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grand evangile de jean, tome 3 - J. Lorber en francais introduction et ...

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GRAND<br />

EVANGILE<br />

DE JEAN<br />

TOME 3<br />

Rélévations du Christ<br />

à Jacob <strong>Lorber</strong><br />

Traduit <strong>de</strong> l'allemand<br />

par Catherine Barr<strong>et</strong><br />

HELIOS


Titre original :<br />

Johannes, das Grosse Evangelium, Band 3.<br />

Empfang<strong>en</strong> vom Herrn durch Jakob <strong>Lorber</strong>.<br />

<strong>Lorber</strong> Verlag, Postfach 1851,<br />

D-74308 Bi<strong>et</strong>igheim-Bissing<strong>en</strong><br />

Pour la traduction française :<br />

© Editions HELIOS 1995<br />

Case Postale 3586<br />

CH-1211 G<strong>en</strong>ève 3<br />

ISBN 2-88063-154-8<br />

2


Avertissem<strong>en</strong>t<br />

Bi<strong>en</strong>-aimés, n'ajoutez pas foi à tout esprit, mais éprouvé les esprits pour voir s'ils<br />

sont <strong>de</strong> Dieu, car beaucoup <strong>de</strong> faux prophètes sont v<strong>en</strong>us dans le mon<strong>de</strong>. À ceci<br />

reconnaissez l'esprit <strong>de</strong> Dieu : tout esprit qui confesse Jésus Christ v<strong>en</strong>u dans la<br />

chair est <strong>de</strong> Dieu ; <strong>et</strong> tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas <strong>de</strong> Dieu ; c'est<br />

là l'esprit <strong>de</strong> l'Antichrist, dont on vous a annoncé la v<strong>en</strong>ue, <strong>et</strong> qui, dès maint<strong>en</strong>ant,<br />

est dans le mon<strong>de</strong>.<br />

Chapitre premier<br />

De l'oracle <strong>de</strong> Delphes<br />

Jésus dans la région <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe<br />

Matthieu, chap. 16 (suite)<br />

(Jean, l ère Épitre, 4, 1-3.)<br />

1. (Le capitaine Jules) : « Il y eut <strong>de</strong> tout temps chez les Grecs <strong>et</strong> les Romains <strong>de</strong>s<br />

hommes qui, sans être <strong>de</strong>s Juifs ni avoir été formés dans les écoles juives <strong>de</strong>s<br />

prophètes, ont pourtant reçu l'inspiration divine <strong>et</strong> l'ont reconnue comme telle.<br />

2. Lorsque Crésus, roi <strong>de</strong>s Lydi<strong>en</strong>s, voulut partir <strong>en</strong> guerre contre les Perses, il<br />

eut assurém<strong>en</strong>t très à cœur <strong>de</strong> connaître à l'avance si c<strong>et</strong>te guerre tournerait ou<br />

non à son avantage. Mais qui pouvait l'éclairer sur ce point ? Après réflexion, il<br />

se dit : "Il existe quantité d'oracles ; l'un <strong>de</strong>ux saura peut-être me dire la vérité !<br />

Mais qui pourra <strong>en</strong>suite déci<strong>de</strong>r lequel aura dit la vérité ?" Il réfléchit <strong>en</strong>core <strong>et</strong><br />

dit : "Ah ! Je soum<strong>et</strong>trai d'abord tous ces oracles à une épreuve, <strong>et</strong> l'on verra bi<strong>en</strong><br />

alors lequel il faut interroger !"<br />

3. Il prit un agneau <strong>et</strong> une tortue, les coupa <strong>en</strong> p<strong>et</strong>its morceaux, les mit <strong>en</strong>semble<br />

dans une marmite d'airain qu'il couvrit d'un couvercle égalem<strong>en</strong>t d'airain <strong>et</strong> mit<br />

ce mélange à cuire sur le feu. Auparavant, cep<strong>en</strong>dant, il avait <strong>en</strong>voyé à Delphes,<br />

à Abéa <strong>en</strong> Phocée, à l'antique sanctuaire <strong>de</strong> Dodome ainsi qu'à ceux<br />

d'Amphiaraos <strong>et</strong> <strong>de</strong> Trophonios (*) , <strong>de</strong>s <strong>en</strong>quêteurs chargés <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à l'oracle,<br />

le c<strong>en</strong>tième jour après leur départ <strong>de</strong> Sar<strong>de</strong>s, ce que faisait le roi <strong>en</strong> c<strong>et</strong> instant ;<br />

car c'était le jour conv<strong>en</strong>u pour la cuisson <strong>de</strong> l'agneau <strong>et</strong> <strong>de</strong> la tortue.<br />

4. La plupart <strong>de</strong>s oracles répondir<strong>en</strong>t si confusém<strong>en</strong>t que nul n'eût pu ri<strong>en</strong> y<br />

compr<strong>en</strong>dre ; quant à l'oracle <strong>de</strong> Delphes, il répondit, selon sa coutume, <strong>en</strong><br />

hexamètres :<br />

5. "Vois, je compte le sable (**) , <strong>de</strong> la mer je connais les lointains, / j'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds les<br />

(*) Dodome était le plus vénérable sanctuaire <strong>de</strong> Zeus, avec <strong>de</strong>s exégètes célèbres,<br />

les Selles. À Lébadée se trouvait le sanctuaire consacré au héros Trophonios, à<br />

Thèbes celui consacré à Amphiaraos. (N.d.T. : c<strong>et</strong>te note est due à Jean Stahl,<br />

dont nous repr<strong>en</strong>ons <strong>en</strong> partie la traduction <strong>de</strong>s 18 premiers chapitres <strong>de</strong> ce<br />

volume.)<br />

(**) C'est-à-dire le temps.<br />

3


mu<strong>et</strong>s eux-mêmes <strong>et</strong> ceux qui gar<strong>de</strong>nt le sil<strong>en</strong>ce ! / Une o<strong>de</strong>ur à prés<strong>en</strong>t frappe<br />

mes s<strong>en</strong>s, comme celle <strong>de</strong> la tortue cuisant dans l'airain, mêlée à la chair <strong>de</strong><br />

l'agneau ; / l'airain est <strong>de</strong>ssous <strong>et</strong> l'airain la recouvre."<br />

6. L'ayant ainsi éprouvé, le roi <strong>de</strong>manda à l'oracle <strong>de</strong> Delphes s'il <strong>de</strong>vait partir <strong>en</strong><br />

campagne contre les Perses, <strong>et</strong>, comme l'on sait, il lui fut répondu que s'il<br />

franchissait l'Halys, un <strong>grand</strong> royaume serait détruit ! Il interrogea l'oracle une<br />

troisième fois afin <strong>de</strong> savoir si son règne durerait longtemps. Et la Pythie<br />

répondit :<br />

7. "Le jour où un mul<strong>et</strong> régnera sur les Mè<strong>de</strong>s, / alors, Lydi<strong>en</strong> au pied t<strong>en</strong>dre, fuis<br />

vers les rochers <strong>de</strong> l'Hermos ! / N'hésite pas ni ne crains l'infamie d'une hâte<br />

pusillanime !"<br />

8. Selon l'interprétation donnée par l'oracle lui-même après la capture <strong>de</strong> Crésus,<br />

le mul<strong>et</strong> désignait son vainqueur Cyrus, car il était né d'une princesse mè<strong>de</strong>, fille<br />

d'Astyage, <strong>et</strong> d'un père Perse, suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te princesse.<br />

9. Ce même Crésus <strong>de</strong>manda aussi un jour à l'oracle si son fils, qui était mu<strong>et</strong>,<br />

pouvait guérir, <strong>et</strong> il reçut c<strong>et</strong>te réponse :<br />

10. "Lydi<strong>en</strong>, quoique prince puissant, n'espère pas, dans ton cœur ins<strong>en</strong>sé, /<br />

Ent<strong>en</strong>dre un jour dans ton palais la voix perdue <strong>de</strong> ton fils. En vérité, cela te sera<br />

plus utile : / Sache qu'il parlera au jour le plus funeste !"<br />

11. Et voici que le jour <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> Sar<strong>de</strong>s, un Perse furieux se précipita sur<br />

Crésus pour le massacrer. La crainte <strong>et</strong> la frayeur délièr<strong>en</strong>t la langue du fils, <strong>et</strong> il<br />

dit : "Homme, ne tue pas Crésus !" Ce fur<strong>en</strong>t les premières paroles du fils mu<strong>et</strong>,<br />

<strong>et</strong> il put désormais parler sa vie durant.<br />

12. Comme je l'ai déjà dit, c<strong>et</strong> oracle n'était pas un temple <strong>de</strong> sagesse formé à<br />

l'école juive <strong>de</strong>s prophètes. Mais, après les véridiques exemples que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

citer, qui pourrait lui contester une inspiration divine ? »<br />

Chapitre 2<br />

Des apparitions d'êtres supérieurs<br />

1. (Jules :) « De même, la tradition nous a fait connaître, à nous Romains, bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s cas où un Socrate, un Platon, un Aristi<strong>de</strong> <strong>et</strong> quantité d'autres sages avai<strong>en</strong>t<br />

constamm<strong>en</strong>t auprès d'eux un génie (*) qui les instruisait <strong>et</strong> leur donnait<br />

constamm<strong>en</strong>t, selon la capacité <strong>de</strong> leurs cœurs, <strong>de</strong> sages leçons <strong>et</strong>, au besoin, un<br />

avis sûr ; <strong>et</strong> celui d'<strong>en</strong>tre eux qui ne suivait pas c<strong>et</strong> avis <strong>de</strong>vait s'att<strong>en</strong>dre à <strong>en</strong><br />

subir les fâcheuses conséqu<strong>en</strong>ces.<br />

2. Lorsqu'on sait cela, par la tradition historique, mais aussi par expéri<strong>en</strong>ce<br />

personnelle, un phénomène comme celui auquel vous v<strong>en</strong>ez d'assister ici ne<br />

semble plus aussi inadmissible. Bref, nous savons, tant par <strong>de</strong> nombreux témoignages<br />

que par nos expéri<strong>en</strong>ces prés<strong>en</strong>tes, que <strong>de</strong>s êtres supérieurs vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à<br />

nous, les hommes, bi<strong>en</strong> plus souv<strong>en</strong>t que beaucoup ne le p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t, se font<br />

(*) Ici, esprit protecteur. (Note <strong>de</strong> l'édition alleman<strong>de</strong>.)<br />

4


connaître <strong>de</strong> nous <strong>de</strong> diverses manières <strong>et</strong> nous inform<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toutes sottes <strong>de</strong><br />

choses ; <strong>et</strong> s'il <strong>en</strong> est ainsi, la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ange n'est assurém<strong>en</strong>t pas un<br />

phénomène aussi inhabituel qu'on le croirait au premier abord !<br />

3. Quant au fait qu'un esprit aussi accompli dispose <strong>de</strong> forces incompréh<strong>en</strong>sibles<br />

à notre <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>et</strong> puisse ainsi faire <strong>de</strong>s miracles pour nous tout aussi<br />

étonnants, je ne trouve à cela ri<strong>en</strong> d'extraordinaire.<br />

4. J'ai eu autrefois l'occasion <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> Haute-Egypte <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

m'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir avec eux par le truchem<strong>en</strong>t d'un interprète. Ils étai<strong>en</strong>t nus <strong>et</strong> ne couvrai<strong>en</strong>t<br />

même pas leurs parties honteuses. Ils nous t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t, nous, Romains, pour<br />

<strong>de</strong>s êtres célestes supérieurs <strong>et</strong> s'émerveillai<strong>en</strong>t au plus haut point <strong>de</strong>s<br />

magnifiques édifices <strong>de</strong> Rome, <strong>de</strong> nos beaux vêtem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute notre<br />

spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur ; <strong>et</strong> tout ce qu'ils voyai<strong>en</strong>t fait <strong>de</strong> main d'homme, ils le t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pour<br />

l'ouvrage <strong>de</strong>s dieux qu'ils croyai<strong>en</strong>t que nous étions ; ils me <strong>de</strong>mandèr<strong>en</strong>t même<br />

si nous dirigions à notre gré le soleil, les étoiles <strong>et</strong> la lune, ou s'il y avait <strong>en</strong>core<br />

d'autres dieux chargés <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te tâche.<br />

5. Naturellem<strong>en</strong>t, nous les instruisîmes, <strong>et</strong> avant qu'une année se fût écoulée, ils<br />

savai<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t que nous n'étions que <strong>de</strong>s hommes nous aussi, appr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> nous quantité <strong>de</strong> choses <strong>et</strong> se vêtai<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ce fut une <strong>grand</strong>e joie pour eux que<br />

d'appr<strong>en</strong>dre à fabriquer eux-mêmes <strong>de</strong>s tissus <strong>et</strong> à s'<strong>en</strong> confectionner divers<br />

vêtem<strong>en</strong>ts masculins <strong>et</strong> féminins. Après quelques années, munis <strong>de</strong> toutes les<br />

connaissances possibles, ils r<strong>en</strong>trèr<strong>en</strong>t dans leur patrie où ils édifièr<strong>en</strong>t sans doute<br />

<strong>de</strong>s écoles, apportant ainsi quelque lumière dans leur contrée sauvage.<br />

6. Ainsi, lorsque, dans notre prés<strong>en</strong>t état d'indig<strong>en</strong>ce spirituelle, nous voyons agir<br />

un esprit accompli, il est naturel que nous nous étonnions au plus haut point que<br />

<strong>de</strong> telles choses soi<strong>en</strong>t possibles ; mais quand notre esprit sera égalem<strong>en</strong>t<br />

accompli, nous serons assurém<strong>en</strong>t capables nous aussi <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es choses, <strong>et</strong> nous<br />

ne serons plus aussi émerveillés lorsqu'un esprit réduira une pierre <strong>en</strong> ses<br />

élém<strong>en</strong>ts fondam<strong>en</strong>taux grâce à une force que nous connaîtrons.<br />

7. Que la partie spirituelle <strong>de</strong> notre être soit capable d'une perfection quasi<br />

illimitée, mille exemples le prouv<strong>en</strong>t ; <strong>et</strong> il y a à c<strong>et</strong>te table <strong>de</strong>s hommes qui<br />

doiv<strong>en</strong>t être déjà bi<strong>en</strong> proches <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ange, <strong>et</strong> l'un d'<strong>en</strong>tre eux lui est certes bi<strong>en</strong><br />

supérieur, comme le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h vous l'a donné à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre.<br />

8. Aussi, consacrez-vous désormais principalem<strong>en</strong>t à parfaire votre esprit autant<br />

que possible, <strong>et</strong> alors, ce n'est pas seulem<strong>en</strong>t une pierre, mais une montagne tout<br />

<strong>en</strong>tière que vous pourrez décomposer <strong>en</strong> ses élém<strong>en</strong>ts fondam<strong>en</strong>taux. »<br />

9. Là-<strong>de</strong>ssus, Jules se tourna vers l'ange <strong>et</strong> lui dit : « Et toi, Raphaël, dis-moi si,<br />

dans ce discours quelque peu prolixe, j'ai prononcé un seul mot qui ne soit<br />

véridique ! »<br />

Chapitre 3<br />

Sur la <strong>de</strong>stinée <strong>et</strong> l'évolution <strong>de</strong> l'homme<br />

1. L'ange dit : « Pas le moindre, <strong>et</strong> tout est comme tu l'as fort bi<strong>en</strong> expliqué.<br />

5


Aussi tes tr<strong>en</strong>te frères n'ont-ils qu'à s'appliquer à vivre selon l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t qu'ils<br />

recevront bi<strong>en</strong>tôt <strong>de</strong> nos frères ici prés<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> temps, ils seront eux<br />

aussi nos frères <strong>en</strong> toute chose.<br />

2. À chaque ange <strong>et</strong> à chaque homme — qui est au fond un ange <strong>en</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir —,<br />

Dieu ne donne pas autre chose qu'une vie parfaitem<strong>en</strong>t autonome <strong>et</strong> les facultés<br />

nécessaires pour arriver <strong>de</strong> lui-même à la pleine ressemblance <strong>de</strong> Dieu <strong>en</strong> toute<br />

chose. Mais si, connaissant la voie la plus sûre par laquelle accé<strong>de</strong>r <strong>en</strong> tout temps<br />

à la plus <strong>grand</strong>e ressemblance <strong>de</strong> Dieu, un ange nouvellem<strong>en</strong>t créé ou un homme<br />

refuse <strong>de</strong> s'y <strong>en</strong>gager, il ne <strong>de</strong>vra finalem<strong>en</strong>t s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre qu'à lui-même s'il<br />

n'accè<strong>de</strong> pas à c<strong>et</strong>te ressemblance, mais <strong>de</strong>meure dans une mortelle faiblesse.<br />

3. Certes, aucun esprit, si parfait soit-il, n'accé<strong>de</strong>ra jamais dans l'éternité à toute<br />

la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la perfection divine ; mais qu'importe ? Car cela ne l'empêchera<br />

pas <strong>de</strong> réaliser tout ce qu'il voudra — bi<strong>en</strong> sûr à l'intérieur <strong>de</strong> l'ordonnance fixée<br />

par Dieu. Il pourra même finalem<strong>en</strong>t, à l'image <strong>de</strong> Dieu, faire naître <strong>de</strong>s créatures<br />

autonomes à qui il donnera une exist<strong>en</strong>ce libre <strong>et</strong> éternelle, <strong>et</strong> <strong>en</strong> éprouver une<br />

<strong>grand</strong>e joie <strong>et</strong> une <strong>grand</strong>e félicité, semblable à celle d'un père qui, sur c<strong>et</strong>te terre,<br />

a conçu <strong>de</strong> bons <strong>en</strong>fants — <strong>et</strong> c'est là ressembler à Dieu plus que suffisamm<strong>en</strong>t !<br />

4. Moi-même, j'ai déjà créé plusieurs mon<strong>de</strong>s avec <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its soleils <strong>et</strong> leur ai<br />

donné une population parfaite issue <strong>de</strong> moi. Et ces mon<strong>de</strong>s sont pourvus <strong>de</strong> tout,<br />

souv<strong>en</strong>t mieux que c<strong>et</strong>te terre ; là-bas, tout se reproduit comme ici, <strong>et</strong> les esprits<br />

sont, comme ici, capables d'accé<strong>de</strong>r à une haute perfection. Et pourquoi n'<strong>en</strong><br />

serait-il pas ainsi ? Car <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte, tout esprit est issu <strong>de</strong> Dieu, tout comme<br />

les germes <strong>de</strong>s plantes à v<strong>en</strong>ir qui se sont déjà reproduites plusieurs milliards <strong>de</strong><br />

fois <strong>de</strong>puis le germe <strong>de</strong> la première sem<strong>en</strong>ce.<br />

5. Et puisque vous, <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants <strong>de</strong> Satan, vous êtes <strong>en</strong>core porteurs <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong><br />

Dieu, combi<strong>en</strong> davantage le seront les êtres issus <strong>de</strong> notre force créatrice<br />

semblable à celle <strong>de</strong> Dieu !<br />

6. Tout cela, voyez-vous, vous pourrez y accé<strong>de</strong>r vous aussi <strong>en</strong> suivant la voie<br />

qui vous sera indiquée. Mais celui d'<strong>en</strong>tre vous qui refusera <strong>de</strong> la suivre ne<br />

pourra finalem<strong>en</strong>t s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre qu'à lui-même s'il <strong>de</strong>meure pour <strong>de</strong>s temps inconcevables<br />

dans la mortelle faiblesse <strong>de</strong> la non-ressemblance <strong>de</strong> Dieu.<br />

7. Aussi, qu'aucun d'<strong>en</strong>tre vous ne m<strong>et</strong>te sa chair <strong>et</strong> le mon<strong>de</strong> avant son esprit !<br />

Souciez-vous avant tout <strong>de</strong> ce qui est <strong>de</strong> l'esprit, <strong>et</strong> vous obti<strong>en</strong>drez au plus tôt ce<br />

qui est <strong>de</strong> l'esprit, c'est-à-dire la pleine ressemblance <strong>de</strong> Dieu !<br />

8. Mais celui qui se souciera toujours davantage <strong>de</strong> ce qui est du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

chair, celui-là ne pourra s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre qu'à lui-même s'il <strong>de</strong>meure dans les régions<br />

nocturnes <strong>de</strong> la mort.<br />

9. Toute vie a toujours le pouvoir <strong>de</strong> passer à une vie plus parfaite si elle fait<br />

l'effort d'avancer sur la voie <strong>de</strong> l'ordre établi par Dieu. Mais si c<strong>et</strong>te exist<strong>en</strong>ce se<br />

fixe <strong>en</strong> un point, particulièrem<strong>en</strong>t au début du <strong>grand</strong> chemin <strong>de</strong> la vie, il est clair<br />

qu'elle cesse <strong>de</strong> progresser <strong>et</strong> qu'elle finit par dépérir comme <strong>en</strong> hiver le chaume<br />

lorsque, selon l'ordonnance divine, le fruit <strong>de</strong> sa vie l'a quitté.<br />

10. Aussi, agissez sans compter pour votre esprit ! Ne regr<strong>et</strong>tez jamais un pas <strong>en</strong><br />

avant ! Car chaque acte <strong>et</strong> chaque pas <strong>en</strong> avant s'accompagne toujours <strong>de</strong> la plus<br />

6


haute bénédiction <strong>de</strong> Dieu.<br />

11. Ne croyez pas non plus qu'un ange comme moi soit déjà si parfait qu'il puisse<br />

désormais s'abandonner à une complète inactivité ! Par ma prés<strong>en</strong>ce ici, je gagne<br />

infinim<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> pourrai agir par la suite dans mes propres créations avec une bi<strong>en</strong><br />

plus <strong>grand</strong>e perfection. Et si moi, esprit pur <strong>et</strong> accompli, je puis gagner ici un<br />

trésor aussi inestimable, combi<strong>en</strong> plus <strong>en</strong>core vous-mêmes qui êtes si loin <strong>de</strong> ma<br />

perfection !<br />

12. Soyez donc reconnaissants au Seigneur Dieu <strong>de</strong> vous perm<strong>et</strong>tre, <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te<br />

sainte occasion bénie d'une grâce infinie, <strong>de</strong> faire progresser davantage votre<br />

esprit <strong>en</strong> une heure que vous n'auriez fait <strong>en</strong> dix mille ans par <strong>de</strong>s <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts<br />

<strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> !<br />

13. Voyez-vous, il est extrêmem<strong>en</strong>t rare que Dieu offre à un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> telles<br />

occasions bénies ; aussi tous ceux qui ont le <strong>grand</strong> bonheur d'y pr<strong>en</strong>dre part se<br />

doiv<strong>en</strong>t-ils <strong>de</strong> la m<strong>et</strong>tre à profit <strong>de</strong> toutes leurs forces pour leur esprit.<br />

14. Chaque fois que Dieu <strong>en</strong>voie ou éveille un prophète, tous les hommes<br />

<strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t se presser autour <strong>de</strong> lui afin d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> lui, pour leur plus <strong>grand</strong><br />

bi<strong>en</strong>, la sainte Parole <strong>de</strong> Dieu ; car ce n'est qu'une fois par siècle que Dieu éveille<br />

<strong>de</strong> tels hommes à toute la profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la vraie sagesse <strong>de</strong>s cieux.<br />

15. Quant aux très <strong>grand</strong>s prophètes, ceux par lesquels Dieu communique <strong>en</strong><br />

abondance aux hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre les plus <strong>grand</strong>es choses, ils ne sont <strong>en</strong>voyés<br />

aux hommes que tous les mille à <strong>de</strong>ux mille ans, afin d'une part <strong>de</strong> leur<br />

indiquer d'une manière détaillée les nouvelles voies <strong>de</strong> Dieu vers une perfection<br />

<strong>en</strong>core plus haute, <strong>et</strong> d'autre part <strong>de</strong> les détourner <strong>de</strong>s multiples erreurs dans<br />

lesquelles ils se sont fourvoyés <strong>et</strong> <strong>de</strong> les rem<strong>et</strong>tre sur l'unique droit chemin.<br />

16. Car voyez-vous, dans la <strong>grand</strong>e Création divine, tout avance sans cesse, <strong>de</strong><br />

même que le temps terrestre lui aussi ne s'arrête jamais ! Il est clair que les<br />

esprits font continuellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s progrès. Et c'est parce qu'il se produit sans<br />

cesse <strong>de</strong> tels progrès au royaume <strong>de</strong>s purs esprits que les créatures immortelles<br />

<strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s terrestres ne peuv<strong>en</strong>t se disp<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> suivre, sous peine que le<br />

royaume <strong>de</strong>s esprits finisse par leur <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir étranger.<br />

17. Après la v<strong>en</strong>ue d'un tel <strong>grand</strong> prophète, les hommes se rem<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à progresser<br />

<strong>de</strong> leur propre chef, sinon <strong>en</strong> général, du moins dans <strong>de</strong>s cas isolés. Mais comme<br />

le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s esprits continue par la suite <strong>de</strong> progresser rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, la lumière<br />

toujours quelque peu voilée du précé<strong>de</strong>nt <strong>grand</strong> prophète ne suffit plus ; Dieu <strong>en</strong><br />

éveille un nouveau qu'il <strong>en</strong>voie à l'humanité, <strong>et</strong> celle-ci se rem<strong>et</strong> à suivre, bi<strong>en</strong><br />

que seulem<strong>en</strong>t, au début, dans <strong>de</strong>s cas isolés, la progression du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

esprits.<br />

18. En quelques siècles, l'humanité <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors toujours plus inv<strong>en</strong>tive, <strong>et</strong> elle<br />

finit par produire <strong>de</strong>s choses auxquelles les générations passées n'aurai<strong>en</strong>t jamais<br />

songé.<br />

19. Mais lorsque, après douze à quinze siècles, une civilisation humaine a ainsi<br />

atteint son apogée, livrée à elle-même, elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t paresseuse <strong>et</strong> stagnante, bi<strong>en</strong><br />

que possédant tous les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> formation possible, ce que Dieu perm<strong>et</strong> sur<br />

c<strong>et</strong>te terre afin que les hommes les plus éveillés appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t par là que sans la<br />

7


v<strong>en</strong>ue périodique <strong>de</strong>s révélations, l'humanité livrée à elle-même stagnerait<br />

p<strong>en</strong>dant <strong>de</strong>s millénaires <strong>et</strong> n'avancerait plus d'un pouce, comme vous pouvez le<br />

voir aujourd'hui chez les habitants <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s contrées au-<strong>de</strong>là.<br />

20. Le Seigneur perm<strong>et</strong> cela afin que les hommes, lorsqu'ils <strong>en</strong> arriv<strong>en</strong>t à ce<br />

point, puiss<strong>en</strong>t se convaincre par eux-mêmes qu'il <strong>en</strong> est exactem<strong>en</strong>t comme je<br />

vous l'ai dit. Mais c'est vous-mêmes qui, à travers vos <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants, aurez<br />

finalem<strong>en</strong>t à instruire ces hommes à votre exemple ; car le Seigneur n'éveille<br />

jamais <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s prophètes dans les peuples <strong>de</strong>meurés à un sta<strong>de</strong> inférieur <strong>de</strong><br />

formation spirituelle, mais Il charge <strong>en</strong> quelque sorte les premiers <strong>grand</strong>s peuples<br />

<strong>de</strong> la terre, d'ailleurs instruits uniquem<strong>en</strong>t par les révélations, d'<strong>en</strong>traîner après<br />

eux ces peuples incultes, ce pour quoi le Seigneur a Ses raisons infinim<strong>en</strong>t sages.<br />

21. Mais les hommes qui, <strong>de</strong>vant Dieu, se trouv<strong>en</strong>t ainsi au sta<strong>de</strong> supérieur sur<br />

une planète, doiv<strong>en</strong>t aussi reconnaître <strong>en</strong> tout temps c<strong>et</strong>te tâche élevée avec la<br />

plus <strong>grand</strong>e gratitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> s'y consacrer avec le plus <strong>grand</strong> zèle ; sinon, ce sera leur<br />

propre faute si, par la suite, ils tomb<strong>en</strong>t à travers leurs <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants bi<strong>en</strong> au<strong>de</strong>ssous<br />

<strong>de</strong>s habitants d'au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, que nous appellerons Sini<strong>en</strong>s (*) , <strong>et</strong> finiss<strong>en</strong>t<br />

par <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir tout aussi stupi<strong>de</strong>s que <strong>de</strong>s bêtes ! — À prés<strong>en</strong>t, dites-moi,<br />

vous, les tr<strong>en</strong>te frères, si vous avez bi<strong>en</strong> compris tout cela. »<br />

Chapitre 4<br />

Mesures prises par le Seigneur au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s brigands<br />

1. Le jeune Pharisi<strong>en</strong> dit : « Très haut <strong>et</strong> puissant esprit, nous avons sans doute<br />

compris bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, mais pas tout, loin s'<strong>en</strong> faut ! Cep<strong>en</strong>dant, nous te remercions<br />

tous du fond du cœur ; car avec la <strong>grand</strong>e clé du ciel, tu nous as<br />

véritablem<strong>en</strong>t dévoilé <strong>de</strong>s secr<strong>et</strong>s dont nous n'avions jusqu'ici pas la moindre<br />

notion. Aussi ferons-nous désormais tous nos efforts pour avancer sur la vraie<br />

voie <strong>de</strong> la vie ; il nous faudrait seulem<strong>en</strong>t la connaître un peu mieux. Mais pour<br />

aujourd'hui, nous <strong>en</strong> avons plus qu'il ne nous <strong>en</strong> faut ; car l'estomac <strong>de</strong> notre<br />

esprit aura besoin <strong>de</strong> quelque temps pour digérer tout cela. Demain, nous serons<br />

déjà plus réceptifs à <strong>de</strong>s choses plus profon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> plus élevées que nous ne le<br />

serions aujourd'hui.<br />

2. Mais pour l'heure, nous souhaiterions seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core quelques<br />

paroles <strong>de</strong> sagesse <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme qui semble être un si <strong>grand</strong> sage <strong>et</strong><br />

qui s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t à voix basse avec le <strong>grand</strong> gouverneur assis à ses côtés ; car sans<br />

être un ange, il semble bi<strong>en</strong> vous dépasser tous <strong>de</strong> loin — car son expression <strong>et</strong><br />

son impassibilité pour ainsi dire stoïque p<strong>en</strong>dant ton discours sur l'ange dénot<strong>en</strong>t<br />

quelque chose <strong>de</strong> très profond <strong>et</strong> <strong>de</strong> très <strong>grand</strong> ! »<br />

3. Jules dit : « En cela vous ne vous trompez pas ; mais il n'est pas aussi facile<br />

que vous le croyez <strong>de</strong> faire parler c<strong>et</strong> homme. Il Lui arrive <strong>de</strong> parler <strong>en</strong> abondance<br />

quand Il le veut, <strong>et</strong> chacune <strong>de</strong> Ses paroles est alors pareille à toute une<br />

Création emplie <strong>de</strong> sagesse ; mais s'il ne veut pas parler, il sera bi<strong>en</strong> difficile à<br />

(*) C'est-à-dire « Chinois ». (N.d.T.)<br />

8


quiconque <strong>de</strong> L'y am<strong>en</strong>er. Mais essayez vous-mêmes, adressez-Lui la parole, Il<br />

vous fera bi<strong>en</strong> quelque réponse ! »<br />

4. Le jeune Pharisi<strong>en</strong> dit : « Non, je n'<strong>en</strong> ai pas le courage ; car à <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

notre espèce, il pourrait répondre <strong>de</strong> telle façon qu'il faudrait une vie <strong>en</strong>tière pour<br />

s'<strong>en</strong> rem<strong>et</strong>tre ! Aussi préférons-nous r<strong>en</strong>oncer pour aujourd'hui à une curiosité<br />

sans doute intempestive ! »<br />

5. Jules dit : « Et vous faites fort bi<strong>en</strong> ! Demain il fera jour, <strong>et</strong> vous trouverez<br />

peut-être plus aisém<strong>en</strong>t qu'aujourd'hui l'occasion <strong>de</strong> Lui parler. Mais peut-être<br />

déci<strong>de</strong>ra-t-il <strong>en</strong>core quelque chose pour aujourd'hui, <strong>et</strong> c'est là que vous pourrez<br />

L'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre le plus aisém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> sans contrainte. »<br />

6. Ainsi tranquillisés, les jeunes Pharisi<strong>en</strong>s att<strong>en</strong><strong>de</strong>nt une occasion <strong>de</strong> M'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre.<br />

7. Là-<strong>de</strong>ssus, un chef <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s arrive <strong>de</strong> la côte où sont r<strong>et</strong><strong>en</strong>us prisonniers les<br />

criminels que l'on sait, <strong>et</strong> il dit à Jules : « Seigneur <strong>et</strong> maître, ce n'est plus<br />

supportable ! Les cinq brigands vocifèr<strong>en</strong>t, hurl<strong>en</strong>t <strong>et</strong> gesticul<strong>en</strong>t si affreusem<strong>en</strong>t<br />

que les soldats <strong>en</strong> sont épouvantés, <strong>et</strong> certains se j<strong>et</strong>terai<strong>en</strong>t même sur les<br />

criminels pour leur faire r<strong>en</strong>trer leurs paroles dans la gorge si on ne les r<strong>et</strong><strong>en</strong>ait à<br />

<strong>grand</strong>-peine. Car ils dis<strong>en</strong>t : "Plutôt mourir que <strong>de</strong> souffrir plus longtemps d'aussi<br />

abominables blasphèmes!"»<br />

8. Jules Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Seigneur, que <strong>de</strong>vons-nous faire ? »<br />

9. Je dis : « Il reste cinq heures jusqu'au matin, <strong>et</strong> ces cinq <strong>grand</strong>s criminels<br />

doiv<strong>en</strong>t pati<strong>en</strong>ter tout ce temps. Car il ne peut ni ne doit leur être fait grâce d'un<br />

instant ! Si les gar<strong>de</strong>s ne peuv<strong>en</strong>t supporter les insultes, qu'ils s'éloign<strong>en</strong>t afin <strong>de</strong><br />

ne plus les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ; car aucun <strong>de</strong>s brigands ne s'échappera ni ne déliera ses<br />

li<strong>en</strong>s pour autant, Je M'<strong>en</strong> porte garant ! Quant aux sept prisonniers politiques, ils<br />

ne souffr<strong>en</strong>t guère <strong>de</strong> toute façon <strong>et</strong> se ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tranquilles ; ils peuv<strong>en</strong>t donc se<br />

r<strong>et</strong>irer avec les gar<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> leur cas se réglera aisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>main. Mais les brigands<br />

nous donneront <strong>en</strong>core du fil à r<strong>et</strong>ordre. Qu'il <strong>en</strong> soit donc ainsi ; car ce n'est que<br />

par un <strong>grand</strong> tourm<strong>en</strong>t que l'âme <strong>de</strong> ces terribles bandits sera peu à peu libérée <strong>de</strong><br />

sa chair satanique <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mauvais esprits <strong>de</strong> celle-ci, libération sans laquelle<br />

aucune guérison n'est possible pour eux. »<br />

10. À ces Mi<strong>en</strong>nes paroles, le gar<strong>de</strong> s'éloigne <strong>et</strong> m<strong>et</strong> aussitôt Mon avis à<br />

exécution.<br />

Chapitre 5<br />

Avertissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Jules aux Pharisi<strong>en</strong>s<br />

1. Mais le jeune Pharisi<strong>en</strong> M'avait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler <strong>de</strong> la guérison <strong>de</strong>s cinq<br />

brigands, ce qui le frappa beaucoup. Aussi, très embarrassé, interrogea-t-il<br />

aussitôt le capitaine, disant : « Noble seigneur, se pourrait-il qu'il s'agît vraim<strong>en</strong>t<br />

là du fameux guérisseur (*) <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, ou sinon <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong> ses principaux<br />

(*) Heiland signifie <strong>en</strong> allemand « guérisseur » ou « sauveur » (<strong>de</strong>r Heiland = le<br />

9


<strong>en</strong>voyés ? Car nous avons <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire qu'il pr<strong>en</strong>ait <strong>de</strong>s disciples <strong>et</strong> qu'<strong>en</strong>suite,<br />

c'est-à-dire lorsqu'ils s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t quelque peu, il les <strong>en</strong>voyait partout lui<br />

susciter <strong>de</strong>s a<strong>de</strong>ptes pour sa nouvelle doctrine, <strong>en</strong> quoi ils réussissai<strong>en</strong>t d'ailleurs<br />

la plupart du temps. Si c'était là le guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, nous serions dans <strong>de</strong><br />

beaux draps ! »<br />

2. Jules pr<strong>en</strong>d une mine quelque peu sévère <strong>et</strong>, fixant le jeune Pharisi<strong>en</strong> droit<br />

dans les yeux : « Comm<strong>en</strong>t cela ? Pour quelle raison estimeriez-vous être dans <strong>de</strong><br />

beaux draps si c<strong>et</strong> homme était le fameux guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h <strong>en</strong> personne ?<br />

Vraim<strong>en</strong>t, v<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> vous, c<strong>et</strong>te question me paraît assez suspecte ! Donnez-moi<br />

une bonne raison pour votre embarras, sans quoi il pourrait vous <strong>en</strong> cuire ! »<br />

3. C<strong>et</strong>te sévère repartie <strong>de</strong> Jules causa aux jeunes g<strong>en</strong>s plus qu'une légère frayeur,<br />

<strong>et</strong> le jeune Pharisi<strong>en</strong> jusque-là si prolixe <strong>en</strong> fut lui-même si interdit qu'il ne sut<br />

que répondre.<br />

4. Cep<strong>en</strong>dant, Jules dit : « Si tu peux <strong>et</strong> veux adm<strong>et</strong>tre la vérité, tu n'as nul besoin<br />

<strong>de</strong> réfléchir à ce que tu dois dire. Mais si tu cherches à m'<strong>en</strong>dormir par <strong>de</strong>s<br />

phrases qui n'aurai<strong>en</strong>t que l'appar<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la vérité, alors, tu te trompes fort sur<br />

mon compte ; car je sais fort bi<strong>en</strong> distinguer une fable à queue <strong>de</strong> r<strong>en</strong>ard <strong>de</strong> la<br />

pure vérité. Aussi, je vous le dis : pr<strong>en</strong>ez gar<strong>de</strong> que je ne vous perce à jour ! Je<br />

conserve personnellem<strong>en</strong>t l'impression que vous êtes <strong>en</strong>core loin d'être vraim<strong>en</strong>t<br />

dignes <strong>de</strong> confiance ; car il me paraît que vous avez reçu une fois pour toutes<br />

l'onction <strong>de</strong> Satan. Celui qui se fie à vos paroles aura vite fait d'<strong>en</strong> éprouver la<br />

traîtrise, <strong>et</strong> tout ce que vous avez dit ici peut fort bi<strong>en</strong> n'être qu'un masque pour<br />

dissimuler la vil<strong>en</strong>ie <strong>de</strong> vos cœurs. Mais alors, malheur à vous ; car là où je veille<br />

moi-même, il n'est plus question <strong>de</strong> passer au travers ! Aussi, dites maint<strong>en</strong>ant<br />

toute la vérité, sans quoi votre sort sera pire que celui <strong>de</strong>s cinq brigands liés à<br />

leurs poteaux sur le rivage ! Allons, toute la vérité, <strong>et</strong> plus <strong>de</strong> ces hésitations ! »<br />

5. À c<strong>et</strong>te mise <strong>en</strong> <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> Jules, tous les tr<strong>en</strong>te blêmiss<strong>en</strong>t <strong>et</strong> trembl<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

peur ; car, bi<strong>en</strong> que souhaitant au fond très sérieusem<strong>en</strong>t se libérer du Temple, ils<br />

n'<strong>en</strong> étai<strong>en</strong>t pas moins soucieux <strong>de</strong> pouvoir se blanchir aux yeux du Temple <strong>en</strong><br />

cas <strong>de</strong> besoin. Car ces jeunes Pharisi<strong>en</strong>s avai<strong>en</strong>t l'art d'apparaître blancs comme<br />

neige chaque fois qu'il le fallait. S'ils étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> difficulté quelque part <strong>en</strong> raison<br />

<strong>de</strong> leur appart<strong>en</strong>ance au Temple, ils étai<strong>en</strong>t les premiers à le calomnier. Mais<br />

lorsqu'ils rev<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t au Temple <strong>et</strong> qu'on leur reprochait d'être partis <strong>en</strong> guerre<br />

contre lui, ils avai<strong>en</strong>t déjà <strong>en</strong> réserve quantité d'explications <strong>de</strong>s plus valables,<br />

d'où il ressortait qu'ils s'<strong>en</strong> étai<strong>en</strong>t pris au Temple à seule fin <strong>de</strong> sauver les<br />

appar<strong>en</strong>ces.<br />

6. C'est la raison pour laquelle J'avais dit dès le début qu'il ne fallait pas trop se<br />

fier à eux ; car les âmes humaines <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sorte ressembl<strong>en</strong>t aux animaux<br />

sauvages qu'on a domestiqués, <strong>et</strong> à qui il ne faut <strong>de</strong> même jamais se fier pleinem<strong>en</strong>t,<br />

car leur nature sauvage repr<strong>en</strong>d le <strong>de</strong>ssus à la moindre occasion.<br />

7. Comme, après un mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> sil<strong>en</strong>ce effrayé, Jules les pressait à nouveau <strong>de</strong><br />

répondre, Je lui dis : « Ami, laisse-les se repr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> ne parler qu'<strong>en</strong>suite. Même<br />

s'ils <strong>en</strong> avai<strong>en</strong>t le désir, il leur serait bi<strong>en</strong> impossible <strong>de</strong> nous circonv<strong>en</strong>ir par <strong>de</strong>s<br />

Sauveur). Voir aussi notre note, vol. IV, chap. 63. (N.d.T.)<br />

10


m<strong>en</strong>songes. Car tout d'abord Je suis là, <strong>et</strong> nul ne saurait Me m<strong>en</strong>tir, <strong>et</strong> Raphaël<br />

est là égalem<strong>en</strong>t, à qui on ne saurait davantage m<strong>en</strong>tir. Que pourrait donc nous<br />

faire un m<strong>en</strong>songe <strong>de</strong> ces tr<strong>en</strong>te jeunes g<strong>en</strong>s apeurés, à nous que nul ne peut<br />

tromper <strong>et</strong> qui avons <strong>en</strong>tre nos mains toute la force <strong>et</strong> la puissance ?! »<br />

8. Jules dit : « Je vois bi<strong>en</strong>, ô Seigneur, que Tu as parfaitem<strong>en</strong>t raison, c<strong>et</strong>te fois<br />

comme toutes les autres, aussi att<strong>en</strong>drai-je dorénavant avec la plus <strong>grand</strong>e<br />

pati<strong>en</strong>ce la réponse <strong>de</strong> ces tr<strong>en</strong>te-là. J'ajoute seulem<strong>en</strong>t que si c<strong>et</strong>te réponse <strong>de</strong>vait<br />

trop tar<strong>de</strong>r, je saurais quand même pour finir ce qu'il me resterait à faire ! »<br />

9. Là-<strong>de</strong>ssus, le jeune Pharisi<strong>en</strong>, repr<strong>en</strong>ant un peu courage, ouvre la bouche <strong>et</strong> dit<br />

: « C'est avec une extrême opiniâtr<strong>et</strong>é que tu as exigé <strong>de</strong> nous une réponse à ta<br />

question. Pourtant, nous n'avions fait que te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r très amicalem<strong>en</strong>t, bi<strong>en</strong><br />

qu'avec quelque agitation, qui était c<strong>et</strong> homme <strong>de</strong> noble appar<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> s'il pouvait<br />

s'agir du guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h <strong>en</strong> personne, <strong>et</strong> nous avons dit que si tel était le<br />

cas, nous serions dans <strong>de</strong> beaux draps. C<strong>et</strong>te affirmation t'a frappé ; tu <strong>en</strong> as<br />

aussitôt conçu <strong>de</strong> la méfiance contre nous <strong>et</strong> as voulu <strong>en</strong> connaître la raison avec<br />

la sévérité la plus m<strong>en</strong>açante du mon<strong>de</strong>. Il est aisém<strong>en</strong>t compréh<strong>en</strong>sible que cela<br />

nous ait effrayés, car nous avons déjà eu à connaître ta rigueur.<br />

10. Mais maint<strong>en</strong>ant que nous avons trouvé un déf<strong>en</strong>seur <strong>en</strong> la personne <strong>de</strong> c<strong>et</strong><br />

homme émin<strong>en</strong>t, qui est <strong>en</strong> vérité celui que nous redoutions le plus, parce que la<br />

p<strong>en</strong>sée nous rev<strong>en</strong>ait sans cesse qu'il pouvait être le guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, il<br />

nous est facile <strong>de</strong> parler ; car nous n'avons désormais plus aucune crainte <strong>et</strong><br />

pouvons donc parler tout à fait librem<strong>en</strong>t.<br />

11. Notre crainte du guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h était bi<strong>en</strong> fondée, <strong>et</strong> la raison <strong>en</strong> est<br />

très simple : appart<strong>en</strong>ant au Temple, nous sommes <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte<br />

officiellem<strong>en</strong>t ses persécuteurs, même si nous ne l'avons jamais été dans nos<br />

cœurs, <strong>et</strong>, <strong>de</strong>vant le mon<strong>de</strong>, nous avons dû <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce pr<strong>en</strong>dre contre lui bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s mesures qui ne pouvai<strong>en</strong>t lui être agréables, même si elles ne lui ont à<br />

proprem<strong>en</strong>t parler pas autrem<strong>en</strong>t nui jusqu'ici.<br />

12. Mais nous avons déjà vu ici bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses qui nous ont montré qu'il ne<br />

faisait sans doute pas bon être parmi les persécuteurs <strong>de</strong> ce guérisseur. C'est ainsi<br />

que, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dant parler <strong>de</strong> la guérison pour <strong>de</strong>main <strong>de</strong>s cinq brigands, nous t'avons<br />

<strong>de</strong>mandé si par hasard ce n'était pas là le fameux guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h <strong>en</strong><br />

personne.<br />

13. Si c'était bi<strong>en</strong> lui, il ne nous restait assurém<strong>en</strong>t plus qu'à nous j<strong>et</strong>er à ses pieds<br />

<strong>et</strong> à le supplier <strong>de</strong> nous pardonner tout ce que le Temple nous a contraints<br />

d'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre contre lui. Tel est précisém<strong>en</strong>t le mal que nous redoutions s'il<br />

s'agissait vraim<strong>en</strong>t du guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ! Mais à prés<strong>en</strong>t que nous<br />

connaissons le noble cœur <strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme, même s'il est bi<strong>en</strong> le guérisseur <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h, ce n'est assurém<strong>en</strong>t pas lui qui nous m<strong>et</strong>tra à mal ! — Tu as maint<strong>en</strong>ant<br />

la réponse très véridique que tu exigeais <strong>de</strong> nous sous la m<strong>en</strong>ace ; <strong>en</strong> échange,<br />

donne-nous toi aussi la bonne réponse à notre question ! »<br />

14. Jules dit : « Eh bi<strong>en</strong>, sachez donc qu'il est bi<strong>en</strong> Celui à qui sont soumises la<br />

nature <strong>en</strong>tière <strong>et</strong> toutes les puissances <strong>de</strong>s cieux — qu'il est le fameux sauveur <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h ! La jeune fille <strong>en</strong> a témoigné tout à l'heure, puis l'ange, lorsque,<br />

obéissant à Son signal, il vous a donné une preuve <strong>de</strong> sa puissance ; <strong>et</strong> mainte-<br />

11


nant que vous savez cela, dites-moi ce que vous voulez <strong>et</strong> p<strong>en</strong>sez faire. »<br />

Chapitre 6<br />

Échange <strong>de</strong> vues <strong>en</strong>tre Jules <strong>et</strong> les Pharisi<strong>en</strong>s au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Jésus<br />

1. Le jeune Pharisi<strong>en</strong> <strong>et</strong> tous les autres avec lui dis<strong>en</strong>t : « Que Dieu soit loué dans<br />

les cieux pour avoir donné à c<strong>et</strong> homme une telle puissance, qui ne peut que<br />

contribuer au salut <strong>de</strong>s faibles mortels ! Il est bi<strong>en</strong> écrit dans les Livres <strong>de</strong>s<br />

Prophètes que Dieu <strong>en</strong>verra un jour un Messie au peuple d'Israël. Ne pourrionsnous<br />

supposer qu'il est celui-là ? Il est vrai que; selon la Promesse, le Messie ne<br />

<strong>de</strong>vait pas naître <strong>en</strong> Galilée ni <strong>en</strong> être originaire ; mais c'est là le langage <strong>de</strong>s<br />

prophètes, <strong>et</strong>, selon l'esprit, on ne le compr<strong>en</strong>d jamais tout à fait ! Nous n'avons<br />

d'ailleurs jamais vraim<strong>en</strong>t compris pourquoi aucun prophète ni aucun autre <strong>grand</strong><br />

homme ne pouvait v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> Galilée : les Galilé<strong>en</strong>s n'y peuv<strong>en</strong>t pourtant ri<strong>en</strong> s'ils<br />

sont Galilé<strong>en</strong>s. Mais c'est écrit ! Qui veut le croire, le croie, <strong>et</strong> que les autres n'<strong>en</strong><br />

ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas compte — quant à nous, nous serions plutôt <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers, car<br />

nous pourrions ainsi sans le moindre embarras considérer ce guérisseur <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h comme un Messie <strong>en</strong> bonne <strong>et</strong> due forme.<br />

2. Cep<strong>en</strong>dant, c'est tout <strong>de</strong> même là une chose particulièrem<strong>en</strong>t extraordinaire, <strong>et</strong><br />

nous nous <strong>de</strong>mandons fort comm<strong>en</strong>t c<strong>et</strong> homme a pu accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s qualités si<br />

élevées <strong>et</strong> si inhabituelles qu'on ne les attribue ordinairem<strong>en</strong>t qu'à Dieu ! Car<br />

pour autant que nous l'ont appris nos recherches sur lui <strong>et</strong> ses origines, il serait<br />

fils d'un charp<strong>en</strong>tier, n'aurait jamais quitté sa province jusqu'à près <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te ans,<br />

travaillant ici ou là avec son père <strong>et</strong> quelques-uns <strong>de</strong> ses frères, <strong>et</strong> personne<br />

n'aurait jamais ri<strong>en</strong> remarqué d'extraordinaire <strong>en</strong> lui ; on ne l'aurait même jamais<br />

vu lire, écrire ni compter, <strong>et</strong> son commerce avec ses semblables aurait été <strong>de</strong>s<br />

plus taciturnes <strong>et</strong> ri<strong>en</strong> moins que spirituel !<br />

3. On nous a même conté, à Nazar<strong>et</strong>h, que son père <strong>et</strong> sa mère l'aurai<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />

réprimandé, tout d'abord parce qu'il était difficile <strong>de</strong> le faire aller à la synagogue,<br />

<strong>en</strong>suite parce qu'il ne voulait jamais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la lecture <strong>de</strong>s Saintes Écritures <strong>et</strong><br />

ne se souciait que peu ou pas du tout du sabbat. Il préférait à tout la nature <strong>et</strong> la<br />

contemplation sil<strong>en</strong>cieuse <strong>de</strong>s choses <strong>de</strong> la terre.<br />

4. La pêche comptait aussi parmi ses occupations préférées, <strong>et</strong> il y était toujours<br />

très chanceux, raison pour laquelle les pêcheurs appréciai<strong>en</strong>t sa compagnie.<br />

5. Bref, tout ce que nous avons pu appr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> lui atteste à coup sûr que, tout<br />

d'abord, il n'a jamais fréqu<strong>en</strong>té une école, <strong>en</strong>suite que, <strong>de</strong> notoriété publique, il a<br />

toujours été un homme ne brillant guère par sa culture.<br />

6. Mais il se serait soudainem<strong>en</strong>t éveillé <strong>et</strong> serait <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u d'une telle sagesse que<br />

d'aucuns affirm<strong>en</strong>t avec une parfaite certitu<strong>de</strong> que jamais la terre n'a porté <strong>de</strong><br />

plus <strong>grand</strong> sage !<br />

7. Et voici que, ayant appris sur lui toutes ces choses, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> sûr une foule<br />

d'autres, par les témoignages les plus fidèles, nous le trouvons ici à prés<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

pouvons nous convaincre qu'il est vraim<strong>en</strong>t c<strong>et</strong> homme hors du commun ; on ne<br />

12


peut donc absolum<strong>en</strong>t pas nous <strong>en</strong> vouloir lorsque nous <strong>de</strong>mandons comm<strong>en</strong>t il a<br />

pu acquérir ces qualités si inouïes que nul homme ne les posséda avant lui <strong>et</strong> ne<br />

les possé<strong>de</strong>ra sans doute à l'av<strong>en</strong>ir ! »<br />

8. Jules dit : « Qui donc connaît le but <strong>de</strong> l'Esprit divin, qui sait jusqu'où il peut<br />

aller lorsqu'il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> s'unir à l'esprit d'un homme <strong>et</strong> d'agir <strong>en</strong> lui ?! Est-il impossible<br />

que l'esprit tout-puissant <strong>de</strong> Dieu s'unisse dans toute la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa<br />

puissance avec un esprit humain, <strong>et</strong> qu'il agisse alors comme nul homme ne<br />

pourra bi<strong>en</strong> sûr jamais le faire, n'étant pas Dieu ?!<br />

9. Mais si c'est Dieu Lui-même qui parle <strong>et</strong> agit à travers l'esprit infinim<strong>en</strong>t<br />

fortifié d'un homme qui s'y prête, ce qui est assurém<strong>en</strong>t fort rare, il est bi<strong>en</strong> naturel<br />

que ne paraisse alors à nos yeux <strong>de</strong> faibles mortels que miracle sur miracle.<br />

Sa parole <strong>et</strong> Ses actes ne font qu'un, <strong>et</strong> nous ne pouvons imiter ni l'une ni les<br />

autres ; car nous ne sommes que <strong>de</strong>s hommes, selon le corps <strong>et</strong> selon notre esprit<br />

limité. Mais Lui n'est homme comme nous que selon le corps ; car selon l'esprit,<br />

Il est Dieu au plus haut <strong>de</strong>gré <strong>et</strong> règne sur l'infini tout <strong>en</strong>tier !<br />

10. Et si — du moins selon nos conceptions théosophiques romaines — ce qui<br />

est reconnu comme purem<strong>en</strong>t divin, <strong>de</strong> quelque manière <strong>et</strong> où que cela s'exprime,<br />

doit être honoré <strong>et</strong> vénéré au plus haut point, il est clair qu'<strong>en</strong>vers un homme <strong>en</strong><br />

qui agit visiblem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong> façon tangible la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'esprit tout-puissant <strong>de</strong><br />

Dieu, nous <strong>de</strong>vons nous comporter tout autrem<strong>en</strong>t que nous ne le faisons <strong>en</strong>tre<br />

nous ; cela ne vous semble-t-il pas évi<strong>de</strong>nt ?<br />

11. Vous pouvez ainsi compr<strong>en</strong>dre pourquoi, nous qui sommes <strong>de</strong>s Romains haut<br />

placés, nous Lui témoignons du plus profond <strong>de</strong> nos cœurs la vénération, l'amour<br />

<strong>et</strong> le respect les plus insignes, <strong>et</strong> Le reconnaissons <strong>et</strong> Le louons comme le<br />

Seigneur du mon<strong>de</strong>. — Dites-moi si cela ne vous paraît pas nécessaire <strong>et</strong> <strong>de</strong>s plus<br />

évi<strong>de</strong>nts ! »<br />

12. Le jeune Pharisi<strong>en</strong> dit : « Oui, assurém<strong>en</strong>t ; car à bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s égards, votre<br />

théosophie nous plaît fort, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> <strong>de</strong> telles circonstances, elle nous paraît aussi<br />

tout à fait <strong>de</strong> mise. En toute rigueur, bi<strong>en</strong> sûr, cela n'est pas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t conforme<br />

à la doctrine mosaïque ; car il y est dit expressém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> strictem<strong>en</strong>t : "Moi seul<br />

suis le Seigneur, <strong>et</strong> tu n'auras pas d'autre Dieu que Moi !" »<br />

13. Jules dit : « Très juste ; mais il ne faut pas compr<strong>en</strong>dre Moïse seulem<strong>en</strong>t<br />

selon la l<strong>et</strong>tre, mais bi<strong>en</strong> plus selon son véritable esprit, <strong>et</strong> l'on s'aperçoit alors<br />

bi<strong>en</strong> vite que Moïse lui-même, malgré la rigueur <strong>de</strong> sa doctrine, n'aurait trouvé<br />

ici aucune contradiction, si l'on part du principe que l'homme doit toujours reconnaître<br />

comme telle <strong>et</strong> honorer toute manifestation <strong>de</strong> l'Esprit divin — <strong>de</strong> ce<br />

seul <strong>et</strong> unique Esprit divin avec lequel parlait Moïse —, raison pour laquelle les<br />

Egypti<strong>en</strong>s, les Grecs <strong>et</strong> nous, Romains, bi<strong>en</strong> qu'<strong>en</strong>traînés un peu trop loin par une<br />

sorte d'aveugle superstition, témoignons une vénération divine à tout homme <strong>et</strong> à<br />

toute créature <strong>en</strong> qui nous découvrons une puissance hors du commun.<br />

14. Car nous p<strong>en</strong>sons qu'<strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte, tout est pur à celui qui est pur ! À<br />

condition que l'humanité quelque peu superstitieuse ne tombe pas, <strong>en</strong> adorant la<br />

divinité sous <strong>de</strong> multiples formes, dans <strong>de</strong>s pratiques fâcheuses — ce à quoi elle<br />

est presque toujours poussée par la faim <strong>et</strong> par le désir <strong>de</strong> pouvoir toujours<br />

croissant <strong>de</strong>s prêtres — <strong>et</strong> ne se m<strong>et</strong>te pas à apaiser les dieux par d'atroces<br />

13


sacrifices humains, on ne peut lui imputer à trop <strong>grand</strong> crime spirituel un peu <strong>de</strong><br />

pieuse superstition ; car selon moi, il vaut finalem<strong>en</strong>t toujours mieux que<br />

l'homme croie <strong>en</strong> une chose qui ait quelque fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t plutôt que <strong>de</strong> ne croire <strong>en</strong><br />

ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> se m<strong>et</strong>tre ainsi délibérém<strong>en</strong>t au niveau <strong>de</strong>s bêtes, qui ne saurai<strong>en</strong>t avoir<br />

<strong>de</strong> croyance vraie ou déformée (*) d'aucune sorte.<br />

15. Un homme qui ne veut ni ne peut accepter la moindre foi ne pourra jamais<br />

véritablem<strong>en</strong>t éduquer son <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. Car pour bâtir une maison, il faut<br />

d'abord se procurer les matériaux nécessaires. Qui saurait, sans aucun matériau,<br />

construire ne fût-ce que la plus mo<strong>de</strong>ste cabane <strong>de</strong> pêcheur ? Même s'il n'y a au<br />

départ aucun ordre dans les matériaux bruts, c<strong>et</strong> ordre peut être bi<strong>en</strong>tôt créé<br />

lorsque les matériaux sont là ; mais lorsqu'ils manqu<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t, il ne peut<br />

bi<strong>en</strong> sûr plus être question d'un ordre quelconque.<br />

16. C'est pourquoi je dis que même la superstition vaut finalem<strong>en</strong>t mieux pour<br />

l'homme que pas <strong>de</strong> croyance du tout ; car la paille vaut toujours mieux que ri<strong>en</strong> !<br />

Avec <strong>de</strong> la paille, on peut <strong>en</strong>core faire quelque chose, mais on ne fera jamais ri<strong>en</strong><br />

avec ri<strong>en</strong>. C'est pour c<strong>et</strong>te raison que nous, Romains, nous tolérons <strong>de</strong> la part <strong>de</strong><br />

votre peuple <strong>de</strong>s superstitions souv<strong>en</strong>t particulièrem<strong>en</strong>t obscures, parce que nous<br />

y voyons <strong>en</strong>core quelque utilité pour les hommes.<br />

17. Quant aux templiers eux-mêmes, nous les avons <strong>en</strong> horreur, parce que nous<br />

savons fort bi<strong>en</strong> qu'ils ne croi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> que c'est pour cela qu'au lieu <strong>de</strong> la<br />

vérité, ils font croire au peuple les pires absurdités comme si elles étai<strong>en</strong>t<br />

parfaitem<strong>en</strong>t divines <strong>et</strong> inflig<strong>en</strong>t même les pires châtim<strong>en</strong>ts à ceux qui, parce que<br />

leur esprit est naturellem<strong>en</strong>t éveillé, refus<strong>en</strong>t toujours <strong>de</strong> croire, malgré la<br />

contrainte morale, que le beau est laid, que la lumière du soleil est noire <strong>et</strong> non<br />

blanche <strong>et</strong> que le fleuve Cédron charrie du sang ! C'est cela qui, pour moi, est la<br />

pire <strong>de</strong>s perversités, <strong>et</strong> pas du tout <strong>en</strong> soi telle ou telle superstition !<br />

18. Bi<strong>en</strong> sûr, si l'on peut <strong>en</strong> ce cas trouver les moy<strong>en</strong>s <strong>et</strong> l'occasion d'apporter une<br />

vraie lumière aux aveugles, c'est un bi<strong>en</strong>fait inestimable ; mais tant que l'on ne<br />

peut pas le faire, il vaut mieux laisser le peuple à ses pieuses croyances ! Car si<br />

l'on ne peut ri<strong>en</strong> lui donner <strong>de</strong> meilleur <strong>en</strong> échange, il vaut mieux lui laisser ce<br />

qu'il a ! »<br />

Chapitre 7<br />

Le Pharisi<strong>en</strong> témoigne <strong>de</strong>s croyances imposées par le Temple<br />

1. Le Pharisi<strong>en</strong> dit : « Tout ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> dire, ô noble seigneur, est si<br />

évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t bon <strong>et</strong> vrai que nous ne pouvons y répondre que ceci : tout homme<br />

pourvu <strong>de</strong> quelque intellig<strong>en</strong>ce tirera plus <strong>de</strong> profit pour sa tête <strong>et</strong> son cœur d'une<br />

heure <strong>de</strong> conversation avec toi que <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t ans à écouter les sottises du Temple,<br />

qui ne sont ri<strong>en</strong> d'autre que <strong>de</strong>s paroles vi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s.<br />

2. On y bavar<strong>de</strong> certes beaucoup <strong>et</strong> on y braille plus <strong>en</strong>core ; mais tout cela re-<br />

(*) Le terme allemand Aberglaub<strong>en</strong> (superstition) est formé à partir <strong>de</strong> Glaub<strong>en</strong><br />

(croyance, foi) <strong>et</strong> signifie donc littéralem<strong>en</strong>t « foi déformée ». (N.d.T.)<br />

14


vi<strong>en</strong>t à peu près à dire à un homme : "Ami, lave-moi les mains <strong>et</strong> les pieds, mais<br />

surtout, pr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong> gar<strong>de</strong> à ne pas me les mouiller si peu que ce soit !" — Et<br />

quant à l'<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t qui nous est disp<strong>en</strong>sé au Temple, on nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

expressém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'écouter avec dévotion <strong>et</strong> <strong>de</strong> nous conformer à toutes ses<br />

exig<strong>en</strong>ces. Mais pourquoi, <strong>et</strong> ce qu'il y a à compr<strong>en</strong>dre dans ce qui nous est<br />

débité, personne n'a le droit <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> inquiéter — ce sont là mystères divins dont<br />

nul ne peut approcher le s<strong>en</strong>s, si ce n'est le <strong>grand</strong> prêtre seul, <strong>et</strong> cela strictem<strong>en</strong>t<br />

sous le sceau du secr<strong>et</strong>.<br />

3. À quoi bon une doctrine qu'il est certes possible, voire obligatoire, d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre à<br />

la l<strong>et</strong>tre, mais sans avoir le droit d'y compr<strong>en</strong>dre un traître mot ?! Cela ne vaut<br />

assurém<strong>en</strong>t pas mieux que <strong>de</strong> n'avoir jamais ri<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du !<br />

4. Par Dieu, si l'on considère véritablem<strong>en</strong>t au <strong>grand</strong> jour la question <strong>de</strong> la<br />

doctrine divine chez les hommes, on r<strong>en</strong>contre souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s choses à r<strong>et</strong>ourner<br />

l'estomac d'une autruche ! Car si les hommes, dans leurs autres faits <strong>et</strong> gestes,<br />

sont ordinairem<strong>en</strong>t loin d'être absolum<strong>en</strong>t aussi stupi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> aveugles que par une<br />

nuit sans lune sous un ciel <strong>de</strong> plomb, ils le sont à coup sûr au c<strong>en</strong>tuple lorsqu'il<br />

s'agit <strong>de</strong> doctrine divine ! Le plus souv<strong>en</strong>t, ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les vessies pour <strong>de</strong>s<br />

lanternes au point que même un chi<strong>en</strong> <strong>en</strong> serait dégoûté, <strong>et</strong> à plus forte raison un<br />

honnête homme, ou alors ils ne croi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ri<strong>en</strong>.<br />

5. Ô noble seigneur, tu ne saurais imaginer les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts qui m'animai<strong>en</strong>t<br />

souv<strong>en</strong>t lorsque, <strong>de</strong>vant les g<strong>en</strong>s, je <strong>de</strong>vais prêcher comme bonne <strong>et</strong> vraie une<br />

chose dont j'étais d'avance plus que convaincu qu'elle était un parfait m<strong>en</strong>songe !<br />

Bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t, j'aurais voulu m'étrangler moi-même <strong>de</strong> colère ! Mais à quoi bon ?<br />

Quand le bœuf est attelé, il doit tirer, que ce soit facile ou non, sans quoi les<br />

coups pleuv<strong>en</strong>t ! En prêchant, je me <strong>de</strong>mandais souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> moi-même : "Qui est<br />

le bœuf le plus à plaindre, moi, le prêcheur, ou celui <strong>de</strong>vant qui je prêche ?" Et je<br />

ne pouvais me déf<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser que c'était moi, le bœuf le plus stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> au<br />

fond le plus contraint par la nécessité. Car mon auditeur, s'il avait quelque<br />

jugem<strong>en</strong>t, pouvait <strong>en</strong>suite rire tout son soûl <strong>et</strong> se moquer <strong>de</strong> moi avec ses amis,<br />

alors que je n'avais pas ce droit, du moins au Temple, sous peine d'être condamné<br />

à boire l'eau <strong>de</strong> la malédiction.<br />

6. C'est pourquoi, noble seigneur, je dis : loin <strong>de</strong> nous à prés<strong>en</strong>t ce qui n'apparti<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> vérité qu'au diable seul ! Nous serons désormais <strong>de</strong>s hommes<br />

vraim<strong>en</strong>t intellig<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> plus jamais les serviteurs <strong>de</strong> la bêtise humaine quelle<br />

qu'elle soit ; car c'est une chose affreuse que d'être au service <strong>de</strong> la bêtise <strong>de</strong>s<br />

hommes ! Dorénavant, ce seront les armes <strong>et</strong> la pure raison ! Tout le reste a sa<br />

place <strong>en</strong>tre les cornes du vieux bouc émissaire, qu'il faut tuer <strong>et</strong> brûler au feu<br />

d'une juste colère. — Mais à prés<strong>en</strong>t, parlons d'autre chose !<br />

7. Saurais-tu, noble seigneur, ce que c<strong>et</strong> homme-dieu plein <strong>de</strong> bonté nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait<br />

pour nous pr<strong>en</strong>dre, ne fût-ce que pour une brève pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> quelques<br />

jours, parmi ses disciples ? Car nous appr<strong>en</strong>drions à coup sûr énormém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lui,<br />

même <strong>en</strong> si peu <strong>de</strong> temps ! Crois-tu donc que nous pourrions le lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>en</strong><br />

toute confiance ? »<br />

8. Jules dit : « Assurém<strong>en</strong>t ; mais je sais aussi qu'il n'accepte d'autre rétribution<br />

que spirituelle, <strong>et</strong> jamais ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> matériel ! Oh, Il n'a jamais sur Lui la plus p<strong>et</strong>ite<br />

15


pièce <strong>de</strong> monnaie (*) , <strong>et</strong> pourtant, Il ne <strong>de</strong>meure jamais <strong>en</strong> reste ! À qui fait<br />

quelque chose pour l'amour <strong>de</strong> Lui, Il r<strong>en</strong>d mille fois plus par d'autres voies ; car<br />

Sa parole <strong>et</strong> Sa volonté val<strong>en</strong>t plus que la terre <strong>en</strong>tière. Vous n'avez pas besoin<br />

d'<strong>en</strong> savoir plus ; à vous <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r maint<strong>en</strong>ant ! »<br />

9. Le jeune Pharisi<strong>en</strong> dit : « C'est parfait, nous te remercions beaucoup, noble<br />

seigneur, <strong>de</strong> nous avoir ainsi éclairés ; car à prés<strong>en</strong>t, je sais fort bi<strong>en</strong> ce que nous<br />

allons faire, <strong>et</strong> que nous <strong>de</strong>vons faire <strong>en</strong> quelque sorte. Maint<strong>en</strong>ant, nous pouvons<br />

tout <strong>de</strong> bon avoir recours à lui ; <strong>et</strong> ce qu'il nous dira <strong>de</strong> faire, nous le ferons ! »<br />

Chapitre 8<br />

Ce que le Seigneur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à ceux qu'il accepte pour disciples<br />

1. Ayant prononcé ces paroles, le jeune Pharisi<strong>en</strong> se lève, vi<strong>en</strong>t à Moi <strong>et</strong> dit : «<br />

Seigneur, maître <strong>et</strong> sauveur sans pareil, ce que nous sommes, mes vingt-neuf<br />

frères <strong>et</strong> moi, tu le sais fort bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> le <strong>grand</strong> commandant Jules nous a appris qui<br />

tu étais exactem<strong>en</strong>t ; aussi pouvons-nous nous épargner les questions<br />

réciproques. Cep<strong>en</strong>dant, comme nous avons <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire que tu pr<strong>en</strong>ds quelquefois<br />

<strong>de</strong>s disciples, nous souhaiterions nous aussi le <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir — même pour un<br />

temps très court, s'il n'était pas possible <strong>de</strong> le <strong>de</strong>meurer plus longtemps. »<br />

2. Je dis : « Ce serait sans doute possible ; mais songez à ceci : les oiseaux ont<br />

leur nid <strong>et</strong> les r<strong>en</strong>ards leur terrier, mais Moi, Je n'ai pas où reposer Ma tête !<br />

3. Ceux qui veul<strong>en</strong>t être ou <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir Mes disciples doiv<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre sur leurs<br />

épaules un lourd far<strong>de</strong>au <strong>et</strong> Me suivre ainsi ! Aucun avantage terrestre ne doit<br />

paraître chez eux, au contraire, ils doiv<strong>en</strong>t même r<strong>en</strong>oncer, <strong>en</strong> Mon nom <strong>et</strong> pour<br />

l'amour <strong>de</strong> Moi, à tous les avantages <strong>et</strong> à toutes les richesses qu'ils possédai<strong>en</strong>t<br />

déjà, <strong>et</strong> cela non pour un temps, mais pour toujours ; même femme <strong>et</strong> <strong>en</strong>fants ne<br />

doiv<strong>en</strong>t pas les r<strong>et</strong><strong>en</strong>ir s'ils veul<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> vrais disciples du royaume <strong>de</strong><br />

Dieu.<br />

4. Ils doiv<strong>en</strong>t n'avoir ni arg<strong>en</strong>t ni autres richesses <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, ne possé<strong>de</strong>r qu'un<br />

seul vêtem<strong>en</strong>t, pas <strong>de</strong> chaussures sans nécessité, ni sac où emporter quoi que ce<br />

soit, ni bâton <strong>de</strong> pèlerin pour se déf<strong>en</strong>dre contre un év<strong>en</strong>tuel <strong>en</strong>nemi.<br />

5. Ils ne doiv<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> possé<strong>de</strong>r d'autre sur terre que le secr<strong>et</strong> du royaume <strong>de</strong> Dieu.<br />

Si vous pouvez vous accommo<strong>de</strong>r <strong>de</strong> cela, alors vous pouvez être Mes disciples !<br />

6. De plus, chacun <strong>de</strong> Mes disciples doit être comme Moi plein d'amour, <strong>de</strong><br />

douceur <strong>et</strong> <strong>de</strong> pati<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>vers tous. Il doit bénir aussi bi<strong>en</strong> son pire <strong>en</strong>nemi que<br />

son meilleur ami, <strong>et</strong>, quand l'occasion s'<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te, faire le bi<strong>en</strong> à qui lui a fait<br />

du mal <strong>et</strong> prier pour qui le persécute.<br />

7. La colère <strong>et</strong> la v<strong>en</strong>geance doiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>meurer étrangères au cœur <strong>de</strong> celui qui<br />

veut être Mon disciple ; il ne doit pas se plaindre <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces amères <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

vie <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins s'<strong>en</strong> irriter.<br />

(*) « auch nur ein Naulum Gel<strong>de</strong>s » : sans doute erreur <strong>de</strong> transcription pour<br />

naucum : zeste (<strong>de</strong> noix), mot latin employé au s<strong>en</strong>s figuré. (N.d.T.)<br />

16


8. Il doit fuir comme la peste toute vie <strong>de</strong> plaisir <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> <strong>en</strong> revanche m<strong>et</strong>tre<br />

tout <strong>en</strong> œuvre pour créer véritablem<strong>en</strong>t dans son cœur, par Ma parole vivante, un<br />

esprit nouveau dans lequel il pourra <strong>en</strong>fin vivre éternellem<strong>en</strong>t dans toute la<br />

plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la force <strong>de</strong> l'Esprit.<br />

9. Aussi, réfléchissez à ces conditions, <strong>et</strong> dites-Moi si elles vous agré<strong>en</strong>t <strong>et</strong> si<br />

vous voulez vous y soum<strong>et</strong>tre pleinem<strong>en</strong>t ! »<br />

10. À c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>scription, les jeunes Pharisi<strong>en</strong>s comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à se gratter sérieusem<strong>en</strong>t<br />

l'oreille, <strong>et</strong> chacun se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> fort comm<strong>en</strong>t il convi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Me répondre.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, le jeune Pharisi<strong>en</strong> qui s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ait avec Jules, mais qui se ti<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>core près <strong>de</strong> Moi, dit au bout d'un instant, comme plaisantant à moitié : « Cher<br />

<strong>et</strong> bon maître sans pareil, les conditions que tu nous proposes sont sans doute fort<br />

bonnes <strong>en</strong> soi, si l'on considère qu'elles perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t d'acquérir tant soit peu <strong>de</strong> tes<br />

extraordinaires facultés divines ; mais bi<strong>en</strong> peu pourront les suivre <strong>et</strong> s'<strong>en</strong><br />

accommo<strong>de</strong>r ! En outre, une telle exig<strong>en</strong>ce ne convi<strong>en</strong>dra assurém<strong>en</strong>t jamais au<br />

commun <strong>de</strong>s mortels ; car <strong>en</strong> définitive, si tous les hommes voulai<strong>en</strong>t se<br />

conformer aux conditions posées pour être <strong>de</strong> tes disciples, la terre finirait vite<br />

par r<strong>et</strong>rouver l'aspect qu'elle avait selon Moïse au <strong>de</strong>uxième ou au troisième jour<br />

<strong>de</strong> la Création, c'est-à-dire désolée, sans forme <strong>et</strong> vi<strong>de</strong> ! Ce n'est pas ainsi que tu<br />

susciteras beaucoup <strong>de</strong> prosélytes ! Quelques-uns sans doute s'<strong>en</strong><br />

accommo<strong>de</strong>ront bi<strong>en</strong>, ceux qui veul<strong>en</strong>t se soum<strong>et</strong>tre à ce qu'on appelle la vie<br />

contemplative <strong>et</strong> atteindre <strong>en</strong> quelque sorte dès c<strong>et</strong>te terre ce qu'ils ne sont c<strong>en</strong>sés<br />

atteindre que dans l'au-<strong>de</strong>là ; mais tous les hommes !? Ô Dieu, où irait le mon<strong>de</strong><br />

!?<br />

11. À c<strong>et</strong> égard, l'anci<strong>en</strong>ne doctrine <strong>de</strong> Moïse <strong>de</strong>meure ce qu'il y a <strong>de</strong> plus<br />

compl<strong>et</strong> pour l'homme dans les domaines matériel <strong>et</strong> moral, <strong>et</strong> à tout point <strong>de</strong><br />

vue, elle remplit à merveille son office pour toutes les créatures ! Avec elle, on<br />

peut, comme David, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un homme considéré <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant le<br />

mon<strong>de</strong>, ce qui est <strong>de</strong> la plus haute nécessité pour que l'ordre se mainti<strong>en</strong>ne sur la<br />

terre. M<strong>et</strong>s tous les hommes sur le même pied, <strong>et</strong> tu pourras bi<strong>en</strong>tôt constater où<br />

cela mène l'humanité <strong>en</strong> très peu <strong>de</strong> temps ! Il importe certes que quelques-uns<br />

soi<strong>en</strong>t dét<strong>en</strong>teurs <strong>de</strong>s mystères du royaume <strong>de</strong> Dieu sur terre ; mais pour tous les<br />

hommes, cela ne vaudrait pas mieux qu'une armée composée uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

généraux du même rang ou au contraire uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> simples soldats ne<br />

connaissant ri<strong>en</strong> à la manière <strong>de</strong> m<strong>en</strong>er une guerre, autrem<strong>en</strong>t dit sans un seul<br />

général. En vérité, pour battre une telle armée, il se pourrait même que quelques<br />

régim<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> vieilles femmes quelque peu bi<strong>en</strong> m<strong>en</strong>és suffis<strong>en</strong>t !<br />

12. En ce qui me concerne, je souhaite assurém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ton disciple, quand<br />

bi<strong>en</strong> même tu aurais posé <strong>de</strong>s conditions plus dures <strong>en</strong>core ; quant à savoir si tous<br />

mes compagnons voudront s'y conformer, c'est une tout autre question ! Car le<br />

Temple <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sans doute beaucoup ; mais toi, tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s tout — <strong>et</strong> cela,<br />

ami, cela, bi<strong>en</strong> peu voudront y cons<strong>en</strong>tir ! »<br />

Chapitre 9<br />

Des avantages du r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t à soi-même<br />

17


1. Je dis : « Peu importe, car Je ne contrains personne ! Que celui qui le veut Me<br />

suive ; mais celui qui ne le veut ni ne le peut, qu'il reste chez lui !<br />

2. Mais <strong>en</strong> ces jours, il est fait viol<strong>en</strong>ce au royaume <strong>de</strong> Dieu ; <strong>et</strong> ceux qui ne<br />

l'arracheront point par la viol<strong>en</strong>ce ne le possé<strong>de</strong>ront point.<br />

3. Quant aux conditions, il est vrai un peu difficiles, que Je vous ai posées,<br />

écoute ceci : si tu as un vieux vêtem<strong>en</strong>t qui tombe <strong>en</strong> lambeaux <strong>et</strong> avec lequel tu<br />

n'oses plus te prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>vant les hommes, <strong>et</strong> qu'un homme vi<strong>en</strong>ne à toi avec un<br />

bon vêtem<strong>en</strong>t neuf <strong>et</strong> te dise : "Ami, ôte ton vieux vêtem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> détruis-le, car il ne<br />

servira plus à ri<strong>en</strong> à l'av<strong>en</strong>ir ; <strong>en</strong> échange, je t'<strong>en</strong> donne un nouveau que tu<br />

pourras porter <strong>en</strong> tout temps, parce qu'il est fait d'une étoffe contre laquelle<br />

aucune tempête ne peut ri<strong>en</strong>", seras-tu assez fou, <strong>de</strong>vant une telle proposition,<br />

pour conserver tes vieux haillons ?<br />

4. De plus, tu sais, tout comme tes compagnons, que c<strong>et</strong>te école <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te épreuve<br />

qu'est la vie terrestre ne dure qu'un temps extrêmem<strong>en</strong>t court, <strong>et</strong> dès qu'elle se<br />

termine vi<strong>en</strong>t l'éternité sans fin. Sais-tu vraim<strong>en</strong>t si tu auras <strong>en</strong>core une vie, <strong>et</strong><br />

laquelle, après la mort <strong>de</strong> ton corps ? — Moi seul suis <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> te donner <strong>en</strong><br />

toute certitu<strong>de</strong>, à toi comme à tout homme, la vie éternelle <strong>et</strong> toute parfaite d'un<br />

ange <strong>en</strong> échange <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te brève <strong>et</strong> misérable exist<strong>en</strong>ce.<br />

5. Hésiteras-tu <strong>en</strong>core à accepter Mon offre, quand Je suis le seul à pouvoir te<br />

donner <strong>en</strong> bi<strong>en</strong> propre c<strong>et</strong>te vie éternelle ? En vérité, Je ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que très peu,<br />

<strong>et</strong> donne infinim<strong>en</strong>t <strong>en</strong> échange !<br />

6. Crois-tu donc que la terre serait vraim<strong>en</strong>t désertée si avec le temps, ce qui<br />

d'ailleurs vi<strong>en</strong>dra un jour, tous les hommes se rangeai<strong>en</strong>t aux exig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> Ma<br />

doctrine ? Ô Pharisi<strong>en</strong> à courte vue !<br />

7. Regar<strong>de</strong> Mon ange qui est ici : à lui seul, il a tant <strong>de</strong> puissance <strong>et</strong> <strong>de</strong> force<br />

issues <strong>de</strong> Moi que si Je le voulais, il pourrait <strong>en</strong> un instant détruire toute c<strong>et</strong>te<br />

terre, le <strong>grand</strong> soleil, la lune <strong>et</strong> tous les astres visibles, qui sont <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s si<br />

<strong>grand</strong>s que, comparée à eux, la terre est à peine un minuscule grain <strong>de</strong> sable, <strong>et</strong><br />

cela aussi rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t qu'il a anéanti la pierre tout à l'heure. Et si tu crois que la<br />

culture du sol <strong>de</strong> la terre ne dép<strong>en</strong>d que <strong>de</strong> l'homme, tu te trompes <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t !<br />

8. Si Je te donne un lopin <strong>de</strong> terre après l'avoir maudit, tu auras beau le travailler,<br />

il ne portera pas même assez d'épines <strong>et</strong> <strong>de</strong> chardons pour nourrir tes vers ! Le<br />

semeur dépose certes les grains dans la terre labourée ; mais Mes anges doiv<strong>en</strong>t<br />

travailler avec lui lors <strong>de</strong>s semailles <strong>et</strong> bénir le champ, sans quoi il n'y poussera<br />

jamais ri<strong>en</strong> ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela ?<br />

9. Et si Mes anges sont toujours les principaux travailleurs grâce auxquels le sol<br />

porte quelque nourriture, ils peuv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> aussi, au besoin, se charger<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s semailles, comme ils le font déjà aux <strong>en</strong>droits <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre où<br />

l'homme n'a jamais mis le pied.<br />

10. Cep<strong>en</strong>dant, comme les hommes sont toujours sous le coup <strong>de</strong> la malédiction<br />

<strong>et</strong> veul<strong>en</strong>t à toute force travailler eux-mêmes pour leur corps, eh bi<strong>en</strong>, Mes anges<br />

n'ont plus qu'à fêter le sabbat tous les jours ! »<br />

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Chapitre 10<br />

Des maux <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drés par les besoins matériels<br />

1. (Le Seigneur :) « N'avez-vous pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong> E<strong>de</strong>n terrestre, ce<br />

lieu où le premier homme fut créé ? L'E<strong>de</strong>n était un <strong>grand</strong> jardin, excellem<strong>en</strong>t<br />

pourvu <strong>de</strong>s meilleurs fruits <strong>de</strong> toute la terre ; pourtant, nulle main humaine<br />

n'avait pu travailler ce jardin ! Les premiers hommes n'avai<strong>en</strong>t pas davantage <strong>de</strong><br />

maisons ni <strong>de</strong> villes ; ils n'avai<strong>en</strong>t que <strong>de</strong>s besoins fort peu nombreux <strong>et</strong> faciles à<br />

satisfaire, mais n'<strong>en</strong> <strong>de</strong>meurai<strong>en</strong>t pas moins <strong>en</strong> bonne santé <strong>et</strong> atteignai<strong>en</strong>t un âge<br />

très avancé, grâce à quoi ils avai<strong>en</strong>t beaucoup <strong>de</strong> temps à consacrer à la<br />

formation intérieure <strong>de</strong> leur âme <strong>et</strong> se trouvai<strong>en</strong>t presque continuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

relation tangible avec les puissances du ciel.<br />

2. Mais déjà Caïn, sous l'inspiration <strong>de</strong> Satan, édifiait pour son fils Hénok une<br />

ville du même nom, posant ainsi la première pierre <strong>de</strong> tous les maux <strong>de</strong> la terre.<br />

3. Je vous le dis : l'homme n'a besoin que <strong>de</strong> fort peu <strong>de</strong> chose pour vivre sur<br />

c<strong>et</strong>te terre ; mais son arrogance, sa paresse, son orgueil, son égoïsme <strong>et</strong> son désir<br />

<strong>de</strong> puissance ont <strong>de</strong>s besoins imm<strong>en</strong>ses, <strong>et</strong> ne sont pourtant jamais satisfaits !<br />

4. C'est là le principal souci <strong>de</strong>s hommes, <strong>et</strong> c'est pourquoi ils n'ont bi<strong>en</strong> sûr plus<br />

<strong>de</strong> temps à consacrer à ce qui <strong>de</strong>vrait être leur vraie occupation, celle-là seule<br />

pour laquelle Dieu les a mis sur c<strong>et</strong>te terre.<br />

5. D'Adam à Noé, les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong>s montagnes n'ont jamais fait la guerre, parce<br />

qu'ils n'avai<strong>en</strong>t que très peu <strong>de</strong> besoins <strong>et</strong> qu'aucun d'eux ne désirait être plus que<br />

son frère, <strong>et</strong> les par<strong>en</strong>ts jouissai<strong>en</strong>t auprès <strong>de</strong> leurs <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> la plus <strong>grand</strong>e<br />

considération, parce qu'ils <strong>de</strong>meurai<strong>en</strong>t toujours pour eux <strong>de</strong>s gui<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s maîtres<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>s conseillers avisés.<br />

6. Mais dans les plaines, les hommes aveugles par le cœur <strong>et</strong> par la raison<br />

comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à parer somptueusem<strong>en</strong>t leurs maîtres, leurs gui<strong>de</strong>s <strong>et</strong> leurs<br />

conseillers, à oindre leurs têtes, à les orner <strong>de</strong> couronnes, <strong>et</strong>, pour <strong>grand</strong>ir leur<br />

crédit, à leur octroyer toutes sortes <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> contrainte <strong>et</strong> <strong>de</strong> pouvoir, <strong>et</strong> il ne<br />

fut plus question <strong>de</strong> vivre avec peu <strong>de</strong> besoins faciles à satisfaire !<br />

7. Le luxe est un v<strong>en</strong>tre affamé <strong>et</strong> jamais rassasié. Sur leur sol étroit, ces hommes<br />

superbes <strong>et</strong> insatiables ne trouvai<strong>en</strong>t plus une nourriture suffisante, <strong>et</strong> ils<br />

comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à se répandre toujours plus loin, déclarant aussitôt leurs <strong>en</strong> toute<br />

propriété les terres qu'ils occupai<strong>en</strong>t <strong>et</strong> pr<strong>en</strong>ant soin d'y établir aussitôt leur<br />

spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur, ce qui éveillait l'<strong>en</strong>vie <strong>et</strong> la jalousie, <strong>et</strong> par là bi<strong>en</strong>tôt la discor<strong>de</strong>, la<br />

querelle <strong>et</strong> la guerre. La raison du plus fort finissait par triompher, <strong>et</strong> celui-ci<br />

régnait alors sur les faibles <strong>et</strong> les contraignait à travailler pour lui <strong>et</strong> à lui être<br />

soumis <strong>en</strong> toute chose. Quant à ceux qui résistai<strong>en</strong>t, ils étai<strong>en</strong>t châtiés <strong>et</strong><br />

contraints à une obéissance inconditionnelle, au besoin par la mort !<br />

8. Tout cela, voyez-vous, fut sur terre le résultat d'une civilisation superficielle,<br />

<strong>de</strong> l'amour du faste <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'orgueil qui l'accompagne !<br />

9. Ainsi, lorsque, dans Mon esprit v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux, Je veux vous ram<strong>en</strong>er à l'état<br />

heureux <strong>de</strong>s premiers hommes <strong>et</strong> vous montrer les voies <strong>de</strong>puis longtemps<br />

19


perdues qui mèn<strong>en</strong>t au royaume <strong>de</strong> Dieu, comm<strong>en</strong>t pouvez-vous dire que les<br />

conditions que J'impose à ceux qui veul<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir Mes disciples sont trop dures<br />

<strong>et</strong> qu'il est presque impossible au commun <strong>de</strong>s mortels <strong>de</strong> s'y soum<strong>et</strong>tre !<br />

10. Je vous le dis, le joug que Je pose sur vos épaules est doux, <strong>et</strong> le far<strong>de</strong>au que<br />

Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> porter est léger comme une plume au regard <strong>de</strong> ce que vous<br />

supportez jour après jour.<br />

11. Comme vos préoccupations s'ét<strong>en</strong><strong>de</strong>nt loin dans le vaste mon<strong>de</strong> ! Vous<br />

n'avez <strong>de</strong> cesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> repos ni jour ni nuit, <strong>et</strong> cela uniquem<strong>en</strong>t à cause du mon<strong>de</strong>,<br />

afin que ri<strong>en</strong> ne vi<strong>en</strong>ne diminuer ce que vous imaginez être votre spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur <strong>et</strong><br />

votre bi<strong>en</strong>-être, <strong>et</strong> souv<strong>en</strong>t au prix <strong>de</strong> la sueur <strong>et</strong> du sang <strong>de</strong> vos frères <strong>et</strong> sœurs<br />

plus faibles !<br />

12. Comm<strong>en</strong>t, avec un tel souci, l'âme trouverait-elle <strong>en</strong>core le temps <strong>de</strong> faire<br />

quoi que ce soit pour éveiller <strong>en</strong> elle l'esprit <strong>de</strong> Dieu ?!<br />

13. Vos âmes <strong>et</strong> celles <strong>de</strong> millions d'autres ne sav<strong>en</strong>t même plus qu'elles port<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> elles l'esprit <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins que, eu égard à la quasi infinité <strong>de</strong> leurs<br />

soucis terrestres, elles pourrai<strong>en</strong>t avoir avantage à faire quelque chose pour<br />

r<strong>en</strong>dre c<strong>et</strong> esprit libre <strong>et</strong> indép<strong>en</strong>dant. Mais, par amour du faste <strong>et</strong> <strong>de</strong> la bonne<br />

vie, vous contraignez l'humanité pauvre <strong>et</strong> faible à une douloureuse <strong>et</strong> continuelle<br />

servitu<strong>de</strong>, à cause <strong>de</strong> quoi elle ne peut ri<strong>en</strong> faire elle non plus pour la libération<br />

<strong>de</strong> son esprit, <strong>et</strong> c'est ainsi que, vous <strong>et</strong> vos suj<strong>et</strong>s, vous êtes morts <strong>et</strong>, <strong>en</strong><br />

véritables <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Satan, ne voulez pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre Ma parole qui vous conduit<br />

<strong>en</strong> toute vérité à la Vie, mais déf<strong>en</strong><strong>de</strong>z votre propre parole dont ne peut résulter,<br />

pour vous-mêmes <strong>et</strong> tous ceux qui vous sont soumis, que la mort étemelle.<br />

Chapitre 11<br />

De la cause du Déluge<br />

1. (Le Seigneur :) « Et c'est pourtant Dieu qu'on accuse <strong>en</strong> disant : "Comm<strong>en</strong>t<br />

Dieu a-t-il pu nous <strong>en</strong>voyer ce Déluge qui a anéanti toute vie sur terre, comm<strong>en</strong>t<br />

a-t-il pu détruire les habitants <strong>de</strong> Sodome <strong>et</strong> Gomorrhe !?" C'est pourtant facile à<br />

compr<strong>en</strong>dre ! À quoi bon laisser plus longtemps grouiller sur le sol <strong>de</strong> la terre <strong>de</strong>s<br />

amas <strong>de</strong> chair animés <strong>et</strong> parés, mais dont les âmes, à cause <strong>de</strong> leur intérêt exclusif<br />

pour la chair, s'étai<strong>en</strong>t à ce point éloignées <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong>ne ordonnance divine que<br />

toute trace <strong>de</strong> consci<strong>en</strong>ce, ne fût-ce que d'elles-mêmes, les avait désertées !?<br />

2. Peut-il exister plus grossière incarnation <strong>de</strong> l'âme humaine que celle où l'âme<br />

non seulem<strong>en</strong>t a perdu toute notion <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> elle d'un esprit divin, mais<br />

a même fini par se perdre elle-même <strong>en</strong> niant absolum<strong>en</strong>t sa propre exist<strong>en</strong>ce <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong> refusant d'adm<strong>et</strong>tre qu'elle existe !?<br />

3. Oui, quand l'humanité <strong>en</strong> arrive à ce point, c'est que l'homme lui-même a tout<br />

à fait cessé d'être homme ; il n'est plus guère alors qu'un animal doté d'une raison<br />

instinctive <strong>et</strong> désormais totalem<strong>en</strong>t incapable d'un quelconque progrès <strong>de</strong> son<br />

âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> son esprit. C'est pourquoi une telle chair doit être tuée <strong>et</strong> pourrir avec<br />

20


son âme par trop incarnée (*) , afin que, après bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s millénaires peut-être, une<br />

âme <strong>en</strong>fin débarrassée <strong>de</strong> toute incarnation r<strong>et</strong>rouve la voie <strong>de</strong> son évolution <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

son indép<strong>en</strong>dance, soit <strong>de</strong> nouveau sur c<strong>et</strong>te terre, soit sur un autre mon<strong>de</strong>.<br />

4. Cep<strong>en</strong>dant, l'on voit à nouveau <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus souv<strong>en</strong>t que <strong>de</strong>s hommes, à<br />

force <strong>de</strong> trop se soucier du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur chair, ne veul<strong>en</strong>t plus ri<strong>en</strong> savoir <strong>de</strong><br />

leur âme : vous pouvez le constater <strong>en</strong> partie sur vous-mêmes, <strong>en</strong> partie chez les<br />

Sadducé<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> pour l'ess<strong>en</strong>tiel chez tous les hommes ; car plus personne ne sait<br />

vraim<strong>en</strong>t ce qu'est une âme ! On <strong>en</strong> parle sans doute <strong>et</strong> l'on dit : "Par mon âme" <strong>et</strong><br />

"En mon âme" ; mais que l'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à quelqu'un : "Ami, qu'est-ce donc que<br />

l'âme ?", l'interrogé <strong>de</strong>meure interdit <strong>et</strong> ne sait plus que dire ni que faire !<br />

5. Mais quand on <strong>en</strong> vi<strong>en</strong>t au point où l'âme ne se connaît plus elle-même <strong>et</strong> finit<br />

par oublier complètem<strong>en</strong>t qu'elle existe, ce qu'elle est <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t elle vit, alors<br />

tout est fini ! Dieu n'a plus d'autre recours que <strong>de</strong> rem<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> branle sur le sol<br />

terrestre le bon vieux mécanisme <strong>de</strong> l'anéantissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s corps humains, tantôt<br />

<strong>en</strong> <strong>grand</strong>, tantôt partiellem<strong>en</strong>t, selon l'état <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> selon qu'ils se<br />

souvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core un peu ou plus du tout <strong>de</strong> leur esprit <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur âme.<br />

6. De tels humains, appart<strong>en</strong>ant uniquem<strong>en</strong>t au mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> à la chair, sont certes<br />

souv<strong>en</strong>t fort beaux <strong>et</strong> séduisants quant à l'appar<strong>en</strong>ce extérieure, particulièrem<strong>en</strong>t<br />

ceux du sexe féminin ; la raison aisém<strong>en</strong>t compréh<strong>en</strong>sible <strong>en</strong> est l'union toujours<br />

plus <strong>grand</strong>e <strong>de</strong> l'âme avec sa chair. Mais cela <strong>en</strong> fait aussi <strong>de</strong>s êtres faibles <strong>et</strong> très<br />

s<strong>en</strong>sibles à toutes les mauvaises influ<strong>en</strong>ces physiques. Leurs corps tomb<strong>en</strong>t<br />

facilem<strong>en</strong>t mala<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> le moindre souffle pestil<strong>en</strong>tiel les tue inévitablem<strong>en</strong>t,<br />

alors que les hommes dont l'âme est libre <strong>et</strong> conti<strong>en</strong>t un esprit libre peuv<strong>en</strong>t<br />

recevoir tous les poisons <strong>de</strong> la terre sans <strong>en</strong> subir le moindre dommage ; car<br />

l'âme libre <strong>et</strong> l'esprit parfaitem<strong>en</strong>t libre qui est <strong>en</strong> elle ont amplem<strong>en</strong>t la force <strong>et</strong><br />

les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> réduire à l'impuissance n'importe quel <strong>en</strong>nemi, alors qu'une âme<br />

soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ligotée <strong>en</strong> tous ses points vitaux par sa chair maudite est pareille à un<br />

géant étroitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>chaîné, qui ne peut même plus se déf<strong>en</strong>dre contre une<br />

mouche importune <strong>et</strong> doit supporter qu'un faible nain armé d'un couteau lui<br />

sépare l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t, mais d'autant plus douloureusem<strong>en</strong>t, la tête du corps. »<br />

Chapitre 12<br />

Indications pour la mission<br />

1. (Le Seigneur :) « R<strong>et</strong><strong>en</strong>ez bi<strong>en</strong> ceci : lorsque vous arriverez <strong>en</strong> un lieu où vous<br />

verrez les humains <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sexes très bellem<strong>en</strong>t faits <strong>et</strong> parés, passez votre<br />

chemin au plus vite ; il n'y a là ri<strong>en</strong> à att<strong>en</strong>dre pour le royaume <strong>de</strong> Dieu, car il y a<br />

déjà là au moins la moitié <strong>de</strong> Sodome <strong>et</strong> Gomorrhe ! Et le jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Dieu n'est<br />

pas loin <strong>de</strong> s'abattre sur un tel lieu ; car ces âmes trop incarnées, qui pour la plus<br />

<strong>grand</strong>e part <strong>de</strong> leur exist<strong>en</strong>ce très singulière (**) ont <strong>en</strong>foui presque toute<br />

(*) C'est-à-dire, ici, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue trop matérielle, trop « <strong>de</strong>nse ».<br />

(**) « von ihr<strong>en</strong> höchst eig<strong>en</strong><strong>en</strong> Dasein » : « exist<strong>en</strong>ce très singulière », c'est-à-dire<br />

personnelle, unique, qui n'apparti<strong>en</strong>t qu'à eux. <strong>Lorber</strong> emploie égalem<strong>en</strong>t très<br />

souv<strong>en</strong>t ce qualificatif höchst eig<strong>en</strong> à propos <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> l'homme, <strong>de</strong> son<br />

21


consci<strong>en</strong>ce dans le tombeau <strong>de</strong> la chair, sont trop soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t liées <strong>de</strong> tous côtés.<br />

Et dès que quelques mauvais esprits <strong>de</strong> l'air à la nature <strong>en</strong>core brute <strong>et</strong> grossière<br />

s'insinu<strong>en</strong>t dans leur belle chair, ces âmes ligotées ne peuv<strong>en</strong>t leur opposer<br />

aucune résistance <strong>et</strong> succomb<strong>en</strong>t très vite avec leur chair qui, parce qu'elle est<br />

trop mêlée à l'âme, est beaucoup plus réceptive <strong>et</strong> s<strong>en</strong>sible que la chair du corps<br />

d'une âme libre.<br />

2. Saississez donc fermem<strong>en</strong>t par le bras ou toute autre partie du corps une <strong>de</strong> ces<br />

délicates tilles <strong>de</strong> la ville, <strong>et</strong> elle criera <strong>de</strong> douleur ; mais allez trouver à la<br />

campagne un paysan qui, hormis son travail, a égalem<strong>en</strong>t <strong>grand</strong> souci <strong>de</strong> son âme<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>fants, <strong>et</strong> vous aurez beau saisir <strong>et</strong> secouer les mains <strong>de</strong> ce<br />

paysan <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>fants aussi fort que vous le voudrez, ils ne pousseront pas <strong>de</strong><br />

bi<strong>en</strong> <strong>grand</strong>s cris <strong>de</strong> douleur ou <strong>de</strong> peur !<br />

3. Vous p<strong>en</strong>sez sans doute que c<strong>et</strong>te ins<strong>en</strong>sibilité a pour origine le dur labeur <strong>et</strong><br />

l'<strong>en</strong>durcissem<strong>en</strong>t qui <strong>en</strong> résulte ? ! Oh, non, Je vous le dis ; au contraire, c<strong>et</strong>te<br />

plus <strong>grand</strong>e ins<strong>en</strong>sibilité est uniquem<strong>en</strong>t la conséqu<strong>en</strong>ce d'une plus <strong>grand</strong>e liberté<br />

<strong>de</strong> l'âme acquise par toutes sortes <strong>de</strong> r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> qui provoque <strong>en</strong> même<br />

temps un juste <strong>en</strong>durcissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la chair.<br />

4. Mais là où on apporte tous ses soins à l'att<strong>en</strong>drissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la chair, où il y a<br />

même <strong>de</strong>s écoles pour montrer comm<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre le corps le plus harmonieux<br />

possible par toutes sortes <strong>de</strong> gymnastiques <strong>et</strong> l'att<strong>en</strong>drir <strong>en</strong>suite par <strong>de</strong>s baumes <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s huiles, il n'y a plus d'âme libre <strong>et</strong> forte ; <strong>et</strong> il suffit d'un léger souffle<br />

empoisonné sur ces corps d'une écœurante faiblesse pour que la mort fasse sans<br />

peine une riche moisson.<br />

5. C'est alors que s'élèv<strong>en</strong>t à nouveau les lam<strong>en</strong>tations <strong>et</strong> les plaintes, <strong>et</strong> tous ces<br />

hommes <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> foi ouvr<strong>en</strong>t la bouche l'un après l'autre <strong>et</strong> dis<strong>en</strong>t : "Quel plaisir<br />

peut donc trouver Dieu à infliger sans cesse aux hommes les maux les plus divers<br />

?!" Ils affirm<strong>en</strong>t que cela montre qu'il n'y a pas <strong>de</strong> Dieu, ou que Dieu est bi<strong>en</strong><br />

trop au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s hommes pour Se soucier <strong>en</strong>core <strong>de</strong> ces misérables vers <strong>de</strong><br />

terre, ou que Dieu est affamé <strong>de</strong> sacrifices <strong>et</strong> avi<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>c<strong>en</strong>s <strong>et</strong> qu'il faut L'apaiser<br />

par <strong>de</strong> somptueuses offran<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s incantations magiques <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>c<strong>en</strong>s ! Ou<br />

<strong>en</strong>core, ils dis<strong>en</strong>t que Dieu est <strong>en</strong> colère, qu'il Se v<strong>en</strong>ge à prés<strong>en</strong>t sur la faible <strong>et</strong><br />

innoc<strong>en</strong>te humanité <strong>et</strong> qu'il faut donc faire pénit<strong>en</strong>ce sous le sac <strong>et</strong> la c<strong>en</strong>dre <strong>et</strong><br />

j<strong>et</strong>er au Jourdain au moins douze boucs émissaires !<br />

6. Mais il ne vi<strong>en</strong>t à l'idée <strong>de</strong> personne que toutes les souffrances, toutes les<br />

maladies, toutes les guerres, toutes les dis<strong>et</strong>tes, famines <strong>et</strong> pestes vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t uniquem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> ce que l'homme, au lieu <strong>de</strong> tout faire, selon l'ordonnance divine, pour<br />

son âme <strong>et</strong> son esprit, ne fait tout que pour son corps !<br />

7. On prêche sans doute, mais on prêche à <strong>de</strong>s âmes mortes la crainte d'un Dieu<br />

auquel le prédicateur à l'âme morte ne croit plus lui-même <strong>de</strong>puis longtemps, ne<br />

croyant qu'à ce qu'on lui donnera pour son sermon <strong>et</strong> aux honneurs <strong>et</strong> à la<br />

considération que lui vaudra son tal<strong>en</strong>t étudié <strong>de</strong> prédicateur. C'est ainsi qu'un<br />

aveugle conduit un autre aveugle, qu'un mort veut r<strong>en</strong>dre la vie à un autre mort.<br />

Le premier prêche pour son corps, le second écoute le prêche à cause <strong>de</strong> son<br />

libre arbitre. (N.d.T.)<br />

22


corps. Mais quel bénéfice peut-il y avoir là pour une âme mala<strong>de</strong> au plus haut<br />

point ?<br />

8. Je suis un Sauveur ; comm<strong>en</strong>t puis-Je faire <strong>de</strong> telles choses ? se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt les<br />

hommes morts, donc tout à fait aveugles. Or, Je vous le dis, Je ne guéris pas la<br />

chair, mais, chaque fois qu'une âme n'est pas <strong>en</strong>core indissolublem<strong>en</strong>t confondue<br />

avec sa chair, Je Me cont<strong>en</strong>te <strong>de</strong> libérer c<strong>et</strong>te âme <strong>et</strong>, dans la mesure où cela est<br />

possible, d'éveiller l'esprit <strong>en</strong>foui dans c<strong>et</strong>te âme. Celui-ci fortifie aussitôt l'âme<br />

qui <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t libre, <strong>et</strong> il est alors facile à celte âme <strong>de</strong> rétablir instantaném<strong>en</strong>t<br />

l'ordre normal au lieu <strong>de</strong>s infirmités <strong>de</strong> la chair.<br />

9. On appelle cela une guérison miraculeuse, alors qu'il s'agit véritablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la<br />

guérison <strong>de</strong> la chair la plus naturelle qui soit ! Tout un chacun peut donner ce<br />

qu'il a ; mais nul ne peut donner ce qu'il n'a pas !<br />

10. Celui qui possè<strong>de</strong> une âme vivante selon l'ordonnance divine <strong>et</strong> dans c<strong>et</strong>te<br />

âme un esprit libre, celui-là peut aussi libérer, lorsqu'elle n'est pas <strong>en</strong>core par trop<br />

incarnée, l'âme <strong>de</strong> son frère, <strong>et</strong> celle-ci guérit alors très facilem<strong>en</strong>t sa propre chair<br />

mala<strong>de</strong>. Mais si le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> l'âme a lui-même une âme très mala<strong>de</strong> <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> plus<br />

morte que vivante, comm<strong>en</strong>t pourra-t-il donner à une autre âme ce qui lui fait à<br />

lui-même <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t défaut ?! Réfléchissez bi<strong>en</strong> à cela !<br />

11. Je vous ai ainsi expliqué les conditions pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir Mes disciples, <strong>et</strong> les<br />

maux du mon<strong>de</strong> jusqu'à leur ultime vraie cause. À prés<strong>en</strong>t, faites comme vous<br />

voudrez ! Je ne vous pr<strong>en</strong>ds pas pour disciples ni ne vous refuse <strong>de</strong> l'être. Mais si<br />

vous voulez <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir Mes disciples, il vous faut avant tout r<strong>en</strong>dre vos âmes libres<br />

<strong>et</strong> fortes, sans quoi il ne vous servirait à ri<strong>en</strong> d'être <strong>de</strong>s disciples <strong>de</strong> Ma doctrine !<br />

»<br />

Chapitre 13<br />

Noé <strong>et</strong> l'Arche<br />

1. Après c<strong>et</strong> exposé, chacun ouvre <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux <strong>et</strong> se dit <strong>en</strong> soi-même : « C'est<br />

ma faute ! » Le jeune Pharisi<strong>en</strong> ne sait que Me répondre. Cyrénius <strong>et</strong> Jules eux<br />

aussi ont un air quelque peu p<strong>en</strong>sif, ainsi qu'Ebahi <strong>et</strong> Jarah elle-même, qui<br />

comm<strong>en</strong>ce à s'inquiéter <strong>de</strong> sa beauté féminine !<br />

2. Après un mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> profon<strong>de</strong> réflexion, Cyrénius dit <strong>en</strong>fin : « Seigneur <strong>et</strong><br />

Maître, j'ai déjà passé un certain nombre <strong>de</strong> jours <strong>et</strong> <strong>de</strong> nuits auprès <strong>de</strong> Toi, je<br />

T'ai vu accomplir <strong>de</strong> nombreux miracles <strong>et</strong> T'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du prononcer <strong>de</strong>s paroles<br />

sévères, mais ri<strong>en</strong> n'a su démonter comme ce discours toute ma conception <strong>de</strong> la<br />

vie ! Car selon Tes propos, il est évi<strong>de</strong>nt que nous ne sommes guère meilleurs<br />

qu'aux temps d'Abraham, <strong>de</strong> Sodome <strong>et</strong> <strong>de</strong> Gomorrhe. Et tous nos soucis, tous<br />

nos faits <strong>et</strong> gestes ne sont que du meilleur Satan ! Ami, c'est là une ru<strong>de</strong> leçon !<br />

Pour tout l'or du mon<strong>de</strong>, on ne peut malheureusem<strong>en</strong>t se dissimuler que c'est la<br />

vérité toute nue que Tu nous as prés<strong>en</strong>tée là ; mais comm<strong>en</strong>t faire alors pour<br />

atteindre le point où l'on <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t capable, assurém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> très bonne grâce, <strong>de</strong><br />

tourner le dos au mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> consacrer tout son temps à cultiver son âme <strong>et</strong> son<br />

esprit ? »<br />

23


3. Je dis : « Ami, ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> plus facile ! Demeure ce que tu es, continue <strong>de</strong> gouverner<br />

ce que tu dois gouverner ; mais uniquem<strong>en</strong>t pour le plus <strong>grand</strong> profit <strong>de</strong>s<br />

hommes, <strong>et</strong> non pour ton propre crédit !<br />

4. Car lorsque, au temps <strong>de</strong> Noé, l'eau <strong>en</strong>vahit la terre que n'habitait plus qu'une<br />

humanité foncièrem<strong>en</strong>t corrompue, elle tua tout ce qui vivait par le vaste mon<strong>de</strong>,<br />

à l'exception <strong>de</strong> Noé, <strong>de</strong> sa famille <strong>et</strong> <strong>de</strong>s animaux qu'il avait pris dans sa nef, <strong>et</strong><br />

bi<strong>en</strong> sûr <strong>de</strong>s poissons.<br />

5. Mais comm<strong>en</strong>t Noé préserva-t-il sa vie <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> sa famille sur les flots<br />

mortels du Déluge ? Vois-tu, il <strong>de</strong>meura soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fermé dans son arche que<br />

les flots furieux fur<strong>en</strong>t contraints <strong>de</strong> porter docilem<strong>en</strong>t sans pouvoir pénétrer à<br />

l'intérieur, où ils aurai<strong>en</strong>t pu m<strong>en</strong>acer la vie <strong>de</strong> Noé.<br />

