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TWIXT<br />
V.O. SORTIE le 11/04 à NANCY et à METZ<br />
2011-USA-89 mn de Francis Ford Coppola avec Val<br />
Kilmer, Bruce Dern, Elle Fanning…<br />
C’est du grand Coppola, un Coppola qui<br />
convoque rien moins qu’Edgar Allan Poe<br />
pour suppléer un misérable écrivain, pas<br />
foutu d’écrire la moindre ligne fantastique<br />
dans un patelin où tous les éléments<br />
L’ENFANT D’EN HAUT<br />
SORTIE le 18/04 à NANCY et à METZ<br />
2011-France/Suisse-97 mn d’Ursula Meier avec Léa<br />
Seydoux, Kacey Mottet Klein, Martin Compston…<br />
On a découvert Ursula Meier en 2008<br />
avec Home (avec Isabelle Huppert et<br />
Olivier Gourmet), fable sociale puissante<br />
et dérangeante. Avec L’Enfant d’en haut,<br />
elle creuse son sillon singulier avec une<br />
intelligence et une force d’expression encore<br />
accrues.<br />
Simon, 12 ans, vit ou plutôt survit avec<br />
sa grande sœur Louise dans un immeuble<br />
impersonnel, au fond d’une vallée industrielle<br />
suisse. Louise semble avoir toutes<br />
les peines du monde à se stabiliser, quittant<br />
régulièrement avec fracas ses petits<br />
boulots, préférant se laisser embarquer<br />
par des garçons virils au volant de voitures<br />
rutilantes. Alors Simon se débrouille<br />
et cherche à s’élever, dans tous<br />
les sens du terme. Tout faire pour quitter<br />
ce marasme, parce que ce n’est pas avec<br />
ce que rapporte sa sœur que la marmite<br />
peut bouillir. Tous les jours Simon prend<br />
chers à Poe sont là : maison<br />
délabrée peuplée de vampires la<br />
nuit, habitants inexistants si ce n’est le<br />
shérif, abruti qui a des velléités d’écrivains,<br />
et puis de l’autre côté du fleuve (le<br />
Styx ?) des êtres maléfiques, des démons<br />
musicaux qui se droguent, et puis<br />
surtout un meurtre mystérieux impliquant<br />
une jeune fille s’est produit là. De<br />
coma éthylique en étourdissements, il va<br />
petit à petit réaliser qu’il est impliqué<br />
dans tout ça et que certaines réponses à<br />
ses questions se trouvent dans sa propre<br />
vie. Alors pour en savoir plus sur l’affaire<br />
ou pour sortir de cette affaire, il va devoir<br />
prendre des risques…<br />
Après son opératique Tetro, Coppola<br />
nous offre un petit bijou qui pourrait<br />
s’apparenter à de la série B, mais qu’on a<br />
la télécabine. Qui mène au-dessus des<br />
nuages, jusqu’à la station de sports<br />
d’hiver où les touristes dépensent leur argent<br />
en toute insouciance. Il se fond dans<br />
la masse, avec son équipement de ski<br />
flambant neuf. Mais il n’est pas là pour<br />
skier. Il ne sait pas skier. Il n’est là que<br />
pour voler frénétiquement tout ce qu’il<br />
peut : skis, vêtements, accessoires (qu’il<br />
revendra à moindre prix en bas), portefeuilles<br />
laissés dans les doudounes négligemment<br />
accrochées aux porte-manteaux,<br />
jusqu’aux sacs contenant les sandwiches<br />
des familles. Simon ne vole pas<br />
pour s’offrir Playstation, ou quoi que ce<br />
soit de superflu, il vole pour survivre.<br />
Avec une force peu commune, Ursula<br />
Meier ausculte la manière dont l’argent<br />
façonne et détruit les rapports humains.<br />
C’est ainsi que le jeune garçon se transforme<br />
à chaque fois qu’il change d’espace<br />
et d’altitude, troquant sa tenue d’en<br />
haut contre celle d’en bas et vice-versa,<br />
se donnant brièvement un personnage<br />
d’enfant gâté auprès d’une famille anglaise,<br />
jouant ce qu’il aurait pu être s’il<br />
avait eu la chance de « bien naître ».<br />
L’argent qui conditionne les rapports<br />
avec sa sœur, dont on constate vite qu’elle<br />
attend en permanence le fruit des rapines<br />
de Simon. Scène terrible où il tente<br />
de négocier un câlin contre quelques dizaine<br />
d’euros… car on en oublierait<br />
presque que le petit voleur est avant tout<br />
un enfant, qui a besoin de tendresse…<br />
<strong>Le</strong>s relations entre Simon et Louise sont<br />
d’ailleurs très ambivalentes, et le film les<br />
restitue dans toute leur complexité, qu’on<br />
vous laisse découvrir. <strong>Le</strong>s deux acteurs<br />
9<br />
N O U V E A U T E S<br />
vite fait de reclasser dans la série A.<br />
Quelle maîtrise ! Quel culot ! Merci<br />
MONSIEUR COPPOLA !<br />
sont magnifiques : le jeune Kacey<br />
Mottet Klein, gamin fragile mais tenace,<br />
irréductible dans son instinct de vie, crève<br />
l’écran et Léa Seydoux est au diapason,<br />
terriblement crédible en femme-enfant<br />
irresponsable complètement larguée.<br />
Ce qui est très beau aussi, c’est qu’audelà<br />
du constat, assez terrible, il y a la solidarité<br />
sans faille des sans grade, autant<br />
en bas avec la bande des gamins qui se<br />
partagent une malheureuse butte enneigée<br />
pour faire de la luge, qu’en haut où<br />
Simon se lie d’amitié et de complicité délictueuse<br />
avec un jeune cuisinier saisonnier<br />
anglais. Et on découvre ce qu’on ne<br />
voit jamais au cinéma : les dessous des<br />
stations de sports d’hiver, les remises bétonnées<br />
où s’entassent les saisonniers, les<br />
arrière-cours où dégueulent les poubelles<br />
des restaurants chics.<br />
Ursula Meier filme sous toutes les coutures,<br />
avec une lucidité, une acuité formidables,<br />
ces lieux voués à la détente et au<br />
plaisir des plus riches.