Echo des Carrieres 50.qxp - Association Culturelle des Juifs du Pape
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L'ECHO DES CARRIERES<br />
Sommaire<br />
NUMÉRO 50<br />
ECRIRE ET PARTAGER NOTRE HISTOIRE SUR WWW.ACJP.ORG Roselyne ANZIANI 1<br />
LE MOT DU PRÉSIDENT Gilbert MONTEL 2<br />
ÉRIC AMADO Christiane DEROBERT-RATEL 3<br />
JOSEPH SIMON Anny BLOCH-RAYMON 15<br />
LE VOYAGE D’ABRAHAM Hervé NAHMYAZ 26<br />
TEMOIGNAGE Claudine SABAN-BERKOWITZ 32<br />
LO PALAIS DE LA MESSILA Frédéric VOULAND 34<br />
NOTES DE LECTURE Roger KLOTZ 35<br />
GÉNÉALOGIE DESCENDANTE DE JOSEPH SIMON Yvan FERREOL-MAYRARGUE 36<br />
GÉNÉALOGIE ASCENDANTE DE CLAUDINE BERKOWITZ Yvan FERREOL-MAYRARGUE 36<br />
QUELQUES ÉCHOS DE NOS ANTENNES 37<br />
VIE ASSOCIATIVE 39<br />
L’ÉCHO DES CARRIÈRES ABONNEMENT - ADHÉSION 40<br />
ECRIRE ET PARTAGER NOTRE HISTOIRE SUR WWW.ACJP.ORG<br />
Les communautés juives <strong>du</strong> Comtat Venaissin et d’Avignon font partie de notre<br />
histoire commune et nous ont donné en héritage une culture judéo-comtadine.<br />
Même si <strong>des</strong> historiens se sont intéressés aux juifs <strong>du</strong> pape et plus généralement<br />
aux juifs de Provence, tout n’a pas été dit.<br />
Nous nous devons de recueillir, de partager et de transmettre ce que nous savons<br />
de leur vie et <strong>des</strong> parcours de leurs <strong>des</strong>cendants, personnes humbles aussi bien que personnages<br />
célèbres<br />
Nous sommes tous <strong>des</strong> historiens !<br />
Papiers de famille et documents recherchés dans les archives notariales, judiciaires,<br />
fiscales et religieuses nous permettent de cerner les aspects sociaux, économiques,<br />
politiques, familiaux et personnels de la vie de nos ancêtres proches ou lointains.<br />
De même, tout ce que la tradition et la mémoire familiale ont pu nous laisser en<br />
héritage spirituel, ainsi que tous nos souvenirs constituent une richesse qu’il est important<br />
de préserver et de partager.<br />
L’association souhaite, avec votre concours, rassembler tous ces éléments<br />
Nous faisons donc appel à vous !<br />
Nous vous aiderons, si nécessaire, à trier et à mettre en forme les informations et<br />
les textes que vous voudrez bien nous transmettre, afin qu’ils fassent l’objet d’une<br />
publication sur notre site internet ou dans l’<strong>Echo</strong> <strong>des</strong> Carrières.<br />
Roselyne ANZIANI
Le 14 octobre dernier le C.A. de notre<br />
<strong>Association</strong> se réunissait, pour traiter <strong>des</strong> différents<br />
sujets de l’actualité de l’A.C.J.P. Nous avons choisi<br />
Pernes les Fontaines, au centre <strong>du</strong> Comtat Venaissin,<br />
pour nous réunir.<br />
Pernes a longtemps abrité une communauté juive<br />
jusqu’au moment où les autorités Papales décidèrent<br />
de réunir les <strong>Juifs</strong> <strong>du</strong> Comtat (sans doute pour mieux<br />
les maîtriser) en quatre « Carrières », les « arba kéhilot<br />
» que nous connaissons bien. Pernes, Bédarri<strong>des</strong>,<br />
Monteux et quelques autres petites bourga<strong>des</strong> furent<br />
vidées de leurs « <strong>Juifs</strong> » qui se regroupèrent dans les<br />
quatre lieux désignés (Avignon, Carpentras, Cavaillon<br />
et L’Isle sur la Sorgue). Oh, certes , il y eut quelques<br />
familles qui restèrent dans leurs villages, mais c’était à<br />
leurs risques et périls.<br />
A Pernes, aujourd’hui, au 23 Place de la<br />
Juiverie, il existe une magnifique bâtisse dont Mr et<br />
Mme Gavalda sont propriétaires indivis depuis 1993 et<br />
dont Mme Gavalda a, seule, la jouissance depuis 2003.<br />
Les habitants de Pernes la connaissent comme l’Hôtel<br />
De Cheylus, <strong>du</strong> nom <strong>des</strong> propriétaires qui l’ont occupé<br />
le plus longtemps entre 1585 et 1745. A l’histoire de cet<br />
Hôtel particulier il faut ajouter les noms de familles qui y<br />
vécurent comme Josse de Stella, d’Alleman(d),<br />
d’Anselme ou de Valette.<br />
Ce magnifique bâtiment revient de loin. Dans<br />
les années 87- 91, propriété de Vaucluse Logements il<br />
était voué à la démolition pour être remplacé par une<br />
HLM. L’adjoint au maire de l’époque Mr Gabert,<br />
aujourd’hui Maire de Pernes les Fontaines, diligenta<br />
une enquête auprès <strong>des</strong> Monuments Historiques, en<br />
accord avec le maire en place Mr De Chiré, qui aboutit<br />
à la non <strong>des</strong>truction de la bâtisse. Cette étude permit de<br />
dater au moins à 1504 la construction <strong>du</strong>dit Hôtel. Si il<br />
est encore debout aujourd’hui c’est à Mr Gabert qu’on<br />
le doit….merci Mr le Maire.<br />
La « vox-populi » disait, et elle avait raison,<br />
qu’il s’y trouvait <strong>des</strong> « bains <strong>Juifs</strong> » qu’il fallait protéger.<br />
L’étude <strong>des</strong> Monuments Historiques permit d’officialiser<br />
l’existence <strong>du</strong> seul bain rituel privé <strong>du</strong> Comtat<br />
Venaissin .Cela permit de prendre un avis d’inscription<br />
de classement à l’inventaire <strong>des</strong> Monuments Historique.<br />
Vous pouvez admirer en couverture de ce numéro de<br />
l’<strong>Echo</strong> ce magnifique « cabussado » (Mikvé-bain<br />
rituel) qui a dû voir défiler, <strong>du</strong>rant quelques siècles, pas<br />
mal de jeunes filles juives à marier.<br />
Si vous passez par Pernes, Mme Gavalda vous<br />
accueillera chaleureusement, et vous fera visiter cette<br />
merveille. Téléphonez lui à l’avance pour un rendezvous<br />
au 06 21 56 77 59.<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
LE MOT DU PRESIDENT<br />
Page 2<br />
Puisque j’évoque la couverture de l’<strong>Echo</strong>, il ne<br />
vous a pas échappé qu’elle revêt aujourd’hui un nouveau<br />
« look ». Nous y travaillons depuis quelques<br />
temps et voici un premier essai qui sera sans doute<br />
sujet à évolution.<br />
Votre avis nous intéresse et nous espérons<br />
avant le n° 51 avoir de nombreux courriers (ou courriels<br />
sur notre site acjp.org@free.fr) sur ce sujet…ou de tout<br />
autre!<br />
Comme vous avez pu le lire sous la plume de<br />
Roselyne Anziani, nous voulons rendre notre site<br />
acjp.org le plus vivant possible. Votre Histoire est notre<br />
Histoire. C’est l’histoire de nos aïeux dans le Comtat.<br />
Vous avez sûrement quelques souvenirs, quelques<br />
anecdotes, quelques historiettes qui ont jalonné votre<br />
enfance et qui se cachent quelque part dans votre tête;<br />
confiez les nous!!<br />
C’est avec vous que nous voulons faire vivre notre site.<br />
C’est avec vous que nous voulons rendre vivante notre<br />
revue.<br />
Nous publierons vos textes dans la rubrique «<br />
Chroniques Comtadines ». De même, pour ceux qui<br />
dévorent tout ce qui sort en librairie et qui touche au<br />
Judaïsme (au sens large) vos notes de lecture (quelques<br />
phrases nous donnant vos impressions sur l’ouvrage)<br />
seront les bienvenues dans la rubrique « notes<br />
de lecture ». A vos plumes…<br />
L’année 2008 verra la distribution <strong>du</strong> Prix<br />
ACJP, troisième <strong>du</strong> nom.<br />
Ce prix vise à récompenser un auteur qui par ses écrits<br />
ou ses actes, favorise la mise en valeur et la promotion<br />
<strong>du</strong> patrimoine Judéo Comtadin, sous tous ses aspects.<br />
Si vous souhaitez faire acte de candidature, envoyez<br />
votre travail au nom <strong>du</strong> Président Gilbert MONTEL,<br />
Musée Juif Comtadin, rue Hébraïque 84300 CAVAIL-<br />
LON, ou si votre ouvrage existe sous forme électronique<br />
à notre adresse acjp.org@free.fr. Date limite 15<br />
Mars 2008.<br />
Au seuil de l’année nouvelle, au nom de tout le<br />
Conseil d’Administration, je vous adresse tous mes<br />
vœux de santé, bonheur et de paix<br />
Gilbert MONTEL
par CHRISTIANE DEROBERT-RATEL<br />
Maître de Conférences<br />
à l’Université <strong>du</strong> Sud-Toulon-Var<br />
Le 13 février 1918, est célébré, à l’hôtelde-ville<br />
d’Aix-en-Provence, le mariage <strong>du</strong> négociant<br />
Jacques Amado, sé<strong>du</strong>isant quadragénaire,<br />
et de Germaine Bédarride, jeune aixoise de<br />
grande beauté. Jacques Amado, né à Smyrne<br />
en 1877, est apatride car, né sous l’Empire<br />
Ottoman, celui-ci ignora le concept de nationalité<br />
au profit d’un communautarisme exclusivement<br />
religieux. Arrivé en France vers 1896,<br />
Jacques a sillonné l’Europe, ce qui lui a permis<br />
de devenir polyglotte : il parle sept langues et<br />
connaît l’hébreu. Germaine, née en 1890, est<br />
une <strong>des</strong>cendante <strong>du</strong> célèbre rabbin carpentrassien<br />
Mardochée Crémieu, qui s’est établi à Aix<br />
sous la Révolution. Les familles <strong>des</strong> deux époux<br />
appartiennent à la bourgeoisie d’affaires.<br />
Vaillante, Germaine va successivement donner<br />
naissance à quatre garçons :<br />
- Lionel, à la fin 1918, mais qui décède<br />
quelques mois après,<br />
- Max, le 15 mai 1920,<br />
- Jean, le 27 janvier 1922,<br />
- Éric, le 7 septembre 1925.<br />
Tous trois sont promis à un brillant avenir,<br />
mais plus singulier est le <strong>des</strong>tin d’Éric, qui après<br />
une jeunesse heureuse, mais troublée par la<br />
guerre, devient un chanteur engagé, puis un<br />
homme de radio.<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
ÉRIC AMADO, DE LA CHANSON À LA RADIO<br />
Page 3<br />
UNE JEUNESSE TROUBLÉE<br />
PAR LA GUERRE<br />
LA DOUCEUR DE VIVRE A LA BASTIDE<br />
Max Jean et Eric AMADO Juillet 1934<br />
(coll.Max Amado)<br />
C’est à La Bastide, un mas provençal, datant de<br />
la fin <strong>du</strong> XVIIIème siècle, sis au n°1 <strong>du</strong> cours<br />
d’Orbitelle à Aix, que grandit Éric. La maison, qui<br />
comprend une vingtaine de pièces, un immense<br />
grenier, <strong>des</strong> dépendances, est dotée d’un parc<br />
aux arbres centenaires avec un bassin. Éric a<br />
pour compagnon de jeux ses deux frères. Leur<br />
enfance paraît radieuse, il fait bon vivre à La<br />
Bastide. Jacques Amado est une homme d’une
profonde mansuétude. Très accaparé par son<br />
travail, il se décharge sur son épouse de bien<br />
<strong>des</strong> soucis domestiques, mais est attentif à ses<br />
fils dont il est fier. Germaine Amado a une personnalité<br />
plus complexe. Patriote et républicaine<br />
de gauche, elle est empreinte d’un vigoureux<br />
sens civique que lui ont transmis ses<br />
ascendants. Pendant la guerre, elle tient à passer<br />
son certificat d’étu<strong>des</strong> d’infirmière afin de<br />
pouvoir soigner bénévolement les blessés qui<br />
affluent à l’hôpital aixois. Femme de devoir, elle<br />
continue à s’investir dans diverses associations<br />
caritatives telles l’Union <strong>des</strong> femmes de<br />
France et l’Oeuvre de la protection <strong>du</strong> bébé. En<br />
dépit de tous ces engagements et de son<br />
caractère bien trempé, qui laisseraient subodorer<br />
une femme émancipée, Germaine demeure<br />
soumise à l’influence de sa mère qui habite La<br />
Bastide jusqu’à son décès. Avec ses enfants,<br />
Germaine est une maman assez autoritaire,<br />
mais sa fermeté é<strong>du</strong>cative dissimule le grand<br />
amour qu’elle leur porte. Elle veille particulièrement<br />
à leur santé, au développement de leur<br />
sociabilité et à leurs résultats scolaires. Max,<br />
élève-modèle, se fait remarquer lors <strong>des</strong> distributions<br />
<strong>des</strong> prix; Jean, génie <strong>du</strong> bricolage, a<br />
<strong>des</strong> mains de magicien et s’annonce très jeune<br />
comme un artiste. Éric, s’il se distingue par ses<br />
colères impressionnantes et sa force physique,<br />
a une voix d’or qui lui vaut d’être longuement<br />
ovationné à la maternelle à l’occasion d’un<br />
spectacle de fin d’année. Ce petit triomphe lui<br />
ayant donné envie de cultiver son don, il<br />
apprend seul les rudiments <strong>du</strong> solfège et se<br />
constitue un répertoire. Il chante avec ses frères<br />
dans ”le petit salon” , la pièce qui leur est<br />
exclusivement réservée, dotée d’un piano droit<br />
sur lequel chacun joue tour à tour. Germaine,<br />
qui a poussé assez loin l’apprentissage de cet<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
instrument et qui a une voie agréable, leur<br />
apparaît-elle comme un modèle à suivre ?<br />
Celle-ci accueille bien volontiers les<br />
camara<strong>des</strong> de ses enfants les week-ends et<br />
jours de congés. Véritable boute-en-train, Éric,<br />
malgré ses douze ans, est intégré dans le<br />
groupe de copains de ses frères, qui viennent<br />
régulièrement faire la fête à La Bastide. On<br />
danse autour <strong>du</strong> phonographe posé sur le<br />
piano. Éric est chargé de remonter la manivelle<br />
et de mettre les disques de son choix. Il ne se<br />
fait guère prier pour grimper sur une table et<br />
interpréter les chansons d’Alibert ou de Réda<br />
Caire. C’est aussi un très bon cavalier, apprécié<br />
<strong>des</strong> jeunes filles. Épisodiquement, la petite<br />
bande organise à La Bastide <strong>des</strong> soirées costumées<br />
ou fait <strong>du</strong> théâtre de société. Des pièces<br />
écrites et mises en scène par les trois frères<br />
sont jouées. En 1938, ”La troupe de La<br />
Bastide”, ayant suffisamment d’assurance,<br />
monte dans la petite salle de théâtre de l’hôtel<br />
de France, une comédie musicale intitulée<br />
L’olympe en pagaille. Max y incarne Jupiter,<br />
Jean, Cupidon, Éric, Zéphyr et son ami Yves<br />
Kléniec, chargé <strong>du</strong> bruitage, simule le tonnerre<br />
en coulisse. Des applaudissements enthousiastes<br />
crépitent à la fin <strong>du</strong> spectacle. Les amis<br />
s’adonnent également à La Bastide au croquet,<br />
au ping-pong et à <strong>des</strong> jeux de sociétés.<br />
Homme moderne, soucieux de l’ouverture<br />
d’esprit de ses enfants, Jacques Amado a<br />
acheté un poste de T.S.F. autour <strong>du</strong>quel tous<br />
se rassemblent le soir. Éric peut ainsi enrichir<br />
son répertoire, écouter Charles Trenet qui<br />
devient son idole et les émissions désopilantes<br />
de l’humoriste Max Régnier. En juin 1937,<br />
Jacques tient à emmener son petit monde visiter<br />
la grande exposition universelle et les<br />
Page 4
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
- ”Alors d’accord, mais tu<br />
fais le simple”, rétorque<br />
Jean,<br />
liant... ”.<br />
faussement conci-<br />
La cérémonie se poursuit,<br />
entrecoupée par une savoureux<br />
dîner, où les trois complices<br />
peuvent grignoter <strong>des</strong><br />
matzot dont ils raffolent.<br />
Enfin, vient le final qui la clôture<br />
et tous les convives<br />
entament à pleine voix la<br />
chanson <strong>du</strong> Cabri. On s’embrasse<br />
et ”l’Année prochaine<br />
à Jérusalem ! ”, se remémore<br />
Max Amado.<br />
1938. Éric qui atteint sa<br />
majorité religieuse fait sa Bar<br />
Mitzva au temple d’Aix. Il y<br />
chante merveilleusement un<br />
Jacques et Germaine(née BEDARRIDE) AMADO<br />
Année de leur mariage 1918 (coll.Max Amado)<br />
passage de la Torah appris<br />
par coeur car il n’a pas réussi<br />
monuments de Paris.<br />
à assimiler l’hébreu, malgré les efforts de son<br />
Germaine et Jacques ont à coeur de père et <strong>du</strong> Rabbin Weill. Un grand buffet est<br />
célébrer Pâques. Durant le Seder, Jacques, qui organisée dans les jardins de La Bastide, pour<br />
est d’une grande piété, officie en hébreu.... ”Là, l’occasion, mais le coeur n’y est pas : ”Les<br />
rituellement, s’élève une bagarre, rapporte Max conversations portent essentiellement sur la<br />
Amado dans ses Mémoires. Au moment où il est conférence de Munich...”, regrette Éric. Aussi,<br />
question <strong>des</strong> enfants qui interrogent le père sur ne garde-t-il pas un excellent souvenir de cette<br />
la signification de Pessah, ni Jean ni Éric ne réception, d’autant que Germaine Amado, intrai-<br />
veulent assumer le rôle de celui qui est réputé table sur le sommeil de ses enfants, l’envoie,<br />
”le méchant”.<br />
comme chaque soir, avec ses deux frères, au lit<br />
- ”C’est pas juste ! ”, clame Éric, ” C’est<br />
toujours moi ! ”.<br />
à 21 heures...<br />
- ”Et alors ? ” , répond Jean, ”C’est toi le UN ADOLESCENT AUDACIEUX<br />
plus jeune ! ”.<br />
ET RÉSOLUMENT OPTIMISTE<br />
- ”C’est pas une raison ! ”, reprend Éric<br />
avec une certaine justesse, ”Cette fois, c’est toi<br />
CONFRONTRÉ À VICHY<br />
!”.<br />
Quand débute la ”drôle de guerre”, Éric<br />
Page 5
est trop jeune pour être mobilisé, mais son<br />
civisme l’amène à rejoindre les Éclaireurs de<br />
France qui sont chargés de rendre de petits services<br />
à la municipalité. Max et Jean sont entrés<br />
dans la Résistance, ils diffusent clan<strong>des</strong>tinement<br />
le journal Combat. Éric qui est dans le<br />
secret n’a de cesse d’y participer. Très solidaires,<br />
ses frères cèdent. Au demeurant, son jeune<br />
âge et son appartenance aux éclaireurs est un<br />
atout, il passe plus inaperçu quand, en uniforme<br />
sur son vélo, avec un sac à dos, il distribue la<br />
presse clan<strong>des</strong>tine. Le courage et l’inconscience<br />
<strong>des</strong> adolescents ne s’arrêtent pas là. Une<br />
vielle ronéo, rafistolée par Jean, est installée<br />
dans l’un <strong>des</strong> greniers de La Bastide sur laquelle<br />
le trio tire <strong>des</strong> tracts incendiaires. Pour rire, ils se<br />
laissent aller à écrire en gros caractères sur la<br />
porte : ”Défense d’entrer - Imprimerie clan<strong>des</strong>tine<br />
- Commissariat général de la France libre” .<br />
Mais un membre de leur réseau ayant été<br />
arrêté, deux inspecteurs de police viennent à La<br />
Bastide. Jean n’étant pas là, seuls Max et Éric<br />
sont emmenés au commissariat de la place<br />
Jeanne d’Arc. Ces derniers, qui ont déjà un<br />
sacré aplomb, nient tout en bloc, aussi sont-ils<br />
rapidement relâchés, les enquêteurs n’ayant<br />
pas pris la peine de perquisitionner leur<br />
demeure. Cette alerte n’empêche pas l’intrépide<br />
Éric de continuer à tracer à la craie, sur les murs<br />
d’Aix, <strong>des</strong> croix de Lorraine.<br />
Le 14 novembre 1940, Max, qui est avocat<br />
stagiaire depuis un peu plus de deux mois,<br />
se voit radié, victime <strong>des</strong> lois raciales.<br />
Des dérivatifs s’avèrent plus que jamais<br />
nécessaires à la fratrie <strong>du</strong>rant cette sombre<br />
période.<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 6<br />
Le poste de T.S.F. de La Bastide permet<br />
d’écouter les émissions françaises de la radio<br />
anglaise, devenues une drogue quotidienne. On<br />
est très fier d’apprendre, par ce biais, que René<br />
Cassin, un cousin, a pu rejoindre de Gaulle pour<br />
se mettre au service <strong>des</strong> forces françaises libres<br />
et on se délecte de la chanson de Pierre Dac<br />
qu’Éric reprend avec plaisir :<br />
Radio Paris ment, Radio Paris ment<br />
Radio Paris est Allemand.<br />
Les copains de La Bastide font de longues<br />
randonnées à vélo. Max, Jean et Éric soutiennent<br />
les efforts <strong>des</strong> cyclistes en chantant en<br />
choeur tout en pédalant.<br />
Le jardinage est un autre hobby d’Éric : il<br />
cultive, dans le potager de La Bastide, <strong>des</strong> légumes,<br />
très appréciés <strong>des</strong> siens en ces temps de<br />
restrictions, qui vont lui servir à financer ses<br />
cours de chants avec Paule Ripert, une amie de<br />
Germaine Amado. Professeur de chant à Paris,<br />
réfugiée dans sa ville natale, cette grande<br />
fumeuse consent à donner Éric <strong>des</strong> leçons<br />
contre <strong>du</strong> tabac. Très débrouillard, Éric échange<br />
donc sa pro<strong>du</strong>ction agricole contre les cigarettes<br />
<strong>des</strong> troupes d’occupation italiennes et peut<br />
apprendre à placer sa voix d’une manière<br />
exceptionnelle. ”Grâce à son enseignement, j’ai<br />
pu chanter, sur trois octaves, les mélodies que<br />
j’aimais, sans me poser la question de la tessiture,<br />
avec un infinie facilité”, écrit-il dans ses<br />
mémoires intitulées Avec le temps.<br />
L’année 1942 est particulièrement<br />