6. Le Déluge mortel du temps <strong>de</strong> Noé se perpétue cep<strong>en</strong>dant spirituellem<strong>en</strong>t sur<br />

le sol <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre ; <strong>et</strong> Je te le dis, ce Déluge spirituel qui perdure n'est <strong>en</strong> ri<strong>en</strong><br />

moins dangereux que le Déluge naturel du temps <strong>de</strong> Noé.<br />

7. Comm<strong>en</strong>t peut-on pourtant se préserver <strong>de</strong> la noya<strong>de</strong> mortelle dans le Déluge<br />

spirituel ? Je te le dis : ce que Noé fit corporellem<strong>en</strong>t, il faut désormais le faire<br />

spirituellem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> l'on sera préservé pour toujours <strong>de</strong> la noya<strong>de</strong> mortelle dans le<br />

perpétuel <strong>grand</strong> Déluge spirituel !<br />

8. En d'autres termes : il faut certes donner au mon<strong>de</strong> ce qui est du mon<strong>de</strong> selon<br />

l'ordonnance divine, mais avant tout donner à Dieu ce qui est <strong>de</strong> Dieu !<br />

9. L'"arche <strong>de</strong> Noé" représ<strong>en</strong>te <strong>en</strong> tout homme la vraie humilité, l'amour <strong>de</strong> Dieu<br />

<strong>et</strong> l'amour du prochain.<br />

10. Celui qui est vraim<strong>en</strong>t humble <strong>et</strong> rempli d'un amour pur <strong>et</strong> désintéressé<br />

<strong>en</strong>vers Dieu le Père <strong>et</strong> tous les hommes, <strong>et</strong> qui s'efforce toujours activem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

servir autant que possible tous les hommes dans l'ordonnance divine, celui-là<br />

nage, parfaitem<strong>en</strong>t sauf, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s flots si aisém<strong>en</strong>t mortels <strong>de</strong> tous les péchés<br />

du mon<strong>de</strong> ; <strong>et</strong> au terme <strong>de</strong> sa carrière terrestre, quand pour lui ces flots<br />

baisseront <strong>et</strong> se perdront dans leurs sinistres profon<strong>de</strong>urs, son arche vi<strong>en</strong>dra<br />

pr<strong>en</strong>dre sur le <strong>grand</strong> Ararat du royaume vivant <strong>de</strong> Dieu un repos bi<strong>en</strong>faisant <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra la <strong>de</strong>meure éternelle <strong>de</strong> celui qu'elle portait. »<br />

Chapitre 14<br />

Comm<strong>en</strong>t il faut considérer <strong>et</strong> utiliser les richesses terrestres<br />

1. (Le Seigneur :) « Regar<strong>de</strong>-Moi : ne dois-Je pas <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t avoir affaire au<br />

mon<strong>de</strong> ? Je mange <strong>et</strong> Je bois, <strong>et</strong> le mon<strong>de</strong> Me sert comme jadis les flots ont servi<br />

l'arche <strong>de</strong> Noé ! Il a beau déchaîner sa fureur sous les soli<strong>de</strong>s parois <strong>de</strong> Mon<br />

arche, jamais il ne pourra l'<strong>en</strong>gloutir !<br />

2. Tu n'y es pour ri<strong>en</strong> si l'Empire romain naquit un jour. À prés<strong>en</strong>t, il existe, <strong>et</strong> tu<br />

ne peux le détruire ! Pourtant, c<strong>et</strong> empire a aussi <strong>de</strong> bonnes lois qui convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

fort bi<strong>en</strong> pour maint<strong>en</strong>ir quelque ordre <strong>et</strong> r<strong>en</strong>dre les hommes plus humbles. Si tu<br />

te pr<strong>en</strong>ds pour un maître au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s lois <strong>et</strong> crois pouvoir porter une couronne<br />

24


pour c<strong>et</strong>te raison, tu fais fausse route pour toi-même, sinon aux yeux <strong>de</strong>s<br />

hommes, qui doiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toute façon supporter avec tous ses avantages <strong>et</strong> ses<br />

inconvéni<strong>en</strong>ts la loi une fois sanctionnée. Mais si tu te soum<strong>et</strong>s toi aussi à la loi<br />

<strong>et</strong> te considères seulem<strong>en</strong>t comme celui que l'État <strong>et</strong> la nécessité ont mis là pour<br />

faire connaître <strong>et</strong> respecter c<strong>et</strong>te loi, alors tu es à ta place <strong>et</strong>, du matériau spirituel<br />

<strong>de</strong> la loi, tu te construis une arche qui te portera au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s flots les plus<br />

impétueux <strong>de</strong>s péchés du mon<strong>de</strong> !<br />

3. Et si, avec cela, tu observes dans toutes tes actions les principes faciles à<br />

suivre <strong>de</strong> Ma doctrine, qui peuv<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> se concilier avec vos lois, tu <strong>en</strong> fais<br />

alors bi<strong>en</strong> assez, selon tes possibilités, pour ton âme <strong>et</strong> pour ton esprit. Et si Je te<br />

dis, Moi, que cela est suffisant, qui pourra te prouver que cela ne l'est pas ! »<br />

4. Cyrénius dit : « Considère pourtant, ô Seigneur, la spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur <strong>et</strong> le faste dans<br />

lesquels je dois vivre pour les besoins <strong>de</strong> l'Etat, au regard <strong>de</strong> ce que Tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

dire <strong>de</strong> la spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur <strong>et</strong> <strong>de</strong>s fastes du mon<strong>de</strong> ! »<br />

5. Je dis : « Chéris-tu donc dans ton cœur la spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur <strong>et</strong> le faste du mon<strong>de</strong> ? »<br />

6. Cyrénius répond : « Oh, <strong>en</strong> aucune manière ! Tout cela m'est un véritable<br />

supplice ! »<br />

7. Je dis : « Alors, que t'import<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur <strong>et</strong> ce faste imposés ? Si le cœur<br />

ne les aime, ni la magnific<strong>en</strong>ce ni les ornem<strong>en</strong>ts ne peuv<strong>en</strong>t causer le moindre<br />

dommage à l'âme <strong>et</strong> à l'esprit ! Mais si ton cœur s'attache à une chose matérielle,<br />

si insignifiante soit-elle, c<strong>et</strong>te chose peut faire autant <strong>de</strong> mal à ton âme <strong>et</strong> à ton<br />

esprit qu'une lour<strong>de</strong> couronne faite <strong>de</strong> l'or le plus pur <strong>et</strong> <strong>de</strong>s pierres les plus<br />

précieuses.<br />

8. Tout cela dép<strong>en</strong>d uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la disposition du cœur ; sinon, le soleil, la<br />

lune <strong>et</strong> les étoiles <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t eux-mêmes être imputés à péché aux hommes <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te terre pour la raison qu'ils brill<strong>en</strong>t d'un magnifique éclat <strong>et</strong> que les hommes<br />

<strong>en</strong> éprouv<strong>en</strong>t une juste satisfaction, ce qui serait parfaitem<strong>en</strong>t ridicule ! Tu peux<br />

toi aussi, Mon cher Cyrénius, éprouver une joie légitime <strong>de</strong> ta spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur <strong>de</strong>vant<br />

les hommes, mais non pas une joie orgueilleuse <strong>et</strong> donc stupi<strong>de</strong>, car c'est cela qui<br />

corrompt l'âme <strong>et</strong> finit par la tuer.<br />

9. Car il a bi<strong>en</strong> été permis <strong>et</strong> même ordonné à Salomon <strong>de</strong> se vêtir avec une<br />

magnific<strong>en</strong>ce qu'aucun roi n'avait connue avant lui ni ne connaîtra plus jamais<br />

après lui. Tant qu'il n'<strong>en</strong> tira pas une joie orgueilleuse <strong>et</strong> stupi<strong>de</strong>, mais seulem<strong>en</strong>t<br />

une joie légitime fondée sur la sagesse, c<strong>et</strong>te joie contribua à élever son âme <strong>et</strong><br />

son esprit. Mais lorsque, par la suite, sa magnific<strong>en</strong>ce le r<strong>en</strong>dit vaniteux <strong>et</strong> que<br />

l'orgueil s'empara <strong>de</strong> lui, c'est alors qu'il déchut <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant les<br />

hommes <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>, sombrant dans tous les péchés d'un mon<strong>de</strong> d'opul<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> ses<br />

faits <strong>et</strong> gestes <strong>de</strong>vinr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s extravagances aux yeux <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

véritables abominations <strong>de</strong>vant Dieu.<br />

10. Je te le dis, ainsi qu'à tous les autres, il est même bon <strong>et</strong> profitable à l'homme<br />

parv<strong>en</strong>u à la pleine maturité <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong> s'inspirer dès ce mon<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

la spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s cieux <strong>et</strong> d'<strong>en</strong> éprouver une joie légitime ; car il est plus louable<br />

<strong>de</strong> construire que <strong>de</strong> détruire. Mais seuls les hommes parv<strong>en</strong>us à c<strong>et</strong>te pleine<br />

maturité <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t le faire, afin <strong>de</strong> montrer à ceux qui n'<strong>en</strong><br />

25


sont pas <strong>en</strong>core là tout ce que peut créer un homme accompli.<br />

11. Mais celui qui se construit un palais pour sa propre gloire <strong>et</strong> sa r<strong>en</strong>ommée <strong>et</strong><br />

qui, <strong>en</strong> définitive, s'aime lui-même pour sa spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur, celui-là comm<strong>et</strong> un très<br />

<strong>grand</strong> péché contre son âme <strong>et</strong> contre l'Esprit divin <strong>en</strong> lui, <strong>et</strong> il se corrompt luimême<br />

ainsi que tous ses <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants, qui croiront dès la naissance qu'ils val<strong>en</strong>t<br />

beaucoup plus que les autres hommes.<br />

12. Si donc la spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ces palais corrompt les cœurs <strong>de</strong> ceux qui y <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t<br />

<strong>et</strong> les emplit d'orgueil <strong>et</strong> <strong>de</strong> mépris <strong>en</strong>vers ceux <strong>de</strong>s hommes qui ne<br />

peuv<strong>en</strong>t habiter un palais, il vaut mieux que ces palais soi<strong>en</strong>t aussitôt réduits <strong>en</strong><br />

c<strong>en</strong>dres.<br />

13. De même, il n'est pas contraire à l'ordonnance divine que les hommes se<br />

construis<strong>en</strong>t une cité dans laquelle ils pourront vivre <strong>et</strong> travailler <strong>en</strong>semble dans<br />

la paix <strong>et</strong> la concor<strong>de</strong> comme une famille dans sa maison, <strong>et</strong> s'<strong>en</strong>trai<strong>de</strong>r <strong>en</strong> toute<br />

chose plus aisém<strong>en</strong>t que s'ils <strong>de</strong>meurai<strong>en</strong>t à plusieurs heures <strong>de</strong> marche les uns<br />

<strong>de</strong>s autres. Mais lorsque, dans une ville, s'<strong>en</strong>racin<strong>en</strong>t l'orgueil, le luxe, le goût du<br />

faste, l'<strong>en</strong>vie, la haine, la persécution, voire le meurtre, ainsi que la débauche, la<br />

luxure <strong>et</strong> la paresse, il vaut mieux là <strong>en</strong>core que c<strong>et</strong>te ville soit bi<strong>en</strong>tôt réduite <strong>en</strong><br />

c<strong>en</strong>dres, faute <strong>de</strong> quoi elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra la pépinière <strong>de</strong> tous les vices <strong>et</strong>, avec le<br />

temps, contaminera la terre <strong>en</strong>tière à l'instar <strong>de</strong> l'Hénok d'avant le Déluge <strong>et</strong>,<br />

après le Déluge, <strong>de</strong> Babylone <strong>et</strong> <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e cité <strong>de</strong> Ninive ! Que ces villes<br />

fur<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>es jadis, <strong>et</strong> aujourd'hui, on ne trouve à leur place que quelques<br />

misérables huttes ! Là où s'élevait Hénok, il y a à prés<strong>en</strong>t un lac, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même à<br />

l'emplacem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>nes Sodome <strong>et</strong> Gomorrhe <strong>et</strong> <strong>de</strong>s dix villes plus p<strong>et</strong>ites<br />

qui les <strong>en</strong>tourai<strong>en</strong>t, dont chacune était plus <strong>grand</strong>e que l'actuelle Jérusalem, qui<br />

n'est cep<strong>en</strong>dant plus tout à fait aussi <strong>grand</strong>e qu'elle ne l'était au temps <strong>de</strong> David.<br />

14. Mais ce qu'il est adv<strong>en</strong>u <strong>de</strong> ces villes arrivera aussi à Jérusalem, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> est<br />

quelques-uns ici qui verront <strong>et</strong> connaîtront l'abomination <strong>de</strong> la désolation ! Car,<br />

comme Je l'ai dit, mieux vaut pas <strong>de</strong> villes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sorte <strong>et</strong> d'autant plus d'âmes<br />

pleinem<strong>en</strong>t vivantes qu'une ville où les âmes humaines sont condamnées à mort<br />

dans c<strong>et</strong>te vie <strong>et</strong> pour l'éternité !<br />

15. Aussi, Mon cher Cyrénius, tu peux bi<strong>en</strong> possé<strong>de</strong>r tout ce que la terre porte <strong>de</strong><br />

plus précieux <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus magnifique, <strong>et</strong> t'<strong>en</strong> réjouir <strong>en</strong> louant <strong>et</strong> <strong>en</strong> glorifiant Dieu.<br />

Mais que ton cœur ne s'y attache jamais ; car toute c<strong>et</strong>te spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur terrestre est<br />

<strong>de</strong>stinée à disparaître un jour <strong>en</strong> elle-même aussi bi<strong>en</strong> que pour toi, lorsque tu<br />

échangeras le temporel pour l'éternel ! Car toute matière n'est au fond ri<strong>en</strong> d'autre<br />

que ce que Je t'ai déjà exposé avec assez <strong>de</strong> clarté dans un précè<strong>de</strong>nt discours. —<br />

Dis-Moi si c<strong>et</strong>te explication te satisfait, <strong>et</strong> si tu l'as bi<strong>en</strong> comprise comme elle<br />

doit l'être <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant tous. »<br />

Chapitre 15<br />

De la bonne voie pour atteindre le but <strong>de</strong> la perfection humaine<br />

1. Cyrénius dit : « Oui, tout est à nouveau parfaitem<strong>en</strong>t clair pour moi ; <strong>et</strong>, une<br />

fois pour toutes, il n'y a ri<strong>en</strong> à faire : <strong>de</strong> même que chaque brin d'herbe suit dans<br />

26


sa croissance une loi précise, <strong>de</strong> même il n'existe pour l'homme qu'une seule loi<br />

morale <strong>et</strong> spirituelle adaptée à son être tout <strong>en</strong>tier <strong>et</strong> qui lui perm<strong>et</strong>te d'accé<strong>de</strong>r<br />

par lui-même à une liberté totale <strong>et</strong> illimitée, autrem<strong>en</strong>t dit, il n'existe qu'une<br />

unique voie immuable par laquelle l'homme peut atteindre sa véritable<br />

<strong>de</strong>stination éternelle ; sur chacune <strong>de</strong>s innombrables autres voies morales sur<br />

lesquelles l'homme peut certes égalem<strong>en</strong>t s'<strong>en</strong>gager librem<strong>en</strong>t, il lui sera<br />

impossible d'atteindre jamais le <strong>grand</strong> <strong>et</strong> unique vrai but que Dieu lui a fixé !<br />

2. Du reste, je vois désormais avec la clarté <strong>de</strong> la lumière du soleil <strong>en</strong> plein midi<br />

que la voie que Tu nous as indiquée, ô Seigneur, est la seule vraie <strong>et</strong> juste. Et je<br />

compr<strong>en</strong>ds aussi que tout homme, qu'il soit <strong>grand</strong> ou humble, peut suivre sans<br />

jamais dévier c<strong>et</strong>te juste voie, pour peu qu'il <strong>en</strong> ait la ferme volonté ; mais je vois<br />

bi<strong>en</strong> aussi qu'aucun homme n'aurait jamais pu trouver c<strong>et</strong>te voie dans toute sa<br />

vérité <strong>et</strong> dans sa parfaite adéquation à toutes les circonstances <strong>de</strong> la vie. Une telle<br />

chose doit nécessairem<strong>en</strong>t être révélée par l'Esprit divin aux hommes qui peuv<strong>en</strong>t<br />

la compr<strong>en</strong>dre.<br />

3. Pourtant, bi<strong>en</strong> que c<strong>et</strong>te voie soit désormais très clairem<strong>en</strong>t indiquée, elle sera<br />

rarem<strong>en</strong>t suivie jusqu'au bout, selon moi ; car ce sont précisém<strong>en</strong>t les t<strong>en</strong>dances<br />

par trop matérielles du mon<strong>de</strong> qui empêch<strong>en</strong>t cela <strong>en</strong> barrant <strong>de</strong> toute leur masse<br />

c<strong>et</strong>te unique voie vraie <strong>et</strong> juste, <strong>et</strong> beaucoup <strong>de</strong> ceux qui s'y <strong>en</strong>gageront se<br />

heurteront à c<strong>et</strong>te barrière <strong>et</strong> feront <strong>de</strong>mi-tour à la moitié du chemin, d'autant<br />

qu'ils n'auront guère pu, <strong>en</strong> si peu <strong>de</strong> temps, constater sur eux-mêmes quelque<br />

merveilleux résultat récomp<strong>en</strong>sant leurs efforts, ce qui, précisém<strong>en</strong>t, arrive<br />

beaucoup moins vite qu'ils ne se l'imagin<strong>en</strong>t <strong>de</strong> prime abord <strong>de</strong>s hommes jusquelà<br />

très attachés au mon<strong>de</strong> matériel.<br />

4. J'espère bi<strong>en</strong> atteindre ce <strong>grand</strong> but sacré avec le secours spécial <strong>de</strong> Ta grâce ;<br />

mais je ne suis que l'un <strong>de</strong>s millions d'hommes que compte le <strong>grand</strong> Empire<br />

romain. Comm<strong>en</strong>t <strong>et</strong> quand pourront-ils, eux qui sont pourtant <strong>de</strong>s hommes tout<br />

comme nous, accé<strong>de</strong>r eux aussi à c<strong>et</strong>te voie ? »<br />

5. Le jeune Pharisi<strong>en</strong> intervi<strong>en</strong>t alors : « Noble souverain, c'est précisém<strong>en</strong>t à<br />

quoi je p<strong>en</strong>sais moi-même ! Nous pouvons certes, quant à nous, <strong>en</strong>trer sereinem<strong>en</strong>t<br />

dans la voie du salut ; mais comm<strong>en</strong>t feront tous ces millions d'hommes<br />

qui n'ont pas, comme nous, la possibilité <strong>de</strong> puiser à la source <strong>et</strong> <strong>de</strong> s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir<br />

<strong>de</strong> leurs moindres doutes avec le <strong>grand</strong> Maître <strong>de</strong> la vie <strong>en</strong> personne ? »<br />

6. Je dis : « Cela est égalem<strong>en</strong>t prévu ! Car après Moi, la porte du ciel restera<br />

ouverte, <strong>et</strong> dans mille ans <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> davantage, ce que nous débattons ici pourra<br />

<strong>en</strong>core être <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>et</strong> noté mot pour mot, comme si tout cela se passait sous les<br />

yeux <strong>de</strong> ceux qui fouleront le sol <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mille ans après nous<br />

; <strong>et</strong> celui qui, dans l'av<strong>en</strong>ir, éprouvera quelque doute, pourra recevoir du ciel<br />

l'avis le plus clair. Car à l'av<strong>en</strong>ir, il sera même nécessaire que tout homme soit<br />

instruit par Dieu, <strong>et</strong> celui qui ne sera pas instruit par Dieu n'<strong>en</strong>trera pas dans le<br />

lumineux royaume <strong>de</strong> la Vérité. »<br />

27


Chapitre 16<br />

De l'élévation <strong>de</strong> Jésus<br />

1. (Le Seigneur :) « Pourtant, Je vous le dis, il sera toujours difficile <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir<br />

à la pure vérité toute nue ; car la raison du mon<strong>de</strong>, qui, <strong>en</strong> divers lieux, atteindra<br />

une <strong>grand</strong>e rigueur, ne compr<strong>en</strong>dra pas comm<strong>en</strong>t Je peux, selon l'esprit, être<br />

Celui-là même qui donna jadis les comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts à Moïse sur le Sinaï au<br />

milieu <strong>de</strong>s éclairs <strong>et</strong> du tonnerre <strong>et</strong> lui dicta les cinq Livres, <strong>et</strong> Celui qui, par Sa<br />

sagesse, Sa puissance <strong>et</strong> Sa force, mainti<strong>en</strong>t <strong>et</strong> gouverne l'infini tout <strong>en</strong>tier !<br />

Même parmi vous, qui êtes pourtant témoins <strong>de</strong> tout qui se passe ici <strong>et</strong> s'est passé<br />

<strong>en</strong> d'autres lieux, il <strong>en</strong> est <strong>en</strong>core plusieurs qui ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas pleinem<strong>en</strong>t<br />

que Je ne fais absolum<strong>en</strong>t qu'Un avec le Père céleste. Que diront alors les <strong>grand</strong>s<br />

philosophes du mon<strong>de</strong> (*) quand ce témoignage parvi<strong>en</strong>dra à leurs oreilles après<br />

être passé par un millier <strong>de</strong> bouches ?!<br />

2. C'est pourquoi cela ne sera prêché qu'aux simples <strong>et</strong> non aux sages <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> ; car ce qui est <strong>grand</strong> <strong>de</strong>vant le mon<strong>de</strong> est une abomination <strong>de</strong>vant Dieu !<br />

3. L'homme simple <strong>et</strong> mo<strong>de</strong>ste, dont le cœur peut <strong>en</strong>core être pur, possè<strong>de</strong> à<br />

l'évi<strong>de</strong>nce une âme plus libre, <strong>et</strong> dans c<strong>et</strong>te âme un esprit plus libre, aussi<br />

compr<strong>en</strong>d-il vite <strong>et</strong> aisém<strong>en</strong>t les choses <strong>de</strong> l'esprit ; mais un philosophe dont<br />

l'âme est bornée aux situations purem<strong>en</strong>t matérielles <strong>et</strong> qui n'a plus la moindre<br />

notion <strong>de</strong> l'Esprit divin qui est <strong>en</strong> lui ne concevra <strong>et</strong> ne compr<strong>en</strong>dra bi<strong>en</strong> sûr pas<br />

ce que la plupart d'<strong>en</strong>tre vous conçoiv<strong>en</strong>t déjà sans peine <strong>et</strong> dont ils saisiss<strong>en</strong>t à<br />

peu près la véritable portée. Pourtant, il est <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses que vous ne<br />

compr<strong>en</strong>ez pas ; mais après Mon élévation, vous les compr<strong>en</strong>drez pleinem<strong>en</strong>t ! »<br />

4. Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aussitôt : « Seigneur, <strong>de</strong> quelle élévation parles-Tu ? Seras-<br />

Tu vraim<strong>en</strong>t élevé sur c<strong>et</strong>te terre à la dignité <strong>de</strong> Roi <strong>de</strong>s rois <strong>et</strong> couronné ? »<br />

5. Je dis : « Oui, mais pas comme roi du mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> il n'y aura pas <strong>de</strong> couronne<br />

d'or ! Ne suis-Je donc pas assez puissant pour Me faire <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre un royaume<br />

qui s'ét<strong>en</strong><strong>de</strong> bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ses limites ? Qui donc pourrait M'<strong>en</strong> empêcher ?<br />

6. L'ess<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> toute chose n'est-elle pas dans la main <strong>de</strong> Mon Père, qui est <strong>en</strong><br />

Moi comme Je suis <strong>en</strong> Lui, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même la vie <strong>de</strong> tous les hommes ? Combi<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

fois pourrais-tu respirer hors <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> Mon esprit qui seul donne <strong>et</strong><br />

conserve la vie ?!<br />

7. À quoi servir<strong>en</strong>t aux hommes du temps <strong>de</strong> Noé toute leur puissance <strong>et</strong> tout leur<br />

bel art <strong>de</strong> la guerre ?! Mon esprit <strong>en</strong>voya le Déluge aux rois <strong>et</strong> aux peuples, <strong>et</strong> ils<br />

fur<strong>en</strong>t tous <strong>en</strong>gloutis !<br />

8. À quoi servit au puissant pharaon toute sa <strong>grand</strong>e armée ? Mon esprit permit<br />

aux Israélites <strong>de</strong> traverser la Mer rouge à pied sec <strong>et</strong> noya l'armée qui les<br />

poursuivait !<br />

(*) Ou, selon l'expression <strong>de</strong> J. Stalil, « les <strong>grand</strong>s représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong> la sagesse <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> » (Weis-heit : sagesse, savoir ; Weltweiser, Weiser <strong>de</strong>r Welt : philosophe,<br />

celui qui « connaît le mon<strong>de</strong> »). Sauf exception, il faudra donc <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre le terme «<br />

philosophe » dans ce s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> savant ou <strong>de</strong> « raisonneur ». (N.d.T.)<br />

28


9. Si Je voulais être un roi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, quelle force pourrait donc M'<strong>en</strong><br />

empêcher ?<br />

10. Mais loin <strong>de</strong> Moi c<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>sée, <strong>et</strong> qu'elle <strong>de</strong>meure étrangère à tous ceux qui<br />

voudront véritablem<strong>en</strong>t suivre Mes traces ; c'est une tout autre élévation qui<br />

M'att<strong>en</strong>d <strong>et</strong> un tout autre couronnem<strong>en</strong>t, sur lequel tu n'<strong>en</strong> sauras davantage que<br />

lorsqu'il sera accompli. Cep<strong>en</strong>dant, Je t'ai déjà donné quelques indications là<strong>de</strong>ssus<br />

tout au début <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te séance ; si tu te les remémores, tu pourras <strong>de</strong> toimême<br />

imaginer la suite ! »<br />

11. Cyrénius dit : « Mais, Seigneur, bi<strong>en</strong> que je sache désormais avec la plus<br />

<strong>grand</strong>e certitu<strong>de</strong> qui Tu es <strong>et</strong> ce que Tu peux accomplir, je ne compr<strong>en</strong>ds au fond<br />

toujours pas pourquoi, précisém<strong>en</strong>t malgré toute Ta puissance, Tu ne cesses <strong>de</strong><br />

fuir ceux qui Te poursuiv<strong>en</strong>t, que ce soit Héro<strong>de</strong> ou le Temple ! »<br />

12. Je dis : « Ami, tu aurais pu t'épargner c<strong>et</strong>te question ! Premièrem<strong>en</strong>t, parce<br />

que Je t'ai déjà plus que suffisamm<strong>en</strong>t répondu à Nazar<strong>et</strong>h, <strong>et</strong> <strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t,<br />

parce que Mes paroles aurai<strong>en</strong>t dû finir par te faire compr<strong>en</strong>dre que Je ne suis pas<br />

v<strong>en</strong>u <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> pour r<strong>en</strong>dre les morts plus morts qu'ils ne le sont déjà, mais<br />

uniquem<strong>en</strong>t pour les faire r<strong>en</strong>aître partout ; c'est pourquoi nul ne doit désormais<br />

être jugé par Moi. Car si Je suis là à prés<strong>en</strong>t, c'est afin <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre sur Moi tout le<br />

jugem<strong>en</strong>t prononcé contre c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> par ce jugem<strong>en</strong>t que Je pr<strong>en</strong>ds sur Moi,<br />

tous les hommes seront pleinem<strong>en</strong>t délivrés <strong>de</strong> la mort éternelle.<br />

13. Aussi ne suis-Je pas v<strong>en</strong>u pour frapper à tort <strong>et</strong> à travers, mais uniquem<strong>en</strong>t<br />

pour guérir dans c<strong>et</strong>te humanité affligée <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> maux toutes les plaies<br />

possibles, <strong>et</strong> non pour lui <strong>en</strong> infliger <strong>de</strong> nouvelles, plus profon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> plus cruelles<br />

<strong>en</strong>core.<br />

14. Crois-tu donc que c'est par crainte <strong>de</strong> Mes persécuteurs que Je passe <strong>en</strong><br />

quelque sorte pour un fugitif ? Oh, si c'est vraim<strong>en</strong>t là ta p<strong>en</strong>sée, tu te trompes<br />

grossièrem<strong>en</strong>t ! Il y a là près <strong>de</strong> nous plusieurs <strong>grand</strong>s criminels : <strong>en</strong> vérité, selon<br />

les lois <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> les vôtres, ils ont mérité mille fois la mort ! Et pourtant, Je ne<br />

les laisse pas m<strong>et</strong>tre à mort, mais leur perm<strong>et</strong>s au contraire <strong>de</strong> recevoir la grâce<br />

du ciel. S'ils sav<strong>en</strong>t m<strong>et</strong>tre à profit c<strong>et</strong>te grâce, ils auront part à Mon royaume ;<br />

mais si, avec le temps, ils rechut<strong>en</strong>t, ils ne <strong>de</strong>vront s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre qu'à eux-mêmes<br />

si la rigueur <strong>de</strong> la loi les tue ! Car vois-tu, la loi dure toujours, mais la grâce ne<br />

vi<strong>en</strong>t que <strong>de</strong> temps <strong>en</strong> temps au secours <strong>de</strong> ceux qui sont persécutés ; mais s'ils ne<br />

respect<strong>en</strong>t pas c<strong>et</strong>te grâce, il leur faut à nouveau subir la loi. »<br />

Chapitre 17<br />

De la puissance <strong>de</strong> la volonté du Seigneur <strong>et</strong> <strong>de</strong> la liberté <strong>de</strong> l'âme humaine<br />

1. (Le Seigneur :) « Toi-même, tu représ<strong>en</strong>tes toute la loi, le pouvoir <strong>et</strong> la<br />

puissance <strong>de</strong> Rome pour l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> l'Asie <strong>et</strong> une partie <strong>de</strong> l'Afrique, <strong>et</strong><br />

pourtant, il dép<strong>en</strong>d <strong>de</strong> Ma volonté que ces criminels soi<strong>en</strong>t condamnés ou libérés,<br />

<strong>et</strong> tu ne peux ri<strong>en</strong> faire contre c<strong>et</strong>te volonté.<br />

2. Je pourrais aussi bi<strong>en</strong>, par c<strong>et</strong>te volonté, contraindre tous les hommes <strong>de</strong> la<br />

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terre à bi<strong>en</strong> agir ; mais ce serait là un jugem<strong>en</strong>t qui ferait <strong>de</strong> l'homme libre une<br />

simple machine.<br />

3. Mais toi, tu n'es pas une machine, car lorsque tu agis selon Ma parole, tu<br />

compr<strong>en</strong>ds que cela seul est juste <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t conforme à l'ordonnance divine<br />

; <strong>et</strong> si tu ne compr<strong>en</strong>ds pas quelque chose, tu M'interroges <strong>et</strong> agis <strong>en</strong>suite selon<br />

ton <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, aussi n'est-ce pas là une obligation v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong> l'extérieur, mais au<br />

contraire <strong>de</strong> l'intérieur, ce qui est parfaitem<strong>en</strong>t dans l'ordre <strong>de</strong> la liberté <strong>de</strong> la vie.<br />

4. Car si Ma volonté te contraignait, tu serais un esclave <strong>en</strong>chaîné, mais si c'est ta<br />

propre volonté qui te contraint, tu es un homme libre ; car c'est ta volonté qui<br />

veut ce que ta raison, qui est la lumière <strong>de</strong>s yeux <strong>de</strong> ton âme, reconnaît comme<br />

seul vrai <strong>et</strong> bon ! Mais il <strong>en</strong> irait autrem<strong>en</strong>t du mon<strong>de</strong> si Je le contraignais d'agir<br />

selon Ma volonté ; comme il n'aurait pas d'abord reconnu ce qui est vrai <strong>et</strong> bon,<br />

ses actes ne vaudrai<strong>en</strong>t pas mieux que ceux <strong>de</strong>s animaux, <strong>et</strong> même bi<strong>en</strong> moins <strong>en</strong><br />

vérité. Car l'animal est à un niveau où le besoin ancré dans sa nature ne peut<br />

infliger d'autre préjudice moral à son âme, parce qu'une âme animale est <strong>en</strong>core<br />

bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong> connaître une loi morale libre ; mais l'âme d'un homme libre subirait<br />

dans son ess<strong>en</strong>ce le plus <strong>grand</strong> préjudice si on implantait <strong>en</strong> elle une contrainte<br />

mécanique, parce qu'un jugem<strong>en</strong>t comme celui qui pèse sur l'animal irait tout à<br />

fait à l'<strong>en</strong>contre <strong>de</strong> sa nature morale libre.<br />

5. À prés<strong>en</strong>t, Mon cher Cyrénius, J'espère que tu vois très clairem<strong>en</strong>t pourquoi Je<br />

semble toujours fuir ceux qui Me persécut<strong>en</strong>t <strong>et</strong> évite autant que possible <strong>de</strong> Me<br />

trouver sur leur chemin, non pas afin <strong>de</strong> Me protéger contre leur fureur<br />

impuissante, mais bi<strong>en</strong> afin <strong>de</strong> les préserver <strong>de</strong> la mort éternelle, eux qui, dans<br />

leur folie <strong>et</strong> leur aveuglem<strong>en</strong>t, sont aussi Mes <strong>en</strong>fants.<br />

6. Mais quand J'aperçois une nature meilleure chez certains <strong>de</strong> Mes persécuteurs<br />

<strong>et</strong> trouve <strong>en</strong> eux la capacité <strong>de</strong> reconnaître la vérité <strong>et</strong> le bi<strong>en</strong> s'ils sont<br />

suffisamm<strong>en</strong>t éclairés par l'esprit, Je ne fuis pas <strong>de</strong>vant eux, mais les laisse v<strong>en</strong>ir<br />

à Moi pour leur faire connaître la nuit <strong>et</strong> le jugem<strong>en</strong>t qui pès<strong>en</strong>t sur eux <strong>et</strong> leur<br />

appr<strong>en</strong>dre finalem<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s hommes selon l'ordre divin. Tu vi<strong>en</strong>s d'<strong>en</strong><br />

avoir un vivant exemple avec ces tr<strong>en</strong>te hommes jeunes, mais physiquem<strong>en</strong>t<br />

vigoureux, qui poursuivai<strong>en</strong>t Ma redoutable personne. Je ne les aurais certes pas<br />

laissé v<strong>en</strong>ir ici si Je n'avais trouvé <strong>en</strong> eux, alors qu'ils étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core loin, un<br />

cœur capable <strong>de</strong> Me recevoir.<br />

7. Bi<strong>en</strong> sûr, les forces <strong>de</strong> la nature ont été contraintes par Ma volonté à les<br />

am<strong>en</strong>er ici ; mais aucune viol<strong>en</strong>ce n'a été faite à leur âme pour autant. À prés<strong>en</strong>t<br />

qu'ils sont ici, ils sont instruits, leur raison s'éclaire, <strong>et</strong> ils choisiront <strong>en</strong>suite à<br />

coup sûr librem<strong>en</strong>t ce qui convi<strong>en</strong>t à leur âme.<br />

8. Vois, le mom<strong>en</strong>t approche où le soleil comm<strong>en</strong>cera à dar<strong>de</strong>r ses rayons par<strong>de</strong>ssus<br />

l'horizon, <strong>et</strong> pas un seul d'<strong>en</strong>tre vous n'a songé à manifester un quelconque<br />

besoin <strong>de</strong> repos physique ! Pourquoi donc ? Parce que Je veux qu'il <strong>en</strong> soit ainsi<br />

aujourd'hui ! Mais, là <strong>en</strong>core, il ne s'agit aucunem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> contraindre l'âme, mais<br />

seulem<strong>en</strong>t la matière, qui doit ainsi se t<strong>en</strong>ir plus longtemps que <strong>de</strong> coutume au<br />

service <strong>de</strong> l'âme. Si Je vous ai fait c<strong>et</strong>te viol<strong>en</strong>ce, à vous <strong>et</strong> à Moi-même, c'est<br />

principalem<strong>en</strong>t à cause <strong>de</strong> ces tr<strong>en</strong>te, mais aucun <strong>de</strong> vous ne pourra dire qu'il se<br />

s<strong>en</strong>t fatigué ou somnol<strong>en</strong>t. Et au prix <strong>de</strong> notre veille, nous avons doublem<strong>en</strong>t<br />

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sauvé ces tr<strong>en</strong>te frères — corporellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> spirituellem<strong>en</strong>t. Aussi notre peine <strong>et</strong><br />

notre veille sont-elles récomp<strong>en</strong>sées au c<strong>en</strong>tuple, <strong>et</strong> elles le seront <strong>en</strong>core davantage<br />

par la suite ; assurém<strong>en</strong>t, une telle contrainte extérieure n'est <strong>en</strong> aucun<br />

cas préjudiciable au salut <strong>de</strong> l'âme. Au contraire, si J'avais fait <strong>en</strong>trer leurs âmes<br />

<strong>de</strong> force dans la vraie lumière, elles ne serai<strong>en</strong>t plus que <strong>de</strong>s machines <strong>et</strong> leurs<br />

actes n'aurai<strong>en</strong>t désormais pas plus <strong>de</strong> valeur pour eux-mêmes que n'<strong>en</strong> ont pour<br />

leur propre usage une machine ou un outil.<br />

9. Qu'importe donc par exemple à la hache <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> f<strong>en</strong>dre ou à la scie <strong>de</strong> bi<strong>en</strong><br />

couper ? Tout cela n'est utile qu'à l'homme, doué <strong>de</strong> consci<strong>en</strong>ce, <strong>de</strong> connaissance<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> liberté <strong>et</strong> qui sait reconnaître ce qui est bon est utile. — Que ferait un<br />

aveugle d'une lumière, un paralytique d'une piste <strong>de</strong> course ? Toute chose n'est<br />

utile qu'à celui qui possè<strong>de</strong> une vraie consci<strong>en</strong>ce d'abord <strong>de</strong> lui-même, <strong>en</strong>suite du<br />

besoin, <strong>de</strong> l'utilité <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'usage <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te chose <strong>et</strong> du bénéfice qu'il peut <strong>en</strong> tirer.<br />

10. Il <strong>en</strong> va <strong>de</strong> même pour la lumière spirituelle. À cause du caractère sacré du<br />

libre arbitre humain, elle ne peut ni ne doit jamais être instillée <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

force à quiconque, mais au contraire être placée <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce <strong>en</strong> un lieu où chacun<br />

pourra la voir. Celui qui voudra <strong>en</strong> faire usage pourra le faire sans <strong>en</strong> être<br />

empêché ; <strong>et</strong> celui qui n'<strong>en</strong> voudra pas, son libre arbitre lui perm<strong>et</strong>tra <strong>de</strong> la laisser<br />

là sans <strong>en</strong> être affecté, tout comme c'est déjà le cas lorsque la lumière du soleil<br />

fait naître le jour. Celui qui <strong>en</strong> a besoin peut s'<strong>en</strong> servir pour travailler ; mais<br />

celui qui, malgré le soleil <strong>et</strong> le <strong>grand</strong> jour, veut <strong>de</strong>meurer oisif, peut l'être sans<br />

que cela cause un <strong>grand</strong> préjudice au mon<strong>de</strong>. Car la lumière ne contraint aucune<br />

âme pourvue d'un libre arbitre à une quelconque activité.<br />

11. J'ai assez <strong>de</strong> pouvoir pour modifier votre jugem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> faire <strong>de</strong> votre libre arbitre<br />

une bête <strong>de</strong> somme <strong>en</strong>chaînée <strong>de</strong> tous côtés qui avancerait avec soumission,<br />

conduite par Ma toute-puissance ; mais <strong>en</strong> elle-même, elle serait morte. Au<br />

contraire, si Je vous instruis, si Je vous indique <strong>et</strong> vous donne la vraie lumière,<br />

vous <strong>de</strong>meurez libres d'adopter c<strong>et</strong>te lumière ou <strong>de</strong> la laisser là. — Compr<strong>en</strong>ds-tu<br />

cela, Mon cher Cyrénius ? »<br />

12. Cyrénius dit : « Oui, à prés<strong>en</strong>t, je compr<strong>en</strong>ds cela aussi, <strong>et</strong> crois voir clairem<strong>en</strong>t<br />

désormais la raison pour laquelle, ô Seigneur, Tu as choisi l'état le plus<br />

humble, afin d'<strong>en</strong>seigner à tous les hommes leur seule vraie <strong>de</strong>stination <strong>et</strong> la<br />

manière dont ils peuv<strong>en</strong>t l'atteindre. Mais <strong>en</strong> plus <strong>de</strong> Ton <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, ou plus<br />

précisém<strong>en</strong>t afin que l'on croie d'autant mieux à ces choses, qu'on les compr<strong>en</strong>ne<br />

<strong>et</strong> qu'on s'<strong>en</strong> persua<strong>de</strong>, Tu accomplis tous les actes, à Toi seul possibles,<br />

susceptibles <strong>de</strong> donner <strong>en</strong>core davantage <strong>de</strong> poids à Tes paroles <strong>et</strong> <strong>de</strong> les éclairer.<br />

C'est ainsi que tout ce que Tu accomplis l'est dans la plus <strong>grand</strong>e perfection pour<br />

la vraie sanctification <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong>s hommes, <strong>et</strong> il semble véritablem<strong>en</strong>t que Ta<br />

conduite était prévue <strong>de</strong> toute éternité. Il se peut que je me trompe <strong>en</strong> cela, mais<br />

je ne le crois guère. »<br />

13. Je dis : « Non, non, tu ne te trompes pas le moins du mon<strong>de</strong> ; car un ordre<br />

divin doit être éternel ! S'il ne l'était pas, il ne serait ni ordre, ni vérité ; car une<br />

vérité doit être <strong>et</strong> <strong>de</strong>meurer éternelle, <strong>et</strong> doit donc avoir été prévue <strong>de</strong> toute<br />

éternité. — Mais à prés<strong>en</strong>t, passons à autre chose. »<br />

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Chapitre 18<br />

Une transcription <strong>de</strong>s paroles du Seigneur<br />

1. (Le Seigneur :) « Marc, puisque l'aurore comm<strong>en</strong>ce à teinter les somm<strong>et</strong>s,<br />

veille à nous procurer quelque déjeuner : nous n'allons pas approcher les cinq<br />

criminels l'estomac vi<strong>de</strong>, car ils nous donneront du fil à r<strong>et</strong>ordre avant d'être<br />

guéris ! Il faut aussi préparer du sel, du pain <strong>et</strong> du vin pour les fortifier après leur<br />

guérison ; car ils seront alors très faibles, mais le sel, le pain <strong>et</strong> le vin leur<br />

r<strong>en</strong>dront rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t les forces nécessaires ! »<br />

2. Marc dit : « Seigneur, ce sera bi<strong>en</strong>tôt fait ! » — Aussitôt, il ordonne à sa<br />

femme <strong>et</strong> à ses <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> faire dilig<strong>en</strong>ce à la cuisine, afin que tout soit parfaitem<strong>en</strong>t<br />

prêt <strong>en</strong> temps utile. La femme, les <strong>de</strong>ux fils <strong>et</strong> les quatre filles s'empress<strong>en</strong>t<br />

vers la cuisine <strong>et</strong> y déploi<strong>en</strong>t une <strong>grand</strong>e activité ; quelques-uns <strong>de</strong> Mes<br />

disciples leur offr<strong>en</strong>t leurs services pour n<strong>et</strong>toyer les poissons, car, <strong>en</strong> tant que<br />

pêcheurs, ils s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt fort bi<strong>en</strong>.<br />

3. Cep<strong>en</strong>dant, Matthieu <strong>et</strong> Jean relis<strong>en</strong>t ce qu'ils ont noté <strong>de</strong> Mes paroles <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

nuit, <strong>et</strong> s'aperçoiv<strong>en</strong>t à leur <strong>grand</strong> dam que, malgré leur zèle, il y a là force<br />

lacunes.<br />

4. Jean Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors si Je veux bi<strong>en</strong> leur indiquer ce qu'ils ont omis. Mais,<br />

sur un signe <strong>de</strong> Moi, Raphaël offre ses services <strong>et</strong> comble <strong>en</strong> un clin d'œil toutes<br />

les omissions. Lorsqu'ils parcour<strong>en</strong>t à nouveau leurs notes, les <strong>de</strong>ux disciples n'y<br />

découvr<strong>en</strong>t plus la moindre lacune, <strong>et</strong> tout y est parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ordre.<br />

5. Simon Juda examine à son tour les écrits <strong>et</strong> trouve qu'à sa souv<strong>en</strong>ance, il n'y<br />

manque ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tous les propos <strong>et</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts échangés c<strong>et</strong>te nuit-là avec une<br />

rare abondance. Même le sauv<strong>et</strong>age <strong>de</strong>s tr<strong>en</strong>te est relaté <strong>en</strong> détail, ce dont les<br />

disciples éprouv<strong>en</strong>t une <strong>grand</strong>e joie.<br />

6. Cep<strong>en</strong>dant, Cyrénius exprime le désir d'avoir lui aussi une copie <strong>de</strong> ces écrits<br />

<strong>et</strong> prom<strong>et</strong> une bonne rétribution à celui qui les copiera !<br />

7. Toujours prêt <strong>en</strong> <strong>de</strong> telles circonstances, Judas l'Iscariote offre ses services.<br />

8. Mais Je déf<strong>en</strong>ds à Judas c<strong>et</strong>te sordi<strong>de</strong> satisfaction <strong>de</strong> son égoïsme <strong>et</strong> dis à<br />

Cyrénius : « Adresse-toi à Raphaël ; procure-lui <strong>de</strong> quoi écrire, <strong>et</strong> il aura bi<strong>en</strong>tôt<br />

terminé ! »<br />

9. Aussitôt, Cyrénius appelle ses serviteurs <strong>et</strong> leur fait apporter une bonne<br />

quantité <strong>de</strong> rouleaux <strong>de</strong> parchemin qu'il rem<strong>et</strong> à Raphaël ; mais celui-ci effleure à<br />

peine les rouleaux <strong>et</strong> les r<strong>en</strong>d aussitôt à Cyrénius <strong>en</strong> disant : « Ton désir est<br />

exaucé ; tu peux maint<strong>en</strong>ant comparer ces rouleaux avec ceux <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux scribes <strong>et</strong><br />

voir s'il y manque quelque chose ! »<br />

10. Cyrénius examine les rouleaux <strong>et</strong>, <strong>en</strong> vérité, il les trouve <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t écrits <strong>et</strong><br />

s'émerveille bi<strong>en</strong> sûr <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te rapidité qu'il ne peut concevoir malgré sa sagesse<br />

habituelle.<br />

11. Cep<strong>en</strong>dant, les tr<strong>en</strong>te Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> lévites regar<strong>de</strong>nt eux aussi les rouleaux, <strong>et</strong><br />

celui qui a déjà parlé, qui porte le nom d'Hébram, dit : « Oui, ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

32


voir <strong>et</strong> <strong>de</strong> lire est mot pour mot le fidèle récit <strong>de</strong> ce qui s'est dit ici ; mais<br />

comm<strong>en</strong>t c<strong>et</strong> ange a pu remplir <strong>en</strong> un instant très correctem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> lisiblem<strong>en</strong>t<br />

plusieurs rouleaux <strong>de</strong> parchemin, cela nous dépasse complètem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je préfère<br />

d'ailleurs ne pas y réfléchir un seul instant, car je suis d'avance bi<strong>en</strong> trop<br />

convaincu que ce serait <strong>en</strong> pure perte. Nous autres mortels, nous ne<br />

compr<strong>en</strong>drons tout à fait l'immortalité que le jour où nous serons <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us nousmêmes<br />

<strong>de</strong> purs esprits ; mais tant que nous serons dans la chair, nous n'<strong>en</strong> serons<br />

jamais vraim<strong>en</strong>t capables.<br />

12. C'est pourquoi il vaut mieux ne pas s'interroger davantage sur ce phénomène<br />

! Il y a bi<strong>en</strong>, dans le mon<strong>de</strong> naturel, <strong>de</strong>s choses <strong>et</strong> <strong>de</strong>s phénomènes qu'aucun<br />

mortel ne compr<strong>en</strong>dra jamais pleinem<strong>en</strong>t. Et si l'homme, c<strong>et</strong> ins<strong>en</strong>sé, se m<strong>et</strong>tait à<br />

y réfléchir, il se couvrirait bi<strong>en</strong> vite <strong>de</strong> ridicule ! Tout cela est assurém<strong>en</strong>t très<br />

clair pour les esprits célestes, <strong>et</strong> peut aussi s'éclaircir pour nous avec le temps,<br />

mais si nous cherchions à <strong>en</strong> avoir dès à prés<strong>en</strong>t une claire compréh<strong>en</strong>sion, il est<br />

certain que nous y perdrions la raison ! Aussi, bi<strong>en</strong> que j'aie plaisir à voir un<br />

miracle, je ne suis pas t<strong>en</strong>té d'<strong>en</strong> savoir davantage. D'ailleurs, quand bi<strong>en</strong> même<br />

j'y compr<strong>en</strong>drais quelque chose, je ne pourrais toujours pas <strong>en</strong> faire autant ; <strong>et</strong><br />

dans ce cas, compr<strong>en</strong>dre à <strong>de</strong>mi ou ne ri<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre, c'est tout un ! »<br />

13. Cyrénius dit : « Tu as sans doute raison d'un point <strong>de</strong> vue matériel ; quant à<br />

moi, il m'importe bi<strong>en</strong> moins d'imiter que <strong>de</strong> pouvoir, précisém<strong>en</strong>t à cause <strong>de</strong><br />

mon esprit — puisque aussi bi<strong>en</strong> il y a <strong>en</strong> moi aussi un esprit immortel —, observer<br />

les choses <strong>de</strong> l'esprit avec un peu plus que <strong>de</strong>s yeux hermétiquem<strong>en</strong>t bandés,<br />

<strong>et</strong> toute ma personne est à prés<strong>en</strong>t démangée du désir d'<strong>en</strong> appr<strong>en</strong>dre au<br />

moins un peu plus, par la bouche d'un <strong>de</strong>s sages qui sont parmi nous, sur ce<br />

qu'est c<strong>et</strong>te rapi<strong>de</strong> écriture angélique ! Je vais donc m'employer à faire parler un<br />

sage là-<strong>de</strong>ssus ; car pour ce que nous pouvons <strong>en</strong> dire nous-mêmes, autant battre<br />

l'eau avec un bâton ! Il n'<strong>en</strong> sortira ri<strong>en</strong> d'intellig<strong>en</strong>t, tandis que les propos d'un<br />

sage sauront nous surpr<strong>en</strong>dre. »<br />

14. Plaisantant à <strong>de</strong>mi, Hébram répond : « C'est certain, mais notre surprise<br />

vi<strong>en</strong>dra peut-être surtout <strong>de</strong> ce que nous compr<strong>en</strong>drons tout aussi peu ce qu'<strong>en</strong><br />

dira le sage que nous ne compr<strong>en</strong>ons le miracle lui-même sans l'explication d'un<br />

sage ! Car pour compr<strong>en</strong>dre la sagesse, il faut être soi-même plus ou moins sage.<br />

La raison pure, si s<strong>en</strong>sée qu'elle soit, ne perm<strong>et</strong> pas, loin s'<strong>en</strong> faut, d'appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r<br />

la sagesse dans toute sa profon<strong>de</strong>ur ; on peut certes s'<strong>en</strong> faire une espèce <strong>de</strong><br />

vague idée, mais guère plus. Le Cantique <strong>de</strong>s Cantiques <strong>de</strong> Salomon, qui était lui<br />

aussi un sage, est pour ainsi dire ce qui se rapproche le plus <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

humain. En le lisant, on croit le compr<strong>en</strong>dre ; pourtant, si l'on comm<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>suite<br />

à y réfléchir sérieusem<strong>en</strong>t, on se convainc bi<strong>en</strong>tôt qu'<strong>en</strong> vérité, on n'y a, hélas,<br />

ri<strong>en</strong> compris ! Voici un p<strong>et</strong>it exemple à l'appui <strong>de</strong> ma conviction. »<br />

Chapitre 19<br />

Sur le Cantique <strong>de</strong>s Cantiques<br />

1. (Hébram :) « Au quatrième chapitre, il est dit : "Que tu es belle, ma bi<strong>en</strong>-<br />

33


aimée, que tu es belle ! Tes yeux sont <strong>de</strong>s colombes <strong>en</strong>tre tes nattes (*) , tes<br />

cheveux comme les troupeaux <strong>de</strong> chèvres que l'on tond sur le mont Galaad. Tes<br />

<strong>de</strong>nts sont pareilles aux brebis tondues qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'abreuvoir. Toutes<br />

port<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s jumeaux, <strong>et</strong> nulle n'est infertile. Tes lèvres sont un fil d'écarlate, <strong>et</strong> tes<br />

discours ravissants. Tes joues, <strong>de</strong>s moitiés <strong>de</strong> gr<strong>en</strong>a<strong>de</strong>s <strong>en</strong>tre tes nattes. Ton cou,<br />

la tour <strong>de</strong> David avec ses parap<strong>et</strong>s. Mille boucliers y sont susp<strong>en</strong>dus, <strong>et</strong> toutes les<br />

armes <strong>de</strong>s preux. Tes <strong>de</strong>ux seins, <strong>de</strong>ux faons jumeaux qui paiss<strong>en</strong>t parmi les<br />

rosés jusqu'à ce que le jour fraîchisse <strong>et</strong> que les ombres recul<strong>en</strong>t. J'irai à la<br />

montagne <strong>de</strong> la myrrhe, à la colline <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>c<strong>en</strong>s. Tu es toute belle, ma bi<strong>en</strong>-aimée,<br />

<strong>et</strong> sans tache aucune ! Vi<strong>en</strong>s du Liban, ô fiancée , vi<strong>en</strong>s du Liban ! Fais ton<br />

<strong>en</strong>trée, <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>ds <strong>de</strong>s hauteurs <strong>de</strong> l'Amana, <strong>de</strong>s cimes du Sanir <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'Hermon,<br />

repaire <strong>de</strong>s lions, montagnes <strong>de</strong>s léopards. Tu as pris mon cœur, ma sœur, ô<br />

fiancée, d'un seul <strong>de</strong> tes regards, d'un anneau <strong>de</strong> ton collier ! Que ta poitrine a <strong>de</strong><br />

charmes, ma sœur, ô fiancée ! Ta poitrine est plus délicieuse que le vin, <strong>et</strong><br />

l'arôme <strong>de</strong> tes parfums surpasse toutes les saveurs ! Tes lèvres, ô fiancée,<br />

distill<strong>en</strong>t le miel vierge. Le miel <strong>et</strong> le lait sont sous ta langue ; <strong>et</strong> le parfum <strong>de</strong> tes<br />

vêtem<strong>en</strong>ts est comme le parfum du Liban. Ma sœur, ô fiancée, tu es un jardin<br />

bi<strong>en</strong> clos, une source <strong>en</strong>fermée, un puits scellé. Tes j<strong>et</strong>s font un verger <strong>de</strong> gr<strong>en</strong>adiers<br />

avec les fruits les plus exquis : le nard <strong>et</strong> le safran, le roseau odorant <strong>et</strong> le<br />

cinnamone, avec tous les arbres à <strong>en</strong>c<strong>en</strong>s, la myrrhe <strong>et</strong> l'aloès, tous les plus fins<br />

arômes. Source <strong>de</strong>s jardins, puits d'eaux vives qui coul<strong>en</strong>t du Liban ! Lève-toi,<br />

aquilon, accours, autan ! Soufflez sur mon jardin, qu'il distille ses arômes !"<br />

2. Noble Cyrénius, c'est là à peu près mot pour mot le quatrième chapitre du<br />

Cantique <strong>de</strong>s Cantiques du sage Salomon, <strong>et</strong> celui qui paraît le plus aisé à<br />

compr<strong>en</strong>dre ; mais je te donne tous les trésors du mon<strong>de</strong> si ta raison humaine,<br />

quel que soit son bon s<strong>en</strong>s, peut <strong>en</strong> déchiffrer ne serait-ce qu'une phrase !<br />

3. Qui est c<strong>et</strong>te sœur qui revi<strong>en</strong>t sans cesse, c<strong>et</strong>te bi<strong>en</strong>-aimée qui, si elle ressemble<br />

vraim<strong>en</strong>t à l'éloge qu'<strong>en</strong> fait Salomon, épouvanterait tous les hommes <strong>et</strong><br />

ferait passer pour une Vénus la Méduse <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s ?! Bref, pour la raison<br />

humaine, tout cela n'est que sottise sur sottise ; <strong>et</strong> s'il y a là un s<strong>en</strong>s à découvrir,<br />

ce n'est pas la raison humaine, mais, là <strong>en</strong>core, uniquem<strong>en</strong>t la sagesse qui le découvrira<br />

! Ainsi, celui qui a la sagesse compr<strong>en</strong>dra, mais celui qui ne la possè<strong>de</strong><br />

pas ferait mieux <strong>de</strong> ne pas lire cela, <strong>et</strong>, s'il le lit, <strong>de</strong> ne pas y réfléchir ; car plus il<br />

y réfléchira, moins il compr<strong>en</strong>dra. Dans l'espoir <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre ce Cantique <strong>de</strong>s<br />

Cantiques plus accessible à ma raison, je suis allé jusqu'à l'appr<strong>en</strong>dre par cœur<br />

tout <strong>en</strong>tier, mais <strong>en</strong> vain ; je n'ai fait que compr<strong>en</strong>dre toujours plus clairem<strong>en</strong>t<br />

quel imbécile j'étais là.<br />

4. Aussi, appelles-<strong>en</strong> à la clarté d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nos compagnons plutôt qu'à<br />

leur sagesse, assurém<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>e ! Car s'ils t'expliqu<strong>en</strong>t avec leur sagesse la<br />

rapidité d'écriture <strong>de</strong> notre ange, tu ne la compr<strong>en</strong>dras pas mieux que le quatrième<br />

chapitre du Cantique <strong>de</strong>s Cantiques ; mais si, à supposer que la chose soit<br />

(*) Bible <strong>de</strong> Jérusalem : « <strong>de</strong>rrière ton voile » (<strong>de</strong> même plus loin), <strong>et</strong> : « tes<br />

cheveux comme un troupeau <strong>de</strong> chèvres sur les p<strong>en</strong>tes du mont Galaad. Tes <strong>de</strong>nts,<br />

un troupeau <strong>de</strong> brebis à tondre qui remont<strong>en</strong>t du bain. Chacune a sa jumelle, <strong>et</strong><br />

nulle n'<strong>en</strong> est privée », <strong>et</strong>c. (N.d.T.)<br />

34


possible, quelqu'un te l'explique par la simple raison, tu y compr<strong>en</strong>dras tout ce<br />

qu'il est matériellem<strong>en</strong>t possible <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre d'une chose purem<strong>en</strong>t spirituelle.<br />

Il est vrai que cela, à mon avis, ne nous mènera pas très loin non plus ! »<br />

5. Cyrénius dit : « Je vois bi<strong>en</strong> que tu n'es pas du tout un homme stupi<strong>de</strong> ; car il<br />

est déjà très significatif que tu aies pu te souv<strong>en</strong>ir mot à mot <strong>de</strong> toutes ces absurdités<br />

salomoni<strong>en</strong>nes — du moins si on les pr<strong>en</strong>d au s<strong>en</strong>s matériel. Car cela<br />

ressemble bi<strong>en</strong> à un fatras d'absurdités comme je n'<strong>en</strong> ai jamais r<strong>en</strong>contré <strong>de</strong> ma<br />

vie ! Et pourtant, ce pur non-s<strong>en</strong>s se m<strong>et</strong> tout à coup à me préoccuper davantage<br />

qu'auparavant la rapi<strong>de</strong> écriture <strong>de</strong> l'ange. Que pouvait bi<strong>en</strong> vouloir dire par là ce<br />

fameux Crésus <strong>de</strong>s Juifs ? Était-ce là vraim<strong>en</strong>t une déclaration d'amour à quelque<br />

belle Juive qui, à <strong>en</strong> croire ses comparaisons, aurait véritablem<strong>en</strong>t eu une étrange<br />

appar<strong>en</strong>ce ? Ou faut-il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par là tout autre chose ? Mais quoi, c'est une tout<br />

autre question ! Y a-t-il une clé pour le compr<strong>en</strong>dre ? Si c'est le cas, notre<br />

Seigneur <strong>et</strong> Maître sera à coup sûr le premier à pouvoir nous le dire ! Adressonsnous<br />

donc directem<strong>en</strong>t au maître plutôt qu'à l'appr<strong>en</strong>ti ! »<br />

6. Hébram dit : « Fais-le, car je suis <strong>de</strong> ton avis <strong>et</strong> suis moi-même plus curieux <strong>de</strong><br />

cela que <strong>de</strong> ma propre vie future au-<strong>de</strong>là du tombeau. »<br />

7. Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius se tourne vers Moi <strong>et</strong> dit : « Seigneur, as-Tu <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du ce<br />

quatrième chapitre du Cantique <strong>de</strong>s Cantiques <strong>de</strong> Salomon ? Dis-moi s'il y a<br />

vraim<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lui quelque signification s<strong>en</strong>sée, ou s'il n'est que ce qu'il paraît être, à<br />

savoir un pur non-s<strong>en</strong>s ! »<br />

8. Je dis : « Ami, il y a <strong>en</strong> lui une signification parfaitem<strong>en</strong>t valable, bi<strong>en</strong> que<br />

profondém<strong>en</strong>t cachée ! Salomon l'a écrit tel qu'il lui fut dicté par l'Esprit ; mais<br />

lui-même ne le compr<strong>en</strong>ait au fond guère mieux que toi à prés<strong>en</strong>t. Car la parole<br />

<strong>de</strong> sagesse lui fut sans doute donnée, mais il ne reçut pas <strong>en</strong> même temps sa<br />

pleine compréh<strong>en</strong>sion. À lui aussi, beaucoup <strong>de</strong> choses semblèr<strong>en</strong>t barbares (*) ;<br />

car ce qu'il écrivait parlait, <strong>en</strong> <strong>de</strong>s images appropriées, <strong>de</strong> notre temps.<br />

9. La clé <strong>et</strong> la solution <strong>en</strong> sont Celui qui te parle à prés<strong>en</strong>t ; <strong>et</strong> le fin mot <strong>en</strong> est la<br />

parole d'amour éternel qui existe <strong>de</strong> toute éternité, c'est-à-dire le très pur amour<br />

<strong>de</strong> Dieu <strong>en</strong>vers vous les hommes — c'est là la belle fiancée, la vraie sœur <strong>de</strong><br />

l'homme <strong>et</strong> sa bi<strong>en</strong>-aimée ! Lis le Cantique <strong>de</strong>s Cantiques avec c<strong>et</strong>te clé, <strong>et</strong> tu le<br />

compr<strong>en</strong>dras <strong>et</strong> <strong>en</strong> découvriras le s<strong>en</strong>s très pur ! Compr<strong>en</strong>ds-tu maint<strong>en</strong>ant<br />

quelque chose à la sagesse <strong>de</strong> Salomon ? »<br />

10. Cyrénius regar<strong>de</strong> Hébram <strong>et</strong> dit : « Eh bi<strong>en</strong>, jeune salomoniste, s<strong>en</strong>s-tu<br />

désormais d'où vi<strong>en</strong>t le v<strong>en</strong>t ? Voilà bi<strong>en</strong> une tout autre musique que celle qui se<br />

chante au Temple <strong>de</strong> Jérusalem ! Bref, maint<strong>en</strong>ant que j'<strong>en</strong> ai la clé, Salomon<br />

sera étudié mot à mot chez moi ! »<br />

11. Hébram dit : « C<strong>et</strong>te clé est sans doute parfaitem<strong>en</strong>t auth<strong>en</strong>tique <strong>et</strong> bonne ;<br />

mais elle ne nous perm<strong>et</strong>tra pas pour autant <strong>de</strong> tout ouvrir ! Nous voyons bi<strong>en</strong> les<br />

étoiles, <strong>et</strong> le Maître nous a déjà donné <strong>en</strong> passant, dans ses discours, maintes clés<br />

à leur propos — <strong>et</strong> l'ange lui-même nous a donné sur elles d'importantes<br />

(*) Littéralem<strong>en</strong>t, « scythes » (skythisch). Les Scythes revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t dans le<br />

Grand Évangile comme le type du peuple barbare au langage incompréh<strong>en</strong>sible.<br />

(N.d.T.)<br />

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explications ; mais <strong>en</strong> sommes-nous beaucoup plus avancés ? Explique-moi par<br />

exemple ce qu'est <strong>en</strong> elle-même la belle étoile du matin que nous avons vue<br />

briller ce matin d'une telle clarté ! Eh bi<strong>en</strong>, si la clé donnée par l'ange ne te suffit<br />

pas pour pouvoir expliquer ce qu'est l'étoile du matin, la clé donnée par le Maître<br />

<strong>de</strong> tous les mystères ne te fera pas davantage compr<strong>en</strong>dre toute la sagesse <strong>de</strong><br />

Salomon ! Il y a là bi<strong>en</strong> trop <strong>de</strong> symboles dont seul l'esprit porte <strong>en</strong> lui la vraie<br />

clé ; cep<strong>en</strong>dant, comme je ne doute pas le moins du mon<strong>de</strong> que la clé donnée par<br />

le Maître ne convi<strong>en</strong>ne dans l'<strong>en</strong>semble, je m'emploierai moi-même à déchiffrer<br />

quelques significations. »<br />

12. Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius M'interroge à nouveau : « Seigneur, que dois-je p<strong>en</strong>ser<br />

<strong>de</strong> ce discours d'Hébram ? »<br />

13. Je dis : « Il parle vrai <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> ; tu sais donc désormais ce qu'il faut <strong>en</strong> p<strong>en</strong>ser.<br />

Mais laissons cela ; car tu vois que le déjeuner est prêt ! Nos membres ont besoin<br />

<strong>de</strong> se fortifier, aussi comm<strong>en</strong>cerons-nous par là avant <strong>de</strong> nous r<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>suite<br />

auprès <strong>de</strong>s criminels ; car ils seront bi<strong>en</strong>tôt mûrs pour leur guérison ! » — Dès<br />

que J'ai prononcé ces paroles, on apporte <strong>en</strong> abondance sur les tables les<br />

poissons, le pain <strong>et</strong> le vin.<br />

Chapitre 20<br />

Réflexions <strong>de</strong>s convives au repas du matin<br />

1. Comme les jeunes Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> lévites voi<strong>en</strong>t les tables abondamm<strong>en</strong>t<br />

chargées <strong>de</strong> poissons fort bi<strong>en</strong> apprêtés, <strong>de</strong> pain <strong>et</strong> <strong>de</strong> vin, Hébram dit : « Eh bi<strong>en</strong>,<br />

les disciples du Maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ne sont nullem<strong>en</strong>t à plaindre ! Il n'y a<br />

vraim<strong>en</strong>t plus aucune raison qui nous r<strong>et</strong>i<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir corps <strong>et</strong> âme, d'abord<br />

soldats romains, <strong>en</strong>suite <strong>et</strong> <strong>en</strong> même temps ses disciples ! Que <strong>de</strong> fois, au<br />

Temple, avons-nous dû jeûner <strong>en</strong> l'honneur <strong>de</strong> Yahvé, <strong>et</strong> ici on ne jeûne point,<br />

bi<strong>en</strong> qu'aujourd'hui, veille du sabbat, le jeûne le plus strict soit ordonné aux Juifs<br />

! Et pourtant, ce n'est pas manquer <strong>de</strong> respect à Dieu, sans quoi cela n'aurait pas<br />

été ordonné par l'esprit divin qui s'exprime par la bouche <strong>de</strong> celui qui est<br />

désormais notre seigneur <strong>et</strong> maître à nous aussi ! Bref, nous ferons désormais<br />

tout ce qu'il voudra <strong>et</strong> dira, que cela nous soit agréable ou non ! Car l'esprit qui<br />

laisse son soleil se lever aussi bi<strong>en</strong> le jour du sabbat que le reste <strong>de</strong> la semaine <strong>et</strong><br />

qui ne donne pas congé aux v<strong>en</strong>ts ce jour-là, un tel esprit est assurém<strong>en</strong>t supérieur<br />

à l'esprit stupi<strong>de</strong> qui, au Temple, ordonna un jour, pour mieux sanctifier le<br />

sabbat, trois jours <strong>de</strong> repos avant <strong>et</strong> après celui-ci. Mais comme la semaine ne<br />

compte que sept jours avec le sabbat, la question fut alors <strong>de</strong> savoir quand, dans<br />

ces conditions, il fallait travailler ! Le législateur aveugle reconnut sa bêtise <strong>et</strong><br />

dut accepter par la suite quelques accommo<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts. Paix à ses c<strong>en</strong>dres !<br />

2. Bref, c'est le véritable esprit <strong>de</strong> Dieu qui se manifeste partout autour <strong>de</strong> notre<br />

nouveau Seigneur <strong>et</strong> Maître, aussi voulons-nous être <strong>et</strong> serons-nous ses disciples<br />

à la vie <strong>et</strong> à la mort, quoi qu'il <strong>en</strong> coûte ; quant au Temple, nous lui tournons le<br />

dos pour toujours ! Am<strong>en</strong>. Ainsi soit-il, <strong>et</strong> ainsi <strong>en</strong> sera-t-il. Nous avons bi<strong>en</strong><br />

assez souv<strong>en</strong>t jeûné, <strong>et</strong> sans le moindre résultat ; p<strong>en</strong>dant nos voyages, au<br />

contraire, nous n'avions cure <strong>de</strong> ce jeûne stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> abusif, nous mangions <strong>et</strong><br />

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uvions même la veille du sabbat <strong>et</strong> les jours <strong>de</strong> nouvelle lune, <strong>et</strong> c'est <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

nouvelle manière humainem<strong>en</strong>t raisonnable que nous avons aujourd'hui trouvé<br />

tout ce qu'un homme peut jamais espérer atteindre <strong>de</strong> plus élevé. Aussi, vive la<br />

joie <strong>et</strong> la bonne humeur ! Le Messie promis est déjà là pour nous, alors que le<br />

Temple tel qu'il est à prés<strong>en</strong>t risque fort <strong>de</strong> ne pas Le voir <strong>de</strong> longtemps ; <strong>et</strong><br />

quand bi<strong>en</strong> même il Le verrait, il ne Le reconnaîtrait assurém<strong>en</strong>t pas. Mais nous,<br />

nous L'avons trouvé <strong>et</strong> reconnu, <strong>et</strong> c'est pourquoi nous exultons <strong>et</strong> crions bi<strong>en</strong><br />

haut : hosanna à Celui que nous avons trouvé ! À Lui seul tout notre respect <strong>et</strong><br />

tout notre amour ! »<br />

3. Jules dit : « Voilà qui est bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> je me joins à vous pour ajouter : que le salut<br />

<strong>et</strong> la grâce soi<strong>en</strong>t sur tous les hommes <strong>de</strong> bonne volonté ! »<br />

4. Cyrénius dit : « Oui, salut pour le mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> grâce d'<strong>en</strong> haut, <strong>et</strong> loué soit très<br />

haut le nom <strong>de</strong> notre Sauveur, qui est Jésus ! À l'av<strong>en</strong>ir, tous les peuples <strong>de</strong> la<br />

terre, tous les anges <strong>de</strong>s cieux <strong>et</strong> tous les esprits, qu'ils soi<strong>en</strong>t sur ou sous la terre,<br />

plieront les g<strong>en</strong>oux à ce nom ! »<br />

5. Et l'ange, Jarah, Josoé, Ebahi <strong>et</strong> tous les disciples s'écri<strong>en</strong>t : « Am<strong>en</strong> ! »<br />

6. Et Je dis alors : « À prés<strong>en</strong>t, Mes amis <strong>et</strong> Mes frères, mangeons <strong>et</strong> buvons ; car<br />

le mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la guérison <strong>de</strong>s cinq <strong>grand</strong>s mala<strong>de</strong>s approche ! » Là-<strong>de</strong>ssus, tous<br />

s'attaqu<strong>en</strong>t vaillamm<strong>en</strong>t aux poissons, au pain <strong>et</strong> <strong>en</strong>fin au vin.<br />

7. C'est ainsi que le repas du matin fut bi<strong>en</strong>tôt pris, <strong>et</strong> ce visiblem<strong>en</strong>t avec le<br />

meilleur appétit du mon<strong>de</strong> ; car les poissons étai<strong>en</strong>t si savoureusem<strong>en</strong>t préparés<br />

que leur goût incitait chacun à manger plus que <strong>de</strong> coutume. Ma Jarah elle-même<br />

y allait <strong>de</strong> bon cœur, <strong>et</strong> son Raphaël tout autant, ce qui frappa plusieurs <strong>de</strong>s<br />

jeunes Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> lévites au point qu'ils comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à s'interroger <strong>en</strong>tre eux<br />

<strong>et</strong> à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r comm<strong>en</strong>t l'ange, qui <strong>de</strong>vait pourtant être un pur esprit, avalait<br />

ainsi les poissons, le pain <strong>et</strong> le vin avec une sorte d'avidité, <strong>et</strong> poussait<br />

littéralem<strong>en</strong>t à faire <strong>de</strong> même son aimable élève, qui emboîtait fort<br />

honorablem<strong>en</strong>t le pas à son céleste maître sans <strong>en</strong> paraître autrem<strong>en</strong>t embarrassée.<br />

8. Mais Hébram dit à ses camara<strong>de</strong>s : « Comm<strong>en</strong>t cela peut-il vous surpr<strong>en</strong>dre ?<br />

Ce bon ange, qui est si facilem<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u à bout tout à l'heure, avec ses doigts<br />

délicats, <strong>de</strong>s tr<strong>en</strong>te livres d'une lour<strong>de</strong> pierre, peut bi<strong>en</strong> v<strong>en</strong>ir à bout d'autant plus<br />

aisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ces t<strong>en</strong>dres poissons, <strong>de</strong> ce pain <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce vin ! Et si sa chère élève<br />

l'imite <strong>en</strong> quelque sorte <strong>en</strong> mangeant énormém<strong>en</strong>t, sa croissance rapi<strong>de</strong> <strong>en</strong> est<br />

cause ; car, d'après son appar<strong>en</strong>ce, c<strong>et</strong>te jeune fille ne doit pas avoir plus <strong>de</strong><br />

quinze printemps, <strong>et</strong> pourtant, elle est aussi forte que l'est ordinairem<strong>en</strong>t une<br />

jouv<strong>en</strong>celle <strong>de</strong> vingt étés, cela grâce à une bonne nourriture. Le fils [adoptif] <strong>de</strong><br />

Cyrénius, qui est assis <strong>en</strong>tre elle <strong>et</strong> l'ange, a sans doute lui aussi beaucoup<br />

d'appétit, mais à eux <strong>de</strong>ux, ils le confon<strong>de</strong>nt sans peine ! Pourtant, il est<br />

dommage que c<strong>et</strong>te jeune fille dévore ainsi ! Elle est par ailleurs fort bi<strong>en</strong> faite <strong>et</strong><br />

parle avec beaucoup d'<strong>en</strong>thousiasme ; mais c<strong>et</strong>te façon <strong>de</strong> manger lui ôte<br />

beaucoup <strong>de</strong> ses attraits. — Notre Maître mange <strong>et</strong> boit Lui aussi avec <strong>en</strong>train.<br />

Du reste, ce n'est pas un phénomène inhabituel chez les <strong>grand</strong>s esprits ; tous ceux<br />

que j'ai pu connaître étai<strong>en</strong>t plutôt gros mangeurs <strong>et</strong> buveurs ! Au <strong>de</strong>meurant, la<br />

manière dont on mange <strong>et</strong> boit ici n'est pas si excessive, si l'on excepte l'ange,<br />

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qui, <strong>en</strong> vérité, <strong>en</strong> a <strong>en</strong>fourné autant à lui seul que nous tous réunis ! Il est d'aileurs<br />

remarquable qu'un pur esprit puisse avaler <strong>de</strong>s alim<strong>en</strong>ts matériels <strong>de</strong> la même<br />

manière que nous ! En vérité, j'aimerais bi<strong>en</strong> savoir si ce qu'il a mangé ressort<br />

<strong>en</strong>suite <strong>de</strong> lui à la manière naturelle <strong>et</strong> si, comme l'on dit, il va à la selle, ou si<br />

tout ce qu'il mange est absorbé dans son être ! »<br />

9. Jules, qui est assis non loin d'Hébram <strong>et</strong> à qui c<strong>et</strong>te conversation n'a pas<br />

échappé, dit : « Mais comm<strong>en</strong>t pouvez-vous <strong>en</strong>core débiter <strong>en</strong>tre vous <strong>de</strong> telles<br />

énormités, tout cela par ignorance <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s choses ! Raphaël est un esprit,<br />

<strong>et</strong>, dans son état originel, il vous serait impossible <strong>de</strong> le voir <strong>et</strong> <strong>de</strong> lui parler ;<br />

aussi, pour pouvoir, comme le Seigneur lui <strong>en</strong> a donné la permission<br />

exceptionnelle, se manifester parmi nous comme s'il était lui aussi un homme, il<br />

doit <strong>en</strong>tourer son être purem<strong>en</strong>t spirituel d'une sorte d'<strong>en</strong>veloppe matérielle<br />

superficielle, <strong>et</strong> pour cela, étant l'un <strong>de</strong>s plus puissants <strong>de</strong>s archanges, il a sans<br />

cesse besoin d'une <strong>grand</strong>e quantité <strong>de</strong> matière légère, qui passe aussitôt dans son<br />

être <strong>et</strong> lui perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer visible à nos yeux. Il n'est pas question qu'il<br />

expulse par d'év<strong>en</strong>tuelles <strong>en</strong>trailles ce qu'il a mangé, car tout cela, à peine <strong>en</strong>tré<br />

dans sa bouche, <strong>en</strong>tre exclusivem<strong>en</strong>t dans sa propre substance. Voilà ce qu'il <strong>en</strong><br />

est ! Aussi, ne dites plus <strong>en</strong>tre vous <strong>de</strong> telles sottises !<br />

10. Quant à la charmante Jarah, très sage fille <strong>de</strong> l'aubergiste Ebahi <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h,<br />

assise juste après l'ange vers le haut <strong>de</strong> la table, le fait qu'elle mange ce<br />

matin plus qu'elle ne l'avait jamais fait ti<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t à ce que le Seigneur le<br />

lui a recommandé <strong>en</strong> secr<strong>et</strong>, à cause <strong>de</strong> la guérison <strong>de</strong>s cinq <strong>grand</strong>s criminels, qui<br />

sera sans doute une chose très remarquable, car Lui qui a pourtant déjà ressuscité<br />

<strong>de</strong>s morts S'y prépare égalem<strong>en</strong>t, ce que, à ma connaissance, Il n'avait <strong>en</strong>core<br />

jamais fait, <strong>et</strong> Il nous a fait remarquer dès hier que ce serait là une guérison très<br />

difficile, qui, pour réussir, <strong>de</strong>vait être très sérieusem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> conv<strong>en</strong>ablem<strong>en</strong>t préparée<br />

! C'est très vraisemblablem<strong>en</strong>t pour c<strong>et</strong>te raison qu'il mange Lui aussi ce<br />

matin davantage qu'il ne le fait d'ordinaire <strong>en</strong> un jour. — Est-ce maint<strong>en</strong>ant clair<br />

pour vous ? »<br />

11. Hébram dit : « Oui, Dieu <strong>en</strong> soit loué, cher <strong>et</strong> noble ami <strong>et</strong> bi<strong>en</strong>faiteur ! Il<br />

suffit que la lumière vi<strong>en</strong>ne sur un phénomène, <strong>et</strong> ce qu'il a <strong>de</strong> merveilleux<br />

apparaît finalem<strong>en</strong>t tout à fait naturel ! Aussi, si jamais il nous arrive à l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong><br />

nous émerveiller un peu trop d'un événem<strong>en</strong>t merveilleux, il ne faudra <strong>en</strong> r<strong>en</strong>dre<br />

responsable que notre fâcheuse sottise ! Car seule l'ignorance (*) peut s'étonner <strong>de</strong><br />

ce qu'elle n'est pas capable <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre ; la vraie sagesse ne s'étonne jamais,<br />

même <strong>en</strong> rêve, parce qu'elle connaît fort bi<strong>en</strong> le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toutes ces<br />

choses. Mais nous tr<strong>en</strong>te, nous sommes <strong>en</strong>core profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>foncés dans<br />

notre ignorance, aussi aurons-nous sans doute <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s occasions <strong>de</strong> nous<br />

émerveiller aux côtés <strong>de</strong> notre <strong>grand</strong> Maître <strong>et</strong> Sauveur, <strong>de</strong> Celui qui Se dit à bon<br />

droit le Messie promis ! — Mais Il semble à prés<strong>en</strong>t vouloir Se lever <strong>et</strong> partir, <strong>et</strong><br />

nous <strong>de</strong>vrions nous y préparer nous aussi ! »<br />

12. Je dis : « Oui, il est temps <strong>de</strong> partir ; aussi, levons-nous <strong>et</strong> r<strong>en</strong>dons-nous au<br />

(*) N.B. : sottise (bêtise, stupidité) <strong>et</strong> ignorance sont ici (<strong>et</strong> partout ailleurs) <strong>de</strong>ux<br />

aspects <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux traductions du même mot, Dwnmlie.it, <strong>de</strong> même que le mot<br />

Weisheit signifie à la fois « sagesse » <strong>et</strong> « savoir », sci<strong>en</strong>ce. (N.d.T.)<br />

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ivage où les cinq nous att<strong>en</strong><strong>de</strong>nt ! »<br />

13. Dès que J'ai prononcé ces paroles, tous quitt<strong>en</strong>t les bancs si longtemps occupés<br />

<strong>et</strong> se hât<strong>en</strong>t avec Moi vers le rivage.<br />

Chapitre 21<br />

La guérison <strong>de</strong>s cinq bandits possédés<br />

1. Comme nous arrivons auprès <strong>de</strong>s cinq, ils se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à pousser <strong>de</strong>s cris <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

hurlem<strong>en</strong>ts épouvantables <strong>et</strong> à maudire tous ceux qui les approch<strong>en</strong>t.<br />

2. Mais Je fais v<strong>en</strong>ir un peu à l'écart les soldats, Jules <strong>et</strong> Cyrénius <strong>et</strong> dis aux<br />

soldats : « Déliez-les ; car nous ne pourrons ri<strong>en</strong> faire d'eux dans c<strong>et</strong> état. »<br />

3. Les soldats observ<strong>en</strong>t qu'il vaudrait mieux ne pas s'y risquer, car les cinq sont<br />

trop forts <strong>et</strong> trop furieux ; si on les libérait, il y aurait autant à craindre d'eux que<br />

<strong>de</strong> vingt tigres lâchés au milieu <strong>de</strong>s hommes !<br />

4. Mais Je leur dis avec autorité : « Je vous ordonne <strong>de</strong> faire cela au plus vite ;<br />

car si vous n'exécutez pas c<strong>et</strong> ordre, il pourrait bi<strong>en</strong>tôt vous arriver malheur ! »<br />

5. À c<strong>et</strong>te m<strong>en</strong>ace, les soldats exécut<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin, bi<strong>en</strong> qu'avec beaucoup <strong>de</strong><br />

pru<strong>de</strong>nce, l'ordre que Je leur ai donné à l'instant.<br />

6. Dès qu'ils sont libres, les cinq se précipit<strong>en</strong>t vers Moi, se j<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t face contre<br />

terre <strong>et</strong> s'écri<strong>en</strong>t : « Ô tout-puissant Fils <strong>de</strong> David, Toi qui as déjà tant fait pour<br />

nous, sauve-nous tout à fait <strong>de</strong> la mort éternelle ! Nous ne craignons pas <strong>de</strong><br />

mourir dans nos corps, mais bi<strong>en</strong> d'être perdus pour l'éternité ! Car c<strong>et</strong>te nuit,<br />

malgré les terribles tourm<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> nos corps, nous avons eu la vision <strong>de</strong>s<br />

tourm<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s esprits damnés <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>ter ! C'est pourquoi, nous T'<strong>en</strong> supplions,<br />

inflige-nous plutôt p<strong>en</strong>dant c<strong>en</strong>t ans tous les maux possibles sur c<strong>et</strong>te terre dans<br />

nos misérables corps — mais épargne-nous les abominables <strong>et</strong> éternels supplices<br />

<strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer, car leur horreur est in<strong>de</strong>scriptible ! »<br />

7. C'étai<strong>en</strong>t les vraies âmes <strong>de</strong>s cinq hommes qui parlai<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant c<strong>et</strong> instant <strong>de</strong><br />

répit laissé par les démons qui occupai<strong>en</strong>t leurs corps, <strong>et</strong> qui avai<strong>en</strong>t ainsi dû leur<br />

montrer leur <strong>en</strong>fer dans toute son horreur ; mais aussitôt, les mauvais esprits<br />

reprir<strong>en</strong>t le <strong>de</strong>ssus dans le corps <strong>de</strong>s cinq <strong>et</strong> se mir<strong>en</strong>t à parler par leur bouche<br />

comme un millier <strong>de</strong> voix : « Que vi<strong>en</strong>s-tu faire ici, misérable dompteur <strong>de</strong><br />

moucherons ? Voudrais-tu par hasard te mesurer à nous qui sommes <strong>de</strong>s dieux<br />

tout-puissants ? Essaie seulem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ce sera le <strong>de</strong>rnier combat <strong>de</strong> ta vie ! Arrière,<br />

misérable, ou nous te réduirons <strong>en</strong> fine poussière <strong>et</strong> te livrerons à tous les v<strong>en</strong>ts !<br />

»<br />

8. Je dis : « De quel droit tourm<strong>en</strong>tez-vous ces cinq hommes <strong>de</strong>puis plusieurs<br />

années déjà ? Qui vous <strong>en</strong> a donné la permission ? Sachez que votre <strong>de</strong>rnière<br />

heure est maint<strong>en</strong>ant arrivée ! Le dompteur <strong>de</strong> moucherons vous ordonne<br />

maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> quitter à l'instant <strong>et</strong> pour toujours les corps <strong>de</strong> ces cinq hommes <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> r<strong>et</strong>ourner aussitôt au plus profond <strong>de</strong> votre <strong>en</strong>fer ! »<br />

9. Mais les démons vocifèr<strong>en</strong>t <strong>et</strong>, avec <strong>de</strong>s hurlem<strong>en</strong>ts épouvantables, répon<strong>de</strong>nt :<br />

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« Si ta puissance peut nous contraindre, laisse-nous plutôt aller chez les termites<br />

d'Afrique ; car nous serons mieux parmi eux que dans notre <strong>en</strong>fer ! »<br />

10. « Non, dis-Je, il n'y a pas <strong>de</strong> pitié dans Mon cœur pour vous <strong>et</strong> vos pareils,<br />

car vous n'<strong>en</strong> avez pas eu pour ceux que vous avez, tués dans les plus terribles<br />

tortures, malgré leurs ar<strong>de</strong>ntes supplications ; aussi, sans merci ni pitié, partez<br />

maint<strong>en</strong>ant ! »<br />

11. À c<strong>et</strong> ordre plein <strong>de</strong> force, les esprits malins quitt<strong>en</strong>t les cinq corps <strong>et</strong> les<br />

j<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t furieusem<strong>en</strong>t à terre.<br />

12. Mais Je leur dis : « Reculez, misérables ! Re<strong>de</strong>sc<strong>en</strong><strong>de</strong>z <strong>en</strong> <strong>en</strong>fer, <strong>et</strong> soyez-y<br />

déchirés comme vous le méritez ! »<br />

13. Cep<strong>en</strong>dant, les esprits s'attar<strong>de</strong>nt <strong>en</strong>core <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt grâce <strong>et</strong> merci ; car,<br />

dis<strong>en</strong>t-ils, il est dans leur nature d'être mauvais.<br />

14. Je dis : « Mais il est aussi dans votre nature d'être bons, car vous avez la<br />

connaissance du bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> du mal ; mais c'est votre volonté orgueilleuse qui est<br />

mauvaise <strong>et</strong> intraitable, <strong>et</strong> c'est pourquoi aucune grâce ni merci ne peuv<strong>en</strong>t vous<br />

être accordées ! C'est vous-mêmes qui voulez souffrir <strong>et</strong> être tourm<strong>en</strong>tés, aussi,<br />

souffrez <strong>et</strong> soyez tourm<strong>en</strong>tés éternellem<strong>en</strong>t, comme vous l'avez voulu ! Car Mon<br />

ordre est éternel <strong>et</strong> immuable, vous le savez fort bi<strong>en</strong>. Et vous savez aussi ce que<br />

vous avez à faire pour tirer profit <strong>de</strong> c<strong>et</strong> ordre éternel ; mais puisque vous avez<br />

voulu le faire servir à votre perte, que votre perte soit consommée, ainsi donc,<br />

hors <strong>de</strong> Ma vue ! »<br />

15. On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d alors comme un <strong>grand</strong> coup <strong>de</strong> tonnerre, le feu <strong>et</strong> la fumée<br />

jailliss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la terre, <strong>et</strong> un gouffre se forme à l'instant qui <strong>en</strong>gloutit la misérable<br />

vermine. Car les esprits chassés étai<strong>en</strong>t apparus à l'assistance sous la forme <strong>de</strong><br />

serp<strong>en</strong>ts d'un noir <strong>de</strong> charbon, <strong>et</strong> ceux-ci fur<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gloutis tous <strong>en</strong>semble par le<br />

gouffre <strong>en</strong> feu, ce qui effraya tant les personnes prés<strong>en</strong>tes qu'elles se mir<strong>en</strong>t<br />

toutes à trembler <strong>de</strong> fièvre.<br />

16. Cep<strong>en</strong>dant, Je Me tournai vers Marc, qui se t<strong>en</strong>ait déjà prêt avec le pain, le<br />

vin <strong>et</strong> le sel, <strong>et</strong> lui dis : « Donne vite aux cinq un peu <strong>de</strong> vin, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite du pain<br />

avec du sel. »<br />

17. Les fils <strong>de</strong> Marc soulevèr<strong>en</strong>t les cinq qui gisai<strong>en</strong>t à terre <strong>et</strong> versèr<strong>en</strong>t un peu<br />

<strong>de</strong> vin dans leurs bouches ouvertes. Cela les fit bi<strong>en</strong>tôt rev<strong>en</strong>ir à eux, ne sachant<br />

ce qui leur était arrivé.<br />

18. Cep<strong>en</strong>dant, Je dis aux cinq : « Maint<strong>en</strong>ant, pr<strong>en</strong>ez un peu <strong>de</strong> pain avec du sel,<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong>suite à nouveau un peu <strong>de</strong> vin, <strong>et</strong> vous recouvrerez vos forces <strong>et</strong> tous vos<br />

esprits ! »<br />

19. Ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le pain <strong>et</strong> le sel, <strong>et</strong> peu après, selon Mon ordre, à nouveau un peu<br />

<strong>de</strong> vin, <strong>et</strong> <strong>en</strong> quelques instants, ils se redress<strong>en</strong>t tout à fait, bi<strong>en</strong> que gardant<br />

<strong>en</strong>core naturellem<strong>en</strong>t leur triste appar<strong>en</strong>ce, leur pâleur <strong>et</strong> leur maigreur.<br />

20. Cyrénius Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> timi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ce qu'il faut maint<strong>en</strong>ant faire <strong>de</strong> ces cinq<br />

hommes : leur r<strong>en</strong>dre leur <strong>en</strong>tière liberté, ou les m<strong>et</strong>tre dans quelque établissem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> soins ?<br />

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21. Je dis : « Ne t'<strong>en</strong> soucie pas pour aujourd'hui ; <strong>de</strong>main, il sera bi<strong>en</strong> temps <strong>de</strong><br />

voir ce qui doit adv<strong>en</strong>ir d'eux ! Dès aujourd'hui, quand nous les aurons soignés<br />

comme il se doit, leur appar<strong>en</strong>ce sera fort changée. Mais d'abord, laissons-les se<br />

reposer un mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> toi, Marc, fais aussi apporter un peu d'huile. Les chaînes<br />

<strong>et</strong> les cor<strong>de</strong>s soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t attachées ont couvert leur peau <strong>de</strong> plaies <strong>et</strong> d'<strong>en</strong>flures,<br />

qu'il faut <strong>en</strong>duire d'huile <strong>et</strong> <strong>de</strong> vin afin qu'elles guériss<strong>en</strong>t au plus vite ! »<br />

22. Marc <strong>en</strong>voie aussitôt chercher <strong>de</strong> l'huile, <strong>et</strong> ses fils frictionn<strong>en</strong>t les cinq, à qui<br />

ce traitem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> leur propre aveu, fait le plus <strong>grand</strong> bi<strong>en</strong> ; là-<strong>de</strong>ssus, chacun t<strong>en</strong>te<br />

tour à tour <strong>de</strong> se m<strong>et</strong>tre sur ses pieds, ce qui leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> maint effort au début,<br />

mais <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t progressivem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus facile.<br />

23. Comme, au bout d'une p<strong>et</strong>ite heure, les cinq rescapés se s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t déjà<br />

beaucoup mieux, ils comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r où ils sont <strong>et</strong> ce qui leur est arrivé.<br />

24. Et Marc, qui bi<strong>en</strong> sûr, avec ses fils, se trouvait tout près <strong>de</strong>s cinq pati<strong>en</strong>ts,<br />

leur dit : « Vous étiez gravem<strong>en</strong>t mala<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> c'est ainsi qu'on vous a am<strong>en</strong>és ici<br />

hier après-midi ; mais le fameux guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h était ici Lui aussi, qui<br />

apporte à tous les hommes, quelle que soit leur maladie, le secours le plus sûr, <strong>et</strong><br />

c'est ce guérisseur qui vous a sauvés vous aussi. Vous ferez plus ample<br />

connaissance avec Lui par la suite. »<br />

Chapitre 22<br />

Propos désespérés <strong>de</strong>s possédés<br />

1. L'un <strong>de</strong>s cinq dit : « Oui, oui, je comm<strong>en</strong>ce à y voir un peu plus clair ! C'est<br />

comme si j'avais fait un mauvais rêve, <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce rêve, il me revi<strong>en</strong>t le souv<strong>en</strong>ir<br />

d'avoir été jadis capturé, avec quatre autres, par une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> brigands. On nous<br />

emporta dans une sombre grotte où nous fûmes livrés à ces démons. Ils<br />

cherchèr<strong>en</strong>t d'abord par <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s extérieurs à faire <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>s brigands<br />

pareils à eux. Mais comme nous résistions par trop, les démons s'emparèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

nos corps, <strong>et</strong> nous perdîmes presque toute consci<strong>en</strong>ce propre ; <strong>de</strong>s désirs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

aspirations diaboliques s'emparèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nos cœurs, <strong>et</strong> nous fûmes pour ainsi dire<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t perdus à nous-mêmes. Aussi tout ce que nous avons pu faire <strong>en</strong>suite<br />

dans notre effroyable condition nous est-il parfaitem<strong>en</strong>t inconnu ; quant à moi, je<br />

ne me souvi<strong>en</strong>s vaguem<strong>en</strong>t que d'une seule chose, c'est que nous avons été pris il<br />

y a peu par <strong>de</strong>s soldats romains. Mais ce qui a pu nous arriver <strong>en</strong>suite, je l'ignore<br />

là <strong>en</strong>core tout à fait, du moins <strong>en</strong> ce qui me concerne, <strong>et</strong> je ne sais absolum<strong>en</strong>t<br />

pas comm<strong>en</strong>t nous sommes parv<strong>en</strong>us jusqu'ici ni pour quelle raison précise !<br />

Nous avons dû être fort maltraités, puisque nous sommes <strong>en</strong>core couverts <strong>de</strong><br />

plaies <strong>et</strong> d'<strong>en</strong>flures, qui cep<strong>en</strong>dant, du moins à ce qu'il me semble, ne nous font<br />

plus du tout souffrir. Hélas, étions-nous vraim<strong>en</strong>t si mal <strong>en</strong> point ?! »<br />

2. Un second dit : « Sais-tu ce que nous étions à l'origine ? Nous appart<strong>en</strong>ions au<br />

Temple, <strong>et</strong> fûmes <strong>en</strong>voyés comme apôtres aux Samaritains, afin <strong>de</strong> les regagner à<br />

la cause <strong>de</strong> Jérusalem. Mais chez les Samaritains, nous revînmes <strong>de</strong> notre erreur<br />

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<strong>et</strong> voulûmes r<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> Judée afin d'y faire <strong>de</strong>s prosélytes pour Gorazim (*) ; c'est<br />

alors que, sur la frontière, nous fûmes capturés par les démons que l'on sait, qui<br />

nous <strong>en</strong>sorcelèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> telle sorte que nous ne sûmes plus qui nous étions ni ce<br />

que nous étions vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us. Quant à savoir comm<strong>en</strong>t nous sommes arrivés<br />

ici sans crier gare, je n'<strong>en</strong> ai pas la moindre idée ! Oui, oui, tout ce qui nous est<br />

surv<strong>en</strong>u, c'est au Temple que nous <strong>en</strong> sommes re<strong>de</strong>vables ! Il s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d à r<strong>en</strong>dre<br />

les hommes aussi malheureux que possible, mais nous ne connaissons pas<br />

d'exemple que le Temple ait fait le bonheur <strong>de</strong> qui que ce soit ! Les seuls<br />

heureux, au Temple, sont les <strong>grand</strong>s prêtres, les premiers Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> les vieux<br />

docteurs <strong>de</strong> la loi, mais tous les autres sont les misérables val<strong>et</strong>s du Temple <strong>et</strong> ses<br />

hommes <strong>de</strong> peine affamés ! »<br />

3. Un troisième dit : « Oui, à prés<strong>en</strong>t, je me souvi<strong>en</strong>s moi aussi comme on nous<br />

tourm<strong>en</strong>tait, au Temple, par <strong>de</strong>s jeûnes <strong>et</strong> mille autres pénit<strong>en</strong>ces ! Mon Dieu,<br />

c'est pourtant à nos par<strong>en</strong>ts que nous <strong>de</strong>vons ce malheur ! Il est dit dans la loi<br />

mosaïque : "Honore ton père <strong>et</strong> ta mère, afin <strong>de</strong> vivre longtemps <strong>et</strong> d'être heureux<br />

sur c<strong>et</strong>te terre !" Nous avons toujours honoré nos par<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> obéissant strictem<strong>en</strong>t<br />

à tout ce qu'ils nous <strong>de</strong>mandai<strong>en</strong>t ; c'est par leur volonté que nous sommes<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>us templiers, bi<strong>en</strong> que n'ayant jamais appart<strong>en</strong>u par la naissance à la tribu<br />

<strong>de</strong> Lévi. Mais cela ne faisait ri<strong>en</strong>, car pour <strong>de</strong> l'arg<strong>en</strong>t, on peut aujourd'hui<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir tout ce qu'on veut — il y faut toutefois beaucoup d'arg<strong>en</strong>t ! Mais, lorsque<br />

nous fûmes au Temple, les exercices <strong>et</strong> les épreuves <strong>de</strong> toute sorte ne fir<strong>en</strong>t<br />

qu'empirer <strong>de</strong> jour <strong>en</strong> jour notre sort, jusqu'à ce que nous fussions <strong>en</strong>voyés<br />

comme apôtres <strong>en</strong> Samarie <strong>et</strong> <strong>en</strong>sorcelés là-bas par les méchants magici<strong>en</strong>s ! À<br />

partir <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t-là, tout ce qui nous est arrivé <strong>et</strong> tout ce que nous avons fait<br />

jusqu'ici, comm<strong>en</strong>t nous avons traversé la mer pour arriver dans c<strong>et</strong>te contrée<br />

inconnue, <strong>et</strong> qui nous a mis dans ce triste état, je n'<strong>en</strong> ai quant à moi pas la<br />

moindre idée. Je peux seulem<strong>en</strong>t me rappeler très confusém<strong>en</strong>t que lorsque nous<br />

refusâmes <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s brigands, les méchants magici<strong>en</strong>s nous livrèr<strong>en</strong>t à une<br />

fort méchante <strong>et</strong> sinistre compagnie, qui nous traita <strong>de</strong> telle sorte que nous perdîmes<br />

<strong>en</strong> peu <strong>de</strong> temps toute connaissance <strong>de</strong> nous-mêmes, sans jamais la r<strong>et</strong>rouver<br />

jusqu'à c<strong>et</strong>te heure ! Mais à prés<strong>en</strong>t, Dieu soit loué, elle nous est rev<strong>en</strong>ue<br />

! Nous savons <strong>de</strong> nouveau ce que nous sommes <strong>et</strong> qui nous sommes ! Mais<br />

qu'allons-nous <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ? Devrons-nous r<strong>et</strong>ourner au Temple, ou faire autre chose<br />

? À prés<strong>en</strong>t, mon plus cher désir est la mort, car ce mon<strong>de</strong> mauvais a perdu pour<br />

moi tout ce qui eût <strong>en</strong>core pu donner quelque valeur à l'exist<strong>en</strong>ce terrestre ! Qui<br />

peut nous assurer que nous ne r<strong>et</strong>omberons pas aussi aisém<strong>en</strong>t que la première<br />

fois <strong>en</strong>tre les mains <strong>de</strong> pareils démons ?! Qui nous sauvera alors <strong>de</strong> leurs griffes ?<br />

»<br />

4. Le quatrième <strong>et</strong> le cinquième dis<strong>en</strong>t : « Nous sommes tout à fait <strong>de</strong> ton avis !<br />

Une bonne mort rapi<strong>de</strong>, <strong>et</strong> ne plus jamais revivre, c'est tout ce que nous désirons<br />

! Ô douceur du néant, comparé à l'exist<strong>en</strong>ce que nous avons goûtée ! Cesser<br />

d'exister, <strong>et</strong> ri<strong>en</strong> d'autre ! Mais cesser définitivem<strong>en</strong>t ! Car notre expéri<strong>en</strong>ce nous<br />

a r<strong>en</strong>du l'exist<strong>en</strong>ce à jamais intolérable ! D'ailleurs, pourquoi faut-il exister ?<br />

(*) Ce passage semble contredire le récit <strong>de</strong> Mathaël aux chap. 235 sq. <strong>et</strong><br />

l'explication qui y est donnée <strong>de</strong> la possession <strong>de</strong>s cinq hommes — à moins qu'il ne<br />

faille ici dissocier le cas <strong>de</strong> Mathaël <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> ses quatre compagnons ? (N.d.T.)<br />

42


Dans le néant d'avant notre naissance, nous n'<strong>en</strong> avons pourtant jamais exprimé<br />

le vœu ! À moins que quelque sage Créateur n'éprouve le désir <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s êtres<br />

aussi affreusem<strong>en</strong>t misérables se dém<strong>en</strong>er au gré <strong>de</strong> sa toute-puissance<br />

assurém<strong>en</strong>t toute bi<strong>en</strong>heureuse ? Et qu'y pouvons-nous, pauvres vers <strong>de</strong> terre que<br />

nous sommes ?<br />

5. N'importe quel animal vaut mieux que l'homme, ce maître <strong>de</strong> la Création qui a<br />

tant d'estime pour lui-même ! Vous, les Romains, vous pouvez sans doute, avec<br />

vos glaives tranchants, affronter la fureur du lion, <strong>et</strong> les tigres, les léopards <strong>et</strong> les<br />

hyènes fui<strong>en</strong>t au seul tintem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> vos boucliers <strong>et</strong> <strong>de</strong> vos lances ; mais si<br />

d'av<strong>en</strong>ture vous étiez assaillis par <strong>de</strong> méchants diables, quelles armes pourriezvous<br />

opposer à ces invisibles <strong>en</strong>nemis ? Vous ne pouvez sans doute guère <strong>en</strong><br />

parler, bi<strong>en</strong> qu'un oracle <strong>de</strong> Delphes fût souv<strong>en</strong>t plus puissant que toute une<br />

armée ! Mais nous, nous avons eu affaire à l'une <strong>de</strong> ces forces cachées, <strong>et</strong> nous<br />

n'avons pu lui opposer aucune arme ! Il nous fallait <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s diables, <strong>et</strong><br />

comme nous nous y refusions, les mauvais démons nous ont privés <strong>de</strong> toute<br />

connaissance, conservant bi<strong>en</strong> sûr à nos corps une vie mécanique, <strong>et</strong> Dieu sait à<br />

quelles fins ils se sont alors servis <strong>de</strong> ces machines ! Assurém<strong>en</strong>t pour ri<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

bon, comme <strong>en</strong> témoigne le triste aspect <strong>de</strong> notre peau ! Aussi, vivem<strong>en</strong>t la mort<br />

: mais la mort complète ! Qu'il ne soit plus question d'une quelconque vie au-<strong>de</strong>là<br />

du tombeau ! »<br />

6. Le premier repr<strong>en</strong>d la parole : « Oui, si cela était possible, celui qui nous<br />

donnerait <strong>en</strong> toute certitu<strong>de</strong> une telle mort nous ferait assurém<strong>en</strong>t le plus <strong>grand</strong><br />

bi<strong>en</strong> ! Car à quoi bon nous laisser martyriser davantage <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> misérable !<br />

Nous ne voulons <strong>en</strong> aucun cas être <strong>de</strong>s diables pour tourm<strong>en</strong>ter <strong>en</strong>core les<br />

hommes ! Mais celui qui ne veut pas être un diable <strong>de</strong> quelque manière a toujours<br />

l'exist<strong>en</strong>ce la plus exécrable dans c<strong>et</strong>te sal<strong>et</strong>é <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> ! Aussi n'y a-t-il<br />

ri<strong>en</strong> à faire <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> ! On se cache <strong>de</strong>s hommes, parce qu'ils sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us<br />

pour la plupart <strong>de</strong> purs val<strong>et</strong>s <strong>de</strong> Satan, mais qu'arrive-t-il alors ?! Ce sont les<br />

diables qui r<strong>et</strong>rouv<strong>en</strong>t le fugitif, <strong>et</strong> il ne peut leur résister. S'il se plie à leur désir,<br />

il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toute façon un diable ; s'il ne leur obéit pas <strong>de</strong> son propre gré, ils lui<br />

inflig<strong>en</strong>t les plus terribles viol<strong>en</strong>ces, <strong>et</strong> il apparti<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core davantage au diable !<br />

7. Délivrez-nous <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> maudit <strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te maudite exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> misère !<br />

Elle est <strong>en</strong>core trop mauvaise pour les pires <strong>de</strong>s diables, à plus forte raison pour<br />

une âme humaine innoc<strong>en</strong>te <strong>et</strong> pacifique ! Dieu peut bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> rire par-<strong>de</strong>là les<br />

étoiles ; mais le malheureux <strong>et</strong> faible être humain qu'il a créé doit, lui, souffrir,<br />

pleurer, maudire <strong>et</strong> désespérer ! Où est donc le guérisseur qui nous a r<strong>en</strong>du la<br />

misérable consci<strong>en</strong>ce d'être <strong>de</strong>s hommes libres ? En vérité, il ne <strong>de</strong>vra jamais<br />

compter sur notre gratitu<strong>de</strong> ; car il n'a fait que nous r<strong>en</strong>dre à une autre misère ! Et<br />

pour un tel bi<strong>en</strong>fait, nous ne lui serons jamais reconnaissants <strong>de</strong> toute l'éternité, à<br />

supposer que nous dussions jouir éternellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te maudite exist<strong>en</strong>ce ! Mais<br />

s'il peut nous donner avec certitu<strong>de</strong> la mort éternelle parfaite, alors nous lui<br />

exprimons d'avance notre suprême gratitu<strong>de</strong> !<br />

8. Qui êtes-vous donc, Romains magnifiques ? Votre sort <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> doit sans<br />

doute être meilleur que le nôtre ! Vous avez fort belle allure ! Oui, oui, celui qui<br />

s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d à servir Satan avec c<strong>et</strong>te magnific<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> toutes les autres spl<strong>en</strong><strong>de</strong>urs<br />

doit se trouver bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> ! Celui qui ne veut pas être tourm<strong>en</strong>té par les<br />

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diables n'a qu'à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un diable lui-même, <strong>et</strong> les diables le laisseront tranquille<br />

! Être un serviteur <strong>de</strong> Dieu, ô absurdité risible <strong>en</strong>tre toutes ! Il faudrait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> L'aimer <strong>de</strong> toutes ses forces ! Quelles belles paroles, <strong>et</strong> pourtant,<br />

il n'y a pas là une étincelle <strong>de</strong> vérité ! N'étions-nous pas corps <strong>et</strong> âme <strong>de</strong>s<br />

serviteurs <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong>, dès notre plus jeune âge, ne piaillions-nous pas comme <strong>de</strong>s<br />

oiseaux : "Seigneur Dieu Sabaoth, vi<strong>en</strong>s-nous <strong>en</strong> ai<strong>de</strong>, ainsi qu'à tous les hommes<br />

<strong>de</strong> bonne volonté !" Regar<strong>de</strong>z comme le bon Dieu, comme le Seigneur Sabaoth<br />

nous a aidés ! Il est vrai que vous avez la puissance <strong>en</strong>tre vos mains, la puissance<br />

<strong>de</strong>s diables, <strong>et</strong> que vous pouvez faire <strong>de</strong> nous ce que vous voulez ; pourtant, nous<br />

vous <strong>de</strong>mandons ceci : traitez-nous un peu plus humainem<strong>en</strong>t que les diables<br />

précé<strong>de</strong>nts, qui nous tourm<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t continuellem<strong>en</strong>t ! Et si vous voulez à<br />

nouveau faire <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>s diables, faites-nous diables tout à fait, <strong>et</strong> non à moitié !<br />

Nous verrons alors si nous réussissons mieux comme diables compl<strong>et</strong>s que<br />

comme <strong>de</strong>mi-diables contraints <strong>et</strong> forcés ! »<br />

Chapitre 23<br />

De l'étrange état <strong>de</strong> l'âme <strong>de</strong>s possédés guéris<br />

1. Cyrénius dit : « Seigneur, voilà un langage que je n'avais <strong>en</strong>core jamais ouï ! Il<br />

est à la fois méchant <strong>et</strong>, hélas, vrai sur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s points. Qu'allons-nous bi<strong>en</strong><br />

pouvoir faire <strong>de</strong> ces hommes ? En vérité, tous ouvr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux ; Jarah<br />

elle-même me paraît ne plus très bi<strong>en</strong> savoir qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ser, <strong>et</strong> j'ai vu l'ange pleurer<br />

à plusieurs reprises ! Oui, cela me paraît vraim<strong>en</strong>t fort singulier ! Que dois-je<br />

faire d'eux à prés<strong>en</strong>t ? »<br />

2. Je dis : « Je t'ai bi<strong>en</strong> dit tout à l'heure qu'ils nous donnerai<strong>en</strong>t du fil à r<strong>et</strong>ordre.<br />

Mais cela n'est ri<strong>en</strong> ; il subsiste <strong>en</strong>core dans leurs cœurs quelque chose, une sorte<br />

<strong>de</strong> crépuscule, <strong>de</strong>s mauvais démons expulsés, <strong>et</strong> il leur faut d'abord exprimer tout<br />

cela ; c'est alors seulem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> pas un instant plus tôt, qu'ils pourront être<br />

pleinem<strong>en</strong>t guéris. De plus, nous <strong>de</strong>vons <strong>en</strong>core les laisser se reposer ici un<br />

mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong>, peu à peu, la sérénité <strong>de</strong> ce jour m<strong>et</strong>tra un peu d'harmonie dans leurs<br />

âmes. Tu <strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dras <strong>en</strong>core beaucoup, mais cela ne te fera foncièrem<strong>en</strong>t aucun<br />

mal, ni à toi, ni aux autres. Car leurs âmes ne sont pas <strong>de</strong>s âmes ordinaires ; elles<br />

apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s meilleurs, <strong>et</strong> c'est pourquoi nous <strong>de</strong>vons être très<br />

pati<strong>en</strong>ts avec eux ! Lorsqu'ils seront un peu rev<strong>en</strong>us à eux, tout r<strong>en</strong>trera dans<br />

l'ordre <strong>et</strong> tu pourras te réjouir ! Pour l'instant, qu'on leur donne <strong>en</strong>core du pain <strong>et</strong><br />

du vin ; car c'est maint<strong>en</strong>ant qu'ils comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à avoir faim <strong>et</strong> soif ! »<br />

3. Marc leur offre très amicalem<strong>en</strong>t du pain <strong>et</strong> du vin <strong>et</strong> dit : « Buvez, frères, <strong>et</strong><br />

mangez <strong>de</strong> ce bon pain tant qu'il vous plaira. Car dorénavant, plus ri<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

mauvais ne vous arrivera sur c<strong>et</strong>te terre, bi<strong>en</strong> qu'elle ne soit pas un paradis <strong>en</strong><br />

vérité ! »<br />

4. Les cinq dis<strong>en</strong>t : « Tu nous fais l'eff<strong>et</strong> d'être un bon diable ; sans quoi tu ne<br />

nous donnerais pas <strong>en</strong> telle abondance, toi qui n'es pourtant pas <strong>de</strong> notre nature,<br />

un vin si excell<strong>en</strong>t <strong>et</strong> un pain si extraordinairem<strong>en</strong>t savoureux ! Nous ne pouvons<br />

te le payer, mais pour autant, notre reconnaissance ne te fera pas défaut ! Bon<br />

diable, il nous semble qu'avec toi, il est possible <strong>de</strong> parler un peu ! Si <strong>de</strong> vrais<br />

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hommes habitai<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te terre, y vivre ne serait pas un si <strong>grand</strong> mal ; mais pour<br />

cinq hommes, il y a toujours mille diables, <strong>et</strong> à la longue, il faudra bi<strong>en</strong> que tout<br />

finisse par appart<strong>en</strong>ir au diable ! Les hommes sont trop peu, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> trop dominés<br />

par les diables, qui ne les laiss<strong>en</strong>t jamais respirer librem<strong>en</strong>t !<br />

5. Vois-tu, jusqu'à ce jour, toute souverain<strong>et</strong>é procè<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'archidiable, <strong>et</strong> sa<br />

<strong>de</strong>meure est le sang versé par les hommes, mêlé au sang <strong>de</strong> pauvres <strong>et</strong> bons<br />

diables comme toi — <strong>et</strong> on parle <strong>de</strong> souverain<strong>et</strong>é <strong>de</strong> Dieu ?! Oui, il y a sans<br />

doute aussi une souverain<strong>et</strong>é <strong>de</strong> Dieu ; mais celle <strong>de</strong> sa colère, <strong>et</strong> non <strong>de</strong> son<br />

amour ! Et pourquoi ce Dieu est <strong>en</strong> colère, nulle créature ne le sait ! Certains<br />

animaux sont sur c<strong>et</strong>te terre les seules créatures heureuses, mais l'homme véritable,<br />

qui est rare, est la bête <strong>de</strong> somme <strong>de</strong> tout le mal qui <strong>de</strong>meure <strong>en</strong> ce sale<br />

mon<strong>de</strong> ! Il ne court pas assez vite pour pouvoir s'<strong>en</strong>fuir <strong>de</strong>vant tous les maux<br />

comme une gazelle ! Ses mains sont fragiles comme cire, il est nu, <strong>et</strong> la nature ne<br />

lui a pas même donné autant d'armes qu'à l'abeille ou à la fourmi pour se<br />

déf<strong>en</strong>dre contre un <strong>en</strong>nemi. Quand tu vois une troupe <strong>de</strong> tigres, tous y sont<br />

parfaitem<strong>en</strong>t tigres, <strong>et</strong> dans une troupe <strong>de</strong> lions, tous sont parfaitem<strong>en</strong>t lions,<br />

donc tous <strong>de</strong> même nature, <strong>et</strong> ces animaux viv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> bonne intellig<strong>en</strong>ce ; mais<br />

quand tu vois un groupe d'hommes, tout ce qui y ressemble à un homme n'est pas<br />

homme, mais la plupart sont <strong>de</strong>s diables ! C'est pour c<strong>et</strong>te raison qu'<strong>en</strong>tre eux<br />

régn<strong>en</strong>t toujours la discor<strong>de</strong>, la querelle <strong>et</strong> la guerre ! Dans les diables ne rési<strong>de</strong><br />

que le mal, mais ce qui rési<strong>de</strong> dans les hommes n'est que l'inclination vers le<br />

bi<strong>en</strong>, qui peut considérablem<strong>en</strong>t se corrompre parmi tous ces diables, <strong>et</strong> l'homme<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors pour le moins un <strong>de</strong>mi-diable, sous peine <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir <strong>en</strong>durer ce que<br />

nous avons <strong>en</strong>duré ! Il y a certes parmi les diables <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> infâme<br />

différ<strong>en</strong>tes sortes <strong>de</strong> diables, <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its ; mais tous se reconnaiss<strong>en</strong>t<br />

aisém<strong>en</strong>t à ce qu'ils veul<strong>en</strong>t toujours vivre aussi agréablem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> confortablem<strong>en</strong>t<br />

que possible sans travailler ni user leurs forces. Et ils veul<strong>en</strong>t être partout les<br />

premiers, ceux qu'on honore <strong>et</strong> qu'on considère ; partout, ils sav<strong>en</strong>t se r<strong>en</strong>dre<br />

maîtres <strong>de</strong> la terre, se vêtir fastueusem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> persécuter à mort celui qui ne les<br />

saluerait pas toujours humblem<strong>en</strong>t !<br />

6. Bref, tu auras beau dire, bon diable, seuls tes pareils domin<strong>en</strong>t le mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> les<br />

rares hommes croupiss<strong>en</strong>t dans le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>s esclavages <strong>et</strong> ne peuv<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> pour<br />

eux-mêmes ; est-ce là ce que <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t être, selon l'Écriture, les vrais "<strong>en</strong>fants <strong>de</strong><br />

Dieu" ?! En vérité, si Dieu s'occupe aussi bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>fants qu'il a par exemple<br />

fait <strong>de</strong> nous cinq, <strong>et</strong> si le sort <strong>de</strong>s pauvres <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu ne doit jamais consister<br />

qu'à servir les diables dans la bassesse la plus vile, nous préférons nous passer<br />

d'une telle filiation divine ! »<br />

7. Marc, qui ne trouve guère à son goût ce titre <strong>de</strong> « bon diable », dit : « Il est<br />

sans doute vrai que les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>durer bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses <strong>en</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> ; mais que trouveront-ils un jour au-<strong>de</strong>là du tombeau ? Une profusion<br />

incalculable <strong>de</strong> félicités sans cesse croissant <strong>et</strong> se multipliant ! S'il songe bi<strong>en</strong> à<br />

cela, un <strong>en</strong>fant <strong>de</strong> Dieu supportera assurém<strong>en</strong>t mieux la p<strong>et</strong>ite épreuve<br />

d'humiliation qu'est c<strong>et</strong>te courte vie. »<br />

8. L'orateur <strong>de</strong>s cinq lui rétorque : « Qui te le garantit ? L'Écriture, crois-tu ? Ne<br />

me parle plus d'une telle garantie ! Qui sont ceux, dis-le-moi, qui ont prêché aux<br />

hommes c<strong>et</strong>te belle Écriture <strong>et</strong>, comme serviteurs <strong>de</strong> Dieu, ont eu droit aux plus<br />

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<strong>grand</strong>s honneurs ! Oui, ce sont bi<strong>en</strong> eux les pires <strong>de</strong> tous les diables !<br />

9. Il faudrait que Dieu <strong>en</strong> personne vi<strong>en</strong>ne sous une forme humaine leur reprocher<br />

leurs infamies sans nom <strong>et</strong> les exhorter à faire pénit<strong>en</strong>ce. En vérité, s'il<br />

ne vi<strong>en</strong>t pas s'opposer à eux <strong>de</strong> toute la force <strong>de</strong> sa toute-puissance, ce sera<br />

<strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> pire pour lui qu'à Sodome pour les <strong>de</strong>ux anges v<strong>en</strong>us exhorter Lot à<br />

partir au loin avec sa famille parce que ces lieux étai<strong>en</strong>t maudits !<br />

10. Mais s'il n'est que trop facile <strong>de</strong> s'apercevoir que ceux qui disp<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t les<br />

promesses <strong>de</strong> Dieu sont indubitablem<strong>en</strong>t les pires <strong>de</strong>s diables, dis-moi donc, bon<br />

vieux diable pourtant quelque peu aveugle, ce qu'un homme, c'est-à-dire<br />

c<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t un <strong>en</strong>fant <strong>de</strong> Dieu, peut finalem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> telles promesses ! Fort<br />

<strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces nombreuses <strong>et</strong> diverses que nous avons malheureusem<strong>en</strong>t dû<br />

traverser, je te le dis : ri<strong>en</strong>, absolum<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> !<br />

11. Ou il n'y a pas <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> tout ce qui existe est l'œuvre <strong>de</strong> la force aveugle <strong>et</strong><br />

grossière <strong>de</strong> la nature, qui a fait naître tout ce qui existe au fil <strong>de</strong>s éternités, ou il<br />

y a bi<strong>en</strong> quelque part un Dieu très haut qui comman<strong>de</strong> à la terre, au soleil, à la<br />

lune <strong>et</strong> aux étoiles, mais est lui-même trop <strong>grand</strong> <strong>et</strong> trop sublime pour s'occuper<br />

<strong>de</strong> nous, misérables poux <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre. Ainsi, toute l'Écriture ne vi<strong>en</strong>drait que<br />

<strong>de</strong>s hommes, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> vérité, il y a <strong>en</strong> clic plus <strong>de</strong> mauvais que <strong>de</strong> bon. Et ce qu'il y<br />

a <strong>de</strong> bon <strong>en</strong> elle, ni diables ni hommes ne l'observ<strong>en</strong>t ; les diables n'<strong>en</strong> tir<strong>en</strong>t que<br />

le mauvais, pour le faire porter par les larges dos <strong>de</strong>s hommes !<br />

12. Dieu aurait dit à Moïse : "Tu ne tueras point" ; mais le même Dieu ordonna à<br />

David <strong>de</strong> partir <strong>en</strong> guerre contre les Philistins <strong>et</strong> les Ammonites <strong>et</strong> <strong>de</strong> les anéantir<br />

corps <strong>et</strong> bi<strong>en</strong>s, avec femmes <strong>et</strong> <strong>en</strong>fants ! Quelle belle exist<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> quelle curieuse<br />

suite dans les idées ! Ce Dieu tout-puissant n'avait-il donc pas les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

faire disparaître <strong>de</strong> la surface <strong>de</strong> la terre ces peuples qu'il détestait ? Pourquoi fallait-il<br />

que, contre le comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t donné par Moïse à tous les hommes, un<br />

homme fût <strong>en</strong>voyé avec plusieurs milliers <strong>de</strong> ses soldats pour tuer non pas un<br />

homme, mais <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> milliers, pour la seule raison que, au dire d'un<br />

prophète <strong>de</strong> Dieu, ils ne se t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas comme il faut ? Pourquoi Dieu a appelé<br />

ces prophètes <strong>et</strong> ces rois à faire disparaître <strong>de</strong> la terre <strong>de</strong>s peuples <strong>en</strong>tiers, lui seul<br />

le sait, <strong>et</strong> peut-être aussi, <strong>en</strong> secr<strong>et</strong>, ces prophètes <strong>et</strong> ces rois !<br />

13. À vrai dire, je crois qu'un Dieu d'amour ne <strong>de</strong>vrait jamais lâcher contre<br />

d'autres hommes, comme <strong>de</strong>s chi<strong>en</strong>s <strong>en</strong>ragés, <strong>de</strong>s hommes à qui il prét<strong>en</strong>d <strong>en</strong>seigner<br />

l'amour ; il ne manque pourtant pas <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>s, dans sa puissance, pour<br />

v<strong>en</strong>ir à bout <strong>de</strong>s diables à forme humaine qui l'importun<strong>en</strong>t <strong>et</strong> le r<strong>en</strong>i<strong>en</strong>t ! Quel<br />

étrange Dieu, vraim<strong>en</strong>t ! Ordonner d'un côté l'amour, la pati<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> l'humilité, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> l'autre la haine, la persécution, la guerre <strong>et</strong> la <strong>de</strong>struction ! Vraim<strong>en</strong>t, celui qui<br />

s'y r<strong>et</strong>rouve dans une telle logique doit avoir une intellig<strong>en</strong>ce hors du commun !<br />

»<br />

Chapitre 24<br />

Des différ<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre les âmes pour les clairvoyants<br />

1. Notre Marc, à qui la pati<strong>en</strong>ce comm<strong>en</strong>çait à manquer, repr<strong>en</strong>d : « Vraim<strong>en</strong>t, je<br />

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ne sais que p<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> vous. Il est vrai que je n'ai pas <strong>grand</strong>-chose à vous objecter,<br />

mais je ne peux davantage vous donner pleinem<strong>en</strong>t raison. Vos plaintes sont sans<br />

doute justifiées, <strong>et</strong> pourtant, il me semble que c'est surtout l'émotion <strong>de</strong> votre<br />

malheur qui vous fait voir les choses plus noires qu'elles ne sont <strong>en</strong> réalité. Mais<br />

puisque tu me ti<strong>en</strong>s moi aussi pour un diable, dis-moi donc si, pour toi, c'est toute<br />

notre compagnie qui n'est finalem<strong>en</strong>t composée que <strong>de</strong> diables ! »<br />

2. L'orateur <strong>de</strong>s cinq dit : « Oh, il n'<strong>en</strong> est ri<strong>en</strong> ! Regar<strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme (il Me désigne)<br />

près <strong>de</strong> toi ; celui-là est un homme très parfait, un vrai fils <strong>de</strong> Dieu ! Mais<br />

il ne faudra pas longtemps aux diables pour l'anéantir ! Un peu plus loin, il y a<br />

<strong>en</strong>core <strong>de</strong>ux jeunes g<strong>en</strong>s <strong>et</strong> une jeune fille qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aussi d'<strong>en</strong> haut, mais eux<br />

aussi seront persécutés s'ils ne veul<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s diables. Et je vois <strong>en</strong>core<br />

quelques pauvres hommes qui ressembl<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s pêcheurs ; mais tous les autres,<br />

y compris toi <strong>et</strong> ta maisonnée, sont <strong>en</strong> quelque sorte <strong>de</strong> bons diables, <strong>en</strong> passe <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s hommes, mais cela leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s efforts ! Sais-tu à<br />

prés<strong>en</strong>t où tu <strong>en</strong> es ? »<br />

3. Marc dit : « Mais dis-moi, puisque tu as pris la parole une fois pour toutes,<br />

comm<strong>en</strong>t peux-tu savoir si bi<strong>en</strong> cela ? Car pour moi, je ne vois ici que <strong>de</strong>s<br />

hommes plus ou moins avancés <strong>et</strong> parfois tout à fait accomplis ; mais je ne vois<br />

aucun diable parmi eux. Sur quoi fon<strong>de</strong>s-tu ton affirmation, puisqu'elle ne<br />

semble pourtant pas sans aucun fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ? »<br />

4. L'orateur dit : « Sur ce que je vois ; les corps sont certes semblables, mais il y<br />

a d'énormes différ<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre les âmes ! Ce qui les différ<strong>en</strong>cie, c'est la couleur <strong>et</strong><br />

la forme ; les âmes <strong>de</strong> ceux que je t'ai désignés sont blanches comme la neige<br />

fraîchem<strong>en</strong>t tombée sur les somm<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> d'une forme merveilleuse, d'appar<strong>en</strong>ce<br />

bi<strong>en</strong> plus purem<strong>en</strong>t humaine que la forme extérieure <strong>de</strong> leurs corps ; mais vos<br />

âmes ont une couleur <strong>en</strong>core plus sombre que celle <strong>de</strong> vos corps, <strong>et</strong> elles sont<br />

loin d'avoir une forme aussi humaine que ceux-ci ; au contraire, on perçoit<br />

<strong>en</strong>core <strong>en</strong> elles <strong>de</strong>s traces très n<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>tes créatures animales !<br />

5. Pourtant, j'aperçois égalem<strong>en</strong>t dans vos âmes animales un minuscule être <strong>de</strong><br />

lumière, qui a lui aussi une forme humaine parfaite ; si elle <strong>grand</strong>it <strong>en</strong> vous, peutêtre<br />

c<strong>et</strong>te forme purem<strong>en</strong>t humaine finira-t-elle par recouvrir vos âmes animales<br />

comme d'une peau ! Mais je ne saurais t'<strong>en</strong> dire davantage, <strong>et</strong> tu peux là-<strong>de</strong>ssus<br />

pr<strong>en</strong>dre l'avis <strong>de</strong>s hommes accomplis. »<br />

6. Marc repr<strong>en</strong>d : « Mais dis-moi pourtant d'où il vi<strong>en</strong>t que tu puisses voir tout<br />

cela, <strong>et</strong> pas moi ! »<br />

7. L'interrogé répond : « Dans mes <strong>grand</strong>es souffrances, où il n'était pas rare que<br />

mon corps fût privé <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s, la vision <strong>de</strong> mon âme s'est ouverte, <strong>et</strong> c'est grâce à<br />

elle que je peux maint<strong>en</strong>ant voir l'âme <strong>de</strong>s autres hommes <strong>et</strong> percevoir très<br />

clairem<strong>en</strong>t la <strong>grand</strong>e différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre un homme <strong>et</strong> un autre, <strong>en</strong>tre les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong><br />

Dieu <strong>et</strong> ceux du mon<strong>de</strong>, ou, ce qui revi<strong>en</strong>t au même, <strong>en</strong>tre les anges <strong>et</strong> les diables<br />

!<br />

8. Mais les diables du mon<strong>de</strong> peuv<strong>en</strong>t eux aussi <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s anges — bi<strong>en</strong> qu'il<br />

leur <strong>en</strong> coûte beaucoup <strong>de</strong> peine <strong>et</strong> d'abnégation ; qui plus est, les anges peuv<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s diables. Mais cela leur coûte une plus <strong>grand</strong>e peine <strong>en</strong>core <strong>et</strong> leur est<br />

presque impossible, parce qu'il y a dans les âmes angéliques une trop puissante<br />

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force d'indép<strong>en</strong>dance. L'<strong>en</strong>fer s'est essayé sur nous cinq <strong>et</strong> a voulu nous gagner à<br />

lui. Jusqu'ici, toutes ses méchantes t<strong>en</strong>tatives ont échoué ; mais ce qui peut<br />

<strong>en</strong>core nous arriver, nous ne le savons pas. Seul peut le savoir le Dieu qui nous a<br />

ordonné d'exister, mais qui ne se soucie désormais plus guère, voire plus du tout<br />

<strong>de</strong> nous, si bi<strong>en</strong> que nous <strong>en</strong> sommes v<strong>en</strong>us les uns <strong>et</strong> les autres à p<strong>en</strong>ser soit que<br />

Dieu n'existe plus, soit que ce Dieu trop sublime ne peut ni ne veut plus se<br />

soucier <strong>de</strong> nous ! »<br />

Chapitre 25<br />

De la philosophie naturelle <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. (Le voyant :) « Il y a certes sur terre un ordre <strong>et</strong> une certaine harmonie, ce dont<br />

on peut au mieux conclure qu'il doit exister un Dieu d'une sagesse supérieure qui<br />

a créé toutes choses une fois pour toutes telles que nous les voyons <strong>et</strong> les<br />

appréh<strong>en</strong>dons <strong>en</strong>core ; mais à l'inverse, on remarque dans les choses un désordre<br />

souv<strong>en</strong>t si imm<strong>en</strong>se <strong>et</strong> un arbitraire si insondable que l'on doit finalem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> se<br />

dire : non, vraim<strong>en</strong>t, on ne voit pas paraître un Dieu dans tout cela !<br />

2. Que l'on considère seulem<strong>en</strong>t l'instabilité du temps. Y a-t-il là un ordre ou une<br />

harmonie quelconques ? Que l'on regar<strong>de</strong> toutes les sortes d'arbres qui croiss<strong>en</strong>t<br />

pêle-mêle dans une forêt, ou <strong>en</strong>core les herbes <strong>de</strong>s champs ; <strong>et</strong> aussi l'extrême<br />

irrégularité <strong>de</strong>s montagnes, <strong>de</strong>s mers, <strong>de</strong>s fleuves, <strong>de</strong>s rivières, <strong>de</strong>s ruisseaux <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s sources ! On ne trouvera jamais là ni harmonie ni ordre, du moins pour notre<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. La mer crée ses rivages inégaux au hasard <strong>de</strong> la force plus ou<br />

moins <strong>grand</strong>e du ressac, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> va <strong>de</strong> même pour les lacs, les fleuves, les<br />

rivières, les ruisseaux <strong>et</strong> les sources. Seul l'homme les <strong>en</strong>digue ici ou là ; mais<br />

cela n'est jamais le fait d'un Dieu d'une sagesse supérieure.<br />

3. De même, seul l'homme crée <strong>de</strong>s jardins un peu ordonnés <strong>et</strong> cultive les vignes<br />

<strong>et</strong> les champs ; <strong>et</strong> lui seul reconnaît les bons fruits, les sépare <strong>de</strong>s mauvais, les<br />

cultive <strong>et</strong> les r<strong>en</strong>d utilisables au mieux. Mais où voit-on sur terre un jardin si peu<br />

ordonné que ce soit créé par Dieu lui-même, où voit-on un fleuve régulier ? Les<br />

couches <strong>de</strong> la terre elles aussi sont si chaotiquem<strong>en</strong>t mêlées que l'on ne peut y<br />

découvrir autre chose, là <strong>en</strong>core, que la force parfaitem<strong>en</strong>t aveugle du hasard ;<br />

tout cela manifeste véritablem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> peu la prés<strong>en</strong>ce d'une sagesse divine, <strong>et</strong><br />

l'on aura beau faire <strong>et</strong> beau croire, il n'est ri<strong>en</strong> dans toutes ces choses qui nous<br />

dise : "Regar<strong>de</strong>, c'est bi<strong>en</strong> là le témoignage d'un ordre divin qui se respecte !"<br />

4. Prise séparém<strong>en</strong>t, chaque chose offrirait sans doute par elle-même <strong>de</strong>s<br />

marques évi<strong>de</strong>ntes d'une force créatrice divine <strong>et</strong> d'une sagesse parfaitem<strong>en</strong>t ordonnée<br />

; mais lorsqu'on considère la manière dont les choses créées sembl<strong>en</strong>t<br />

avoir été j<strong>et</strong>ées pelé-même par le hasard, on se dit : ou Dieu s'est lassé <strong>de</strong> l'ordre<br />

<strong>et</strong> ne se préoccupe plus guère ou plus du tout <strong>de</strong>s choses une fois qu'il les a<br />

créées, ou lui-même n'existe pas, <strong>et</strong> les "choses" qui, dans l'espace infini, se sont<br />

créées d'elles-mêmes <strong>et</strong> par hasard au fil <strong>de</strong>s éternités se sont peu à peu<br />

transformées — selon les lois naturelles nées <strong>de</strong> leur exist<strong>en</strong>ce fortuite — <strong>en</strong> obj<strong>et</strong>s<br />

déjà quelque peu pondéreux, qui ont grossi peu à peu jusqu'à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir avec le<br />

temps <strong>de</strong>s planètes, <strong>de</strong>s soleils <strong>et</strong> <strong>de</strong>s lunes ; ces planètes à leur tour ont déve-<br />

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loppé <strong>en</strong> elles les nouvelles lois nécessaires selon leur taille <strong>et</strong> leur poids, lois qui<br />

sont alors <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ues d'elles-mêmes le support <strong>de</strong> nouvelles formations.<br />

5. Mais plus les obj<strong>et</strong>s se multipli<strong>en</strong>t sur un corps céleste qui ne cesse <strong>de</strong> se<br />

développer peu à peu, plus cela <strong>en</strong>traîne nécessairem<strong>en</strong>t la formation d'autres<br />

obj<strong>et</strong>s nombreux <strong>et</strong> variés, bi<strong>en</strong> que plus p<strong>et</strong>its que les premiers. Et pour finir, la<br />

multiplication <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s sur ces mon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> le nombre incroyable <strong>de</strong> ces mon<strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t par eux-mêmes <strong>de</strong>s lois <strong>et</strong> <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s d'où comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à naître les<br />

premières traces d'une vie s<strong>en</strong>sible (*) ; dès qu'une seule étincelle <strong>de</strong> vie s'est<br />

formée à partir <strong>de</strong> ces conditions nécessaires, une secon<strong>de</strong> doit la suivre, <strong>et</strong> peu à<br />

peu <strong>de</strong>s milliards qui, à leur tour, se cré<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre elles <strong>de</strong> nouvelles lois à l'origine<br />

du développem<strong>en</strong>t d'une vie plus parfaite. Et c'est ainsi qu'à partir <strong>de</strong>s lois vitales<br />

qu'elle a trouvées <strong>en</strong> elle-même, la vie a pu évoluer jusqu'à atteindre un pot<strong>en</strong>tiel<br />

très élevé, <strong>et</strong> c'est ainsi que la force <strong>de</strong> vie la plus intellig<strong>en</strong>te, se connaissant<br />

elle-même <strong>et</strong> tout ce qui l'<strong>en</strong>toure, se m<strong>et</strong> désormais à son tour à ordonner <strong>et</strong> à<br />

soum<strong>et</strong>tre à sa volonté la stupi<strong>de</strong> nature qui l'avait précédée !<br />

6. Mais si tout est né <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière parfaitem<strong>en</strong>t naturelle, alors, bi<strong>en</strong> sûr, tout<br />

ce qui existe n'est que puissances vitales à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés d'évolution extrêmem<strong>en</strong>t<br />

divers, du plus p<strong>et</strong>it moucheron jusqu'à c<strong>et</strong>te perfection <strong>de</strong> vie que l'homme,<br />

créature très accomplie, nomme divine. Il se peut donc fort bi<strong>en</strong> qu'au cours<br />

d'ères cosmiques d'une durée inconcevable se soit développée <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière<br />

une divinité bi<strong>en</strong>veillante, mais aussi, <strong>en</strong> face d'elle, une mauvaise. Et une fois<br />

formées, ces <strong>de</strong>ux divinités sont contraintes, <strong>en</strong> tant que forces antagonistes, <strong>de</strong><br />

s'opposer brutalem<strong>en</strong>t jusqu'au jour où, selon toute vraisemblance, la force<br />

mauvaise selon nos conceptions morales sera absorbée par la bonne, qui est aussi<br />

la plus puissante, pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir son contraire ordonné, union par laquelle, après<br />

<strong>de</strong>s ères cosmiques d'une durée inconcevable, tout ce qui à prés<strong>en</strong>t est <strong>en</strong>core<br />

mu<strong>et</strong>, inconsci<strong>en</strong>t <strong>et</strong> mort accé<strong>de</strong>ra à une vie à part <strong>en</strong>tière, dotée d'un libre<br />

arbitre <strong>et</strong> d'un libre jugem<strong>en</strong>t.<br />

7. Mais la raison pour laquelle, <strong>en</strong> ce temps-ci, tout s'affronte pêle-mêle dans un<br />

si <strong>grand</strong> désordre, semble être la suivante : la puissance vitale bonne <strong>et</strong><br />

supérieure, celle que nous nommons Dieu, loin <strong>en</strong>core d'être parv<strong>en</strong>ue à faire<br />

<strong>en</strong>trer la force mauvaise, celle que nous nommons Satan, dans l'ordre souhaité,<br />

continue <strong>de</strong> l'affronter sans relâche afin <strong>de</strong> la soum<strong>et</strong>tre, combat dont elle finira<br />

par sortir victorieuse ; car la force mauvaise selon notre conception ne combattrait<br />

pas continuellem<strong>en</strong>t la bonne si elle n'avait pas <strong>de</strong> raison <strong>de</strong> vouloir attirer<br />

celle-ci dans son domaine.<br />

8. Ainsi donc, Satan doit malgré tout avoir un p<strong>en</strong>chant secr<strong>et</strong> pour le bi<strong>en</strong>,<br />

raison pour laquelle il cherche à se soum<strong>et</strong>tre la bonne force <strong>de</strong> vie ; mais, à<br />

cause précisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te aspiration incessante, il absorbe toujours plus <strong>de</strong> bi<strong>en</strong><br />

<strong>en</strong> lui-même, <strong>et</strong> r<strong>en</strong>d ainsi sans le vouloir sa méchanc<strong>et</strong>é toujours meilleure. Et<br />

c'est ainsi égalem<strong>en</strong>t qu'<strong>en</strong>tre dans son être un ordre <strong>et</strong> une consci<strong>en</strong>ce toujours<br />

plus <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> une connaissance toujours plus vraie, <strong>et</strong> il ne pourra éviter<br />

finalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se r<strong>en</strong>dre tout à fait, parce que sa nature même <strong>et</strong> ses t<strong>en</strong>dances<br />

font qu'il ne peut faire autrem<strong>en</strong>t que d'être <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce partiellem<strong>en</strong>t vaincu.<br />

(*) Littéralem<strong>en</strong>t : d'une vie qui se s<strong>en</strong>t, se perçoit elle-même. (N.d.T.)<br />

49


9. Il est vrai que, même lorsqu'il aura été totalem<strong>en</strong>t vaincu, il <strong>de</strong>meurera toujours<br />

l'opposé du bi<strong>en</strong> pur, mais un opposé ordonné, <strong>de</strong> même que le sel est à<br />

l'opposé <strong>de</strong> l'huile pure <strong>et</strong> douce ; mais si l'olivier n'avait pas dans ses racines,<br />

dans son tronc, dans ses branches <strong>et</strong> dans ses feuilles le sel <strong>en</strong> juste proportion,<br />

son fruit ne donnerait jamais la douce huile !<br />

10. Mais je m'égare sans doute <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t dans <strong>de</strong>s considérations que tu ne<br />

peux compr<strong>en</strong>dre comme elles mériterai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'être. Mais cela n'a guère<br />

d'importance ; car loin <strong>de</strong> moi la p<strong>en</strong>sée <strong>de</strong> vouloir te prés<strong>en</strong>ter comme une doctrine<br />

<strong>de</strong> vérité ce qui n'est au contraire que l'hypothèse à laquelle une âme a été<br />

m<strong>en</strong>ée au travers <strong>de</strong>s multiples souffrances intolérables auxquelles, malgré ses<br />

supplications, Dieu n'a pas apporté le moindre apaisem<strong>en</strong>t.<br />

11. L'âme, c'est-à-dire <strong>en</strong> vérité la force <strong>de</strong> vie intellig<strong>en</strong>te première, est am<strong>en</strong>ée<br />

à une très <strong>grand</strong>e clairvoyance par les souffrances du corps ; elle voit <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />

bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t les choses les plus éloignées <strong>de</strong>s yeux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s oreilles <strong>de</strong>s hommes<br />

ordinaires, <strong>et</strong> tu ne dois donc vraim<strong>en</strong>t pas t'étonner que j'aie m<strong>en</strong>tionné <strong>de</strong>vant<br />

toi tout à l'heure plusieurs corps célestes. Car mon âme les a vus plus clairem<strong>en</strong>t<br />

que tu n'as jamais vu c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> ne la verras jamais dans ton corps actuel, <strong>et</strong><br />

c'est pourquoi je suis bi<strong>en</strong> fondé à te parler <strong>de</strong> ce qu'elle a vu dans l'espace infini<br />

! Mais qu'il n'<strong>en</strong> soit plus question ! Dis-nous plutôt ce que nous allons faire à<br />

prés<strong>en</strong>t, car nous ne pouvons pourtant pas rester ici ! »<br />

12. Marc dit : « Restez-y <strong>en</strong>core un peu, jusqu'à ce que le guérisseur qui, sous<br />

nos yeux, vous a guéris <strong>de</strong> vos terribles maux, <strong>en</strong> déci<strong>de</strong> autrem<strong>en</strong>t. »<br />

Chapitre 26<br />

Propos sur la lutte dans la nature<br />

1. L'orateur dit : « Lequel est-ce donc <strong>de</strong> tous les nombreux spectateurs qui nous<br />

<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t, que nous puissions Lui prés<strong>en</strong>ter nos remerciem<strong>en</strong>ts ? Car, dans notre<br />

situation, nous ne pouvons guère lui offrir autre chose ! »<br />

2. Marc répond : « Dans l'intérêt <strong>de</strong> votre guérison, Il nous a interdit <strong>de</strong> vous Le<br />

faire connaître avant Son temps, aussi <strong>de</strong>vons-nous <strong>en</strong>core nous taire ; mais dès<br />

aujourd'hui, le mom<strong>en</strong>t béni vi<strong>en</strong>dra où vous Le reconnaîtrez d'un cœur joyeux,<br />

<strong>et</strong> avec Lui beaucoup <strong>de</strong> vos erreurs ! »<br />

3. L'orateur dit : « Ami, sur c<strong>et</strong>te terre, il nous sera bi<strong>en</strong> difficile d'avoir jamais le<br />

cœur joyeux ! Car <strong>de</strong>s âmes comme les nôtres ne pourront plus jamais se réjouir<br />

<strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> stupi<strong>de</strong>, à cause <strong>de</strong>s trop <strong>grand</strong>es souffrances qu'elles ont <strong>en</strong>durées !<br />

Peut-être dans l'au-<strong>de</strong>là <strong>et</strong> à un autre <strong>de</strong>gré plus accompli <strong>de</strong> la vie ; mais dans<br />

ces corps tout <strong>en</strong> loques, jamais ! »<br />

4. Cyrénius, qui s'est approché d'eux, dit alors : « Écoutez-moi ! Je suis Cyrénius,<br />

<strong>grand</strong> gouverneur <strong>de</strong> Rome pour toute l'Asie <strong>et</strong> une partie <strong>de</strong> l'Afrique, ainsi que<br />

la Grèce. En faisant votre connaissance, je découvre <strong>en</strong> vous <strong>de</strong>s hommes hors du<br />

commun, <strong>et</strong> je veux me charger <strong>de</strong> vous ; vous ne manquerez plus <strong>de</strong> ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong> l'on<br />

vous trouvera bi<strong>en</strong> aussi quelque occupation à la mesure <strong>de</strong> votre esprit.<br />

50


5. Vous <strong>de</strong>vriez pourtant vous montrer <strong>en</strong>fin un peu moins intraitables <strong>et</strong> cesser<br />

<strong>de</strong> nous considérer sans autre forme <strong>de</strong> procès, nous autres Romains, comme <strong>de</strong>s<br />

diables, fuss<strong>en</strong>t-ils d'une espèce un peu meilleure, <strong>et</strong> <strong>de</strong> nous appeler "bons<br />

diables", comme vous faites <strong>de</strong> mon fidèle vieux Marc ! Nous sommes tout <strong>de</strong><br />

même <strong>de</strong>s hommes aussi bi<strong>en</strong> que vous. Nous n'y pouvons assurém<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong>, nous<br />

que vous pr<strong>en</strong>ez pour <strong>de</strong>s diables, si, par un arrêt divin dont nous ignorons certes<br />

<strong>en</strong>core la cause, vous avez été soumis à <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es t<strong>en</strong>tations <strong>et</strong> donc aussi à <strong>de</strong>s<br />

souffrances sans doute inouïes, par lesquelles vos âmes, me semble-t-il, ont<br />

cep<strong>en</strong>dant été <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t purifiées ; mais vous nous êtes à prés<strong>en</strong>t re<strong>de</strong>vables <strong>de</strong><br />

votre guérison, surtout à l'un d'<strong>en</strong>tre nous, qui est <strong>en</strong> quelque sorte un guérisseur<br />

tout-puissant, <strong>et</strong> vous <strong>de</strong>vez donc bi<strong>en</strong> voir que nous ne nous sommes pas<br />

conduits <strong>en</strong>vers vous comme <strong>de</strong>s diables !<br />

6. Aussi pourriez-vous, comme je l'ai dit, vous montrer un peu moins intraitables<br />

dans votre opinion sans doute pas tout à fait fausse au fond, <strong>et</strong>, à coup sûr, vos<br />

cœurs ne manqueront pas <strong>de</strong> se réjouir très bi<strong>en</strong>tôt. »<br />

7. L'orateur, qui a désormais r<strong>et</strong>rouvé toutes ses forces, se lève <strong>et</strong> dit : « Ami,<br />

regar<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre ; tu n'y vois ri<strong>en</strong> que <strong>de</strong> bon <strong>et</strong> d'élevant pour tes s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts.<br />

Les herbes <strong>et</strong> les plantes repos<strong>en</strong>t tes yeux, <strong>et</strong> le doux mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s vagues<br />

réjouit ton cœur ; car tu ne vois pas, sous toutes ces merveilles, les innombrables<br />

p<strong>et</strong>its diables <strong>en</strong> formation dont les têtes porteuses <strong>de</strong> mort <strong>et</strong> <strong>de</strong> corruption<br />

s'élèv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> surgiss<strong>en</strong>t !<br />

8. Tu vois bi<strong>en</strong> le joli mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s vagues, mais tu ne vois pas les monstres<br />

mortels sous les flots qui se jou<strong>en</strong>t ! Tu vois <strong>de</strong> toutes parts la vie majestueuse, <strong>et</strong><br />

nous, ri<strong>en</strong> que la mort <strong>et</strong> la persécution continuelle <strong>de</strong> toute vie bonne <strong>et</strong> noble.<br />

Tu ne vois partout qu'amitié, <strong>et</strong> le peu d'<strong>en</strong>nemis que tu vois, tu as le pouvoir <strong>de</strong><br />

les empêcher <strong>de</strong> te faire le moindre mal ; nous, au contraire, nous ne voyons pour<br />

ainsi dire partout qu'<strong>en</strong>nemis pour la plupart invincibles !<br />

9. Oh, mon ami, lorsqu'on a ce pouvoir <strong>de</strong> vision qui ne trompe jamais, il est bi<strong>en</strong><br />

difficile d'avoir le cœur joyeux ! Ote-nous c<strong>et</strong>te triste faculté, ou donne-nous une<br />

explication conv<strong>en</strong>able <strong>de</strong> tout ce que nous voyons, <strong>et</strong> nous voudrons bi<strong>en</strong> être<br />

aussi gais <strong>et</strong> joyeux que toi !<br />

10. Il se peut qu'une meilleure exist<strong>en</strong>ce soit un jour possible pour une âme qui<br />

se sera battue pour franchir un à un tous les <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> la vie ; mais où <strong>en</strong> trouver<br />

l'absolue certitu<strong>de</strong> ? Et quels combats, quelles luttes inouïes c<strong>et</strong>te pauvre âme<br />

<strong>de</strong>vra-t-elle sout<strong>en</strong>ir jusque-là ?! Sortira-t-elle victorieuse <strong>de</strong> tout cela, ou<br />

disparaîtra-t-elle pour toujours ? Quelle certitu<strong>de</strong> as-tu <strong>de</strong> toutes ces choses ?<br />

11. Nous voyons assurém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s choses <strong>et</strong> <strong>de</strong>s circonstances dont tu n'as jamais<br />

eu la moindre idée ; or, nous ne voyons ri<strong>en</strong> nulle part qui ressemble à une certitu<strong>de</strong><br />

concernant c<strong>et</strong> état <strong>de</strong> félicité assurée qui doit v<strong>en</strong>ir après la mort du corps<br />

— mais partout veille, inquiétu<strong>de</strong> <strong>et</strong> combats perman<strong>en</strong>ts ! Nous te le disons<br />

comme nous le voyons.<br />

12. Toute vie est un combat continuel contre la mort, <strong>de</strong> même que tout mouvem<strong>en</strong>t<br />

est un combat incessant contre le repos qui cherche sans cesse à l'<strong>en</strong>traver.<br />

Et le repos lui-même combat continuellem<strong>en</strong>t le mouvem<strong>en</strong>t, parce que la<br />

prop<strong>en</strong>sion au mouvem<strong>en</strong>t est toujours <strong>en</strong> lui, prête au combat.<br />

51


13. Qui vaincra finalem<strong>en</strong>t ? Le repos, qui recherche sans cesse le mouvem<strong>en</strong>t,<br />

ou le mouvem<strong>en</strong>t, qui lui-même aspire sans cesse au repos ?<br />

14. Depuis le premier germe originel <strong>de</strong> ta vie, tu n'as jamais fait que lutter<br />

continuellem<strong>en</strong>t jusqu'à c<strong>et</strong> instant, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te lutte ne cessera jamais <strong>de</strong> recomm<strong>en</strong>cer<br />

éternellem<strong>en</strong>t ; tant que tu lutteras, tu auras une vie, mais seulem<strong>en</strong>t une<br />

vie <strong>de</strong> lutte continuelle, donc bi<strong>en</strong> pauvrem<strong>en</strong>t pourvue <strong>en</strong> mom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> félicité !<br />

Et quand, dans ce combat éternel, apparaîtra <strong>en</strong>fin une véritable félicité sans<br />

combat, donc pleinem<strong>en</strong>t victorieuse ?<br />

15. Ainsi, il est vite fait <strong>de</strong> dire : soyons <strong>de</strong> bonne humeur <strong>et</strong> ayons le cœur<br />

cont<strong>en</strong>t ; mais le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'âme <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors, comme l'on dit chez vous,<br />

Romains : CUR, QUOMODO, QUANDO ET QUIBUS AUXILIIS ? (*) Nous as-tu bi<strong>en</strong><br />

compris, si peu que ce soit ? »<br />

Chapitre 27<br />

Mathaël parle <strong>de</strong> la vie intérieure <strong>de</strong> Cyrénius<br />

1. Cyrénius, pressant la main <strong>de</strong> l'orateur, ouvre <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux <strong>et</strong> Me dit : «<br />

Seigneur, c<strong>et</strong> homme a vraim<strong>en</strong>t une étrange vision <strong>de</strong> l'exist<strong>en</strong>ce ! Pourtant, on<br />

ne peut ri<strong>en</strong> lui objecter quant au fond ; c'est véritablem<strong>en</strong>t, hélas, la vérité toute<br />

nue <strong>en</strong> gros comme <strong>en</strong> détail ! Que vas-Tu lui répondre ? »<br />

2. Je dis : « De quoi t'étonnes-tu ? Ne vous avais-Je pas avertis que ces cinq<br />

hommes vous donnerai<strong>en</strong>t à tous du fil à r<strong>et</strong>ordre ? Oh, écoutez-les <strong>en</strong>core, <strong>et</strong><br />

vous Me compr<strong>en</strong>drez <strong>en</strong>suite à coup sûr bi<strong>en</strong> plus aisém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> profondém<strong>en</strong>t ! »<br />

3. Cyrénius dit alors à l'orateur, qui s'appelait Mathaël : « Mais ne pourrais-tu<br />

montrer <strong>de</strong> façon tout aussi probante que, selon toute vraisemblance, Dieu<br />

existait avant tes corps célestes, dont je ne parvi<strong>en</strong>s d'ailleurs pas <strong>en</strong>core à me<br />

faire une idée satisfaisante ? En ce qui me concerne, du moins, je ne connais pas<br />

un peuple sur terre qui n'adm<strong>et</strong>te, n'honore <strong>et</strong> n'adore un Dieu plein <strong>de</strong> sagesse <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> puissance <strong>et</strong> préexistant à toutes choses ; <strong>et</strong> tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> démontrer exactem<strong>en</strong>t<br />

l'inverse. Mon cœur <strong>en</strong> est empli d'angoisse ! Aussi, je t'<strong>en</strong> prie, moi qui suis<br />

pourtant <strong>grand</strong> gouverneur romain, donne-nous maint<strong>en</strong>ant une aussi bonne<br />

preuve contraire ! »<br />

4. Mathaël dit : « Ô faible nourrisson <strong>de</strong> la terre, tu me fais pitié ! Tu as pourtant,<br />

comme je le découvre à prés<strong>en</strong>t dans mon âme, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s sages paroles<br />

pleines <strong>de</strong> force, <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> vérité, <strong>et</strong> tu as vu <strong>de</strong> tes yeux ce que peut faire la<br />

parole <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> pourtant, il y a bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s p<strong>en</strong>sées dont tu ne peux toujours pas<br />

concevoir <strong>en</strong> toi-même la profon<strong>de</strong>ur !<br />

5. Oui, mon ami, tu aimes <strong>en</strong>core beaucoup trop ta vie, <strong>et</strong> tu y es plongé <strong>en</strong> plein<br />

; mais c'est là la plus mauvaise perspective pour connaître la vie.<br />

6. Ami, il faut d'abord avoir tout à fait perdu la vie, c'est-à-dire c<strong>et</strong>te vie terrestre,<br />

pour connaître la vie !<br />

(*) « Pourquoi, comm<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> qui nous ai<strong>de</strong>ra ? »<br />

52


7. Pr<strong>en</strong>ds une marmite <strong>et</strong> remplis-la d'eau ; tant que l'eau restera tranquille dans<br />

la marmite, tu n'y verras pas les esprits <strong>de</strong> la vapeur ; même si tu remues l'eau<br />

violemm<strong>en</strong>t <strong>et</strong> la m<strong>et</strong>s ainsi <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t, les puissants esprits <strong>de</strong> la vapeur ne<br />

se montreront toujours pas à toi ; mais si tu m<strong>et</strong>s l'eau sur le feu, alors elle<br />

comm<strong>en</strong>cera bi<strong>en</strong>tôt à bouillir, <strong>et</strong> aussitôt, les puissants esprits <strong>de</strong> la vapeur<br />

comm<strong>en</strong>ceront à s'élever au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la surface frémissante <strong>de</strong> l'eau, <strong>et</strong> c'est<br />

alors seulem<strong>en</strong>t que les esprits <strong>en</strong>core au repos dans l'eau bouillante<br />

reconnaîtront les puissants esprits <strong>de</strong> la vapeur qui reposai<strong>en</strong>t jusque-là avec eux<br />

dans l'eau froi<strong>de</strong> sans donner signe <strong>de</strong> vie, <strong>et</strong>, se voyant d'abord eux-mêmes par<br />

leurs milliers d'yeux, puis, sous eux, le bouillonnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'eau qui les portait, ils<br />

connaîtront aussi que les esprits <strong>de</strong> la vapeur n'avai<strong>en</strong>t d'autre consci<strong>en</strong>ce jusquelà<br />

que celle <strong>de</strong> leur parfaite i<strong>de</strong>ntité avec l'eau froi<strong>de</strong>.<br />

8. Mais c'est ainsi que, p<strong>en</strong>dant son ébullition, l'eau reconnaît égalem<strong>en</strong>t qu'il<br />

existait <strong>et</strong> qu'il existe <strong>en</strong> elle, jusqu'à sa <strong>de</strong>rnière goutte, <strong>de</strong>s esprits séparés ; oui,<br />

oui, l'eau qui bout se reconnaît comme étant elle-même tout esprit <strong>et</strong> toute<br />

puissance, mais dans son état froid <strong>de</strong> repos, elle ne pouvait le reconnaître ni le<br />

concevoir !<br />

9. N'est-ce pas là une image appropriée ? Aujourd'hui, ta vie est <strong>en</strong>core une eau<br />

froi<strong>de</strong> sans doute pure, mais par ailleurs tout à fait calme, dans la marmite <strong>de</strong> ton<br />

corps. Ta marmite aura beau être secouée <strong>en</strong> tous s<strong>en</strong>s, tu n'<strong>en</strong> connaîtras pas<br />

pour autant ta force <strong>de</strong> vie ; au contraire, plus l'eau, dans son état <strong>de</strong> calme froid,<br />

est agitée, comme c'est le cas pour tous les <strong>grand</strong>s <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, moins l'eau <strong>de</strong> la<br />

vie se reconnaît, elle-même <strong>et</strong> ce qui l'<strong>en</strong>toure, dans l'agitation <strong>de</strong> la marmite<br />

humaine ; car lorsqu'elle est agitée, la surface <strong>de</strong> l'eau reflète une image non plus<br />

claire, mais très déformée.<br />

10. Mais si la marmite <strong>de</strong> l'eau <strong>de</strong> ta vie est mise au vrai feu <strong>de</strong> l'amour, <strong>de</strong> l'extrême<br />

humiliation <strong>et</strong> <strong>de</strong> tous les maux <strong>et</strong> les souffrances, oh, comme tout se m<strong>et</strong><br />

bi<strong>en</strong> vite à bouillonner dans c<strong>et</strong>te marmite, <strong>et</strong> les esprits <strong>de</strong> la vapeur <strong>de</strong> vie ainsi<br />

libérés se reconnaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt eux-mêmes ainsi que leur état antérieur froid <strong>et</strong><br />

paresseux — c'est-à-dire la vie s<strong>en</strong>sible — <strong>et</strong> la fragile marmite, <strong>et</strong> l'eau vivante<br />

qui frémit <strong>en</strong>core dans la marmite voit alors par mille p<strong>et</strong>its yeux clairvoyants les<br />

esprits <strong>de</strong> vie qui mont<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>ssus d'elle <strong>et</strong> connaît qu'elle n'était pas seulem<strong>en</strong>t<br />

leur support inerte, mais qu'elle ne fait qu'un avec eux <strong>et</strong> qu'elle est i<strong>de</strong>ntique à<br />

eux ! Mais la marmite, compr<strong>en</strong>ds cela, mon ami, la marmite ne sera pas<br />

reconnue par les esprits <strong>de</strong> vie qui s'élèv<strong>en</strong>t comme étant i<strong>de</strong>ntique à eux, mais au<br />

contraire comme n'étant que leur récipi<strong>en</strong>t hélas nécessaire, mais <strong>de</strong>stiné <strong>en</strong>suite<br />

à se briser <strong>en</strong> morceaux <strong>et</strong> à être j<strong>et</strong>é à la rue. — As-tu maint<strong>en</strong>ant quelque idée<br />

<strong>de</strong> ce que j'ai voulu te dire ? »<br />

11. Cyrénius dit : « Il me semble bi<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre à peu près ton allégorie, du<br />

moins l'analogie que tu y établis avec la vie intérieure <strong>de</strong> l'âme ; mais si jamais tu<br />

as voulu sous-<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par là une signification plus profon<strong>de</strong>, je suis <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong><br />

loin <strong>de</strong> la compr<strong>en</strong>dre ! Cela voudrait-il dire par hasard que Dieu <strong>de</strong>vait malgré<br />

tout exister avant toute chose ? »<br />

12. Mathaël dit: « Assurém<strong>en</strong>t ; mais si tu ne peux <strong>en</strong>core le compr<strong>en</strong>dre, c'est<br />

parce qu'il s'<strong>en</strong> faut <strong>en</strong>core <strong>de</strong> beaucoup que tu ne te m<strong>et</strong>tes à bouillir ! »<br />

53


Chapitre 28<br />

Mathaël parle <strong>de</strong> Dieu<br />

1. (Malhaël :) « Vois-tu, ce que tu nommes Dieu, je le nomme "eau vivante" ;<br />

cep<strong>en</strong>dant, l'eau <strong>en</strong> elle-même ne connaît pas sa propre vie. Mais lorsque le<br />

puissant feu d'amour, qui est comme une forte pression au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> l'être,<br />

l'amène à bouillir <strong>et</strong> à sortir d'elle-même, alors l'esprit vivant s'élève librem<strong>en</strong>t<br />

au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'eau qui le r<strong>et</strong><strong>en</strong>ait auparavant prisonnier, <strong>et</strong> c'est alors que, comme<br />

le rapporte Moïse, tu vois l'esprit <strong>de</strong> Dieu flotter au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s eaux. Et l'esprit se<br />

reconnaît lui-même <strong>et</strong> l'eau, <strong>et</strong> connaît qu'il ne fait qu'un avec l'eau <strong>de</strong> toute<br />

éternité ; <strong>et</strong> c'est c<strong>et</strong>te certitu<strong>de</strong> étemelle qu'il faut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par la phrase : "Que<br />

la lumière soit !"<br />

2. C'est seulem<strong>en</strong>t lorsque ton esprit, ami, flottera lui aussi au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ton eau<br />

<strong>de</strong> vie <strong>en</strong> ébullition, que tu connaîtras véritablem<strong>en</strong>t ta vie <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> Dieu <strong>en</strong> toi.<br />

3. Vois-tu, tout ce qui existe doit comm<strong>en</strong>cer un jour, doit avoir un début, sans<br />

quoi il ne pourrait jamais exister ! Et s'il n'y avait pas eu <strong>de</strong> comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t<br />

précis à une vie se connaissant elle-même <strong>et</strong> tout le reste, <strong>et</strong> à sa force consci<strong>en</strong>te<br />

d'elle-même, c<strong>et</strong>te vie serait <strong>en</strong>core loin d'exister ; mais comme elle a comm<strong>en</strong>cé<br />

un jour, elle existe tout autant que nous-mêmes, qui avons un jour comm<strong>en</strong>cé<br />

d'exister <strong>en</strong> tant que ce que nous sommes à prés<strong>en</strong>t.<br />

4. Pourtant, nous étions déjà avant c<strong>et</strong>te exist<strong>en</strong>ce, mais comme la vapeur <strong>de</strong> vie<br />

<strong>en</strong>core froi<strong>de</strong> <strong>et</strong> informée est dans l'eau froi<strong>de</strong> au repos ; <strong>et</strong> <strong>de</strong> même, la<br />

puissance <strong>de</strong> vie suprême a <strong>en</strong> Dieu une double exist<strong>en</strong>ce, d'abord comme être<br />

mu<strong>et</strong> <strong>et</strong> uniquem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lui-même, <strong>en</strong>suite comme prés<strong>en</strong>ce libre née<br />

d'un comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t d'activité intérieure, se connaissant pleinem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> se<br />

percevant dans ses moindres détails !<br />

5. C'est pourquoi il est égalem<strong>en</strong>t écrit dans Moïse : "Au comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t, Dieu<br />

créa le ciel <strong>et</strong> la terre, <strong>et</strong> la terre était vi<strong>de</strong> <strong>et</strong> déserte <strong>et</strong> les ténèbres couvrai<strong>en</strong>t<br />

l'abîme." Qui est ou qu'est-ce donc exactem<strong>en</strong>t que le ciel, <strong>et</strong> qu'est-ce ou qui est<br />

donc la terre ? Crois-tu vraim<strong>en</strong>t qu'il faut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par là la terre qui te porte à<br />

prés<strong>en</strong>t, ou le ciel qui te donne air <strong>et</strong> lumière ? Oh, si tu crois cela, comme tu es<br />

loin <strong>de</strong> la vérité ! Car où étai<strong>en</strong>t alors c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> ce ciel ?<br />

6. Vois-tu, ce n'est là qu'une manière obscure <strong>de</strong> montrer comm<strong>en</strong>t la force<br />

éternelle <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> Dieu a comm<strong>en</strong>cé à son<strong>de</strong>r son être <strong>et</strong> à se connaître ellemême<br />

! Le "ciel" représ<strong>en</strong>te ici la sagesse du Moi divin pr<strong>en</strong>ant consci<strong>en</strong>ce<br />

d'elle-même ; mais <strong>en</strong> son c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> gravité brûlant d'amour, ce c<strong>en</strong>tre qui est<br />

désigné par le terme "terre", il faisait <strong>en</strong>core noir <strong>et</strong> tout était vi<strong>de</strong> <strong>et</strong> désert, donc<br />

sans connaissance profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> son être propre.<br />

7. Mais le c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus brûlant à mesure que la masse <strong>de</strong> la<br />

consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> soi extérieure pesait toujours davantage sur lui. Et ce c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong>vint<br />

un brasier ar<strong>de</strong>nt, <strong>et</strong> la vapeur (l'esprit) monta <strong>de</strong> l'eau <strong>de</strong> vie <strong>en</strong> ébullition <strong>et</strong>,<br />

flottant désormais librem<strong>en</strong>t sur les eaux <strong>de</strong> la vie primitive éternellem<strong>en</strong>t mu<strong>et</strong>te<br />

<strong>et</strong> tranquille, elle se connut pleinem<strong>en</strong>t ; <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te reconnaissance est précisém<strong>en</strong>t<br />

la lumière que le Dieu <strong>de</strong> Moïse fait naître aussitôt après la création du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

54


la terre pour anéantir les ténèbres.<br />

8. Ce n'est que <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t que Dieu, étant <strong>en</strong> quelque sorte <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u parole<br />

exprimée, Se fait Lui-même "Verbe", <strong>et</strong> la parole "Qu'il soit (*) " est <strong>en</strong> elle-même<br />

une volonté libre se connaissant parfaitem<strong>en</strong>t, un être dans l'Être, un verbe dans<br />

le Verbe, <strong>en</strong>fin, un tout dans le Tout !<br />

9. Et ce n'est que <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t que <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te volonté parfaitem<strong>en</strong>t libre émerge,<br />

se connaissant désormais totalem<strong>en</strong>t elle-même, la source <strong>de</strong> vie à l'origine <strong>de</strong><br />

toutes les autres vies. — Compr<strong>en</strong>ds-tu un peu maint<strong>en</strong>ant ? »<br />

Chapitre 29<br />

Propos <strong>de</strong> Cyrénius sur la sagesse <strong>et</strong> réponse <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. Cyrénius dit : « Oh, que oui ! Je compr<strong>en</strong>ds d'autant mieux que j'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du<br />

c<strong>et</strong>te nuit même une explication toute semblable à la ti<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> la G<strong>en</strong>èse selon<br />

Moïse. Ce doit donc bi<strong>en</strong> être comme tu le dis ; mais tout cela me dépasse trop<br />

infinim<strong>en</strong>t, or, je ne peux ni ne veux me donner trop <strong>de</strong> peine pour compr<strong>en</strong>dre<br />

une chose jusqu'au tréfonds. Car pour moi, les choses doiv<strong>en</strong>t être faciles à<br />

compr<strong>en</strong>dre pour m'être <strong>de</strong> quelque utilité ; mais si elles <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t par trop<br />

profon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> savantes, je cesse bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t tout à fait <strong>de</strong> les compr<strong>en</strong>dre !<br />

2. Bref, je m'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>s à ce que j'ai dit ; je pourvoirai à vos besoins, <strong>et</strong> vous ne<br />

manquerez pas d'occasions d'aller aussi loin qu'il est possible dans votre sagesse<br />

<strong>et</strong>, chaque fois que cela se pourra, <strong>de</strong> rem<strong>et</strong>tre la malheureuse humanité sur le<br />

droit chemin — bi<strong>en</strong> qu'à ce qu'il me semble, je vous le confesse, son<strong>de</strong>r trop<br />

profondém<strong>en</strong>t l'ess<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la vie soit <strong>en</strong> général plus nuisible que profitable.<br />

3. Pr<strong>en</strong>ez votre propre cas : votre sci<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> votre sagesse véritablem<strong>en</strong>t<br />

extraordinaires vous r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt-elles heureux ? L'esprit humain peut sans doute<br />

atteindre dans la sagesse <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs insondables <strong>et</strong> finalem<strong>en</strong>t créer <strong>de</strong>s<br />

choses extraordinaires ; mais pour moi, seul est heureux l'homme vraim<strong>en</strong>t<br />

simple, dévoué <strong>en</strong> tout amour à Dieu son Créateur, <strong>et</strong> qui observe Ses comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts.<br />

Et si Dieu veut lui donner, comme à Salomon, la sagesse, il doit<br />

l'accepter avec gratitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>en</strong> faire le meilleur usage d'un cœur joyeux. Mais si la<br />

sagesse conférée à un homme ne doit <strong>en</strong> réalité que le r<strong>en</strong>dre malheureux, je<br />

préfère finalem<strong>en</strong>t n'importe quelle sottise capable <strong>de</strong> réjouir le cœur <strong>de</strong><br />

l'homme.<br />

4. Je suis <strong>en</strong> vie, je sais maint<strong>en</strong>ant que je vivrai éternellem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> les voies pour<br />

atteindre la félicité <strong>de</strong> la vie éternelle me sont connues ; que pourrais-je donc<br />

désirer <strong>de</strong> plus ?!<br />

5. R<strong>en</strong><strong>de</strong>z-vous vous aussi à c<strong>et</strong>te conception, <strong>et</strong>, comme moi, vous serez<br />

(*) Es wer<strong>de</strong> !, allusion à la phrase Es wer<strong>de</strong> Licht !, « Que la lumière soit », donc<br />

parole créatrice à distinguer <strong>de</strong> la parole d'acceptation « Ainsi soit-il » (Also sei es<br />

!). Noter aussi que les termes « parole » <strong>et</strong> « verbe » traduis<strong>en</strong>t le même mot<br />

allemand, Wort. (N.d.T.)<br />

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vraim<strong>en</strong>t heureux dès ce mon<strong>de</strong> ; mais avec toute votre profon<strong>de</strong> sagesse qui<br />

couve comme un feu, vous ne risquez guère d'éprouver jamais le bonheur d'être<br />

homme !<br />

7. Ce n'est pas la sagesse qui nous donne la vie, mais l'amour ; aussi, t<strong>en</strong>onsnous-<strong>en</strong><br />

à l'amour, <strong>et</strong> la vie ne nous fera pas défaut, ni sa perception bi<strong>en</strong>heureuse<br />

! Voici quelle est ma sagesse, <strong>et</strong> j'affirmerais volontiers qu'elle r<strong>en</strong>d bi<strong>en</strong> mieux<br />

service à la vie <strong>de</strong> l'homme que votre sagesse, si profon<strong>de</strong> soit-elle ! »<br />

8. Mathaël dit : « Oh, comme tu as raison ! Car tant que l'eau <strong>de</strong> la marmite n'est<br />

pas au feu, son exist<strong>en</strong>ce est douce <strong>et</strong> paisible ; mais, vois-tu, lorsqu'elle arrive<br />

sur le feu, les choses se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à changer du tout au tout, <strong>et</strong> il faut qu'elle cè<strong>de</strong> !<br />

9. Quand tu veux <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir quelque chose, il te faut bi<strong>en</strong> acquérir les<br />

connaissances nécessaires à cela. Si ti veux être général, tu dois te pourvoir <strong>de</strong><br />

toutes les connaissances nécessaires à c<strong>et</strong>te fonction, sans quoi tu feras piètre<br />

figure sur le champ <strong>de</strong> bataille ; si ti veux être apothicaire <strong>et</strong> guérisseur, il te faut<br />

bi<strong>en</strong> aussi être muni <strong>de</strong> toutes les connaissances nécessaires !<br />

10. Et toi qui veux obt<strong>en</strong>ir la vie éternelle, tu ne veux pas son<strong>de</strong>r davantage <strong>et</strong><br />

connaître la vie elle-même ; comm<strong>en</strong>t feras-tu donc ?<br />

11. Imagine que je veuille pr<strong>en</strong>dre femme, mais fuie chaque occasion <strong>de</strong> voir une<br />

jeune fille, ne fût-ce que <strong>de</strong> loin ; je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> vraim<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t je trouverais<br />

une épouse dans ces conditions !<br />

12. Et toi, tu vas jusqu'à vouloir la vie éternelle, mais tu crains déjà <strong>de</strong> faire un<br />

effort lorsqu'il s'agit <strong>de</strong> son<strong>de</strong>r un peu plus c<strong>et</strong>te seule vie temporelle <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

chercher à connaître ses racines <strong>et</strong> se fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts !<br />

13. Oui, cher ami, si la vie éternelle t<strong>en</strong>ait uniquem<strong>en</strong>t à ce que Dieu puisse te<br />

l'offrir comme tu m'offrirais un morceau <strong>de</strong> pain, ta maxime <strong>de</strong> vie serait<br />

l'évi<strong>de</strong>nce bi<strong>en</strong> préférable à la nôtre mais il dép<strong>en</strong>d <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

nous qu'une vie éternelle nou att<strong>en</strong><strong>de</strong> dans l'au-<strong>de</strong>là !<br />

14. Il nous faut agir <strong>et</strong>, <strong>en</strong> vérité, passer par l'eau avec l'eau <strong>de</strong> notre vie <strong>et</strong> par le<br />

feu avec le feu d'amour <strong>de</strong> notre vie c'est alors seulem<strong>en</strong>t que l'eau <strong>de</strong> notre vie<br />

s'échauffe <strong>et</strong> se m<strong>et</strong> à bouillir au feu <strong>de</strong> l'amour <strong>de</strong> Dieu, du prochain <strong>et</strong> finalem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> nous-même qui est <strong>en</strong> nous <strong>et</strong> que nous nous apercevons qu'il y a <strong>en</strong><br />

nous une force <strong>de</strong> vie in<strong>de</strong>structible, qui, à partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong> instant, comm<strong>en</strong>ce à se<br />

connaître elle-même pour ce qu'elle est, <strong>et</strong> trouve alors les moy<strong>en</strong>s qu'il faut pour<br />

le <strong>de</strong>meurer éternellem<strong>en</strong>t !<br />

15. Et c'<strong>en</strong> est fait dès lors <strong>de</strong> ce qu'on nomme la belle vie, qui n'est d'un bout à<br />

l'autre qu'un doux sommeil, car il s'agit désormais <strong>de</strong> travailler, <strong>de</strong> lutter <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

chercher sans trêve ni repos !<br />

16. C'est seulem<strong>en</strong>t lorsque la vie éveillée a remporté une victoire totale sur la<br />

vie qui aspire sans cesse au sommeil <strong>et</strong> à la mort que l'on peut comm<strong>en</strong>cer à<br />

parler un peu <strong>de</strong> félicité !<br />

17. Tu nous fais l'eff<strong>et</strong> d'un homme qui, le matin, reste plongé dans un doux<br />

sommeil <strong>et</strong> qui, lorsque ses amis <strong>de</strong>puis longtemps <strong>de</strong>bout <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong> le<br />

réveiller, comm<strong>en</strong>ce par se m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> colère ; <strong>et</strong> ce n'est que lorsque, avec<br />

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quelque peine, il s'est tout à fait éveillé qu'il compr<strong>en</strong>d les bi<strong>en</strong>faits <strong>de</strong> l'éveil<br />

total <strong>et</strong> qu'il se réjouit <strong>en</strong>fin <strong>de</strong> la clarté <strong>et</strong> <strong>de</strong> la liberté <strong>de</strong> sa vie.<br />

18. Notre sagesse est parfaitem<strong>en</strong>t justifiée ; mais la ti<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> est loin ! C'est<br />

seulem<strong>en</strong>t lorsque tu te seras éveillé que tu compr<strong>en</strong>dras à quel point nous<br />

sommes justifiés à parler ainsi. »<br />

Chapitre 30<br />

Jésus r<strong>en</strong>voie Cyrénius aux paroles <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. Cyrénius Me dit : « Seigneur <strong>et</strong> Maître, que réponds-Tu à cela ? Que faut-il <strong>en</strong><br />

p<strong>en</strong>ser ? Ce que dit Mathaël est-il l'<strong>en</strong>tière vérité ? Si quelqu'un peut <strong>en</strong> juger<br />

radicalem<strong>en</strong>t, c'est bi<strong>en</strong> Toi ; aussi, veux-Tu nous dire quelques mots là-<strong>de</strong>ssus ?<br />

»<br />

2. Je dis : « Ne t'ai-Je donc pas déjà dit tout à l'heure que vous <strong>de</strong>viez les écouter<br />

? Si Je les voyais dans l'erreur, Je ne vous aurais assurém<strong>en</strong>t pas conseillé cela !<br />

Aussi, continuez d'écouter Mathaël. Le v<strong>en</strong>t qu'il souffle sur vous est sans doute<br />

viol<strong>en</strong>t, mais c'est un bon v<strong>en</strong>t, qui vous fera avancer bi<strong>en</strong> plus vite, même si ce<br />

doit être sur une mer agitée, que les meilleures rames !<br />

3. Aussi, écoutez-le <strong>en</strong>core, car jusqu'ici, il ne vous a parlé que la main sur la<br />

bouche ; mais lorsqu'il se sera un peu échauffé, il vous montrera <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong><br />

d'autres choses ! »<br />

4. Cyrénius dit : « Je préfère l'<strong>en</strong> remercier par avance ! Nous sommes déjà <strong>de</strong>s<br />

diables à ses yeux ! Que pourrait-il nous dire <strong>de</strong> pire <strong>en</strong>core ? Il est pourtant<br />

louable à moi <strong>de</strong> m'être <strong>en</strong>gagé à garantir l'av<strong>en</strong>ir terrestre <strong>de</strong> ces cinq pauvres<br />

diables ; <strong>et</strong> <strong>en</strong> r<strong>et</strong>our, ils nous maltrait<strong>en</strong>t comme Tu ne l'avais <strong>en</strong>core jamais fait<br />

Toi-même !<br />

5. Ah, je ne veux vraim<strong>en</strong>t plus <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ce Mathaël ; sa conception <strong>de</strong><br />

l'exist<strong>en</strong>ce est peut-être fort juste <strong>en</strong> soi ; mais elle ne convi<strong>en</strong>t pas aux<br />

conditions <strong>de</strong> l'exist<strong>en</strong>ce terrestre, <strong>et</strong> un homme n'y peut ri<strong>en</strong> s'il a un corps !<br />

6. Bi<strong>en</strong> sûr, <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s comme les prophètes <strong>et</strong> les anci<strong>en</strong>s prêtres ont toujours eu<br />

beau jeu <strong>de</strong> ne se soucier que <strong>de</strong> la vie éternelle ; car pour ce qui était <strong>de</strong>s besoins<br />

<strong>de</strong> leur corps, d'autres s'<strong>en</strong> occupai<strong>en</strong>t, à qui il <strong>de</strong>vait d'ailleurs être bi<strong>en</strong> égal qu'il<br />

y eût ou non une vie éternelle <strong>de</strong> l'âme ! Ils se cont<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> recevoir <strong>de</strong>s lois,<br />

qu'ils <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t observer sans jamais vraim<strong>en</strong>t <strong>en</strong> connaître la raison ni savoir à<br />

quoi cela était c<strong>en</strong>sé les m<strong>en</strong>er exactem<strong>en</strong>t.<br />

7. Des millions d'hommes ont dû s'<strong>en</strong> cont<strong>en</strong>ter, avec ou sans la perspective d'une<br />

quelconque vie éternelle, <strong>et</strong> cela ne <strong>de</strong>vrait pas nous suffire, à nous ?!<br />

8. Mais si ce n'est plus assez pour nous, tout homme qui porte <strong>en</strong> son cœur une<br />

seule étincelle <strong>de</strong> vrai amour du prochain doit se poser c<strong>et</strong>te question : qui donc<br />

dédommagera les millions <strong>et</strong> les millions <strong>de</strong> pauvres diables qui, bi<strong>en</strong> qu'ayant<br />

observé toutes les lois extérieures, sont tombés aux mains <strong>de</strong> la mort éternelle ?<br />

S'ils sont l'œuvre du hasard, c<strong>et</strong>te doctrine peut être bi<strong>en</strong> fondée ; mais si, comme<br />

57


la parfaite sagesse <strong>de</strong> leur organisation le montre clairem<strong>en</strong>t, tous les hommes<br />

sont l'œuvre d'un Dieu parfaitem<strong>en</strong>t sage <strong>et</strong> bon, il doit y avoir une autre voie, accessible<br />

à tous les hommes, pour atteindre la vie éternelle ; <strong>et</strong> s'il n'y <strong>en</strong> a pas,<br />

c'est que toute vie est plus méprisable que tout ce que la raison humaine est<br />

capable d'i<strong>de</strong>ntifier comme méprisable <strong>et</strong> exécrable !<br />

9. Car si la vie éternelle n'est <strong>de</strong>stinée qu'à celui qui l'atteindra <strong>en</strong> quelque sorte<br />

aux dép<strong>en</strong>s <strong>de</strong> milliers d'autres qui <strong>de</strong>vront travailler pour c<strong>et</strong>te espèce <strong>de</strong><br />

champion <strong>de</strong> la vie éternelle, afin qu'il puisse, lui seul, jouir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te vie éternelle,<br />

alors je ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rai plus jamais pour moi-même ne serait-ce que la plus p<strong>et</strong>ite<br />

étincelle <strong>de</strong> vie éternelle, <strong>et</strong> je préfère <strong>en</strong>core une mort éternelle complète ! Voilà<br />

mon opinion !<br />

10. Ta doctrine, Seigneur <strong>et</strong> Maître, m'est agréable, chère <strong>et</strong> précieuse ; car j'y<br />

trouve la prés<strong>en</strong>ce d'une ai<strong>de</strong> toute-puissante qui serait à mes côtés s'il m'arrivait<br />

<strong>de</strong> faiblir ; mais selon la doctrine <strong>de</strong> Mathaël, je n'ai personne que moi-même.<br />

Moi seul puis me donner ou m'ôter la vie éternelle, <strong>et</strong> aucun Dieu n'a ri<strong>en</strong> à y<br />

faire, si ce n'est considérer d'un œil fâché ou bi<strong>en</strong>veillant le pauvre diable qui se<br />

débat <strong>en</strong>tre les griffes nombreuses <strong>de</strong> la mort <strong>et</strong> <strong>en</strong> quelque sorte se fraie un<br />

chemin vers les somm<strong>et</strong>s <strong>de</strong> la vie éternelle par <strong>de</strong>s voies inhospitalières, semées<br />

d'épines, <strong>de</strong> rochers <strong>et</strong> <strong>de</strong> serp<strong>en</strong>ts v<strong>en</strong>imeux !<br />

11. Non, non, cela ne peut être ; vous êtes <strong>de</strong>s fous avec votre doctrine <strong>de</strong> la vie<br />

éternelle ! Si je peux imaginer un disp<strong>en</strong>sateur <strong>de</strong> la vie éternelle qui, comme<br />

Toi, ô Seigneur, peut, s'il le veut, r<strong>en</strong>dre la vie aux hommes sur c<strong>et</strong>te terre même,<br />

alors, oui, je ferai tout pour qu'il me donne aussi la vie éternelle dans l'au-<strong>de</strong>là.<br />

Mais si je dois aller la recueillir moi-même, je ne sais comm<strong>en</strong>t, dans tous les<br />

recoins <strong>de</strong> la sagesse <strong>de</strong>s prophètes, alors, comme je l'ai dit, je n'ai au <strong>grand</strong><br />

jamais plus besoin d'une vie éternelle ! — Ainsi parle <strong>et</strong> a parlé Cyrénius, <strong>grand</strong><br />

gouverneur <strong>de</strong> Rome pour la Cœlé Syrie, tous les pays d'Asie <strong>et</strong> d'Afrique <strong>et</strong> une<br />

<strong>grand</strong>e partie <strong>de</strong> la Grèce ! »<br />

12. Je dis : « Ami, c<strong>et</strong>te fois, tu t'es vraim<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>sé pour ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> moins que ri<strong>en</strong><br />

dans tous ces vains discours. Ce qu'étai<strong>en</strong>t ces cinq hommes, tu le sais ; pour<br />

quelle raison, J'espère que tu le sais aussi à prés<strong>en</strong>t !<br />

13. Mais ils sont désormais <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t purifiés, <strong>et</strong> J'ai allumé <strong>en</strong> eux l'infaillible<br />

<strong>et</strong> seule vraie lumière <strong>de</strong> vie, barrant ainsi le chemin par lequel les méchants<br />

hôtes chassés <strong>de</strong> leurs corps aurai<strong>en</strong>t peut-être <strong>en</strong>core pu leur r<strong>en</strong>dre une visite<br />

néfaste.<br />

14. Ces cinq hommes sont donc désormais tout à fait purs, <strong>et</strong> ils perçoiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

eux-mêmes les fils les plus ténus <strong>de</strong> toute vie telle qu'elle fut <strong>en</strong> vérité <strong>de</strong>puis le<br />

comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ils port<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant à tous le témoignage <strong>de</strong> ce qui ne fut<br />

révélé jadis qu'à très peu d'hommes pour très peu d'autres hommes ; comm<strong>en</strong>t<br />

peux-tu le leur reprocher ?!<br />

15. Car vois-tu, ce qu'ils dis<strong>en</strong>t est exactem<strong>en</strong>t ce que Je vous ai dit Moi-même, à<br />

la seule différ<strong>en</strong>ce qu'ils l'exprim<strong>en</strong>t un peu plus crûm<strong>en</strong>t.<br />

16. Reconnais d'abord la véritable valeur <strong>de</strong> ce qu'ils dis<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> sois-<strong>en</strong> <strong>en</strong>suite<br />

fâché si tu le peux ; mais tu as visiblem<strong>en</strong>t tort <strong>de</strong> te fâcher dès à prés<strong>en</strong>t parce<br />

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que leurs propos te sembl<strong>en</strong>t peu agréables. Laisse <strong>en</strong>core parler Mathaël, <strong>et</strong> l'on<br />

verra bi<strong>en</strong> si ce qu'il dit a ou non une valeur pratique, ou si c'est contraire à Ma<br />

doctrine ! »<br />

Chapitre 31<br />

Mathaël parle du chemin pour accé<strong>de</strong>r à la vraie vie<br />

1. Cyrénius dit : « Fort bi<strong>en</strong> ; je veux voir cela, bi<strong>en</strong> que je risque d'être un juge<br />

sévère !<br />

2. S'il <strong>en</strong> est <strong>de</strong> la vie à peu près comme tu nous l'as exposé avec <strong>de</strong>s raisons si<br />

rigoureuses, dis-moi donc, sage Mathaël, ce qui att<strong>en</strong>d les millions d'hommes qui<br />

ne sav<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout cela, <strong>et</strong> les nombreux millions qui naîtront après nous <strong>de</strong><br />

par le vaste mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> qui ne pourront eux non plus <strong>en</strong> connaître le premier mot ;<br />

quelles sont pour tous ceux-là les perspectives d'une vie éternelle ? »<br />

3. Mathaël dit : « Fort bonnes ! Il y avait pour eux aussi une doctrine qui suffisait<br />

à t<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> éveil l'imagination <strong>de</strong> l'âme. C'est dans c<strong>et</strong>te imagination que l'âme se<br />

fon<strong>de</strong> avec le temps <strong>et</strong> qu'elle finit par vivre, un peu comme <strong>en</strong> rêve, <strong>et</strong> dans c<strong>et</strong>te<br />

illusion, elle peut vivre <strong>de</strong>s milliers d'années.<br />

4. Pourtant, cela est <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong> la vraie vie éternelle ; si ces âmes veul<strong>en</strong>t<br />

accé<strong>de</strong>r à une vie éternelle auth<strong>en</strong>tique, elles doiv<strong>en</strong>t finalem<strong>en</strong>t affronter, dans<br />

ce qu'on appelle le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s esprits, <strong>de</strong>s combats <strong>et</strong> <strong>de</strong>s épreuves bi<strong>en</strong> plus durs<br />

que ne l'est <strong>en</strong> soi le combat que j'ai m<strong>en</strong>tionné au passage tout à l'heure.<br />

5. Car celui qui veut faire ce chemin ici-bas atteint, sans doute au prix d'efforts<br />

importants <strong>et</strong> d'une vie véritablem<strong>en</strong>t sage <strong>et</strong> sérieuse, mais dès ce mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>en</strong><br />

peu d'années, la vie éternelle dans toute sa vérité, sa clarté <strong>et</strong> sa parfaite pur<strong>et</strong>é,<br />

alors que si son âme s'<strong>en</strong>dormait, il ne l'atteindrait, dans le meilleur <strong>de</strong>s cas,<br />

qu'après plusieurs c<strong>en</strong>taines, voire plusieurs milliers d'années. Et pour peu que<br />

les choses se pass<strong>en</strong>t moins bi<strong>en</strong>, une âme <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t corrompue sur c<strong>et</strong>te terre<br />

ou ailleurs connaîtra peut-être une vie d'illusion <strong>de</strong>s plus misérables, dans<br />

laquelle elle ne pourra voir ni percevoir aucune vérité ou réalité ayant une<br />

exist<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors d'elle, mais uniquem<strong>en</strong>t se voir elle-même <strong>et</strong> les pauvres<br />

créations <strong>de</strong> son imagination ; pourtant, malgré cela, elle sera continuellem<strong>en</strong>t<br />

instruite par les expéri<strong>en</strong>ces les plus amères, n'étant <strong>en</strong>tourée que d'<strong>en</strong>nemis<br />

contre lesquels elle ne peut se déf<strong>en</strong>dre, car elle ne les voit pas davantage qu'un<br />

parfait aveugle ne peut voir si un <strong>en</strong>nemi s'approche <strong>de</strong> lui <strong>et</strong> d'où il vi<strong>en</strong>t, ni si<br />

quelque autre danger le m<strong>en</strong>ace !<br />

6. Pourtant, même un parfait aveugle n'est jamais totalem<strong>en</strong>t dans le noir ; car<br />

l'imagination <strong>de</strong> son âme reste malgré tout <strong>en</strong> soi une lumière, <strong>et</strong> l'aveugle perçoit<br />

<strong>de</strong>s choses qui, éclairées <strong>de</strong> quelque manière, ressembl<strong>en</strong>t aux obj<strong>et</strong>s du mon<strong>de</strong><br />

physique ; mais ces choses n'ont aucune constance, ni la lumière qui les éclaire.<br />

Tantôt il fait clair, tantôt tout s'éteint à nouveau <strong>et</strong> souv<strong>en</strong>t disparaît<br />

complètem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> sorte que c<strong>et</strong> aveugle <strong>de</strong>meure véritablem<strong>en</strong>t pour un temps<br />

privé <strong>de</strong> toute lumière <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute réalité.<br />

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7. Et il <strong>en</strong> va presque <strong>de</strong> même pour une âme plongée dans sa solitu<strong>de</strong> ; pour elle,<br />

il fait tantôt jour, tantôt nuit. Mais ni le jour ni la nuit n'ont une quelconque<br />

réalité dans c<strong>et</strong>te âme, elles ne sont que le refl<strong>et</strong> temporaire <strong>de</strong> ce que l'âme reçoit<br />

approximativem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> malgré elle <strong>de</strong>s sphères extérieures, comme la goutte <strong>de</strong><br />

rosée accrochée au brin d'herbe recueille l'image du soleil. La goutte est sans<br />

doute éclairée, mais elle n'<strong>en</strong> a pas consci<strong>en</strong>ce au point <strong>de</strong> reconnaître<br />

intelligemm<strong>en</strong>t d'où vi<strong>en</strong>t la lumière qui est <strong>en</strong>trée <strong>en</strong> elle.<br />

8. Ce que je te dis là au nom <strong>de</strong> mes quatre frères est le fruit <strong>de</strong> notre expéri<strong>en</strong>ce<br />

à laquelle fur<strong>en</strong>t associées <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es souffrances, <strong>et</strong> tu y vois clairem<strong>en</strong>t la<br />

différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre la vie dans l'illusion <strong>et</strong> la vraie vie autonome parfaitem<strong>en</strong>t libre.<br />

9. Tu as le choix <strong>en</strong>tre une vie <strong>de</strong> souffrance <strong>et</strong> sans liberté <strong>et</strong> une vie divine<br />

agissant par elle-même, donc parfaitem<strong>en</strong>t libre ; vouloir l'une ou l'autre ne<br />

dép<strong>en</strong>d que <strong>de</strong> ta volonté ; mais les choses sont ainsi, <strong>et</strong> aucun Dieu ne te<br />

prés<strong>en</strong>tera d'autre choix possible pour ta vie.<br />

10. Et je te dis <strong>en</strong>core autre chose : mon âme, dont la vision <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t<br />

toujours plus claire, voit <strong>et</strong> reconnaît maint<strong>en</strong>ant fort bi<strong>en</strong> par elle-même le<br />

Sauveur qui, par la force <strong>de</strong> Sa vie divine parfaitem<strong>en</strong>t libre, l'a délivrée il y a<br />

peu d'une multitu<strong>de</strong> d'invisibles <strong>en</strong>nemis <strong>de</strong> la vie supérieure libre ; il y a plus <strong>en</strong><br />

Lui, sache-le, que dans la totalité <strong>de</strong> la Création visible.<br />

11. Lui qui Se connaissait déjà <strong>de</strong> toute éternité comme le point c<strong>en</strong>tral <strong>de</strong> toute<br />

exist<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute vie, Il va maint<strong>en</strong>ant, par Sa vie, confirmer (*) <strong>en</strong>core Sa<br />

propre vie, <strong>et</strong> par là celle <strong>de</strong> tous les hommes ; mais Il ne pourra le faire qu'au<br />

prix d'une abnégation inouïe. Il quittera la vie qui est la Si<strong>en</strong>ne à prés<strong>en</strong>t afin<br />

d'<strong>en</strong>trer dans la gloire éternelle <strong>de</strong> toute vie pour Lui-même, mais aussi <strong>et</strong> par là<br />

pour tous les hommes. Alors, toutes les créatures recevront <strong>en</strong> quelque sorte un<br />

nouveau visage <strong>et</strong> une nouvelle ordonnance intérieure ; <strong>et</strong> pourtant, le principe<br />

<strong>de</strong>meurera : que chacun pr<strong>en</strong>ne sur ses épaules le far<strong>de</strong>au <strong>de</strong> la misère d'autrui <strong>et</strong><br />

Me suive ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela à prés<strong>en</strong>t ? »<br />

12. Cyrénius répond, avec <strong>en</strong>core quelque appar<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> déplaisir, il est vrai : «<br />

Oui, je te compr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> ne puis faire autrem<strong>en</strong>t que <strong>de</strong> reconnaître que tu as<br />

dit vrai ; mais il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre offrir <strong>de</strong> telles conditions <strong>de</strong> vie !<br />

»<br />

Chapitre 32<br />

De l'unité <strong>de</strong> la vie éternelle<br />

1. Mathaël dit : « Sans doute ces conditions <strong>de</strong> la vie ne sont-elles pas si<br />

agréables à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre que les fables où l'on imagine une vie printanière, où<br />

l'exist<strong>en</strong>ce vol<strong>et</strong>é <strong>de</strong>-ci, <strong>de</strong>-là comme les oiseaux dans l'air, ou comme les papillons<br />

<strong>et</strong> les éphémères dorés qui vont <strong>de</strong> fleur <strong>en</strong> fleur <strong>et</strong> aspir<strong>en</strong>t la douce rosée<br />

<strong>de</strong>s calices ; mais pour autant, on peut dire aussi qu'une telle vie <strong>de</strong> plaisir n'est<br />

guère qu'une vie éphémère <strong>et</strong> transitoire, qui, premièrem<strong>en</strong>t, est à peine<br />

(*) Confirmer (konfirmier<strong>en</strong>) : autrem<strong>en</strong>t dit réaffirmer, sanctionner. (N.d.T.)<br />

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consci<strong>en</strong>te d'elle-même, <strong>et</strong> <strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t, pour c<strong>et</strong>te raison même, n'est pas une<br />

vie à proprem<strong>en</strong>t parler. Car <strong>en</strong>fin, que ferait l'homme <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te vie <strong>de</strong> papillon ?<br />

Songe à la durée <strong>de</strong> notre exist<strong>en</strong>ce ! Soixante-dix, quatre-vingts, quatre-vingtdix<br />

ans sont déjà un âge avancé, le corps <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors bi<strong>en</strong> faible <strong>et</strong> sans<br />

ressource ; un seul mauvais souffle d'air, <strong>et</strong> c'<strong>en</strong> est fait <strong>de</strong> lui !<br />

2. Et qu'arrive-t-il <strong>en</strong>suite ? Qui peut te donner là-<strong>de</strong>ssus une réponse sûre, si tu<br />

n'as pas déjà tout mis <strong>en</strong> œuvre, au cours <strong>de</strong> ta vie terrestre, pour que ton être tout<br />

<strong>en</strong>tier <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne, bi<strong>en</strong> avant ce mauvais souffle d'air, la réponse parfaitem<strong>en</strong>t<br />

vivante <strong>en</strong> toi-même à c<strong>et</strong>te question ?! Et si tu trouves <strong>en</strong> toi c<strong>et</strong>te réponse<br />

sacrée, tu ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ras assurém<strong>en</strong>t plus à quiconque avec angoisse : qu'y aurat-il<br />

<strong>en</strong>suite, lorsque ma brève exist<strong>en</strong>ce aura pris fin ?<br />

3. C'est pourquoi il importe <strong>de</strong> ne pas laisser l'eau <strong>de</strong> sa vie stagner dans la<br />

fraîcheur qui plaît au corps, mais <strong>de</strong> la m<strong>et</strong>tre au feu afin qu'elle <strong>en</strong>tre <strong>en</strong><br />

ébullition <strong>et</strong>, montant comme une puissante vapeur, se transforme <strong>en</strong> une vie<br />

nouvelle, sans quoi tout est perdu ; <strong>et</strong>, si désagréable que te paraisse mon discours,<br />

la vérité n'<strong>en</strong> <strong>de</strong>meure pas moins toujours la vérité — <strong>et</strong> ce n'est que par<br />

elle que l'on accè<strong>de</strong> à la véritable <strong>et</strong> parfaite liberté sans laquelle aucune vie<br />

éternelle auth<strong>en</strong>tique n'est concevable ! »<br />

4. Cyrénlus parle à prés<strong>en</strong>t d'un ton beaucoup plus doux : « Oui, oui, mon cher<br />

ami Mathaël, je vois bi<strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant que tu es <strong>en</strong> possession <strong>de</strong> la plus parfaite<br />

vérité dans tous les domaines <strong>de</strong> la vie, <strong>et</strong> il n'y a vraim<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tant soit peu<br />

fondé à te répondre ! Pour ce qui te concerne, il est bi<strong>en</strong> vrai que tu marches<br />

désormais tout à fait <strong>en</strong> pays connu dans la vie, mais nous <strong>en</strong> sommes <strong>en</strong>core<br />

bi<strong>en</strong> loin, nous autres !<br />

5. Il ne reste plus qu'à souhaiter que tu rassembles ta doctrine <strong>de</strong> vie dans<br />

quelque système grâce auquel on pourrait alors gui<strong>de</strong>r les <strong>en</strong>fants afin qu'ils<br />

atteign<strong>en</strong>t plus aisém<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière, ce que l'homme fait ne peut manquer<br />

<strong>de</strong> trouver assez difficile d'atteindre ! »<br />

6. Mathaël dit : « Ce que tu souhaites est <strong>en</strong> partie déjà réalisé, <strong>et</strong> se réalisera<br />

<strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> davantage ! Car le <strong>grand</strong> <strong>et</strong> puissant Sauveur qui nous a guéris a déjà<br />

pris toutes les dispositions possibles à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>. Nous cinq, nous connaissons<br />

certes déjà le chemin, mais il nous serait bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre tout cela dans un<br />

système quelque peu organisé <strong>de</strong>stiné à instruire tous les hommes ; cep<strong>en</strong>dant,<br />

nous pourrions sans doute le faire au besoin pour <strong>de</strong>s hommes comme toi ! Car<br />

ri<strong>en</strong> n'est tout à fait impossible à l'homme lorsqu'il est <strong>en</strong>tré sur la voie <strong>de</strong> la<br />

vérité <strong>en</strong> toutes choses ; car la vraie vie libre est une, qu'elle rési<strong>de</strong> <strong>en</strong> Dieu, dans<br />

un ange ou dans un homme.<br />

7. Naturellem<strong>en</strong>t, il existe <strong>de</strong> très <strong>grand</strong>es différ<strong>en</strong>ces, même à l'intérieur <strong>de</strong> la<br />

vie déjà parfaitem<strong>en</strong>t libre ; car une vie qui vi<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> comm<strong>en</strong>cer à se<br />

connaître elle-même ne peut évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t pas être aussi forte qu'une vie qui s'est<br />

déjà reconnue <strong>et</strong> rassemblée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s éternités dans toute la plénitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> la<br />

profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la vérité la plus pure. C<strong>et</strong>te vie est désormais le Seigneur <strong>de</strong><br />

l'infini, <strong>et</strong> tous les mon<strong>de</strong>s, avec tout ce qu'ils port<strong>en</strong>t, sont soumis à Son empire.<br />

8. Il est certain, ami, que nous n'irons jamais aussi loin nous-mêmes ; mais <strong>en</strong><br />

nous unissant à c<strong>et</strong>te Vie, nous finirons nous aussi par <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir capables d'ac-<br />

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complir comme <strong>de</strong> nous-mêmes ce dont est capable <strong>en</strong> soi la <strong>grand</strong>e Vie éternelle<br />

<strong>de</strong> Dieu. De plus, il existe certaines forces <strong>de</strong> vie accomplies qui, à l'évi<strong>de</strong>nce,<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aussitôt après la force <strong>de</strong> vie éternelle <strong>de</strong> Dieu.<br />

9. Ces puissances se situ<strong>en</strong>t fort au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la force <strong>de</strong> vie que nous pouvons<br />

reconnaître <strong>en</strong> nous, quel que soit le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> liberté <strong>et</strong> d'indép<strong>en</strong>dance atteint par<br />

celle-ci ; nous les appelons "anges" (messagers). Elles sont les représ<strong>en</strong>tants les<br />

plus émin<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la force <strong>de</strong> vie divine toute universelle ; cep<strong>en</strong>dant, nous<br />

pouvons nous <strong>en</strong> rapprocher <strong>en</strong> nous unissant à la force <strong>de</strong> vie divine universelle.<br />

10. Cep<strong>en</strong>dant, tu n'auras pas à <strong>en</strong>durer tout ce que nous avons <strong>en</strong>duré pour <strong>en</strong><br />

v<strong>en</strong>ir à possé<strong>de</strong>r ce que nous possédons déjà, <strong>et</strong> pourtant, tu le possé<strong>de</strong>ras toi<br />

aussi ; car tout est bi<strong>en</strong> plus facile pour les âmes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, qui sont déjà sur<br />

leur propre sol, que pour celles qui, v<strong>en</strong>ant d'un mon<strong>de</strong> plus parfait, ont été mises<br />

dans celui-ci.<br />

11. Mais dans la vie divine fondam<strong>en</strong>tale, il a été décidé une fois pour toutes que<br />

c<strong>et</strong>te terre insignifiante <strong>de</strong>vait être précisém<strong>en</strong>t le lieu <strong>de</strong> Sa miséricor<strong>de</strong>, <strong>et</strong> c'est<br />

<strong>en</strong> quelque sorte l'infini tout <strong>en</strong>tier qui se r<strong>en</strong>d déjà à ce nouvel ordre <strong>et</strong> doit s'y<br />

conformer s'il veut avoir part commune à la félicité infinie <strong>de</strong> l'unique vie divine<br />

; aussi faut-il bi<strong>en</strong> que l'on s'y conforme, quoi qu'il <strong>en</strong> coûte !<br />

12. En vérité, si nous n'avions trouvé ici le terme <strong>de</strong> nos malheurs, ce dont nous<br />

comm<strong>en</strong>çons seulem<strong>en</strong>t à pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce peu à peu, une mort complète nous<br />

eût semblé infinim<strong>en</strong>t plus désirable qu'une vie qui eût duré seulem<strong>en</strong>t quelques<br />

jours <strong>de</strong> plus dans ces tourm<strong>en</strong>ts in<strong>de</strong>scriptibles, quand bi<strong>en</strong> même il nous eût été<br />

donné <strong>de</strong> connaître aussitôt après la félicité divine éternelle !<br />

13. Mais, ainsi que nous le percevons maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus clairem<strong>en</strong>t, le<br />

<strong>grand</strong> Sauveur <strong>de</strong> toute vie a mis fin à nos maux avant même le terme prescrit, <strong>et</strong><br />

c'est seulem<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant que nous comm<strong>en</strong>çons à <strong>en</strong> éprouver une joie <strong>de</strong> plus<br />

<strong>en</strong> plus <strong>grand</strong>e <strong>et</strong> que nous compr<strong>en</strong>ons que le <strong>grand</strong> Esprit divin veut faire <strong>et</strong><br />

fera véritablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre le lieu <strong>de</strong> Sa miséricor<strong>de</strong> — mais aussi, hélas, le<br />

lieu <strong>de</strong>s plus <strong>grand</strong>es persécutions, <strong>de</strong> l'orgueil, du désir <strong>de</strong> faste <strong>et</strong> <strong>de</strong>s pires<br />

attaques contre tout ce que l'esprit connaît <strong>de</strong> pur, <strong>de</strong> bon <strong>et</strong> <strong>de</strong> vrai ! »<br />

Chapitre 33<br />

Une prophétie <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. (Mathaël) : « Ô ami, c<strong>et</strong>te terre connaîtra <strong>de</strong> si <strong>grand</strong>s maux que Satan luimême<br />

n'osera plus s'av<strong>en</strong>turer sous quelque forme que ce soit dans la compagnie<br />

<strong>de</strong>s hommes ; mais <strong>en</strong> r<strong>et</strong>our, il y <strong>en</strong> aura parmi les hommes qui, étant aveugles<br />

ou sourds, verront mieux <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dront mieux que nous-mêmes à prés<strong>en</strong>t avec<br />

nos yeux <strong>et</strong> nos oreilles <strong>grand</strong>s ouverts.<br />

2. Le temps vi<strong>en</strong>dra un jour où les hommes détermineront dans l'eau les <strong>de</strong>grés<br />

<strong>de</strong> la force vive <strong>de</strong> la vapeur, <strong>et</strong> ils dompteront c<strong>et</strong>te force comme les Arabes<br />

leurs chevaux <strong>et</strong> l'utiliseront à toutes sortes <strong>de</strong> travaux incroyablem<strong>en</strong>t pénibles ;<br />

même aux plus lourds véhicules, ils attelleront la force <strong>de</strong> vie r<strong>en</strong>fermée dans<br />

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l'eau <strong>et</strong> avanceront ainsi plus vite que ne vole la flèche décochée par l'arc.<br />

3. C<strong>et</strong>te force <strong>de</strong> vie, ils l'attelleront aussi aux <strong>grand</strong>s vaisseaux, <strong>et</strong> elle poussera<br />

les vaisseaux sur les flots plus vite qu'un v<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tempête, <strong>et</strong> finira même par<br />

braver toutes les tempêtes, traversant leur fureur sans <strong>en</strong> subir <strong>de</strong> dommage<br />

s<strong>en</strong>sible ; seuls les récifs <strong>et</strong> les bancs <strong>de</strong> sable pourront <strong>en</strong>core prés<strong>en</strong>ter un<br />

danger pour ces rapi<strong>de</strong>s coursiers <strong>et</strong> les <strong>en</strong>dommager.<br />

4. Mais peu après c<strong>et</strong>te époque, les perspectives <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront fort sombres pour la<br />

vie <strong>de</strong>s hommes sur terre ; car la terre <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra infertile, <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es dis<strong>et</strong>tes, <strong>de</strong>s<br />

guerres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s famines se produiront, <strong>et</strong> la lumière <strong>de</strong> la foi <strong>en</strong> la vérité éternelle<br />

s'éteindra pour bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s hommes, <strong>et</strong> le feu <strong>de</strong> l'amour baissera peu à peu <strong>et</strong> se<br />

refroidira, <strong>et</strong> c'est alors que vi<strong>en</strong>dra sur la terre le <strong>de</strong>rnier jugem<strong>en</strong>t par le feu !<br />

5. Bi<strong>en</strong>heureux alors ceux qui n'auront pas <strong>en</strong>core laissé s'évaporer <strong>en</strong> eux pour<br />

leur seul bénéfice terrestre l'eau <strong>de</strong> la vie ; car lorsque le <strong>grand</strong> jugem<strong>en</strong>t par le<br />

feu vi<strong>en</strong>dra <strong>de</strong>s cieux, il ne pourra ri<strong>en</strong> contre eux, parce que l'eau <strong>de</strong> leur propre<br />

vie les <strong>en</strong> protégera.<br />

6. C'est alors seulem<strong>en</strong>t que les vrais amis <strong>de</strong> la vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> son ordre divin se<br />

donneront la main pour toujours, <strong>et</strong> la querelle <strong>et</strong> la discor<strong>de</strong> n'existeront plus<br />

<strong>en</strong>tre ceux qui habiteront la terre purifiée <strong>en</strong> compagnie <strong>de</strong>s anges <strong>de</strong> Dieu. Nos<br />

corps pourrissants <strong>et</strong> fragiles ne seront certes pas témoins <strong>de</strong> tout ce que je vi<strong>en</strong>s<br />

<strong>de</strong> t'annoncer, mais d'autant plus nos âmes qui voi<strong>en</strong>t tout <strong>et</strong> peuv<strong>en</strong>t tout<br />

compr<strong>en</strong>dre.<br />

7. Vois-tu, je n'avais pas l'int<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> te dire tout cela ; mais je m'y suis s<strong>en</strong>ti<br />

poussé du fond <strong>de</strong> mon âme, ou plutôt <strong>de</strong> moi-même. Et l'origine <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te impulsion<br />

est assurém<strong>en</strong>t celle-là même d'où la guérison nous est v<strong>en</strong>ue à tous les<br />

cinq ! — Me compr<strong>en</strong>ds-tu déjà un peu mieux ? »<br />

8. Cyrénius dit : « Oh, tout est désormais pour le mieux <strong>en</strong>tre nous ; <strong>et</strong> j'espère<br />

maint<strong>en</strong>ant que j'appr<strong>en</strong>drai beaucoup <strong>de</strong> vous, car j'ai fait avec vous une fort<br />

bonne prise ! Je m'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>s à ce que j'ai dit : je pourvoirai à vos besoins terrestres<br />

; mais vous, vous veillerez aux besoins <strong>de</strong> mon âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> ma très<br />

<strong>grand</strong>e maison.<br />

9. C'est sans doute une bi<strong>en</strong> maigre comp<strong>en</strong>sation que je vous offre <strong>en</strong> échange<br />

<strong>de</strong>s <strong>grand</strong>es choses que vous ferez pour moi <strong>et</strong> pour ma maison ; mais qu'y puisje<br />

si, pour le mom<strong>en</strong>t, ri<strong>en</strong> <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> n'a assez <strong>de</strong> valeur pour récomp<strong>en</strong>ser<br />

équitablem<strong>en</strong>t celui qui fait à votre vie un don insigne <strong>et</strong> éternel ?! Vous<br />

satisferez-vous <strong>de</strong> cela ? »<br />

10. Mathaël dit : « Oh, comm<strong>en</strong>t peux-tu <strong>en</strong>core nous le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ? Si nous<br />

pouvons servir quelqu'un <strong>et</strong> lui être utiles, nous sommes déjà plus que pleinem<strong>en</strong>t<br />

satisfaits ! Car on ne doit jamais sous-estimer un don terrestre fait par un<br />

cœur vraim<strong>en</strong>t bon <strong>et</strong> pour l'amour du bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> la vérité ; car, à cause du donateur<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>s motifs du don, ce qui est donné acquiert une valeur toute spirituelle<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t ainsi parfaitem<strong>en</strong>t semblable à un pur don spirituel.<br />

11. Car lorsque le matériel souti<strong>en</strong>t le spirituel, <strong>et</strong> qu'<strong>en</strong> même temps le spirituel<br />

souti<strong>en</strong>t le matériel, tout finit par être spirituel, <strong>et</strong> l'un comme l'autre peuv<strong>en</strong>t<br />

alors s'att<strong>en</strong>dre à recevoir <strong>de</strong> Dieu les plus <strong>grand</strong>es bénédictions.<br />

63


12. Mais lorsque ce qui <strong>de</strong>vrait être spirituel n'est donné, comme au Temple <strong>de</strong><br />

Jérusalem, que pour l'amour du matériel, <strong>et</strong> que le matériel n'est lui-même donné<br />

<strong>en</strong> échange du spirituel que dans l'espoir d'un gain matériel, tout <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t<br />

finalem<strong>en</strong>t matériel ; ni l'un ni l'autre n'ont plus la moindre valeur spirituelle ne<br />

donneront jamais le moindre résultat béni par Dieu !<br />

13. Aussi, ne t'inquiète pas <strong>de</strong> savoir si tu nous donnes trop peu matériellem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> échange <strong>de</strong> ce que nous t'apportons spirituellem<strong>en</strong>t ; car ce sont la qualité du<br />

donnateur <strong>et</strong> les vrais motifs du don qui font <strong>de</strong> celui-ci un don spirituel, <strong>et</strong><br />

d'innombrables bénédictions tant spirituelles que matérielles s'<strong>en</strong>suivront d'<strong>en</strong><br />

haut ; car l'esprit est éternellem<strong>en</strong>t maître <strong>de</strong> toute la matière, qui n'est elle-même<br />

ri<strong>en</strong> d'autre, au fond, que l'esprit le moins libre, soumis au jugem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> doit donc<br />

<strong>en</strong> tout temps obéir aveuglém<strong>en</strong>t à l'esprit <strong>de</strong> vie parfaitem<strong>en</strong>t libre <strong>de</strong> Dieu, dont<br />

la puissance illimitée est précisém<strong>en</strong>t la source du jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toute matière, <strong>et</strong><br />

qui seul peut la faire revivre s'il le veut <strong>et</strong> chaque fois qu'il le veut ! »<br />

14. Cyrénius dit : « Oh, tout cela est parfait <strong>et</strong> me convi<strong>en</strong>t à merveille ! À<br />

prés<strong>en</strong>t, je ne vous laisserais pas échapper à mes mains amies pour un empire<br />

terrestre ! Il est à espérer que nous nous compr<strong>en</strong>drons toujours mieux <strong>et</strong> que<br />

nous nous <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drons toujours plus indisp<strong>en</strong>sables les uns aux autres ! Mais au<br />

Seigneur seul toute louange <strong>et</strong> tout notre amour, pour avoir eu pitié <strong>de</strong> vous <strong>et</strong><br />

vous avoir ainsi conduits à moi ; car sans Lui, nous serions tous autant dire<br />

perdus pour l'éternité ! »<br />

15. Les cinq repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tous : « Am<strong>en</strong>, Lui seul est digne <strong>de</strong> tout honneur, <strong>de</strong><br />

toute louange <strong>et</strong> <strong>de</strong> tout amour, non seulem<strong>en</strong>t sur c<strong>et</strong>te terre, mais dans l'infini<br />

tout <strong>en</strong>tier ! Car c'est Lui seul qui transforme à prés<strong>en</strong>t l'infini tout <strong>en</strong>tier ! Infinim<strong>en</strong>t<br />

<strong>grand</strong> est Son nom ! »<br />

Chapitre 34<br />

Les cinq possédés guéris <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt qu'on leur désigne Jésus<br />

1. Mathaël repr<strong>en</strong>d alors seul : « Il est parmi nous, mais ils sont <strong>de</strong>ux à se ressembler<br />

fort, <strong>et</strong> nos s<strong>en</strong>s extérieurs aurai<strong>en</strong>t fort à faire pour déci<strong>de</strong>r lequel <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux est le vrai. Je p<strong>en</strong>se que ce doit être celui qui s'est <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>u plusieurs fois<br />

avec Cyrénius. Mais ce pourrait aussi être l'autre ; car il rayonne <strong>de</strong> leurs <strong>de</strong>ux<br />

visages comme une très <strong>grand</strong>e sagesse ! Nous avons déjà <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du celui-ci, <strong>et</strong> sa<br />

parole était imposante, sage <strong>et</strong> grave, mais ce pourrait être aussi bi<strong>en</strong> la parole<br />

d'un homme sage ; quant à l'autre, il n'a <strong>en</strong>core ri<strong>en</strong> dit, peut-être parce qu'il ne<br />

veut pas être reconnu avant son temps. L'un d'<strong>en</strong>tre nous a-t-il le courage<br />

d'adresser la parole à c<strong>et</strong> homme qui se tait toujours ? »<br />

2. C<strong>et</strong> homme sil<strong>en</strong>cieux était Jacques le Majeur, qui, comme on le sait, Me<br />

ressemblait physiquem<strong>en</strong>t beaucoup <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus se vêtait <strong>de</strong> la même manière que<br />

J'avais coutume <strong>de</strong> le faire.<br />

3. Sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> Mathaël, les quatre autres se levèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin <strong>et</strong> discutèr<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>tre eux pour savoir lequel <strong>de</strong>s cinq <strong>de</strong>vait adresser la parole à Jacques, <strong>et</strong> <strong>en</strong><br />

quels termes. Mais aucun d'<strong>en</strong>tre eux n'<strong>en</strong> trouva finalem<strong>en</strong>t le courage, <strong>et</strong><br />

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Mathaël, se tournant à nouveau vers l'aimable Cyrénius, lui <strong>de</strong>manda <strong>en</strong> <strong>grand</strong><br />

secr<strong>et</strong> s'il était possible que l'insigne <strong>et</strong> puissant Sauveur fût c<strong>et</strong> homme qui se<br />

taisait, ou si J'étais bi<strong>en</strong> celui-là ; car ils aurai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> voulu le savoir égalem<strong>en</strong>t<br />

par leurs s<strong>en</strong>s extérieurs, afin <strong>de</strong> pouvoir aussi Me r<strong>en</strong>dre les honneurs<br />

extérieurem<strong>en</strong>t, suivant l'impulsion <strong>de</strong> leur cœur, sans se tromper <strong>de</strong> personne !<br />

4. Cyrénius dit : « Il ne m'a pas <strong>en</strong>core expressém<strong>en</strong>t signifié <strong>de</strong> vous Le désigner<br />

plus précisém<strong>en</strong>t ; mais cela n'a pas <strong>grand</strong>e importance pour le mom<strong>en</strong>t, car il<br />

voit avant tout dans le cœur <strong>de</strong>s hommes. Or, vos cœurs sont assurém<strong>en</strong>t<br />

désormais aussi parfaits qu'ils peuv<strong>en</strong>t l'être <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> il ne vous faut ri<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong> plus pour le mom<strong>en</strong>t ; lorsqu'il le voudra <strong>et</strong> que ce sera utile pour votre salut,<br />

Il saura bi<strong>en</strong> Lui-même Se faire mieux connaître <strong>de</strong> vous. Au surplus, je p<strong>en</strong>se<br />

que si vous nous observez un peu au cours <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te journée, votre émin<strong>en</strong>te<br />

sagesse ne saurait manquer <strong>de</strong> découvrir lequel d'<strong>en</strong>tre eux est le vrai <strong>et</strong> le seul<br />

tout-puissant. »<br />

5. Les cinq hommes se cont<strong>en</strong>tèr<strong>en</strong>t provisoirem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réponse, <strong>et</strong> ils se<br />

mir<strong>en</strong>t alors pour la première fois à examiner d'un peu plus près la contrée<br />

al<strong>en</strong>tour <strong>et</strong> à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>en</strong>tre eux où ils pouvai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> être. Ils avai<strong>en</strong>t déjà<br />

reconnu qu'ils se trouvai<strong>en</strong>t au bord <strong>de</strong> la mer <strong>de</strong> Galilée, mais ne pouvai<strong>en</strong>t<br />

préciser <strong>en</strong> quelle contrée.<br />

6. Cyrénius, qui avait presque tout <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, leur dit : « Vous êtes dans les parages<br />

<strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe, <strong>et</strong> sur le domaine <strong>de</strong> Marc, le vieux soldat romain<br />

qui vous a donné du vin, du pain <strong>et</strong> du sel tirés <strong>de</strong> ses réserves. Il n'est pas avec<br />

nous <strong>en</strong> c<strong>et</strong> instant parce qu'il a à faire dans sa maison pour préparer le repas <strong>de</strong><br />

midi ; mais à son r<strong>et</strong>our, vous ferez mieux connaissance avec lui, maint<strong>en</strong>ant que<br />

vous y voyez clair ; car lorsqu'il vous a prés<strong>en</strong>té le pain, le vin <strong>et</strong> le sel, vous<br />

étiez <strong>en</strong>core davantage dans l'autre mon<strong>de</strong> que dans celui-ci, <strong>et</strong> vous n'avez sans<br />

doute guère remarqué sa personne par ailleurs tout à fait honorable. »<br />

7. Mathaël dit : « Oui, oui, tu as parfaitem<strong>en</strong>t raison ! Nous avons sans doute<br />

conservé l'état intérieur <strong>de</strong> clairvoyance qui fut le nôtre dès notre réveil ; mais<br />

alors, tout nous paraissait très effrayant <strong>et</strong> d'une étrange tristesse. Mais les choses<br />

ont pris peu à peu une appar<strong>en</strong>ce plus aimable, <strong>et</strong> la contrée tout <strong>en</strong>tière est<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue bi<strong>en</strong> plus lumineuse <strong>et</strong> riante, <strong>et</strong> c'est ainsi que nous sommes <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us<br />

nous-mêmes plus aimables, plus luci<strong>de</strong>s <strong>et</strong> d'une certaine manière plus gais, sans<br />

que cela ôte ri<strong>en</strong> à nos véridiques visions intérieures.<br />

8. La vérité, ami, reste toujours la vérité ! Mais ce mon<strong>de</strong> est bi<strong>en</strong> changeant, <strong>et</strong><br />

aussi ses <strong>en</strong>fants, tout cela du jour au l<strong>en</strong><strong>de</strong>main. On ne peut se reposer<br />

soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t sur personne ; car celui qui est ton ami aujourd'hui ne le sera plus<br />

<strong>de</strong>main, ou bi<strong>en</strong> une méchante rumeur aura insinué <strong>en</strong> lui quelque soupçon à ton<br />

suj<strong>et</strong> <strong>et</strong>'il aura déjà cessé d'être ton ami pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> ton pire juge !<br />

9. C'est ainsi qu'il n'y a <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> aucune constance, ni dans les choses, ni<br />

<strong>en</strong>tre les hommes ! Pourtant, le Seigneur disposera tout cela pour le plus <strong>grand</strong><br />

bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s hommes ! »<br />

65


Chapitre 35<br />

Jésus, héros du combat contre la mort<br />

1. Un autre <strong>de</strong>s cinq dit : « Oui, frère, c'est là-<strong>de</strong>ssus que se fon<strong>de</strong> désormais tout<br />

notre espoir ! Il Lui faudra certes livrer Lui-même un dur combat contre la<br />

puissance <strong>de</strong> la mort ; mais il n'y a plus à douter <strong>de</strong> Sa sûre victoire ! Car il<br />

connaît la faiblesse <strong>de</strong> la mort <strong>et</strong> toutes ses limites, <strong>et</strong> Il sait aussi que la seule<br />

force que la mort recèle <strong>en</strong>core <strong>en</strong> elle n'est pas autre chose qu'une aspiration à la<br />

vie, si réprimée soit-elle ; <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te seule force ne peut ri<strong>en</strong> faire contre Lui, mais<br />

uniquem<strong>en</strong>t agir pour Lui <strong>et</strong> avec Lui dans le combat contre elle, sous peine <strong>de</strong> se<br />

vouer elle-même à une totale impuissance <strong>et</strong> donc à la mort complète !<br />

2. La vie combattante, c'est-à-dire Lui-même, doit nécessairem<strong>en</strong>t conserver<br />

éternellem<strong>en</strong>t l'avantage sur toute la puissance <strong>de</strong> la mort, parce que la mort<br />

absolue est <strong>en</strong> vérité dépourvue <strong>en</strong> soi <strong>de</strong> toute force <strong>et</strong> pareille à une pierre<br />

inerte, dont celui qui la lance peut faire ce qu'il veut grâce à la force <strong>de</strong> vie qui<br />

anime sa main.<br />

3. Mais s'il y a dans la mort, comme dans la chair physiquem<strong>en</strong>t animée <strong>de</strong><br />

l'homme, une quelconque force, c<strong>et</strong>te force est <strong>en</strong>core une vie, bi<strong>en</strong> qu'à un<br />

niveau très inférieur ; <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te vie ne voudra assurém<strong>en</strong>t jamais livrer combat à la<br />

vraie vie pour son propre anéantissem<strong>en</strong>t, mais se cramponnera au contraire à la<br />

vie <strong>et</strong> combattra avec elle la force supposée <strong>de</strong> la mort, <strong>de</strong> même qu'un mourant<br />

saisit avec avidité la coupe du salut <strong>et</strong> la porte à sa bouche afin <strong>de</strong> conserver ainsi<br />

plus longtemps la vraie vie <strong>et</strong> finalem<strong>en</strong>t d'être <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t repris par elle.<br />

4. Quand la vie s'est trouvée elle-même, comme dans ce Sauveur que nous<br />

n’avons pas <strong>en</strong>core reconnu avec certitu<strong>de</strong> jusqu'ici, elle est déjà parfaitem<strong>en</strong>t<br />

divine, <strong>et</strong> il ne peut alors plus exister hors d'elle aucune force capable <strong>de</strong> la<br />

vaincre, parce qu'il ne peut plus y avoir d'autre force qu'elle-même !<br />

5. Nous savons ce qu'est c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> ce que sont le soleil, la lune <strong>et</strong> les astres<br />

sans nombre — ce sont pour la plupart <strong>de</strong>s corps célestes d'une taille gigantesque,<br />

certains indiciblem<strong>en</strong>t plus <strong>grand</strong>s que c<strong>et</strong>te terre. En eux-mêmes, c'est-àdire<br />

selon leur imm<strong>en</strong>se corps, ils sont sans doute morts ; pourtant, la force <strong>de</strong> la<br />

vie divine impose à tous ces innombrables corps un mouvem<strong>en</strong>t forcé, <strong>et</strong> qui<br />

n'est pas simple, mais fort complexe.<br />

6. Que peuv<strong>en</strong>t ces innombrables mon<strong>de</strong>s géants contre la contrainte que leur<br />

impose continuellem<strong>en</strong>t la force <strong>de</strong> la vie divine parfaitem<strong>en</strong>t libre ? Ri<strong>en</strong> ! La<br />

force <strong>de</strong> vie divine les pousse sur leurs trajectoires incomm<strong>en</strong>surables comme<br />

<strong>de</strong>s grains <strong>de</strong> poussière chassés par la tempête, <strong>et</strong> leur nombre sans fin ne peut<br />

davantage résister à c<strong>et</strong>te force <strong>de</strong> vie parfaitem<strong>en</strong>t libre que les myria<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

grains <strong>de</strong> poussière ne résist<strong>en</strong>t à la tempête qui les soulève sur une lan<strong>de</strong> déserte<br />

<strong>et</strong> les emporte au loin dans les airs !<br />

7. C'est pourquoi Il vaincra <strong>et</strong> a <strong>en</strong> vérité vaincu <strong>de</strong>puis longtemps ! Mais pour<br />

l'amour <strong>de</strong>s hommes, afin qu'ils ai<strong>en</strong>t leur part <strong>de</strong> la victoire <strong>de</strong> la vie sur la mort,<br />

c'est un nouveau <strong>et</strong> <strong>de</strong>rnier combat qui aura lieu désormais !<br />

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8. Et je vois une phrase écrite sur toute l'ét<strong>en</strong>due <strong>de</strong> l'infini d'une écriture<br />

éternellem<strong>en</strong>t rayonnante, <strong>et</strong> voici ce qui est écrit (écoutez !) : "Lui qui est la Vie<br />

même <strong>de</strong> toute éternité, Il a pleinem<strong>en</strong>t vaincu la mort pour toujours avec les<br />

armes <strong>de</strong> la mort elle-même ; <strong>et</strong> il fallait que la mort fût vaincue pour toujours<br />

afin que toute vie fût libérée par Lui seul, qui a livré combat <strong>de</strong> toute éternité !<br />

Aussi, gloire à Toi seul, ô Toi l'unique éternellem<strong>en</strong>t <strong>grand</strong> ! »<br />

9. Ces paroles bouleversèr<strong>en</strong>t à tel point tous les assistants que tous se j<strong>et</strong>èr<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>vant Moi face contre terre <strong>et</strong> crièr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toutes leurs forces : « Oui, oui, oui, à<br />

Toi seul toute gloire, ô Toi l'unique éternellem<strong>en</strong>t <strong>grand</strong> ! »<br />

10. Alors, par c<strong>et</strong> acte, les cinq Me reconnur<strong>en</strong>t ; <strong>et</strong> Mathaël, tout inondé <strong>de</strong><br />

larmes <strong>de</strong> reconnaissance, dit <strong>en</strong>fin avec une profon<strong>de</strong> émotion : « Ainsi, c'est<br />

Toi — Toi — l'unique <strong>grand</strong> Éternel ! Oh, quelle vision, pour nous qui sommes<br />

morts, que <strong>de</strong> pouvoir Te regar<strong>de</strong>r, Toi le seul vivant ! » — Puis il se tut, se<br />

plongeant comme tous les autres dans une profon<strong>de</strong> contemplation.<br />

Chapitre 36<br />

Paroles du Seigneur sur la vraie vénération <strong>de</strong> Dieu<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, Je dis à tous ceux qui étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core à terre <strong>de</strong>vant Moi : « Levezvous,<br />

amis <strong>et</strong> frères ! La vénération que vous Me témoignez à prés<strong>en</strong>t est certes<br />

légitime, car elle est due à Celui qui est <strong>en</strong> Moi, le Père éternel ! Mais Il est<br />

toujours <strong>en</strong> Moi, <strong>de</strong> même que Je suis <strong>en</strong> Lui <strong>et</strong> vous tous égalem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> vous<br />

<strong>de</strong>vriez donc, dans votre imm<strong>en</strong>se respect, <strong>de</strong>meurer sans cesse couchés dans la<br />

poussière. Ce ne serait assurém<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>s plus agréable, ni pour vous, ni pour<br />

Moi, <strong>et</strong> ni vous ni Moi n'<strong>en</strong> aurions finalem<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> plus.<br />

2. Voyez-vous, il suffit une fois pour toutes que vous croyiez <strong>en</strong> Moi, que vous<br />

M'aimiez comme l'un <strong>de</strong> vos meilleurs frères <strong>et</strong> amis <strong>et</strong> vous conformiez à Mes<br />

paroles ; ce qui vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sus ne vaut ri<strong>en</strong>, puisque Je ne suis jamais v<strong>en</strong>u <strong>en</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> pour que les hommes Me manifest<strong>en</strong>t une vénération idolâtre comme à un<br />

Mercure ou à un Apollon, mais pour guérir tous les mala<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> du corps<br />

<strong>et</strong> pour montrer aux hommes le vrai chemin <strong>de</strong> la vie éternelle ! C'est tout ce que<br />

Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ; tout le reste est vain, stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> idolâtre, <strong>et</strong> ne mène à ri<strong>en</strong>.<br />

3. Il est vrai que l'homme doit sans relâche adorer Dieu, son Créateur, puisque<br />

Dieu est <strong>en</strong> Soi sacré <strong>et</strong> donc digne <strong>de</strong> toute vénération ; mais Dieu est aussi <strong>en</strong><br />

Soi esprit, <strong>et</strong> ne peut donc être adoré qu'<strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité.<br />

4. Et que veut dire adorer Dieu <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité ? Cela veut dire<br />

exactem<strong>en</strong>t : croire <strong>en</strong> tout temps à l'unique vrai Dieu, L'aimer <strong>de</strong> toutes ses<br />

forces par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>et</strong> se t<strong>en</strong>ir à Ses comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts faciles à observer !<br />

5. Celui qui agit ainsi, tout d'abord prie sans relâche, <strong>en</strong>suite prie Dieu <strong>en</strong> esprit<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité ; car sans action, toute prière <strong>de</strong>s lèvres n'est qu'un pur<br />

m<strong>en</strong>songe qui ne saurait honorer Dieu, la vérité éternelle, mais seulem<strong>en</strong>t Le<br />

déshonorer !<br />

6. Aussi, levez-vous comme <strong>de</strong>s hommes libres, comme Mes frères <strong>et</strong> Mes amis,<br />

67


ne vous comportez plus <strong>en</strong>vers Moi comme <strong>de</strong>s idolâtres <strong>et</strong> ne Me dévoilez pas<br />

prématurém<strong>en</strong>t au mon<strong>de</strong> ; car cela ferait au mon<strong>de</strong> beaucoup plus <strong>de</strong> mal que <strong>de</strong><br />

bi<strong>en</strong> ! »<br />

7. À ces Mi<strong>en</strong>nes paroles, tous se relèv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> terre, <strong>et</strong> Mathaël dit : « Oui, <strong>en</strong><br />

vérité, un Dieu empli <strong>de</strong> la sagesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'amour les plus élevés ne peut parler<br />

qu'ainsi ! Oh, combi<strong>en</strong> mes p<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> mes s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts sont différ<strong>en</strong>ts à prés<strong>en</strong>t !<br />

— Ô Seigneur, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds c<strong>et</strong>te unique prière : ne perm<strong>et</strong>s jamais que notre âme soit<br />

soumise à une nouvelle épreuve comme celle dont Ton amour, Ta miséricor<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

Ta puissance nous ont délivrés ! »<br />

8. Je dis : « Demeurez <strong>en</strong> Moi <strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dant Ma parote, <strong>en</strong> l'observant <strong>et</strong> <strong>en</strong> y<br />

conformant votre exist<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> Ma force <strong>et</strong> Mon amour seront <strong>en</strong> vous <strong>et</strong> vous<br />

protégeront <strong>de</strong> toute dure épreuve (*) à l'av<strong>en</strong>ir !<br />

9. Mes disciples ont déjà noté par écrit tout ce qui est le plus indisp<strong>en</strong>sable à<br />

l'homme ; lisez cela, compr<strong>en</strong>ez-le <strong>et</strong> conformez-y vos actes, <strong>et</strong> vous n'aurez<br />

besoin <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> d'autre jusqu'au temps <strong>de</strong> Mon élévation ! » Et les cinq se cont<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> cela.<br />

10. Cep<strong>en</strong>dant, Je Me tourne vers Cyrénius <strong>et</strong> lui dis : « Ami, nous <strong>en</strong> avons<br />

terminé ici, aussi allons-nous à prés<strong>en</strong>t nous r<strong>en</strong>dre auprès <strong>de</strong>s autres prisonniers<br />

<strong>et</strong> voir dans quelle mesure ils ont gravem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>freint les lois <strong>de</strong> Rome. Mais<br />

pr<strong>en</strong>ds gar<strong>de</strong> : il ne sera pas particulièrem<strong>en</strong>t facile <strong>de</strong> leur faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre raison,<br />

car les argum<strong>en</strong>ts du mon<strong>de</strong> ne leur manqu<strong>en</strong>t pas ! — À prés<strong>en</strong>t, allons-y ! »<br />

Chapitre 37<br />

Jules hésite à interroger les autres criminels<br />

1. Cyrénius Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors : « Mais, Seigneur, que faut-il faire <strong>de</strong> ces cinq-là<br />

? Regar<strong>de</strong>, ils sont plus qu'à <strong>de</strong>mi nus ! Dois-je les vêtir ? J'ai certes <strong>de</strong>s<br />

vêtem<strong>en</strong>ts avec moi ; mais ce sont <strong>de</strong>s vêtem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> fonction, que nul n'a le droit<br />

<strong>de</strong> porter s'il n'est fonctionnaire <strong>de</strong> Rome. Ce n'est donc pas possible. J'ai aussi<br />

<strong>de</strong>s vêtem<strong>en</strong>ts romains <strong>de</strong> serviteurs ; mais pour moi, ces cinq hommes à la<br />

sagesse si saisissante sont évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t trop émin<strong>en</strong>ts pour porter un tel habit ;<br />

que faut-il donc faire ? »<br />

2. Je dis : « L'habit n'a d'autre signification que celle <strong>de</strong> couvrir la nudité du<br />

corps, que ce soit un habit <strong>de</strong> haut fonctionnaire ou <strong>de</strong> serviteur ; peu importe<br />

donc pour l'instant que tu les vêtes d'un habit <strong>de</strong> fonctionnaire ou <strong>de</strong> serviteur.<br />

Pour moi, cep<strong>en</strong>dant, l'habit <strong>de</strong> serviteur est bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> celui du fonctionnaire,<br />

aussi, donne-leur c<strong>et</strong> habit ; car s'ils portai<strong>en</strong>t l'autre, ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t,<br />

à cause <strong>de</strong> lui, la risée du mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> ils sont trop bons pour cela, bi<strong>en</strong> qu'<strong>en</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> nul ne soit bon à proprem<strong>en</strong>t parler ! Mais avec le temps, ils auront bi<strong>en</strong><br />

assez <strong>de</strong> moqueries à supporter pour l'amour <strong>de</strong> Mon nom, <strong>et</strong> c'est pourquoi Je ne<br />

veux pas que le mon<strong>de</strong> se moque d'eux avant le temps <strong>et</strong> pour l'amour du mon<strong>de</strong>.<br />

»<br />

(*) Ici, Versuchung : littéralem<strong>en</strong>t, « t<strong>en</strong>tation », donc mise à l'épreuve. (N.d.T.)<br />

68


3. Ent<strong>en</strong>dant cela, Cyrénius <strong>en</strong>voie aussitôt plusieurs serviteurs chercher les<br />

meilleurs habits <strong>de</strong> service qu'ils puiss<strong>en</strong>t trouver. En peu d'instants, les habits<br />

sont apportés, <strong>et</strong> Cyrénius les fait aussitôt rem<strong>et</strong>tre aux cinq hommes.<br />

4. Et les cinq lui dis<strong>en</strong>t avec la plus sincère gratitu<strong>de</strong> : « Celui qui est <strong>grand</strong><br />

parmi nous te le revaudra ! Car, avec nos haillons déchirés, nous n'étions plus<br />

guère <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> cacher notre pu<strong>de</strong>ur aux yeux du mon<strong>de</strong> ; aussi, sois-<strong>en</strong> une<br />

fois <strong>de</strong> plus remercié du fond du cœur ! »<br />

5. Là-<strong>de</strong>ssus, les cinq vont ôter leurs vieux haillons <strong>de</strong>rrière un buisson proche, <strong>et</strong><br />

à leur r<strong>et</strong>our, ils ressembl<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s serviteurs <strong>de</strong> cour romains <strong>de</strong> fort belle allure.<br />

Et comme, fort cont<strong>en</strong>ts, ils se joign<strong>en</strong>t à nous, nous nous r<strong>en</strong>dons aussitôt auprès<br />

<strong>de</strong>s criminels politiques, qui nous att<strong>en</strong><strong>de</strong>nt déjà avec une <strong>grand</strong>e impati<strong>en</strong>ce.<br />

6. Comme nous arrivons près d'eux, ils tomb<strong>en</strong>t aussitôt face contre terre <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt grâce. Les principaux sont au nombre <strong>de</strong> huit ; mais il y <strong>en</strong> a <strong>en</strong>core<br />

quelques autres qui les accompagnai<strong>en</strong>t <strong>et</strong> fur<strong>en</strong>t ainsi capturés avec eux.<br />

7. Je dis alors à Jules : « Ami, c'est ton office <strong>de</strong> les interroger <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

<strong>de</strong>s comptes <strong>en</strong> bonne <strong>et</strong> due forme. »<br />

8. Ent<strong>en</strong>dant cela, Jules dit : « Seigneur, <strong>en</strong> temps ordinaire, une telle besogne ne<br />

m'eût pas précisém<strong>en</strong>t donné mal à la tête, mais il me semble qu'ici, elle<br />

comm<strong>en</strong>ce à me tourner un peu. Tu es là, l'ange est là, <strong>et</strong> il y a aussi Cyrénius,<br />

Tes disciples à prés<strong>en</strong>t d'une extraordinaire sagesse, ainsi que les tr<strong>en</strong>te jeunes<br />

Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> lévites — <strong>et</strong> maint<strong>en</strong>ant ces cinq-là, sans même parler <strong>de</strong> la sage<br />

Jarah ! Mais, Seigneur, ces cinq hommes, oh, ces cinq hommes ! Et c'est <strong>de</strong>vant<br />

tous ces g<strong>en</strong>s que je <strong>de</strong>vrais questionner <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre les criminels politiques qui<br />

sont <strong>de</strong>vant nous ? Oh, ce ne sera pas tâche facile ! Le plus beau <strong>de</strong> toute l'affaire<br />

est <strong>en</strong>core que je ne sais pas très précisém<strong>en</strong>t moi-même EX FUNDAMENTO [sur le<br />

fond] pourquoi ils ont été capturés <strong>et</strong> am<strong>en</strong>és ici <strong>en</strong>chaînés ! Tout ce qu'on sait,<br />

c'est qu'il s'agit d'<strong>en</strong>voyés du Temple <strong>et</strong> que, pour le compte du Temple, ils ont<br />

dû répandre <strong>de</strong> méchantes rumeurs sur Rome. Mais il n'y a personne pour <strong>en</strong><br />

témoigner valablem<strong>en</strong>t ! Comm<strong>en</strong>t donc obt<strong>en</strong>ir leurs aveux ? »<br />

9. Mathaël, qui se ti<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rrière Jules, dit : « Ne t'inquiète pas pour cela ! En ce<br />

qui concerne les témoins, nous sommes là, nous cinq, pas à leur détrim<strong>en</strong>t,<br />

cep<strong>en</strong>dant, mais bi<strong>en</strong> à leur avantage. Car nous fûmes personnellem<strong>en</strong>t les<br />

témoins oculaires <strong>et</strong> auriculaires <strong>de</strong> ce que, pour éviter <strong>de</strong> boire l'eau maudite, ils<br />

ont dû accepter c<strong>et</strong>te mission ; <strong>et</strong> nous les connaissons d'autant mieux, bi<strong>en</strong> sûr<br />

d'un point <strong>de</strong> vue purem<strong>en</strong>t extérieur, que, presque au même mom<strong>en</strong>t, on nous<br />

<strong>en</strong>voya convertir les Samaritains. Ainsi, ils sont sans doute aussi innoc<strong>en</strong>ts que<br />

nous le sommes nous-mêmes <strong>de</strong> ce qui a pu nous arriver. Tu <strong>en</strong> sais maint<strong>en</strong>ant<br />

assez pour pouvoir comm<strong>en</strong>cer ton interrogatoire <strong>en</strong> toute tranquillité, sans te<br />

laisser embarrasser le moins du mon<strong>de</strong> par notre sagesse. »<br />

Chapitre 38<br />

Jules interroge les criminels<br />

69


1. Ayant <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du Mathaël, Jules se s<strong>en</strong>t le cœur plus léger, aussi se tourne-t-il<br />

aussitôt vers les criminels politiques toujours couchés à terre <strong>et</strong> leur dit : «<br />

Levez-vous sans crainte ni hésitation ; car <strong>de</strong>s hommes tels que vous doiv<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong> pouvoir regar<strong>de</strong>r la mort elle-même droit dans les yeux sans crainte ni<br />

tremblem<strong>en</strong>ts ! Nous autres Romains, nous ne sommes ni <strong>de</strong>s tigres ni <strong>de</strong>s léopards,<br />

mais <strong>de</strong>s hommes qui cherch<strong>en</strong>t à soulager l'infortune <strong>de</strong>s hommes plutôt<br />

qu'à l'augm<strong>en</strong>ter ! Cep<strong>en</strong>dant, il faut aussi que vous sachiez que nous ne punissons<br />

aucun crime plus durem<strong>en</strong>t que le m<strong>en</strong>songe ! Chez nous, un faux témoignage<br />

<strong>et</strong> une déclaration impu<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>songère sont punis <strong>de</strong> mort !<br />

Aussi, répon<strong>de</strong>z la vérité à chacune <strong>de</strong> mes questions, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> tant que votre juge<br />

désigné par Dieu, je m'efforcerai plus volontiers, s'il m'apparaît clairem<strong>en</strong>t que<br />

vous me dites toute la vérité, <strong>de</strong> vous sauver <strong>de</strong> tous les maux que <strong>de</strong> vous causer<br />

le moindre préjudice ! Aussi, levez-vous maint<strong>en</strong>ant <strong>et</strong> parlez ouvertem<strong>en</strong>t ! »<br />

2. À ces paroles <strong>de</strong> Jules, les criminels politiques se relèv<strong>en</strong>t, faisant triste figure,<br />

<strong>et</strong> Je dis <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> à Jules dans la langue romaine : « Libère-les d'abord <strong>de</strong> leurs<br />

chaînes ; car celui dont les mains <strong>et</strong> les pieds sont <strong>en</strong>chaînés n'a pas la langue très<br />

déliée ! »<br />

3. À ces Mi<strong>en</strong>nes'paroles, Jules ordonna aux soldats d'ôter les <strong>en</strong>traves <strong>de</strong> ceux<br />

qui étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>chaînés.<br />

4. Ce fut fait sur-le-champ, <strong>et</strong>, lorsque les prisonniers, qui étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tout au<br />

nombre <strong>de</strong> douze, fur<strong>en</strong>t libres <strong>de</strong> toute <strong>en</strong>trave, Jules leur <strong>de</strong>manda : « Qui êtesvous,<br />

où êtes-vous nés ? »<br />

5. L'un d'eux dit au nom <strong>de</strong>s autres : « Seigneur, nous n'avons sur nous aucune<br />

espèce <strong>de</strong> papiers ! Mais si tu veux bi<strong>en</strong> ajouter foi à mes paroles, sache que,<br />

grâce au Temple ainsi qu'à la monstrueuse piété <strong>de</strong> nos stupi<strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts, nous<br />

sommes <strong>de</strong> maudits templiers <strong>et</strong>, tous autant que nous sommes, <strong>en</strong>fants <strong>de</strong><br />

Jérusalem. La loi mosaïque <strong>de</strong>vrait bi<strong>en</strong> un jour être modifiée selon le simple bon<br />

s<strong>en</strong>s pour ce qui concerne les relations <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants avec leurs par<strong>en</strong>ts, afin que les<br />

<strong>en</strong>fants <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us raisonnables par le fait du hasard ou <strong>de</strong> la fréqu<strong>en</strong>tation<br />

temporaire d'hommes véritablem<strong>en</strong>t sages ne soi<strong>en</strong>t pas contraints <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer<br />

soumis à leurs par<strong>en</strong>ts ; car ce qui fait le malheur physique <strong>et</strong> spirituel <strong>de</strong> bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants, ce sont bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t leurs par<strong>en</strong>ts stupi<strong>de</strong>s, orgueilleux <strong>et</strong> oints <strong>de</strong>s<br />

huiles les plus néfastes !<br />

6. Vraim<strong>en</strong>t, ce ne peut être un Dieu d'une sagesse supérieure qui a dicté ce<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t à Moïse pour la pauvre humanité ! En vérité, ce comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t,<br />

si l'on ne peut y faire la moindre exception, n'est même pas assez bon pour le<br />

règne animal, sans parler <strong>de</strong>s hommes ! Et c'est à cause <strong>de</strong> notre stricte<br />

observance <strong>de</strong> ce stupi<strong>de</strong> comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, dont l'instigateur n'est peut-être même<br />

pas Dieu, mais Moïse seul ou quelqu'un <strong>de</strong> ses successeurs, que nous<br />

comparaissons maint<strong>en</strong>ant comme criminels <strong>de</strong>vant toi, c'est-à-dire <strong>de</strong>vant un<br />

juge ayant droit <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> mort ! Nous sommes bi<strong>en</strong> servis pour avoir toujours<br />

fidèlem<strong>en</strong>t obéi à <strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts si remarquablem<strong>en</strong>t stupi<strong>de</strong>s ! Et ce qui nous att<strong>en</strong>d<br />

<strong>en</strong>suite, c'est vraisemblablem<strong>en</strong>t soit l'honorable croix, soit la <strong>de</strong>rnière <strong>de</strong>s<br />

servitu<strong>de</strong>s dans les chaînes Perpétuelles <strong>de</strong>s galères ! Car si nous <strong>de</strong>vons dire<br />

toute la vérité sur ce que nous avons fait, certes sous une triple contrainte, aucun<br />

70


Dieu ne nous sauvera <strong>de</strong> l'impitoyable rigueur <strong>de</strong> vos lois ! Et pourtant, il est dit<br />

dans ce beau comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Moïse : "Honore ton père <strong>et</strong> ta mère, afin <strong>de</strong><br />

vivre bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> longtemps sur c<strong>et</strong>te terre !" Et voilà où nous <strong>en</strong> sommes, nous,<br />

pauvres diables ! À quel point nous vivons bi<strong>en</strong>, n'importe qui peut le voir, <strong>et</strong><br />

combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps nous vivrons <strong>en</strong>core, cela ne dép<strong>en</strong>d désormais plus que <strong>de</strong> loi<br />

! Ce que Dieu prom<strong>et</strong> pour l'observation <strong>de</strong> Son quatrième comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t s'accomplit<br />

si magnifiquem<strong>en</strong>t pour nous que tous les diables doiv<strong>en</strong>t vraim<strong>en</strong>t nous<br />

rire au nez, <strong>et</strong> même nous pisser <strong>de</strong>ssus ! »<br />

7. Jules dit : « Mais, mes chers, tout cela est hors <strong>de</strong> propos, <strong>et</strong> vous <strong>de</strong>vez<br />

seulem<strong>en</strong>t répondre aux questions que l'on vous posera ! »<br />

8. À cela, Suétal (ainsi s'appelait l'orateur) répond au nom <strong>de</strong>s douze : «<br />

Seigneur, quand un homme voit une mort certaine lui p<strong>en</strong>dre au nez, ri<strong>en</strong> n'est<br />

hors <strong>de</strong> propos ! Nous ne pouvons nier que nous sommes fautifs <strong>en</strong>vers Rome, <strong>et</strong><br />

ce qui arrive <strong>en</strong> ce cas, ce n'est pas toi, je l'espère, qui voudras le contester ; car<br />

<strong>en</strong> témoigne le glaive tranchant que tu portes, <strong>et</strong> tu as avec toi la loi <strong>et</strong> la force —<br />

toutes choses contre lesquelles un misérable ver <strong>de</strong> terre ne peut ri<strong>en</strong> !<br />

9. Mais comme les seigneurs <strong>de</strong> Rome, malgré toute la rigueur <strong>de</strong> leurs lois, sont<br />

parfois plus humains que les noirs seigneurs du Temple, qui font aujourd'hui<br />

danser le bon Dieu même au son <strong>de</strong> leur flûte, nous comptons exposer à vos<br />

yeux, maîtres sévères, mais pourtant <strong>en</strong>core un peu humains, non seulem<strong>en</strong>t nos<br />

manquem<strong>en</strong>ts ANTI ROMAM [<strong>en</strong>vers Rome], mais aussi ce qui les a causés ; peutêtre<br />

te montreras-tu ainsi plus humain <strong>en</strong>vers nous, pauvres diables — car nous<br />

ne sommes plus <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong>puis longtemps ; précisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>puis le jour où<br />

nous avons échangé l'eau du diable contre la mission <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s agitateurs<br />

contre vous, les Romains. »<br />

10. Jules <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors : « Mais pour quelle raison <strong>de</strong>viez-vous alors boire l'eau<br />

maudite ? Comm<strong>en</strong>t vous étiez-vous donc r<strong>en</strong>dus coupables <strong>en</strong>vers le Temple <strong>et</strong><br />

ses lois ? »<br />

11. Suétal dit : « Exactem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la manière inverse dont nous sommes <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us<br />

coupables aujourd'hui <strong>en</strong>vers vous ! On nous dénonça comme étant <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> vos<br />

amis, à vous, Romains, <strong>et</strong> l'eau du diable fut aussitôt prête ! Mais, étant <strong>de</strong>s<br />

jeunes g<strong>en</strong>s, nous pouvions échapper à l'eau du diable, précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ant<br />

vos <strong>en</strong>nemis, <strong>et</strong> avec cela, nos stupi<strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts ont <strong>en</strong>core dû payer au Temple<br />

une forte am<strong>en</strong><strong>de</strong> expiatoire <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t livres d'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong> lui livrer mille boucs<br />

émissaires bi<strong>en</strong> gras, dont il est probable qu'aucun n'a dû t<strong>en</strong>ter <strong>de</strong> surnager dans<br />

le Jourdain, mais que, tel Joseph, ils ont été <strong>en</strong>voyés sous bonne escorte <strong>en</strong><br />

Egypte, où on les a mangés.<br />

12. C'est donc là la raison qui nous a valu au Temple l'eau du diable <strong>et</strong>, par la<br />

grâce du Temple, votre inimitié ! La seule vraie différ<strong>en</strong>ce est que si nous avions<br />

bu l'eau du diable, nous aurions déjà rejoint <strong>de</strong>puis longtemps le giron du père<br />

Abraham ; mais comme nous avons trouvé grâce aux yeux du Temple, ce n'est<br />

qu'aujourd'hui que nous serons vraisemblablem<strong>en</strong>t contraints <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre une visite<br />

définitive au vieux père Abraham. Nous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>drons bi<strong>en</strong>tôt ta noble bouche<br />

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prononcer le fameux I LICTOR (*) , <strong>et</strong> nous aurons gagné la récomp<strong>en</strong>se promise<br />

pour la stricte observance du quatrième comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Dieu sous l'intitulé :<br />

"Bonne <strong>et</strong> longue vie sur terre !" Si nous <strong>de</strong>vons vraim<strong>en</strong>t être crucifiés, alors,<br />

nous t'<strong>en</strong> prions, fais apposer sur nos croix c<strong>et</strong> intitulé ! »<br />

13. Jules, intérieurem<strong>en</strong>t fort amusé, mais jouant extérieurem<strong>en</strong>t les juges sévères,<br />

dit : « À ce qu'il me semble, vous rej<strong>et</strong>ez toute la faute sur le quatrième<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Moïse ; mais je note que, soit <strong>en</strong> toute bonne foi, soit peutêtre<br />

<strong>de</strong> propos délibéré, vous ne compr<strong>en</strong>ez pas ou ne voulez pas compr<strong>en</strong>dre ce<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. Car il est seulem<strong>en</strong>t dit dans la loi qu'on doit honorer ses<br />

par<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> non qu'on doit leur obéir <strong>en</strong> tout comme à un souverain ; car si, <strong>en</strong> tant<br />

que fils <strong>et</strong> déjà homme, j'ai acquis <strong>de</strong> l'expéri<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> suis <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u sage, je <strong>de</strong>vrais<br />

pourtant compr<strong>en</strong>dre que la vénération réellem<strong>en</strong>t ordonnée par Dieu à travers<br />

Moïse est un juste amour <strong>en</strong>vers mes par<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>core <strong>en</strong> vie.<br />

14. Aussi, lorsqu'il arrive que <strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts faibles exig<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurs <strong>en</strong>fants une<br />

chose qui leur causerait, à eux comme à leurs <strong>en</strong>fants, un <strong>grand</strong> préjudice, il est<br />

du <strong>de</strong>voir <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>ter à leurs par<strong>en</strong>ts aussi clairem<strong>en</strong>t que possible<br />

<strong>et</strong> avec beaucoup d'amour <strong>et</strong> <strong>de</strong> pati<strong>en</strong>ce que leur désir est dommageable, <strong>et</strong> les<br />

par<strong>en</strong>ts y r<strong>en</strong>onceront à coup sûr ; mais s'ils s'obstin<strong>en</strong>t, la désobéissance par<br />

amour auth<strong>en</strong>tique <strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts n'est véritablem<strong>en</strong>t pas un péché, ni <strong>de</strong>vant le<br />

Dieu très sage, ni <strong>de</strong>vant tous les hommes <strong>de</strong> raison.<br />

15. De plus, Moïse lui-même a ajouté dans ses écrits théocratiques une explication<br />

concernant l'obéissance due par les <strong>en</strong>fants à leurs par<strong>en</strong>ts, explication <strong>de</strong><br />

laquelle il ressort clairem<strong>en</strong>t que les <strong>en</strong>fants doiv<strong>en</strong>t obéir à leurs par<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> tout<br />

ce qui n'est pas contraire à la loi.<br />

16. La loi mosaïque est ainsi par là plus que suffisamm<strong>en</strong>t disculpée, <strong>et</strong> la faute,<br />

si les choses sont telles que vous me l'avez dit, peut donc effectivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> être à<br />

la bêtise <strong>de</strong> vos par<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> à leur incompréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la loi, ainsi qu'à votre<br />

mauvaise interprétation du comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t divin selon Moïse, telle qu'elle se<br />

manifeste à prés<strong>en</strong>t.<br />

17. Mais la faute peut aussi <strong>en</strong> être à votre très <strong>grand</strong>e rouerie, qui cep<strong>en</strong>dant sera<br />

à coup sûr dévoilée ici. Car vous avez impru<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t montré votre ruse <strong>en</strong><br />

singeant avec humour, pour vous justifier, le comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> vous<br />

semblez avoir fort mauvais esprit ; nous autres Romains, nous ne pr<strong>en</strong>ons pas si<br />

facilem<strong>en</strong>t pour arg<strong>en</strong>t comptant ces sortes <strong>de</strong> justifications protéiformes ! Aussi<br />

vous faudra-t-il me fournir <strong>de</strong>s explications un peu plus sérieuses <strong>et</strong> paraissant un<br />

peu plus conformes à la vérité si vous voulez pouvoir vous att<strong>en</strong>dre à un<br />

jugem<strong>en</strong>t favorable <strong>de</strong> ma part ! »<br />

Chapitre 39<br />

Suétal parle du Temple <strong>et</strong> du Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h<br />

1. C<strong>et</strong>te argum<strong>en</strong>tation fort plausible <strong>de</strong> Jules fit hésiter les interrogés, <strong>et</strong> Suétal<br />

(*) « Va, licteur » (autrem<strong>en</strong>t dit : « Bourreau, fais ton office »).<br />

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ne savait quelle réponse vraim<strong>en</strong>t convaincante faire à cela. Pourtant, après<br />

quelques instants, il dit fort gravem<strong>en</strong>t : « Tu as parfaitem<strong>en</strong>t raison, mais nous<br />

n'<strong>en</strong> sommes pas moins dans notre plein droit ! Vois-tu, si tu ne cesses <strong>de</strong> dire à<br />

un <strong>en</strong>fant dès le berceau que <strong>de</strong>ux noix plus <strong>de</strong>ux noix font cinq noix, l'<strong>en</strong>fant<br />

croira cela <strong>et</strong> te le répétera, <strong>et</strong> pour finir, il sera bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> le faire sortir <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te illusion lorsqu'il sera <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u un jeune homme <strong>de</strong> quelque maturité. Qui,<br />

jusqu'à c<strong>et</strong>te heure, nous avait expliqué la loi mosaïque comme tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> le<br />

faire ? Que pouvions-nous faire d'autre que <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre c<strong>et</strong>te loi telle qu'elle nous<br />

avait été expliquée <strong>de</strong>puis le berceau ?! Nos par<strong>en</strong>ts ne la compr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t euxmêmes<br />

pas mieux, <strong>et</strong> le Temple tout <strong>en</strong>tier ne la compr<strong>en</strong>d vraisemblablem<strong>en</strong>t ou<br />

ne veut pas la compr<strong>en</strong>dre davantage. Aussi, où aurions-nous pris c<strong>et</strong>te juste<br />

compréh<strong>en</strong>sion ? De plus, <strong>en</strong> tant que templiers novices, nous n'avons jamais lu<br />

tout Moïse, parce que cela n'est permis qu'aux doy<strong>en</strong>s <strong>et</strong> aux docteurs <strong>de</strong> la loi !<br />

À prés<strong>en</strong>t, dis-nous où nous aurions pu pr<strong>en</strong>dre une juste connaissance <strong>de</strong> la loi !<br />

Qui aurait pu nous l'expliquer correctem<strong>en</strong>t, comme tu l'as fait ? »<br />

2. Jules répond : « On <strong>de</strong>vrait pourtant pouvoir supposer à bon droit que <strong>de</strong>s<br />

hommes qui sont au service du Temple <strong>et</strong> port<strong>en</strong>t l'habit <strong>de</strong> prêtre connaiss<strong>en</strong>t au<br />

moins autant leur doctrine divine qu'un paï<strong>en</strong> ! J'ai toujours attaché la plus<br />

<strong>grand</strong>e importance à la religion (*) <strong>de</strong> chaque peuple, parce qu'elle perm<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

connaître très vite <strong>en</strong> profon<strong>de</strong>ur toutes les coutumes <strong>et</strong> les mœurs d'un peuple ;<br />

aussi crois-je avec quelque raison que chacun, dans ce peuple, <strong>de</strong>vrait avoir à<br />

cœur avant tout <strong>de</strong> connaître aussi exactem<strong>en</strong>t que possible la doctrine <strong>de</strong> ses<br />

pères, pour la bonne raison que c<strong>et</strong>te doctrine peut être à elle seule le fil<br />

conducteur <strong>de</strong> la vie sociale <strong>de</strong>s hommes ! En outre, vous n'êtes plus <strong>de</strong>s jeunes<br />

g<strong>en</strong>s, mais <strong>de</strong>s hommes dont on peut bi<strong>en</strong> att<strong>en</strong>dre que — ne fût-ce qu'<strong>en</strong> tant<br />

que prêtres — ils connaiss<strong>en</strong>t leur religion au moins aussi bi<strong>en</strong> que moi qui suis<br />

un étranger ! Qu'<strong>en</strong>seigne-t-on donc dans vos écoles ? »<br />

3. Suétal dit : « On y appr<strong>en</strong>d à lire, à écrire <strong>et</strong> à compter, <strong>et</strong> aussi toutes sortes <strong>de</strong><br />

langues étrangères, <strong>en</strong>fin une sorte <strong>de</strong> résumé <strong>de</strong> l'Écriture où il est avant tout<br />

<strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> la manière la plus pressante que l'on accepte pour vrai <strong>et</strong> issu <strong>de</strong><br />

Dieu tout ce que le Temple veut <strong>et</strong> <strong>en</strong>seigne. Et s'il <strong>en</strong> est ainsi, il faut bi<strong>en</strong> se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r où nous aurions trouvé une connaissance plus approfondie <strong>de</strong> notre<br />

religion ! Cela est facile pour toi qui es un seigneur disposant partout du pouvoir<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> la force. Si tu <strong>en</strong>tres dans une importante synagogue, tu n'as qu'à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r,<br />

<strong>et</strong> le supérieur te perm<strong>et</strong>tra à coup sûr <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre connaissance <strong>de</strong> tout ce que tu<br />

voudras — <strong>et</strong> malheur à lui s'il voulait gar<strong>de</strong>r quelque chose par-<strong>de</strong>vers lui ! Il<br />

sait déjà que tu ferais aussitôt fouiller partout, <strong>et</strong> ce qui l'att<strong>en</strong>drait s'il se découvrait<br />

alors qu'il a dissimulé quelque chose ! Oh, un chef <strong>de</strong> synagogue sait fort<br />

bi<strong>en</strong> cela, aussi te montrera-t-il tout ce que tu voudras, tout comme le <strong>grand</strong><br />

prêtre <strong>de</strong> Jérusalem lui-même doit montrer chaque jour aux étrangers nobles <strong>et</strong><br />

puissants, <strong>et</strong> montre d'ailleurs aussi, pour <strong>de</strong> l'arg<strong>en</strong>t, à d'autres étrangers, le<br />

prét<strong>en</strong>du Saint <strong>de</strong>s Saints où lui-même, selon la croyance populaire, n'a le droit<br />

<strong>de</strong> pénétrer pour le contempler que <strong>de</strong>ux fois dans sa vie ; mais que l'un d'<strong>en</strong>tre<br />

nous exprime le même désir, <strong>et</strong> l'eau du diable ne se fera pas att<strong>en</strong>dre !<br />

(*) Doctrine divine, théologie, religion : c'est toujours le même terme courant<br />

Gotteslehre (lehre = doctrine). (N.d.T.)<br />

73


4. Certains serviteurs du Temple, ceux que l'on nomme très secr<strong>et</strong>s, sav<strong>en</strong>t donc<br />

bi<strong>en</strong> sûr à quoi ressemble le Saint <strong>de</strong>s Saints ; mais, premièrem<strong>en</strong>t, ils reçoiv<strong>en</strong>t<br />

pour cela <strong>de</strong> fort beaux gages, <strong>et</strong> <strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t, on les m<strong>en</strong>ace <strong>de</strong> mille morts à<br />

la moindre trahison, aussi sav<strong>en</strong>t-ils t<strong>en</strong>ir leur langue. On se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'autant<br />

plus <strong>en</strong> ce cas où nous trouverions la vraie lumière dans c<strong>et</strong>te théologie<br />

hautem<strong>en</strong>t mystique qu'on nous <strong>en</strong>seigne !<br />

5. Et puisqu'il est certain que tout se passe comme nous te l'avons expliqué pour<br />

les besoins <strong>de</strong> notre justification, j'espère que, <strong>en</strong> tant que juge <strong>et</strong> <strong>en</strong> tant<br />

qu'homme, tu ne pourras r<strong>en</strong>dre à notre égard qu'un jugem<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t juste.<br />

6. Tu sais sans doute <strong>de</strong>puis longtemps <strong>en</strong> quoi consist<strong>en</strong>t nos crimes : quant à<br />

notre culpabilité <strong>en</strong> cela, j'espère que tu <strong>en</strong> concluras clairem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que nous<br />

t'avons appris <strong>de</strong> nous sans crainte ni réserve ! Mais si tu as d'autres choses à<br />

nous reprocher, dis-le, <strong>et</strong> nous te répondrons sans la moindre crainte ; car celui<br />

qui sait mourir courageusem<strong>en</strong>t sait aussi parler courageusem<strong>en</strong>t!»<br />

7. Jules dit sans s'émouvoir : « Loin <strong>de</strong> moi la p<strong>en</strong>sée <strong>de</strong> vouloir me défier plus<br />

longtemps <strong>de</strong> vos propos, car je ne suis que trop bi<strong>en</strong> convaincu que les choses se<br />

pass<strong>en</strong>t au Temple comme vous v<strong>en</strong>ez <strong>de</strong> le dire : c'est pourquoi je vous ti<strong>en</strong>s<br />

parfaitem<strong>en</strong>t quittes <strong>de</strong> toute culpabilité ; car celui qui tombe d'un toit <strong>et</strong>, dans sa<br />

chute, blesse gravem<strong>en</strong>t un <strong>en</strong>fant qui jouait sous ce toit, ne peut porter la<br />

moindre responsabilité pour cela, <strong>et</strong> à c<strong>et</strong> égard, l'interrogatoire est terminé, <strong>et</strong><br />

vous êtes déclarés parfaitem<strong>en</strong>t innoc<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> absous <strong>de</strong> ce chef.<br />

8. Mais il y a <strong>en</strong>core un "mais", <strong>et</strong> c'est là-<strong>de</strong>ssus que je vais vous questionner à<br />

prés<strong>en</strong>t ; il dép<strong>en</strong>dra beaucoup <strong>de</strong> votre réponse à c<strong>et</strong>te question que je sois votre<br />

ami ou votre <strong>en</strong>nemi, aussi, écoutez-moi bi<strong>en</strong> !<br />

9. Ces temps-ci, vous avez sans doute <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire ici ou là qu'à Nazar<strong>et</strong>h, un<br />

certain Jésus, fils d'un charp<strong>en</strong>tier <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ville, s'était manifesté <strong>en</strong> divers lieux<br />

comme guérisseur, qu'il accomplissait aux yeux <strong>de</strong> tous <strong>de</strong>s choses inouïes <strong>et</strong><br />

répandait dans le peuple une nouvelle doctrine divine. Si vous avez quelque<br />

connaissance <strong>de</strong> cela, dites-le-moi ouvertem<strong>en</strong>t, car cela m'importe beaucoup ! »<br />

10. Suétal dit : « Il est vrai que nous avons <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du murmurer certaines choses,<br />

comme qui dirait <strong>de</strong> loin, mais nous n'<strong>en</strong> savons probablem<strong>en</strong>t pas le c<strong>en</strong>tième <strong>de</strong><br />

ce que tu sais sans doute toi-même <strong>de</strong>puis longtemps. Tout d'abord, nous avons<br />

toujours été occupés principalem<strong>en</strong>t dans les contrées du sud pour remplir notre<br />

belle mission, <strong>et</strong> ne sommes arrivés <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te plaine <strong>de</strong> Galilée qu'il y a peu <strong>de</strong><br />

jours, pour y être d'ailleurs aussitôt arrêtés, aussi ne pouvons-nous savoir que fort<br />

peu <strong>de</strong> chose sur ton guérisseur. Mais il est certain que sa r<strong>en</strong>ommée s'est déjà<br />

ét<strong>en</strong>due jusqu'à Damas <strong>et</strong> Babylone ; quant à la sorte d'homme qu'il est, ce qu'il<br />

fait <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t il guérit les mala<strong>de</strong>s, nous n'<strong>en</strong> savons pas le premier mot <strong>et</strong> serions<br />

nous-mêmes curieux au plus haut point d'<strong>en</strong> appr<strong>en</strong>dre davantage ! Oui, s'il<br />

y a <strong>en</strong>core un Dieu quelque part, il ne peut assister plus longtemps aux abus du<br />

Temple, <strong>et</strong> il faut bi<strong>en</strong> qu'il <strong>en</strong>voie au peuple quelque sauveur (*) !<br />

(*) Ici, « ein Erlöser » : littéralem<strong>en</strong>t, « un libérateur ». Au s<strong>en</strong>s religieux, <strong>de</strong>r<br />

Erlöser signifie « le Sauveur » (donc synonyme <strong>de</strong> Heiland, cf. notre note au chap.<br />

5) ou « le Ré<strong>de</strong>mpteur ». (N.d.T.)<br />

74


11. Nous te le disons, tout ce que l'homme est capable d'imaginer dans sa pire<br />

dépravation <strong>et</strong> dans ses fantasmes les plus sataniques, tout cela est mis <strong>en</strong><br />

pratique <strong>en</strong>tre les vastes murs du Temple ! On s'y adonne aux dép<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

l'humanité à <strong>de</strong>s vices inouïs <strong>et</strong> sans nombre, <strong>et</strong> cela avec une effronterie <strong>et</strong> une<br />

indiffér<strong>en</strong>ce dont tu ne saurais avoir la moindre idée ! Les nobles maîtres du<br />

Temple sembl<strong>en</strong>t accor<strong>de</strong>r aux hommes autant <strong>de</strong> valeur qu'on <strong>en</strong> accor<strong>de</strong><br />

ailleurs à un vulgaire moineau. Je ne dirai ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> la façon dont on transgresse<br />

sans aucun scrupule tous les comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts divins ; mais il s'inv<strong>en</strong>te <strong>et</strong> se<br />

comm<strong>et</strong> là <strong>en</strong>core <strong>de</strong>s atrocités auxquelles le bon Moïse n'avait évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t<br />

jamais songé, sans quoi il aurait certes décrété une c<strong>en</strong>tuple mort <strong>et</strong> un décuple<br />

<strong>en</strong>fer pour punir <strong>de</strong> telles atrocités ! Mais, pour le bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s hommes, il vaut<br />

mieux ne plus perdre une parole sur ce suj<strong>et</strong> !<br />

12. Ce serait assurém<strong>en</strong>t un <strong>grand</strong> service à r<strong>en</strong>dre à l'humanité si l'on pouvait<br />

détruire <strong>en</strong> une seule nuit le Temple <strong>et</strong> ses habitants. Aussi l'humanité a-t-elle<br />

bi<strong>en</strong> besoin d'un libérateur, <strong>et</strong> <strong>de</strong>puis longtemps ; mais ce n'est pas <strong>de</strong> vous, les<br />

Romains, que ce libérateur <strong>de</strong>vrait nous délivrer, nous les Juifs, mais bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> la<br />

dracoarchie (*) proprem<strong>en</strong>t infernale du Temple ! C'est alors, seigneur, que la<br />

pauvre humanité, délivrée <strong>de</strong> son pire <strong>en</strong>nemi, poussera <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s cris <strong>de</strong> joie !<br />

13. Ami, est-il p<strong>en</strong>sée plus audacieuse que <strong>de</strong> croire que le Dieu tout-puissant a<br />

pu faire prés<strong>en</strong>t à un misérable ver <strong>de</strong> terre <strong>de</strong> tout Son pouvoir sur les hommes<br />

<strong>et</strong> sur toutes les autres créatures, à seule fin que ce ver <strong>de</strong> terre puisse aujourd'hui<br />

perpétrer impuném<strong>en</strong>t, selon son bon plaisir d'une malignité absolue, toutes ses<br />

fantaisies les plus sataniques contre les hommes <strong>et</strong> contre toutes les autres<br />

créatures ?! Non, non, seigneur ! Ou il n'y a pas <strong>de</strong> Dieu, ou Dieu laisse <strong>de</strong><br />

nouveau ces diables m<strong>et</strong>tre le comble à leur mesure infernale, comme aux temps<br />

<strong>de</strong> Noé <strong>et</strong> <strong>de</strong> Lot ! Ô <strong>grand</strong> Dieu très saint, où es-Tu, où T'attar<strong>de</strong>s-Tu ? En<br />

vérité, les agissem<strong>en</strong>ts actuels du Temple dépass<strong>en</strong>t tout ce qui se peut<br />

humainem<strong>en</strong>t concevoir ! Extérieurem<strong>en</strong>t, il prés<strong>en</strong>te certes <strong>en</strong>core le même<br />

visage consolateur <strong>et</strong> secourable qu'au temps <strong>de</strong> Salomon ; mais à l'intérieur, il<br />

est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u le pire <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fers ! Mais il vaut mieux ne pas dire un mot <strong>de</strong> plus là<strong>de</strong>ssus,<br />

aussi nous tairons-nous <strong>et</strong> att<strong>en</strong>drons-nous que tu nous <strong>en</strong> appr<strong>en</strong>nes un<br />

peu plus sur ce guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ! »<br />

Chapitre 40<br />

Sur la raison <strong>de</strong> la v<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> Galilée <strong>de</strong>s accusés<br />

1. Jules dit alors : « En ce qui concerne la malignité du Temple, nous sommes<br />

déjà si bi<strong>en</strong> r<strong>en</strong>seignés là-<strong>de</strong>ssus, nous Romains, que vous ne pouvez plus ri<strong>en</strong><br />

nous appr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> nouveau ni <strong>de</strong> surpr<strong>en</strong>ant ; aussi le châtim<strong>en</strong>t ne tar<strong>de</strong>ra-t-il<br />

plus longtemps, vous pouvez <strong>en</strong> être assurés.<br />

2. Si nous n'avons pas <strong>en</strong>core <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong>s comptes au Temple, c'est à cause <strong>de</strong><br />

la stupidité du peuple qui, <strong>en</strong>core trop naïf, ti<strong>en</strong>t toujours le Temple pour une<br />

institution sacrée <strong>et</strong> cherche <strong>en</strong> lui son salut. Si nous nous attaquions maint<strong>en</strong>ant<br />

(*) Du grec drakos, dragon.<br />

75


au Temple, nous aurions <strong>en</strong>core, à peu d'exceptions près, tout le peuple contre<br />

nous ; mais quand, assurém<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt, au moins le plus <strong>grand</strong> nombre saura ce<br />

que c'est exactem<strong>en</strong>t que le Temple, il nous sera facile d'<strong>en</strong> finir tout à fait avec<br />

lui. Et c'est précisém<strong>en</strong>t là que la nouvelle doctrine très pure <strong>et</strong> véridique du<br />

<strong>grand</strong> Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h apportera sa contribution la plus décisive, lorsqu'elle<br />

se sera tant soit peu répandue dans le peuple ; car c<strong>et</strong>te doctrine est aussi claire<br />

que le soleil <strong>en</strong> plein midi <strong>et</strong> peut être aisém<strong>en</strong>t comprise par tout homme dont le<br />

cœur est gouverné par la bonne volonté. Mais bi<strong>en</strong> sûr, là où le cœur <strong>de</strong>s hommes<br />

est déjà foncièrem<strong>en</strong>t corrompu, c<strong>et</strong>te doctrine ne sera pas acceptée, si<br />

divinem<strong>en</strong>t pure qu'elle soit ! Mais c'est alors le glaive romain qui prononcera un<br />

jugem<strong>en</strong>t d'une portée que le mon<strong>de</strong> n'avait <strong>en</strong>core jamais connue ; car alors, le<br />

bras <strong>de</strong> Dieu sera avec celui <strong>de</strong>s Romains. — Ainsi, soyez tranquillisés !<br />

3. Mais passons à autre chose. Vous avez m<strong>en</strong>tionné tout à l'heure que vos<br />

m<strong>en</strong>ées contre Rome ont surtout eu lieu au sud <strong>de</strong> la Judée <strong>et</strong> que vous n'êtes<br />

arrivés que très récemm<strong>en</strong>t ici, <strong>en</strong> Galilée. Je voudrais donc savoir quel succès<br />

ont r<strong>en</strong>contré vos provocations contre Rome, <strong>et</strong> ce qui vous a poussés à v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong><br />

Judée. »<br />

4. Suélal dit : « Seigneur, dans les contrées du Sud, nous n'avons fait que boire <strong>et</strong><br />

manger sans oser laisser échapper la moindre parole contre Rome, car nous y<br />

avons trouvé la plupart <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s fort bi<strong>en</strong> disposés <strong>en</strong>vers les Romains ! Au<br />

contraire, nous n'avons pas manqué, chaque fois que c'était possible, <strong>de</strong> répandre<br />

quelques brûlots à propos <strong>de</strong>s méfaits du Temple ; <strong>et</strong> c'est <strong>en</strong> nous montrant ainsi<br />

bi<strong>en</strong> plus hostiles au Temple qu'aux Romains que nous avons brûlé nos <strong>de</strong>rniers<br />

vaisseaux, il y a peu, dans un repaire <strong>de</strong> partisans jurés du Temple. On se mit à<br />

nous rechercher discrètem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> nous n'eûmes plus qu'à nous <strong>en</strong>fuir à toutes<br />

jambes.<br />

5. Dans la nuit <strong>et</strong> le brouillard, nous avons fui par la Samarie, <strong>et</strong>, au bout <strong>de</strong><br />

quelques jours, nous sommes arrivés dans ce pays <strong>en</strong> franchissant la montagne.<br />

Là, nous avons bi<strong>en</strong>tôt r<strong>en</strong>contré <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s qui ne parlai<strong>en</strong>t pas dans les meilleurs<br />

termes <strong>de</strong> l'oppression romaine, soit qu'ils euss<strong>en</strong>t une bonne raison pour cela,<br />

soit qu'ils ne le fiss<strong>en</strong>t que pour nous t<strong>en</strong>dre un piège, à nous, pauvres balourds ;<br />

bref, savoir si c'était l'un ou l'autre dépassait un peu trop notre <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. C'est<br />

ainsi que nous <strong>en</strong>tonnâmes inconsidérém<strong>en</strong>t leur p<strong>et</strong>it refrain, <strong>et</strong> y ajoutâmes<br />

même tant <strong>et</strong> plus PROPTER FORMAM [pour la forme]. Mais avant que trois jours<br />

se fuss<strong>en</strong>t écoulés, nous fûmes tous arrêtés <strong>et</strong> appréh<strong>en</strong>dés par <strong>de</strong>s soldats<br />

romains, ainsi que quatre ou cinq <strong>de</strong> ceux avec qui nous avions fait chorus. Et<br />

tels nous fûmes liés <strong>en</strong>semble là-bas, tels nous fûmes am<strong>en</strong>és ici. Tu sais<br />

désormais tout ce qu'il y a à savoir <strong>de</strong> nous, <strong>et</strong> peux donc porter sur nous un<br />

jugem<strong>en</strong>t compl<strong>et</strong>. »<br />

6. Jules dit : « Je m'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>s à mon premier jugem<strong>en</strong>t où je vous déclarais<br />

innoc<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> toute faute ; mais il s'agit maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> résoudre une tout autre<br />

question, que l'on peut résumer brièvem<strong>en</strong>t ainsi : qu'allez-vous faire à prés<strong>en</strong>t ?<br />

Il vous est impossible <strong>de</strong> r<strong>et</strong>ourner au Temple, <strong>et</strong> r<strong>en</strong>trer à Jérusalem chez vos<br />

par<strong>en</strong>ts ne serait guère plus opportun ; ce n'est pas précisém<strong>en</strong>t le meilleur sort<br />

qui vous att<strong>en</strong>drait là-bas ! — Que p<strong>en</strong>sez-vous donc faire maint<strong>en</strong>ant ? »<br />

76


7. Suétal dit : « Seigneur, c'est là un point fort délicat ! Accor<strong>de</strong>-nous un peu <strong>de</strong><br />

temps pour y réfléchir comme il se doit ! »<br />

8. Cep<strong>en</strong>dant, Mathaël, qui se t<strong>en</strong>ait non loin d'eux, dit à Suétal : « Écoute-moi,<br />

je vais te donner un conseil dont, si tu le suis, tu ne seras pas mécont<strong>en</strong>t ! »<br />

9. Suétal dit : « N'es-tu pas un <strong>de</strong>s cinq qui ont été am<strong>en</strong>és ici avec nous ?<br />

(Mathaël approuve.)<br />

10. En ce cas, comm<strong>en</strong>t peux-tu, toi qui es, sans doute par mom<strong>en</strong>ts seulem<strong>en</strong>t,<br />

un fou furieux, nous donner un conseil raisonnable ?! On vous a pourtant bi<strong>en</strong><br />

am<strong>en</strong>és ici tous les cinq soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>en</strong>chaînés, comme fous furieux dangereux,<br />

c'est-à-dire possédés ! Qui vous a guéris ? Car tu parles à prés<strong>en</strong>t si clairem<strong>en</strong>t<br />

que tu dois être guéri ! Sur le bateau, tu ne faisais que mugir comme un taureau<br />

ou rugir comme un lion, quand tu ne hurlais pas comme un loup ; <strong>et</strong> quand tu<br />

proférais <strong>de</strong>s paroles, <strong>de</strong> la voix la plus perçante qui soit, ce n'étai<strong>en</strong>t que<br />

blasphèmes, imprécations <strong>et</strong> malédictions ! Bref, tu es bi<strong>en</strong> le même homme,<br />

bi<strong>en</strong> que tu portes à prés<strong>en</strong>t un habit, romain, <strong>et</strong> je ne saurais trop m'étonner que<br />

tu <strong>en</strong> sois v<strong>en</strong>u à une telle clarté d'esprit ; quelqu'un <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te noble compagnie a<br />

dû te guérir ainsi que tes compagnons ! Mais qui ? Où est ce guérisseur<br />

miraculeux ?<br />

11. Mais att<strong>en</strong>ds ! Quelque chose me revi<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t ! Le seigneur qui nous a<br />

interrogés nous a posé une question sur le Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ; il voulait savoir<br />

si nous avions déjà <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler <strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme. Nous lui avons dit le peu que<br />

nous connaissions par ouï-dire.<br />

12. Nous avons alors <strong>de</strong>mandé à <strong>en</strong> savoir un peu plus sur c<strong>et</strong> homme si singulier,<br />

mais nous n'avons pas reçu la réponse souhaitée ; <strong>et</strong> c'est toi maint<strong>en</strong>ant<br />

qui nous m<strong>et</strong>s sur la voie ! Tu es guéri, ainsi que tes compagnons, cela ne fait<br />

plus le moindre doute ; mais <strong>de</strong> ce fait même, il semble que la prés<strong>en</strong>ce ici du<br />

Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, m<strong>en</strong>tionné comme par hasard par ce noble seigneur<br />

romain, ne fasse plus aucun doute non plus ! Il faut qu'il soit ici ; aucun autre<br />

mortel n'aurait pu vous guérir sur c<strong>et</strong>te terre ! Dis-nous si notre question est<br />

fondée ; ce n'est qu'<strong>en</strong>suite que nous voudrons bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ton conseil à propos<br />

<strong>de</strong> notre av<strong>en</strong>ir ! »<br />

Chapitre 41<br />

Mathaël conte ses tribulations <strong>et</strong> sa guérison<br />

1. Mathaël dit : « Eh bi<strong>en</strong>, frère, nous étions compagnons au Temple <strong>et</strong> avons<br />

partagé le même sort, à c<strong>et</strong>te différ<strong>en</strong>ce que vous êtes partis vers le midi <strong>et</strong> que<br />

nous avons dû aller vers le levant. Mais nous sommes tombés <strong>en</strong>tre les mains<br />

d'une hor<strong>de</strong> <strong>de</strong> diables incarnés, <strong>et</strong> c'est ainsi que nos corps sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us la <strong>de</strong>meure<br />

<strong>de</strong> diables sans nombre ; mais il y avait ici un guérisseur, à coup sûr le<br />

plus <strong>grand</strong> que la terre ait jamais porté, <strong>et</strong> il nous a guéris sans la moindre rétribution<br />

par la seule puissance <strong>de</strong> sa parole qui comman<strong>de</strong> à toute vie.<br />

2. Oui, il est ici, <strong>et</strong> c'est celui-là même que le capitaine romain Jules a m<strong>en</strong>tionné<br />

77


dans sa question ; mais le mom<strong>en</strong>t n'est pas <strong>en</strong>core v<strong>en</strong>u pour vous <strong>de</strong> faire plus<br />

ample connaissance avec lui. C'est lui-même qui déci<strong>de</strong>ra quand vous pourrez<br />

mieux le connaître ! Aussi, ne posez plus <strong>de</strong> questions là-<strong>de</strong>ssus <strong>et</strong> écoutez ce<br />

que je vais vous dire.<br />

3. Il est vrai que vous êtes <strong>en</strong>core <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, mais vous pouvez<br />

aussi, si vous le voulez, accé<strong>de</strong>r à la filiation divine qui donne la liberté <strong>et</strong> la vie.<br />

Ces seigneurs <strong>de</strong> Rome vous <strong>en</strong> procureront volontiers les moy<strong>en</strong>s. Le seigneur<br />

qui vous a interrogés ne perdra assurém<strong>en</strong>t pas un instant pour vous m<strong>et</strong>tre sur la<br />

bonne voie, <strong>et</strong> cela d'autant plus aisém<strong>en</strong>t que le <strong>grand</strong> gouverneur <strong>de</strong> Sidon,<br />

Cyrénius, est égalem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>t ici.<br />

4. Regar<strong>de</strong>z ceux qui se ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t là, <strong>de</strong>rrière vous : ce sont <strong>en</strong>core tr<strong>en</strong>te<br />

templiers ! Ils apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t déjà à la légion étrangère <strong>et</strong> sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us tout à fait<br />

Romains. Faites <strong>de</strong> même, <strong>et</strong> vous êtes sauvés pour toujours <strong>et</strong> pour l'éternité !<br />

Jérusalem, elle, ne nous portera plus jamais bonheur ; car vous savez ce qu'est le<br />

Temple, <strong>et</strong> aussi, je l'espère, ce qu'est la ville <strong>de</strong> Jérusalem presque tout <strong>en</strong>tière,<br />

ainsi que l'eau maudite ! Quel homme pourrait <strong>en</strong>core souhaiter revoir jamais ce<br />

repaire favori <strong>de</strong> tous les diables <strong>et</strong> <strong>de</strong> tous les péchés ? Si vous voulez mourir,<br />

partez pour Jérusalem : mais si voulez vivre, <strong>et</strong> aussi trouver la vie éternelle,<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ez Romains selon le corps, <strong>et</strong> <strong>de</strong> vrais Juifs selon Moïse dans l'âme ! —<br />

Compr<strong>en</strong>ez-vous cela ? »<br />

5. Suétal dit : « Oui, oui, nous le compr<strong>en</strong>ons ; mais il est tout <strong>de</strong> même extraordinairem<strong>en</strong>t<br />

étonnant que ton esprit soit <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u si imm<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t clair ! Je te<br />

reconnais d'ailleurs maint<strong>en</strong>ant comme l'un <strong>de</strong> mes collègues du Temple, <strong>et</strong> je<br />

sais que tu étais un habile orateur <strong>et</strong> que tu as dit plusieurs fois fort crûm<strong>en</strong>t la<br />

vérité <strong>en</strong> face à nos supérieurs, ce qui eut d'ailleurs pour conséqu<strong>en</strong>ce que —<br />

avec quatre autres <strong>de</strong> ta sorte, je crois — tu fus <strong>en</strong>voyé <strong>en</strong> Samarie ! Oui, oui,<br />

c'est bi<strong>en</strong> toi, <strong>et</strong> nous nous réjouissons tous <strong>de</strong> te revoir ici parfaitem<strong>en</strong>t sain <strong>de</strong><br />

corps <strong>et</strong> d'esprit ! Ton conseil, ami, est sans doute fort bon <strong>en</strong> soi ; mais le<br />

polythéisme <strong>de</strong>s Romains... »<br />

6. Mathaël interrompt Suétal : « ... vaut <strong>en</strong>core mille fois mieux que le monothéisme<br />

obscurantiste <strong>et</strong> <strong>en</strong> vérité parfaitem<strong>en</strong>t idolâtre du Temple (*) ! Dis-moi<br />

donc lequel <strong>de</strong>s prêtres du Temple croit <strong>en</strong>core <strong>en</strong> Dieu ! Je vous le dis : leur<br />

estomac <strong>et</strong> leur plaisir sont désormais leurs seuls vrais dieux, <strong>et</strong> ils sont au<br />

service <strong>de</strong> la mort, du péché <strong>et</strong> <strong>de</strong> tous les diables ! Pour quelques pièces<br />

d'arg<strong>en</strong>t, tu peux faire modifier à ta guise les comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Moïse, mais<br />

quand il s'agit <strong>de</strong> leurs préceptes <strong>de</strong> goinfrerie <strong>et</strong> <strong>de</strong> débauche, ils n'<strong>en</strong> rabatt<strong>en</strong>t<br />

pas une apostrophe ! Ils n'ont plus <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> se prét<strong>en</strong><strong>de</strong>nt pourtant les maîtres <strong>de</strong><br />

la vie, <strong>et</strong> ils voudrai<strong>en</strong>t recevoir tous les honneurs à ce titre !<br />

7. Ils n'ont plus la moindre idée <strong>de</strong> ce qu'est la Vie ; tous autant qu'ils sont, ils ne<br />

compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t plus un iota <strong>de</strong> l'Écriture, <strong>et</strong> ils connaiss<strong>en</strong>t autant les prophètes que<br />

toi le bout du mon<strong>de</strong>. Ils ont tous <strong>de</strong>puis longtemps abandonné toute vie<br />

spirituelle <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> soign<strong>en</strong>t qu'avec plus <strong>de</strong> zèle l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> leur tas <strong>de</strong> chair.<br />

(*) Dans le texte, jeu <strong>de</strong> mots <strong>en</strong>tre Vielgötterei (polythéisme), Eingott<strong>et</strong>ti,<br />

néologisme péjoratif pour désigner le monothéisme, <strong>et</strong> Abgôtterei, idolâtrie, ici<br />

équival<strong>en</strong>t d'« athéisme ». (N.d.T.)<br />

78


Comm<strong>en</strong>t pourrai<strong>en</strong>t-ils donc trouver dans leur mort parfaite <strong>de</strong> quoi <strong>en</strong>seigner <strong>et</strong><br />

donner la vie éternelle <strong>de</strong> l'âme ?<br />

8. Si elle veut survivre <strong>en</strong> tant que vraie vie, la vie doit être reconnue <strong>en</strong><br />

profon<strong>de</strong>ur dans le combat <strong>de</strong> la Vie contre la vie <strong>et</strong> contre la mort, <strong>et</strong> se<br />

conforter toujours plus activem<strong>en</strong>t par c<strong>et</strong>te reconnaissance ; comm<strong>en</strong>t un mort<br />

pourrait-il donc te montrer ce qu'est une vie qu'il n'a jamais connue, ni <strong>en</strong> luimême,<br />

ni hors <strong>de</strong> lui ?! Je vous le dis : au Temple gîte <strong>de</strong>puis longtemps la mort<br />

éternelle ; mais <strong>en</strong> ce lieu, c'est véritablem<strong>en</strong>t la vie éternelle qui <strong>de</strong>meure ! Et les<br />

Romains le compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>et</strong> s'empliss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la Vie, tandis que le Temple ne le<br />

compr<strong>en</strong>dra jamais, parce qu'il est déjà définitivem<strong>en</strong>t mort. Qu'est-ce donc qui<br />

vaut mieux : le polythéisme <strong>de</strong>s Romains, ou le monothéisme du Temple ?! »<br />

9. À ce discours, les douze ne peuv<strong>en</strong>t assez s'émerveiller <strong>de</strong> la très <strong>grand</strong>e justesse<br />

<strong>de</strong>s vues <strong>de</strong> Mathaël <strong>et</strong> <strong>de</strong> son incontestable sagesse.<br />

10. Puis, s'excusant auprès <strong>de</strong> Jules, Suétal dit : « Noble seigneur, pardonne-nous<br />

<strong>de</strong> t'avoir fait att<strong>en</strong>dre si longtemps notre réponse ; mais tu as <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du toi-même<br />

les sages paroles <strong>de</strong> Mathaël : nous <strong>en</strong> étions si pénétrés que nous n'étions pas<br />

capables jusqu'ici <strong>de</strong> te donner la réponse souhaitée. Mais si tu veux bi<strong>en</strong> nous<br />

témoigner <strong>en</strong>core quelque pati<strong>en</strong>ce, nous te donnerons assurém<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt une<br />

réponse <strong>de</strong>s plus fermes ! »<br />

11. Jules dit : « Que cela ne vous fasse pas négliger Mathaël, car il <strong>en</strong> sait davantage<br />

que moi <strong>et</strong> plusieurs milliers d'autres comme moi réunis ! Je me tairais<br />

volontiers mille ans pour l'écouter parler ! Aussi, vous pouvez bi<strong>en</strong> vous<br />

<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir avec lui, car c'est lui qui vous donnera à peu <strong>de</strong> chose près le meilleur<br />

avis qui soit. »<br />

12. Suétal dit : « Il nous l'a déjà donné, <strong>et</strong> il ne ti<strong>en</strong>t qu'à toi désormais que nous<br />

soyons admis dans la légion étrangère ! »<br />

13. Jules dit : « Fort bi<strong>en</strong> ! C'est comme si c'était fait : néanmoins, le sage Mathaël<br />

sera sans doute <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> vous donner à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> bi<strong>en</strong> d'autres <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts<br />

d'une très <strong>grand</strong>e sagesse ! »<br />

14. Suétal dit : « Oui, nous le press<strong>en</strong>tons, bi<strong>en</strong> que c<strong>et</strong>te particularité qui est la<br />

si<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>meure pour nous plus insaisissable que l'air ! Comm<strong>en</strong>t est-il parv<strong>en</strong>u à<br />

une telle sagesse, cela est vraim<strong>en</strong>t inexplicable ! On peut <strong>en</strong>core compr<strong>en</strong>dre<br />

qu'il ait été miraculeusem<strong>en</strong>t guéri <strong>de</strong> sa folie furieuse ; mais d'où il tire c<strong>et</strong>te<br />

sagesse, le compr<strong>en</strong>ne qui pourra ! »<br />

Chapitre 42<br />

De l'esprit <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'âme<br />

1. Mathaël, qui a fort bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, dit : « Libère ton âme autant que possible <strong>de</strong><br />

tout li<strong>en</strong> terrestre, <strong>et</strong> tu compr<strong>en</strong>dras très vite <strong>et</strong> très facilem<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t une<br />

âme peut atteindre <strong>en</strong> fort peu <strong>de</strong> temps la plus <strong>grand</strong>e sagesse ! Mais tant que<br />

l'âme est <strong>en</strong>core trop profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fouie dans le tas <strong>de</strong> pourriture mortelle<br />

qu'est son corps, aucune sagesse divine ne peut être <strong>en</strong>visagée ni perçue !<br />

79


2. À quelques pas <strong>de</strong> nous, tu peux voir une souche qui paraît soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t plantée<br />

dans la terre. Va t'asseoir sur elle, <strong>et</strong> je te garantis que même si tu y restes <strong>de</strong>s<br />

années, tu ne bougeras pas d'ici ; c'est seulem<strong>en</strong>t quand elle pourrira <strong>et</strong> se<br />

décomposera complètem<strong>en</strong>t que tu tomberas à terre avec elle. Et si, même alors,<br />

tu ne veux toujours pas te séparer <strong>de</strong> ton siège favori, tu finiras assurém<strong>en</strong>t par<br />

pourrir avec lui ; car tout ce qui est mort doit d'abord être <strong>de</strong> quelque maniière<br />

totalem<strong>en</strong>t anéanti pour pouvoir <strong>en</strong>trer à nouveau dans quelque sphère<br />

d'exist<strong>en</strong>ce. Mais si tu vas sur le rivage, si tu montes dans un bateau, le détaches,<br />

déploies sa voile <strong>et</strong> saisis le gouvernail, loin <strong>de</strong> rester sur place, tu toucheras très<br />

vite à une nouvelle terre où tu appr<strong>en</strong>dras beaucoup <strong>de</strong> choses nouvelles <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>richiras ton expéri<strong>en</strong>ce. Et vois-tu, tant que tu te soucies <strong>de</strong> ta chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> lui<br />

procurer une vie douce <strong>et</strong> agréable, tu restes assis sur c<strong>et</strong>te souche <strong>et</strong> ne peux<br />

avancer ; mais si tu r<strong>en</strong>onces complètem<strong>en</strong>t à te préoccuper avant tout <strong>de</strong> ta chair<br />

pour ne plus te soucier que <strong>de</strong> ce qui regar<strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'esprit qui est<br />

<strong>en</strong> elle, tu montes dans le bateau <strong>de</strong> la Vie <strong>et</strong> seras bi<strong>en</strong>tôt loin d'ici. —<br />

Compr<strong>en</strong>ds-tu c<strong>et</strong>te image ? »<br />

3. Suétal dit : « Qu'as-tu donc dit à propos <strong>de</strong> l'esprit qui est dans l'âme ? L'âme<br />

est pourtant bi<strong>en</strong> la même chose qu'on appelle esprit ! »<br />

4. Mathaël dit : « Ami, si tu ne sais pas <strong>en</strong>core qu'<strong>en</strong> chaque âme <strong>de</strong>meure un<br />

esprit <strong>de</strong> toute vie, tu es assurém<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong> pouvoir compr<strong>en</strong>dre d'où me<br />

vi<strong>en</strong>t mon peu <strong>de</strong> sagesse ! Il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>en</strong> ce cas <strong>de</strong> parler avec toi ; car<br />

même <strong>en</strong> ouvrant tes oreilles, tu n'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong> <strong>en</strong> ouvrant tes yeux, tu ne vois<br />

ri<strong>en</strong> !<br />

5. L'âme n'est que le réceptacle <strong>de</strong> la vie issue <strong>de</strong> Dieu, mais elle est loin d'être la<br />

vie elle-même ; car si elle était la vie même, quel prophète eût été assez stupi<strong>de</strong><br />

pour lui prédire l'accession à la vie éternelle, ou au contraire la possibilité d'une<br />

mort éternelle ? Mais puisque l'âme ne peut atteindre la vie éternelle que par les<br />

voies <strong>de</strong> la vraie vertu divine, comme cela peut être démontré par <strong>de</strong> multiples<br />

exemples, il lui est donc bi<strong>en</strong> impossible d'être elle-même la vie, <strong>et</strong> elle ne peut<br />

<strong>en</strong> être que le réceptacle.<br />

6. Ce qu'on appelle Esprit divin ou vraie Vie n'est qu'une p<strong>et</strong>ite étincelle au<br />

c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> l'âme. C<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite étincelle doit recevoir une nourriture spirituelle, qui<br />

est la pure parole <strong>de</strong> Dieu. Grâce à c<strong>et</strong>te nourriture, l'étincelle <strong>grand</strong>it <strong>et</strong> se<br />

r<strong>en</strong>force dans l'âme, <strong>et</strong> finit par pr<strong>en</strong>dre elle-même la forme humaine <strong>de</strong> l'âme,<br />

imprégnant l'âme tout <strong>en</strong>tière <strong>et</strong> transformant finalem<strong>en</strong>t toute l'âme qui pr<strong>en</strong>d sa<br />

propre nature ; alors, bi<strong>en</strong> sûr, l'âme est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue elle-même toute vie <strong>et</strong> se<br />

reconnaît comme telle jusqu'<strong>en</strong> son tréfonds.<br />

7. C'est seulem<strong>en</strong>t lorsque la vie s'est ainsi pleinem<strong>en</strong>t reconnue <strong>et</strong> qu'elle a<br />

acquis une très claire consci<strong>en</strong>ce d'elle-même qu'elle connaît les fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong><br />

la sagesse ; mais tant que c<strong>et</strong> état désirable n'est pas atteint, il ne peut être<br />

question <strong>de</strong> sagesse !<br />

8. La vraie sagesse est ce que l'esprit voit par les yeux <strong>de</strong> l'âme ; mais si une âme<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>en</strong>core ce qu'est l'esprit <strong>en</strong> elle, comm<strong>en</strong>t la lumière <strong>de</strong> l'esprit <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

toute vie pourrait-elle éclairer sa vision par ailleurs complètem<strong>en</strong>t aveugle ? »<br />

9. Suétal dit : « Je t'<strong>en</strong> prie, ami, cesse <strong>de</strong> parler ainsi <strong>et</strong> att<strong>en</strong>ds pour cela que je<br />

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sois un peu plus apte à t'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ; car je comm<strong>en</strong>ce seulem<strong>en</strong>t à compr<strong>en</strong>dre que<br />

je suis <strong>en</strong>core beaucoup trop ignorant <strong>et</strong> aveugle pour ces choses ! Mais nous<br />

suivrons désormais tes <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts aussi activem<strong>en</strong>t qu'il est possible ! Car je<br />

vois bi<strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant que tu as absolum<strong>en</strong>t raison ; mais pour compr<strong>en</strong>dre<br />

jusqu'au fond ta très profon<strong>de</strong> sagesse, il faut une longue préparation qui nous a<br />

été tout simplem<strong>en</strong>t impossible jusqu'ici ! Mais, comme je l'ai dit, nous allons<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir tes disciples très actifs ! »<br />

Chapitre 43<br />

De la vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> la mort<br />

1. Mathaël dit : « Une bonne volonté sincère est déjà la moitié du chemin ;<br />

cep<strong>en</strong>dant, l'homme ne doit pas s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir trop longtemps à sa seule bonne<br />

volonté, mais la m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> œuvre au plus tôt, sans quoi, avec le temps, c<strong>et</strong>te<br />

volonté refroidit, perd son ressort <strong>et</strong> finit par <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir trop faible <strong>et</strong> trop impuissante<br />

pour m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong> une bonne œuvre.<br />

2. Vois-tu, tant que l'eau bout dans la marmite, il est facile d'y plonger toutes<br />

sortes <strong>de</strong> fruits afin <strong>de</strong> les transformer <strong>en</strong> m<strong>et</strong>s t<strong>en</strong>dres <strong>et</strong> digestes ; mais quand<br />

l'eau <strong>de</strong> la marmite tiédit <strong>et</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t finalem<strong>en</strong>t tout à fait froi<strong>de</strong>, on ne peut plus<br />

compter sur elle pour att<strong>en</strong>drir les fruits !<br />

3. En cela, la volonté <strong>de</strong> l'homme est pareille à une eau qui bout dans sa marmite.<br />

L'amour <strong>en</strong>vers Dieu <strong>et</strong> <strong>en</strong>vers toute la bonté <strong>de</strong> la vie issue <strong>de</strong> Dieu est le bon<br />

feu qui amène l'eau <strong>de</strong> la vie à bouillir activem<strong>en</strong>t dans sa marmite ; quant aux<br />

fruits qu'il faut att<strong>en</strong>drir, ce sont les œuvres <strong>et</strong> les actes que nous reconnaissons<br />

comme bons <strong>et</strong> justes, mais que nous n'avons pas <strong>en</strong>core réalisés, <strong>et</strong> c'est<br />

précisém<strong>en</strong>t pourquoi nous <strong>de</strong>vons les m<strong>et</strong>tre dans l'eau tant qu'elle bout <strong>en</strong>core<br />

activem<strong>en</strong>t, sans quoi ils <strong>de</strong>meureront bruts <strong>et</strong> indigestes <strong>et</strong> donc sans utilité pour<br />

la vie.<br />

4. Ainsi, lorsqu'on veut une chose, il faut <strong>en</strong>core la faire, sans quoi c<strong>et</strong>te volonté<br />

ne sera jamais qu'un m<strong>en</strong>songe à l'égard <strong>de</strong> la vie, <strong>et</strong> du m<strong>en</strong>songe n'est jamais<br />

née la vérité !<br />

5. Mais la vérité, c'est la vie, <strong>et</strong> le m<strong>en</strong>songe, c'est la mort ; aussi, cherche <strong>en</strong> tout<br />

la vérité qui est la vie, <strong>et</strong> fuis le m<strong>en</strong>songe <strong>en</strong> toi <strong>et</strong> hors <strong>de</strong> toi, car il est la<br />

véritable mort !<br />

6. Que possè<strong>de</strong>s-tu donc quand tu t'imagines possé<strong>de</strong>r quelque chose ? Ri<strong>en</strong><br />

d'autre que l'inanité <strong>de</strong> ton imagination ! Et cela, qu'est-ce ? Vois-tu, ce n'est ri<strong>en</strong>,<br />

<strong>et</strong> c'est ce ri<strong>en</strong> qui est la véritable mort !<br />

7. Et si tu veux construire, mais n'as ni matériaux, ni ouvriers, à quoi ressemblera<br />

la maison que tu construiras ? Elle ne pr<strong>en</strong>dra jamais forme ! Les matériaux, ce<br />

sont les actions <strong>et</strong> les œuvres d'une volonté vivante, <strong>et</strong> les ouvriers sont la<br />

volonté active ; ce sont eux qui exécut<strong>en</strong>t à partir <strong>de</strong> tes bonnes œuvres une<br />

maison véritable, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te maison est ta vraie vie <strong>en</strong> Dieu, <strong>et</strong> elle sera<br />

éternellem<strong>en</strong>t in<strong>de</strong>structible. Mais on ne construit pas une maison sans <strong>grand</strong><br />

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effort, <strong>et</strong> moins que toutes la maison <strong>de</strong> la vie ; c'est pourquoi il importe dans ce<br />

domaine <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> œuvre toute la force qui nous a été conférée, sans quoi la<br />

construction n'avancerait guère.<br />

8. Quand il fut ordonné à Noé <strong>de</strong> construire l'arche, il dut se m<strong>et</strong>tre à l'œuvre<br />

avec quelque l<strong>en</strong>teur au début. Ce que voyant, ses <strong>en</strong>nemis détruisir<strong>en</strong>t chaque<br />

nuit ce qu'il réalisait durant le jour. Ce n'est qu'au bout <strong>de</strong> plusieurs années qu'il<br />

se mit à travailler à l'arche jour <strong>et</strong> nuit <strong>et</strong> qu'il y installa <strong>de</strong>s veilleurs ; dès lors, le<br />

bâtim<strong>en</strong>t fut très vite <strong>en</strong> voie d'achèvem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> c'est ainsi qu'à la v<strong>en</strong>ue du Déluge,<br />

il fut le refuge que l'on sait pour ceux qui s'y trouvèr<strong>en</strong>t <strong>et</strong> les préserva d'une mort<br />

certaine.<br />

9. Aujourd'hui, je te le dis, nous sommes <strong>en</strong> vérité nous-mêmes <strong>de</strong>s Noé. Avec<br />

ses m<strong>en</strong>songes, ses tromperies <strong>et</strong> tous les attraits qui <strong>en</strong> dériv<strong>en</strong>t, le mon<strong>de</strong> est un<br />

Déluge perpétuel. Et afin qu'il ne nous <strong>en</strong>gloutisse point, nous <strong>de</strong>vons construire<br />

au plus vite une arche, comme cela nous a été ordonné ; c<strong>et</strong>te arche, c'est le<br />

r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> notre âme, afin que c<strong>et</strong>te âme puisse cont<strong>en</strong>ir <strong>et</strong><br />

finalem<strong>en</strong>t am<strong>en</strong>er à son plein développem<strong>en</strong>t la vie <strong>de</strong> l'Esprit divin.<br />

10. Et lorsque le déluge <strong>de</strong>s séduisantes t<strong>en</strong>tations du mon<strong>de</strong> se précipitera finalem<strong>en</strong>t<br />

dans les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> sa propre vacuité, la vie divine quittera l'âme <strong>en</strong><br />

pleine force <strong>et</strong> ira comm<strong>en</strong>cer dans <strong>de</strong> nouvelles sphères <strong>de</strong> vie plus pures une<br />

nouvelle œuvre par laquelle elle bénira <strong>en</strong> Dieu <strong>et</strong> avec Dieu l'infini tout <strong>en</strong>tier,<br />

d'éternité <strong>en</strong> éternité ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu c<strong>et</strong>te image ? »<br />

Chapitre 44<br />

Le Seigneur règle le sort <strong>de</strong>s prisonniers<br />

1. Suétal, émerveillé, ne sait que répondre, <strong>et</strong> il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Jules : « Seigneur, je<br />

ne peux compr<strong>en</strong>dre d'où c<strong>et</strong> homme ti<strong>en</strong>t une telle sagesse ! Je le connaissais<br />

pourtant bi<strong>en</strong> au Temple, où il n'a jamais laissé paraître la moindre sagesse !<br />

Lorsqu'on nous am<strong>en</strong>a <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h sur un bateau, il était <strong>en</strong> proie à la folie<br />

furieuse <strong>et</strong> n'offrait plus ri<strong>en</strong> d'humain. Il y a maint<strong>en</strong>ant à peine vingt-quatre<br />

heures que sa folie a disparu, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> homme rayonne une sagesse dont Salomon<br />

lui-même, malgré toute sa profon<strong>de</strong>ur, n'a jamais eu idée ! Dis-nous donc ce qui<br />

lui est arrivé ! Comm<strong>en</strong>t a-t-il pu être ainsi éclairé ? »<br />

2. Jules dit : « Ne savez-vous donc pas qu'à Dieu, toul est possible ? Conformezvous<br />

donc activem<strong>en</strong>t à ce qu'il vous a dit, <strong>et</strong> vous s<strong>en</strong>tirez bi<strong>en</strong>tôt <strong>en</strong> vousmêmes<br />

comm<strong>en</strong>t un homme peut accé<strong>de</strong>r <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> temps à une telle sagesse !<br />

EX TRUNCO NON FIT MERCURIUS (*) , dit un proverbe romain ; un morceau <strong>de</strong> bois<br />

ne bouge pas, <strong>et</strong> on ne lui voit aucune activité, tandis que, parmi les figures <strong>de</strong>s<br />

dieux romains, aucune divinité n'a autant <strong>de</strong> travail que Mercure. Mercure<br />

symbolise donc une activité débordante, <strong>et</strong> le morceau <strong>de</strong> bois la plus complète<br />

inactivité, aussi ne peut-on faire d'un bout <strong>de</strong> bois un Mercure. C'est pourquoi le<br />

fin mot <strong>de</strong> la sagesse est d'être sans cesse actif dans le but <strong>de</strong> parv<strong>en</strong>ir à la vraie<br />

(*) On ne fait pas un Mercure d'une bûche.<br />

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sagesse, <strong>et</strong> il n'y a pas d'autre chemin connu pour cela. On ne peut l'appr<strong>en</strong>dre<br />

comme n'importe quelle sci<strong>en</strong>ce, mais seulem<strong>en</strong>t l'acquérir par soi-même <strong>en</strong><br />

agissant véritablem<strong>en</strong>t selon la doctrine <strong>de</strong> la sagesse.<br />

3. Ainsi, si vous voulez vraim<strong>en</strong>t savoir comm<strong>en</strong>t Mathael est parv<strong>en</strong>u à c<strong>et</strong>te<br />

sagesse qui vous étonne tellem<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t, il faut comm<strong>en</strong>cer par rejoindre <strong>en</strong><br />

vous-mêmes la même voie m<strong>en</strong>ant activem<strong>en</strong>t à la sagesse, sans quoi toutes vos<br />

questions seront vaines, <strong>et</strong> vaines toutes les réponses à vos questions. »<br />

4. Suétal dit : « Tout cela est bon ; mais où c<strong>et</strong>te bonne voie est-elle indiquée<br />

d'une manière vraim<strong>en</strong>t reconnaissable ? »<br />

5. Jules dit : « Il n'est pas <strong>en</strong>core midi, il reste donc beaucoup <strong>de</strong> temps jusqu'à ce<br />

soir ; p<strong>en</strong>dant ce temps, vous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>drez <strong>et</strong> appr<strong>en</strong>drez <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, <strong>et</strong><br />

le chemin vous sera clairem<strong>en</strong>t montré. Mais à prés<strong>en</strong>t, réfléchissez à ce que<br />

vous avez <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, <strong>et</strong> tout ce qui suivra vous paraîtra lumineux <strong>et</strong> clair.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, à prés<strong>en</strong>t que vous avez été déclarés libres <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t innoc<strong>en</strong>ts,<br />

qu'il ne vous pr<strong>en</strong>ne plus jamais l'<strong>en</strong>vie <strong>de</strong> vous r<strong>et</strong>ourner contre nous, car les<br />

choses ne se passerai<strong>en</strong>t pas si bi<strong>en</strong> pour vous qu'aujourd'hui ! »<br />

6. Ayant dit cela, Jules fait quelques pas pour rev<strong>en</strong>ir vers nous, c'est-à-dire<br />

Cyrénius <strong>et</strong> Moi, <strong>et</strong> Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s'il a bi<strong>en</strong> agi <strong>et</strong> si J'approuve son jugem<strong>en</strong>t.<br />

7. Et Je dis : « Ton cœur <strong>en</strong> est-il satisfait, c'est-à-dire la voix <strong>de</strong> l'amour qui est<br />

au fond <strong>de</strong> ton cœur ? Que dit c<strong>et</strong>te voix ? »<br />

8. Jules dit : « Il y a <strong>en</strong> elle la plus <strong>grand</strong>e satisfaction, <strong>et</strong> <strong>en</strong> même temps un juste<br />

souci <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre ces hommes sur le vrai chemin <strong>de</strong> la Vie ! »<br />

9. Je dis : « S'il <strong>en</strong> est ainsi, tout est déjà pour le mieux, <strong>et</strong> il sera possible<br />

d'obt<strong>en</strong>ir avec ces hommes les meilleurs résultats ; mais, bi<strong>en</strong> sûr, il faudra<br />

d'abord qu'ils subiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core quelques p<strong>et</strong>ites mises à l'épreuve. Il est bi<strong>en</strong> que<br />

vous les pr<strong>en</strong>iez dans la légion étrangère ; mais vous <strong>de</strong>vrez leur fournir suffisamm<strong>en</strong>t<br />

d'occasions d'avancer sur la voie du salut que vous connaissez. Quant<br />

aux cinq hommes dont Mathaël est le chef, vous les placerez aux postes qui leur<br />

convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans la légion, <strong>et</strong> ils vous r<strong>en</strong>dront les meilleurs services <strong>en</strong> Mon<br />

nom <strong>et</strong> manifesteront <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> temps les bons eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> leur profon<strong>de</strong> sagesse.<br />

Mais ils ne <strong>de</strong>vront pas <strong>de</strong>meurer <strong>en</strong> Galilée ; car le Temple ne tar<strong>de</strong>ra pas à<br />

avoir v<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> quarante-sept <strong>de</strong> ses membres, <strong>et</strong> Héro<strong>de</strong> lancera<br />

ses hommes à leur recherche ; mais s'ils ne sont plus <strong>en</strong> Galilée <strong>et</strong> qu'on ne les<br />

trouve nulle part, les <strong>en</strong>quêteurs <strong>de</strong>vront s'<strong>en</strong> r<strong>et</strong>ourner les mains vi<strong>de</strong>s, <strong>et</strong>,<br />

considérant que les quarante-sept ont péri <strong>de</strong> quelque manière <strong>et</strong> sont<br />

définitivem<strong>en</strong>t perdus, on cessera <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> préoccuper. Vous serez ainsi tirés<br />

d'affaire, vous Romains, <strong>et</strong> les quarante-sept avec vous, tout cela sans le secours<br />

d'aucun m<strong>en</strong>songe ! »<br />

10. Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Mais à Tyr ou à Sidon, ils seront sans doute <strong>en</strong> sûr<strong>et</strong>é ?<br />

Car il n'y a là que très peu <strong>de</strong> Juifs. »<br />

11. Je dis : « Oh, certes, ils y seront plus <strong>en</strong> sûr<strong>et</strong>é que n'importe où <strong>en</strong> Galilée,<br />

mais ils le serai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core davantage soit <strong>en</strong> Afrique, soit dans quelque ville du<br />

Pont-Euxin. »<br />

83


12. Cyrénius dit : « Fort bi<strong>en</strong>, je leur trouverai bi<strong>en</strong> quelque <strong>en</strong>droit où les Juifs<br />

n'iront pas s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre à eux ; <strong>et</strong> quand bi<strong>en</strong> même ces fins nez parvi<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t<br />

jusque-là, nous avons les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> les r<strong>en</strong>dre ins<strong>en</strong>sibles à toutes les o<strong>de</strong>urs ! »<br />

13. Jules dit : « J'<strong>en</strong> suis bi<strong>en</strong> fâché, surtout pour les cinq ; car la profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />

leur sagesse est vraim<strong>en</strong>t admirable, <strong>et</strong> l'on doit pouvoir grâce à eux atteindre le<br />

vrai but <strong>de</strong> la vie bi<strong>en</strong> plus vite que lorsqu'on est livré à soi-même. »<br />

14. Je dis : « Ami, le seul qui montre le chemin <strong>et</strong> qui soit le chemin <strong>et</strong> le but,<br />

c'est Moi-même ! Qui donc a donné aux cinq ce qu'ils ont '? Moi seul ! Et si Je<br />

peux faire <strong>en</strong> quelques instants <strong>de</strong> cinq fous furieux possédés les plus <strong>grand</strong>s<br />

sages <strong>de</strong>s sages, Je dois bi<strong>en</strong> être capable <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> même pour toi qui n'es pas<br />

un furieux possédé !<br />

15. Moi seul suis la Vérité, le Chemin <strong>et</strong> la Vie ! Et si tu M'as, qu'as-tu à faire <strong>en</strong><br />

plus <strong>de</strong> ces cinq ? ! Ils doiv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> vont certes r<strong>en</strong>dre à l'humanité beaucoup <strong>de</strong><br />

<strong>grand</strong>s services, par Moi <strong>et</strong> <strong>en</strong> Mon seul nom ; mais tu n'as pas besoin d'eux,<br />

quand il y a <strong>en</strong> outre dans la p<strong>et</strong>ite ville <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h un Ebahi, une Jarah <strong>et</strong><br />

même un Raphaël ! Y a-t-il sur terre un autre lieu mieux pourvu pour ce qui est<br />

<strong>de</strong> l'esprit ?<br />

16. N'as-tu pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du Suétal lorsqu'il <strong>de</strong>mandait comm<strong>en</strong>t <strong>et</strong> par qui ou par<br />

quoi les cinq étai<strong>en</strong>t si vite parv<strong>en</strong>us à c<strong>et</strong>te profon<strong>de</strong> sagesse ? Toi, tu le sais<br />

bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> si c'est <strong>en</strong>core un mystère pour ces douze hommes, ce n'<strong>en</strong> est assurém<strong>en</strong>t<br />

pas un pour toi ! Et puisque tu sais ce que ces douze ne sav<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core,<br />

comm<strong>en</strong>t peux-tu donc considérer ces cinq-là comme presque aussi sages que<br />

Moi ? »<br />

17. Jules, quelque peu confus, dit : « Seigneur, j'ai été un peu stupi<strong>de</strong>, voilà la<br />

raison ; mais à prés<strong>en</strong>t, tout est parfaitem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>tré dans l'ordre, Ta décision à<br />

propos <strong>de</strong>s quarante-sept hommes me cause maint<strong>en</strong>ant la plus <strong>grand</strong>e joie, <strong>et</strong><br />

tout sera exécuté très ponctuellem<strong>en</strong>t ! Cep<strong>en</strong>dant, ô Seigneur, il faut maint<strong>en</strong>ant<br />

que, dans Ta très <strong>grand</strong>e miséricor<strong>de</strong> divine, Tu me passes ma p<strong>et</strong>ite bêtise ! »<br />

18. Je dis : « Je ne peux te passer quoi que ce soit ; mais si tu es <strong>de</strong> nouveau <strong>en</strong><br />

accord avec toi-même intérieurem<strong>en</strong>t, alors tout est égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ordre pour<br />

Moi, <strong>et</strong> tu es ainsi exonéré <strong>de</strong> tout péché.<br />

19. Mais à prés<strong>en</strong>t, va <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r qu'on donne aux douze du pain, du vin <strong>et</strong> du sel,<br />

car eux aussi n'ont guère plus mangé qu'une mouche <strong>de</strong>puis déjà <strong>de</strong>ux jours !<br />

Jusqu'ici, c'est Ma seule volonté qui sout<strong>en</strong>ait leurs forces ; mais puisque<br />

l'occasion s'<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te maint<strong>en</strong>ant, il faut aussi qu'ils se fortifi<strong>en</strong>t naturellem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> mangeant <strong>et</strong> <strong>en</strong> buvant ; qu'il <strong>en</strong> soit donc ainsi ! »<br />

Chapitre 45<br />

Récit <strong>de</strong> la guérison d'un goutteux sur la prairie bénie<br />

1. M'ayant <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, Jules se r<strong>en</strong>d tout d'abord promptem<strong>en</strong>t auprès <strong>de</strong> notre hôte<br />

Marc, qui était fort occupé à préparer avec les si<strong>en</strong>s un bon repas <strong>de</strong> midi, <strong>et</strong> il lui<br />

transm<strong>et</strong> Mon ordre. Sur quoi Marc se dirige aussitôt <strong>en</strong> hâte vers ses celliers qui<br />

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désormais ne pouvai<strong>en</strong>t plus désemplir, y pr<strong>en</strong>d une très grosse miche <strong>de</strong> pain <strong>et</strong><br />

un gobel<strong>et</strong> <strong>de</strong> sel <strong>et</strong> fait remplir par ses <strong>de</strong>ux fils <strong>de</strong>ux <strong>grand</strong>es cruches <strong>de</strong> vin ; <strong>et</strong><br />

tout cela est apporté au plus vite aux douze.<br />

2. Dès que ceux-ci aperçoiv<strong>en</strong>t le pain <strong>et</strong> le vin, ils éprouv<strong>en</strong>t aussitôt une faim<br />

dévorante, <strong>et</strong> Jules, remarquant cela, leur dit : « Je sais que vous avez très faim ;<br />

mais si vous ne voulez pas être mala<strong>de</strong>s, ne mangez pas trop vite, mais pr<strong>en</strong>ez<br />

votre temps, <strong>et</strong> vous vous <strong>en</strong> trouverez bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>suite ! »<br />

3. Les douze répon<strong>de</strong>nt : « Oui, oui, bon seigneur, nous allons nous modérer <strong>et</strong><br />

ne pas dépasser la mesure ! » Malgré cela, ils font disparaître <strong>en</strong> quelques<br />

instants la grosse miche <strong>de</strong> pain ainsi que le vin <strong>et</strong> le sel, <strong>et</strong> voudrai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core<br />

manger.<br />

4. Mais Jules dit : « Ami, cela suffit pour comm<strong>en</strong>cer ; le <strong>grand</strong> repas <strong>de</strong> midi<br />

vi<strong>en</strong>dra <strong>de</strong> toute façon très bi<strong>en</strong>tôt, <strong>et</strong> là non plus, vous ne repartirez pas le v<strong>en</strong>tre<br />

vi<strong>de</strong>. »<br />

5. Suétal dit : « Fort bi<strong>en</strong>, c'est donc assez pour un <strong>en</strong>-cas, <strong>et</strong> nous att<strong>en</strong>drons le<br />

repas <strong>de</strong> midi pour nous rassasier ! Mais, seigneur <strong>et</strong> très noble ami <strong>en</strong> humanité,<br />

nous n'avons ri<strong>en</strong> pour dédommager l'hôte ! »<br />

6. Jules dit : « Vous êtes déjà citoy<strong>en</strong>s romains, <strong>et</strong> n'avez plus à vous soucier <strong>de</strong><br />

savoir qui paiera votre écot ! Car jamais <strong>en</strong>core un Romain n'est resté le débiteur<br />

<strong>de</strong> quiconque, <strong>et</strong> l'hôte a reçu d'avance <strong>de</strong> nous une in<strong>de</strong>mnité suffisante pour<br />

plusieurs années ; si nous mangions <strong>en</strong>core à sa table toute une année, il<br />

<strong>de</strong>meurerait largem<strong>en</strong>t bénéficiaire. Aussi, ne vous inquiétez plus <strong>de</strong> savoir qui<br />

paiera la note <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte !»<br />

7. Les douze dis<strong>en</strong>t : « Frère, c'est là un autre langage qu'au Temple, où l'on n'a<br />

presque ri<strong>en</strong> à manger <strong>et</strong> où l'on doit d'autant plus jeûner <strong>et</strong> prier ; mais les<br />

<strong>grand</strong>s prêtres, eux, jeûn<strong>en</strong>t <strong>et</strong> pri<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> peu <strong>et</strong> mang<strong>en</strong>t chaque jour une<br />

quantité d'aumônes <strong>et</strong> d'offran<strong>de</strong>s pour le plus <strong>grand</strong> honneur <strong>de</strong> Yahvé, p<strong>en</strong>dant<br />

que les jeunes templiers peuv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> jeûner PRO POPULO [pour le peuple] jusqu'à<br />

ce que les os se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à leur tinter dans les membres ! Oh, pourquoi ne<br />

sommes-nous pas <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us Romains plus tôt ?! Il y a là tout ce qu'il faut : la<br />

sagesse, la bonté, le droit, la force lorsqu'elle est nécessaire, <strong>et</strong> le pain <strong>et</strong> le vin ne<br />

sembl<strong>en</strong>t pas manquer ! Nous voulons être Romains corps <strong>et</strong> âme, <strong>et</strong> <strong>de</strong> la tête<br />

aux pieds ! Vive Rome <strong>et</strong> tous les représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong> sa puissance ! »<br />

8. Jules dit : « Fort bi<strong>en</strong>, mes amis — puisque vous l'êtes désormais ! Votre désir<br />

est bon, même s'il y <strong>de</strong>meure <strong>en</strong>core beaucoup d'égoïsme, qui, il faut l'espérer,<br />

passera avec le temps. Cep<strong>en</strong>dant, aujourd'hui même, vous verrez <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>drez<br />

<strong>en</strong>core <strong>de</strong>s choses fort singulières, <strong>et</strong> cela vous éclairera fort ! — Mais il ne<br />

faudra pas poser trop <strong>de</strong> questions ; souciez-vous d'écouter <strong>et</strong> <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r, <strong>et</strong><br />

l'explication vous vi<strong>en</strong>dra d'elle-même ! »<br />

9. Les douze sont fort intéressés par c<strong>et</strong>te promesse, <strong>et</strong> ils se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt <strong>en</strong>tre eux<br />

ce que le noble Romain a pu vouloir laisser <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> disant qu'ils verrai<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t aujourd'hui même bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses extraordinaires qui les<br />

instruirai<strong>en</strong>t beaucoup, <strong>et</strong> que tout cela s'expliquerait <strong>en</strong> quelque sorte <strong>de</strong> soimême<br />

! De quoi pouvait-il s'agir ?<br />

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10. Le loquace Suétal dit : « Eh, <strong>de</strong> quoi voulez-vous qu'il s'agisse ? N'avez-vous<br />

donc jamais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler <strong>de</strong>s Jeux Olympiques <strong>de</strong>s Romains ? Ils vont sans<br />

doute organiser ici quelque chose <strong>de</strong> ce g<strong>en</strong>re ; <strong>et</strong> puisque nous sommes<br />

désormais Romains, nous pourrons y participer, <strong>et</strong> peut-être verrons-nous <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>drons-nous à c<strong>et</strong>te occasion bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses profitables. C'est sans doute<br />

cela, <strong>et</strong> ri<strong>en</strong> d'autre. »<br />

11. Un autre <strong>de</strong>s douze dit : « Je ne le crois guère. Vous autres, vous êtes loin<br />

d'<strong>en</strong> savoir autant que moi ; car vous v<strong>en</strong>ez du midi <strong>et</strong> n'êtes guère au fait <strong>de</strong> tout<br />

ce qui s'est passé <strong>en</strong> Galilée <strong>de</strong>puis peu. Vous savez qu'avec trois autres issus<br />

comme moi <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h, j'ai été arrêté <strong>et</strong> am<strong>en</strong>é ici<br />

pour avoir participé à vos t<strong>en</strong>tatives <strong>de</strong> subversion. Trois jours à peine avant<br />

votre arrivée dans nos montagnes, il s'est passé à Génézar<strong>et</strong>h <strong>de</strong>s choses inouïes ;<br />

le miraculeux guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h m<strong>en</strong>tionné tout à l'heure par le capitaine<br />

romain y est v<strong>en</strong>u <strong>et</strong>, par sa seule parole d'une toute-puissance divine, a guéri<br />

tous les mala<strong>de</strong>s, quel que fût le mal dont ils étai<strong>en</strong>t atteints <strong>en</strong> v<strong>en</strong>ant !<br />

12. J'ai moi-même un frère, qui est à prés<strong>en</strong>t dans notre maison dont il a hérité.<br />

La goutte l'avait véritablem<strong>en</strong>t réduit à l'état <strong>de</strong> masse inerte, il ne pouvait ni<br />

s'allonger, ni s'asseoir, <strong>et</strong> il n'était bi<strong>en</strong> sûr plus question qu'il se tînt <strong>de</strong>bout. Nous<br />

l'avions installé dans une corbeille susp<strong>en</strong>due, moelleusem<strong>en</strong>t tapissée <strong>de</strong> foin.<br />

Souv<strong>en</strong>t, torturé par les douleurs les plus atroces, il hurlait la journée <strong>en</strong>tière,<br />

après quoi il tombait habituellem<strong>en</strong>t dans un évanouissem<strong>en</strong>t si compl<strong>et</strong> qu'il<br />

avait tout à fait l'air d'un mort. Pour le guérir, on avait essayé tout ce qui se<br />

pouvait concevoir, y compris l'eau <strong>de</strong> la fontaine <strong>de</strong> Siloé — mais <strong>en</strong> vain.<br />

13. Lorsque la nouvelle est parv<strong>en</strong>ue dans nos montagnes que le fameux guérisseur<br />

<strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h séjournait à Génézar<strong>et</strong>h <strong>et</strong> y guérissait tous les mala<strong>de</strong>s, j'ai<br />

moi aussi, avec mes val<strong>et</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s bêtes <strong>de</strong> somme, emm<strong>en</strong>é à Génézar<strong>et</strong>h, au prix<br />

<strong>de</strong> peines inouïes, mon frère totalem<strong>en</strong>t perclus. Arrivés là après bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s efforts,<br />

on nous dit que le guérisseur était parti vers une montagne <strong>et</strong> qu'on ne savait pas<br />

si <strong>et</strong> quand il revi<strong>en</strong>drait. Je restai là, immobile comme une statue auprès <strong>de</strong> mon<br />

frère qui gémissait <strong>de</strong> douleur ; <strong>de</strong> tristesse, je me mis moi aussi à pleurer, <strong>et</strong><br />

dans mon cœur, je priai Dieu qu'il voulût bi<strong>en</strong> m<strong>et</strong>tre un terme aux terribles<br />

souffrances <strong>de</strong> mon frère, puisque je n'avais pu r<strong>en</strong>contrer le merveilleux<br />

guérisseur. Je fis vœu, <strong>en</strong> tant qu'aîné, <strong>de</strong> lui abandonner tous mes droits <strong>de</strong><br />

propriété <strong>et</strong> <strong>de</strong> le servir ma vie durant s'il pouvait être guéri.<br />

14. Et là-<strong>de</strong>ssus, voici que <strong>de</strong>s val<strong>et</strong>s sortir<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e auberge <strong>et</strong> traversèr<strong>en</strong>t<br />

la rue pour me dire que ce guérisseur avait guéri instantaném<strong>en</strong>t tous les<br />

nombreux infirmes semblables à mon frère, <strong>et</strong> cela <strong>de</strong> telle sorte qu'on eût cru<br />

qu'ils n'avai<strong>en</strong>t jamais été mala<strong>de</strong>s ! Ce guérisseur avait quitté les lieux pour se<br />

r<strong>en</strong>dre avec ses disciples, le patron <strong>de</strong> l'auberge <strong>et</strong> quelques autres sur la haute<br />

montagne voisine, dont nul mortel n'avait <strong>en</strong>core jamais pu escala<strong>de</strong>r les abruptes<br />

parois. Il revi<strong>en</strong>drait sans doute, quand, ils ne le savai<strong>en</strong>t pas, mais cela ne<br />

changeait pas <strong>grand</strong>-chose à mon affaire ; car ce guérisseur avait béni une prairie,<br />

<strong>et</strong>, si j'avais foi <strong>en</strong> lui, il me suffirait <strong>de</strong> coucher mon frère sur c<strong>et</strong>te prairie pour<br />

qu'il allât mieux.<br />

15. Je <strong>de</strong>mandai aussitôt où se trouvait la prairie bénie. Les val<strong>et</strong>s me l'indiquè-<br />

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<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> aussitôt, je portai mon pauvre frère sur ladite prairie <strong>et</strong> le couchai sur<br />

l'herbe. Et à l'instant où mon frère mala<strong>de</strong> touche le sol <strong>de</strong> la prairie, voilà qu'il se<br />

m<strong>et</strong> à s'étirer tout à son aise. Toute douleur semblait avoir été emportée par le<br />

v<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> <strong>en</strong> quelques instants, il fut aussi sain que moi ! Jusque-là, on ne lui voyait<br />

que la peau <strong>et</strong> les os, <strong>et</strong> je vous certifie que lorsqu'il fut <strong>de</strong>bout à mon côté, il<br />

avait l'air si bi<strong>en</strong> nourri qu'aujourd'hui <strong>en</strong>core, je n'ai pas fini <strong>de</strong> m'étonner d'une<br />

transformation si inouïe !<br />

16. Cep<strong>en</strong>dant, fidèle au vœu que j'avais fait, je remis tous mes bi<strong>en</strong>s à mon frère<br />

désormais très heureux <strong>et</strong> dévoué à Dieu, <strong>et</strong> j'accomplis <strong>de</strong> bon cœur toutes les<br />

tâches, y compris celles du <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> mes anci<strong>en</strong>s val<strong>et</strong>s, bi<strong>en</strong> que mon bon<br />

frère, dans sa gratitu<strong>de</strong>, voulût toujours m'<strong>en</strong> empêcher.<br />

17. Mais j'étais ainsi <strong>de</strong>puis quelques jours à peine le val<strong>et</strong> <strong>de</strong> mon frère, que<br />

vous avez vu <strong>et</strong> à qui vous avez parlé, que vous arrivâtes chez nous <strong>et</strong> fûtes<br />

précisém<strong>en</strong>t la cause <strong>de</strong> ce que nous nous trouvons ici à prés<strong>en</strong>t, moi-même <strong>et</strong><br />

trois autres serviteurs <strong>de</strong> mon frère, par bonheur innoc<strong>en</strong>tés.<br />

18. Par ce récit, j'ai seulem<strong>en</strong>t voulu attirer votre att<strong>en</strong>tion sur le fameux <strong>et</strong> très<br />

merveilleux guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, dont vous avez d'ailleurs <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler ici<br />

ou là, <strong>de</strong> votre propre aveu !<br />

19. Voyez-vous, à <strong>en</strong> juger par la question du commandant <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h, que je<br />

connais fort bi<strong>en</strong>, il me semble — ce qui ressort égalem<strong>en</strong>t très n<strong>et</strong>tem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la<br />

guérison <strong>de</strong>s cinq fous furieux — que ce miraculeux Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h doit se<br />

trouver ici à prés<strong>en</strong>t <strong>et</strong> s'y livrer à ses activités.<br />

20. Le capitaine a donc assurém<strong>en</strong>t voulu, <strong>en</strong> parlant <strong>de</strong> ce que nous allions voir<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, nous signifier que nous <strong>de</strong>vions nous préparer à <strong>de</strong>s actes <strong>et</strong> à <strong>de</strong>s<br />

propos du guérisseur miraculeux, <strong>et</strong> non à <strong>de</strong>s Jeux Olympiques romains à nos<br />

yeux certes fort indéc<strong>en</strong>ts, dont il n'y aurait aucune sagesse à tirer, <strong>et</strong> dont le<br />

capitaine ne semble guère amateur lui-même ! — Que p<strong>en</strong>sez-vous <strong>de</strong> cela ? »<br />

Chapitre 46<br />

Suétal parle <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>ommée du Sauveur<br />

1. Suétal dit : « Tu pourrais bi<strong>en</strong> avoir raison ! Il doit <strong>en</strong> être ainsi, <strong>et</strong> je comm<strong>en</strong>ce<br />

vraim<strong>en</strong>t à brûler <strong>de</strong> curiosité à l'idée <strong>de</strong> faire la connaissance personnelle<br />

<strong>de</strong> ce guérisseur fameux <strong>en</strong>tre tous. Je n'ai pas voulu <strong>en</strong> dire trop tout à l'heure à<br />

ce bon capitaine lorsqu'il nous a questionnés à propos <strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme étrange,<br />

mais vous pouvez m'<strong>en</strong> croire : toute la Samarie <strong>et</strong> tout Sichar ne parl<strong>en</strong>t que <strong>de</strong><br />

lui ! À Sichar, on le ti<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t pour un homme <strong>en</strong> qui agit toute la<br />

plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Esprit divin ! Et cela, si vous me perm<strong>et</strong>tez, on peut tout <strong>de</strong> même<br />

espérer que ce n'est pas ri<strong>en</strong> !<br />

2. Et au Temple donc ! Les chefs cherch<strong>en</strong>t jour <strong>et</strong> nuit le moy<strong>en</strong> d'<strong>en</strong> finir avec<br />

un tel guérisseur. Mais s'il a <strong>de</strong> telles puissances à ses ordres <strong>et</strong> l'amitié visible<br />

<strong>de</strong>s principaux pot<strong>en</strong>tats romains, les templiers auront beau suer sang <strong>et</strong> eau, il<br />

leur sera difficile <strong>de</strong> lui faire plus <strong>de</strong> mal qu'une mouche à un éléphant !<br />

87


3. Il paraît qu'un jour — vers le printemps — il est v<strong>en</strong>u au Temple <strong>et</strong> l'a n<strong>et</strong>toyé<br />

à coups <strong>de</strong> cor<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> fou<strong>et</strong> <strong>de</strong> tous les changeurs <strong>et</strong> marchands <strong>de</strong> colombes. Et<br />

tout cela se serait passé il y a trois mois à peine, quand ce guérisseur a comm<strong>en</strong>cé<br />

à se faire connaître !<br />

4. Oh, dans toute la Judée, on raconte déjà sur lui les choses les plus étranges !<br />

Les g<strong>en</strong>s du commun, profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>foncés dans l'obscurantisme du Temple,<br />

croi<strong>en</strong>t qu'il fait cela grâce à Belzébuth, ainsi que l'on nomme le chef <strong>de</strong>s diables<br />

; les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> le ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pour un <strong>grand</strong> prophète, les Grecs <strong>et</strong> les Romains<br />

pour un magici<strong>en</strong>.<br />

5. Les Sicharites le vénèr<strong>en</strong>t même comme un dieu, ce qui est d'ailleurs aussi le<br />

cas <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> Grecs <strong>et</strong> <strong>de</strong> Romains ! Et je ne parierais pas que ce ne soit<br />

pas égalem<strong>en</strong>t l'avis <strong>de</strong>s Romains qui sont ici ; car chez eux, le vieux dicton NON<br />

EXSISTIT VIR MAGNUS SINE ADFLATU DIVINO (*) a <strong>en</strong>core beaucoup <strong>de</strong> valeur, ce<br />

qui a au moins cela <strong>de</strong> bon qu'ils ne sont visiblem<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>nemis <strong>de</strong> ceux qui<br />

sont <strong>de</strong> quelque manière <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s hommes <strong>de</strong> l'esprit, <strong>et</strong> qu'ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t toujours<br />

fait <strong>et</strong> cause pour le spirituel, ce qui semble être indéniablem<strong>en</strong>t le cas ici <strong>en</strong>core.<br />

6. Mais il ferait mieux <strong>de</strong> ne pas se r<strong>en</strong>dre trop souv<strong>en</strong>t à Jérusalem pour y<br />

<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre la purification du Temple, si jamais il ne dispose pas d'autre chose<br />

que <strong>de</strong> forces humaines, fuss<strong>en</strong>t-elles extraordinaires ! Car là-bas, il pourrait bi<strong>en</strong><br />

lui arriver d'<strong>en</strong> manquer ; il aura beau être un <strong>grand</strong> prophète ou un <strong>grand</strong><br />

magici<strong>en</strong>, il ne pourra se protéger longtemps <strong>de</strong>s machinations infernales <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

incessants proj<strong>et</strong>s pour le persécuter, <strong>et</strong> il finira nécessairem<strong>en</strong>t par <strong>en</strong> être la<br />

misérable victime.<br />

7. Bref, celui qui ne vi<strong>en</strong>dra pas directem<strong>en</strong>t du ciel pour affronter le Temple par<br />

la foudre, le tonnerre <strong>et</strong> la grêle ne lui fera ri<strong>en</strong>, ou peu <strong>de</strong> chose ! »<br />

8. L'orateur précé<strong>de</strong>nt v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h dit : « Le Temple ne<br />

pourra pas <strong>grand</strong>-chose contre celui-là ! Car si les supérieurs ne lui ont pas<br />

<strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> comptes pour avoir n<strong>et</strong>toyé le Temple <strong>et</strong> ne l'ont pas arrêté, cela <strong>de</strong>vrait<br />

leur être tout aussi difficile une secon<strong>de</strong> fois ; car il faut vraim<strong>en</strong>t croire<br />

qu'une force toute divine emplit sa volonté ! Et s'il <strong>en</strong> est ainsi, autant dire<br />

qu'aucune force humaine n'existe <strong>de</strong>vant celle-là ! »<br />

9. Suétal dit : « Ami, tu ne compr<strong>en</strong>ds pas tout à fait ! Vois-tu, lorsque, vers la<br />

Pâque, il a débarrassé le Temple <strong>de</strong>sdits marchands, le Temple y a gagné plusieurs<br />

c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> livres d'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong> d'or purs ; oh, dans <strong>de</strong> telles conditions, il<br />

peut bi<strong>en</strong> faire tous les jours le n<strong>et</strong>toyage moral du Temple sans que les <strong>grand</strong>s<br />

prêtres lui oppos<strong>en</strong>t le moindre obstacle digne <strong>de</strong> ce nom ! Mais qu'il s'attaque<br />

une seule fois au Temple <strong>et</strong> à ses impostures inouïes, <strong>et</strong> l'on verra ce qui lui arrivera<br />

! En vérité, je n'aimerais pas être dans sa peau ce jour-là !<br />

10. Il n'y a certes pas si longtemps qu'on a fort prestem<strong>en</strong>t donné le coup <strong>de</strong><br />

grâce au fameux prophète Jean, qui prêcha un temps au bord du Jourdain le<br />

baptême <strong>et</strong> la pénit<strong>en</strong>ce, alors que le puissant Héro<strong>de</strong> lui-même l'avait pris sous<br />

sa protection ! Mais le Temple se glissa discrètem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rrière la méchante mère<br />

<strong>de</strong> la belle Hérodia<strong>de</strong>, <strong>et</strong> pour finir, Héro<strong>de</strong> lui-même se fit le meurtrier <strong>de</strong> son<br />

(*) « Il n'est pas <strong>de</strong> <strong>grand</strong> homme sans inspiration divine. »<br />

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célèbre protégé. Le Temple a un million <strong>de</strong> fois les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> persécuter un<br />

homme qu'il estime dangereux pour lui, <strong>et</strong> il ne lui est que très rarem<strong>en</strong>t arrivé <strong>de</strong><br />

manquer tout à fait son coup.<br />

11. Les machinations secrètes du Temple vont si loin que même les Romains<br />

éprouv<strong>en</strong>t une certaine crainte <strong>de</strong>vant elles ; beaucoup ont déjà été démasquées,<br />

mais à quoi bon, puisqu'on ne peut jamais ri<strong>en</strong> prouver <strong>de</strong> certain contre ces<br />

gaillards ?! »<br />

Chapitre 47<br />

Discussion <strong>de</strong> Mathaël <strong>et</strong> <strong>de</strong> Suétal à propos <strong>de</strong>s remontrances<br />

1. Mathaël, qui avait suivi c<strong>et</strong>te conversation à quelque distance, s'approche alors<br />

<strong>de</strong>s douze <strong>et</strong> dit : « Vous êtes <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, plus<br />

précisém<strong>en</strong>t toi, Suétal, <strong>et</strong> tes sept camara<strong>de</strong>s ; vous ne vous doutez pas <strong>en</strong>core<br />

<strong>de</strong> ce qu'il y a ici !<br />

2. Le Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h est ici, oui, Il est ici — mais qui Il est, vous n'<strong>en</strong> avez<br />

pas l'ombre d'une idée, aussi dites-vous les pires sottises sur Lui <strong>et</strong> Ses œuvres !<br />

3. L'homme juste selon l'ordonnance ne doit jamais dire que la vérité ; s'il ne la<br />

connaît pas, il doit se taire <strong>et</strong> chercher. Et lorsqu'il a trouvé la vérité, alors, il peut<br />

parler ! Car celui qui parle sans avoir reconnu la vérité m<strong>en</strong>t, même s'il lui arrive<br />

par hasard <strong>de</strong> dire la vérité !<br />

4. Mais aucun m<strong>en</strong>songe ne doit jamais franchir les lèvres d'un homme véritable<br />

; car par le m<strong>en</strong>songe, l'âme témoigne qu'elle chemine <strong>en</strong>core dans la mort <strong>et</strong> non<br />

dans la vie !<br />

5. Ainsi, celui qu'un m<strong>en</strong>songe amuse est loin <strong>de</strong> connaître la valeur <strong>de</strong> la vie ;<br />

car la vie <strong>et</strong> la vérité sont une ! Seule la vérité libère l'âme <strong>et</strong> lui ouvre l'infini <strong>de</strong><br />

Dieu dans son ess<strong>en</strong>ce, son être <strong>et</strong> son action.<br />

6. Mais quand tu p<strong>en</strong>ses <strong>et</strong> parles comme je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, tu témoignes<br />

ouvertem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que ton âme <strong>de</strong>meure non dans le <strong>grand</strong> temple <strong>de</strong> toute<br />

lumière <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute vérité, mais dans une vulgaire porcherie !<br />

7. À quoi bon faire <strong>de</strong>s réflexions si elles sont totalem<strong>en</strong>t dénuées <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

? Le capitaine Jules <strong>de</strong> Génazar<strong>et</strong>h ne vous a-t-il pas dit fort sagem<strong>en</strong>t que vous<br />

verriez <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>driez <strong>en</strong>core aujourd'hui bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, <strong>et</strong> même que vous<br />

<strong>de</strong>vriez ne pas poser trop <strong>de</strong> questions sur ces choses, mais les recevoir dans<br />

l'amour <strong>de</strong> votre cœur <strong>et</strong> vous y conformer, car c'est ainsi que l'explication<br />

vi<strong>en</strong>drait d'elle-même ? En disant cela, le capitaine a bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> justem<strong>en</strong>t parlé !<br />

8. Aussi, r<strong>en</strong>oncez au bavardage superflu <strong>et</strong> sans aucun fond <strong>de</strong> vérité, pr<strong>en</strong>ez<br />

bonne note <strong>de</strong> tout <strong>et</strong> gar<strong>de</strong>z-le dans votre cœur, <strong>et</strong> vous <strong>en</strong> r<strong>et</strong>irerez <strong>en</strong> peu <strong>de</strong><br />

temps bi<strong>en</strong> plus <strong>de</strong> profit qu'<strong>en</strong> vous m<strong>en</strong>tant les uns aux autres p<strong>en</strong>dant <strong>de</strong>s<br />

années <strong>en</strong> croyant dire la vérité !<br />

9. Il vaut certes mieux poser <strong>de</strong>s questions qu'expliquer une chose sans y être soimême<br />

fondé ; mais lorsqu'on questionne, <strong>en</strong>core faut-il savoir qui l'on interroge<br />

89


<strong>et</strong> ce qu'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, sans quoi la question n'a pas plus <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s qu'une réponse<br />

m<strong>en</strong>songère lancée <strong>en</strong> l'air.<br />

10. Car il faut d'abord que je me sois pleinem<strong>en</strong>t convaincu par mon expéri<strong>en</strong>ce<br />

que celui que j'interroge peut me répondre la vérité ; <strong>en</strong>fin, je dois comm<strong>en</strong>cer<br />

par apprécier <strong>en</strong> moi-même si ma question a un s<strong>en</strong>s, faute <strong>de</strong> quoi elle trahira<br />

ma <strong>grand</strong>e sottise, voire une malice cachée ! Notez bi<strong>en</strong> c<strong>et</strong>te règle <strong>de</strong> vie, <strong>et</strong><br />

vous aurez au moins le mérite <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>stie sur c<strong>et</strong>te terre ! »<br />

11. Suétal, un peu fâché, dit : « Mais, mon cher Mathaël, il me semble que tu<br />

nous rappelles à l'ordre, <strong>et</strong>, que je sache, personne ne t'a chargé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te mission !<br />

Ton conseil est sans doute bon <strong>et</strong> vrai, mais il y manque quelque bi<strong>en</strong>veillance, <strong>et</strong><br />

c'est pourquoi il ne fait pas du tout sur nous l'impression qu'il aurait assurém<strong>en</strong>t<br />

faite s'il avait été donné plus aimablem<strong>en</strong>t. Nous le suivrons sans doute, parce<br />

que nous voyons toute la vérité qu'il y a <strong>en</strong> lui ; mais nous sommes d'avis que la<br />

vérité n'<strong>en</strong> <strong>de</strong>meure pas moins la vérité lorsqu'elle se prés<strong>en</strong>te sous une<br />

appar<strong>en</strong>ce aimable !<br />

12. Par exemple, <strong>de</strong>ux <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux additionnés font quatre ! C'est une vérité, mais<br />

c<strong>et</strong>te vérité ne persiste-t-elle pas lorsqu'on l'exprime d'un air aimable ?! Ou bi<strong>en</strong>,<br />

si je conduis un aveugle, est-il indiffér<strong>en</strong>t que je le saisisse avec une ferm<strong>et</strong>é qui<br />

le fait souffrir, ou que je mène ce pauvre homme sur le bon chemin <strong>en</strong> le t<strong>en</strong>ant<br />

doucem<strong>en</strong>t ? Je crois que lorsqu'on gui<strong>de</strong> un aveugle, il vaut mieux le t<strong>en</strong>ir<br />

doucem<strong>en</strong>t ; car si je lui fais mal <strong>en</strong> le t<strong>en</strong>ant trop fermem<strong>en</strong>t, il va chercher à<br />

m'échapper, <strong>et</strong> qui sait si ce n'est pas précisém<strong>en</strong>t à l'instant où il s'échappera <strong>de</strong><br />

mes mains qui le serr<strong>en</strong>t par trop qu'il va tomber <strong>et</strong> se blesser gravem<strong>en</strong>t !? Alors<br />

que si je le ti<strong>en</strong>s <strong>et</strong> le mène avec douceur, nous arriverons à <strong>de</strong>stination dans la<br />

joie <strong>et</strong> la bonne humeur. — N'ai-je pas raison ? »<br />

13. Malhaël dit : « Oh, assurém<strong>en</strong>t, quand les circonstances le perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t ; mais<br />

si tu aperçois un aveugle au bord d'un précipice <strong>et</strong> si tu compr<strong>en</strong>ds au même<br />

instant que tu peux le sauver <strong>en</strong> l'empoignant d'une main ferme <strong>et</strong> le tirant<br />

brusquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> arrière, vas-tu d'abord délibérer <strong>en</strong> toi-même pour savoir avec<br />

quelle force ou avec quelle douceur tu vas le saisir ? »<br />

14. Suétal dit : « Mais étions-nous donc spirituellem<strong>en</strong>t au bord d'un abîme si<br />

fatal ? »<br />

15. Mathaël dit : « Assurém<strong>en</strong>t, sans quoi je ne vous aurais pas aussi brusquem<strong>en</strong>t<br />

repris ! Car voyez-vous, tout ce qui mène à un m<strong>en</strong>songe est déjà<br />

m<strong>en</strong>songe <strong>en</strong> soi, <strong>et</strong> pour l'âme un abîme mortel, même si cela n'apparaît pas à<br />

l'homme extérieur !<br />

16. Un m<strong>en</strong>songe subtil <strong>et</strong> tout à fait invisible est bi<strong>en</strong> plus dangereux pour l'âme<br />

qu'un m<strong>en</strong>songe long comme le bras <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t tangible ! Car tu n'agiras<br />

certes pas sur la foi d'un m<strong>en</strong>songe long comme le bras, alors qu'un m<strong>en</strong>songe<br />

vraim<strong>en</strong>t subtil <strong>et</strong> imperceptible te poussera à agir comme s'il était une vérité <strong>et</strong><br />

te m<strong>et</strong>tra très facilem<strong>en</strong>t au bord <strong>de</strong> la perte définitive. Mais cela, seul peut le<br />

voir celui <strong>en</strong> qui s'est ouverte la vision intérieure <strong>de</strong> l'esprit ! C'est pourquoi tu<br />

n'as pas à te fâcher si je t'ai rattrapé un peu fermem<strong>en</strong>t ; car c'est un <strong>de</strong> ces<br />

m<strong>en</strong>songes subtils qui s'était glissé parmi vous comme une vipère v<strong>en</strong>imeuse, ce<br />

que nous avons vu très clairem<strong>en</strong>t, mes quatre frères <strong>et</strong> moi, <strong>et</strong> il ne faut pas<br />

90


chercher ailleurs la raison <strong>de</strong> mon peu <strong>de</strong> douceur. — Compr<strong>en</strong>ds-tu bi<strong>en</strong> cela ? »<br />

17. Suétal dit : « Oui, s'il <strong>en</strong> est ainsi, ton interv<strong>en</strong>tion quelque peu brutale pr<strong>en</strong>d<br />

bi<strong>en</strong> sûr un tout autre visage, <strong>et</strong> je ne peux plus ri<strong>en</strong> te reprocher. Naturellem<strong>en</strong>t,<br />

nous ne voyons pas les phénomènes spirituels <strong>et</strong> sommes obligés <strong>de</strong> te croire si<br />

tu dis qu'il <strong>en</strong> est ainsi ; mais nous savons que tes raisons sont toujours bi<strong>en</strong><br />

fondées, aussi te croyons-nous sur parole. Cep<strong>en</strong>dant, <strong>de</strong> quoi allons-nous parler<br />

<strong>en</strong>tre nous, tous les douze ? Il est tout <strong>de</strong> même mortellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>nuyeux <strong>de</strong> rester<br />

complètem<strong>en</strong>t mu<strong>et</strong>, <strong>et</strong> pour ce qui est <strong>de</strong> la vérité, nous sommes <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> loin<br />

du compte ! »<br />

18. Mathaël dit : « Ami, si tu te trouvais par une nuit très noire dans une épaisse<br />

forêt <strong>de</strong> montagne que tu <strong>de</strong>vrais traverser, la sachant pleine <strong>de</strong> versants abrupts<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> précipices béants, ne vaudrait-il pas mieux pour toi y att<strong>en</strong>dre sans bouger<br />

la lumière du jour, plutôt que <strong>de</strong> suivre quelque lumière trompeuse <strong>et</strong> <strong>de</strong> te<br />

précipiter avec elle dans un abîme ? Il n'est certes pas particulièrem<strong>en</strong>t<br />

réjouissant <strong>de</strong> passer la nuit dans une épaisse forêt <strong>de</strong> montagne, mais cela est<br />

sans doute incomparablem<strong>en</strong>t plus sûr que <strong>de</strong> continuer à marcher sur un sol où<br />

tu peux r<strong>en</strong>contrer la mort à chaque pas ! — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu ? »<br />

19. Suétal dit : « Eh bi<strong>en</strong>, il n'y a vraim<strong>en</strong>t plus ri<strong>en</strong> à dire, car tu as toujours<br />

raison <strong>et</strong> l'on ne peut ri<strong>en</strong> t'objecter ; aussi préférons-nous suivre ton conseil, <strong>et</strong> tu<br />

n'auras ainsi assurém<strong>en</strong>t plus ri<strong>en</strong> à nous reprocher. »<br />

Chapitre 48<br />

Paroles <strong>de</strong> Mathaël sur la loi <strong>et</strong> l'amour<br />

1. Mathaël dit : « Oh, une chose <strong>en</strong>core, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te chose est fort importante !<br />

2. Si vous <strong>de</strong>vez vous contraindre pour faire cela <strong>et</strong> que vous ne le faites <strong>en</strong><br />

quelque sorte pas spécialem<strong>en</strong>t par amour, alors, ne le faites pas, <strong>et</strong> <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant,<br />

faites par amour ce que vous voudrez ; car ce qu'un homme ne fait pas<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t par amour a peu <strong>de</strong> valeur pour sa vie, parce que c'est l'amour qui est<br />

la substance même <strong>de</strong> la vie, son élém<strong>en</strong>t fondam<strong>en</strong>tal.<br />

3. C'est pourquoi ce dont l'amour s'empare est saisi par la vie <strong>et</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t soimême<br />

vie ; mais ce qui n'est pas touché par l'amour, ce que l'homme ne fait que<br />

par crainte <strong>de</strong>s conséqu<strong>en</strong>ces ou parce que son p<strong>et</strong>it orgueil <strong>en</strong> a besoin afin <strong>de</strong> le<br />

faire passer pour un sage auprès <strong>de</strong>s autres hommes, cela ne <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t pas vie, mais<br />

seulem<strong>en</strong>t mort, parce que seul l'élém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la mort <strong>et</strong> non celui <strong>de</strong> la vie s'<strong>en</strong><br />

empare !<br />

4. Je te le dis, toute loi, si sage soit-elle, <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre non pas la vie, mais la mort, si<br />

l'homme ne lui obéit avec son amour ; <strong>et</strong> le plus sage conseil est alors pareil à un<br />

grain <strong>de</strong> blé qui, au lieu d'une bonne terre, tombe sur un rocher où il se <strong>de</strong>ssèche<br />

<strong>et</strong> ne pourra jamais fructifier.<br />

5. Je vous le dis, parce que je le vois : tout dans l'homme est mort, sauf l'amour !<br />

Aussi, laissez l'amour régner pleinem<strong>en</strong>t sur votre être tout <strong>en</strong>tier <strong>et</strong> éprouvez<br />

l'amour dans chaque fibre <strong>de</strong> votre être, <strong>et</strong> c'est ainsi que vous vaincrez la mort<br />

91


<strong>en</strong> vous, <strong>et</strong> que ce qui était mort <strong>en</strong> vous sera transformé par votre amour <strong>de</strong> ce<br />

même amour <strong>en</strong> une vie in<strong>de</strong>structible ; car l'amour qui s'éprouve lui-même <strong>et</strong>, à<br />

partir <strong>de</strong> ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, se reconnaît lui-même, est la vie même, <strong>et</strong> ce qui se<br />

transforme <strong>en</strong> amour se transforme aussi <strong>en</strong> vie !<br />

6. Même si vous suiviez mon conseil à la l<strong>et</strong>tre, il ne vous servirait pas à <strong>grand</strong>chose<br />

<strong>de</strong> ne le suivre qu'à cause du poids <strong>de</strong> sa vérité, <strong>et</strong> parce que vous<br />

craindriez quelque conséqu<strong>en</strong>ce grave si vous ne l'observiez point ; pourtant,<br />

l'observer <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière ne serait d'aucun profit pour votre âme. Mais c'est<br />

tout autre chose lorsque l'amour <strong>et</strong> la vérité s'uniss<strong>en</strong>t pour agir <strong>en</strong>semble ; alors,<br />

par la lumière <strong>de</strong> la vérité <strong>et</strong> dans c<strong>et</strong>te lumière, l'amour crée sans cesse <strong>en</strong> luimême<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> lui-même une vie toujours r<strong>en</strong>ouvelée <strong>et</strong> toujours plus parfaite,<br />

jusqu'à accé<strong>de</strong>r pleinem<strong>en</strong>t à la ressemblance <strong>de</strong> Dieu !<br />

7. L'amour, autrem<strong>en</strong>t dit l'esprit <strong>de</strong> Dieu <strong>en</strong> l'homme, est certes dès l'origine à<br />

l'image <strong>de</strong> Dieu ; mais pour parv<strong>en</strong>ir à la pleine ressemblance active <strong>et</strong> vivante <strong>de</strong><br />

Dieu, il doit d'abord s'élever sur la voie que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> vous indiquer. —<br />

Compr<strong>en</strong>ez-vous cela ? »<br />

8. Suétal, la mine à prés<strong>en</strong>t tout à fait réjouie, dit : « Par le Dieu tout-puissant !<br />

Tu es véritablem<strong>en</strong>t l'un <strong>de</strong>s plus <strong>grand</strong>s prophètes ; car aucun prophète n'avait<br />

<strong>en</strong>core parlé à son peuple avec une telle vérité <strong>et</strong> d'une manière si compréh<strong>en</strong>sible<br />

! En vérité, il y a dans ton seul p<strong>et</strong>it doigt une vie plus parfaite que<br />

nous n'<strong>en</strong> avons tous <strong>en</strong>semble dans tout le corps, ou plus précisém<strong>en</strong>t dans nos<br />

âmes. Oui, frère, c'est ainsi ! C'est vraim<strong>en</strong>t un oracle divin qui parle <strong>en</strong> Mathaël,<br />

<strong>et</strong> nous ne saurions être assez reconnaissants à Dieu <strong>de</strong> nous avoir, pourrait-on<br />

dire, si miraculeusem<strong>en</strong>t réunis ici ! Oh, mais si ta sagesse est déjà si<br />

incomparablem<strong>en</strong>t plus <strong>grand</strong>e que la nôtre, que sera celle <strong>de</strong> ce guérisseur <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h que nous ne connaissons pas <strong>en</strong>core ? ! »<br />

9. Mathaël dit : « Qu'est-ce qui brille si merveilleusem<strong>en</strong>t dans une goutte d'eau<br />

susp<strong>en</strong>due à la pointe d'un brin d'herbe ?<br />

10. Voyez-vous, c'est l'image du soleil qui luit avec ce merveilleux éclat dans la<br />

goutte limpi<strong>de</strong> ! Mais l'image du soleil ne fait pas que scintiller, elle agit aussi !<br />

La lumière <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te image du soleil se conc<strong>en</strong>tre au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> la goutte, qui<br />

acquiert ainsi une <strong>grand</strong>e chaleur vitale, <strong>et</strong>, dans c<strong>et</strong>te chaleur, la goutte finit ellemême<br />

par se résoudre <strong>en</strong> substance <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> redonne vie à la plante qui luttait<br />

contre la mort ; mais l'image dans la goutte n'est pas pour autant le soleil luimême<br />

; bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong> là, ce n'est qu'une image à la ressemblance du soleil <strong>et</strong><br />

pourvue d'une p<strong>et</strong>ite parcelle <strong>de</strong> la force <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'activité qui <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t dans le<br />

vrai <strong>grand</strong> soleil lui-même !<br />

11. Et c'est une différ<strong>en</strong>ce semblable qui existe <strong>en</strong>tre moi <strong>et</strong> le Sauveur <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h ! Il est le soleil même <strong>de</strong> la vie, <strong>et</strong> <strong>en</strong> moi ne <strong>de</strong>meure, comme dans une<br />

gouttel<strong>et</strong>te <strong>de</strong> rosée, que la p<strong>et</strong>ite image merveilleusem<strong>en</strong>t lumineuse du <strong>grand</strong><br />

soleil éternellem<strong>en</strong>t vrai, d'où <strong>de</strong>s myria<strong>de</strong>s sans nombre <strong>de</strong> gouttel<strong>et</strong>tes comme<br />

nous tir<strong>en</strong>t la sainte nourriture <strong>de</strong> leur vie. — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela ? »<br />

12. Suétal dit : « Ô Dieu, quelle <strong>grand</strong>eur sacrée dans ce langage ! Ami, tu es<br />

déjà bi<strong>en</strong> plus qu'une goutte, tu es toute une mer ! Oh, aucun <strong>de</strong> nous n'<strong>en</strong> arrivera<br />

jamais à ce point ; tout cela est d'une <strong>grand</strong>eur, d'une saint<strong>et</strong>é <strong>et</strong> d'une<br />

92


noblesse trop saisissantes ! Mais dans ces circonstances vraim<strong>en</strong>t par trop divines,<br />

nous ne saurions <strong>de</strong>meurer ici, nous qui sommes <strong>de</strong> si <strong>grand</strong>s pécheurs ;<br />

car c<strong>et</strong> <strong>en</strong>droit semble <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir toujours plus sacré ! »<br />

13. Les onze autres se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à leur tour à t<strong>en</strong>ir un langage d'une <strong>grand</strong>e humilité<br />

<strong>et</strong> veul<strong>en</strong>t eux aussi s'<strong>en</strong> aller ; mais Jules les <strong>en</strong> empêche.<br />

14. Suétal dit alors : « Seigneur, lorsque, jadis, Moïse alla vers le buisson ar<strong>de</strong>nt<br />

sur la montagne afin <strong>de</strong> savoir ce que c'était, une voix r<strong>et</strong><strong>en</strong>tissante s'éleva d'<strong>en</strong>tre<br />

les flammes <strong>et</strong> lui dit : "Moïse, r<strong>et</strong>ire tes sandales <strong>de</strong> tes pieds, car le lieu où tu te<br />

ti<strong>en</strong>s est une terre sainte !" D'après ce qui a été dit clairem<strong>en</strong>t, il y a ici ce que<br />

Moïse a trouvé sur la montagne ; ainsi, ce lieu est lui aussi sacré, <strong>et</strong> nous qui<br />

sommes pécheurs, nous ne sommes pas dignes d'y poser le pied ! »<br />

Chapitre 49<br />

Mathaël explique le buisson ar<strong>de</strong>nt<br />

1. À la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> Jules, qui ne savait que répondre à Suétal, Mathaël, qui se<br />

t<strong>en</strong>ait à son côté, dit : « Qui donc vous dit que vous êtes ou que vous n'êtes pas<br />

dignes <strong>de</strong> poser le pied <strong>en</strong> ce lieu ? Dans quel livre <strong>de</strong> quelle sagesse est-il donc<br />

écrit qu'un mala<strong>de</strong> ait jamais pu ne pas être digne <strong>de</strong> son mé<strong>de</strong>cin ? Ce qui vous<br />

fait supposer cela, c'est la sagesse moutonnière du Temple, qui va jusqu'à faire<br />

griller au feu les mains <strong>de</strong> celui qui touche d'une main non consacrée le seuil <strong>de</strong><br />

la porte qui mène au Saint <strong>de</strong>s Saints ! Mais quand les premiers Pharisi<strong>en</strong>s,<br />

contre une belle somme, y conduis<strong>en</strong>t les étrangers chaque jour <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> pour<br />

leur montrer tout ce qu'il y a là <strong>et</strong> leur <strong>en</strong> raconter l'histoire, on ne va certes pas<br />

griller <strong>en</strong>suite au feu les mains <strong>de</strong> ces étrangers !<br />

2. Que voulut donc exactem<strong>en</strong>t signifier Dieu lorsqu'il ordonna à Moïse <strong>de</strong> r<strong>et</strong>irer<br />

ses sandales ?<br />

3. Voyez-vous, Il lui disait par là : "Défais-toi <strong>de</strong> ce qu'il y a <strong>en</strong> toi <strong>de</strong> s<strong>en</strong>soriel <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> matériel, éloigne <strong>de</strong> toi, par ta volonté, le vieil Adam <strong>de</strong> chair <strong>et</strong> ti<strong>en</strong>s-toi<br />

<strong>de</strong>vant Moi comme un homme purem<strong>en</strong>t spirituel, sans quoi tu ne pourras<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre Ma voix <strong>et</strong> Je ne pourrai faire <strong>de</strong> toi le gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> Mon peuple !"<br />

4. Quant à l'asc<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la montagne, que signifie-t-elle ?<br />

5. Moïse fuyait Pharaon qui le recherchait pour le meurtre d'un haut fonctionnaire<br />

du roi, car ce fonctionnaire était pour le roi presque un fils.<br />

6. Cep<strong>en</strong>dant, Moïse jouissait d'un <strong>grand</strong> crédit auprès <strong>de</strong> Pharaon, au point qu'il<br />

n'était pas <strong>en</strong>core certain alors qu'il ne <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drait pas un jour, comme Joseph,<br />

souverain <strong>de</strong> l'Egypte, élevant ainsi son peuple.<br />

7. C'est c<strong>et</strong>te ambition que Dieu lui montra dans le désert <strong>en</strong> lui faisant <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre<br />

l'asc<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la montagne, dont il ne <strong>de</strong>vait toutefois pas atteindre le<br />

somm<strong>et</strong>, car il <strong>en</strong> fut empêché par le buisson ar<strong>de</strong>nt.<br />

8. Et ce qui est dit <strong>en</strong>suite signifie, dans notre langage : "Tu <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dras bi<strong>en</strong> le<br />

sauveur <strong>de</strong> Mon peuple, non pas comme tu le crois, mais <strong>de</strong> la manière que Je<br />

93


t'indiquerai, Moi, ton Dieu <strong>et</strong> ton Seigneur !<br />

9. Tu ne dois pas <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir roi d'Egypte <strong>et</strong> faire ainsi <strong>de</strong> Mon peuple, que J'ai<br />

instruit jusqu'ici dans l'humilité, un peuple égoïste <strong>et</strong> arrogant ; Mon peuple doit<br />

quitter ce pays <strong>et</strong> v<strong>en</strong>ir avec toi dans ce désert ! Là, Je donnerai <strong>de</strong>s lois à Mon<br />

peuple, <strong>et</strong> Je serai Moi-même son maître <strong>et</strong> son gui<strong>de</strong> ; <strong>et</strong> s'il Me <strong>de</strong>meure fidèle,<br />

Je lui donnerai le pays <strong>de</strong> Salem, où coul<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s ruisseaux <strong>de</strong> lait <strong>et</strong> <strong>de</strong> miel !"<br />

10. Voyez-vous, <strong>en</strong> S'adressant ainsi à Moïse dans la langue imagée du temps,<br />

Dieu ne voulait aucunem<strong>en</strong>t signifier à Moïse qu'il <strong>de</strong>vait véritablem<strong>en</strong>t dénu<strong>de</strong>r<br />

ses pieds, mais seulem<strong>en</strong>t qu'il <strong>de</strong>vait se dépouiller du vieil Adam, c'est-à-dire <strong>de</strong><br />

l'avidité <strong>de</strong> l'homme matériel extérieur, qui est au véritable homme vivant ce que<br />

sont aux pieds <strong>de</strong> l'homme les sandales, qui sont par ailleurs le vêtem<strong>en</strong>t le plus<br />

bas, le plus superficiel, le <strong>de</strong>rnier <strong>et</strong> le moins indisp<strong>en</strong>sable.<br />

11. Quant au lieu que Dieu désigne comme sacré, c'est seulem<strong>en</strong>t un état <strong>de</strong> très<br />

<strong>grand</strong>e humilité <strong>de</strong> l'âme, état sans lequel l'âme ne peut survivre face à l'amour<br />

éternel, qui est un véritable feu élém<strong>en</strong>taire <strong>de</strong> vie.<br />

12. Et le buisson d'épines que l'on voit brûler signifie que le chemin du prophète<br />

sera semé <strong>de</strong> nombreuses épines ; mais son <strong>grand</strong> amour <strong>en</strong>vers Dieu <strong>et</strong> <strong>en</strong>vers<br />

ses frères, qui se manifeste comme la flamme au-<strong>de</strong>ssus du buisson <strong>et</strong> l'embrase<br />

tout <strong>en</strong>tier, émoussera les pointes <strong>de</strong>s épines du buisson <strong>et</strong> finira par brûler toutes<br />

les ronces, ouvrant un chemin sans épines.<br />

13. Voilà le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la phrase que tu as citée tout à l'heure ! Et puisqu'il <strong>en</strong> est<br />

incontestablem<strong>en</strong>t ainsi, comm<strong>en</strong>t peux-tu considérer quelque lieu que ce soit sur<br />

terre comme plus ou moins sacré ?<br />

14. R<strong>et</strong>irez vous aussi vos sandales mondaines <strong>et</strong> humiliez-vous dans tous les<br />

aspects <strong>de</strong> la vie, <strong>et</strong> vous serez aussi dignes que nous tous <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer ici ; car<br />

nous sommes tous ici <strong>de</strong>s hommes parfaitem<strong>en</strong>t égaux <strong>de</strong>vant Dieu, <strong>de</strong>vant Celui<br />

qui est ici, <strong>et</strong> aucun d'<strong>en</strong>tre nous ne vaut plus qu'un autre ! »<br />

15. Ayant <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du ces paroles <strong>de</strong> Mathaël, Suétal dit : « Ah, lorsqu'on est empli<br />

<strong>en</strong> si <strong>grand</strong>e abondance d'une telle sagesse, il est certes facile d'être sans crainte ;<br />

car un voyant progresse aisém<strong>en</strong>t, tandis qu'un aveugle doit sans cesse s'assurer<br />

du prochain pas qu'il fera, <strong>et</strong>, malgré toute sa pru<strong>de</strong>nce <strong>et</strong> ses tâtonnem<strong>en</strong>ts<br />

précautionneux, il lui arrive toujours <strong>de</strong> se cogner quelque part. Mais lorsqu'on a<br />

quelqu'un comme toi, cher frère Mathaël, pour montrer le chemin, on peut<br />

toujours avancer même si l'on est un parfait aveugle ! Oh, dans ces conditions,<br />

nous restons, <strong>et</strong> nous réjouissons au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute expression <strong>de</strong> faire bi<strong>en</strong>tôt la<br />

connaissance <strong>de</strong> celui dont, pour <strong>de</strong>s raisons d'une évi<strong>de</strong>nce palpable, tu as si<br />

hautem<strong>en</strong>t parlé ! »<br />

16. Jules presse très amicalem<strong>en</strong>t la main <strong>de</strong> Mathaël <strong>et</strong> lui dit : « Grâces<br />

éternelles soi<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dues au Seigneur qui t'a si magnifiquem<strong>en</strong>t guéri, toi <strong>et</strong> tes<br />

quatre frères ! Que n'ai-je appris <strong>de</strong> toi <strong>en</strong> ces instants, <strong>et</strong> cela <strong>en</strong> <strong>de</strong>s termes si<br />

clairs <strong>et</strong> si compréh<strong>en</strong>sibles, <strong>et</strong> je remarque qu'un <strong>grand</strong> jour comm<strong>en</strong>ce à naître<br />

dans mon âme ; si cela continue ainsi, j'espère pouvoir bi<strong>en</strong>tôt marcher sur tes<br />

traces moi aussi ! »<br />

17. Mathaël dit : « Et il ne saurait <strong>en</strong> être autrem<strong>en</strong>t ! Car il n'y a qu'un seul Dieu,<br />

94


une vie, une lumière, un amour, <strong>et</strong> une seule vérité éternelle ; <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te vie terrestre<br />

est le chemin qui y mène. Nous sommes nés <strong>de</strong> l'amour <strong>et</strong> <strong>de</strong> la lumière, par la<br />

volonté <strong>de</strong> l'amour éternel qui est <strong>en</strong> Dieu, pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un amour <strong>et</strong> une lumière<br />

autonomes ; nous le pouvons, <strong>et</strong> nous le <strong>de</strong>vons !<br />

18. Comm<strong>en</strong>t cela ? Vois-tu, noble frère, ce ne peut être que par l'amour <strong>en</strong>vers<br />

Dieu <strong>et</strong> par une activité incessante <strong>de</strong> c<strong>et</strong> amour ! Car notre amour <strong>en</strong>vers Dieu<br />

est <strong>en</strong> nous l'amour <strong>de</strong> Dieu Lui-même, <strong>et</strong> il mène notre âme à l'activité toujours<br />

croissante <strong>de</strong> la vraie vie éternelle, qui est <strong>en</strong> soi la plus parfaite vérité <strong>et</strong> la plus<br />

pure lumière. Ainsi, quand le jour comm<strong>en</strong>ce à poindre dans l'âme d'un homme,<br />

c'est qu'elle est déjà très proche du but éternel <strong>de</strong> la vie ei qu'elle ne peut plus<br />

faire autrem<strong>en</strong>t que d'atteindre ce but <strong>de</strong> la vie éternelle, qui est <strong>en</strong> soi tout ce que<br />

la vie parv<strong>en</strong>ue à son accomplissem<strong>en</strong>t pourra jamais atteindre <strong>en</strong> toute liberté <strong>et</strong><br />

dans une parfaite indép<strong>en</strong>dance !<br />

19. C'est pourquoi tu peux te réjouir, noble frère, car il sera bi<strong>en</strong>tôt donné à ton<br />

âme <strong>de</strong> voir elle aussi ce que la mi<strong>en</strong>ne voit dans une clarté toujours plus <strong>grand</strong>e<br />

! Et dans le plein jour <strong>de</strong> ton âme, tu compr<strong>en</strong>dras la <strong>grand</strong>eur <strong>de</strong> Celui que tu<br />

nommes <strong>en</strong>core avec une certaine crainte le "guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h".<br />

20. En tant qu'homme, Il est certes fait comme toi <strong>et</strong> moi — mais Son esprit !<br />

Tout l'infini éternel est imprégné <strong>de</strong> la force <strong>et</strong> <strong>de</strong> la lumière <strong>de</strong> Son esprit ! —<br />

Compr<strong>en</strong>ds-tu bi<strong>en</strong> ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> dire, noble frère ? »<br />

21. Jules, ému jusqu'aux larmes, répond : « Oui, cher frère <strong>en</strong> vérité tellem<strong>en</strong>t<br />

plus noble que moi ; vraim<strong>en</strong>t, dans mon amour, je pourrais te serrer à t'étouffer,<br />

<strong>et</strong> je ne pourrai plus désormais contempler le Sauveur Jésus <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h sans<br />

verser <strong>de</strong>s larmes d'amour ; ce n'est qu'à prés<strong>en</strong>t que je compr<strong>en</strong>ds le <strong>grand</strong><br />

amour <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te qui ne veut littéralem<strong>en</strong>t plus Le quitter d'un pas ! »<br />

22. Suétal dit : « Dieu soit loué, nous ne <strong>de</strong>vrions donc plus guère avoir <strong>de</strong> peine<br />

à le reconnaître ! Nous n'avons qu'à regar<strong>de</strong>r aux côtés <strong>de</strong> qui marche c<strong>et</strong>te jeune<br />

fille, <strong>et</strong> ce sera lui !» — Et ils regardèr<strong>en</strong>t avec att<strong>en</strong>tion.<br />

Chapitre 50<br />

Doutes <strong>de</strong>s douze sur la personne du Sauveur<br />

1. Mais, sur Mon ordre, Jarah se prom<strong>en</strong>ait désormais avec Raphaël <strong>et</strong> Josoé <strong>et</strong><br />

s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ait avec eux <strong>de</strong> la sagesse si soudainem<strong>en</strong>t apparue <strong>de</strong> Mathaël, aussi<br />

les douze se <strong>de</strong>mandai<strong>en</strong>t-ils doublem<strong>en</strong>t lequel Je pouvais être <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

compagnons <strong>de</strong> la jeune fille. De plus, ils M'imaginai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> comme un homme,<br />

alors que les <strong>de</strong>ux compagnons <strong>de</strong> Jarah semblai<strong>en</strong>t n'être que <strong>de</strong>s garçons <strong>de</strong><br />

douze à quatorze ans, aussi les douze ne s'y r<strong>et</strong>rouvai<strong>en</strong>t-ils plus du tout. L'un<br />

d'eux dit à Suétal : « Ami, c<strong>et</strong>te fois, tu as crié victoire un peu trop tôt <strong>en</strong> notre<br />

nom ! La jeune fille, qui est probablem<strong>en</strong>t une <strong>de</strong>s filles du <strong>grand</strong> aubergiste<br />

Ebahi <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h — car nous qui sommes <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> ce district, nous<br />

l'avons souv<strong>en</strong>t vue à l'auberge lorsque nous avions affaire <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te ville —, c<strong>et</strong>te<br />

jeune fille marche <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux garçons, sans doute fils du <strong>grand</strong> gouverneur. Ni<br />

l'un ni l'autre ne peuv<strong>en</strong>t être le guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h. La question est donc :<br />

95


qui est-il ? Je te le dis, frère, notre sagesse n'y suffira jamais ; aussi la meilleure<br />

chose que nous ayons à faire pour le mom<strong>en</strong>t est-elle incontestablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous<br />

taire ! »<br />

2. Suétal dit : « Je suis tout à fait <strong>de</strong> ton avis ; mais, à vrai dire, le noble seigneur<br />

Jules nous a ici quelque peu fait marcher, ce que, du reste, nous avons bi<strong>en</strong><br />

mérité ; pourquoi faut-il que nous parlions sans cesse ! Se taire, écouter <strong>et</strong><br />

regar<strong>de</strong>r, voilà ce qu'il y a <strong>de</strong> mieux, <strong>et</strong> c'est <strong>en</strong> quelque sorte le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> toute sagesse ! » Après quoi tous les douze se tais<strong>en</strong>t, l'âme emplie <strong>de</strong> toutes<br />

sortes <strong>de</strong> p<strong>en</strong>sées.<br />

3. Je vais alors à eux <strong>et</strong> dis à Suétal : « J'ai tout <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>de</strong> votre conversation<br />

précé<strong>de</strong>nte, car J'ai l'ouïe très fine ; vous avez sans doute beaucoup parlé <strong>de</strong> ce<br />

guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h avec le sage Mathaël <strong>et</strong> le capitaine Jules, mais votre<br />

opinion tout à fait personnelle ne s'est jamais dévoilée ; aussi aimerais-Je que<br />

vous Me disiez maint<strong>en</strong>ant très franchem<strong>en</strong>t ce que vous p<strong>en</strong>sez <strong>de</strong> lui au juste<br />

<strong>en</strong> vous-mêmes. Et parlez sans crainte ; car Je me porte garant qu'il ne vous arrivera<br />

ri<strong>en</strong> pour autant ! Je connais suffisamm<strong>en</strong>t ce guérisseur pour savoir qu'il ne<br />

vous fera aucun mal si vous Me faites part sans détour, à Moi qui suis l'un <strong>de</strong> ses<br />

amis les plus proches, <strong>de</strong> votre intime conviction ! »<br />

4. Suétal, quelque peu perplexe, répond : « Ta mise est sans doute celle d'un<br />

Grec, mais, à <strong>en</strong> juger par tes cheveux <strong>et</strong> ta barbe, tu dois être un Juif. Il est vrai<br />

que les Romains dis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s Grecs, pas précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> bonne part : GRAECA<br />

FIDES, NULLA FIDES (*) ; pourtant, ton visage me paraît beaucoup trop honnête pour<br />

cela, <strong>et</strong> tu es assurém<strong>en</strong>t un homme pourvu <strong>de</strong> quelque sagesse, qui compr<strong>en</strong>dra<br />

donc bi<strong>en</strong> que <strong>de</strong>s hommes comme nous, <strong>en</strong> une circonstance si extraordinaire,<br />

ne peuv<strong>en</strong>t pas s'abst<strong>en</strong>ir totalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser !<br />

5. Ce n'est tout <strong>de</strong> même pas une mince affaire, pour <strong>de</strong>s hommes comme nous,<br />

que <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre aussitôt pour arg<strong>en</strong>t comptant tout ce qu'on nous a donné à<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre à propos <strong>de</strong> ce guérisseur, même avec la sagesse <strong>de</strong> Mathaël, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

même, notre jugem<strong>en</strong>t sur lui ne peut être que fort incompl<strong>et</strong> ; car jusqu'ici, nous<br />

n'avons fait qu'<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre parler, <strong>et</strong> si, comme ils nous l'ont dit, les quatre<br />

montagnards du district <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h ont éprouvé sa force <strong>et</strong> sa puissance extraordinaires,<br />

ils ne l'ont pas vu <strong>et</strong> ne lui ont pas parlé plus que nous.<br />

6. Nous-mêmes, nous avons appris ici l'extraordinaire guérison par lui <strong>de</strong>s cinq<br />

fous furieux, qu'on nous a racontée ; mais <strong>de</strong> cela non plus, nous n'avons pas été<br />

personnellem<strong>en</strong>t les témoins oculaires <strong>et</strong> auriculaires, mais <strong>en</strong> avons seulem<strong>en</strong>t<br />

pris connaissance, <strong>de</strong> façon sans doute parfaitem<strong>en</strong>t claire <strong>et</strong> auth<strong>en</strong>tique, par la<br />

prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s cinq hommes guéris <strong>et</strong> par le récit qui nous a été fait <strong>de</strong> leur<br />

guérison par le capitaine <strong>et</strong> par eux-mêmes.<br />

7. Ces faits extraordinaires d'une part, <strong>et</strong> d'autre part <strong>de</strong>s déclarations <strong>et</strong> <strong>de</strong>s jugem<strong>en</strong>ts<br />

très clairs, spécialem<strong>en</strong>t ceux du très sage Mathaël, n'ont pu manquer <strong>de</strong><br />

susciter <strong>en</strong> nous une certaine idée <strong>de</strong> ce guérisseur, idée qui, du moins selon<br />

notre conception terrestre dépourvue <strong>de</strong> toute sagesse supérieure, touche visiblem<strong>en</strong>t<br />

au divin pur !<br />

(*) « Foi <strong>de</strong> Grec n’est pas fiable. »<br />

96


8. Mais, étant <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> sci<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> sagesse <strong>en</strong>core, ne<br />

pouvons-nous pas nous fourvoyer <strong>en</strong>core avec une telle idée ? C'est précisém<strong>en</strong>t<br />

là-<strong>de</strong>ssus que nos p<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> nos idées s'affront<strong>en</strong>t ! Qui pourra <strong>et</strong> voudra nous<br />

prés<strong>en</strong>ter la chose <strong>de</strong> telle sorte que, du moins pour nous qui sommes <strong>de</strong>s<br />

aveugles par le savoir <strong>et</strong> la sagesse, l'une ou l'autre réponse apparaisse avec la<br />

clarté du soleil <strong>en</strong> plein midi ?<br />

9. À notre époque, la sci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s hommes est déjà fort avancée, <strong>et</strong> quant à leur<br />

sagesse, nul n'a <strong>en</strong>core osé lui fixer <strong>de</strong> limite ; il se peut donc fort bi<strong>en</strong> que, avec<br />

l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> facultés spirituelles spéciales, un homme ait découvert à Nazar<strong>et</strong>h<br />

quelque pierre philosophale dont le mon<strong>de</strong> n'avait <strong>en</strong>core jamais eu la moindre<br />

idée jusqu'ici ! Cela lui perm<strong>et</strong> d'accomplir <strong>de</strong>s exploits <strong>de</strong>vant lesquels nous ne<br />

pouvons que rester bouche bée ; il peut déplacer <strong>de</strong>s montagnes, faire geler la<br />

mer au plus fort <strong>de</strong> l'été, il peut même ressusciter <strong>de</strong>s morts <strong>et</strong> tuer <strong>de</strong>s milliers<br />

d'hommes par sa seule volonté, toutes choses que <strong>de</strong>s hommes ont déjà été <strong>en</strong><br />

mesure d'accomplir bi<strong>en</strong> avant lui !<br />

10. En Egypte, <strong>de</strong> telles choses ne sont pas du tout considérées comme inouïes ;<br />

chez nous, bi<strong>en</strong> sûr, ce <strong>de</strong>vrait être plus rare, d'autant que toute magie est<br />

strictem<strong>en</strong>t déf<strong>en</strong>due aux Juifs, <strong>et</strong> c'est ainsi que tout phénomène hors du<br />

commun, même s'il a été réalisé par un homme <strong>et</strong> peut-être par <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s tout<br />

naturels, est condamné comme magie, <strong>et</strong> le magici<strong>en</strong>, s'il est juif, est lapidé, voire<br />

brûlé vif, <strong>et</strong> s'il est étranger, chassé loin au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s frontières ; mais pour peu<br />

qu'il paie au Temple une somme conséqu<strong>en</strong>te, il lui sera permis <strong>de</strong> prés<strong>en</strong>ter son<br />

art <strong>et</strong> ses tours <strong>en</strong> <strong>grand</strong> secr<strong>et</strong>, <strong>et</strong> seulem<strong>en</strong>t aux Grecs <strong>et</strong> aux Romains. Nos<br />

pareils ne voi<strong>en</strong>t jamais ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout cela à Jérusalem ; mais lorsqu'on voyage<br />

comme apôtre du Temple pour convertir au judaïsme les peuples étrangers, l'on<br />

voit tout <strong>de</strong> même bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses qui nous <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t inexplicables, à nous<br />

autres.<br />

11. De même, ce guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h peut bi<strong>en</strong> faire monts <strong>et</strong> merveilles <strong>en</strong><br />

guérissant quantité <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s, oui, il se peut même qu'il ressuscite les morts !<br />

Mais, dans un cas comme dans l'autre, je dis que tout cela est loin <strong>de</strong> constituer<br />

une preuve valable <strong>et</strong> <strong>de</strong> témoigner irréfutablem<strong>en</strong>t qu'il y a <strong>en</strong> lui une nature<br />

divine exceptionnelle.<br />

12. Pour ceux qui <strong>en</strong> sont capables, ce n'est pas un trop <strong>grand</strong> exploit que <strong>de</strong> faire<br />

merveille <strong>en</strong> paroles <strong>et</strong> <strong>en</strong> actes <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s hommes, tels que nous ; car il est<br />

facile <strong>de</strong> prêcher les couleurs à un aveugle, tandis que celui qui y voit n'a <strong>de</strong> toute<br />

façon guère besoin d'un tel sermon, car il sait déjà différ<strong>en</strong>cier les couleurs sans<br />

cela.<br />

13. Du reste, le guérisseur nazaré<strong>en</strong> peut aussi fort bi<strong>en</strong> être un prophète extraordinaire<br />

<strong>et</strong> — tels Moïse, Josué, Samuel ou Elie — véritablem<strong>en</strong>t oint <strong>de</strong><br />

l'esprit <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> accomplir ses œuvres grâce à la force purem<strong>en</strong>t divine qui est<br />

<strong>en</strong> lui, ce qui nous paraît d'ailleurs être le plus vraisemblable, car c'est tout <strong>de</strong><br />

même un Juif <strong>et</strong>, comme tel, il n'a pu avoir l'occasion d'<strong>en</strong>trer dans les écoles<br />

secrètes ni <strong>de</strong>s Esséni<strong>en</strong>s, ni <strong>de</strong>s Egypti<strong>en</strong>s.<br />

14. Si une telle chose était probable dans son cas, il ne serait sans doute pas très<br />

difficile <strong>de</strong> <strong>de</strong>viner d'où il ti<strong>en</strong>t toutes ses connaissances cachées ; car la plupart<br />

97


du temps, les Esséni<strong>en</strong>s ressuscit<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>fants morts par douze à la fois, ce dont<br />

j'ai pu me convaincre pleinem<strong>en</strong>t par moi-même ! Et Dieu sait combi<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

maladies ils sont capables <strong>de</strong> guérir !<br />

15. Toi qui sembles être un Grec vraim<strong>en</strong>t intellig<strong>en</strong>t, tu peux juger par là<br />

pourquoi, malgré toutes les choses extraordinaires que nous avons <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dues ici,<br />

nous sommes malgré nous traversés <strong>en</strong> notre for intérieur <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong><br />

p<strong>en</strong>sées contradictoires.<br />

16. Il serait tout aussi absur<strong>de</strong> <strong>de</strong> tout pr<strong>en</strong>dre pour arg<strong>en</strong>t comptant que <strong>de</strong> tout<br />

rej<strong>et</strong>er d'emblée ; tout ce que l'on peut faire <strong>en</strong> ce cas, c'est pati<strong>en</strong>ter, écouter,<br />

regar<strong>de</strong>r <strong>et</strong> tout examiner soigneusem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> il finira bi<strong>en</strong> par se révéler si l'on<br />

doit adhérer au PRO ou au CONTRA ; nous n'ach<strong>et</strong>ons jamais les colombes dans un<br />

sac, car on pourrait fort bi<strong>en</strong> nous v<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s aigles à la place <strong>de</strong> colombes ! —<br />

Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu, n'avons-nous pas raison ? »<br />

Chapitre 51<br />

Considérations sur la divinité supposée du Nazaré<strong>en</strong><br />

1. Je dis : « En un s<strong>en</strong>s, oui, mais <strong>en</strong> un autre s<strong>en</strong>s, pas du tout ! Si les Esséni<strong>en</strong>s<br />

ressuscit<strong>en</strong>t les morts comme le fait le Nazaré<strong>en</strong>, alors, oui, vous avez raison.<br />

Mais il y a ici, parmi les disciples du Nazaré<strong>en</strong>, un auth<strong>en</strong>tique Esséni<strong>en</strong>. Il fut<br />

<strong>en</strong>voyé dans le but <strong>de</strong> gagner <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t le Nazaré<strong>en</strong> à la cause <strong>de</strong> leur <strong>grand</strong>e<br />

<strong>en</strong>treprise <strong>de</strong> tromperie, ou sinon <strong>de</strong> lui soutirer du moins son secr<strong>et</strong> pour guérir<br />

les mala<strong>de</strong>s <strong>et</strong> ressusciter les morts.<br />

2. Mais, s'étant bi<strong>en</strong>tôt convaincu qu'avec le Nazaré<strong>en</strong>, tout se passait au vu <strong>de</strong><br />

tous <strong>et</strong> sans aucun préparatif pour monter la supercherie, simplem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

prononçant la parole "Que cela soit", il quitta son état d'Esséni<strong>en</strong>, dénonça toutes<br />

les impostures <strong>de</strong> ceux-ci <strong>et</strong> <strong>de</strong>vint lui-même un vrai disciple du Nazaré<strong>en</strong>. Il se<br />

ti<strong>en</strong>t là-bas, seul sous un arbre ; allez vous <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir avec lui ! »<br />

3. Un autre <strong>de</strong>s huit répond : « Ami, ce ne sera pas nécessaire, car je connais fort<br />

bi<strong>en</strong> l'essénisme. C'est une tromperie certes <strong>grand</strong>iose, bi<strong>en</strong> qu'au fond assez<br />

louable, <strong>et</strong> le Nazaré<strong>en</strong> n'a pu aller à c<strong>et</strong>te triste école ! Je p<strong>en</strong>cherais plutôt pour<br />

l'Egypte ; car le Nazaré<strong>en</strong> doit avoir <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s amis chez les Romains, <strong>et</strong> par eux,<br />

on peut facilem<strong>en</strong>t se r<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> Egypte ! »<br />

4. Je dis au second orateur, qui s'appelait Ribar : « Comm<strong>en</strong>t as-tu donc percé les<br />

secr<strong>et</strong>s <strong>de</strong>s Esséni<strong>en</strong>s ? Car, d'après ce que j'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, on ne doit guère pouvoir<br />

le faire sans risquer sa vie ! »<br />

5. Ribar répond : « Ami, avec beaucoup d'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong> une bonne mesure <strong>de</strong> ruses<br />

variées, on <strong>en</strong>tre partout. Bi<strong>en</strong> sûr, il ne faut pas être tombé sur la tête à la<br />

naissance si l'on veut voir, <strong>de</strong>rrière ce qu'on vous montre, le reste, qu'on ne vous<br />

montre pas ! Il y faut donc évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t un certain <strong>de</strong>gré d'astuce <strong>et</strong> <strong>de</strong> finesse ;<br />

aussi aimerais-je d'ailleurs bi<strong>en</strong> pouvoir éprouver un peu ce bon guérisseur <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h, car je vous garantis qu'il ne me tromperait pas.<br />

6. Mais s'il est vraim<strong>en</strong>t ce que l'on dit <strong>de</strong> lui <strong>et</strong> tel que nous l'a représ<strong>en</strong>té le très<br />

98


sage Mathaël, alors, nous saurons bi<strong>en</strong> nous aussi l'honorer à l'instar <strong>de</strong> Mathaël !<br />

Une seule chose me trouble, c'est le fait qu'il pr<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>s disciples. Selon moi, si<br />

ce qu'il fait est purem<strong>en</strong>t divin, aucun disciple ne sera <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> l'imiter,<br />

quand bi<strong>en</strong> même il irait à son école toute une éternité. Mais s'il s'agit d'une<br />

affaire humaine, alors, les disciples peuv<strong>en</strong>t se compr<strong>en</strong>dre ; car ce qu'un homme<br />

fait, un autre homme peut le faire aussi s'il possè<strong>de</strong> les connaissances <strong>et</strong> les<br />

moy<strong>en</strong>s qu'il faut pour cela. Mais si, comme je l'ai dit, la chose est purem<strong>en</strong>t<br />

divine, alors, il ne saurait au <strong>grand</strong> jamais être question d'imitation ! Car il<br />

faudrait pour cela toute la puissance <strong>et</strong> la sagesse <strong>de</strong> Dieu ! »<br />

7. Je dis : « Ami Ribar, tu ne parles pas mal du tout, mais au fond, tu te trompes<br />

pourtant ; car Dieu peut fort bi<strong>en</strong>, parmi les hommes, <strong>en</strong> choisir quelques-uns<br />

pour les instruire, comme Il fit d'un Hénoch, d'un Moïse <strong>et</strong> d'une quantité d'autres<br />

prophètes, afin qu'ils puiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite <strong>en</strong>seigner aux hommes <strong>et</strong> faire connaître la<br />

volonté divine sur c<strong>et</strong>te terre. Il semble donc que tu te sois <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t fourvoyé<br />

<strong>en</strong> faisant c<strong>et</strong>te supposition, <strong>et</strong> qu'avec cela, tu ne risques guère d'avoir prise sur<br />

le guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h !<br />

8. Avec ta ruse, tu trouveras dans le Nazaré<strong>en</strong> un adversaire très puissant <strong>et</strong><br />

invincible ! Je le connais, <strong>et</strong> je sais que ri<strong>en</strong> ne peut humainem<strong>en</strong>t l'atteindre ; car<br />

il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> lui répliquer une fois sur mille ! »<br />

9. Ribar dit : « Tout dép<strong>en</strong>d <strong>de</strong> l'épreuve ! J'ai souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>de</strong> ces anti<strong>en</strong>nes<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> ces prélu<strong>de</strong>s, mais tout cela se ram<strong>en</strong>ait finalem<strong>en</strong>t à peu près au proverbe<br />

romain : Si TACUISSES, PHILOSOPHUS MANSISSES (*) . C'est pourquoi je n'accor<strong>de</strong><br />

aucune valeur à TANTE, mais toujours au POST FESTUM (**) . Je n'anticipe jamais <strong>et</strong><br />

ne forme <strong>de</strong> jugem<strong>en</strong>t sur ri<strong>en</strong> que je n'aie moi-même éprouvé ; mais une fois la<br />

chose mise à l'épreuve, il m'est <strong>en</strong>core rarem<strong>en</strong>t arrivé <strong>de</strong> me tromper dans mon<br />

jugem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je tombe au contraire presque toujours très juste. — Es-tu par hasard<br />

un <strong>de</strong> ses disciples, toi aussi ? »<br />

10. Je dis : « Pas précisém<strong>en</strong>t, mais, hormis cela, Je suis un <strong>de</strong> ses plus <strong>grand</strong>s<br />

amis, <strong>et</strong> Je le connais mieux que personne ! » — P<strong>en</strong>dant c<strong>et</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>, plusieurs<br />

<strong>de</strong>s assistants ne peuv<strong>en</strong>t se déf<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> sourire <strong>en</strong> cach<strong>et</strong>te, mais aucun ne laisse<br />

échapper un seul mot.<br />

Chapitre 52<br />

Discussion <strong>en</strong>tre Suétal <strong>et</strong> Ribar sur la preuve miraculeuse <strong>de</strong> Raphaël<br />

1. Au bout d'un mom<strong>en</strong>t, Ribar repr<strong>en</strong>d : « J'aimerais pourtant au moins qu'un<br />

disciple me dise ce qu'il a pu appr<strong>en</strong>dre aux côtés du guérisseur miraculeux ! »<br />

2. Je dis : « Oh, cela est bi<strong>en</strong> facile ! Il est vrai que l'heure du repas <strong>de</strong> midi arrive,<br />

<strong>et</strong> l'hôte aura bi<strong>en</strong>tôt terminé ses préparatifs ; mais nous avons <strong>en</strong>core le<br />

temps pour une p<strong>et</strong>ite mise à l'épreuve d'un disciple, <strong>et</strong> l'un <strong>de</strong>s plus jeunes peut<br />

v<strong>en</strong>ir sans plus tar<strong>de</strong>r soum<strong>et</strong>tre à ton sévère exam<strong>en</strong> ce qu'il sait déjà faire ! —<br />

(*) « Si tu t'étais tu, tu serais resté un philosophe ! »<br />

(**) « Avant » <strong>et</strong> « après la fête », c'est-à-dire après coup.<br />

99


Le veux-tu ? »<br />

3. Ribar dit : « Assurém<strong>en</strong>t, car sans preuve, on ne peut porter <strong>de</strong> jugem<strong>en</strong>t sur<br />

quiconque ! »<br />

4. J'appelle alors Raphaël, qui, au fond <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute rigueur, est bi<strong>en</strong> lui aussi l'un<br />

<strong>de</strong> Mes disciples, bi<strong>en</strong> qu'étant un esprit, pour l'heure revêtu d'une matière légère.<br />

À peine l'ai-Je appelé que Raphaël se prés<strong>en</strong>te à la vitesse <strong>de</strong> l'éclair <strong>de</strong>vant Ribar<br />

<strong>et</strong> lui dit : « Quelle preuve <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s-tu à un disciple du Seigneur ?» — À c<strong>et</strong>te<br />

question, Ribar se m<strong>et</strong> à réfléchir, cherchant ce qu'il pourrait bi<strong>en</strong> trouver <strong>de</strong> si<br />

impossible à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à un homme qu'aucun homme ne puisse le faire.<br />

5. Je dis alors : « Eh bi<strong>en</strong>, il Me semble que ton astuce est un peu prise <strong>de</strong> court<br />

dans c<strong>et</strong>te affaire ! ? »<br />

6. Ribar dit : « Oh, att<strong>en</strong>ds seulem<strong>en</strong>t un peu ! "FESTINA LENTE (*) ", dis<strong>en</strong>t les<br />

Romains ! HOSTIS CUM PATIENTIA NOSTRA VICTUS (**) ! Je vais trouver pour ce<br />

jeune homme une épreuve qui lui donnera du fil à r<strong>et</strong>ordre ! »<br />

7. Là-<strong>de</strong>ssus, Ribar se p<strong>en</strong>che vers la terre, y pr<strong>en</strong>d une pierre pesant plusieurs<br />

livres <strong>et</strong> dit <strong>en</strong> souriant à Raphaël : « Cher disciple du divin maître, qui dois<br />

accomplir <strong>de</strong>s choses à Dieu seul possibles, si tu as déjà appris <strong>de</strong> lui quelque<br />

omnipot<strong>en</strong>ce, fais donc <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pierre un bon pain moelleux ! »<br />

8. Raphaël dit : « Vérifie que c<strong>et</strong>te pierre est <strong>en</strong>core une pierre ! »<br />

9. Ribar la tâte <strong>et</strong> dit : « Et comm<strong>en</strong>t ! »<br />

10. Raphaël : « Vérifie <strong>en</strong>core une fois ! »<br />

11. Ribar essaie <strong>en</strong>core une fois, rompt un morceau <strong>de</strong> la pierre <strong>et</strong> reconnaît ainsi<br />

qu'elle est vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue pain. En trouvant une telle merveille <strong>en</strong>tre ses<br />

mains, il sursaute violemm<strong>en</strong>t, il est même visiblem<strong>en</strong>t saisi d'une <strong>grand</strong>e frayeur<br />

<strong>et</strong> ne sait plus que dire.<br />

12. Cep<strong>en</strong>dant, Raphaël lui dit : « Goûte-le aussi, car il est plus facile d'abuser<br />

l'œil que l'estomac ! Et donnes-<strong>en</strong> à goûter à tes amis, afin que nous ayons <strong>de</strong>s<br />

témoins <strong>de</strong> l'auth<strong>en</strong>ticité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te transformation ! »<br />

13. Ribard goûte le pain miraculeux, avec quelque pru<strong>de</strong>nce au début ; mais<br />

comme il le trouve très bon, il se m<strong>et</strong> à mordre <strong>de</strong> bon cœur dans sa moitié <strong>et</strong><br />

donne l'autre à ses camara<strong>de</strong>s pour qu'ils la goût<strong>en</strong>t. Tous trouv<strong>en</strong>t à ce pain<br />

moelleux une saveur peu commune <strong>et</strong> un parfum fort <strong>en</strong>gageant.<br />

14. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors à Ribar : « Eh bi<strong>en</strong>, cher ami, puis-Je <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ton verdict ?<br />

Que p<strong>en</strong>ses-tu <strong>de</strong> c<strong>et</strong> acte accompli par un disciple ? »<br />

15. Ribar dit à Suétal : « Frère, parle plutôt, toi, car tu es plus habile que moi !<br />

Cela dépasse par trop mon <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ! »<br />

16. Suétal dit : « Des hommes comme toi, il y <strong>en</strong> a beaucoup dans le mon<strong>de</strong>, qui<br />

se montr<strong>en</strong>t volontiers impertin<strong>en</strong>ts au début avec leur peu d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ; mais<br />

que survi<strong>en</strong>ne un événem<strong>en</strong>t qui dépasse par trop leur <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ils sont<br />

(*) « Hâte-toi l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t. »<br />

(**) « La pati<strong>en</strong>ce mène à la victoire. »<br />

100


comme une femme surprise <strong>en</strong> flagrant délit d'adultère ! — Que dire <strong>en</strong> la<br />

circonstance, sinon que Mathaël avait raison d'un bout à l'autre, <strong>et</strong> que ce qu'il<br />

nous a dit du <strong>grand</strong> maître était à coup sûr parfaitem<strong>en</strong>t véridique !<br />

17. Si ses disciples sont déjà <strong>en</strong> mesure d'accomplir <strong>de</strong> telles choses, que ne sera<br />

capable <strong>de</strong> faire le divin maître lui-même ? ! »<br />

18. Ribar dit : « Tout cela est vrai, <strong>et</strong> aucun d'<strong>en</strong>tre nous ne saurait le contester ;<br />

mais l'on dit <strong>et</strong> l'on <strong>en</strong>seigne aussi au Temple comme une vérité avérée que<br />

certains magici<strong>en</strong>s sont capables d'accomplir <strong>de</strong>s choses tout à fait singulières<br />

parce qu'ils ont à leur disposition la puissance <strong>de</strong> Belzébuth. Les Romains euxmêmes<br />

le dis<strong>en</strong>t : IN DOCTRINA ALIENA CAUTI, FELICES, <strong>et</strong> SAPIENTIA NON<br />

INCIPIT CUM ODIO DEORUM (*) ! »<br />

19. Suétal dit : « Laisse-moi donc avec tes stupi<strong>de</strong>s proverbes latins, <strong>et</strong> puisses-tu<br />

ne plus jamais me parler <strong>de</strong> c<strong>et</strong> âne <strong>de</strong> Belzébuth ! N'as-tu pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du tout à<br />

l'heure le divinem<strong>en</strong>t sage Mathaël, <strong>et</strong> n'as-tu pu <strong>en</strong> conclure aisém<strong>en</strong>t que la<br />

doctrine du <strong>grand</strong> maître conduit tout homme vers Dieu par la vérité, l'amour <strong>et</strong><br />

les actes ? Eh bi<strong>en</strong>, le <strong>grand</strong> maître a-t-il besoin pour cela <strong>de</strong> faire appel au<br />

représ<strong>en</strong>tant <strong>de</strong> tous les m<strong>en</strong>songes <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes les tromperies ? Oh, tu es un âne<br />

<strong>et</strong> l'as toujours été ! Le pain était-il un m<strong>en</strong>songe, ou était-ce un vrai pain ?<br />

20. Si Belzébuth l'avait fait pour toi, ce dont il n'aurait d'ailleurs jamais été capable,<br />

tu aurais à prés<strong>en</strong>t une pierre dans l'estomac <strong>et</strong> non le meilleur <strong>de</strong>s pains ;<br />

mais, parce que c'était un vrai pain qui semblait v<strong>en</strong>u du ciel, tu s<strong>en</strong>s <strong>en</strong>core<br />

comme je le s<strong>en</strong>s moi-même son goût véritablem<strong>en</strong>t divin, <strong>et</strong> qui a le meilleur<br />

eff<strong>et</strong> sur ton corps comme sur le mi<strong>en</strong> !<br />

21. As-tu jamais lu dans toute l'Écriture que Satan ait jamais réussi à accomplir<br />

un miracle comme celui-ci ? Regar<strong>de</strong> les miracles <strong>de</strong> Belzébuth au Temple : <strong>de</strong><br />

quoi s'agit-il ? De ri<strong>en</strong> d'autre qu'une vile tromperie parfaitem<strong>en</strong>t reconnue, par<br />

laquelle on fait circuler l'or <strong>et</strong> l'arg<strong>en</strong>t d'une humanité aussi aveugle que toi, afin<br />

<strong>de</strong> les utiliser <strong>en</strong>suite à bi<strong>en</strong> d'autres fins honteuses !<br />

22. Voilà les miracles <strong>de</strong> Satan, <strong>et</strong> ils sont bi<strong>en</strong> faciles à reconnaître !<br />

23. Mais ici, il ne peut y avoir la moindre tromperie, <strong>et</strong> il est au contraire facile<br />

<strong>de</strong> reconnaître la seule volonté toute-puissante <strong>de</strong> Yahvé ! Comm<strong>en</strong>t peux-tu<br />

<strong>en</strong>core <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si pareille chose ne serait pas par hasard égalem<strong>en</strong>t possible<br />

grâce à la puissance <strong>de</strong> Satan ?! Satan a-t-il donc jamais prouvé qu'il y ait <strong>en</strong> lui<br />

une quelconque puissance véritable ? »<br />

24. Ribar, très troublé, dit : « Eh bi<strong>en</strong>, n'a-t-il pas vaincu sur le Sinaï lorsqu'il a<br />

combattu trois jours avec Michel pour le corps <strong>de</strong> Moïse (*) ? »<br />

25. Suétal dit : « Oui, il a conquis les restes pourris <strong>de</strong> Moïse ! Belle victoire !<br />

As-tu autre chose ? »<br />

26. Ribar dit : « Et avoir induit <strong>en</strong> t<strong>en</strong>tation Adam <strong>et</strong> Eve, ce n'est ri<strong>en</strong> ? »<br />

(*)<br />

« Heureux ceux qui se défi<strong>en</strong>t d'une doctrine étrangère » (c'est-à-dire inconnue), <strong>et</strong> « La sagesse<br />

ne comm<strong>en</strong>ce pas avec la haine <strong>de</strong>s dieux. »<br />

(*)<br />

Ce combat serait m<strong>en</strong>tionné dans un texte juif apocryphe cité dans Zacharie 3, 2, lui-même cité<br />

dans Ju<strong>de</strong> 9. (N.d.T.)<br />

101


27. Suétal dit : « Peut-on appeler cela un miracle <strong>et</strong> le comparer à celui-ci ?! Si<br />

une belle fille te montre tous ses attraits charnels <strong>et</strong> t'invite par <strong>de</strong>s regards<br />

lascifs, est-ce bi<strong>en</strong> un miracle si tu tombes dans ses beaux bras suaves par pure<br />

concupisc<strong>en</strong>ce charnelle ? Ce miracle d'Adam <strong>et</strong> Eve ne se r<strong>en</strong>ouvelle, hélas, que<br />

trop souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nos jours, mais il n'a jamais relevé que du naturel le plus grossier<br />

<strong>et</strong> le plus inférieur, <strong>et</strong> s'il y a là la moindre trace <strong>de</strong> miracle, alors, tout est miracle<br />

<strong>de</strong>puis les origines <strong>de</strong> la Création ! — Connais-tu <strong>en</strong>core quelque autre <strong>de</strong> ces<br />

prodiges <strong>de</strong> Satan ? »<br />

28. Ribar dit : « Il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> parler avec toi ! Mais qu'<strong>en</strong> est-il <strong>de</strong>s<br />

prodiges <strong>de</strong>s idoles <strong>de</strong> Babel <strong>et</strong> <strong>de</strong> Ninive ? N'est-ce pas Satan qui les a accomplis<br />

? »<br />

29. Suétal dit : « Pour <strong>de</strong>s ânes aveugles comme toi, oui, mais pas pour <strong>de</strong>s<br />

hommes qui y voi<strong>en</strong>t clair, car ceux-là savai<strong>en</strong>t que dans le v<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

fameuse idole <strong>de</strong> Babel, chauffé à blanc la nuit par un feu, les offran<strong>de</strong>s qu'on<br />

j<strong>et</strong>ait par sa vaste gueule pouvai<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> être dévorées par <strong>de</strong>s flammes<br />

toutes naturelles. Tu peux réaliser tous les jours <strong>de</strong> semblables miracles au<br />

moy<strong>en</strong> d'un bon feu, <strong>et</strong> n'as pour cela nul besoin d'un quelconque Satan ! Moimême,<br />

je pourrais, avec la conniv<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> quelques ai<strong>de</strong>s vénaux, te montrer une<br />

foule <strong>de</strong> miracles sataniques <strong>de</strong> toute sorte sans avoir besoin pour cela du<br />

concours <strong>de</strong> Satan ; car pour cela, la volonté malfaisante <strong>et</strong> avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> n'importe<br />

quel méchant homme est plus que largem<strong>en</strong>t suffisante.<br />

30. Satan n'a aucun pouvoir — si ce n'est celui <strong>de</strong> corrompre quelque chair <strong>de</strong><br />

toute façon sans aucune valeur, <strong>et</strong> il peut bi<strong>en</strong> alors emporter sa récomp<strong>en</strong>se<br />

puante ; mais pour l'âme <strong>et</strong> l'esprit, il ne pourra jamais accomplir le moindre miracle,<br />

parce que sa nature même est faite <strong>de</strong> la matière jugée la plus <strong>de</strong>nse ! Oui,<br />

Satan peut bi<strong>en</strong> te r<strong>en</strong>dre plus matériel <strong>en</strong>core que tu ne l'es déjà ; mais plus<br />

spirituel, jamais, fût-ce pour un instant ! — Et maint<strong>en</strong>ant, parle, si quelque autre<br />

miracle salanique te vi<strong>en</strong>t à l'esprit. »<br />

31. Ribar, tout à fait déconfit, répond : « Si tout est <strong>de</strong> même, je ne connais assurém<strong>en</strong>t<br />

plus aucun miracle <strong>de</strong> Satan, <strong>et</strong> je veux bi<strong>en</strong> reconnaître que ce qu'a<br />

accompli le jeune <strong>et</strong> très aimable disciple du <strong>grand</strong> maître est le miracle le plus<br />

pur. Pour le reste, tu aurais pu me parler un peu plus gracieusem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je t'aurais<br />

tout aussi bi<strong>en</strong> compris ! »<br />

32. Suétal dit : « Tu as raison, sans doute, mais tu sais <strong>de</strong>puis longtemps que je<br />

m'emporte chaque fois qu'un homme, surtout s'il a quelque éducation, vi<strong>en</strong>t<br />

m'<strong>en</strong>nuyer avec c<strong>et</strong>te vieille histoire <strong>de</strong> Belzébuth, comme s'il n'y avait pas déjà<br />

plus qu'assez <strong>de</strong> Belzébuth avec les hommes <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> ! Et plus <strong>en</strong>core <strong>en</strong> une<br />

telle circonstance purem<strong>en</strong>t divine ! En vérité, cela me chagrine tellem<strong>en</strong>t que je<br />

peux sortir <strong>de</strong> mes gonds à n'importe quel mom<strong>en</strong>t ! »<br />

33. Ribar dit : « Allons, allons, n'<strong>en</strong> parlons plus ! IN MEDIO BEATI (*) , dis<strong>en</strong>t les<br />

Romains ; "ni trop chaud, ni trop froid", voilà le fin mot <strong>de</strong> toute sagesse dans la<br />

vie. La vérité finit toujours par apparaître, compr<strong>en</strong>ds-tu, mon frère, même sans<br />

qu'il soit question d'âne ni d'ordures ! »<br />

(*) « Le bonheur est dans la mesure. »<br />

102


34. Suétal dit : « Bi<strong>en</strong> sûr, bi<strong>en</strong> sûr ; mais dans une juste colère, il est difficile <strong>de</strong><br />

peser ses mots lorsqu'on répriman<strong>de</strong> quelqu'un qui s'est mis à faire étalage <strong>de</strong><br />

réflexions vraim<strong>en</strong>t par trop stupi<strong>de</strong>s ! Mais puisque tu comm<strong>en</strong>ces maint<strong>en</strong>ant à<br />

<strong>en</strong>trevoir la vérité, tu n'auras plus guère à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> ma part <strong>de</strong> telles<br />

expressions ! »<br />

35. Là-<strong>de</strong>ssus, Je dis : « Eh bi<strong>en</strong>, êtes-vous d'accord maint<strong>en</strong>ant ? »<br />

36. Les <strong>de</strong>ux répon<strong>de</strong>nt : « Oui, parfaitem<strong>en</strong>t ! »<br />

Chapitre 53<br />

Les principes <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong> Jésus<br />

1. Je dis à Ribar : « Quel est maint<strong>en</strong>ant ton verdict à propos <strong>de</strong> ce que tu vi<strong>en</strong>s<br />

<strong>de</strong> voir ? »<br />

2. Ribar dit : « J'ai déjà tout dit à Suétal, <strong>et</strong> je reconnais maint<strong>en</strong>anl que le très<br />

sage Mathaël a dit vrai <strong>en</strong> tout. La preuve est faite, que faut-il <strong>de</strong> plus ? À<br />

prés<strong>en</strong>t, je ne crois plus, mais j'ai vu <strong>de</strong> mes yeux, <strong>et</strong> je voudrais bi<strong>en</strong> faire la<br />

connaissance du <strong>grand</strong> maître <strong>en</strong> personne ! »<br />

3. Suétal dit : « Oui, je le voudrais bi<strong>en</strong> moi aussi, si cela pouvait être aussi<br />

facile, bi<strong>en</strong> qu'à vrai dire je n'y ti<strong>en</strong>ne plus autant à prés<strong>en</strong>t ; car ce que je vi<strong>en</strong>s<br />

<strong>de</strong> voir me suffit pour toute la vie ! Il ne peut être plus que Dieu, mais, d'après ce<br />

que nous avons vu, guère moins non plus ! Et cela me suffit ; j'aimerais<br />

seulem<strong>en</strong>t qu'on me parle <strong>en</strong>core un peu <strong>de</strong> sa nouvelle doctrine ! »<br />

4. Je dis : « Là aussi, Mathaël t'<strong>en</strong> a déjà exposé plusieurs principes ; du reste,<br />

c<strong>et</strong>te doctrine se résume très brièvem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce principe : aimer Dieu par-<strong>de</strong>ssus<br />

tout <strong>et</strong> son prochain comme soi-même.<br />

5. Aimer Dieu, cela veut dire, bi<strong>en</strong> sûr : reconnaître Dieu <strong>et</strong> Sa volonté révélée,<br />

puis se conformer à celle-ci par un véritable amour <strong>en</strong>vers le Dieu qu'on a<br />

reconnu, <strong>et</strong> aussi, pour l'amour <strong>de</strong> Dieu, se comporter <strong>en</strong>vers tout homme comme<br />

tout homme raisonnable se comporte <strong>en</strong>vers lui-même ; il s'agit naturellem<strong>en</strong>t ici<br />

<strong>de</strong> l'amour pur <strong>et</strong> le plus désintéressé qui soit, tant <strong>en</strong>vers Dieu qu'<strong>en</strong>vers le<br />

prochain.<br />

6. De même que le bi<strong>en</strong> veut être aimé parce qu'il est bon, donc vrai, <strong>de</strong> même,<br />

Dieu veut être aimé parce que Lui seul est parfaitem<strong>en</strong>t bon <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t vrai !<br />

7. De la même manière, tu dois aimer ton prochain parce qu'il est comme toimême<br />

à l'image <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> que, comme toi-même, il porte <strong>en</strong> lui un esprit divin.<br />

8. Telle est la quintess<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> sa doctrine, <strong>et</strong> elle est facile à observer, oui, bi<strong>en</strong><br />

plus facile que les mille lois du Temple, dont la plupart ne sont faites que <strong>de</strong><br />

l'égoïsme <strong>de</strong> ceux qui le serv<strong>en</strong>t.<br />

9. Par l'observation la plus stricte possible <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nouvelle doctrine, l'esprit, au<br />

début étroitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>chaîné <strong>en</strong> l'homme, <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t toujours plus libre, <strong>grand</strong>it <strong>et</strong><br />

finit par imprégner l'homme tout <strong>en</strong>tier, l'attirant ainsi vers sa vie, qui est une vie<br />

divine <strong>et</strong> qui doit donc durer éternellem<strong>en</strong>t, cela dans la plus <strong>grand</strong>e félicité qui<br />

103


soit !<br />

10. Tout homme qui, <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière, naît <strong>en</strong> quelque sorte à nouveau dans son<br />

esprit, ne verra jamais la mort ni ne la s<strong>en</strong>tira, <strong>et</strong> la séparation d'avec sa chair sera<br />

pour lui le plus <strong>grand</strong> <strong>de</strong>s bonheurs.<br />

11. Car l'esprit <strong>de</strong> l'homme, lorsqu'il est ainsi pleinem<strong>en</strong>t uni à son âme, est pareil<br />

à un homme <strong>en</strong>fermé dans une soli<strong>de</strong> prison <strong>et</strong> qui, par une étroite lucarne, peut<br />

voir les hommes libres se livrer joyeusem<strong>en</strong>t à toutes sortes d'occupations utiles<br />

dans les beaux champs <strong>de</strong> la terre, alors qu'il est contraint <strong>de</strong> languir dans sa<br />

prison. Mais quelle n'est pas sa joie lorsque le geôlier vi<strong>en</strong>t lui ouvrir la porte, le<br />

libère <strong>de</strong> toutes ses chaînes <strong>et</strong> lui dit : "Ami, tu es délivré <strong>de</strong> toute punition, va <strong>et</strong><br />

jouis maint<strong>en</strong>ant d'une <strong>en</strong>tière liberté !"<br />

12. Ainsi, l'esprit <strong>de</strong> l'homme est semblable à la vie du p<strong>et</strong>it oiseau à l'état<br />

d'embryon dans l'œuf ; lorsque la chaleur <strong>de</strong> la couvaison l'a am<strong>en</strong>é à maturité à<br />

l'intérieur <strong>de</strong> la dure coquille qui <strong>en</strong>ferme sa vie libre, il brise la coquille <strong>et</strong> se<br />

réjouit <strong>de</strong> sa liberté.<br />

13. Mais l'homme ne peut accé<strong>de</strong>r à c<strong>et</strong>te liberté qu'<strong>en</strong> observant exactem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

honnêtem<strong>en</strong>t la doctrine que le Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h prêche aujourd'hui aux<br />

hommes.<br />

14. Cep<strong>en</strong>dant, à mesure que l'homme r<strong>en</strong>aît <strong>en</strong> esprit, il reçoit d'autres perfections<br />

dont le simple homme <strong>de</strong> chair naturel ne peut avoir idée.<br />

15. L'esprit <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors <strong>en</strong> soi une force semblable à la force divine ; alors, ce<br />

que veut c<strong>et</strong> esprit accompli <strong>en</strong> l'homme arrive nécessairem<strong>en</strong>t, parce qu'il ne<br />

peut y avoir dans tout l'infini <strong>de</strong> Dieu d'autre force <strong>et</strong> d'autre puissance que la<br />

force vivante <strong>de</strong> l'esprit !<br />

16. Car la vraie Vie seule est le Seigneur <strong>et</strong> le Créateur, est Celui qui conserve,<br />

qui donne les lois <strong>et</strong> gouverne toutes les créatures, <strong>et</strong> c'est pourquoi tout doit se<br />

plier à la puissance <strong>de</strong> l'unique Esprit éternellem<strong>en</strong>t vivant.<br />

17. Le disciple t'<strong>en</strong> a déjà donné une p<strong>et</strong>ite preuve, <strong>et</strong> tu peux donc Me croire sur<br />

parole si Je te dis qu'il <strong>en</strong> est ainsi. Quant à <strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre le pourquoi <strong>et</strong> le<br />

comm<strong>en</strong>t, tu ne le pourras que lorsque tu seras parv<strong>en</strong>u à libérer la vie <strong>de</strong> l'esprit<br />

qui est <strong>en</strong> toi.<br />

18. Mathaël t'a cep<strong>en</strong>dant déjà assez montré à quelle compréh<strong>en</strong>sion peut accé<strong>de</strong>r<br />

un esprit qui n'est <strong>en</strong>core qu'<strong>en</strong> partie régénéré, aussi as-tu désormais <strong>en</strong>tre les<br />

mains <strong>de</strong>s preuves tangibles <strong>de</strong> tout ce que Je te dis <strong>et</strong> peux-tu y conformer ta vie<br />

<strong>en</strong> toute confiance. — Es-tu satisfait <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te explication ? »<br />

19. Suétal dit : « Ami, j'<strong>en</strong> suis bi<strong>en</strong> plus satisfait que <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> ce Mathaël à la<br />

sagesse si terrifiante ! En eff<strong>et</strong>, ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me dire est d'une sagesse tout<br />

aussi profon<strong>de</strong> que ce que j'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>de</strong> la bouche <strong>de</strong> Mathaël, <strong>et</strong>, à certains<br />

égards, plus sage <strong>en</strong>core ; mais <strong>en</strong> écoutant Mathaël, on pr<strong>en</strong>d véritablem<strong>en</strong>t<br />

peur, parce qu'on ne parvi<strong>en</strong>t pas à s'y r<strong>et</strong>rouver dans tout cela. Mais toi, tu as<br />

expliqué toute la chose <strong>en</strong> <strong>de</strong>s termes très simples <strong>et</strong> si clairem<strong>en</strong>t, du moins <strong>en</strong><br />

ce qui me concerne, que je ne peux ri<strong>en</strong> imaginer <strong>de</strong> plus clair ; je sais désormais<br />

exactem<strong>en</strong>t ce que j'ai à faire <strong>et</strong> à quoi je parvi<strong>en</strong>drai nécessairem<strong>en</strong>t ainsi, aussi<br />

104


suis-je parfaitem<strong>en</strong>t satisfait <strong>et</strong> n'ai-je plus aucune question à poser. »<br />

Chapitre 54<br />

Ribar souhaite un second miracle<br />

1. Je dis : « Très bi<strong>en</strong> ; mais dis-Moi <strong>en</strong>core <strong>en</strong> toute franchise si tu n'aimerais<br />

pas à prés<strong>en</strong>t faire la connaissance personnelle du <strong>grand</strong> maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h. Si tu<br />

veux, Je peux te le prés<strong>en</strong>ter. »<br />

2. Suétal dit : « À vrai dire, c<strong>et</strong> homme qui porte <strong>en</strong> lui la totalité <strong>de</strong> l'Esprit divin<br />

est trop infinim<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> nous <strong>en</strong> toute chose, <strong>et</strong> j'éprouve une véritable<br />

crainte à l'idée <strong>de</strong> le voir même <strong>de</strong> loin, à plus forte raison d'<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> rapport<br />

immédiat avec lui ! C'est pourquoi je préfère <strong>en</strong>core ne pas faire sa connaissance<br />

du tout. Vois-tu, la proximité <strong>de</strong> ce jeune homme <strong>de</strong> ses disciples me gêne déjà,<br />

<strong>et</strong> pour tout dire, je ne serais pas fâché qu'il rejoigne ses compagnons. Il nous a<br />

fourni sa preuve, <strong>et</strong> c'est assez ! De toute façon, il serait difficile <strong>de</strong> le faire<br />

cons<strong>en</strong>tir à nous <strong>en</strong> donner une secon<strong>de</strong>, ce qui serait d'ailleurs superflu ; car<br />

celui qui n'aura pas été parfaitem<strong>en</strong>t convaincu par le premier prodige ne le sera<br />

pas davantage par mille autres. Aussi aimerais-je mieux le voir r<strong>et</strong>ourner à ses<br />

compagnons ; nous ne pouvons le rétribuer, puisque nous ne possédons ri<strong>en</strong><br />

d'autre que nous-mêmes. Deman<strong>de</strong>-lui donc, très cher ami, s'il veut bi<strong>en</strong> rejoindre<br />

une compagnie digne <strong>de</strong> lui ! »<br />

3. Je dis : « Ah, <strong>et</strong> pourquoi cela ?! Après tout, il est libre <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> aller quand il<br />

veut ; <strong>et</strong> il s'<strong>en</strong> ira sans doute quand il n'aura plus ri<strong>en</strong> à faire ici ! Tu es sans<br />

doute parfaitem<strong>en</strong>t satisfait, mais il n'<strong>en</strong> est pas <strong>de</strong> même pour tous tes<br />

camara<strong>de</strong>s, pas même pour Ribar, qui est pourtant d'accord sur tout avec toi. Il<br />

continue <strong>de</strong> remâcher le premier miracle, <strong>et</strong> il est <strong>en</strong>core loin <strong>de</strong> s'y r<strong>et</strong>rouver.<br />

Aussi, puisqu'il <strong>en</strong> est <strong>en</strong>core temps, allons-nous peut-être lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un<br />

nouveau signe ! »<br />

4. Suétal dit : « Ce serait sans doute fort bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> j'aimerais quant à moi le voir<br />

faire <strong>en</strong>core quelque chose ; mais la question est <strong>de</strong> savoir si cela convi<strong>en</strong>dra à<br />

son <strong>grand</strong> <strong>et</strong> saint maître ; car les maîtres ne voi<strong>en</strong>t jamais d'un bon œil leurs<br />

élèves s'exhiber par trop. »<br />

5. Je dis : « Ne te fais aucun souci pour cela ; car Je pr<strong>en</strong>ds tout sur Moi <strong>et</strong> saurai<br />

bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> répondre le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u si jamais il fallait <strong>en</strong> arriver là. Mais nous<br />

<strong>de</strong>vons tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à Ribar <strong>et</strong> aux autres quelle sorte <strong>de</strong> signe ils<br />

souhait<strong>en</strong>t, sans quoi l'un ou l'autre aurait tôt fait <strong>de</strong> dire que le signe était<br />

préparé <strong>et</strong> très précisém<strong>en</strong>t conv<strong>en</strong>u <strong>de</strong>puis longtemps ; mais s'ils le déci<strong>de</strong>nt<br />

eux-mêmes, il ne saurait être question d'un accord préalable <strong>en</strong>tre nous. —<br />

Approuves-tu ou non cela ? »<br />

6. Suétal dit : « C'est p<strong>en</strong>ser <strong>et</strong> parler avec la sagesse <strong>de</strong> Salomon, <strong>et</strong> l'on ne peut<br />

faire autrem<strong>en</strong>t qu'approuver ! »<br />

7. Je dis : « Eh bi<strong>en</strong>, interrogeons donc Ribar ! — Dis-nous, Ribar, <strong>en</strong> quoi <strong>de</strong>vra<br />

consister le signe que le disciple va accomplir dans un instant. »<br />

105


8. Ribar dit : « Ami, s'il veut faire cela, il faut qu'il change c<strong>et</strong>te pierre que je<br />

ti<strong>en</strong>s à prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre les mains <strong>en</strong> l'un <strong>de</strong>s plus beaux poissons qui habit<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te<br />

mer ! »<br />

9. Pour la forme, Je dis à Raphaël : « Seras-tu vraim<strong>en</strong>t capable <strong>de</strong> t'acquitter <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te tâche ? »<br />

10. Raphaël répond : « Nous allons essayer ! Mais le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur doit d'abord<br />

bi<strong>en</strong> se camper, sans quoi le poisson le j<strong>et</strong>tera à terre. Les plus beaux poissons <strong>de</strong><br />

ce lac sont si <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> si forts qu'un homme ne peut les maîtriser ; ainsi, si Ribar<br />

se ti<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> sur ses jambes, un poisson <strong>de</strong> quatre-vingts livres va pr<strong>en</strong>dre à<br />

l'instant la place <strong>de</strong> sa pierre, qui doit peser à peine dix livres. »<br />

11. Ribar dit : « Oh, ne t'inquiète pas pour cela ! Il y a un peu du Samson <strong>en</strong> moi,<br />

<strong>et</strong> j'ai déjà maîtrisé <strong>de</strong>s poissons <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t livres ! De plus, je suis maint<strong>en</strong>ant tout à<br />

fait soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t campé. »<br />

12. Raphaël dit alors : « Qu'il <strong>en</strong> soit selon ton désir !» — À peine avait-il fini <strong>de</strong><br />

prononcer ces mots qu'<strong>en</strong>tre les mains <strong>de</strong> Ribar, à la <strong>grand</strong>e frayeur <strong>et</strong> à<br />

l'imm<strong>en</strong>se surprise <strong>de</strong> tous les assistants, apparut un beau poisson d'au moins<br />

quatre-vingts livres, si vif que Ribar <strong>en</strong> tomba à la r<strong>en</strong>verse <strong>de</strong> tout son long, <strong>et</strong>,<br />

comme le poisson faisait <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s bonds <strong>en</strong> tous s<strong>en</strong>s <strong>et</strong> agitait violemm<strong>en</strong>t la<br />

queue, les spectateurs s'<strong>en</strong>fuir<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tous côtés, <strong>et</strong> Ribar lui-même, qui s'était<br />

bi<strong>en</strong>tôt relevé, ne montrait plus aucun désir <strong>de</strong> s'emparer <strong>de</strong> ce gros poisson.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, l'un <strong>de</strong>s fils <strong>de</strong> Marc se trouvait à proximité ; il accourut avec un p<strong>et</strong>it<br />

fil<strong>et</strong> très soli<strong>de</strong>, le lança sur le poisson qui se débattait <strong>en</strong>core violemm<strong>en</strong>t, <strong>en</strong><br />

<strong>en</strong>veloppa celui-ci <strong>et</strong> le porta dans une cuve pleine d'eau.<br />

13. Quand le poisson fut dans son élém<strong>en</strong>t, il r<strong>et</strong>rouva naturellem<strong>en</strong>t son calme ;<br />

tous vinr<strong>en</strong>t alors contempler avec émerveillem<strong>en</strong>t le <strong>grand</strong> poisson dans la cuve,<br />

<strong>et</strong> Ribar dit : « Toute ma vaine sagesse est maint<strong>en</strong>ant vaincue, <strong>et</strong> je croirai<br />

désormais fermem<strong>en</strong>t tout ce qui m'a été dit du <strong>grand</strong> maître ! Ici cesse toute<br />

sagesse humaine, <strong>et</strong> la gloire <strong>de</strong> Dieu se manifeste d'une manière véritablem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

littéralem<strong>en</strong>t tangible ! Mathaël a dit vrai dans ses moindres paroles, ainsi que<br />

l'ami à la bonté <strong>de</strong> qui nous <strong>de</strong>vons ces <strong>de</strong>ux prodiges inouïs. Pour cela, oui, pour<br />

cela, Dieu est <strong>grand</strong>, <strong>et</strong> loué soit éternellem<strong>en</strong>t Son nom glorieux pour la<br />

puissance qu'il a donnée aussi aux hommes <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> ! Nous sommes sans<br />

doute parfaitem<strong>en</strong>t indignes <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r ces purs miracles divins <strong>de</strong> nos yeux <strong>de</strong><br />

pécheurs, mais puisque Dieu Lui-même nous a fait c<strong>et</strong> honneur, que Son glorieux<br />

nom <strong>en</strong> soit éternellem<strong>en</strong>t loué ! »<br />

Chapitre 55<br />

De la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre le prodige <strong>de</strong> Raphaël <strong>et</strong> ceux <strong>de</strong>s magici<strong>en</strong>s<br />

1. Suétal : « Am<strong>en</strong> ! C'est ce que je dis aussi ! Car jamais œil mortel n'avait vu<br />

pareille chose ! Sans doute, au temps <strong>de</strong> Pharaon, les magici<strong>en</strong>s lançai<strong>en</strong>t-ils <strong>de</strong>s<br />

bagu<strong>et</strong>tes qui se transformai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> serp<strong>en</strong>ts ; mais nous n'y étions pas ! Et si nous<br />

avions été là, nous aurions probablem<strong>en</strong>t vu un tour d'adresse tout à fait<br />

semblable à celui auquel nous avons assisté un jour à Damas : un magici<strong>en</strong> perse<br />

106


lançait un bâton sur une surface <strong>de</strong> sable mouvant s'ét<strong>en</strong>dant <strong>de</strong>vant lui, <strong>et</strong> quand<br />

le bâton, lancé avec une adresse particulière, s'<strong>en</strong>fouissait dans le sable <strong>de</strong> telle<br />

façon qu'on n'<strong>en</strong> voyait plus ri<strong>en</strong> — ce qui, bi<strong>en</strong> sûr, se produisait <strong>en</strong> un instant<br />

—, un rat ou une souris <strong>en</strong> sortait aussitôt <strong>et</strong> s'<strong>en</strong>fuyait promptem<strong>en</strong>t ! Ce<br />

magici<strong>en</strong> prét<strong>en</strong>dait <strong>en</strong> eff<strong>et</strong> qu'il changeait <strong>en</strong> rats <strong>et</strong> <strong>en</strong> souris les bâtons lancés<br />

dans le sable. Mais <strong>en</strong>suite, j'ai fouillé le sable <strong>et</strong> y ai r<strong>et</strong>rouvé les bâtons<br />

parfaitem<strong>en</strong>t intacts ; <strong>et</strong> j'ai trouvé aussi <strong>de</strong>s traces très claires <strong>de</strong> la manière dont<br />

le magici<strong>en</strong>, probablem<strong>en</strong>t sans témoins, <strong>en</strong>fermait préalablem<strong>en</strong>t dans le sable<br />

un certain nombre <strong>de</strong> rats <strong>et</strong> <strong>de</strong> souris <strong>en</strong> disposant pour eux, dans <strong>de</strong> p<strong>et</strong>its trous<br />

qu'il leur ménageait <strong>en</strong> plusieurs <strong>en</strong>droits, quelques-uns <strong>de</strong> leurs m<strong>et</strong>s favoris, qui<br />

occupai<strong>en</strong>t les rats <strong>et</strong> les souris placés là jusqu'au mom<strong>en</strong>t où le bâton lancé avec<br />

adresse les forçait à sauter hors du trou <strong>et</strong> à s'<strong>en</strong>fuir.<br />

2. Le peuple stupi<strong>de</strong> témoignait à ce magici<strong>en</strong> perse une vénération quasi divine<br />

<strong>et</strong> remplissait ses sacs <strong>de</strong> toutes sortes d'obj<strong>et</strong>s précieux ; <strong>et</strong> quand j'ai voulu<br />

convaincre certains que je croyais un peu plus sages, ils m'ont traité <strong>de</strong> scélérat,<br />

<strong>et</strong> j'ai tout juste eu le temps <strong>de</strong> décamper. J'ai ainsi pu me convaincre,<br />

premièrem<strong>en</strong>t, que les magici<strong>en</strong>s <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sorte sont <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s d'une <strong>grand</strong>e astuce,<br />

qui s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à exploiter, grâce aux connaissances <strong>et</strong> aux expéri<strong>en</strong>ces qu'ils<br />

ont acquises dans le vaste domaine <strong>de</strong> la nature, la stupidité <strong>de</strong>s innombrables<br />

autres hommes qui viv<strong>en</strong>t à peu près comme du bétail, <strong>et</strong> <strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t, que<br />

lorsque <strong>de</strong>s hommes ont la sottise vraim<strong>en</strong>t chevillée au corps, un homme sage<br />

ne peut jamais, même avec la meilleure volonté, les détromper pleinem<strong>en</strong>t.<br />

3. Il se peut bi<strong>en</strong> qu'il <strong>en</strong> soit <strong>de</strong> même dans toute l'Egypte <strong>et</strong> la Perse pour tous<br />

les prodiges tant vantés <strong>de</strong>s prêtres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mages, <strong>et</strong> les miracles <strong>de</strong>s Esséni<strong>en</strong>s<br />

doiv<strong>en</strong>t être <strong>de</strong> la même eau.<br />

4. Mais les <strong>de</strong>ux miracles accomplis ici par le disciple du <strong>grand</strong> maître, les<br />

guérisons très merveilleuses dont on nous a raconté comm<strong>en</strong>t le <strong>grand</strong> Sauveur<br />

les avait m<strong>en</strong>ées à bi<strong>en</strong>, tout cela dépasse aussi clairem<strong>en</strong>t toutes les tromperies<br />

magiques que le soleil avec sa très pure lumière dépasse <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> loin un vain <strong>et</strong><br />

trompeur feu foll<strong>et</strong>. Avec ces <strong>de</strong>ux miracles, comme je l'ai dit, toute sagesse<br />

humaine pr<strong>en</strong>d décidém<strong>en</strong>t fin : il ne sert plus à ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser <strong>et</strong> <strong>de</strong> vérifier, car<br />

c'est là le fait <strong>de</strong> la toute-puissance <strong>de</strong> Dieu, à laquelle, bi<strong>en</strong> sûr, toute chose est<br />

possible.<br />

5. Quant à nous, cela nous fait compr<strong>en</strong>dre qu'il nous faut suivre les <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts<br />

du <strong>grand</strong> Sauveur d'autant plus activem<strong>en</strong>t qu'il se peut bi<strong>en</strong> que,<br />

comme je comm<strong>en</strong>ce à le p<strong>en</strong>ser maint<strong>en</strong>ant, une anci<strong>en</strong>ne promesse <strong>de</strong> Yahvé<br />

s'accomplisse par lui à notre époque même. »<br />

6. Comme les douze ne M'avai<strong>en</strong>t toujours pas reconnu <strong>en</strong> personne, Je dis à<br />

Suétal : « P<strong>en</strong>ses-tu vraim<strong>en</strong>t cela avec quelque conviction ? »<br />

7. Suétal dit : « Ami, c<strong>et</strong>te idée que j'ai conçue est <strong>en</strong> train <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir certitu<strong>de</strong>,<br />

pour moi du moins ! Car, vois-tu, j'ai une raison assurém<strong>en</strong>t plausible, bi<strong>en</strong> que<br />

fort simple, <strong>de</strong> supposer cela ! Dieu est trop infinim<strong>en</strong>t bon <strong>et</strong> sage pour éveiller<br />

<strong>en</strong> un homme une telle puissance <strong>et</strong> l'emplir <strong>de</strong> Son esprit tout-puissant à seule<br />

fin qu'il puisse <strong>en</strong>suite guérir quelques mala<strong>de</strong>s dans leur chair <strong>et</strong> faire du pain <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s poissons avec <strong>de</strong>s pierres. À un tel homme, qui, comme un soleil, surpasse<br />

107


tellem<strong>en</strong>t Moïse <strong>et</strong> tous les autres prophètes, Dieu a assurém<strong>en</strong>t assigné un autre<br />

but plus élevé <strong>et</strong> <strong>en</strong>core inconnu ! Car, comme je l'ai dit, Dieu n'a pu m<strong>et</strong>tre sur<br />

c<strong>et</strong>te terre un homme aussi divin uniquem<strong>en</strong>t dans le but très inférieur <strong>de</strong> lui faire<br />

accomplir toutes sortes <strong>de</strong> prodiges aux yeux <strong>de</strong> la foule stupi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s badauds<br />

avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> merveilleux ! Pour un peu, je verrais <strong>en</strong> lui le <strong>grand</strong> Messie <strong>de</strong>s Juifs<br />

annoncé par tous les patriarches <strong>et</strong> les prophètes, <strong>et</strong> à vrai dire, cher ami, j'<strong>en</strong> suis<br />

presque tout à fait convaincu !<br />

8. Et s'il <strong>de</strong>vait pourtant ne pas l'Être, je ne sais vraim<strong>en</strong>t pas qui nous pouvons<br />

<strong>en</strong>core att<strong>en</strong>dre qui soit <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s choses plus <strong>grand</strong>es <strong>et</strong> plus<br />

divines ! — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu donc, cher ami, à supposer que, bi<strong>en</strong> que Grec, tu<br />

sois quelque peu familiarisé avec les Écritures juives ? ! »<br />

9. Je dis : « Oui, oui, Je suis tout à fait <strong>de</strong> ton avis, car Je connais fort bi<strong>en</strong> les<br />

Écritures juives. Cep<strong>en</strong>dant, J'aimerais aussi que tes compagnons nous dis<strong>en</strong>t ce<br />

qu'ils p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te opinion si bi<strong>en</strong> fondée qui est la nôtre ! Ribar est un peu le<br />

porte-parole <strong>de</strong>s dix autres. Nous allons lui poser la question, <strong>et</strong> nous verrons<br />

bi<strong>en</strong> ce qu'il <strong>en</strong> dira. Questionne-le, toi ! »<br />

10. Suétal dit : « Allons l'interroger <strong>de</strong> suite ; car on peut espérer qu'il est désormais<br />

rassasié <strong>de</strong> la contemplation <strong>de</strong> son poisson ! »<br />

Chapitre 56<br />

Opinion <strong>de</strong> Suétal <strong>et</strong> <strong>de</strong> Ribar sur Jésus<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Suétal s'approche <strong>de</strong> Ribar, le tire par sa robe <strong>et</strong> lui dit : « Ribar, il<br />

se pose à nous une question d'une importance capitale, du moins pour nous qui<br />

sommes Juifs ; peut-être nous donnerais-tu là-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s éclaircissem<strong>en</strong>ts non<br />

négligeables, puisque, à ma connaissance, tu es tout <strong>de</strong> même plus versé dans<br />

l'Écriture qu'un Juif tout à fait profane. Voici : nous connaissons toutes les<br />

<strong>grand</strong>es promesses <strong>de</strong>puis, disons, Adam jusqu'à notre époque, ou peu s'<strong>en</strong> faut :<br />

selon ces promesses, qui ne sont pas du tout <strong>de</strong>s paroles <strong>en</strong> l'air, nous att<strong>en</strong>dons<br />

un Messie qui <strong>de</strong>vrait délivrer les Juifs, c'est-à-dire l'anci<strong>en</strong> peuple <strong>de</strong> Dieu, <strong>de</strong><br />

tous les maux physiques <strong>et</strong> spirituels quels qu'ils soi<strong>en</strong>t ! Or, nous avons vu <strong>de</strong><br />

nos propres yeux les œuvres <strong>de</strong> ce fameux Sauveur, <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus, nous avons<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du récemm<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> nos propres oreilles, le récit par <strong>de</strong>s témoins oculaires <strong>et</strong><br />

auriculaires <strong>de</strong> tout ce qu'il a fait <strong>et</strong> fait <strong>en</strong>core. Je pose la question : Dieu Luimême,<br />

s'il <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dait du plus haut du ciel sur c<strong>et</strong>te terre, ferait-Il davantage, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s choses plus merveilleuses, que ce que fait précisém<strong>en</strong>t le guérisseur <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h ? La réponse à c<strong>et</strong>te question ne peut être que : non !<br />

2. Il y a <strong>en</strong>viron trois semaines, on nous a montré la maison, semblant <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

reconstruite à neuf, <strong>et</strong> appart<strong>en</strong>ant d'ailleurs à un autre guérisseur — du<br />

nom <strong>de</strong> Joab, je crois, mais c'est peut-être un autre nom —, que le Nazaré<strong>en</strong> a fait<br />

sortir par sa seule volonté d'une ruine qui n'était plus qu'un tas <strong>de</strong> pierres.<br />

3. On nous a égalem<strong>en</strong>t parlé d'un marchand <strong>de</strong>s <strong>en</strong>virons <strong>de</strong> Sichar, dont la<br />

maison a été <strong>de</strong> façon comparable a<strong>grand</strong>ie <strong>et</strong> fort embellie.<br />

108


4. Nous connaissons aussi les récits <strong>de</strong>s guérisons <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h. Nous avons<br />

tous vus <strong>en</strong> personne le frère guéri <strong>de</strong> notre compagnon <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong><br />

Génézar<strong>et</strong>h <strong>et</strong> avons parlé avec lui ; <strong>et</strong> nous v<strong>en</strong>ons pour ainsi dire d'assister à la<br />

guérison extraordinaire <strong>de</strong>s cinq furieux qui nous accompagnai<strong>en</strong>t hier.<br />

L'inconcevable sagesse <strong>de</strong> Mathaël, qui, avec ses compagnons, s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce<br />

mom<strong>en</strong>t avec le capitaine Jules, nous l'atteste plus que certainem<strong>en</strong>t !<br />

5. Et maint<strong>en</strong>ant, il faut y ajouter les <strong>de</strong>ux prodiges accomplis par — disons un<br />

disciple. Je le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, tout cela ne nous autorise-t-il pas à supposer que le<br />

<strong>grand</strong> guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h est précisém<strong>en</strong>t le Messie promis ? — Qu'<strong>en</strong><br />

p<strong>en</strong>ses-tu ? »<br />

6. Ribar dit : « Oui, oui, il se pourrait bi<strong>en</strong> que tu aies raison ! Sais-tu que j'ai<br />

déjà nourri <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> c<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>sée; comme une femme <strong>en</strong>ceinte son fruit ? Mais<br />

c'est là un point doublem<strong>en</strong>t délicat, tant vis-à-vis du Temple que vis-à-vis <strong>de</strong>s<br />

Romains, qu'un auth<strong>en</strong>tique Messie juif incommo<strong>de</strong>rait fort, assurém<strong>en</strong>t. Quant<br />

au Temple, il a <strong>de</strong> fort bonnes raisons pour reporter la v<strong>en</strong>ue du Messie, selon ses<br />

calculs cabalistiques, à <strong>de</strong>ux bons millénaires pour le moins ; celui-là n'aurait<br />

vraim<strong>en</strong>t que faire d'un Messie à un mom<strong>en</strong>t où cela va si bi<strong>en</strong> pour lui ! Mais ce<br />

serait sans doute plus au gré <strong>de</strong>s Romains s'ils l'avai<strong>en</strong>t à leurs côtés plutôt qu'à<br />

ceux <strong>de</strong>s Juifs !<br />

7. Aussi mon opinion est-elle décidém<strong>en</strong>t celle-ci : on peut croire <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> ce<br />

que l'on voudra au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te Promesse ; mais il ne faut pas exprimer publiquem<strong>en</strong>t<br />

c<strong>et</strong>te croyance tant que la chose ne se sera pas manifestée avec plus<br />

d'évi<strong>de</strong>nce ! Pour le mom<strong>en</strong>t, une telle conviction te créerait sans doute bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>nuis d'un côté comme <strong>de</strong> l'autre. Du reste, à mon s<strong>en</strong>s <strong>et</strong> pour dire le fond <strong>de</strong><br />

ma p<strong>en</strong>sée, ton opinion <strong>et</strong> les raisons que tu <strong>en</strong> donnes sont tout à fait justes <strong>et</strong><br />

pas du tout fourvoyées ; mais, mon très cher ami, pour notre salut, que tout cela<br />

reste strictem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre nous pour le mom<strong>en</strong>t !<br />

8. Mais, frère Suétal, regar<strong>de</strong> donc un peu le jeune disciple faiseur <strong>de</strong> miracles !<br />

Que peut-il <strong>en</strong>core avoir <strong>en</strong> tête ? Tout d'abord, il ne r<strong>et</strong>ourne pas vers ses<br />

compagnons, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, il ne cesse <strong>de</strong> nous regar<strong>de</strong>r avec une sorte <strong>de</strong> p<strong>et</strong>it<br />

sourire fripon, comme si nous étions <strong>de</strong>ux pauvres balourds. Que peut-il bi<strong>en</strong><br />

nous vouloir ? Regar<strong>de</strong>, maint<strong>en</strong>ant, il se détourne même <strong>et</strong> se m<strong>et</strong> tout <strong>de</strong> bon à<br />

rire sous cape ! Oh, si ce jeune homme n'avait pas un pouvoir si effrayant, je lui<br />

<strong>en</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais raison ; mais avec un tel être humain, il n'y a ri<strong>en</strong> à faire ; car ce<br />

ne serait pour lui qu'une plaisanterie que <strong>de</strong> changer quelqu'un comme nous <strong>en</strong><br />

un âne fort débonnaire, <strong>et</strong> quelle figure ferions-nous alors ? »<br />

9. Raphaël se r<strong>et</strong>ourne <strong>en</strong> riant <strong>de</strong> plus belle, <strong>et</strong>, faisant apparaître auprès <strong>de</strong><br />

Ribar, avec Ma permission, un âne fort bi<strong>en</strong> portant, lui répond : « Tout juste<br />

celle <strong>de</strong> l'âne véritable qui est près <strong>de</strong> toi ! »<br />

10. Ribar regar<strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière lui, sursaute violemm<strong>en</strong>t, <strong>et</strong>, sa surprise <strong>et</strong> son épouvante<br />

ne cessant <strong>de</strong> croître, dit au bout d'un mom<strong>en</strong>t : « Oh, oh, oh, qu'est-ce là ?!<br />

D'où a pu v<strong>en</strong>ir tout à coup c<strong>et</strong> âne fort bi<strong>en</strong> nourri ? »<br />

11. Raphaël dit : « Du même <strong>en</strong>droit d'où est v<strong>en</strong>u le poisson ! Mais maint<strong>en</strong>ant,<br />

dis-moi, <strong>en</strong> quoi ma prés<strong>en</strong>ce vous gêne-t-elle ? Vous ai-je donc fait quelque mal<br />

que ce soit ? »<br />

109


12. Ribar dit : « Très cher jeune ami à la fois d'une si <strong>grand</strong>e beauté, c'est que ta<br />

toute-puissance est trop <strong>grand</strong>e pour nous, <strong>et</strong> que tu sembles <strong>en</strong> outre quelque<br />

peu facétieux ; aussi nous inspires-tu un respect tout spécial, <strong>et</strong> ton voisinage<br />

nous inquiète terriblem<strong>en</strong>t ! Mais <strong>en</strong>fin, puisque tu es là <strong>et</strong> ne veux pas rejoindre<br />

tes compagnons, approche <strong>en</strong>core, <strong>et</strong> du moins pourras-tu nous dire à quoi<br />

ressemble le <strong>grand</strong> maître divin <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ; car nos âmes ne sont pas rassasiées<br />

par les inconcevables prodiges que tu as accomplis <strong>de</strong>vant nous ! Pour peu que,<br />

comme nous n’<strong>en</strong> doutons pas, tu saches aussi bi<strong>en</strong> parler qu'accomplir tes<br />

prodiges purem<strong>en</strong>t divins, ouvre ta belle bouche <strong>et</strong> décris-nous son appar<strong>en</strong>ce. »<br />

13. Raphaël dit : « Je le ferais volontiers si j'<strong>en</strong> avais le droit ; mais, malgré toute<br />

la puissance que j'ai reçue du Maître éternel <strong>de</strong> toute chose, je n'ai pas le droit <strong>de</strong><br />

bavar<strong>de</strong>r avant l'heure prévue.<br />

14. Vous vous êtes fâchés, surtout toi, Ribar, quand j'ai été contraint malgré moi<br />

<strong>de</strong> sourire <strong>de</strong> vous. Je vous assure que je n'y ai mis, comme on dit, aucune malice<br />

; car il se prés<strong>en</strong>te bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t chez les mortels, particulièrem<strong>en</strong>t ceux qui<br />

chemin<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core dans une <strong>de</strong>mi-obscurité, <strong>de</strong>s circonstances où un esprit<br />

parfaitem<strong>en</strong>t éclairé, comme il se trouve que je le suis, ne peut tout à fait se<br />

déf<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> sourire. Pour moi, par exemple, je me s<strong>en</strong>s <strong>en</strong>core forcé <strong>de</strong> sourire<br />

chaque fois que <strong>de</strong>s hommes se croyant fort sages <strong>et</strong> s<strong>en</strong>sés sont dans une forêt<br />

<strong>et</strong>, à force <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s arbres, ne voi<strong>en</strong>t même pas la forêt <strong>et</strong> ne la reconnaiss<strong>en</strong>t<br />

pas comme telle ! Oui, mes amis, lorsque pareille chose se passe sous mes yeux,<br />

je ne puis m'empêcher <strong>de</strong> rire, <strong>et</strong> ri<strong>en</strong> n'y fait ! »<br />

15. Ribar, ouvrant <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux, dit : « Sommes-nous donc <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t nous<br />

aussi dans une forêt que nous ne verrions pas à cause <strong>de</strong>s arbres ? »<br />

16. Raphaël dit : « Matériellem<strong>en</strong>t, non, mais spirituellem<strong>en</strong>t, oui, <strong>et</strong> c'est<br />

pourquoi je suis obligé <strong>de</strong> rire. Dites-moi, pourquoi craignez-vous donc si fort <strong>de</strong><br />

faire la connaissance du <strong>grand</strong> maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ? »<br />

17. C<strong>et</strong>te fois, c'est Suétal qui répond : « Cher <strong>et</strong> sage disciple du <strong>grand</strong> maître,<br />

nous avons déjà exprimé <strong>en</strong> toute franchise à l'ami qui t'a fait v<strong>en</strong>ir ici la raison<br />

pour laquelle nous préférons ne pas faire personnellem<strong>en</strong>t sa connaissance, <strong>et</strong><br />

nous avons bi<strong>en</strong> le droit d'<strong>en</strong> rester à ce désir, qui n'a assurém<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> mauvais<br />

!<br />

18. Tu es déjà toi-même bi<strong>en</strong> trop au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> nous, pauvres pécheurs, raison<br />

pour laquelle nous nous s<strong>en</strong>tons si inqui<strong>et</strong>s <strong>en</strong> ta compagnie ; car il nous est<br />

impossible d'avoir ne serait-ce que le plus léger soupçon du press<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce<br />

que sont sa sagesse <strong>et</strong> ta sci<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> c'est pourquoi ta compagnie nous cause une<br />

impression si singulière. Or, qu'est-ce qu'un disciple, comparé à son maître ? Si<br />

toi, un si jeune disciple du <strong>grand</strong> maître, tu peux déjà accomplir <strong>de</strong>s prodiges<br />

aussi inouïs, que ne pourra faire le maître lui-même ?! Mais si ta prés<strong>en</strong>ce nous<br />

inquiète déjà si fort, que serait-ce alors <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du <strong>grand</strong> maître ?! Nous ne<br />

saurions y t<strong>en</strong>ir ! Aussi ne pouvons-nous pour le mom<strong>en</strong>t que nous abst<strong>en</strong>ir <strong>de</strong><br />

faire la connaissance du <strong>grand</strong> maître <strong>en</strong> personne.<br />

19. Seule peut nous être <strong>de</strong> quelque profit sa doctrine, dont l'ami qui était ici<br />

vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous exposer les principes ; <strong>et</strong> cela nous satisfait parfaitem<strong>en</strong>t pour le<br />

mom<strong>en</strong>t. Si un jour, grâce à l'observance aussi exacte que possible <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

110


doctrine d'une divine pur<strong>et</strong>é, nous <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ons un peu plus parfaits que nous ne le<br />

sommes à prés<strong>en</strong>t, ce sera assurém<strong>en</strong>t pour notre plus <strong>grand</strong>e félicité que nous<br />

ferons peut-être connaissance personnellem<strong>en</strong>t avec le <strong>grand</strong> maître. Quant à c<strong>et</strong><br />

âne arrivé par <strong>en</strong>chantem<strong>en</strong>t, offre-le <strong>de</strong> notre part à l'hôte <strong>de</strong> ces lieux ; car sans<br />

cela, nous n'avons ri<strong>en</strong> qui puisse lui payer ce qu'il nous a donné ! »<br />

20. Raphaël dit : « En ce cas, offrez-lui c<strong>et</strong>te bête <strong>de</strong> somme <strong>en</strong> parfaite santé<br />

ainsi que le poisson ; car ces <strong>de</strong>ux animaux ont assurém<strong>en</strong>t été faits pour vous ! »<br />

Chapitre 57<br />

Le Seigneur prom<strong>et</strong> à Suétal <strong>et</strong> à Ribar <strong>de</strong> leur désigner le Sauveur<br />

1. Marc vi<strong>en</strong>t alors annoncer que le repas <strong>de</strong> midi est prêt <strong>et</strong> nous prier <strong>de</strong> nous<br />

m<strong>et</strong>tre à table.<br />

2. Suétal dit à Marc : « Écoute, bon vieil ami ! Tous les douze, nous sommes tout<br />

à fait pauvres <strong>et</strong> n'avons ri<strong>en</strong> qui puisse payer notre écot ; mais il se trouve que ce<br />

jeune disciple du <strong>grand</strong> maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h qui doit séjourner dans ta maison<br />

nous a procuré par magie un fort beau poisson pesant assurém<strong>en</strong>t près <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t<br />

livres, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite c<strong>et</strong> âne ! Pr<strong>en</strong>ds ces <strong>de</strong>ux animaux <strong>en</strong> lieu <strong>et</strong> place <strong>de</strong> ce que<br />

nous te <strong>de</strong>vons ; car que ferions-nous <strong>de</strong> c<strong>et</strong> âne <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce poisson ? Ce qu'ils<br />

avai<strong>en</strong>t à nous dire <strong>en</strong> tant que symboles pour nous rappeler à l'ordre, nous<br />

l'avons déjà trouvé ! Car, à notre connaissance, le poisson <strong>et</strong> l'âne n'ont jamais été<br />

les emblèmes <strong>de</strong> la sagesse, mais bi<strong>en</strong> toujours <strong>de</strong> la sottise ! Aussi, aie la bonté<br />

d'accepter <strong>en</strong> toute propriété ces <strong>de</strong>ux animaux, qui ne sont d'ailleurs pas sans<br />

valeur, à la place du paiem<strong>en</strong>t que nous te <strong>de</strong>vons ! »<br />

3. Marc dit : « Je le ferai volontiers, quoique vous ne me dussiez ri<strong>en</strong> ; car tout ce<br />

que vous avez déjà mangé <strong>et</strong> pourrez <strong>en</strong>core manger ici a <strong>de</strong> toute façon déjà été<br />

payé plus qu'au c<strong>en</strong>tuple ! Mais à prés<strong>en</strong>t, pr<strong>en</strong>ez place autour <strong>de</strong> l'une <strong>de</strong>s tables<br />

; car les plats vont être apportés à l'instant ! »<br />

4. Suétal dit: « Ami, dis-nous donc qui a payé aussi généreusem<strong>en</strong>t d'avance<br />

notre part, afin que nous puissions lui témoigner <strong>en</strong> r<strong>et</strong>our notre gratitu<strong>de</strong>. »<br />

5. Marc répond : « Il ne m'est pas permis <strong>de</strong> vous dire cela ; aussi, cont<strong>en</strong>tezvous<br />

<strong>de</strong> ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> vous dire ! » — Sur c<strong>et</strong>te déclaration <strong>et</strong> à un signe que<br />

Je lui fais secrètem<strong>en</strong>t, Marc s'éloigne <strong>en</strong> emm<strong>en</strong>ant l'âne <strong>et</strong> rem<strong>et</strong> celui-ci à l'un<br />

<strong>de</strong> ses fils pour qu'il s'<strong>en</strong> occupe provisoirem<strong>en</strong>t.<br />

6. Après le départ <strong>de</strong> Marc, Suétal Me dit : « Ami, n'est-ce pas là un excell<strong>en</strong>t<br />

vieil homme ?! Il ne doit se trouver que bi<strong>en</strong> peu d'hommes aussi honnêtes <strong>en</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> ! Mais, à ton avis, qui a pu payer notre écot avec c<strong>et</strong>te magnanimité plus<br />

qu'humaine ? »<br />

7. Je dis : « Qui d'autre que le <strong>grand</strong> maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ?! Car celui-là ne<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> ri<strong>en</strong> pour ri<strong>en</strong>. À celui qui lui donne un, il r<strong>en</strong>d dix, <strong>et</strong> à celui qui lui<br />

donne dix, il r<strong>en</strong>d c<strong>en</strong>t ! »<br />

8. Suétal dit : « Oui, mais nous ne lui avons donné ni un ni dix, <strong>et</strong> pourtant, il<br />

111


nous a déjà r<strong>en</strong>du mille ! »<br />

9. Je dis : « C'est que ce maître est aussi omnisci<strong>en</strong>t <strong>et</strong> qu'il sait donc que vous<br />

finirez par faire quelque chose pour lui, <strong>et</strong> c'est pourquoi il vous le r<strong>en</strong>d déjà par<br />

avance ! »<br />

10. Suétal dit : « À la bonne heure ! S'il <strong>en</strong> est ainsi, nous nous ti<strong>en</strong>drons prêts à<br />

lui revaloir une telle bonté avec zèle <strong>et</strong> <strong>grand</strong> empressem<strong>en</strong>t, dès que nous appr<strong>en</strong>drons<br />

quel service il att<strong>en</strong>d <strong>de</strong> nous ! »<br />

11. Je dis : « Vous voyez bi<strong>en</strong> qu'il vous faudra finalem<strong>en</strong>t tout <strong>de</strong> même faire sa<br />

connaissance ! Peut-être finira-t-il même par vous pr<strong>en</strong>dre comme disciples ? ! »<br />

12. Suétal dit à Ribar : « Eh, ce serait quelque chose ! Nous pourrions donc nous<br />

aussi <strong>en</strong> faire bi<strong>en</strong>tôt presque autant que ce beau jeune homme ? ! En vérité, si<br />

l'on peut espérer <strong>de</strong> telles choses, je veux bi<strong>en</strong> malgré tout le connaître <strong>en</strong><br />

personne, si cela peut se faire aisém<strong>en</strong>t ! »<br />

13. Ribar dit : « Moi aussi, <strong>et</strong> à vrai dire nous tous ! Mais le choc <strong>de</strong> la première<br />

r<strong>en</strong>contre sera probablem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus dur que tout à l'heure avec c<strong>et</strong> intraitable<br />

poisson ! »<br />

14. Suétal dit : « Qui sait ? L'appr<strong>en</strong>ti frappe souv<strong>en</strong>t l'<strong>en</strong>clume bi<strong>en</strong> plus fort que<br />

le forgeron, afin <strong>de</strong> montrer qu'il sait lui aussi manier le marteau. Ainsi, si une<br />

bonne occasion se prés<strong>en</strong>te par exemple au cours du repas <strong>de</strong> midi, notre bon ami<br />

grec ici prés<strong>en</strong>t pourrait sans doute attirer notre att<strong>en</strong>tion sur lui par un signe !? »<br />

15. Je dis : « Oh, Je peux très facilem<strong>en</strong>t vous r<strong>en</strong>dre ce service ; mais quand<br />

vous l'aurez reconnu, il faudra gar<strong>de</strong>r tout votre calme <strong>et</strong> ne faire aucun<br />

démonstration, car il n'aime pas cela. En pareil cas, il ne regar<strong>de</strong> que dans les<br />

cœurs <strong>et</strong> se trouve parfaitem<strong>en</strong>t satisfait lorsqu'un vrai hommage vivant lui est<br />

ainsi r<strong>en</strong>du <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce. »<br />

16. Suétal dit : « Oh, nous pouvons bi<strong>en</strong> faire cela, <strong>et</strong> c'est d'ailleurs bi<strong>en</strong> plus<br />

intellig<strong>en</strong>t <strong>et</strong> plus sage ; aussi, très cher ami, aie la bonté d'attirer notre att<strong>en</strong>tion<br />

sur lui lorsqu'une occasion favorable se prés<strong>en</strong>tera p<strong>en</strong>dant le repas <strong>de</strong> midi ! »<br />

17. Je dis : « Fort bi<strong>en</strong>, fort bi<strong>en</strong> ; ce sera fait ! Mais les plats sont déjà sur les<br />

tables ; aussi, allons-y, <strong>et</strong> pr<strong>en</strong>ons la première qui se prés<strong>en</strong>tera ! Voyez, il y a<br />

<strong>de</strong>ux tables sous le <strong>grand</strong> tilleul. Je dois pr<strong>en</strong>dre place à la plus longue, à cause<br />

<strong>de</strong>s nobles Romains ; mais vous, asseyez-vous à celle qui est tout à côté, <strong>et</strong> nous<br />

pourrons ainsi très facilem<strong>en</strong>t correspondre ! »<br />

18. « Oui, oui, dit Suétal, c'est ce qu'il y a <strong>de</strong> mieux à faire ! Mais <strong>en</strong> vérité, je<br />

suis particulièrem<strong>en</strong>t désireux <strong>de</strong> recontrer pour la première fois <strong>en</strong> personne ce<br />

<strong>grand</strong> homme, le véritable Messie <strong>de</strong>s Juifs. »<br />

19. Je dis : « Fort bi<strong>en</strong>, mais maint<strong>en</strong>ant, allons nous m<strong>et</strong>tre à table !» — Je<br />

M'avance, suivi <strong>de</strong>s douze, <strong>et</strong> Raphaël marche à côté <strong>de</strong> Suétal, ce qui ne plaît<br />

pas beaucoup à celui-ci, si bi<strong>en</strong> qu'il lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s'il désire vraim<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre<br />

place à leur table.<br />

20. Et Raphaël répond affirmativem<strong>en</strong>t avec la plus <strong>grand</strong>e amabilité du mon<strong>de</strong>,<br />

mais cela n'est pas précisém<strong>en</strong>t du goût <strong>de</strong> Suétal, qui continue d'éprouver une<br />

112


imm<strong>en</strong>se crainte <strong>de</strong> la toute-puissance <strong>de</strong> l'ange. Mais, comme Raphaël lui parle<br />

fort aimablem<strong>en</strong>t, il comm<strong>en</strong>ce peu à peu à concevoir quelque amitié pour lui <strong>et</strong><br />

ne s'inquiète plus autant <strong>de</strong> sa prés<strong>en</strong>ce.<br />

Chapitre 58<br />

Raphaël <strong>et</strong> les poissons<br />

1. À prés<strong>en</strong>t, on s'installe <strong>de</strong> tous côtés aux tables, dont le nombre a été augm<strong>en</strong>té<br />

<strong>de</strong> quatre par le zèle du vieux Marc <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux fils, qui sont aussi bons<br />

m<strong>en</strong>uisiers ; car Marc avait une bonne réserve <strong>de</strong> planches <strong>de</strong> chêne pour la<br />

construction <strong>de</strong> ses barques <strong>de</strong> pêche, <strong>et</strong>, avec Ma permission, Raphaël avait <strong>en</strong><br />

un clin d'œil considérablem<strong>en</strong>t accru c<strong>et</strong>te réserve, <strong>de</strong> sorte que Marc n'eut<br />

aucune peine à fabriquer dans son verger une quantité <strong>de</strong> tables <strong>et</strong> <strong>de</strong> bancs.<br />

2. Raphaël s'assit <strong>en</strong>tre Suétal <strong>et</strong> Ribar. Cep<strong>en</strong>dant, Mathaël avait été invité avec<br />

ses quatre compagnons à Ma table, où nous étions assis dans le même ordre que<br />

les jours précé<strong>de</strong>nts, <strong>et</strong> il dut pr<strong>en</strong>dre place <strong>en</strong>tre Jules <strong>et</strong> Cyrénius. À Ma droite<br />

était <strong>en</strong>core assise Jarah, près d'elle Josoé, puis Ebahi, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite Mes disciples,<br />

c'est-à-dire les apôtres.<br />

3. Aux autres tables se trouvai<strong>en</strong>t naturellem<strong>en</strong>t ceux qui appart<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à la suite<br />

<strong>de</strong> Cyrénius ou <strong>de</strong> Jules ; <strong>et</strong> les tr<strong>en</strong>te jeunes Pharisi<strong>en</strong>s, sous la conduite <strong>de</strong> leur<br />

porte-parole Hébram, avai<strong>en</strong>t une longue table <strong>de</strong>rrière Moi, <strong>de</strong> sorte qu'ils<br />

voyai<strong>en</strong>t à la fois Ma table <strong>et</strong> la p<strong>et</strong>ite table où étai<strong>en</strong>t les douze.<br />

4. On apporta partout <strong>en</strong> quantité conv<strong>en</strong>able les poissons les mieux apprêtés, <strong>et</strong><br />

le meilleur pain <strong>et</strong> le vin ne manquai<strong>en</strong>t nulle part. Nous comm<strong>en</strong>çâmes à<br />

manger, <strong>et</strong> les douze, qui n'avai<strong>en</strong>t pas assez <strong>de</strong> mots pour faire l'éloge <strong>de</strong>s<br />

poissons, se servir<strong>en</strong>t copieusem<strong>en</strong>t. Mais celui qui mangeait le plus était<br />

Raphaël. Il avalait pour ainsi dire les poissons l'un <strong>de</strong>rrière l'autre, ce qui<br />

impressionna fortem<strong>en</strong>t Suétal, qui ne savait que p<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> la chose.<br />

5. Mais quand Raphaël prit dans le plat le <strong>de</strong>rnier poisson, le posa sur sa<br />

planch<strong>et</strong>te <strong>et</strong> le découpa <strong>en</strong> morceaux qu'il porta aussitôt à sa bouche avec une<br />

certaine précipitation, c'<strong>en</strong> fut trop pour Suétal <strong>et</strong> Ribar, <strong>et</strong> Suétal dit à Raphaël,<br />

fort aimablem<strong>en</strong>t, il est vrai : « Ô cher <strong>et</strong> très beau jeune ami, quel extraordinaire<br />

estomac dois-tu donc avoir pour qu'une telle quantité <strong>de</strong> poissons <strong>et</strong> <strong>de</strong> pain y<br />

trouve place ?! Dans ce <strong>grand</strong> plat, il y avait certainem<strong>en</strong>t près <strong>de</strong> vingt poissons<br />

; nous n'<strong>en</strong> avons mangé que douze, <strong>et</strong> à toi seul, tu as <strong>en</strong>fourné les huit plus<br />

gros ! Comm<strong>en</strong>t un si jeune homme peut-il manger autant ?! Cela ne peut être<br />

bon pour la santé ! Enfin, je n'y vois pas d'inconvéni<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> que le Seigneur Dieu<br />

te bénisse ! — Mais se pourrait-il que cela fasse partie <strong>de</strong> la doctrine du <strong>grand</strong><br />

maître <strong>et</strong> que l'on doive manger ainsi pour atteindre la sagesse <strong>et</strong> l'omnipot<strong>en</strong>ce ?<br />

»<br />

6. Raphaël dit <strong>en</strong> souriant : « Certainem<strong>en</strong>t pas ! Mais si c'est mon goût <strong>et</strong> qu'il y<br />

<strong>en</strong> a assez, pourquoi ne mangerais-je pas autant que j'<strong>en</strong> ai le goût ?! Regar<strong>de</strong><br />

combi<strong>en</strong> d'offran<strong>de</strong>s <strong>de</strong> toute sorte on mange chaque jour au nom <strong>de</strong> Dieu, au<br />

Temple <strong>de</strong> Jérusalem ! N'est-ce pas là qu'il convi<strong>en</strong>drait <strong>de</strong> poser la question :<br />

113


Yahvé est-Il à ce point insatiable, qu'il <strong>en</strong>gloutisse toute la journée une quantité<br />

<strong>de</strong> bœufs, <strong>de</strong> vaches, <strong>de</strong> veaux, <strong>de</strong> brebis, d'agneaux, <strong>de</strong> poules, <strong>de</strong> colombes, <strong>de</strong><br />

poissons <strong>et</strong> <strong>de</strong> chèvres <strong>et</strong> une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> grosses miches <strong>de</strong> pain <strong>et</strong> d'outrés <strong>de</strong><br />

vin, <strong>et</strong> qu'après avoir dévoré tout cela, Il ait <strong>en</strong>core un si <strong>grand</strong> désir d'or,<br />

d'arg<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> perles <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> pierres <strong>de</strong>s plus précieuses !?<br />

7. T'es-tu jamais <strong>de</strong>mandé si Dieu était vraim<strong>en</strong>t un tel glouton ?! Non, n'est-ce<br />

pas ; car tu savais que les gloutons n'étai<strong>en</strong>t autres que les serviteurs <strong>de</strong> Dieu !<br />

Que sont mes huit poissons comparés aux c<strong>en</strong>t bœufs, vaches, veaux <strong>et</strong> ca<strong>et</strong>era ?!<br />

Si les serviteurs <strong>de</strong> Dieu qui sont au Temple peuv<strong>en</strong>t s'autoriser impuném<strong>en</strong>t à<br />

dévorer <strong>en</strong> si monstrueuse quantité au nom <strong>de</strong> Dieu, pourquoi <strong>de</strong>vrais-je donc<br />

jeûner, moi qui suis assurém<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> davantage un serviteur <strong>de</strong> Dieu que les<br />

gloutons du Temple ?! »<br />

8. Suétal dit : « Oui, oui, tu as bi<strong>en</strong> raison ; c'est seulem<strong>en</strong>t que j'étais très surpris<br />

<strong>de</strong> te voir, toi, un jeune homme d'âge fort t<strong>en</strong>dre, nous distancer tous à ce point <strong>et</strong><br />

ne t<strong>en</strong>ir aucun compte <strong>de</strong> nous tous, qui souhaitions peut-être goûter <strong>en</strong>core à ces<br />

bons poissons ! »<br />

9. Raphaël dit : « As-tu jamais vu les serviteurs <strong>de</strong> Dieu, au Temple, considérer<br />

le moins du mon<strong>de</strong> si ceux qui apport<strong>en</strong>t les offran<strong>de</strong>s auront <strong>en</strong>core <strong>de</strong> quoi<br />

manger chez eux ? Ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les offran<strong>de</strong>s <strong>et</strong> la dîme sans s'inquiéter aucunem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> savoir si les donateurs ne vont pas mourir <strong>de</strong> faim dans l'heure<br />

suivante ! Et ce sont ceux-là qui se veul<strong>en</strong>t les serviteurs <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> qui le sont<br />

d'ailleurs aux yeux du peuple aveugle ! Mais toi, tu n'as jamais <strong>de</strong>mandé raison,<br />

fût-ce secrètem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>en</strong> toi-même, à ces serviteurs <strong>de</strong> Dieu ; que te soucies-tu<br />

donc à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ma santé, alors que je t'ai pourtant prouvé dans les faits que je<br />

suis un vrai serviteur <strong>de</strong> Dieu ? ! »<br />

10. Ribar dit : « Ami Suétal, il me semble qu'il ne fait pas bon discuter avec<br />

celui-là ! Ce jeune homme me rappelle fort Mathaël, <strong>et</strong> il se pourrait bi<strong>en</strong> que,<br />

sans crier gare, il nous j<strong>et</strong>te à la figure toute notre exist<strong>en</strong>ce ! »<br />

11. Raphaël dit : « Ne parle pas si bas, car je t'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds à peine, <strong>et</strong> Suétal sans<br />

doute <strong>en</strong>core moins ! »<br />

12. Ribar dit : « Oui, oui, j'ai surtout parlé trop haut ! »<br />

13. Raphaël : « Et pourtant, tu voulais comme qui dirait ne pas être <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>de</strong><br />

moi ! Mais j'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds <strong>et</strong> je vois tes p<strong>en</strong>sées ! Comm<strong>en</strong>t pourrais-je donc ne pas<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre tes paroles ? ! Ah, l'animal que j'ai mis près <strong>de</strong> toi tout à l'heure a bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s points communs avec toi ! Pourtant, je te le dis, si tu ne comm<strong>en</strong>ces pas par<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir aussi humble que c<strong>et</strong>te bête grise, tu ne trouveras jamais la porte étroite<br />

qui mène à la vraie sagesse ! »<br />

14. Ribar : « Mais dis-moi, ami, pourquoi donc me fais-tu honte <strong>de</strong>vant tant <strong>de</strong><br />

g<strong>en</strong>s ?! »<br />

15. Raphaël dit : « Je t'ai pourtant clairem<strong>en</strong>t dit, là-bas, que vos âmes sont si<br />

aveugles que les arbres vous empêch<strong>en</strong>t <strong>de</strong> voir la forêt. Aveugles vous étiez làbas,<br />

aveugles vous êtes <strong>en</strong>core ici, bi<strong>en</strong> que n'ayant pas mangé suffisamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

poissons ! Mais si vous voulez d'autres poissons, dites-le, il <strong>en</strong> reste sans doute<br />

<strong>en</strong>core quelques-uns dans la mer ! »<br />

114


Chapitre 59<br />

Des remontrances bonnes <strong>et</strong> mauvaises<br />

1. Un troisième <strong>de</strong>s douze compagnons, du nom <strong>de</strong> Baël, dit : « Amis, pour une<br />

fois, laissez-moi dire un mot ! Il est vrai que je parle peu d'ordinaire <strong>et</strong> préfère<br />

écouter <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> sages paroles ; mais <strong>de</strong> tout ce que vous avez dit tous <strong>de</strong>ux,<br />

il ne ressort jusqu'à prés<strong>en</strong>t que fort peu <strong>de</strong> sagesse. Le jeune disciple a bi<strong>en</strong><br />

raison <strong>de</strong> se moquer <strong>de</strong> vous comme il faut ; car je vous le dis moi aussi, les<br />

arbres vous cach<strong>en</strong>t la forêt ! Considérez qui nous sommes, <strong>et</strong> ce qu'est c<strong>et</strong>te<br />

<strong>grand</strong>e compagnie, <strong>et</strong> remerciez Dieu que nous soyons <strong>en</strong>core <strong>en</strong> vie ! Nous<br />

sommes <strong>de</strong> misérables vers <strong>de</strong> terre sans la moindre valeur, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te compagnie<br />

est faite <strong>de</strong> puissants <strong>de</strong>vant qui toute la terre tremble ; <strong>et</strong> nous, les vers <strong>de</strong> terre,<br />

osons <strong>en</strong>core échanger avec eux les propos les plus stupi<strong>de</strong>s !? En quoi cela te<br />

dérangeait-il, ami Suétal, que ce noble <strong>et</strong> merveilleux jouv<strong>en</strong>ceau véritablem<strong>en</strong>t<br />

tout-puissant mangeât huit poissons <strong>de</strong>vant nous ?! Ne mangeons-nous pas ici<br />

gratis, <strong>et</strong> ne sommes-nous pas rassasiés ? Selon moi, si nous avons mangé plus<br />

qu'à notre faim, qu'avons-nous à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>en</strong>core ? Si la nature <strong>de</strong> ce jeune<br />

homme est ainsi faite que, pour la satisfaire, il doit manger davantage que nous<br />

autres gueux affamés du Temple, nous n'avons pas à critiquer cela ! Car d'abord,<br />

il ne s'est pas régalé à nos frais, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, il était particulièrem<strong>en</strong>t malséant à<br />

vous <strong>de</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pour ainsi dire <strong>de</strong> vous r<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s comptes ! Je vous <strong>en</strong><br />

prie, soyez un peu plus avisés ! Ce disciple comman<strong>de</strong> pour ainsi dire à tous les<br />

élém<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> vous, vous lui parlez comme s'il était <strong>de</strong>s vôtres. Oh, vous êtes<br />

vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s ânes ! Plus que les anci<strong>en</strong>s prophètes, il mérite toute notre<br />

vénération, à cause <strong>de</strong> l'Esprit divin qui est <strong>en</strong> lui, <strong>et</strong> vous le traitez comme s'il<br />

était exactem<strong>en</strong>t votre semblable ! Quand vous <strong>de</strong>viez vous prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>vant les<br />

<strong>grand</strong>s prêtres du Temple, vous trembliez <strong>de</strong> crainte respectueuse ; ici, il y a d'un<br />

seul coup un million <strong>de</strong> fois plus que mille <strong>grand</strong>s prêtres, <strong>et</strong> vous vous<br />

comportez tous <strong>de</strong>ux comme <strong>de</strong> vrais crétins ! Fi donc, honte à vous ! Taisezvous,<br />

écoutez <strong>et</strong> appr<strong>en</strong>ez un peu ; alors seulem<strong>en</strong>t, vous pourrez parler avec <strong>de</strong>s<br />

g<strong>en</strong>s qui seront moins sages que vous ! Mais, je vous <strong>en</strong> prie, laissez tranquille ce<br />

divin jouv<strong>en</strong>ceau, sans quoi je <strong>de</strong>vrai vous parler plus ru<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t au nom <strong>de</strong> tous<br />

les autres frères qui sont à c<strong>et</strong>te table ! »<br />

2. Raphaël dit : « Tu as certes bi<strong>en</strong> parlé, cher Baël ; mais ces vertes remontrances<br />

ne sont jamais <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t souhaitables, car ce qu'il y a <strong>de</strong>rrière elles<br />

n'est pas <strong>de</strong> l'amour, mais un secr<strong>et</strong> orgueil. Car lorsque tu rabroues tes frères<br />

avec c<strong>et</strong>te ru<strong>de</strong>sse, l'irritation t'<strong>en</strong>flamme peu à peu, tes propres paroles te<br />

m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t <strong>en</strong> colère, <strong>et</strong> il ne peut <strong>en</strong> sortir ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> bon ; car les raisins <strong>et</strong> les figues<br />

ne pouss<strong>en</strong>t pas sur les ronces <strong>et</strong> les chardons, <strong>et</strong> sur un sol brûlé, l'herbe ne<br />

reparaît pas <strong>de</strong> longtemps.<br />

3. Si tu veux gui<strong>de</strong>r tes frères, tu ne dois pas les empoigner par le bras comme un<br />

lion se saisit <strong>de</strong> sa proie, mais les conduire comme une poule ses poussins ; c'est<br />

alors que tu auras la considération <strong>de</strong> Dieu, parce que tu auras agi selon<br />

l'ordonnance céleste.<br />

4. Comm<strong>en</strong>ce toujours par essayer la force <strong>et</strong> la puissance <strong>de</strong> l'amour, qui peut<br />

115


eaucoup <strong>et</strong> va très loin ! S'il apparaît que l'amour ne mènera à ri<strong>en</strong>, ou à peu <strong>de</strong><br />

chose, par sa douceur, alors seulem<strong>en</strong>t, tu peux l'<strong>en</strong>velopper <strong>de</strong> son habit le plus<br />

sévère <strong>et</strong>, par amour, conduire ainsi ton frère <strong>en</strong> le t<strong>en</strong>ant fermem<strong>en</strong>t jusqu'à ce<br />

que tu l'aies ram<strong>en</strong>é sur le droit chemin ! Et une fois qu'il y est, il faut alors<br />

dévoiler ton amour, <strong>et</strong> ton frère <strong>de</strong>meurera toujours pour toi un ami divinem<strong>en</strong>t<br />

reconnaissant ! Voilà ce qui est le mieux, parce que cela est dans l'ordonnance<br />

divine <strong>de</strong> toute éternité. »<br />

5. À c<strong>et</strong>te remontrance, Baël ouvre <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux, <strong>et</strong>, dans leur joie, Suétal <strong>et</strong><br />

Ribar serr<strong>en</strong>t les mains <strong>de</strong> Raphaël ; car ils étai<strong>en</strong>t fort aise d'avoir trouvé dans le<br />

jeune disciple supposé un déf<strong>en</strong>seur <strong>de</strong> leurs droits d'êtres humains.<br />

6. Mais le jeune disciple leur dit : « Ami, la gratitu<strong>de</strong> pour un service r<strong>en</strong>du est<br />

bonne lorsqu'elle est fondée sur une bonne raison ; mais si la raison n'est pas tout<br />

à fait bonne, si, <strong>en</strong> vérité, elle est plus mauvaise que bonne, alors toute c<strong>et</strong>te<br />

gratitu<strong>de</strong>, si <strong>grand</strong>e soit-elle, vaut exactem<strong>en</strong>t aussi peu que sa cause elle-même !<br />

»<br />

7. À c<strong>et</strong>te remarque <strong>de</strong> Raphaël, Suétal <strong>et</strong> Ribar ouvr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux, <strong>et</strong> Suétal<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Raphaël : « Mais, très cher jeune ami, que nous dis-tu là !? Tu ne<br />

sembles pas du tout cont<strong>en</strong>t <strong>de</strong> notre reconnaissance ! »<br />

8. Raphaël dit : « Voyez-vous, lorsqu'un homme veut suivre l'ordonnance divine,<br />

il faut qu'<strong>en</strong>fin tout ce qu'il fait soit pleinem<strong>en</strong>t conforme à c<strong>et</strong>te ordonnance.<br />

L'amour pur, fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toute vie <strong>en</strong> l'homme comme <strong>en</strong> Dieu, doit paraître<br />

avec éclat dans chaque action. Vous m'êtes reconnaissants à prés<strong>en</strong>t d'avoir<br />

réprimandé Baël parce que les remontrances qu'il vous a lui-même adressées<br />

n'étai<strong>en</strong>t pas fondées sur l'amour, mais sur le dépit, qui est un rej<strong>et</strong>on <strong>de</strong> la colère<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> la v<strong>en</strong>geance. Baël avait visiblem<strong>en</strong>t off<strong>en</strong>sé vos s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts, aussi brûliezvous<br />

<strong>de</strong> dépit <strong>en</strong> vous-mêmes <strong>et</strong> nourrissiez-vous le désir que Baël soit lui aussi<br />

vertem<strong>en</strong>t tancé pour cela. Mais, voyez-vous, un tel désir est le <strong>de</strong>rnier-né <strong>de</strong> la<br />

soif <strong>de</strong> v<strong>en</strong>geance, <strong>et</strong> celle-ci n'apparti<strong>en</strong>t qu'à l'<strong>en</strong>fer ! Et quand j'ai exaucé votre<br />

vœu <strong>en</strong> lui montrant clairem<strong>en</strong>t ce qu'il y avait <strong>de</strong> mal dans ses remontrances,<br />

vous <strong>en</strong> avez tous <strong>de</strong>ux conçu <strong>de</strong> la joie <strong>et</strong> m'étiez reconnaissants pour cela.<br />

9. Mais c<strong>et</strong>te joie n'est pas née <strong>en</strong> vous parce que j'ai ram<strong>en</strong>é votre frère Baël sur<br />

la bonne voie <strong>de</strong> l'ordonnance divine, mais au contraire parce que, selon vous, je<br />

lui ai porté à votre place un bon coup qui a quelque peu apaisé votre p<strong>et</strong>ite soif<br />

<strong>de</strong> v<strong>en</strong>geance <strong>et</strong> que vous avez ainsi un nouveau motif <strong>de</strong> lui faire <strong>de</strong>s reproches<br />

pour apaiser <strong>en</strong>core plus souv<strong>en</strong>t par la suite c<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite soif <strong>de</strong> v<strong>en</strong>geance. Et<br />

puisque votre gratitu<strong>de</strong> est fondée sur une telle raison, qui est mauvaise parce<br />

qu'il n'y a <strong>en</strong> elle aucun amour, votre gratitu<strong>de</strong> ne peut elle-même pas être bonne<br />

!<br />

10. Ah, si votre gratitu<strong>de</strong> était le fruit <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te joie véritablem<strong>en</strong>t céleste <strong>de</strong> voir<br />

un ami quelque peu dans l'erreur rev<strong>en</strong>ir sur le droit chemin, alors, elle serait<br />

aussi le fruit <strong>de</strong> l'ordonnance céleste, qui a pour nom amour, <strong>et</strong> pour c<strong>et</strong>te raison,<br />

elle serait bonne.<br />

11. Si, comme vous y êtes <strong>de</strong>stinés, vous voulez être <strong>de</strong> vrais <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu,<br />

vous ne <strong>de</strong>vez jamais être motivés dans vos actions par une raison qui ne repose<br />

pas dans toutes ses parties sur l'amour le plus pur ; il ne doit pas y avoir dans vos<br />

116


cœurs la moindre trace du plus p<strong>et</strong>it désir <strong>de</strong> v<strong>en</strong>geance ni la moindre joie du<br />

malheur d'autrui, car tout cela apparti<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>fer <strong>et</strong> non au ciel.<br />

12. Si, dans votre maison, un frère était couché, gravem<strong>en</strong>t mala<strong>de</strong> dans son<br />

corps <strong>et</strong> <strong>en</strong> <strong>grand</strong> danger <strong>de</strong> mourir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te maladie, <strong>et</strong> que vous soyez ainsi<br />

m<strong>en</strong>acés <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e tristesse <strong>de</strong> perdre un frère très cher, vous m<strong>et</strong>triez sans<br />

doute tout <strong>en</strong> œuvre pour soulager ce frère <strong>de</strong> ses maux <strong>et</strong> pour le sauver <strong>de</strong> la<br />

mort ! Et quelle serait votre joie si, grâce à vos efforts, votre frère allait mieux<br />

d'heure <strong>en</strong> heure !<br />

13. Mais si vous éprouvez déjà une telle joie lorsque l'état <strong>de</strong> votre frère<br />

s'améliore physiquem<strong>en</strong>t, combi<strong>en</strong> plus <strong>de</strong>vriez-vous vous réjouir, vous qui êtes<br />

tous <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants d'un seul <strong>et</strong> même bon Père céleste, quand un frère à l'âme<br />

mala<strong>de</strong> <strong>et</strong> qui était peut-être <strong>en</strong> voie <strong>de</strong> se perdre définitivem<strong>en</strong>t est guéri <strong>et</strong><br />

r<strong>et</strong>rouve le chemin <strong>de</strong> la vie éternelle ! Compr<strong>en</strong>ez-vous cela ? »<br />

Chapitre 60<br />

Suétal se révèle comme un bavard<br />

1. Suétal dit : « Ami, aucun homme <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> ne parle comme toi, <strong>et</strong> tu dois<br />

être une créature supérieure v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong>s cieux ! Peut-être es-tu toi-même le <strong>grand</strong><br />

guérisseur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ? »<br />

2. Raphaël dit : « Oh, nullem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je suis indigne à jamais ne serait-ce que <strong>de</strong><br />

délacer Ses sandales ! Certes, selon l'esprit, je suis bi<strong>en</strong> d'<strong>en</strong> haut, mais selon ce<br />

corps terrestre qui est le mi<strong>en</strong> <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t, je ne suis pas autre chose ni un<br />

autre que celui dont vous avez fait connaissance <strong>en</strong> moi ! »<br />

3. Suétal dit : « Mais à prés<strong>en</strong>t que, comme les nombreux autres convives, nous<br />

avons fini <strong>de</strong> manger, j'aimerais tout <strong>de</strong> même bi<strong>en</strong> faire la connaissance <strong>de</strong> ce<br />

maître céleste, afin <strong>de</strong> lui témoigner mon profond respect ! »<br />

4. Raphaël dit : « Je n'y suis pas <strong>en</strong>core autorisé ; le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u, vous Le<br />

reconnaîtrez bi<strong>en</strong>, toi <strong>et</strong> tes frères ! Mais il y a <strong>en</strong>core maintes choses impures<br />

dans vos cœurs ! Vous <strong>de</strong>vez les reconnaître <strong>et</strong>, comme telles, les pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong><br />

horreur <strong>et</strong> vous <strong>en</strong> défaire, afin qu'à l'av<strong>en</strong>ir, <strong>et</strong> dès l'instant où vous aurez<br />

reconnu c<strong>et</strong>te impur<strong>et</strong>é, vous n'ayez plus jamais le désir <strong>de</strong> la m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> pratique ;<br />

c'est alors que vous serez prêts à reconnaître pleinem<strong>en</strong>t le <strong>grand</strong> maître !<br />

5. Mais à prés<strong>en</strong>t, soyez très att<strong>en</strong>tifs ! L'ami qui a parlé avec vous tout à l'heure<br />

va nous faire quelque discours, à <strong>en</strong> juger par sa mine ; car j'ai remarqué que le<br />

<strong>grand</strong> gouverneur Cyrénius, assis à son côté, lui posait une question — <strong>et</strong> quand<br />

les <strong>grand</strong>s parl<strong>en</strong>t, les p<strong>et</strong>its doiv<strong>en</strong>t se taire <strong>et</strong> écouter, pour peu que cela leur<br />

soit permis ! Aussi, taisons-nous à prés<strong>en</strong>t <strong>et</strong> laissons parler nos nobles voisins !<br />

»<br />

6. Suétal <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>en</strong>core à Raphaël : « Ne pourrais-tu me dire, très cher jeune<br />

ami, qui est exactem<strong>en</strong>t le bon ami qui doit parler maint<strong>en</strong>ant ? »<br />

7. Raphaël dit : « Non, pas tout <strong>de</strong> suite, car il faut maint<strong>en</strong>ant se taire <strong>et</strong> écouter<br />

117


! Car lorsque celui-ci se m<strong>et</strong> à parler <strong>de</strong> quoi que ce soit, il est toujours d'un très<br />

<strong>grand</strong> intérêt <strong>de</strong> l'écouter ! Aussi, dorénavant <strong>et</strong> jusqu'à ce qu'il <strong>en</strong> ait terminé,<br />

plus une parole à voix haute à notre table ! »<br />

8. Suétal se cont<strong>en</strong>te <strong>de</strong> cela, ainsi que tous les autres, <strong>et</strong> ils att<strong>en</strong><strong>de</strong>nt avec impati<strong>en</strong>ce<br />

le début <strong>de</strong> Mon discours. Mais Je ne pouvais comm<strong>en</strong>cer avant que<br />

Cyrénius ait fini <strong>de</strong> poser sa question tout à fait ess<strong>en</strong>tielle, portant sur le<br />

mariage, l'adultère, le divorce <strong>et</strong> le commerce charnel avec une jeune fille <strong>en</strong>core<br />

non mariée.<br />

9. Après avoir pati<strong>en</strong>té <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce quelques minutes, Suétal dit : « Eh bi<strong>en</strong>, quand<br />

donc va-t-il comm<strong>en</strong>cer ? »<br />

10. Raphaël dit : « Mais, homme aveugle <strong>et</strong> sourd, ne vois-tu donc pas que<br />

Cyrénius n'<strong>en</strong> a pas <strong>en</strong>core terminé avec sa question !? Peut-on donc se m<strong>et</strong>tre à<br />

parler <strong>et</strong> à répondre à une question avant même que la question soit <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

formulée ?! Pr<strong>en</strong>ds pati<strong>en</strong>ce, la réponse ne manquera pas <strong>de</strong> suivre ! »<br />

11. Suétal se cont<strong>en</strong>te provisoirem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong> avis ; mais Cyrénius prolonge sa<br />

question par toutes sortes <strong>de</strong> remarques annexes, <strong>et</strong> Ma réponse se fait <strong>en</strong>core<br />

att<strong>en</strong>dre. À cause <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Jarah près <strong>de</strong> Moi, Cyrénius parle assez bas,<br />

<strong>de</strong> sorte que, bi<strong>en</strong> sûr, nos voisins ne saisiss<strong>en</strong>t pas <strong>grand</strong>-chose <strong>de</strong> sa question <strong>et</strong><br />

comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à s'<strong>en</strong>nuyer sérieusem<strong>en</strong>t, n'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dant plus nulle part une parole<br />

prononcée à voix haute ; car chez les Romains, c'était une règle ess<strong>en</strong>tielle que<br />

mille se tuss<strong>en</strong>t dès qu'un <strong>grand</strong> faisait seulem<strong>en</strong>t mine <strong>de</strong> signifier à tous qu'il<br />

allait parler.<br />

12. Quelques minutes pass<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core, <strong>et</strong> Je ne parle toujours pas ; Suétal dit alors<br />

à Raphaël : « Cher p<strong>et</strong>it ami, les <strong>de</strong>ux seigneurs convers<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble à voix fort<br />

basse ! Nous ne tirerons pas <strong>grand</strong>-chose <strong>de</strong> c<strong>et</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> sans doute fort sage,<br />

aussi pourrions-nous nous m<strong>et</strong>tre à parler tranquillem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre nous, ce qui serait<br />

peut-être même agréable à nos voisins ! Car lorsque <strong>de</strong> nobles seigneurs tels<br />

qu'eux discut<strong>en</strong>t à voix basse, c'est pour faire compr<strong>en</strong>dre aux humbles qui les<br />

<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t qu'ils ne veul<strong>en</strong>t pas être <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus ! Nous avons donc <strong>grand</strong> tort <strong>de</strong><br />

rester tout à fait sil<strong>en</strong>cieux, car nous ne leur montrons ainsi que trop clairem<strong>en</strong>t<br />

nos mauvaises manières ; par conséqu<strong>en</strong>t, nous <strong>de</strong>vrions avoir nous aussi<br />

quelque conversation ! »<br />

13. Raphaël dit : « Voyez donc ce rusé ! — Mais regar<strong>de</strong>, voici qu'arrive à notre<br />

table un second chargem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> poissons fort bi<strong>en</strong> préparés, <strong>de</strong> pain <strong>et</strong> <strong>de</strong> plusieurs<br />

gobel<strong>et</strong>s du meilleur vin, puisque, à cause <strong>de</strong> mon <strong>grand</strong> appétit, vous avez<br />

été quelque peu privés ! »<br />

14. Suétal dit : « Dieu <strong>en</strong> soit loué, car, pour moi du moins, je confesse avoir<br />

<strong>en</strong>core quelques vi<strong>de</strong>s dans l'estomac ! Le poisson que j'ai mangé tout à l'heure<br />

n'était pas <strong>de</strong>s plus gros, <strong>et</strong> le pain n'était pas précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> excès lui non plus à<br />

notre table, aussi un tel supplém<strong>en</strong>t arrive-t-il fort à propos ! »<br />

15. Marc, qui était maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>vant notre table avec c<strong>et</strong> agréable supplém<strong>en</strong>t,<br />

dit : « Pardonnez-moi, chers amis ! C<strong>et</strong>te table a été tout à l'heure un peu moins<br />

bi<strong>en</strong> lotie que les autres, aussi ai-je fait chercher dans mes réserves <strong>de</strong> quoi<br />

préparer ce supplém<strong>en</strong>t ; que le Seigneur Dieu le bénisse pour vous tous ! »<br />

118


16. Là-<strong>de</strong>ssus, à l'exception <strong>de</strong> l'ange, tous se serv<strong>en</strong>t copieusem<strong>en</strong>t dans les plats<br />

<strong>et</strong> s'empress<strong>en</strong>t <strong>de</strong> manger les poissons fort bi<strong>en</strong> apprêtés, n'épargnant ni le pain<br />

ni le vin, <strong>et</strong> avant peu, la table se trouve <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t débarrassée <strong>de</strong> sa nouvelle<br />

charge.<br />

17. Lorsqu'ils ont ainsi allégé la table sans le secours <strong>de</strong> l'ange, Suétal dit : « Au<br />

Seigneur Dieu, unique bon Père <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s anges, à Lui seul toute<br />

louange ! Je suis <strong>en</strong>fin rassasié comme je ne l'avais pas été <strong>de</strong>puis une <strong>de</strong>miannée<br />

! À prés<strong>en</strong>t, il est facile <strong>de</strong> se taire <strong>et</strong> d'att<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> toute pati<strong>en</strong>ce le<br />

discours promis du sage Grec, qui est probablem<strong>en</strong>t une sorte <strong>de</strong> conseiller secr<strong>et</strong><br />

du gouverneur <strong>de</strong> Cœlé Syrie, gouverneur général <strong>de</strong> toute l'Asie. Mais ce<br />

discours annoncé par notre jeune ami se fait att<strong>en</strong>dre jolim<strong>en</strong>t longtemps !<br />

18. Le gouverneur n'<strong>en</strong> a pas terminé avec sa question assurém<strong>en</strong>t très complexe,<br />

<strong>et</strong> l'autre ne peut lui répondre avant la fin <strong>de</strong> sa question, sans doute fort<br />

importante ! Cela peut <strong>en</strong>core durer jolim<strong>en</strong>t longtemps ! Les tr<strong>en</strong>te jeunes<br />

Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> lévites dress<strong>en</strong>t fort l'oreille eux aussi , mais il est <strong>en</strong>core loin d'être<br />

question du moindre discours !<br />

19. En vérité, la jeune fille ne me déplaît pas du tout ; mais elle semble<br />

éperdum<strong>en</strong>t amoureuse du Grec ! Elle ne le quitte pas <strong>de</strong>s yeux <strong>et</strong> paraît lire dans<br />

les si<strong>en</strong>s toutes sortes <strong>de</strong> choses ; quant au jeune fils du gouverneur, elle n'a<br />

apparemm<strong>en</strong>t pas d'yeux pour lui, bi<strong>en</strong> qu'il soit assis près d'elle, fort<br />

somptueusem<strong>en</strong>t vêtu, <strong>et</strong> qu'il semble comm<strong>en</strong>cer à s'<strong>en</strong>nuyer un peu ! Oh oh !<br />

Voici <strong>en</strong>core v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> la maison quatre jeunes filles fort g<strong>en</strong>tilles ! Ce doiv<strong>en</strong>t<br />

être les filles <strong>de</strong> notre hôte ! Que peuv<strong>en</strong>t-elles bi<strong>en</strong> vouloir faire ? ! »<br />

20. Raphaël dit : « Je crois, ami, que tu es un bavard qui ne peut se t<strong>en</strong>ir tranquille<br />

! Ne vois-tu donc pas que les jeunes filles <strong>de</strong> la maison vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t chercher<br />

les plats vi<strong>de</strong>s afin <strong>de</strong> les n<strong>et</strong>toyer pour le soir ?! Ton esprit est-il donc si borné<br />

que tu ne compr<strong>en</strong>nes pas une telle chose au premier regard ? En vérité, tu es loin<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un Mathaël !<br />

21. Essaie un peu <strong>de</strong> te taire <strong>et</strong> vois si tu peux te cont<strong>en</strong>ter <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce ;<br />

car pour l'éveil <strong>de</strong> l'esprit, un certain calme extérieur est nécessaire, sans lequel<br />

c<strong>et</strong> acte ess<strong>en</strong>tiel pour la vie ne pourra jamais <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir une réalité accomplie ! »<br />

Chapitre 61<br />

Leçon <strong>de</strong> Raphaël sur le recueillem<strong>en</strong>t intérieur<br />

1. (Raphaël :) « Imagine l'intérieur d'une maison où règne <strong>de</strong>puis longtemps le<br />

plus <strong>grand</strong> désordre ; les chambres y sont remplies <strong>de</strong> sal<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes sortes<br />

d'ordures. Mais le maître <strong>de</strong> maison a toujours à faire <strong>de</strong>hors <strong>et</strong> ne pr<strong>en</strong>d ainsi<br />

jamais le temps nécessaire pour n<strong>et</strong>toyer l'intérieur <strong>de</strong> sa maison ; <strong>et</strong> comme il<br />

doit pourtant s'y reposer la nuit, il y respire un air impur qui le r<strong>en</strong>d mala<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

l'affaiblit, <strong>et</strong> il lui <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra toujours plus difficile <strong>de</strong> n<strong>et</strong>toyer sa maison <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

guérir dans ce mauvais air.<br />

2. Vois-tu, ton cœur est aussi une maison pour ton âme, <strong>et</strong> surtout ton esprit !<br />

119


Mais si tu t'actives toujours à l'extérieur, quand vas-tu n<strong>et</strong>toyer la maison <strong>de</strong> ta<br />

vie, afin que l'esprit prospère dans le bon air <strong>de</strong> ton âme ?<br />

3. Ainsi, pour la prospérité <strong>de</strong> ton âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'esprit qui est <strong>en</strong> elle, le calme extérieur<br />

est-il plus important que tout ce que tu pourras faire ! »<br />

4. Suétal dit : « Mais Mathaël a dit que la vie était un combat <strong>et</strong> que l'on ne<br />

pouvait y accé<strong>de</strong>r dans le repos confortable <strong>de</strong> la chair ; Mathaël parle donc<br />

autrem<strong>en</strong>t que toi, <strong>et</strong> toi autrem<strong>en</strong>t que lui ! Lequel <strong>de</strong> vous <strong>de</strong>ux a raison ? »<br />

5. Raphaël dit : « Mathaël, <strong>et</strong> moi ! Si la vie est assurém<strong>en</strong>t un combat, elle n'est<br />

pas un combat purem<strong>en</strong>t extérieur, mais un combat très viol<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'intérieur<br />

contre l'extérieur ! L'homme intérieur doit finir par triompher totalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l'homme extérieur, faute <strong>de</strong> quoi il mourra avec lui ! Aussi, laisse maint<strong>en</strong>ant<br />

l'homme intérieur t<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> bri<strong>de</strong> ta langue extérieure, afin qu'elle se repose <strong>et</strong> que<br />

la langue intérieure <strong>de</strong>s p<strong>en</strong>sées <strong>de</strong> l'âme <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> action <strong>et</strong> reconnaisse le<br />

désordre <strong>et</strong> la sal<strong>et</strong>é qui régn<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core dans la <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> sa vie !<br />

6. Ne te soucie pas <strong>de</strong> tous les vains phénomènes extérieurs ; car il importe peu<br />

d'<strong>en</strong> connaître ou non la raison ! Mais, dans le véritable repos du sabbat,<br />

reconnais la vraie raison <strong>de</strong> la vie intérieure <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'esprit ; c'est cela qui<br />

doit t'importer avant tout, à toi comme à tout homme !<br />

7. À quoi bon savoir <strong>et</strong> éprouver que tu vis <strong>et</strong> que tu existes, si tu ne sais pas pour<br />

autant si, l'instant d'après, tu vivras <strong>en</strong>core <strong>et</strong> éprouveras que tu vis ?! À quoi bon<br />

toutes les connaissances <strong>et</strong> le savoir, si <strong>grand</strong> soit-il, si tu ne connais pas ta vie <strong>et</strong><br />

ne s<strong>en</strong>s pas qu'il y a <strong>en</strong> toi la connaissance <strong>de</strong> sa raison d'être ? !<br />

8. Si tu veux au contraire te connaître au plus profond <strong>de</strong> toi-même, il faut bi<strong>en</strong><br />

diriger tes s<strong>en</strong>s avant tout vers l'intérieur, tout comme tu dois tourner les yeux<br />

vers l'<strong>en</strong>droit où tu veux voir quelque chose ; <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t verras-tu le lever du<br />

soleil si tes yeux sont tournés vers le couchant ?! Ne vois-tu pas, toi qui étais<br />

pourtant un rabbin, que dans le domaine <strong>de</strong> ta propre vie, tu es aussi aveugle que<br />

l'embryon dans le sein <strong>de</strong> la mère ?! »<br />

9. Suétal dit : « Oui, oui, oui, je le vois bi<strong>en</strong> à prés<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> nous serons tous désormais<br />

aussi sil<strong>en</strong>cieux que <strong>de</strong>s statues <strong>de</strong> pierre ! »<br />

Chapitre 62<br />

De la sagesse mondaine <strong>de</strong> Risa<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, tous se tais<strong>en</strong>t à c<strong>et</strong>te table, mais c'est alors que les tr<strong>en</strong>te jeunes<br />

Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> lévites comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à se quereller <strong>en</strong>tre eux, parce que leur porteparole<br />

Hébram leur a pour ainsi dire ordonné <strong>de</strong> se taire. Il y a parmi eux <strong>en</strong><br />

particulier un certain Risa, dont les par<strong>en</strong>ts possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s bi<strong>en</strong>s qui doiv<strong>en</strong>t<br />

lui rev<strong>en</strong>ir à leur mort comme à leur unique héritier. Celui-ci s'indigne fort<br />

lorsque Hébram lui rappelle qu'il ferait mieux <strong>de</strong> réfléchir <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce aux sages<br />

paroles <strong>de</strong> Mathaël <strong>et</strong> surtout à celles du Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, plutôt que d'agiter<br />

constamm<strong>en</strong>t sa langue <strong>et</strong> son futile héritage.<br />

120


2. Aussi Risa répond-il à Hébram par c<strong>et</strong>te méchante remarque : « Les pauvres<br />

diables finiss<strong>en</strong>t toujours par <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir dévots <strong>et</strong> par tomber dans quelque espèce<br />

<strong>de</strong> sagesse, parce qu'ils sav<strong>en</strong>t qu'ils n'ont pas <strong>grand</strong>-chose à att<strong>en</strong>dre du mon<strong>de</strong> ;<br />

les <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> les riches <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t parfois dévots <strong>et</strong> sages eux aussi afin <strong>de</strong> mieux<br />

ram<strong>en</strong>er à la pati<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> à la placidité les pauvres diables <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us furieux, <strong>et</strong> que<br />

ceux-ci accept<strong>en</strong>t à nouveau <strong>de</strong> se cont<strong>en</strong>ter à l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> la misère qui les<br />

oppresse !<br />

3. Le riche va à la synagogue <strong>et</strong> prie <strong>de</strong>vant le pauvre afin <strong>de</strong> faire croire à celuici<br />

qu'il faut être bi<strong>en</strong> pieux pour être ainsi béni <strong>de</strong> Dieu ; <strong>et</strong> le pauvre prie tout<br />

autant, d'abord pour être lui aussi béni <strong>de</strong> Dieu, <strong>en</strong>suite afin que le riche le voie <strong>et</strong><br />

lui fasse peut-être quelque aumône pour cela. Quelle différ<strong>en</strong>ce y a-t-il <strong>en</strong>tre les<br />

<strong>de</strong>ux ? Absolum<strong>en</strong>t aucune ! Car le riche trompe le pauvre, <strong>et</strong> le pauvre trompe le<br />

riche autant qu'il peut afin d'<strong>en</strong> obt<strong>en</strong>ir quelque chose. Mais moi, personne ne<br />

m'<strong>en</strong> fait accroire, pas même les faiseurs <strong>de</strong> miracles ; car ils sav<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong><br />

pour qui <strong>et</strong> pourquoi ils accompliss<strong>en</strong>t leurs faux miracles ! Lorsqu'ils sont<br />

passés maîtres dans leurs arts occultes, alors, bi<strong>en</strong> sûr, il arrive souv<strong>en</strong>t qu'ils<br />

persua<strong>de</strong>nt <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its <strong>et</strong> se fass<strong>en</strong>t véritablem<strong>en</strong>t honorer comme <strong>de</strong>s êtres<br />

supérieurs, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ant ainsi riches <strong>et</strong> puissants !<br />

4. Bref, il est facile d'être peintre pour <strong>de</strong>s aveugles ; on peint un ours <strong>de</strong>vant<br />

eux, on leur dit : "Voici une ravissante jeune fille !", <strong>et</strong> ils le croi<strong>en</strong>t. Mais si<br />

quelqu'un voulait faire un miracle <strong>de</strong>vant moi, il ne tromperait pas pour autant le<br />

perspicace Risa <strong>et</strong> n'y gagnerait aucune aumône !<br />

5. Tout est tromperie <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> ; c'est toujours celui qui sait tromper le plus<br />

subtilem<strong>en</strong>t qui est le plus haut placé ! Mais celui qui s'y pr<strong>en</strong>d avec quelque<br />

maladresse pour tromper n'ira pas bi<strong>en</strong> loin non plus sur la voie cahoteuse du<br />

bonheur !<br />

6. Seul est heureux celui qui est dès l'origine pourvu <strong>en</strong> abondance <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

toute sorte, mais aussi d'assez <strong>de</strong> perspicacité pour qu'on ne puisse lui faire<br />

pr<strong>en</strong>dre un ours pour une t<strong>en</strong>dre jouv<strong>en</strong>celle ! Voilà comm<strong>en</strong>t je vois le mon<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

tout ce qui s'y passe, sans me laisser embrouiller l'esprit par quelque astucieux<br />

pauvre diable ! Les choses ont toujours été ainsi, <strong>et</strong> le resteront toujours !<br />

7. Et qu'on me laisse tranquille avec la vie éternelle après la mort ! Car n'importe<br />

quelle tombe, n'importe quel arbre que l'âge a abattu dans une forêt nous montre<br />

ce qu'il <strong>en</strong> est. Ce qui vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la terre r<strong>et</strong>ourne à la terre, <strong>et</strong> il n'y a ri<strong>en</strong> hors <strong>de</strong><br />

cela — si ce n'est la pieuse fantaisie <strong>de</strong>s pauvres diables, volontiers sout<strong>en</strong>ue,<br />

bi<strong>en</strong> sûr, par les riches ! »<br />

8. Hébram, comme nous l'avons déjà remarqué, s'irrite fort <strong>de</strong>s déclarations <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te sorte, <strong>et</strong> il dit à Risa : « Pour toi, Moïse <strong>et</strong> tous les <strong>grand</strong>s prophètes ne sont<br />

donc pas autre chose que <strong>de</strong>s trompeurs, vrais ou imaginaires, <strong>de</strong> l'humanité<br />

aveugle, <strong>et</strong> le Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ne serait aujourd'hui pour toi ri<strong>en</strong> déplus ?! »<br />

9. Risa dit : « Peut-être pas précisém<strong>en</strong>t un imposteur malint<strong>en</strong>tionné, mais <strong>en</strong><br />

tout cas un imposteur d'une meilleure espèce ; car ils s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt tous fort bi<strong>en</strong><br />

à peindre pour les hommes, sinon <strong>de</strong>s ours, du moins <strong>de</strong>s singes <strong>en</strong> place<br />

d'hommes, <strong>et</strong> à leur faire pr<strong>en</strong>dre un X pour un U !<br />

121


10. Quant au Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, il a sans doute reçu lui aussi un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />

qui l'a fort bi<strong>en</strong> instruit <strong>de</strong>s forces occultes ; il sait désormais s'<strong>en</strong> servir, <strong>et</strong> nous<br />

qui n'y sommes pas initiés, nous regardons cela comme un bœuf une nouvelle<br />

porte, sans pouvoir nous y reconnaître !<br />

11. Pourtant, sa doctrine est bonne ; car si tous les hommes adoptai<strong>en</strong>t <strong>et</strong> suivai<strong>en</strong>t<br />

c<strong>et</strong>te doctrine, ils finirai<strong>en</strong>t nécessairem<strong>en</strong>t par s'<strong>en</strong> trouver aussi bi<strong>en</strong> que<br />

possible ! Mais qui va aller prêcher une telle doctrine à tous les hommes <strong>en</strong> ce<br />

vaste mon<strong>de</strong> ? Et quand bi<strong>en</strong> même cela serait permis, à quelles difficultés, à<br />

quels obstacles insurmontables pareille tâche n'irait-elle pas se heurter, je vous le<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> ?!<br />

12. Car c'est précisém<strong>en</strong>t dans ce qui touche à leurs différ<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> religion <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

doctrine que les hommes sont le moins accessibles !<br />

13. Partout, l'homme ordinaire est <strong>de</strong> loin bi<strong>en</strong> plus bête qu'homme. Toute forme<br />

d'intellig<strong>en</strong>ce supérieure lui fait défaut, <strong>et</strong> c'est pourquoi il refuse <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> ses<br />

raisonnem<strong>en</strong>ts millénaires, malgré leur évi<strong>de</strong>nte fauss<strong>et</strong>é <strong>et</strong> leur douce folie ;<br />

quant aux hommes plus intellig<strong>en</strong>ts, ils se dis<strong>en</strong>t : "Il fait bon vivre avec ces<br />

vieilles sottises ; à quoi bon une nouveauté dont on ne peut savoir comm<strong>en</strong>t elle<br />

sera acceptée <strong>et</strong> quelle sorte <strong>de</strong> vie elle nous fera ?" Aussi <strong>de</strong> telles élucidations<br />

ne convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t-elles qu'<strong>en</strong> certains lieux <strong>et</strong> doiv<strong>en</strong>t-elles être conservées aussi<br />

secrètes que possible si l'on veut qu'elles gar<strong>de</strong>nt aux yeux du reste du mon<strong>de</strong><br />

leur faculté <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre au moins quelques hommes heureux ; dès qu'une telle<br />

chose se vulgarise, elle perd <strong>de</strong> sa valeur, tombe bi<strong>en</strong>tôt dans le ridicule, <strong>et</strong> plus<br />

personne ne s'<strong>en</strong> soucie. Ce que — disons — un homme peut faire, mille l'imit<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong>tôt, dès qu'ils sont tant soit peu initiés à la chose !<br />

14. Et c'est ce qui arrivera aussi, selon moi, à ce maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h par ailleurs<br />

fort bon, surtout s'il veut <strong>en</strong>seigner à d'autres ses connaissances secrètes, comme<br />

nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> le voir tout à l'heure avec ce beau jeune homme, qui sait déjà<br />

accomplir <strong>de</strong>s prodiges avec une habil<strong>et</strong>é magistrale !<br />

15. Mais si un disciple réussit déjà à faire <strong>de</strong>s choses aussi inouïes, que reste-t-il<br />

au maître ?! Si les disciples sav<strong>en</strong>t gar<strong>de</strong>r le sil<strong>en</strong>ce requis, cela peut servir à<br />

créer un établissem<strong>en</strong>t profitable, du moins s'il ne perd pas les bonnes grâces <strong>de</strong>s<br />

puissants <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> ; car ces <strong>de</strong>rniers souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t volontiers <strong>de</strong> tels instituts,<br />

qui, grâce à leur extraordinaire efficacité, sont tout à fait aptes à t<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> bri<strong>de</strong> le<br />

peuple par <strong>de</strong>s promesses <strong>grand</strong>ioses pour l'au-<strong>de</strong>là, consistant généralem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

une récomp<strong>en</strong>se ou un châtim<strong>en</strong>t éternels.<br />

16. Mais dès que ces sortes <strong>de</strong> connaissances occultes <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans le peuple <strong>et</strong><br />

qu'on se m<strong>et</strong> à lui <strong>en</strong> parler sans fard, tout est fini ! On glose, on les tourne <strong>en</strong><br />

dérision, plus personne n'<strong>en</strong> fait cas, toute leur anci<strong>en</strong>ne valeur noblem<strong>en</strong>t<br />

exaltante est irrémédiablem<strong>en</strong>t perdue, <strong>et</strong> les hommes cherch<strong>en</strong>t autre chose qui<br />

soit plus extraordinaire, mais ne trouv<strong>en</strong>t généralem<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> tant qu'ils rest<strong>en</strong>t<br />

clairvoyants. Ce n'est qu'après <strong>de</strong>s siècles, quand un peu <strong>de</strong> la bonne vieille<br />

ignorance a r<strong>et</strong>rouvé sa place, qu'un av<strong>en</strong>turier astucieux trouve moy<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

soum<strong>et</strong>tre à l'impôt pour plusieurs siècles quelque p<strong>et</strong>it peuple, s'il s'y pr<strong>en</strong>d avec<br />

beaucoup d'adresse ; mais s'il y m<strong>et</strong> tant soit peu <strong>de</strong> bêtise, on le verra bi<strong>en</strong> vite<br />

pr<strong>en</strong>dre le large pour sauver sa peau.<br />

122


17. Je ne suis vraim<strong>en</strong>t pas un prophète, <strong>et</strong>, à vrai dire, il n'y <strong>en</strong> a sans doute jamais<br />

eu un seul ! Mais j'ose affirmer que le Temple ne ti<strong>en</strong>dra pas un nouveau<br />

siècle avec ses escroqueries <strong>grand</strong>ioses, malgré toute la pru<strong>de</strong>nce qu'on lui prête !<br />

Car lorsqu'une telle institution <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t trop âpre au gain, elle se trahit bi<strong>en</strong>tôt,<br />

perd son nimbe <strong>de</strong> gloire, <strong>et</strong> c'<strong>en</strong> est alors fait d'elle ! Et <strong>de</strong>ux mille ans sembl<strong>en</strong>t<br />

être la plus longue durée à laquelle une doctrine puisse prét<strong>en</strong>dre ; <strong>en</strong>suite, elle<br />

r<strong>et</strong>ombe dans son néant, <strong>et</strong> on ne la connaît plus que par <strong>de</strong>s fragm<strong>en</strong>ts isolés<br />

dans une quelconque chronique.<br />

18. Seul l'art du calcul, qui dut être découvert dès les anci<strong>en</strong>s Phénici<strong>en</strong>s <strong>et</strong> qui<br />

fut beaucoup développé par les Egypti<strong>en</strong>s <strong>et</strong> les Grecs, ne pourra jamais<br />

disparaître, parce qu'il conti<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s vérités éclairantes <strong>et</strong> particulièrem<strong>en</strong>t utiles<br />

pour tous, donc impérissables.<br />

19. Mais tout autre <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ou doctrine qui exige <strong>de</strong>s hommes toutes sortes<br />

<strong>de</strong> sacrifices <strong>et</strong> n'offre pas d'autre avantage, lorsqu'on l'a adoptée, que celui <strong>de</strong><br />

pouvoir guérir quelques mala<strong>de</strong>s <strong>et</strong> même, au besoin, <strong>de</strong> faire tel ou tel autre p<strong>et</strong>it<br />

miracle, une telle doctrine ne peut durer ! Car, tout d'abord, elle ne repose pas sur<br />

une base mathématique démontrable, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, même lorsque son fondateur l'a<br />

aussi bi<strong>en</strong> garantie que possible, elle ne <strong>de</strong>meure jamais par la suite aussi simple<br />

<strong>et</strong> aussi pure que lors <strong>de</strong> sa fondation.<br />

20. Cela comm<strong>en</strong>ce ordinairem<strong>en</strong>t par une foule d'explications, parce que tout<br />

fondateur d'une doctrine est toujours plus ou moins un t<strong>en</strong>ant du bon vieux<br />

mysticisme <strong>et</strong> qu'il remplit sa doctrine, souv<strong>en</strong>t fort salutaire par ailleurs, <strong>de</strong> tout<br />

un fatras mystique incompréh<strong>en</strong>sible qu'il n'a vraisemblablem<strong>en</strong>t pas compris<br />

lui-même au départ <strong>et</strong> qui sera d'autant moins compris par ses successeurs. À<br />

mesure qu'une telle doctrine se répand, ce qu'il y avait <strong>en</strong> elle <strong>de</strong> mystique<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t toujours plus mystique, on bâtit <strong>de</strong> vastes édifices où l'on se livre à toutes<br />

sortes <strong>de</strong> cérémonies avec <strong>de</strong>s mines terriblem<strong>en</strong>t sérieuses, afin <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre<br />

d'autant plus évi<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> impressionnant pour le peuple le caractère sacré d'une<br />

doctrine naguère toute simple. Mais tout cela n'y fait ri<strong>en</strong>, car, avec le temps,<br />

grâce aux multiples phénomènes du domaine <strong>de</strong> la nature <strong>et</strong> grâce au simple bon<br />

s<strong>en</strong>s, les yeux <strong>de</strong>s hommes s'ouvr<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> c'<strong>en</strong> est alors pour ainsi dire fait <strong>de</strong><br />

l'anci<strong>en</strong>ne doctrine ; car les fragm<strong>en</strong>ts qui s'<strong>en</strong> mainti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core ici ou là ne<br />

peuv<strong>en</strong>t plus jamais re<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un tout. — Voici quelle est ma saine opinion, que<br />

je ne veux cep<strong>en</strong>dant imposer à personne. »<br />

Chapitre 63<br />

Hébram montre à Risa son erreur<br />

1. Hébram dit : « Ami, j'ai déjà souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du la chose prés<strong>en</strong>tée ainsi que tu le<br />

fais avec beaucoup <strong>de</strong> bon s<strong>en</strong>s ; mais cela ne convi<strong>en</strong>t pas dans le cas prés<strong>en</strong>t,<br />

car il y a ici bi<strong>en</strong> plus qu'un mage ordinaire farci <strong>de</strong> tous les arts magiques perses<br />

<strong>et</strong> égypti<strong>en</strong>s !<br />

2. Considère seulem<strong>en</strong>t les propos <strong>de</strong> Mathaël, les actes, les <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> les<br />

propos du <strong>grand</strong> maître lui-même, <strong>et</strong> tu ne manqueras pas <strong>de</strong> voir à l'évi<strong>de</strong>nce<br />

123


que, malgré toutes les appar<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> bon s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> ton raisonnem<strong>en</strong>t, tu t'es<br />

fourvoyé !<br />

3. Je m'y connais un peu <strong>en</strong> magie moi aussi, <strong>et</strong> je connais les différ<strong>en</strong>tes sortes<br />

<strong>de</strong> magie perse <strong>et</strong> égypti<strong>en</strong>ne ; mais accomplir les choses que nous avons vu<br />

accomplir ici, donner <strong>de</strong>s <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts tels que ceux que nous avons <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus<br />

indique à l'évi<strong>de</strong>nce une origine plus haute que nous ne sommes capables <strong>de</strong> le<br />

concevoir pour le mom<strong>en</strong>t.<br />

4. Ce jeune homme qui est là-bas avec les douze a, sous nos yeux, changé <strong>en</strong><br />

poussière une pierre posée sur la table, puis reconstitué la pierre d'origine avec<br />

c<strong>et</strong>te poussière avant <strong>de</strong> la faire <strong>en</strong>fin disparaître tout à fait. Et <strong>de</strong> quelle manière<br />

a-t-il, il y a un instant à peine, changé une pierre <strong>en</strong> pain, puis une autre <strong>en</strong><br />

poisson, <strong>et</strong> pour finir fait apparaître un âne <strong>en</strong>tier IN OPTIMA FORMA (*) ! Ce sont<br />

là, ami, <strong>de</strong>s phénomènes d'une tout autre sorte que les quelques p<strong>et</strong>its prodiges<br />

vains <strong>et</strong> insipi<strong>de</strong>s que nous avons vu accomplir à Damas par quelques magici<strong>en</strong>s<br />

perses ! Là-bas, la supercherie <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait très vite évi<strong>de</strong>nte à quiconque savait<br />

seulem<strong>en</strong>t additionner un <strong>et</strong> un, <strong>et</strong> il pouvait lui trouver une explication IN<br />

OPTIMA FORMA ; mais ici, qui peut se forger une autre explication que celle<br />

donnée par Mathaël, où il s'agit exclusivem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la force <strong>et</strong> <strong>de</strong> la puissance <strong>de</strong> la<br />

vie fondam<strong>en</strong>tale résidant <strong>en</strong> Dieu <strong>et</strong> issue <strong>de</strong> Dieu ?!<br />

5. Ainsi, tu as <strong>grand</strong> tort <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre ce qui est ici dans la fâcheuse catégorie <strong>de</strong>s<br />

supercheries, <strong>de</strong> même que tu as <strong>grand</strong> tort <strong>de</strong> placer dans c<strong>et</strong>te catégorie Moïse<br />

<strong>et</strong> tous les prophètes ; car Mathaël nous a assez montré ce qu'il y avait <strong>de</strong>rrière<br />

celui qui a délivré notre peuple du dur joug égypti<strong>en</strong>.<br />

6. Moïse était d'une si extraordinaire <strong>grand</strong>eur spirituelle <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant<br />

les hommes que la terre n'a ri<strong>en</strong> produit <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong> jusqu'à nos jours. Mais ici,<br />

ami, c'est précisém<strong>en</strong>t Celui <strong>de</strong>vant la sainte face <strong>de</strong> qui le <strong>grand</strong> Moïse a dû<br />

voiler sa face qui siège sous une forme humaine ; aussi est-il particulièrem<strong>en</strong>t<br />

peu avisé <strong>de</strong> ta part <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> Lui comme d'un homme ordinaire !<br />

7. Compte les convives qui sont ici nourris trois fois par jour <strong>de</strong> ces très bons <strong>et</strong><br />

beaux poissons qui n'ont pas d'arêtes, <strong>de</strong> pain, <strong>de</strong> vin, <strong>de</strong> fruits <strong>de</strong> toute sorte, <strong>de</strong><br />

miel, <strong>de</strong> lait, <strong>de</strong> fromage <strong>et</strong> <strong>de</strong> beurre ! Songe <strong>en</strong> même temps que notre hôte est<br />

au fond un homme plus pauvre qu'aisé ! Son domaine ne fait que trois arp<strong>en</strong>ts (**) ,<br />

il n'a que peu <strong>de</strong> terres, <strong>et</strong> fort pierreuses, comme on peut le voir. La pêcherie est<br />

<strong>en</strong>core ce qui vaut le plus ; mais peut-elle suffire à tant <strong>de</strong> convives ? Nous<br />

<strong>de</strong>vons être à prés<strong>en</strong>t près <strong>de</strong> quatre c<strong>en</strong>ts hommes, <strong>et</strong> tous sont parfaitem<strong>en</strong>t<br />

nourris, à quoi il faut ajouter les nombreuses bêtes <strong>de</strong> somme <strong>de</strong>s Romains <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

Grecs, dont aucune ne manque <strong>de</strong> ri<strong>en</strong>. Mais si tu vas voir dans les gar<strong>de</strong>-manger<br />

<strong>de</strong> notre hôte, tu les trouveras pleins à ras bord <strong>de</strong> tous les produits <strong>de</strong> la terre <strong>et</strong><br />

d'une quantité du meilleur pain, <strong>et</strong> la profon<strong>de</strong> cave creusée dans le roc conti<strong>en</strong>t<br />

tant <strong>de</strong> vin que nous aurions beau la solliciter, nous n'<strong>en</strong> vi<strong>en</strong>drions pas à bout <strong>en</strong><br />

une année ! Mais <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à notre hôte loyal <strong>et</strong> ami <strong>de</strong> la vérité comm<strong>en</strong>t tout<br />

cela lui est v<strong>en</strong>u, <strong>et</strong> il ne te fera pas d'autre réponse que celle-ci : "Uniquem<strong>en</strong>t<br />

(*)<br />

En bonne (<strong>et</strong> due) forme.<br />

(**)<br />

Soit un peu plus <strong>de</strong> 1,5 ha. L'édition alleman<strong>de</strong> précise qu'il s'agit <strong>de</strong> l'arp<strong>en</strong>t autrichi<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

57,5 ares (l'arp<strong>en</strong>t varie <strong>de</strong> 35 à 65 ares <strong>en</strong>viron selon les pays <strong>et</strong> les régions). (N.d.T.)<br />

124


par <strong>de</strong>s miracles répétés du <strong>grand</strong> Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h !"<br />

8. Et s'il <strong>en</strong> est ainsi, qui pourrait <strong>en</strong>core avoir l'idée <strong>de</strong> prét<strong>en</strong>dre que tout cela<br />

n'est qu'une supercherie montée <strong>de</strong> quelque manière par les puissants <strong>de</strong> la terre<br />

afin <strong>de</strong> duper les foules aveugles <strong>et</strong> stupi<strong>de</strong>s pour les r<strong>en</strong>dre ainsi plus soumises<br />

<strong>et</strong> leur imposer un plus lourd tribut ?! Je te le dis, ce qui est ici est plus que ne<br />

pourra jamais le concevoir l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tous les sages <strong>de</strong> la terre ; ici règne<br />

la force divine, comme elle a déjà régné sur c<strong>et</strong>te terre à d'autres époques <strong>et</strong> y<br />

régnera <strong>en</strong>core ! Et même si ta raison qui se veut pleine <strong>de</strong> bon s<strong>en</strong>s ne peut le<br />

concevoir, il <strong>en</strong> est pourtant ainsi que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te le dire ; mais va d'abord te<br />

convaincre par toi-même <strong>de</strong> tout cela, <strong>et</strong> tu me diras <strong>en</strong>suite s'il ne se passe ici<br />

que <strong>de</strong>s choses ordinaires ! »<br />

9. Risa dit : « Oui, oui, s'il <strong>en</strong> est ainsi, je suis bi<strong>en</strong> sûr contraint <strong>de</strong> r<strong>et</strong>irer beaucoup<br />

<strong>de</strong> mes affirmations, <strong>et</strong> je ne contesterai donc plus la valeur divine <strong>de</strong> Moïse<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>s autres prophètes ; il n'<strong>en</strong> reste pas moins qu'<strong>en</strong> définitive, aucune doctrine,<br />

si divine que soit son origine, ne se mainti<strong>en</strong>t ne serait-ce que <strong>de</strong>ux ou trois<br />

siècles dans toute sa pur<strong>et</strong>é !<br />

10. Moïse était <strong>en</strong>core sur la montagne à recevoir les comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Yahvé<br />

que le peuple dansait autour du veau d'or dans la vallée ; <strong>et</strong> quel visage bi<strong>en</strong><br />

différ<strong>en</strong>t prit déjà la doctrine <strong>de</strong> Moïse quand le roi Saül remplaça les Juges, <strong>et</strong><br />

comme tout cela changea <strong>en</strong>core sous le règne <strong>de</strong> David, <strong>et</strong> quelle différ<strong>en</strong>ce à<br />

nouveau sous les règnes <strong>de</strong> Salomon <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses successeurs !<br />

11. Sans cesse, quelque chose <strong>de</strong> pur <strong>et</strong> <strong>de</strong> divin se perdait pour être remplacé par<br />

<strong>de</strong>s principes humains <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, <strong>en</strong> sorte que seuls les noms sont effectivem<strong>en</strong>t<br />

parv<strong>en</strong>us jusqu'à nous, mais hormis cela, tout Moïse a quasim<strong>en</strong>t disparu<br />

; il n'<strong>en</strong> a été conservé que ce qui peut <strong>en</strong>core conférer aux serviteurs du Temple<br />

quelque prestige divin. Ils ont gardé l'aspect punitif afin <strong>de</strong> pouvoir par là,<br />

comme si Dieu leur avait <strong>en</strong> quelque sorte donné le droit d'avoir toujours raison,<br />

infliger <strong>de</strong>s tourm<strong>en</strong>ts tout à fait diaboliques à la pauvre humanité ; mais il y a<br />

longtemps que ce qu'il y avait là <strong>de</strong> véritablem<strong>en</strong>t divin a été supprimé, <strong>et</strong> qu'on<br />

ne se fait plus tailler <strong>de</strong> cilices <strong>de</strong> crin gris pour avoir <strong>en</strong>freint l'un <strong>de</strong>s dix<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Dieu. L'adultère compte <strong>en</strong>core pour quelque chose chez les<br />

g<strong>en</strong>s <strong>en</strong> vue <strong>et</strong> très riches, parce que ces g<strong>en</strong>s doiv<strong>en</strong>t se rach<strong>et</strong>er à prix d'or pour<br />

éviter la lapidation. On ne leur donne à boire <strong>en</strong>suite qu'une eau prét<strong>en</strong>due<br />

maudite, mais qui ne risque pas <strong>de</strong> leur crever le v<strong>en</strong>tre ; car <strong>de</strong> tels pécheurs<br />

pourront <strong>en</strong>core souv<strong>en</strong>t servir pour les multiples besoins du Temple ! Mais si les<br />

nobles serviteurs du Temple comm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t l'adultère, personne ne s'<strong>en</strong> souciera<br />

jamais ; seulem<strong>en</strong>t, qu'il arrive à un pauvre diable <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> r<strong>en</strong>dre coupable, <strong>et</strong> il<br />

sera à coup sûr lapidé comme il faut.<br />

12. Mais nous pouvons lire aussi avec quel déploiem<strong>en</strong>t inouï <strong>de</strong> la force <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

puissance divines les dix comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts ont été dictés aux hommes, au milieu<br />

<strong>de</strong>s éclairs <strong>et</strong> du tonnerre qui faisai<strong>en</strong>t trembler toute la terre, <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te<br />

effrayante sévérité divine s'est <strong>en</strong>suite manifestée au cours <strong>de</strong>s siècles à maintes<br />

reprises <strong>et</strong> <strong>en</strong> divers lieux. Que <strong>de</strong> fois, selon les écrits <strong>de</strong>s <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>its<br />

prophètes, ce peuple <strong>de</strong> Dieu a-t-il été averti ! Et pour quel résultat aujourd'hui ?<br />

On sait où nous <strong>en</strong> sommes sans que j'aie besoin d'<strong>en</strong> dire plus ! En vérité, s'il<br />

125


existe un <strong>en</strong>fer, les choses ne peuv<strong>en</strong>t y être pires !<br />

13. Mais si <strong>de</strong>s révélations c<strong>en</strong>sées être purem<strong>en</strong>t divines ne produis<strong>en</strong>t, hélas,<br />

que <strong>de</strong>s fruits tels que ceux que l'on voit aujourd'hui chez les Pharisi<strong>en</strong>s, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

à toute personne saine d'esprit s'il est vraim<strong>en</strong>t étonnant que l'on finisse<br />

par ne plus se soucier d'aucune révélation divine ni d'aucune provi<strong>de</strong>nce quelles<br />

qu'elles soi<strong>en</strong>t !?<br />

14. Tout ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> dire du <strong>grand</strong> Sauveur est bon <strong>et</strong> vrai, <strong>et</strong> il se peut que<br />

sa doctrine soit davantage couronnée <strong>de</strong> succès que toutes les doctrines divines<br />

qui l'ont précédée ; mais j'aimerais bi<strong>en</strong> voir moi-même, avec ma consci<strong>en</strong>ce<br />

actuelle, quelle sera communém<strong>en</strong>t, ne serait-ce que dans un <strong>de</strong>mi-millénaire,<br />

l'allure <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nouvelle doctrine, à supposer que son observation dans les faits,<br />

comme pour toutes celles qui l'ont précédée, soit laissée à la libre appréciation<br />

<strong>de</strong>s hommes !<br />

15. Un seul y prési<strong>de</strong> au début, mais dans mille ans, il grouillera <strong>de</strong> ces chefs qui,<br />

<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>tant c<strong>et</strong>te pure doctrine, n'auront gar<strong>de</strong> d'oublier leur v<strong>en</strong>tre ! —<br />

P<strong>en</strong>ses-tu qu'<strong>en</strong> disant cela, je me fourvoie autant que tu l'affirmais tout à l'heure<br />

? »<br />

Chapitre 64<br />

De l'ordonnance divine <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t du mon<strong>de</strong><br />

1. Hébram dit : « Oui <strong>et</strong> non ! À la façon humaine purem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, mon<br />

avis est que tu as raison assurém<strong>en</strong>t, mais selon la manière proprem<strong>en</strong>t divine, tu<br />

te trompes fort <strong>et</strong> es donc malgré tout fourvoyé ; car les <strong>de</strong>sseins <strong>de</strong> Dieu ont à<br />

coup sûr un autre visage que les nôtres. Vois-tu, si nous avions mis nous-mêmes<br />

les étoiles au firmam<strong>en</strong>t, nous les aurions sans doute disposées plus<br />

régulièrem<strong>en</strong>t ; mais Dieu, qui seul est tout-puissant, les a disposées comme un<br />

nuage <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites lumières ! Pourquoi cela ?<br />

2. Regar<strong>de</strong> dans les prés comme les herbes sont toutes pêle-mêle ! Pourquoi n'y<br />

a-t-il pas là un ordre dont notre esprit <strong>de</strong> symétrie (*) puisse tirer quelque<br />

satisfaction mathématique ?! Où que tu te tournes, tu trouveras dans toutes les<br />

créatures bi<strong>en</strong> plus <strong>de</strong> chaos que d'une ordonnance tant soit peu symétrique ! Et<br />

pourtant, le Créateur doit s'y connaître aussi bi<strong>en</strong> que nous <strong>en</strong> symétrie ; car nous<br />

<strong>en</strong> avons déjà dans notre propre forme humaine les preuves les plus tangibles <strong>et</strong><br />

les plus convaincantes. Et si le bon Créateur est à certains égards assurém<strong>en</strong>t fort<br />

capable <strong>de</strong> respecter la plus parfaite symétrie, mais qu'à d'autres égards Il ne<br />

semble pas lui prêter la moindre att<strong>en</strong>tion, il faut bi<strong>en</strong> qu'il y ait là-<strong>de</strong>ssous<br />

quelque raison, <strong>en</strong>core inconnue <strong>de</strong> nous, pauvres vers <strong>de</strong> terre, qui pousse le<br />

Créateur d'un côté à respecter la plus parfaite symétrie, <strong>de</strong> l'autre à faire<br />

exactem<strong>en</strong>t l'inverse ! Pourquoi donc n'y a-t-il pas une année semblable à une<br />

autre, pas un jour semblable à l'autre ?<br />

3. Si l'on considère les choses <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière, le bon s<strong>en</strong>s humain avec sa<br />

(*) Ici synonyme d'« harmonie ». (N.d.T.)<br />

126


prét<strong>en</strong>due symétrie doit sans doute y trouver beaucoup à redire avec la sévérité<br />

inhér<strong>en</strong>te à ses faibles lumières ; mais c'est alors que le <strong>grand</strong> Maître intervi<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> personne <strong>et</strong> dit : "Sav<strong>et</strong>ier, là où passe ta forme, tu peux juger, mais pas au<strong>de</strong>là<br />

!"<br />

4. Mais <strong>de</strong> même que nous voyons partout, dans la <strong>grand</strong>e Création divine, un<br />

désordre appar<strong>en</strong>t extrême <strong>et</strong> véritablem<strong>en</strong>t chaotique allié à un ordre extrême,<br />

<strong>de</strong> même, ce me semble, <strong>en</strong> va-t-il <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>tes révélations divines faites aux<br />

hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre. Seul l'unique Créateur sait parfaitem<strong>en</strong>t ce qui convi<strong>en</strong>t le<br />

mieux à l'évolution spirituelle <strong>de</strong>s différ<strong>en</strong>ts peuples aux différ<strong>en</strong>tes époques.<br />

5. C'est ainsi qu'avec le temps, pour <strong>de</strong>s raisons assurém<strong>en</strong>t d'une parfaite<br />

sagesse, Il laisse une doctrine qu'il avait dictée se faner exactem<strong>en</strong>t comme se<br />

fan<strong>en</strong>t sur la terre <strong>de</strong>s fleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s herbes sans nombre ; mais, comme la vérité<br />

pure <strong>et</strong> vivante, la sem<strong>en</strong>ce qui s'est formée dans les fleurs ne se fane pas <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>meure toujours vivante.<br />

6. Et si nous voyons qu'avec le temps, le Créateur laisse mourir toute chose<br />

extérieure, si belle soit-elle, qui fut nécessaire pour un temps, <strong>et</strong> m<strong>et</strong> finalem<strong>en</strong>t<br />

tous Ses soins à développer la vie intérieure dans toutes les choses porteuses <strong>de</strong><br />

quelque vie que nous connaissons, pouvons-nous nous étonner <strong>de</strong> voir les<br />

révélations subir le même sort ?<br />

7. Aucune doctrine, si pure soit-elle, ne peut nous parv<strong>en</strong>ir sans une parole<br />

terrestre ; mais la parole extérieure est déjà matérielle, donc vouée à disparaître<br />

une fois que le pur esprit intérieur s'est développé. C'est ainsi qu'avec les<br />

doctrines divines extérieures, l'éclat superficiel <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t nécessairem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong><br />

plus fâcheux .avec le temps ; mais à l'arrière-plan, <strong>en</strong> r<strong>et</strong>our, la force <strong>et</strong> la vérité<br />

spirituelle très pure <strong>de</strong> la manifestation divine qui a précédé continue <strong>de</strong> se<br />

développer toujours davantage. — N'<strong>en</strong> est-il pas ainsi, ami Risa ? »<br />

8. Risa dit : « Frère Hébram, je t'admire ! Par Dieu, la véritable sagesse <strong>de</strong> ton<br />

discours a changé toute ma façon <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser, ce dont je te suis vraim<strong>en</strong>t fort<br />

obligé ! Les choses sont vraim<strong>en</strong>t telles que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me les décrire ; plus j'y<br />

réfléchis, plus je trouve que cela est clair ! Bref, tu as vaincu ma raison à tous<br />

points <strong>de</strong> vue, <strong>et</strong> je te dois pour cela une <strong>grand</strong>e reconnaissance ! »<br />

Chapitre 65<br />

Le Seigneur donne <strong>de</strong>s conseils aux novices<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Je Me tourne <strong>et</strong> dis à Hébram : « Eh bi<strong>en</strong>, tu as a déjà fait <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s<br />

progrès dans la sagesse, <strong>et</strong> vous tous aussi ; <strong>en</strong> vérité, il est permis <strong>de</strong> se réjouir<br />

lorsqu'on voit <strong>de</strong> tels disciples, qui pourront bi<strong>en</strong>tôt <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> bons ouvriers<br />

dans les vignes du Seigneur ! Mais Je dois pourtant vous faire remarquer une<br />

chose, qui est celle-ci :<br />

2. Vous êtes à prés<strong>en</strong>t comme les premières p<strong>et</strong>ites fleurs qui, au printemps, se<br />

hât<strong>en</strong>t <strong>de</strong> hausser leurs têtes magnifiques au-<strong>de</strong>ssus d'un sol mort. S'il ne survi<strong>en</strong>t<br />

pas <strong>de</strong> gelées, ces p<strong>et</strong>ites fleurs empressées s'<strong>en</strong> trouveront bi<strong>en</strong> ; mais si, comme<br />

127


l'attest<strong>en</strong>t la plupart <strong>de</strong>s printemps, plusieurs jours d'un terrible gel succè<strong>de</strong>nt à<br />

nouveau aux beaux jours, ces premières p<strong>et</strong>ites fleurs laiss<strong>en</strong>t vite r<strong>et</strong>omber leurs<br />

têtes magnifiquem<strong>en</strong>t parées <strong>et</strong> souv<strong>en</strong>t se <strong>de</strong>ssèch<strong>en</strong>t alors tout à fait.<br />

3. Je vous le dis, bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t, lorsqu'un homme compr<strong>en</strong>d une vérité même fort<br />

clairem<strong>en</strong>t, si, comme il arrive souv<strong>en</strong>t aussi, <strong>de</strong> sombres nuages chargés <strong>de</strong><br />

maintes intempéries éprouvantes s'élèv<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> son âme, son cœur se<br />

trouble peu à peu, <strong>et</strong> il ne voit alors plus <strong>grand</strong>-chose <strong>de</strong> ce qui éclairait pourtant<br />

si brillamm<strong>en</strong>t son âme peu <strong>de</strong> temps auparavant.<br />

4. Aussi, conservez soigneusem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vous-mêmes ce que vous v<strong>en</strong>ez d'appr<strong>en</strong>dre,<br />

<strong>et</strong> ne dressez vos belles têtes au-<strong>de</strong>ssus du sol <strong>de</strong> la terre qu'est votre<br />

humanité extérieure que lorsque l'épreuve du gel sera passée ; alors, <strong>en</strong> vérité,<br />

votre savoir ne pourra plus être détruit par aucun mauvais frimas !<br />

5. Toute chose a besoin <strong>de</strong> temps pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir soli<strong>de</strong> <strong>et</strong> durable, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> va <strong>de</strong><br />

même pour les connaissances <strong>de</strong> l'homme. Lorsque l'occasion s'<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te, l'on<br />

appr<strong>en</strong>d <strong>et</strong> l'on compr<strong>en</strong>d beaucoup, souv<strong>en</strong>t très vite — mais dès que d'autres<br />

circonstances survi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, on les oublie aussitôt ! Aussi, saisissez ce qui vous est<br />

dit davantage avec votre cœur qu'avec votre cerveau, <strong>et</strong> vous ne l'oublierez pas !<br />

6. Lorsque vous voyez une fleur, son bel aspect vous procure sans doute une<br />

<strong>grand</strong>e joie ; mais à quoi vous sert c<strong>et</strong>te joie, nécessairem<strong>en</strong>t aussi provisoire que<br />

la fleur qui l'a suscitée <strong>en</strong> vous ?! Cep<strong>en</strong>dant, la force <strong>de</strong> la fleur doit se r<strong>et</strong>irer au<br />

fond <strong>de</strong> son calice, où la graine vivante sera conservée <strong>et</strong> nourrie, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même,<br />

votre joie superficielle doit se faner <strong>et</strong> sa force <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dre dans les profon<strong>de</strong>urs où<br />

la vie éternelle <strong>de</strong> l'esprit est conservée <strong>et</strong> nourrie ; alors, il <strong>en</strong> naîtra une joie <strong>de</strong><br />

la véritable beauté intérieure <strong>de</strong> l'esprit aussi éternelle que celui-ci, <strong>et</strong> contre<br />

laquelle aucun frimas ne pourra plus jamais ri<strong>en</strong>.<br />

7. Mais à prés<strong>en</strong>t, soyez très att<strong>en</strong>tifs ; car Je vais donner quelques éclaircissem<strong>en</strong>ts<br />

sur <strong>de</strong>s aspects que Cyrénius souhaitait se voir expliquer un peu. »<br />

8. Là-<strong>de</strong>ssus, Je Me tournai vers Jarah <strong>et</strong> Josoé <strong>et</strong> leur dis : « Quant à vous, Mes<br />

très chers <strong>en</strong>fants, vous pourriez maint<strong>en</strong>ant aller un mom<strong>en</strong>t rejoindre dans la<br />

cuisine les filles <strong>de</strong> Marc, qui auront bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses à vous raconter sur tout ce<br />

qu'elles ont vécu <strong>de</strong>puis plusieurs jours dans leur travail, toutes choses dont vous<br />

ferez sans doute votre profit ; car le m<strong>et</strong>s que Je vais à prés<strong>en</strong>t servir aux<br />

convives est une sorte <strong>de</strong> pain aussi dure que la pierre, <strong>et</strong> il faut <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts très<br />

fortes <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> formées pour pouvoir mâcher conv<strong>en</strong>ablem<strong>en</strong>t un tel morceau <strong>de</strong><br />

pain sans qu'il pèse <strong>en</strong>suite sur l'estomac s<strong>en</strong>sible <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> lui occasionne<br />

douleurs ou dommages. Plus tard, quand les <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> votre âme seront <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ues<br />

plus fortes, ces choses vous seront dites à vous aussi ! »<br />

9. Jarah ne quitte pas volontiers sa place, mais Josoé lui dit : « Vi<strong>en</strong>s avec moi<br />

sans aucune tristesse, chère Jarah ! Car ce que veut le Seigneur doit toujours être<br />

obéi aussitôt d'un cœur joyeux ; comme tu compr<strong>en</strong>ds cela bi<strong>en</strong> mieux que moi,<br />

lève-toi donc promptem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> vi<strong>en</strong>s avec moi, selon la volonté du Seigneur ! »<br />

10. Là-<strong>de</strong>ssus, Jarah se lève <strong>et</strong> <strong>en</strong>tre avec Josoé dans la maison <strong>de</strong> Marc, où les<br />

filles <strong>de</strong> celui-ci les accueill<strong>en</strong>t très aimablem<strong>en</strong>t, selon l'usage <strong>de</strong> la maison, <strong>et</strong><br />

bi<strong>en</strong>tôt, un mot suivant l'autre, les <strong>en</strong>fants, s'instruisant mutuellem<strong>en</strong>t,<br />

128


s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t fort agréablem<strong>en</strong>t presque jusqu'au soir.<br />

11. Cep<strong>en</strong>dant, Je Me tourne vers Cyrénius <strong>et</strong> lui dis : « À prés<strong>en</strong>t, très cher ami,<br />

tu peux prêter l'oreille à la réponse édifiante que Je vais faire à ta longue question<br />

; tu pourras <strong>en</strong>suite t'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir à c<strong>et</strong>te réponse, ainsi que tous ceux qui l'auront<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>due ! »<br />

12. Suétal voulut alors glisser à Raphaël une remarque joyeuse sur Mon discours<br />

qui arrivait <strong>en</strong>fin ; mais Raphaël lui ordonna gravem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se taire, ce qu'il fit, <strong>et</strong><br />

Je poursuivis <strong>en</strong> ces termes :<br />

Chapitre 66<br />

Discours du Seigneur sur les règles sexuelles<br />

1. (Le Seigneur :) « La procréation d'un être humain, vois-tu, est une chose bi<strong>en</strong><br />

particulière ! Pour concevoir un fruit bon <strong>et</strong> sain, il faut que <strong>de</strong>ux êtres mûrs, un<br />

homme <strong>et</strong> une femme, ai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre eux une vraie par<strong>en</strong>té d'âme, sans quoi l'acte <strong>de</strong><br />

procréation que l'on sait n'aboutira que difficilem<strong>en</strong>t, voire souv<strong>en</strong>t pas du tout, à<br />

un fruit.<br />

2. Maint<strong>en</strong>ant, si un homme <strong>et</strong> une femme sont d'une nature proche dans le cœur<br />

<strong>et</strong> dans l'âme, il faut <strong>en</strong>core qu'ils s'épous<strong>en</strong>t <strong>et</strong> que, conformém<strong>en</strong>t à l'ordonnance<br />

aisém<strong>en</strong>t observable dans la nature, ils n'us<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'acte <strong>de</strong> procréation<br />

qu'à seule fin d'obt<strong>en</strong>ir un fruit à leur image ; <strong>en</strong> faire davantage qu'il n'est<br />

nécessaire pour cela est contre l'ordre <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong> la nature, <strong>et</strong> donc un mal <strong>et</strong><br />

un péché guère préférable aux innommables péchés <strong>de</strong> Sodome <strong>et</strong> Gomorrhe !<br />

3. Si un homme a beaucoup <strong>de</strong> sem<strong>en</strong>ce, il ne péchera point s'il la dépose dans un<br />

autre champ, à la bonne manière <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s pères <strong>et</strong> patriarches. Mais s'il ne sort<br />

<strong>en</strong> secr<strong>et</strong> que pour satisfaire son p<strong>en</strong>chant avec <strong>de</strong>s filles publiques <strong>et</strong> se divertir<br />

ainsi sans <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer <strong>de</strong> fruit, il comm<strong>et</strong> alors assurém<strong>en</strong>t un <strong>grand</strong> péché<br />

sodomite contre l'ordre divin <strong>et</strong> contre celui <strong>de</strong> la nature !<br />

4. Seul un homme jeune <strong>et</strong> ar<strong>de</strong>nt, s'il est ému par les charmes d'une jeune fille<br />

au point <strong>de</strong> n'être pour ainsi dire plus maître <strong>de</strong> ses s<strong>en</strong>s, peut coucher avec une<br />

vierge, avec ou sans procréation ; mais après c<strong>et</strong> acte, il doit lui acquitter<br />

scrupuleusem<strong>en</strong>t ce qui fut ordonné par Moïse. Et si un fruit résulte <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

procréation forcée, il doit donner à la jeune fille dix à c<strong>en</strong>t fois ce qu'il lui aurait<br />

dû selon Moïse si aucun fruit n'avait résulté <strong>de</strong> l'acte ; car une jeune fille fait à un<br />

tel homme un <strong>grand</strong> sacrifice à la vie <strong>et</strong> à la mort ! Et si l'homme peut <strong>en</strong>suite<br />

épouser c<strong>et</strong>te jeune fille, il ne doit pas y manquer ; car, comme il a été dit, elle lui<br />

a fait un <strong>grand</strong> sacrifice <strong>et</strong> l'a délivré d'un far<strong>de</strong>au obsédant.<br />

5. Par la suite, un tel homme plein d'ar<strong>de</strong>ur doit très vite pr<strong>en</strong>dre femme <strong>en</strong><br />

bonne <strong>et</strong> due forme (*) , <strong>et</strong>, au besoin, pr<strong>en</strong>dre aussi une concubine avec l'accord <strong>de</strong><br />

l'épouse légitime, afin qu'il n'<strong>en</strong> résulte aucune discor<strong>de</strong> ; mais si un tel homme<br />

peut faire abnégation <strong>de</strong> soi-même, <strong>en</strong> r<strong>et</strong>our, une grâce spirituelle supérieure lui<br />

sera accordée sous peu <strong>et</strong> plus aisém<strong>en</strong>t qu'à un autre pour sa vie intérieure.<br />

(*) C<strong>et</strong>te phrase s'<strong>en</strong>chaîne donc avec l'avant-<strong>de</strong>rnière. (N.d.T.)<br />

129


7. Ce qui vi<strong>en</strong>t d'être dit te fera aisém<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dre ce qu'est la luxure, <strong>et</strong><br />

pourquoi Moïse l'a déf<strong>en</strong>due comme un <strong>grand</strong> péché ; car tout a été ordonné aux<br />

hommes par Dieu, conformém<strong>en</strong>t à Son ordonnance. Qui <strong>de</strong>meure dans c<strong>et</strong>te ordonnance<br />

récoltera les fruits <strong>de</strong> la bénédiction du ciel ; mais qui agit contre c<strong>et</strong>te<br />

ordonnance récoltera les fruits <strong>de</strong> la malédiction.<br />

8. Cep<strong>en</strong>dant, si, quelque peine qu'il pr<strong>en</strong>ne, un <strong>de</strong> ces hommes pleins <strong>de</strong> fougue<br />

procréatrice ne peut apaiser naturellem<strong>en</strong>t le feu qui le harcèle, Je lui conseille <strong>de</strong><br />

se baigner souv<strong>en</strong>t dans l'eau froi<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> prier avec ferveur pour adoucir son<br />

tourm<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ce tourm<strong>en</strong>t lui sera très vite ôté ; toute autre manière d'apaiser ce<br />

feu apparti<strong>en</strong>t au mal <strong>et</strong> <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre à nouveau le mal, <strong>et</strong> le mal est péché <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre à son tour le péché.<br />

9. En même temps, il importe que tous les par<strong>en</strong>ts ai<strong>en</strong>t à cœur <strong>de</strong> ne pas exposer<br />

aux dangers <strong>de</strong> la séduction leurs <strong>en</strong>fants <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us <strong>grand</strong>s ! Car un matériau<br />

inflammable pr<strong>en</strong>d feu aisém<strong>en</strong>t ; une fois que les flammes s'élèv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tous<br />

côtés, il n'est souv<strong>en</strong>t plus possible <strong>de</strong> les éteindre rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> aucune flamme<br />

ne brûle sans victime ! Mais c'est lorsqu'elle s'éteint que l'on voit bi<strong>en</strong>tôt<br />

apparaître les dommages qu'elle a causés.<br />

10. Aussi les jeunes filles, particulièrem<strong>en</strong>t, doiv<strong>en</strong>t-elles certes être bi<strong>en</strong> vêtues,<br />

mais jamais <strong>de</strong> façon séduisante, <strong>et</strong> les jeunes g<strong>en</strong>s ne doiv<strong>en</strong>t pas être livrés à<br />

l'oisiv<strong>et</strong>é ; car c'est l'oisiv<strong>et</strong>é qui <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre tous les vices <strong>et</strong> tous les péchés.<br />

11. Quant à celui qui a pris femme régulièrem<strong>en</strong>t, il lui est lié jusqu'à la mort, <strong>et</strong><br />

l'acte <strong>de</strong> répudiation <strong>de</strong> Moïse n'annule pas l'adultère selon l'ordonnance divine si<br />

c<strong>et</strong> homme épouse <strong>en</strong>suite une autre femme ; mais si la femme répudiée <strong>en</strong><br />

épouse un autre, elle est adultère elle aussi. Bref, celui qui se marie après une<br />

séparation est adultère ; à l'inverse, celui qui ne contracte pas mariage n'est donc<br />

pas adultère.<br />

12. En esprit, cep<strong>en</strong>dant, est aussi adultère celui qui regar<strong>de</strong> une femme déjà<br />

mariée <strong>et</strong> conçoit <strong>en</strong> son cœur l'int<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>traîner par toutes sortes <strong>de</strong><br />

considérations à comm<strong>et</strong>tre l'adultère, même si la chose ne s'accomplit pas.<br />

13. Et si, <strong>de</strong>vant les attraits <strong>de</strong> la femme <strong>de</strong> ton prochain, tu te laisses séduire par<br />

elle, tu comm<strong>et</strong>s aussi l'adultère ; car tu as ainsi fait <strong>de</strong> la femme <strong>de</strong> ton prochain<br />

une prostituée <strong>en</strong> te livrant avec elle à la fornication (*) . Et c'est là un <strong>grand</strong> <strong>et</strong><br />

grossier péché <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant les hommes, même lorsque tu as conçu un<br />

fruit avec la femme d'autrui. Mais le mal est naturellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core plus <strong>grand</strong> si<br />

tu as forniqué avec la femme <strong>de</strong> ton prochain uniquem<strong>en</strong>t par un désir luxurieux<br />

stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> aveugle. À <strong>de</strong> tels pécheurs, il sera bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> recevoir le<br />

royaume <strong>de</strong>s cieux. »<br />

(*)<br />

À noter qu'<strong>en</strong> allemand, le mot Hurerei signifie « prostitution », mais aussi, dans le vocabulaire<br />

religieux, « fornication ». Le mot « prostituée » (Hure) est alors synonyme <strong>de</strong> « fornicatrice »<br />

(Hurerin), par opposition à la fille publique ou vénale (feile Dirne), bi<strong>en</strong> que la limite ne soit pas<br />

toujours n<strong>et</strong>te <strong>en</strong>tre les <strong>de</strong>ux « catégories », voir ci-après 68,5 sq. (N.d.T.)<br />

130


Chapitre 67<br />

Cas d'exception dans les relations sexuelles<br />

1. (Le Seigneur :) « Cep<strong>en</strong>dant, si, par exemple, la femme <strong>de</strong> ton prochain,<br />

n'ayant pu concevoir <strong>de</strong> fruit par son mari légitime, éprouve pourtant un <strong>grand</strong><br />

désir qu'un fruit s'éveille <strong>en</strong> son sein <strong>et</strong> te le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, alors, avises-<strong>en</strong> son mari :<br />

s'il cons<strong>en</strong>t, tu peux sans péché accé<strong>de</strong>r à ce désir. Quand c<strong>et</strong>te femme a été<br />

fécondée <strong>et</strong> que, le temps ayant passé, elle <strong>en</strong> exprime à nouveau le désir, si son<br />

mari y cons<strong>en</strong>t, tu peux à nouveau te montrer obligeant <strong>en</strong>vers elle, pour peu que<br />

tu sois célibataire. Mais si tu es toi-même l'époux d'une femme fécon<strong>de</strong>, tu ne<br />

dois pas priver ta femme <strong>de</strong> ta force ; car <strong>en</strong> ce cas, il vous a été permis par<br />

Moïse d'avoir une, voire au besoin plusieurs concubines à côté <strong>de</strong> l'épouse<br />

légitime, surtout si c<strong>et</strong>te épouse était infertile, mais toujours avec le<br />

cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'épouse légitime. Mais si celle-ci <strong>en</strong> était très affligée, il<br />

conv<strong>en</strong>ait alors <strong>de</strong> congédier les concubines, comme Abraham lui-même<br />

congédia Hagar qu'il avait prise à cause <strong>de</strong> l'infertilité prolongée <strong>de</strong> son épouse<br />

Sarah.<br />

2. Si une femme ayant fui son époux légitime dans une autre contrée vi<strong>en</strong>t à un<br />

homme comme étant célibataire <strong>et</strong> om<strong>et</strong> <strong>de</strong> lui dire qu'elle était déjà l'épouse d'un<br />

autre, celui qui la pr<strong>en</strong>d pour femme dans ces conditions est sans péché, même<br />

s'il appr<strong>en</strong>d par la suite qu'elle était déjà l'épouse d'un homme, mais qu'elle l'avait<br />

fui <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> à cause <strong>de</strong> sa dur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>de</strong> son infertilité ; car lorsqu'il a pris c<strong>et</strong>te<br />

étrangère pour épouse, il ne savait pas qu'elle était déjà l'épouse d'un autre, <strong>et</strong>,<br />

lorsqu'il l'a appris par la suite, elle était déjà son épouse dont il ne pouvait plus<br />

être séparé, si ce n'est par la mort, sans comm<strong>et</strong>tre le péché d'adultère.<br />

3. De telles circonstances ont d'ailleurs souv<strong>en</strong>t donné lieu à <strong>de</strong>s actes fort cruels.<br />

Lorsque le nouveau mari était soumis à la loi mosaïque <strong>et</strong> que, par la suite, la<br />

femme étrangère lui <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait importune, il cherchait alors à s'<strong>en</strong> débarrasser <strong>en</strong><br />

allant <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> trouver le premier époux, auquel il dénonçait l'infidélité <strong>et</strong><br />

l'adultère <strong>de</strong> sa femme. Il s'<strong>en</strong>suivait que c<strong>et</strong>te femme était lapidée <strong>et</strong> que les<br />

<strong>de</strong>ux hommes étai<strong>en</strong>t alors légalem<strong>en</strong>t libérés. Mais à l'av<strong>en</strong>ir, il ne <strong>de</strong>vra plus <strong>en</strong><br />

être ainsi !<br />

4. Je vous le dis, pour éviter cela, un homme célibataire ne <strong>de</strong>vra pas épouser une<br />

étrangère sans s'être <strong>en</strong>quis très précisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> sa situation antérieure ! Si, ce<br />

faisant, il n'a ri<strong>en</strong> découvert <strong>et</strong> qu'il se s<strong>en</strong>te très attiré par c<strong>et</strong>te femme étrangère,<br />

qu'il la pr<strong>en</strong>ne malgré tout pour épouse ; <strong>et</strong> s'il n'appr<strong>en</strong>d qu'<strong>en</strong>suite, par hasard,<br />

l'état précé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la femme, il ne doit pas trahir son épouse, mais la gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la<br />

même bonne manière qu'il l'a prise. La femme, quant à elle, peut expier ses<br />

péchés antérieurs par sa <strong>grand</strong>e fidélité à son nouvel époux ; car Dieu n'est pas un<br />

juge injuste, Il sait mesurer très précisém<strong>en</strong>t les faiblesses <strong>de</strong> la chair humaine <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir compte. Et un meurtrier <strong>de</strong> sa femme est pire qu'une femme adultère !<br />

5. À prés<strong>en</strong>t, supposons <strong>de</strong>ux voisins dont l'un ne peut éveiller <strong>de</strong> fruit dans le<br />

sein <strong>de</strong> sa femme, parce que, mal surveillé dans sa jeunesse, il a trop affaibli sa<br />

capacité <strong>de</strong> procréer, alors que son voisin, à <strong>en</strong> juger par ses nombreux <strong>en</strong>fants <strong>en</strong><br />

bonne santé, possè<strong>de</strong> une puissante capacité <strong>de</strong> procréer, parce qu'il a toujours <strong>et</strong><br />

131


<strong>en</strong> tout vécu dans la bonne ordonnance <strong>et</strong> qu'il est resté discipliné dans sa<br />

jeunesse. Qu'<strong>en</strong> résulterait-il si le voisin infécond allait trouver celui qui est<br />

fertile <strong>et</strong> le priait <strong>de</strong> faire usage <strong>de</strong> sa <strong>grand</strong>e capacité pour éveiller à sa place un<br />

fruit dans le sein <strong>de</strong> sa femme, <strong>et</strong> que le voisin fertile fît cela par un vrai amour<br />

<strong>en</strong>vers son voisin, par ailleurs bon <strong>et</strong> loyal, sans <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir <strong>en</strong> même temps la<br />

moindre idée <strong>de</strong> s'adonner <strong>en</strong> outre à la luxure avec la femme <strong>de</strong> ce voisin, ce qui<br />

serait un <strong>grand</strong> péché ? Sachez que cela ne serait pas un péché, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins<br />

un adultère : au contraire, un tel acte accompli <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> avec l'accord <strong>de</strong> toutes<br />

les parties serait même un louable service r<strong>en</strong>du par amour ; <strong>en</strong> secr<strong>et</strong>, parce que,<br />

hormis les personnes concernées, nul ne <strong>de</strong>vrait ri<strong>en</strong> <strong>en</strong> savoir, pour préserver<br />

l'honneur du voisin infertile <strong>et</strong> afin que nul n'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ne ombrage. »<br />

Chapitre 68<br />

Du commerce charnel coupable<br />

1. (Le Seigneur :) « Mais si un homme célibataire ou déjà marié couche avec la<br />

voluptueuse femme <strong>de</strong> son voisin sans que celui-ci le sache, c'est là une infâme<br />

fornication. Une telle femme est alors une véritable prostituée, <strong>et</strong> les hommes qui<br />

couch<strong>en</strong>t avec elle sont les vrais fornicateurs qui, comme tels, n'<strong>en</strong>treront jamais<br />

dans le royaume <strong>de</strong> Dieu, parce que c<strong>et</strong>te infâme fornication détruit tout bon<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t dans leur âme <strong>et</strong> tue <strong>en</strong> eux tout ce qui est <strong>de</strong> l'esprit.<br />

2. C'est pourquoi une telle fornication ne vaut certes pas mieux que l'adultère<br />

proprem<strong>en</strong>t dit, <strong>et</strong> est même souv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus grave. Car <strong>de</strong>rrière l'adultère<br />

peuv<strong>en</strong>t se cacher <strong>de</strong>s circonstances qui adouciss<strong>en</strong>t <strong>et</strong> rachèt<strong>en</strong>t suffisamm<strong>en</strong>t la<br />

gravité <strong>de</strong> ce péché pour qu'un juge les pr<strong>en</strong>ne sérieusem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> considération ;<br />

mais aucune circonstance atténuante ne saurait être considérée dans le cas <strong>de</strong><br />

fornication ; car c'est là sans exception la puante luxure qui est à l'œuvre, <strong>et</strong> elle<br />

ne mérite donc aucun égard d'aucune sorte <strong>de</strong>vant un tribunal.<br />

3. Une femme qui s'y laisse facilem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>traîner sans la moindre nécessité démontrable<br />

est mauvaise <strong>et</strong> ne mérite pas le moindre égard ; car la faiblesse n'excuse<br />

ri<strong>en</strong> ici, puisque toute femme peut, par une juste confiance <strong>en</strong> Dieu, se fortifier<br />

suffisamm<strong>en</strong>t. Mais pire <strong>en</strong>core est la femme qui attire elle-même les<br />

hommes dans ses fil<strong>et</strong>s lascifs, afin <strong>de</strong> forniquer avec eux <strong>en</strong> l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> son<br />

époux !<br />

4. Cep<strong>en</strong>dant, c'est un crime tout aussi infâme pour un homme célibataire, <strong>et</strong> pire<br />

<strong>en</strong>core pour un homme marié, s'il attire à lui <strong>de</strong>s femmes [mariées], couche avec<br />

elles <strong>en</strong> cach<strong>et</strong>te <strong>et</strong> les paie <strong>en</strong>suite ; car un tel homme tout d'abord incite ces<br />

femmes à une honteuse infidélité, <strong>en</strong>suite les r<strong>en</strong>d presque <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

infécon<strong>de</strong>s, dévastant ainsi les champs comme une dangereuse tempête après<br />

laquelle aucune sem<strong>en</strong>ce ne pourra plus être semée avec fruit.<br />

5. Un célibataire comme un homme marié est à m<strong>et</strong>tre exactem<strong>en</strong>t dans la même<br />

catégorie s'il fait v<strong>en</strong>ir à lui <strong>de</strong>s filles célibataires afin <strong>de</strong> se livrer avec elles à la<br />

luxure contre une quelconque rétribution ; <strong>et</strong> toute fille vénale est aussi bi<strong>en</strong> une<br />

prostituée que n'importe quelle femme mariée qui se donne contre <strong>de</strong> l'arg<strong>en</strong>t ou<br />

132


d'autres prés<strong>en</strong>ts.<br />

6. Les filles doiv<strong>en</strong>t être dilig<strong>en</strong>tes <strong>et</strong> travailleuses, ainsi, elles n'auront jamais à<br />

dire que la misère les a contraintes ; car tout homme honnête apprécie une fille<br />

dilig<strong>en</strong>te <strong>et</strong> travailleuse <strong>et</strong> ne la laissera pas souffrir <strong>de</strong> la misère. Et si un maître<br />

se montre avare <strong>et</strong> dur, il faut le quitter, lui <strong>et</strong> son service, <strong>et</strong> <strong>en</strong> chercher un autre<br />

; il ne sera pas difficile à une servante zélée <strong>et</strong> travailleuse <strong>de</strong> trouver un bon<br />

service où, à coup sûr, elle ne souffrira pas <strong>de</strong> la misère !<br />

8. Mais celui qui s'empare par force d'une jeune fille, d'une fill<strong>et</strong>te ou d'une<br />

femme, celui-là doit être jugé dès ce mon<strong>de</strong> ! Quelle que soit la forme prise par<br />

c<strong>et</strong>te viol<strong>en</strong>ce, qu'il s'agisse <strong>de</strong> la force <strong>de</strong> ses mains ou <strong>de</strong> l'attrait <strong>de</strong> prés<strong>en</strong>ts<br />

coûteux, cela ne change ri<strong>en</strong> au crime. De même, la puissance <strong>de</strong> la parole ou<br />

l'emploi <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>s magiques <strong>en</strong>dormants, qui font que la partie féminine peut<br />

sembler s'être soumise <strong>de</strong> plein gré au désir <strong>de</strong> luxure <strong>de</strong> l'homme, n'atténu<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

ri<strong>en</strong> ce péché, quand bi<strong>en</strong> même un fruit aurait été conçu à c<strong>et</strong>te occasion ; car<br />

une telle procréation a été accomplie contre la volonté <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux parties <strong>et</strong> ne<br />

contribue donc <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> à atténuer le crime.<br />

9. Mais la luxure la plus infâme <strong>de</strong> toutes est la prostitution <strong>de</strong>s garçons <strong>et</strong> la<br />

souillure d'autres parties du corps <strong>de</strong> la femme que celles ordonnées pour cela par<br />

Dieu, ou même la fornication avec les animaux ; ceux qui comm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tels<br />

outrages doiv<strong>en</strong>t être r<strong>et</strong>irés tout à fait <strong>et</strong> pour toujours <strong>de</strong> la société <strong>de</strong>s hommes.<br />

10. Cep<strong>en</strong>dant, lors du jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> crimes semblables, il importe <strong>de</strong> toujours<br />

considérer le <strong>de</strong>gré d'éducation <strong>de</strong> celui ou <strong>de</strong> celle qui se livrait ainsi à la luxure<br />

; il faut égalem<strong>en</strong>t s'assurer que le coupable n'est pas possédé par quelque<br />

mauvais esprit qui le pousserait ainsi à la lubricité. Dans le premier cas, la<br />

communauté doit faire <strong>en</strong> sorte qu'un tel être, dont la raison est faible, soit mis<br />

dans une bonne maison <strong>de</strong> correction où on le disciplinera comme un <strong>en</strong>fant gâté<br />

jusqu'à ce qu'il soit <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u tout autre ; car une fois qu'un être humain a vaincu la<br />

nature animale <strong>de</strong> sa chair <strong>et</strong> que son <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t a été éclairé, il mènera une vie<br />

plus pure <strong>et</strong> ne r<strong>et</strong>ombera plus que difficilem<strong>en</strong>t dans son anci<strong>en</strong>ne nature<br />

animale. Dans le second cas, celui <strong>de</strong> la possession, l'être lubrique doit égalem<strong>en</strong>t<br />

être mis sous les verrous ; car <strong>de</strong> tels Êtres fort dangereux doiv<strong>en</strong>t être aussitôt<br />

éloignés <strong>de</strong> la libre société <strong>de</strong>s hommes.<br />

11. Lorsqu'ils sont sous bonne gar<strong>de</strong>, il faut les guérir par le jeûne <strong>et</strong> par <strong>de</strong>s<br />

prières faites pour eux <strong>en</strong> Mon nom. Mais une fois qu'ils ont été guéris <strong>et</strong> qu'ils<br />

sont manifestem<strong>en</strong>t débarrassés <strong>de</strong> leur possession impure, il faut alors leur<br />

r<strong>en</strong>dre leur <strong>en</strong>tière liberté. »<br />

Chapitre 69<br />

Des mesures à pr<strong>en</strong>dre pour l'am<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s débauchés<br />

1. Cyrénius dit : « Seigneur, ne serait-il pas égalem<strong>en</strong>t possible, dans le second<br />

cas, lorsqu'il ne se trouverait pas d'homme suffisamm<strong>en</strong>t fort spirituellem<strong>en</strong>t<br />

pour que sa parole <strong>et</strong> sa volonté fass<strong>en</strong>t cé<strong>de</strong>r les esprits possédant la chair d'un<br />

homme, <strong>de</strong> recourir à <strong>de</strong>s remè<strong>de</strong>s naturels, ne serait-ce qu'afin que c<strong>et</strong> homme<br />

133


puisse <strong>en</strong>suite être délivré <strong>de</strong> son mal par la parole <strong>et</strong> la volonté d'un homme<br />

d'une force spirituelle moindre ? »<br />

2. Je dis : « Le premier remè<strong>de</strong> du domaine <strong>de</strong> la nature est le jeûne. Que l'on ne<br />

donne à un tel homme, une seule fois par jour, qu'un morceau <strong>de</strong> pain <strong>de</strong> seigle<br />

d'une <strong>de</strong>mi-livre <strong>en</strong>viron ainsi qu'une simple cruche d'eau ; <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>emps, on peut<br />

aussi lui donner, tous les <strong>de</strong>ux jours, un peu <strong>de</strong> jus d'aloès, mêlé, selon la nature<br />

<strong>de</strong> la possession, d'une à <strong>de</strong>ux gouttes <strong>de</strong> suc <strong>de</strong> jusquiame, <strong>et</strong> ce secours naturel<br />

sera d'un bon eff<strong>et</strong> ; toutefois, cela ne suffira pas à le guérir complètem<strong>en</strong>t, sans<br />

la prière <strong>et</strong> l'imposition <strong>de</strong>s mains <strong>en</strong> Mon nom.<br />

3. Quoi qu'il <strong>en</strong> soit, dans <strong>de</strong> tels cas, le juge doit toujours considérer <strong>en</strong> son cœur<br />

qu'il n'a <strong>de</strong>vant lui <strong>en</strong> ce criminel qu'un être humain gravem<strong>en</strong>t égaré, <strong>et</strong> non un<br />

diable accompli.<br />

4. Mais si un homme s'obstine dans le dévoiem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> qu'il ne soit pour autant ni<br />

inculte, ni possédé, on peut dès lors <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> le châtier sévèrem<strong>en</strong>t.<br />

5. Si un tel homme s'am<strong>en</strong><strong>de</strong> <strong>et</strong>, les compr<strong>en</strong>ant, se m<strong>et</strong> à pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> horreur ses<br />

péchés, il faut alors le traiter avec davantage d'amour ; mais si c<strong>et</strong> homme ne<br />

s'am<strong>en</strong><strong>de</strong> pas du tout <strong>et</strong> continue visiblem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se complaire dans sa débauche<br />

— ce qu'un tel bouc <strong>en</strong> rut ne peut jamais dissimuler complètem<strong>en</strong>t —, on peut,<br />

s'il est par ailleurs un homme <strong>de</strong> quelque éducation, soit l'expulser <strong>de</strong> la<br />

communauté vers quelque région lointaine <strong>et</strong> déserte, où son <strong>grand</strong> dénuem<strong>en</strong>t le<br />

ramènera à la raison ; s'il s'am<strong>en</strong><strong>de</strong> alors, il s'<strong>en</strong> trouvera bi<strong>en</strong> — sinon, le désert<br />

le consumera.<br />

6. Mais si un homme a peu d'éducation <strong>et</strong> que tant les châtim<strong>en</strong>ts que le jeûne<br />

<strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t sans eff<strong>et</strong> sur lui, il peut alors être castré par un mé<strong>de</strong>cin expérim<strong>en</strong>té,<br />

<strong>et</strong> son âme pourra <strong>en</strong> être sauvée. Il existe même certains hommes qui se sont<br />

mutilés eux-mêmes pour l'amour du royaume <strong>de</strong> Dieu. De même — mais<br />

uniquem<strong>en</strong>t dans le cas m<strong>en</strong>tionné —, certains peuv<strong>en</strong>t être mutilés à la suite<br />

d'un jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la communauté, pour c<strong>et</strong>te même raison ; car dans ce cas, il<br />

vaut mieux parv<strong>en</strong>ir mutilé au royaume <strong>de</strong> Dieu qu'intact <strong>en</strong> <strong>en</strong>fer ! À prés<strong>en</strong>t, tu<br />

sauras quelles s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ces prononcer dans toutes les affaires qui résult<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la<br />

concupisc<strong>en</strong>ce. J'ajoute seulem<strong>en</strong>t ceci : à l'av<strong>en</strong>ir <strong>et</strong> <strong>en</strong> tout temps, il faudra<br />

juger <strong>de</strong> tels cas <strong>en</strong> vous conformant uniquem<strong>en</strong>t à ce que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> vous dire.<br />

7. Pour <strong>de</strong> tels crimes, Moïse a ordonné la lapidation <strong>et</strong> la mort par le feu ; mais<br />

cela ne doit être fait que dans <strong>de</strong>s cas extraordinaires, <strong>et</strong> pour l'exemple, contre<br />

<strong>de</strong>s pécheurs extrêmem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>durcis. Je n'abroge pas Moïse, mais Je vous<br />

conseille seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r <strong>en</strong> tout avec douceur tant que la plus extrême<br />

rigueur n'est pas r<strong>en</strong>due nécessaire par une trop <strong>grand</strong>e dépravation.<br />

8. Soyez <strong>de</strong>s juges clém<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> justes par un véritable amour du prochain, <strong>et</strong> vous<br />

serez vous aussi jugés avec douceur <strong>et</strong> clém<strong>en</strong>ce dans l'au-<strong>de</strong>là ; car comme vous<br />

aurez mesuré, il vous sera mesuré <strong>en</strong> r<strong>et</strong>our.<br />

9. Si vous êtes miséricordieux, vous trouverez aussi miséricor<strong>de</strong> ; mais si vous<br />

êtes sévères <strong>et</strong> impitoyables dans vos jugem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> vos condamnations, vous<br />

r<strong>en</strong>contrerez vous aussi un jour <strong>de</strong>s juges sévères <strong>et</strong> impitoyables.<br />

10. Dans <strong>de</strong> tels jugem<strong>en</strong>ts, songez que l'âme <strong>et</strong> l'esprit <strong>de</strong> l'homme sont dociles<br />

134


<strong>et</strong> pleins <strong>de</strong> bonne volonté, mais que la chair est <strong>et</strong> <strong>de</strong>meure faible, <strong>et</strong> qu'il n'est<br />

personne qui puisse se vanter <strong>de</strong> la force <strong>de</strong> sa chair.<br />

11. Or, nul ne peut <strong>en</strong>core être au s<strong>en</strong>s propre né à nouveau <strong>en</strong> esprit ; car les<br />

hommes ne parvi<strong>en</strong>dront à la vraie <strong>et</strong> complète régénération spirituelle que<br />

lorsque le Fils <strong>de</strong> l'homme aura pleinem<strong>en</strong>t accompli la tâche qu'il a assumée.<br />

12. Ainsi, r<strong>et</strong><strong>en</strong>ez cela <strong>et</strong> conformez-vous-y ! »<br />

Chapitre 70<br />

Des cas justifiés <strong>de</strong> divorce<br />

1. Cyrénius dit : « Je Te suis fort reconnaissant <strong>de</strong> cela ; car j'y vois à prés<strong>en</strong>t tout<br />

à fait clair sur une question où j'ai toujours trouvé fort difficile <strong>de</strong> prononcer <strong>de</strong>s<br />

jugem<strong>en</strong>ts équitables, <strong>et</strong> je crois qu'il ne <strong>de</strong>vrait plus guère se prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong> cas où<br />

je sois dans le doute sur la manière <strong>de</strong> juger. Une seule question se pose <strong>en</strong>core à<br />

moi, qui me paraît fort délicate : n'existe-t-il donc aucun cas où l'on doive<br />

dissoudre <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t l'union déjà contractée <strong>en</strong> sorte que les parties séparées<br />

puiss<strong>en</strong>t s'unir à nouveau à une autre partie sans se r<strong>en</strong>dre coupables du péché<br />

mortel qu'est l'adultère manifeste ? »<br />

2. Je dis : « Oh, <strong>de</strong> tels cas exist<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t, par exemple : si un homme<br />

pr<strong>en</strong>ait une femme par ailleurs tout à fait bi<strong>en</strong> pourvue <strong>de</strong> tous les attraits féminins,<br />

mais qu'il se révélât <strong>en</strong> la dévoilant que c<strong>et</strong>te femme est un androgyne.<br />

Dans ce cas, la dissolution <strong>de</strong> l'union contractée <strong>de</strong>vrait être aussitôt effective, si<br />

elle était <strong>de</strong>mandée ; car bi<strong>en</strong> sûr, sans plaignant, il n'est pas <strong>de</strong> juge sur c<strong>et</strong>te<br />

terre. Cep<strong>en</strong>dant, il faudrait pour un tel cas édicter une loi selon laquelle une telle<br />

union serait tout à fait illégale, <strong>et</strong> la partie qui l'aurait conclue <strong>en</strong> se sachant<br />

inapte au mariage t<strong>en</strong>ue <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre raison <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te tromperie <strong>et</strong> soumise à <strong>de</strong>s<br />

dommages <strong>et</strong> intérêts. Ce qui a été dit pour la partie féminine est valable<br />

égalem<strong>en</strong>t si la partie masculine n'est pas tout à fait un homme. Si la femme le<br />

quitte <strong>et</strong> <strong>en</strong> épouse un autre, elle ne comm<strong>et</strong> pas d'adultère.<br />

3. Il peut égalem<strong>en</strong>t exister <strong>de</strong>s hommes qui se sont castrés à cause du royaume<br />

<strong>de</strong> Dieu, ou qui ont été castrés dans leur jeunesse pour quelque raison <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> il y a aussi <strong>de</strong>s eunuques <strong>de</strong> naissance ; tous ceux-là sont tout à fait<br />

inaptes au mariage, <strong>et</strong> leur complète inaptitu<strong>de</strong> suppose par avance la pleine<br />

dissolution du mariage.<br />

4. Il peut égalem<strong>en</strong>t arriver que l'une ou l'autre <strong>de</strong>s parties au mariage ait un<br />

défaut corporel ou une infirmité telle qu'il soit impossible à l'autre partie <strong>de</strong> la<br />

supporter, auquel cas l'union doit être là aussi pleinem<strong>en</strong>t dissoute — mais uniquem<strong>en</strong>t<br />

si la partie concernée n'a pu pr<strong>en</strong>dre connaissance du défaut avant le<br />

mariage ; si elle contracté le mariage <strong>en</strong> connaissant ce défaut, le mariage est valable<br />

<strong>et</strong> ne peut être dissous ! Quant aux défauts qui autoris<strong>en</strong>t la pleine<br />

dissolution d'une union déjà conclue, ce sont : la possession cachée <strong>de</strong> l'une ou<br />

l'autre partie, ainsi que l'aliénation périodique, une lèpre cachée d'une espèce<br />

grave, <strong>de</strong>s tumeurs malignes, la pouillerie, une phtisie incurable, l'épilepsie,<br />

l'apathie totale d'au moins <strong>de</strong>ux s<strong>en</strong>s, la paralysie <strong>et</strong> une o<strong>de</strong>ur pestil<strong>en</strong>tielle du<br />

135


corps ou <strong>de</strong> l'haleine.<br />

5. Si la partie saine n'avait pas connaissance avant le mariage que l'autre partie<br />

était atteinte <strong>de</strong> l'une <strong>de</strong>s infirmités énoncées, elle peut <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la dissolution<br />

<strong>de</strong> plein droit du mariage aussitôt après qu'il a été conclu, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te dissolution<br />

<strong>de</strong>vra lui être accordée. Car dans ce cas, la partie saine a été trompée, <strong>et</strong> la<br />

tromperie dissout tous les contrats, donc égalem<strong>en</strong>t celui du mariage.<br />

6. Mais si les époux ne veul<strong>en</strong>t pas être séparés y compris selon la volonté <strong>de</strong> la<br />

partie saine, l'union doit être considérée comme vali<strong>de</strong> <strong>et</strong> ne pourra plus être<br />

dissoute par la suite, hormis la séparation <strong>de</strong> corps <strong>et</strong> <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s ; car <strong>en</strong> cela<br />

s'applique votre principe : VOLENTI NON FIT INIURIA (*) !<br />

7. Hors <strong>de</strong> ces cas, il n'<strong>en</strong> reste à peu près aucun qui puisse être considéré comme<br />

une cause irrécusable <strong>de</strong> divorce.<br />

8. Dans tous les autres cas <strong>de</strong> mariage difficile, les époux doiv<strong>en</strong>t se montrer<br />

pati<strong>en</strong>ts l'un avec l'autre jusqu'à la mort ; car si le mariage a eu un goût <strong>de</strong> miel<br />

pour les jeunes époux, ils doiv<strong>en</strong>t aussi s'accommo<strong>de</strong>r par la suite <strong>de</strong> son fiel.<br />

9. Le miel du mariage n'est d'ailleurs que la plus mauvaise part ; ce n'est qu'avec<br />

la part <strong>de</strong> fiel que comm<strong>en</strong>ce l'or <strong>de</strong>s rigueurs <strong>de</strong> la vie. Et celles-ci doiv<strong>en</strong>t<br />

toujours surv<strong>en</strong>ir ; car si elles ne v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas, les semailles du ciel serai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

compromises.<br />

10. C'est souv<strong>en</strong>t dans les plus <strong>grand</strong>es rigueurs <strong>de</strong> la vie que le germe [<strong>de</strong> l'esprit]<br />

comm<strong>en</strong>ce à s'animer <strong>et</strong> à <strong>grand</strong>ir, alors que, si la vie n'était toujours que<br />

miel, il s'y <strong>en</strong>gluerait comme une mouche qui se précipite avi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t dans le pot<br />

<strong>de</strong> miel <strong>et</strong> y perd la vie à cause <strong>de</strong> la trop <strong>grand</strong>e douceur du miel. — Y vois-tu<br />

tout à fait clair à prés<strong>en</strong>t ? »<br />

Chapitre 71<br />

Règles <strong>de</strong> conduite pour les g<strong>en</strong>s mariés <strong>et</strong> les juges<br />

1. Cyrénius dit : « Oui, Seigneur <strong>et</strong> Maître v<strong>en</strong>u d'<strong>en</strong> haut ! Il y aurait bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core<br />

quelque chose pourtant, <strong>et</strong> si Tu peux ajouter un p<strong>et</strong>it mot là-<strong>de</strong>ssus, nous aurons<br />

épuisé tout ce qui concerne la question du mariage.<br />

2. Voici : supposons qu'un homme dont la vie est par ailleurs à tous égards bi<strong>en</strong><br />

réglée ait une femme d'une nature très charnelle <strong>et</strong> s<strong>en</strong>suelle — <strong>et</strong>, dans la réalité,<br />

il n'existe que trop <strong>de</strong> ces femmes insatiables. C<strong>et</strong>te femme luxurieuse <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à<br />

son mari <strong>de</strong> satisfaire <strong>et</strong> d'apaiser sa chair jusqu'à plusieurs fois par jour. Certes,<br />

l'homme dit à sa femme : "Tu as conçu, <strong>et</strong> tu as besoin désormais <strong>de</strong> tranquillité<br />

pour le temps fixé par Dieu, afin <strong>de</strong> ne pas nuire à ton état béni <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas<br />

t'attirer <strong>de</strong> souffrances inutiles par la satisfaction infructueuse <strong>de</strong> ta chair."<br />

3. Mais la femme s<strong>en</strong>suelle ne veut ri<strong>en</strong> savoir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sage leçon <strong>et</strong> exige avec<br />

véhém<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'homme qu'il accè<strong>de</strong> à son désir. Si l'homme accomplît la volonté<br />

<strong>de</strong> sa femme, il est évi<strong>de</strong>nt qu'il se livre avec elle à la débauche <strong>et</strong> qu'il comm<strong>et</strong><br />

(*) Il n'y a pas d'injustice <strong>en</strong>vers ceux qui cons<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

136


ainsi, selon Ta parole, un péché contre l'ordre divin ; mais s'il lui résiste, il pèche<br />

contre la volonté <strong>de</strong> sa femme <strong>et</strong> la contraint à toutes sortes <strong>de</strong> satisfactions<br />

contre-nature ou à l'adultère <strong>et</strong> à la fornication avec d'autres hommes.<br />

4. De même, il y a aussi <strong>de</strong>s hommes qui sont comme <strong>de</strong>s boucs <strong>en</strong> rut <strong>et</strong> qui ne<br />

laiss<strong>en</strong>t aucune paix à leur pauvre épouse vertueuse, souv<strong>en</strong>t même à quelques<br />

heures <strong>de</strong> sa délivrance. Cela donne souv<strong>en</strong>t lieu à <strong>de</strong>s plaintes publiques ; quelle<br />

s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce un juge avisé doit-il alors prononcer qui ait force <strong>de</strong> loi <strong>et</strong> qui soit<br />

valable <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant tous les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> ?<br />

5. Si l'homme rangé ou la femme vertueuse <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt la séparation pour<br />

l'amour <strong>de</strong> l'ordonnance <strong>et</strong> du royaume <strong>de</strong> Dieu, celle-ci doit-elle ou non leur être<br />

accordée ? »<br />

6. Je dis : « Oui, <strong>en</strong> ce cas, une séparation peut être accordée à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

l'une ou <strong>de</strong> l'autre partie, mais une séparation qui, sans être totale, doit toutefois<br />

être plus que la simple séparation <strong>de</strong> corps <strong>et</strong> <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> inclure la cessation <strong>de</strong><br />

l'obligation mutuelle d'assistance <strong>et</strong> du droit d'héritage, <strong>de</strong>ux choses qui, pour un<br />

motif <strong>de</strong> séparation moindre, ne cess<strong>en</strong>t que lorsque l'une <strong>de</strong>s parties s'est, sans<br />

motif valable, complètem<strong>en</strong>t éloignée p<strong>en</strong>dant plus <strong>de</strong> trois ans <strong>de</strong> l'autre dont<br />

elle n'était séparée que <strong>de</strong> corps <strong>et</strong> <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> ne s'est plus souciée <strong>de</strong> la partie<br />

délaissée, ne suivant que son bon plaisir.<br />

7. Mais la séparation qui, dans le cas que tu as exposé, résulterait <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> la bonne partie (*) , éteint du même coup tout recours ultérieur <strong>en</strong> justice, <strong>de</strong><br />

quelque nature qu'il soit.<br />

8. Cep<strong>en</strong>dant, il faut pr<strong>en</strong>dre <strong>grand</strong> soin <strong>de</strong> n'accor<strong>de</strong>r la séparation que si elle a<br />

été <strong>de</strong>mandée par la bonne partie <strong>et</strong> que la mauvaise y cons<strong>en</strong>te ; car si celle-ci<br />

n'y cons<strong>en</strong>t pas <strong>et</strong> qu'elle prom<strong>et</strong> <strong>en</strong> r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> s'am<strong>en</strong><strong>de</strong>r, on ne doit pas alors<br />

accor<strong>de</strong>r la séparation à la bonne partie, mais seulem<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre note <strong>de</strong> sa<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>et</strong> l'exhorter à la pati<strong>en</strong>ce.<br />

9. Mais si <strong>de</strong>s époux séparés dans un tel cas veul<strong>en</strong>t se réunir d'un commun<br />

accord, ils n'ont pas à contracter <strong>de</strong> nouveaux li<strong>en</strong>s, mais, selon la volonté <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux parties, l'anci<strong>en</strong> li<strong>en</strong> repr<strong>en</strong>d pleinem<strong>en</strong>t eff<strong>et</strong>, <strong>et</strong> un divorce qui serait alors<br />

<strong>de</strong>mandé pour la secon<strong>de</strong> fois ne pourrait plus les séparer, si ce n'est au besoin <strong>de</strong><br />

corps <strong>et</strong> <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s.<br />

10. Et si un homme, ayant une épouse très concupisc<strong>en</strong>te, accè<strong>de</strong> au désir <strong>de</strong> sa<br />

femme, si sa force le lui perm<strong>et</strong>, avec la tempérance au cœur, il ne comm<strong>et</strong> pas<br />

<strong>en</strong> cela un très <strong>grand</strong> péché contre l'ordonnance divine ; car la nature d'une telle<br />

femme est semblable à un sol <strong>de</strong>sséché que le jardinier doit souv<strong>en</strong>t arroser au<br />

plus fort <strong>de</strong> l'été s'il veut conserver ses plantes. Mais quand vi<strong>en</strong>dra l'automne<br />

humi<strong>de</strong>, chaque sol aura l'humidité qu'il lui faut. En ce cas, cep<strong>en</strong>dant, l'homme<br />

tempérant doit aussi façonner <strong>et</strong> former avec zèle l'esprit <strong>de</strong> son épouse, <strong>et</strong> cela<br />

portera ses fruits.<br />

11. Car la pati<strong>en</strong>ce vaut toujours mieux que la meilleure <strong>de</strong>s justices.<br />

12. Cep<strong>en</strong>dant, une femme vertueuse est plus <strong>en</strong> droit <strong>de</strong> souhaiter une séparation<br />

(*) C'est-à-dire la « partie vertueuse ». (N.d.T.)<br />

137


à cause <strong>de</strong> la trop <strong>grand</strong>e lubricité <strong>de</strong> son mari qu'un mari à cause <strong>de</strong> la lubricité<br />

<strong>de</strong> sa femme ; car lorsque la femme a conçu, elle a besoin d'être laissée <strong>en</strong> paix<br />

p<strong>en</strong>dant le temps ordonné par Dieu pour la nature <strong>de</strong> la femme. Mais il n'a pas<br />

été ordonné <strong>de</strong> temps pour l'homme, <strong>et</strong> il a moins besoin <strong>de</strong> laisser <strong>en</strong> repos sa<br />

nature que la femme <strong>en</strong>ceinte ; c'est pourquoi, dans un tribunal, il faut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la<br />

femme <strong>en</strong>ceinte avant l'homme tempérant.<br />

13. Chez un homme, il faut <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> considérer quelle vie il a m<strong>en</strong>ée avant le<br />

mariage, <strong>et</strong> si ce n'est pas par hasard une jeunesse déréglée qui l'a r<strong>en</strong>du froid <strong>et</strong><br />

incapable par ses nombreux péchés. Mais chez une femme très lascive, la<br />

question tombe presque d'elle-même. Car si, jeune fille, elle s'est livrée pour<br />

l'amour du gain à une vie <strong>de</strong> débauche, sa nature <strong>en</strong> a déjà été fort émoussée, <strong>et</strong> si<br />

elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t par la suite l'épouse régulière d'un homme, elle se montrera très<br />

froi<strong>de</strong> dans ses désirs ; mais si une femme au sang chaud a été maint<strong>en</strong>ue dans la<br />

chast<strong>et</strong>é lorsqu'elle était vierge, la faute n'est assurém<strong>en</strong>t pas à chercher dans son<br />

état <strong>de</strong> célibataire, mais seulem<strong>en</strong>t dans la nature <strong>de</strong> la femme, <strong>et</strong> dans ce cas, le<br />

tribunal n'a pas <strong>grand</strong>-chose à dire.<br />

14. Contre la force <strong>de</strong> la nature, toute s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce judiciaire, si sage soit-elle, n'est<br />

qu'une noix creuse, aussi, dans le cas d'une femme au sang chaud, faut-il avoir<br />

recours à <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s appropriés du domaine <strong>de</strong> la nature <strong>et</strong> <strong>en</strong> même temps<br />

instruire l'âme <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te femme d'une manière appropriée, <strong>et</strong> elle pourra alors<br />

s'améliorer. — Voici donc comm<strong>en</strong>t il faut se comporter <strong>en</strong> ce cas. Mais si tu as<br />

<strong>en</strong>core quelque doute, formule-le ! »<br />

Chapitre 72<br />

De la mise à l'épreuve <strong>de</strong>s fiancés<br />

1. Cyrénius dit : « Tu as m<strong>en</strong>tionné à l'instant un moy<strong>en</strong> naturel ; quel peut bi<strong>en</strong><br />

être ce moy<strong>en</strong> ? »<br />

2. Je dis : « La modération <strong>de</strong> la vie physique ! Un sang chaud consomme<br />

toujours par nature davantage qu'un sang froid ; c'est pourquoi les êtres au sang<br />

chaud sont plus gloutons que ceux <strong>de</strong> sang froid, <strong>et</strong> leur désir <strong>de</strong> m<strong>et</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

boissons abondants <strong>et</strong> savoureux ne cesse <strong>de</strong> croître.<br />

3. Mais lorsque <strong>de</strong> tels êtres vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à la tempérance ou qu'on les y invite, c'està-dire<br />

qu'on leur explique avec bi<strong>en</strong>veillance pourquoi, pour leur bi<strong>en</strong>, on leur<br />

recomman<strong>de</strong> la tempérance <strong>et</strong> une nourriture plus frugale, leur sang s'apaise<br />

bi<strong>en</strong>tôt <strong>et</strong> leur p<strong>en</strong>chant pour la s<strong>en</strong>sualité comm<strong>en</strong>ce à perdre une <strong>grand</strong>e partie<br />

<strong>de</strong> sa force, cela sans le moindre inconvéni<strong>en</strong>t par ailleurs pour la santé du corps<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> l'âme.<br />

4. Mais si, même après qu'elle a observé longtemps la juste mesure, la nature<br />

d'une femme très lascive ne montre toujours aucun changem<strong>en</strong>t perceptible, il<br />

faut qu'elle pr<strong>en</strong>ne le soir, à la lune décroissante, une décoction <strong>de</strong> feuilles <strong>de</strong><br />

s<strong>en</strong>ne mêlée d'un peu <strong>de</strong> jus d'aloès, à raison <strong>de</strong> quatre cuillers à bouche <strong>en</strong>viron,<br />

cela non chaque jour, mais seulem<strong>en</strong>t tous les trois ou quatre jours, <strong>et</strong> la nature<br />

<strong>en</strong>flammée <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te femme comm<strong>en</strong>cera assurém<strong>en</strong>t à s'<strong>en</strong> trouver mieux.<br />

138


5. Et si tout cela, avec les bons <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts reçus, ne donne ri<strong>en</strong> ou pas <strong>grand</strong>chose,<br />

alors seulem<strong>en</strong>t, sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du mari, la séparation <strong>de</strong> corps <strong>et</strong> <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>s<br />

dont il a été précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t question pour ce cas pourra être instruite.<br />

6. Mais dans tous les cas, il faudra préférer dix fois <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la femme raisonnable<br />

tourm<strong>en</strong>tée par un homme lubrique — surtout si elle est déjà <strong>en</strong>ceinte<br />

— plutôt que l'homme tourm<strong>en</strong>té par son épouse lubrique ; car un homme<br />

tempérant dispose aussi, <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s moraux, d'une quantité <strong>de</strong><br />

moy<strong>en</strong>s disciplinaires naturels avec lesquels il peut refroidir <strong>de</strong> manière fort<br />

salutaire l'ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la femme, <strong>et</strong> cela ne portera pas préjudice à la femme au<br />

sang chaud si, par un bon vouloir qu'il lui cèle, son mari lui témoigne parfois<br />

quelque sévérité. Il faut seulem<strong>en</strong>t que c<strong>et</strong>te sévérité ne soit jamais motivée <strong>en</strong><br />

secr<strong>et</strong> par la rancœur ou la colère, mais uniquem<strong>en</strong>t par le véritable amour du<br />

prochain, faute <strong>de</strong> quoi non seulem<strong>en</strong>t elle ne servirait à ri<strong>en</strong>, mais elle ne ferait<br />

que du mal.<br />

7. Ainsi, vous avez là <strong>en</strong> somme tout ce qui concerne les différ<strong>en</strong>ts aspects du<br />

péché dans le mariage, <strong>et</strong> il faudra désormais que tous s'y conform<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tout lieu<br />

<strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>.<br />

8. Mais il faudra que l'État pr<strong>en</strong>ne lui-même <strong>de</strong>s dispositions légales afin que les<br />

unions conclues <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t aussi bonnes que possible d'un point <strong>de</strong> vue moral <strong>et</strong><br />

que le mariage ne soit pas autorisé aux personnes atteintes <strong>de</strong> quelque infirmité<br />

physique ou morale ; car <strong>de</strong> telles unions ne donn<strong>en</strong>t jamais une postérité<br />

pleinem<strong>en</strong>t bénie.<br />

9. Cep<strong>en</strong>dant, avec ceux qui n'ont pas d'infirmité par ailleurs, il faudra aussi<br />

procé<strong>de</strong>r à un exam<strong>en</strong> qui <strong>de</strong>vra montrer si les jeunes fiancés se convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t l'un<br />

à l'autre.<br />

10. Si le sage examinateur mandaté pour c<strong>et</strong>te tâche trouve quelque inconvéni<strong>en</strong>t<br />

fâcheux à l'union définitive, il doit réserver son cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t, faire pr<strong>en</strong>dre<br />

vivem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>ce aux candidats au mariage <strong>de</strong>s mauvaises conséqu<strong>en</strong>ces <strong>et</strong><br />

leur signifier que le mariage ne pourra être autorisé définitivem<strong>en</strong>t tant que les<br />

inconvéni<strong>en</strong>ts néfastes subsisteront.<br />

11. Celui qui aura été ainsi mandaté par l'État pour conclure les unions <strong>de</strong>vra<br />

aussi exposer très clairem<strong>en</strong>t à ceux qui désir<strong>en</strong>t se marier la gravité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

union <strong>et</strong> son but supérieur divin.<br />

12. S'il apparaît ainsi que les candidats au mariage se montr<strong>en</strong>t toujours plus<br />

tempérants <strong>et</strong> laiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> côté leur attachem<strong>en</strong>t mondain pour ne désirer se lier<br />

par le mariage qu'à cause <strong>de</strong> la valeur humaine <strong>de</strong> l'un <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'autre, alors seulem<strong>en</strong>t,<br />

le mandataire <strong>de</strong>vra donner son cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t à l'union pleinem<strong>en</strong>t vali<strong>de</strong>.<br />

Il consignera le serm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> fidélité dans un livre pour signifier l'indissolubilité<br />

<strong>de</strong>s li<strong>en</strong>s du mariage, portera au-<strong>de</strong>ssous l'année <strong>et</strong> le jour où l'union aura<br />

été conclue, <strong>et</strong> il <strong>de</strong>vra se t<strong>en</strong>ir constamm<strong>en</strong>t informé <strong>de</strong> ce qu'il advi<strong>en</strong>dra par la<br />

suite — <strong>en</strong> bi<strong>en</strong> ou <strong>en</strong> mal — du mariage.<br />

13. C'est pourquoi ces sages mandataires préposés à la conclusion <strong>de</strong>s mariages<br />

ne <strong>de</strong>vront pas être <strong>de</strong>s étrangers interposés dans la communauté, mais toujours<br />

<strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s du pays qui <strong>en</strong> connaîtront les habitants, jeunes <strong>et</strong> vieux, presque aussi<br />

139


i<strong>en</strong> qu'eux-mêmes ; on évitera ainsi à coup sûr beaucoup <strong>de</strong> mauvais mariages,<br />

<strong>et</strong> il <strong>en</strong> résultera une <strong>grand</strong>e prospérité pour c<strong>et</strong>te communauté purifiée.<br />

14. C'est pourquoi il serait bon d'instituer dans chaque communauté <strong>de</strong> quelque<br />

importance une juridiction matrimoniale qui surveillerait constamm<strong>en</strong>t toutes ces<br />

questions. Bi<strong>en</strong> sûr, une telle juridiction <strong>de</strong>vrait être d'une parfaite intégrité, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>vrait toujours avoir à sa tête une sorte <strong>de</strong> Mathaël.<br />

15. C<strong>et</strong> homme <strong>de</strong>vrait aussi veiller avant tout à ce que, dans les mariages<br />

vali<strong>de</strong>s, le jeune homme n'ait jamais moins <strong>de</strong> vingt-quatre ans <strong>et</strong> la jeune fille<br />

moins <strong>de</strong> vingt ans. Car il faut au moins ce temps pour atteindre la maturité<br />

nécessaire à une union qui soit bonne <strong>et</strong> durable égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> esprit. Car <strong>de</strong>s<br />

mariés trop jeunes se corromp<strong>en</strong>t par le plaisir mutuel <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>s, se dégoût<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong>tôt l'un <strong>de</strong> l'autre, <strong>et</strong> l'union est dès lors <strong>en</strong> péril.<br />

16. C'est pourquoi, à l'av<strong>en</strong>ir, tout le vrai succès <strong>de</strong>s unions <strong>de</strong>vra dép<strong>en</strong>dre du<br />

haut magistrat dont il a été question ; toute communauté où c<strong>et</strong> office important<br />

sera rempli par un juge très sage sera bi<strong>en</strong>tôt comblée <strong>de</strong> toutes les bénédictions.<br />

17. Ce haut magistrat veillera aussi à l'instruction <strong>et</strong> à la bonne éducation <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants <strong>de</strong> la contrée qui lui sera confiée <strong>et</strong> saura prév<strong>en</strong>ir par <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s appropriés<br />

tout événem<strong>en</strong>t fâcheux ; il punira les récalcitrants <strong>et</strong> saura louer ceux qui<br />

agiront avec zèle pour le bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> la vérité, les récomp<strong>en</strong>sant <strong>en</strong> cela qu'il leur<br />

montrera clairem<strong>en</strong>t quelle bénédiction ils attir<strong>en</strong>t sur leur maison.<br />

18. Mais il ne <strong>de</strong>vra pas, comme cela s'est déjà fait ici ou là, attribuer <strong>de</strong>s prix,<br />

car <strong>de</strong> telles motivations extérieures ne val<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> pour l'éducation spirituelle<br />

d'une communauté ; car ses membres ne voudront alors rivaliser dans le bi<strong>en</strong> que<br />

pour la prime matérielle <strong>et</strong> non pour l'amour du bi<strong>en</strong>, qui seul doit déterminer<br />

l'homme.<br />

19. Enfin, il est à peine besoin <strong>de</strong> dire qu'il résultera <strong>de</strong> tout cela — mis à part le<br />

fait que <strong>de</strong> telles unions se mainti<strong>en</strong>dront par la suite plus purem<strong>en</strong>t dans<br />

l'ordonnance divine <strong>et</strong> que leurs fruits pourront jouir <strong>en</strong> tout temps <strong>de</strong> la bénédiction<br />

d'<strong>en</strong> haut — les plus <strong>grand</strong>s avantages moraux <strong>et</strong> matériels pour un Etat,<br />

si <strong>grand</strong> soit-il, <strong>et</strong> pour son chef oint ; car si un État veut avoir <strong>de</strong> bons suj<strong>et</strong>s, il<br />

doit comm<strong>en</strong>cer à les former dès le berceau. Si les par<strong>en</strong>ts veul<strong>en</strong>t avoir <strong>de</strong> bons<br />

<strong>en</strong>fants, ils doiv<strong>en</strong>t eux aussi les former dès le berceau, sans quoi ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront<br />

<strong>de</strong>s bêtes sauvages qui feront le tourm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurs par<strong>en</strong>ts au lieu d'être la<br />

consolation <strong>et</strong> le souti<strong>en</strong> <strong>de</strong> leurs vieux jours.<br />

20. Mais si l'ordre règne dans les mariages, il naîtra <strong>de</strong> ces unions <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants<br />

bi<strong>en</strong> rangés, <strong>et</strong> ces <strong>en</strong>fants <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront à leur tour <strong>de</strong> bons citoy<strong>en</strong>s, qui seront<br />

<strong>en</strong>suite dans leur cœur <strong>de</strong>s habitants à part <strong>en</strong>tière du royaume <strong>de</strong> Dieu ; <strong>et</strong> ainsi<br />

est accompli tout ce que l'ordre divin peut <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre !<br />

— Tout cela te paraît-il maint<strong>en</strong>ant clair <strong>et</strong> évi<strong>de</strong>nt ? »<br />

Chapitre 73<br />

Raphaël transcrit le discours du Seigneur sur la vie sexuelle<br />

140


1. Cyrénius dit : « Oui, Seigneur <strong>et</strong> Maître <strong>en</strong> esprit <strong>de</strong> toute éternité ! Je n'ai<br />

désormais plus d'autre question sur ce suj<strong>et</strong>. Mais il serait fort souhaitable que<br />

tout cela soit consigné mot pour mot ; car il y a là tout ce qu'il faut pour donner à<br />

un État la meilleure <strong>de</strong>s constitutions. »<br />

2. Je dis : « Raphaël va faire cela pour toi ; aussi, fais-lui apporter <strong>de</strong> quoi écrire !<br />

»<br />

3. Cyrénius ordonne aussitôt à ses serviteurs d'aller chercher <strong>de</strong> quoi écrire, <strong>et</strong><br />

ceux-ci rapport<strong>en</strong>t très vite une quantité conv<strong>en</strong>able <strong>de</strong> rouleaux <strong>de</strong> parchemin<br />

vierge, ainsi que quelques tabl<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> cuivre à graver. Tout cela ayant été apporté,<br />

J'appelle Raphaël, <strong>et</strong> celui-ci arrive très vite à notre table <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à<br />

Cyrénius s'il préfère qu'il écrive sur le parchemin ou sur les tabl<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> cuivre.<br />

4. Cyrénius dit : « La chose serait sans doute d'un usage plus commo<strong>de</strong> sur le<br />

parchemin, mais elle serait mieux <strong>et</strong> plus durablem<strong>en</strong>t conservée pour la postérité<br />

sur les tabl<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> cuivre ; cep<strong>en</strong>dant, une fois que j'<strong>en</strong> aurai un exemplaire sur le<br />

parchemin, je pourrai <strong>en</strong>suite <strong>en</strong> faire faire une copie sur les tabl<strong>et</strong>tes. »<br />

5. Raphaël dit : « Sais-tu, puisque transcrire la chose <strong>de</strong>ux fois plutôt qu'une<br />

seule ne me coûte ni plus ni moins <strong>de</strong> peine <strong>et</strong> <strong>de</strong> travail, je vais écrire <strong>en</strong> même<br />

temps sur les rouleaux <strong>et</strong> sur les tabl<strong>et</strong>tes ! »<br />

6. Les douze assis à la table voisine ouvr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux <strong>et</strong> sont dès lors fort<br />

curieux <strong>de</strong> voir comm<strong>en</strong>t le jeune disciple va maint<strong>en</strong>ant écrire <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux mains à<br />

la fois.<br />

7. Suétal dit <strong>en</strong>core <strong>en</strong> aparté à Ribar : « Eh bi<strong>en</strong>, je suis fort curieux <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

double écriture ! Le <strong>grand</strong> maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h doit donc être aussi un fier maître<br />

d'école ; car je n'avais <strong>en</strong>core jamais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler d'une telle façon d'écrire.<br />

Mais avant qu'il ait écrit tout ce que vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> dire ce Grec véritablem<strong>en</strong>t d'une<br />

<strong>grand</strong>e sagesse — <strong>et</strong> qui est sans doute un <strong>de</strong>s plus anci<strong>en</strong>s disciples du Nazaré<strong>en</strong><br />

—, le soleil aura probablem<strong>en</strong>t pris congé ! »<br />

8. Ribar dit : « Cela dép<strong>en</strong>d beaucoup <strong>de</strong> la rapidité avec laquelle il est capable<br />

d'écrire ! Peut-être a-t-il là aussi quelque avantage magique dont nous ne savons<br />

ri<strong>en</strong>, tout comme nous ne savons ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> la manière dont il a pu accomplir les<br />

précé<strong>de</strong>nts prodiges. Nous les avons vus <strong>et</strong> éprouvés, mais comm<strong>en</strong>t <strong>et</strong> par quel<br />

moy<strong>en</strong> ils ont été réalisés, nous n'<strong>en</strong> avons certes pas la moindre idée ! Aussi ne<br />

<strong>de</strong>vons-nous jamais ém<strong>et</strong>tre d'avance le moindre doute sur ce qu'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>d c<strong>et</strong><br />

être qui a déjà fait <strong>de</strong> si <strong>grand</strong>es choses sous nos yeux, tant que nous ne serons<br />

pas dém<strong>en</strong>tis par l'échec <strong>de</strong> quelqu'une <strong>de</strong> ses actions ! »<br />

9. Suétal dit : « Oui, je suis bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong> avis moi aussi, mais il s'agissait seulem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> dire quelque chose ! »<br />

10. Ribar dit : « Frère, il vaut vraim<strong>en</strong>t mieux, ici, continuer <strong>de</strong> se taire <strong>et</strong> se<br />

cont<strong>en</strong>ter <strong>en</strong> revanche <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r <strong>et</strong> d'écouter ! Vois, le jeune homme se dirige<br />

vers les rouleaux <strong>et</strong> les tabl<strong>et</strong>tes ! Soyons donc très att<strong>en</strong>tifs ; car il va sans doute<br />

se m<strong>et</strong>tre à écrire à l'instant ! »<br />

11. Suétal se lève <strong>et</strong> observe att<strong>en</strong>tivem<strong>en</strong>t le supposé jeune disciple pour voir<br />

comm<strong>en</strong>t il va écrire ; mais <strong>en</strong> y regardant <strong>de</strong> plus près, il s'aperçoit que les<br />

141


ouleaux comme les tabl<strong>et</strong>tes sont tous déjà couverts d'écriture ! Stupéfait au plus<br />

au point, il s'écrie à voix haute : « Oh, ri<strong>en</strong> ne peut égaler ce miracle ! Nous<br />

att<strong>en</strong>dions que le disciple comm<strong>en</strong>ce sa double écriture, <strong>et</strong> voici qu'il a déjà<br />

terminé ! Ah, cela est décidém<strong>en</strong>t infinim<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute conception<br />

humaine, <strong>et</strong> ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> comparable ne s'était jamais accompli ! »<br />

12. À c<strong>et</strong>te exclamation <strong>de</strong> Suétal, tous les douze sont maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>bout, regardant<br />

les rouleaux déployés <strong>et</strong> les tabl<strong>et</strong>tes gravées <strong>en</strong> p<strong>et</strong>its caractères, <strong>et</strong> tous<br />

constat<strong>en</strong>t par eux-mêmes que tant les rouleaux que les tabl<strong>et</strong>tes sont <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

couverts d'une belle écriture parfaitem<strong>en</strong>t lisible, <strong>et</strong> ils se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt mu<strong>et</strong>tem<strong>en</strong>t<br />

: « Comm<strong>en</strong>t pareille chose est-elle possible ? »<br />

13. Cep<strong>en</strong>dant, Raphaël voit bi<strong>en</strong> l'étonnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ses compagnons <strong>de</strong> table, <strong>et</strong> il<br />

dit à Suétal : « Vois-tu, ce sont les huit poissons que j'ai mangés, <strong>et</strong> que tu<br />

m'<strong>en</strong>viais quelque peu, qui font cela ; il faut bi<strong>en</strong> accumuler quelque force si l'on<br />

veut m<strong>en</strong>er à bonne fin pareille tâche ! — Ou serais-tu par hasard d'un autre avis<br />

? »<br />

14. Suétal dit : « Très cher <strong>et</strong> merveilleux ami, il te plaît <strong>de</strong> me taquiner un peu ;<br />

mais cela ne me fait plus ri<strong>en</strong>, car je vois bi<strong>en</strong> que tu disposes d'une prodigieuse<br />

dose d'omnipot<strong>en</strong>ce divine, <strong>et</strong> il n'y a pas à disputer avec toi ! Mais ce ne sont<br />

assurém<strong>en</strong>t pas les huit poissons qui t'ont donné c<strong>et</strong>te omnipot<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> le <strong>grand</strong><br />

maître divin <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h a seul pu te la donner ! Aussi, désigne-le-nous bi<strong>en</strong>tôt<br />

<strong>de</strong> quelque manière ! Car notre cœur ne nous laisse désormais plus <strong>de</strong> paix, <strong>et</strong> il<br />

nous faut le voir <strong>et</strong> lui parler ! — Car à prés<strong>en</strong>t, nous voulons nous aussi le voir<br />

<strong>et</strong> lui parler ! »<br />

15. Raphaël dit : « Pati<strong>en</strong>tez <strong>en</strong>core un peu, le temps que je m<strong>et</strong>te <strong>en</strong> ordre ces<br />

écrits, puis nous irons chercher où peut bi<strong>en</strong> se cacher le <strong>grand</strong> maître pour les<br />

aveugles <strong>et</strong> les sourds ! » Les douze se cont<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ces paroles <strong>et</strong>, pour le<br />

mom<strong>en</strong>t, ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt plus ri<strong>en</strong>.<br />

16. Cep<strong>en</strong>dant, Raphaël rassemble les rouleaux <strong>et</strong>, avec les tabl<strong>et</strong>tes, les rem<strong>et</strong> <strong>en</strong><br />

bon ordre à Cyrénius, qui, n'étant lui-même pas peu surpris, se m<strong>et</strong> aussitôt à les<br />

parcourir <strong>et</strong> ne peut assez s'étonner <strong>de</strong> leur exactitu<strong>de</strong>.<br />

Chapitre 74<br />

Suétal est impati<strong>en</strong>t <strong>et</strong> curieux <strong>de</strong> voir le Seigneur<br />

1. Tandis que Cyrénius parcourt aussi vite qu'il le peut ses rouleaux avec une joie<br />

extrême <strong>et</strong> que les expressions respectueuses se succè<strong>de</strong>nt sur son visage, Je dis à<br />

Raphaël d'aller délivrer Jarah <strong>et</strong> Josoé <strong>de</strong> leur bref exil mom<strong>en</strong>tané <strong>et</strong> <strong>de</strong> les<br />

ram<strong>en</strong>er à table. Ce dont s'acquitte sans tar<strong>de</strong>r le prompt serviteur du ciel, <strong>et</strong><br />

Jarah, dès son arrivée, dit avec quelque affliction : « Ô Seigneur, Toi mon unique<br />

amour, comme c<strong>et</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> auquel je ne <strong>de</strong>vais pas assister a été affreusem<strong>en</strong>t<br />

long ! Je croyais déjà qu'il ne finirait jamais avant la nuit ! Mais, grâces <strong>en</strong> soi<strong>en</strong>t<br />

r<strong>en</strong>dues à Toi seul, tout cela est fini maint<strong>en</strong>ant <strong>et</strong> je T'ai r<strong>et</strong>rouvé ! »<br />

2. Entre-temps, l'ange r<strong>et</strong>ourne vers les douze, parmi lesquels Suétal, le premier,<br />

142


exprime sa stupéfaction à propos <strong>de</strong> Jarah : « Mais, jeune <strong>et</strong> très beau disciple,<br />

qu'a donc c<strong>et</strong>te jeune fille, qui ne peut compter plus <strong>de</strong> quatorze printemps, pour<br />

le sage Grec ? Elle semble vraim<strong>en</strong>t follem<strong>en</strong>t éprise <strong>de</strong> ce brave homme !?<br />

Lorsque tu t'es r<strong>en</strong>du dans la maison, j'ai cru que tu allais <strong>en</strong>fin faire paraître le<br />

maître <strong>de</strong>s maîtres ; là-<strong>de</strong>ssus, tu ramènes c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te amoureuse ! C'est<br />

vraim<strong>en</strong>t ce qu'on appelle être déçu dans son att<strong>en</strong>te ! S'agirait-il là <strong>en</strong>core d'une<br />

disciple du <strong>grand</strong> maître faiseuse <strong>de</strong> miracles, qui vi<strong>en</strong>drait <strong>de</strong> suivre quelque<br />

leçon dans une salle secrète ? En vérité, on ne cesse chez vous <strong>de</strong> voir paraître<br />

<strong>de</strong>s choses telles que plus on y réfléchit sérieusem<strong>en</strong>t, moins on s'y r<strong>et</strong>rouve, au<br />

lieu <strong>de</strong> l'inverse. D'un côté les prodiges les plus inouïs, <strong>de</strong> l'autre, à nouveau les<br />

événem<strong>en</strong>ts humains les plus ordinaires ; dis-moi donc comm<strong>en</strong>t un honnête<br />

homme <strong>de</strong> notre sorte doit pr<strong>en</strong>dre la chose, <strong>et</strong> je ne compr<strong>en</strong>ds vraim<strong>en</strong>t pas, <strong>en</strong><br />

outre, pourquoi le <strong>grand</strong> maître, qui tout à l'heure, alors que, c'est la vérité, nous<br />

ne souhaitions vraim<strong>en</strong>t pas le voir, voulait littéralem<strong>en</strong>t s'imposer à nous par le<br />

truchem<strong>en</strong>t du sage Grec, ne veut plus du tout se laisser voir à prés<strong>en</strong>t !<br />

Qu'avons-nous donc fait pour qu'on nous prive si longtemps <strong>de</strong> sa vue, à moins<br />

même que nous ne dussions finalem<strong>en</strong>t pas le voir du tout ? »<br />

3. Raphaël dit : « Ah, mes amis, si vous êtes assez aveugles pour ne pas même<br />

voir le soleil <strong>en</strong> plein midi, on ne peut ri<strong>en</strong> faire pour vous ! Quand un homme<br />

est trop bête, il ne sert à ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> lui dire : "Regar<strong>de</strong>, c'est celui-ci, ou celui-là !" Il<br />

ne le croira pas malgré tout ; car pour croire, il faut un <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t éveillé, qui,<br />

au besoin, peut trouver son chemin par lui-même. Mais lorsque l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

d'un homme est <strong>en</strong>core trop borné par la matière la plus <strong>de</strong>nse, il ne sert à ri<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

lui faire remarquer quelque chose, <strong>et</strong> il faudra d'abord qu'il se frappe dix fois sur<br />

le nez à le faire saigner avant <strong>de</strong> comm<strong>en</strong>cer à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi il s'est ainsi<br />

blessé au nez ! Tant que vous ne compr<strong>en</strong>drez pas à votre corps déf<strong>en</strong>dant, aucun<br />

Dieu ne vous fera compr<strong>en</strong>dre !<br />

4. D'ailleurs, que voulez-vous au <strong>grand</strong> Maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ? Vous manque-t-il<br />

quelque chose qu'il puisse vous donner, ou ne voulez-vous Le voir que par pure<br />

curiosité, tout comme les hommes stupi<strong>de</strong>s se press<strong>en</strong>t pour regar<strong>de</strong>r bouche bée<br />

un ours danser ? En vérité, si votre cœur ne Le trouve pas parmi la foule qui est<br />

ici, votre belle raison dont vous êtes si fiers Le trouvera <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> moins, je<br />

vous <strong>en</strong> réponds !<br />

5. Comm<strong>en</strong>cez, par vous humilier dans vos cœurs, sans quoi vous ne pourrez<br />

voir le <strong>grand</strong> <strong>et</strong> saint Maître ; car Son être est empli <strong>de</strong> la totalité <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong><br />

Dieu, même corporellem<strong>en</strong>t !<br />

6. Il est un Seigneur du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> la terre, <strong>et</strong> tous les g<strong>en</strong>oux doiv<strong>en</strong>t plier <strong>de</strong>vant<br />

Son nom, au ciel, sur terre <strong>et</strong> sous la terre ; car Son nom veut dire saint, plus que<br />

saint ! »<br />

7. Sur ces paroles assez dures, l'ange se lève, quitte la table <strong>de</strong>s douze <strong>et</strong> repr<strong>en</strong>d<br />

place à notre table, où Cyrénius le remercie une nouvelle fois très amicalem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> Mon nom pour le service extraordinaire qu'il lui a r<strong>en</strong>du ; car les écrits<br />

cont<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t mot pour mot toutes ses questions <strong>et</strong> toutes les réponses que Je leur<br />

avais faites.<br />

143


Chapitre 75<br />

Suétal s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t avec Ribar <strong>de</strong> l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Raphaël<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, les douze ne goût<strong>en</strong>t guère le discours <strong>de</strong> Raphaël, aussi<br />

comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t-ils à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s'il n'y aurait pas moy<strong>en</strong> pour eux <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre<br />

discrètem<strong>en</strong>t congé afin <strong>de</strong> r<strong>en</strong>trer à Jérusalem, bi<strong>en</strong> que bredouilles ; « car, dit<br />

Suétal, nous n'avons jusqu'à prés<strong>en</strong>t commis aucune faute contre le Temple.<br />

Nous n'y pouvons ri<strong>en</strong> si on a disposé <strong>de</strong> nous par la force ; <strong>et</strong> tous les templiers<br />

ne pourrons jamais son<strong>de</strong>r le fond <strong>de</strong> notre p<strong>en</strong>sée, <strong>de</strong> sorte que nous pouvons<br />

parfaitem<strong>en</strong>t être repris au Temple, <strong>et</strong> nous monterons assurém<strong>en</strong>t dans sa faveur<br />

si nous lui rapportons quelques-unes <strong>de</strong>s nombreuses av<strong>en</strong>tures extraordinaires<br />

r<strong>en</strong>contrées au cours <strong>de</strong> nos périlleux voyages ! Les supérieurs nous prêteront<br />

une oreille <strong>de</strong>s plus bi<strong>en</strong>veillantes <strong>et</strong> nous <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront favorables, <strong>et</strong> notre<br />

bonheur est assuré. Peut-être serons-nous <strong>en</strong>suite à nouveau <strong>en</strong>voyés au loin,<br />

mais nous n'<strong>en</strong> serons pas embarrassés, car nous sommes <strong>de</strong> fins r<strong>en</strong>ards <strong>et</strong><br />

savons désormais exactem<strong>en</strong>t ce que nous avons à faire <strong>et</strong> <strong>en</strong> faveur <strong>de</strong> qui il faut<br />

travailler le peuple !<br />

2. Mais ici, dans c<strong>et</strong>te étrange compagnie <strong>de</strong> magici<strong>en</strong>s ou <strong>de</strong> dieux, c'est<br />

vraim<strong>en</strong>t à n'y plus t<strong>en</strong>ir ! Il y est sans cesse question d'amour, à <strong>en</strong> conclure par<br />

le discours véritablem<strong>en</strong>t fort sage du Grec ; mais si l'on pose une question à l'un<br />

<strong>de</strong> ces faiseurs <strong>de</strong> miracles, il vous répond toujours par <strong>de</strong>s faux-fuyants, <strong>et</strong> avec<br />

cela se montre aussi ru<strong>de</strong> qu'un chaume ! Eh bi<strong>en</strong>, si quelqu'un se mêle <strong>en</strong>core <strong>de</strong><br />

vouloir me parler d'humilité, <strong>de</strong> douceur <strong>et</strong> d'amour, il recevra <strong>de</strong> ma part une si<br />

belle taloche qu'il ne saura plus me répliquer <strong>grand</strong>-chose !<br />

3. Celui qui exhorte son frère à l'humilité doit comm<strong>en</strong>cer par être humble luimême,<br />

sans quoi il faut qu'il se fasse d'abord à lui-même un sermon long d'une<br />

aune sur l'humilité, avant d'y exhorter l'un <strong>de</strong> ses frères ! Il n'est que <strong>de</strong> voir ce<br />

jeune affûteur <strong>de</strong> miracles, comme il s'est finalem<strong>en</strong>t montré jolim<strong>en</strong>t grossier<br />

<strong>en</strong>vers nous tous ! Qu'avons-nous à faire <strong>de</strong> son adresse à faire <strong>de</strong>s prodiges, <strong>et</strong> à<br />

quoi nous servira-t-elle, si nous ne pouvons l'imiter ?! Mais est-ce une raison<br />

pour se montrer grossier avec nous ?<br />

4. Si j'ai fait à propos <strong>de</strong> la jeune fille c<strong>et</strong>te remarque toute naturelle <strong>et</strong> aucunem<strong>en</strong>t<br />

désobligeante sur ce que n'importe qui pouvait voir <strong>en</strong> ouvrant les yeux,<br />

pas un homme quelque peu sage ne saurait s'<strong>en</strong> offusquer ; car ce que j'ai observé<br />

est, pour nous autres du moins, un phénomène humain tout à fait ordinaire, dénué<br />

<strong>de</strong> toute appar<strong>en</strong>ce prophétique. Je n'ai fait qu'évoquer un contraste assurém<strong>en</strong>t<br />

frappant pour chacun d'<strong>en</strong>tre nous, à savoir que, dans les faits, il se passe<br />

visiblem<strong>en</strong>t ici <strong>de</strong>s choses miraculeuses <strong>et</strong> divines ; mais <strong>en</strong> ce qui concerne la<br />

sphère morale <strong>de</strong> la vie, un œil humain ordinaire n'y voit ri<strong>en</strong> que <strong>de</strong> très<br />

commun <strong>et</strong> naturel — <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te remarque tout à fait innoc<strong>en</strong>te <strong>de</strong> ma part a si fort<br />

irrité ce modèle d'humilité <strong>et</strong> <strong>de</strong> douceur qu'il nous a tout d'abord copieusem<strong>en</strong>t<br />

insultés avant <strong>de</strong> nous tourner le dos, bi<strong>en</strong> sûr afin d'échapper à une réplique <strong>de</strong><br />

notre part ! En vérité, un tel comportem<strong>en</strong>t convi<strong>en</strong>t clairem<strong>en</strong>t à une maison <strong>de</strong><br />

fous, mais non <strong>en</strong>tre g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> quelque éducation, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins dans une<br />

compagnie où l'on ne prêche qu'amour, humilité <strong>et</strong> douceur ! C'est pourquoi, <strong>en</strong><br />

144


vérité, je ne voudrais pas rester plus longtemps <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te compagnie ; car il n'est<br />

pas <strong>de</strong> séjour plus fatal que d'être auprès <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s dont on ne voit jamais le fond <strong>et</strong><br />

dont on ne sait jamais à quoi s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir avec eux, ni jusqu'où l'on peut s'y fier ! En<br />

vérité, à <strong>de</strong> tels maîtres, je ne donnerais pas un disciple, si bête soit-il, pour tout<br />

l'or du mon<strong>de</strong> ! — N'ai-je pas raison ? Quel est ton avis là-<strong>de</strong>ssus, frère Ribar ?<br />

Selon toi, <strong>de</strong>vons-nous partir ou rester, maint<strong>en</strong>ant que nous sommes libres <strong>et</strong><br />

avons le choix d'<strong>en</strong>trer dans la légion étrangère ou au contraire <strong>de</strong> nous <strong>en</strong><br />

r<strong>et</strong>ourner ? »<br />

5. Ribar répond <strong>en</strong> disant : « Je crois que nous <strong>de</strong>vons pourtant rester ; car ce<br />

n'est tout <strong>de</strong> même pas un homme barbu, mais ce jeune prodige <strong>en</strong>core tout à fait<br />

imberbe qui nous a un peu réprimandés — vraisemblablem<strong>en</strong>t parce que tu<br />

l'importunais pour qu'il nous fasse voir le <strong>grand</strong> maître !<br />

6. Mon avis là-<strong>de</strong>ssus est que ce garçon a sans doute reçu <strong>de</strong> son maître<br />

l'interdiction <strong>de</strong> nous le dévoiler sous quelque prétexte que ce soit avant son<br />

temps ; mais toi, tu le lui as <strong>de</strong>mandé quelque peu brusquem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong>, parce que tu<br />

le pressais un peu trop, il s'est tiré <strong>de</strong> tes fil<strong>et</strong>s <strong>en</strong> nous tournant le dos à tous.<br />

Mon opinion est donc que nous <strong>de</strong>vons tout <strong>de</strong> même rester <strong>et</strong> voir si nous ne<br />

pouvons pas faire malgré tout la connaissance du <strong>grand</strong> maître !<br />

7. Certes, on éprouve ici d'étranges s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts lorsque, d'une part, on se trouve<br />

comme <strong>en</strong>touré <strong>de</strong> véritables dieux, mais qu'il semble d'autre part que tout se<br />

passe d'une manière toute naturelle <strong>et</strong> humaine ! Naturellem<strong>en</strong>t, il n'est ici jamais<br />

question <strong>de</strong> jeûne sabbatique ; car les personnes prés<strong>en</strong>tes sont pour la plupart<br />

<strong>de</strong>s Romains <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Grecs. De même, l'on ne voit guère prier ; mais il n'est pas<br />

rare que ce qui se dit regorge d'une sagesse plus <strong>grand</strong>e que celle <strong>de</strong> Salomon.<br />

Bref, tout est ici étrangem<strong>en</strong>t mêlé ; nous sommes parmi <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s qui sembl<strong>en</strong>t<br />

avoir été appelés par Dieu pour rapprocher le ciel <strong>et</strong> la terre, afin d'ouvrir avec le<br />

temps aux hommes <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> un nouveau champ pour y cultiver leurs forces<br />

spirituelles <strong>et</strong> les forces matérielles nécessaires à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> ! C'est pourquoi, malgré<br />

toute sa grossièr<strong>et</strong>é, je ne peux <strong>en</strong> vouloir à ce jeune homme ; car souv<strong>en</strong>t, il<br />

n'est pas mauvais d'être ainsi secoué, parce que cela fait souv<strong>en</strong>t plus vite<br />

compr<strong>en</strong>dre que c<strong>en</strong>t leçons données avec r<strong>et</strong><strong>en</strong>ue. »<br />

8. Suétal, quelque peu p<strong>en</strong>sif, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Qu'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds-tu par là ? »<br />

9. Ribar dit : « Je vais te l'appr<strong>en</strong>dre à l'instant sans ri<strong>en</strong> te cacher ! »<br />

Chapitre 76<br />

Ribar press<strong>en</strong>t la prés<strong>en</strong>ce du Seigneur<br />

1. (Ribar :) « Vois-tu, à mon avis, ce n'est pas tout à fait sans raison que ce<br />

garçon nous a traités <strong>de</strong> sourds, d'aveugles <strong>et</strong> d'idiots ; même l'âne qu'il a mis tout<br />

à l'heure à côté <strong>de</strong> nous ne nous disait au fond pas autre chose <strong>en</strong> actes !<br />

2. Vois-tu, j'ai <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus l'impression, <strong>et</strong> plus <strong>en</strong>core à prés<strong>en</strong>t, que c'est<br />

justem<strong>en</strong>t ce Grec à l'appar<strong>en</strong>ce si débonnaire qui est le <strong>grand</strong> Nazaré<strong>en</strong> ! Je ne<br />

l'ai pas quitté <strong>de</strong>s yeux, <strong>et</strong> tant <strong>de</strong> choses <strong>en</strong> lui m'ont frappé jusqu'ici que je ne<br />

145


peux pour ainsi dire plus douter que c'est lui ! Tous n'ont d'yeux, d'oreilles <strong>et</strong><br />

d'amour que pour lui ; le puissant gouverneur, par ailleurs superbem<strong>en</strong>t inflexible,<br />

l'adore littéralem<strong>en</strong>t ; le jeune homme fait tout ce qu'il veut au moindre<br />

signe <strong>de</strong> lui, <strong>et</strong> ses propos sont clairs <strong>et</strong> emplis <strong>de</strong> sagesse ! En outre, j'ai<br />

remarqué qu'il avait aussi indiqué au <strong>grand</strong> gouverneur <strong>de</strong>s remè<strong>de</strong>s naturels<br />

contre l'excès <strong>de</strong> fougue <strong>de</strong>s jeunes femmes ; <strong>et</strong>, vois-tu, seul un guérisseur peut<br />

faire cela ! De plus, il a fallu que la leçon qu'il v<strong>en</strong>ait <strong>de</strong> donner soit promptem<strong>en</strong>t<br />

r<strong>et</strong>ranscrite, <strong>et</strong> ce <strong>de</strong> la manière la plus extraordinaire du mon<strong>de</strong> ! Si tu<br />

rapproches bi<strong>en</strong> toutes ces choses les unes <strong>de</strong>s autres, tu trouveras toi-même que<br />

je ne <strong>de</strong>vrais pas avoir tout à fait tort, <strong>et</strong> le garçon non plus, lorsqu'il a dit que<br />

nous étions sourds, aveugles <strong>et</strong> stupi<strong>de</strong>s ! — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu, <strong>et</strong> que p<strong>en</strong>sezvous,<br />

vous tous, à c<strong>et</strong> égard ? »<br />

3. Suétal dit : « Mais sais-tu qu'<strong>en</strong> vérité, tu ne <strong>de</strong>vrais pas avoir tout à fait tort ;<br />

car je comm<strong>en</strong>ce à y voir un peu plus clair moi aussi à prés<strong>en</strong>t ! Et s'il <strong>en</strong> est bi<strong>en</strong><br />

ainsi, le garçon ne nous a fait aucun tort <strong>en</strong> vérité ; car nous étions réellem<strong>en</strong>t si<br />

aveugles que les arbres nous empêchai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> voir la forêt ! Mais att<strong>en</strong>ds donc, à<br />

partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong> instant, je vais observer soigneusem<strong>en</strong>t le Grec, <strong>et</strong> l'on verra bi<strong>en</strong><br />

vite jusqu'à quel point tu peux avoir raison pour tout <strong>de</strong> bon ! »<br />

4. Dès lors, Suétal M'étudie avec une <strong>grand</strong>e att<strong>en</strong>tion, ainsi que le comportem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> tous les autres convives, <strong>et</strong>, au bout d'un mom<strong>en</strong>t, il dit à Ribar : « Frère,<br />

il est bi<strong>en</strong> possible que tu aies raison : ce doit être lui, à coup sûr ! Car il apparaît<br />

très clairem<strong>en</strong>t sur tous les visages qu'ils l'honor<strong>en</strong>t comme le chef incontesté <strong>de</strong><br />

toute c<strong>et</strong>te <strong>grand</strong>e compagnie, <strong>et</strong> même le gouverneur n'ose ri<strong>en</strong> faire sans son<br />

cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t ! Mais si ce pseudo-Grec n'était <strong>en</strong> réalité qu'un ami intime très<br />

sage du <strong>grand</strong> maître, ainsi qu'il s'est <strong>de</strong> fait prés<strong>en</strong>té à nous, on lui témoignerait<br />

sans doute aussi pour c<strong>et</strong>te raison les plus <strong>grand</strong>s égards !? S'il ne s'était pas<br />

prés<strong>en</strong>té à nous tout à l'heure comme n'étant qu'un ami intime du <strong>grand</strong> maître, il<br />

y a longtemps que je l'aurais salué comme le <strong>grand</strong> maître lui-même ! Mais n'eûtil<br />

pas été singulier <strong>de</strong> notre part <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre c<strong>et</strong> honnête homme pour autre chose<br />

que ce qu'il nous disait lui-même être ? Car l'on ne peut pourtant pas décemm<strong>en</strong>t<br />

supposer <strong>de</strong> plein droit qu'un homme si pénétré <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong> Dieu veuille jouer à<br />

cache-cache avec nous, d'inoff<strong>en</strong>sifs Juifs !? »<br />

5. Ribar dit : « Là <strong>en</strong>core, je vois les choses tout autrem<strong>en</strong>t, car <strong>en</strong> se prés<strong>en</strong>tant à<br />

nous comme le meilleur ami du <strong>grand</strong> maître, il ne nous a absolum<strong>en</strong>t pas m<strong>en</strong>ti<br />

s'il est lui-même le vrai maître ; car vois-tu, chacun est assurém<strong>en</strong>t celui qui se<br />

connaît le mieux soi-même, <strong>et</strong> est donc égalem<strong>en</strong>t pour soi-même l'ami le plus<br />

proche <strong>et</strong> assurém<strong>en</strong>t le meilleur ! Et si quelqu'un dit cela <strong>de</strong> lui-même avec<br />

quelque <strong>en</strong>jouem<strong>en</strong>t, il n'y a certes là pas trace d'un m<strong>en</strong>songe ; <strong>de</strong> plus, un<br />

homme d'une telle sagesse peut bi<strong>en</strong> aussi avoir quelque motif secr<strong>et</strong> <strong>de</strong> ne se<br />

dévoiler que rarem<strong>en</strong>t à première vue à certains hommes, <strong>et</strong> nous y vi<strong>en</strong>drons<br />

sans doute plus tard. Mais regar<strong>de</strong> comme le sage Mathaël est ému presque<br />

jusqu'aux larmes chaque fois qu'il pose seulem<strong>en</strong>t les yeux sur le Grec ! Frère, il<br />

y a sans doute à cela une très bonne <strong>et</strong> très importante raison !<br />

6. De même, le <strong>grand</strong> amour que c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te d'une appar<strong>en</strong>ce par ailleurs hautem<strong>en</strong>t<br />

spirituelle témoigne à ce Grec me semble parler davantage <strong>en</strong> faveur <strong>de</strong><br />

mon assertion que contre elle. Car considère la beauté véritablem<strong>en</strong>t plus que<br />

146


céleste <strong>de</strong> notre jeune faiseur <strong>de</strong> miracles ! Il me semble pourtant que mille fois<br />

mille femmes <strong>et</strong> jeunes filles ne pourrai<strong>en</strong>t que s'amouracher <strong>de</strong> lui sur-le-champ<br />

!? Et pourtant, c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te y pr<strong>en</strong>d à peine gar<strong>de</strong>, bi<strong>en</strong> que ce jouv<strong>en</strong>ceau soit<br />

mille fois plus beau qu'elle ; mais quant au Grec, elle voudrait véritablem<strong>en</strong>t qu'il<br />

la porte dans son cœur ! Frère, je te le dis, cela aussi veut dire quelque chose !<br />

C<strong>et</strong>te jeune fille doit avoir une toute autre raison pour être aussi amoureuse du<br />

pseudo-Grec ; <strong>en</strong> y regardant <strong>de</strong> plus près, il me semble qu'elle n'est amoureuse<br />

que <strong>de</strong> ce qu'il y a <strong>en</strong> lui <strong>de</strong> divin <strong>et</strong> qu'elle ne prête pour ainsi dire aucune<br />

att<strong>en</strong>tion à son corps ! Regar<strong>de</strong> seulem<strong>en</strong>t ses yeux, qui rayonn<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

davantage d'une sorte <strong>de</strong> respect que d'un quelconque amour s<strong>en</strong>suel, <strong>et</strong> tu<br />

t'apercevras aisém<strong>en</strong>t qu'il n'y a pas dans c<strong>et</strong>te jeune fille la moindre trace<br />

d'amour s<strong>en</strong>suel ! »<br />

7. Suétal dit : « Frère, <strong>en</strong> vérité, ce n'est pas <strong>en</strong> vain que tu portes ce nom (*) ; car<br />

un pêcheur doit avoir l'œil perçant ! Moi-même, je remarque à prés<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>t<br />

choses auxquelles je ne n'avais pas du tout pris gar<strong>de</strong> jusqu'ici, <strong>et</strong> toutes vont<br />

dans le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> ton assertion. Et quelque chose me frappe aussi chez notre jeune<br />

homme ! Il a été <strong>en</strong>voyé <strong>de</strong>ux ou trois fois dans la maison par celui qui est<br />

presque à coup sûr son maître ; je ne l'ai pas vu faire l'aller <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>our, <strong>et</strong><br />

pourtant... il y était allé ! Il marche donc comme il écrit : il lui suffit <strong>de</strong> vouloir<br />

être quelque part pour y être ! Frère, cela ne me paraît pas tout à fait clair ! S'il ne<br />

faisait pas toujours uniquem<strong>en</strong>t ce que le pseudo-Grec lui ordonne <strong>de</strong> quelque<br />

manière, je serais tout près <strong>de</strong> le t<strong>en</strong>ir lui-même pour le maître ; mais comme il<br />

ne fait jamais que ce que lui comman<strong>de</strong> le pseudo-Grec, on doit bi<strong>en</strong> le t<strong>en</strong>ir pour<br />

un serviteur <strong>et</strong> non pour un maître ! Mais il est vraim<strong>en</strong>t remarquable que ce<br />

jeune homme soit allé aussi loin dans c<strong>et</strong>te sorte <strong>de</strong> magie purem<strong>en</strong>t divine ! »<br />

8. Ribar dit : « Ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> remarquer chez le jeune homme m'avait déjà<br />

beaucoup frappé auparavant ; mais sais-tu que j'ai égalem<strong>en</strong>t remarqué tout à<br />

l'heure ce fait étrange qu'il ne mangeait pas réellem<strong>en</strong>t les poissons comme nous<br />

avec sa bouche ; il portait le poisson à sa bouche — <strong>et</strong> c'était tout ! Le poisson<br />

disparaissait tout <strong>en</strong>tier, <strong>et</strong> il avalait <strong>de</strong> même le pain <strong>et</strong> le vin ; tout cela<br />

disparaissait dès l'instant où il l'avait porté à ses lèvres ! J'ai fini par me s<strong>en</strong>tir<br />

véritablem<strong>en</strong>t mal à l'aise auprès <strong>de</strong> lui ! En vérité, j'ai même plusieurs fois j<strong>et</strong>é<br />

un coup d'œil discr<strong>et</strong> sous la table pour regar<strong>de</strong>r ses pieds ; mais ceux-ci<br />

<strong>de</strong>meurai<strong>en</strong>t constamm<strong>en</strong>t d'une beauté si pure <strong>et</strong> si céleste que <strong>de</strong> ma vie, je<br />

n'avais jamais ri<strong>en</strong> vu <strong>de</strong> tel chez une jeune fille, <strong>en</strong>core moins chez un jeune<br />

homme ! Cela me tranquillisait à nouveau, <strong>et</strong>, si je n'y avais pris gar<strong>de</strong>, j'aurais<br />

pu contempler <strong>et</strong> admirer ses pieds merveilleusem<strong>en</strong>t beaux toute une éternité<br />

avec le plus <strong>grand</strong> bonheur ! En vérité, si un ange <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dait du ciel <strong>en</strong> c<strong>et</strong><br />

instant, il ne saurait marcher sur <strong>de</strong> plus beaux pieds ! »<br />

9. Suétal dit : « Voilà <strong>en</strong>core une chose que je n'avais pas remarquée ; mais à <strong>en</strong><br />

juger par la merveilleuse beauté du reste <strong>de</strong> sa personne, on est presque contraint<br />

<strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser qu'il est une sorte d'être spirituel supérieur — car son aspect comme<br />

ses étranges prodiges sembl<strong>en</strong>t pour ainsi dire le crier à voix haute ! Mais nous<br />

sommes là <strong>en</strong>core confrontés à c<strong>et</strong>te circonstance qu'il nous a été prés<strong>en</strong>té<br />

(*) Sur la signification du nom <strong>de</strong> Ribar, voir ci-après, 102,16. (N.d.T.)<br />

147


comme un jeune disciple du <strong>grand</strong> maître qui serait allé assez loin dans la magie<br />

divine, ce qui, naturellem<strong>en</strong>t, revi<strong>en</strong>t à peu près à dire : si le plus jeune peut déjà<br />

faire tout cela, que ne feront pas les disciples plus âgés !? Mais si nous faisons<br />

c<strong>et</strong>te supposition toute naturelle, l'idée que le jeune homme soit d'une ess<strong>en</strong>ce<br />

supérieure tombe d'elle-même ; car s'il l'était, celui qui est donc le <strong>grand</strong> maître<br />

nous aurait auparavant ouvertem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>ti, <strong>et</strong> il ne convi<strong>en</strong>t pourtant guère <strong>de</strong><br />

supposer cela d'un tel homme ! — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu ? »<br />

10. Ribar dit : « Oui, il semble bi<strong>en</strong> qu'il <strong>en</strong> soit ainsi ; mais il semble aussi que<br />

dans c<strong>et</strong>te affaire, le fameux voile d'Isis n'a pas <strong>en</strong>core été levé <strong>de</strong>vant nos yeux !<br />

Et si le <strong>grand</strong> maître était vraim<strong>en</strong>t ce que Mathaël a dit <strong>de</strong> lui ce matin, même un<br />

ange du ciel pourrait bi<strong>en</strong> être son disciple ! — N'ai-je pas raison ? »<br />

Chapitre 77<br />

Comm<strong>en</strong>t Dieu Se fait reconnaître<br />

1. Suétal dit : « Oui, oui, <strong>en</strong> ce cas, tout s'accor<strong>de</strong>rait parfaitem<strong>en</strong>t ! Seule<br />

l'expression "plus jeune disciple" ferait <strong>en</strong>core quelque difficulté ; car comm<strong>en</strong>t<br />

un ange, qui a vécu quelques éternités, pourrait-il être un jeune disciple, comparé<br />

aux hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre ?! Un tel ange était sans doute familiarisé avec la<br />

magie céleste bi<strong>en</strong> avant qu'un soleil brillât au firmam<strong>en</strong>t !'? — Quelle est ton<br />

opinion à c<strong>et</strong> égard ? »<br />

2. Ribar dit : « C'est assurém<strong>en</strong>t un obstacle <strong>de</strong> taille, auquel je me heurte moimême<br />

; pourtant, il me vi<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant une idée : vois-tu, il se peut que le<br />

maître nous ait simplem<strong>en</strong>t signifié par là que, se référant uniquem<strong>en</strong>t à notre<br />

temps, il nous prés<strong>en</strong>tait ce jeune homme comme le plus jeune <strong>de</strong> ses disciples<br />

pour la bonne raison que ce jeune homme ne se trouvait peut-être que <strong>de</strong>puis<br />

quelques jours dans la compagnie <strong>de</strong>s hommes, revêtu d'une <strong>en</strong>veloppe terrestre !<br />

»<br />

3. Suétal dit : « Oui, si cela se pouvait, tu aurais sans doute <strong>en</strong>core raison ; mais il<br />

est tout <strong>de</strong> même quelque peu av<strong>en</strong>tureux <strong>de</strong> faire une telle hypothèse ! C'est soit<br />

cela, soit Moïse ; car <strong>en</strong> la circonstance, les <strong>de</strong>ux ne peuv<strong>en</strong>t être vrais <strong>en</strong>semble<br />

! »<br />

4. Ribar dit : « Ce n'est pas mon avis ! Un ange a bi<strong>en</strong> pu être sept ans durant le<br />

gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> Tobie, comme le récit <strong>en</strong> court <strong>en</strong>core aujourd'hui ; pourquoi celui-ci ne<br />

pourrait-il subsister sur terre quelques jours ? ! C<strong>et</strong>te terre est tout <strong>de</strong> même<br />

l'œuvre <strong>de</strong> Dieu aussi bi<strong>en</strong> que lui-même ! »<br />

5. Suétal dit : « Oui, oui, si tu es dans le vrai, <strong>et</strong> si Mathaël a indiscutablem<strong>en</strong>t<br />

raison, alors, il est vrai que ce jeune homme peut parfaitem<strong>en</strong>t, au s<strong>en</strong>s terrestre,<br />

être le plus jeune disciple du <strong>grand</strong> maître ! Son aspect <strong>et</strong> ses actes révèl<strong>en</strong>t à<br />

l'évi<strong>de</strong>nce une créature supérieure v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong>s cieux ; mais si c<strong>et</strong> être dit lui-même<br />

qu'il est un jeune disciple du <strong>grand</strong> maître <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, il faut à l'évi<strong>de</strong>nce que ce<br />

maître soit, selon l'esprit, le Seigneur <strong>de</strong> tous les cieux ! Mais <strong>en</strong> ce cas, la <strong>grand</strong>e<br />

question est <strong>de</strong> savoir ce que nous allons bi<strong>en</strong> pouvoir faire si nous sommes <strong>en</strong><br />

prés<strong>en</strong>ce du Très-Haut <strong>et</strong> du Tout-Puissant <strong>en</strong> personne ! Car, <strong>en</strong> vérité, ce ne<br />

148


serait pas ri<strong>en</strong> ! »<br />

6. Ribar dit : « Il est vrai ; mais pourrions-nous y faire quelque chose si, comme<br />

cela me paraît désormais <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus incontestable, il <strong>en</strong> était vraim<strong>en</strong>t ainsi ?<br />

Vois-tu, la divinité est libre <strong>de</strong> faire ce qu'Elle veut, <strong>et</strong> les mortels ne peuv<strong>en</strong>t Lui<br />

fixer <strong>de</strong> limites ! Si Elle était v<strong>en</strong>ue à nous comme un juge, nous serions<br />

assurém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mauvaise posture ; mais Elle est v<strong>en</strong>ue à nous, mortels, <strong>en</strong><br />

bi<strong>en</strong>faiteur très clém<strong>en</strong>t, sans doute afin <strong>de</strong> nous rapprocher d'Elle par c<strong>et</strong> amour<br />

que prêchait déjà le patriarche Hénoch, <strong>et</strong> dans ces conditions, Elle n'est pas<br />

effrayante. Cep<strong>en</strong>dant, il me semble qu'Elle ne se donne à connaître dans toute<br />

Son auth<strong>en</strong>ticité qu'à l'amour seul, parce que l'amour est sans doute l'unique<br />

motif <strong>de</strong> Sa v<strong>en</strong>ue ici-bas. Mais Elle ne Se laisse absolum<strong>en</strong>t pas reconnaître par<br />

la raison <strong>et</strong> par tout ce bon s<strong>en</strong>s que nous estimons tant.<br />

7. Et voici que bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses m'apparaiss<strong>en</strong>t clairem<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t ! Le présumé<br />

Grec est v<strong>en</strong>u à nous tout à l'heure avec une très <strong>grand</strong>e bi<strong>en</strong>veillance <strong>et</strong> nous a<br />

même <strong>de</strong>mandé si nous ne voulions pas faire la connaissance du <strong>grand</strong> maître <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h ; mais nous, par une sorte <strong>de</strong> crainte, nous avons refusé catégoriquem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> lui opposant toutes sortes <strong>de</strong> vaines raisons. Ainsi, nous<br />

craignions le maître, parce que le disciple nous avait déjà montré combi<strong>en</strong> nos<br />

raisons étai<strong>en</strong>t diablem<strong>en</strong>t minces.<br />

8. Jusqu'ici, nous n'avons jamais calculé qu'avec la raison, <strong>et</strong> nous n'<strong>en</strong> avons pas<br />

tiré <strong>grand</strong>-chose ; quant à la soli<strong>de</strong> conjecture qui comm<strong>en</strong>ce à s'imposer <strong>de</strong> plus<br />

<strong>en</strong> plus clairem<strong>en</strong>t à nos cœurs, nous n'<strong>en</strong> sommes re<strong>de</strong>vables qu'à la bourra<strong>de</strong><br />

administrée par le sage jeune homme, qui comm<strong>en</strong>çait visiblem<strong>en</strong>t à perdre<br />

pati<strong>en</strong>ce. Car, je le vois à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus clairem<strong>en</strong>t, il nous avait<br />

pourtant écrit sur la figure <strong>en</strong> l<strong>et</strong>tres d'un pied, avant le long discours du maître,<br />

que le maître ne pouvait être que ce Grec lui-même <strong>et</strong> personne d'autre ! Mais<br />

c<strong>et</strong>te vraie sal<strong>et</strong>é <strong>de</strong> raison n'a jamais cessé <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ir un triple voile <strong>de</strong>vant les<br />

yeux <strong>de</strong> notre âme, <strong>et</strong> c'est ainsi que les arbres nous ont toujours caché la forêt.<br />

9. À prés<strong>en</strong>t que, grâce à c<strong>et</strong>te forte bourra<strong>de</strong>, nous avons conçu une certaine<br />

prédilection pour le Grec, il semble que plusieurs épaisseurs ai<strong>en</strong>t été r<strong>et</strong>irées <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>vant les yeux <strong>de</strong> notre âme, <strong>et</strong> c'est bi<strong>en</strong> pourquoi nous comm<strong>en</strong>çons à<br />

conjecturer plus clairem<strong>en</strong>t. Aussi suis-je d'avis que nous j<strong>et</strong>ions maint<strong>en</strong>ant<br />

toute notre raison par-<strong>de</strong>ssus bord pour ne plus suivre que le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> notre<br />

cœur, <strong>et</strong> nous parvi<strong>en</strong>drons assurém<strong>en</strong>t plus vite à quelque chose ainsi que par<br />

notre raison, car celle-ci n'a été mise dans l'homme que comme on m<strong>et</strong> une<br />

cuiller dans la marmite où cuit un m<strong>et</strong>s, c'est-à-dire pour remuer celui-ci. Mais<br />

une fois que le m<strong>et</strong>s est cuit, on peut se passer <strong>de</strong> la cuiller à pot ! — Que p<strong>en</strong>sez-vous<br />

<strong>de</strong> cela, toi <strong>et</strong> tous les autres ? »<br />

10. Suétal dit <strong>en</strong> ouvrant <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux : « Ami, je vois bi<strong>en</strong> que tu <strong>en</strong> ti<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

plus <strong>en</strong> plus pour le Grec. Il est vrai que c'est mon cas égalem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je suis tout à<br />

fait <strong>de</strong> ton avis <strong>en</strong> cela ; mais je ne suis pas <strong>en</strong>core d'accord pour ce qui est <strong>de</strong><br />

rej<strong>et</strong>er la raison. Car si nous la m<strong>et</strong>tons <strong>de</strong> côté à cause d'un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t qui naît <strong>en</strong><br />

nous, <strong>en</strong> quoi serons-nous <strong>en</strong>core supérieurs aux animaux <strong>de</strong>s bois, qui n'ont pas<br />

<strong>de</strong> raison <strong>et</strong>, à cause <strong>de</strong> cela, doiv<strong>en</strong>t suivre leur s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t instinctif ?<br />

11. Vois-tu, l'homme est très souv<strong>en</strong>t assailli par toutes sortes <strong>de</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts ; s'il<br />

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suivait alors inconditionnellem<strong>en</strong>t ses s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts sans pr<strong>en</strong>dre conseil <strong>de</strong> sa<br />

raison luci<strong>de</strong>, qu'advi<strong>en</strong>drait-il <strong>de</strong> lui ! C'est pourquoi, selon moi, il importe avant<br />

tout d'épurer la raison autant que possible. Car ce n'est que lorsque nous sommes<br />

guidés par une raison épurée que nos s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts s'amélior<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t une<br />

vraie bénédiction.<br />

12. Les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts sont <strong>en</strong> l'homme comme un polype qui, dans la mer, ét<strong>en</strong>d<br />

sans cesse ses bras multiples <strong>en</strong> quête <strong>de</strong> nourriture ; mais <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> cela,<br />

aucune intellig<strong>en</strong>ce n'est perceptible dans c<strong>et</strong> animal.<br />

13. Si l'homme m<strong>et</strong>tait <strong>de</strong> côté sa raison, il ressemblerait à coup sûr à ces<br />

animaux ; car l'homme brut purem<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sible est plus glouton <strong>et</strong> avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> plaisir<br />

que tout autre animal. Seule l'éducation <strong>et</strong> la purification <strong>de</strong> la raison règle <strong>et</strong><br />

ordonne les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'homme, écartant les mauvais pour ne conserver que<br />

ceux qui sont bons <strong>et</strong> purs <strong>et</strong> faisant ainsi <strong>de</strong> l'homme appar<strong>en</strong>t un homme<br />

véritable.<br />

14. Aussi ne peux-tu vouloir j<strong>et</strong>er par<strong>de</strong>ssus bord la divine raison ; car sans la<br />

raison, le premier âne <strong>et</strong> le premier bœuf v<strong>en</strong>us nous gouvern<strong>en</strong>t ! »<br />

15. Les dix autres donn<strong>en</strong>t ici raison à Suétal <strong>et</strong> tous sont <strong>de</strong> son avis ; mais Ribar<br />

hausse les épaules d'un air <strong>de</strong> doute, <strong>et</strong> Suétal dit : « Eh bi<strong>en</strong>, tu ne peux tout <strong>de</strong><br />

même ri<strong>en</strong> avoir là contre ?! Car ce que j'affirme là est aussi soli<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant Dieu<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>vant le mon<strong>de</strong> que le mont Sinaï sur lequel Moïse a reçu les lois d'un peuple<br />

doué d'une puissante raison ! »<br />

Chapitre 78<br />

De la raison <strong>et</strong> du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

1. Après un instant, Ribar dit : « Ami, il y aurait <strong>en</strong>core beaucoup à dire contre<br />

ton affirmation ! Mais, étant <strong>en</strong>core un si <strong>grand</strong> déf<strong>en</strong>seur <strong>de</strong> la raison, tu trouverais<br />

aussitôt quelque chose à me répondre. Je ne te donnerai tort <strong>en</strong> aucun cas<br />

pour ce qui concerne ce mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> il faut qu'il <strong>en</strong> soit comme tu l'as dit pour<br />

l'éducation <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>. C<strong>et</strong>te éducation doit nécessairem<strong>en</strong>t<br />

précé<strong>de</strong>r l'éducation supérieure <strong>de</strong> l'esprit ; mais elle ne doit pas être le <strong>de</strong>rnier<br />

mot <strong>de</strong> l'éducation <strong>et</strong> ne le sera jamais, quelque raffinem<strong>en</strong>t qu'elle atteigne.<br />

2. Car si la raison nous a été donnée à l'origine pour réguler nos s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> les<br />

r<strong>en</strong>dre aussi bons que possible, il faut bi<strong>en</strong> qu'il y ait <strong>en</strong>suite dans les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts<br />

ainsi am<strong>en</strong>és à maturité quelque chose <strong>de</strong> comparable à ce qui se passe dans le<br />

fruit mûri sur l'arbre. Pour que le fruit puisse atteindre une certaine maturité, la<br />

lumière <strong>et</strong> la chaleur du soleil ont certes été nécessaires, ainsi que <strong>de</strong> temps à<br />

autre une pluie fécondatrice. Mais une fois que le fruit est mûr, on le cueillera <strong>et</strong><br />

on le conservera au mieux dans un cellier, afin qu'il y <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne par lui-même<br />

<strong>en</strong>core plus mûr <strong>et</strong> plus savoureux ; mais si tu laisses le fruit mûr accroché plus<br />

longtemps à l'arbre, il n'y gagnera plus ri<strong>en</strong>, mais au contraire se gâtera<br />

complètem<strong>en</strong>t !<br />

3. Et il <strong>en</strong> va assurém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> même pour les s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'homme. Une fois<br />

150


qu'ils ont atteint une certaine maturité, il faut les soustraire aux soins extérieurs<br />

<strong>de</strong> la raison <strong>et</strong> les laisser parv<strong>en</strong>ir par eux-mêmes à une maturité <strong>de</strong> vie<br />

supérieure, sans quoi toute la maturation antérieure aura été parfaitem<strong>en</strong>t vaine.<br />

C'est pour c<strong>et</strong>te raison que j'affirme que, puisque nous n'obti<strong>en</strong>drons ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> plus<br />

par la raison, nous <strong>de</strong>vons j<strong>et</strong>er c<strong>et</strong>te raison extérieure par-<strong>de</strong>ssus bord <strong>et</strong> nous <strong>en</strong><br />

rem<strong>et</strong>tre désormais à nos s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us mûrs pour m<strong>en</strong>er plus loin notre vie<br />

! »<br />

4. Suétal dit : « Frère, il faut que quelque souffle divin t'inspire ! Car je te<br />

connais, <strong>et</strong> ce n'est pas ton langage ! Tu <strong>en</strong>tres déjà tout à fait dans la sagesse <strong>de</strong><br />

Mathaël ! Oui, je ne peux plus ri<strong>en</strong> t'objecter ici ; car je s<strong>en</strong>s profondém<strong>en</strong>t qu'<strong>en</strong><br />

vérité, tu as parfaitem<strong>en</strong>t raison <strong>et</strong> que tu es dans le vrai ! Je n'<strong>en</strong> suis certes pas<br />

au même point que toi, mais je s<strong>en</strong>s que cela progresse égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> moi à<br />

prés<strong>en</strong>t. »<br />

5. Là-<strong>de</strong>ssus, les dix autres dis<strong>en</strong>t qu'ils comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t eux aussi à s<strong>en</strong>tir cela <strong>en</strong><br />

eux.<br />

6. Après c<strong>et</strong>te conversation, Raphaël revi<strong>en</strong>t vers les douze, donne une tape<br />

approbatrice sur l'épaule <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux orateurs <strong>et</strong> dit : « C'est bi<strong>en</strong>, c'est bi<strong>en</strong> ainsi,<br />

amis ; je vous aime mieux comme cela que tout à l'heure avec votre raison<br />

teigneuse, <strong>et</strong> je peux maint<strong>en</strong>ant vous dire que vous êtes tout à fait sur la bonne<br />

voie ! »<br />

7. À ces mots <strong>de</strong> Raphaël, Ribar se lève, serre Raphaël dans ses bras <strong>de</strong> toute la<br />

force <strong>de</strong> son amour, le presse contre son cœur <strong>et</strong> dit avec émotion : « Ô toi mon<br />

ciel, ô céleste ami ! Que n'ai-je pu t'aimer plus tôt <strong>de</strong> toute l'ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> ma vie !? »<br />

— Car <strong>de</strong>puis que Ribar avait vu <strong>de</strong> près le pied, la main <strong>et</strong> les yeux <strong>de</strong> l'ange, il<br />

était aussitôt tombé éperdum<strong>en</strong>t <strong>et</strong> follem<strong>en</strong>t amoureux <strong>de</strong> lui.<br />

8. Mais Raphaël lui dit : « Ami, c<strong>et</strong> amour-là est sans doute meilleur que pas<br />

d'amour du tout ; mais il ne convi<strong>en</strong>t pourtant pas au domaine <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa<br />

vie profon<strong>de</strong>. Tu n'aimes <strong>en</strong> moi que la forme qui est à prés<strong>en</strong>t mon appar<strong>en</strong>ce<br />

naturelle toute extérieure : mais l'amour est ce qu'il y a vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus profond<br />

<strong>en</strong> l'homme, <strong>et</strong> ne <strong>de</strong>vrait jamais s'attacher à une chose extérieure ; car par là, le<br />

profond <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t vite superficiel, donc à l'image <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer. L'ordre divin <strong>de</strong> la vie<br />

<strong>en</strong> est inversé, l'esprit <strong>de</strong> l'âme, c'est-à-dire l'amour, se tourne vers l'extérieur, <strong>et</strong><br />

il s'<strong>en</strong>suit qu'il dépérit, comme dépérit un <strong>en</strong>fant qu'un choc extérieur viol<strong>en</strong>t a<br />

fait sortir bi<strong>en</strong> avant le terme du sein <strong>de</strong> sa mère.<br />

9. Tu ne dois donc pas te laisser captiver par mon aspect extérieur, mais seulem<strong>en</strong>t<br />

par la vérité que tu <strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds <strong>de</strong> ma bouche. Celle-là te restera, <strong>et</strong> <strong>en</strong> tout<br />

lieu, elle te r<strong>en</strong>dra libre <strong>et</strong> véritablem<strong>en</strong>t heureux dans ton âme ; mais ma forme<br />

extérieure provisoire ne doit te servir qu'à témoigner que tu vois combi<strong>en</strong> est<br />

belle la pleine vérité associée à l'amour dans toute sa pur<strong>et</strong>é ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu<br />

cela ? »<br />

10. Desserrant sa puissante étreinte, Ribar dit : « Je le compr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong> ; mais à ta<br />

vue, la raison <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t pour nous autres un far<strong>de</strong>au pesant comme une montagne !<br />

»<br />

11. Là-<strong>de</strong>ssus, Suétal dit à Raphaël : « C'est un vieux défaut <strong>de</strong> mon ami Ribar. Il<br />

151


ne peut supporter la vue d'une belle figure, qu'elle soit masculine ou féminine,<br />

sans être pris <strong>de</strong> passion ; quant à moi, cela ne me fait ri<strong>en</strong>. Je préfère sans doute<br />

moi aussi une belle figure à une lai<strong>de</strong>, mais je ne m'<strong>en</strong>flamme jamais pour autant<br />

! Aussi ai-je toujours laissé parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> paix toutes les femmes <strong>et</strong> jeunes<br />

filles, si belles qu'elles fuss<strong>en</strong>t ! »<br />

12. Raphaël dit : « Cela n'est pourtant pas dû à un quelconque mérite <strong>de</strong> ta part,<br />

mais seulem<strong>en</strong>t à ta nature ! Car un aveugle ne peut avoir aucun mérite à ne pas<br />

être attiré par la beauté du mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> ce n'est pas par vertu que le sourd ne prête<br />

pas l'oreille aux propos du délateur. Chez <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> ta sorte, l'âme est<br />

d'ailleurs bi<strong>en</strong> plus difficile à éveiller que chez ceux dont la s<strong>en</strong>sibilité est plus<br />

évi<strong>de</strong>nte au début du développem<strong>en</strong>t spirituel que celle <strong>de</strong> tout autre à la fin <strong>de</strong><br />

celui-ci.<br />

13. Vois-tu, chez Ribar, le spirituel, bi<strong>en</strong> qu'<strong>en</strong>core non raffiné, emplit déjà toute<br />

sa chair, <strong>et</strong> c'est d'ailleurs pourquoi tout ce qui est beau <strong>et</strong> parfait à sa manière<br />

l'attire aussitôt, parce que toute beauté extérieure doit évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t avoir <strong>en</strong> soi<br />

quelque cause spirituelle plus accomplie ; aussi le fait <strong>de</strong> s'épr<strong>en</strong>dre plus ou<br />

moins superficiellem<strong>en</strong>t d'un bel obj<strong>et</strong> est-il une reconnaissance <strong>et</strong> un intérêt<br />

certes mu<strong>et</strong>, mais pourtant réciproque <strong>et</strong> spirituel. Il faut seulem<strong>en</strong>t confier au<br />

plus tôt c<strong>et</strong> amour à une bonne direction grâce à laquelle il sera <strong>en</strong> quelque sorte<br />

ram<strong>en</strong>é à son origine ess<strong>en</strong>tielle, ce qui n'est pas vraim<strong>en</strong>t une tâche très difficile,<br />

car l'esprit vivant qui se manifeste à travers l'amour est à proprem<strong>en</strong>t parler la<br />

véritable intellig<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> l'homme, <strong>et</strong> conçoit donc aisém<strong>en</strong>t dans la pratique ce<br />

qui correspond à sa nature <strong>et</strong> à son ordonnance. »<br />

Chapitre 79<br />

L'origine <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s tal<strong>en</strong>ts humains<br />

1. (Raphaël :) « Ce n'est donc <strong>en</strong> soi pas du tout un péché que <strong>de</strong> tomber<br />

amoureux extérieurem<strong>en</strong>t d'un bel obj<strong>et</strong>, mais cela peut <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un péché —<br />

c'est-à-dire une faille dans l'ordonnance <strong>de</strong> la vie — si, faute <strong>de</strong> direction, c<strong>et</strong><br />

amour s'<strong>en</strong>racine <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus dans les formes extérieures, car il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

sûr plus difficile alors <strong>de</strong> détacher un tel esprit <strong>de</strong> la beauté extérieure pour le<br />

ram<strong>en</strong>er à son ordonnance intérieure.<br />

2. Dans <strong>de</strong> tels cas, le Seigneur laisse donc surv<strong>en</strong>ir toutes sortes d'avertissem<strong>en</strong>ts<br />

douloureux <strong>et</strong> même <strong>de</strong> châtim<strong>en</strong>ts grâce auxquels l'esprit ainsi fourvoyé<br />

finit à la longue par r<strong>et</strong>ourner à l'anci<strong>en</strong>ne ordonnance <strong>et</strong>, r<strong>en</strong>onçant à toute<br />

appar<strong>en</strong>ce extérieure, fait <strong>en</strong>trer dans son ordonnance <strong>et</strong> donc <strong>en</strong> vérité revivre ce<br />

qu'il y a <strong>de</strong> plus noble dans c<strong>et</strong>te appar<strong>en</strong>ce.<br />

3. C'est pourquoi il y a une <strong>grand</strong>e différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre les hommes <strong>de</strong> ton espèce <strong>et</strong><br />

ceux <strong>de</strong> l'espèce <strong>de</strong> Ribar. Ce que tu chercheras à obt<strong>en</strong>ir p<strong>en</strong>dant <strong>de</strong>s années, un<br />

homme comme Ribar pourra l'atteindre <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> jours, voire souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

quelques heures, pour peu qu'on lui donne la bonne direction <strong>et</strong> qu'il le veuille<br />

lui-même très sérieusem<strong>en</strong>t. — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela ? »<br />

4. Suétal, l'air quelque peu morose, dit : « Oui, je compr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong>, mais d'un<br />

152


autre côté, je ne vois pas pour quelle raison le Créateur m<strong>et</strong> <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

hommes aussi mûrs <strong>et</strong> spirituellem<strong>en</strong>t réceptifs, <strong>et</strong> d'autres au contraire aussi<br />

ins<strong>en</strong>sibles qu'un bout <strong>de</strong> bois ! »<br />

5. L'ange dit : « Ah, mon cher, si tu te m<strong>et</strong>s à poser <strong>de</strong> telles questions, nous ne<br />

sommes pas près d'<strong>en</strong> finir ; car ton esprit est <strong>en</strong>core trop profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>foui<br />

sous la peau <strong>de</strong> ta chair, alors que l'esprit <strong>de</strong> Ribar s'ét<strong>en</strong>d déjà bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> sa<br />

peau <strong>et</strong> qu'il est donc facile <strong>de</strong> parler avec lui. Tu pourrais aussi bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

pourquoi Dieu a créé sur terre tant <strong>de</strong> pierres <strong>et</strong> pas seulem<strong>en</strong>t un humus t<strong>en</strong>dre <strong>et</strong><br />

fertile, tant d'eaux sur la vaste surface <strong>de</strong>squelles on ne peut m<strong>et</strong>tre ni champs ni<br />

vignes, tant <strong>de</strong> buissons d'épines <strong>et</strong> d'espèces <strong>de</strong> chardons où ne pouss<strong>en</strong>t<br />

assurém<strong>en</strong>t ni raisins ni figues. Pourtant, je te le dis, tout cela est absolum<strong>en</strong>t<br />

nécessaire, <strong>et</strong> l'un ne saurait exister sans l'autre ; mais t'<strong>en</strong> expliquer toutes les<br />

sages raisons, fût-ce brièvem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> superficiellem<strong>en</strong>t, nécessiterait plusieurs<br />

siècles, tandis qu'un esprit éveillé <strong>et</strong> mûr peut parfaitem<strong>en</strong>t, pour peu que cela<br />

l'intéresse, maîtriser <strong>en</strong> peu d'instants toutes ces questions infinies. Mais comme<br />

un esprit accompli a dans la vie <strong>de</strong>s <strong>de</strong>sseins bi<strong>en</strong> plus élevés <strong>et</strong> meilleurs que <strong>de</strong><br />

rechercher le pourquoi <strong>de</strong>s pierres, <strong>de</strong> l'eau, <strong>de</strong>s épines <strong>et</strong> <strong>de</strong>s chardons, il laisse<br />

volontiers cela aux très sages soins du Seigneur <strong>de</strong> l'infini. »<br />

6. Suétal dit : « S'il <strong>en</strong> est ainsi, ce n'est pourtant pas ma faute si je réfléchis<br />

davantage qu'un Ribar, qui, à ma connaissance <strong>et</strong> malgré son esprit plus ouvert,<br />

est <strong>en</strong>core loin d'avoir <strong>en</strong> lui toute la sagesse céleste ! »<br />

7. Raphaël dit : « Il faut bi<strong>en</strong> que <strong>de</strong>s hommes comme toi ai<strong>en</strong>t un <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

aiguisé, afin que leur âme plus obtuse trouve son chemin vers leur esprit, un<br />

chemin certes bi<strong>en</strong> plus long <strong>et</strong> plus cahoteux que celui qu'ont à parcourir les<br />

esprits d'amour ; car un esprit d'amour a déjà <strong>en</strong> lui comme un élém<strong>en</strong>t évi<strong>de</strong>nt<br />

<strong>de</strong> sa vie ce qu'une âme plus obtuse ne peut atteindre que PER LONGUM ET<br />

LATUM (*) , <strong>en</strong> faisant bon usage <strong>de</strong> ses s<strong>en</strong>s extérieurs aiguisés.<br />

8. Regar<strong>de</strong> quels efforts il te faudra <strong>en</strong>core faire avant <strong>de</strong> parv<strong>en</strong>ir à l'amour !<br />

Mais Ribar, lui, est déjà tout amour. Son amour n'a besoin que d'être un peu réglé<br />

<strong>et</strong> ordonné pour qu'il soit tout à fait prêt ; mais toi, il faut d'abord que ta<br />

fastidieuse raison te mène à l'amour pour que tu le possè<strong>de</strong>s, sans quoi il ne<br />

pourra être réglé ni ordonné ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela ? »<br />

9. Suétal dit : « S'il <strong>en</strong> est ainsi, Dieu est bi<strong>en</strong> injuste <strong>et</strong> partial ! »<br />

10. L'ange dit : « En un certain s<strong>en</strong>s, c'est vrai, mais seulem<strong>en</strong>t si l'on considère<br />

les choses avec l'étroitesse <strong>de</strong> vues <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t humain ; mais lorsque tu<br />

construis une maison, pourquoi donc creuses-tu <strong>de</strong>s fondations <strong>et</strong> y disposes-tu<br />

les pierres les plus grosses, les plus lour<strong>de</strong>s <strong>et</strong> les plus dures ?<br />

11. Que t'ont donc fait ces pierres pour que tu les rej<strong>et</strong>tes dans les obscures<br />

profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> la construction <strong>et</strong> poses <strong>en</strong> outre tout le poids <strong>de</strong> celle-ci sur leur<br />

dos ? N'as-tu donc eu aucune pitié pour ces pauvres pierres ? Quelle pression<br />

doiv<strong>en</strong>t subir les pierres qui support<strong>en</strong>t l'énorme charge d'une montagne ?<br />

(*) Littéralem<strong>en</strong>t, « <strong>en</strong> long <strong>et</strong> <strong>en</strong> large », c'est-à-dire à la longue <strong>et</strong> avec bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

détours.<br />

153


12. Et as-tu pitié <strong>de</strong>s racines d'un arbre parce qu'elles sont contraintes <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer<br />

dans l'obscurité pourrissante <strong>de</strong> la terre, tandis que les branches s'étal<strong>en</strong>t<br />

fièrem<strong>en</strong>t dans l'éther <strong>de</strong> l'air <strong>et</strong> dans sa lumière qui vivifie tout ?<br />

13. Ne sont-ce pas là déjà <strong>de</strong> pures "injustices" dans le domaine <strong>de</strong> la Création<br />

matérielle ?! Comm<strong>en</strong>t un Dieu créateur aussi sage a-t-il pu aller ainsi avec tant<br />

d'indiffér<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> d'ins<strong>en</strong>sibilité à l'<strong>en</strong>contre <strong>de</strong> tout bon s<strong>en</strong>s ?<br />

14. De même, tes pieds pourrai<strong>en</strong>t se plaindre amèrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tes mains <strong>et</strong> dire :<br />

"Pourquoi faut-il que nous qui sommes <strong>de</strong> chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> sang aussi bi<strong>en</strong> que vous,<br />

nous soyons condamnés à vous transporter, tandis que vous pouvez vous<br />

prom<strong>en</strong>er joyeusem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> sans effort à l'air libre ?"<br />

15. Et une quantité d'autres parties du corps pourrai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> même porter plainte<br />

contre la tête avec toutes les appar<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> la justice ; mais qui ne verrait à l'instant<br />

la sottise d'une telle accusation ?<br />

16. C'est <strong>de</strong> la même manière que le Seigneur a aussi doté les hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

terre <strong>de</strong> qualités différ<strong>en</strong>tes, plus <strong>grand</strong>es pour les uns, moindres pour les autres ;<br />

mais la porte du <strong>grand</strong> temple <strong>de</strong> la perfection n'est fermée à personne, car le<br />

chemin <strong>en</strong> est donné à chacun, <strong>et</strong> personne ne peut donc se plaindre <strong>en</strong> disant :<br />

"Seigneur, que ne m'as-Tu donné à moi aussi les tal<strong>en</strong>ts dont mon frère a tout<br />

lieu <strong>de</strong> jouir pleinem<strong>en</strong>t ?!" Car le Seigneur lui dirait : "Si quelque chose te<br />

manque, va trouver ton frère, <strong>et</strong> il te tirera d'embarras ! Si J'avais doté tous les<br />

hommes exactem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la même manière, aucun ne manquerait <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> vis-à-vis<br />

d'un autre, <strong>et</strong> le frère n'aurait plus besoin <strong>de</strong> son frère ! Comm<strong>en</strong>t l'amour du<br />

prochain qui anime toute chose pourrait-il alors s'éveiller <strong>et</strong> se r<strong>en</strong>forcer <strong>en</strong><br />

l'homme ?"<br />

17. Que serait donc un homme sans l'amour du prochain, <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t découvrirait-il<br />

<strong>en</strong>suite le pur amour <strong>en</strong> Dieu sans lequel aucune vie éternelle <strong>de</strong><br />

l'âme n'est concevable ?!<br />

18. Vois-tu, pour qu'un homme r<strong>en</strong><strong>de</strong> service à un autre <strong>et</strong> gagne ainsi son<br />

amour, il faut bi<strong>en</strong> qu'il soit <strong>en</strong> mesure d'accomplir certaines choses plus aisém<strong>en</strong>t<br />

qu'un autre qui n'a pas les qualités requises pour cela ; <strong>et</strong> c'est ainsi qu'un<br />

homme <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t nécessaire à l'autre <strong>et</strong> que l'amour est d'abord éveillé par la<br />

nécessité du service réciproque, puis sans cesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus fortifié par la<br />

vertu <strong>de</strong> ce service réciproque.<br />

19. Et c'est dans l'int<strong>en</strong>sité <strong>de</strong> l'amour du prochain que se trouve toujours la<br />

révélation intérieure du pur amour divin, <strong>et</strong> dans ce <strong>de</strong>rnier que rési<strong>de</strong> la vie<br />

éternelle.<br />

20. Mais si tu dis <strong>de</strong> toi-même que ri<strong>en</strong> ne peut <strong>en</strong> aucune manière provoquer <strong>en</strong><br />

toi un quelconque amour, ni une belle figure, ni aucune bonne action exemplaire,<br />

j'aimerais bi<strong>en</strong> que tu m'appr<strong>en</strong>nes par quel troisième moy<strong>en</strong> <strong>en</strong>core inconnu <strong>de</strong><br />

moi l'homme peut éveiller l'amour <strong>en</strong> son cœur <strong>et</strong> par quel moy<strong>en</strong> il r<strong>en</strong>dra c<strong>et</strong><br />

amour assez fort pour que le très pur amour divin se révèle à son cœur !?<br />

21. Et si c<strong>et</strong> amour ne lui est pas révélé <strong>en</strong> paroles ou <strong>en</strong> actes, la perspective<br />

d'une vie éternelle <strong>de</strong> l'âme après la mort du corps est assurém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong><br />

sombre <strong>et</strong> brouillée !<br />

154


22. Bref, si quelque doute subsiste <strong>en</strong>core dans ton cœur sur la survie <strong>de</strong> l'âme<br />

après la mort du corps, c'est que la révélation <strong>de</strong> la Vie n'est pas <strong>en</strong>core surv<strong>en</strong>ue<br />

; <strong>et</strong> ce que l'homme n'a pas, il doute toujours qu'il puisse l'avoir jamais, quand<br />

bi<strong>en</strong> même il voudrait l'avoir. Mais une fois que, comme on trouve un sou perdu,<br />

tu auras trouvé la vie éternelle <strong>de</strong> l'âme par la révélation <strong>en</strong> ton cœur du pur<br />

amour divin, tu ne douteras plus du tout <strong>de</strong> pouvoir possé<strong>de</strong>r pleinem<strong>en</strong>t ce que,<br />

<strong>en</strong> toute vérité, tu possè<strong>de</strong>s déjà !<br />

23. Mais cela ne peut s'obt<strong>en</strong>ir que par l'amour du prochain ; <strong>et</strong> c'est pourquoi un<br />

Ribar est beaucoup plus proche du vrai but <strong>de</strong> la vie que toi, dont le cerveau est<br />

sans doute éclairé par la lumière matérielle <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, mais qui laisses <strong>en</strong><br />

revanche ton cœur errer sans lumière ni feu comme une bête sauvage dans les<br />

sombres fourrés <strong>de</strong>s bois marécageux <strong>de</strong> l'Europe !<br />

24. C'est pourquoi je te conseille <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre bi<strong>en</strong> gar<strong>de</strong> à ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te<br />

dire, sans quoi, malgré toute ton intellig<strong>en</strong>ce, tu te vi<strong>de</strong>ras peu à peu, <strong>et</strong> le fruit<br />

doré <strong>de</strong> l'arbre <strong>de</strong> ta vie sera rongé par les vers bi<strong>en</strong> avant d'atteindre la maturité ;<br />

les vers, c'est-à-dire les doutes qui finiront par dévorer tout ton cerveau, <strong>et</strong> le fruit<br />

<strong>de</strong> ta vie <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra une charogne puante <strong>et</strong> la vile pâture <strong>de</strong>s oiseaux <strong>de</strong> proie !<br />

— M'as-tu compris ? »<br />

Chapitre 80<br />

Un homme <strong>de</strong> raison cherche l'amour<br />

1. Suétal dit : « Je t'ai compris, sans doute, mais j'aimerais presque mieux ne pas<br />

t'avoir compris ! Comm<strong>en</strong>t puis-je donc me contraindre à l'amour, quand j'<strong>en</strong> suis<br />

par nature à peu près totalem<strong>en</strong>t incapable ? Dans mes faits <strong>et</strong> gestes, je ne<br />

connais que l'approbation <strong>de</strong> ma raison ; mais l'amour du cœur m'est étranger !<br />

Dis-moi donc comm<strong>en</strong>t il vi<strong>en</strong>t à l'homme — à quoi celui-ci reconnaît-il que<br />

l'amour s'est 'éveillé dans son cœur ? Il faut bi<strong>en</strong> qu'il existe dans la vie <strong>de</strong><br />

l'homme quelque signe <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te perception, sans quoi tout c<strong>et</strong> amour ne lui<br />

servira à ri<strong>en</strong> ; car il se peut qu'il le possè<strong>de</strong> pleinem<strong>en</strong>t, mais ne sache pas que<br />

c<strong>et</strong> aspect <strong>de</strong> sa vie s'appelle "amour". De quel secours lui sera alors tout c<strong>et</strong><br />

amour !? »<br />

2. Raphaël dit : « Ne te souvi<strong>en</strong>s-tu donc plus du tout <strong>de</strong> l'époque où tu étais<br />

<strong>en</strong>core un <strong>en</strong>fant ? Qu'éprouvais-tu alors <strong>en</strong>vers tes par<strong>en</strong>ts, qui t'aimai<strong>en</strong>t fort <strong>et</strong><br />

te comblai<strong>en</strong>t, toi qui étais leur préféré, <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>faits ? »<br />

3. Suétal dit : « Cela fait certes bi<strong>en</strong> longtemps ; mais je me souvi<strong>en</strong>s <strong>en</strong>core<br />

qu'<strong>en</strong> mainte circonstance, j'étais si fort ému que les larmes m'<strong>en</strong> v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t aux<br />

yeux. Ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fantin pouvait-il être <strong>de</strong> l'amour ? »<br />

4. Raphaël dit : « Oui, oui, c'est bi<strong>en</strong> là l'amour ; celui à qui il fait défaut est <strong>en</strong><br />

définitive privé <strong>de</strong> tout ce qui fait la vie, <strong>et</strong> un tel homme, qui n'est plus que la<br />

machine d'un cerveau éclairé par la seule nature, est à peine consci<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> sa propre âme !<br />

5. C'est pourquoi l'amour <strong>en</strong>fantin doit se réveiller dans le cœur <strong>de</strong> ceux qui te<br />

155


essembl<strong>en</strong>t, car il est impossible sans cela <strong>de</strong> faire <strong>en</strong>trer un homme <strong>de</strong> pure<br />

raison dans le royaume <strong>de</strong> la Vie.<br />

6. À quoi te servira-t-il <strong>de</strong> tout compr<strong>en</strong>dre par ta raison, si pour autant tu ne<br />

peux compr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> voir ce qu'est ta propre vie <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t elle se façonne <strong>et</strong> se<br />

développe ?!<br />

7. À quoi bon, pour un jardinier, admirer toutes les belles plantes qui pouss<strong>en</strong>t<br />

dans le jardin d'autrui, s'il laisse son propre jardin <strong>en</strong> friche <strong>et</strong> la mauvaise herbe<br />

y proliférer ?! Il faut labourer les couches <strong>de</strong> son propre jardin, les débarrasser <strong>de</strong><br />

la mauvaise herbe, les <strong>en</strong>graisser <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>grais qui convi<strong>en</strong>t <strong>et</strong> les <strong>en</strong>sem<strong>en</strong>cer avec<br />

<strong>de</strong>s graines <strong>de</strong> plantes nobles, <strong>et</strong> c'est ainsi que l'on pourra, <strong>en</strong> temps voulu, se<br />

réjouir <strong>de</strong> la beauté <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'abondance <strong>de</strong>s plantes <strong>de</strong> son jardin ! — Mais plus un<br />

mot là-<strong>de</strong>ssus ; car il se prépare quelque chose du côté du <strong>grand</strong> Maître, <strong>et</strong> dans<br />

ces cas-là, il s'agit d'avoir le cœur <strong>et</strong> la tête où il faut ! »<br />

8. Ribar dit : « Mais dis-nous, céleste ami, ne <strong>de</strong>vrions-nous pas d'abord nous<br />

r<strong>en</strong>dre auprès du Maître <strong>et</strong> Le remercier pour tout le bi<strong>en</strong> qui nous a été fait ici<br />

corporellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> spirituellem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> que nous ne <strong>de</strong>vons assurém<strong>en</strong>t qu'à Sa<br />

<strong>grand</strong>e bonté <strong>et</strong> à Sa grâce ? »<br />

9. Raphaël dit : « Il ne regar<strong>de</strong> que le cœur ; si celui-ci est <strong>en</strong> ordre, alors, tout est<br />

<strong>en</strong> ordre. Lorsqu'il vous jugera prêts, Il ne manquera pas <strong>de</strong> vous appeller <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

vous indiquer ce que vous aurez à faire à l'av<strong>en</strong>ir selon vos moy<strong>en</strong>s.<br />

10. Mais il s'agit maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> nous t<strong>en</strong>ir prêts dans nos cœurs <strong>et</strong> dans tout notre<br />

être ; car lorsqu'il fait une chose, c<strong>et</strong>te chose ne vaut pas seulem<strong>en</strong>t pour nous qui<br />

sommes ici, ni même pour ce pays ou pour toute c<strong>et</strong>te terre, mais du même coup<br />

pour tout l'infini <strong>et</strong> toute l'éternité ! C'est pourquoi il importe d'<strong>en</strong> embrasser<br />

toute la profon<strong>de</strong>ur ! Compr<strong>en</strong>ez cela, <strong>et</strong> r<strong>et</strong><strong>en</strong>ez-le bi<strong>en</strong>. Car chaque parole <strong>de</strong> la<br />

bouche que l'esprit éternel <strong>de</strong> Dieu m<strong>et</strong> <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t, chacun <strong>de</strong>s actes qui<br />

s'<strong>en</strong>suiv<strong>en</strong>t ont une portée sans limites ! — Mais à prés<strong>en</strong>t, il me faut à nouveau<br />

quitter pour un temps votre compagnie <strong>et</strong> me plier à la volonté du <strong>grand</strong> Maître.<br />

»<br />

11. Là-<strong>de</strong>ssus, l'ange quitte les douze <strong>et</strong> r<strong>et</strong>ourne près <strong>de</strong> son Josoé, qui avait bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s choses à débattre avec lui ; car tous ces discours l'avai<strong>en</strong>t quelque peu<br />

désori<strong>en</strong>té, <strong>et</strong> Raphaël eut fort à faire pour rem<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> l'ordre dans les p<strong>en</strong>sées <strong>de</strong><br />

son élève.<br />

Chapitre 81<br />

Le Seigneur annonce une éclipse <strong>de</strong> soleil<br />

1. Je dis alors : « Amis, notre repas <strong>de</strong> midi matériel <strong>et</strong> spirituel a duré c<strong>et</strong>te fois<br />

quatre bonnes heures, aussi est-il temps <strong>de</strong> nous lever <strong>de</strong> table ! Nous allons<br />

observer la mer <strong>et</strong> voir s'il ne s'y passe pas quelque chose qui mérite toute notre<br />

att<strong>en</strong>tion !<br />

2. Je dois aussi vous faire remarquer à tous que dans une <strong>de</strong>mi-heure d'ici, nous<br />

allons assister à une éclipse totale <strong>de</strong> soleil. Cep<strong>en</strong>dant, que nul d'<strong>en</strong>tre vous ne<br />

156


s'<strong>en</strong> inquiète ; car c'est tout naturellem<strong>en</strong>t qu'une telle éclipse se produit !<br />

3. V<strong>en</strong>ant du couchant, la Lune, qui se déplace au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la Terre à une<br />

hauteur <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 98 000 lieues (*) , va passer <strong>de</strong>vant le Soleil <strong>et</strong> s'aligner avec lui,<br />

<strong>et</strong> ce corps massif <strong>et</strong> opaque empêchera ainsi la lumière du Soleil <strong>de</strong> parv<strong>en</strong>ir à<br />

une partie <strong>de</strong> la Terre ; l'éclipse totale ne durera que quelques instants, après quoi<br />

le Soleil dépassera à nouveau le bord <strong>de</strong> la Lune, <strong>et</strong> il fera alors <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus<br />

<strong>en</strong> plus clair sur terre. Et p<strong>en</strong>dant l'éclipsé totale, vous pourrez apercevoir les<br />

belles constellations hivernales, qui, sans cela, ne sont jamais visibles <strong>en</strong> été.<br />

4. Je vous dis cela afin <strong>de</strong> vous ôter toute crainte déraisonnable lors <strong>de</strong> tels<br />

phénomènes, <strong>et</strong> afin <strong>de</strong> vous montrer que ces phénomènes sont parfaitem<strong>en</strong>t<br />

naturels ; ainsi donc, n'ayez nulle crainte quand le phénomène survi<strong>en</strong>dra !<br />

5. Mais <strong>en</strong> même temps, nous découvrirons sur l'horizon <strong>de</strong> la mer trois<br />

vaisseaux marchands ; ces vaisseaux doiv<strong>en</strong>t être am<strong>en</strong>és à la terre avant le début<br />

du phénomène, sans quoi la dangereuse superstition <strong>de</strong>s matelots les <strong>en</strong>traînerait<br />

à j<strong>et</strong>er à la mer la fille remarquablem<strong>en</strong>t belle <strong>et</strong> vertueuse d'un honnête Grec<br />

ainsi que son père qui l'accompagne.<br />

6. Car tous <strong>de</strong>ux se r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à Jérusalem afin <strong>de</strong> visiter le Temple <strong>et</strong> d'y appr<strong>en</strong>dre<br />

à la source la doctrine <strong>de</strong>s Juifs, <strong>et</strong> ils emport<strong>en</strong>t à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> sur leurs trois<br />

vaisseaux une quantité <strong>de</strong> richesses qui tomberai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite comme une bonne<br />

prise <strong>en</strong>tre les mains rapaces <strong>de</strong>s méchants matelots grecs.<br />

7. C'est pourquoi il n'y a pas <strong>de</strong> temps à perdre ; car les corps célestes suiv<strong>en</strong>t<br />

inexorablem<strong>en</strong>t la route tracée par leur loi propre. Si l'on arrêtait leur course, la<br />

terre <strong>en</strong> subirait <strong>de</strong>s dommages si <strong>grand</strong>s que mille ans ne suffirai<strong>en</strong>t pas à les<br />

effacer ; mais si l'on amène les trois vaisseaux à la rive à une vitesse quelque peu<br />

merveilleuse, non seulem<strong>en</strong>t cela ne fera pas le moindre tort à quiconque, mais il<br />

peut <strong>en</strong> résulter un très <strong>grand</strong> profit matériel <strong>et</strong> spirituel pour bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s pauvres <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te contrée. Aussi, m<strong>et</strong>tons-nous vite à l'œuvre ! »<br />

8. Tous s'empress<strong>en</strong>t alors vers le rivage <strong>et</strong> s'y install<strong>en</strong>t sur une longue ligne,<br />

non sans que cela Me donne quelque peine ; car Cyrénius avec sa suite, Mes<br />

douze disciples <strong>et</strong> quelques autres qui nous accompagn<strong>en</strong>t <strong>de</strong>puis longtemps —<br />

soit près <strong>de</strong> soixante personnes au total —, les tr<strong>en</strong>te jeunes Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> lévites<br />

conduits par leurs porte-parole Hébram <strong>et</strong> Risa, les cinq avec le sage Mathaël <strong>et</strong><br />

les douze avec Suétal, Ribal <strong>et</strong> Baël, tous se press<strong>en</strong>t autour <strong>de</strong> Moi <strong>et</strong> tous<br />

voudrai<strong>en</strong>t être aussi près <strong>de</strong> Moi que possible, tandis qu'Ebahi avec Jarah <strong>et</strong><br />

Raphaël avec Josoé Me serr<strong>en</strong>t déjà <strong>de</strong> près, Jarah allant même jusqu'à ne plus<br />

lâcher Ma robe. Mais Raphaël m<strong>et</strong> bi<strong>en</strong>tôt bon ordre à tout cela <strong>en</strong> distribuant <strong>en</strong><br />

un instant à tous les occupants du rivage <strong>de</strong>s places très commo<strong>de</strong>s, tandis<br />

qu'avec Cyrénius <strong>et</strong> le vieux Marc, Je monte dans une barque qui va <strong>et</strong> vi<strong>en</strong>t au<br />

plus près du rivage sous les yeux <strong>de</strong> tous, ce que chacun approuve pleinem<strong>en</strong>t, y<br />

compris Mes disciples.<br />

9. Cep<strong>en</strong>dant, la lune est déjà fort proche du soleil, <strong>et</strong> J’appelle Raphaël, disant :<br />

« Tu sais ce qu'il faut faire à prés<strong>en</strong>t, aussi, ne tar<strong>de</strong> plus ! »<br />

(*) Il s'agit donc ici <strong>de</strong> la lieue ordinaire d'<strong>en</strong>viron 4 km. (N.d.T.)<br />

157


10. Et Raphaël dit, <strong>en</strong> vérité pour les assistants : « Seigneur, d'un seul coup, ou<br />

avec quelque l<strong>en</strong>teur ? »<br />

11. Je dis : « D'un seul coup, dans une douzaine d'instants ! »<br />

12. Mais les trois vaisseaux étai<strong>en</strong>t si éloignés qu'on les distinguait à peine, car<br />

ils pouvai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> être à près <strong>de</strong> quatre lieues <strong>en</strong> ligne droite.<br />

Chapitre 82<br />

Raphaël se fait pilote pour sauver les Grecs <strong>en</strong> détresse<br />

1. Cyrénius avait beau forcer son regard, il ne voyait aucun vaisseau. Marc n'y<br />

parv<strong>en</strong>ait pas davantage ; mais d'autres, dont la vue était très perçante, aperçur<strong>en</strong>t<br />

les vaisseaux qui, gros comme trois moucherons, avançai<strong>en</strong>t sur la mer, <strong>et</strong> dir<strong>en</strong>t<br />

: « Seigneur, par bon v<strong>en</strong>t, ils <strong>en</strong> ont pour <strong>de</strong>ux bonnes heures avant d'atteindre<br />

ce rivage ! »<br />

2. Je dis : « Ne vous inquiétez pas pour cela ! Mon navigateur les amènera à la<br />

rive <strong>en</strong> temps voulu ! »<br />

3. Les tr<strong>en</strong>te jeunes Pharisi<strong>en</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt : « Qui est celui qui peut faire une telle<br />

chose, <strong>et</strong> où est-il ? »<br />

4. Je dis : « Vous connaissez bi<strong>en</strong> le jeune m<strong>en</strong>tor du fils adoptif <strong>de</strong> Cyrénius ;<br />

c'est lui. »<br />

5. Les tr<strong>en</strong>te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt avec inquiétu<strong>de</strong> : « Où donc est son bateau ? »<br />

6. Raphaël dit alors : « Je n'<strong>en</strong> ai nul besoin !» <strong>et</strong> à c<strong>et</strong> instant, il disparaît. Tous<br />

s'effrai<strong>en</strong>t, croyant que le jeune homme a sauté à l'eau <strong>et</strong> va maint<strong>en</strong>ant, tel un<br />

poisson, nager rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t vers les vaisseaux. Car beaucoup ne savai<strong>en</strong>t pas<br />

<strong>en</strong>core que Raphaël était <strong>en</strong> vérité un ange, donc un pur esprit ; beaucoup le<br />

pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pour le m<strong>en</strong>tor <strong>de</strong> Josoé, alors qu'il n'était que celui <strong>de</strong> Jarah. Mais<br />

comme on le voyait ici plus souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> compagnie <strong>de</strong> Josoé que <strong>de</strong> Jarah, il<br />

passait auprès <strong>de</strong> la plupart pour un jeune m<strong>en</strong>tor <strong>de</strong> Josoé.<br />

7. Mais avant que les questionneurs ai<strong>en</strong>t pu se reconnaître, Raphaël était déjà<br />

rev<strong>en</strong>u au rivage avec les trois vaisseaux d'assez belle taille, <strong>et</strong> il se t<strong>en</strong>ait à bord<br />

<strong>de</strong> celui qui portait, avec sa fille plus pieuse <strong>en</strong>core, le pieux Grec, empli<br />

d'étonnem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> d'effroi ; car premièrem<strong>en</strong>t, c<strong>et</strong> abordage d'une rapidité inconcevable<br />

à une côte tout à fait inconnue <strong>de</strong> lui lui apparaissait comme un rêve, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t, il ne savait que p<strong>en</strong>ser du jeune pilote <strong>et</strong> ne pouvait s'expliquer le<br />

miraculeux phénomène ; car ce changem<strong>en</strong>t si rapi<strong>de</strong> l'avait trop singulièrem<strong>en</strong>t<br />

surpris.<br />

8. Les matelots eux aussi étai<strong>en</strong>t remplis d'étonnem<strong>en</strong>t <strong>et</strong>, figés à leur poste<br />

comme <strong>de</strong>s statues, n'osai<strong>en</strong>t plus plonger les rames dans l'eau. Ce n'est qu'après<br />

quelques instants <strong>de</strong> profon<strong>de</strong> stupéfaction <strong>et</strong> d'émerveillem<strong>en</strong>t que le Grec<br />

<strong>de</strong>manda au jeune homme avec le plus <strong>grand</strong> respect : « Qui es-tu, ô puissante<br />

créature ? Qui t'a commandé <strong>de</strong> nous am<strong>en</strong>er aussi vite à bon port, <strong>et</strong> pour quelle<br />

raison ? »<br />

158


9. Raphaël dit : « Ne me questionne pas, mais regar<strong>de</strong> le soleil, qui bi<strong>en</strong>tôt va<br />

perdre son éclat pour quelques instants ! Si tu étais resté <strong>en</strong> haute mer, les<br />

matelots, avec leur dangereuse superstition, t'aurai<strong>en</strong>t j<strong>et</strong>é par-<strong>de</strong>ssus bord avec<br />

ta fille <strong>et</strong> se serai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite partagé les trésors que tu emportais ; mais notre<br />

<strong>grand</strong> Maître divin a vu cela d'avance, <strong>et</strong> c'est pourquoi Il m'a <strong>en</strong>voyé te sauver<br />

au plus vite. Tu es désormais <strong>en</strong> parfaite sûr<strong>et</strong>é, mais <strong>de</strong>s choses déplaisantes<br />

vont <strong>en</strong>core surv<strong>en</strong>ir pour toi, aussi dois-je rester auprès <strong>de</strong> toi sur le bateau<br />

p<strong>en</strong>dant ces sombres événem<strong>en</strong>ts, sans quoi ces brutes <strong>de</strong> matelots te causerai<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s désagrém<strong>en</strong>ts. »<br />

10. Le Grec regar<strong>de</strong> alors le soleil <strong>et</strong>, à leur <strong>grand</strong> effroi, lui <strong>et</strong> sa fille remarqu<strong>en</strong>t<br />

qu'il ne subsiste plus du soleil qu'une mince bordure ; le Grec se lève <strong>de</strong> son<br />

siège <strong>et</strong>, s'adressant au ciel, se m<strong>et</strong> à maudire le dragon mauvais qui m<strong>en</strong>ace<br />

maint<strong>en</strong>ant d'avaler complètem<strong>en</strong>t le soleil.<br />

11. Car c'était la coutume pieuse <strong>de</strong> certains paï<strong>en</strong>s d'Asie Mineure que <strong>de</strong> lancer<br />

au méchant dragon les plus terribles imprécations, afin que le dragon, effrayé,<br />

recrachât le soleil qu'il avait avalé <strong>et</strong> que celui-ci se remît à briller. Mais le vieil<br />

homme n'avait pas <strong>en</strong>core achevé ses pieuses imprécations que le soleil était<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t recouvert par la lune.<br />

12. Aussitôt, <strong>de</strong> terribles hurlem<strong>en</strong>ts s'élevèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la foule <strong>de</strong>s matelots, mais<br />

aussi sur la rive parmi les soldats romains, <strong>et</strong> les matelots, r<strong>en</strong>dus à <strong>de</strong>mi furieux<br />

par la peur, se précipitèr<strong>en</strong>t sur le Grec <strong>et</strong> voulur<strong>en</strong>t le j<strong>et</strong>er à la mer, ainsi que sa<br />

fille <strong>et</strong> Raphaël ; car ils les t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t tous trois pour responsables <strong>de</strong> ce terrible<br />

châtim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s dieux, qu'ils voulai<strong>en</strong>t ainsi apaiser. Mais Raphaël <strong>en</strong>leva <strong>de</strong>s<br />

vaisseaux tous les matelots <strong>et</strong> les déposa sur la rive ; quant au plus méchant, il le<br />

j<strong>et</strong>a à la mer, <strong>et</strong> celui-ci, qui était bon nageur, eut fort à faire pour rejoindre la<br />

terre, épuisé, assez loin <strong>de</strong>s bateaux.<br />

Chapitre 83<br />

Conséqu<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> l'éclipse <strong>de</strong> soleil<br />

1. Tandis que ces événem<strong>en</strong>ts se déroulai<strong>en</strong>t, le soleil reparut <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la<br />

lune, <strong>et</strong> tous les assistants r<strong>et</strong>rouvèr<strong>en</strong>t leur gai<strong>et</strong>é première ; seuls Cyrénius <strong>et</strong><br />

Jules étai<strong>en</strong>t restés parfaitem<strong>en</strong>t calmes à Mes côtés p<strong>en</strong>dant l'éclipsé totale.<br />

2. Mes disciples eux-mêmes étai<strong>en</strong>t quelque peu inqui<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> Jarah <strong>et</strong> Josoé,<br />

tremblants <strong>de</strong> frayeur, sautèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> hâte dans Ma barque qui avait accosté ; mais<br />

leur frayeur n'était pas tant le résultat <strong>de</strong> l'éclipse que celui <strong>de</strong>s hurlem<strong>en</strong>ts déchaînés<br />

<strong>de</strong>s matelots. Car Jarah <strong>et</strong> Josoé connaissai<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> la cause <strong>de</strong><br />

l'éclipsé <strong>de</strong> soleil, mais ils n'étai<strong>en</strong>t pas préparés à la terrible clameur, <strong>et</strong> c'est<br />

pourquoi, fort apeurés, ils avai<strong>en</strong>t sauté dans Ma barque <strong>et</strong> se t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t aussi près<br />

<strong>de</strong> Moi que possible. Entre-temps, Cyrénius <strong>et</strong> Jules avai<strong>en</strong>t admiré avec <strong>grand</strong><br />

plaisir les belles constellations hivernales, qu'ils n'avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core jamais vues<br />

l'été.<br />

3. La lumière se fit peu à peu, la joie revint dans les cœurs éprouvés <strong>de</strong>s hommes,<br />

<strong>et</strong> les matelots r<strong>et</strong>ournèr<strong>en</strong>t aux trois vaisseaux, <strong>de</strong>mandant pardon au jouv<strong>en</strong>ceau<br />

159


<strong>de</strong> l'avoir si violemm<strong>en</strong>t pris à partie tout à l'heure.<br />

4. Ils <strong>de</strong>mandèr<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t pardon au Grec, <strong>et</strong> celui-ci (le Grec) leur dit : «<br />

Chacun doit faire ce que sa foi lui comman<strong>de</strong>, s'il ne trouve pas <strong>en</strong> lui une plus<br />

sage raison qui s'y oppose ; mais il faudra désormais que votre foi <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne plus<br />

luci<strong>de</strong>, <strong>et</strong> vous compr<strong>en</strong>drez alors que les <strong>grand</strong>s dieux n'exig<strong>en</strong>t pas que nous<br />

sacrifiions <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> notre propre main, car ils ont eux-mêmes <strong>en</strong>tre les<br />

mains <strong>de</strong> multiples moy<strong>en</strong>s d'<strong>en</strong>lever à leur gré les hommes à c<strong>et</strong>te terre par<br />

c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> milliers. »<br />

5. C<strong>et</strong>te leçon <strong>de</strong> notre Grec apaise les matelots, <strong>et</strong> ils prom<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ne plus<br />

oublier c<strong>et</strong>te sage leçon si un phénomène semblable se reproduit à l'av<strong>en</strong>ir. Puis<br />

ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt au Grec s'il veut poursuivre son voyage ou s'il se propose <strong>de</strong><br />

séjourner ici.<br />

6. Et le Grec répond : « Ne voyez-vous pas parmi nous ce très puissant<br />

jouv<strong>en</strong>ceau ? ! Il m'a fait du bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> me sauvant <strong>de</strong> votre aveugle fureur ; je lui<br />

suis re<strong>de</strong>vable <strong>de</strong> ma vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> mon unique <strong>et</strong> très chère fille. Lui seul me<br />

comman<strong>de</strong> à prés<strong>en</strong>t ; je ferai ce qu'il me dira, <strong>et</strong> ne m'éloignerai pas d'ici d'un<br />

cheveu, même s'il faut y rester dix ans, qu'il n'y cons<strong>en</strong>te ou ne l'exige !<br />

7. De plus, une bonne voix intérieure me dit que j'ai déjà trouvé <strong>en</strong> ce lieu<br />

d'appar<strong>en</strong>ce mo<strong>de</strong>ste plus que je ne trouverais dans tout Jérusalem. Aussi<br />

<strong>de</strong>meurerai-je ici. Je vais seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à l'hôte <strong>de</strong> c<strong>et</strong> <strong>en</strong>droit si je peux<br />

séjourner ici même. Si cela est possible, je ferai aussitôt débarquer mes bêtes <strong>de</strong><br />

somme <strong>et</strong> toutes les richesses que j'ai emportées, <strong>et</strong> vous pourrez alors rem<strong>et</strong>tre<br />

vos navires à flot. »<br />

8. P<strong>en</strong>dant c<strong>et</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>, Je suis v<strong>en</strong>u Moi-même, avec Cyrénius, Jules, Marc, le<br />

vieil aubergiste, Jarah <strong>et</strong> Josoé, sur le vaisseau où se trouvait le Grec, <strong>et</strong> Marc<br />

s'adresse aussitôt à lui <strong>en</strong> disant : « Ami, tu sais qu'un hôte honnête ne manque<br />

jamais d'invités. Je suis l'hôte <strong>de</strong> ces lieux, <strong>et</strong> j'héberge dans ma pauvre maison <strong>et</strong><br />

sous mes t<strong>en</strong>tes tous les chers visiteurs que tu vois ici ; mais il y a <strong>en</strong>core place<br />

pour toi si tu veux <strong>de</strong>meurer ! »<br />

9. Le Grec dit fort cordialem<strong>en</strong>t : « Ami, il ne me faut qu'un rectangle <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te<br />

pas <strong>de</strong> longueur sur dix <strong>de</strong> largeur où faire dresser par les serviteurs que j'ai<br />

am<strong>en</strong>és mes trois bonnes <strong>et</strong> précieuses t<strong>en</strong>tes, <strong>et</strong> je serai pourvu ; car je transporte<br />

avec moi <strong>en</strong> quantité nourritures <strong>et</strong> boissons <strong>et</strong> possè<strong>de</strong> beaucoup d'or <strong>et</strong> d'arg<strong>en</strong>t<br />

pour <strong>en</strong> ach<strong>et</strong>er d'autres si celles que j'ai emportées v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à s'épuiser. J'ai<br />

égalem<strong>en</strong>t du fourrage pour mes bêtes <strong>de</strong> somme <strong>et</strong> suis donc <strong>de</strong> tous côtés aussi<br />

bi<strong>en</strong> pourvu que possible ; il ne me manque qu'une place pour loger tout cela,<br />

aussi te la louerai-je pour un temps. Que <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s-tu par jour pour la surface<br />

que j'ai dite ? »<br />

10. Marc dit fort aimablem<strong>en</strong>t : « Je sais bi<strong>en</strong> que chez vous, les Grecs, les<br />

comptes sont toujours très précis ; mais ce n'est pas l'usage chez nous, Romains<br />

<strong>et</strong> bons Juifs. Demeure ici aussi longtemps qu'il te plaira, <strong>et</strong> il ne te sera ri<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>mandé que ta vraie <strong>et</strong> sincère amitié ; <strong>et</strong> si, à côté <strong>de</strong> cela, tu veux faire quelque<br />

chose pour un pauvre homme égaré par ici, cela est laissé à ton appréciation sans<br />

le moindre calcul. Aussi, fais déballer tes bagages <strong>et</strong> installe-toi aussi à l'aise que<br />

dans ta propre maison ; car tant que tu séjourneras ici, tu pourras disposer non<br />

160


seulem<strong>en</strong>t du p<strong>et</strong>it morceau <strong>de</strong> terre que tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, mais <strong>de</strong> tout mon domaine<br />

qui n'est pas si p<strong>et</strong>it, <strong>et</strong> ma table sera mise pour toi aussi ! — Dis-moi si cela te<br />

satisfait. »<br />

11. Le Grec dit : « Ah, ami, tes paroles me confon<strong>de</strong>nt ; je suis dans un <strong>grand</strong><br />

embarras si je ne peux te r<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> quelque manière la <strong>grand</strong>e amitié si parfaitem<strong>en</strong>t<br />

désintéressée que tu me fais, <strong>et</strong> je n'ose guère recourir à ton auth<strong>en</strong>tique<br />

générosité ! »<br />

12. Marc dit : « Ami, ton amitié aura pourtant plus <strong>de</strong> valeur que toutes les<br />

<strong>grand</strong>es richesses que tu transportes avec toi, <strong>et</strong> dont je n'ai nul besoin, car j'<strong>en</strong> ai<br />

désormais <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong>es peut-être ; mais certes non pas tant matérielles que<br />

spirituelles ! »<br />

13. Le Grec dit : « Ainsi donc, tu as <strong>de</strong>puis longtemps déjà ce qu'avec ma fille je<br />

cherche <strong>en</strong> vain <strong>de</strong>puis si longtemps dans tous les coins <strong>de</strong> la terre ? »<br />

14. Marc dit : « Ce que toute la terre, les étoiles, le soleil <strong>et</strong> la lune, ce que nul<br />

temple <strong>et</strong> nul oracle ne peuv<strong>en</strong>t te donner, tu le trouveras ici, à c<strong>et</strong>te place même.<br />

Aussi, fais défaire tes bagages, car tu es arrivé ! »<br />

15. Aussitôt, le Grec ordonna à ses quatorze serviteurs <strong>de</strong> se m<strong>et</strong>tre au travail.<br />

Chapitre 84<br />

Des dieux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s hommes<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, Je dis au Grec : « Ami, écoute-Moi ! Tes quatorze serviteurs sont<br />

sans doute g<strong>en</strong>s fort zélés <strong>et</strong> habiles ; mais comme tu as beaucoup <strong>de</strong> bagages,<br />

cela <strong>de</strong>vrait leur pr<strong>en</strong>dre un certain temps pour m<strong>et</strong>tre tout cela <strong>en</strong> bon ordre.<br />

2. Mais sous c<strong>et</strong>te .appar<strong>en</strong>ce juvénile, tu vois ici l'un <strong>de</strong> Mes nombreux serviteurs,<br />

qui <strong>en</strong> fait plus <strong>en</strong> un instant que n'<strong>en</strong> ferai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble tes quatorze serviteurs<br />

<strong>en</strong> plus <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t ans ; aussi tes serviteurs peuv<strong>en</strong>t-ils se reposer pour c<strong>et</strong>te<br />

fois, <strong>et</strong> <strong>en</strong> un instant, Mon serviteur ici prés<strong>en</strong>t m<strong>et</strong>tra à lui seul toutes tes affaires<br />

dans l'ordre auquel tu es accoutumé, comme tes quatorze serviteurs ne le ferai<strong>en</strong>t<br />

pas <strong>en</strong> trois jours !<br />

3. Si tu veux, Je le lui ordonnerai ! »<br />

4. Le Grec dit : « Ami, si une telle chose est possible sur c<strong>et</strong>te terre, fais-le, je<br />

t'<strong>en</strong> prie ! Car le voyage a déjà beaucoup fatigué mes serviteurs, <strong>et</strong> il leur faudrait<br />

sans doute fort longtemps pour déballer <strong>et</strong> installer les t<strong>en</strong>tes ! »<br />

5. Je dis à Raphaël : « Montre-nous ce qui est possible à un pur esprit <strong>en</strong> un très<br />

bref instant ! »<br />

6. Raphaël s'incline alors profondém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> dit : « Comme Tu me l'as ordonné,<br />

Seigneur, tout est déjà parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ordre ! »<br />

7. Là-<strong>de</strong>ssus, Je dis au Grec : « Eh bi<strong>en</strong>, ami, lève-toi <strong>et</strong> regar<strong>de</strong> si le travail a été<br />

fait à ton gré ! »<br />

8. Le Grec se lève, lève trois fois ses mains jointes au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête <strong>et</strong>, étonné<br />

161


au plus point, dit : « Oui, par tous les dieux ! Qu'est-ce donc ?! Le garçon ne<br />

nous a pourtant jamais quittés <strong>en</strong>core, <strong>et</strong> mes t<strong>en</strong>tes sont déjà dressées au mieux<br />

<strong>et</strong> tout semble dans un ordre parfait ! Non, non, non, il n'y a là ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> naturel !<br />

Mais il faut que j'aille voir dans mes t<strong>en</strong>tes ce qu'il <strong>en</strong> est <strong>de</strong> ce bon ordre ! »<br />

9. Là-<strong>de</strong>ssus, il quitte le vaisseau <strong>et</strong>, accompagné <strong>de</strong> nous <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa fille, se r<strong>en</strong>d à<br />

ses t<strong>en</strong>tes où, à son insigne émerveillem<strong>en</strong>t, il trouve que tout est véritablem<strong>en</strong>t<br />

dans un ordre parfait.<br />

10. C<strong>et</strong>te fois, c'<strong>en</strong> est trop pour lui. Saisi d'une sorte <strong>de</strong> vertige émerveillé, il (le<br />

Grec) dit au bout <strong>de</strong> plusieurs minutes d'un étonnem<strong>en</strong>t qui semble ne jamais<br />

vouloir finir : « Ou je suis tombé chez <strong>de</strong>s maîtres magici<strong>en</strong>s d'Egypte, ou chez<br />

<strong>de</strong> véritables dieux ; car ce qui vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se passer ici est inouï <strong>et</strong> n'a jamais existé<br />

<strong>de</strong> mémoire d'homme ! Et toi, ami (il se tourne vers Moi), tu serais donc le<br />

maître <strong>de</strong> tous ceux-là, ou bi<strong>en</strong> Zeus <strong>en</strong> personne !? Aucune chair ne t'a<br />

<strong>en</strong>g<strong>en</strong>dré, non plus que ce jeune homme, <strong>et</strong> il faut que tu aies été <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dré par<br />

l'esprit <strong>de</strong> toute éternité ! Ô dieux, ô dieux, quelle puissance doit être la vôtre<br />

pour que vous soyez capables <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> telles choses, <strong>et</strong> combi<strong>en</strong> misérable est<br />

<strong>de</strong>vant vous le pauvre ver <strong>de</strong> terre aveugle qu'est l'homme mortel ! Vous pouvez<br />

tout, <strong>et</strong> le ver <strong>de</strong> terre ne peut ri<strong>en</strong> dans son inanité ! Ami, toi qui es un dieu <strong>et</strong> à<br />

qui tout obéit, que puis-je faire, moi mortel, pour un dieu immortel comme toi ?<br />

Que te donnerai-je, à toi qui comman<strong>de</strong> à toute la terre, au soleil, à la lune <strong>et</strong> aux<br />

étoiles ? »<br />

11. Je dis : « Ami, tu as par nature <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es lumières, <strong>et</strong> tu juges comme il<br />

convi<strong>en</strong>t l'appar<strong>en</strong>t miracle qui vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se produire, mais tu ne dois pas m<strong>et</strong>tre<br />

l'homme trop au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> l'idée que tu as <strong>de</strong> tes dieux ; car Je te le dis, <strong>en</strong><br />

vérité, tous ceux que tu connais <strong>et</strong> honores comme <strong>de</strong>s dieux ne sont ri<strong>en</strong> du tout<br />

comparés à un homme empli du véritable esprit <strong>de</strong> Dieu.<br />

12. Tous ces g<strong>en</strong>s que tu vois ici ont déjà pour la plupart la même puissance que<br />

ce jeune homme, <strong>et</strong> ce sont pourtant <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> sang !<br />

13. Touche-Moi, <strong>et</strong> tu te r<strong>en</strong>dras compte que Je suis Moi aussi <strong>de</strong> chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> sang<br />

pour ce qui est <strong>de</strong> Mon appar<strong>en</strong>ce physique extérieure ; mais c<strong>et</strong>te chair <strong>et</strong> ce<br />

sang sont remplis <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong> Dieu, qui seul est tout-puissant <strong>et</strong> à la puissante<br />

volonté <strong>de</strong> qui tout se conforme.<br />

14. Et c'est ainsi que tous, ici-bas, nous agissons uniquem<strong>en</strong>t par la force <strong>de</strong><br />

l'esprit <strong>de</strong> Dieu qui est <strong>en</strong> nous <strong>et</strong> qui p<strong>en</strong>se <strong>et</strong> veut <strong>en</strong> nous ce que Sa très <strong>grand</strong>e<br />

sagesse qui voit <strong>et</strong> perçoit tout reconnaît comme bon <strong>et</strong> nécessaire.<br />

15. Il se trouve seulem<strong>en</strong>t que, pour le temps prés<strong>en</strong>t, Je possè<strong>de</strong> Moi-même au<br />

plus haut <strong>de</strong>gré c<strong>et</strong>te qualité <strong>et</strong> <strong>en</strong> suis donc le maître ; mais Je puis aussi <strong>en</strong> doter<br />

tout homme <strong>de</strong> quelque bonne volonté.<br />

16. En revanche, c<strong>et</strong>te faculté ne peut <strong>et</strong> ne pourra jamais être conférée à un<br />

homme d'une volonté mauvaise <strong>et</strong> hostile ; car un homme doit d'abord être<br />

pleinem<strong>en</strong>t initié à la sainte ordonnance <strong>de</strong> l'Esprit divin avant <strong>de</strong> recevoir <strong>en</strong><br />

partage la faculté <strong>de</strong> puissance <strong>de</strong> l'esprit éternel <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> celle-ci ne peut<br />

consister qu'<strong>en</strong> une seule chose, à savoir que l'Esprit divin imprègne totalem<strong>en</strong>t<br />

l'âme <strong>de</strong> l'homme pur. L'âme imprégnée <strong>de</strong> l'Esprit divin ne veut alors plus que<br />

162


ce que veut l'esprit <strong>de</strong> Dieu ; or, ce que veut Celui-là doit arriver, parce que Lui<br />

seul est la force <strong>et</strong> la puissance créatrice éternelle dans l'infini tout <strong>en</strong>tier !<br />

17. Car tout ce qui existe, vit <strong>et</strong> p<strong>en</strong>se dans l'espace infini est, selon sa partie<br />

spirituellem<strong>en</strong>t vivante, la p<strong>en</strong>sée <strong>de</strong> c<strong>et</strong> Esprit étemel immuablem<strong>en</strong>t fixée dans<br />

l'ordre décidé par Lui-même, <strong>et</strong> l'idée formulée à partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>sée, idée<br />

cep<strong>en</strong>dant elle-même capable, selon la nature <strong>de</strong> son être, <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir spirituelle<br />

<strong>et</strong> autonome.<br />

18. Voici très brièvem<strong>en</strong>t, ami, ce qu'il <strong>en</strong> est ! Tu p<strong>en</strong>ses bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> compr<strong>en</strong>dras<br />

vite bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses ; mais pour l'instant, que ce peu te suffise !<br />

19. Cep<strong>en</strong>dant, Je vais te donner pour compagnon un certain Mathaël, homme<br />

plein <strong>de</strong> sagesse ; tu appr<strong>en</strong>dras beaucoup <strong>de</strong> lui <strong>et</strong> Me compr<strong>en</strong>dras <strong>en</strong>suite<br />

mieux qu'à prés<strong>en</strong>t ! »<br />

20. Le Grec, que Ma sagesse emplit du plus profond étonnem<strong>en</strong>t, se déclare tout<br />

à fait cont<strong>en</strong>t <strong>et</strong> souhaite fort voir c<strong>et</strong> homme.<br />

21. Et J’appelle aussitôt Mathaël <strong>et</strong> lui dis : « Il y a là, cher ami, une maison qui<br />

m<strong>en</strong>ace ruine ; tu es bon charp<strong>en</strong>tier <strong>et</strong> sauras bi<strong>en</strong> ce qu'il faut y réparer ! »<br />

22. Mathaël dit : « Seigneur, avec Ton ai<strong>de</strong>, c<strong>et</strong>te maison <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra bonne <strong>et</strong><br />

soli<strong>de</strong> ! »<br />

Chapitre 85<br />

Ouran <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t l'élève <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. Sur ces <strong>en</strong>trefaites, Ouran (ainsi se nommait le Grec, <strong>et</strong> sa fille s'appelait<br />

Hélène) se tut <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>ça à se recueillir, afin <strong>de</strong> pouvoir, <strong>en</strong> homme ayant une<br />

<strong>grand</strong>e expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la vie, s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir avec Mathaël, qu'on lui avait prés<strong>en</strong>té <strong>et</strong><br />

dont les quelques paroles qu'il avait prononcées lui avai<strong>en</strong>t déjà fait compr<strong>en</strong>dre<br />

la <strong>grand</strong>e sagesse, <strong>et</strong> observer avec lui <strong>en</strong> toute circonstance le SAPIENTI PAUCA (*) ,<br />

afin <strong>de</strong> ne pas passer pour un homme qui ne sait ce qu'il dit. Ainsi, lorsque Ouran<br />

se fut un peu reposé <strong>et</strong> qu'il eut r<strong>et</strong>rouvé son calme, il observa une assez longue<br />

pause, puis <strong>de</strong>manda à Mathaël s'il voulait l'accompagner dans tous ses voyages<br />

<strong>de</strong> par le mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> ce qu'il <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait <strong>en</strong> échange.<br />

2. Mathaël Me désigne <strong>et</strong> répond : « Celui que tu vois ici est le Sauveur du corps,<br />

<strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'esprit ! Il y a à peine douze heures, j'étais <strong>en</strong>core l'être le plus<br />

misérable <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre. Mes <strong>en</strong>trailles étai<strong>en</strong>t possédées <strong>de</strong>s pires esprits malins,<br />

si bi<strong>en</strong> que tout mon être était <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u un diable terrestre. Avec une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

redoutables brigands, j'étais la terreur <strong>de</strong> toute la contrée, car mes membres<br />

étai<strong>en</strong>t contraints <strong>de</strong> servir les diables ; mais mon âme, paralysée, ne savait pas<br />

ce que faisait son pauvre corps. Tu vois par là, ami, dans quelle misère j'étais !<br />

Qui aurait pu me secourir ?! Je terrorisais plus que quiconque tous ceux qui<br />

m'approchai<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> tu te serais plus facilem<strong>en</strong>t tiré d'affaire avec dix tigres<br />

affamés qu'avec moi seul. Il fallut une cohorte <strong>de</strong>s plus hardis soldats romains<br />

(*) « Le sage se conl<strong>en</strong>te <strong>de</strong> peu ».<br />

163


pour nous maîtriser, moi <strong>et</strong> mes compagnons ; ligoté <strong>et</strong> <strong>en</strong>chaîné comme un fût,<br />

je fus am<strong>en</strong>é ici, avec mes quatre féroces compagnons, pour y être condamné à<br />

mort.<br />

3. Mais tu vois ici le <strong>grand</strong> Maître <strong>et</strong> Sauveur v<strong>en</strong>u du ciel jusqu'à nous, misérables<br />

vers <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre cruelle <strong>et</strong> pleine <strong>de</strong> diables, afin <strong>de</strong> nous guérir nous<br />

aussi, diables incarnés, par la parole <strong>et</strong> les actes ; Il m'a guéri avec mes<br />

compagnons, <strong>et</strong> pour c<strong>et</strong>te guérison, non seulem<strong>en</strong>t Il n'a ri<strong>en</strong> exigé <strong>de</strong> nous,<br />

mais Il nous a <strong>en</strong>core accordé d'imm<strong>en</strong>ses bi<strong>en</strong>faits, matériels <strong>et</strong> surtout spirituels<br />

!<br />

4. À prés<strong>en</strong>t, mon divin Sauveur vi<strong>en</strong>t pour la première fois <strong>de</strong> me <strong>de</strong>stiner à un<br />

service pour lequel tu me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s quel salaire j'exigerais <strong>de</strong> toi. Ô ami, il me<br />

serait assurém<strong>en</strong>t impossible <strong>de</strong> te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r quoi que ce soit avant d'avoir<br />

acquitté ma <strong>de</strong>tte <strong>en</strong>vers Lui, le seul <strong>grand</strong> ; car <strong>en</strong> te servant, je ne sers <strong>en</strong> vérité<br />

que Celui qui m'a désigné, <strong>et</strong> non toi !<br />

5. Cep<strong>en</strong>dant, je <strong>de</strong>meurerai éternellem<strong>en</strong>t Son très <strong>grand</strong> débiteur, <strong>et</strong> ce n'est<br />

qu'<strong>en</strong> Le servant que je peux diminuer quelque peu ma <strong>de</strong>tte. Aussi, ami, ne me<br />

<strong>de</strong>vras-tu jamais ri<strong>en</strong> pour aucun service r<strong>en</strong>du par moi — si ce n'est ton amitié <strong>et</strong><br />

ton amour fraternel auth<strong>en</strong>tiques !<br />

6. Car ce que j'ai reçu pour ri<strong>en</strong>, je te le transm<strong>et</strong>trai pour le même prix ! Tu<br />

n'obti<strong>en</strong>dras certes <strong>de</strong> moi ni or, ni arg<strong>en</strong>t, ni pierres précieuses ; mais ce que j'ai,<br />

je te le donnerai gratuitem<strong>en</strong>t, comme je l'ai reçu. Aussi, épargne-moi à l'av<strong>en</strong>ir<br />

toute question <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sorte ! »<br />

7. Ouran dit : « Ami, tu es l'un <strong>de</strong>s hommes les plus nobles que j'aie jamais<br />

r<strong>en</strong>contrés ! Il faut donc que tu <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>nes pour moi <strong>et</strong> pour ma fille un sage<br />

gui<strong>de</strong>, <strong>et</strong> que tu le <strong>de</strong>meures ma vie durant !<br />

8. Certes, selon ton vœu, je ne te questionnerai plus <strong>en</strong> disant : "Que veux-tu <strong>en</strong><br />

échange ?" ; mais tu accepteras peut-être, <strong>en</strong> tant qu'ami <strong>et</strong> véritable frère, <strong>de</strong> ne<br />

manquer <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> auprès <strong>de</strong> moi ? ! »<br />

9. Mathaël dit : « La question est d'abord <strong>de</strong> savoir si tu accepteras peu ou prou,<br />

ou finalem<strong>en</strong>t pas du tout, ce qui te vi<strong>en</strong>dra <strong>de</strong> moi ! Car mes prés<strong>en</strong>ts, comme<br />

j'ai eu l'occasion <strong>de</strong> m'<strong>en</strong> apercevoir, n'ont pas précisém<strong>en</strong>t, pour l'estomac <strong>de</strong><br />

l'âme, le goût du vin adouci <strong>de</strong> miel pur tel que vous l'appréciez parfois, vous les<br />

Grecs, <strong>et</strong> ils sont au contraire souv<strong>en</strong>t plus amers que le fiel <strong>et</strong> que le jus frais<br />

d'un vieil aloès ! Et cela, les estomacs amis <strong>de</strong> la douceur ne le goût<strong>en</strong>t guère !<br />

Aussi comm<strong>en</strong>cerons-nous par vérifier si nos prés<strong>en</strong>ts mutuels veul<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

s'échanger ! »<br />

10. J’intervi<strong>en</strong>s alors <strong>en</strong> disant : « Puisqu'il nous reste <strong>en</strong>core toute une heure <strong>de</strong><br />

soleil <strong>et</strong> que la soirée prom<strong>et</strong> d'être douce, faisons tous <strong>en</strong>semble une prom<strong>en</strong>a<strong>de</strong><br />

sur la colline <strong>de</strong> Marc ; là, nous ferons un peu mieux connaissance ! Entre-temps,<br />

laisse tes t<strong>en</strong>tes à la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> tes serviteurs ; car tu ne les reverras <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> auras<br />

l'usage qu'après minuit ! »<br />

11. Ouran dit : « Il est vrai qu'il y a là <strong>de</strong> nombreuses <strong>et</strong> <strong>grand</strong>es richesses ! Mais<br />

je suppose que c<strong>et</strong> ami est sûr. »<br />

164


12. Je dis : « Ami, lorsque, il y a seulem<strong>en</strong>t une heure, tu étais <strong>en</strong> très <strong>grand</strong><br />

danger <strong>et</strong> qu'il ne t<strong>en</strong>ait qu'à Moi que ta vie <strong>et</strong> tout le reste soit perdu, qui donc t'a<br />

sauvé ? »<br />

13. Ouran s'arrêta n<strong>et</strong>, <strong>et</strong> ce n'est qu'après un mom<strong>en</strong>t qu'il reprit : « Oui, oui,<br />

<strong>grand</strong> maître, tu as raison, <strong>et</strong> je suis seulem<strong>en</strong>t un peu trop <strong>en</strong>foncé dans mes<br />

vieilles habitu<strong>de</strong>s ! Mais je vois à prés<strong>en</strong>t toute la stupidité <strong>de</strong> ma crainte ; elle ne<br />

se prés<strong>en</strong>tera pas une secon<strong>de</strong> fois, <strong>et</strong> dès à prés<strong>en</strong>t, je t'accompagne où tu<br />

voudras sans plus réfléchir ! »<br />

Chapitre 86<br />

Noble comportem<strong>en</strong>t d'Hélène, la fille du sage Grec<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Hélène s'avance quelque peu timi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t vers Moi <strong>et</strong> Me supplie :<br />

« Seigneur, ô toi, maître <strong>et</strong> sauveur d'une <strong>grand</strong>eur inconcevable, n'<strong>en</strong> veuilles<br />

pas à mon vieux père pour cela ! Car moi qui suis sa fille, je l'ai connu toute ma<br />

vie <strong>et</strong> puis donc témoigner loyalem<strong>en</strong>t qu'il est un homme bon, doux <strong>et</strong> fort<br />

conciliant, <strong>et</strong> je n'ai pas souv<strong>en</strong>ir qu'il ait jamais imposé même le bon droit qui<br />

était souv<strong>en</strong>t à coup sûr <strong>de</strong> son côté contre le droit d'un autre, quand bi<strong>en</strong> même<br />

cela était bi<strong>en</strong> plus injuste que juste. Jamais <strong>en</strong>core il n'a eu <strong>de</strong> querelle avec<br />

quiconque ni ne s'est irrité ou n'a murmuré à cause d'une injustice qu'on lui avait<br />

faite ! Mais c'est aussi pourquoi les <strong>grand</strong>s dieux ne l'ont jamais laissé déchoir, <strong>et</strong><br />

la noble déesse <strong>de</strong> la Fortune l'a toujours eu <strong>en</strong> affection.<br />

2. C'est pourquoi tu ne voudras pas non plus, puisque tu sembles être un peu un<br />

dieu toi aussi, pr<strong>en</strong>dre comme une chose qui doive si peu que ce soit off<strong>en</strong>ser ta<br />

<strong>grand</strong>eur le souci exprimé par mon père ! Mais si tu <strong>de</strong>vais pourtant être assez<br />

dur pour cela, alors, pr<strong>en</strong>ds ma vie pour rach<strong>et</strong>er celle <strong>de</strong> mon père, que j'aime<br />

par-<strong>de</strong>ssus tout ! »<br />

3. Je dis à tous ceux qui nous <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t : « Connaissez-vous un seul exemple<br />

d'un tel amour filial dans tout Israël ? En vérité, c'est là sans doute une paï<strong>en</strong>ne,<br />

mais elle fait honte à tout Israël, à qui Moïse a pourtant commandé <strong>de</strong> respecter,<br />

d'honorer <strong>et</strong> d'aimer père <strong>et</strong> mère ! »<br />

4. Tous dis<strong>en</strong>t : « Non, Seigneur <strong>et</strong> Maître, une telle chose ne s'est <strong>en</strong>core jamais<br />

vue <strong>en</strong> Israël ! »<br />

5. Je dis à Hélène : « Ne crains ri<strong>en</strong>, Ma fille, car Je connais ton père <strong>de</strong>puis bi<strong>en</strong><br />

longtemps, <strong>et</strong> toi aussi ; <strong>et</strong> si Je ne vous connaissais pas, lui <strong>et</strong> toi, c<strong>et</strong>te mer<br />

cruelle eût été votre tombeau à tous <strong>de</strong>ux ! »<br />

6. Hélène dit : « Mais, ô maître infinim<strong>en</strong>t sage <strong>et</strong> puissant, <strong>et</strong> pourtant si<br />

bi<strong>en</strong>veillant, comm<strong>en</strong>t peux-tu nous connaître <strong>de</strong>puis longtemps, mon père <strong>et</strong><br />

moi ? Nous ne te connaissons pourtant que <strong>de</strong>puis une heure à peine ? »<br />

7. Je dis : « Ô Hélène, regar<strong>de</strong> autour <strong>de</strong> toi, regar<strong>de</strong> la mer <strong>et</strong> toute c<strong>et</strong>te terre !<br />

Ce sont choses fort vieilles ; <strong>et</strong> pourtant, J'existais déjà avant toutes ces choses !<br />

»<br />

165


8. Effrayée par ces paroles, Hélène Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec une crainte respectueuse :<br />

« Serais-tu, peut-être, le <strong>grand</strong> Zeus <strong>en</strong> personne ? »<br />

9. Je dis : « T<strong>en</strong>dre colombe, ne tourm<strong>en</strong>te pas ton cœur par <strong>de</strong> vaines craintes !<br />

Je ne suis pas Zeus, parce qu'à la vérité, il n'y a jamais eu <strong>de</strong> Zeus. Mais Je suis la<br />

Vérité <strong>et</strong> la Vie ; ceux qui croi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Moi ne verront <strong>et</strong> ne goûteront jamais la<br />

mort éternellem<strong>en</strong>t ! — Sais-tu maint<strong>en</strong>ant qui Je suis <strong>et</strong> ce que Je suis ? »<br />

10. Hélène dit : « Mais si tu n'es que la froi<strong>de</strong> vérité <strong>et</strong> la pure vie née d'elle,<br />

comm<strong>en</strong>t se fait-il que je comm<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> c<strong>et</strong> instant à éprouver beaucoup d'amour<br />

pour toi ? »<br />

11. Je dis : « Ô colombe, cela te sera révélé sur la montagne ! Mais allons-y<br />

maint<strong>en</strong>ant, sans quoi le soleil sera couché ! »<br />

12. Là-<strong>de</strong>ssus, nous quittâmes les t<strong>en</strong>tes véritablem<strong>en</strong>t princières <strong>et</strong> nous r<strong>en</strong>dîmes<br />

sur la montagne, que nous eûmes bi<strong>en</strong>tôt gravie, car elle était fort peu élevée.<br />

13. Quand nous fûmes au somm<strong>et</strong>, Cyrénius fit la remarque que toute c<strong>et</strong>te vaste<br />

contrée était d'une beauté magnifique <strong>et</strong> qu'il pourrait <strong>en</strong>core contempler c<strong>et</strong>te<br />

beauté p<strong>en</strong>dant <strong>de</strong>s heures sans s'<strong>en</strong> lasser le moins du mon<strong>de</strong>. Il était vraim<strong>en</strong>t<br />

dommage, ajouta-t-il, que la journée fût si brève.<br />

14. Après quelques instants, Simon Juda vint à Moi <strong>et</strong> Me dit : « Seigneur,<br />

aujourd'hui, Tu pourrais sans doute bi<strong>en</strong>, comme Josué, dire au soleil : "Arrêt<strong>et</strong>oi,<br />

soleil !", afin que les <strong>en</strong>fants puiss<strong>en</strong>t jouir plus longtemps <strong>de</strong> la magnific<strong>en</strong>ce<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te soirée <strong>et</strong> louer hautem<strong>en</strong>t Celui qui les a créés ! »<br />

15. Cyrénius dit : « Ô Simon, loyal vieux pêcheur à prés<strong>en</strong>t disciple <strong>de</strong> notre<br />

<strong>grand</strong> Maître <strong>et</strong> Seigneur, c'était <strong>de</strong> ta part une belle idée, <strong>et</strong> nous avons <strong>de</strong><br />

bonnes raisons <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser qu'une telle chose serait bi<strong>en</strong> plus facile <strong>en</strong>core pour<br />

notre Seigneur <strong>et</strong> Maître qu'elle ne le fut pour Josué !» — Et Cyrénius se tourna<br />

vers Moi pour Me faire lui aussi c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, <strong>en</strong> quoi il fut sout<strong>en</strong>u par Jarah.<br />

Chapitre 87<br />

Apparition du faux soleil<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, Je leur dis : « Vous êtes <strong>en</strong>core <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants bi<strong>en</strong> inexpérim<strong>en</strong>tés, <strong>et</strong><br />

ce que vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z ne peut <strong>en</strong> aucun cas arriver <strong>de</strong> la manière dont vous<br />

l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>z ; car le Soleil n'avance pas, mais <strong>de</strong>meure constamm<strong>en</strong>t immobile par<br />

rapport à la Terre ! Le Soleil a certes lui aussi un vaste mouvem<strong>en</strong>t, mais celui-ci<br />

affecte aussi peu la Terre qu'une poussière sur votre robe n'affecte votre<br />

mouvem<strong>en</strong>t d'un lieu à un autre.<br />

2. Quant à ce qui est pour vous le jour <strong>et</strong> la nuit, c'est là l'eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la rotation très<br />

rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Terre sur son axe ; car Je vous ai déjà expliqué <strong>en</strong> d'autres occasions<br />

que la Terre est une grosse boule qui tourne sur elle-même du soir au matin, <strong>et</strong><br />

qui, pour c<strong>et</strong>te raison, prés<strong>en</strong>te successivem<strong>en</strong>t toutes ses parties au Soleil. C'est<br />

pourquoi, sur toute la terre, c'est toujours le matin <strong>en</strong> quelque lieu <strong>et</strong> au même<br />

166


mom<strong>en</strong>t midi <strong>en</strong> un autre lieu plus ori<strong>en</strong>tal, le soir <strong>en</strong> un autre lieu situé <strong>en</strong>core<br />

plus loin vers l'ori<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> plus loin <strong>en</strong>core minuit, <strong>et</strong> lesdits quatre points ne<br />

cess<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se déplacer continuellem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> sorte qu'<strong>en</strong> près <strong>de</strong> vingt-quatre<br />

heures, ce sera <strong>en</strong> chaque point <strong>de</strong> la terre une fois le matin, une fois midi, une<br />

fois le soir <strong>et</strong> une fois minuit. C'est là un ordre qui, pour ce qui est du<br />

mouvem<strong>en</strong>t, ne doit jamais être modifié d'un cheveu, sous peine <strong>de</strong><br />

l'anéantissem<strong>en</strong>t compl<strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes les créatures terrestres !<br />

3. Car si Je <strong>de</strong>vais réellem<strong>en</strong>t laisser le soleil briller une heure <strong>de</strong> plus sur c<strong>et</strong>te<br />

contrée, il faudrait bi<strong>en</strong> sûr que J'arrête <strong>en</strong> un instant toute la terre dans sa révolution<br />

— qui, sur sa plus <strong>grand</strong>e circonfér<strong>en</strong>ce, est si rapi<strong>de</strong> qu'<strong>en</strong> quelques<br />

instants, elle parcourt un chemin comme d'ici à Jérusalem. Mais <strong>de</strong> ce fait, tous<br />

les corps libres, c'est-à-dire qui ne serai<strong>en</strong>t pas fermem<strong>en</strong>t liés à la terre,<br />

subirai<strong>en</strong>t un choc si viol<strong>en</strong>t que non seulem<strong>en</strong>t tous les être vivants, tels les<br />

hommes <strong>et</strong> les animaux, avec leurs <strong>de</strong>meures, leurs cabanes <strong>et</strong> leurs palais,<br />

serai<strong>en</strong>t précipités à <strong>de</strong>s lieues vers l'ouest avec la plus <strong>grand</strong>e viol<strong>en</strong>ce, mais ce<br />

choc ferait <strong>en</strong>core sortir les mers <strong>de</strong> leurs profon<strong>de</strong>urs <strong>et</strong> les <strong>en</strong>traînerait jusque<br />

sur les montagnes, <strong>et</strong> les montagnes volerai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tous s<strong>en</strong>s comme <strong>de</strong>s moineaux<br />

!<br />

4. Pour ces raisons toutes naturelles que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> vous faire connaître, Je ne<br />

puis donc accé<strong>de</strong>r à votre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> selon la réalité naturelle ; mais Je puis,<br />

comme au temps <strong>de</strong> Josué, faire briller pour vous p<strong>en</strong>dant une heure ou <strong>de</strong>ux un<br />

faux soleil qui éclairera autant que le vrai. Mais, bi<strong>en</strong> sûr, ce soleil r<strong>et</strong>ournera au<br />

néant total au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures, parce qu'il ne sera qu'un simple jeu <strong>de</strong><br />

lumières.<br />

5. Aussi, soyez maint<strong>en</strong>ant bi<strong>en</strong> att<strong>en</strong>tifs ! Quand le vrai soleil se couchera, le<br />

faux montera <strong>de</strong> l'ouest <strong>et</strong> continuera <strong>en</strong>suite <strong>de</strong> briller au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'horizon<br />

p<strong>en</strong>dant <strong>de</strong>ux heures <strong>en</strong>tières.<br />

6. Cep<strong>en</strong>dant, ce ne sont pas <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s surnaturels qui seront employés pour<br />

faire apparaître ledit faux soleil, mais <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s tout à fait naturels, bi<strong>en</strong> que<br />

stimulés <strong>et</strong> produits par <strong>de</strong>s forces extraordinaires v<strong>en</strong>ues <strong>de</strong>s sphères célestes<br />

selon Ma volonté profon<strong>de</strong>. — Compr<strong>en</strong>ez-vous un peu ce que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> dire ?<br />

»<br />

7. Cyrénius dit : « Pour moi du moins, je le compr<strong>en</strong>ds parfaitem<strong>en</strong>t ; car je<br />

possè<strong>de</strong> <strong>en</strong>core l'orange merveilleuse d'Ostrazine (*) ! Seigneur, Tu m'as compris,<br />

je crois ! Mais je ne suis pas certain qu'il <strong>en</strong> soit <strong>de</strong> même pour tous ceux qui sont<br />

ici ! »<br />

8. Je dis : « Cela ne fait ri<strong>en</strong> ! Celui qui ne compr<strong>en</strong>d pas <strong>en</strong>core tout à fait<br />

maint<strong>en</strong>ant compr<strong>en</strong>dra bi<strong>en</strong> un jour ; car le salut <strong>de</strong>s âmes humaines ne dép<strong>en</strong>d<br />

pas du tout <strong>de</strong> cela. Les hommes qui connaiss<strong>en</strong>t trop bi<strong>en</strong> la terre finiss<strong>en</strong>t par<br />

avoir un trop <strong>grand</strong> désir <strong>de</strong> la parcourir tout <strong>en</strong>tière — ce qui, <strong>de</strong> toute façon, ne<br />

manquera pas <strong>de</strong> se produire avec le temps —, <strong>et</strong> ils attir<strong>en</strong>t ainsi par trop leurs<br />

âmes à l'extérieur, ce qui r<strong>en</strong>d celles-ci très matérielles <strong>et</strong> avi<strong>de</strong>s.<br />

9. C'est pourquoi il vaut mieux un peu moins <strong>de</strong> connaissance <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> la<br />

(*) Voir L'Enfance <strong>de</strong> Jésus. (N.d.T.)<br />

167


terre <strong>et</strong> <strong>de</strong> la matière, <strong>et</strong> <strong>en</strong> revanche davantage <strong>de</strong> connaissance <strong>de</strong> soi-même.<br />

10. Car celui qui veut se connaître pleinem<strong>en</strong>t à l'intérieur <strong>en</strong> vi<strong>en</strong>dra aussi<br />

suffisamm<strong>en</strong>t tôt à connaître non seulem<strong>en</strong>t toute la terre, mais aussi tous les<br />

autres corps célestes <strong>de</strong> l'espace infini <strong>de</strong> la Création, tant matériellem<strong>en</strong>t que<br />

spirituellem<strong>en</strong>t, ce <strong>de</strong>rnier point <strong>de</strong> vue seul étant d'une très <strong>grand</strong>e importance ;<br />

mais la connaissance purem<strong>en</strong>t extérieure <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre n'ouvrira à<br />

aucune âme la voie <strong>de</strong> l'immortalité.<br />

11. Mais faites bi<strong>en</strong> att<strong>en</strong>tion à prés<strong>en</strong>t ; le soleil naturel va passer sous l'horizon,<br />

<strong>et</strong> à c<strong>et</strong> instant, le faux soleil pr<strong>en</strong>dra sa place ! »<br />

Chapitre 88<br />

Crainte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Grecs <strong>de</strong>vant le Sauveur<br />

1. À prés<strong>en</strong>t, tous tourn<strong>en</strong>t leurs regards vers le soleil naturel, dont la moitié<br />

inférieure est déjà <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>due <strong>de</strong>rrière les montagnes ; mais à l'instant où il<br />

disparaît, le faux soleil s'élève, illuminant tout aussi vivem<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te contrée ainsi<br />

que les contrées <strong>et</strong> domaines avoisinants. Naturellem<strong>en</strong>t, c<strong>et</strong>te lumière ne<br />

parvi<strong>en</strong>t pas jusqu'aux étoiles ; aussi quelques-uns <strong>de</strong>s prés<strong>en</strong>ts pur<strong>en</strong>t-ils<br />

apercevoir, surtout vers le levant, car, la lumière du faux soleil ne parv<strong>en</strong>ant<br />

qu'affaiblie aux contrées éloignées dans c<strong>et</strong>te direction, le firmam<strong>en</strong>t y <strong>de</strong>meurait<br />

assez obscur, plusieurs étoiles <strong>de</strong> première <strong>grand</strong>eur, ce dont ils s'émerveillèr<strong>en</strong>t<br />

fort.<br />

2. C'est alors qu'Ouran, accompagné <strong>de</strong> sa fille Hélène, s'approcha <strong>de</strong> Moi très<br />

respectueusem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> Me dit d'une voix que son profond respect faisait quelque<br />

peu bredouiller : « Si tout ce qui m'<strong>en</strong>toure ne me trompe pas, <strong>et</strong> si je ne suis pas<br />

moi-même une créature illusoire, alors, Tu es un dieu <strong>de</strong>s dieux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s esprits, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> tous les hommes, <strong>de</strong> toutes les bêtes, <strong>de</strong> toutes les terres, mers, lacs, fleuves,<br />

ruisseaux <strong>et</strong> sources, <strong>et</strong> <strong>de</strong> tout ce qui y vit ! Les v<strong>en</strong>ts, les éclairs <strong>et</strong> le tonnerre<br />

aux gron<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts terribles sembl<strong>en</strong>t T'être soumis eux aussi, <strong>et</strong> le soleil, la lune <strong>et</strong><br />

toutes les étoiles se conform<strong>en</strong>t à Ta volonté !<br />

3. Mais si, bi<strong>en</strong> qu'étant par la forme un homme comme moi, Tu peux tout cela<br />

uniquem<strong>en</strong>t par Ta parole <strong>et</strong> Ta volonté toute-puissante, alors, je le <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à<br />

tous les sages du mon<strong>de</strong>, que Te manque-t-il pour être le premier parmi les dieux<br />

<strong>et</strong> le plus parfait !?<br />

4. Moi, Ouran, qui suis un humble souverain <strong>de</strong> la région du <strong>grand</strong> Pont, je Te<br />

reconnais comme tel ; <strong>et</strong> si Zeus <strong>et</strong> Apollon v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t m'opposer maint<strong>en</strong>ant un<br />

"non" dérisoire, je les accuserais eux-mêmes <strong>de</strong> profon<strong>de</strong> stupidité !<br />

5. Approche donc, Hélène, ma chère fille, <strong>et</strong> contemple le dieu <strong>de</strong>s dieux —<br />

contemple ce que jamais yeux mortels n'avai<strong>en</strong>t pu voir jusqu'ici !<br />

6. Nous, les Grecs, comme d'autres peuples, nous avons édifié le temple le plus<br />

sacré <strong>de</strong> tous à un dieu supérieur inconnu, mais ce temple <strong>de</strong>meure toujours<br />

fermé ! On dit parfois que ce dieu inconnu est le Destin à jamais insondable, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>vant lequel le <strong>grand</strong> Zeus lui-même, selon notre doctrine, tremble comme une<br />

168


feuille dans la tempête.<br />

7. Et c'est ce dieu terrible qui est <strong>de</strong>vant nous à prés<strong>en</strong>t <strong>et</strong> qui vi<strong>en</strong>t d'ordonner à<br />

Apollon d'arrêter le char du soleil, selon le vœu <strong>de</strong> ce digne vieux Romain, qui<br />

est sans doute le prince <strong>de</strong> quelque heureuse province !<br />

8. Et, ma fille, Apollon ne bougera plus jusqu'à ce qu'il reçoive un signe secr<strong>et</strong> du<br />

très <strong>grand</strong> dieu inconnu que seuls les serviteurs du Temple <strong>de</strong> Jérusalem<br />

<strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t mieux connaître — <strong>en</strong> quoi, cep<strong>en</strong>dant, ils pourrai<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> se<br />

tromper ; car s'ils ne reconnaiss<strong>en</strong>t pas Celui-ci comme le seul vrai, ils sont dans<br />

l'erreur la plus grave du mon<strong>de</strong> ! »<br />

9. La belle Hélène dit : « Il est certes possible qu'ils <strong>en</strong> sach<strong>en</strong>t un peu plus sur<br />

Lui, mais sans doute uniquem<strong>en</strong>t par <strong>de</strong>s images symboliques ; mais je parierais<br />

gros qu'ils ne considèr<strong>en</strong>t pas c<strong>et</strong> homme prodigieux comme tu Le considères, <strong>et</strong><br />

comme ce qu'il est visiblem<strong>en</strong>t selon toutes les appar<strong>en</strong>ces ! La seule chose que<br />

je ne compr<strong>en</strong>ds pas <strong>en</strong>core tout à fait, c'est que mon cœur s'emplit toujours<br />

davantage d'un vrai <strong>et</strong> très profond amour pour Lui ; <strong>et</strong> pourtant, un être humain<br />

doit seulem<strong>en</strong>t craindre un dieu, l'honorer <strong>et</strong> lui prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s !<br />

10. Tu sais avec quelle sévérité notre prêtre d'Apollon m'a interdit l'amour <strong>en</strong>vers<br />

un dieu ; car, dit-il, un tel amour est d'abord par trop impie pour un <strong>grand</strong> dieu<br />

comme Apollon, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, s'il <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait trop int<strong>en</strong>se <strong>et</strong> finissait vraim<strong>en</strong>t par<br />

attirer un <strong>grand</strong> dieu, il éveillerait aussitôt la jalousie très v<strong>en</strong>geresse <strong>de</strong>s déesses,<br />

<strong>et</strong> l'on subirait immanquablem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> pour toujours le sort amer d'Europe, <strong>de</strong><br />

Didon, <strong>de</strong> Daphné, d'Eurydice ou <strong>de</strong> Proserpine, ce qui est <strong>en</strong> vérité tout à fait<br />

effrayant.<br />

11. J'ai — comme tu le sais — si bi<strong>en</strong> fait pénétrer dans mon âme c<strong>et</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />

véritablem<strong>en</strong>t sage <strong>de</strong> notre prêtre d'Apollon que je n'eusse pas été<br />

moins épouvantée <strong>de</strong> l'apparition d'un dieu, fût-il le plus beau, que <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s<br />

effroyables têtes <strong>de</strong> Méduse, <strong>de</strong> Gorgone ou <strong>de</strong> Mégère !<br />

12. Dans ces conditions, il ne pouvait plus être question d'aimer un dieu ! Et<br />

pourtant, je te confesse ouvertem<strong>en</strong>t que malgré mon combat intérieur <strong>et</strong> malgré<br />

le rappel incessant à ma mémoire <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>tations terrifiantes <strong>de</strong>s<br />

conséqu<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> l'amour d'un dieu, je ne puis m'empêcher d'aimer <strong>de</strong> plus <strong>en</strong><br />

plus ce dieu ! Oui, par amour pour Lui, je pourrais accepter la mort la plus<br />

cruelle s'il me jugeait seulem<strong>en</strong>t digne d'un regard aimable !<br />

13. Ô cieux ! Quelle amabilité ineffable est la Si<strong>en</strong>ne malgré Sa gravité ! Oh, les<br />

dieux n'ont pas bi<strong>en</strong> fait <strong>de</strong> nous interdire, à nous humains, <strong>de</strong> les aimer ! »<br />

14. Ouran dit : « Ah, ma fille ! Les dieux sont parfaitem<strong>en</strong>t sages <strong>et</strong> sav<strong>en</strong>t ce<br />

qu'ils doiv<strong>en</strong>t déf<strong>en</strong>dre aux hommes ! Nous <strong>de</strong>vons d'abord nous purifier<br />

suffisamm<strong>en</strong>t sur c<strong>et</strong>te terre pour que le très sévère tribunal <strong>de</strong>s trois juges<br />

Eaque, Minos <strong>et</strong> Rhadamante ne trouve plus <strong>en</strong> nous la moindre tache ; <strong>et</strong> c'est<br />

seulem<strong>en</strong>t lorsqu'ils nous auront déclarés parfaitem<strong>en</strong>t purs pour les yeux <strong>et</strong> les<br />

oreilles <strong>de</strong> tous les dieux que nous sera permise, dans l'éternité <strong>de</strong> l'Elysée, la<br />

suprême félicité d'avoir le droit d'aimer au moins <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> les <strong>grand</strong>s dieux !<br />

15. Mais ici, <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> dans la chair impure, il faut assurém<strong>en</strong>t te gar<strong>de</strong>r<br />

par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>de</strong> t'épr<strong>en</strong>dre d'eux, <strong>et</strong> surtout <strong>de</strong> Celui-ci, le plus <strong>grand</strong> <strong>et</strong> le<br />

169


premier <strong>de</strong> tous ! Car ce serait <strong>en</strong> vérité la chose la plus effroyable du mon<strong>de</strong> ! Et<br />

si réellem<strong>en</strong>t tu éprouves déjà une sorte d'amour pour Lui, il serait opportun que<br />

nous nous éloignions au plus vite <strong>de</strong> c<strong>et</strong> <strong>en</strong>droit ! »<br />

16. Hélène dit : « Mais cela ne me servira plus à ri<strong>en</strong> ; car Il est déjà <strong>en</strong>tré dans<br />

mon cœur <strong>et</strong> je ne puis plus L'<strong>en</strong> faire sortir ! Pourtant, regar<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te d'âge<br />

<strong>en</strong>core si t<strong>en</strong>dre : elle semble L'aimer très fort elle aussi, <strong>et</strong> il semble que ri<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

mal ne lui soit arrivé ! »<br />

17. Ouran dit : « Ma chère fille, sais-tu donc si ce n'est pas là quelque déesse ?<br />

Ce n'est alors pas tant Lui qu'elle que tu <strong>de</strong>vrais craindre ! Car qui sait si elle<br />

n'est pas plus que dix Junon ?! »<br />

18. Hélène, très affligée <strong>et</strong> les larmes aux yeux, dit : « Oui, oui, tu pourrais bi<strong>en</strong><br />

avoir raison ! Oh, comme les dieux sont heureux, <strong>et</strong> combi<strong>en</strong> malheureux au<br />

contraire les hommes ! Qu'un cœur n'ait pas le droit d'aimer est bi<strong>en</strong> la plus<br />

infortunée <strong>de</strong> toutes les choses que l'homme peut dire infortunées <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> !<br />

Si mon œil me fâche, on peut me le crever ; si ma main me fâche, je peux me la<br />

faire couper, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même mon pied, <strong>et</strong> si c'est toute ma peau t<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> blanche qui<br />

me chagrine, je peux la faire flageller, puis la maculer <strong>de</strong> boue ; mais que puis-je<br />

faire à mon cœur s'il se m<strong>et</strong> à me tourm<strong>en</strong>ter vraim<strong>en</strong>t ? Quand l'estomac est<br />

oppressé, Esculape a conseillé <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre du suc d'aloès, <strong>et</strong> l'estomac va bi<strong>en</strong>tôt<br />

mieux ; mais contre l'oppression du cœur, il n'a, à ma connaissance, conseillé<br />

aucun remè<strong>de</strong> !<br />

19. Mais il me vi<strong>en</strong>t une p<strong>en</strong>sée : ce dieu n'est-Il pas aussi un Sauveur <strong>en</strong>tre tous<br />

? Si nous le Lui <strong>de</strong>mandions, peut-être me secourrait-Il ?! Car Il nous a bi<strong>en</strong><br />

secourus quand nous ne pouvions L'<strong>en</strong> prier, puisque nous ne Le connaissions<br />

pas ; ne me secourrait-Il pas à prés<strong>en</strong>t que nous Le connaissons <strong>et</strong> que nous L'<strong>en</strong><br />

prions, <strong>et</strong> sommes assurém<strong>en</strong>t prêts à Lui faire toutes les offran<strong>de</strong>s qu'il exigerait<br />

?! »<br />

20. Ouran dit : « Tu as eu là une bonne inspiration, <strong>et</strong> qui portera peut-être ses<br />

fruits ! Mais puisque le très <strong>grand</strong> dieu Lui-même a désigné le sage Mathaël pour<br />

nous instruire, nous ne pouvons nous adresser au dieu que par son truchem<strong>en</strong>t !<br />

Cep<strong>en</strong>dant, ce Mathaël semble lui-même être pour le moins un <strong>de</strong>mi-dieu très<br />

puissant, tout comme ce jouv<strong>en</strong>ceau que je ti<strong>en</strong>s, ma chère Hélène, <strong>en</strong> secr<strong>et</strong>, il<br />

est vrai, mais avec non moins <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>, pour le dieu Mercure. »<br />

21. Hélène dit : « Oui, oui, tu dois avoir raison, ce jeune homme est Mercure !<br />

Mais il me vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core une p<strong>en</strong>sée ! Si nous étions <strong>en</strong> vérité déjà morts sur la<br />

terre, que nous soyons déjà passés <strong>de</strong>vant le sévère tribunal, que nous ayons bu<br />

l'eau du Léthé <strong>et</strong> ainsi perdu le souv<strong>en</strong>ir d'avoir vécu sur terre <strong>et</strong> <strong>de</strong> n'y être morts<br />

que récemm<strong>en</strong>t peut-être ?! Peut-être sommes-nous déjà dans l'Elysée, mais les<br />

dieux ne veul<strong>en</strong>t-ils pas nous le révéler tout <strong>de</strong> suite <strong>et</strong> nous le laiss<strong>en</strong>t-ils<br />

compr<strong>en</strong>dre par nous-mêmes à travers toutes sortes <strong>de</strong> circonstances ?!<br />

22. Considère seulem<strong>en</strong>t l'in<strong>de</strong>scriptible beauté <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée ! L'Elysée peut-il<br />

être plus magnifique ?! Un soleil se couche, <strong>et</strong> un autre se lève à la même place,<br />

<strong>et</strong> les étoiles elles-mêmes ne manqu<strong>en</strong>t pas à ce spl<strong>en</strong>di<strong>de</strong> matin éternel ! S'il <strong>en</strong><br />

était ainsi, père, alors il n'y aurait assurém<strong>en</strong>t plus aucun mal à mon amour ! »<br />

170


23. Ouran dit : « Mon <strong>en</strong>fant, beaucoup <strong>de</strong> choses parl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> faveur <strong>de</strong> ta remarque,<br />

bi<strong>en</strong> que je préfère ne pas y souscrire d'emblée comme à une vérité<br />

avérée ! En somme, ce n'est pas pour ri<strong>en</strong> que Mathaël nous a été adjoint, <strong>et</strong> il<br />

saura bi<strong>en</strong> nous donner la bonne explication !<br />

24. Si nous sommes déjà dans l'Elysée, nous y sommes comme <strong>de</strong>s novices, <strong>et</strong> il<br />

s'<strong>en</strong> faut <strong>de</strong> beaucoup que nous puissions nous y r<strong>et</strong>rouver ; mais notre gui<strong>de</strong><br />

Mathaël m<strong>et</strong>tra bon ordre à tout cela ! Il est vrai que ce lieu offre prés<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t<br />

une appar<strong>en</strong>ce très élysé<strong>en</strong>ne ; mais tout à l'heure, quand le soleil s'est totalem<strong>en</strong>t<br />

obscurci, c<strong>et</strong>te appar<strong>en</strong>ce n'était pas tant élysé<strong>en</strong>ne que quelque peu orchique (*) .<br />

Ce n'est pas le cas à prés<strong>en</strong>t, mais j'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire que c<strong>et</strong>te spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur élysé<strong>en</strong>ne<br />

ne durerait plus que <strong>de</strong>ux heures à peine — <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, qui sait, peut-être ce lieu<br />

re<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra-t-il très ordinaire <strong>et</strong> terrestre !? Bref, Mathaël est là qui nous donnera<br />

sans doute sur toutes ces choses l'avis le plus juste <strong>et</strong> le plus vrai possible ! Mais<br />

parle-lui toi-même, Hélène ; car je n'ai pas <strong>en</strong>core le courage nécessaire ! Vous,<br />

les femmes, vous savez toujours faire cela mieux que les hommes !<br />

25. Il est vrai qu'il est à prés<strong>en</strong>t plongé dans une conversation avec le vieux<br />

souverain, <strong>et</strong> le dieu parle Lui aussi avec un capitaine romain ! Comme je l'ai dit,<br />

je n'ai pas le courage nécessaire pour affronter c<strong>et</strong> instant, <strong>et</strong> il se pourrait aussi<br />

qu'<strong>en</strong>fin on m'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>ne rigueur ; mais tu es une femme, <strong>et</strong> une p<strong>et</strong>ite indiscrétion<br />

ne sera certainem<strong>en</strong>t pas prise <strong>en</strong> mauvaise part — aussi, t<strong>en</strong>te ta chance la<br />

première ! »<br />

26. Hélène dit : « J'éprouve moi aussi quelque appréh<strong>en</strong>sion maint<strong>en</strong>ant, <strong>et</strong> je ne<br />

sais comm<strong>en</strong>t m'y pr<strong>en</strong>dre intelligemm<strong>en</strong>t ; mais laisse-moi un peu <strong>de</strong> temps, <strong>et</strong><br />

peut-être cela s'arrangera-t-il !»<br />

27. Ouran dit : « "Hâte-toi l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t" est une vieille maxime <strong>de</strong> l'oracle <strong>de</strong><br />

Dodome dont l'auteur est sans doute le sage Plotin, qui a vécu avant Homère luimême<br />

; aussi peux-tu bi<strong>en</strong> t'accor<strong>de</strong>r <strong>en</strong> tout lieu un peu <strong>de</strong> temps !<br />

28. Quoi que fasse un homme, il doit le faire intelligemm<strong>en</strong>t <strong>et</strong> toujours bi<strong>en</strong><br />

p<strong>en</strong>ser aux conséqu<strong>en</strong>ces qui peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> résulter ; c'est pourquoi il faut se gar<strong>de</strong>r<br />

<strong>de</strong> toute démarche hâtive si l'on veut éviter <strong>de</strong> tomber dans un trou ! Dans toute<br />

tâche, il vaut mieux avancer l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t, mais d'autant plus sûrem<strong>en</strong>t, que <strong>de</strong><br />

sauter avec une hâte audacieuse par<strong>de</strong>ssus une fosse profon<strong>de</strong> dont on n'a pas<br />

bi<strong>en</strong> mesuré la largeur auparavant, <strong>et</strong> ainsi se précipiter dans l'abîme ! Oh, le vieil<br />

Ouran est lui aussi sage <strong>et</strong> avisé à sa manière, <strong>et</strong> jusqu'ici, il n'a pas eu à se<br />

rep<strong>en</strong>tir d'un seul <strong>de</strong> ses pas ; peut-être les bons génies continueront-ils <strong>de</strong> l'<strong>en</strong><br />

préserver à l'av<strong>en</strong>ir ! »<br />

Chapitre 89<br />

Interv<strong>en</strong>tion <strong>et</strong> explications <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. Après c<strong>et</strong>te conversation sage pour <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s, tous <strong>de</strong>ux se tur<strong>en</strong>t <strong>et</strong> att<strong>en</strong>dir<strong>en</strong>t<br />

qu'Hélène, du moins, trouvât le courage qui <strong>de</strong>vait l'animer pour adresser<br />

(*) D'Orcus, nom grec du royaume <strong>de</strong>s morts.<br />

171


la parole à Mathaël afin qu'il intercédât <strong>en</strong> sa faveur auprès <strong>de</strong> Moi ; mais plus ils<br />

att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t tous <strong>de</strong>ux, plus les doutes les assaillai<strong>en</strong>t, am<strong>en</strong>uisant le courage qui<br />

<strong>de</strong>vait v<strong>en</strong>ir au lieu <strong>de</strong> le stimuler <strong>et</strong> <strong>de</strong> le r<strong>en</strong>forcer. Ils contemplai<strong>en</strong>t sans doute<br />

la magnific<strong>en</strong>ce du soir, mais toujours avec une certaine crainte ; car la<br />

merveilleuse lumière du faux soleil, le lieu inconnu <strong>et</strong> un peu sauvage, les actes<br />

extraordinaires accomplis <strong>et</strong> Ma prés<strong>en</strong>ce, tout cela empêchait que leurs<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts atteigniss<strong>en</strong>t la paix qui leur eût permis <strong>de</strong> goûter tout à fait<br />

tranquillem<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te paisible soirée.<br />

2. Remarquant bi<strong>en</strong>tôt cela, Mathaël s'approche d'Ouran <strong>et</strong> lui dit : « Ami, tu n'es<br />

pas très gai, <strong>et</strong> ta si belle fille paraît quelque peu souffrante ! Si quelque chose ne<br />

va pas, dis-le-moi ! »<br />

3. Ouran dit à Hélène <strong>en</strong> aparté : « