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La Politique Sexuelle de Reinaldo Arenas - Cuba Solidarity Project

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Par Jon Hillson<br />

29 janvier 2001<br />

LA POLITIQUE SEXUELLE DE REINALDO ARENAS :<br />

Mythes et Réalités sur l’Histoire <strong>de</strong> la Révolution <strong>Cuba</strong>ine<br />

http://www.blythe.org/arenas.html<br />

"AVANT LA NUIT (BEFORE NIGHT FALLS)" -- avec Javier Bar<strong>de</strong>m, Olivier Martínez, Andrea di<br />

Stefano, Johnny Depp, et Michael Wincott. Mis en scène par Julian Schnabel. Tiré <strong>de</strong> l’autobiographie<br />

<strong>de</strong> <strong>Reinaldo</strong> <strong>Arenas</strong>. Grandview Pictures, Fine Line Films, 2000.<br />

LOS ANGELES - Les commentaires autour <strong>de</strong> "Avant la Nuit", le nouveau film <strong>de</strong> Julian Schnabel (...)<br />

ont débuté et n’ont pas encore atteint leur apogée. Le film a remporté le Prix du Jury l’année <strong>de</strong>rnière<br />

au Festival du Film <strong>de</strong> Venise, et le prestigieux American Film Institute l’a nommé Film <strong>de</strong> l’Année.<br />

<strong>La</strong> ve<strong>de</strong>tte, Javier Bar<strong>de</strong>m, reçut une nomination au Gol<strong>de</strong>n Globe pour son portrait du romancier et<br />

poète auto exilé cubain <strong>Reinaldo</strong> <strong>Arenas</strong> dans ce film tiré <strong>de</strong> son autobiographie éponyme. Il fut<br />

nominé pour le prix du meilleur acteur au Festival <strong>de</strong> Venise, ainsi qu’au National Board of Review,<br />

National Society of Film Critics, et Southeastern Critics et recevra probablement un Oscar.<br />

Le film, le metteur en scène et l’équipe ont reçu quatre nominations au In<strong>de</strong>pen<strong>de</strong>nt Spirit Awards, le<br />

plus grand prix attribué aux films indépendants, et il figure parmi <strong>de</strong>s dix meilleurs films pour plus <strong>de</strong><br />

50 critiques aux Etats-Unis.<br />

Le critique <strong>de</strong> New York Times, Stephen Hol<strong>de</strong>n, dans un article sur le film, eut <strong>de</strong>s propos qui<br />

auraient pu figurer en légen<strong>de</strong> sur l’affiche : "par un portrait flamboyant," écrit-il, "et une mise en scène<br />

qui incorpore <strong>de</strong>s extraits <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> l’écrivain, la biographie <strong>de</strong> Julian Schnabel sur le poète et<br />

romancier exilé gai cubain <strong>Reinaldo</strong> <strong>Arenas</strong> le décrit comme une victime et un martyr <strong>de</strong> la révolution<br />

<strong>de</strong> Fi<strong>de</strong>l Castro." David Ansen, <strong>de</strong> Newsweek, s’extasia sur "un lyrisme et une sensualité émouvante -<br />

une attaque dévastatrice contre le régime <strong>de</strong> Castro."<br />

"Je ne connais pas grand chose à la politique," déclara Schnabel à "L.A. WEEKLY", mais " j’ai<br />

instinctivement senti que j’avais quelque chose en commun avec (<strong>Arenas</strong>) - et j’ai essayé d’être fidèle<br />

à sa pensée. A l’évi<strong>de</strong>nce, il s’agit d’une histoire latine - mais c’est une dénonciation du totalitarisme<br />

dans n’importe quel pays. C’est un film sur la tolérance."<br />

En réalité, "Avant la Nuit" est une attaque éminemment politique, soignée et sophistiquée, contre la<br />

révolution <strong>Cuba</strong>ine, trahie par le pouvoir dictatorial du tyran omniprésent Fi<strong>de</strong>l Castro. Les erreurs<br />

grossières et les manipulations qui jonchent le film ne font que révéler le narcissisme du sujet<br />

principal, dont Schnabel est tombé si amoureux qu'il n’éprouve aucune réticence à embellir les faits,<br />

sans considération pour la réalité. Il serait toutefois trop facile <strong>de</strong> balayer ce film pour ces raisons là.<br />

"Avant la Nuit" pose <strong>de</strong> sérieuses questions sur la conduite <strong>de</strong> la Révolution <strong>Cuba</strong>ine. Ces questions<br />

méritent une réponse.<br />

Le film a été tourné à Merida et Veracruz, au Mexique, avec <strong>de</strong>s insertions à partir <strong>de</strong> films d’archives.<br />

Schnabel fusionne ces images pour réaliser une œ uvre luxuriante, d’une beauté à couper le souffle,<br />

esthétique, crue et émouvante - le tout pour créer un <strong>Arenas</strong> aseptisé. Et si le livre "Avant la Nuit" est<br />

une attaque contre la révolution, Schnabel trouve qu’il manque cependant <strong>de</strong> souffle dramatique. Pour<br />

y remédier, il insère quelques mensonges grossiers supplémentaires pour atteindre son objectif qui<br />

est <strong>de</strong> dénigrer tout ce que représente la révolution cubaine, passé et présent. Il n’y a rien d’original<br />

dans cette métho<strong>de</strong> qui ressemble à celle employée par <strong>Arenas</strong>, qui avait commencé le livre lorsqu’il<br />

se trouvait encore à <strong>Cuba</strong> et l’a terminé sur son lit <strong>de</strong> mort. (le livre "Avant la Nuit" fût publié en anglais<br />

trois ans plus tard). L’autobiographie d’<strong>Arenas</strong> raconte sa propre histoire ainsi que celle <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>, une<br />

histoire réinventée et reconstituée pour être en phase avec sa haine du gouvernement révolutionnaire<br />

- un sentiment qui n’a pas toujours partagé.<br />

Javier Bar<strong>de</strong>m, un acteur espagnol qui joue le rôle d’<strong>Arenas</strong> à l'age adulte et qui fait la voix "off" du<br />

film, s’empare du personnage avec un talent exubérant en une évi<strong>de</strong>nte sympathie. Il ressemble<br />

étrangement à l’écrivain, qui mourut ruiné dans un appartement <strong>de</strong> Hell’s Kitchen. Ravagé par le<br />

Traduction <strong>Cuba</strong> <strong>Solidarity</strong> <strong>Project</strong><br />

http://v<strong>de</strong>daj.club.fr/cuba/


SIDA, <strong>Arenas</strong> se suicida à New York en 1990. Sa "lettre d’adieu", envoyée et publiée par la presse<br />

US, exprimait "l’espoir que <strong>Cuba</strong> sera bientôt libre" et encourageait "le peuple cubain vivant en <strong>de</strong>hors<br />

du pays ainsi que ceux vivant sur l’île à continuer le combat pour la liberté". Sur le site Internet du film<br />

Avant la Nuit [ http://www.before-night-falls.com/ ], la lettre est tronquée pour omettre "la seule<br />

personne" qui, selon <strong>Arenas</strong>, était "responsable" <strong>de</strong> son suici<strong>de</strong> - vous l’avez <strong>de</strong>viné : Fi<strong>de</strong>l Castro.<br />

Bar<strong>de</strong>m comprend la politique qui est en jeu. Dans une interview au magazine INTERVIEW, il déclara<br />

qu’il était "très fier" du film parce que celui-ci "parlait <strong>de</strong> tolérance" et constituait une critique <strong>de</strong><br />

"totalitarisme dans n’importe quel pays." Schnabel décrivit le "courage <strong>de</strong> Bar<strong>de</strong>m pour jouer le rôle<br />

d’<strong>Arenas</strong>, un rôle qui illustre parfaitement l’intolérance <strong>de</strong> Castro" parce que l’acteur "est issu d’une<br />

famille <strong>de</strong> communistes."<br />

Dans le même temps, les qualités techniques et artistiques du film le placent nettement au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s<br />

films <strong>de</strong> série B. Le film est estampillé "produit par un Hollywood progressiste" ce qui prouverait <strong>de</strong><br />

facto que le film n’est pas réactionnaire, mais simplement une étu<strong>de</strong> sur l’indomptabilité <strong>de</strong> l’esprit<br />

humain.<br />

Johnny Depp joue le rôle d’un travesti emprisonné et exécute une imitation d’un gardien <strong>de</strong> prison qui<br />

arrache une confession autocritique à un <strong>Arenas</strong> emprisonné, et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au poète <strong>de</strong> faire une<br />

fellation sur le canon <strong>de</strong> son .45 automatique. Quelle importance que la scène soit le fruit <strong>de</strong><br />

l’imagination <strong>de</strong> Schnabel ? Quelle importance que le gardien menace <strong>de</strong> faire "disparaître" <strong>Arenas</strong> s’il<br />

ne signe pas ses aveux, alors que le fait indéniable est - contrairement aux nombreux autres pays qui<br />

peuvent compter sur le soutien militaire et l’enseignement <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> torture <strong>de</strong>s Etats-Unis -<br />

qu’il n’y a jamais eu <strong>de</strong> "disparitions" à <strong>Cuba</strong> ? C’est juste du Johnny Depp.<br />

Sean Penn incarne un cameo, un paysan qui, contrairement à ses frères, ne rejoint pas les rebelles<br />

dans leur combat contre la dictature <strong>de</strong> Batista. Et Lou Reed et <strong>La</strong>urie An<strong>de</strong>rson ont composé une<br />

musique originale qui évoque la musique cubaine, incluant <strong>de</strong>s morceaux du légendaire Benny Moré.<br />

Vous voyez donc le tableau. Le public visé par le film n’est pas un public <strong>de</strong> droite, mais un public qui<br />

a, ou qui pourrait avoir, <strong>de</strong>s sympathies pour <strong>Cuba</strong>.<br />

"Avant la Nuit" reflète la vision d’<strong>Arenas</strong> sur "l’horrible" répression d’état, particulièrement contre les<br />

gays. Quelques brèves allusions sont faites sur l’influence <strong>de</strong>s conseillers soviétiques, dont la<br />

présence symbolise la fin <strong>de</strong> l’élan original <strong>de</strong> la révolution. Des extraits <strong>de</strong> films d’actualité sur Fi<strong>de</strong>l<br />

Castro - et les propos durs du dictateur illustrant <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> brutalités policières et militaires -<br />

alternent avec <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> trahisons et d’autocritiques humiliantes.<br />

Dans un scène clé du film, on voit un groupe <strong>de</strong> personnages dans un appartement en train <strong>de</strong><br />

regar<strong>de</strong>r une déclamation à la télé, apparemment par le poète primé Heberto Padilla. (son arrestation<br />

en 1971 et sa confession publique sur sa tié<strong>de</strong>ur envers la révolution est une épiso<strong>de</strong> sombre <strong>de</strong> la<br />

vie culturelle à <strong>Cuba</strong>.) <strong>La</strong> scène se termine avec une femme du groupe qui se suici<strong>de</strong> en se jetant par<br />

la fenêtre. Apparemment, elle faisait partie <strong>de</strong>s écrivains et artistes politiquement incorrects cités par<br />

Padilla. Encore une invention <strong>de</strong> Schnabel.<br />

Le temps se bouscule à chacune <strong>de</strong> ces scènes, qui s'enchaînent en faisant fi <strong>de</strong> tout contexte<br />

historique ou <strong>de</strong> toute réalité historique.<br />

En premier lieu, les conditions qui ont provoqué la Révolution ne sont pas mentionnées, ou plutôt,<br />

servent uniquement à illustrer l'affirmation poétique d'<strong>Arenas</strong> selon laquelle "la splen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> mon<br />

enfance était unique parce qu'elle était faite <strong>de</strong> pauvreté absolue mais aussi <strong>de</strong> liberté absolue ; à l'air<br />

libre, entouré d'arbres, d'animaux, d'apparitions." Voilà ce qui <strong>de</strong>vrait constituer une bonne nouvelle<br />

pour les pauvres paysans dont l'expérience vécue <strong>de</strong> la surexploitation bucolique <strong>de</strong>vait les<br />

convaincre <strong>de</strong> soutenir l'Armée Rebelle contre les armes, les tanks et les bombardiers <strong>de</strong> Batista.<br />

Une scène brève où on voit un <strong>Reinaldo</strong> adolescent sauter sur un camion rempli <strong>de</strong> combattants<br />

triomphants à Holguín est censé apporter du crédit à l'affirmation d'<strong>Arenas</strong> selon laquelle il "avait<br />

rejoint la guérilla <strong>de</strong> Castro". Mais se laisser emporter par l'enthousiasme ambiant au moment <strong>de</strong> la<br />

victoire n'a pas grand chose à voir avec le fait <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> guérilla ou d'organisation<br />

urbaine - autant <strong>de</strong> choses qui coûtèrent la vie à 30.000 civils. Cependant, même cette courte scène<br />

<strong>de</strong> Schnabel est en contradiction avec les propres écrits d'<strong>Arenas</strong>.<br />

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Lorsque <strong>Arenas</strong> tenta <strong>de</strong> se faire enrôler par l'Armée Rebelle, on lui répondit - comme à tout le mon<strong>de</strong><br />

- qu'il <strong>de</strong>vait se débrouiller pour obtenir une arme, en tuant un policier <strong>de</strong> Batista et en récupérant le<br />

sien. <strong>Arenas</strong> échoua dans sa mission, mais retourna dans les montagnes. Les guérilleros ne<br />

pouvaient pas le renvoyer chez lui à Holguín où l'attendaient une arrestation et <strong>de</strong>s tortures certaines.<br />

Ils ont autorisé l'adolescent à rester. <strong>Arenas</strong> écrit qu'il prenait parfois ses repas chez sa tante qui vivait<br />

à côté. "Je n'ai jamais pris part à une bataille ; je n'ai jamais assisté à une bataille ; ces batailles<br />

étaient plus une légen<strong>de</strong> qu'une réalité", affirme-t-il. Deux années <strong>de</strong> bataille révolutionnaire contre la<br />

tyrannie n'étaient, selon <strong>Arenas</strong>, rien <strong>de</strong> plus "qu'une guerre <strong>de</strong>s mots".<br />

Cependant, jusqu'en 1968, l'<strong>Arenas</strong> d’avant l'autobiographie était un défenseur ardant <strong>de</strong> la révolution.<br />

