J'ai fait vœu à dom <strong>Yves</strong> de restituer les objets volés et de lui donner<br />
deux sous par an s'il me rendait la vue. J'ai recouvré la vue et j'ai restitué, par l'entremise du moine, les objets volés (Ici<br />
il fait des événements le même récit que Blezvenna, le témoin immédiatement précédent). Mais je ne sais rien de la<br />
restitution des biens dérobés par mes complices, sinon que j'ai entendu dire qu'ils les ont pleinement restitués à<br />
Blezvenna. Et je le crois fermement en raison de ce qui m'est arrivé. Cela s'est passé il y a huit ans ou environ, je<br />
pense. C'était en mars, mais je ne me souviens pas du jour. Quand j'ai fait mon vœu, j'étais seul sans aucun témoin.<br />
M'ont vu aveugle Morvan Bescond de Saint Quay (paroisse de Tréguier) et plusieurs autres dont j'ai oublié les noms.<br />
Je suis resté aveugle depuis l'heure de none jusqu'à celle des vêpres le lendemain. (Interrogé pour savoir à l'invocation<br />
de qui il a recouvré la vue, et les termes de cette invocation, il dit la même chose que plus haut). J'ai recouvré la vue à<br />
Ker Conan, en la paroisse de Tréguier, lieu situé à deux portées de baliste de Le Parc où je suis devenu aveugle. J'ai<br />
oublié le nom du garçon qui m'y a conduit...»<br />
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TEMOIN 132<br />
Morvan Bescond, de la paroisse de Tréguier, âgé de 60 ans ou environ...<br />
« J'ai vu <strong>Yves</strong> Ponteur (le témoin immédiatement précédent) atteint de cécité entre le lieu dit Le Parc et sa maison.<br />
De même j'ai constaté que Blezvenna avait retrouvé les biens que cet <strong>Yves</strong> avait gardés à Le Parc et sous les bruyères<br />
noueuses mentionnées, et j'ai entendu Blezvenna et les sergents et plusieurs autres dire que les biens restants avaient<br />
été restitués, dans leur intégralité et miraculeusement, à Blezvenna à la suite d'un vœu qu'elle avait fait. Je ne l'ai pas<br />
entendue prononcer ce vœu, mais alors qu'elle s'en allait dans le Parc je l'ai entendu dire à peu près ceci : «Seigneur<br />
saint <strong>Yves</strong>, je vous rends grâce, car vous m'avez fait retrouver mes biens». J'ai vu <strong>Yves</strong> atteint de cécité, et cela<br />
pendant une nuit et un jour, après quoi j'ai constaté qu'il voyait, comme je le constate maintenant. J'ai la ferme<br />
conviction que s'il est ainsi devenu aveugle c'est en vertu du vœu fait par Blezvenna à dom <strong>Yves</strong>, et pour avoir dérobé<br />
les biens en question. J'ignore comment <strong>Yves</strong> Ponteur a recouvré ensuite la vue ; j'ai pourtant la ferme conviction que<br />
le fait est dû à un vœu qu'<strong>Yves</strong> a fait à dom <strong>Yves</strong>, car plusieurs fois je l'ai entendu dire après sa guérison qu'il s'était<br />
voué au Bienheureux <strong>Yves</strong> et qu'il avait ainsi recouvré la vue. Cela s'est passé il y a dix-huit ans ou environ. C'était en<br />
mars ; je ne me souviens pas du jour. Ceux qui étaient avec moi quand je l'ai vu aveugle étaient Conan David de<br />
Langazou, voisin dudit <strong>Yves</strong>, de la paroisse de Tréguier, et plusieurs autres dont je ne me rappelle pas les noms. J'ai vu<br />
<strong>Yves</strong> guéri de sa cécité dans sa maison après la nuit et le jour que j'ai dits. Je le connaissais auparavant déjà depuis<br />
plusieurs années. (Aux questions : Qui a-t-on invoqué et en quels termes ? Comment s'appellent ceux à propos<br />
desquels les miracles ont été faits ? Combien de temps est-il resté aveugle ? Quand Blezvenna a-t-elle récupéré ses<br />
biens ? D'où <strong>Yves</strong> et Blezvenna sont-ils originaires ?A toutes ces questions il répond comme plus haut. Et il dit que<br />
tout cela est de notoriété publique dans la cité de Tréguier).<br />
TEMOIN 133<br />
<strong>Yves</strong> Agoedour, de la paroisse de Tréguier, âgé de 40 ans...<br />
« Blezvenna Gasqueder, de la cité de Tréguier, avait perdu une coupe en argent. Elle fit un vœu à dom <strong>Yves</strong> et<br />
promit un vase de cire pour arriver à récupérer celui d'argent, et elle l'offrit. Six ans après, ou environ, il arriva que la<br />
maison de Geoffroy Goasqueder, située près de la cité de Tréguier, brûla avec tout ce qu'elle contenait, à l'exception<br />
du vase d'argent lequel se tint longtemps dressé au milieu de la flamme et pourtant ne brûla pas du tout et resta intact.<br />
Il fut ensuite rendu à Blezvenna. Je le sais pour avoir vu cette maison brûler, et le vase rester au milieu de la flamme si<br />
longtemps qu'il aurait dû s'affaisser et se désagréger, si un miracle ne l'avait préservé d'une telle disparition. Cela s'est<br />
passé il y a six ans ou environ. C'était au début du mois de mai, un vendredi, à l'heure de prime ou environ, en<br />
présence dudit Scolan, boulanger de la cité de Tréguier. de Théobald, fils du prêtre Nevez, d'Yvone de Ker Ouzi, de<br />
Guillaume de Ker Guillaume, d'Yvone Hablanclahe et de plusieurs autres. Le vase se trouvait dans la flamme au<br />
milieu de la maison. C'est à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> que le vase en question a été préservé de l'incendie, j'en ai la<br />
ferme conviction, car la femme l'avait voué comme je l'ai dit précédemment. Je sais que la femme avait fait un vœu et<br />
en quels termes, pour l'avoir entendu dire à plusieurs reprises à peu près ceci : «Saint <strong>Yves</strong>, je vous dévoue mon vase,<br />
et j'ai le ferme espoir que vous me le rendrez». Je sais donc que la femme a voué un cierge de cire et l'a payé parce que<br />
je l'ai entendu dire, comme je l'ai rapporté, et parce que j'ai vu dans l'église de Tréguier, suspendu près du tombeau de<br />
dom <strong>Yves</strong>, un vase de cire, et l'on disait communément que la femme l'avait mis ou fait mettre. Je savais qu'elle avait<br />
perdu ce vase pour la raison que le prêtre dans l'église de Tréguier avait averti plusieurs fois publiquement sous peine<br />
d'excommunication que quiconque avait trouvé ce vase que la femme avait perdu ou savait où il était, eût à le rendre<br />
ou à révéler l'endroit du recel, pour la raison aussi que j'ai vu un sergent de l'évêque de Tréguier, sur requête de la<br />
femme, le chercher dans les maisons de la cité de Tréguier. Cette coupe je l'avais vue plusieurs fois dans la maison de<br />
la femme, et j'y avais bu avant qu'elle l'eût perdue, c'est pourquoi je savais que c'était celle-là qu'elle avait perdue. Elle<br />
l'a récupérée : je l'ai vue dans sa maison après l'incendie et tout ce qui s'en est suivi, et elle me l'a dit elle-même<br />
plusieurs fois depuis. J'ai constaté qu'elle était sortie intacte de l'incendie, car je l'ai vue entière et intacte dans la<br />
maison de cette femme...»<br />
TEMOIN 134<br />
Blezvenna Glasquoder, nommée dans le miracle immédiatement précédent...<br />
« Il y a eu douze ans à la fête du Bienheureux Nicolas du mois dernier que j'ai perdu une coupe d'argent massif,<br />
pesant un marc et demi de Tréguier (350 à 400 gr !) avec en son milieu le cordon de Gildas dessiné d'une jolie<br />
manière. Le lendemain je l'ai voué à dom <strong>Yves</strong> Hélory à peu près en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong> Hélory, je vous<br />
dévoue ma coupe que j'ai per- due ; et je vous demande de me la garder, car personne ne peut ni la vendre ni la céder<br />
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ailleurs. Je vous promets de vous offrir une coupe de cire et une fois la somme de douze deniers si j'arrive à la<br />
retrouver». Le lendemain j'ai fait placer une coupe de cire votive dans l'église de Tréguier au-dessus et à côté du<br />
tombeau de dom <strong>Yves</strong>. Au bout de six ans, précisément le jour où je l'ai perdue, il est arrivé que la maison de Geoffroy<br />
Gasqueder a brûlé, avec tout ce qu'elle contenait, à l'exception de la coupe d'argent. Celle-ci, après que tout eut brûlé,<br />
me fut restituée absolument intacte et sans aucune altération, par <strong>Yves</strong> de Ker Ouzi, noble, lequel me dit qu'il l'avait<br />
eue dudit Scolan, et d'<strong>Yves</strong> fils du prêtre Nevez. Ceux-ci l'avaient trouvée dans la maison incendiée...»<br />
TEMOIN 135<br />
Henri de Ker Guezonec, prêtre, paroissien de Coatreven, âgé de 40 ans...<br />
« Des charpentiers avaient par inexpérience coupé trop court des madriers pour la confection du Pont Losquet,<br />
diocèse de Tréguier, et les avaient donc rendus inutilisables à cet effet. Or grâce aux prières de dom <strong>Yves</strong> qui passait<br />
par là ces madriers se trouvèrent miraculeusement à même de tenir leur place dans l'ouvrage. Si je connais la chose,<br />
c'est qu'un jour, je ne sais plus lequel, j'ai vu <strong>Yves</strong> de Kerguezonec, mon père, dans un trouble et une colère<br />
formidables. Il avait en effet acheté du bois, à ses frais et dépens, pour construire cet ouvrage, et voilà qu'après l'avoir<br />
fait mesurer par des gens qualifiés trois, quatre ou cinq fois, il l'avait trouvé trop court d'un demi-pied pour ce à quoi<br />
on le destinait. Pour la consolation de mon père, dom <strong>Yves</strong> vint à passer et il pria Dieu de rendre les madriers à même<br />
de tenir leur place. Après quoi dom <strong>Yves</strong> mesura le bois, et l'on trouva qu'il allait bien. J'étais présent à ce que je vous<br />
raconte. Cela eut lieu l'an du Seigneur 1301 ou environ. Mais je n'ai aucun souvenir ni du mois ni du jour. Etaient<br />
présents ma mère et mon frère Guillaume décédés, et Olivier Taliac, paroissien de Tréguier, et plusieurs dont je ne me<br />
rappelle pas les noms. L'endroit où j'ai vu et entendu ces choses était la maison de mon père située près du pont...»<br />
TEMOIN 136<br />
Olivier Tanac, paroissien de l'église de Tréguier, âgé de 40 ans ou environ...<br />
« J'ai constaté le fait que le matériau était trop court, et je l'ai fait mesurer avant l'arrivée d'<strong>Yves</strong>, avant et après son<br />
invocation à Dieu. J'ai vu dom <strong>Yves</strong> mesurer le bois et le trouver deux pieds plus long qu'il n'était avant son arrivée et<br />
avant les prières qu'il fit à Dieu».<br />
Par ailleurs Olivier Tanac a fait en substance et de fait la même déclaration que Henri le témoin immédiatement<br />
précédent, en des termes pourtant différents.<br />
TEMOIN 137<br />
Henri de Ker Guezocret, témoin nommé dans le précédent miracle,...<br />
« C'était, je crois, un samedi : j'ai fait avec le cheval que je montais une chute de sur le pont Losket (celui qu'on a<br />
nommé à l'occasion du précédent miracle), et je suis tombé dans l'étang contigu à ce pont. Il m'a semblé que je suis<br />
resté sous l'eau le temps d'une demi-lieue et plus. C'est à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> que je dois d'avoir été sauvé et<br />
retiré du danger de mort par noyade. Ceci se passait en l'an 1334 ou environ, au mois de janvier, je pense, un samedi<br />
donc. (Interrogé sur le lieu, il redit comme ci-dessus). Etaient présents <strong>Yves</strong> de Ydon, et Amona, fille de Moravan<br />
Contyer, et Mahuta ou Mahauta, ma sœur, Oliva, fille d'Olivier Bollocz, de la paroisse de Coatreven, et plusieurs<br />
autres dont je ne me rappelle pas les noms. Les termes que j'ai employés dans mon invocation à dom <strong>Yves</strong> sont les<br />
suivants ou de semblables : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, au secours ; je célébrerai chaque année une messe en ton honneur et<br />
je t'offrirai douze deniers par an une fois rétabli». Il y avait dans une sacoche attachée à l'arrière de ma selle beaucoup<br />
de lettres et de documents écrits : ils n'ont pas été détruits, ni d'aucune manière altérés...»<br />
TEMOIN 138<br />
Oliva, fille d'Olivier Rivallon, autrement dit Bollocz, paroissienne de Coatreven, âgée de 20 ans ou environ...<br />
« Un samedi du mois de janvier, l'an du Seigneur 1324 ou environ, je crois, les eaux étaient en crue j'ai vu mon<br />
oncle, Henri de Ker Guezenoc, prêtre, recteur de l'église de Mantallot, diocèse de Tréguier, qui passait à cheval sur le<br />
pont Losket, diocèse de Tréguier, tomber avec son cheval dans l'eau qui alimentait l'étang sous le pont. Et en tombant<br />
dom Henri criait : «Seigneur saint <strong>Yves</strong> à l'aide ! Tire-moi du danger !» Et sous mes yeux, dom Henri est reste sous<br />
l’eau si longtemps que les autres personnes et moi-même l'avons cru noyé. Or, bientôt après il était délivré du danger,<br />
je l'ai vu, et j'ai la ferme conviction qu'il l'a été grâce à l'invocation qu'il a faite. »<br />
(Interrogée sur l'année, le mois, le jour, elle redit comme ci-dessus). Etaient présents <strong>Yves</strong> de Ydon, Hamona fille<br />
de Morvan Courtier, Mahautha, sœur de dom Henri, et plusieurs autres dont je ne me rappelle pas les noms. (Elle dit la<br />
même chose que le témoin immédiatement précèdent sur la sacoche et les lettres qu'elle contenait)...<br />
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TEMOIN 139<br />
<strong>Yves</strong> Morvan de Lamoelen, paroissien de Coatreven, âgé de 50 ans.. dit la même chose que le témoin<br />
immédiatement précédent, mais ajoute ceci :<br />
« Je voulais sortir ce prêtre de l'eau où il était tombé, mais il m'arrêta par ces mots : «Je n'ai nul besoin du secours<br />
de quiconque. Le Bienheureux <strong>Yves</strong> m'assiste et m'aide». Je connaissais déjà ce prêtre auparavant, car c'était mon<br />
voisin. Il est resté dans l'eau, je crois bien, le temps d'une demi-lieue et plus. Et il s'était voué à dom <strong>Yves</strong> Hélory à peu<br />
près en ces termes : «Seigneur, saint <strong>Yves</strong>, je me voue à toi ; aide-moi et garde-moi du danger »...<br />
TEMOIN 140<br />
Etienne, dit Liroitz, marin, de la cité de Tréguier, âgé de 40 ans...<br />
« J'ai perdu dans la Seine, à environ une lieue de Rouen, un crochet en bois. Je ne me rappelle plus quel jour. Trois<br />
jours après, à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, je l'ai retrouvé. C'était en l'an 1324, au mois de mars, je pense, je ne me<br />
rappelle pas le jour. Etaient présents mon patron Michel Le Boullant, de la Roche Derrien, et Alain Le Gagon de la<br />
cité de Tréguier. On a retrouve le crochet dans le port de Moulineaux, diocèse de Rouen, à l'avant du navire, où il était<br />
arrivé alors que le courant était contraire. C'est à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> que cela s'est produit. Et je l'ai invoqué<br />
dans les termes suivants ou à peu près : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je vous demande avec instance de prier Dieu que je<br />
retrouve le crochet que j'ai perdu. Si je le retrouve, je vous promets un crochet de cire de la longueur de ce crochet». Il<br />
a été perdu trois jours... »<br />
Alain Le Gagou, de la cité de Tréguier, âgé de 40 ans...<br />
TEMOIN 141<br />
A dit en substance et de fait la même chose que le témoin immédiatement précédent, mais en des termes différents.<br />
Cependant il a dit ne pas se souvenir du tout ni de l'époque, ni du mois, ni des paroles du vœu ou de l'invocation, et<br />
pourtant lui-même et le témoin précédent ont bien voué ce crochet à dom <strong>Yves</strong>, car le patron, nommé Michel le<br />
Boullant, les menaçait pour la perte de ce crochet.<br />
TEMOIN 142<br />
Geoffroy Jubiter, recteur de l'église de Trédrez, diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans ou environ...<br />
« Dom <strong>Yves</strong> avait dans un coffre fermé à clef une certaine quantité de froment dans la maison d'un certain Thomas<br />
Guilhoc, de la paroisse de Trédrez. Cette maison se trouvait tout près du presbytère. Il m'avait envoyé, moi et un de ses<br />
prêtres, nommé Hervé Jacob, défunt, prendre de ce froment pour son hôtellerie et pour des pauvres. Hervé et moi nous<br />
trouvâmes ce coffre débarrassé de sa fermeture, et, dedans, très peu de blé. Nous retournâmes tout de suite annoncer à<br />
dom <strong>Yves</strong> dans quel état nous avions trouvé le coffre. Il nous dit alors : «Ne vous faites pas de souci, car nous en<br />
aurons assez, Dieu aidant : mais allons et voyons ce qu'il en est». Dom <strong>Yves</strong>, le prêtre et moi, nous revînmes donc au<br />
coffre : il était pour ainsi dire plein de froment. Or quand nous avions vu le coffre ouvert, je ne sais pas exactement<br />
combien il contenait de blé, mais il y en avait très peu. Oui, il y en avait peu. Mais de retour avec dom <strong>Yves</strong> nous en<br />
trouvâmes comme j'ai dit. Cela se passait, je pense, au mois de juin, il y a plus de trente ans. Les personnes présentes<br />
étaient celles que j'ai mentionnées. Quant au jour, je ne m'en souviens plus. Mais c'était le même jour que j'ai vu le<br />
coffre vide et que je l'ai vu presque plein. Il ne pouvait pas s'être rempli comme tout d'un coup, car il fallait peu de<br />
temps pour aller et revenir. Cela n'a pu se faire que par miracle divin ; et j'en ai la ferme conviction...»<br />
TEMOIN 143<br />
Olivier Le Maczcon, paroisse de Plerneuf (?), diocèse de Saint Brieuc, âgé de 64 ans ou environ...<br />
« Un jour que je marchais sur la grand-route dans ma paroisse, la pointe d'une «broche» de hêtre m'est entrée entre le<br />
pied et la jambe près de la cheville. La «broche» s'est cassée et un morceau est resté enfoncé de la profondeur d'un<br />
doigt, si bien qu'on ne pouvait l'extraire sans incision, et il y est demeuré sept semaines ou environ, m'empêchant de<br />
me déplacer et me causant une très grande douleur. Aucune amélioration ne s'annonçait. Je finis par me vouer à dom<br />
<strong>Yves</strong>, et aussitôt le morceau de «broche» s'en alla, et la douleur cessa tout à fait. J'ai la ferme conviction que le fait<br />
s'est produit grâce aux mérites de dom <strong>Yves</strong>. Il y a 20 ans de cela, me semble-t-il, autour de la fête de Tous les Saints.<br />
Je n'ai pas le souvenir du jour. Personne n'était là quand la broche a pénétré dans ma jambe, mais ma femme nommée<br />
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Aliéner, et son frère nommé Colin, et Guillaume Gourtelet de Plouec se trouvaient présents au moment de ma<br />
guérison. Comme j'ai dit, le fuseau m'a blessé dans ma paroisse et sur la route près de ma maison ; c'est dans ma<br />
maison que j'ai été guéri. Je me suis voué en ces termes ou en des termes équivalents : «Je fais le vœu et je promets à<br />
Dieu et au Bienheureux <strong>Yves</strong> que si je guéris je lui remettrai chaque année quatre deniers, et je jeûnerai chaque samedi<br />
tout le temps qui me reste à vivre».<br />
Aliénor, épouse d'Olivier Le Maczcon,...<br />
TEMOIN 144<br />
« Olivier, mon mari, avait le pied gravement endommagé près de la cheville, par le bout d'une «broche» qui l'avait<br />
percé et qui y était resté enfermé. On en était à ne plus espérer sa guérison. Or ce morceau de broche est sorti de la<br />
blessure du pied sans la moindre difficulté, et il s'est vu complètement guéri à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Olivier a<br />
invoqué dom <strong>Yves</strong> et s'est voué à lui à peu près en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, délivre-moi de l'infirmité que j'ai<br />
au pied, et je jeûnerai en ton honneur une fois par semaine, et je t'offrirai chaque année, tant que je vivrai, quatre<br />
deniers». Aussitôt accomplis l'invocation et le vœu, le bout de bois est sorti et est tombé par terre. Olivier a été guéri,<br />
et depuis il n'a plus souffert à cet endroit. Au mois d'octobre dernier il y a eu vingt ans que cela s'est produit. Je n'ai<br />
pas souvenir du jour. Cela se passait dans la maison d'Olivier, en la présence de Colin, mon frère, et de mon mari et de<br />
moi. Il est resté malade trois semaines...»<br />
Alain Le Cervesier, de la cité de Tréguier, âgé de 55 ans...<br />
TEMOIN 145<br />
« J'affirme avoir fabriqué beaucoup de bateaux en cire pour de nombreuses personnes. Ces gens après des vœux<br />
faits à dom <strong>Yves</strong> avaient échappé, disaient-ils, au péril de la mer. J'en ai confectionné en particulier trois à la demande<br />
de <strong>Yves</strong> Guyo, de Luc et de Henri son frère, de la paroisse de Ploubazianec, diocèse de Saint-Brieuc. A l'invocation de<br />
dom <strong>Yves</strong> ils avaient échappé, disaient-ils, à la mer : leur bateau s'était échoué sur un rocher et se trouvait en péril :<br />
aussitôt après leur vœu, il s'est vu dirigé par miracle jusqu'au port.<br />
J'ai encore fabriqué un bateau en cire à la demande d'un homme dont j'ignore le nom. Il disait avoir été sauvé par<br />
un vœu fait à dom <strong>Yves</strong>, alors que le bateau sur lequel il se trouvait avait tout l'avant brisé contre un rocher. J'ai vu le<br />
bateau ainsi brisé dans le port de Tréguier.<br />
J'ai encore fabriqué une barque en cire à la demande de quelqu'un qui s'appelait Alain Kloareg, paroissien de Saint<br />
Julien de Mehurlent, diocèse de Tréguier. Il disait qu'une très violente tempête l'avait mis en péril évident de noyade et<br />
qu'il avait échappé.<br />
J'ai vu suspendre chacun de ces bateaux, et je les ai vus suspendus dans l'église de Tréguier près du tombeau de<br />
dom <strong>Yves</strong> à l'invocation duquel ces miracles précédemment rappelés avaient été accomplis.<br />
J'ai vu un marchand espagnol dont j'ignorais le nom déposer en offrande dans le tronc de saint <strong>Yves</strong> dans l'église de<br />
Tréguier 15 livres tournois. Il les avait promises, disait-il, comme compensation à la valeur d'un tonneau de vin, alors<br />
qu'il risquait de se faire engloutir avec le chargement de vins qu'il avait établi sur la mer : il rapportait avoir été délivré<br />
du danger par l'invocation de saint <strong>Yves</strong>».<br />
TEMOIN 146<br />
Dom Pierre de Lanmeur, professeur de droit, du diocèse de Dol à l'intérieur du diocèse de Tréguier, âgé de 60 ans ou<br />
environ...<br />
« Ma fille avait une taie sur l'œil. Or après qu'on l'eut vouée à saint <strong>Yves</strong>, le lendemain elle était guérie. Cela s'est<br />
passé il y a 24 ans ou environ, au mois de mai ou de juin, je ne sais plus quel jour. Etaient présents, en plus de moi,<br />
mon épouse Lévénez et Mahauta, la nourrice de ma fille, et plusieurs autres dont je ne me souviens plus. Cela s'est<br />
passé chez moi au Cosquer, en la paroisse de Guimaëc, diocèse de Tréguier, et à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Ma femme<br />
m'a dit : «Vouons-la à saint <strong>Yves</strong>, car je la préférerais morte plutôt que de la voir rester dans un tel état». Alors nous<br />
l'avons vouée en ces termes : «Saint <strong>Yves</strong>, si vous lui donnez la santé, nous irons pieds nus à votre tombeau». Ma fille<br />
s'appelait Margilia. Le mal lui est arrivé de la façon suivante : elle a souffert à trois reprises d'une fièvre continue, puis<br />
elle a contracté la maladie appelée vérole, et c'est alors que lui est venue cette tache sur l'œil. Nous l'avons vue avec<br />
cette taie sur l'œil pendant huit jours avant que nous l'ayons vouée. La taie avait la grandeur d'un grain de pois. Nous<br />
avons fait le vœu un jour après dîner et le lendemain sa mère et moi nous l'avons trouvée guérie : tel est le temps qui a<br />
séparé le vœu de la guérison. Ma fille n'est plus en vie. Je ne me souviens pas de la date de sa mort. Elle a vécu deux<br />
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ans ou environ après sa guérison. Sa guérison était parfaite et son œil guéri était aussi beau que l'autre ; on ne pouvait<br />
pas voir s'il avait été affecté d'une taie. Ceux qui l'ont vue guérie furent sa mère et moi, et la nourrice, et le défunt<br />
prieur et le curé de Lanmeur, qui sont décédés, et d'autres encore dont j'ai oublié les noms.<br />
Un homme était paralysé des pieds au point qu'il en avait complètement perdu l'usage et qu'il ne pouvait pas monter<br />