cruelle. Le 11 février, Jacques Amado décède; le<br />
5 décembre, Jeanne Bédarride, mère de<br />
Germaine, disparaît à son tour, tandis que les<br />
troupes alleman<strong>des</strong> occupent Aix. La seule tou-
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
che de bonheur est le mariage, le 28 novembre, <strong>des</strong>tinées à ceux qui se sont trop exposés sous<br />
de Max avec Éliane Lévy-Valensi, une étudiante leur véritable nom. Éric, avec son assurance<br />
en philosophie parisienne, repliée sur Aix, et habituelle, invente une histoire. Sa verve<br />
rencontrée à l’office de Roch Hachana. Son s’avère efficace : les fraudeurs sont relâchés.<br />
charme, sa gentillesse et son intelligence ont Éric et Jean peuvent regagner La Bastide peu<br />
conquis ses jeunes beaux-frères et les camara<strong>des</strong><br />
de Max. Un déjeuner réunit une dernière<br />
après. L’accalmie est brève.<br />
fois à La Bastide amis et parentèle.<br />
Dans la nuit <strong>du</strong> 23 au 24 juin 1943, la<br />
feldgendarmerie et <strong>des</strong> poli-<br />
En janvier 1943, Max et<br />
ciers français procèdent à<br />
Éliane préfèrent quitter Aix,<br />
l’arrestation de juifs aixois.<br />
pour Grasse, qui est en zone<br />
Éric et Jean parviennent à<br />
d’occupation italienne. Femme<br />
leur échapper, le premier en<br />
de tête et d’action, Germaine<br />
se cachant sur le toit <strong>du</strong><br />
Amado parvient, grâce à <strong>des</strong><br />
poulailler, dissimulé par <strong>des</strong><br />
complicités familiales, à sous-<br />
branchages, le second en<br />
traire Jean au S. T. O : allé-<br />
sautant le mur et en se réfuguant<br />
quelques troubles, on<br />
giant chez <strong>des</strong> voisins.<br />
hospitalise ce dernier dans une<br />
Miraculeusement, Mme<br />
clinique psychiatrique de Nice,<br />
Amado n’est pas inquiétée.<br />
dont on le fait sortir, quelques<br />
Au petit matin, les deux jeu-<br />
jours après, muni d’un certificat<br />
nes rescapés prennent le<br />
médical de complaisance suffi-<br />
train pour Grasse, où ils<br />
samment inquiétant pour dis-<br />
vont s’abriter chez Max et<br />
suader les responsables <strong>du</strong> S.<br />
T. O. de faire appel à lui. Ses<br />
deux frères sont venus aussitôt<br />
Eric AMADO Juillet 1942<br />
(coll.Max Amado)<br />
Éliane, puis dans la villa<br />
d’un parent à Sainte-<br />
Maxime. Germaine Amado<br />
voir l’interné pour le soutenir. Jean qui est en est restée à Aix, le temps de confier à un ami<br />
pleine forme n’a pas per<strong>du</strong> son humour : il pro- antiquaire <strong>des</strong> meubles dont la vente doit lui perfite<br />
de son préten<strong>du</strong> état pour s’accrocher à la mettre de subsister dans la clan<strong>des</strong>tinité. En<br />
grille de l’établissement et injurier les allemands, septembre, Germaine, Jean et Éric s’installent à<br />
qui d’aventure, passent à sa portée. Le trio a <strong>du</strong> Dieulefit où ils s’intègrent facilement, tant la<br />
mal à maîtriser son hilarité. Éric séjourne quel- population se montre chaleureuse. Jean, réfracques<br />
jours chez Max où tout est prétexte à rire... taire aux étu<strong>des</strong>, mais dont les tendances artis-<br />
Mais, dans une boulangerie, ils sont arrêtés par tiques s’affirment, est engagé dans un atelier de<br />
un policier qui les soupçonne d’être porteurs de poterie - c’est le début <strong>du</strong> chemin qui le mènera<br />
faux tickets de ravitaillement, à juste raison, car à devenir le grand sculpteur que l’on connaît.<br />
Max en compagnie de son ami Jean-Pierre Éric s’inscrit en première au collège de la ville et<br />
Rosa fabrique <strong>des</strong> ”vraies-fausses identités” figure dans l’équipe de football de l’établisse-<br />
Page 7
ment. Repris par sa passion, Éric suit <strong>des</strong> cours<br />
au conservatoire municipal de musique, chante<br />
au temple protestant, lors de l’office dominical,<br />
et dans la chorale d’un groupement affilié aux<br />
auberges de jeunesse, dont l’un <strong>des</strong> animateurs<br />
est François Soubeyran, qui deviendra l’un <strong>des</strong><br />
Frères Jacques. ”Nous étions une trentaine de<br />
garçons et filles, venus d’horizons différents, et<br />
au moins pour les deux tiers, <strong>des</strong> fuyards aux<br />
noms d’emprunt. Nous ne nous posions aucune<br />
question et personne n’avait envie de chercher<br />
le pourquoi de la présence de l’autre en<br />
sachant, pourtant, que le hasard n’y était pour<br />
rien”, note Éric. Germaine Amado reçoit sans<br />
réticence les amis de ses fils dans la petite maison<br />
qu’elle loue. Il n’est par rare qu’elle en<br />
retrouve au petit matin assoupis sur un canapé,<br />
un matelas ou même par terre. Elle ne s’en<br />
offusque pas... Germaine Amado est décidément<br />
une maman de bonne composition ! ”<br />
Cette période - d’octobre 1943 au mois de mai<br />
1944 - est restée un souvenir de bonheur, malgré<br />
la menace, toujours présente de l’arrivée<br />
<strong>des</strong> allemands ou <strong>des</strong> miliciens”, reconnaît Éric.<br />
Celui-ci passe avec succès sa première partie<br />
de baccalauréat à Montélimar, puis, à l’annonce<br />
<strong>du</strong> débarquement, rejoint avec Jean un corps de<br />
résistants. Ils s’impliquent dans <strong>des</strong> opérations<br />
<strong>des</strong>tinées à couper les routes aux allemands.<br />
L’arrivée <strong>des</strong> américains permet à Germaine<br />
Amado de regagner Aix avec ses deux fils. Les<br />
transports étant totalement désorganisés, c’est<br />
en taxi qu’ils font le voyage de Dieulefit à Aix.<br />
Max et Éliane, qui ont dû quitter Grasse en octobre<br />
43, après maintes pérégrinations dans la<br />
France profonde, <strong>du</strong>rant près d’un an, peuvent<br />
rentrer à Aix en septembre 44. ”Inutile de décrire<br />
la joie commune de cette fusion retrouvée après<br />
toutes ces épreuves et en particulier avec Éric,<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 8<br />
mon commensal habituel <strong>des</strong> salles de police...”<br />
, écrit Max Amado. Quelque temps plus tard, ils<br />
célèbrent ”Kippour sur un fond d’émotion profonde...<br />
mais aussi dans l’illumination d’une<br />
dignité retrouvée”, se souvient-il.<br />
Bien <strong>des</strong> tracas obscurcissent ce retour<br />
car La Bastide a été vandalisée par les troupes<br />
alleman<strong>des</strong>, puis l’armée américaine qui l’a<br />
réquisitionnée. Les pénuries alimentaires se<br />
feraient douloureusement sentir sans les boites<br />
de corned-beef qu’Éric et Jean parviennent à se<br />
procurer auprès <strong>des</strong> G. I. avec leur ingéniosité<br />
habituelle.<br />
UN CHANTEUR ENGAGÉ<br />
DANS L’APRÈS-GUERRE<br />
En septembre, Éric reprend son cursus<br />
au lycée Mignet où il jouit d’un certain prestige<br />
en raison de son passé de maquisard. ”J’en profitais<br />
pour toiser les quelques professeurs qui<br />
avaient été notoirement pétainistes et je hissais<br />
les couleurs devant tous les élèves rassemblés,<br />
avec un profond sentiment de revanche”,<br />
avoue-t-il. Il décroche son bac philo aisément,<br />
tout en profitant goulûment de la vie. ”Cette<br />
période d’après occupation et d’avant armistice<br />
ne fut que plaisirs, rires, ”surprises-parties”, balla<strong>des</strong>,<br />
pique-niques et baigna<strong>des</strong>. Nous rattrapions<br />
le temps per<strong>du</strong>”, poursuit Éric. Il retrouve<br />
son ami Yves Kléniec, qui a échappé de justesse<br />
à la déportation. Excellent pianiste, doté<br />
d’une fort belle voix, ce dernier, a créé un petit<br />
orchestre dont Éric fait partie. Cette formation,<br />
qui se pro<strong>du</strong>it l’après-midi dans le salon de thé<br />
de l’hôtel Nègre-Coste, permet à Éric, son chanteur-vedette,<br />
de toucher ses premiers cachets.<br />
Cette expérience l’amenant à envisager une
carrière artistique, Éric monte tenter sa chance<br />
à Paris, en octobre 1946. Il y retrouve Max qui<br />
est avocat, Éliane qui prépare son agrégation de<br />
philosophie à la Sorbonne et Paule Ripert avec<br />
laquelle il reprend <strong>des</strong> cours pour perfectionner<br />
sa technique vocale. Mais commencent <strong>des</strong><br />
mois de galère; il doit faire de petits jobs, pas<br />
toujours gratifiants, pour subsister. Ainsi travaille-t-il<br />
un moment à la cinémathèque <strong>des</strong><br />
Actualités Eclair, puis comme coursier cyclise à<br />
l’Union nationale <strong>des</strong> intellectuels. Cet organisme<br />
présidé par Louis Aragon, réunit les artistes,<br />
écrivains, comédiens, chanteurs et musiciens<br />
d’obédience communiste. Ses idées de<br />
gauche le poussent à adhérer au ”Parti” , dans<br />
cette période de guerre froide. ”Mon passage au<br />
parti communiste, écrit-il, fut assez folklorique.<br />
Je n’étais jamais d’accord avec les assertions<br />
de l’Huma et les discussions avec les ”camara<strong>des</strong>”<br />
étaient souvent épiques. Cela ne m’a pas<br />
empêché de devenir - un temps très court -<br />
secrétaire de cellule... J’ai quitté le parti sans<br />
regret”. Un poste de photographe au<br />
Commissariat à l’énergie atomique lui étant<br />
offert en 1948, Éric l’accepte. Si le salaire est<br />
confortable, les conditions de travail sont exécrables<br />
: Éric passe le plus clair de son temps<br />
dans une chambre noire. Au bout de quelques<br />
mois, n’y tenant plus, il démissionne pour se<br />
consacrer à la chanson.<br />
François Soubeyran, l’un <strong>des</strong> quatre<br />
Frères Jacques, le conseille et c’est ainsi qu’Éric<br />
entre en relation avec Christiane Verger et<br />
Joseph Kosma, deux compositeurs, qui vont lui<br />
fournir un répertoire de grande qualité. Stimulé<br />
par leurs encouragements, il décide de donner<br />
un récital dans la salle de spectacles de l’Union<br />
nationale <strong>des</strong> intellectuels qu’il prépare d’arra-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 9<br />
che-pied. La veille de ce grand jour, s’étant présenté<br />
à une audition organisée par la radio, il y<br />
fait la connaissance de la réalisatrice Christiane<br />
Mallarmé qu’il épouse au début de l’année<br />
1949. Ne laissant rien au hasard, il participe à<br />
de nombreuses émissions radiophoniques de<br />
François Billetdoux, Aimée Mortimer ou Francis<br />
Claude et à <strong>des</strong> galas de bienfaisance, où il<br />
noue de précieuses relations dans le monde<br />
musical. Germaine Amado, à présent très fière<br />
de son fils, ne manque pas d’alerter ses amies<br />
quand celui-ci passe à la radio! Éric Amado se<br />
pro<strong>du</strong>it parallèlement dans plusieurs cabarets<br />
de Saint-Germain-<strong>des</strong>-prés aux côtés de Léo<br />
Ferré, Cora Vaucaire, etc... L’année 1949, est<br />
faste : le 19 juin, Christiane donne naissance à<br />
Gilles, leur premier enfant et, au cours <strong>du</strong> dernier<br />
trimestre, Paquita Claude fait appel à Éric<br />
pour le spectacle de comédie et de chansons<br />
qu’elle doit monter quelques mois plus tard au<br />
Théâtre de la Baraque Saint Germain, un théâtre<br />
de toile et de bois installé sur la place Saint-<br />
Sulpice. Éric qui chante si bien les poèmes de<br />
Prévert, mis en musique par Joseph Kosma et<br />
Jean Wiener, commence, à force de travail, à<br />
être connu. Il mène cependant une existence<br />
difficile car, à l’époque, les chanteurs n’ont<br />
aucune couverture sociale et sont payés le plus<br />
souvent de la main à la main. De plus, la crise<br />
<strong>du</strong> logement fait sentir ses effets quand Anne<br />
naît le 17 juillet 1950, suivie de Pascale le 13<br />
avril 1952. Ils sont à présent cinq à s’entasser<br />
avec un gros Saint-Bernard dans un deux pièces<br />
de la rue Saint-Placide. Les nuits d’Éric, qui<br />
rentre vers 3 heures <strong>du</strong> matin de son spectacle<br />
de cabaret, sont courtes car il a <strong>des</strong> biberons à<br />
donner et bien souvent, dès six heures <strong>du</strong> matin,<br />
une émission en direct à la R. D. F.<br />
Heureusement Éric a une santé de fer.
En 1951, Lily, l’épouse de Joseph<br />
Kosma, organise pour Éric une tournée de<br />
concerts en province. Précurseur <strong>du</strong> one man<br />
show, Éric y interprète une vingtaine de chansons,<br />
dont Barbara, qui devient son grand succès.<br />
Dans la foulée, il sort son premier 78 tours,<br />
sur lequel figure Barbara et Familiale, oeuvres<br />
de Prévert et Kosma. Jugée sulfureuse par les<br />
dirigeants de la R. D. F. , cette dernière est interdite<br />
de diffusion.<br />
En 1952, le propriétaire d’un restaurant,<br />
rue d’Argenteuil, lui propose de le transformer<br />
en cabaret. Éric y monte un spectacle scindé en<br />
deux parties. La première constituée de tours de<br />
chants, la seconde d’une courte pièce de<br />
Labiche intitulée Une fille bien gardée, mise en<br />
scène par Jacques Fabri et jouée par<br />
Frédérique Hébrard, Louis Velle et Michel<br />
Piccoli. Ses convictions le portent, également, à<br />
interpréter Quand un soldat de Francis<br />
Lemarque, hymne de la gauche, qui déchaîne,<br />
selon leur sensibilité politique, les applaudissements<br />
ou les sifflets <strong>des</strong> spectateurs. Mais Éric<br />
Amado n’en a cure, la transformation de ses<br />
galas en meetings politiques n’est pas pour lui<br />
déplaire.<br />
1953 s’avère fructueux : Jean Wiener, en<br />
accord avec la direction <strong>du</strong> parti communiste,<br />
demande à Éric d’enregistrer une chanson à la<br />
gloire <strong>du</strong> journal L’Humanité dont il vient d’écrire<br />
la musique. Éric est sollicité par l’éditeur de disques<br />
Le Chant <strong>du</strong> Monde pour l’un <strong>des</strong> premiers<br />
microsillons français qui restera en vente, pendant<br />
plus de trente ans, jusqu’à l’apparition <strong>du</strong><br />
CD. En septembre, Éric est invité à participer au<br />
spectacle final de la fête organisée par<br />
L’Humanité. ”Trac considérable et plaisir gran-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 10<br />
diose se mélangeaient intimement”, confesse<br />
Éric qui n’a jamais chanté devant 50.000 personnes...<br />
Cette prestation est le début d’une longue<br />
série de galas donnés en province, à l’occasion<br />
<strong>des</strong> fêtes <strong>des</strong> fédérations départementales<br />
<strong>du</strong> parti communiste ou pour les gran<strong>des</strong> réunions<br />
syndicales. La famille étant sur le point de<br />
s’agrandir, Christiane et Éric décident d’aller<br />
habiter une villa à Plaisir, une bourgade située à<br />
une trentaine de kilomètres de Paris où naît, le<br />
18 février 1954, Christine.<br />
Éric enchaîne les émissions radiophoniques<br />
ou télévisées, les galas en province, enregistre<br />
<strong>des</strong> disques et <strong>des</strong> chansons de films<br />
comme celles <strong>du</strong> Roi et l’Oiseau, un <strong>des</strong>sin<br />
animé. Christiane, d’une vitalité peu commune,<br />
continue son métier de réalisatrice à la R. T. F.<br />
et, le 25 août 1955, met au monde Nathalie et<br />
Renaud, <strong>des</strong> jumeaux. Il faut une nouvelle fois<br />
déménager et l’on s’installe dans un pavillon<br />
plus vaste à Savigny-sur-Orge. Avec six enfants,<br />
Éric Amado a désormais de lour<strong>des</strong> charges<br />
que son métier de chanteur ne lui permet pas de<br />
parfaitement assumer ; son avenir professionnel<br />
lui paraît incertain. Après mure réflexion et non<br />
sans tristesse, l’homme de devoir l’emporte sur<br />
le chanteur : en 1960, il décide de se reconvertir<br />
en entrant dans le cercle très fermé <strong>des</strong> animateurs<br />
radios.<br />
UN HOMME DE RADIO<br />
ET UN PÈRE MODÈLE<br />
Paris-Inter l’engage et lui confie la responsabilité<br />
de Route de Nuit, tous les lundis de<br />
1 heure 15 à 6 heures 15. L’épreuve est redoutable,<br />
mais Éric est bien organisé : ”En apprenant<br />
que je devais travailler la nuit, j’avais
ecensé de nombreuses professions dont les<br />
membres étaient susceptibles d’écouter la radio,<br />
à commencer par les boulangers, bien enten<strong>du</strong>,<br />
pour continuer par les infirmières, les postiers,<br />
les automobilistes et les routiers. Tout ce monde<br />
nous téléphonait soit, pour demander un renseignement,<br />
soit pour appeler au secours, soit pour<br />
parler ”à la voix de la radio” . Et je ne compte<br />
pas les farfelus et les hystériques... Cinq heures<br />
d’émission d’affilée, c’était lourd... Nous diffusions<br />
les disques qui nous plaisaient, en mélangeant<br />
les genres et les rythmes, pour empêcher<br />
les auditeurs de s’endormir. A 6 heures 15, je<br />
laissais l’antenne à l’animateur suivant et je rentrais<br />
à la maison, non sans avoir acheté le pain<br />
et les croissants pour le déjeuner de la famille” ,<br />
écrit-il.<br />
Excellent papa, Éric se préoccupe très tôt<br />
de l’éveil musical de ses enfants qu’il emmène<br />
souvent dans les studios de la Radio. Des réalisateurs<br />
les ayant remarqués, les sollicitent, à<br />
l’occasion : Christine, à 6 ans, est toute fière de<br />
chanter avec son père lors d’une émission ;<br />
Pascale, à 8 ans, enregistre en soliste, le refrain<br />
d’une chanson ; la fratrie fait aussi <strong>des</strong> 45 tours<br />
semi-pédagogiques sur les fleuves de France,<br />
puis, dans le même esprit, les montagnes et les<br />
règles de grammaire. Leur père, ravi, les<br />
accompagne et les fait répéter. ”Je retrouvais le<br />
plaisir de chanter. Évidemment le public était<br />
absent, mais j’avais découvert une autre jouissance,<br />
donnée à peu d’interprètes : la satisfaction<br />
de me pro<strong>du</strong>ire avec mes enfants ! ”, confiet-il.<br />
La vie dans leur joli pavillon baigne dans la<br />
bonne humeur. Éric s’enorgueillit, aujourd’hui,<br />
de ne jamais avoir donné une claque ou une fessée<br />
à ses garçons et filles. Ceux-ci, très affectueux,<br />
attendent, le soir, leurs parents avec <strong>des</strong><br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 11<br />
textes de bienvenue et <strong>des</strong> <strong>des</strong>sins composés<br />
sur un tableau noir. Christiane et Éric, qui travaillent<br />
tous deux beaucoup, conçoivent un système<br />
performant pour atténuer leurs soucis<br />
domestiques : ils instaurent un ”jour de service”<br />
. Quotidiennement, à tour de rôle, un de leurs<br />
enfants est responsable <strong>des</strong> menus travaux<br />
inhérents à la bonne marche <strong>du</strong> foyer. ”Cette<br />
organisation n’a jamais créé de litiges et je la<br />
recommande chaleureusement aux familles<br />
nombreuses”, conseille Éric. Celui-ci, très pointilleux,<br />
comme sa mère, sur le sommeil de ses<br />
petits, leur impose d’être couchés à 21 heures<br />
30, mais ne manque pas de passer dans les<br />
chambres pour ”la cérémonie traditionnelle <strong>du</strong><br />
bonsoir. Je devais discuter avec chacun, personnellement,<br />
sur tel ou tel sujet, blaguer, rire,<br />
juger, encourager ou tout simplement écouter.<br />
Et ça prenait <strong>du</strong> temps ! ”, se souvient-il. Le<br />
week-end, Éric va avec les siens se promener<br />
dans la forêt de Fontainebleau, ce qui lui donne<br />
l’idée de faire avec Christiane un 45 tours touristique<br />
sur cet endroit, intitulé Emportez<br />
Fontainebleau avec vous ! Quand Éric achète<br />
une caravane, les vacances se transforment en<br />
une grande aventure et la traction devient une<br />
chorale mobile car Éric chante avec ses enfants<br />
pendant qu’il sillonne les routes de France.<br />
Éric prend de plus en plus de plaisir à ses<br />
émissions de nuit sur Paris-Inter. Il apprécie surtout<br />
la liberté de programmation musicale et de<br />
parole dont il croit disposer. Mais ses éclats de<br />
rire, son humour décapant, qui tranchent avec le<br />
ton compassé de l’époque, ne sont pas <strong>du</strong> goût<br />
de la direction de Paris-Inter qui préfère lui<br />
confier, en 1960, une émission de radioguidage,<br />
diffusée le dimanche en fin d’après-midi, afin de<br />
faciliter la rentrée <strong>des</strong> voitures sur Paris.