Il fut interviewé en tant que révolutionnaire et poète/écrivain largement respecté <strong>de</strong> la nouvelle<br />

génération, par Harry King, un journaliste socialiste vétéran qui passa trois mois à enquêter à <strong>Cuba</strong><br />

pour le journal The Militant.<br />

Les transformations sociales et économiques à <strong>Cuba</strong> - <strong>de</strong> la réforme agraire la plus gran<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

l'histoire <strong>de</strong>s Amériques à la nationalisation <strong>de</strong>s ressources aux mains <strong>de</strong>s étrangers - toutes l'oeuvre<br />

d'une mobilisation populaire, sont totalement absentes du film. De la campagne d'alphabétisation<br />

historique, <strong>de</strong> la création <strong>de</strong>s services médicaux ruraux, <strong>de</strong> l'abolition <strong>de</strong> la discrimination raciale<br />

institutionnelle, rien. Le public ne verra que le remplacement d'une tyrannie à peine mentionnée par<br />

une autre tyrannie - désormais dirigée, selon <strong>Arenas</strong>, par un "dictateur pire que Batista".<br />

Les interventions hostiles <strong>de</strong> Washington provoquées par les changements révolutionnaires sur l'île -<br />

<strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s terroristes grassement financées jusqu'à l'invasion <strong>de</strong> la Baie <strong>de</strong>s Cochons, la mise en<br />

place du blocus, et la soi-disant crise <strong>de</strong>s missiles - ne trouvent aucun écho dans l'oeuvre <strong>de</strong><br />

Schnabel (co-écrit avec Cunningham O'Keefe et <strong>La</strong>zaro Gómez Carríles, un vieil ami d'<strong>Arenas</strong>).<br />

<strong>La</strong> conclusion est évi<strong>de</strong>nte : l'ennemi du peuple <strong>Cuba</strong>in se trouve à l'intérieur, porte une barbe et un<br />

uniforme militaire - et non pas aux Etats-Unis.<br />

* * * *<br />

Le bilan <strong>de</strong> la Révolution <strong>Cuba</strong>ine sur les droits <strong>de</strong>s homosexuels a été la cible d'une campagne <strong>de</strong><br />

désinformation <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s décennies. Des efforts ont déjà été déployés par les ennemis <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong> qui<br />

voulaient profiter dans les années 60 et 70 <strong>de</strong>s déficiences du gouvernement. Le summum fut atteint<br />

par le film documentaire "Conducta Impropia" <strong>de</strong> Nestor Almendros en 1984, qui est rempli<br />

d'inventions, <strong>de</strong> distorsions et <strong>de</strong> <strong>de</strong>mi-vérités.<br />

Mais la campagne a commencé à faiblir <strong>de</strong>vant les changements significatifs qui se produisaient à<br />

<strong>Cuba</strong>. Ce changement fut symbolisé par la sortie du film <strong>de</strong> Tomas Gutierrez "Fraise et Chocolat" qui<br />

critiquaut les éléments dogmatiques au sein du Parti Communiste <strong>Cuba</strong>in et s'attaquait aux préjugés<br />

anti-gays.<br />

Malgré cela, on assiste à présent à la sortie "d’Avant la Nuit" qui ressemble à version plus branchée<br />

<strong>de</strong> "Conducta Impropia" - une tentative <strong>de</strong> rallumer la croisa<strong>de</strong> anti-<strong>Cuba</strong>ine. Sans surprise. Alors que<br />

les idéologues d'extrême droite nient purement et simplement les avancées irréfutables <strong>de</strong> la<br />

révolution, <strong>de</strong>s opposants plus subtils du gouvernement <strong>Cuba</strong>in ont longtemps critiqué la politique à<br />

l'égard <strong>de</strong>s homosexuels pour lancer <strong>de</strong>s attaques plus insidieuses. Cela rend service à la campagne<br />

<strong>de</strong> Washington contre <strong>Cuba</strong> - sur les soi-disant violations <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l'homme - une campagne qui a<br />

commencé dés le premier jour <strong>de</strong> la révolution et qui n'a jamais cessé <strong>de</strong>puis.<br />

* * * *<br />

L’extension <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s gays cubains au cours <strong>de</strong> ces quinze <strong>de</strong>rnières années - précédée ellemême<br />

encore quinze ans auparavant par l'abolition <strong>de</strong>s contraintes imposées aux homosexuels - est<br />

un corollaire à <strong>Cuba</strong> à l’extension <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s travailleurs. De plus en plus <strong>de</strong> tabous sont tombés<br />

sous l’impact <strong>de</strong> multiples débats et discussions sur <strong>de</strong>s questions économiques, politiques et<br />

culturelles et qui touchent une population <strong>de</strong> plus en plus large.<br />

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Un retour sur ce processus est indispensable pour ceux qui voudraient comprendre et qui<br />

chercheraient <strong>de</strong>s réponses aux questions soulevées par "Avant la Nuit", particulièrement s’ils sont<br />

intéressés par la question <strong>de</strong> l’homosexualité.<br />

LA REVOLUTION CUBAINE APPORTE LA LIBERATION<br />

<strong>La</strong> première révolution socialiste sur le continent américain avait crée un air <strong>de</strong> liberté sans précé<strong>de</strong>nt<br />

à <strong>Cuba</strong>. Des réformes radicales - du démantèlement <strong>de</strong> la police secrète <strong>de</strong> Batista à l’abolition <strong>de</strong>s<br />

lois racistes - ont déclenché une explosion <strong>de</strong> créativité dans les arts, la culture, la musique et leur<br />

facilité d'accès pour la population. Puisque la priorité était donnée aux travailleurs et aux paysans<br />

pauvres, un mouvement <strong>de</strong> la libération <strong>de</strong> la femme fut crée. Il exposa la réalité et défia la légitimité<br />

<strong>de</strong> l’oppression <strong>de</strong>s femmes, leur citoyenneté <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> zone, et leur discrimination. <strong>La</strong> gar<strong>de</strong><br />

d’enfants <strong>de</strong>vint un droit. Les lois rigi<strong>de</strong>s sur le divorce furent radicalement assouplies. En 1963, les<br />

lois interdisant l’avortement furent abolies, et le droit à la contraception fut institutionnalisé.<br />

Biens que cette vague <strong>de</strong> changements ait eu un effet sur la vie <strong>de</strong>s gays et lesbiennes, la Révolution<br />

<strong>Cuba</strong>ine n’a cependant pas pris les mêmes mesures avant-gardistes que les Bolcheviks avaient<br />

prises dans les premiers mois <strong>de</strong> la Révolution Russe. En fait, il aurait été pratiquement impossible<br />

pour la nouvelle génération qui accédait au pouvoir en 1959 d’être au courant <strong>de</strong> ces changements.<br />

LES MESURES AVANT-GARDISTES DE LA REVOLUTION BOLCHEVIQUE<br />

En décembre 1917, le régime soviétique abolit les lois anti-homosexuels réactionnaires <strong>de</strong> la tyrannie<br />

tsariste. Cette mesure sans précé<strong>de</strong>nt fut le résultat d’un ensemble <strong>de</strong> mesures visant à émanciper<br />

les femmes. "<strong>La</strong> relation entre la loi Soviétique et le domaine sexuel est basée ,sur le principe que les<br />

exigences <strong>de</strong> la vaste majorité <strong>de</strong>s citoyens doivent correspondre et être en accord avec l’état <strong>de</strong>s<br />

connaissances <strong>de</strong> la science mo<strong>de</strong>rne," écrivit le Dr Grigorii Batkis, directeur <strong>de</strong> l’Institut Moscovite <strong>de</strong><br />

l’Hygiène Sociale dans son livre <strong>de</strong> 1923, la Révolution <strong>Sexuelle</strong> en Russie.<br />

"<strong>La</strong> législation soviétique se base sur le principe suivant," indique Batkis, "la non-ingérence absolue<br />

<strong>de</strong> l’état et <strong>de</strong> la société dans les affaires sexuelles privées, tant que personne n’est blessée et<br />

qu’aucune atteinte n’est portée contre les intérêts d'une personne - la législation soviétique traite (les<br />

pratiques homosexuelles) exactement comme les soi-disant relations "naturelles". Toutes les formes<br />

<strong>de</strong> relations sexuelles relèvent du domaine privé."<br />

"la révolution (d’octobre) n’a rien gardé <strong>de</strong>s anciennes lois <strong>de</strong>spotiques et ouvertement<br />

antiscientifiques ; elle n’a pas suivi la voie <strong>de</strong> la législation réformiste bourgeoise qui, avec une<br />

subtilité juridique, préservait la notion <strong>de</strong> propriété dans le domaine sexuel et qui, en fin <strong>de</strong> compte,<br />

imposait un <strong>de</strong>ux poids <strong>de</strong>ux mesures à la vie sexuelle. De telles lois surgissent toujours en ignorant<br />

la science," expliqua Batkis. S’appuyant sur la théorie et la pratique bolchevique, il liait la libération <strong>de</strong><br />

la femme à l'abolition <strong>de</strong> la notion capitaliste <strong>de</strong> propriété, et par conséquence, <strong>de</strong> la surexploitation<br />

<strong>de</strong>s femmes.<br />

"Aucune société au mon<strong>de</strong> ne s’est jamais fixée <strong>de</strong> tels objectifs, et dont les problèmes n’ont jamais<br />

été confrontés à une révolution," écrivit Batkis.<br />

RECUL CONTRE-REVOLUTIONNAIRE SUR LES DROITS DES GAYS<br />

<strong>La</strong> contre-révolution dirigée par Staline qui aboutit à la bureaucratie réactionnaire à la fin <strong>de</strong>s années<br />

20 et au début <strong>de</strong>s années 30 <strong>de</strong>vait obligatoirement s’en prendre aux aspects les plus progressistes<br />

<strong>de</strong>s lois Soviétiques pour consoli<strong>de</strong>r son pouvoir sans partage. Tandis que le régime conservateur<br />

renforçait ses privilèges en chassant les travailleurs du sphère politique, il disloquait les libertés<br />

artistiques et littéraires, reculait sur <strong>de</strong>s conquêtes essentielles pour les femmes, et mettait en place<br />

une politique culturelle et sociale restrictive. Sur l’intervention personnelle <strong>de</strong> Staline, l’homosexualité<br />

fut criminalisée en 1934, prévoyant une peine <strong>de</strong> cinq ans <strong>de</strong> prison pour <strong>de</strong>s actes entre adultes<br />

mâles consentants. En 1935, afin <strong>de</strong> renforcer encore plus les normes <strong>de</strong> la "famille nouvelle", le<br />

gouvernement interdit l’avortement, qui avait été légalisé dés les premiers mois <strong>de</strong> la Révolution.<br />

Le célèbre romancier russe Maxim Gorki, réduit à l’état <strong>de</strong> complice littéraire auprès <strong>de</strong> la caste<br />

dirigeante, annonça dans un tract financé par l’état que "dans les pays fascistes, l’homosexualité, qui<br />

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uine la jeunesse, fleurit sans entraves ; dans un pays où le prolétariat a conquis avec audace le<br />

pouvoir social, l’homosexualité a été déclarée un crime social et sera sévèrement punie." Tout ceci<br />

était appelé à <strong>de</strong>venir la position "communiste" sur le sujet <strong>de</strong>s gays - un pitoyable simulacre <strong>de</strong>s<br />

préjugés réactionnaires capitalistes, drapés <strong>de</strong> rhétorique Marxiste.<br />

<strong>La</strong> pseudoscience Stalinienne affirmait que l’homosexualité était une manifestation <strong>de</strong> la "déca<strong>de</strong>nce<br />

bourgeoise" et <strong>de</strong> "dégénérescence morale". Freud, qui enseignait que l’homosexualité était un<br />

phénomène sexuel naturel, fut banni. Lors <strong>de</strong>s naissances multiples en URSS, les femmes se<br />

voyaient récompensées avec <strong>de</strong>s médailles et <strong>de</strong> l’argent. Jusqu’en 1971, le nouvelle version <strong>de</strong> la<br />

Gran<strong>de</strong> Encyclopédie Soviétique définissait l’homosexualité comme "une perversion sexuelle<br />

s’exprimant par une attirance contre-nature entre <strong>de</strong>ux personnes <strong>de</strong> même sexe. Elle peut concerner<br />

les <strong>de</strong>ux sexes. Le droit pénal en URSS, dans les pays socialistes et même certains états bourgeois,<br />

prévoient une punition pour homosexualité." Ceci, après que la révolte <strong>de</strong> Stonewall à New York en<br />

1969 <strong>de</strong>vint le point <strong>de</strong> départ du mouvement contemporain <strong>de</strong> la libération gay.<br />

* * * *<br />

C’est ce genre "d’orthodoxie" que les révolutionnaires cubains, qui ont grandi dans les années 50, ont<br />

connu lorsqu’ils se sont tournés vers le Marxisme, d’abord au sein du prosoviétique Parti Populaire<br />

Socialiste, qui ne s’engagea dans la révolution que dans la <strong>de</strong>rnière année <strong>de</strong> la guerre<br />

révolutionnaire. Sa direction et plusieurs milliers <strong>de</strong> cadres composèrent une partie importante <strong>de</strong>s<br />

différentes organisations révolutionnaires qui émergèrent lors <strong>de</strong> la conquête du pouvoir en 1959,<br />

jusqu'à la création du Parti Communiste <strong>Cuba</strong>in en 1965. Ce processus aboutit à l’établissement <strong>de</strong><br />

relations avec l’URSS, la Chine et le "mouvement communiste mondial". C’est à travers ce prisme<br />

déformant qu’ils analysaient la marche <strong>de</strong> l’histoire et prononçaient le mot <strong>de</strong> la fin aux débats en<br />

cours.<br />

Pour arriver à une "conformité avec les conclusions <strong>de</strong> la science contemporaine," les jeunes<br />

révolutionnaires cubains <strong>de</strong>vaient entreprendre le travail titanesque <strong>de</strong> débroussailler le "marxisme<br />

officiel" dans tous les domaines pour retrouver les idées et les expériences émancipatrices <strong>de</strong> la<br />

première époque du régime soviétique, dirigée alors par le Parti Bolchevique <strong>de</strong> Lénine. Tous ces<br />

débats riches, tous ces documents, toutes ces résolutions et analyses <strong>de</strong>s événements étaient<br />

recouvertes par la chape <strong>de</strong> plomb <strong>de</strong> l’infaillibilité <strong>de</strong>s commissaires représentants du "socialisme<br />

réel". Leurs instructeurs, leurs catéchismes et manuels - avec à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> matraques et du bruit <strong>de</strong>s<br />

bottes - ne souffraient aucune remise en cause, encore mois d’opposition.<br />

Ignorant tout <strong>de</strong>s positions les plus avancées et scientifiques tenues par les premières générations <strong>de</strong><br />

révolutionnaires, les militants cubains émergèrent sur une scène internationale où l’homosexualité<br />

