QUELLE RELATION ANIMATEURS / PARENTS ?
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<strong>QUELLE</strong> <strong>RELATION</strong> <strong>ANIMATEURS</strong> / <strong>PARENTS</strong> ?<br />
___________________________________________________________________<br />
© Dossier : Le journal de l’animation<br />
N ° 15 – janvier 2001<br />
www.info-presse.fr/revue/journal-animation_M4032.htm<br />
La relation établie entre les animateurs et les parents des enfants qu’ils encadrent n’est pas<br />
toujours très sereine. Rapport conflictuel, rivalité, méfiance… Les tensions peuvent prendre<br />
plusieurs formes.<br />
Ce dossier vous permettra de comprendre ce phénomène, et surtout de prendre conscience<br />
que d’autres relations, constructives et bénéfiques à tous les acteurs (parents, enfants,<br />
animateurs), peuvent être mises en place.<br />
Animation : la place des parents et de la famille, par Jacques Trémintin.<br />
Dossier :<br />
• Animateurs/parents : guerre ou paix ?<br />
• La remise en cause de la famille moderne<br />
• Collaboration ou compétition ?<br />
• Rencontre avec Richard Minnier, directeur de CVL<br />
Fiches pratiques :<br />
• La place des parents : pour une refondation des pratiques<br />
• Bibliographie<br />
1
Animateurs/parents : guerre ou paix ?<br />
La relation établie entre les parents et les centres de vacances et de loisirs n’est pas toujours<br />
très sereine. Les familles ne se sentent pas toujours très bien perçues par les animateurs et<br />
les animatrices de leurs enfants qui, de leur côté, le leur renvoient bien. On n’est pas loin de<br />
ces rapports potentiellement conflictuels qui existent par ailleurs entre les familles et l’école.<br />
L’auteur<br />
Jacques Trémintin est assistant socio-éducatif dans un service départemental de l’aide<br />
sociale à l’Enfance. Il collabore régulièrement à Lien Social, hebdomadaire destiné aux<br />
travailleurs sociaux, et au Journal du Droit des Jeunes, revue juridique de l’action sociale et<br />
éducative. Sa sensibilité au monde de l’animation est à relier à son expérience comme<br />
directeur de Centre de loisirs et à son engagement aux Francas comme responsable de<br />
stages BAFA et intervenant BEATEP.<br />
Ce n’est pas de l’hostilité. Plutôt une forme de méfiance. On se regarde de travers. D’un<br />
côté, les professionnels se considèrent comme les mieux placés pour savoir comment faire<br />
avec les enfants et cherchent une forme de reconnaissance de leur technicité de la part des<br />
familles. Ces dernières, quant à elles, ressentent une sorte de déconsidération de leur rôle et<br />
de désappropriation de ce qui reste pourtant « la chair de leur chair » !<br />
Pour comprendre ce qui se déroule, nous allons faire appel à un psychosociologue, qui<br />
propose une hypothèse tout à fait féconde pour nous permettre de décoder ce qui se passe<br />
dans notre quotidien, que l’on soit parent ou professionnel.<br />
L’invention de la famille moderne<br />
Reynald Brizais 1 explique que la famille moderne telle qu’on la connaît, c’est-à-dire sous sa<br />
forme nucléaire (les deux parents et les enfants), constitue une création historiquement<br />
récente. Son apparition correspond en faite à la période de la Révolution industrielle.<br />
L’industrialisation nécessitant une qualification des salariés, cette exigence impliquera<br />
l’élaboration de l’obligation scolaire. Mais, s’il est un domaine dans lequel la société va tout<br />
particulièrement se mobiliser, c’est bien celui de la nécessaire et incontournable stabilisation<br />
d’une main d’œuvre traditionnellement habituée à errer de place en place au gré de son<br />
humeur.<br />
Il y eut déjà en 1792 la législation pénalisant la vagabondage (et qui n’a disparu d’en 1994 !).<br />
Mais cela ne fut pas suffisant. Afin de fixer l’ouvrier à son lieu de production, moralistes,<br />
médecins hygiénistes, prêtres, instituteurs vont s’engager dans une croisade idéologique<br />
visant à faire le lit de la famille moderne. Divers mouvements contigus permettent que se<br />