Pendant dix ans, il va donner <strong>des</strong> conseils aux<br />
automobilistes, en fonction <strong>des</strong> renseignement<br />
fournis par la préfecture de police ou la gendarmerie.<br />
Il doit localiser les bouchons et proposer<br />
<strong>des</strong> déviations, exhorter les con<strong>du</strong>cteurs à la<br />
prudence, leur rappeler les distances de freinage<br />
et les encourager à boucler leur ceinture<br />
de sécurité. Mais très vite, l’ingénieux Éric, pour<br />
rendre son émission plus attractive, ponctue ses<br />
exhortations par <strong>des</strong> interviews d’invités et <strong>des</strong><br />
pages musicales. Il reçoit ainsi les Charlots,<br />
Jacqueline Dulac, Lény Escudéro, René-Louis<br />
Lafforgue, Maxime Le Forestier, Georges<br />
Moustaki, Fernand Raynaud et Rika Zaraï... Ses<br />
efforts sont payants, l’émission est de plus en<br />
plus écoutée.<br />
Outre ce radioguidage, Éric bourlingue<br />
dans toutes les tranches horaires de Paris-Inter,<br />
<strong>du</strong> petit matin à la fin de l’après-midi, participe à<br />
<strong>des</strong> opérations ponctuelles comme la Foire de<br />
Paris où il dirige le stand de la R. T. F. Cela lui<br />
permet de rencontrer quantité d’artistes, dont<br />
Hugues Aufray et Alain Barrière. Fan de ces derniers,<br />
Éric repasse leurs disques sans retenue,<br />
contribuant à leur vedettariat. Inter-Danse lui<br />
offre l’opportunité de parcourir la France, la<br />
Belgique et la Suisse pendant quinze ans, afin<br />
d’animer les bals populaires <strong>du</strong> samedi soir,<br />
patronnés par Paris-Inter et plus tard France-<br />
Inter. Éric doit, tout à la fois, diffuser la musique<br />
de l’orchestre, interviewer le maire de la commune,<br />
l’organisateur de la soirée, certaines personnalités,<br />
imaginer <strong>des</strong> jeux, distribuer <strong>des</strong><br />
cadeaux, procéder à l’élection de Miss Inter-<br />
Danse ou <strong>du</strong> couple Inter-Danse. ”Autant le côté<br />
purement radiophonique ne posait aucun problème,<br />
autant l’animation sur scène était folklorique<br />
et parfois, difficile. Il fallait se faire accep-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 12<br />
ter d’un public de jeunes, souvent houleux et<br />
frondeur, dans un lieu où l’alcool ne coulait pas<br />
avec modération... J’ai toujours dit que lorsqu’on<br />
a réussi à s’imposer sur la scène d’un bal populaire,<br />
il n’y a plus rien d’impossible ! ” , note Éric<br />
qui totalise au fil de ses déplacements <strong>des</strong> centaines<br />
de milliers de kilomètres. ”Je partais de<br />
Paris le samedi matin et il n’était pas rare que je<br />
sois obligé de rouler pendant sept ou huit heures,<br />
sur <strong>des</strong> routes difficiles, pour arriver à <strong>des</strong>tination<br />
en fin d’après-midi. Je travaillais jusqu’à<br />
trois ou quatre heures <strong>du</strong> matin puis, je dormais<br />
quelques heures. Je repartais le dimanche, au<br />
petit jour, en faisant le trajet en sens inverse,<br />
contre la montre, car il fallait que je sois à Paris,<br />
à 16 heures, pour assurer l’émission de radioguidage.<br />
Que ce soit avec le brouillard, la pluie,<br />
le verglas, la neige ou même avec une panne de<br />
voiture, je suis toujours arrivé à l’heure prévue à<br />
la Maison de la Radio” , constate Éric. Malgré<br />
toutes ces activités, il trouve le temps d’enregistrer<br />
avec sa progéniture un 33 tours contenant<br />
les airs pour enfants les plus connus et collabore,<br />
en 1965, à une série de disques réalisés<br />
par Chant <strong>du</strong> Monde sur l’histoire de France <strong>du</strong><br />
Moyen Âge à la Grande Guerre. Il éprouve un vif<br />
plaisir à entonner certains pamphlets telle La<br />
Chanson de Craonne qui fut recueillie sur le<br />
front pendant l’année 1917, lors <strong>des</strong> mutineries.<br />
Les ”six” grandissent... Éric et Christiane<br />
doivent répondre à leurs questions... Quand<br />
elles portent sur la procréation, la tâche n’est<br />
pas aisée, ce qui les incite à faire un 45 tours à<br />
l’intention <strong>des</strong> parents embarrassés sur ce sujet.<br />
Leur fils Gilles, qui se distingue par son<br />
esprit créatif, fonde Radio Amado : il bricole un<br />
ersatz de studio dans sa chambre et ”émet” les
jours de congés, en compagnie de son frère<br />
Renaud. Malheureusement, Radio Amado est<br />
diffusée par un haut-parleur dans le jardin et, par<br />
la force <strong>des</strong> choses, dans tout le quartier, ce qui<br />
occasionne <strong>des</strong> troubles de voisinage. Avec son<br />
argent de poche et quelques cachets tirés de<br />
ses prestations musicales, Gilles s’offre une<br />
caméra super 8, une table de montage et un<br />
projecteur. Il passe beaucoup de temps à tourner<br />
et à monter <strong>des</strong> images, aussi est-ce tout<br />
naturellement, qu’il se lancera avec succès,<br />
quelques années plus tard, dans le métier de<br />
réalisateur à la télévision.<br />
Les six frères et soeurs s’entendent bien<br />
et font preuve de beaucoup de maturité. Ceci<br />
est appréciable quand Éric est chargé <strong>des</strong><br />
Radios-vacances, ces stations installées temporairement<br />
en juillet-août dans <strong>des</strong> cités balnéaires.<br />
Christiane étant retenue souvent à Paris par<br />
ses occupations professionnelles, Éric part seul<br />
avec la caravane et ses enfants. Ceux-ci, pendant<br />
que leur père travaille, usent fort raisonnablement<br />
de leur liberté et s’occupent de l’intendance.<br />
Leur débrouillardise étonne parfois Éric.<br />
A la fin <strong>des</strong> années soixante, on confie à<br />
ce père-modèle la responsabilité d’Inter-<br />
Champion. Ce jeu consiste à donner aux jeunes,<br />
de 10 à 15 ans, la possibilité de faire de la<br />
radio en direct : ils doivent assurer une tranche<br />
d’animation ou écrire un bulletin d’information;<br />
puis, <strong>des</strong> ”professionnels” départagent les<br />
concurrents.<br />
Surgit mai 68, auquel Éric ne peut<br />
demeurer étranger : ”Grande effervescence de<br />
la radio en grève, écrit-il. Je ne vous conterai<br />
pas les réunions, sous-réunions, commissions,<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 13<br />
votes, et palabres... Je garde de cette période<br />
une grosse impression de solidarité et de bonne<br />
volonté, tant <strong>du</strong> personnel de la radio, lui-même,<br />
que <strong>des</strong> artistes qui participaient toute l’année à<br />
nos programmes. J’ai présenté plusieurs galas<br />
de soutien aux grévistes, auxquels les chanteurs<br />
les plus connus et les plus populaires collaboraient<br />
gratuitement. Ils étaient tellement<br />
nombreux, que nous étions obligés de leur<br />
demander de chanter une ou deux chansons<br />
seulement, pour que le spectacle ne s’éternise<br />
pas jusqu’au milieu de la nuit ! Il y avait également<br />
<strong>des</strong> meetings politiques à travers la<br />
France, dans lesquels j’allais représenter<br />
France-Inter... et, à l’extérieur de la Maison de la<br />
Radio, l’opération Jéricho qui consistait à tourner<br />
en rond dans les rues autour <strong>du</strong> bâtiment,<br />
pour ”faire tomber les murs de la censure”, en<br />
martelant ”Ce n’est qu’un début, continuons le<br />
combat”! Nous avons été les derniers à reprendre<br />
le travail, à la fin <strong>du</strong> mois de juin...” La libération<br />
<strong>des</strong> moeurs détermine Éric à réaliser, en<br />
1976, un disque érotique à partir d’oeuvres de<br />
poètes et d’écrivains célèbres. Il y chante, entre<br />
autres, un sonnet de Ronsard, une poème<br />
d’Apollinaire et une adaptation <strong>du</strong> Cantique <strong>des</strong><br />
Cantiques .<br />
Dans les années 70, pendant trois ans,<br />
Éric, qui est toujours d’une santé à toute<br />
épreuve, sillonne la France pour porter la bonne<br />
parole de F. R. 3., interviewant <strong>des</strong> centaines<br />
d’habitants, d’élus, d’administrateurs ou de responsables<br />
associatifs.<br />
En 1980, il se sédentarise, enfin, avec la<br />
création de Melun FM, une station locale dont il<br />
devient l’un <strong>des</strong> animateurs. Son émission de<br />
service Téléphonez, nous ferons le reste fait un
tabac. Avec l’aide de trois assistantes, il s’agit de<br />
répondre aux divers problèmes <strong>des</strong> auditeurs.<br />
Le standard n’arrête pas de sonner ! Ses talents<br />
sont récompensés en 1981, quand Éric est<br />
nommé directeur <strong>des</strong> programmes de Melun<br />
FM. Ce poste, qu’il va occuper pendant quatre<br />
ans, n’est pas une sinécure. ”Composer une<br />
grille de programmes, ça ressemble à l’assemblage<br />
d’un puzzle. Il faut disposer la bonne<br />
pièce à la bonne place, en fonction de l’écoute<br />
<strong>du</strong> public. Il faut également choisir les personnalités<br />
et les voix <strong>des</strong> animateurs, imaginer <strong>des</strong><br />
concepts d’émissions originaux, coordonner<br />
l’ensemble <strong>des</strong> tranches d’antenne et surveiller,<br />
corriger et maintenir la ligne éditoriale choisie.<br />
Un travail de tous les instants, accompagné d’un<br />
stress permanent, si l’on considère que la station<br />
ouvrait à 5 heures 30 et fermait à minuit.<br />
J’ajoute qu’il faut posséder une certaine dose de<br />
psychologie, pour calmer les uns, consoler les<br />
autres, apaiser les querelles, sans oublier les<br />
”coups de gueule” incontournables” , écrit-il.<br />
Si la radio lui apporte beaucoup de satisfactions,<br />
il a néanmoins parfois l’impression d’en<br />
avoir fait le tour. Attiré par l’image, il tente avec<br />
quelques amis l’aventure de la vidéo, réussissant<br />
à vendre à Canal + deux séries de programmes<br />
humoristiques pendant la réalisation<br />
<strong>des</strong>quels tous s’amusent beaucoup. Mais l’audiovisuel<br />
est bien ingrat et Éric préfère y renoncer<br />
pour écrire ses mémoires qui ont fourni la<br />
matière de cet article, ajoutées a celles de son<br />
aîné.<br />
Les enfants d’Éric, devenus a<strong>du</strong>ltes, sont<br />
successivement partis. Sé<strong>du</strong>its par l’univers professionnel<br />
de leurs parents, Gilles et Anne sont<br />
réalisateurs de films; Christine et Renaud tra-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 14<br />
vaillent à Radio France tandis que Nathalie a dû<br />
renoncer momentanément à son emploi à T.F.1.<br />
pour se consacrer à l’é<strong>du</strong>cation de ses bambins.<br />
Pascale, après s’être lancée, un temps, dans la<br />
chanson avec un certain succès - elle a obtenu<br />
un prix de la S.A.C.E.M., est actuellement script<br />
à France 3.<br />
Éric Amado a aujourd’hui neuf petitsenfants.<br />
Tous ont été élevés dans un environnement<br />
de radio, de télévision et de musique. Trois<br />
se <strong>des</strong>tinent au journalisme, deux au cinéma,<br />
une a la radio, une... à la chanson - son grand<br />
père l’écoute, la conseille et l’encourage.<br />
Gageons que les deux petits derniers, encore<br />
scolarisés, suivront les mêmes chemins.<br />
Germaine Amado est décédée en 1977 ;<br />
Jean, dont les sculptures demeurent recherchées,<br />
en 1995, et Christiane, en 2004.<br />
Éric voit souvent Max qui habite non loin<br />
de lui à Paris et auquel il demeure soudé par<br />
une très forte complicité. Le temps et les épreuves<br />
n’ont pas eu prise sur eux, ils conservent la<br />
même alacrité. Éric a toujours une foi inébranlable<br />
dans la vie. Il pourrait continuer à chanter :<br />
”J’ai comme un sourire au fond de mon coeur,<br />
Un rire d’enfant qui croit au bonheur<br />
J’ai comme une étoile aux bout de mes doigts,<br />
Un astre qui luit, mais ne s’éteint pas.<br />
Je ne vieillirai jamais.<br />
Tournent, tournent les saisons<br />
Et mûrissent les moissons,<br />
Chante et passe le beau temps,<br />
Je reste avec le printemps ” .
par ANNY BLOCH-RAYMON<br />
Ingénieur-chercheur en sciences sociales au<br />
CNRS<br />
UN ENSEIGNANT ALSACIEN<br />
EN TERRE COMTADINE,<br />
UN SAVANT, UN RÉPUBLICAIN*1.<br />
Si l’on se réfère à la définition de l’israélitisme<br />
que donne Philippe Joutard dans son article sur<br />
l’évolution <strong>du</strong> paysage religieux 2: «<br />
L’israélitisme, c’est-à-dire l’attitude <strong>des</strong> juifs qui<br />
ne voulaient surtout ne pas être distingués <strong>des</strong><br />
autres Français dans la République… », l’on<br />
peut s’interroger sur le modèle d’israélite que<br />
nous avons choisi . En effet, comment les<br />
manières de croire, les manières de faire dans<br />
l’existence quotidienne de Joseph Simon,<br />
homme juif pratiquant né en 1836 en Alsace,<br />
mort à Nîmes en 1906, contribuent-elles à développer<br />
le modèle de l’Israélite français ?<br />
Comment s’est- il intégré dans le siècle sans<br />
renier sa fidélité au judaïsme ? Comment a-t-il<br />
sécularisé un patrimoine culturel acquis à l’Ecole<br />
rabbinique de Metz à travers une pédagogie<br />
d’enseignant, une recherche historique, un<br />
engagement républicain sans faire <strong>des</strong> concessions<br />
à son appartenance ?<br />
Les valeurs républicaines s’accordent-elles pleinement<br />
au judaïsme ? Ou faut-il penser, avec<br />
Esther Benbassa que « la Révolution avait réalisé<br />
les grands idéaux de justice et de progrès<br />
<strong>du</strong> judaïsme, et la République poursuivait son<br />
œuvre en construisant une société fondée sur<br />
les valeurs contenues dans le judaïsme ». « Y<br />
avait-il entre la France républicaine et les <strong>Juifs</strong>,<br />
non seulement une communauté d’intérêts<br />
mais aussi une communauté d’identité ?3 »<br />
La figure de Joseph Simon (1836-1906), fin<br />
hébraïsant est moins renommé que celle<br />
d’Adolphe Crémieux (1796—1880), ou de<br />
Bernard Lazare (1865-1903), tous les trois ayant<br />
vécu à Nîmes. S’il est connu localement dans un<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
JOSEPH SIMON, (1836-1906)<br />
Page 15<br />
cercle d’érudits, Joseph Simon est reconnu par<br />
quelques spécialistes <strong>du</strong> judaïsme médiéval,<br />
comme Yossi Shatzmiller. C’est un homme à la<br />
fois pieux, soutenu par les textes bibliques, par<br />
ses principes moraux et sa vocation de pédagogue<br />
: « un homme rigoureux, très droit, enseignant<br />
de grande valeur et par ailleurs un homme<br />
au cœur blessé par de nombreux deuils familiaux<br />
», selon l’un de ses <strong>des</strong>cendants, le docteur<br />
Lucien Simon4.<br />
Son érudition n’est pas exclusivement dédiée à<br />
une élite bourgeoise ou à la communauté juive ;<br />
il la transmet près de quarante ans (1858-1897)<br />
: « Il est admiré par <strong>des</strong> élèves de toutes confessions.<br />
» 5<br />
Il met ses connaissances à la portée de tous par<br />
la création de cours <strong>du</strong> soir pour a<strong>du</strong>ltes. Ses<br />
recherches et sa renommée le font élire à<br />
l’Académie de Nîmes en 1885, cercle d’érudits<br />
appartenant à la bourgeoisie et à l’aristocratie<br />
locale. Partie prenante de l’élite, très sollicité et<br />
invité pour la qualité de ses controverses, il ne<br />
renonce pas pour autant à ses principes de justice,<br />
de solidarité, à son aspiration à la réforme<br />
socialiste. Il s’engage publiquement en soutenant<br />
la Commune. Son petit fils Maurice Simon<br />
le décrit, comme un « républicain presque<br />
rouge, un vieux défenseur <strong>du</strong> peuple .<br />
Joseph Simon présente ainsi un modèle<br />
d’Israélite qui ne s’éloigne pas <strong>du</strong> religieux mais<br />
qui tire de la connaissance approfondie <strong>des</strong> textes<br />
bibliques une méthode pédagogique dynamique<br />
et rationnelle, un ensemble de valeurs<br />
de justice et de solidarité 7 tout comme un engagement<br />
patriotique à l’égard de la France et de<br />
la République.<br />
Un enseignant qui prend ses sources et<br />
métho<strong>des</strong> dans les textes anciens<br />
Joseph Simon est né en 1836 à Mutterholtz en<br />
Basse Alsace d’une famille dont le père était un<br />
très mo<strong>des</strong>te marchand de tissus8. Il entre à
l’école rabbinique de Metz en 1854 à l’âge de 17<br />
ans et passe trois années à Metz jusqu’en 18579<br />
en qualité d’externe payant ; il y est l’ami de<br />
Zadoc Kahn ), qui sera ensuite Grand Rabbin<br />
de France (1889) avec lequel il reste en relation<br />
sans doute les deux dernières années entre<br />
1856 et 1857 (1839-1905). Ce jeune homme fait<br />
ses étu<strong>des</strong> préparatoires chez Monsieur<br />
Salomon. Lévy à Brumath lui même, ancien<br />
élève de l’Ecole rabbinique. Ce dernier tient une<br />
yeshivah où nombre de candidats viendront étudier<br />
pour se préparer à l’Ecole. Il était nécessaire<br />
de prendre <strong>des</strong> cours supplémentaires vu<br />
le niveau très disparate <strong>des</strong> écoles juives en<br />
Alsace. Sur les 50 écoles juives dans les trois<br />
départements en 1833, 12 sont désignées clan<strong>des</strong>tines,<br />
parmi elles, celles de Grüssenheim,<br />
Hattstatt, Guebwiller et Muttersholtz. Si dans les<br />
meilleures écoles comme à Srasbourg, on<br />
enseignait les « lectures françaises allemande<br />
et hébraïque, les principes de grammaire, la religion<br />
et l’arithmétique la géographie et le <strong>des</strong>sin<br />
linéaire et celles de Durmenach ont de très bons<br />
résultats, l’ordre, la discipline laissaient à désirer<br />
e à Colmar. Pourtant dans certains cantons,<br />
Ferrette, Truchtersheim et dans un certain nombre<br />
de communes Bisheim, Hegenheim,<br />
Durmenach Quatzenheim, le nombre de bonnes<br />
classes était élevée et d’après Paul Lévy plus<br />
élevé que dans les écoles protestantes et catholiques10.<br />
Mais comme Muttersholtz était une<br />
école clan<strong>des</strong>tine, le niveau devait être très faible<br />
avec l’écriture, l’hébreu, le français et l’allemand<br />
comme matières à étudier.<br />
Joseph Simon quitte l’école rabbinique le 30 juillet<br />
1857 pour entrer comme sous-maître dans<br />
une institution israélite de Lyon11en effet, il semble<br />
qu’il n’aurait pas pu poursuivre ses étu<strong>des</strong><br />
rabbiniques : « mal noté, cet élève n’aurait pas<br />
pu se maintenir à l’école 12». Il n’est pas le seul<br />
dans ce cas. Nombre de jeunes garçons ne terminent<br />
pas le cursus de l’Ecole rabbinique, d’un<br />
niveau difficile. Certains comme Isidore Nerson<br />
né à Bischeim quitte l’école, renvoyé après deux<br />
ans pour mauvaise con<strong>du</strong>ite. Il deviendra directeur<br />
de l’école de l’Alliance Israélite Universelle<br />
de Bagdad, quant à Léo Nordmann, né à<br />
Hegenheim admis le 29 octobre 1854, il quitte<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 16<br />
l’école le 9 octobre en ayant obtenu le diplôme<br />
de 1er degré. Il sera secrétaire de l’AIU et se<br />
chargera de trouver <strong>des</strong> fonctions à Nerson 13..<br />
En ce qui concerne Joseph Simon. En 1858, il<br />
est appelé par la communauté israélite de<br />
Nîmes à diriger la petite « école communale<br />
pour les enfants israélites » Que se passe-t-il<br />
pour les enfants de culte israélite ?<br />
Jusqu’en 1842, « les enfants <strong>du</strong> culte israélite se<br />
rendaient indistinctement dans les différentes<br />
écoles de la ville » A cette date, la communauté<br />
fonde une école pour les garçons, une autre<br />
pour les filles, qui sont agréées par le conseil<br />
municipal. En 1858, à l’arrivée de Joseph<br />
Simon, chacune compte vingt cinq à trente élèves.<br />
Lazare Cahen, Kahn en 1842 qui sort de<br />
l’école rabbinique l’a précédé, « il est aumônier<br />
de la maison centrale où sont détenus la plupart<br />
<strong>des</strong> condamnés juifs de France, « il réveille<br />
l’étude de l’hébreu, corrige les fautes de prononciation<br />
héritée <strong>du</strong> Comtat venaissin, intro<strong>du</strong>it la<br />
cérémonie de l’initiation religieuse pour les jeunes<br />
filles. Il est très aimé et est remplacé par<br />
Gédéon Netter en 1850…Et comme le souligne,<br />
Lucien Simon la communauté israélite est<br />
secouée par un désaccord avec son rabbin alsacien<br />
Isidore Séligmann qui sera révoqué en<br />
185214. Le dernier instituteur, Bernard Halbronn,<br />
alsacien vient de quitter Nîmes pour Marseille et<br />
c’est un instituteur chrétien qui a assuré la<br />
vacance. Joseph Simon n’a donc pas la tâche<br />
facile. Et cependant, l’instituteur à cette époque<br />
représente la respectabilité, il porte gibus, redingote,<br />
canne et fin collier comme les photos nous<br />
le confirment<br />
En 1881, lors de la laïcisation <strong>des</strong> écoles, l’école<br />
israélite devient « école communale tout court ».<br />
Cette école se trouve dans deux salles à l’intérieur<br />
de la synagogue, rue Roussy et y reste<br />
jusqu’ en 1873. Le rapport présenté en 187315<br />
au Conseil municipal en vue de l’aménagement<br />
d’un nouveau bâtiment souligne les mauvaises<br />
conditions d’hygiène, la mauvaise aération, le<br />
mauvais éclairage <strong>des</strong> classes et l’exiguïté <strong>du</strong><br />
logement de l’instituteur. Elle est transférée la<br />
même année dans un bâtiment rénové et plus<br />
aéré, quai Roussy, non loin de là.. Les condi-
tions de travail ne sont pas très bonnes ; en cela<br />
la situation ressemble à bon nombre d’écoles<br />
primaires de l’époque.<br />
Il est habituel que les rabbins issus de l’école<br />
rabbinique soient aussi <strong>des</strong> enseignants, les<br />
deux fonctions étaient souvent liées.16 Il ‘est<br />
d’autant plus fréquemment qu’il ne trouve pas<br />