était sévèrement réprimée dans le soi-disant mon<strong>de</strong> développé, considéré comme un tabou dans le<br />

tiers-mon<strong>de</strong> et comme un crime contre-nature par ceux qui, au nom du communisme, tenaient les<br />

rênes du pouvoir dans le reste du mon<strong>de</strong>.<br />

LORSQUE LA REALITE S’IMPOSE A CUBA<br />

Il est illusoire <strong>de</strong> croire que la révolution cubaine pouvait à cette époque surmonter seule <strong>de</strong> tels<br />

obstacles internationaux et historiques. De plus, certains - soit par ignorance, par démagogie ou les<br />

<strong>de</strong>ux à la fois - i<strong>de</strong>ntifiaient l’homosexualité masculine à la pornographie et à la prostitution, qui étaient<br />

endémiques à <strong>La</strong> Havane avant la révolution. Le sexe gay illégal faisait partie <strong>de</strong> l’industrie <strong>de</strong> la<br />

prostitution qui exploitait par ailleurs 100.000 femmes (sur une population <strong>de</strong> 6 millions) au service du<br />

tourisme, ce qui faisait <strong>de</strong> la Havane le plus grand bor<strong>de</strong>l <strong>de</strong>s Caraïbes. Et le business du sexe<br />

s’intégrait parfaitement aux entreprises <strong>de</strong> jeux, aux casinos et traffics <strong>de</strong> drogue qui ravageaient<br />

<strong>Cuba</strong>.<br />

Il faudra du temps, et <strong>de</strong>s luttes, pour démêler les contradictions entre le contenu profondément<br />

progressiste <strong>de</strong>s changements apportés par les actions collectives du peuple cubaine, d’une part, et<br />

l’homophobie, d'autre part. Ce phénomène s’appuyait sur un mélange détonnant <strong>de</strong> machisme local<br />

(ancré dans les relations sociales et économiques du capitalisme colonial) et l’arriération culturelle<br />

qu’il produisait, (renforcée par une église réactionnaire et le mysticisme <strong>de</strong> l’église catholique) - le tout<br />

renforcé par la tutelle "scientifique" <strong>de</strong> Moscou.<br />

Traduction <strong>Cuba</strong> <strong>Solidarity</strong> <strong>Project</strong><br />

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Tout en reconnaissant qu’un "homosexuel" pouvait avoir "<strong>de</strong>s idées politiques correctes", Fi<strong>de</strong>l Castro<br />

déclara au journaliste Lee Lockwood en 1965 (interview publiée sous forme <strong>de</strong> livre intitulé "Castro’s<br />

<strong>Cuba</strong>, <strong>Cuba</strong>’s Fi<strong>de</strong>l") "nous ne pensons pas qu’un homosexuel pourrait réunir les conditions et tenir la<br />

conduite indispensable pour être considéré comme un véritable révolutionnaire, un véritable<br />

communiste. Une déviation <strong>de</strong> cette nature entre en conflit avec l’idée que nous nous faisons d’un<br />

militant communiste."<br />

"mais par-<strong>de</strong>ssus tout," continua le dirigeant cubain, "je ne crois pas que quiconque ait une réponse<br />

définitive aux causes <strong>de</strong> l’homosexualité. Je crois qu’il faut examiner très soigneusement la question.<br />

Mais je serai franc et je dirai que les homosexuels ne <strong>de</strong>vraient pas pouvoir accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s positions<br />

où ils pourraient exercer une influence sur <strong>de</strong>s jeunes."<br />

Le dirigeant cubain situa son argumentaire dans le contexte "<strong>de</strong>s conditions dans lesquelles nous<br />

nous trouvons" - l’impact <strong>de</strong> la Baie Cochons et <strong>de</strong> la Crise <strong>de</strong>s Missiles était encore présent - et la<br />

nécessité "d’inculquer à notre jeunesse un esprit <strong>de</strong> discipline, <strong>de</strong> lutte, <strong>de</strong> travail. Cette attitu<strong>de</strong> peut<br />

ou ne pas être correcte, mais c’est notre sentiment."<br />

UNITES MILITAIRES D’AIDE A LA PRODUCTION<br />

En 1965, le gouvernement cubain inaugura les Unités Militaires d’Ai<strong>de</strong> à la Production (UMAP), que le<br />

film "Avant la Nuit" mentionne pour parler <strong>de</strong> rafles anti-gays et d’emprisonnement. Les soldats<br />

cubains et la police y emmenèrent <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> "délinquants", <strong>de</strong>puis les gays et les lesbiennes<br />

jusqu’aux Témoins <strong>de</strong> Jehova, pour les faire travailler dans les champs et satisfaire à leurs obligations<br />

militaires tous ceux que le gouvernement considérait comme inaptes à intégrer l’armée régulière. Les<br />

tâches accomplies dans les UMAP consistaient essentiellement récolter la canne. Contrairement à<br />

d’autres initiatives du gouvernement, les media n’ont pas fait grand bruit autour <strong>de</strong>s UMAP.<br />

Néanmoins, le programme provoqua une vague <strong>de</strong> protestations <strong>de</strong> l’Union Nationale <strong>de</strong>s Artistes et<br />

Ecrivains (UNEAC), ainsi que d’importants alliés internationaux <strong>de</strong> la révolution.<br />

Les <strong>Cuba</strong>ins interviewés en 1970 et 1971 par le pète Nicaraguayen Ernesto Car<strong>de</strong>nal dans son<br />

magnifique livre "In <strong>Cuba</strong>" ("à <strong>Cuba</strong>" - dédié au "Peuple <strong>Cuba</strong>in et à Fi<strong>de</strong>l") parlaient librement <strong>de</strong><br />

l’opposition aux UMAP et plusieurs exprimèrent leur point <strong>de</strong> vue sur leur abolition en 1967. "J’y étais",<br />

raconte un jeune milicien, poète, à Car<strong>de</strong>nal, "non pas en tant que prisonnier, mais en tant que<br />

gardien. Oui, un gardien. J’ai vu l’envers du décor, mais nous ne faisions que monter la gar<strong>de</strong>. Ils ont<br />

raconté à Fi<strong>de</strong>l ce qui s’y passait. Une nuit, nous sommes entrés clan<strong>de</strong>stinement dans le camp, dans<br />

un <strong>de</strong> ces hamacs pour voir comment les prisonniers étaient traités. Les prisonniers dormaient dans<br />

<strong>de</strong>s hamacs. Ils étaient fouettés avec les étuis <strong>de</strong>s sabres s’ils ne se levaient pas. Les gardiens<br />

coupaient les cor<strong>de</strong>s <strong>de</strong> leurs hamacs. Lorsqu’un gar<strong>de</strong> a levé son sabre, il s’est retrouvé face-à-face<br />

avec Fi<strong>de</strong>l. Il est pratiquement tombé rai<strong>de</strong> mort." Le jeune homme décrivit d’autres abus constatés<br />

par Fi<strong>de</strong>l. "Ca, c’est encore un exploit <strong>de</strong> Fi<strong>de</strong>l," dit-il. "Fi<strong>de</strong>l est l’homme <strong>de</strong>s visites inattendues."<br />

Castro, raconte le milicien à Car<strong>de</strong>nal, "supprima" les camps. "Mais personne n’en parle."<br />

Un autre jeune qui a servi dans un camp explique que malgré l’expérience, "nous qui étions à<br />

l’intérieur <strong>de</strong> l’UMAP avons découvert que l’UMAP était dissociable <strong>de</strong> la Révolution. Nous nous<br />

sommes dits : nous n’allons pas quitter <strong>Cuba</strong>, nous allons rester et corriger ce qui ne va pas. Au bout<br />

<strong>de</strong> trois ans, et après un discours <strong>de</strong> Fi<strong>de</strong>l, l’UMAP fut fermée."<br />

Un "jeune révolutionnaire marxiste" raconta une histoire à Car<strong>de</strong>nal. "On confisqua la carte d’i<strong>de</strong>ntité<br />

et tout autre élément d’i<strong>de</strong>ntification à cent jeunes militants <strong>de</strong> la Jeunesse Communiste qui furent<br />

ensuite envoyés comme prisonniers à l’UMAP, pour voir comment ils seraient traités. C’était un<br />

programme très secret. Même leurs familles n’étaient pas au courant du plan. Après, les jeunes ont<br />

raconté ce qu’ils ont vu. Et ils ont fait fermer l’UMAP."<br />

"Nous considérons que l’UMAP représente un chapitre noir <strong>de</strong> l’histoire cubaine," déclara Monika<br />

Krause, une <strong>de</strong>s premières sexologues <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong> révolutionnaire, à la revue "Gay Community News"<br />

<strong>de</strong> Boston en 1984. "C’était l’expression d’une ignorance et d’une aversion irraisonnée envers<br />

l’homosexualité - nous pensions qu’il était du <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> notre système <strong>de</strong> corriger les attitu<strong>de</strong>s qui ont<br />

abouti à la création <strong>de</strong> l’UMAP. Parce que nous sommes une société socialiste, il ne peut y avoir <strong>de</strong><br />

discrimination."<br />

Traduction <strong>Cuba</strong> <strong>Solidarity</strong> <strong>Project</strong><br />

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LA "REVOLUTION SEXUELLE" D’ARENAS<br />

En contraste, <strong>Arenas</strong> affirme dans le film que son groupe combattait la répression par "le sexe".<br />

Dans son livre, il décrit une conversation avec un compagnon - après un voyage à l’île <strong>de</strong>s Pins, où il<br />

prétend avoir entretenu <strong>de</strong>s relations sexuelles avec "tout un régiment" - où les <strong>de</strong>ux "font l’inventaire<br />

du nombre d’hommes avec lesquels ils avaient couché ; c’était en 1968. Je suis arrivé à la conclusion,<br />

après <strong>de</strong>s calculs mathématiques compliqués, que j’avais eu <strong>de</strong>s relations avec environ cinq mille<br />

hommes." Son partenaire arriva à un chiffre similaire. Ils n’étaient pas les seuls à être "emportés par<br />

cette rage érotique, tout le mon<strong>de</strong> l’était ; les recrues (<strong>de</strong>s forces armées) qui passaient <strong>de</strong>s mois dans<br />

l’abstinence, et tout la population" (et tout ceci alors qu’un soi-disant pogrom anti-homosexuel balayait<br />

l'île <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>.)<br />

"Je pense", écrivit <strong>Arenas</strong>, "que le révolution sexuelle surgit en riposte à la répression sexuelle." Par<br />

une telle phrase, <strong>Arenas</strong> lance une pique politique. Le fait est qu’elle est fausse à tous points <strong>de</strong> vue.<br />

L’EMANCIPATION DES FEMMES<br />

<strong>La</strong> révolution sexuelle à <strong>Cuba</strong> débuta avec la lutte pour l’émancipation <strong>de</strong>s femmes après <strong>de</strong>s siècles<br />

d’oppression, d’exploitation et d’arriération générées par le colonialisme et la dépendance du pays au<br />

métropole impérial. Le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> ce processus fut l’effort déployé pour incorporer les femmes<br />

dans la vie active ; le travail <strong>de</strong>s femmes jusqu’en 1959 se résumait principalement au travail<br />

domestique ou à la prostitution dans les salles <strong>de</strong> jeux et les bor<strong>de</strong>ls tenus par <strong>de</strong>s investisseurs étatsuniens<br />

et la Mafia. L’indépendance économique <strong>de</strong>s femmes commençait par leur libération du<br />

mariage obligatoire et leur isolement et oppression au foyer, lieu <strong>de</strong> travail "gratuit".<br />

Dans ce contexte, le nouveau gouvernement abolit le commerce du sexe, ferma les bor<strong>de</strong>ls et<br />

inaugura un programme spécial pour éduquer et former les prostituées cubaines à un véritable métier.<br />

<strong>La</strong> pornographie fut bannie et l’est encore aujourd’hui. Le divorce fut facilité et le contrôle <strong>de</strong>s<br />

naissances (comme la mé<strong>de</strong>cine en général) <strong>de</strong>vint gratuit. De plus en plus <strong>de</strong> couples concubins se<br />

formaient en parallèle aux couples mariés et le gouvernement traitaient leurs enfants - comme ceux<br />

<strong>de</strong>s familles monoparentales - à égalité. Aujourd’hui, aucun enfant ne naît à <strong>Cuba</strong> avec une étiquette<br />

"né hors <strong>de</strong>s liens du mariage". Ce concept réactionnaire fut remplacé par celui d'une responsabilité<br />

sociale <strong>de</strong> prendre soin <strong>de</strong>s enfants, accompagnée par <strong>de</strong>s conditions matérielles et une conscience<br />

qui abolirent l’idée que la femme, l’épouse et les enfants étaient la propriété <strong>de</strong>s mâles.<br />

Le regain <strong>de</strong> confiance <strong>de</strong>s femmes cubaines était illustré par leur participation croissante aux<br />

missions internationalistes, <strong>de</strong>puis les cours d’alphabétisation dans les montagnes du Nicaragua face<br />

aux menaces <strong>de</strong> la "contra" jusqu’aux combats en Afrique contre les troupes <strong>de</strong> l’Apartheid.<br />

Aujourd’hui, les femmes composent plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s 1.1 millions membres <strong>de</strong>s Milices<br />

Territoriales, l’organisation <strong>de</strong> défense nationale <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>. Les anciennes structures inhibitrices et<br />

stéréotypées ont commencé ainsi à s’effondrer. De fait, les actes <strong>de</strong> violence contre les femmes,<br />

basés sur <strong>de</strong>s siècles d’oppression, telles que les viols et les violences physiques, ont baissé et sont<br />

nettement inférieurs que dans n’importe quel autre pays.<br />

<strong>La</strong> lutte pour l’égalité <strong>de</strong>s femmes est appuyée par la révolution et menée dans le contexte <strong>de</strong><br />

l’émergence d’une nouvelle éthique <strong>de</strong> solidarité humaine dans la construction d’une société libre. Elle<br />

constitue un sous-ensemble, une extension, <strong>de</strong> la lutte qui a démarré dans les montagnes <strong>de</strong> la Sierra<br />

Maestra et qui vise à la libération du pays et à l’émancipation <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s femmes. Cet effort<br />

permanent fut accompagné par la science et l’éducation dans son combat contre les préjugés - y<br />

compris dans le domaine sexuel.<br />

Dans leur lutte pour l’égalité, les femmes cubaines et leurs alliés se sont inévitablement confrontés à<br />

une résistance sur <strong>de</strong>s questions allant <strong>de</strong> l’emploi dans <strong>de</strong>s postes traditionnellement réservés aux<br />

hommes et le "double far<strong>de</strong>au" du travail et <strong>de</strong>s tâches ménagères, jusqu’aux libertés sexuelles. "<strong>La</strong><br />

participation <strong>de</strong>s femmes à la révolution était une révolution dans la révolution", déclara Fi<strong>de</strong>l Castro<br />

lors d’une réunion <strong>de</strong> la Fédération <strong>de</strong>s Femmes <strong>Cuba</strong>ines en 1966, "et si on nous <strong>de</strong>mandait quelle<br />

était l’aspect le plus révolutionnaire <strong>de</strong> cette révolution, nous répondrions que c’est précisément cela -<br />

la révolution <strong>de</strong>s femmes dans ce pays."<br />

Traduction <strong>Cuba</strong> <strong>Solidarity</strong> <strong>Project</strong><br />

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Au sein <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> luttes et <strong>de</strong> mobilisations politiques, <strong>de</strong> nouvelles valeurs se forgeaient dans le<br />

processus <strong>de</strong> transformation <strong>de</strong> la société - objectif déclaré <strong>de</strong>s dirigeants <strong>de</strong> la révolution. Il en<br />

résulta l’émergence d’une morale qui surpasse largement "l’éthique" qui gouverne les relations<br />

humaines dans d’autres pays. C’est sont les avancées accomplies sur ces principes fondamentaux<br />

qui serviront <strong>de</strong> base à l’élargissement <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s gays. (De nombreux défis relevés par les<br />

femmes et réalisés au début <strong>de</strong> la révolution sont décrits dans le livre "Women and the <strong>Cuba</strong>n<br />

Révolution - Les Femmes et la Révolution <strong>Cuba</strong>ine" d’Elizabeth Stone, qui présente <strong>de</strong> nombreux<br />

discours et documents, et "<strong>Cuba</strong>n Women Now - les Femmes <strong>Cuba</strong>ines Aujourd’hui", par Margaret<br />

Randall, qui présente un ensemble <strong>de</strong> témoignages personnels.) Il est évi<strong>de</strong>nt que la lutte pour<br />

l’émancipation <strong>de</strong>s femmes n’est pas terminée. Mais elle est menée par un peuple doté d’un niveau<br />

<strong>de</strong> conscience plus élevé que dans n’importe quel autre pays au mon<strong>de</strong>.<br />

LA PROMISCUITE CONTRE L’EGOISME<br />

Pour <strong>Arenas</strong>, la lutte pour la libération <strong>de</strong>s femmes n’a jamais existé. D’innombrables relations<br />

sexuelles (dans son cas, entre hommes) - avec comme seul critère la quantité - est une idée souvent<br />

défendue par les autoproclamés avocats <strong>de</strong> la "révolution sexuelle". Une telle définition vi<strong>de</strong> le<br />

concept du toute substance historique et ramène son aspect social révolutionnaire à une recherche<br />

permanente d’assouvissement sexuel individuel comme un but essentiel dans la vie. Il n’y a rien <strong>de</strong><br />

progressiste là-<strong>de</strong>dans - il s’agit d’une simple réponse d'ordre pornographique à une répression<br />

sexuelle qui déshumanise à la fois les hommes et les femmes, hétérosexuels ou non. Contrairement<br />

au poète William Blake, le "chemin <strong>de</strong> l’excès" ne mène pas "au royaume <strong>de</strong> la sagesse". Les<br />

conséquences d’une telle attitu<strong>de</strong> sont décrits par l’émouvant documentaire <strong>de</strong> Randy Shilt sur la<br />

pandémie du SIDA, "And the Band Played On".<br />

Le credo sexuel d’<strong>Arenas</strong> était aux antipo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’élément central que la révolution tentait d’inculquer<br />

aux hommes et femmes libres qui découvraient leurs talents et leurs capacités à résoudre <strong>de</strong>s<br />

problèmes complexes - <strong>de</strong> l’égoïsme. <strong>La</strong> libération sexuelle, libérée <strong>de</strong>s entraves posées par <strong>de</strong>s<br />

normes répressives, doit d’abord s’affranchir <strong>de</strong> l’aliénation et du fétichisme exagéré qui définissent le<br />

sexe et la sexualité.<br />

LES ORIGINES DE L’IDEOLOGIE SEXISTE<br />

L’idéologie patriarcale, imposée pendant <strong>de</strong>s millénaires, trouve ses origines dans le triomphe <strong>de</strong>s<br />

hommes sur les femmes dans la bataille pour le surplus produit par la société. Cette défaite historique<br />

<strong>de</strong> la matriarchie plaça la famille au centre du développement <strong>de</strong> la propriété privée et <strong>de</strong> l’état -<br />

comme le décrit Friedrich Engels dans "L'origine <strong>de</strong> la famille, <strong>de</strong> la propriété privée et <strong>de</strong> l'État".<br />

"(Donc, ce que) nous pouvons conjecturer aujourd'hui <strong>de</strong> la manière dont s'ordonneront les rapports<br />

sexuels après l'imminent coup <strong>de</strong> balai à la production capitaliste est surtout <strong>de</strong> caractère négatif, et<br />

se borne principalement à ce qui disparaîtra, " écrivit Engels. " Mais quels éléments nouveaux<br />

viendront s'y agréger ? Cela se déci<strong>de</strong>ra quand aura grandi une génération nouvelle: génération<br />

d'hommes qui, jamais <strong>de</strong> leur vie, n'auront été à même d'acheter par <strong>de</strong> l'argent ou par d'autres<br />

moyens <strong>de</strong> puissance sociale l'abandon d'une femme; génération <strong>de</strong> femmes qui jamais n'auront été à<br />

même <strong>de</strong> se donner à un homme pour quelque autre motif que l'amour véritable, ou <strong>de</strong> se refuser à<br />

celui qu'elles aiment par crainte <strong>de</strong>s suites économiques <strong>de</strong> cet abandon. Quand ces gens-là<br />

existeront, du diable s'ils se soucieront <strong>de</strong> ce qu'on pense aujourd'hui qu'ils <strong>de</strong>vraient faire; ils se<br />

forgeront à eux-mêmes leur propre pratique et créeront l'opinion publique adéquate selon laquelle -ils<br />

jugeront le comportement <strong>de</strong> chacun - un point, c'est tout."<br />

[ NDT : j’ai rien compris. Traduction extraite <strong>de</strong> l’adresse suivante<br />

http://www.marxfaq.org/francais/engels/works/1884/00/fe18840000h.htm ]<br />

Le mariage renud obligatoire pour <strong>de</strong>s raisons économiques, la réduction du rôle <strong>de</strong> la femme dans le<br />

travail domestique non rémunéré et les tâches "matériels", et sa domination par le patriarche<br />

constituent la base concrète <strong>de</strong> l’idéologie sexiste - une idéologie qui fait obligatoirement fi <strong>de</strong><br />

l’homosexualité. C’est le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> conscience sur ces questions et la manière <strong>de</strong> les confronter qui<br />

déterminent le <strong>de</strong>gré d’émancipation <strong>de</strong> la "révolution sexuelle" qui émergera inévitablement d’une<br />

lutte plus large et plus décisive pour renverser le capitalisme et commencer la construction du<br />

socialisme.<br />

Traduction <strong>Cuba</strong> <strong>Solidarity</strong> <strong>Project</strong><br />

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ARENAS REINVENTE<br />

"<strong>La</strong> vie et la mort <strong>de</strong> <strong>Reinaldo</strong> <strong>Arenas</strong> furent guidées par trois passions," écrivit avec emphase<br />

l’écrivain anticommuniste Guillermo Cabrera Infante dans le quotidien espagnol El Pais, dans une<br />

critique du livre "Avant la Nuit". Ce sont "la littérature (non pas comme un jeu, mais comme un feu<br />

intérieur), le sexe passif, et le militantisme (active politics). Des trois, la passion dominante était<br />

évi<strong>de</strong>mment le sexe. Non seulement dans sa vie, mais aussi dans son travail. Il était le chroniqueur<br />

d’un pays gouverné non pas par le déjà impuissant Fi<strong>de</strong>l Castro, mais par le sexe - il vécut une vie<br />

dont le début ressemblait à la fin : dès le début, un long et permanent acte sexuel." Comme d’autres<br />

qui rejettent <strong>Cuba</strong>, Cabrera Infante fait une fixation sur la personnalité <strong>de</strong> Fi<strong>de</strong>l Castro pour nier la<br />

base populaire <strong>de</strong> la révolution sans qui Fi<strong>de</strong>l, et les autres dirigeants, auraient été renversés il y a<br />

bien longtemps. Interviewé dans le film "Conducta Impropria" , il affirma que le sort réservé aux gays à<br />

<strong>Cuba</strong> était comparable à l’extermination <strong>de</strong>s Juifs par les Nazis à Auschwitz.<br />

Mais tandis qu’<strong>Arenas</strong> se complaisait à vanter ses exploits sexuels, Schnabel, conscient <strong>de</strong>s critiques<br />

qu’un tel comportement pouvait attirer, se livre à une pirouette <strong>de</strong> mise en scène pour embellir le<br />

comportement d’<strong>Arenas</strong>. Il remplace les relations frénétiques et anonymes <strong>de</strong> l’écrivain par une jolie<br />

sensualité torri<strong>de</strong> teintée d’innocence rurale.<br />

ARENAS COMME ECRIVAIN<br />

En 1963 fût publié le roman primé d’<strong>Arenas</strong>, "Le Puits" [ NDT - en anglais " Singing from the Well " ;<br />

en espagnol "Cantando en el poso" (1982), originalement publié sous le titre "Celestino antes <strong>de</strong>l alba<br />

(1967)” selon Wikipedia ]. Ce livre est encore disponible à <strong>Cuba</strong>. Son livre avait été favorablement<br />

acueilli par Alejo Carpentier, figure clé à l’époque d’une école littéraire émergente appelée “réalisme<br />

magique”, dont l’oeuvre influença et annonça Gabriel García Márquez. Mais contrairement à<br />

Carpentier, <strong>Arenas</strong> se positionna dans un trajectoire <strong>de</strong> confrontation directe non seulement avec les<br />

erreurs <strong>de</strong> la révolution, mais aussi avec la lutte <strong>de</strong> libération du peuple <strong>Cuba</strong>in qui pouvait corriger<br />

ces erreurs. Si <strong>Arenas</strong> avait été capable <strong>de</strong> s’intégrer dans ce processus complexe, son talent -<br />

démontré dans <strong>de</strong>s œ uvres telles que "Rosa", qui rappelle le jeune García Márquez et l’exceptionnel<br />

romancier portugais José Saramago - aurait pu être vacciné contre le poison <strong>de</strong> l’amertume obsessive<br />

qui imprégnera et déformera ses œ uvres futures. Il était incapable <strong>de</strong> comprendre que, comme l’a<br />

déclaré le jeune cubain à Ernesto Car<strong>de</strong>nal, "l’UMAP était dissociable <strong>de</strong> la Révolution. Nous nous<br />

sommes dits : nous n’allons pas quitter <strong>Cuba</strong>, nous allons rester et corriger ce qui ne va pas".<br />

EXEMPLES DE RESISTANCES ET D’ABANDONS<br />

<strong>La</strong> vie et le statut <strong>de</strong> José Lezama Lima, auteur <strong>de</strong> ce qui est probablement le plus grand roman<br />

cubain, "Paradiso", et qui fut vilipendé par certains en 1960 pour "dissi<strong>de</strong>nce", et l’homosexualité<br />

lyrique sous-jacente <strong>de</strong> l’œuvre, constitue une alternative à <strong>Arenas</strong>, malgré les efforts du film pour le<br />

décrire comme un cosmopolite ennemi <strong>de</strong> la révolution. Lezama Lima, qui était gay, défendit le<br />

gouvernement <strong>Cuba</strong>in et Castro <strong>de</strong>vant Ernesto Car<strong>de</strong>nal en 1970, tout en expliquant qu’il n’était pas<br />

un "animal politique". Il <strong>de</strong>meura à la Havane jusqu’à sa mort. Un jeune membre du Ministère <strong>de</strong>s<br />

Relations Extérieures <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong> m’a raconté l’année <strong>de</strong>rnière qu’il avait lu, en compagnie d’autres<br />

étudiants en littérature cubaine, le livre <strong>de</strong> Lezama au lycée. "C’est mon roman préféré", m’a-t-il dit.<br />

Paradiso "n’a jamais été censuré," a déclaré le cinéaste cubain Tomás Gutiérrez Alea à la revue<br />

Cineaste en 1995. "Ce qui s’est passé après la publication du livre fut que celui-ci fût retiré parce qu’il<br />

y avait un chapitre entier contenant <strong>de</strong>s références à l’homosexualité. Un tel acte <strong>de</strong> censure était<br />

idiot. Néanmoins, le livre a finalement été remis en circulation."<br />

Pablo Armando Fernán<strong>de</strong>z, qui "confessa" ses déviations idéologiques durant l'affaire Padilla, et qui<br />

fut privé pour un temps du droit <strong>de</strong> publier sa poésie – il dut se convertir au métier d’imprimeur pour<br />

survivre - refusa lui aussi d’abandonner le navire. Aujourd’hui, il est le lauréat <strong>de</strong>s plus hautes<br />

récompenses <strong>de</strong> poésie à <strong>Cuba</strong>, et il défend la souveraineté <strong>de</strong> son pays dans les conférences qu’il<br />

donne aux Etats-Unis.<br />

D’un autre côté, Padilla émigra aux Etats-Unis en 1979 et <strong>de</strong>vint la marionnette <strong>de</strong>s propagandistes<br />

anti-cubains. Ceci inclut sa participation à "Conducta impropria" . Dans ce film, Padilla va jusqu’à se<br />

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idiculiser en accusant "les dirigeants cubains" qui, tout en persécutant les "hommes gays", évitaient<br />

<strong>de</strong> harceler les lesbiennes parce qu’elles "les excitent. Rien n’excite plus le cerveau primitif d’un<br />

cubain que <strong>de</strong>ux femmes au lit."<br />

IDENTIFIER ET ANALYSER LES ERREURS<br />

Malgré le départ <strong>de</strong> Padilla et son virage à droite, les mauvais traitements dont il a fait l’objet - comme<br />

pour d’autres intellectuels et artistes - furent condamnés par les dirigeants cubains. Abel Prieto, dans<br />

une interview accordée à la revue cubaine "Contrapunto" alors qu’il était le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’UNEAC (le<br />

syndicat <strong>de</strong>s artistes et écrivains) et le plus jeune membre du Politburo du Parti Communiste,<br />

s’exprima en ces termes : "Je suis convaincu que l’affaire Padilla fut une erreur," et qualifia l’exilé <strong>de</strong><br />

"bon poète".<br />

"<strong>La</strong> fameuse autocritique <strong>de</strong> Padilla fut un piège ridicule dans lequel sont tombés les camara<strong>de</strong>s<br />

impliqués dans cette affaire. Il y eut <strong>de</strong>s gens très courageux, révolutionnaires et intellectuels qui ont<br />

cru à cette mise en scène, cette autocritique," souligna Prieto. En parlant d’un documentaire tourné à<br />

l’époque sur ces événements, et qui saluait ces confessions, Prieto qualifia le film <strong>de</strong> "très triste, parce<br />

que c’était une sorte <strong>de</strong> caricature <strong>de</strong>s procès <strong>de</strong> Moscou". Le mot clé ici est "caricature". En effet, si<br />

un régime "à la Moscovite" avait réellement existé à la Havane, <strong>Cuba</strong> serait aujourd’hui une Bulgarie<br />

tropicale et l’Histoire aurait été tout à fait différente, et le mon<strong>de</strong> dans une situation plus difficile. Le<br />

film, souligna Prieto, était en réalité l’expression d’une " bouffonnerie ". C’était un étalage <strong>de</strong> mesures<br />

imposées par un secteur bureaucratique sans scrupules et réactionnaire déterminé à éloigner les<br />

travailleurs <strong>de</strong> la politique et consoli<strong>de</strong>r leurs propres vies confortables en abandonnant la solidarité<br />

internationale. C’est précisément parce que <strong>Cuba</strong> n’a jamais été une "satellite" <strong>de</strong> l’URSS - au grand<br />

dam <strong>de</strong> Washington - que sa direction fut capable <strong>de</strong> mener la lutte contre les déviations et ramener la<br />

révolution sur son chemin initial.<br />

Prieto est actuellement le Ministre <strong>de</strong> la Culture à <strong>Cuba</strong>.<br />

Dans le film "Avant la Nuit", une voix "off" s’exprime - censée être celle <strong>de</strong> Fi<strong>de</strong>l Castro - pour justifier<br />

les mauvais traitements. Le narrateur anonyme récite les paroles d’un discours <strong>de</strong> Castro, <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s<br />

intellectuels <strong>Cuba</strong>ins <strong>de</strong> l’époque, et dit "dans la révolution, tout ; hors <strong>de</strong> la révolution, rien." En fait, le<br />

dirigeant <strong>Cuba</strong>in a dit quelque chose <strong>de</strong> bien différent : "contre la révolution, rien."<br />

Cette <strong>de</strong>rnière idée a toujours fait l’objet d’une constante élaboration, <strong>de</strong> mise en pratique et <strong>de</strong> débat<br />

- le tout dans un environnement d’hostilité permanente <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s Etats-Unis qui n’a jamais faibli<br />

avec le temps.<br />

UN PAS EN ARRIERE<br />

En 1970, trois ans après le meurtre <strong>de</strong> Che Guevara en Bolivie et le déclin du mouvement<br />

révolutionnaire en Amérique latine qui en résulta, la direction centrale <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong> était incapable <strong>de</strong><br />

remplir sa promesse <strong>de</strong> mobiliser suffisamment la population pour obtenir une récolte <strong>de</strong> sucre <strong>de</strong> 10<br />

millions <strong>de</strong> tonnes, chiffre qui s’est révélé utopique. Ce revers pour le régime modifia l’équilibre<br />

politique en défaveur <strong>de</strong> ceux menés par Fi<strong>de</strong>l Castro et en faveur <strong>de</strong> ceux qui préconisaient<br />

l’établissement <strong>de</strong> relations économiques privilégiées avec Moscou. Cette décision, et tout ce qui<br />

découlait <strong>de</strong> cette relation sur le plan politique et culturelle, eut <strong>de</strong>s conséquences inattendues. Peu<br />

après, <strong>Cuba</strong> abandonna son plan d’autosuffisance alimentaire pour intégrer le Conseil d’Assistance<br />

Economique Mutuelle, qui fédérait les plans économiques <strong>de</strong> l’URSS et <strong>de</strong>s pays du pacte <strong>de</strong><br />

Varsovie.<br />

C’est dans ce contexte que s’est tenu en 1971 le premier Congrès National sur l’Education et la<br />

Culture et que se produisit - ce n’est pas un hasard - l’arrestation <strong>de</strong> Heberto Padilla. A l’extérieur <strong>de</strong><br />

<strong>Cuba</strong>, <strong>de</strong>s partisans <strong>de</strong> la révolution protestèrent, comme Carlos Fuentes, Gabriel García Márquez et<br />

Jean-Paul Sartre. Ceux-là se démarquèrent d’autres intellectuels et écrivains qui invoquèrent<br />

l’injustice commise pour rompre avec la révolution.<br />

Dans sa résolution la plus marquante, le Congrès déclara "le caractère pathologique social <strong>de</strong>s<br />

déviations homosexuelles est reconnu. Il est convenu que toutes les manifestations <strong>de</strong> déviations<br />

homosexuelles doivent être fermement rejetées et leur expression limitée." Cette proclamation<br />

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encouragea la négation aux gays <strong>de</strong> tout emploi dans une institution qui pouvait influencer les jeunes.<br />

De même, le Congrès déclara que les gays ne pouvaient pas "représenter <strong>Cuba</strong>" à l’étranger.<br />

Cette prise <strong>de</strong> position provoqua <strong>de</strong>s protestations d’artistes, d'écrivains et d'autres <strong>Cuba</strong>ins ainsi que<br />

<strong>de</strong>s partisans <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong> à l’étranger dont le caractère révolutionnaire ne pouvait être mis en doute.<br />

Joseph Hensen, dirigeant vétéran du Socialist Workers Party ( Etats-Unis ) qui dès le début diffusait<br />

assidûment <strong>de</strong>s informations sur le déroulement <strong>de</strong> la révolution et lutta pour renforcer la solidarité,<br />

écrivit que "la mise au pilori <strong>de</strong>s homosexuels" était "un mauvais signe" sur l’existence <strong>de</strong> problèmes<br />

plus profonds mais pas insurmontables. (introduction à son recueil d’essais <strong>de</strong> 1978, The Dynamics of<br />

the <strong>Cuba</strong>n Revolution: A Marxist Appreciation)<br />

Un jour, je me promenais dans les rues <strong>de</strong> la Havane par une journée torri<strong>de</strong> du mois d’août. J’ai<br />

cherché à me protéger <strong>de</strong> l’humidité étouffante en me réfugiant dans le hall d’entrée climatisé <strong>de</strong><br />

l’ambassa<strong>de</strong> Tchécoslovaque. En entrant, je suis tombé nez à nez avec un étalage <strong>de</strong><br />

"déviationnisme idéologique" - une formule effrayante créée par la bureaucratie Soviétique et qui<br />

consistait à faire <strong>de</strong>s amalgames, à stigmatiser et à mettre hors la loi toute une panoplie d’ennemis, à<br />

la fois réels et imaginaires. Devant moi, dans un présentoir vitré, se trouvaient les preuves, fournies<br />

par le Ministère <strong>de</strong> l’Intérieur <strong>Cuba</strong>in : une copie <strong>de</strong> "la Révolution Trahie" <strong>de</strong> Trotski, un magazine<br />

d’érotisme homosexuel, et un tract Sioniste. Malgré la fraîcheur du hall d’entrée, j’étais seul.<br />

A l’extérieur, <strong>de</strong> nombreux <strong>Cuba</strong>ins étaient préoccupés par les menaces répétées <strong>de</strong> Moscou à<br />

l’égard <strong>de</strong> mouvement polonais Solidarité. "Nous sommes contre une intervention", m’ont dit <strong>de</strong><br />

nombreux cubains, préoccupés par l’éventualité <strong>de</strong> représailles étasuniennes.<br />

LE TRAJECTOIRE D’ARENA<br />

Le <strong>de</strong>uxième roman d’<strong>Arenas</strong>, malgré les louanges décernées par l’UNEAC, fut interdit <strong>de</strong> publication,<br />

sauf si les références à l’homosexualité étaient expurgées. <strong>Arenas</strong> refusa et commença à sortir ses<br />

livres clan<strong>de</strong>stinement <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>. En 1973, il fut arrêté pour atteinte à la pu<strong>de</strong>ur envers un mineur, qu’il<br />

nia.<br />

Dans le film, cet événement est décrit sans aucun fon<strong>de</strong>ment comme un piège tendu contre le chaste<br />

<strong>Arenas</strong>. Cependant, dans ses mémoires, <strong>Arenas</strong> parle d’une occasion où lui et ses amis "eurent <strong>de</strong>s<br />

relations sexuelles avec <strong>de</strong>s jeunes." Il est emprisonné, mais il s’éva<strong>de</strong> et se retrouve fugitif.<br />

Les proclamations d’<strong>Arenas</strong>, qui <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> plus en plus antirévolutionnaires, ainsi que ses<br />

relations avec <strong>de</strong>s ambassa<strong>de</strong>s étrangères par lesquelles il fait passer ses manuscrits à l’étranger<br />

amènent le gouvernement cubain à le déclarer comme un agent au service <strong>de</strong>s Etats-Unis.<br />

Il est arrêté <strong>de</strong> nouveau. Son emprisonnement est montré dans le film dans un décor imaginé par<br />

Hieronymus Bosch. <strong>Arenas</strong> signe <strong>de</strong>s aveux - grâce à la persuasion <strong>de</strong> Johnny Depp - et se retrouve<br />

libre. Ensuite, le film passe rapi<strong>de</strong>ment en revue sa vie dans un squat, en compagnie d’autres<br />

<strong>Cuba</strong>ins mécontents, jusqu’en 1980 et l’exo<strong>de</strong> <strong>de</strong> Mariel où quelques 125.000 cubains partirent pour<br />

les Etats-Unis. Dans le film, les dix années suivantes sont résumées en quelques secon<strong>de</strong>s.<br />

L’arrivée d’<strong>Arenas</strong> et ses expériences à Miami - brièvement racontées dans le livre - sont entièrement<br />

absents du film. Peut-être parce qu’il pensait que la ville était "une caricature <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>, du pire <strong>de</strong><br />

<strong>Cuba</strong>". Pour lui, si <strong>Cuba</strong> était un "enfer", Miami était un "purgatoire". D<strong>de</strong>s propos qui, en plus <strong>de</strong> son<br />

homosexualité déclarée, ne lui attiraient pas les sympathies <strong>de</strong> l’extrême droite du Sud <strong>de</strong> la Flori<strong>de</strong>.<br />

<strong>Arenas</strong> se servira <strong>de</strong> cette antipathie pour répandre le mythe qu’il n’était "ni <strong>de</strong> gauche, ni <strong>de</strong> droite",<br />

comme si ses préférences sexuelles lui permettaient <strong>de</strong> transcen<strong>de</strong>r tout jugement basé sur le<br />

contenu politique <strong>de</strong> ses actes.<br />

Après s’être installé à New York, <strong>Arenas</strong> se lança dans l’organisation d’actions contre la révolution<br />

cubaine. Ses propres conférences en font partie, sa collaboration avec Nestor Almendros dans<br />

"Conducta Impropria" et sa participation à <strong>de</strong>s campagnes <strong>de</strong> pétitions dénonçant la "dictature<br />

Castriste". Toutes ces actions, largement décrites dans ses mémoires, sont absentes du film.<br />

Son roman The Brightest Star ["l’étoile la plus brillante" ] fut publié en anglais en 1984. Il est dédié à<br />

son ami, Nelson Rodríguez Leyva qui, en 1971, dégoupilla une grena<strong>de</strong> qui n’a pas explosé dans un<br />

avion <strong>de</strong> ligne <strong>Cuba</strong>in en vol vers les Etats-Unis. Arrêté, celui-ci fut jugé et exécuté. <strong>Arenas</strong> salua son<br />

action armée. "Je pense souvent à ce moment où, grena<strong>de</strong> à la main, au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> cette île avec ses<br />

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camps <strong>de</strong> concentration et ses prisons, Nelson, dans le ciel, se sentait enfin libre, peut-être pour la<br />

première fois dans sa courte vie." écrivit <strong>Arenas</strong>, en parlant <strong>de</strong> son ami.<br />

FIN TRAGIQUE<br />

L’auteur <strong>Arenas</strong> fait un rapi<strong>de</strong> compte-rendu <strong>de</strong>s dix <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> sa vie aux Etats-Unis, une<br />

répétition malheureuse <strong>de</strong> celle qu’il a vécue à <strong>Cuba</strong> : d’innombrables relations sexuelles anonymes,<br />

<strong>de</strong>s rencontres imaginaires avec <strong>de</strong>s "sorcières", <strong>de</strong>s diatribes obsessionnelles contre Fi<strong>de</strong>l Castro,<br />

une dérision sans relâche contre les figures <strong>de</strong> la littérature internationale - ses plus célèbres rivaux -<br />

qui défendaient <strong>Cuba</strong>. Carlos Fuentes, dit-il, cinglant, se comporte "comme un ordinateur - l’exact<br />

contraire <strong>de</strong> ce que je considère comme un véritable écrivain." Eduardo Galeano est "un homme <strong>de</strong><br />

main <strong>de</strong> Castro". Gabriel Garcia Marquez est "un opportuniste né. Son œ uvre, qui a malgré tout <strong>de</strong>s<br />

qualités, est imprégnée d’un populisme <strong>de</strong> bazar".<br />

Surtout, <strong>Arenas</strong> <strong>de</strong>vint politiquement paranoïaque et voyait <strong>de</strong>s "agents <strong>de</strong> Castro" partout. Les<br />

origines <strong>de</strong> cette phobie n’étaient pas dûes à leur existence, mais au fait qu’<strong>Arenas</strong> rencontrait<br />

souvent <strong>de</strong>s partisans <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong> lors <strong>de</strong> ses interventions. Face à <strong>de</strong> tels contradicteurs, il imaginait<br />

recevoir "<strong>de</strong>s menaces <strong>de</strong> mort <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> la sécurité d’état <strong>Cuba</strong>ine" et affirmait qu’il était la cible<br />