réalise cette structuration de fond.<br />
L’amour maternel réinventé<br />
« Les tâches d’instruction, de soins, de garde et de loisirs sont progressivement prises en<br />
charge par les « institutions secondaires » de l’enfance ».<br />
On assiste tout d’abord à la réinvention de la relation mère-enfant : l’amour maternel,<br />
relativisé pendant des siècles pour cause de forte mortalité infantile, revient sur le devant de<br />
1 Maître de conférences en psychologie sociale, Département de Psychologie Université de Nantes.<br />
2
la scène. Après avoir rétabli l’attachement avec l’enfant, la deuxième étape consiste à nouer<br />
le mari à sa femme. Pour ce faire, c’est la notion de couple qui est réactivée, avec le mariage<br />
qui devient l’acte central de la vie familiale.<br />
Si le père prend alors la figure fondamentale de chef de famille, la mère se trouve quant à<br />
elle avec les responsabilités non seulement d’élever les enfants, mais aussi de surveiller la<br />
mari en évitant ses comportements excessifs, et surtout ses velléités d’aller vivre sa vie<br />
ailleurs. Enfin, vient l’invention de la domiciliation. Le domicile, très aléatoire jusqu’alors, est<br />
transformé en foyer autour duquel va se centrer l’individualisation des conditions de vie.<br />
La remise en cause de la famille moderne<br />
Les institutions secondaires<br />
Le processus d’intégration de ce nouveau modèle met un siècle à s’imposer. Mais, à peine<br />
installée, ce que Reynald Brizais appelle la « première institution de l’enfance » commence à<br />
être remise en cause. Les tâches d’instruction, de soins, de garde et de loisirs sont<br />
progressivement prises en charge par ce qu’il nomme les « institutions secondaires » de<br />
l’enfance.<br />
Tout d’abord l’école qui se charge de permettre l’instruction. Pédiatres, puéricultrices<br />
deviennent ensuite les spécialistes de la santé de l’enfant. Les loisirs sont bientôt pris en<br />
charge par des structures extérieures à la famille : clubs sportifs, centres aérés, colonies de<br />
vacances. Bien sûr, ces dispositifs correspondent aussi à une amélioration des conditions de<br />
vie et à une meilleure organisation de la société quant à la prise en charge des enfants.<br />
Faire un lieu et place des parents<br />
Mais ces relais, en se professionnalisant et en se qualifiant, se substituent progressivement<br />
aux compétences initialement attribuées aux familles. En fait, il semble y avoir toujours<br />
quelqu’un qui apparaît mieux placé et plus capable de faire en lieu et place des parents.<br />
S’il ne s’agit pas de remettre en cause les motifs légitimes qui ont concouru à l’émergence<br />
de ces dispositifs auxiliaires, leur généralisation n’en a pas moins abouti à placer sur la<br />
touche les aptitudes familiales. La crise de la famille n’est donc pas un hasard. La démission<br />
dont on l’accuse parfois est aussi liée à sa relégation de la place de pilier de rugby à la<br />
touche voire au vestiaire. Il n’est guère étonnant dès lors de voir naître une forme de<br />
méfiance chez les parents à l’égard de ces professionnels qui, pour être de bonne volonté et<br />
d’une compétence certaine, n’en sont pas moins en situation de compétition à leur égard.<br />
Collaboration ou compétition ?<br />
La formation en cause ?<br />
Comment faire en sorte que les familles et les professionnels de l’enfance puissent se<br />
rencontrer en établissant un lien de confiance et de coopération ? la première réponse se<br />
situe au niveau de la formation des encadrants de l’animation. Il est toujours étonnant de<br />
constater la réponse proposée lors des questionnaires qui sont parfois utilisés en début de<br />
stage BAFA<br />
Pour situer les représentations sur le rôle de l’animateur.<br />
Il s’agit de choisir sur une liste d’une vingtaine d’items, les trois qui correspondent le mieux à<br />
l’idée qu’on se fait de la fonction et les trois qui en sont les plus éloignés. De façon assez<br />
3