de poste immédiatement comme rabbin quand<br />
ils ont obtenu le diplôme. Il arrive dans <strong>des</strong> cas<br />
plus rares que l’instituteur puisse être accueilli à<br />
l’Ecole rabbinique.<br />
D’ailleurs, l’enseignement de l’école rabbinique<br />
de Metz comprend outre l’étude <strong>des</strong> textes<br />
sacrés, bible et langue hébraïque, Talmud, théologie,<br />
l’hébreu, l’histoire <strong>du</strong> peuple juif ancien et<br />
moderne, <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> profanes, le grec et le<br />
latin, l’histoire générale, la littérature française,<br />
la philosophie, la physique, la mathématique et<br />
sont notés sur ces matières17. Les jeunes rabbins<br />
sont chargés de porter « la prédication et<br />
l’instruction morale et religieuse dans la population<br />
israélite » (art 68 section IV, projet d’ordonnance<br />
1839)18.<br />
Les deux fonctions, instituteur et fonction rabbinique,<br />
sont courantes. Ce fut le cas pour son<br />
prédécesseur. Il remplace Bernard Halbronn qui<br />
est aussi Aumônier de la Maison centrale de<br />
détention et a fait fonction de rabbin jusqu’à la<br />
venue <strong>du</strong> rabbin Isaac Alexandre Séligmann en<br />
1854, tout deux issus d’Alsace comme le sera<br />
une grande partie <strong>des</strong> rabbins <strong>du</strong> 19° siècle19 et<br />
<strong>des</strong> instituteurs nîmois. Ainsi Joseph Simon, s’il<br />
a pu exercer les fonctions de rabbin lors de la<br />
vacance <strong>du</strong> rabbinat de Nîmes entre 1858-1860,<br />
date d’arrivée <strong>du</strong> rabbin Jonas Weyl, et n’en<br />
avait pas comme nous l’avons vu, le titre20.<br />
La place de la communauté juive à Nîmes<br />
et le contexte politique<br />
En 1840, selon le recensement <strong>des</strong> juifs de<br />
Nîmes demandé par le préfet, les juifs constituent<br />
une communauté de 414 personnes soit<br />
113 foyers. Lucien Simon, qui en a fait l’historique<br />
l’organise en trois grands groupes selon les<br />
professions de chefs de famille : « un tiers dans<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 17<br />
la moyenne bourgeoisie, propriétaires, négociants,<br />
professions libérales, la petite bourgeoisie,<br />
marchands commissionnaires, tailleurs et le<br />
petit peuple petits artisans, commis, colporteurs.<br />
». Il faut ajouter <strong>des</strong> jeunes fille ou femmes qui<br />
font <strong>des</strong> travaux d’aiguilles ou de blanchisserie.<br />
Quatre ans plus tard, la ville comprend 54245<br />
habitants, dont 26 % sont protestants, le reste<br />
catholique. La population juive y est donc très<br />
minoritaire.<br />
Sur le plan politique, la ville est très agitée politiquement<br />
et religieusement. L’historien<br />
Raymond Huard a parlé à propos de la division<br />
confessionnelle dans cette région de « situation<br />
volcanique », une ville de France « qui renferme<br />
en son sein deux populations ennemies que « la<br />
moindre commotion met politiquement aussitôt<br />
en présence21. Malgré cette situation, l’instituteur<br />
de l’école israélite est reconnu pour ses<br />
hautes qualités morales, son amour de l’enseignement.<br />
Une école peu ordinaire<br />
L’érudition et la méthode pédagogique de<br />
Joseph Simon empruntés en partie aux sages<br />
<strong>du</strong> judaïsme, aux commentateurs font la renommée<br />
de l’école.<br />
Un de ses anciens élèves, Gaston Milhaud,<br />
s’exprime ainsi : « Nous sentions vaguement<br />
que notre école avait quelque chose d’original à<br />
voir nos camara<strong>des</strong> catholiques et protestants<br />
qui ne craignaient pas de s’asseoir à nos cotés.<br />
» « Il y en avait de tous les cultes ». « Le jeune<br />
maître ne tarda pas à réunir autour de lui de<br />
nombreux élèves et à faire de son école l’une<br />
<strong>des</strong> meilleures et <strong>des</strong> mieux fréquentées de<br />
notre cité22…souligne quant à lui le rabbin Kahn<br />
lors <strong>des</strong> funérailles de l’instituteur en 1906.<br />
Le contenu de l’enseignement<br />
Selon la loi Guizot de 1833, qui rend l’école obligatoire<br />
mais non gratuite dans chaque commune,<br />
l’instruction morale et religieuse est le<br />
fondement de l’instruction dans les écoles. Avec<br />
la loi Falloux en 1850 le maire, le curé, le pasteur<br />
et le délégué <strong>du</strong> culte israélite sont chargés
de surveiller l’enseignement religieux de l’école.<br />
A la question quelle était la place de l’enseignement<br />
religieux dans cette école ? Lucien Simon,<br />
son arrière petit fils, répond ainsi :<br />
« Enseignement religieux ? Peut-être au début<br />
assez poussé ? Mais à cette époque l’assimilation<br />
était déjà poussée dans cette communauté<br />
comtadine et si l’on y étudiait l’hébreu, ce devait<br />
être la lecture, quelques rudiments de vocabulaire<br />
et quelques prières apprises par cœur. Je<br />
peux te dire que mon père, élève de 1890-1896,<br />
lisait l’hébreu médiocrement, ne connaissait pas<br />
la langue, préférait dire les prières (la<br />
‘Haggadah de Pessah) en français, etc. »..<br />
« Ainsi les protestants ne venaient pas pour<br />
apprendre l’hébreu mais attirés par sa réputation.<br />
Il faut dire qu’il y avait une certaine complicité<br />
entre « israélites et protestants : lutte commune<br />
en 1815, 1830,1848-1851.» 23<br />
L’enseignement comprend aussi l’écriture, <strong>des</strong><br />
éléments de la langue, les poids et les mesures,<br />
les éléments d’histoire et de géographie <strong>des</strong><br />
peuples libres ; l’histoire est considérée comme<br />
un élément de la science sociale par excellence.24<br />
Les travaux manuels sont recommandés<br />
utiles pour la vie domestique, particulièrement<br />
pour les filles.25 Les deux écoles israélites<br />
de filles et de garçons chôment le samedi et<br />
sont ouvertes le jeudi, ce qui étonne le comte<br />
de Bernis, conseiller municipal et député royaliste<br />
légitimiste en 1872. Le maire réplique que<br />
le règlement n’est pas enfreint parce qu’elles<br />
sont ouvertes le jeudi, contrairement aux autres<br />
écoles.<br />
Les écoles restent payantes.26<br />
Dans le Gard, en 1866, seules les villes ont<br />
obtenu la gratuité de leurs écoles publiques. Il y<br />
a dans le département seulement 108 écoles<br />
gratuites sur 933. Mais nous ignorons si cette<br />
école avait obtenu la gratuité d’enseignement<br />
pour ses élèves27..<br />
47,5 <strong>des</strong> garçons sont scolarisés et seulement<br />
41% de filles et la gratuité est plus facilement<br />
accordée aux garçons.28 Elle est gratuite pour<br />
les indigents.<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 18<br />
La méthode et les principes d’enseignement de<br />
Joseph Simon sont énoncés dans trois de ses<br />
ouvrages : sur L’é<strong>du</strong>cation et l’Instruction <strong>des</strong><br />
enfants chez les Anciens juifs, (1879, 2°éd.),<br />
L’é<strong>du</strong>cation chez les <strong>Juifs</strong> et particulièrement<br />
chez les <strong>Juifs</strong> de France <strong>du</strong> Moyen Age, (1893),<br />
Du sentiment de la nature chez les Anciens<br />
Hébreux (1893. Dans le deuxième ouvrage, il<br />
souligne combien, quelle que soit la misère <strong>des</strong><br />
juifs et leur foi, le livre est au cœur <strong>du</strong> judaïsme<br />
: « La prière n’a de signification que si elle est<br />
accompagnée de l’étude. »<br />
« Sauvegarder la foi par l’instruction, tel est le<br />
principe sur lequel repose tout système d’é<strong>du</strong>cation<br />
<strong>des</strong> <strong>Juifs</strong> au Moyen –Age »29.<br />
En ce qui concerne l’é<strong>du</strong>cation chez les Anciens<br />
<strong>Juifs</strong>, il souligne : « Du reste comme de nos<br />
jours, les instituteurs étaient proclamés les soutiens<br />
de la société. »30<br />
L’é<strong>du</strong>cation ne se fait pas uniquement pour ellemême,<br />
elle vise à l’apprentissage d’un métier : «<br />
Toute étude qui n’aboutit pas à une profession<br />
est vaine et con<strong>du</strong>it au désordre » conclut-il<br />
dans son ouvrage sur l’é<strong>du</strong>cation <strong>des</strong> enfants au<br />
Moyen-âge publié en 1879.31<br />
A la suite <strong>du</strong> philologue talmudiste Arsène<br />
Darmesteter il insiste sur l’importance d’initier<br />
l’enfant au Talmud.32 A partir de ces analyses sur<br />
les anciens juifs, il dégage <strong>des</strong> principes pédagogiques<br />
dont il s’inspire dans son enseignement<br />
: D’abord éviter le surmenage <strong>des</strong> enfants<br />
et donc ne pas commencer l’enseignement<br />
avant six ans. Faire attention à ce que l’enfant<br />
comprenne ce qu’il apprend par <strong>des</strong> interrogations<br />
répétées. Il relève ainsi la nécessité d’une<br />
discussion entre élèves sur un sujet difficile qui<br />
peut être l’objet de débat. A la fin de chaque<br />
semaine et de chaque mois le maître se doit de<br />
répéter ce qui a été appris, d’où le rôle de la<br />
répétition et de la révision. Il insiste sur la nécessité<br />
d’entendre chaque élève et de l’entraîner à<br />
la discussion. Un thème est à développer par un<br />
élève en classe devant ses condisciples (ce<br />
qu’on appelle exposé)….<br />
« C’est l’application <strong>du</strong> principe pédagogique<br />
que toutes les métho<strong>des</strong> modernes cherchent à<br />
répandre, à savoir qu’on cultive les facultés
intellectuelles <strong>des</strong> enfants en favorisant l’observation<br />
directe et en provoquant la réflexion personnelle.»<br />
33<br />
Afin que l’enfant comprenne la douceur de l’instruction,<br />
il cite la pratique biblique selon laquelle<br />
la tablette sur laquelle l’enfant va lire est en<strong>du</strong>ite<br />
de miel et il lui est permis la lécher à la fin de<br />
leçon afin, dit-il d’« identifier davantage la nourriture<br />
intellectuelle et la nourriture matérielle on<br />
lui présente ensuite un gâteau…» (Ezéchiel,<br />
33).<br />
Il souligne la méthode <strong>des</strong> prophètes :<br />
« Il faut frapper l’esprit par un objet matériel pour<br />
l’amener par analogie à la voie de l’abstrait. »34<br />
Quelles sont les qualités de l’instituteur chez les<br />
anciens juifs ?<br />
Il doit avoir l’esprit méthodique et être capable<br />
d’exposer, d’une façon claire, et d’après un plan<br />
arrêté toutes les parties de son enseignement…35<br />
Il conclut son étude en faisant l’éloge<br />
de l’école et de ses vertus émancipatrices : « Et<br />
de même c’est l’Ecole qui a entretenu la vitalité,<br />
l’énergie, la force intellectuelle <strong>du</strong> peuple juif, de<br />
même ce sera l’Ecole qui rendra à notre chère<br />
patrie et son ancienne vigueur et sa place glorieuse<br />
à la tête de la civilisation ». Les textes<br />
anciens relus par Joseph Simon sont utilisés<br />
pour mettre en parallèle la place régénératrice et<br />
civilisatrice de l’école pour le judaïsme comme<br />
pour la patrie française. Les valeurs <strong>des</strong> deux<br />
groupes sont donc pour lui identiques, en tout<br />
cas tout à fait transposables ou à réinterpréter<br />
dans un contexte dans lequel l’instruction<br />
devient prioritaire. Les principes d’universalisme<br />
mais aussi <strong>du</strong> respect de l‘indivi<strong>du</strong>, <strong>du</strong> goût <strong>du</strong><br />
savoir, de l’étude et <strong>du</strong> débat qui ont fondé l’enseignement<br />
<strong>du</strong> judaïsme sont sécularisés au<br />
bénéfice de la République. S’il n’est pas encore<br />
« un hussard noir » il est déjà sans doute à sa<br />
manière un ardent combattant de la République.<br />
De cette école, va sortir une élite qui intègre les<br />
gran<strong>des</strong> écoles, à l’Université, le monde <strong>des</strong> lettres<br />
et les corps de l’Etat tels que l’a décrit Pierre<br />
Birnbaum36 mais il s’agit dans notre cas<br />
d’une élite formée en province et non pas à<br />
Paris. Le modèle développé par l’historien est<br />
donc validé aussi en province dans la région <strong>du</strong><br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 19<br />
sud-est. En voici quelques exemples : Gaston<br />
Milhaud, né en 1858 entre à l‘école Normal<br />
supérieure en 1878 (sciences) Il est nommé professeur<br />
de lettres à la faculté de lettres de<br />
Montpellier, puis professeur à la Sorbonne de la<br />
nouvelle chaire d’histoire de la philosophie dans<br />
ses rapports avec la science ; Son frère rejoint<br />
également l’école normale (lettres) en 1879.<br />
Emmanuel Bloch est admis à l’école<br />
Polytechnique, puis à l’Ecole <strong>des</strong> mines de Paris<br />
; Julien Simon (1865- 1936)) fils aîné de Joseph<br />
devient normalien ; son fils, Jean Simon, polytechnicien<br />
meurt à la guerre en 1917. Emile<br />
Crémieux prépare une grande école militaire de<br />
même qu’Emile Bloch ; Emmanuel Gaston<br />
Bloch entre à l’Ecole Saint Cyr et Bernard<br />
Lazare dans le monde <strong>des</strong> lettres (1865-1906).<br />
En 1897 la ville ferme les écoles antérieurement<br />
« réservées aux enfants israélites, au moment<br />
où Joseph Simon prend sa retraite37. Meurt à<br />
cette même date l’institutrice pour filles,<br />
Mademoiselle Vidal-Naquet. On peut penser<br />
que cette école ferme parce qu’elle ne rassemblait<br />
plus assez d’élèves et que la plupart <strong>des</strong><br />
familles préféraient envoyer leurs enfants à<br />
l’école publique qui était gratuite. Mais ces hypothèses<br />
restent à confirmer. Sa deuxième vie<br />
professionnelle est celle de Conservateur de la<br />
bibliothèque de Nîmes <strong>du</strong>rant laquelle il poursuit<br />
et développe ses recherches historiques.<br />
Un Conservateur fin hébraïsant<br />
ouvert sur la région<br />
Dans cette fonction, il combine à la fois son érudition<br />
profane à sa connaissance <strong>des</strong> manuscrits<br />
hébraïques. Il procède au catalogage de<br />
deux legs qu’il publie en 1899 et en 1902, le legs<br />
Ernest Sabatier (1147 ouvrages) et le legs<br />
d’Achille Bardon qu’il classe en y intro<strong>du</strong>isant<br />
une nouvelle rubrique celle de Nîmes et <strong>du</strong><br />
Gard. Il annote le récit de voyage d’An<strong>du</strong>ze à<br />
Amsterdam d’un protestant Antoine Rodier de<br />
Labruguière (1770-1771) qui va retrouver les<br />
membres de sa famille exilée à Amsterdam à la<br />
suite de la révocation de l’édit de Nantes. Dans<br />
ce travail publié en 1900, Joseph Simon montre<br />
sa connaissance <strong>du</strong> fond régional, de l’histoire<br />
<strong>du</strong> protestantisme, son savoir sur les goûts de
l’époque, l’art dramatique et de l’opéra.<br />
En1875, il fait une critique de la publication <strong>des</strong><br />
chansons hébraïco-provençales de son ami<br />
musicien protestant et hébraïsant Ernest<br />
Sabatier sous couvert d’anonymat. Ce texte<br />
nous montre sa bonne connaissance <strong>du</strong> judéoprovençal,<br />
<strong>du</strong> répertoire de chansons, prières<br />
dans la langue <strong>du</strong> pays et <strong>des</strong> usages de la<br />
région,.38 S’agit-il d’élégance que de savoir la<br />
langue dialectale à cette époque comme l’indique<br />
Dominique Schnapper.39 Je pense que cette<br />
classe d’intellectuels érudits avait une aussi<br />
bonne connaissance <strong>des</strong> Wissenschaft allemande,<br />
française que <strong>des</strong> connaissance <strong>des</strong><br />
usages et langues parlées dans la région. Je ne<br />
suis pas sûre qu’il fût « distingué » de connaître<br />
le dialecte. Je pense que cela faisait partie <strong>des</strong><br />
apprentissages de la classe érudite aussi<br />
comme cela le cas plus tard pour la famille Lunel<br />
dans le Comtat Venaissin. 40 Trois de ses étu<strong>des</strong><br />
vêtent un caractère particulièrement scientifique<br />
:<br />
- son étude <strong>des</strong> « <strong>Juifs</strong> de Nîmes», <strong>du</strong> XI au XIII°<br />
siècle paru en 1886 vaut pour la multiplicité <strong>des</strong><br />
sources utilisées, sa connaissance <strong>du</strong> latin, de<br />
l’épigraphie hébraïque, de l’histoire médiévale<br />
qui lui permet d’appréhender la tolérance de la<br />
ville de Nîmes vis-à-vis <strong>des</strong> juifs, de montrer<br />
comment ils se sont progressivement installés<br />
dans la région et leurs activités. Cet ouvrage de<br />
trente neuf pages constitue, d’après l’historien<br />
médiéviste Yossi Shatzmiller, une <strong>des</strong> premières<br />
publications scientifiques sur les communautés<br />
juives au Moyen Age41.<br />
- la deuxième est la reprise <strong>du</strong> catalogage <strong>des</strong><br />
manuscrits hébreux <strong>du</strong> Moyen Age transférés<br />
au cours de la Révolution de la Chartreuse de<br />
Villeneuve les Avignon à la bibliothèque Séguier.<br />
Il entreprend, de corriger les inexactitu<strong>des</strong> <strong>du</strong><br />
classement précédent de1836 par « une <strong>des</strong>cription<br />
plus complète, et plus détaillée <strong>des</strong><br />
manuscrits de la ville de Nîmes. »<br />
Sa rigueur se retrouve dans l’intro<strong>du</strong>ction de son<br />
article : « Nous avons soumis ces manuscrits à<br />
un examen minutieux et nous nous sommes<br />
efforcé de les décrire d’une manière aussi cor-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 49 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 20<br />
recte que possible ». Il publie les résultats de<br />
son travail dans la Revue d’étu<strong>des</strong> juives en<br />
octobre- décembre 1881, juste un an après la<br />
création de cette revue. Les dimensions <strong>du</strong> parchemin<br />
sont mentionnés, le type d’écriture<br />
hébraïque, la date <strong>du</strong> parchemin ou sa datation<br />
probable, le début et la fin <strong>du</strong> parchemin en<br />
hébreu. Il s’agit d’abord de livres de prières<br />
Ma’hzor (le rituel <strong>des</strong> prières pour les fêtes de<br />
Roch-hachanah et de Kippur), <strong>des</strong> Sli’hoth (Les<br />
pardons dits <strong>du</strong>rant dix jours entre Roch<br />
Hachanah et Kippour) et les Kinoth<br />
(Lamentations en mémoire de la <strong>des</strong>truction <strong>du</strong><br />
temple <strong>du</strong> jeûne <strong>du</strong> 9AV 42. Il y décrit aussi les<br />
peintures <strong>des</strong> manuscrits de la meguilah<br />
d’Esther qui datent <strong>du</strong> 13°, <strong>des</strong> fragments de<br />
Sepher Torah, 13°, 14°, 15° siècles. Il y trouve<br />
les commentaires <strong>des</strong> grands talmudistes Rachi,<br />
d’Abraham ben Meir de Eszra, <strong>du</strong> R Lévy Ben<br />
Gershom, <strong>du</strong> Michneh Tora de Maimonide. Il<br />
signale également les manques de l’édition qu’il<br />
a sous les yeux. Il y met en lumière les écrits et<br />
correspondances <strong>du</strong> sage R Yedayah ha Penini<br />
de Béziers et <strong>du</strong> rabbin Grand R. Salomon ben<br />
Adereth de Barcelone. Pour identifier les<br />
manuscrits, il utilise les travaux de l’école <strong>du</strong><br />
judaïsme allemand de Leopold Zunz , Zur<br />
Geshichte und Literatur,Literatur Geshichte der<br />
Synagogen Poesie, de l’histoire <strong>des</strong> livres de<br />
prières, de Heinrich Graetz et de sa très grande<br />
histoire <strong>des</strong> juifs, Geshichte der Juden.<br />
Il corrige, compare les gloses qui ont été portées<br />
sur les manuscrits. Il connaît donc aussi le français<br />
roman puisqu’il fait les corrections de transcription<br />
de l’hébreu <strong>du</strong> français roman « qé oil ne<br />
voït acor ne doit » ce qu’œil ne voit à cœur ne<br />
fait pas de peine. Pour cela, il s’appuie sur les<br />
travaux d’Arsène Darmesteter (1846-1888). Ce<br />
philologue romaniste a écrit un dictionnaire avec<br />
Hatzfeld a étudié les gloses en français <strong>des</strong><br />
manuscrits de Rachi à Oxford43. Il reste actuellement<br />
vingt trois manuscrits de cette époque<br />
parmi la quarantaine répertoriée par Joseph<br />
Simon.<br />
.Avec la troisième étude, il effectue une recherche<br />
d’épigraphie hébraïque « les Inscriptions<br />
tumulaires hébraïques <strong>du</strong> Moyen Age à Nîmes<br />
», qu’il présente à l’Académie <strong>du</strong> Gard dont il est
membre depuis 188244 :<br />
« La notice que j’ai l’honneur de soumettre à<br />
l’Académie a pour but de faire connaître une de<br />
ces saintes reliques. C’est une pierre tumulaire<br />
avec inscription hébraïque provenant probablement<br />
d’un cimetière désigné, dans un document<br />
de 1360, sous le nom de cimetière Posterla, que<br />
la communauté juive possédait, au moyen âge à<br />
l’endroit appelé au commencement<br />
<strong>du</strong> XI° siècle déjà Puech Jésiou, Puy Jasieu,<br />
aujourdhui le Mont Duplan (voir Mesnard, TI<br />
412, 3 93.) … Cette inscription n’est mentionnée<br />
par aucun <strong>des</strong> écrivains tant anciens que<br />
modernes, qui se sont occupés d’épigraphie<br />
nîmoise ….Les pierres tumulaires hébraïques<br />
<strong>du</strong> moyen âge sont très rares. » Et il la repro<strong>du</strong>it<br />
à l’identique pour montrer comment elle se présente<br />
sur le linteau : Zeh kéver hahkam hanikbad<br />
r yichaq, Ici le tombeau <strong>du</strong> sage hamikbad,<br />
le rabbi Itsh’ak, fils de Habib, fils de Méir .<br />
Il ne s’enferme pas dans son cabinet de travail ;<br />
s’il ne « rougit pas de ses origines, » « il portait<br />
haut et ferme le drapeau <strong>du</strong> judaïsme»45 , il est<br />
un ardent défenseur de l’enseignement populaire<br />
au service de la République.<br />
Le défenseur <strong>du</strong> peuple<br />
Il s’engage sur trois fronts<br />
- En novembre 1870, patriote46 affecté par la<br />