à cheval. Il se déplaçait sur ses mains et sur ses genoux. Cet homme a été guéri à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Cela s'est<br />
passé il y a cinq ans ou environ, au mois de juin un dimanche, car c'est ce jour-là qu'il y a d'ordinaire grande affluence<br />
à Tréguier. Je n'étais pas sur place au moment de sa guérison, mais il y avait là, à mon avis, beaucoup de monde. On<br />
m'a rapporté qu'il a été guéri dans l'église de Tréguier à l'invocation du Bienheureux <strong>Yves</strong>. Quant aux termes employés<br />
dans cette invocation, voici. Nous étions dans mon manoir de Bois d'Eudon, situé dans la paroisse de Lanmeur un<br />
samedi. Vezie, mon épouse, faisait préparer un cheval avec deux paniers ou bâts. Je lui dis alors : «Que voulez-vous<br />
faire avec ce cheval ?» - «Je veux envoyer ce perclus à Tréguier, à saint <strong>Yves</strong>». Ils l'ont placé dans l'un des bâts, et<br />
dans l'autre ils ont mis quelques pierres pour rétablir l'équilibre. Plus tard quand il est revenu, il était sain, guéri. Ce<br />
perclus s'appelait Jean, fils de Korr. Je le connaissais, car j'avais demeuré avec sa mère Théophanie et avec lui huit ans<br />
et plus. Je l'ai vu huit ans ou environ infirme tant chez sa mère que chez moi. J'ignore comment le mal lui est arrivé.<br />
Cependant je l'ai vu dans un premier stade en bonne santé, puis huit ans perclus, comme on l'a dit. Il était originaire d'à<br />
côté de chez moi, du Bois d'<strong>Yves</strong>, paroisse de Lanmeur. Il est parfaitement guéri».<br />
Et tel en effet il apparaît, car nous aussi nous l'avons vu marcher et courir.<br />
Le témoin ajoute toute une déclaration sur la notoriété du fait et sur la réputation de sainteté de dom <strong>Yves</strong>.<br />
TEMOIN 147<br />
Jean, fils de Korr, paroissien de Lanmeur, diocèse de Dol, d'où il est originaire, âgé de 25 ans...<br />
« J'étais perclus des pieds et des jambes au point que je ne pouvais ni me redresser ni actionner mes jambes. J'étais<br />
réduit à traîner mes jambes et mes pieds sur le sol, en me servant de mes genoux et de mes mains et à marcher comme<br />
un quadrupède. Je me suis voué à saint <strong>Yves</strong> et je l'ai invoqué en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je me voue et me<br />
recommande à vous et je vous promets un cierge de ma taille et de ma grosseur pour que vous me délivriez et me<br />
rendiez la santé». C'est à cette invocation que j'ai été rendu à la santé et guéri, que je me suis mis debout et que j'ai<br />
marché».<br />
Et il va, nous l'avons vu, sain et droit et debout sur ses jambes, bossu pourtant, ce qu'il n'était pas auparavant, dit-il.<br />
« Cinq ans ou environ se sont écoulés depuis. Je ne me souviens ni du mois ni du jour, et cela s'est passé dans<br />
l'église de Tréguier près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>, en présence de beaucoup de gens que je ne connais pas. Je suis<br />
resté ainsi infirme, au su et au vu de tous, huit ans ou environ. Le mal m'est venu de la façon suivante : une goutte m'a<br />
tout d'abord saisi les cuisses et les reins, et puis successivement les genoux et le dos, et puis j'ai attrapé l'infirmité dont<br />
il est question. J'ai la ferme conviction, et c'est de notoriété publique, que je dois la guérison et la santé aux mérites et à<br />
l'invocation de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 148<br />
Noble homme seigneur Alain de Kaerritraes, chevalier, diocèse de Tréguier, âgé de 72 ans...<br />
« J'ai vu il y a sept jours devant dom <strong>Yves</strong> dans l'église de Tréguier un homme qui me semblait jeune, appelé Guy,<br />
prosterné sur le tombeau d'<strong>Yves</strong> Hélory. Je lui ai demandé ce qu'il faisait là ; il s'est redressé et m'a répondu qu'il était<br />
venu aveugle sur le tombeau de saint <strong>Yves</strong>, qu'il s'était voué à lui pour obtenir la vue et qu'il l'avait obtenue en<br />
l'invoquant. Je lui ai demandé d'où il venait et qui il était... Il m'a répondu qu'il était de Coat Croas, dans la paroisse de<br />
Langoat, et qu'il s'appelait Guy. J'ai rassemblé dans cette église ceux qui s'y trouvaient de cette localité. Beaucoup se<br />
sont présentés, que je ne connais pas. Mais ils m'ont dit que ce jeune homme avait été et était de cette localité, qu'ils<br />
l'avaient connu et vu aveugle pendant longtemps. J'ai alors établi la preuve que ce jeune homme voyait. Or il discernait<br />
et distinguait les robes et les étoffes et leurs couleurs, à lui et devant lui présentées. Il s'en est allé par ses propres<br />
moyens, et il a offert à l'autel le denier que je lui ai donné. Cela se passait il y a sept jours alors qu'on célébrait la<br />
messe en présence de beaucoup de gens dont je ne me souviens pas, et dont je n'ai pas gardé les noms.<br />
Moi-même et dame Théophanie, mon épouse, accompagnés de quelques gens de ma domesticité, voulûmes faire<br />
une traversée par le port de mer nommé Lomber, au diocèse de Vannes, et, à cause du danger que présentait la mer, j'ai<br />
envoyé devant sur un bateau mon palefroi avec un valet, et j'ai placé devant les yeux du palefroi un petit manteau pour<br />
l'empêcher d'être troublé par la houle. Nous nous trouvions en mer à bord du bateau à une grande distance de la terre,<br />
dans un passage très périlleux où les marins devaient tirer deux ou trois bordées avant d'aller plus loin. Or le palefroi<br />
prit peur et se précipita dans la mer, et le valet avec lui. Devant cet accident j'ai tout de suite invoqué dom <strong>Yves</strong><br />
comme ceci : «Saint <strong>Yves</strong>, je te recommande mon valet et mon palefroi pour que tu me les conserves». L'invocation<br />
faite, le valet qui était tombé à la mer, apparut flottant à la surface des eaux. Les matelots lui tendirent un aviron ; il<br />
l'agrippa, et les matelots le hissèrent et le déposèrent à bord du bateau. Quant au palefroi, que la marée descendante<br />
emportait vers le large, il fit volte face contre les vagues, le vent et les courants contraires, malgré le petit manteau<br />
qu'il gardait sur les yeux et qui l'incommodait beaucoup en face des navires ; et il vint vers moi dans le port d'où il était<br />
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parti. A la vue de ce miracle, ma femme et moi, et tous nos autres gens, avec notre palefroi nous sommes allés en<br />
pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong>. Le palefroi lui-même est entré aussi vite qu'il a pu dans l'église de Tréguier où<br />
repose le corps de saint <strong>Yves</strong>, et tout le temps qu'il y est resté il n'a pas cessé de hennir comme pour remercier, alors<br />
que ce jour-là, quand on le menait, il ne hennissait pas et que par ailleurs il n'était pas dans ses habitudes de hennir. J'ai<br />
la ferme conviction, et c'est de notoriété publique, que si mon valet et mon palefroi ont échappé au danger de la<br />
noyade, ils le doivent à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Assistaient à l'événement des familiers, les marins dont j'ai oublié<br />
les noms et mon épouse. Quant à la date je ne m'en souviens pas, pas plus que du nom du valet ni de son lieu<br />
d'origine...»<br />
TEMOIN 149<br />
Conan de Gorsabaz, de la paroisse de Saint Quay, âgé de 60 ans et plus...<br />
« Deux ans ou environ avant la mort de dom <strong>Yves</strong>, un jour, je ne sais plus lequel, je suis allé le voir dans son église<br />
de Louannec. J'y avais mangé et bu, et sur les entrefaites sont arrivés ensemble beaucoup de pauvres, il y en avait 24 et<br />
plus, j'en suis sûr, pour recevoir de dom <strong>Yves</strong> une aumône. Il partit acheter du pain, et n'en trouva qu'un de deux<br />
deniers. Il le prit : «Tant qu'il durera, dit-il, je le partagerai, et que Dieu supplée au reste !». Il en donna à tous les<br />
pauvres et il en distribua à chacun une quantité telle qu'il n'aurait pas dû y en avoir pour douze, étant donné ce qu'il<br />
donnait à chacun. Je crois que s'ils étaient venus plus nombreux le même pain aurait suffi à tous. Je ne me souviens ni<br />
du mois ni du jour ni du nom des pauvres. Et j'ai la ferme conviction qu'il y a là un miracle...»<br />
Ollivier Lannuic, de la cité de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
TEMOIN 150<br />
« Il y a quelque temps, puisque dom <strong>Yves</strong> était encore en vie, nous couchions lui et moi souvent dans la sacristie de<br />
l'église de Tréguier, moi en hauteur sur des sortes de portes et lui en bas par terre. Une nuit, je ne me rappelle plus<br />
laquelle, j'entendis un grand vacarme, comme si c'était le tonnerre, si formidable qu'il me sembla que toute l'église<br />
dégringolait. J'avais tellement peur que je n'osais pas crier, et je me mis tout entier sous les couvertures. Dom <strong>Yves</strong><br />
m'appela et me dit de me lever, que nous irions tous les deux voir ce qui se passait. Sortant de la sacristie nous nous<br />
dirigeâmes ensemble tous les deux, munis d'une lumière, vers le sépulcre ou la tombe qui se trouvait devant le maîtreautel.<br />
Et je restai là sur son ordre. Quant à lui il se rendit alors à l'endroit où l'on gardait les reliques. Là dom <strong>Yves</strong> et<br />
quelqu'un d'autre se mirent à converser entre eux, <strong>Yves</strong> très humblement, et l'autre avec assurance, mais je ne<br />
comprenais pas ce qu'ils disaient ; je n'entendais que le bruit des voix. Quand ils eurent beaucoup prié, dom <strong>Yves</strong><br />
revint et me dit : «Allons nous reposer ; on a fait la paix», avec interdiction de révéler à quiconque ce que j'avais vu et<br />
entendu. J'ignore qui parlait avec dom <strong>Yves</strong>, car personne d'autre n'était resté et ne se trouvait dans l'église à part dom<br />
<strong>Yves</strong> et moi. J'ai la ferme conviction qu'il s'agissait du Bienheureux Tudual, car c'est à l'endroit où reposent ses<br />
reliques que dom <strong>Yves</strong> se rendit.<br />
Une autre fois alors que je faisais tinter les cloches, j'ai vu une colombe resplendissante, et l'éclat de sa lumière<br />
éclairait toute l'église, depuis la sacristie où dom <strong>Yves</strong> était resté jusqu'à l'autel. Du coup, j'ai cessé de sonner et suis<br />
allé voir ce qui se passait. Immédiatement colombe et clarté ont disparu. Matines achevées, dom <strong>Yves</strong> m'a demandé<br />
pourquoi j'avais si peu sonné. Dans ma réponse je lui ai raconté l'événement. Il m'a défendu alors de révéler cela à<br />
quiconque...»<br />
TEMOIN 151<br />
Guillaume Ballech, paroissien de Kerrien, diocèse de Quimper, âgé de 60 ans ou environ...<br />
« J'étais alors perclus d'une jambe ; elle se tenait contre ma cuisse, et j'étais incapable de l'étendre. Je marchais donc<br />
avec échasses et béquilles. Passant par la cité de Tréguier et ne trouvant personne pour me donner l'hospitalité pour<br />
l'amour de Dieu, je suis arrivé à la maison de dom <strong>Yves</strong> à Ker Martin. Il manifesta une grande joie à me recevoir,<br />
joignit les mains, les leva au ciel et me dit : «Béni soit Dieu qui m'a envoyé un messager !». Tout de suite on a dressé<br />
la table, et il m'a servi du pain, du potage et de l'eau. Dom <strong>Yves</strong> a mangé avec moi du pain grossier seulement et il a bu<br />
de l'eau fraîche. Le soir, il m'a fait coucher dans un lit, le lendemain j'ai pris la liberté de m'en aller. Je ne me trouvais<br />
pas loin de la ville de La Roche Derrien, tout près d'une chapelle, quand je vis dom <strong>Yves</strong>. «Pourquoi t'être retiré<br />
comme ça ?» me dit-il, et il m'a donné deux deniers. Il est entré dans la chapelle et il y a célébré la messe devant moi<br />
et en présence de nombreuses personnes que je ne connaissais pas. A l'élévation du Corps du Christ, j'ai vu un éclair<br />
tourner rapidement autour du calice, si vite que je n'ai pas pu le fixer. L'élévation finie, l'éclair disparut. Au mois de<br />
septembre il y a eu 30 ans de cela. Du jour je ne me souviens plus ; de ceux qui étaient là non plus.<br />
Après la mort de dom <strong>Yves</strong> j'entendis parler des miracles que Dieu accomplissait par lui, et je me souvins de<br />
l'hospitalité qu'il m'avait donnée. Alors je l'invoquai et me vouai à lui en ces termes : «Je me voue au Seigneur saint<br />
<strong>Yves</strong>, et je promets d'être son homme et de lui faire offrande de six deniers par an pour ma guérison». A peine avais-je<br />
dit cela qu'une lueur soudaine m'entoura, et je fus réchauffé au point de transpirer. Dès que j'eus fini de transpirer, je<br />
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me sentis devenir plus léger, j'étendis ma jambe paralysée et redressai mes pieds. Abandonnant mes béquilles, je<br />
marchai, de bonne humeur, en bonne santé, droit sur mes jambes et pleinement guéri. J'ai la ferme conviction, et c'est<br />
de notoriété publique, que je dois ma guérison à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et à ses mérites. Cela m'est arrivé près de<br />
La Rochelle, au diocèse de Saintes, par où je passais pour me rendre en pèlerinage à Saint Jacques il y a 23 ans et plus.<br />
Je n'ai aucun souvenir ni du jour ni du mois, et il n'y avait aucun témoin. Je suis resté ainsi perclus, au su et au vu de<br />
tous sept ans et plus...»<br />
Nous l'avons vu marcher en bonne santé.<br />
TEMOIN 152<br />
Guillaume de Quaranson, paroissien de Louannec, âgé de 60 ans ou environ...<br />
« C'était à une époque où une très grande disette sévissait en Bretagne. Dom <strong>Yves</strong> m'invita à manger avec quelques<br />
autres. Au moment où nous voulûmes nous mettre à table, il n'y avait dans la maison qu'un seul pain. De ce pain il<br />
donna quatre aumônes à des pauvres. Cela déplut beaucoup à son vicaire au point qu'il nous dit à moi et aux autres<br />
convives : «Si vous ne l'empêchez pas, il va donner tout le pain, et il ne nous restera ensuite rien à manger» - «Nous ne<br />
l'en empêcherons certainement pas, lui répondîmes-nous». - «N'ayez pas peur, dit dom <strong>Yves</strong> au vicaire ; vous aurez<br />
une bonne part ; et nous ferons ce que bon nous semble». Et il lui donna la moitié de tout le pain qui restait. Le prêtre<br />
mit alors son pain sur la planche où l'on rangeait les coupes. Puis il se mit à dresser la table et voulut prendre son pain.<br />
Mais il ne le trouva pas. Il crut alors qu'un des invités l'avait pris, et il se fâcha. «Vous avez mal agi, nous dit-il, d'avoir<br />
pris mon pain». Dom <strong>Yves</strong> et nous, nous lui dîmes que nous ne l'avions pas pris. Et en réalité nous ne l'avions pas fait.<br />
Le prêtre en colère se retira dans sa maison qui était attenante. Il venait de partir quand se présenta une petite femme,<br />
toute semblable à une naine, qui se tenait à la porte de la pièce où nous mangions. Elle frappa en disant : «Ouvrez !».<br />
On ouvrit, elle entra, transportant sur sa tête, roulés dans un linge, trois gâteaux ou fouaces. «D'où vient ce pain, lui<br />
demandâmes-nous ?» - «J'ai entendu dire que vous ne trouviez pas de pain à manger, et je vous en ai apporté». Alors<br />
nous en avons mangé tout en en gardant pour le prêtre qui s'était retiré, lequel revint et mangea avec nous. Tout en<br />
mangeant nous eûmes cette réflexion : «II serait bon de donner de ce pain à la femme qui l'a apporté». Et comme nous<br />
cherchions à lui en donner, nous ne la trouvâmes pas, et nous ne l'avions pas vue sortir de la maison. Ni moi ni les<br />
autres, jamais nous n'avions vu cette femme ailleurs, ni par la suite. Cela se passa six ans avant la mort de dom <strong>Yves</strong>,<br />
ou peu s'en faut. Et 27 ans ou environ se sont écoulés depuis cette mort. Mais je ne me souviens plus du tout du mois<br />
et du jour où ces choses-là sont arrivées. Etaient là, invités avec moi, Hamon de Grosguier, mon oncle, et deux autres<br />
dont je ne me rappelle pas les noms. Le prêtre s'appelait Guillaume de Trahas, de la paroisse de Kermaria et de<br />
Louannec. Nous étions à Louannec dans la maison de dom <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 153<br />
Hamon deReger, de la paroisse de Ploeymiam (peut-être Ploumilliau ?), diocèse de Tréguier, âgé de 75 ans...<br />
« J'ai vu dom <strong>Yves</strong>, j'ai eu connaissance de sa vie et de son comportement, pendant les dix années qui ont précédé<br />
sa mort, et pendant cette période-là j'ai vécu à ses côtés en de multiples occasions et fréquemment. Et durant la période<br />
que j'ai passée près de lui je l'ai vu à de fréquentes reprises distribuer ses biens aux pauvres et aux religieux mendiants.<br />
Je l'ai vu aussi bien souvent prêcher la parole de Dieu, la foi catholique, les sept vertus et les œuvres de la miséricorde,<br />
entendre les confessions, célébrer des messes, accomplir d'autres bonnes œuvres et faire des sermons, si bien que<br />
communément et publiquement on l'appelait le saint prêtre. Il couchait, disait-on, tout habillé et tout chaussé à même<br />
la terre. Il mettait comme vêtement un surcot, une cotte et un chaperon de gros burell, et comme chemise une grosse<br />
toile de filasse. C'est ce que j'ai vu, vivant à ses côtés, et par-dessous, à ce qu'on disait publiquement, il portait un<br />
cilice, mais si bien dissimulé qu'il ne pouvait être vu de personne.<br />
C'était l'époque où sévissait en Bretagne une grande disette. Je ne me souviens ni de l'année ni du jour. Mais cette<br />
disette était si rigoureuse que beaucoup de pauvres manquaient totalement de pain et mangeaient de la terre. Je me<br />
rendis au presbytère de Louannec, dont le recteur était dom <strong>Yves</strong>, dans le but de le voir et de lui faire visite. La messe<br />
célébrée, dom <strong>Yves</strong> m'invita à déjeuner. Je gagnai donc sa maison pour prendre ce repas. De nombreux pauvres le<br />
suivaient. Il prit un pain, le seul qu'il avait, et le rompit pour le distribuer aux pauvres. Ce que voyant, feu Guillaume<br />
Dyvias, un prêtre qui était son vicaire, exprima très fort son mécontentement. «Vous avez tort, lui dit-il, de donner la<br />
pain ; cela fait deux jours que je n'en ai pas eu à manger». Dom <strong>Yves</strong> qui avait déjà, me semble-t-il, distribué le tiers<br />
aux pauvres lui répondit : «Vous ne savez pas ce que vous dites ni ce que vous faites. Vous allez avoir la moitié du<br />
pain entier ; mes compagnons et moi nous aurons le reste». Il donna donc la moitié à ce prêtre, qui la prit, la posa sur<br />
une planche et s'en alla. Cette moitié de pain il ne put ni là ni ailleurs la retrouver. Et dom <strong>Yves</strong> et moi, nous nous<br />
mîmes à table ; on apporta devant nous seulement le pain qui nous était réservé. Alors on entendit frapper à la porte ;<br />
je me levai sur l'invitation de dom <strong>Yves</strong> pour voir ce que c'était. J'allais à la porte et trouvai là une femme de petite<br />
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taille, on eût dit une naine, qui portait sur sa tête trois pains ou fouaces, enveloppés dans une petite serviette. Je lui<br />
demandai ce qu'elle voulait et ce qu'elle portait. «J'ai entendu dire, répondit-elle, que dom <strong>Yves</strong> n'avait pas de pain et<br />
n'en trouvait pas à acheter. Alors je lui en apporte». Je transmis la chose à dom <strong>Yves</strong> qui fit cette réponse : «Laissez-la<br />
venir ; laissez-la entrer». Elle vint à l'intérieur. Je reçus les trois pains, dans la serviette, les posai sur la table et fis<br />
asseoir la femme auprès de moi. Sur les entrefaites arriva le prêtre dom Guillaume qui ferma la porte derrière lui. La<br />
femme était toujours là, assise à mes côtés. Au bout d'un moment je voulus donner de ce pain à la femme, que je<br />
croyais assise à mes côtés. Or je ne trouvai ni elle ni la serviette, et je ne m'étais pas rendu compte de son départ. Pour<br />
le coup j'eus la ferme conviction qu'elle avait disparu par miracle. Tous les assistants se demandèrent avec étonnement<br />
où était partie la femme, surtout qu'ils ne l'avaient pas vue se retirer. La porte était fermée en permanence : elle n'était<br />
donc pas sortie par là. Ce que voyant je dis à dom <strong>Yves</strong> : «Où est cette femme ? Où est-elle allée ?» - «Taisez-vous !<br />
Ne parlez pas, dit-il !». Cela s'est passé six années et plus avant la mort de dom <strong>Yves</strong>, et 20 (sic) années se sont<br />
écoulées depuis sa mort. Je n'avais jamais vu cette femme avant, je ne l'ai pas vue après, et je ne me rappelle pas si elle<br />
a mangé du fameux pain...»<br />
TEMOIN 154<br />
Derien de Togrum, prêtre, du diocèse de Tréguier, vicaire de l'église de Tréguier, âgé de 50 ans et plus...<br />
« Il y a bien 20 ans ou environ que j'ai vu dans l'église de Tréguier une jeune fille qui, je crois, s'appelait Catherine,<br />
de Ploujean. Je l'ai constaté de mes propres yeux : elle était impotente au point de ne pouvoir d'aucune manière se<br />
déplacer ; d'autres devaient la porter. On l'apporta dans l'église de Tréguier pour obtenir sa santé par les mérites de<br />
dom <strong>Yves</strong>, et elle y resta trois semaines ou environ ; j'en ai été témoin. Voyant qu'elle n'obtenait pas la santé qu'elle<br />
était venue chercher, je la fis ramener chez elle. Comme elle se trouvait à une demi-lieue ou environ de la cité de<br />
Tréguier, d'après ce que j'ai entendu dire, elle se mit à gémir en regardant du côté de l'église de Tréguier. «O<br />
Bienheureux <strong>Yves</strong>, dit-elle, je vais donc retourner chez moi sans avoir été guérie». Elle avait à peine fini de prononcer<br />
ces mots, qu'elle se leva, le visage réjoui : «Je suis guérie, dit-elle !» Et je l'ai vue de mes yeux revenir ensuite sur ses<br />
propres jambes dans l'église de Tréguier. Il y avait là une si grande foule de gens accourus à l'annonce du miracle que<br />
je ne me rappelle plus qui. C'est à l'église que je l'ai vue, d'abord paralysée, puis guérie. (On l'interroge ensuite pour<br />
savoir qui on a invoqué et en quels termes, il répète ce qu 'il a entendu. On lui demande combien de temps elle a été<br />
infirme : il répète qu 'il ne l'a vue que le temps qu 'elle est restée à l'église).<br />
«J'ai pourtant appris qu'elle souffrait de ce mal depuis un an et plus. Je ne la connaissais pas auparavant. Je l'ai juste<br />
connue le temps qu'elle a passé dans la cité de Tréguier...»<br />
TEMOIN 155<br />
Maurice Galle, prêtre, vicaire perpétuel dans l'église de Tréguier, âgé de 40 ans ou environ...<br />
« J'ai vu dans la cité et le diocèse de Tréguier, je veux dire dans l'église de Tréguier, un aveugle demander<br />
l'aumône, et cet aveugle a, par la suite, recouvré la vue à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Je le sais pour l'avoir vu aveugle,<br />
et bientôt après avoir constaté qu'il y voyait et qu'il s'en allait sans l'aide ni d'un chien ni de quiconque. Il y a bien dix<br />
ans de cela et c'était aux environs de la fête de la Nativité du Seigneur, soit avant soit après. Quant au jour et à l'heure,<br />
je ne sais pas. Je ne sais pas non plus en présence de qui le miracle a eu lieu, car je n'y étais pas. J'ai la ferme<br />
conviction que l'aveugle a recouvré la vue à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, car je l'ai souvent entendu crier dans l'église :<br />
«Saint <strong>Yves</strong>, rends-moi la vue».. Je ne connais pas le nom du miraculé, et je ne le connaissais pas auparavant sinon<br />
pour l'avoir vu et entendu dans l'église. Je l'ai vu à plusieurs reprises, mais combien de jours et sur quelle durée, je ne<br />
me le rappelle pas. Au bout de combien de temps a-t-il été guéri de sa cécité ? Je ne sais que ce que j'ai déjà dit. D'où<br />
était-il originaire ? Je l'ignore. Il était âgé de 60 ans ou environ ».<br />
…/…<br />
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… / …
TEMOIN 156<br />
