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LA VIDA UTIL<br />
V.O. SORTIE le 28/03 à NANCY et à METZ<br />
2011-Uruguay-67 mn de Federico Veiroj avec<br />
Jorge Jellinek, Manuel Martinez Carril…<br />
On le comprend et on l’aime tout de<br />
suite, Jorge, le héros débonnaire de cet<br />
épatant petit film uruguayen. Et pour<br />
cause : c’est un monomaniaque du cinéma,<br />
une passion qui le prive quasiment<br />
de la lumière du jour, qui lui fait<br />
chercher des réponses à ses questions<br />
existentielles dans un vieux Lubitsch<br />
ou dans un plan fixe de Manoel De<br />
Oliveira, qui le fait frémir au moindre<br />
bruit métallique inhabituel dans les<br />
rouages d’un vieux projecteur mourant.<br />
Une passion qui le conduit à présenter<br />
inlassablement, semaine après<br />
semaine, des projections devant un<br />
public qui connaît par cœur ses introductions<br />
répétées maintes fois comme<br />
les répliques de vieux acteurs de boulevard.<br />
Pour Jorge, c’est pas la joie : la<br />
Cinémathèque de <strong>Mon</strong>tevideo, qu’il<br />
s’évertue à programmer et animer<br />
(c’est un grand mot) sous la direction<br />
de Martinez, redoutable théoricien du<br />
7ème art, est plongée depuis bien<br />
longtemps dans la morosité. Déjà l’architecture<br />
ressemblant plus à un délire<br />
stalinien pour amateurs mortifères<br />
qu’à une salle de cinéma conviviale.<br />
Et puis tout va à vau-l’eau : les projecteurs<br />
hors d’âge tremblotent de partout,<br />
leurs objectifs sont usés, leurs<br />
lampes faiblardes. Quant aux finances,<br />
elles deviennent carrément catastrophiques<br />
quand la fondation qui<br />
les soutenait depuis toujours retire ses<br />
billes. Et ce n’est ni le public clairsemé,<br />
ni les quelques réalisateurs qui<br />
viennent par fidélité obligée qui vont<br />
remonter le moral de Jorge dans l’importance<br />
du rôle de la cinémathèque…<br />
Un rayon de soleil pourrait être apporté<br />
par Paola, cette professeure qui<br />
vient toujours seule aux séances…<br />
mais Jorge n’arrive même pas à l’inviter<br />
à prendre un café…<br />
Cette étonnante comédie mélanco-<br />
PORTRAIT AU CREPUSCULE<br />
V.O. SORTIE le 11/04 à NANCY et le 18/04 à METZ<br />
(Portret v summer kakh) 2011-Russie-105 mn<br />
d’Anguelina Nikonova avec Olga Dykhovitchnaia,<br />
Sergueï Borissov, Roman Merinov…<br />
Filmé à Rostov, dans une lumière blême,<br />
avec la scénariste qui joue le rôle principal<br />
sans maquillage, Portrait au crépuscule<br />
montre à cru (ô combien !) une<br />
Russie corrompue et indifférente.<br />
Brutalement sortie de son couple-cocon<br />
lique développe, avec<br />
un humour à la Droopy<br />
terriblement incisif, le portrait d’un<br />
monde qui disparaît et de ses héros<br />
dont tout le monde se fout. Un monde<br />
qui croyait en l’universalité du cinéma,<br />
convaincu qu’il pourrait aider à<br />
mieux comprendre les choses, sinon à<br />
les changer. Et on ne peut que ressentir<br />
une profonde tendresse pour ces<br />
hommes entre deux âges qui sont devenus<br />
accro à leur vie de rats de cinémathèque,<br />
dont on se dit qu’ils ne<br />
pourraient s’en sortir qu’en suivant<br />
des cures de désintoxication, en participant<br />
à des réunions des cinéphiles<br />
anonymes… Ces scènes d’émissions<br />
de radio totalement absconses, de débats<br />
ratés avec des réalisateurs, ça<br />
nous fait rire et ça nous angoisse un<br />
peu, en nous renvoyant parfois à nos<br />
propres ratés.<br />
Heureusement le film s’échappe de<br />
son univers claustrophobe dans la<br />
deuxième partie, Jorge le vieux garçon<br />
s’adonnant, une fois licencié, aux plaisirs<br />
insolents de la vraie vie, notamment<br />
dans cette scène hilarante où il<br />
se substitue par malice à un prof de<br />
philo absent pour faire à des étudiants<br />
un éloge du mensonge, repris d’un<br />
monologue magnifique de Mark<br />
Twain. Il connaît bien la question,<br />
Jorge, le cinéma étant le premier des<br />
arts du mensonge !<br />
La mise en scène est classieuse et intrigante,<br />
avec son cadre presque carré<br />
(magnifique standard) et son noir et<br />
blanc indémodable, avec aussi<br />
quelques clins d’œil cinéphiles comme<br />
cette superbe échappée dans la ville<br />
qui rappelle L’Aurore de Murnau.<br />
ennuyeux, mais<br />
confortable, Marina,<br />
psychologue pour enfants, la trentaine,<br />
retourne sur les lieux de son viol par des<br />
policiers. Difficile de savoir si elle<br />
construit sa vengeance ou si, dans une<br />
tentation d’explorer la souillure, elle<br />
entre dans une spirale masochiste.<br />
L’ambiguïté est immense. Il restera la vision<br />
amère d’un pays esquinté.<br />
7<br />
N O U V E A U T E S<br />
LES ECLAIREURS<br />
Dans une maison jaune au coeur de Strasbourg, des<br />
gens de tous les coins du monde livrent par bribes<br />
leur espoir de trouver un refuge suite aux persécutions<br />
qui les ont fait basculer dans l’exil.<br />
Progressivement, une autre violence va se superposer<br />
à la violence passée : celle qu’on leur fait subir,<br />
ici, chez nous... Ce film interroge l’état d’une société<br />
criminalisant ceux qui cherchent la sécurité et<br />
notre protection. Il montre aussi le combat mené au<br />
quotidien par les citoyens qui sont les témoins, plus<br />
ou moins impuissants, de leur désespérance.