perte de l’Alsace, il n’hésite pas à s’engager<br />
dans l’association « Société de propagande<br />
républicaine démocratique », aux côtés <strong>des</strong><br />
Laroque, Nègre, Bigot, Penchinat, Carcassonne<br />
qui soutiennent publiquement un Appel à la<br />
République, contre l’Empire. Cette association<br />
sera interdite par la préfecture le 21 mars<br />
1873.47 Il opte en tant qu’Alsacien pour la nationalité<br />
française le 29 juin 1872. Le maire lors de<br />
son discours à ses funérailles en 1906 rappelle<br />
son combat républicain : « Aux heures de lutte<br />
aussi bien à la fin de l’Empire que dans les<br />
pério<strong>des</strong> troublées de la République, on le vit<br />
combattre vaillamment au premier rang parmi<br />
les militants à côté <strong>des</strong> Cazot, [avocat républicain]<br />
et <strong>des</strong> Laget [préfet nommé en 1870]..»<br />
Son intérêt pour la cause républicaine se<br />
retrouve dans la publication sur les Anavim et le<br />
socialisme <strong>des</strong> prophètes en 1891. Il y fait<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 21<br />
l’éloge de ce groupe : « C’est au triomphe de la<br />
justice qu’ils croient sur cette terre. La justice<br />
pour eux, c’est un état social où il n’y aura plus<br />
d’iniquités, partout plus de misère, plus de souffrances.»<br />
Il conclut d’une manière plus générale<br />
par un appel à la réforme de la société contre les<br />
inégalités sociales et une meilleure solidarité<br />
entre les hommes : « Faut-il désespérer d’une<br />
organisation sociale plus équitable pour les<br />
droits et plus favorables pour les besoins de<br />
chacun. Faut-il décourager ceux qui se passionnent<br />
pour les réformes qui doivent rendre meilleur<br />
le sort d’un plus grand nombre ?»<br />
De Zadoc Kahn, son ami, il reçoit pour Rosch<br />
Hachanah, le 1er septembre 1893, la lettre inédite<br />
qui tra<strong>du</strong>it le climat de tension de l’époque<br />
ainsi que la position <strong>du</strong> grand rabbinat de<br />
France :<br />
« Vous êtes encore en pleine lutte électorale<br />
dans le Gard. Je m’intéresse à la candidature de<br />
M. Crémieux qui semble avoir beaucoup de<br />
chances de l’emporter. Tant mieux. Nous<br />
n’avons pas à nous plaindre comme Juif <strong>du</strong><br />
résultat <strong>des</strong> élections. Tous les antisémites<br />
bruyants, tous les amateurs de scandales ont<br />
succombé, les candidats israélites, combattus<br />
avec acharnement, on été réélus. Nous ne pouvions<br />
pas espérer mieux. 48» Mais c’est en tant<br />
qu’enseignant qu’il est le plus percutant.<br />
Avec son ami Léon Carcassonne médecin <strong>des</strong><br />
hôpitaux, délégué cantonal à la santé, il prend<br />
une part active à la fondation de la bibliothèque<br />
populaire en 1869. Dix ans plus tard, elle<br />
contient 2364 volumes. Il milite à la ligue de l’enseignement<br />
qu’il crée en 1869 et préside le cercle<br />
nîmois en 1881. Il organise <strong>des</strong> cours populaires<br />
dans les quartiers populaires de Nîmes,<br />
cours <strong>du</strong> soir pour a<strong>du</strong>ltes qu’il préside en 1879.<br />
Dans toutes les œuvres de la ligue de l’enseignement,<br />
bibliothèque populaires, cours <strong>du</strong> soir<br />
se retrouvent en très grand nombre, les protestants<br />
nîmois.49<br />
En 1879, il intro<strong>du</strong>it ainsi l’assemblée de la ligue<br />
de l’enseignement : « Notre société compte<br />
aujourd’hui dix ans d’existence, et quoique ses<br />
ressources n’aient pas été gran<strong>des</strong>, elle n’est<br />
pas sans avoir ren<strong>du</strong> de précieux services à la
cause qui nous est chère de l’instruction et de<br />
l’é<strong>du</strong>cation populaire »50. Quatre moyens sont à<br />
l’œuvre prêt de livres, cours élémentaire <strong>du</strong> soir,<br />
conférences publiques sur <strong>des</strong> sujets littéraires<br />
et le Sou <strong>des</strong> écoles.<br />
Enfin troisième front, l’enseignement professionnel<br />
: Dans le souci de donner une meilleure<br />
qualification professionnelle aux ouvriers dans<br />
le textile sur le plan théorique et pratique, il est<br />
chargé en 1881 d’un rapport sur l’enseignement<br />
professionnel qui a pour objet la réorganisation<br />
de l’Ecole de Fabrication.51<br />
Conclusion<br />
Tout au long <strong>des</strong> discours et texte qui l’accompagnent<br />
ou qu’il écrit le terme d’ »Israélite » apparaît<br />
fort peu.. Joseph Simon appartient-il donc à<br />
la catégorie d’Israélites ? Nous constatons que<br />
<strong>du</strong>rant cette période de la moitié <strong>du</strong> 19° siècle et<br />
<strong>du</strong> début <strong>du</strong> 20° siècle, le terme « juif » alterne<br />
avec le terme d’ « Israélite. Le terme d’ «<br />
Israélite » est utilisé par <strong>des</strong> personnalités non<br />
juives. Le terme « Israélite » semble donc appartenir<br />
à l’autre, à celui qui n’est pas juif et dénote<br />
un respect, un désir de ne pas froisser parce<br />
que le mot« juif » reste à cette époque discriminatoire<br />
ou peut être utilisé comme tel. A quelle<br />
figure de l’Israélite sommes-nous alors confrontés<br />
? Joseph Simon, homme érudit, enseignant<br />
ouvert à une multiconfessionalité, inscrit dans<br />
un contexte local, a su assurer la congruence<br />
entre la lecture <strong>des</strong> textes bibliques, sa religiosité<br />
et les valeurs de justice, d’égalité de la III°<br />
République. Contrairement à d’autres figures<br />
d’Israélites, il n’y a pas de déjudaïsation, d’assimilation<br />
chez lui. On ne trouve pas non plus un<br />
attachement de type exclusivement culturel ou<br />
institutionnel au judaïsme ? Peut-on dire qu’il<br />
s’agit d’un juif consistorial oui sans doute, mais<br />
pas uniquement. Il n’y a pas rupture nette, semble-t-il,<br />
entre espace public et espace privé mais<br />
avant tout un transfert, une transposition ou une<br />
« transfiguration » d’un monde à l’autre. En<br />
effet, Joseph Simon puise son ardeur de<br />
patriote, de démocrate dans la connaissance<br />
<strong>des</strong> textes anciens qu’il sécularise pour en faire<br />
bénéficier l’espace social et l’espace politique. Il<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 22<br />
croit à la vision messianique <strong>du</strong> judaïsme<br />
comme à celle de la République.<br />
Etait-il un Français israélite ou un Israélite français<br />
? A notre sens, il conjuguait ses deux qualités<br />
sans les hiérarchiser. Lors de son discours<br />
funéraire en 1906, le rabbin Kahn déclarait : « Il<br />
n’était pas de ceux qui croient que la religion est<br />
obligée de se cacher dans la nuit de l’ignorance<br />
ou ceux qui rougissent de leur origine, de leur<br />
nom, de la foi de leurs pères… Toujours, il a<br />
vécu en vrai juif. Sincèrement croyant, respectueux<br />
<strong>des</strong> vieilles traditions, il savait être néanmoins<br />
de son pays et de son époque. »<br />
Bibliographie de Joseph Simon : - Sabatier<br />
Ernest, Chansons hébraïco-provençales <strong>des</strong><br />
<strong>Juifs</strong> comtadins , critiqué par X., 1875 -<br />
Inscriptions tumulaires hébraïques <strong>du</strong> Moyen<br />
Age à Nîmes, notice communiquée à<br />
l’Académie <strong>du</strong> Gard par Joseph. Simon, Nîmes,<br />
André Catélan libraire, 1877. - L’E<strong>du</strong>cation et<br />
l’Instruction <strong>des</strong> enfants chez les Anciens <strong>Juifs</strong>,<br />
Paris, Sandoz et Fischler,1879. « Les manuscrits<br />
hébreux de la bibliothèque de la ville de<br />
Nîmes », Revue d’Etu<strong>des</strong> juives, octobre,<br />
décembre 1881, t III, p. 225-237 - L’Histoire <strong>des</strong><br />
<strong>Juifs</strong> de Nîmes au Moyen Age, Nîmes, Catelan,<br />
1886. - L’E<strong>du</strong>cation chez les juifs et particulièrement<br />
chez les juifs de France au Moyen-Age,<br />
Mémoires de l’Académie de Nîmes, VII° série, T<br />
XIV, 1892. - Le sentiment de la nature chez les<br />
anciens hébreux, Mémoire de l’Académie de<br />
Nîmes, 1893 - Rapport sur la réorganisation de<br />
l’enseignement professionnel à Nîmes présenté<br />
par la commission de surveillance de l’école de<br />
fabrication au nom de la sous-commission,<br />
Nîmes, imp. Clavel-Ballivet, 1881. Les Anavim<br />
et le socialisme <strong>des</strong> prophètes, 6 juin 1891,<br />
Bulletin <strong>des</strong> séances de l’Académie, année<br />
1891. - Une réception de princes à Nîmes, 2,3,<br />
4 mars 1701, document s inédits d’histoire<br />
locale, 1897. - Antoine Rodier de Labruguière,<br />
D’An<strong>du</strong>ze à Amsterdam (1770-1771) , journal<br />
de voyage, publié et annoté par Joseph Simon,<br />
1900, Imprimerie générale, rue de la madeleine.<br />
- Catalogue de la bibliothèque d e Nîmes, catalogue<br />
<strong>du</strong> legs Ernest Sabatier, 1899 - Catalogue<br />
de la bibliothèque d e Nîmes, catalogue <strong>du</strong> legs<br />
Achille Bardon, 1902
NOTES<br />
1 Une version de ce texte est publié dans l’ouvrage édité<br />
par Chantal Bor<strong>des</strong>-Benayoun et Patrick Cabanel, Juif<br />
ou>Israélite , une question d’intégration ? éditions Berg,<br />
2004.<br />
2 Philippe Joutard, Hommes et Libertés, n°113-114,<br />
Laïcité, mars-juin 2001, site Ligue <strong>des</strong> droits de l’Homme<br />
3 Esther Benbassa, Histoire <strong>des</strong> <strong>Juifs</strong> de France, Paris,<br />
Seuil, 1997, p.192-193.<br />
4 Correspondance <strong>du</strong> Docteur Lucien Simon (1915-2003),<br />
médecin et historien, à propos de son trisaïeul, le 30 septembre<br />
2002 avec l’auteur. Nous nous appuyons sur les<br />
travaux de Lucien Simon, « Naissance , vie et déclin de la<br />
communauté comtadine de Nîmes », Archives juives,<br />
1989, p.51-61 et la bibliographie de Joseph Simon parue<br />
dans Archives juives en 1995, qu’il nous a communiquée<br />
avant sa disparition. Nous rendons aussi hommage à son<br />
travail et le remercions pour les archives de famille, lettres,<br />
photos qu’il a bien voulu nous transmettre lors de nos<br />
échanges de correspondance et nos entretiens <strong>du</strong>rant les<br />
années 2001-2003. De même, nous remercions Muryel<br />
Simon, sa nièce, pour nous avoir transmis, ses ouvrages,<br />
la correspondance et généalogie de la famille Simon.<br />
5 Correspondance de Maurice Simon à Muryel Simon,<br />
Lyon le 1 /10 /1970<br />
6 »<br />
7 Ce travail poursuit les travaux <strong>du</strong> docteur Lucien Simon,<br />
il s’appuie sur les publications de Joseph Simon, les archives<br />
départementales, la bibliothèque municipale <strong>du</strong> Carré<br />
d’art, salle <strong>du</strong> patrimoine, et les archives familiales ainsi<br />
que <strong>des</strong> lettres de ses <strong>des</strong>cendants. Que tous soient ici<br />
remerciés.<br />
8 Selon Lucien Simon ,son arrière petit fils, ses parents<br />
étaient pauvres et ne purent se rendre à Nîmes lors de<br />
son mariage à Nîmes avec Sarah Hauser. Souvenirs de<br />
Lucien Simon, non publié.<br />
9 Jules Bauer, L’école rabbinique de France, p. 184<br />
10 ref L’instruction primaire dans les départements <strong>du</strong> Bas-<br />
Rhin et <strong>du</strong> Haut-Rhin en 1833, et Paul Lévy, « les écoles<br />
juives d’Alsace et de Lorraine d’il y a un siècle in Tribune<br />
juive », 1933, 32, 34, 37<br />
11 Nous remercions Francis Weil de ces informations<br />
issues <strong>du</strong> <strong>des</strong> registre <strong>du</strong> séminaire, Archives <strong>du</strong> consistoire,<br />
de Paris. Il n’aura pas le diplôme de rabbin parce<br />
que disent les registres « mal noté, cet élève n’avait pas<br />
pu ses maintenir à l’école. Manière polie de dire qu’il en a<br />
été exclu tout comme ses collègue de la même promotion<br />
S. Nerson qui quitte l’école deux ans après pour mauvaise<br />
con<strong>du</strong>ite et deviendra directeur de l’AIU de Bagdad<br />
et Léo Nordmann né à Hegenheim admis le 29 octobre<br />
1854 qui quitte l’école le 9 octobre 1857 et sera secrétaire<br />
de l’AIU avec le diplôme de 1er degré. Merci à Francis Weil<br />
de nous avoir fourni ces informations. On peut donc ne<br />
pas être un élève brillant <strong>du</strong> séminaire et avoir une carrière<br />
professionnelle tout à fait remarquable<br />
12 Archives <strong>du</strong> Consistoire central, Registre d’admission<br />
<strong>des</strong> élèves à l’école rabbinique entre 1839-1859, série<br />
H2, 1H2<br />
13 Merci à Francis Weil, généalogiste, de m’avoir commu-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 23<br />
niqué ces informations ;<br />
14 Archives juives, Lucien Simon, op .cit.<br />
15 Archives départementales <strong>du</strong> Gard, 2 0 1215, Ecoles<br />
protestantes, écoles israélites, appropriation d’immeubles,<br />
1873-1887, extrait <strong>du</strong> conseil municipal <strong>du</strong> 17 mai 1873.<br />
16 Nous retrouvons une situation similaire dans le Bas-<br />
Rhin. C’est la nomination <strong>du</strong> rabbin qui légitime la création<br />
d’une école communale comme c’est le cas à Mertzwiller<br />
en 1842. Une lettre <strong>du</strong> rabbin de Wissembourg contient un<br />
rapport sur les obstacles rencontrés par les israélites de<br />
Mertzwiller dans la formation d’une école primaire « Il<br />
conviendrait de pourvoir la synagogue d’un ministre-officiant.<br />
Il est demandé que le ministre officiant de la synagogue<br />
puisse être également instituteur, « d’obtenir que le<br />
ministre-officiant soit payé par le trésor, afin de faire élever<br />
l’école primaire au rang d’école communale. Droit<br />
d’après le consistoire à une synagogue autorisée, les<br />
israélites de Mertwiller compte une population de 220<br />
âmes, in Archives <strong>du</strong> Consistoire <strong>du</strong> Bas-Rhin, Procès<br />
verbal de la réunion <strong>du</strong> 31 Août 1842.<br />
17 Consistoire central, Archives, 2H4registre d’admission<br />
<strong>des</strong> élèves à l’école rabbinique après 1859.<br />
18 Albert Phillis Cohen, The modernization of French<br />
Jewry : Consistory and the community in the nineteenth<br />
century, Brandeis University Press, 1977<br />
19 Nous nous appuyons sur les travaux de Lucien Simon,<br />
« Naissance , vie et déclin de la communauté comtadine<br />
de Nîmes », Archives juives, 1989, p.51-61.<br />
20 Lucien Simon, op. cit.,.<br />
21 Raymond Huard (éd.), Histoire de Nîmes, Edisud, La<br />
Calade, 1982. p.<br />
22 Extrait <strong>du</strong> discours prononcé par le rabbin Kahn lors de<br />
la mort de Joseph Simon. Ce rabbin est arrivé à Nîmes<br />
en 1884, après la laïcisation de l’école, « homme très<br />
libéral, plus attaché à la morale et à la philosophie de la<br />
religion qu’à la pratique stricte », in L. Simon, op. cit.<br />
Archives juives, p. 58.<br />
23 Correspondance de Lucien Simon à l’auteur le 17 octobre<br />
2001<br />
24 id.<br />
25 Françoise Mayeur, l’Enseignement de l’E<strong>du</strong>cation en<br />
France,de la Révolution à l’Ecole républicaine, 1789-<br />
1930, 1981, T3, p.327<br />
26 Lucien Simon, Les comtadins de Nîmes…, p 57.<br />
27 La série 1T Instruction publique, Sciences <strong>des</strong> archives<br />
départementales <strong>du</strong> Gard était encours de reclassement<br />
et inaccessible au public.<br />
28 ADG, PER /C/2/1891Raymond Huard, La bataille pour<br />
l’école primaire dans le Gar , 1886—1872, Cercle nîmois<br />
ligue de l’enseignement, 1981.<br />
29 Joseph Simon, L’é<strong>du</strong>cation chez les <strong>Juifs</strong> et particulièrement<br />
chez les <strong>Juifs</strong> de France au Moyen Age, Nîmes,<br />
Académie de Nîmes 1893, membre résident, Nîmes,<br />
Imprimerie Clavel et Chastanier, p. 123.<br />
30 L’é<strong>du</strong>cation et l’Instruction <strong>des</strong> enfants chez les Anciens<br />
juifs Paris, Libraire Sandoz et Fischbacher, 1879, (2° éd.),<br />
p.38<br />
31 Pirkei Aboth, II, 2. op.cit, p.60
32 Commentaires de la Torah écrits entre le III° et le VI°<br />
siècle après J.C.<br />
33 Joseph Simon , L’E<strong>du</strong>cation… , p. 20<br />
34 Joseph Simon ,L’E<strong>du</strong>cation…, p. 124<br />
35 Joseph Simon, 1879, op cité, p. 35<br />
36 Les fous de la république, Ed Fayard…<br />
37 Ref. Lucien Simon, les Comtadins de Nîmes, p.59.<br />
38 Chansons hébraïco-provençales <strong>des</strong> <strong>Juifs</strong> comtadins,<br />
critiqué par X, Sabatier E., 1875<br />
39 Dominique Schnapper, <strong>Juifs</strong> et Israélites….<br />
40 Nous avons relevé cette bonne connaissance <strong>du</strong> judéoalsacien<br />
non seulement dans les classes populaires en<br />
Alsace mais aussi les classes moyennes. C’est l e cas de<br />
la correspondance d’émigrants dans l’Ohio, USA , Lazare<br />
Kahn, manufacturier de poêles à sa famille d’Ingwiller les<br />
Meiss en 1860…<br />
41 Histoire <strong>des</strong> <strong>Juifs</strong> de Nîmes, Librairie André Catélan,<br />
1886, 39 pages.<br />
42 Enoncé <strong>des</strong> malheurs spécifiques à chaque région<br />
selon le rite italo-grecque, puis d’un autre manuscrit selon<br />
le rite français<br />
43 On peut s’interroger sur le rôle de passeur qu’ont pu<br />
joué les rabbins et instituteurs de tradition germanique et<br />
les savants qui viennent d’Allemagne qui connaissaient<br />
aussi bien les textes de la Wissenschaft allemande que<br />
ceux de la Wissenshaft française et ont même été partie<br />
constitutive de la science juive française. Voir à ce propos<br />
les ouvrages de Jacques EhrenfreundEt de Perrine Simon<br />
Nahum Ce rôle de passeur d’une langue à l’autre et d’une<br />
culture à l’autre n’a pas été encore pleinement étudié.<br />
44 Inscriptions tumulaires hébraiques <strong>du</strong> Moyen Age à<br />
Nîmes, notice communiquée à l’Académie <strong>du</strong> Gard par J.<br />
Simon , Nîmes, André Catélan, libraire, 1877.<br />
45 Discours prononcé par le rabbin Kahn en 1906<br />
46 Séance à l’Académie de Nîmes, Les Anavims et le<br />
socialisme <strong>des</strong> prophètes, 6 juin 1891, Bulletin <strong>des</strong> séances<br />
de l’Académie, année 1891, p 61et 64.<br />
47 ADG 4 M 269 Fermeture de cercle et <strong>des</strong> sociétés dans<br />
le département, arrêtés préfectoraux et dossiers. La<br />
société de propagande républicaine démocratique,<br />
Ministère de l’intérieur au Préfet 12/03/1873 : « la<br />
con<strong>du</strong>ite <strong>du</strong> sociétaire qui se serait borné à soutenir les<br />
idées républicaines libérales et qu’au moment de la<br />
Commune notamment aurait donné leur adhésion et prêté<br />
leur concours au gouvernement .» La société est dissoute<br />
le 21 Mars 1873 par le Préfet <strong>du</strong> Gard : « considérant que<br />
cette association politique a répon<strong>du</strong> par un refus de<br />
modifier les statuts qui lui a été fait ».. L’association refuse<br />
de se transformer en cercle.<br />
48 Archives privées, Lucien Simon. Il s’agit de Fernand<br />
Crémieux député puis sénateur d’Uzès dans le Gard qui<br />
sera candidat et réélu de … et de Naquet… voir Pierre<br />
Birnbaum, Les fous de la république….<br />
49 Voir Huard, op.cit., p.299<br />
50 Document transmis par Lucien Simon<br />
51 Joseph Simon, Rapport sur la réorganisation de l’enseignement<br />
professionnel à Nîmes présenté parla commission<br />
de surveillance de l’école de fabrication au nom de la<br />
sous-commission Nimes ,imp. Clavel-Ballivet, 1881.<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 24<br />
Anny BLOCH-RAYMON<br />
Anny Bloch, qui nous a été recommandée<br />
par notre ami Jean-François Hurstel, nous<br />
offre un article sur “un enseignant alsacien<br />
en terre comtadine”. Elle nous adresse une<br />
bio-bibliographie qui fait apparaître le<br />
sérieux avec lequel travaillent nos amis de<br />
Toulouse.<br />
Ingénieur-chercheur en sciences sociales au<br />
CNRS<br />
pour en savoir plus :site en cours de réalisation:<br />
http://www. anny-bloch.net et<br />
site ethno-info.com: Anny Bloch-Raymond ou<br />
judaïsme alsacien<br />
-Ethno-sociologue, depuis 1983, au Centre<br />
National de la Recherche Scientifique.<br />
-Rédactrice en chef de la Revue <strong>des</strong> Sciences<br />
sociales, 1988 -2001, Strasbourg.<br />
-Cofondatrice de la Revue Diasporas avec<br />
Patrick Cabanel, Chantal Bor<strong>des</strong>-Benayoun et<br />
l’équipe Diasporas, en 2002. Rédactrice en chef<br />
de 2002 à 2006, membre <strong>du</strong> comité de rédaction.<br />
-Membre <strong>du</strong> réseau « Lettres américaines » <strong>du</strong><br />
Centre d’étu<strong>des</strong> Nord américaines, CENA,<br />
EHESS, Paris.<br />
.<br />
J’ai con<strong>du</strong>it une enquête intensive et extensive<br />
sur les juifs de la vallée rhénane ayant migré<br />
dans les petites villes <strong>du</strong> Mississippi de 1992 à<br />
2000. (Thèse soutenue le 24 novembre 2006)<br />
sous la direction de Freddy Raphaël.<br />
(Ouvrage en cours)<br />
Dans le prolongement de ce travail, je participe<br />
avec l’équipe <strong>du</strong> CENA Paris à la collecte et<br />
l’analyse <strong>des</strong> lettres de France-Amérique :<br />
Conférences en anglais invitées par le Consul<br />
général de la Nouvelle Orléans, les musées de<br />
la Nouvelle Orléans et l’Alliance française<br />
(12 et 13 mars 2007).<br />
-Pour donner suite à mes recherches sur les<br />
écoles juives en France, j’entreprends une<br />
enquête sur la place de ces écoles contemporaines<br />
et leurs relations avec la laïcité (voir publications).<br />
La thématique <strong>du</strong> fait religieux, de la multiappartenance,<br />
<strong>des</strong> migrations et de la mémoire<br />
est actuellement ma principale orientation de<br />
recherche.