Olivier Lannuc, de la cité de Tréguier, sonneur de cloches dans l'église de Tréguier, jusqu'à il y a deux ans, âgé de 60<br />
ans et plus...<br />
« J'ai vu dans la cité de Tréguier un aveugle qui demandait l'aumône de porte à porte, guidé par un chien. Cet<br />
aveugle a recouvré la vue à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. J'ai commencé par voir cet homme dans la cité et l'église de<br />
Tréguier alors qu'il était aveugle, et par la suite j'ai constaté qu'il voyait. Voilà ce que je sais. Le miracle a eu lieu en<br />
hiver aux environs de la Nativité du Seigneur, je crois. Je pense que c'était au mois de janvier. Je n'ai aucun souvenir<br />
du jour. Il y a bien dix ans de cela ou environ. C'était à l'heure de prime et dans l'église de Tréguier. Etaient présents,<br />
outre moi, Hervé de Goëlo qui demeurait dans la cité de Tréguier, Rivallon, fils de Théophanie, de la même cité,<br />
Derien Tergrum et dom Maurice Engelletaync, gardien des reliques de Tréguier. Tels furent les témoins du miracle, et<br />
plusieurs autres dont je ne me rappelle pas les noms. L'aveugle a recouvré la vue à l'invocation de dom <strong>Yves</strong> en disant<br />
à peu près les paroles suivantes : «Saint <strong>Yves</strong>, rends-mois la vue». Je sais qu'il a dit cela, car ceux qui comprenaient le<br />
dialecte du miraculé le rapportaient, et j'étais là, l'entendant parler et les mains jointes. Je ne le connaissais pas<br />
auparavant ; j'ai fait sa connaissance quand je l'ai vu dans la cité et dans l'église de Tréguier. Je l'ai vu aveugle pendant<br />
trois bonnes semaines ou environ avant sa guérison. A part cela, j'ignore combien de temps il a été aveugle. J'ignore<br />
d'où il était originaire. J'ai entendu plusieurs dire qu'il était du côté du diocèse de Limoges. Je pense qu'il avait 60 ans<br />
ou environ, d'après son apparence physique...»<br />
TEMOIN 157<br />
Pétronille Alain Fabre, âgée de 41 ans ou environ, citoyenne de Tréguier...<br />
« J'ai vu dans la cité de Tréguier quelqu'un qui était aveugle et qui par la suite, à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>, est<br />
devenu voyant. Je sais qu'il était aveugle, car je le voyais quêter son pain, se faire conduire comme un aveugle, et tous<br />
ceux qui le voyaient le considéraient comme un aveugle. Cela s'est passé sept semaines ou environ après la mort de<br />
dom <strong>Yves</strong>, et 27 ans se sont écoulés depuis cette mort. Mais je ne me souviens ni du jour ni du mois. L'événement a eu<br />
lieu dans l'église de Tréguier sur le tombeau de dom <strong>Yves</strong>. Etaient présents quand il a recouvré la vue, une grande<br />
foule de gens dont je ne me rappelle pas les noms. Je n'étais pas là pour entendre qui on a invoqué ni en quels termes,<br />
mais j'ai entendu dire, et c'est notoire, que cet aveugle était venu à l'église pour être guéri par le Bienheureux <strong>Yves</strong> de<br />
sa cécité, et on m'a rapporté qu'on lui avait dit : «Si tu veux être guéri, pose ta tête sur le tombeau de dom <strong>Yves</strong>». Il l'a<br />
fait ; il a été guéri, et je l'ai vu moi-même guéri. Il s'appelait Guy, fils de Hamon, de la paroisse de Langoat. Je ne le<br />
connaissais pas auparavant. Je l'ai vu aveugle plusieurs jours, mais je ne saurais dire exactement combien. Combien de<br />
temps il est resté aveugle, au su et au vu de tous, je ne sais rien d'autre. Je sais qu'il a recouvré la vue, puisque j'ai<br />
constaté qu'il voyait et qu'il se déplaçait par la suite sans aucun guide à travers la ville. J'ai la ferme conviction qu'il a<br />
reçu l'usage de ses yeux à l'invocation et à cause des mérites de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
Le même témoin ajoute :<br />
« J'ai encore vu un autre aveugle qui par la suite a recouvré la vue grâce aux mérites de dom <strong>Yves</strong>. Aveugle, il<br />
l'était puisque c'était un chien qui le conduisait, sous mes yeux, à travers la ville de Tréguier. Et il a bien recouvré la<br />
vue, je le sais, car j'ai constaté qu'il voyait et qu'il ne se servait plus du chien qui l'avait guidé en ville ; d'ailleurs ce<br />
chien y est resté, tandis que lui s'en est allé sans personne pour le conduire. Plusieurs personnes dont je n'ai pas gardé<br />
les noms m'ont dit qu'il était parti après sa guérison. Par ailleurs je ne sais rien de lui...»<br />
TEMOIN 158<br />
Daryen Rachel, citoyen de Tréguier, âgé de 60 ans et plus...<br />
« J'ai vu un homme, différent des précédents, aveugle, et par la suite j'ai constaté qu'il voyait. J'ai la ferme<br />
conviction, car on le disait communément, c'était de notoriété publique, et ça l'est toujours, qu'il a recouvré la vue à<br />
l'invocation de dom <strong>Yves</strong> et en vertu de ses mérites ; et il voyait clair. Je n'ai pas souvenir de la date. Mais je crois qu'il<br />
a été aveugle onze ans et plus, avant sa guérison. Je savais qu'il était aveugle à ceci qu'un chien le conduisait, et qu'il<br />
marchait comme un aveugle. Par la suite j'ai constaté qu'il n'avait ni chien ni qui que ce soit en fait de guide pour aller<br />
et venir : il distinguait tout seul clairement les choses. Je ne connais ni son nom ni son lieu d'origine, mais j'ai entendu<br />
dire qu'il était du côté de Roc Amadour...»<br />
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Jean Raoul, citoyen de Tréguier, âgé de 60 ans et plus...<br />
TEMOIN 159<br />
« J'ai vu et connu Guy, fils d'Omensie, originaire de la paroisse de Langoat, aveugle depuis un certain temps. Par la<br />
suite j'ai constaté qu'il était guéri de sa cécité et qu'il voyait. Vingt-cinq ans et plus se sont écoulés depuis. Pour ce qui<br />
est de l'invocation et des termes de cette invocation, j'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique,<br />
qu'on a invoqué saint <strong>Yves</strong>. J'ai vu cet homme quinze jours et plus avant sa guérison. Ensuite je l'ai vu une année et<br />
plus : il allait sans guide, il voyait, il distinguait par lui-même les choses et les couleurs. Or auparavant il était bien<br />
aveugle, car c'était un autre qui le conduisait, et pour ceux qui l'observaient il était manifestement aveugle.<br />
J'ai encore vu un autre aveugle, et j'ai constaté par la suite qu'il était guéri de sa cécité, qu'il voyait. J'ai la ferme<br />
conviction, car on le disait communément, et ce fut et c'est de notoriété publique, qu'il a recouvré la vue à l'invocation<br />
de saint <strong>Yves</strong> et à cause de ses mérites. Je n'ai pas souvenir de la date, mais je crois que onze ans et plus se sont<br />
écoulés depuis. Je l'ai vu aveugle quinze jours et plus. Il était conduit par un chien ; il se déplaçait comme un aveugle :<br />
c'est à cela que je savais qu'il était aveugle. Par la suite j'ai constaté qu'il allait sans chien et sans autre guide ; il voyait<br />
et distinguait par lui-même les choses et les couleurs : je savais donc qu'il était guéri. J'ignore son nom et son origine ;<br />
on disait pourtant qu'il était du côté de Roc Amadour...»<br />
TEMOIN 160<br />
Hervé Glovie, paroissien de Tréguier, âgé de 50 ans et plus...<br />
« C'était un homme que l'on disait originaire de la région de Roc Amadour ; il était aveugle, et pour obtenir la vue,<br />
il était venu en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong>. C'est là qu'il a recouvré la vue. Au mois de janvier, onze ans et<br />
plus se sont écoulés depuis ce temps-là. Je ne me rappelle pas le jour. J'étais présent là avec beaucoup d'autres dont je<br />
ne me souviens pas. Cela se passait dans l'église de Tréguier près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>. Et c'est saint <strong>Yves</strong> qu'on a<br />
invoqué en ces termes : «O saint <strong>Yves</strong>, je me dévoue à vous, et je vous demande de me rendre la vue». Il était, comme<br />
j'ai dit, originaire de Roc Amadour. Je n'ai pas souvenir de son nom. Combien de temps était-il resté là au su et au vu<br />
de tous ? Je l'ai vu aveugle quinze jours, mais j'ignore depuis combien de temps il était aveugle, car c'était un étranger,<br />
et il venait d'ailleurs. Mais je sais qu'il était aveugle, car c'était évident, et il se faisait conduire par un chien. Dès qu'il a<br />
recouvré la vue, il a abandonné le chien. La preuve de sa guérison, je l'ai dans le fait que j'ai constaté qu'il voyait et<br />
qu'il distinguait les choses et les couleurs...»<br />
Autre témoignage du même :<br />
« J'ai vu encore un certain <strong>Yves</strong>, nommé Guy, paroissien de Langoat, d'où il était originaire, âgé de 12 ans ou<br />
environ. Il était aveugle, et il a recouvré la vue dans l'église de Tréguier, près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>, l'année où<br />
saint <strong>Yves</strong> est mort, au mois de juillet, un dimanche, en ma présence et en présence de beaucoup d'autres dont je ne me<br />
souviens pas. Depuis la mort de dom <strong>Yves</strong> 27 ans ou environ se sont écoulés. Je ne sais pas quelle invocation on a<br />
faite ni en quels termes, car je ne l'ai pas entendue. Mais il était venu au tombeau de saint <strong>Yves</strong> en pèlerin pour obtenir<br />
la vue. C'était aussi ce que disaient ceux qui l'avaient amené. J'ai vu l'aveugle avant sa guérison l'espace de trois<br />
semaines. Et il était aveugle, je le sais, car cela apparaissait manifestement. Et par la suite j'ai constaté qu'il distinguait<br />
les choses et les couleurs ; et j'ai la ferme conviction, et c'était et c'est de notoriété publique que les aveugles que j'ai<br />
cités ont recouvré la vue à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites...»<br />
TEMOIN 161<br />
Alain de Landouézeg, paroissien de Plounez, diocèse de Saint-Brieuc et originaire de cette paroisse, âgé de 60 ans ou<br />
environ...<br />
« Je me trouvais en mer dans un bateau avec Geoffroy Guillot Bihan, Richard Guillot Bihan, Hamon fils de Scoben<br />
et Richard Guillot Bras. Nous étions à un jet de baliste et plus de la terre quand le courant nous poussa contre un<br />
rocher où le bateau se brisa. Je vis tout de suite ce malheur et me vouai à saint <strong>Yves</strong> en breton en ces termes : «Sant<br />
Erwan, me en em ro deoc'h, evit ma plijo ganeoc'h va degas d'ur gwir gofezion, ha va zennan eus an danjer-man, hag<br />
e prometan profan deoc'h pevar diner bep bloaz» (Saint <strong>Yves</strong>, je me remets à vous pour que vous me fassiez parvenir à<br />
une vraie confession et que j'arrive à échapper à ce danger, et je promets de vous régler chaque année quatre<br />
deniers). Sur le champ le bateau s'est dispersé en morceaux, et je suis tombé au fond de la mer. Et de l'eau de mer<br />
m'est entrée par la bouche et la poitrine jusqu'aux entrailles, et je ne me suis pas rendu compte d'autre chose. Par la<br />
suite la mer m'a ramené à la surface. Alors, dans cette situation, flottant sur l'eau, j'ai réitéré le vœu que j'avais fait, et<br />
immédiatement est remontée du fond de la mer une planche de mon bateau. Je m'en suis saisi et me suis maintenu<br />
dessus. C'est ainsi que j'ai tenu à flot sur la mer depuis l'heure de none, ou environ, jusqu'au coucher du soleil. Alors<br />
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sont arrivés Jean Kanig, de la paroisse de Pleumeur-Gautier, et Alain Seven André Bras, de la paroisse de Plounez,<br />
lequel vit toujours, je crois. Ils étaient dans un canot ; ils me saisirent et me déposèrent dans ce canot et me<br />
conduisirent au port. J'ai la ferme conviction, et telle fut et telle est la rumeur publique, que je dois à l'invocation de<br />
saint <strong>Yves</strong> et à ses mérites d'avoir échappé comme cela au danger de la noyade. Par contre Richard Guillot Bihan,<br />
Geoffroy Guillot Bihan et Hamon fils de Scoben se sont noyés. Mais Richard Guillot s'est sauvé, et, je crois, grâce aux<br />
prières et aux mérites de saint <strong>Yves</strong>. Par la suite en effet il m'a dit s'être voué à lui à ce moment-là. Depuis, au bout de<br />
quelques années il est mort. Vers la mi-juillet il y a eu 16 ans ou environ que ces faits se sont produits, mais je n'ai plus<br />
le souvenir ni de la semaine ni du jour...»<br />
TEMOIN 162<br />
Hervé Golien, paroissien de l'église de Tréguier, originaire de la paroisse de Plounez, âgé de 50 ans et plus...<br />
« J'étais perclus de la jambe gauche pour cause de goutte et autres maladies qui s'y étaient mises, au point que je ne<br />
pouvais pas retendre, mais que je la tenais toujours repliée et pour ainsi dire collée contre ma cuisse. Il me fallait deux<br />
bâtons pour me déplacer. Je me suis voué à saint <strong>Yves</strong> pour recouvrer ma santé. Comme je me tenais près de son<br />
tombeau dans l'église de Tréguier et que je m'étais endormi, j'entendis une voix qui semblait sortir du sépulcre et qui<br />
me disait : «Si tu viens offrir deux cierges à mon tombeau, tu seras guéri !». Le lendemain je me suis mis à quêter de<br />
porte en porte pour avoir de quoi payer les deux cierges, et je les ai offerts au tombeau. Le jour suivant, alors qu'on<br />
célébrait la grand-messe et que je me trouvais près du tombeau, j'ai étendu ma jambe repliée : j'étais rendu à la santé,<br />
guéri de mon infirmité et de la goutte dont je souffrais. Tout de suite je me suis mis droit sur mes pieds et j'ai marché<br />
tout seul, sans bâton ni personne pour m'aider. Cela s'est passé dans les trois semaines après la mort de saint <strong>Yves</strong>, il y<br />
a 27 ans ou environ, aux alentours de la fête de la Bienheureuse Marie Madeleine, mais je ne me souviens ni du jour ni<br />
du mois. Etaient présents Olivier Lanuic, Laurent Le Saint, Laveneze fille Constan, <strong>Yves</strong> Glyoen, et beaucoup<br />
d'autres. J'avais cette infirmité depuis deux ans au su et au vu de tous. J'ai la ferme conviction, et cela fut et demeure<br />
de notoriété publique que c'est à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et à cause de ses mérites que j'ai recouvré la santé...»<br />
Et nous l'avons vu bien rétabli marcher par lui-même correctement et sans bâton.<br />
TEMOIN 163<br />
Urou Lenperele, citoyen de Tréguier, âgé de 60 ans et plus...<br />
« J'ai vu et connu Hervé Goloien, le témoin immédiatement précédent, perclus de la jambe gauche pour cause de<br />
goutte et autres maladies qui s'y étaient mises. Il ne pouvait étendre cette jambe mais il la tenait comme collée contre<br />
sa cuisse. Il lui fallait deux bâtons ou échasses pour se déplacer. Je l'ai vu bien des fois se tenir près du tombeau<br />
d'<strong>Yves</strong>, à l'invoquer et à se vouer à lui pour qu'il lui donne la santé. Après un court laps de temps je l'ai constaté en<br />
bonne santé, guéri de son infirmité : il se promenait, se tenait droit par lui-même, sans bâton. J'ai la ferme conviction,<br />
et cela fut et reste de notoriété publique, qu'il a dû à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> d'avoir recouvré la santé...»<br />
TEMOIN 164<br />
Amon, veuve de Guillaume David, paroissienne de Plouaret, diocèse de Tréguier, âgée de 70 ans et plus...<br />
« J'étais paralysée des mains, des bras, des pieds et des jambes au point d'être incapable de me mettre debout, et de<br />
marcher, et d'ouvrir les mains, et d'étendre les jambes et les bras. J'étais donc nourrie et portée par d'autres. Or, je me<br />
suis mise à invoquer saint <strong>Yves</strong>, de plus en plus souvent, répétant l'invocation par intervalles, à de nombreuses<br />
reprises, et j'ai étendu mes bras et mes jambes, j'ai ouvert mes mains, j'ai recouvré pleinement la santé. Depuis le<br />
temps où j'invoquais ainsi saint <strong>Yves</strong>, 14 ans ou environ se sont écoulés. Cela s'est passé dans ma maison de Plouaret,<br />
et dans l'église de Tréguier au tombeau de saint <strong>Yves</strong>, où l'on m'a portée en pèlerinage pour obtenir ma guérison. Mais<br />
c'est dans ma maison, à Plouaret que j'ai été rendue à la santé et guérie. Il y a 14 ans de cela, mais je n'ai gardé le<br />
souvenir ni du mois ni du jour ni des personnes présentes. J'ai invoqué saint <strong>Yves</strong> dans les termes suivants ou en des<br />
termes substantiellement voisins : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je me voue et me remets à vous, et je promets de jeûner le<br />
vendredi toutes les semaines en l'honneur de Dieu et de vous, et je promets de vous garder une part de mes oraisons et<br />
de mes aumônes tant que je vivrai, mais donnez-moi, accordez-moi la santé». Au su et au vu de tous, je suis restée<br />
infirme une année et plus. J'ai attrapé ce mal en contractant d'abord une fièvre continue ; mon infirmité s'en est suivie.<br />
Je suis originaire de la paroisse de Plouaret. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, que je dois<br />
à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> d'avoir recouvré la santé...»<br />
Pour nous, nous l'avons vue en bonne santé, et se promenant normalement.<br />
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TEMOIN 165<br />
Guillaume Tournemine, damoiseau, fils de feu Geoffroy de Tournemine, chevalier défunt, feu seigneur de La<br />
Hunaudaye, diocèse de Saint Brieuc, âgé de 28 ans ou environ...<br />
« J'ai été délivré en mer du danger de mort par noyade. Quatre ans ou environ se sont écoulés depuis. Je ne me<br />
souviens ni du mois ni du jour, mais c'était aux alentours de la fête du Bienheureux Michel. Etaient présents Pierre de<br />
Montfort, trésorier de Tréguier, et Geoffroy Arnaud, chantre, et Hervé de Quoytrevan, sacriste de ladite église, et <strong>Yves</strong><br />
de La Roche <strong>Yves</strong>, et Pierre de Kernabad, damoiseaux. Le lieu était la grève d'Hillion près de Saint-Brieuc, où la mer<br />
monte et descend deux fois dans une journée, ou trois fois. C'est le Bienheureux <strong>Yves</strong> que j'ai invoqué. Voici comment<br />
c'est arrivé : le chantre et moi nous précédions ceux que j'ai nommés plus haut. Nous voyions venir la mer ; aussi<br />
voulions-nous faire route plus vite, si bien que je suis tombé avec mon cheval dans une fosse. Quelque temps après, je<br />
me suis remis debout avec mon cheval, et j'ai cru atteindre le bord. C'est alors que la terre a cédé sous les pieds de mon<br />
cheval et que je suis retombé dans la mer avec ma monture ; je me suis remis à cheval, et je me suis remis debout, et<br />
j'ai cru comme l'autre fois gagner le bord ; et me voilà de nouveau tombé à l'eau avec mon cheval, comme<br />
précédemment ; et de nouveau sur mon cheval qui nageait j'ai pensé gagner le bord. C'est à ce moment-là que je me<br />
suis vu séparer de mon cheval et que je suis allé jusqu'au fond de la mer. Alors, comme je me trouvais donc au fond de<br />
la mer, je me suis voué dans mon cœur à Dieu et à saint <strong>Yves</strong>, et tout de suite la mer m'a propulsé à la surface, où je<br />
me suis trouvé à côté de mon cheval qui nageait. J'ai pensé saisir mon cheval ; lui et moi nous sommes descendus au<br />
fond de la mer. Quelque temps après, je ne sais comment, je me suis trouvé en croupe. J'ai tenu la selle de mes mains ;<br />
le cheval en nageant m'a transporté sain et sauf à la côte. J'ajoute que je n'ai pas bu une goutte d'eau, que j'ai perdu le<br />
manteau et le faucon et le leurre et la trompe que j'avais avant la chute. J'ai la ferme conviction que je me suis trouvé<br />
en danger le temps d'une demi-lieue, et aussi que Dieu m'a délivré de ce danger en raison des mérites et des prières de<br />
dom <strong>Yves</strong>. Je suis sorti de la mer en bonne santé, et le jour même j'ai fait quatre lieues ou environ à cheval...»<br />
TEMOIN 166<br />
Hervé de Quoytrevan, sacriste de l'église de Tréguier, âgé de 50 ans ou environ...<br />
« J'ai vu Tournemine et son cheval tomber dans la mer et se trouver en grave danger de périr noyés par les flots de<br />
la mer qui les recouvraient, si bien que seul un miracle pouvait les tirer de là. Remarquant cela, Pierre de Montfort,<br />
trésorier de l'église de Tréguier, Geoffroy Arnaud, chantre de la même église et moi qui étions présents, nous nous<br />
rendîmes compte que la marée montante nous empêchait de les aider et que même notre propre sort était douteux.<br />
Alors nous avons fui à toute vitesse, tout en invoquant saint <strong>Yves</strong> en ces termes : «Saint <strong>Yves</strong>, aide-le», et nous avons<br />
fait à plusieurs reprises cette invocation. Peu de temps après j'ai vu Guillaume venir, au-dessus de l'eau, jusqu'à la côte.<br />
J'ai la ferme conviction, et telle fut et telle est la rumeur publique, que Guillaume a échappé au danger de la noyade à<br />
l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites...». Interrogé sur l'époque, le lieu, et les autres circonstances, il a fait<br />
la même déposition que Guillaume, le témoin précédent.<br />
TEMOIN 167<br />
Jeanne, fille de Geoffroy de Vou, paroissienne de Pleubian, âgée de 50 ans et plus...<br />
«Mon fils Jean, alors âgé de un an et demi, tomba dans la fontaine qui se trouve près de ma maison. Il s'y noya et<br />
mourut. Derian, mon fils, l'en retira et me le donna après l'avoir sorti. Moi, le voyant mort, je le vouai à saint <strong>Yves</strong> en<br />
ces termes : «Saint <strong>Yves</strong>, je vous dévoue mon fils pour un cierge par an, pour que vous lui rendiez la vie et pour que<br />
vous fassiez en lui un miracle». A peine avais-je fait ce vœu par l'invocation que j'ai dite, que le garçon revint à la vie,<br />
et il vit toujours. A la fin du mois d'avril sept années se sont écoulées depuis cet événement. Je ne me souviens pas du<br />
jour. Les personnes présentes étaient Darian, son frère aîné, Rivalon Prigence et moi, et beaucoup d'autres dont je n'ai<br />
pas gardé mémoire. L'invocation s'est faite dans les termes que je vous ai dits. L'enfant est resté dans la mort depuis<br />
l'heure de midi jusqu'à celle de none. Il avait le visage noir, il était tout entier roide et froid, à l'exception du cou qui<br />
semblait cassé : tels étaient, avec les autres, les signes montrant qu'il était mort. Il y avait en plus le fait qu'on l'avait<br />
trouvé au fond de la fontaine d'où on l'avait tiré. J'ignore combien de temps il est resté dans cette fontaine, car je n'étais<br />
pas là quand il y est tombé. La fontaine avait quatre pieds et plus de profondeur, et elle était pleine d'eau. J'ai la ferme<br />
conviction, et telle fut et telle est la rumeur publique, que mon fils Jean est mort noyé dans cette fontaine et que c'est à<br />
l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et grâce à ses mérites qu'il est revenu à la vie...»<br />
…/…<br />
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TEMOIN 168<br />
Darian Geoffroy dit Hâve, paroissien de Pleubian, âgé de 30 ans et plus...<br />
«C'est moi qui ai trouvé dans la fontaine, dont ma mère vient de parler dans sa déposition, mon frère Jean, fils de<br />
Jeanne, le témoin précédent. Il avait alors un an et demi ou environ. Il se trouvait au fond de cette fontaine, la tête en<br />
bas, noyé et mort. Je l'ai tiré de là et remis à ma mère. Dès qu'elle l'a reçu, elle a invoqué saint <strong>Yves</strong> et le lui a voué<br />
pour un cierge par an, afin qu'il lui redonne la vie. Après cette invocation et ce vœu, Jean est revenu et il vit encore.<br />
Cela se passait au mois d'avril il y a sept ans. Je ne me souviens pas du jour. Etaient présents Rivallon Prigence, ma<br />
mère Jeanne et moi, et d'autres dont je ne me souviens pas. J'ignore combien de temps il est resté dans cette fontaine.<br />
Après que l'on en a retiré à l'heure de midi, il est resté dans la mort jusqu'à l'heure de none. Il était froid, raide et pâle,<br />
et en lui n'apparaissait aucune marque de la vie : c'est à ces signes-là que je sais qu'il était mort. J'ai la ferme<br />
conviction, et telle fut et telle est la rumeur publique, que Jean est mort noyé dans la fontaine et que c'est à l'invocation<br />
