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de toutes les paroles reçues). C’est parce<br />
qu’elle s’attaque aux rapports du suj<strong>et</strong> (qui est<br />
toujours social) <strong>et</strong> du langage, parce qu’elle<br />
s’attaque au champ symbolique <strong>et</strong> au procès<br />
du signe, que l’écriture apparaît comme une<br />
pratique de contre-division des langages.<br />
Et pour revenir encore ou enfin à la question du<br />
peuple (mais il nous faut accepter les détours<br />
<strong>et</strong> détournements de la pensée <strong>et</strong>, comme<br />
disait Cavafy, Ithaque est une île merveilleuse<br />
surtout parce qu’elle perm<strong>et</strong> à Ulysse de faire<br />
un extraordinaire voyage), du peuple <strong>et</strong> de sa<br />
voix, de ses parlers, disons que l’écriture seule<br />
a le pouvoir de véritablement mélanger les parlers,<br />
de créer entre eux de l’interlocution, de<br />
constituer une hétérologie des savoirs, de donner<br />
au langage une dimension carnavalesque.<br />
Seule l’écriture est capable d’assumer la diversité<br />
comme la violence des parlers ; seule<br />
l’écriture nous perm<strong>et</strong> de ne pas renoncer à la<br />
jouissance d’un langage dé-situé, désaliéné, <strong>et</strong><br />
d’assumer une philosophie plurielle des langages.<br />
Seule l’écriture nous propose c<strong>et</strong>te utopie,<br />
c<strong>et</strong> ailleurs qui a un nom : LE TEXTE. La<br />
production d’écriture, qui est une production<br />
souverainement libre, c’est-à-dire un langage<br />
irrespectueux, déclivé, non plus de communication<br />
mais d’interlocution au sein d’une même<br />
langue, d’un même idiome, dont nous apprenons<br />
les infinis possibles en même temps que<br />
ses contraintes à dépasser, que ses limites à<br />
repousser. Seule l’écriture peut déjouer toute<br />
arrogance du système, toute rhétorique, toute<br />
loi de genre. Elle ne supprime pas la guerre<br />
des langages, mais la déplace dans un ailleurs<br />
où c’est enfin le désir qui peut circuler, <strong>et</strong> non la<br />
domination…<br />
Soyons pro-verbe…<br />
Suite à c<strong>et</strong>te déferlante barthienne je r<strong>et</strong>rouve<br />
mes moutons à la crête des vagues de c<strong>et</strong>te<br />
pensée si précise <strong>et</strong> je propose donc c<strong>et</strong> exercice<br />
d’élaboration collective d’une écriture orale à<br />
partir d’un proverbe.<br />
Je prends le proverbe précisément parce qu’il<br />
est, dans une langue donnée, dans un groupe<br />
social donné, une expression figée qui communique<br />
un “bon sens populaire” ; parce qu’il est<br />
lui-même une portion de langage partagé grâce<br />
auquel on se dit quelque chose (de plus ou<br />
moins explicite suivant les proverbes !) sans<br />
prendre la peine de dire autre chose ; grâce<br />
auquel on peut se rassembler, se ressembler<br />
(dans une compétence commune), mais aussi<br />
grâce auquel on peut exclure celui qui ne le partage<br />
pas (comprend pas, parle pas). Dans de<br />
nombreuses cultures, d’ailleurs (Afrique,<br />
•••<br />
•••<br />
Enfin, le réseau comprend aussi un restaurant<br />
: le Vieux Puits à Espagnac où ont lieu, tous<br />
les trois mois, le dimanche après-midi, les "goûters<br />
du Doc" (une projection <strong>et</strong> un goûter offert<br />
par Régine Lagorce, la restauratrice). Et, bien<br />
sûr, les projections continuent à Tulle (les mercredis<br />
du Doc), une fois par mois, ainsi que des<br />
journées thématiques.<br />
Ainsi, il ne s'agit pas d'une position classique de<br />
salle de cinéma, de festival documentaire ou<br />
d’association spécialisée qui construit une programmation<br />
<strong>et</strong> la propose à un “ public ” mais<br />
bien d'une situation de participation effective de<br />
la population touchée. Dans ces p<strong>et</strong>ites communes,<br />
les groupes constitués proposent des<br />
thématiques, visionnent des films, consultent des<br />
catalogues, des programmes, des bases de données<br />
<strong>et</strong> font un choix (souvent très discuté) en<br />
se déterminant pour tel ou tel film, tel ou tel réalisateur...<br />
Si bien que l'important n'est pas seulement<br />
le contenu <strong>et</strong> l'organisation de la diffusion<br />
mais aussi les processus que cela m<strong>et</strong> en jeu,<br />
tant au niveau de la connaissance du cinéma<br />
documentaire que de la vie sociale <strong>et</strong> culturelle<br />
dans les communes concernées. On sait, à c<strong>et</strong><br />
égard, que les démarches collectives <strong>et</strong> de réelle<br />
participation de la population à des actions culturelles<br />
sont rares.<br />
Cinéma documentaire mode d’emploi<br />
Avant tout la conviction que le documentaire constitue<br />
un formidable outil d'éducation populaire. Plaisir de<br />
regarder ensemble, de partager collectivement des<br />
émotions cinématographiques, humaines <strong>et</strong> politiques,<br />
questionnement sur soi <strong>et</strong> sur le monde, envie de faire<br />
partager à d'autres les films <strong>et</strong> les réalisateurs<br />
découverts.<br />
Aller tout au long de l'année là où le documentaire<br />
n'arrive jamais d'habitude... dans des p<strong>et</strong>ites<br />
communes, des salles non équipées, des granges, chez<br />
l'habitant, en plein air, dans un château... avec des<br />
projections sur grand écran <strong>et</strong> en numérique pour une<br />
bonne qualité d'image.<br />
R<strong>et</strong>rouver le goût du débat collectif le plus souvent<br />
possible en présence des réalisateurs* ou de personnes<br />
ressources.<br />
Associer concrètement des spectateurs actifs<br />
(individuellement ou collectivement) aux choix des films<br />
<strong>et</strong> à l'organisation des projections <strong>et</strong> des échanges.<br />
* Réalisateurs qui sont venus en Corrèze à l’invitation de <strong>Peuple</strong> <strong>et</strong> <strong>Culture</strong><br />
depuis octobre 2001, début de l’activité : Alima Araouali, Simone Bitton,<br />
Claudine Bories, Chantal Bri<strong>et</strong>, Dominique Cabrera, Jean Louis Comolli, Céline<br />
Cros, Jean Charles Deniau, Anne Galland, André Gazut, Denis Gheerbrant,<br />
Sylvie Gilman, Frédéric Goldbronn, Stéphane Goxe, Laurent Hasse, Patrick Jan,<br />
Patric Jean, Anne Lainé, Gin<strong>et</strong>te Lavigne, Thierry de Lestrade, Cyril<br />
Mennegun, Didier Nion, Christophe Otzenberger, Agnès Poirier, Catherine<br />
Pozzo Di Borgo, Jean-François Raynaud, Djamila Sahraoui, Catherine<br />
Treffousse, Marcel Trillat, René Vautier, Luc Verdier-Korbel...<br />
Les producteurs : Jérôme Amimer (Leitmotiv Productions), Jean-François<br />
Raynaud <strong>et</strong> Yves Campana (JFR Productions), Inger Servolin (ISKRA),<br />
Catherine Treffousse (Lilith Productions),<br />
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LETTRE N° 29/HIVER 2004-2005