Mes publications sur le sujet<br />
Autour <strong>des</strong> migrations juives françaises et<br />
alleman<strong>des</strong> aux Etats-Unis<br />
-”A la merci de courants violents, les émigrés<br />
juifs de l’Est de la France aux Etats-Unis”,<br />
Revue <strong>des</strong> sciences sociales de la France de<br />
l’Est, 1995; 22, p.110-120.<br />
-”Des berges <strong>du</strong> Rhin aux rives <strong>du</strong> Mississippi,<br />
une culture recommencée ”, Revue <strong>des</strong> sciences<br />
sociales de la France de l’est, Exils,<br />
Migrations, Voyages, 1997, 24, p. 89-97.<br />
-”Mobilité <strong>des</strong> familles juives émigrées d’Alsace<br />
aux Etats-Unis à la fin <strong>du</strong> XIXe siècle”, Actes <strong>du</strong><br />
5éme Congrès international de généalogie juive,<br />
13-17 juillet 1997, p. 63-77.<br />
—”L’émigration juive alsacienne aux Etats-Unis<br />
(1830-1930)”, Archives Juives, 32, Paris, éd. les<br />
Belles lettres 1999, p.74-203.Mercy on rude<br />
streams : Jewish Emigrants from Alsace-<br />
Lorraine to the Lower Mississippi Region and<br />
the Concept of fidelity, Southern Jewish History”<br />
, Miami, 2, 1999, p. 180-102.<br />
”30 ans après le mouvement <strong>des</strong> droits civiques,<br />
ethnies et différences sociales aux Etats-Unis”,<br />
Strasbourg, Cultures et Sociétés, octobre 1999.<br />
-”Enemies abroad, Friends in the United States:<br />
Jewish Diaspora from Alsace-Lorraine vs.<br />
Jewish Diaspora from Germany, 19th, 20th century”,<br />
November 16, 17, 2002, Dickinson<br />
College, published by the Clarke Center,<br />
Contemporary Issue series, nov. 2004.<br />
-”Le colporteur”, Diasporas, Histoire et Sociétés,<br />
Généalogies rêvées, 5, 2004, p. 118-122.<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE HISTORIQUE<br />
Page 25<br />
Judaïsme mémoire et identités<br />
-”La communauté juive de Westhoffen”, (en collab.<br />
avec Muriel Klein-Zolty), Revue <strong>des</strong><br />
Sciences sociales de la France de l’Est, n°18,<br />
1990/91<br />
-”Pour un judaïsme aci<strong>du</strong>lé, chronique d’une<br />
femme ordinaire”, Revue <strong>des</strong> sciences sociales<br />
de la France de l’Est, 1994, 21.<br />
*L’expérience de l’exil sur le temps long,<br />
Diasporas, Histoire et Sociétés, 3, p182-189.<br />
”L’invention de la cuisine casher créole à la<br />
Nouvelle Orléans », Diasporas, Histoire et<br />
sociétés, 2003,7, p. 120-135<br />
*-Joseph Simon, « Instituteur et historien », Un<br />
modèle d’intégration, juifs et israélites, XIX°-XX°<br />
siècles, (Patrick Cabanel, Chantal Bor<strong>des</strong>-<br />
Benayoun, éd),Paris, Berg International,<br />
2004,.p. 131-146.<br />
-”Les écoles primaires en Alsace au XIXe siècle”<br />
Archives juives, Revue d’histoire <strong>des</strong> juifs de<br />
France, n°39/2, 2006.<br />
Enseignement<br />
-Chargé de cours : UFR sciences sociales,<br />
département d’ethnologie, M2-M1 :Approche<br />
anthropologique comparative Judaïsme et Islam<br />
en collaboration avec Habib Samrakandi<br />
CETIA, UTM, anthropologie de l’alimentation,<br />
UEJT (Université d’Etu<strong>des</strong> <strong>du</strong> judaïsme de<br />
Toulouse), Les transformations <strong>du</strong> national et<br />
<strong>du</strong> religieux en situation de transplantation.<br />
Etude socio-historique <strong>des</strong> écoles juives et la<br />
transmission <strong>des</strong> savoirs.<br />
-Encadrement et participation aux soutenances<br />
<strong>des</strong> M1 et M2.
UNE NOUVELLE D’ HERVÉ NAHMIYAZ<br />
Noms de dieu<br />
La nuit est faite pour dormir pourtant…Je m’appelle<br />
Abraham Montelimar, marié un enfant, un<br />
garçon. L’an dernier, un beau jour ou plutôt une<br />
sale nuit j’avais le sommeil agité, je naviguais<br />
entre deux eaux, ne dormais que d’un œil, finalement<br />
le drap s’est entortillé autour de mes chevilles,<br />
tentacule <strong>du</strong> calamar géant agitant le<br />
Nautilus, m’entraînant loin <strong>des</strong> béatitu<strong>des</strong> <strong>du</strong><br />
sommeil <strong>du</strong> juste. D’un œil, celui qui ne dormait<br />
pas, je regardai les chiffres romains phosphorés<br />
<strong>du</strong> réveil Jaz, trois heures dix, c’est incroyable,<br />
toutes les nuits d’insomnie j’émergeais à trois<br />
heures dix, soit mon horloge interne était réglée<br />
comme <strong>du</strong> papier à musique, soit le réveil était<br />
arrêté sur cette heure, non le tic tic tac tac se faisait<br />
entendre, rythmant la vie qui passe, même<br />
la nuit. Pour retrouver la paix <strong>du</strong> dormeur je décidais<br />
d’user <strong>des</strong> artifices habituels, mes moutons<br />
à moi, dresser la liste <strong>des</strong> personnes connues<br />
autrefois et disparues depuis, histoire de lutter<br />
simultanément contre la nuit blanche et le néant,<br />
A, Adato, Astruc, Albaranès, B, Borodov,<br />
Bénaud, Bensasson, C, Caraco, Carcassonne,<br />
Cherki, D, Doudou, Dongier, E, Ellien, Ezrati<br />
avec I et Ezraty avec I grec, F, Franco,<br />
Fouinkinos, G, Gattegno, Guibal, H, Horras, I,<br />
Israël, J, Jaffé, K, Kessali, L, rien …oui bien sur<br />
les Levy, M, Mangefigue, Méchoulam, N,<br />
Nunziato, Négrel, O, Ovadia, Olives, P, Pipard,<br />
Pinso, Q, Quimanet, R, Raviole, Renucci, S,<br />
Sperling, Salon, Saragoussi, puis au T, je ne sais<br />
pourquoi mon esprit a dévié dans l’espacetemps<br />
sur l’inventaire <strong>des</strong> diverses façons<br />
d’écrire Cohen, l’italienne, Coin, la normande<br />
Caen, la déguisée Colin, l’assimilée Prêtre, l’astucieuse,<br />
Cocu–c’est Charles Cohen un cousin<br />
de ma femme qui pendant la guerre s’était fait<br />
faire de faux papiers au nom de Charles Cocu,<br />
il était parvenu ainsi à déjouer la police française,<br />
les pandores le laissaient partir en riant<br />
car qui pouvait vouloir s’appeler cocu- les ana-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
LE VOYAGE D’ABRAHAM<br />
Page 26<br />
grammique Nochet, Chénio, Counio, l’anglaise<br />
Coe, l’ashkenaze Kohn, la russe Kagan, l’ultrarusse<br />
Kaganovitch, les américaines, Kogan,<br />
Coben, Cowen, Cow, Cobb, la chinoise Ko-<br />
Chen, sur ce le sommeil me trouva.<br />
Le matin je regardais le jizvé posé sur le gaz, le<br />
chuintement <strong>des</strong> flammes bleues me berçait, le<br />
café turc remonta <strong>du</strong> fond <strong>du</strong> petit récipient<br />
oblong fabriqué à Tournus pour les marchés<br />
orientaux, dans un tourbillon de lave crémeuse,<br />
et de cette manière un souvenir resurgit qui<br />
expliquait mon insomnie de la veille. Hier soir,<br />
avant d’écouter Signé Furax à la radio, j’étais<br />
passé devant la chambre de mon fils, Robert dix<br />
ans, au lieu de l’entendre inventer <strong>des</strong> scénarios<br />
de films d’aventure improbables où parmi ses<br />
soldats de plomb, l’indien au tomawak luttait<br />
contre Du Guesclin en armure appelant à la rescousse<br />
deux cyclistes <strong>du</strong> tour de France,<br />
Anquetil et Darrigade, je perçus comme l’ombre<br />
d’un sanglot. Mon esprit n’avait pas noté l’anomalie<br />
mais mon subconscient sans doute oui, et<br />
<strong>du</strong>rant la nuit un petit fanal d’alerte m’avait<br />
empêché de dormir tout à fait. Qu’avait donc<br />
Robert qui puisse le faire pleurer en cachette ?<br />
Mon épouse, Annette, entra dans la cuisine à cet<br />
instant propice et je l’interrogeais<br />
- Il me semble avoir enten<strong>du</strong> Robert pleurer, je<br />
n’en suis pas certain, qu’a donc ce petit ? une<br />
rage de dents ou nous aurait-il caché une mauvaise<br />
note compromettant son passage en<br />
sixième ?<br />
Elle ne répondit pas tout de suite, alla chercher<br />
sa tasse à moka, un petit Limoges arborant le<br />
portrait de l’impératrice Joséphine, nous avions<br />
Napoléon mais ma soeur l’avait cassé l’année<br />
précédente, s’assit, se versa le café, prit une<br />
cigarette, une palette rose à bout doré, son luxe<br />
suisse, ses vacances à Saint Moritz disait-elle<br />
en souriant ironiquement, l’alluma, tira une bouffée<br />
en arrangeant sa robe de chambre à fleurs<br />
bleu pâle, le regard fixant un sommet lointain<br />
d’elle seule connu et dit –je ne voulais pas t’en
parler pour ne pas t’inquiéter, tu as assez de<br />
soucis au magasin.<br />
Je suis premier vendeur au Roi <strong>du</strong> blanc, rue de<br />
la République, sur trois étages coupons, linge<br />
de maison, voilages et rideaux, parures de lit,<br />
concessionnaire exclusif <strong>des</strong> Tissages <strong>des</strong><br />
Vosges - mais le petit a <strong>des</strong> problèmes à l’école,<br />
il ne veut plus y aller, j’ai pensé à la nourriture de<br />
la cantine, toujours <strong>des</strong> lentilles, puis j’ai imaginé<br />
qu’on l’avait traité de sale juif. Je lui fis remarquer<br />
- Pourtant dans le quartier tous pensent<br />
que nous sommes protestants, tu fais tout pour.<br />
Elle dit -J’ai mes raisons, à ce sujet je me suis<br />
renseigné pour inscrire le petit aux éclaireurs<br />
unionistes, le scoutisme lui fera <strong>du</strong> bien, le pasteur<br />
Marchand est d’accord..<br />
Et moi ? pensais-je à ce moment mais je la laissais<br />
poursuivre<br />
Je suis allé voir Monsieur Lallemand son instituteur,<br />
celui-ci dans son cours sur les sous-préfectures<br />
et chefs-lieux de canton a eu le malheur de<br />
dire aux gamins <strong>du</strong> CM2 que Montélimar était la<br />
capitale <strong>du</strong> nougat, depuis les camara<strong>des</strong> de<br />
Robert ne l’appellent plus que Nougat, à la<br />
récréation toute la classe scande « oh nougat<br />
que t’es mou » m’a dit l’instituteur, le petit en est<br />
très affecté, tu sais comme il est sensible, il tire<br />
de ta sœur, je ne sais que faire.<br />
Il faut toujours qu’elle s’en prenne à Marguerite,<br />
elle l’appelle l’écorchée vive, ma sœur aînée,<br />
celle qui a cassé la tasse à moka, la pauvre, son<br />
fiancé Félix Crémieux est mort au chemin <strong>des</strong><br />
dames, il avait vingt ans, elle dix sept, elle est<br />
restée inconsolable, et puis après la grande<br />
guerre les hommes étaient une denrée rare<br />
donc chère, mon père n’a jamais voulu donner la<br />
dot suffisante pour sé<strong>du</strong>ire un survivant. Nougat,<br />
moi aussi j’avais été victime de ce sobriquet,<br />
c’était au régiment, sur la ligne Maginot, on<br />
attendait les Allemands en écoutant Maurice<br />
Chevalier, « et tout ça, ça fait d’excellents<br />
Français, d’excellents soldats qui marchent au<br />
pas », tu parles, j’avais vingt trois ans, j’en avais<br />
vu d’autres, le jour de l’attaque de Gudérian,<br />
j’étais en perm à Paris, ma veine, la déroute, la<br />
déculottée, je suis re<strong>des</strong>cen<strong>du</strong> en civil sur<br />
Marseille, retour à la case départ, Maréchal me<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
Page 27<br />
revoilà, ni vu ni connu je t’embrouille, et puis<br />
l’occupation, les faux papiers <strong>du</strong> pasteur<br />
Marchand, moi le juif <strong>du</strong> pape je suis devenu<br />
celui de Calvin, lavé, repassé, propre sur lui,<br />
insoupçonnable, voir les autres <strong>Juifs</strong> arrêtés et<br />
ne rien pouvoir faire, Annette je l’ai rencontrée à<br />
cette époque, en 42 sa famille a été déportée ;<br />
la jeune Annette Matalon avait pu se cacher<br />
dans le jardin <strong>des</strong> voisins à Saint Henri,<br />
Monsieur Cabet, le patron <strong>du</strong> roi <strong>du</strong> Blanc, l’avait<br />
alors engagée pour tenir le banc <strong>des</strong> fins de<br />
coupons bradés sur le trottoir. Une relation de<br />
Monsieur Cabet est intervenue pour elle, elle est<br />
devenue Anne Maestracci.<br />
Cabet c’était pas son véritable nom mais personne<br />
ne l’a su, c’est à la Libération qu’on a<br />
découvert qu’il s’appelait en vérité Gabay et était<br />
venu de Salonique en 1918, deux ans plus tard<br />
il avait épousé Marie-Pierre Paolantonacci, la<br />
fille d’un peseur juré <strong>du</strong> cours Julien, grâce à<br />
une relation <strong>des</strong> parents de Marie-Pierre, le<br />
nervi d’un député corse, celui qui procurera les<br />
faux papiers à Annette, il avait changé son nom<br />
juste avant le mariage à l’église <strong>des</strong> Chartreux,<br />
et s’était glissé dans la masse, anonyme,<br />
Provençal époux d’une Corse, respectable<br />
négociant, de Marseille comme le savon, plus<br />
ou moins rejeté par le reste de sa famille.<br />
Les parents d’Annette étaient aussi venus de<br />
Salonique mais en 1925, en 1942, Annette avait<br />
seize ans. Le café turc, c’est elle qui m’y a habitué,<br />
son souvenir d’enfance, sa madeleine de<br />
Proust comme elle dit, elle l’achète à la<br />
Torrefaction Noailles, Gare de l’est. Je crois que<br />
les Gabay et les Matalon étaient vaguement<br />
parents.<br />
Après tout si un Gabay avait pu changer de nom<br />
en 1920, un Montélimar le pouvait en 1957. J’y<br />
avais songé pendant la guerre, je m’étais posé<br />
la question, quel nom choisir ? Montel était une<br />
forme trop commune à mes yeux, Limar sonnait<br />
rastaquouère et Télim sentait la synagogue,<br />
j’optais pour un nom tout à fait différent, De<br />
Guermont, Annette avait adoré Un amour de<br />
Swann et m’en avait parlé. Je dis à mon épouse<br />
–Tu sais l’an prochain le petit entre en sixième à<br />
Thiers, c’est l’occasion pour lui de prendre un<br />
nouveau départ, nouvelle école, nouveau nom,
que penses-tu de De Guermont ?<br />
Elle haussa les épaules – Pas mal, tu as pensé<br />
à Proust, tu me surprendras toujours, Robert de<br />
Guermont, un nom de militaire ou d’in<strong>du</strong>striel,<br />
aristocratique, il faudra pousser le petit jusqu’à<br />
Polytechnique, mais avant nous devrons lui<br />
expliquer ce changement, après tout pourquoi<br />
pas, tes ancêtres ne devaient pas s’appeler<br />
Montélimar non plus.<br />
Elle n’avait pas tort, ils ont <strong>du</strong> habiter la ville<br />
quelques temps, l’un d’eux, colporteur, devait<br />
être l’Isaac ou le Mossé de Montélimar, pour le<br />
distinguer de l’Isaac ou <strong>du</strong> Mossé de Sorgues ou<br />
de Cavaillon, Montélimar était resté. Tout cela<br />
était loin, presque toute ma famille était convertie<br />
au catholicisme, sans ma rencontre avec<br />
Annette cela aurait été aussi mon cas, et maintenant<br />
elle voulait que l’on fût vraiment protestants.<br />
Le lendemain j’ai demandé ma matinée, j’ai<br />
ajouté - pour raison administrative - à Monsieur<br />
Antoine, le fils Cabet, le père avait succombé en<br />
1949 à une angine de poitrine mal soignée à<br />
l’hôpital Michel Levy.<br />
Quittant l’appartement de la rue <strong>des</strong> bons<br />
enfants je suis <strong>des</strong>cen<strong>du</strong> vers la Préfecture, une<br />
chanson de Dario Moreno me trottait dans la<br />
tête, j’avais mis le costume <strong>des</strong> mariages, gris,<br />
filet tennis, épaulettes larges, la cravate que<br />
nous avions achetée lors de notre voyage à<br />
Venise en 52, il faut faire bonne impression dans<br />
les administrations, -l’habit fait le gentlemoinedisait<br />
le cousin Charles, redevenu Cohen, tailleur<br />
de son état et humoriste à ses heures dans<br />
son élégante boutique au bas de la rue paradis,<br />
décorée à l’anglaise, il m’arrivait de passer lui<br />
dire bonjour et tandis qu’il traçait de petits gestes<br />
secs et précis les patrons sur l’étoffe, de<br />
feuilleter les catalogues <strong>des</strong> modèles proposés<br />
aux clients, les <strong>des</strong>sins montraient <strong>des</strong> hommes<br />
élégants ressemblant aux vedettes d’Hollywood,<br />
particulièrement à Robert Taylor, c’est Charles<br />
qui m’avait fait remarquer la coïncidence <strong>du</strong><br />
nom, leurs tenues étaient soigneusement décrites,<br />
poches passepoilées, le revers <strong>du</strong> pantalon,<br />
la taille <strong>du</strong> col, la martingale qui revenait à la<br />
mode, comme la flanelle et le prince de Galles,<br />
ils jouaient au golf, buvaient un cocktail, ou, une<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
Page 28<br />
raquette sous le bras, se tenaient devant une<br />
berline luxueuse et causaient à de magnifiques<br />
créatures, Elisabeth Taylor disait Charles qui<br />
abusait de ses découvertes, l’acheteur d’un costume<br />
pouvait un instant s’identifier à eux, l’habit<br />
fait le gentlemoine.<br />
Parvenu au bas <strong>du</strong> boulevard Salvador, j’ai jeté<br />
un œil à la vitrine de La Hutte, entre les tentes<br />
Trigano, les chaussures à crampons Kopa et les<br />
ballons de foot, il y avait les uniformes scouts,<br />
j’ai regardé songeur celui <strong>des</strong> éclaireurs unionistes,<br />
je vis mon reflet dans la vitrine, pendant la<br />
guerre je n’avais pas pu sauver les <strong>Juifs</strong> pris<br />
dans la rafle <strong>des</strong> vieux quartiers, aujourd’hui je<br />
pouvais en sauver un, moi.<br />
Il a fallu que je passe rapidement sur les pavés<br />
entre les rails et les barrières <strong>du</strong> tramway, derrière<br />
le commissariat, et devant l’entrée monumentale<br />
de la préfecture, autrefois je pensais<br />
que c’était le temple de la république, depuis la<br />
guerre cette naïveté m’avait quittée, je demandai<br />
au planton dans sa guérite tricolore quel était<br />
le service chargé de l’état civil et montai au<br />
second étage, au bureau de Mme S.Rastoin.<br />
Je tapai, -Entrez- répond une voix féminine mais<br />
autoritaire, sans franchir la porte je dis en souriant<br />
façon Robert Taylor :<br />
Bonjour Madame, je viens chercher un dossier<br />
pour un changement d’état civil…oui c’est ça<br />
d’identité… il faudra que la requête soit déposée<br />
par un avocat …je l’ignorais… vous pouvez me<br />
conseiller quelqu’un…oui pourquoi pas..<br />
Je ne voulais pas la contrarier, elle était plutôt<br />
jolie, la quarantaine, soigneusement maquillée,<br />
portait un collier de perles sur un tailleur strict,<br />
accorte et distante comme il sied à une personne<br />
de rang supérieur, il flottait dans la pièce<br />
immense une odeur de mimosa, le bruit de la<br />
rue de Rome nous parvenait de façon diffuse,<br />
c’était le printemps déjà, son arrivée nous surprend<br />
toujours, il faudra refaire les vitrines, j’en<br />
parlerai à Monsieur Antoine.<br />
Elle me demanda d’un ton affable, il faut dire<br />
que je suis assez bel homme –vous voulez<br />
changer d’identité, cela n’est pas autorisé systématiquement,<br />
il faut avoir une raison circonstanciée,<br />
valable –je me voyais mal lui raconter l’histoire<br />
<strong>du</strong> nougat mais par bonheur elle poursuivit-
puis-je savoir Monsieur quelle est votre identité<br />
actuelle ?<br />
Je répondis-je m’appelle Abraham Montélimar,<br />
je désirerais.. Mais avant que je lui indique le<br />
nouveau nom que j’avais choisi pour ma <strong>des</strong>cendance,<br />
elle me coupa l’air réellement désolé<br />
Je comprends cher monsieur, cela ne doit pas<br />
être facile tous les jours, je tiens à vous rassurer,<br />
l’autorisation vous sera certainement accordée,<br />
j’en fais mon affaire, mais n’avez vous pas<br />
un second prénom ?<br />
Un second prénom ?<br />
Je devais avoir l’air hébété car elle crut bon de<br />
préciser en articulant –Oui nous avons deux<br />
voire trois prénoms, tenez dans mon cas c’est<br />
Simone et Marthe, et vous ?<br />
Confus j’avouais- Et bien non, je sais que c’est<br />
assez rare mais je n’ai qu’un prénom.<br />
Elle me regarda alors triomphante- Monsieur<br />
Montélimar, le changement se fera sans difficulté,<br />
pouvez vous m’indiquer quel est le prénom<br />
que vous avez choisi pour remplacer cet<br />
Abraham si <strong>du</strong>r à porter ?<br />
Tout cela date de l’an dernier, aujourd’hui je<br />
m’appelle toujours Abraham Montélimar, Robert<br />
va aux éclaireurs israélites de France, l’odeur de<br />
mimosa c’était Côte d’azur, de Jacques Estérel,<br />
le parfum de Simone, mais ceci est une autre<br />
histoire.<br />
La Chekhina va à Cassis<br />
J’étais premier vendeur au Roi <strong>du</strong> blanc, rue de<br />
la république, prés <strong>du</strong> port, sur trois étages, coupons,<br />
linge de maison, voilages et rideaux, parures<br />
de lit, distributeur exclusif <strong>des</strong> Tissages <strong>des</strong><br />
Vosges et <strong>des</strong> velours Sandro Gori. J’avais posé<br />
ma vie sur <strong>des</strong> rails.<br />
Sur trois niveaux, le magasin était une ruche, les<br />
allées et venues <strong>des</strong> vendeuses et <strong>des</strong> clientes,<br />
jouvencelles, épouses dans le bel âge, matrones,<br />
ravivaient mes sens, provoquaient mon<br />
imagination ; le sourire indélébile, tel un bourdon<br />
ivre j’allais de l’une à l’autre vers une vente, une<br />
aventure, j’avais la conjugalité buissonnière,<br />
mes chemins de traverse ne menaient nulle<br />
part, je me perdrai dans la jungle de mes pro-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
Page 29<br />
messes, je le savais, avisé et oublieux, devaisje<br />
pour autant renoncer au paradis ?<br />
Le jour de Kippour je quittais l’appartement de la<br />
rue <strong>des</strong> bons enfants vers dix heures, Annette<br />
ne supportait pas de m’avoir entre les pattes, je<br />
la laissais avec ses maux de tête préparer le<br />
repas <strong>du</strong> soir, recevoir ses amies, migraineuses<br />
elles aussi, ce qui n’a jamais nuit à la conversation.<br />
J’allais dans un restaurant <strong>du</strong> cours<br />
Belsunce, honteusement réjoui par ce moment<br />
volé à dieu, c’était la journée pieds et paquets,<br />
puis, le bras droit collé au corps, je cheminais<br />
jusqu’au salon de danse Montréal, rue Aldebert,<br />
transformé ce jour là en synagogue espagnole,<br />
mes amis disaient kilah, il y avait là la toute<br />
petite humanité <strong>des</strong> échelles <strong>du</strong> Levant, les rescapés<br />
de Salonique, d’Andrinople, de Smyrne,<br />
de Stamboul, ces fragments d’une Espagne per<strong>du</strong>e<br />
depuis 1492, éparpillés <strong>des</strong> confins de la<br />
Bulgarie jusqu’aux portes de l’Egypte, ces<br />
judéo-espagnols avaient adopté un <strong>des</strong> derniers<br />
<strong>Juifs</strong> <strong>du</strong> Comtat Venaissin, resté juif par miracle,<br />
fossile étonné.<br />
Je papotais avec l’un et l’autre sur le trottoir<br />
devant la salle de prière brouhahante, puis partais<br />
seul, deux heures avant le coucher <strong>du</strong> soleil<br />
vers le grand temple de la rue Breteuil, fendais<br />
la foule massée devant la porte monumentale,<br />
Moïse et la mer rouge, me faufilais dans le couloir<br />
parmi les enfants débraillés, les jeunes<br />
mères chargées de leur progéniture, <strong>des</strong> hommes<br />
transpirant, quelques vieilles qui montaient<br />
péniblement vers la galerie, allais jusque devant<br />
l’entrée de la synagogue, sortais d’un sac en<br />
toile que je n’avais cessé de garder sous le bras,<br />
ma kippa, mon châle de prière, le vieux livre<br />
transmis depuis <strong>des</strong> générations, posais le calot<br />
en arrière de sa tête, jetais sur mes épaules le<br />
taleth en tendant un coin vers l’arche sainte où<br />
les rouleaux de la torah dormaient, amphores<br />
englouties, puis entrais dans la vaste salle lumineuse<br />
en jetant un coup d’œil à la haute galerie<br />
réservée aux femmes et glissais vers ma place<br />
habituelle, au fond, à droite de la tévah, prés<br />
d’une colonne.<br />
Un moment après, Robert venait me rejoindre et
quand l’obscurité commençait à voiler les<br />
vitraux, que la voix <strong>du</strong> chantre se faisait plus<br />
intense, vibrante, qu’il y avait de l’électricité<br />
dans l’air, je dressais mon taleth au-<strong>des</strong>sus de la<br />
tête de mon fils unique, cocon protecteur, et au<br />
son mugissant <strong>du</strong> chofar en appelant à dieu et<br />