systématique, la phrase qui est la plus souvent désignée comme la plus contraire aux tâches<br />
de l’animateur est : « l’animateur entre en relation avec les patents ».<br />
« Les familles ont-elles été habituées à entrer dans le centre en y trouvant leur place ? »<br />
Que, spontanément, de jeunes stagiaires qui sont très proches encore de leur adolescence,<br />
expriment ainsi leur défiance à l’égard des familles n’est pas forcément très étonnant. Mais<br />
quelle place faisons-nous en tant que formateurs pour modifier cette perception ? Peut-être,<br />
tout simplement, est-ce lié à notre propre pratique. Nous sommes très attentionnés (ou du<br />
moins, nous devrions l’être) aux rythmes de l’enfant, à ses droits, à son éveil intellectuel, au<br />
respect de ses potentialités. Et cela est très bien. Mais que mettons-nous en œuvre<br />
exactement pour nous articuler avec les familles ?<br />
Etablir des ponts<br />
Le temps est peut-être venu que nous établissions des ponts avec ces parents, que nous<br />
fassions en sorte qu’ils soient parties prenantes du travail engagé. Certains lecteurs vont<br />
protester, en affirmant que c’est ce qu’ils font parfois. Mais les familles ne répondent pas<br />
toujours présent, loin de là. Combien de réunions qui déplacent une poignée de parents, ou<br />
de sollicitations qui semblent prêcher dans le désert ?<br />
C’est, peut-être, parce que les familles se sont installées dans une répartition des tâches qui<br />
leur semble plus aisée. Submergées par leur travail ou leurs occupations ménagères, elles<br />
profitent que leurs enfants sont accueillis au centre aéré pour vaquer à leurs obligations. Et<br />
puis, quand il s’agit de ressortir pour venir rencontrer ces professionnels, c’est un peu plus<br />
compliqué.<br />
Eviter la disqualification familiale<br />
Mais une autre explication s’impose : se sentent-elles vraiment attendues et accueillies ?<br />
Ont-elles été habituées à entrer dans le centre en y trouvant leur place ? Les institutions qui<br />
se placent peu ou prou dans une logique de suppléance à l’égard des familles doivent définir<br />
clairement la position qu’elles entendent adopter à leur égard. Ce dont il est question, c’est<br />
bien de permettre les possibilités de relais tout en évitant la disqualification familiale.<br />
4
Rencontre avec Richard Minnier<br />
Richard Minnier est directeur de la structure Jocari à l’ACCOORD de Nantes dans le quartier<br />
Saint-Joseph de la Porterie. Il s’est engagé dans une démarche participative des parents au<br />
sein du centre aéré. Il nous explique pourquoi.<br />
Journal de l’Animation : Selon vous, quelle place doivent prendre les parents dans l’activité<br />
d’un centre de vacances et de loisirs ?<br />
Richard Minnier : Le centre de loisirs est traditionnellement considéré par les parents<br />
comme avant tout un système de garde pour leurs enfants. Ils souhaitent que ceux-ci soient<br />
accueillis dans de bonnes conditions, qu’ils soient contents de leur journée et ne reviennent<br />
pas avec trop d’écorchures.<br />
Je considère au contraire ces centres comme un service complémentaire de l’école, qui<br />
s’inscrit donc dans la même dynamique fondamentalement éducative. Si l’on revendique une<br />
telle orientation pédagogique, on ne peut que tenir compte de l’avis des parents, qui sont<br />
quand même ceux qui connaissent le mieux leurs enfants. En s’engageant dans une<br />
véritable collaboration avec eux, on se donne les moyens de travailler sur la globalité de<br />
l’enfant, et donc de remplir les objectifs que nous nous sommes fixés dans notre projet<br />
pédagogique.<br />
J.D.A : Comment vous y êtes-vous pris pour concrétiser ce désir d’impliquer ainsi les<br />
parents ?<br />
R.M. : Nous avons pris l’habitude de discuter avec eux. Chaque soir, nous les avons<br />
accueillis avec un café et des petits gâteaux. Ils sentaient qu’ils avaient leur place dans le<br />
centre. L’important était de trouver le juste équilibre entre cette présence que nous<br />
souhaitions sincèrement et ce qui aurait pu dériver sur un envahissement du terrain de jeux<br />
de leurs enfants.<br />
En fait, c’est progressivement que la confiance est née entre nous. Nous leur avons alors<br />
proposé des rencontres pour aborder les questions concernant l’organisation du centre.<br />
Nous avons conçu l’idée de construire une structure de concertation. C’est ainsi qu’est né le<br />
projet du conseil de parents. Sur quatre-vingts familles adhérentes, une dizaine de parents<br />
se sont déplacés dans un premier temps. Ces rencontres ont lieu depuis trois ans au rythme<br />
d’une fois tous les trois mois environ. Nous avons commencé tout doucement en nous<br />
centrant dans un premier temps sur des questions très matérielles plutôt liées à la vie<br />
quotidienne (les modes d’inscription, les problèmes liés à la piscine…).<br />
Mais nous ne souhaitons pas en rester là. Pour nous, les parents ont vocation pour intervenir<br />
sur l’organisation même des activités. Ce dont il s’agit, c’est bien pour les professionnels de<br />
l’animation de rester au plus près des besoins exprimés par la population. Partir du constat<br />
des souhaits des uns et des autres permet de présenter ensuite un panel qui est le plus<br />
complet possible en matière d’animations.<br />
Ainsi, la mise en place des mini-camps intéresse directement les familles. Pourquoi pas les y<br />
associer, y compris au niveau de la préparation budgétaire, afin qu’elles prennent<br />
conscience de la réalité de la gestion d’un tel projet. Mais cela peut concerner aussi par<br />
exemple le choix de privilégier un atelier poney pour les plus petits ou au contraire une<br />
structure passerelle pour les 10-12 ans.<br />
Le choix de certaines options apportant une meilleure qualité peut entraîner l’obligation de<br />
dégarnir d’autres projets. Il est bien que les parents soient associés à ces réflexions. Pour<br />
une association comme la nôtre, qui privilégie les notions de démocratie et de citoyenneté, il<br />
est, en outre, pertinent d’encourager l’expression des familles au sein de son conseil<br />
5
d’administration. Tous les espaces de la ville y sont déjà représentés. Nous allons essayer<br />
d’obtenir que notre propre équipement le soit aussi.<br />
Ainsi, les parents qui y seraient délégués interviendraient alors comme porte-parole des<br />
usagers. On est là dans une relation directe tout à fait essentielle entre les élus, qui sont<br />
appelés à prendre des décisions, et ceux qui vont en être bénéficiaires.<br />
J.D.A. : Quelles ont été les réactions des parents ?<br />
R. M. : Certains ont bien réagi, d’autres sont restés plus passifs. Mais je crois que cela<br />
dépend beaucoup du travail de motivation que l’on développe dans leur direction. C’est aussi<br />
une affaire de rencontre entre personnes. Perce que le courant passe bien avec l’animateur<br />
qui leur en parle, ils se mobiliseront d’autant plus facilement. Après, c’est le bouche-à-oreille.<br />
Les trois ou quatre parents qui se sont portés volontaires au départ, et qui constituent le<br />
noyau actif, peuvent en entraîner d’autres.<br />
J.D.A. : Je crois que vous avez aussi conçu un projet un peu plus global…<br />
R. M. : Le quartier où nous intervenons est un peu isolé du reste de la ville. On y trouve un<br />
mélange de couches moyennes et d’un milieu un peu plus populaire. Il compte moins de<br />
5 000 d’habitants, d’où l’idée de concevoir une organisation de type « place de village ».<br />
Nous avons imaginé un projet comme celui du « jardin couvert » déjà expérimenté à Lyon.<br />
Cette idée s’appuie sur la « Maison verte » de Françoise Dolto, qui accueille des jeunes<br />
mamans et leur enfant en présence de psychologues. Là nous avons repris le même<br />
principe sans l’aspect thérapeutique. Il s’agissait de proposer un même lieu qui offrirait à la<br />
fois un espace multimédia, une bibliothèque, un bar, une ludothèque, avec à proximité une<br />
crèche, une école maternelle et un centre aéré.<br />
L’aménagement urbain s’appuyait sur l’idée d’un plateau semi-piétonnier donnant l’aspect<br />
d’un village d’enfants. Les parents pourraient s’y rendre non seulement pour y déposer leurs<br />
enfants, mais aussi pour y vivre un moment avec eux. Possibilité leur serait donnée de<br />
choisir une activité pour leur enfant, et même de passer de l’une à l’autre de ces structures<br />
en cours de journée. Ils pourraient alors d’autant plus y prendre leur place. L’un intervenant<br />
comme bénévole de la ludothèque, l’autre comme éducateur sportif d’un club de foot,<br />
seraient impliqués dans la prise en charge des enfants (y compris des leurs). Les parents<br />
seraient dès lors acteurs en tant que tels, mais aussi au travers des associations cointervenantes<br />
qui se retrouveraient autour d’une réelle communauté de vie, véritable espace<br />
commun, multiactivités.<br />
Le centre aéré serait dès lors perçu différemment comme partie intégrante d’un « centre<br />
DES loisirs », laissant ainsi la possibilité aux enfants d’exercer un choix quant à leurs<br />
activités. Parents, professionnels et institutions étaient très intéressés par un tel projet, mais<br />
la municipalité qui finançait a tranché en n’allant pas jusqu’au bout de ce qui était prévu. La<br />
raison est certainement à chercher du côté des investissements déjà importants (puisque<br />
portés des 5 millions initiaux à 9 finalement), et d’un rééquilibrage avec ce qui est prévu en<br />
direction des adultes.<br />
6<br />
Propos recueillis<br />
Par Jacques Trémintin
La place des parents : pour une refondation des<br />
pratiques<br />
Réinventer la participation des parents<br />
Traditionnellement, les familles sont concernées par les centres de vacances et de loisirs<br />
surtout en amont (participation aux conseils d’administration des associations gestionnaires)<br />
ou en aval (confection de gâteaux ou tenue de stands à l’occasion de la fête de fin de<br />
centre), en début de journée (quand elles accompagnent leurs enfants) et en fin de journée<br />
(quand elles viennent les rechercher). Mais, il est rare qu’elles prennent une place dans le<br />
cours même de l’activité.<br />
A cela, bien des raisons sans doute. Leur participation bénévole s’oppose à la démarche<br />
professionnelle demandée aux encadrants. Et puis, une méfiance latente existe quant aux<br />
perturbations que ces parents pourraient apporter (manque d’objectivité du fait de la<br />
présence de leur enfant dans le centre, absence de formation…). On est, toutefois, bien<br />
content de les trouver quand il s’agit d’assurer un transport en voiture ou de renforcer<br />
l’équipe en cas de sortie à l’extérieur avec un groupe d’enfants un peu important.<br />
Pourtant, d’autres secteurs de l’enfance ont su inventer des pratiques de participation de ces<br />
parents. Ainsi, malgré une méfiance là aussi latente au sein de l’Education nationale, l’école<br />
maternelle a su aménager, en certains endroits, des structures passerelles où les plus petits,<br />
âgés de 2 ans, sont accueillis par des équipes mixtes composées d’enseignants,<br />
d’éducatrices de jeunes enfants (présentes dans les crèches et haltes-garderies) et de<br />
parents.<br />
On évoquera aussi les clubs sportifs, qui s’appuient sur des dizaines de milliers d’éducateurs<br />
sportifs le plus souvent parents eux-mêmes d’enfants engagés dans les compétitions qu’ils<br />
encadrent.<br />
On pourrait tout autant imaginer des modalités de participation tout à faut originales dans le<br />
milieu des CVL. Les animatrices et animateurs qui démontrent chaque jour leur créativité<br />
quant aux activités qu’ils mettent en place seraient tout en fait en capacité d’aménager la<br />
place des parents. Ce qui manque le plus, c’est peut-être la conviction de la pertinence de<br />
cette possibilité ainsi que la volonté de l’appliquer. Quelles pourraient être les formes prises<br />
par un telle démarche ? Nous proposons ici huit projections qui, pour n’être qu’imaginaires,<br />
n’en sont pas moins réalistes et out à fait concrétisables pour qui veut s’en donner la peine.<br />
Certaines d’entre elles sont d’ailleurs déjà à l’œuvre, preuve que l’évolution est déjà<br />
engagée.<br />
Au départ, il y aurait sans doute bien des réticences à faire tomber, tant du côté des<br />
professionnels que des familles. C’est toute une culture à réorienter… A chacun de décider !<br />
Un père parmi les maternelles<br />
Dans cet accueil pour les 4-6 ans, l’arrivée de la petite Gwénaëlle (5 ans) suit tous les matins<br />
le même scénario. L’enfant entre avec son papa, mais se met à hurler dès l’instant où celuici<br />
fait mine de la laisser. Rien n’y fait : la directrice, l’animatrice d’accueil, celle qui s’occupe<br />
des activités manuelles, toutes ont usé leur patience pour tenter de rendre cette séparation<br />
la moins douloureuse possible. Jusqu’au jour où la directrice a une idée. Elle en a parlé la<br />
veille au père, lui proposant de prendre un peu plus de temps avec sa fille.<br />
7
Ce jour-là, l’enfant arrive, avec la même angoisse. Mais, cette fois-ci, son papa ne se<br />
contente pas de la laisser dans le hall d’accueil. A son grand étonnement, il franchit la porte<br />
de la salle d’activités et se mêle aux animatrices et aux enfants pour commencer à participer<br />
aux animations. Ce monsieur si sérieux avec son costume et sa cravate se prend bien vite<br />
au jeu. Petit à petit, sa fille se détache de lui et se mêle à ses petits camarades. C’est à<br />
peine si elle l’entendra lui dire au revoir, absorbée qu’elle est déjà par ses activités.<br />
Les animatrices ont commencé par voir d’un mauvais œil l’irruption d’un père ainsi sur leur<br />
territoire et leur univers. Puis, elles se sont habituées à ce rite qui permettait chaque matin<br />
de calmer l’enfant, finalement à peu de frais.<br />
Une découverte multiethnique<br />
Le centre aéré est implanté au cœur d’un quartier dit « difficile ». On n’y compte pas moins<br />
de 23 nationalités. Les enfants qui y sont accueillis sont de toutes les couleurs et arrivent<br />
avec des vêtements chatoyants en provenance des quatre coins du monde. Le directeur,<br />
conscient du rôle intégrateur de sa structure, a décidé de profiter de la richesse que<br />
constituait cette multiplicité culturelle.<br />
Il a donc lancé une semaine à thème portant sur « les cuisines du monde ». A cet effet, il est<br />
allé rencontrer les amicales des Sénégalais, des Vietnamiens, des Turcs, etc. Il leur a<br />
proposé de venir au centre pour animer avec des groupes d’enfants des ateliers de cuisine<br />
basés sur l’art culinaire de leur pays d’origine. Pendant toute une semaine donc, les enfants<br />
ont tourné sur plusieurs demi-journées, apprenant à confectionner le tajine (Maroc), les<br />
nems (Vietnam), les accras de morue (Antilles), le tandori de poisson (Inde), etc. Les parents<br />
qui, jusqu’alors, se sentaient en difficulté face à la culture de leurs pays d’accueil, purent<br />
avec fierté montrer leur savoir-faire et les connaissances qu’ils possédaient, mais qu’ils ne<br />
diffusaient pas, les considérant comme secondaires et finalement peu utiles à l’intégration de<br />
leurs enfants.<br />
Internet plus fort que la Poste<br />
Ce camp dans le Massif Central s’est donné pour objectif, outre la découverte des volcans,<br />
une initiation à Internet, avec au terme de la première semaine, la construction d’un site par<br />
un animateur spécialisé. Mais qui dit Internet, dit interlocuteurs (pour les courriers ou les<br />
boîtes de dialogue). Aussi, avant de partir, la directrice s’est associée avec la maison de<br />
quartier d’où sont originaires les enfants de ce camp. Celle-ci a mis à disposition un microordinateur<br />
branché sur la Toile. Tous les soirs, à partir de 17 h, les parents que le désiraient<br />
ont pu, avec l’aide d’un emploi-jeune formé à cette technique, consulter le site, prendre<br />
connaissance du journal quotidien réalisé par leurs enfants, laisser des messages et en<br />
recevoir.<br />
Un peu méfiants au départ face à une technologie qui leur semblait bien mystérieuse, les<br />
parents ont boudé l’activité. Les premiers qui se sont risqués ont été enchantés.<br />
Puis, le succès aidant, il a fallu installer un second terminal pour faire face à la demande. De<br />
l’autre côté, comme on s’en doute, les enfants ont pris le pli bien plus vite, devenant en peu<br />
de temps de véritables internautes.<br />
8
Correspondant de camp<br />
Les parents s’étaient plaints de la façon dont les mini-camps qui se déroulaient sur trois jours<br />
ou une semaine s’étaient passés. Des enfants étaient revenus très fatigués, en affirmant<br />
qu’ils n’avaient pas pu dormir la nuit, des affaires avaient disparu ou avaient été volées. Le<br />
directeur, conscient de cette défiance, soumit à son conseil d’administration l’idée qu’un<br />
parent volontaire devienne correspondant de camp. Cela consisterait à participer à la<br />
préparation de ces mini-séjours. Traditionnellement, le directeur s’y rendait une ou deux fois<br />
au cours de son déroulement. Là, il leur proposait de l’accompagner.<br />
Au début, cette idée fut perçue d’un côté (CA) comme de l’autre (équipe d’animation) comme<br />
une tentative de contrôle. Il fallut toute la force de conviction du directeur pour arriver à<br />
abaisser les défiances. La dizaine de mini-camps prévus dans l’été se déroula comme<br />
convenu. Au dernier moment, certains parents ne purent être présents. Mais dans<br />
l’ensemble, la collaboration fut appréciée par les uns et les autres, au point que la pratique<br />
s’institua. Et ce qui était apparu au premier abord un peu saugrenu devint les années<br />
suivantes une habitude de fonctionnement.<br />
Quand les parents présentent leur métier<br />
Le centre aéré avait souhaité proposer aux enfants une découverte du milieu économique<br />
dans lequel ils vivaient. Pour ce faire, l’équipe d’animation décida de contacter les familles et<br />
de les solliciter. Des relances furent nécessaires. Puis la directrice se déplaça auprès de<br />
certains parents dont les métiers lui semblaient particulièrement intéressants. Finalement,<br />
trois familles acceptèrent de jouer le jeu.<br />
Une fermière consacra une fin de matinée à montrer ce qu’elle faisait chaque jour : devant<br />
les enfants ébahis, elle se remit à traire une vache à la main (depuis longtemps, cela se<br />
faisait à la machine) et les emmena dans le poulailler pour ramasser les œufs. La visite se<br />
termina par l’inévitable clapier aux lapins (les enfants purent prendre dans leurs bras et<br />
caresser la nichée née quatre semaines auparavant).<br />
Deux jours plus tard, c’est un parent, patron d’un petit supermarché, qui reçut à son tour un<br />
groupe. Il lui fit visiter ses ateliers boulangerie et boucherie. Puis, chacun des enfants put<br />
passer sur une caisse enregistreuse, pouvant « en vrai » jouer « à la marchande ». Cela se<br />
termina par un goûter offert dans la cuisine du personnel. Troisième destination de la<br />
semaine : la mairie, avec comme guide la maman qui y travaillait en tant que secrétaire.<br />
Toutes ces rencontres furent l’occasion d’un grand concours de dessin.<br />
Parents animateurs d’atelier<br />
Le centre aéré se tenait au cours de l’été dans les locaux scolaires. Cela n’était jugé idéal<br />
par personne, mais la commune ne disposait pas d’autres locaux plus adéquats. Alors, on<br />
faisait avec ce qu’on avait. Les parents avaient bien investi le temps scolaire, l’institutrice en<br />
place les ayant sollicités sur les temps du samedi matin consacrés aux activités d’éveil.<br />
Les animatrices des tout-petits proposèrent aux mères que le désiraient de venir les aider.<br />
Mais pour éviter que cela ne ressemble quand même trop à l’école, elles suggérèrent que<br />
les familles reçoivent les enfants chez elles par petits groupes de cinq ou six.<br />
L’une, qui disposait d’un petit tout de potier put ainsi mettre en place une séance d’initiation à<br />
cette technique. L’autre, fin cordon bleu, proposa une activité cuisine et plus particulièrement<br />
9
pâtisserie, pour le plus grand plaisir des petits gourmands. La troisième avait aménagé un<br />
« nid douillet » dans son grenier. Elle y accueillit un groupe d’enfants pour un après-midi<br />
conte.<br />
Cette expérience fut réussite au point que rendez-vous fut pris entre tous les participants<br />
pour l’année suivante, en vue de son renouvellement.<br />
Des parents au conseil<br />
Le centre aéré a décidé de fonctionner à partir d’une consultation régulière du groupe<br />
d’enfants. Fort de 175 participants répartis en quatre unités, chaque vendredi, le même<br />
scénario se renouvelle à l’identique. Une heure avant la fin de la journée, une rencontre<br />
regroupe tous les enfants d’une même unité et la parole leur est donnée quant à la façon<br />
dont s’est déroulée la semaine (activités proposées, relations entre les enfants ou avec les<br />
animatrices et animateurs).<br />
L’équipe de direction a aussi souhaité associer les familles à cette démocratie interne. Elle a<br />
donc proposé à un parent volontaire, différent chaque semaine, d’être présent chaque jour<br />
dans le quart d’heure qui précède le départ des enfants et d’aller vers les familles pour<br />
recueillir leurs remarques, critiques et suggestions. En fin de semaine, ce même parent est<br />
présent à la rencontre avec la directrice, deux animatrices et les huit enfants délégués.<br />
Pendant longtemps, avant la mise en place de ce système, les parents avaient été conviés à<br />
une rencontre à la fin des deux mois d’activité, mais les améliorations proposées ne<br />
pouvaient pas se concrétiser et pour cause. Il avait été envisagé une rencontre plus<br />
fréquente au cours de la saison. Mais cela semblait difficile de mobiliser si souvent les<br />
familles.<br />
Ce système de parents délégués semblait donc plus adapté, du moins c’est ce qu’espérait<br />
l’équipe de direction. Les premières années, ce fut difficile d’obtenir des volontaires. Mais à<br />
force de patience et de persévérance, le système s’est finalement bien mis en place.<br />
Aujourd’hui, il fonctionne parfaitement et fait l’unanimité parmi tous les intervenants, parents,<br />
enfants et animateurs.<br />
Le journal de la semaine<br />
L’un des papas est journaliste. Il a accepté de venir parler de son métier aux enfants. C’est<br />
ainsi qu’est née l’idée d’un journal qui serait confectionné chaque semaine et adressé aux<br />
parents. C’est la photocopieuse de la mairie qui est utilisée. Présentation des activités<br />
passées, annonce de celles à venir, page des poètes, le dessin d’enfant de la semaine,<br />
informations à destination des familles. Ça a été le succès immédiat. Les parents<br />
appréciaient ainsi de savoir ce qui se passait avec leurs enfants.<br />
Puis, une première maman a posé des questions : on lui a répondu dans ce qui est devenu<br />
dès lors la rubrique des lecteurs. Depuis, chaque semaine, l’équipe répond aux<br />
interrogations que peuvent avoir les familles. Cela porte sur le trousseau à emporter en minicamps,<br />
les plaintes de vol ou de perte de vêtement, la fourniture ou non de goûter pour<br />
l’après-midi… Les remarques des parents sont prises en compte et font l’objet de réponses<br />
qui peuvent profiter à tout le monde.<br />
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Un même objectif pour tous<br />
Le monde de l’animation peut faire sa place aux familles. Il suffit juste d’en être convaincu et<br />
de le vouloir. Il le fait d’ailleurs déjà en de nombreux endroits. L’enfant ne peut qu’être le<br />
principal bénéficiaire de cette collaboration, qui ne doit être ni une fusion, ni une confusion,<br />
juste une reconnaissance de la place de chacun et une articulation entre toutes et tous<br />
autour d’un même objectif : faire grandir l’enfant dans les meilleures conditions pour<br />
qu’advienne un adulte responsable et épanoui.<br />
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