de saint <strong>Yves</strong> qu'il a repris vie...»<br />
Sur la profondeur de la fontaine et sur l'eau il fait la même déposition que sa mère.<br />
TEMOIN 169<br />
Floria, épouse de J. de Grenou, de la cité de Tréguier, âgée de 50 ans et plus...<br />
« Un vendredi d'août je m'en revenais de La Roche-Derrien. Alors que je me trouvais près de l'hôpital de Tréguier,<br />
j'appris que Geoffroy Bonnio, paroissien de Plougrescant, un aveugle, était tombé dans un puits neuf, près de<br />
Lanconerie. Je suis partie bien vite en courant jusqu'au puits où se trouvait l'aveugle, et je l'ai voué à dom <strong>Yves</strong>, à<br />
genoux, en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je vous remets et vous dévoue Geoffroy l'aveugle, pour que vous lui<br />
sauviez la vie». Et sur le champ je suis allée à l'église, et j'ai offert deux deniers au tronc de saint <strong>Yves</strong>. Après quoi je<br />
suis revenue au puits et j'y ai retrouvé l'aveugle : on l'avait sorti, tout brisé, blessé à la tête, couvert de sang. Le puits<br />
était profond de sept brassées et plus, et il contenait peu d'eau. J'ai la ferme conviction, et telle fut et telle est la rumeur<br />
publique, que c'est grâce aux mérites et aux prières de dom <strong>Yves</strong> que Geoffroy a échappé au danger de mort et qu'il a<br />
été sauvé. Je crois cela pour les raisons suivantes : le puits, comme je l'ai déjà dit, était profond, et d'ailleurs un homme<br />
qui avait transporté des bruyères pour les vendre, un dimanche après la grand-messe, est tombé dedans, et il est mort<br />
de sa chute. Je l'ai vu moi-même à l'extérieur mort, il y a une année et plus, je pense. Il y aura en août prochain trois<br />
ans que le miracle a eu lieu. Je n'ai aucun souvenir de la semaine. C'était un vendredi, et l'on était à la tombée de la<br />
nuit. Le temps qu'il a passé dans le puits correspond à celui qu'on mettrait à parcourir quatre portées de balistes. Je l'ai<br />
vu dans ce puits. C'est Guillermou ar Boureo (Le Bourreau), fils Spazer qui l'en a tiré dehors. Si j'ai voué Geoffroy,<br />
c'est que la pitié m'a poussée, et puis c'était et c'est mon homme-lige, bien qu'il fût pauvre, et il logeait chez moi la<br />
nuit...»<br />
TEMOIN 170<br />
Catherine, épouse de Jean Le Gaven, originaire de Ploujean, maintenant paroissienne de Plestin, âgée de 40 ans et<br />
plus...<br />
« J'ai été perclus des mains, des bras, des pieds et des jambes au point d'être incapable de me mettre debout et de<br />
me nourrir toute seule. Mes bras se tenaient repliés l'un sur l'autre et liés ; j'avais les mains fermées sous les épaules ou<br />
les aisselles ; mes jambes restaient jointes, et je gardais les pieds l'un sur l'autre comme un crucifié. C'est dans cet état<br />
de contracture et de souffrance que, fixée sur une bête, on m'a transportée à l'église de Tréguier, au tombeau de Saint<br />
<strong>Yves</strong>. Je suis restée sept semaines ou environ dans la cité de Tréguier, et pendant ce temps je me suis vouée de plus en<br />
plus souvent à saint <strong>Yves</strong> en ces termes : «O Saint <strong>Yves</strong>, je me voue à toi, et te prie de me donner la santé». Mais<br />
environ sept semaines durant je me suis tenue là sans recouvrer la santé. On m'a placée alors, maintenue par des liens,<br />
sur un cheval, pour me rapatrier. Ainsi conduite, je suis arrivée près du Pont Losket qui se trouve à une lieue environ<br />
de Tréguier. De nouveau j'ai éprouvé à l'égard de saint <strong>Yves</strong> un grand sentiment de dévotion ; j'ai tourné mes yeux<br />
dans la direction de l'église de Tréguier, où repose le corps du saint, et, avec humilité, affection et piété, j'ai dit en<br />
breton : «O saint <strong>Yves</strong>, comment irai-je voir ma mère, infirme comme je suis ? O saint <strong>Yves</strong>, puisse-je par vous<br />
obtenir délivrance !» A peine ai-je prononcé ces mots qu'une très grande lumière m'a entourée de sa clarté, et j'en ai été<br />
réchauffée. Tout de suite, mes bras se sont trouvés libérés, mes mains se sont ouvertes, et mes pieds séparés. Je l'ai dit<br />
à Hervé, mon serviteur, aujourd'hui défunt, lui qui me ramenait à la maison. Il a immédiatement défait les liens qui me<br />
maintenaient sur le cheval, et j'ai mis pied à terre toute seule. Avec mon serviteur, alors que beaucoup de gens venaient<br />
à notre rencontre, à la nouvelle de ce miracle, rendue à la santé, pleinement guérie, je m'en suis retournée en pèlerinage<br />
au tombeau de saint <strong>Yves</strong> à pied, par mes propres moyens. Là j'ai fait l'offrande d'un cierge, tandis qu'on sonnait les<br />
cloches et que le clergé et le peuple, comme on le fait toujours en pareil cas, organisaient d'autres solennités. J'ai<br />
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ecouvré la santé il y a de cela 26 ans, le dimanche avant la fête de Tous les Saints. Etait présent mon serviteur alors<br />
vivant, aujourd'hui décédé ; mais après le miracle, beaucoup de gens que je ne connaissais pas sont accourus.<br />
(On la questionne alors sur le lieu, l'invocation, les termes employés : elle répète ce Qu'elle a déjà dit).<br />
Je suis restée infirme et percluse au su et au vu de tous une année et plus. Ce mal m'est venu de la goutte et d'autres<br />
maladies que j'avais contractées. Mes voisins m'ont vue et connue dans cet état, et de nombreuses gens, de la cité de<br />
Tréguier, et bien d'autres personnes. Je suis originaire de Ploujean. Tout cela fut et est de notoriété publique...»<br />
Et nous, nous l'avons constatée en bonne santé et l'avons vue marcher.<br />
TEMOIN 171<br />
Jean Autred, prêtre, recteur de l'église du Faouet, diocèse de Tréguier, âgé de 55 ans et plus...<br />
« J'ai vu et connu Catherine, maintenant épouse Begainion, percluse des mains et des bras, des pieds et des jambes,<br />
au point de ne pouvoir ni marcher ni se redresser, manifestement. Elle avait les bras et les tenait l'un sur l'autre unis et<br />
recourbés, les mains refermées sous les épaules ou les aisselles, les jambes jointes, les pieds l'un sur l'autre comme un<br />
crucifié. C'est dans cet état de contracture qu'on l'a transportée en pèlerinage en l'église de Tréguier, au tombeau de<br />
saint <strong>Yves</strong>, pour obtenir sa santé. Elle y a fait de multiples stations, comme je l'ai constaté bien des fois, sans recouvrer<br />
la santé. C'est lorsqu'on la ramenait à son pays qu'à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> elle s'est vue guérie. Je n'étais pas<br />
présent quand on a fait l'invocation, mais je l'ai appris de Catherine en personne et de beaucoup d'autres. Je l'ai vue<br />
infirme et percluse avant sa guérison pendant trois semaines et plus. C'est un matin (quel jour ? Je ne m'en souviens<br />
plus) que je l'ai vue pour la dernière fois souffrant de son mal, et le même jour peu de temps après je l'ai vue,<br />
pleinement guérie, marcher toute seule. Tandis qu'elle était infirme, je l'ai entendue à bien des reprises invoquer saint<br />
<strong>Yves</strong> en ces termes : «Saint <strong>Yves</strong>, donne-moi la santé !». Cela se passait, je crois, dans les deux ou trois ans qui ont<br />
suivi la mort du saint. Je n'ai plus souvenir ni du mois ni du jour. Et 20 ans se sont écoulés depuis la mort du saint, ou<br />
environ. Catherine était originaire de Ploujean. Elle avait 15 ans ou environ. Je ne la connaissais pas auparavant. C'est<br />
dans la cité et dans l'église de Tréguier que je l'ai vue malade et percluse, et par la suite guérie...»<br />
Alain Soyme, clerc, de la cité de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
TEMOIN 172<br />
« J'ai vu une femme, nommée Catherine, fille d'Autred, de Plougasnou ou de Plestin. Je crois. On l'avait amenée ou<br />
transportée à l'église de Tréguier près du tombeau de dom <strong>Yves</strong>. Et elle a été délivrée de son mal, c'est ma conviction,<br />
par les mérites et les prières de dom <strong>Yves</strong>. Je le sais pour l'avoir vue retenue dans l'église de Tréguier par son infirmité<br />
; et par la suite je l'ai vue s'en aller saine et libérée. Il peut y avoir 25 ans ou environ de cela. Je ne me souviens ni du<br />
mois ni des personnes présentes. Cependant beaucoup de gens de la cité de Tréguier ont vu ce que j'ai dit là. Quant à<br />
l'endroit de sa guérison, je crois que c'était dans le diocèse de Tréguier, à une lieue environ de la cité. Cela s'est fait à<br />
l'invocation de dom <strong>Yves</strong>. Je sais que Catherine doit sa guérison aux prières de dom <strong>Yves</strong> car je l'ai entendue plusieurs<br />
fois s'écrier en ces termes : «Saint <strong>Yves</strong>, aide-moi, et donne-moi la santé !» Cette fille ainsi guérie s'appelait Catherine.<br />
Je le sais pour l'avoir entendu appeler de ce nom-là. Je la connaissais avant sa guérison, étant donné qu'on l'avait<br />
amenée à l'église dans ce but, mais je ne la connaissais pas avant qu'on l'eût amenée. Et le laps de temps où je l'ai<br />
connue a été de deux semaines et plus. Mais j'ignore combien de temps elle a été infirme, et à quelle date je l'ai vue<br />
dans cette église. Je crois qu'elle était de Plougasnou ou de Plestin, comme on l'a dit. A mon avis, elle avait 15 ans,<br />
d'après son apparence physique. Elle n'était pas mariée, puisque, une fois guérie, elle a cherché à contracter mariage<br />
avec le clerc Jean Hyraes, de la cité de Tréguier, aujourd'hui décédé. Tout cela fut et est...»<br />
TEMOIN 173<br />
Pierre Annou, prêtre, vicaire de l'église de Tréguier, âgé de 40 ans...<br />
« J'ai vu il y a 24 ans ou environ une fille nommée Catherine, paroissienne, je crois, de Plougasnou ou de Plestin,<br />
diocèse de Tréguier, qui était paralytique, et qui est restée plusieurs semaines dans l'église de Tréguier près du<br />
tombeau de dom <strong>Yves</strong> dans le but de se faire délivrer de son mal en vertu des prières et des mérites du Bienheureux<br />
<strong>Yves</strong>. Comme au bout d'un certain temps elle n'avait pas été guérie, elle s'en retourna chez elle. Sur le chemin du<br />
retour, à une demi-heure et plus de la cité de Tréguier, elle regarda l'église, et, parmi ses soupirs et ses larmes, elle dit :<br />
«Saint <strong>Yves</strong>, j'avais en vous une grande confiance, et je revins de votre tombeau sans avoir été guérie !» A peine avaitelle<br />
prononcé ces mots, qu'elle se sentit guérie et s'en alla toute seule. Je n'ai pas assisté à cela, mais j'ai vu Catherine<br />
prisonnière de son mal tout le temps que j'ai dit. Par la suite, le jour du miracle, je me suis rendu avec toute la<br />
procession de l'église de Tréguier à sa rencontre, et je l'ai vue venir guérie en compagnie de plusieurs autres à cette<br />
église, et elle faisait le récit de ce miracle. Je ne connaissais pas Catherine auparavant : je ne l'ai connue qu'à partir du<br />
moment où pour la raison que j'ai dite elle s'est mise à séjourner dans l'église. Par ailleurs, je ne sais rien...»<br />
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TEMOIN 174<br />
Guillaume Tournemine, damoiseau, fils de feu le seigneur Geoffroy Tournemine, chevalier décédé, du diocèse de<br />
Saint-Brieuc, âgé de 28 ans et plus...<br />
« Ma mère, dame Jeanne de Beuc Maner, m'a dit plusieurs fois ceci : elle se trouvait à l'article de la mort, puisque<br />
les médecins l'avaient abandonnée et que l'on préparait le nécessaire pour ses funérailles. C'est alors que dom <strong>Yves</strong>,<br />
qui l'avait confessée plusieurs fois déjà, vint lui faire visite, un vendredi dont j'ai oublié la date. A l'heure du repas,<br />
malgré de nombreuses sollicitations, il ne voulut prendre d'autres mets que du pain grossier et ne boire que de l'eau<br />
fraîche avec les bouchées qu'il y trempait. La dame devant qui il mangeait ainsi le pria de lui donner une de ces<br />
bouchées que dom <strong>Yves</strong> avait apportées pour lui. A peine l'eut-elle prise et quelque peu goûtée qu'elle se sentit<br />
soulagée et pour ainsi dire délivrée de son mal. Ma mère, après cela, vécut encore vingt années et au-delà ; et elle<br />
m'assurait qu'elle devait aux mérites et aux prières de saint <strong>Yves</strong> d'avoir obtenu d'être guérie de son mal...»<br />
TEMOIN 175<br />
Pathanoda, veuve d'Olivier Pinteclou, de la cité de Tréguier, âgée de 60 ans et plus...<br />
« J'ai vu et connu Catherine, aujourd'hui épouse de Jean Begannon, infirme et recluse des pieds, des jambes, des<br />
mains et des bras : elle tenait sous ses épaules ou aisselles ses mains fermées ; elle avait les bras joints et recourbés l'un<br />
sur l'autre, si bien quelle ne pouvait ni marcher, ni se redresser, ni se nourrir toute seule. Je l'ai vue un jour pour la<br />
dernière fois dans cet état, et le lendemain, sous mes yeux, elle se tenait debout, en pleine santé et guérie, marchant<br />
toute seule correctement. Vingt-cinq années ou environ se sont écoulées depuis ; je ne me souviens ni du mois ni du<br />
jour. Cela se passait dans la cité et l'église de Tréguier. Je l'ai vue ainsi infirme et paralysée pendant sept semaines ou<br />
environ. Je ne la connaissais pas auparavant. Elle avait 15 ans ou environ. Elle était originaire de la paroisse de<br />
Ploujean ; quant à savoir grâce à quelle invocation et à quelles paroles elle a été rendue à la santé, je n'y étais pas, mais<br />
j'ai appris par elle-même et par beaucoup d'autres qu'elle a séjourné sept semaines dans la cité et l'église de Tréguier et<br />
près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>, et qu'elle s'est vouée à lui, qu'elle est venue en pèlerinage pour obtenir la santé, et que<br />
c'est en retournant dans son pays qu'elle a été guérie aussitôt après avoir invoqué saint <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 176<br />
Urou Benparola, de la cité de Tréguier, âgé de 60 ans et plus...<br />
« J'ai connu et vu Catherine, aujourd'hui épouse de Jean Begannon, alors qu'elle était infirme et percluse des pieds<br />
et des jambes, des mains et des bras ; elle gardait les mains fermées et serrées sous les aisselles, sans pouvoir les<br />
ouvrir, et tenait les bras enroulés l'un sur l'autre et réunis, les jambes et les pieds l'un sur l'autre, si bien que<br />
manifestement elle ne pouvait ni marcher ni se mettre debout. C'est dans cet état que je l'ai vue un jour une dernière<br />
fois, et, peu après, ce même jour elle avait, sous mes yeux, les membres déliés, et elle se promenait debout toute seule,<br />
pleinement guérie, rendue à la santé. Vingt-cinq ans et plus se sont écoulés depuis, mais je ne me souviens ni du jour<br />
ni du mois. Cela se passait dans la cité de Tréguier, à l'église. Je l'ai vue pendant sept semaines ainsi affligée de<br />
contractures. D'après son apparence physique elle avait 15 ans ou environ. Elle était originaire de Ploujean. J'ai appris<br />
d'elle-même et de beaucoup d'autres qu'elle avait été guérie à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> sur la route du retour, car elle<br />
s'était vouée à saint <strong>Yves</strong> et s'était rendue en pèlerinage pour obtenir la santé. Tout cela fut et est de notoriété<br />
publique...»<br />
TEMOIN 177<br />
Petronille, veuve d'Alain Fabre, citoyen de Tréguier, âgée de 50 ans ou environ...<br />
«J'ai vu dans l'église de Tréguier, près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>, une femme nommée Catherine, percluse des pieds<br />
et des jambes, des bras et des mains. Bien des fois dans ses invocations, devant moi, elle invoquait saint <strong>Yves</strong>, lui<br />
demandant de lui donner la santé : «Saint <strong>Yves</strong>, disait-elle, donne-moi la santé !» Et par la suite, au bout de deux jours,<br />
je l'ai vue debout, en bonne santé, guérie, allant et venant toute seule. Vingt-six ans ou environ se sont écoulés depuis ;<br />
je ne me souviens ni du mois ni du jour.<br />
(Interrogée sur l'invocation et les termes employés, elle répond comme plus haut).<br />
J'ai vu cette femme infirme et percluse pendant sept semaines ou environ. Je n'étais pas présente au moment de sa<br />
guérison. Elle était originaire de Ploujean...»<br />
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TEMOIN 178<br />
Jean Raoul, citoyen de Tréguier, âgé de 40 ans ou environ...<br />
« Cette femme Catherine, je l'ai vue percluse pendant huit jours sûrement ; après quoi, je l'ai vue dans l'église de<br />
Tréguier parfaitement guérie. Comment s'est faite sa guérison. Alors qu'elle regagnait son pays sans avoir été exaucée,<br />
et sur la voie du retour, elle regarda l'église de Tréguier en disant ces paroles, ou de semblables : «Saint <strong>Yves</strong>,<br />
comment retournerai-je dans mon pays sans avoir été guérie ?» A ces mots, ses membres se sont déliés, mains et pieds,<br />
à ce qu'on m'a dit. Elle est alors revenue à l'église, et je suis allé à sa rencontre avec une grande foule de gens. Je l'ai<br />
vue entrer dans l'église pleinement guérie. Je suis allé sonner les cloches pour le miracle. Des autres circonstances je<br />
ne sais rien...»<br />
TEMOIN 179<br />
Darian Rachel, citoyen de Tréguier, âgé de 60 ans...<br />
a fait la même déposition que Jean Raoul, le témoin immédiatement précédent, en ajoutant cependant ceci :<br />
«C'est un dimanche après la fête de Tous les Saints que je l'ai vue infirme et percluse dans l'église de Tréguier, et ce<br />
même dimanche, le temps de faire une lieue, elle était sous mes yeux guérie de sa contracture et de tout son mal ; elle<br />
revenait en pèlerinage à l'église, au tombeau de saint <strong>Yves</strong>, disant qu'elle avait été libérée et guérie à l'invocation de<br />
saint <strong>Yves</strong> et en vertu de ses mérites. Pendant trois mois auparavant je l'avais vue paralysée, et il y a de cela vingt ans<br />
et plus...»<br />
TEMOIN 180<br />
Adelicia Alain Thomas, originaire de la paroisse de Pleubian, demeurant aujourd'hui dans la ville de Guingamp,<br />
diocèse de Tréguier, âgée de 40 ans et plus...<br />
« J'ai été jadis paralytique et j'ai souffert de contractures par suite de la goutte, et je l'étais au point que je tenais mes<br />
jambles fléchies et comme attachées sur mes cuisses et mes pieds par derrière. Il m'était impossible de les étendre, et je<br />
me traînais sur le sol avec mes mains et des...(navillis ?), et mes membres se tenaient repliés et joints. C'est ainsi que je<br />
me déplaçais. La goutte m'oppressait d'une façon presque permanente, si bien que j'arrivais à peine à dormir et que<br />
mes cris et mes gémissements en empêchaient aussi ceux qui étaient près de moi. Alors donc que je souffrais ainsi de<br />
paralysie et de contracture, j'ai été rendue à la santé, guérie, à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Vingt années ou environ se<br />
sont écoulées depuis ma guérison, mais je n'ai gardé le souvenir ni du mois, ni du jour, ni des personnes présentes. Les<br />
paroles dont je me suis servi, les voici en substance : «O Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je me dévoue à vous et je vous promets<br />
six deniers par an pour que vous me libériez de la prison où je suis retenue». Après ce vœu et cette invocation que<br />
j'avais déjà faits bien des fois auparavant, je me suis mise debout toute seule, débarrassée de la goutte et mon mal, et<br />
guérie, et par la suite je ne m'en suis pas ressentie. J'avais souffert au su et au vu de tous pendant onze ans ou environ<br />
de ce mal que j'avais attrapé par hasard et qui s'était amplifié avec le temps. Beaucoup de gens m'ont vue souffrir de<br />
mes infirmités. Et...»<br />
TEMOIN 181<br />
Geoffroy Bihan, prêtre, curé de l'église de la Bienheureuse Marie de Guingamp, diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans...<br />
« Adelicia Alain Thomas, originaire de la paroisse de Pleubian, et à présent ma paroissienne, je l'ai connue et vue<br />
atteinte de goutte, infirme et percluse, au point qu'elle tenait ses jambes contre ses cuisses et les talons de ses pieds<br />
contre ses fesses et qu'elle les gardait joints. Elle ne pouvait donc ni marcher ni se mettre debout, mais pour se<br />
déplacer elle se traînait sur le sol avec ses mains et des (navillis ?). Or, en quelques instants, je l'ai vue marcher debout<br />
bien droite, guérie, libérée de sa goutte et de son mal. Elle restait quand même bossue, et elle gardait la tête un peu<br />
penchée, ce qu'elle ne faisait pas avant d'avoir contracté l'infirmité qu'on a dite. J'ai la ferme conviction, et cela fut et<br />
est de notoriété publique, qu'elle doit sa guérison à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis<br />
cette guérison. Je l'ai vue infirme huit ans environ avant sa guérison.<br />
Le même témoin ajoute :<br />
«L'épouse de Hamon Faecit, ma paroissienne, allait accoucher, et l'on était aux environs de la quinzaine de la<br />
Pentecôte. Cela faisait cinq jours qu'elle était en travail. Un bras seulement sortait de l'enfant qu'elle portait, et tout le<br />
reste demeurait bloqué dans son ventre. Tel était donc son état depuis cinq jours, quand on vint m'appeler, moi, son<br />
curé, en raison du danger qu'elle courait. A mon arrivée, la sage-femme qui était là me fit voir le bras qui sortait : il<br />
était enflé et le ventre de la mère gardait tout le reste ; elle me dit que cela durait depuis cinq jours et qu'elle n'avait<br />
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plus d'espoir de sauver la femme. Entendant cela, je conseillai à la femme d'invoquer saint <strong>Yves</strong> pour que son<br />
intercession auprès du seigneur Jésus-Christ lui obtînt d'être délivrée. Elle le fit sur le champ à peu près en ces termes :<br />
«Saint <strong>Yves</strong>, je te supplie d'intercéder pour moi pour que j'arrive à être délivrée de ce danger». Et à peine l'invocation<br />
faite elle accoucha d'un enfant mort ; elle se trouva délivrée. Cela se passait dans la maison des époux, en la paroisse<br />
de Guingamp, en présence de la sage-femme et du mari, et de beaucoup d'autres dont j'ai oublié les noms, comme<br />
d'ailleurs le nom de la sage-femme. Tout cela fut et reste...<br />
«J'ai vu et entendu un homme dont j'ignore le nom dire et proclamer au clergé et au peuple à la suite d'une<br />
prédication publique qu'il avait été délivré d'une mort par pendaison à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. J'ai vu les cicatrices<br />
qu'il portait. Elles semblaient prouver la vérité de ses dires...»<br />
TEMOIN 182<br />
Jean Guillot Gwiader, âgé de 40 ans... paroissien de Louargat, diocèse de Tréguier...<br />
« J'étais paralytique et perclus au point de ne pouvoir ni marcher ni me mettre debout, ni étendre mes jambes ; au<br />
contraire, je les tenais fléchies et pour ainsi dire collées à mes cuisses, gardant un pied sur l'autre comme un crucifié.<br />
Quelqu'un d'autre devait me lever et me porter dans ses bras quand je voulais changer de place ou me lever. Et voilà<br />
qu'enfin le paralytique et le perclus que j'étais a étendu ses jambes, s'est mis debout, a marché, rendu à la santé, guéri.<br />
Cela s'est passé le dimanche avant la dernière fête du Bienheureux Jean Baptiste, en présence de ma mère, et dans sa<br />
maison à Louargat. Je me suis voué à saint <strong>Yves</strong> et voici à peu près en quels termes je l'ai fait : «Bienheureux <strong>Yves</strong>, je<br />
m'en remets à toi pour le corps, le sang et l'âme, et je te promets un cierge de la grosseur de mon corps pour que tu<br />
demandes à mon seigneur Jésus Christ de me donner la santé». Ma mère qui se trouvait là a ajouté : «Et moi je te<br />
demande, Bienheureux saint <strong>Yves</strong>, de me rendre mon fils guéri ou mort». A peine prononcés ces vœux et ces<br />
invocations, j'ai étendu mes jambes, je me suis mis debout tout seul, je me suis levé, et me tenant droit je me suis<br />
promené par mes propres moyens : j'étais guéri de mon infirmité, de la goutte dont je souffrais. Par la suite, je ne m'en<br />
suis pas ressenti. Je suis resté infirme au su et au vu de tous deux ans ou environ. Ce mal m'est venu accidentellement<br />
alors que je me trouvais dans les champs en train de garder des bêtes. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de<br />
notoriété publique, que j'ai été guéri à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Je suis originaire de la paroisse de Louargat. Ce fut et<br />
c'est de notoriété publique que j'ai été guéri à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>».<br />
Quant à nous, nous avons vu Jean Guillot en bonne santé, marchant tout seul correctement ; il avait pourtant les<br />
membres faibles et fragiles, car il venait d'être libéré de son mal...<br />
TEMOIN 183<br />
Hamon Egile Hamon Korr, de la paroisse de Louargat, diocèse de Tréguier, âgé de 40 ans ou environ...<br />
«Jean Guillot Gwiader, le témoin précédent, je l'ai vu paralytique et perclus au point qu'il ne pouvait pas étendre ses<br />
jambes ; il les tenait au contraire comme attachées à ses cuisses, et il devait se faire porter et changer de place par<br />
d'autres, parfois par sa mère ; il gardait un pied sur l'autre à la manière d'un crucifié : c'est ce que j'ai vu bien des fois,<br />
et cela pendant deux ans ou environ. Et voilà qu'enfin, un jour, le dimanche avant la dernière fête du Bienheureux Jean<br />
Baptiste, alors que je passais devant sa maison, j'ai entendu sa mère qui se félicitait et qui se réjouissait. Ce<br />
qu'entendant je suis entré chez eux pour apprendre ce qui se passait, et j'ai vu Jean marcher par lui-même, avec un<br />
bâton pourtant, car ses membres étaient affaiblis, lui que j'avais vu, cette même semaine, et connu infirme et perclus.<br />
La mère et le fils m'ont raconté qu'il devait sa guérison et sa santé à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Et j'ai la ferme<br />
conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, qu'il a reçu la santé à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 184<br />
Jean Goloie, paroissien de Louargat, âgé de 60 ans ou environ...<br />
« J'ai vu et connu Jean Guillot Gwiader paralytique et perclus : il tenait un pied sur l'autre comme un crucifié, et<br />
gardait ses jambes comme attachées à ses cuisses ; aussi ne pouvait-il ni se mettre debout, ni marcher. Finalement le<br />
lundi après la dernière fête du Bienheureux Jean Baptiste, je l'ai vu guéri, en bonne santé, marchant tout seul, lui que,<br />
le samedi immédiatement précédent, j'avais vu paralytique et perclus comme je l'ai dit. Et j'ai la ferme conviction, et ce<br />
fut et c'est de notoriété publique, qu'il doit sa santé et sa guérison à l'invocation et aux mérites de saint <strong>Yves</strong>. Je l'ai vu<br />
infirme pendant deux ans ou environ, car je suis son voisin et nous sommes originaires de la même paroisse...»<br />
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TEMOIN 185<br />
Nobilia, nourrice du prêtre Alain, de la paroisse de Louargat et grand-mère de Jean Guillot, âgée de 60 ans et plus...<br />
« J'ai connu et vu Jean Guillot Gwiader alors qu'il était paralytique et perclus ; il avait les jambes et les cuisses pour<br />
ainsi dire jointes et tenait ses pieds l'un sur l'autre comme un crucifié. Sa mère et moi avons voué Jean Guillot à saint<br />
<strong>Yves</strong>, lui dont on cherche à recenser les miracles, et nous l'avons invoqué. De son côté Jean s'est voué à lui et l'a<br />
invoqué avec humilité et dévotion à de multiples reprises. Finalement le dimanche avant la dernière fête de la Nativité<br />
du Bienheureux Jean Baptiste sa mère et moi avons dit : «Très doux saint <strong>Yves</strong>, nous vous remettons et vous dévouons<br />
notre fils». Et Jean lui-même d'une voix entrecoupée de pleurs : «Moi, je me remets et me dévoue à vous, saint <strong>Yves</strong>».<br />
Après ces vœux et cette invocation, ce dimanche-là, je suis rentrée chez moi pour chercher une aumône, Jean restant<br />
chez lui paralysé et perclus. A mon retour, ce même jour, beaucoup plus tard, Jean et sa mère m'ont dit qu'il était guéri.<br />
Le lendemain et par la suite, à plusieurs reprises, j'ai vu Jean en personne marcher debout, en bonne santé et guéri,<br />
mais il avait encore les jambes très faibles et sans vigueur du fait de sa paralysie passée. Je l'ai vu ainsi perclus deux<br />
ans ou environ. Et j'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, qu'il a dû sa guérison à l'invocation<br />
de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 186<br />
Hadou, veuve de Ruillin Cadou, de la cité de Tréguier, âgée de 60 ans et plus...<br />
« Bien des fois, dans ma maison et dans l'église de Tréguier, près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>, j'ai vu Amou, veuve<br />
de Guillaume David, paroissienne de Plouagat, dont elle est originaire, paralytique et percluse des pieds et des jambes,<br />
des mains et des bras, au point qu'elle ne pouvait ni se nourrir, ni marcher ni se mettre debout, ni ouvrir les mains ; et<br />
par la suite je l'ai vue guérie. Je l'ai vue souffrant de son mal pendant quatre mois environ, dans la cité et l'église de<br />
Tréguier, et dans ma maison où on lui donnait l'hospitalité. On l'avait amenée au tombeau de saint <strong>Yves</strong> en pèlerinage<br />
pour lui faire recouvrer la santé. Sous mes yeux j'ai entendu plusieurs fois Amou en personne invoquer saint <strong>Yves</strong> et se<br />
vouer à lui pour se faire rendre par lui la santé, et elle le faisait à peu près en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je me<br />
remets et je me voue à vous». Par la suite, en l'espace de trois ou quatre jours, je l'ai vue une dernière fois paralytique<br />
et percluse, et puis guérie, rendue à sa santé, et marchant correctement par ses propres moyens. Depuis ce temps-là<br />
quatorze ans ou environ se sont écoulés».<br />
Le même témoin ajoute :<br />
«J'ai connu et vu un homme, Nicolas de Guérande, du diocèse de Nantes, qui semblait avoir 50 ans ou environ,<br />
paralytique et perclus au point d'avoir les jambes et les cuisses jointes et de tenir ses pieds sur ses fesses. Ainsi<br />
paralytique et perclus on l'avait transporté en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong> pour qu'il y recouvrât la santé, et il<br />
y était resté sept semaines ou environ soit dans l'église de Tréguier soit dans ma maison. Finalement avec mon mari<br />
alors vivant et moi, il évalua ses dépenses et les régla, se proposant de rentrer chez lui le lendemain, triste et affligé, se<br />
plaignant d'avoir passé là du temps avec son mal, d'y avoir dépensé de l'argent et de n'avoir pas encore recouvré la<br />
santé. Bientôt après, au milieu de la nuit, ma fille Catherine vit dans la chambre de Nicolas lui-même, je vous l'assure,<br />
une lueur si grande que toute la maison semblait en feu. A peine s'était-elle levée pour voir ce que c'était, que cette<br />
clarté disparut, mais moi je ne l'ai pas vue. Cependant quand arriva l'aurore, Nicolas s'écria : «Levez-vous, dit-il, car<br />
saint <strong>Yves</strong> m'est apparu, revêtu de ses vêtements sacerdotaux, et il m'a parfaitement guéri». Mon mari et moi, et notre<br />
fille Catherine, et nos autres serviteurs, nous nous sommes alors levés et nous sommes allés près de lui. Il était là,<br />
devant nous, debout bien droit, en bonne santé, pleinement guéri ; sa joie débordante le faisait pleurer. On convoqua<br />
ensuite les voisins, et avec Nicolas parfaitement sain et totalement guéri nous nous rendîmes à l'église de Tréguier au<br />
tombeau de saint <strong>Yves</strong>. Huit jours après il retourna dans son pays ; et deux ans après je l'ai vu de nouveau, sain et<br />
guéri. Dix ans se sont écoulés depuis ; je ne me souviens ni du mois ni du jour. Les personnes présentes étaient celles<br />
que j'ai déjà citées. Et cela s'est passé dans notre maison, à mon mari et à moi. Quant à dire qui on a invoqué et en<br />
quels termes ? Il est venu, je le disais, en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong> pour recevoir la santé, et je l'ai entendu<br />
plusieurs fois invoquer saint <strong>Yves</strong> et le prier de lui donner la santé. Je l'ai vu paralytique et perclus cinq semaines ou à<br />
peu près. Et j'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique que, qu'il a été rendu à la santé et guéri<br />
grâce à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 187<br />
Elyas, fils de Ruillin Caden, de la cité de Tréguier, âgé de 30 ans et plus...<br />
«J'ai connu et vu Amour, veuve de Guillaume David, paroissienne de Plouaret, dont elle est originaire, paralytique<br />
et percluse des mains et des bras, des pieds et des jambes, au point qu'elle ne pouvait ni étendre les mains, ni marcher<br />
ni se mettre debout. C'est dans cet état de paralysie et de contracture que je l'ai vue bien des fois invoquer saint <strong>Yves</strong> et<br />
le prier de lui donner la santé. Et puis, dans l'intervalle de trois semaines, je l'ai vue en bonne santé, pleinement guérie,<br />
marchant toute seule. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, qu'elle a dû sa santé et sa<br />
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guérison à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> ; et je le crois, puisqu'on l'a transportée en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong><br />
pour obtenir sa guérison, et que je l'ai entendue bien des fois invoquer saint <strong>Yves</strong>, le priant de lui donner la santé.<br />
Depuis cet événement quatorze ans se sont écoulés, ou environ ; mais je ne me souviens ni du mois ni du jour. Quant à<br />
l'endroit ? Cela s'est passé dans l'église de Tréguier et dans la maison de mon père où elle résidait entre temps. J'ai déjà<br />
dit quelle invocation elle avait faite. Je l'ai vue quatre mois ou environ paralytique comme on l'a dit».<br />
Le même témoin ajoute :<br />
«J'ai connu et vu un homme de Guérande, nommé Nicolas, âgé apparemment de 50 ans, paralytique et perclus des<br />
mains, des bras et des jambes : il tenait les mains fermées et n'arrivait pas à étendre les bras et les jambes, ni à<br />
marcher, ni à se mettre debout, ni à se tenir sur ses pieds, ni à se nourrir. Ainsi paralytique et perclus on l'apporta sur<br />
un chariot en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong> dans la cité de Tréguier pour qu'il obtînt la santé ; on lui donna<br />
l'hospitalité dans la maison de mon père et de ma mère. Il s'y tint pendant cinq semaines ou presque. En de multiples<br />
occasions et fréquemment j'ai entendu Nicolas se vouer à saint <strong>Yves</strong> et l'invoquer affectueusement et dévotement en<br />
ces termes ou en des termes substantiellement équivalents : «O saint <strong>Yves</strong>, donne-moi la santé, et je viendrai chaque<br />
année à ton tombeau, tant que je vivrai, et je te donnerai douze deniers par an, un cierge de ma taille et une statue de<br />
cire, pour que tu me donnes la santé». Finalement, au bout de cinq semaines, un jour, je ne me souviens plus lequel,<br />
bien tard, triste et affligé, tout en larmes de n'avoir pas obtenu sa guérison, il appela mon père et ma mère, évalua les<br />
frais dont il était redevable et les régla. Il partirait le lendemain, disait-il. Mon père et ma mère le consolèrent de leur<br />
mieux, l'engagèrent à mettre sa confiance et son espoir en saint <strong>Yves</strong>, qui lui donnerait la santé. Or il arriva qu'au<br />
milieu de la nuit, alors que nous nous trouvions dans nos chambres, la chambre où Nicolas était couché restant<br />
ouverte, je vis par cette porte en me réveillant une si grande lumière, une telle clarté qu'il me sembla que toute la<br />
maison était en feu. Je me levai en toute hâte, et la lumière et la clarté disparurent. Je me recouchai alors sur mon lit.<br />
Quand je me fus étendue, la lumière et la clarté réapparurent comme l'instant précédent. Je me levai de nouveau ainsi<br />
que ma sœur Catherine, pour nous rendre compte de ce qui se passait, hurlant de peur à la pensée que la maison<br />
brûlait. Mais Nicolas nous dit : «Ne vous tracassez pas, car je me trouve bien, et j'ai saint <strong>Yves</strong> avec moi». Nous nous<br />
sommes alors recouchées. Lumière et clarté disparurent. Quand arriva l'aurore, Nicolas nous appela, mes parents, ma<br />
sœur et moi. Nous vînmes le trouver avec une lumière, et nous le vîmes debout sur ses pieds en bonne santé et guéri :<br />
«J'ai eu saint <strong>Yves</strong> avec moi, nous dit-il ; et il m'a guéri complètement. Rendons-nous à l'église». Nous sommes allés<br />
au tombeau avec Nicolas qui s'est déplacé tout seul, droit sur ses pieds, en bonne santé et pleinement délivré ; là il a<br />
offert un cierge allumé et une statue de cire. Par la suite je l'ai vu en bonne santé, joyeux, guéri. Il y a quatorze ans de<br />
cela, je crois, mais je ne me rappelle pas bien. Pour ce qui est du mois, de la semaine et du jour, je ne me rappelle pas<br />
bien non plus. Les personnes présentes étaient celles que j'ai dites. Beaucoup de nos voisins à la nouvelle du miracle<br />
accoururent et se rendirent à l'église avec nous... Je l'ai vu infirme cinq semaines ou environ, comme on l'a déjà dit,<br />
avant sa guérison, et je ne l'avais pas vu par ailleurs, pour autant que je me souvienne. Il était originaire de Guérande.<br />
Lui-même et beaucoup d'autres m'ont dit qu'il avait contracté ce mal un samedi, durant la nuit, alors qu'il cousait des<br />
souliers, car il était cordonnier. Il disait, me semble-t-il, qu'il était resté infirme quatre ans et plus...»<br />
TEMOIN 188<br />
Guidomar, fils dudit Loedec, paroissien de Lan Mandez dont il est originaire, âgé de 60 ans et plus...<br />
«J'avais la mâchoire droite gravement atteinte ; mâchoire et joue étaient extraordinairement enflées. Cela<br />
m'empêchait de manger et de boire. J'en arrivai à me vouer à saint <strong>Yves</strong>, et à l'invoquer en ces termes : «O Seigneur<br />
saint <strong>Yves</strong>, si vous avez reçu de Dieu le pouvoir de lier et de délier, je me dévoue à vous pour que vous me délivriez<br />
de ce mal, car je pense bien que vous pouvez obtenir cela pour moi. De mon côté je vous promets un denier chaque<br />
année. Aussitôt alors je sentis sortir de ma mâchoire et de ma joue dans ma bouche une pierre qui s'y trouvait. Je<br />
l'enlevai et la douleur cessa tout à fait. Je fus pleinement rendu à la santé, guéri. Vingt ans se sont passés depuis, au<br />
début de décembre, le mercredi de la deuxième semaine, en présence de ma mère et dans ma maison de Lan Maudez.<br />
J'étais resté avec ce mal 25 ans ou environ, au su et au vu de tous. La pierre avait la grosseur de la première partie du<br />
pouce et ressemblait à un petit os...»<br />
TEMOIN 189<br />
Ladite Blanche, épouse de Jean Raoul, originaire de la paroisse de Guérande, âgée de 40 ans et plus...<br />
«J'attendais un enfant. Comme cela arrive habituellement à toutes les femmes enceintes, il m'arrivait parfois de<br />
ressentir sa présence, et plusieurs fois j'éprouvai des douleurs. Malgré cela pourtant, je restai cinq jours pendant<br />
lesquels j'eus la sensation qu'il n'était pas vivant ; j'avais plutôt le sentiment qu'il était mort. Cette impression me porta<br />
à me vouer à saint <strong>Yves</strong> et je l'invoquai de la manière suivante : «Saint <strong>Yves</strong>, je me dévoue à vous et (pro remedio<br />
parentum vestrorum) je promets de m'acquitter envers vous d'un cierge de cire long autant que je suis grande et grosse,<br />
et je demande que l'enfant que je porte arrive au baptême». Je fis donc cette invocation et ce vœu. Après quoi, je m'en<br />
vins en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong>. A peine étais-je entrée dans l'église de Tréguier, où repose le corps<br />
d'<strong>Yves</strong>, que je sentis en moi l'enfant vivre et remuer, et mon ventre grossit au point que l'ardillon de ma ceinture et la<br />
tunique qui tenait mon ventre enveloppé craquèrent. L'enfant se mit à vivre en moi. Aux environs de la fête du<br />
Bienheureux Michel onze ans se sont écoulés depuis. Je ne me souviens ni du mois ni du jour. Comme je venais<br />
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d'ailleurs et que j'étais une étrangère, je n'ai reconnu aucun témoin. Par la suite, au bout de deux mois, j'ai accouché<br />
d'un fils qu'on a appelé Guillaume, et qui vit encore ; il a dix ans et plus. J'ai su que l'enfant était mort dans mon ventre<br />
au fait que mon ventre et lui étaient froids, qu'il ne remuait pas, qu'il n'a pas remué des cinq jours que j'ai dits, et aux<br />
autres signes de mort que reconnaissent les femmes enceintes quand elles portent en elles un enfant mort. J'ai la ferme<br />
conviction que cet enfant est revenu à la vie en vertu des mérites et à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 190<br />
<strong>Yves</strong>, fils d'<strong>Yves</strong> André, de la paroisse de Penvénan, âgé de 20 ans ou environ...<br />
« Je me trouvais un soir à Penvénan devant la maison de Jean Portavitalha, quand vint en face de moi ma mère,<br />
moqueuse et méchante, qui immédiatement m'attaqua par ces paroles : «Es-tu là, toi qui m'as diffamée et qui aurais dû<br />
renvoyer les autres avant de parler ?». Elle se mit alors à genoux, défit le haut de ses vêtements et en sortit ses seins :<br />
«Je te maudis, dit-elle, et de la malédiction de ces mamelles que tu as sucées, et de la malédiction de mes entrailles qui<br />
t'ont porté, et tout ce que j'ai ou peux avoir de droit sur toi, et tout ce que j'ai mis au monde de toi, tout cela je le livre<br />
et l'abandonne au diable». A ces paroles, je suis tombé par terre, une agitation violente s'est brusquement emparée de<br />
mon cœur et de toute ma personne, au point que quatre hommes avaient de la peine à me maintenir. On me mit dans<br />
un lit dans la maison de Jean Portavitalha à Penvénan, et je vis, la nuit, au-dessus de moi deux démons, grands, me<br />
semblait-il, comme des tours, ayant forme, figure et cornes comme des chèvres ; ils cherchaient à me prendre : «Tu es<br />
nôtre, tu es nôtre, disaient-ils, car ta mère t'a donné à nous». C'est alors que saint <strong>Yves</strong> m'apparut. Il s'assit sur ma<br />
poitrine, et je lui dis : «<strong>Yves</strong>, dors-tu ?» - «Non, me répondit-il, je ne dors pas. Seigneur, qui êtes-vous ?». Reprenant<br />
la parole, il me dit : «N'aie pas peur, car tu as été lundi dernier à mon tombeau, et tu portes le même nom que moi.<br />
C'est pourquoi je suis venu te sauver, parce que ta mère ne pouvait pas te donner au diable : elle n'avait en effet pas<br />
plus de droit sur toi que n'en a sur le froment le sac qui le porte au moulin». Là-dessus les démons ont disparu ; le<br />
sommeil m'a repris et j'ai dormi jusqu'au jour.<br />
Le jour brillait ; je sortis du sommeil et demandai à mon père et à un autre nommé Jean Doliga qui se trouvaient là,<br />
de me conduire à saint <strong>Yves</strong>. Sur la route où ils me conduisaient ma mère me suivait. Dès que je m'aperçus de sa<br />
présence, je me mis à m'agiter et à crier : «Enlevez-la, enlevez-la !» Mon père la fit partir, et tout de suite l'agitation<br />
cessa. Quand nous arrivâmes dans l'église de Tréguier au tombeau du Bienheureux <strong>Yves</strong>, immédiatement une agitation<br />
très violente s'empara de moi comme précédemment, et ne me quitta pas jusqu'à vêpres. A peu près à l'heure de vêpres,<br />
mon père me fit baiser le haut de la pierre qui se trouve au-dessus du tombeau de saint <strong>Yves</strong>. Sur le champ je me sentis<br />
guéri de l'agitation qui m'avait pris précédemment. Je demandai mon vêtement et ma ceinture et je fis un petit somme.<br />
Enfin le sacriste de l'église de Tréguier m'enjoignit de ne pas quitter la cité de Tréguier, pour l'honneur de saint <strong>Yves</strong>,<br />
jusqu'à ce qu'on eût publié le miracle. C'est ainsi que je restai là neuf jours ou environ. Après quoi je m'en allai sain et<br />
sans dommage chez moi. Cela se passait l'an dernier, le mercredi après la fête de la Pentecôte, au mois de mai. Quand<br />
le mal m'a pris, il y avait là <strong>Yves</strong>, fils d'Alain Caontant, de la même paroisse, et ledit Jean Portavitalha, et plusieurs<br />
autres qui sont morts. Mon père et Jean Doliga m'ont amené à saint <strong>Yves</strong> ; tous sont de la même paroisse. Se<br />
trouvaient dans l'église quand j'ai été guéri mon père, Jean Doliga, Olivier Lannuic, et beaucoup d'autres dont je ne me<br />
souviens pas».<br />
Et nous l'avons vu en bonne santé...<br />
TEMOIN 191<br />
Jean Portavitalha, paroisse de Penvénan, âgé de 50 ans ou environ...<br />
«Un soir, à l'heure où les travailleurs rentrent de leurs travaux, leurs journées achevées, <strong>Yves</strong>, le fils d'<strong>Yves</strong> André, se<br />
trouvait dans la paroisse de Penvénan sur la place près de l'arbre à côté duquel se trouve ma maison, quand arriva sa<br />
mère, en colère contre lui, et elle sortit des plis de son vêtement ses mamelles et prononça, me semble-t-il, ces paroles<br />
: «Tu me diffames, et je te donne ma malédiction, et la malédiction de mes seins, et tout ce que j'ai enfanté de toi dans<br />
ton corps et dans ton âme, je le livre au diable». Immédiatement son fils tomba sur le sol, si bien que je le crus mort.<br />
Alors je dis aux gens qui étaient là de le transporter dans ma maison et de le déposer sur un lit, ce qu'ils firent. Installé<br />
sur le lit, il se mit à s'agiter et à crier comme un homme qui apparemment avait perdu l'esprit : «Voleurs, voleurs, je<br />
n'irai pas avec vous, car saint <strong>Yves</strong> me défendra». Je commandai alors à son père et à certains autres de le bien tenir.<br />
Après quoi j'allai me coucher. Le lendemain je constatai que le père avait, avec son fils, emprunté le chemin qui mène<br />
au tombeau de saint <strong>Yves</strong>. Je n'ai rien vu d'autre à son sujet jusqu'à ce qu'il fût de retour à Penvénan sain et sans<br />
dommage au bout de dix-huit jours. Cela se passait l'année dernière, au mois de mai, le mercredi après la fête de la<br />
Pentecôte. Furent présents à ce que j'ai dit, ceux que j'ai déjà cités dans mon récit, et en plus la fille Juliana, dite la fille<br />
du Prêtre, et beaucoup d'autres de la paroisse de Penvénan. Je connaissais le fils <strong>Yves</strong> auparavant, depuis son enfance.<br />
Je ne l'ai vu malade que le temps sur lequel porte ma déposition, mais j'ai appris qu'il avait été guéri le jour suivant à<br />
vêpres. Tous ceux que j'ai cités plus haut sont de Penvénan. Et je crois qu'il a vraiment été guéri en vertu des mérites<br />
de saint <strong>Yves</strong>, car c'est à lui qu'il a été conduit...»<br />
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TEMOIN 192<br />
Juliana, dite la fille du Prêtre, de la même paroisse, âgée de 40 ans ou environ...<br />
«Un mercredi soir aux environs de la fête de la Pentecôte, au lieu et dans la paroisse qui ont été dit précédemment,<br />
j'ai rencontré <strong>Yves</strong> André, et le voyant très agité, je l'ai suivi jusque dans la maison de Jean Portavitalha. On le plaça<br />
sur un lit, et comme il délirait, Mahaut, fille d'<strong>Yves</strong> Riet, et Mahaut Rosella et Amou Martin avaient de la peine à le<br />
maintenir : il criait et se démenait disant : «Saint <strong>Yves</strong>, aide-moi, Saint-<strong>Yves</strong>, aide-moi, et défends-moi contre ces<br />
chèvres et contre ces voleurs qui veulent m'emporter». Alors stupéfaite je me suis retirée. Je suis ensuite revenue de<br />
très bon matin et j'ai constaté que le père accompagné de Jean Doliga, avait pris le chemin du tombeau de saint <strong>Yves</strong><br />
avec son fils forcené. Par la suite je n'ai plus rien vu jusqu'à ce que <strong>Yves</strong> fût revenu dans sa maison en bonne santé. Je<br />