<strong>de</strong> tentatives d’assassinats, <strong>de</strong> cambriolages et d’opérations clan<strong>de</strong>stines.<br />

Rien <strong>de</strong> tout cela, à l’exception d’une allusion rapi<strong>de</strong> à l’activité sexuelle d’<strong>Arenas</strong>, n’est raconté dans<br />

le film. Le film conclut rapi<strong>de</strong>ment sur la tragédie solitaire <strong>de</strong> sa mort, exacerbé par <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> mise<br />

en scène. Il est expulsé d’un appartement. Affaibli par le SIDA, il est hospitalisé mais, sans couverture<br />

sociale, il est libéré et retourne à sa nouvelle <strong>de</strong>meure au confort spartiate. Bien sûr, il s’agit là d’une<br />

mise critique <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie aux Etats-Unis (et renforce par là la crédibilité du film auprès <strong>de</strong>s<br />

progressistes). Ces "souffrances <strong>de</strong> l’ exil", écrivit <strong>Arenas</strong> dans sa "lettre d’adieu", ainsi que "les<br />

maladies contractées - n’auraient probablement jamais eu lieu si j’avais pu vivre en liberté dans mon<br />

propre pays."<br />

<strong>Arenas</strong> s’est tué. Mais le metteur en scène Schnabel, apparemment pour tenter <strong>de</strong> renforcer la<br />

sympathie pour le personnage, transforme le suici<strong>de</strong> en un acte d’euthanasie effectué par un ami<br />

proche, <strong>La</strong>zaro Gomez.<br />

<strong>La</strong> prédiction d’<strong>Arenas</strong>, sur son lit <strong>de</strong> mort en 1990, que <strong>Cuba</strong> "sera libre" faisait écho aux espoirs <strong>de</strong>s<br />

milieux cubano-américains <strong>de</strong> pouvoir fêter leur prochain Noël (le premier après la chute <strong>de</strong> l’URSS),<br />

à la Havane. Mais sa prédiction se révéla être aussi creuse que sa vie était <strong>de</strong>venue.<br />

* * * *<br />

En 1975, la Cour Suprême <strong>Cuba</strong>ine annula le Résolution numéro 3 du Conseil <strong>de</strong> la Culture,<br />

prédécesseur du Ministère <strong>de</strong> la Culture. Ce jugement fût invoqué pour inspirer les déclarations antigay<br />

du congrès culturel <strong>de</strong> 1971 et qui fixaient les "paramètres" pour restreindre l’emploi <strong>de</strong>s<br />

homosexuels dans les métiers <strong>de</strong> l’art et <strong>de</strong> l’éducation.<br />

En 1975 aussi, après d’intenses débats et discussions populaires, <strong>Cuba</strong> adopta le Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Famille.<br />

Parmi d’autres changements importants, le co<strong>de</strong> prônait l’égalité <strong>de</strong>s sexes en matière d’éducation<br />

<strong>de</strong>s enfants et <strong>de</strong>s tâches ménagères, renforçant l’égalité <strong>de</strong>s sexes en tant qu’objectif <strong>de</strong> la nouvelle<br />

société.<br />

En 1979, le nouveau Co<strong>de</strong> Pénal cubain dépénalisa l’homosexualité.<br />

En 1981, "En défense <strong>de</strong> l’Amour", par le Dr Sigfried Schnabl, <strong>de</strong>vint un best-seller à <strong>Cuba</strong> grâce à<br />

son traitement franc et objectif <strong>de</strong> la sexualité humaine. L’Homosexualité, écrivit Schnabl, "n’est pas<br />

une maladie, mais une variante <strong>de</strong> la sexualité humaine."<br />

"Il n’y a pas <strong>de</strong> normes morales ou sentimentales "naturelles" chez l’homme." expliqua-t-elle. "<strong>La</strong><br />

seule tendance naturelle est le désir sexuel lui-même. Les us et coutumes par lesquels les gens<br />

satisfont leurs désirs et tout ce qui s’instaure entre les sexes est le produit d’une culture." Ainsi, la<br />

bigoterie anti-gay <strong>de</strong> la culture héritée par la révolution <strong>Cuba</strong>ine <strong>de</strong>vait être rejetée. "Ce serait une<br />

erreur que <strong>de</strong> rejeter un homosexuel à cause <strong>de</strong> ses préférences sexuelles ou <strong>de</strong> considérer son<br />

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homosexualité comme une tare, comme beaucoup le font, malheureusement, à cause <strong>de</strong> leur<br />

ignorance, leur incompréhension, et leurs préjugés."<br />

Peu après, le Ministère <strong>de</strong> la Culture cubaine republia le livre populaire <strong>de</strong> Schnabl, "L’Homme et la<br />

Femme dans l’intimité", qui consacre un chapitre entier à l’homosexualité. Le livre fut publié pour la<br />

première fois en 1979. Il énumère et réfute une série <strong>de</strong> superstitions qui tentent d'expliquer les<br />

causes supposées <strong>de</strong> l’homosexualité. "Toutes ces "théories" - qui jusqu’à une date récente étaient<br />

défendues par certains spécialistes," écrivit Schnabl, "n’ont pas le moindre fon<strong>de</strong>ment scientifique."<br />

CONTRE LA DISCRIMINATION ANTI-GAY<br />

Les gays "ne souffrent pas <strong>de</strong> leur homosexualité," expliqua Schnabl, "mais plutôt <strong>de</strong>s difficultés que<br />

leur condition engendre dans la vie <strong>de</strong> tous les jours," à savoir les préjugés anti-gays. Elle s’opposa<br />

explicitement, dans ce livre publié par le gouvernement, à toutes sanctions contre les gays.<br />

"Ce que font <strong>de</strong>s adultes consentants en privé ne porte pas atteinte aux valeurs morales d’une société<br />

et il n’y a donc pas lieu <strong>de</strong> prendre une quelconque action à leur encontre. Les Homosexuels, comme<br />

tous les citoyens, ont droit au respect et à la reconnaissance pour leurs actions concrètes et leur<br />

comportement," déclara Schnabl.<br />

En citant ces passages, et d’autres aussi, dans le quotidien du Parti Communiste <strong>Cuba</strong>in, Granma,<br />

Tomás Gutiérrez Alea souligna, dans une réaction en 1984 à Conducta Impropria, que "cela ne<br />

signifie pas que la publication d’un seul livre, tout "officiel" qu’il soit, fera automatiquement disparaître<br />

le phénomène social profondément enraciné par <strong>de</strong>s siècles d’un passé catholique et espagnol.<br />

Cependant, un tel livre où, entre autres, apparaissent les <strong>de</strong>rniers critères scientifiques sur<br />

l’homosexualité est, sans nul doute, un outil précieux délivré par l’état <strong>Cuba</strong>in à tous ceux qui<br />

défen<strong>de</strong>nt la cause <strong>de</strong> tous ceux qui sont victimes <strong>de</strong> discriminations, qui sont marginalisés et qui<br />

souffrent <strong>de</strong>s préjugés et d’oppressiond <strong>de</strong> toutes sortes."<br />

Les critiques formulées par Gutierrez contre Almendros, qui a volontairement falsifié son<br />

"documentaire" sur la durée et la nature <strong>de</strong> l’UMAP, pourrait aussi être appliquées à Schnable.<br />

"Almendros sait parfaitement que <strong>de</strong>s mensonges éhontés peuvent être fabriqués à partir <strong>de</strong> <strong>de</strong>mi<br />

vérités," écrivit Gutiérrez. "Il sait, par exemple, que l’UMAP, les camps <strong>de</strong> travail où <strong>de</strong> nombreux<br />

homosexuels furent envoyés pour y effectuer leur service militaire, était une erreur et déclencha un<br />

scandale qui heureusement aboutit à leur disparition et une politique <strong>de</strong> rectification." Le magazine<br />

(US) Village Voice et le quotidien (US) Militant reproduisirent l’article du légendaire metteur en scène<br />

cubain peu <strong>de</strong> temps après sa publication à <strong>Cuba</strong>.<br />

LA RECTIFICATION<br />

En 1986, le Parti Communiste <strong>Cuba</strong>in, mené par Fi<strong>de</strong>l Castro, entreprit un profond processus <strong>de</strong><br />

critiques, <strong>de</strong> débats et d'échanges <strong>de</strong>stiné à dépasser la politique économique et l’organisation du<br />

travail inspirées <strong>de</strong>s Soviétiques. Fi<strong>de</strong>l expliqua que les valeurs révolutionnaires cubaines avaient été<br />

tellement érodées par la bureaucratie, la corruption, et l’inertie générée par <strong>de</strong> telles métho<strong>de</strong>s que la<br />

révolution avaient commencé à "déraper". <strong>La</strong> Parti lui-même, déclara-t-il au Comité Central, avait<br />

commencé à "se perdre".<br />

Cette profon<strong>de</strong> "campagne <strong>de</strong> rectification <strong>de</strong>s erreurs et <strong>de</strong>s tendances négatives" <strong>de</strong>vint réellement,<br />

comme le dirigeant cubain l’a affirmé, "une révolution dans la révolution." Son objectif n’était pas <strong>de</strong><br />

"simplement rectifier les erreurs commises ces dix <strong>de</strong>rnières années," précisa Castro, "ou les erreurs<br />

commises <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong> la révolution. <strong>La</strong> rectification, c’est <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s solutions à <strong>de</strong>s<br />

problèmes qui perdurent <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles." (<strong>de</strong>ux discours clés qui expliquent le processus <strong>de</strong><br />

rectification sont toujours disponibles dans le magazine New International, à 410 West St., N.Y., N.Y.<br />

10014, USA).<br />

L’étendue <strong>de</strong> ce projet sans précé<strong>de</strong>nt - particulièrement lorsque les militants révolutionnaires cubains<br />

s’en saisirent - déclencha <strong>de</strong> nombreux débats sur les métho<strong>de</strong>s économiques qui avaient fait dévier<br />

la révolution ainsi qu'aux politiques appliquées dans le domaine <strong>de</strong> la culture, <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong>s relations<br />

sociales.<br />

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Un <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong> ce processus fut <strong>de</strong> découvrir que, en dépit <strong>de</strong> l’arme <strong>de</strong> l’immigration utilisée par<br />

les Etats-Unis contre une <strong>Cuba</strong> soumise à un embargo économique, <strong>de</strong>s départs plus récents (comme<br />

ceux <strong>de</strong> Mariel) touchaient <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> citoyens (dont <strong>de</strong>s gays ) qui avaient souffert <strong>de</strong><br />

discriminations ou avaient été réprimés selon <strong>de</strong>s pratiques erronées exercées au nom <strong>de</strong> la<br />

révolution.<br />

Il y a plus <strong>de</strong> dix ans, j’ai interviewé un jeune travailleur <strong>Cuba</strong>in, dont l'homosexualité était connue<br />

chez ses collègues <strong>de</strong> travail, qui avait quitté <strong>Cuba</strong> lors <strong>de</strong> l’exo<strong>de</strong> <strong>de</strong> Mariel, "juste pour vivre une<br />

aventure," dit il. Roberto réalisa rapi<strong>de</strong>ment tout ce qu’il avait abandonné. Il vécut <strong>de</strong>s expériences qui<br />

ont fini par le faire adhérer à la Briga<strong>de</strong> Antonio Maceo, un groupe <strong>de</strong> jeunes cubains<br />

prorévolutionnaires à Miami et New Jersey. Il retourna visiter <strong>Cuba</strong> plein processus <strong>de</strong> rectification et<br />

rendit visite à l’usine où il travaillait avant pour prendre la parole <strong>de</strong>vant 700 <strong>de</strong> ses anciens collègues.<br />

Lorsqu’il monta sur l’estra<strong>de</strong>, ils se levèrent pour lui faire une ovation.<br />

DES TABOUS QUI DISPARAISSENT<br />

Un effet secondaire <strong>de</strong> la catastrophe économique qui secoua <strong>Cuba</strong> lorsque l’URSS et ses régimes<br />

alliés s’effondrèrent (entraînant une chute <strong>de</strong> 85% du commerce <strong>de</strong> l’île) fut la disparition <strong>de</strong> l’influence<br />

sociale et culturelle soviétique dans le corps politique <strong>de</strong> la révolution cubaine - les canons <strong>de</strong><br />

"l’orthodoxie" soviétique et du "réalisme socialiste" qui n'ont jamais fait partie <strong>de</strong> l’esprit rebelle <strong>de</strong> la<br />

révolution cubaine et <strong>de</strong> ses principaux dirigeants. D'un seul coup, <strong>de</strong>s questionnements et <strong>de</strong>s<br />

débats historiques ; <strong>de</strong>s figures politiques et littéraires considérées auparavant comme "hors limites" ;<br />

ou <strong>de</strong>s "théories" jadis considérées comme sacro-saintes ou limitées par "l’autocensure" <strong>de</strong>vinrent<br />

accessibles et sujets à investigations, recherches et critiques. Ce processus vivant est toujours en<br />

cours.<br />

En 1987, une nouvelle directive adressée aux forces <strong>de</strong> police interdit la persécution <strong>de</strong>s personnes<br />

sur <strong>de</strong>s critères d’apparence ou d’habillement, ce qui avait été auparavant le cas pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong><br />

comportement "ostentatoire".<br />

En 1988, lors d’une interview à une télévision galicienne en Espagne, Fi<strong>de</strong>l Castro souligna "qu’une<br />

certaine rigidité" avait marquée les comportements à l'égard <strong>de</strong> l’homosexualité. Alors que "Dieu eut<br />

besoin <strong>de</strong> sept jours pour créer le mon<strong>de</strong>," expliqua-t-il, "il faut comprendre que pour refaire le mon<strong>de</strong>,<br />

pour détruire un mon<strong>de</strong> comme celui que nous connaissons ici et en reconstruire un autre, il n’y avait<br />

pas beaucoup <strong>de</strong> lumière. Au début il y avait beaucoup <strong>de</strong> ténèbres et beaucoup <strong>de</strong> confusion sur<br />

toute une série <strong>de</strong> problèmes. Notre société, notre parti, notre gouvernement ont (désormais) <strong>de</strong>s<br />

idées plus claires, plus sages, et plus intelligentes sur beaucoup <strong>de</strong> ces sujets. Etant donné que nous<br />

sommes susceptibles <strong>de</strong> commettre <strong>de</strong>s erreurs, nous nous accrochons à l’idée <strong>de</strong> faire ce qui est<br />

juste, le mieux pour le peuple, ce qui est le plus humain pour notre peuple et notre société.<br />

Cependant, la tâche n’est pas facile - mais je pense que nous nous approchons <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong>s<br />

critères les plus justes pour faire le mon<strong>de</strong> que nous voulons. Néanmoins, je crois que nous avons<br />

encore beaucoup <strong>de</strong> défauts et les générations futures <strong>de</strong>vront continuer à améliorer ce mon<strong>de</strong><br />

nouveau. "<br />

En 1992, au congrès <strong>de</strong> l’Union <strong>de</strong>s Jeunes Communistes, Vila Espin, prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> la Fédération<br />

<strong>de</strong>s Femmes <strong>Cuba</strong>ines (FFC - acronyme espagnol FMC, ndt) et un haut dirigeant du Parti<br />

Communiste défièrent un psychologue qui avait exprimé <strong>de</strong>s préjugés sur l’homosexualité. Espin,<br />

selon Sonja <strong>de</strong> Vries dans "<strong>Cuba</strong> Update", expliqua que c’était <strong>de</strong> telles idées qu’il fallait changer et<br />

non la préférence sexuelle <strong>de</strong>s gays. "L’opinion d’un révolutionnaire <strong>de</strong> longue date, et respecté, est<br />

représentatif <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s mentalités au sein <strong>de</strong>s dirigeants cubain" écrivit Vries.<br />

CASTRO ABORDE LE SUJET<br />

En 1992, Fi<strong>de</strong>l Castro répondait à plusieurs questions sur la sexualité posées par l’ancien dirigeant<br />

Sandiniste du gouvernement Nicaraguayen, Tomas Borge, dans le livre "Un Grain <strong>de</strong> Mais". Le livre,<br />

qui abor<strong>de</strong> différents sujets, fut publié à la Havane. Comme souvent le cas à <strong>Cuba</strong>, le livre s'est<br />

arraché et fut rapi<strong>de</strong>ment épuisé. Les remarques <strong>de</strong> Castro sont méconnus à l’extérieur <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>. Il<br />

est donc utile <strong>de</strong> les rappeler.<br />

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"Vous parlez <strong>de</strong> discrimination sexuelle," répond le dirigeant <strong>Cuba</strong>in à une question <strong>de</strong> Borge. "Je<br />

vous ai dit que nous avions éliminé la discrimination sexuelle. Plus précisément, nous avons fait tout<br />

ce qu’un gouvernement pouvait faire, qu’un état peut faire, pour éradiquer la discrimination sexuelle<br />

contre les femmes.<br />

"On pourrait parler d’une longue lutte, qui a été victorieuse, qui a donné beaucoup <strong>de</strong> résultats dans la<br />

lutte contre discrimination contre les femmes. Il y a encore beaucoup <strong>de</strong> machisme à <strong>Cuba</strong>. Je pense<br />

que son niveau est plus bas que partout ailleurs en Amérique latine, mais il y en a. Il fait partie <strong>de</strong> ce<br />

qui compose l’idiosynchratie <strong>de</strong> notre peuple <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles et qui a <strong>de</strong> nombreuses origines, qui<br />

vont jusqu’à l’influence Arabe en Espagne et l’influence <strong>de</strong>s Espagnols, parce que nous avons hérité<br />

du machisme <strong>de</strong>s conquistadors, comme nous avons hérité d’autres mauvaises habitu<strong>de</strong>s.<br />

"C’est un héritage historique. Il est plus important dans certains pays que dans d’autres, mais dans<br />

aucun pays il n’y a eu un combat comme chez nous et je crois que nulle part ailleurs il n’y a eu <strong>de</strong>s<br />

résultats aussi tangibles et concrets. C'est vrai, c’est quelque chose <strong>de</strong> visible, qu’on peut voir encore,<br />

et surtout, qui est visible dans la jeunesse. Mais on ne peut pas dire que la discrimination sexuelle a<br />

été totalement éradiquée et nous ne <strong>de</strong>vons pas baisser la gar<strong>de</strong>. Nous <strong>de</strong>vons continuer à lutter<br />

dans ce sens, parce qu’il s’agit d’un héritage historique ancestral que nous avons beaucoup<br />

combattu ; il y a eu <strong>de</strong>s avancées et <strong>de</strong>s améliorations, mais nous <strong>de</strong>vons poursuivre le combat.<br />

"Je ne vais pas nier que, dans une certaine mesure, ce machisme ait influencé notre attitu<strong>de</strong> vis-à-vis<br />

<strong>de</strong> l’homosexualité. Personnellement - vous m’avez posé une question personnelle - je n’ai aucune<br />

phobie contre les homosexuels. Réellement, cette phobie n’a jamais existé chez moi et je n’ai jamais<br />

défendu, encouragé ou même soutenu <strong>de</strong>s mesures contre les homosexuels. Je dirais que c’est dû à<br />

une certaine pério<strong>de</strong> et surtout à un certain héritage, ce machisme. J’essaie d’apporter <strong>de</strong>s réponses<br />

plus humaines, plus scientifiques à ce problème. Et souvent, il y a eu <strong>de</strong>s tragédies, parce qu’il faut<br />

voir les réactions <strong>de</strong> certains parents. Il y a <strong>de</strong>s parents qui ont un enfant homosexuel et qui en font<br />

une tragédie, et on ne peut que compatir <strong>de</strong>vant cette tragédie qui affecte l’individu.<br />

"Je ne considère pas l’homosexualité comme un phénomène <strong>de</strong> dégénérescence, je vois les choses<br />

sous un autre angle. L’approche est différente : une approche plus rationnelle, si on prend en compte<br />

les tendances et la nature <strong>de</strong>s êtres humains qui doivent tout simplement être respectées. C’est cela<br />

ma philosophie pour abor<strong>de</strong>r ces problèmes. Je crois qu’il faut avoir <strong>de</strong> la considération pour une<br />

famille qui souffre d’une telle situation. J’aurais aimé que les familles réagissent différemment, qu’ils<br />

aient une autre attitu<strong>de</strong> lorsque cela arrive. Je suis totalement opposé à toute forme <strong>de</strong> répression,<br />

mépris ou discrimination contre les homosexuels. Voilà ce que je pense."<br />

Borge <strong>de</strong>man<strong>de</strong> "Est-ce qu’un homosexuel peut être membre du Parti Communiste ?"<br />

"Ce que je peux vous dire," répond Castro, "c’est qu’il y a eu beaucoup <strong>de</strong> préjugés à cet égard, c’est<br />

vrai, c’est une réalité, je ne vais pas le nier ; mais il y a eu d’autres préjugés, d'une autre nature,<br />

contre lesquels nous avons concentré notre lutte.<br />

"Il y avait, par exemple, certains critères pour juger le comportement personnel d’un homme et<br />

d’autres critères pour juger celui d'une femme. C’était comme ça dans le Parti <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années et<br />

j’ai mené <strong>de</strong>s combats et beaucoup <strong>de</strong> discussions sur ce sujet. Si un homme marié était infidèle, ça<br />

ne posait aucun problème, aucun souci. A l’inverse, une infidélité chez une femme provoquait <strong>de</strong>s<br />

discussions dans les cellules du Parti. Les relations sexuelles étaient jugées différemment dans le cas<br />

d'un homme que dans le cas d’une femme. J’ai du me battre durement contre les tendances<br />

profondément enracinées qui n’étaient pas le résultat d’un sermon ou d’une doctrine, ou d’une<br />

éducation, mais le résultat <strong>de</strong>s concepts machistes et <strong>de</strong>s préjugés qui sont enracinés dans notre<br />

société.<br />

"Bien sur, je n’ai pas répondu à votre question sur l’amour libre. Je n’ai absolument aucune objection.<br />

Je ne sais pas ce qu’il faut entendre par amour libre. Si cela signifie la liberté d’aimer, je n’ai pas<br />

d’objection."<br />

Les remarques <strong>de</strong> Castro font le bilan <strong>de</strong>s progrès accomplis et <strong>de</strong>s défis en cours. Ces <strong>de</strong>rniers sont<br />

<strong>de</strong> plus en plus relevés par les nouvelles générations <strong>de</strong> jeunes révolutionnaires cubains, dont<br />

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eaucoup ont été influencés et éduqués dans les luttes pour la libération <strong>de</strong> la femme, pour les droits<br />

<strong>de</strong>s gays et contre les violences anti-gays à travers le mon<strong>de</strong>.<br />

LE PROGRES DEMONTRE PAR LES FILMS<br />

Un <strong>de</strong>s résultats concrets du processus déclenché par la rectification et la perte <strong>de</strong> l’influence<br />

soviétique après les événements <strong>de</strong> 1989-1990 est la production en 1993 du film "Fraise ou<br />

Chocolat", mis en scène par Tomás Gutiérrez. Son succès populaire, et les discussions provoquées,<br />

en firent un phénomène politique. Plus d’un million <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>ins ont vu le film, ce qui en fait peut-être le<br />

plus grand succès cinématographique jamais enregistré sur l’île. Le film remporta <strong>de</strong> nombreux prix<br />

importants à <strong>Cuba</strong> et à l’étranger.<br />

Le film est une critique contre les attitu<strong>de</strong>s doctrinaires et l’étroitesse d’esprit du Parti Communiste<br />

<strong>Cuba</strong>in et <strong>de</strong> l’Union <strong>de</strong>s Jeunes Communiste apparues dans les années 70 et début <strong>de</strong>s années 80.<br />

Le film explique qu’une décision <strong>de</strong> quitter l’île peut être certes le résultat <strong>de</strong> la pression exercée par<br />

les Etats-Unis, ou d'une faiblesse <strong>de</strong> caractère. Mais elle peut aussi être le résultat et le prix à payer<br />

par la Révolution pour ses déficiences et ses erreurs. Fait rare, l’injustice <strong>de</strong> l’UMAP est mentionnée<br />

dans le film. Les préjugés anti-gays y sont disséqués. Le film laisse entendre que <strong>de</strong> telles attitu<strong>de</strong>s<br />

sont contraires à l’humanisme même <strong>de</strong> la révolution. (le film est basé sur une pièce <strong>de</strong> théâtre <strong>de</strong><br />

1992, "Le Loup, les Bois et l’Homme Nouveau", tirée d’une nouvelle <strong>de</strong> Senel Paz.)<br />

Gutierrez, connu familièrement comme Titon, expliqua en 1995 dans une interview à la revue<br />

"Cineaste" qu’il avait situé le film dans l’année 1979 parce que celle-ci représentait "la fin d’une<br />

pério<strong>de</strong> historique, parce que l’exo<strong>de</strong> <strong>de</strong> Mariel eut lieu en 1980 et les choses commencaient à<br />

changer. <strong>La</strong> pério<strong>de</strong> d'avant 1979 était aussi une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> répression contre les<br />

homosexuels."<br />

"A certaines pério<strong>de</strong>s" <strong>de</strong> la Révolution, expliqua Titon, "les homosexuels avaient été interdits <strong>de</strong><br />

certains emplois. Ils ont été interdits d’emploi dans l’éducation, par exemple, puisqu’il y avait <strong>de</strong>s<br />

contacts avec les jeunes. Il y a maintenant une plus gran<strong>de</strong> flexibilité pour les homosexuels en matière<br />

d’emploi. Par exemple, avant, lorsqu’il s’agissait <strong>de</strong> nommer <strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong> à l’étranger, il<br />

y avait <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s réticences dans le cas <strong>de</strong>s homosexuels. Beaucoup s'opposaient à l’attribution <strong>de</strong><br />

tels postes aux homosexuels parce qu’ils pensaient que ces <strong>de</strong>rniers étaient plus vulnérables aux<br />

scandales et aux chantages - mais <strong>de</strong> nos jours les choses ont beaucoup changé pour les<br />

homosexuels. De nombreux homosexuels <strong>Cuba</strong>ins affichent ouvertement leur orientation sexuelle.<br />

D’autres ne le font pas - comme partout ailleurs - mais il y a désormais un meilleur niveau <strong>de</strong> prise <strong>de</strong><br />

conscience en ce qui concerne l‘homosexualité."<br />

A la Havane en 1994, un jeune artiste et révolutionnaire <strong>Cuba</strong>in m’a raconté l’histoire <strong>de</strong> sa visite à<br />

son père, un paysan, "un communiste très convaincu." Aramis me raconta comment il avait laissé<br />

pousser ses cheveux jusqu’aux épaules <strong>de</strong>puis sa <strong>de</strong>rnière visite, ce qui n’était pas très bien vu<br />

jusqu’au début <strong>de</strong>s années 90, et était considéré comme un symbole d'une corruption par les valeurs<br />

<strong>de</strong> l’occi<strong>de</strong>nt consumériste. "Mon père m’a dit, "tu as l’air d'un pédé avec ces cheveux, va les faire<br />

couper ou sors <strong>de</strong> chez moi," J’ai ramassé mes affaires et j’ai commencé à sortir. Je lui au dit, "Tu es<br />

censé être un communiste, un partisan <strong>de</strong> la liberté, <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme. Je suis ton fils, tu <strong>de</strong>vrais<br />

m’aimer que je sois ou non un homosexuel. Quel genre <strong>de</strong> communiste es-tu ?" Et j’ai commencé à<br />

partir. Il n’a rien dit. Je suis arrivé à la porte et là il a dit "Attends. Tu as raison. Tu peux rester. Pas<br />

besoin <strong>de</strong> te couper les cheveux. Il faut que j’y réfléchisse." Alors nous nous sommes embrassés et je<br />

suis resté."<br />

On peut imaginer la répétition <strong>de</strong> telles scènes (réminiscences du "fossé <strong>de</strong>s générations" et <strong>de</strong>s<br />

conflits qui ont éclatés dans les années 60 aux Etats-Unis - qui étaient aussi le reflet <strong>de</strong> conflits et <strong>de</strong><br />

désaccords politiques) dans <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> foyers cubains tandis que la jeune génération confrontait<br />

les anciens tabous qui coexistaient difficilement avec les perspectives révolutionnaires <strong>de</strong> leurs<br />

parents.<br />

Le documentaire "Gay <strong>Cuba</strong>", <strong>de</strong> 1994 par Sonja <strong>de</strong> Vries, par le biais <strong>de</strong> l’histoire et <strong>de</strong>s avancées <strong>de</strong><br />

la révolution cubaine, explore avec franchise l’évolution du traitement <strong>de</strong> l’homosexualité et <strong>de</strong>s<br />

homosexuels. Il s’attar<strong>de</strong> sur les changements <strong>de</strong> comportement et l’acceptation croissante <strong>de</strong>s gays<br />

et lesbiennes au sein <strong>de</strong> la société et <strong>de</strong> la culture cubaine. Certaines interviews en particulier<br />

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évoquent les progrès accomplis : débats entre soldats, commentaires <strong>de</strong> jeunes cubains, et l’attitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s ouvriers, dont un responsable syndical local gay. <strong>La</strong> Fédération <strong>de</strong>s Femmes <strong>Cuba</strong>ines organisa<br />

une projection du film à la Havane.<br />

L’année suivante, le documentaire cubain "Mariposas en el Andamio" (Papillons sur l’Echafaud, ndt),<br />

<strong>de</strong> Margaret Gilpin et Luis Felipe Bernaza, fut présenté. Il raconte l’histoire <strong>de</strong> travestis cubains issus<br />

<strong>de</strong> la classe ouvrière qui s’intègrent dans la vie sociale <strong>de</strong> la banlieue <strong>La</strong> Guinera à la Havane, et<br />

comment ils réussissent à créer une coalition <strong>de</strong> dirigeantes <strong>de</strong> la briga<strong>de</strong> locale <strong>de</strong> construction, et<br />

raconte le show qu'ils présentent dans les locaux d'une cantine ouvrière.<br />

CONTRASTES AVEC LES ETATS-UNIS<br />

En 1997, le nombre <strong>de</strong> séropositifs à <strong>Cuba</strong> était dix fois inférieur à celui du comté <strong>de</strong> Los Angeles,<br />

dont la population est légèrement inférieure à celle <strong>de</strong> l’île. A <strong>Cuba</strong>, les soins pour les patients<br />

séropositifs est gratuit et volontaire - que ce soit pour les soins à domicile ou dans un établissement<br />

spécialisé. Ceci est vrai aussi pour les personnes atteintes d’autres maladies. Un programme<br />

d’éducation promue par le gouvernement fait appel à <strong>de</strong>s séropositifs pour intervenir dans les écoles<br />

et expliquer les mesures <strong>de</strong> prévention. Aujourd’hui, <strong>Cuba</strong> a le plus faible taux <strong>de</strong> séropositifs au<br />

mon<strong>de</strong>.<br />

Le sentiment <strong>de</strong> haine que l’extrême droite éprouve envers les homosexuels - illustré par le lynchage<br />

et le meurtre du jeune homosexuel Matthew Shepard en 1998 dans le Wyoming - n’existe pas à <strong>Cuba</strong>.<br />

Des lois contre la sodomie furent promulguées au Nicaragua au début <strong>de</strong>s années 90 et un haut<br />

dirigeant Malaisien fut <strong>de</strong>mis <strong>de</strong> ses fonctions et emprisonné l’année <strong>de</strong>rnière (ie 1999 - ndt). Des lois<br />

similaires ont été confirmées par <strong>de</strong>s Cours Constitutionnelles aux Etats-Unis. De telles lois n’existent<br />

pas à <strong>Cuba</strong>.<br />

A <strong>Cuba</strong>, les escadrons <strong>de</strong> la mort qui "nettoient" les rues du Brésil ou <strong>de</strong> la Colombie <strong>de</strong>s travestis et<br />

autres "détritus <strong>de</strong> la société" , ou autres actes <strong>de</strong> violence en rapport avec l’homosexualité, sont<br />

inconnus. Les lieux publics où se réunissent les gays ne font pas l’objet d’un harcèlement par la<br />

police.<br />

Dans leurs chansons, les rappeurs populaires cubains ne parlent pas <strong>de</strong> tuer les femmes et les pédés.<br />

Les gays et et les lesbiennes cubains obtiennent la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> leurs enfants biologiques et peuvent<br />

adopter <strong>de</strong>s enfants. <strong>La</strong> position <strong>de</strong> Centre National pour l’Education <strong>Sexuelle</strong>, <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong>s<br />

années 90, est que l’homosexualité est une forme normale du comportement humain.<br />

Face à cette situation, Washington et tous les pourvoyeurs <strong>de</strong>s lumières culturelles étasuniennes<br />

feraient mieux <strong>de</strong> se taire lorsqu’ils parlent d’atteintes aux droits <strong>de</strong>s homosexuels à <strong>Cuba</strong>.<br />

Les progrès accomplis à <strong>Cuba</strong> montrent que les gays et les lesbiennes peuvent prendre toute leur<br />

place dans la vie <strong>de</strong> tous les jours, mieux que dans n’importe quel autre pays du tiers-mon<strong>de</strong>. <strong>Cuba</strong><br />

est un exemple pour les dizaines <strong>de</strong> millions d’homosexuel(le)s qui combattent pour leur liberté. Il est<br />

vrai qu’il reste encore du chemin à faire. Comme me l’a fait remarquer un jeune gay cubain en 1998,<br />

"comment se fait-il qu’on peut voir à la télévision cubaine un film d’action <strong>de</strong> Stephen Segal alors que<br />

"Fraise et Chocolat" n’a jamais été diffusé ?"<br />

LE COMBAT POUR LE CHANGEMENT AVEC L’APPUI DE LA REVOLUTION<br />

D’autres avancées à <strong>Cuba</strong> seront déterminées par <strong>de</strong>s initiatives prises dans le cadre <strong>de</strong> la défense<br />

<strong>de</strong> la révolution. L’injonction formulée en 1984 par Tomás Gutiérrez est plus vraie que jamais.<br />

Fi<strong>de</strong>l Castro et Raul Castro se sont récemment exprimés, et ils le font <strong>de</strong> plus en plus souvent, et en<br />

termes clairs, sur la nécessité d’abor<strong>de</strong>r le problème <strong>de</strong> la "marginalisation" <strong>de</strong>s noirs et <strong>de</strong>s femmes -<br />

problèmes <strong>de</strong> la société cubaine qu’une législation sur l’égalité <strong>de</strong>s chances n’a pas réussi à<br />

résoudre. Ce problème a été abordé dans les média cubains et tout un ensemble <strong>de</strong> militants<br />

politiques, et il s’illustre par une contestation <strong>de</strong>s organisations existantes et la création <strong>de</strong> nouvelles.<br />

Par exemple, la création récente <strong>de</strong> "Colores <strong>Cuba</strong>nos", affiliée à l’UNEAC, milite pour une meilleure<br />

représentation <strong>de</strong>s réalités multiraciales, multiculturelles <strong>de</strong> la nation dans les domaines <strong>de</strong> l’art, <strong>de</strong> la<br />

musique, du cinéma, <strong>de</strong> la télévision et <strong>de</strong> la littérature.<br />

LA PORTE EST OUVERTE<br />

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Lors d’une interview télévisée nationale en 2000, Raul Castro aborda ce thème. En annonçant que<br />

l’avenir <strong>de</strong>vra être un avenir <strong>de</strong> luttes," il souligna "qu’il y avait encore beaucoup <strong>de</strong> terrain à couvrir."<br />

Ceci inclut "<strong>de</strong>s droits qu’il faut conquérir et re-conquérir. C’est l’un <strong>de</strong>s principaux objectifs <strong>de</strong> la<br />

bataille <strong>de</strong>s idées." <strong>La</strong> conquête et la re-conquête <strong>de</strong>s droits ne peuvent être réalisées que par la lutte<br />

dont le succès produira <strong>de</strong> nouvelles générations <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>ins et <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong>ines plus libres, plus<br />

confiants. Les révolutionnaires cubains sont tout à fait conscients que leurs propres combats sont liés<br />

aux combats menés partout ailleurs dans le mon<strong>de</strong> contre l’oppression et l’exploitation. Et ces<br />

<strong>de</strong>rniers, comme le montre le contexte international, prennent <strong>de</strong> l’ampleur.<br />

Le point <strong>de</strong> vue énoncé par Raul Castro sous-entend une plus gran<strong>de</strong> expression et une meilleure<br />

pratique <strong>de</strong> la libération humaine et sociale, y compris pour les gays. Un facteur essentiel qui a joué<br />

en faveur du progrès dans ce domaine a été l’interaction entre le combat international pour les droits<br />

<strong>de</strong>s homosexuels et la Révolution cubaine, particulièrement dans l’atmosphère plus tolérante du<br />

milieu <strong>de</strong>s années 80. Dans le même temps, les valeurs progressistes forgées par les luttes<br />

internationales dans les années 60 et 70 contre la guerre, le racisme, la répression, et pour la<br />

libération <strong>de</strong>s femmes - qui a porté en elle la gestation <strong>de</strong> la libération du mouvement gay - furent<br />

renforcées par l’exemple <strong>de</strong> <strong>Cuba</strong> qui remettait en cause le statu quo bourgeois.<br />

Tous ces changements permettent <strong>de</strong> reconsidérer les conclusions politiques <strong>de</strong> <strong>Reinaldo</strong> <strong>Arenas</strong>. En<br />

vérité, l'atmosphère euphorique <strong>de</strong> la Révolution avait permis à un adolescent rural <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> sa<br />

misère d'avant 1959 et <strong>de</strong> développer ses véritables dons et son talent - et ceci, quelqu'ait été son<br />

évolution anticommuniste par la suite. Je l'ai appris pas hasard lors d'une conversation en 1995 avec<br />

un jeune poète cubain qui faisait une conférence aux Etats-Unis. Nous étions en train <strong>de</strong> parler<br />

d'écrivains cubains, et le nom <strong>de</strong> <strong>Reinaldo</strong> <strong>Arenas</strong> fut mentionné. Ne le connaissant que par sa<br />

réputation politique, j'ai dit quelque chose <strong>de</strong> désobligeant. Le poète m'a regardé fixement et m'a dit,<br />

"vous savez, vous ne pouvez pas comprendre la littérature cubaine contemporaine si vous ne lisez<br />

pas <strong>Arenas</strong>."<br />

* * * *<br />

Au début <strong>de</strong>s années 60, Fi<strong>de</strong>l Castro déclara que la Révolution <strong>Cuba</strong>ine "doit être l'école d'une<br />

pensée sans entraves". Une telle liberté était indispensable à la survie d'un peuple libre et souverain<br />

situé à 150 km seulement <strong>de</strong>s Etats-Unis. C'était une nécessité élémentaire pour tous ceux qui<br />

apprenaient, dans les laboratoires d'une révolution, à créer une nouvelle nation, à la défendre et à<br />

étendre la solidarité qu'ils avaient reçue à toutes les autres luttes dans le mon<strong>de</strong>, contre l'injustice et<br />

l'exploitation, auxquelles ils s'i<strong>de</strong>ntifiaient sans réserves. Pour sa capacité à résister pendant plus <strong>de</strong><br />

40 ans à toutes les formes possibles <strong>de</strong> pression imaginées par les Etats-Unis, sans concé<strong>de</strong>r un seul<br />

<strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> la révolution, <strong>Cuba</strong> a largement mérité les honneurs.<br />

Gagner la "bataille <strong>de</strong>s idées" est la version actualisée <strong>de</strong> ce que Fi<strong>de</strong>l avait déclaré il y a plus <strong>de</strong> 30<br />

ans. Elle est toujours d'une actualité brûlante. A cet égard, les révolutionnaires cubains ont démontré -<br />

à tous ceux qui font l'effort d'étudier et d'apprendre - que même les erreurs les plus graves commises<br />

dans le feu <strong>de</strong> l'action peuvent être confrontées, débattues et corrigées. Une telle métho<strong>de</strong> politique<br />

n'a fait que renforcer le confiance en soi <strong>de</strong>s travailleurs cubains, et ai<strong>de</strong> à la préparation <strong>de</strong>s<br />

nouvelles générations <strong>de</strong> dirigeants.<br />

Tout ceci démontre que le processus cubain est vivant et libérateur. En fin <strong>de</strong> compte, la révolution<br />

cubaine apporte une contribution décisive à tous ceux qui luttent pour un mon<strong>de</strong> plus juste et plus<br />

humain.<br />

FIN<br />

Jon Hillson (1949-2004), militant politique et syndicaliste à Los Angeles, il s'est engagé dans la solidarité avec la<br />

révolution cubaine pendant plus <strong>de</strong> 30 ans, organisant <strong>de</strong> nombreuses délégations sur l'île et s'y rendant<br />

fréquemment. Il a beaucoup écrit sur la révolution cubaine, dont un article en 1998 sur la lutte contre le SIDA et<br />

l'éducation sexuelle à <strong>Cuba</strong>, publié en première page du journal LA OPINION, le plus grand quotidien<br />

hispanophone <strong>de</strong>s Etats-Unis. Dans les années 90, plusieurs <strong>de</strong> ses poèmes furent publiés dans différents<br />

journaux à travers le pays. Une première version <strong>de</strong> cet article fut publié en anglais par le site<br />

http://www.seeingred.com/ . Jon Hillson est mort à Los Angeles le 29 janvier 2004.<br />

Traduction <strong>Cuba</strong> <strong>Solidarity</strong> <strong>Project</strong><br />

http://v<strong>de</strong>daj.club.fr/cuba/


(Version espanol : http://www.blythe.org/arenas-s.html )<br />

Voir aussi :<br />

LE STATUT DES GAIS À CUBA : MYTHES ET RÉALITÉS<br />

http://v<strong>de</strong>daj.club.fr/spip/spip.php?article406<br />

LES GAYS A CUBA, ET L’ECOLE DE FALSIFICATION DE HOLLYWOOD.<br />

http://v<strong>de</strong>daj.club.fr/spip/spip.php?article7<br />

Pour un article con<strong>de</strong>nsé sur le même sujet, consulter (en anglais)<br />

Old Trash in New Buckets: Be Alert to "Before Night Falls"<br />

http://www.blythe.org/bnf.html<br />

NY Transfer News More Information on Gay <strong>Cuba</strong><br />

Sonja DeVries' "Gay <strong>Cuba</strong>" at BrightLights Films<br />

http://www.brightlightsfilm.com/17/08a_gaycuba.html<br />

You can also or<strong>de</strong>r "Gay <strong>Cuba</strong>" at Frameline<br />

http://catalog.frameline.org/<strong>de</strong>tail.ls?tid=54<br />

A variety of viewpoints on <strong>Cuba</strong> are at BlackLight<br />

http://www.blacklightonline.com/cuba.html<br />

University of Texas Stu<strong>de</strong>nts Alliance Gay <strong>Cuba</strong> site<br />

http://www.utexas.edu/stu<strong>de</strong>nts/alliance/gaycuba.html<br />

Traduction <strong>Cuba</strong> <strong>Solidarity</strong> <strong>Project</strong><br />

http://v<strong>de</strong>daj.club.fr/cuba/

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