aux hommes, posais ma main droite sur la tête<br />
de Robert et le bénissais ; alors la boucle <strong>du</strong><br />
temps se refermait, cinq mille ans d’histoire juive<br />
se contractaient, j’étais parti d’Ur à la recherche<br />
de mon <strong>des</strong>tin et Robert devenait Isaac à l’instant<br />
où l’ange retient mon bras.<br />
L’officiant poursuivait la prière <strong>du</strong> soir quand la<br />
foule apaisée quittait le temple, j’étais purifié,<br />
léger, mes transgressions s’étaient évanouies<br />
par enchantement et avec mon fils je rejoignais<br />
le foyer. Le lendemain j’acceptais l’invitation<br />
d’une enjouée cliente qui me demandait de venir<br />
chez elle la conseiller dans le choix <strong>des</strong> rideaux,<br />
j’étais ainsi, avisé et oublieux, jusqu’à ce que….<br />
Le souffle fut violent et chaud, <strong>des</strong> escarbilles de<br />
feu, le tacatac saccadé <strong>des</strong> wagons, vibraphone<br />
de Lionel Hampton, musique d’osselets,<br />
et le convoi en passant aspira la réalité <strong>du</strong><br />
monde, les paysages familiers, les manies<br />
absur<strong>des</strong>, les certitu<strong>des</strong> et les doutes auxquels<br />
on s’est habitué, et je me retrouvais seul dans<br />
un désert, rien à perte de vue, je me sentis grain<br />
de sable.<br />
Un soir, tandis que Robert était chez <strong>des</strong> amis,<br />
Annette me dit<br />
- Aby je dois te parler, il y a un moment où le<br />
rideau se lève, je dois d’abord te dire que je suis<br />
vivante, j’existe sans toi, en dehors de toi, en<br />
dépit de toi, malgré tes yeux aveugles, je ne suis<br />
pas la gardienne de tes absences, je te connais,<br />
tes passa<strong>des</strong> ne passent plus, ta liaison avec<br />
cette Rastoin de la préfecture ne m’a pas échappée,<br />
tu rentrais, tout miel avec cette horrible<br />
odeur de mimosa, vous étiez mal assortis, la<br />
carpe et le lapin, cela frisait l’inconvenance ;<br />
vois-tu- Et disant cela elle pointait sur moi sa<br />
cigarette Palette rose à bout doré- j’ai toujours<br />
pensé que nous valons bien les hommes, dans<br />
tous les domaines, y compris l’a<strong>du</strong>ltère, mais il<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
Page 30<br />
est arrivé l’imprévu, l’amour, parce que vois-tu<br />
l’amour ça existe, j’ai un homme dans ma vie et<br />
ce n’est pas toi, je vais te quitter, ne fais pas<br />
cette tête, Robert passe le bachot cette année,<br />
l’an prochain il ira à la faculté de médecine, il<br />
n’aura plus besoin de moi, ce n’est pas trop tôt,<br />
toi il suffira que tu ouvres les parenthèses de tes<br />
aventures pour qu’elles soient ta vie, parce que<br />
au fond, ta vraie vie ce sont elles, inutile de<br />
développer, avec Antoine, tu as deviné qu’il<br />
s’agit de lui bien sur, nous irons vivre dans sa<br />
villa de Cassis, un changement d’air, nous, nous<br />
resterons bons camara<strong>des</strong>, comme autrefois,<br />
après tout rien n’est changé.<br />
Je n’avais rien deviné <strong>du</strong> tout, Antoine Cabet, le<br />
propriétaire <strong>du</strong> Roi <strong>du</strong> blanc, l’héritier, plus jeune<br />
qu’Annette, de dix ans, depuis quand ?<br />
Rien n’est changé ! J’avais per<strong>du</strong> ma femme et<br />
mon emploi, et en plus j’étais le cocu, je me souvins<br />
<strong>du</strong> cousin Cohen qui s’était procuré, pendant<br />
la guerre, de faux papiers au nom de Cocu,<br />
je revis le film Les vignes <strong>du</strong> seigneur, André<br />
Luguet peut-être, larmes et ivresse, Hubert mon<br />
vieux Hubert, je t’aime, tu es cocu, je me sentis<br />
proche d’Holopherne, j’étais moi aussi là, la tête<br />
dans mes bras, je voulus jeter à l’eau ma bouée,<br />
sens de l’humour et dérision, vanité <strong>des</strong> vanités,<br />
hevel, vapeur, réalité vaine, remettre tout en<br />
perspective et en rire, et ma tête dans mes bras<br />
pleurait, je restais immobile, la Chekinah était<br />
partie à Cassis, avisé et oublieux, pois chiche,<br />
grain de sable, ombre <strong>du</strong> grain de sable, hevel,<br />
vapeur.<br />
Nécessité oblige, devant continuer à gagner ma<br />
vie et celle de Robert, je rachetais à Vladimir<br />
Borodov une carte de représentant VRP en portes<br />
et fenêtres, les fermetures Blismarck, en<br />
caractères gothiques, avec pour logo un profil<br />
d’ours, un pro<strong>du</strong>it solide, fiable, sérieux, teuton.<br />
Ces sonorités germaniques étaient le coup de<br />
génie d’un fabricant de casseroles de Tournus,<br />
Edouard Saroyan, qui avait senti venir le temps<br />
<strong>des</strong> HLM aux noms d’oiseaux, <strong>des</strong> besoins en<br />
fermetures pour les enfants <strong>du</strong> baby boom et de<br />
l’exode rural.
Vladimir Borodov était un ersatz d’ami, il venait<br />
présenter la collection de velours Sandro Gori,<br />
de Prato, et m’invitait au jambon de Parme, rue<br />
de la palud. Il avait <strong>des</strong> pattes d’oie au coin <strong>des</strong><br />
yeux, un sourire bonhomme, une peau de kaolin,<br />
la crinière blanche de vieux lion et un accent<br />
russe à tartiner sur <strong>des</strong> blinis en guise de caviar.<br />
Je pensais qu’il était juif, il avait <strong>du</strong> juif errant ce<br />
sourd sentiment de l’universel, mais rien n’était<br />
certain, cernable, il pouvait être le dieu Hermès,<br />
le forceur de portes et de <strong>des</strong>tins, Borodov était<br />
une énigme.<br />
Le métier de représentant rend la solitude lucrative,<br />
le monde était divisé en deux, les Citroën et<br />
les Peugeot, j’étais Peugeot, 203,403, et enfin le<br />
chef d’oeuvre de Pinin Farina, la 404 ; j’achetais<br />
une 404 vert pâle, les ailerons de squale tranchant<br />
l’air <strong>des</strong> routes méridionales, la calandre<br />
chromée au sourire étincelant de vieille gitane,<br />
et je sillonnais mon secteur de Menton à<br />
Montpellier, le bras sur le bord de la portière, en<br />
fumant <strong>des</strong> Fontenoy. La con<strong>du</strong>ite solitaire permet<br />
de découvrir ses paysages intérieurs, ma<br />
vie intérieure était ma vie antérieure, mes souvenirs<br />
me taraudaient et j’aimais cette douleur,<br />
Annette qui avait été ma protégée, ma belle<br />
compagne, ma jeunesse, devenait le cœur de<br />
ma vie et je me demandais si cela n’avait pas<br />
été le cas sans que je m’en rende compte, il<br />
n’est de bonheur que de bonheur per<strong>du</strong>.<br />
La marque Blismarck fut incontournable dans<br />
l’élévation <strong>des</strong> tours et l’étirement <strong>des</strong> barres, je<br />
gagnais généreusement ma vie, j’avais <strong>des</strong> fréquentations<br />
charmantes mais le goût de l’interdit<br />
avait disparu.<br />
à suivre, épisode suivant : la fontaine d’eau<br />
gazeuse<br />
Nous publierons la suite de ce texte dans<br />
l'<strong>Echo</strong> 51<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
Page 31<br />
Fontaine dans la cour de l’Hotel de Cheylus<br />
à Pernes les Fontaines
PAR CLAUDINE SABAN-BERKOWITZ<br />
En mémoire <strong>des</strong> victimes de crimes racistes et<br />
antisémites de l’Etat Français le dimanche 22<br />
juillet 2007 à la Mairie de Salon de Provence<br />
Merci Mr le Président d’avoir bien voulu m’accorder<br />
la parole<br />
Mr le Maire,<br />
Mesdames et Messieurs les Elus,<br />
Mesdames et Messieurs,<br />
Ma grand-mère maternelle, Rachel Cohen-<br />
Ayache, m’a légué à son décès le manuscrit de<br />
ses mémoires ainsi que divers documents ayant<br />
trait à cette sinistre période de 39-45.<br />
Cette grand-mère, comme ma grand-mère<br />
paternelle Eva Bédarri<strong>des</strong>, est issue de ce que<br />
l’on a coutume d’appeler les ”<strong>Juifs</strong> <strong>du</strong> <strong>Pape</strong>”, installés<br />
en Provence depuis <strong>des</strong> siècles.<br />
Voici quelques extraits de ses écrits.<br />
Quand la guerre a éclaté en 1914, elle habitait<br />
avec sa famille dans le quartier St Julien à<br />
Marseille….<br />
« C’est là que tous les hommes de la famille se<br />
préparent à partir car tous les oncles sont appelés:<br />
l’oncle David, l’oncle Jules, Emile, le fils de<br />
tante Gentille...une journée que les femmes restées<br />
seules n’oublieront jamais…<br />
….Elles s’occupent de l’atelier de broderies que<br />
mon arrière grand-père Lucien Cohen a monté à<br />
Marseille…<br />
…Toutes les tantes ont <strong>du</strong> se mettre au travail,<br />
même la soeur de l’oncle Jules ...<br />
…De l’autre côté de la famille aussi les oncles<br />
sont partis : l’oncle Moise, l’oncle Gustave surnommé<br />
Popo et l’oncle Edouard… ».<br />
Mais c’est surtout de mon arrière grand père:<br />
Lucien Cohen, qui a une rue à son nom à<br />
Eyguières dont je vais vous parler ….<br />
« …Au début de la 1ière guerre, il n’était pas<br />
loin de Marseille, il revenait de temps en temps<br />
à la maison, puis il a été envoyé sur le front…<br />
L’oncle Jules a été fait prisonnier le premier,<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
TEMOIGNAGE<br />
Page 32<br />
envoyé en Allemagne, Emile le fils de tante<br />
Gentille a été tué et enterré dans le nord, il avait<br />
20 ans. Après, ce fut l’oncle Popo qui a été tué.<br />
Cette année 1914 a été très mauvaise… »<br />
En 1915, Lucien a eu un 5ème enfant, puis<br />
blessé sur le front <strong>des</strong> Vosges en envoyant sa<br />
moto sur un camion allemand pour l’arrêter, il<br />
reçu sa première croix de guerre…<br />
Remis de ses blessures, comme il était père de<br />
5 enfants, il ne devait plus être en première ligne<br />
et il a été mis à la disposition d’un colonel à<br />
Salon et à Istres. C’est à ce moment là que ma<br />
famille est venue habiter Eyguières.<br />
Lorsque Lucien avait un peu de temps libre il faisait<br />
<strong>des</strong> reportages pour le « Provençal » sur la<br />
guerre, avec <strong>des</strong> photos <strong>des</strong> batailles, <strong>des</strong><br />
conditions difficiles de vie dans le nord de la<br />
France à ce moment là, <strong>des</strong> bombardements…<br />
Petit à petit, il a ven<strong>du</strong> ce qui composait l’atelier<br />
de Marseille pour nourrir la famille.<br />
En 1917, naquit un 6ème enfant qu’ils ont<br />
appelé Francine car ils aimaient la France.<br />
Lucien a alors été réformé, mais il est resté à la<br />
disposition de l’armée à Istres et à Salon,<br />
tout en vivant <strong>des</strong> photos et <strong>des</strong> reportages qu’il<br />
envoyait aux journaux.<br />
1918: la guerre finie, ce fut la fête à Eyguières…<br />
Ma grand-mère a relaté dans ses carnets les<br />
sirènes et les cloches qui retentissaient alors<br />
qu’elle était avec ses camara<strong>des</strong> dans la cour de<br />
l’école : elle avait 10 ans.<br />
Lucien, lui, a été démobilisé et s’est remis au<br />
travail.<br />
Ancien élève <strong>des</strong> Arts & Métiers d’ Aix, il faisait<br />
venir de l’étranger <strong>des</strong> pièces pour monter <strong>des</strong><br />
machines électriques afin de fabriquer <strong>des</strong> bas.<br />
Il n’y avait pas encore d’électricité à Eyguières,<br />
et c’est à Lamanon qu’il a loué une maison pour<br />
y installer son matériel. Ma grand-mère l’aidait.<br />
En 1922 un 7ème enfant est né et la vente <strong>des</strong><br />
bas ne suffisait plus à nourrir la famille, alors<br />
Lucien a trouvé un emploi. Il vendait <strong>des</strong> cycles<br />
dans toute la France... Ils ont vécu de nombreuses<br />
années à Eyguières, rue de l’Hôpital.<br />
Lorsqu’il avait un peu de temps, Lucien inventait
toutes sortes de choses…<br />
Ma grand-mère, elle, s’est mariée, a eu 3<br />
enfants et vivait à Marseille rue d’Italie.<br />
En 1942 ils ont commencé à être en danger,<br />
étant israélites.<br />
”…Nous étions français depuis <strong>des</strong> années,<br />
mon père et mon grand-père tous <strong>des</strong> combattants<br />
français, mais aucun respect pour eux,<br />
nous étions comme <strong>des</strong> étrangers. Il a fallu faire<br />
tamponner nos cartes d’identité avec JUIF <strong>des</strong>sus,<br />
et faire attention de ne pas trop nous déplacer.<br />
Les enfants étaient inquiets... A l’école on<br />
avait beau me dire qu’ils faisaient bien attention<br />
à eux et les protègeraient, mais rien ne pourrait<br />
y faire…”<br />
Puis les premiers bombardements à Marseille…<br />
les premières rafles en janvier 1943: d’abord les<br />
quartiers <strong>du</strong> port…<br />
Un soir de janvier 44, Lucien et sa femme<br />
Rosine visitaient leur fille Francine qui vivait à<br />
Marseille, ils ont été arrêtés par la Gestapo,<br />
emmenés aux Baumettes où les enfants séparés<br />
<strong>des</strong> parents, affamés, terrifiés, pleuraient…<br />
Le mari de Francine était policier, et le policier<br />
de service a eu pitié d’elle et de sa mère, les<br />
enfermant dans un placard au moment où ils<br />
évacuaient la salle de toutes les personnes qui<br />
ont été amenées dans <strong>des</strong> wagons pour <strong>des</strong><br />
<strong>des</strong>tinations inconnues.<br />
Mon arrière grand-père Lucien, lui, est parti<br />
avec le convoi, mais en limant les barreaux de la<br />
petite fenêtre <strong>du</strong> haut <strong>du</strong> wagon de marchandise,<br />
il a fait sortir ceux qui le pouvaient, puis a<br />
sauté <strong>du</strong> train non loin de Valence…<br />
Le bras cassé, il est revenu à Eyguières après 8<br />
jours de marche.<br />
Le Docteur Devaux lui avait proposé un séjour<br />
dans une clinique, où il serait soigné et caché<br />
jusqu’à la fin de la guerre, mais il avait préféré<br />
rester chez lui…<br />
« …Il pensait nuit et jour aux malheureux qu’il<br />
avait laissé dans le wagon… »<br />
A Marseille, quelque temps après, c’est le mari<br />
de ma grand-mère qui perd son travail. Etant<br />
juif, il est licencié de la SNCF. sans ressource<br />
pour vivre avec 3 enfants… ma grand-mère, très<br />
contrariée, s’est démenée pendant plusieurs<br />
semaines, après être allée plaider la cause de<br />
son mari auprès d’un secrétaire <strong>des</strong> questions<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
Page 33<br />
juives à St Julien, mon grand père a pu reprendre<br />
son travail comme contrôleur car avait été<br />
décoré pour services ren<strong>du</strong>s à la compagnie en<br />
aidant à arrêter <strong>des</strong> malfaiteurs.<br />
La gare était occupée par les allemands, mais<br />
les employés avaient une carte de circulation qui<br />
a ren<strong>du</strong> bien <strong>des</strong> services pendant l’occupation….<br />
Mais la famille était en danger à Marseille. Ma<br />
grand-mère et ses enfants sont revenus à<br />
Eyguières.<br />
Ils arrivaient à trouver <strong>du</strong> lait, <strong>des</strong> légumes,<br />
même sans carte de ravitaillement... Les enfants<br />
avaient quitté l’école, arrêté les cours de musique,<br />
de <strong>des</strong>sin, il fallait se cacher...<br />
Le 15 avril 44 alors que Lucien faisait <strong>des</strong> photos<br />
pour de fausses cartes d’identité, la Gestapo<br />
est venue le chercher..<br />
Lucien est mort gazé à Auschwitz le 25 Mai<br />
1944.<br />
Puis 3 jeunes miliciens français sont venus chercher<br />
sa femme Rosine et son fils Fernand…<br />
Le 20 mai 1944, ils ont trouvé Rosine, et sa<br />
belle-fille: Henriette.<br />
Rosine Cohen Lisbonne et Henriette Cohen ont<br />
été amenées à Drancy, emprisonnées jusqu’au<br />
30 juin, elles sont arrivées la nuit <strong>du</strong> 4 juillet<br />
1944, après 4 jours de voyage infernal, entassées<br />
dans <strong>des</strong> wagons à bestiaux…<br />
Mon arrière grand-mère Rosine, est morte<br />
gazée à Auschwitz le 05 juillet 1944.<br />
Henriette Cohen est la seule à être revenue…<br />
Elle a témoigné ici même, il y a 5 ans, et proposé<br />
la remise de la médaille <strong>des</strong> Justes à Mme<br />
Vincent qui avait protégé sa fille Nicole jusqu’à<br />
la fin de la guerre.<br />
Cette cérémonie a été célébrée en présence de<br />
Mr François Blanc, Maire de Salon à la mémoire<br />
de qui je rends hommage aujourd’hui.<br />
Mon arrière grand-père maternel Lucien Cohen<br />
était décoré de la Grande Guerre…<br />
Mon grand-père paternel Paul Berkowitz était<br />
aussi décoré de la Grande Guerre (il nous reste<br />
4 médailles…)<br />
Afin que vous puissiez ressentir, comme les<br />
<strong>Juifs</strong> de France, le sentiment de trahison qui fut<br />
le leur, et qui a atten<strong>du</strong> une reconnaissance officielle<br />
pendant 50 ans, je vais vous donner lecture<br />
de la préface de la Téfila <strong>du</strong> soldat, recueil
de prières édité par l’armée française en 1939 à<br />
l’intention de ses soldats israélites.<br />
(Ce recueil fait partie <strong>des</strong> documents légués par<br />
ma grand-mère Rachel...)<br />
... « A mes frères israélites aux Armées,<br />
Cette Tefila est la repro<strong>du</strong>ction de celle qui avait<br />
aidé vos aînés de la dernière guerre à prier et à<br />
élever leur âme vers Dieu.<br />
Appelés – à vingt ans de distance à peine – à<br />
défendre contre le même ennemi notre Pays et<br />
ses libertés, vous saurez y puiser, à votre tour,<br />
les forces nécessaires pour accomplir sans<br />
défaillance, comme eux, la tâche qui vous<br />
attend, si <strong>du</strong>re soit-elle.<br />
La cause de notre Patrie et de ses alliés est<br />
juste et noble entre toutes. De son triomphe<br />
dépend, avec notre sécurité, la paix <strong>du</strong> monde.<br />
A son service, vous vous montrerez les dignes<br />
<strong>des</strong>cendants <strong>des</strong> héros asmonéens dont tout<br />
Israël célèbre en ce moment la gloire impérissable.<br />
Aussi est-ce <strong>du</strong> plus profond de notre cœur que<br />
nous disons avec l’Ecriture à chacun de vous,<br />
sans jamais cesser de prier pour vous tous :<br />
« Sois fort et résolu, sans peur et sans faiblesse,<br />
car l’Eternel ton Dieu est avec toi dans<br />
toutes tes voies ».<br />
Ce premier jour de Hanouca 7 décembre 1939<br />
Isaie SCHWARTZ<br />
Grand-Rabbin de France”<br />
Je vous remercie de votre attention.<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
CHRONIQUES COMTADINES<br />
Page 34<br />
LO PALAIS DE LA MESSILA<br />
PAR FRÉDÉRIC VOULAND<br />
RETORN D’ETERNITAT<br />
Eïè Eïè<br />
Es un pantai de Provènça<br />
Eïè Eïè<br />
Terraire ei bartàs cremants<br />
Lo leèn e lo chaïn<br />
Qu’avèm totei partejats<br />
Eïè Eïè<br />
Ei vòtas de l’Adonai<br />
Eïè Eïè<br />
Es un pantai de Jovènça<br />
Eïè Eïè<br />
Que prefùma tei linçòus<br />
Un ralh de solèlh coquin<br />
Que te fai parpelejar<br />
Eïè Eïè<br />
Dins leis aubas dau Salòm<br />
Eïè Eïè<br />
Saupre dins lei crids d’aucèus<br />
Eïè Eïè<br />
Destriar l'escrich dau cèu<br />
Fèr come una man de nhar<br />
A sagatar l’innocenci<br />
Eïè Eïè<br />
Ulhau masc que ris dau cèu<br />
RETOUR D’ETERNITE<br />
Je suis je serai<br />
C’est un rêve de Provence<br />
Je suis je serai<br />
Terroir aux buissons ardents<br />
Le pain et le vin<br />
Que nous avons tous partagés<br />
Je suis je serai<br />
Aux fêtes de Dieu<br />
Je suis je serai<br />
C’est un rêve de jeunesse<br />
Je suis je serai<br />
Qui parfume tes draps<br />
Un rayon de soleil coquin<br />
Qui te fait cligner <strong>des</strong> yeux<br />
Je suis je serai<br />
Dans les aubes de la paix<br />
Je suis je serai<br />
Savoir dans les cris d’oiseaux<br />
Je suis je serai<br />
Distinguer l’écrit <strong>du</strong> ciel<br />
Sauvage comme une main d’enfant<br />
A sacrifier l’innocence<br />
Je suis je serai<br />
Eclair ensorcelé qui rit <strong>du</strong> ciel
Jacobovici (Sincha) et Pellegrino (Charles) -<br />
Le tombeau de Jésus. Tra<strong>du</strong>it de l'Anglais<br />
(Etats-Unis) par Loïc Cohen. Neuilly-sur-<br />
Seine, Michel Lafon, 2007.<br />
Les lecteurs de L'écho <strong>des</strong> carrières, qui savent<br />
que l'ACJP est une association laïque, ne seront<br />
pas étonnés que l'on se pose <strong>des</strong> questions à<br />
partir d'un livre sur Jésus.<br />
L'archéologie serait-elle en train de renouveler<br />
ce que l'on savait sur l'enterrement de Jésus ?<br />
Tout commence à Jérusalem avec la découverte<br />
d'une crypte abritant dix ossuaires. Par <strong>des</strong><br />
expertises s'appuyant sur les techniques de l'archéologie,<br />
sur les évangiles et les textes apocryphes,<br />
sur <strong>des</strong> analyses statistiques et <strong>des</strong> tests<br />
ADN, <strong>des</strong> archéologues pensent avoir retrouvé<br />
l'ossuaire ont été regroupés les ossements de "<br />
Jésus fils de Joseph ", de sa femme Mariame<br />
(Marie Madeleine) et de leurs fils Judas …Cet<br />
ouvrage, qui peut permettre à chacun de se<br />
poser <strong>des</strong> questions, a une très belle conclusion<br />
:<br />
" Jésus n'a pas levé d'armée, pas plus qu'il n'a<br />
fait frapper de monnaie. Mais il croyait sans<br />
doute à sa vocation messianique et à son accession<br />
au trône d'Israël, tout comme ses disciples.<br />
Finalement gravé sur l'ossuaire de Jésus se<br />
trouve un symbole. Cette marque fut probablement<br />
exécutée par celui qui, la mort dans l'âme,<br />
accomplit la tâche de placer les ossements de<br />
Jésus dans l'ossuaire, puis de rabattre le couvercle.<br />
Là, sur le couvercle, ce disciple - peutêtre<br />
ce parent inconnu de Jésus avait gravé un<br />
symbole simple mais reconnaissable entre mille<br />
… une étoile. "<br />
JOSEPH VALLICHE<br />
Kemelman (Harry) - La semaine <strong>du</strong> rabbin.<br />
Tome 1 / 2. Tra<strong>du</strong>it de l'Anglais (américain)<br />
par Raymond Albeck. Paris, La découverte<br />
2006.<br />
Il s'agit là d'une série de romans policiers, dont<br />
le héros est le Rabbin David Small. La toile de<br />
fond est la petite communauté de Barnard's<br />
Crossing, près de Boston.<br />
Le 1er tome, que nous avons lu, comporte qua-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
NOTES DE LECTURE<br />
Page 35<br />
tre romans : Vendredi, on soupçonne le rabbin,<br />
Samedi, le rabbin se met à table, Dimanche, le<br />
rabbin est resté à la maison, Lundi, le rabbin<br />
s'est envolé vers Israël.<br />
Par l'utilisation <strong>du</strong> rationalisme talmudique et le<br />
pilpoul, le Rabbin David Small résout <strong>des</strong> énigmes<br />
policières et ses métho<strong>des</strong> d'investigation<br />
laissent pantois et ravis les inspecteurs de<br />
police de la localité.<br />
Nous avons également la <strong>des</strong>cription, à la fois<br />
réaliste et humoristique, d'une petite communauté<br />
américaine, avec toutes ses dissensions.<br />
L'ouvrage fait apparaître enfin une conception<br />
moderne et libérale <strong>du</strong> judaïsme : le rabbin n'apparaît<br />
pas comme un prêtre mais comme un<br />
docteur de la loi ; parce que son rôle est d'enseigner<br />
le rationalisme talmudique, David Small se<br />
dresse contre toutes les formes de superstition.<br />
Il rappelle que la Kashrout part <strong>du</strong> cœur et que,<br />
enfin, le judaïsme ne connaît ni dogme ni infaillibilité.<br />
RK<br />
Souscription pour le livre édité par les A.V.I.<br />
Roger KLOTZ "Félix GOUIN l'Avocat de la<br />
Démocratie"<br />
Les Amis <strong>du</strong> Vieil Istres<br />
Musée archéologique -<br />
4, Place <strong>du</strong> Puits neuf - 13800 ISTRES<br />
Contact<br />
Huguette Giroussens<br />
0442 55 12 91<br />
Jean-Pierre Bonnet<br />
0442 5649 83<br />
jeanpierre. bonnet@free.fr<br />
Premier livre sur Félix Gouin 1885 - 1977, Maire,<br />
d'Istres, Conseiller Général <strong>des</strong> Boucbes <strong>du</strong><br />
Rhône, Député, Président <strong>du</strong> Gouvernement<br />
Provisoire de la République.<br />
Ce livre, format 157*231, 115 pages environ, est<br />
proposé au prix de 10 euros l'exemplaire plus 3<br />
euros s'il y a <strong>des</strong> frais d'envoi. Il sera remis le<br />
jour de sa parution le samedi 29 mars 2008,<br />
Jour de l'A.G. <strong>des</strong> A.V.I., puis disponible au<br />
musée d'Istres.
PAR YVAN FERREOL-MAYRARGUE<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
RECHERCHE GENEALOGIQUE<br />
N° de <strong>des</strong>cendance Nom Naissance Lieu naissance Décès Lieu décès<br />
Génération 1<br />
SIMON, Lazare<br />
Génération 2<br />
1 SIMON, Joseph 1.6.1836 Muttersholtz 29.1.1906 Nîmes<br />
Génération 3<br />
1.1a SIMON, Nahum Isaïe Julien 5.8.1865 Nîmes 1932 Paris<br />
1.2a SIMON, Rebecca Jeanne 29.8.1866 Nîmes 8.5.1940 Nîmes<br />
1.3b SIMON, Eliézer Lazare 4.6.1869 Nîmes 1931 Paris<br />
1.4b SIMON, Sarah 27.8.1870 Nîmes 15.2.1890 Nîmes<br />
1.5b SIMON, Esther Rachel 21.5.1872 Nîmes 2.2.1973 Saint-Maur<br />
1.6c SIMON, Maurice Aaron 29.4.1877 Nîmes 13.5.1898 Nîmes<br />
1.7c SIMON, René Salomon 14.7.1883 Nîmes 1915<br />
Génération 4<br />
1.1a.1 SIMON, Jean 1897 1917<br />
1.2a.1 SIMON, Roger Eliezer Lazare 23.2.1885 Nîmes 19.2.1941 Nîmes<br />
1.2a.2 SIMON, André Moïse 4.6.1890 Nîmes 11.11.1957 Paris<br />
1.3b.1 SIMON, Hélène<br />
1.3b.2 SIMON, Marcel<br />
1.3b.3 SIMON, Alice<br />
1.5b.1 CRÉMY, Moïse Léon Pierre dit CREMIEUX 3.10.1895 Nîmes 13.2.1976 Louveciennes<br />
1.5b.2 CRÉMY, David Maurice dit CREMIEUX 8.10.1897 Nîmes 2.4.1977 Rochefort<br />
1.7c.1 SIMON, Maurice 1913 Lyon 1987 Lyon<br />
Génération 5<br />
1.2a.1.1 SIMON, Robert Joseph 12.12.1910 Nîmes 2.1.1988 Nîmes<br />
1.2a.1.2 SIMON, Pierre 25.6.1913 Gérardmer 17.9.1970 Nîmes<br />
1.2a.1.3 SIMON, Maurice Lucien 25.1.1915 Nîmes 15.10.2003 Nîmes<br />
Génération 6<br />
1.2a.1.1.1 SIMON, Jean Philippe 14.1.1941 Nîmes 6.7.2000 Chambéry<br />
PAR YVAN FERREOL-MAYRARGUE<br />
GÉNÉALOGIE DESCENDANTE DE JOSEPH SIMON<br />
GÉNÉALOGIE ASCENDANTE DE CLAUDINE BERKOWITZ<br />
Nom Naissance Lieu naissance Conjoint Décès Lieu décès Age<br />
Génération 1<br />
Claudine BERKOWITZ<br />
Génération 2<br />
BERKOWITZ AYACHE<br />
AYACHE BERKOWITZ<br />
Génération 3<br />
Paul BERKOWITZ Éva BÉDARRIDES<br />
Éva BÉDARRIDES Paul BERKOWITZ<br />
AYACHE Rachel COHEN<br />
Rachel COHEN 1908 AYACHE<br />
Génération 4<br />
Lucien COHEN 11.5.1879 Marseille Rosine LISBONNE 25.5.1944 Auschwitz 65<br />
Rosine LISBONNE 1886 Marseille Lucien COHEN 5.7.1944 Auschwitz 58<br />
Génération 5<br />
Gustave COHEN Rose CRÉMIEUX<br />
Rose CRÉMIEUX Gustave COHEN<br />
Page 36
ANTENNE D'AIX EN PROVENCE<br />
UN GUIDE JUIF POUR LES TOURISTES ….ET<br />
LES AUTRES<br />
La saison touristique, qui attire dans notre ville<br />
de nombreux visiteurs de toutes nationalités et<br />
de toutes confessions, a cédé la place à l'année<br />
scolaire et universitaire suivant une alternance<br />
traditionnelle et sommes toute banale…<br />
Ce qui l'est moins, c'est l'évolution de la vie culturelle<br />
aixoise par rapport aux siècles précédents<br />
où la petite capitale provinciale d'environ<br />
30 000 habitants passait de l'effervescence de<br />
l'année scolaire au calme plat de l'été.<br />
Nous sommes loin de cette époque que les plus<br />
vieux Aixois ont connue.<br />
De nos jours, l'expansion démographique, le<br />
développement culturel(Festival de Musique<br />
depuis 1948 ,extension <strong>du</strong> tourisme,expositions<br />
de niveau international,comme l'Année<br />
Cézanne en 2007)…ont fait naître de nouvelles<br />
deman<strong>des</strong> auxquelles la ville se doit de répondre<br />
;celle qu'un écrivain appela " La Belle<br />
Endormie " est bien réveillée et doit se montrer<br />
à la hauteur de sa réputation…<br />
Parmi les questions les plus diverses que les<br />
visiteurs posent à l'Office <strong>du</strong> Tourisme, il en est<br />
une qui nous a été renvoyée à plusieurs reprises,<br />
et à laquelle nous avons répon<strong>du</strong> par<br />
quelques informations, inévitablement sommaires<br />
;cette question est la suivante :Quels<br />
sont les lieux juifs à voir à Aix ?<br />
On serait tenté de répondre : " En dehors de la<br />
synagogue et <strong>des</strong> cimetières , aucun ", mais<br />
nous laisserions là nos visiteurs sur leur<br />
faim….Certes nous n'avons pas les richesses<br />
historiques de Carpentras et de Cavaillon, ni les<br />
ghettos de Venise ou de Prague, mais l'absence<br />
de vestiges visibles n'est pas symptomatique<br />
d'une absence de passé Juif ;Aix en est la<br />
preuve la plus éclatante, dont l'histoire et la culture<br />
juives dépassent largement les limites<br />
locales et régionales. Les nombreuses étu<strong>des</strong><br />
parues sur le sujet - dont certaines de la part de<br />
nos amis - nous l'ont pertinemment montré.<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
VIE ASSOCIATIVE<br />
QUELQUES ÉCHOS DE NOS ANTENNES<br />
Page 37<br />
Il nous est alors apparu qu'une " vulgarisation "<br />
pratique à l'usage de nos visiteurs s'imposait ;il<br />
n'est pas interdit de penser qu'elle pourrait être<br />
utile à <strong>des</strong> non initiés désireux de se lancer dans<br />
la connaissance de notre histoire locale. Les<br />
plaques de rues nous ont semblé constituer le<br />
meilleur point de départ pour une évocation <strong>du</strong><br />
passé Israélite de notre ville ;le plus " pédagogique<br />
"également.<br />
Nous partons donc de l'incontournable et prestigieux<br />
Cours Mirabeau dominé par la statue <strong>du</strong><br />
Roi René, protecteur <strong>des</strong> <strong>Juifs</strong> ; nous nous rendons<br />
ensuite dans le quartier qui entoure l'Hôtel<br />
de Ville , aux noms de rues évocateurs et pittoresques<br />
: de la " Jutarié ",<strong>du</strong> Puits Juif , …<br />
Nous passons ensuite par la rue Bédarride, qui<br />
nous permet de rappeler la vie et l'œuvre <strong>des</strong><br />
premiers maires républicains d'Aix, comme plus<br />
loin celle de Benjamin Abram. Nous nous rendons<br />
ensuite vers le Logis <strong>du</strong> Bras d'Or, maison<br />
<strong>du</strong> compositeur Darius Milhaud, avant d'aller visiter<br />
l'ancienne synagogue de la rue Mazarine.<br />
Nous passons par la rue Laroque , puis Armand<br />
Lunel…<br />
Un peu plus loin <strong>du</strong> centre ville nous passons<br />
devant le stade Georges Carcassonne, avant<br />
d'aller nous recueillir au carré juif <strong>du</strong> cimetière St<br />
Pierre…<br />
Il nous a semblé également qu'on ne pouvait<br />
pas se dispenser d'aller rendre l'hommage dû<br />
aux victimes <strong>du</strong> nazisme - non aixoises - qui ont<br />
été internées au camp <strong>des</strong> Milles avant de partir<br />
vers Drancy puis les camps de la Mort.<br />
Nous terminons notre périple par la cité <strong>du</strong> livre<br />
(Salle Armand Lunel et Fonds Jules Isaac) puis<br />
l'actuelle synagogue et son Centre Darius<br />
Milhaud…<br />
Nous voyons également quelques autres lieux…<br />
Qui disait qu'il n'y avait rien de juif à voir à Aix ?<br />
Sortie prévue vers la fin de l'année civile…<br />
Robert MILHAUD r.milhaud@yahoo.fr
ANTENNE DE PARIS<br />
Ainsi que je l'avais annoncé lors de nos derniers<br />
propos, j'ai eu le privilège de faire une conférence<br />
sous l'égide <strong>du</strong> Cercle de Généalogie<br />
Juive, le 5 novembre dernier.<br />
L'Assemblée était présidée par notre ami Max<br />
Polonovski.<br />
Une partie <strong>des</strong> auditeurs, étaient d'authentiques<br />
comtadins, venus "respirer", à Paris, l'air <strong>du</strong><br />
pays. D'autres, lointainement apparentés,<br />
étaient attentifs à retrouver <strong>des</strong> racines<br />
oubliées.<br />
La dernière partie de l'assemblée découvrait,<br />
avec curiosité, notre existence.<br />
Bien enten<strong>du</strong> je m'étais situé dans le cadre de<br />
l'ACJP.<br />
Les nombreuses questions ont prouvé, et ce<br />
n'était pas une surprise, l'intérêt porté à notre<br />
culture.<br />
N'hésitez pas à me contacter<br />
Jean Claude COHEN<br />
jcnc@club-internet.fr<br />
C A R P E N T R A S<br />
POUR NOTRE CIMETIERE<br />
Notre ami Joseph Amar, Président de<br />
l'<strong>Association</strong> Cultuelle Israélite de Carpentras,<br />
dont on connaît le dévouement et l'efficacité en<br />
faveur de la mise en valeur de notre Patrimoine.,<br />
nous a fait parvenir un courrier dont nous donnons<br />
ci-<strong>des</strong>sous de larges extraits :<br />
Il s'agit de notre magnifique cimetière,<br />
"paysager" avant l'invention de ce terme:<br />
"Chères familles ;<br />
Lors de mes visites régulières dans notre<br />
cimetière de Carpentras, j'éprouve une réelle<br />
sensation de calme et de sérénité dans ce parc<br />
unique que nos ancêtres juifs <strong>du</strong> Comtat ont su<br />
créer, protéger et dont ils nous ont faits les<br />
légataires.<br />
Je crois qu'il nous faut à notre tour protéger ce<br />
Patrimoine, ce site magnifiquement arboré.<br />
Cette volonté d'agir ne doit pas nous faire nég-<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
VIE ASSOCIATIVE<br />
Page 38<br />
liger l'entretien <strong>des</strong> sépultures, certaines semblant<br />
même laissées à l'abandon.<br />
Des travaux de débroussaillement et d'élagage<br />
sont périodiquement réalisés Ce n'est pas suffisant.<br />
Pour ceux dont le domicile est éloigné de<br />
Carpentras, Pour ceux dont les occupations ou<br />
simplement les conditions physiques ne leur<br />
permettent pas de se déplacer ;<br />
L'<strong>Association</strong> Cultuelle Israélite propose donc à<br />
ces familles de se charger de procéder aux nettoyages<br />
<strong>des</strong> tombes et de la végétation autour,<br />
selon une procé<strong>du</strong>re qui serait mise en place,<br />
savoir :<br />
Rechercher et mettre en concurrence <strong>des</strong> entreprises<br />
de nettoyage spécialisées…<br />
Selon le budget à consacrer (auquel l'A.C.I. contribuera),<br />
il serait demandé aux familles une cotisation<br />
pour alimenter ce budget. Plus nombreux<br />
nous serons, moins la charge sera lourde.<br />
J'aimerais avoir votre avis à cet effet.<br />
Je vous serais obligé de bien vouloir me retourner<br />
le petit questionnaire joint à la présente…. "<br />
Fin de citation. Nous vous transmettons ci<strong>des</strong>sous<br />
ledit questionnaire.<br />
Robert MILHAUD<br />
____________________________________<br />
A.C.I. de Carpentras<br />
BP 190<br />
84206 CARPENTRAS CEDEX<br />
Nom......................Prénom......................<br />
Adresse<br />
Quel est votre sentiment sur le projet d'entretien<br />
<strong>du</strong> Cimetière de Carpentras ?<br />
Souhaitez-vous être partie prenante à ce projet<br />
?<br />
Dans l'affirmative souhaitez vous (lorsqu'elle<br />
aura été déterminée) une cotisation ?<br />
Annuelle ou mensuelle (prélèvement bancaire)
Président<br />
Gilbert MONTEL<br />
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
VIE ASSOCIATIVE<br />
OBJET SOCIAL<br />
Maintenir, mettre en valeur et faire rayonner la culture <strong>des</strong> <strong>Juifs</strong> <strong>du</strong> midi de la France<br />
sur les plans Artistique, Historique, Linguistique et Généalogique.<br />
Conseil d'Administration<br />
Vice-Présidents<br />
Robert MILHAUD<br />
Yvan FERREOL-MAYRARGUE<br />
Secrétaire Général<br />
Daniel NATHAN<br />
Secrétaire Adjointe<br />
Danièle RUDLOFF<br />
Trésorière<br />
Gilberte LEVY<br />
Trésorière Adjointe chargée de la revue après parution<br />
Geneviève GENIN-FLORY<br />
Chargée <strong>des</strong> Archives et de la Documentation<br />
Elise LEIBOWITCH<br />
Déléguée à la D.R.A.C.<br />
Elise LEIBOWITCH<br />
Chargée <strong>du</strong> site web ACJP<br />
Roselyne ANZIANI<br />
Recherche généalogique et historique<br />
Jean-Claude COHEN<br />
Yvan FERREOL-MAYRARGUE<br />
<strong>Association</strong> <strong>Culturelle</strong> <strong>des</strong> <strong>Juifs</strong> <strong>du</strong> <strong>Pape</strong><br />
<strong>Association</strong> loi 1901 fondée en 1992 -Président fondateur Robert MILHAUD<br />
Musée Juif Comtadin Rue Hébraïque 84300 CAVAILLON<br />
CCP /A.C.J.P. 17 29 28 E Marseille<br />
Site Internet : www.acjp.org Courriel : acjp.org@free.fr<br />
Tel 04 90 76 00 34<br />
Page 39<br />
Président<br />
Robert FOA<br />
Comité d'Honneur<br />
Membres<br />
Mme et Mr Claude ASTRUC<br />
Madeleine MILHAUD<br />
Mag TAYAR<br />
Léonce GUENOUN<br />
René MOULINAS<br />
Membres à titre posthume<br />
Colette FOA-CREMIEUX<br />
Jacques DEROGY<br />
Georges JESSULA<br />
Michel MAYER- CREMIEUX<br />
ANTENNES représentant l'ACJP<br />
Aix en Provence<br />
Robert MILHAUD r.milhaud@yahoo.fr<br />
Jerusalem<br />
Jacques ASSOULINE jacquassouline@beseqint.net<br />
Lyon<br />
Etienne TROLLER etienne.troller@free.fr<br />
Marseille<br />
Gilbert MONTEL gilmontel@wanadoo.fr<br />
Nice<br />
Yvan FERREOL-MAYRARGUE<br />
yvan.ferreol@club-internet.fr<br />
Paris<br />
Jean-Claude COHEN jcnc@club-internet.fr<br />
Toulouse<br />
Jean-François HURSTEL-CREMIEUX<br />
jefhurstel@aol.com
L’ECHO <strong>des</strong> CARRIERES n° 50<br />
L'ECHO DES CARRIERES<br />
Bulletin trimestriel - ISSN 1246 2772<br />
Directeur de la publication Membres<strong>du</strong> Comité de lecture et de rédaction<br />
Gilbert MONTEL Yvan FERREOL-MAYRARGUE<br />
Robert FOA<br />
Elise LEIBOWITCH<br />
Mise en page et maquette Robert MILHAUD<br />
Yvan FERREOL-MAYRARGUE Daniel NATHAN<br />
Pour pouvoir être publiés, les articles devront indiquer une bibliographie.<br />
Cette bibliographie, située en fin de texte, devra revêtir la forme canonique suivante<br />
Nom et prénom de l’auteur<br />
Titre de l’ouvrage en italique bas de casse<br />
Lieu d’édition, éditeur, date.<br />
Dans le corps <strong>du</strong> texte, les titres d’œuvres, d’ouvrages, d’articles de revue sont également indiqués en italique en<br />
bas de casse.<br />
Les notes de renvoi qui authentifient les références de pagination respectent les mêmes règles<br />
Tout article devra être envoyé au Comité de lecture et de rédaction<br />
- par e-mail à acjp.org@free.fr<br />
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Impression : La Chrysalide<br />
CAT Les Lierres - 42 Av de Boisbaudran - ZI La Delorme - 13015 MARSEILLE<br />
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