crois sans l'ombre d'un doute qu'il doit sa guérison aux mérites de saint <strong>Yves</strong>, car il l'invoquait, ainsi que les autres qui<br />
se trouvaient là».<br />
Concernant l'époque, le mois, le jour, le lieu et la rumeur publique, elle fait la même déposition que les autres.<br />
TEMOIN 193<br />
<strong>Yves</strong> André, de la même paroisse de Penvénan, âgé de 45 ans et plus...<br />
«Un mercredi, aux environs de la fête de la Pentecôte, l'année dernière, une femme, Juzeta, fille de Prigent de Ker<br />
<strong>St</strong>ivy, est venue chez moi et m'a informé que mon fils était étendu, en proie au délire, dans la maison de Jean<br />
Portavitalha, et qu'on l'y tenait. A cette nouvelle, je suis allé en toute hâte à cette maison, et j'y ai trouvé <strong>Yves</strong>, mon<br />
fils, étendu : des femmes le maintenaient, celles que le dernier témoin a nommées (et il les a nommées lui-même).<br />
Alors plein de tristesse et d'affliction, car c'était mon fils que je voyais forcené et dressé contre moi, je me suis placé<br />
sur lui pour l'empêcher de se débattre et de se faire du mal. Mon fils cherchait à me mordre et criait : «Défendez-moi,<br />
défendez-moi, contre ces voleurs et contre ces chèvres qui veulent m'emporter». Alors j'ai dit : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>,<br />
je vous recommande mon fils». Un coq chanta et mon fils me dit : «Retirez-vous, père ; laissez-moi partir à saint <strong>Yves</strong><br />
qui me défend». Il répéta ces paroles plusieurs fois, puis il se mit à dormir et se reposa jusqu'au jour. Ensuite, tiré de<br />
son sommeil de très bon matin, il me demanda de le conduire à saint <strong>Yves</strong>. Et alors que nous le conduisions, la mère<br />
nous suivait. Immédiatement mon fils recommença à s'agiter, en hurlant, comme il l'a dit précédemment dans sa<br />
déposition. Alors la mère dit : «Mon fils, je te recommande à saint <strong>Yves</strong>», et elle s'en retourna chez elle à ma demande.<br />
Sur le champ l'agitation cessa jusqu'à l'église de Tréguier. Nous pénétrâmes alors dans la chapelle du Bienheureux<br />
<strong>Yves</strong>, et l'agitation le reprit au point qu'il fallut le retenir et elle dura jusqu'à l'heure de vêpres».<br />
(Pour le reste il fit la même déposition que son fils, et dit que tout cela est de notoriété publique, comme l'ont fait<br />
plus haut les mêmes autres témoins).<br />
TEMOIN 194<br />
Yvonet, fils de Guillaume Onzcan, de la même paroisse, âgé de 19 ans ou environ...<br />
«Je suis arrivé alors que <strong>Yves</strong> le fils gisait comme mort. J'ai vu qu'on le portait dans la maison de Jean Portavitalha.<br />
C'est alors que je l'ai vu et entendu pousser de terribles soupirs : il hurlait comme un chien. Je n'ai rien vu d'autre, car<br />
je me suis retiré. Mais au bout de quelques jours, je veux dire huit ou environ, je l'ai vu revenir sain et guéri».<br />
A propos de l'époque, du mois et du jour, il a fait la même déposition que le précédent. Interrogé sur les personnes<br />
présentes, il a dit la même chose que le précédent touchant le temps sur lequel porte sa déposition. Sur le lieu, comme<br />
le précédent. Il ne se souvient pas bien du jour où le malade est revenu guéri ; il pense pourtant que ce fut un jeudi.<br />
Sur la notoriété publique du fait, il a fait la même déposition que le témoin précédent.<br />
TEMOIN 195<br />
Jean Doliga, de la même paroisse, âgé de 25 ans ou environ...<br />
«Un mercredi, alors que la maladie me retenait au lit chez moi, j'appris qu'<strong>Yves</strong>, le fils d'<strong>Yves</strong> André, était mort. Je<br />
me levai aussitôt et accourus sur les lieux, car je l'aimais bien. Je constatai que les femmes (dont on a parlé) le<br />
transportaient dans la maison de Jean Portavitalha et, sous mes yeux, le déposaient sur un lit. Il se débattait, en délire,<br />
et il criait (comme il a été dit). Puis je rentrai chez moi. Le lendemain je revins chez Jean Portavitalha, et c'est là que le<br />
père me demanda d'aller avec lui conduire son fils au Bienheureux <strong>Yves</strong>, ce que j'acceptai de faire».<br />
(Sur ce qui s'est passé sur le chemin concernant la mère, il fait la même déposition que précédemment le fils. Sur<br />
tout le reste sa déposition rejoint celle du père).<br />
…/…<br />
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TEMOIN 196<br />
Catherine, fille de Rivallon Godin, épouse de Guidomar Fulon, de la cité de Tréguier, âgée de 30 ans ou environ...<br />
«Un bourgeois qu'on disait de Guérande, était perclus des cuisses, des genoux et des jambes au point qu'il ne<br />
pouvait se déplacer par lui-même sans l'aide de bâtons qu'on appelle béquilles. Il se fit transporter de son pays sur un<br />
char auprès du Bienheureux <strong>Yves</strong> dans l'église de Tréguier, pour y recevoir la santé. Dans ce but, il se tint donc tantôt<br />
près du tombeau de dom <strong>Yves</strong>, et tantôt chez mon père qui lui donnait l'hospitalité, et cela l'espace de cinq semaines<br />
ou environ. Or ce bourgeois, s'apercevant qu'il n'obtenait pas la santé et que le séjour chez mon père lui coûtait trop<br />
cher, y revint un soir, s'y coucha, y demeura ; et c'est alors qu'il dit en pleurant à son hôte qu'il était très bouleversé et<br />
irrité pour avoir dépensé énormément d'argent sans recevoir la santé, alors qu'il était venu pour cela. Son hôte, en le<br />
consolant, lui dit qu'il lui offrirait à dîner le soir, et il verrait que saint <strong>Yves</strong>, comme il l'espérait, lui obtiendrait et lui<br />
accorderait la santé cette nuit-là. On soupa, et le bourgeois comme les autres gens de la maison alla se coucher, comme<br />
de coutume. Le bourgeois s'en fut en disant : «Ah ! saint <strong>Yves</strong>, je vais donc m'en retourner dans mon pays comme ça,<br />
sans être guéri. De vrai, si vous m'obtenez la santé, je vous ferai une offrande chaque année». Tandis que nous étions<br />
au lit, vers minuit, le chant d'un coq me réveilla, j'ouvris les yeux : une très grande clarté emplissait la maison.<br />
Craignant un incendie, je me levai en toute hâte. Je m'aperçus alors que toute la lumière se concentrait autour du lit du<br />
bourgeois. Dans ma stupéfaction j'appelai mon père qui se leva tout de suite. Il vit comme moi la lumière, et nous<br />
allâmes jusqu'au lit du bourgeois. Mon père l'appela : «Qu'êtes-vous en train de faire, lui dit-il ?». Aussitôt la clarté<br />
s'épanouit. Le bourgeois se réveilla. «Ah ! Rivallon, dit-il, toute la nuit j'ai éprouvé une grande joie et un grand<br />
soulagement en compagnie de saint <strong>Yves</strong>, et je me sens guéri dans tous mes membres». Le bourgeois se leva, revêtit sa<br />
cotte, et se présenta à son hôte en bonne santé : c'est avec une très grande joie qu'il se promenait à travers<br />
«l'hôtellerie», sous mes yeux. Puis il se fit ouvrir la porte de la maison et se rendit à l'église avec «l'hôtelier» et son<br />
serviteur et d'autres voisins. Ceux qui se trouvaient à l'église vinrent à sa rencontre avec une très grande joie, faisant<br />
sonner les cloches selon la coutume pour les miracles. Je sais toutes ces choses parce que j'étais là présente. Et cela se<br />
passait il y a seize ans ou environ entre la fête du Bienheureux Michel et celle de Tous les Saints. Etaient présents feu<br />
mon père, ma mère nommée Adhou, mon frère nommé Hélias, et beaucoup d'autres dont je ne me souviens pas. Je<br />
connaissais ce bourgeois pendant la période à propos de laquelle j'ai déposé. Quant à savoir combien de temps il avait<br />
été infirme, moi je ne l'ai vu que le temps que j'ai dit. Cependant j'ai entendu dire qu'il avait été longtemps infirme<br />
auparavant...»<br />
Rival Riboul, de la cité de Tréguier, âgé de 40 ans et plus...<br />
TEMOIN 197<br />
«J'ai vu et connu un homme dont j'ai oublié le nom et la paroisse d'origine. Malade, il était atteint, dans ses parties<br />
génitales ou dans la peau qui les enveloppe, d'un mal qui les avait fait enfler, et leur grosseur atteignait le volume d'une<br />
tête d'homme. Venu en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong> pour obtenir la santé, il l'obtint et fut guéri du mal qui le<br />
faisait souffrir. Cela s'est passé dans l'église de Tréguier, près du tombeau de saint <strong>Yves</strong> entre la fête de Tous les Saints<br />
et celle de la Nativité du Seigneur, il y a eu neuf ans, en présence d'Olivier Lanne, de Hervé Golomie, de moi-même,<br />
et de beaucoup d'autres dont je.ne me souviens pas, pas plus que je ne me souviens ni du mois ni du jour. Cela s'est fait<br />
à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>, car c'est lui que le malade a invoqué et il s'est voué à lui de la manière suivante :<br />
«Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je me remets et me voue à vous pour que vous écartiez de moi cette maladie». Une fois<br />
prononcés cette invocation et ce vœu sa verge ou la peau de ses testicules s'est crevée d'elle-même, et il s'en est<br />
échappé un gros caillou qui est tombé par terre ; il avait la grosseur d'un œuf d'oie. Par le fait, le malade était rendu à la<br />
santé, guéri du mal qui le faisait souffrir. Je sais cela car avec ceux que j'ai nommés j'étais là présent, voyant et<br />
entendant ce qui se passait. Je l'avais vu malade avant sa guérison pendant quinze jours ou environ, mais j'ignore<br />
pendant combien de temps il était resté malade, au su et au vu de tous, avant cet instant, car c'était un étranger et il<br />
n'habitait pas la ville. Il disait, je le sais par lui-même, qu'il était infirme depuis longtemps, mais je ne me souviens pas<br />
depuis combien de temps...»<br />
TEMOIN 198<br />
Derien de Gorbigen, de la cité de Tréguier, âgé de 35 ans...<br />
«J'ai vu un homme dont je ne me rappelle ni le nom ni la paroisse d'origine : il souffrait, il hurlait de douleur ; le mal<br />
atroce qu'il endurait l'atteignait aux testicules et à la verge où à la peau qui les enveloppe. Il était venu, disait-il, en<br />
pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong> pour obtenir la santé. Au bout d'un temps assez court, je l'ai vu et entendu dire<br />
qu'il avait été rendu à la santé et guéri à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Et j'ai vu un caillou de la forme et de la grosseur<br />
d'un œuf d'oie suspendu au-dessus du tombeau de saint <strong>Yves</strong>. Il y a neuf ans depuis. On disait qu'il l'avait gardé dans<br />
l'enveloppe de ses testicules, et qu'il en était tombé. J'ai la ferme conviction, et cela fut et est de notoriété publique,<br />
qu'il a dû sa guérison à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>».<br />
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Le même témoin ajoute :<br />
«J'ai vu un homme aveugle. Il était venu, disait-il, au tombeau de saint <strong>Yves</strong> en pèlerin pour recouvrer la vue.<br />
Après l'avoir vu complètement aveugle, ce jour-là, le même jour j'ai constaté qu'il voyait. Je me suis d'abord rendu<br />
compte qu'il était aveugle, et manifestement il apparaissait tel. Et par la suite je me suis aperçu qu'il avait recouvré la<br />
vue : il se déplaçait en effet par lui-même sans chien ; il distinguait les choses et les couleurs, ce qu'il n'aurait pas fait<br />
s'il n'avait pas vu ; il était manifeste à tous qu'il voyait. Et je crois, et c'est de notoriété publique, qu'il a obtenu la vue à<br />
l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Je l'ai vu aveugle, avant sa guérison, pendant cinq jours ou environ, mais j'ignore pendant<br />
combien de temps avant cette constatation il avait été aveugle au su et au vu de tous. J'ignore aussi son nom et sa<br />
paroisse d'origine ; mais il disait que cela faisait longtemps qu'il souffrait de cécité, et qu'il était originaire de Roc<br />
Amadour. Cela s'est passé il y a longtemps...»<br />
TEMOIN 199<br />
Olivier Lavina, de la cité de Tréguier, âgé de 60 ans et plus...<br />
«J'ai connu et vu un malade, dont je ne me rappelle ni le nom ni le lieu d'origine. Il était venu en pèlerinage au<br />
tombeau de saint <strong>Yves</strong> pour obtenir la santé, disait-il, car il souffrait d'un mal qu'il avait aux testicules et à la verge ou<br />
à la peau qui les enveloppe. Ses parties génitales, comme je l'ai constaté, étaient enflées, atteignant la grosseur d'une<br />
tête d'homme. Ainsi donc affligé de cette enflure, il s'est voué à saint <strong>Yves</strong> et l'a invoqué : je l'ai vu et entendu le faire,<br />
voici en quels termes pour l'essentiel : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je me remets et me voue à vous, pour que vous écartiez<br />
de moi cette difformité». Il prononça ce vœu et cette invocation avec humilité, amour et dévotion. Alors dans ses<br />
parties génitales enflées se pratiqua un trou, une ouverture, d'où sortit et tomba un caillou de forme et de la grosseur<br />
d'un œuf d'oie, en même temps qu'une quantité équivalente d'humeurs. Il fut débarrassé et guéri de ses souffrances et<br />
de son mal. Je le sais pour avoir assisté au fait, lequel s'est produit dans l'église de Tréguier, près du tombeau de saint<br />
<strong>Yves</strong>, il y a huit ou neuf ans, entre la fête de Tous les Saints et la fête suivante de la Nativité du Seigneur en présence<br />
de Hervé Goelo et de Raulin Riboul, et de beaucoup d'autres dont je ne me souviens pas ; je n'ai plus souvenir ni du<br />
mois ni du jour. Je l'ai vu infirme pendant quinze jours et plus avant sa guérison dans la cité et l'église de Tréguier...»<br />
TEMOIN 200<br />
Hervé Golovic (Goëlo ?) de la paroisse de Plounez (?), diocèse de Saint-Brieuc, âgé de 50 ans et plus...<br />
« J'ai connu et vu un malade qui venait en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong> pour obtenir, disait-il, sa guérison.<br />
Le mal dont il souffrait lui avait enflé la verge et la peau des testicules jusqu'à provoquer une grosseur qui atteignait le<br />
volume d'une tête d'homme, et on disait qu'il y avait à l'intérieur une pierre. Cet homme ainsi affligé, je l'ai vu et<br />
entendu invoquer saint <strong>Yves</strong> et se vouer à lui pour obtenir la santé. Il le faisait à peu près comme ceci pour l'essentiel :<br />
«Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je me remets et me voue à vous pour que vous écartiez de moi cette difformité». Une fois<br />
prononcés cette invocation et ce vœu, la verge ou la peau des testicules se perça d'elle-même. En même temps qu'un<br />
peu de sérosité, il en sortit une pierre de la forme et de la grosseur d'un œuf d'oie, qui tomba par terre. Sur le champ<br />
l'homme fut débarrassé, guéri du mal qui le faisait souffrir. Cela s'est passé dans l'église de Tréguier, près du tombeau<br />
de saint <strong>Yves</strong>, il y a, me semble-t-il, neuf ans ou environ, entre la fête de Tous les Saints et celle de la Nativité du<br />
Seigneur. Quant au mois et au jour, je ne m'en souviens pas. Etaient présents Olivier Lanuic, et Ruillin Biloul, moi et<br />
beaucoup d'autres dont je ne me souviens pas. Avant sa guérison, je l'ai vu malade ainsi quinze jours ou environ, mais<br />
j'ignore s'il a été et si on l'a vu malade plus longtemps, car c'était un étranger, il n'habitait pas la ville et je ne l'avais pas<br />
vu auparavant. Je n'ai aucun souvenir ni de son nom ni de son lieu d'origine...»<br />
TEMOIN 201<br />
Pétronille, épouse de Guillaume (Ancipitris) Daoubennek, de la paroisse de Trégrom, diocèse de Tréguier, âgée de 28<br />
ans et plus...<br />
« Je souffrais beaucoup d'une affection à l'œil gauche, une goutte, qui me tourmentait, au point que j'y voyais peu et<br />
que de l'eau s'en égouttait. Sur le conseil de mon mari, je me vouai à saint <strong>Yves</strong>, et je lui vouai mon œil, de la manière<br />
suivante : «Je fais le vœu de remettre un œil de cire à saint <strong>Yves</strong>, pour qu'il rende la santé à mon œil». A peine<br />
l'invocation et le vœu eurent-ils été prononcés que la douleur cessa, ainsi que la goutte et l'affection dont j'ai parlé. Par<br />
la suite, je ne m'en suis plus ressentie, mon œil a cessé de couler, et je me suis trouvée parfaitement guérie. Cela s'est<br />
passé après les octaves de la fête des Apôtres Pierre et Paul, l'an du Seigneur 1330, aux environs de midi. Mon mari<br />
était avec moi, et nous nous trouvions dans notre maison à Trégrom. J'ai déjà dit l'invocation que j'ai faite. Je suis<br />
restée et on m'a vue atteinte de ce mal pendant six semaines. Je suis originaire de la paroisse de Trégrom. Je n'ai pas eu<br />
à souffrir par ailleurs de cette affection ou d'un mal similaire à cet œil. C'est pour cela que nous sommes venus en<br />
pèlerinage à saint <strong>Yves</strong>, et que, selon ma promesse, nous avons offert l'objet du vœu...»<br />
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TEMOIN 202<br />
Guillaume Daoubennek, clerc, mari de ladite Pétronille, de la paroisse de Trégrom, âgé de 35 ans et plus...<br />
« J'ai connu et vu mon épouse Pétronille atteinte d'une maladie à l'œil dont elle souffrait. Sur mon conseil, elle s'est<br />
vouée à saint <strong>Yves</strong> et l'a invoqué ; et elle a été débarrassée et guérie».<br />
(Questionné sur les paroles employées, la manière, l'époque et le lieu et les autres circonstances il a fait la même<br />
déposition que son épouse. Et il a ajouté que tout cela était et est de notoriété publique, etc.)<br />
TEMOIN 203<br />
Lavina, veuve de Darien Hervé, clerc, de la paroisse de Coatreven, âgée de 50 ans ou environ...<br />
« Ma fille Juliana, alors âgée de deux ans et demi, avait contracté une maladie qui lui avait fait perdre la vue. Je<br />
l'avais transportée en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong> pour obtenir sa santé, et je l'avais vouée à saint <strong>Yves</strong>, en<br />
l'invoquant de la façon suivante : «O saint <strong>Yves</strong>, je vous dévoue ma fille, pour que vous la libériez ou par la mort ou<br />
par la vie ; et je vous promets de vous remettre un denier par an». A cette invocation, ma fille qui était aveugle, a<br />
recouvré la vue dans un seul œil ; et l'autre qui était fermé, elle l'a ouvert, mais elle ne voyait rien avec. Vingt-trois ans<br />
se sont écoulés depuis lors ; quant au mois et au jour, je ne m'en souviens pas ; mais c'était entre la fête de Pâques et<br />
celle de la Nativité du Bienheureux Jean-Baptiste dans l'église de Tréguier, près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>, en ma<br />
présence et en présence de beaucoup de personnes dont je ne me souviens pas. Elle est restée et on l'a vue aveugle<br />
pendant 9 semaines...»<br />
TEMOIN 204<br />
Frère André, abbé du monastère de la Bienheureuse Marie de Beau Port, de l'Ordre des Prémontrés, diocèse de<br />
Saint-Brieuc, âgé de 60 ans ou environ...<br />
«Henri Anger d'Anglesqueville, diocèse de Coutances, était perclus et courbé au point qu'il ne pouvait se déplacer<br />
sans béquilles et qu'il traînait les pieds. Les mérites et les prières de dom <strong>Yves</strong> l'ont délivré et guéri. Voici comment je<br />
l'ai su. Un jour, je ne sais plus lequel, je me rendais dans mon abbaye de Saint-Brieuc. Je rencontrai ledit Henri qui<br />
faisait route sur ses deux béquilles. Il me salua en français. L'entendant parler cette langue, je lui demandais d'où il<br />
était : «Je suis de Normandie, dit-il». Je lui demandai alors où il allait. Il se rendait, me dit-il, en pèlerinage à Tréguier<br />
vers le Bienheureux <strong>Yves</strong>. Neuf jours ou environ après, ce même Henri vint à l'abbaye, et je le vis : «J'ai vu, lui dis-je,<br />
un homme qui vous ressemblait. Il gagnait Tréguier sur deux béquilles pour aller trouver le Bienheureux <strong>Yves</strong>, alors<br />
que je me rendais à Saint-Brieuc» - «Je suis celui-là, me répondit-il» - «Où sont donc vos béquilles ?» - «Je les ai<br />
laissées à Tréguier, au tombeau de saint <strong>Yves</strong>». Et il me montra ses doigts. «Et j'ai été ni plus ni moins guéri, dit-il, par<br />
la grâce de Dieu et en vertu des mérites de saint <strong>Yves</strong>». Je ne sais pas si Henri s'est voué à saint <strong>Yves</strong>, ni de quels<br />
termes il se serait servi. Cela se passait après Pâques, dans la saison estivale. Je ne me souviens ni du mois, ni de la<br />
semaine, ni du jour, ni de l'heure, et 21 ans ou environ se sont écoulés depuis. Je crois qu'il doit sa guérison et sa<br />
délivrance aux mérites de saint <strong>Yves</strong>. Cela est de notoriété publique dans l'abbaye de Beau Port, dans la ville de<br />
Tréguier, et dans les lieux circonvoisins».<br />
Le même témoin ajoute :<br />
« J'avais une fièvre continue après récidive et je m'attendais plus à mourir qu'à guérir. Je me suis alors voué à saint<br />
<strong>Yves</strong> en ces termes : «Saint <strong>Yves</strong>, je me voue à vous, et je vous demande de prier Dieu pour moi, de façon qu'il me<br />
donne la santé». Peu après j'ai entendu une voix qui me disait : «Toi, mon enfant, attrape ceci, et quand je reviendrai,<br />
je te l'enlèverai». Et tout de suite me vint un hoquet que je n'avais pas avant et qui me dura deux jours. Le hoquet<br />
passé, je fus guéri. J'ai été malade pendant quatorze semaines. Je sais que je m'attendais plus à mourir qu'à guérir<br />
puisque le médecin, maître Geoffroy de Saint Léan, avait pronostiqué pour moi la mort. Je ne pouvais normalement y<br />
échapper, disait-il. C'est en la fête de saint Martin d'hiver qu'il y a eu vingt ans ou environ que cela s'est passé. Etaient<br />
témoins du vœu que je fis frère Jean de Lotornier, convers, et Alain Le Seuturier...»<br />
TEMOIN 205<br />
Frère Robert, dit Le Fournier, chanoine de ladite abbaye, âgé de 55 ans ou environ...<br />
« Henri Anger dont on a parlé, d'Anglesqueville , diocèse de Coutances, est venu un jour à l'abbaye de Beau Port,<br />
boiteux et impotent au point de ne pouvoir se déplacer sans ses béquilles, mais il traînait les pieds, et il avait les nerfs<br />
des mains tout incurvés à force de porter ses béquilles. Il est resté deux jours à l'abbaye. Ensuite il est parti en<br />
pèlerinage à saint <strong>Yves</strong> de Tréguier. C'est là qu'il a été délivré, guéri, et qu'il a laissé ses béquilles. Par la suite je l'ai vu<br />
dans l'abbaye remis, guéri grâce aux mérites de saint <strong>Yves</strong>, comme il me l'a assuré lui-même. Je le connaissais<br />
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auparavant, car avant de devenir chanoine je l'avais vu pendant cinq ans dans la paroisse d'Anglesqueville» où mon<br />
oncle maternel était recteur. Je l'ai vu infirme et perclus pendant deux jours, alors qu'il allait vers le Bienheureux <strong>Yves</strong>,<br />
et par la suite, après huit ou neuf jours, Henri est revenu de la cité de Tréguier à notre abbaye en bonne santé, pieds et<br />
mains guéris ; et il y est resté deux autres jours. Je sais qu'il a dû sa guérison au prières et aux mérites de dom <strong>Yves</strong>,<br />
car telle a été la rumeur, et je l'ai entendu lui-même raconter la chose. Mais j'ignore de quels termes il s'est servi, et qui<br />
fut présent, et comment ces gens-là s'appelaient. Cela se passait en été il y a vingt et un ans. Je n'ai aucun souvenir ni<br />
du mois, ni de la semaine, ni du jour. Il n'avait pas les béquilles quand il est revenu : au contraire, il les avait laissées<br />
au tombeau de saint <strong>Yves</strong>, comme il me l'a dit lui-même. Il a quitté l'abbaye dans la joie et l'allégresse...»<br />
TEMOIN 206<br />
Even Eudon Dongall, de la paroisse de Plounévez, âgé de 30 ans et plus...<br />
«Je me trouvais dans le moulin des moines du monastère de la Bienheureuse Vierge Marie de Bégard, de l'ordre de<br />
Cîteaux, diocèse de Tréguier. Ce moulin est situé sur la rivière dite «La Grande» en la paroisse de Plouaret dans le<br />
même diocèse. Je me tenais près de la petite roue à auges et mis la main dessus. Elle me happa et m'entraîna sous elle,<br />
me comprimant si fort qu'elle me fît une entaille au front au-dessus de l'œil gauche et me décrocha cet œil. Alors une<br />
femme, dont j'ignore le nom, invoqua saint <strong>Yves</strong> pour qu'il me délivrât et me sauvât. L'invocation prononcée,<br />
immédiatement l'eau cessa de couler, la roue de tourner, et on me tira de là, sauvé, l'œil remis en place».<br />
Il a au front une cicatrice au-dessus de l'œil : nous l'avons vue ; et il est parfaitement guéri.<br />
«Vingt années ou environ se sont écoulées depuis. C'était au mois de mai, un lundi. Je n'ai plus souvenir de l'heure.<br />
Il y avait là beaucoup de monde, mais je ne connaissais personne ».<br />
Interrogé sur l'invocation, les témoins de cette invocation et les paroles prononcées, il fait la même réponse que<br />
plus haut.<br />
«J'ai la ferme conviction que j'ai dû d'être délivré et d'échapper à la mort à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
TEMOIN 207<br />
Jacob, recteur de l'église de Mesquer, diocèse de Nantes, âgé de 40 ans et plus...<br />
«Mon clerc, Symon, souffrait depuis un certain temps déjà d'une maladie grave. C'était, je crois, une fièvre<br />
continue. Il lui vint un sentiment de dévotion envers saint <strong>Yves</strong>, il se voua à lui et l'invoqua pour obtenir la santé, mais<br />
je ne me rappelle pas quelles paroles il utilisa. Ainsi malade il se fit transporter devant une image de saint <strong>Yves</strong> que<br />
j'avais fait faire dans l'église de la Chapelle Launay (même diocèse) dont j'étais alors recteur. Après y être resté le<br />
temps de réciter un Miserere, il revint me trouver en pleine santé, délivré, disant que saint <strong>Yves</strong> l'avait guéri. Alors il<br />
mangea et but avec moi, guéri, en bonne santé. Cela s'est donc passé à l'endroit que j'ai dit, il y a trois ans ou environ,<br />
un dimanche après la messe, en présence de ma servante Sevenerita, de mon clerc Guillaume, et de beaucoup d'autres<br />
dont je ne me souviens pas. Il a souffert de cette maladie avant sa guérison pendant huit jours ou environ. Il est<br />
originaire précisément de la paroisse de La Chapelle Launay».<br />
Le même témoin ajoute :<br />
«Un jour dont je n'ai pas gardé le souvenir, mon clerc Guillaume, par suite d'une maladie grave qu'il avait eue il y<br />
avait longtemps, perdit la parole dans l'église et devint si faible qu'il se fît transporter à la maison. Alors il se voua à<br />
saint <strong>Yves</strong> et l'invoqua pour obtenir la santé. Ma servante et Symon dont j'ai déjà parlé et moi-même assistions à la<br />
scène. Il se fit ensuite transporter devant l'image qu'on connaît, et il y resta le temps de parcourir un sixième de lieue.<br />
Puis il revint me trouver en bonne santé, délivré. Cela s'est passé dans les trois mois qui ont suivi la maladie de<br />
Symon, un dimanche dont je ne me rappelle pas la date. Et j'ai la ferme conviction qu'ils doivent...»<br />
TEMOIN 208<br />
Adelicia du Parc, damoiselle, originaire de la paroisse de Plounévez, âgée de 32 ans et plus...<br />
« Il peut y avoir 15 ans ou environ que tomba sur les animaux une épidémie mortelle. Les bêtes d'Agathe, ma<br />
défunte mère, mouraient indistinctement. Agathe, qui vivait à cette époque-là, voua à saint <strong>Yves</strong> un veau d'un mois qui<br />
n'avait plus sa mère et qui donc survivait sans lait ni mère, et elle le garda en sa présence ; elle voua de même à saint<br />
<strong>Yves</strong> toutes ses autres bêtes, avec la promesse de lui donner le veau en échange. A partir de ce moment-là, l'épidémie<br />
s'arrêta ; et le fait est, j'en suis sûre, miraculeux. Par la suite le temps passa, et quand le veau eut atteint quatre ans ou<br />
environ, elle le remit, acquittant ainsi sa dette, et le laissa au tombeau de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
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TEMOIN 209<br />
Guigo Enbis, paroisse de Pierre de Plougastel, diocèse de Quimper (Plougastel-Daoulas) âgé de 35 ans et plus...<br />
«Judicel Omensie, moi et beaucoup d'autres, au nombre de 45, j'en suis sûr, nous nous trouvions sur un navire à la<br />
distance d'un jet de pierre de la terre. Survint un vent qui souleva la mer, et il s'ensuivit une houle si forte que le navire<br />
disparaissait sous les vagues. Voyant le danger, j'invoquai saint <strong>Yves</strong>, tandis que le navire et tous les passagers<br />
disparaissaient sous les flots. Je me vouai à saint <strong>Yves</strong> comme je pus, dévotement. Ce faisant, je descendis jusqu'au<br />
fond de l'eau, puis l'eau me ramena à la surface et je voguai au gré des flots, tout en invoquant saint <strong>Yves</strong> et en<br />
répétant de plus en plus souvent son invocation, le priant de me sauver, lui promettant un cierge de cire de mes<br />
dimensions. Ainsi l'invoquant je me maintins sur l'eau, flottant où me poussait la houle, jusqu'à ce que des pêcheurs<br />
léonards, dont j'ai oublié les noms, qui se trouvaient, j'en suis sûr, à deux lieues de nous, arrivèrent, me tirèrent de l'eau<br />
et me prirent avec eux ainsi que Judicel. Tous les autres périrent noyés, sauf Judicel, huit autres, et moi. J'ai la ferme<br />
conviction, et c'est de notoriété publique que moi, Judicel et quatre autres passagers du navire, avons échappé à la<br />
noyade grâce à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Je le crois du fait que Judicel, moi et les quatre autres, ce sont eux qui me<br />
l'ont dit, nous avons devant l'imminence du danger, supplié saint <strong>Yves</strong> de nous sauver. Et nous en avons réchappé.<br />
Tous les autres ont été noyés. Aussitôt sauvés nous nous sommes rendus en pèlerinage au corps et au tombeau de saint<br />
<strong>Yves</strong>, et nous nous sommes raconté notre aventure. Cela s'est passé un mois d'août. Vingt-deux ans se sont écoulés<br />
depuis. C'était à l'heure de midi de je ne sais plus quel jour. L'endroit était le port de Croyseymet et Plougastel, diocèse<br />
de Quimper et diocèse de Léon. Je suis tombé au fond de l'eau à deux ou trois reprises, et j'ai fait surface autant de<br />
fois. Et je suis resté à plonger, à revenir à la surface et à flotter le temps de parcourir deux lieues et plus. J'ai beaucoup<br />
avalé d'eau, que j'ai rejetée par la suite. Ceux qui avec moi ont été sauvés à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> s'appelaient<br />
Judicel, sa sœur Juzeta, Hazega Guennou, je ne me rappelle pas les noms des autres. Quant aux noyés, c'étaient<br />
l'épouse de Geoffroy Guidomar, l'épouse de Hugon de Ker Roezec, Grallon Cummenet ; je ne me souviens pas des<br />
autres...»<br />
TEMOIN 210<br />
Judicel Omensin, paroissien de Guic Castel (Plougastel-Daoulas), âgé de 40 ans et plus...<br />
« Guy Enbis, paroissien de la paroisse de Pierre de Plougastel, moi et beaucoup d'autres, nous nous trouvions sur<br />
un bateau à une grande distance de la terre. Le bateau trop alourdi de marchandises et de personnes subissait en plus<br />
l'assaut de la houle et du vent debout et il se mit à s'enfoncer dans l'eau. Guy Enbis et moi, conscients du danger, nous<br />
nous mîmes à invoquer saint <strong>Yves</strong>. Néanmoins le bateau sombra avec ceux qui étaient à bord, et tous, sauf Guy Enbis,<br />
moi et huit autres, furent noyés. Cela s'est passé au mois d'août, il y a 22 ans ou environ, je ne me rappelle plus quel<br />
jour, vers midi. C'est grâce à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> que nous avons échappé au danger de la noyade. Voici en<br />
substance à peu près en quels termes nous avons invoqué saint <strong>Yves</strong> : «O saint <strong>Yves</strong>, c'est à vous que je me remets et<br />
que je me voue ; je vous donnerai dix sous, quand je pourrai, pour que vous me sauviez». Je fis donc ce vœu ; je<br />
m'enfonçai néanmoins sous les flots. Je fis pourtant surface peu après, et je me maintins à flot, voguant sur les eaux là<br />
où la houle me poussait, jusqu'au moment où des pêcheurs léonards dont je ne sais plus les noms, arrivèrent : je suis<br />
sûr qu'ils se trouvaient alors à deux lieues de nous. Parvenus à notre portée ils nous tirèrent de l'eau, Guy et moi, mais<br />
tous les autres se noyèrent, à l'exception de moi qui vous parle, de Guy et de huit autres. Je suis descendu jusqu'à<br />
toucher le sable du fond et deux fois je suis remonté à la surface. Je n'ai pas bu d'eau. C'est donc deux fois que je suis<br />
descendu sous l'eau. Et le temps que j'ai passé à descendre, à remonter et à flotter correspond à celui qu'il faut pour<br />
parcourir deux lieues à pied...»<br />
TEMOIN 211<br />
Théophanie, veuve de Guillaume de Gloroyet, âgée de 40 ans et plus, de la cité de Tréguier...<br />
« J'ai vu et connu Hervé Golovie (Goëlo), originaire du Goëlo, diocèse de Saint-Brieuc, perclus de la jambe gauche<br />
qu'il gardait repliée et comme attachée à sa cuisse. Il ne pouvait pas retendre, mais il se déplaçait à l'aide de bâtons,<br />
qu'on appelle communément des béquilles. Je l'ai vu ainsi estropié pendant deux ans ou presque, et ensuite au bout<br />
d'un temps assez court je l'ai vu plusieurs fois se servir de sa jambe, se tenir debout, en bonne santé, débarrassé de son<br />
mal, et machant sans bâtons. Il peut bien y avoir vingt-sept ans depuis. C'est dans la cité et l'église de Tréguier que je<br />
l'ai vu infirme, près du tombeau de saint <strong>Yves</strong> où il se tenait. C'était là qu'il se vouait au saint et qu'il l'invoquait pour<br />
obtenir sa guérison, comme je l'ai vu faire bien des fois. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique,<br />
que s'il a reçu la santé, il le doit à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et à la vertu de ses mérites».<br />
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Le même témoin ajoute :<br />
«J'ai connu et vu pendant près de cinq semaines un aveugle qui se faisait conduire à travers la cité de Tréguier par<br />
un chien, comme le fait un aveugle. Puis trois jours après je l'ai vu qui se promenait seul, sans chien, jouissant de la<br />
vue ; et j'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, à Tréguier et ailleurs, qu'il a recouvré la vue par<br />
miracle à l'invocation et grâce aux mérites de saint <strong>Yves</strong> ; il y a eu grande joie à ce sujet dans la cité trégorroise. Ces<br />
événements ont eu lieu il y a bien longtemps et je ne me souviens pas bien de leur date. Je n'ai pas gardé en mémoire le<br />
nom de cette personne ni son lieu d'origine. On disait qu'elle était de Roc Amadour».<br />
Le même témoin ajoute encore :<br />
«J'ai connu et vu une femme, Hélène, veuve Hyraes, de la cité de Tréguier, paralytique et estropiée du côté droit, je<br />
crois, au point que par un trou qu'elle avait à ce côté on pouvait voir ses viscères. Or elle a été délivrée et guérie de son<br />
mal en vertu des mérites et grâce à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Je le sais pour l'avoir vue souvent ainsi impotente, et<br />
aperçu ses viscères par l'ouverture de son côté. Elle a confié à moi et à beaucoup d'autres que saint <strong>Yves</strong> lui avait fait<br />
visite et lui avait dit de se rendre à son sépulcre, qu'elle y recevrait la santé. Aussi le désirait-elle et se fît-elle<br />
transporter par moi et par d'autres au tombeau de saint <strong>Yves</strong>. Une fois rendue là, elle se voua au saint et l'invoqua pour<br />
obtenir sa guérison. Et elle le fit en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, vous m'avez fait la faveur de venir me voir et<br />
vous m'avez dit de me rendre à votre tombe. M'y voici. Je voue prie d'avoir la bonté d'intercéder pour moi auprès de<br />
Notre-Seigneur Jésus-Christ de façon qu'il me délivre du mal dont je souffre». Elle a été délivrée, guérie de sa<br />
paralysie et de l'autre mal dont elle souffrait. Par la suite je l'ai vue plusieurs fois tout à fait guérie. Il y a de cela dix<br />
ans et plus, et c'était aux environs de la fête du Bienheureux Michel, mais du mois et du jour je ne me souviens pas,<br />
dans l'église de Tréguier, près du tombeau de saint <strong>Yves</strong>, en présence de Blezguenna, veuve Kade, Hazevisia, épouse<br />
de Gelebert Paoulore, et de beaucoup d'autres dont je ne me souviens pas. Elle est restée et on l'a vue infirme une<br />
année et plus. Elle était originaire de la cité de Tréguier...»<br />
TEMOIN 212<br />
Uron Lenperole, de la cité de Tréguier, âgé de 60 ans et plus...<br />
« J'ai connu et vu Hélène, veuve Hyraes, de la cité de Tréguier, paralytique, souffrante et estropiée au point qu'on<br />
voyait ses viscères par un trou qu'elle avait, je crois, au côté droit. Elle se tenait ainsi paralytique et mal en point dans<br />
l'église de Tréguier près du tombeau de saint <strong>Yves</strong> ; et elle se voua au saint, l'invoquant pour obtenir la santé en des<br />
termes semblables en substance à ceux-ci : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je vous prie d'intercéder auprès de Dieu pour qu'il<br />
me donne la santé et me délivre du mal dont je souffre». En suite de quoi elle fut délivrée et guérie dans l'église et à<br />
l'endroit que j'ai dits, d'après ce qu'on m'a dit, car je n'y ai pas assisté. Cependant je l'ai vue bien des fois auparavant,<br />
pendant un an et plus, alors qu'elle était paralytique et infirme ; et puis au cours d'une même journée je l'ai constatée<br />
délivrée et guérie...»<br />
TEMOIN 213<br />
Blezvenna, épouse de Thomas Cade, de la cité de Tréguier, âgée de 50 ans et plus...<br />
« Elienna, veuve de G. Hyraes, paralytique et percluse, et encore estropiée et blessée, au point qu'on voyait ses<br />
intestins par son côté, fut délivrée et guérie à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Cela eut lieu aux environs de la fête du<br />
Bienheureux Michel, il y a vingt ans ou environ. J'ai plusieurs fois entendu Elienna en personne dire en invoquant<br />
saint <strong>Yves</strong> pour qu'il lui donne la santé : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, donne-moi la santé». Finalement, je ne me rappelle pas<br />
quel jour, aux environs de la fête du Bienheureux Michel, au mois de septembre, il y a vingt ans ou environ, Elena me<br />
fit venir avec un bon groupe d'autres : «J'ai eu, nous a-t-elle dit, saint <strong>Yves</strong> chez moi ; il a posé ses mains sur mon côté<br />
et m'a demandé de me rendre à l'église». Le groupe des autres et moi, nous l'avons conduite au tombeau de saint <strong>Yves</strong>.<br />
C'est alors qu'elle l'a invoqué en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, vous que j'ai vu en personne, et qui faites des<br />
miracles au loin et auprès, je vous demande de vouloir bien me libérer de ma détresse». Tous, moi et les autres, nous<br />
étions en prière pour elle, mus par la pitié que provoquait en nous l'extrême angoisse qu'elle manifestait. Après cette<br />
invocation, elle a été délivrée et guérie, et en moins de huit jours ses plaies étaient refermées. Je l'ai vue infirme un an<br />
et plus, et après sa guérison elle a vécu en bonne santé, parfaitement guérie, durant huit ans ou environ. J'ai la ferme<br />
conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, qu'elle a dû sa délivrance à l'invocation et aux mérites de saint <strong>Yves</strong>.<br />
Etaient présents Blezvenna, épouse d'Alain Marescalle, épouse de Gélebert Paoulore, Leveza, mère de Prigent Bodic,<br />
et plusieurs autres. Elle était originaire de la cité de Tréguier...<br />
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TEMOIN 214<br />
Bevenna, épouse d'Alain Marescalle, de la cité de Tréguier, âgée de 35 ans...<br />
A fait sur toutes choses, en substance et de fait la même déclaration que Blezvenna, le témoin immédiatement<br />
précédent.<br />
TEMOIN 215<br />
Geoffroy Hylaire, âgée de 70 ans, citoyen de Tréguier...<br />
« Un jour un écuyer et sergent du roi de France vint dans la cité de Tréguier pour prélever le centième et le 25ème,<br />
et il s'empara d'un cheval liard de la maison de l'évêque. Maître <strong>Yves</strong>, voyant qu'il violait la liberté de l'église de<br />
Tréguier, saisit le cheval par la bride. L'écuyer tirait le cheval par les rênes, <strong>Yves</strong> le tirait de l'autre côté, si bien que<br />
l'écuyer rompit les rênes alors qu'<strong>Yves</strong> tenait le cheval par le fer du mors. C'est alors que de la ville arrivèrent au<br />
secours de maître <strong>Yves</strong> des pauvres, des boiteux, des aveugles, des paralytiques et autres. Voyant la foule des pauvres,<br />
le sergent stupéfait abandonna le cheval à maître <strong>Yves</strong>. L'écuyer avait eu une blessure à la main ; j'ai entendu plusieurs<br />
dire qu'il s'agissait là du jugement de Dieu. Le sergent vint par la suite trouver saint <strong>Yves</strong>, s'en remit à lui et fut guéri.<br />
Mais j'ignore s'il fit cette démarche du vivant de dom <strong>Yves</strong> ou après sa mort ».<br />
Le même témoin ajoute :<br />
«Hervé Goëlo, un boiteux, fut guéri grâce aux mérites et aux prières du Bienheureux <strong>Yves</strong>. Je le sais pour avoir vu<br />
Hervé avant sa guérison pendant trois ans alors qu'il était infirme et qu'il mendiait dans la ville de Tréguier. Ensuite je<br />
l'ai vu guéri. Je n'ai pas assisté à sa guérison. Mais j'ai appris de lui qu'il avait été guéri grâce aux mérites du<br />
Bienheureux <strong>Yves</strong>. Je n'ai plus souvenir de l'époque, du mois, du jour, ni de l'heure. J'ignore qui était présent. Le lieu<br />
de la guérison était l'église de Tréguier».<br />
Le même témoin ajoute :<br />
«L'aveugle Geoffroy Ranniou, était tombé dans le puits d'une grande rue de Tréguier. On l'en retira et il échappa à<br />
la mort à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Cela se passa dans la dernière semaine du mois d'août, il y a trois ans, je ne sais<br />
plus quel jour. Prigent Rodic, citoyen de Tréguier, ayant vu et entendu l'aveugle tomber dans le puits, le voua à saint<br />
<strong>Yves</strong>, en l'invoquant en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, voilà l'aveugle Geoffroy tombé dans le puits ; je vous le<br />
dévoue et vous le recommande, pour qu'il puisse avoir la vie et se confesser». Et l'épouse de Prigent clama bien fort :<br />
«Saint <strong>Yves</strong>, aide-le !». Je sais que tombant dans ce puits il subissait la mort, car le puits est en pierre, il est profond<br />
d'au moins huit brasses, et j'ai vu l'aveugle s'y précipiter la tête la première. Or, sous mes yeux, on l'a retiré vivant de là<br />
où il aurait dû mourir. Car cette même année, un homme jeune et robuste est tombé dans ce même puits, et sa chute a<br />
causé sa mort. Je l'ai vu vivant et après je l'ai vu mort des suites de sa chute. Assistaient à l'événement Floria et son<br />
mari, Jean de Grenou, le dit Geoffroy Ernaud, chantre de l'église de Tréguier et beaucoup d'autres dont je ne me<br />
souviens plus. L'aveugle était originaire de la paroisse de Plougrescant. C'est Guillaume, fils de Rivallon Castrou, et<br />
par ailleurs appelé Guillaume Ar C'higer, qui l'a retiré du puits. Il y est descendu, l'a attaché avec une corde, et ceux<br />
qui étaient en haut l'ont tiré dehors. Le temps qu'il a passé dans le puits correspond au temps qu'on mettrait à parcourir<br />
quatre portées de baliste et plus. Il y avait peu d'eau dans le puits, à mon avis environ un demi-pied...»<br />
TEMOIN 216<br />
Marita, épouse d'<strong>Yves</strong> Damaniec, de la paroisse de Pluzunet, diocèse de Tréguier, âgée de 60 ans...<br />
« J'avais mis au monde avant l'aube un garçon. Il était mort : j'en ai la conviction, car de toute évidence il l'était. On<br />
se trouvait au 1er juin, il y a environ vingt ans. L'enfant se maintint dans cet état jusqu'à l'heure de prime ce même<br />
jour. C'est alors que Guillaume Ar Blenier, clerc, qui vivait alors, survint, et, voyant cela, voua à saint <strong>Yves</strong>, en ma<br />
présence et en présence de mon mari et de beaucoup d'autres personnes dont j'ai perdu le souvenir, le bébé qui de toute<br />
évidence était mort, j'en ai la conviction. Et il invoqua le saint de cette manière : «Je te voue à saint <strong>Yves</strong> pour qu'il te<br />
rende la vie». Il saisit l'enfant et mesura sa longueur. J'étais en plein accord avec tout ce qui se faisait là. Aussitôt le<br />
bébé vagit ; il vit encore. Je pense qu'il était mort étant donné qu'il était froid et raide, qu'il n'avait pas crié à sa<br />
naissance, comme cela se passe d'habitude, et qu'il présentait par ailleurs les signes de la mort. Cela se passait dans ma<br />
maison, en la paroisse de Pluzunet. »<br />
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…/…<br />
… / …<br />
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TEMOIN 217<br />
Adelicia, veuve d'<strong>Yves</strong> Locgier, paroisse de Pluzunet, âgée de 60 ans ou environ...<br />
« Mon mari vivait alors, et je menais son roussin au moulin avec du blé à moudre, quand il tomba dans la rivière<br />
appelée Lan dans la paroisse de Pluzunet, les deux pattes de devant empêtrées dans un lien. Il resta sous l'eau du matin<br />
jusqu'au coucher du soleil, et rien n'apparaissait à la surface. Mon mari était dur et cruel à mon égard et je craignais ses<br />
réactions. Je vouai donc le roussin à saint <strong>Yves</strong> en breton de la manière suivante : «O saint <strong>Yves</strong>, je vous demande<br />
mon cheval, car je n'irai pas chez mon mari sans lui ; et je promets de vous offrir en échange un cierge de sa<br />
longueur». Quand j'eus prononcé cette invocation et ce vœu, les oreilles de mon cheval apparurent à la surface ; il<br />
sortit et se mit sur la berge tout seul. C'était en la fête du Bienheureux Gilles, il y a seize ans. Se trouvaient là en plus<br />
de moi le moine du moulin et son serviteur...»<br />
Interrogée sur l'invocation et les termes employés, elle répète ce qu'elle a dit précédemment.<br />
TEMOIN 218<br />
Rolland Paoulore, citoyen de Tréguier, âgé de 30 ans ou environ...<br />
«J'ai vu un aveugle conduit par un chien comme le sont les aveugles et, peu après, au bout de trois jours, je l'ai vu<br />
guéri de sa cécité ; il avait recouvré la vue ; il voyait. On disait qu'il venait du côté de Roc Amadour et qu'il avait<br />
recouvré la vue à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Je sais qu'il était aveugle parce qu'il présentait les signes évidents de la<br />
cécité, et qu'il se faisait conduire par un chien comme un aveugle. C'est dans cet état que je l'ai vu pendant quinze jours<br />
; et puis trois jours après il se promenait sous mes yeux par ses propres moyens, sans chien, distinguant et discernant<br />
les objets et les couleurs qu'on mettait devant lui. Ces choses se sont passées il y a huit ans...»<br />
Le même témoin ajoute :<br />
«L'aveugle Geoffroy Rannou était tombé dans le puits de la grande rue de Tréguier. On l'en avait retiré, à ce qu'on<br />
disait, et je vins voir. Je vis donc Geoffroy : il ne souffrait pas, n'avait aucune lésion, sauf une toute petite à la tête et<br />
une autre sur le dos, mais sans gravité. Le puits avait huit brasses et plus de profondeur, mais j'ignore combien il<br />
contenait d'eau. A la prochaine fête de Noël, je crois qu'il y aura trois ans que cela s'est passé. J'ai la ferme conviction,<br />
et ce fut et c'est de notoriété publique, qu'il doit à l'invocation de saint <strong>Yves</strong> et à ses mérites d'avoir échappé à la mort.<br />
Un autre, en effet, était déjà tombé dans le puits avant lui, et cette chute avait causé sa mort...»<br />
TEMOIN 219<br />
Margilia, veuve de Prigent Rodic, de la cité de Tréguier, âgée de 30 ans...<br />
« L'aveugle Geoffroy Rannou était tombé dans un puits de la grande rue de Tréguier, et c'est à l'invocation de saint<br />
<strong>Yves</strong> qu'ayant été tiré de là il échappa à la mort. Cela eut lieu la dernière semaine du mois d'août, il y a trois ans, je ne<br />
me rappelle pas quel jour. Mon mari, alors en vie, ayant entendu et vu l'aveugle qui était tombé dans le puits, le voua à<br />
saint <strong>Yves</strong> en ces termes : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, l'aveugle Geoffroy est tombé dans le puits ; je vous le dévoue et vous<br />
le recommande, de façon qu'il puisse vivre et se confesser ». Et moi-même je m'écriai d'une voix forte : «Saint <strong>Yves</strong>,<br />
aide-le !». Je sais que, tombé dans le puits, l'aveugle devait y trouver la mort, car ce puits est en pierre et il est profond<br />
de huit brasses et plus ; et je l'ai vu tomber la tête la première et l'en extraire vivant, sans blessure mortelle. Il vit<br />
depuis. Or la même année un homme jeune et robuste est tombé dans le même puits, et il est mort de sa chute. Cet<br />
homme, je l'ai bien vu vivant, et je l'ai vu ensuite mort de sa chute. Assistaient à l'événement Jean de Trevou et sa<br />
femme Floria, Geoffroy Ernaud, chantre de l'église de Tréguier, et beaucoup d'autres dont je ne me souviens pas.<br />
L'aveugle était originaire de la paroisse de Plougrescant. C'est Guillaume, fils de Rivallon Castrou, encore appelé<br />
Guillaume Ar C'higer qui l'a tiré hors du puits : il y est descendu, a lié l'aveugle avec une corde, et ceux qui étaient en<br />
haut l'ont hissé. Il est resté dans le puits le temps qu'il faut pour parcourir quatre portées de baliste et plus. Le puits<br />
contenait peu d'eau ; à mon avis, un demi-pied...»<br />
TEMOIN 220<br />
Jean Raoul de la cité de Tréguier, âgé de 40 ans et plus...<br />
« L'aveugle Geofroy Rannou était tombé dans le puits de la grande rue de Tréguier, et à l'invocation de saint <strong>Yves</strong><br />
il échappa à la mort ».<br />
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Interrogé sur l'époque, le mois, la semaine et le jour, il fit la même déclaration que le précédent témoin.<br />
«J'ai vu moi-même l'extraire vivant, et il vit encore. Et j'ai entendu plusieurs assistants invoquer saint <strong>Yves</strong>, le<br />
priant de le sauver. Et j'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de notoriété publique, que c'est à l'invocation de saint<br />
<strong>Yves</strong> que Geoffroy a échappé à la mort. Je le crois parce que le puits est profond de huit brasses et plus, qu'il contient<br />
peu d'eau, qu'il n'y a pas longtemps qu'un autre y est tombé et que cet autre est mort de sa chute».<br />
Interrogé sur le lieu d'origine de Geoffroy il fait la même réponse que le précédent.<br />
TEMOIN 221<br />
Ledit Laurent Saint, de la cité de Tréguier, âgé de 40 ans et plus...<br />
«Un aveugle nommé Geoffroy, fils dudit Rannou, de la paroisse de Plougrescant, se trouvait dans la cité de<br />
Tréguier. Il se déplaçait seul, sans guide, et il tomba la tête en avant dans un puits situé en plein marché de la ville de<br />
Tréguier, près du cimetière. Or ce puits est profond de sept brasses ; l'eau occupait une brasse et demie environ et le<br />
reste était vide. Je l'affirme pour l'avoir mesuré avec une corde à mesurer. Cet aveugle, malgré une blessure à la tête<br />
causée par sa chute, fut pourtant délivré de la mort à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Je sais tout cela, car j'ai vu Geoffroy<br />
tomber dans le puits et je l'ai entendu crier fort : «Saint <strong>Yves</strong>, aide-moi !». Ensuite j'ai vu que, extrait du puits, il était<br />
en vie. Il souffrait bien de trois blessures à la tête, et il me disait à moi et à plusieurs autres que durant sa chute et son<br />
séjour dans le puits il n'avait ressenti ni douleur ni mal : il avait eu au contraire l'impression de tomber sur un matelas<br />
mou. Il y aura trois ans aux alentours de la fête du Bienheureux Michel, et avant elle, que cela s'est passé. Je ne me<br />
rappelle pas quel jour, mais je crois que c'était un mardi ou un mercredi. Etaient présents Jean Ystor, Guillaume fils<br />
Castrou, lequel est descendu dans le puits pour lier Geoffroy avec une corde afin de le tirer de là, Hervé du Goëlo et<br />
plusieurs autres dont j'ai oublié les noms».<br />
Interrogé sur le lieu, sur la personne invoquée, sur les termes employés pour provoquer le miracle, il répéta<br />
comme plus haut.<br />
« L'aveugle est resté dans le puits depuis l'heure de vêpres où il est tombé dedans jusqu'au coucher du soleil où on<br />
l'en a extrait. Si on a mis si longtemps à l'extraire c'est qu'on n'a pas pu trouver plus vite la corde qu'il fallait ».<br />
Interrogé sur le lieu d'origine de Geoffroy il répond comme plus haut.<br />
«Ce Geoffroy avait 50 ans ou environ. Je crois qu'il a été délivré miraculeusement parce que le puits est profond<br />
(comme on l'a dit), qu'il est tombé dedans la tête en avant (comme on l.'a dit) et que deux ans ou environ avant<br />
l'accident de Geoffroy un homme de la paroisse de Coatreven, dont j'ignore le nom, est tombé dans ce même puits et y<br />
est mort...»<br />
Raolin Riboul,...<br />
TEMOIN 222<br />
« Je n'ai pas vu Geoffroy en question tomber dans le puits. Cependant je l'ai vu et entendu dans le puits après sa<br />
chute, et j'ai aidé à le tirer dehors. Geoffroy était vivant après qu'on l'a retiré. Il avait pourtant à la tête et au front une<br />
grande plaie. Il est toujours vivant. Il est allé après sa chute deux fois par an, c'est-à-dire aux alentours de Pâque et de<br />
la fête du Bienheureux Michel, aux Sept Saints de Bretagne, et cette année il s'est rendu à Saint-Jacques avec, comme<br />
guide, Eudon Fallor, de la cité de Tréguier. Je sais bien que cet aveugle est tombé dans le puits puisque je l'y ai vu, la<br />
tête plongée dedans. Je sais bien qu'il en a été tiré vivant, puisque je l'ai vu et que j'ai aidé à le retirer (comme plus<br />
haut). A la fête prochaine du Bienheureux Michel il y aura trois ans que ces faits ont eu lieu. Je pense que c'était un<br />
vendredi, et qu'on l'a retiré aux environs du coucher du soleil. Etaient alors présents avec moi Guillaume, fils Castrou,<br />
lequel est descendu dans le puits, a lié Geoffroy pour l'en retirer, Laurent Saint et beaucoup d'autres dont j'ai oublié les<br />
noms, qui tous ont prêté leur concours à l'opération. Le puits se trouve près du cimetière et de... (lachena) de l'église de<br />
Tréguier. J'ai la ferme conviction qu'il a été délivré du danger de mourir à l'invocation du Bienheureux <strong>Yves</strong>, car je l'ai<br />
entendu dire en criant, alors qu'il se trouvait dans le puits : «Saint <strong>Yves</strong>, aide-moi !» Geoffroy est originaire de la<br />
paroisse de Plougrescant, bien qu'il habitât alors la ville de Tréguier. Je le connaissais auparavant depuis 15 ans et<br />
plus. Il est resté longtemps dans le puits après sa chute parce qu'on n'a pas pu trouver rapidement la corde pour le tirer<br />
dehors. Le puits avait sept brasses et plus de profondeur. Je le sais pour l'avoir mesuré avec une corde avant de le<br />
déplacer afin de pouvoir opérer avec plus de sûreté. Geoffroy avait 50 ans ou environ lors de sa chute...»<br />
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… / …<br />
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Hervé de Goëlo, âgé de 40 ans ou environ...<br />
TEMOIN 223<br />
« J'ai vu ledit Geoffroy tomber dans le puits, et ce puits se trouve près de la grande croix du cimetière de Tréguier.<br />
C'était à l'heure de vêpres, un vendredi, j'en ai la certitude. Geoffroy dans sa chute et après, hurlait : «Saint <strong>Yves</strong>, aidemoi<br />
!». Je le sais pour l'avoir entendu. Quand il est tombé il avait la tête en bas du côté de l'eau du puits, et les pieds en<br />
l'air vers le ciel. Telle était la position après sa chute. Je le sais puisque je l'ai vu. Geoffroy a été retiré vivant de ce<br />
puits par moi, par Guillaume Castrou, lequel est descendu dans le puits pour lier Geoffroy de façon qu'on pût plus<br />
commodément le hisser dehors, par Laurent Saint, par Raolin Riboul, et par quelques autres dont j'ai oublié les noms,<br />
aux environs de la tombée du jour que j'ai dit. Geoffroy avait beau avoir été blessé à la tête de trois blessures, il disait<br />
ne pas souffrir ni de ces blessures-là ni de la chute qu'il avait faite : le Bienheureux <strong>Yves</strong>, selon lui, l'aidait en tout.<br />
Avant la fête prochaine du Bienheureux Michel, il y aura trois ans que ces événements ont eu lieu. A l'heure où je vous<br />
parle, Geoffroy vit toujours ; il se trouve à Saint-Jacques, où il s'est rendu avec Falor qui l'a conduit, puisqu'il est<br />
aveugle. J'ai entendu dire qu'un homme de la paroisse de Coatreven, je crois, dont j'ignore le nom, est tombé dans le<br />
puits en question et en est mort. Et je crois que c'est ce qui serait arrivé à Geoffroy s'il n'avait pas appelé le<br />
Bienheureux <strong>Yves</strong> à son secours. Avant sa chute, je connaissais Geoffroy depuis quinze ans et plus. A ce moment- là,<br />
il avait 50 ans ou environ, à ce qu'il me semblait et c'était également l'avis général de ceux qui le connaissaient...»<br />
TEMOIN 224<br />
Leveneza, veuve de Guy Mary, de la paroisse de Lanmeur, âgée de 60 ans...<br />
« Ma fille Mahauta, alors âgée de deux ans ou environ, perdit l'usage de la parole, et son visage, en particulier sa<br />
bouche, se déforma du côté gauche. Nerfs, bras et jambe gauches se paralysèrent et se contractèrent, si bien qu'elle ne<br />
pouvait ni les étendre ni s'en servir. Alors vint me trouver Junarchant, l'épouse de Hervé Lansque. Elle me dit de vouer<br />
et de remettre ma fille à saint <strong>Yves</strong> : elle avait l'espoir qu'elle recouvrerait la santé. Je le fis de la manière suivante en<br />
présence de ma fille : «Je te voue à saint <strong>Yves</strong> pour un denier par an, pour qu'il te libère de ce mal selon sa volonté».<br />
Ce vœu prononcé, je conduisis ma fille en pèlerinage au tombeau de saint <strong>Yves</strong>. Je me trouvais sur le chemin en la<br />
paroisse de Plestin, distante de sept lieues de la ville de Tréguier, quand ma fille recouvra pleinement la santé et se mit<br />
à parler comme avant : elle étendit bras et jambes, et, mise par terre, elle marcha toute seule. Son visage reprit son<br />
aspect primitif, et elle fut rétablie dans son état de santé initial. Cela se fit, j'en ai la ferme conviction, et c'est de<br />
notoriété publique, à l'invocation et en vertu des mérites de saint <strong>Yves</strong>. Elle était et elle est originaire de Lanmeur.<br />
Etaient présents quand elle reçut la santé mon mari, maintenant défunt, elle et moi...»<br />
TEMOIN 225<br />
Robert Daniel, âgé de 39 ans... de Plouzévédé, diocèse de Léon...<br />
« Ma mère Juzeta était atteinte depuis un certain temps d'une fièvre continue, je crois, et si gravement qu'elle<br />
désespérait de vivre. Sa mère Théophanie la voua à saint <strong>Yves</strong> qu'elle invoqua en ces termes : «Juzeta, moi, je te voue<br />
à saint <strong>Yves</strong> pour douze deniers par an, tant que tu vivras, pour qu'il te permette de vivre avec moi et de confirmer tes<br />
fils». Au bout d'un petit moment, sur le tard, elle transpira et fut pleinement guérie. Cela se passait dans la maison de<br />
Juzeta, il y a 18 ans, en présence de sa mère, de moi et d'autres personnes que j'ai oubliées, comme j'ai oublié le mois<br />
et le jour. Elle était restée et on l'avait vue malade 15 jours et plus. J'ai la ferme conviction, et ce fut et c'est de<br />
notoriété publique, qu'elle a dû sa délivrance et sa santé à l'invocation et aux mérites de saint <strong>Yves</strong>...»<br />
Le même témoin ajoute :<br />
«Ma mère Juzeta était en travail d'accouchement et avait ressenti les douleurs très fort pendant deux jours, si bien<br />
qu'on était en droit de croire qu'elle accouchait d'un enfant mort. La mère ainsi en couches se voua à saint <strong>Yves</strong> qu'elle<br />
invoqua de cette façon : «Saint <strong>Yves</strong>, je me voue à toi pour que tu me délivres et que tu fasses en sorte que l'enfant que<br />
je porte parvienne au baptême, et je te donnerai deux deniers». Le vœu prononcé, sans qu'on ait eu le temps de<br />
prononcer la salutation de la Bienheureuse Marie, elle enfanta un fils qui vécut neuf jours sans prendre ni lait, ni<br />
quelque nourriture que ce fût. Cela se passait il y a 15 ans, dans la saison de l'été, au mois de mai, je ne sais plus quel<br />
jour, vers midi. Ce fils reçut le baptême, et ma mère disait que quinze jours avant l'accouchement elle ne le sentait pas.<br />
Il se comportait en effet comme s'il était mort, et elle pensait qu'il l'était. (Même déclaration que les autres sur la<br />
notoriété publique). J'ai la ferme conviction que c'est à l'invocation et en vertu des mérites de saint <strong>Yves</strong> et par miracle<br />
que j'ai accouché et que mon fils a vécu...»<br />
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TEMOIN 226<br />
Noble femme Théophanie de Pestivien, épouse de nobre homme Alain de Keranmes, chevalier, de la paroisse du<br />
Bienheureux Michel en Grève, âgée de 60 ans ou environ...<br />
« Le chevalier mon mari, et moi, voulions, il y a bien environ huit ans de cela, faire pèlerinage aux Sept Saints de<br />
Bretagne, et nous étions en direction d'un port de mer nommé Laber, au diocèse de Vannes. Nous fîmes embarquer le<br />
palefroi liard du chevalier à bord d'un bateau, car nous voulions faire traverser le port au palefroi avant nous. Le<br />
palefroi se trouvait donc sur le navire. Pour empêcher que les voiles hissées haut sur le navire ne le troublent, le<br />
chevalier lui fit couvrir la tête d'un surcot, ainsi par la suite il ne serait pas troublé. Le navire avec le palefroi était à michemin<br />
de la traversée du port, quand notre palefroi, bondissant du bateau, sauta dans la mer et y précipita avec lui le<br />
serviteur du chevalier qui le tenait par les rênes. Voyant cela du rivage où nous nous trouvions, mon mari et moi nous<br />
écriâmes : «Saint <strong>Yves</strong>, à l'aide !». A peine l'avions-nous dit que le serviteur apparut hors de l'eau et saisit un aviron du<br />
bateau. Tout de suite alors d'autres l'attrapèrent du navire, et l'y déposèrent. Quant au palefroi qui avait la tête<br />
recouverte, il était agité par la houle. Ce que voyant, le chevalier dit : «Saint <strong>Yves</strong>, rends-moi mon palefroi, et je<br />
l'amènerai à votre tombeau ». Aussitôt que le chevalier eut prononcé ce vœu, le palefroi tourna face à la houle sa tête<br />
toujours recouverte et s'en vint, tout droit, au rivage d'où il était parti, malgré le flot et le courant. Je ne me souviens ni<br />
du jour, ni de l'heure, ni du mois. Avec moi et mon mari assistaient à cela un assez grand nombre de gens dont j'ai<br />
oublié les noms...»<br />
TEMOIN 227<br />
Mencia, épouse d'Olivier de Sista, de la paroisse de Saint Evarzec, diocèse de Quimper, âgée de 40 ans ou environ...<br />
« Il y a de cela dix-huit ans, je me trouvai enceinte. Arriva le temps d'accoucher. Pendant quinze jours je souffris<br />
des douleurs. Ce travail me rendit goutteuse, et mes membres surtout mes jambes et mes cuisses devinrent<br />
pratiquement noirs. J'étais aux portes de la mort, de ne pouvoir accoucher. Enfin Adenora, ma mère, aujourd'hui<br />
défunte, invoqua le seigneur saint <strong>Yves</strong> et fît un vœu, en suite de quoi je mis au monde une fille pendant mon<br />
sommeil, sans la moindre douleur, et sans l'aide d'aucune sage-femme. Mes membres, jambes et cuisses, furent libérés<br />
de la goutte et de leur maladie. Cela se passait en été, mais je ne me souviens ni du mois ni du jour».<br />
(Interrogée sur l'époque, elle répéta comme ci-dessus).<br />
« Etaient présentes ma mère Adenora, Adelicia dite Hesezou, et Juliana veuve Rossic, alors vivantes, maintenant<br />
mortes, qui toutes furent saisies de sommeil comme moi aussitôt faits l'invocation et le vœu. Cette invocation et ce<br />
vœu, ma mère les prononça en ces termes ou en termes équivalents : «Seigneur saint <strong>Yves</strong>, je vous remets et vous<br />
dévoue ma fille, et la créature qui se trouve en elle ; et je vous promets six deniers par an, tant que vivra cette créature,<br />
si vous me sauvez ma fille et si la créature parvient au baptême». Cela se passait dans la grande salle (aula) de la<br />
maison de mon mari, dans son manoir, appelé Ainet, dans la paroisse de Saint Evarzec, au diocèse de Quimper.<br />
Réveillée après mon accouchement, j'allai, sans l'aide de quinconque jusqu'à une chambre sur mon lit. Quant à ma<br />
fille, venue au monde de cette façon, je la trouvai à mon réveil toute propre, sans la moindre trace de sang ou autres<br />
souillures, tout comme si on l'avait baignée plusieurs fois. Dans les lieux que j'ai nommés et ailleurs tout cela fut et est<br />
de notoriété publique, etc. Ma fille est vivante. Elle a un mari pourvu de 200 livres de revenus ; il était suffisant<br />
pourtant et il devait suffire qu'elle eût mari possédant seulement dix livres de revenus. Ma fille est très dévote ; elle<br />
jeûne chaque semaine deux jours au pain et à l'eau. Je crois que cette fille doit tout cela aux prières et aux mérites du<br />
seigneur saint <strong>Yves</strong> Hélory ».<br />
Olivier de Sista, mari de Mencia...<br />
TEMOIN 228<br />
« Ce miracle dont on vient de parler est de notoriété publique dans la paroisse de Saint Evarzec, et dans la cité et le<br />
diocèse de Tréguier. Et moi qui souffrais depuis six mois d'une goutte, et que les médecins jugeaient incurable, j'ai été<br />
guéri de mon mal à l'invocation de saint <strong>Yves</strong>. Cette goutte descendit dans mon bras droit. Un trou pratiqué dans ce<br />
bras la fit miraculeusement sortir lentement. Il y a environ six ans de cela. Je me suis voué à Dieu et au très pieux<br />
seigneur <strong>Yves</strong> : voilà ce que je peux dire de l'invocation et des paroles employées à cet effet. Je ne me souviens ni du<br />
jour, ni du mois, ni des autres circonstances...»<br />
TEMOIN 229<br />
Frère Guillaume Roland, de l'Ordre des Frères Mineurs du couvent de Guingamp, âgé de 60 ans ou environ...<br />
«Le lundi avant la fête de Saint Pierre aux liens cette année, vers l'heure de prime, alors que j'entrais dans la ville de<br />
Tréguier, j'ai rencontré un homme qui tenait un cheval, et ce cheval, disait-on, avait tué un enfant. Et en ce même<br />
endroit, j'ai vu cet enfant, étendu sur les genoux de sa mère et, de toute évidence, il était mort. Je me suis rendu ensuite<br />
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à l'église de Tréguier avec mon compagnon qui s'appelait Frère Alain Glodian pour célébrer la messe. Alors que mon<br />
compagnon commençait à célébrer la messe dans la chapelle où repose le corps du Bienheureux <strong>Yves</strong> j'ai vu porter<br />
l'enfant mort dont je viens de parler au tombeau du Bienheureux <strong>Yves</strong> et tout près de lui, et j'ai vu à cet endroit l'enfant<br />
en question étendu comme un être mort. La messe finie, ce même enfant, je l'ai vu en vie ; il avait les yeux ouverts et<br />
n'avait mal nulle part. J'ajoute que tandis qu'on célébrait la messe, les gens qui se trouvaient là invoquaient avec une<br />
très grande ferveur le Bienheureux <strong>Yves</strong>, pour qu'il rendît la vie à l'enfant. Etaient présents le frère que j'ai nommé et<br />
le prieur de Lannion nommé Lucas, et le frère <strong>Yves</strong> de Lantrigurer, de l'ordre de Cîteaux, et beaucoup d'autres dans la<br />
foule importante. On se servit de ces paroles : «Saint <strong>Yves</strong>, Saint <strong>Yves</strong>». J'ignore le nom de l'enfant, et je ne le<br />
connaissais pas auparavant. Ces choses-là sont de notoriété publique dans la cité de Tréguier ».<br />
TEMOIN 230<br />
Dom Lucas Domirateur, prieur de Lannion, âgé de 40 ans ou environ...<br />
« J'ai vu ledit enfant mort, avant le début de la messe et pendant cette messe. Et, la messe finie, alors qu'on disait<br />
l'Evangile de Saint Jean, et que les assistants criaient : «Saint <strong>Yves</strong>, Saint <strong>Yves</strong> !», l'enfant en question a ouvert les<br />
yeux et est revenu à la vie».<br />
(Concernant l'époque, le mois, le jour, le lieu, le nom de l'enfant, la connaissance qu'il en avait, dom Lucas a fait<br />
la même déclaration que le témoin précédent).<br />
«Etaient présents le témoin précédent et son compagnon qui célébrait, et le frère <strong>Yves</strong> de Lantréguier, de l'ordre de<br />
Cîteaux, et un damoiseau de l'évêque de Limoges, et une grande foule de gens. Je sais que l'enfant était mort car je l'ai<br />
vu rejeter de l'écume par la bouche comme le font d'habitude les morts, et j'ai constaté sa pâleur...»<br />
TEMOIN 231<br />
Discret homme dom Jacob Lebecte, du diocèse de Limoges, recteur de l'église d'Asso, diocèse de Toulouse, naguère<br />
vicaire général de l'évêque de Tréguier...<br />
« J'assure qu'il a été et qu'il est de notoriété publique dans la cité et le diocèse de Tréguier, dans toute la Bretagne,<br />
en Angleterre, en France, en Espagne, en Normandie, en Gascogne et dans de multiples régions voisines, que dom<br />
<strong>Yves</strong> Hélory, prêtre, tout le temps qu'il a vécu, a été et était un catholique bon et fidèle, qu'il a mené une vie tellement<br />
sainte que beaucoup lui donnaient le titre de saint et le font encore, et que durant sa vie et après sa mort naturelle, Dieu<br />
a opéré à son invocation et en vertu de ses mérites un nombre incalculable de miracles et qu'il en opère encore chaque<br />
jour sous nos yeux. Je sais que telle est sa notoriété dans les régions que j'ai dites, car à de multiples reprises j'ai vu des<br />
personnes innombrables venir de ces régions en pèlerinage au tombeau de dom <strong>Yves</strong>, et affirmer qu'il avait été et qu'il<br />
était de notoriété publique dans ces régions d'où elles venaient que Dieu accomplissait des miracles en nombre illimité<br />
à l'invocation de dom <strong>Yves</strong>».<br />
TEMOIN 232<br />
Jean an Eil Kerhoz, paroissien de Pleubian, d'âge légitime...<br />
«Dans la cité et le diocèse de Tréguier et dans la Bretagne tout entière il est de notoriété publique que dom <strong>Yves</strong>,<br />
tant qu'il a vécu, a mené une telle vie qu'on l'appelait saint et que durant sa vie et après sa mort, Dieu en raison de ses<br />
mérites, a opéré de nombreux miracles et en opère chaque jour en nombre croissant. Je le sais pour l'avoir entendu dire<br />
publiquement et communément, et j'ai vu et entendu un nombre incalculable de personnes venir de diverses régions au<br />
tombeau de dom <strong>Yves</strong> et affirmer ce que je viens de dire».<br />
TEMOIN 233<br />
<strong>Yves</strong> Médecin, de la paroisse de Louannec, d'un âge légitime...<br />
dit substantiellement et de fait la même chose que Jean, le témoin immédiatement précédent, ajoutant toutefois que<br />
la notoriété publique s'étend à la France, à la Normandie, à l'Angleterre, comme à diverses reprises il l'a entendu dire à<br />
savoir que dom <strong>Yves</strong> a mené une vie sainte, etc.<br />
Les témoins 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, qui s'appellent dans l'ordre :<br />
<strong>Yves</strong> Guillaume de Ker Adgan, ledit Hamonec de Trezeny, Minguet de Ker Rur, prêtre, <strong>Yves</strong>, vicaire de l'église de<br />
Lannan, Hervé, chapelain de Trédarzec, Alain Porcel, prêtre, <strong>Yves</strong> Cimentier, prêtre, dom Guillaume de <strong>St</strong>an, prêtre,<br />
Jean de Ker Milon, <strong>Yves</strong> Gigot Jollanc, de Pontrou,<br />
tous ces témoins, assermentés et soigneusement questionnés font la même déposition que Jean de Kerhoz, le témoin<br />
entendu plus haut.<br />
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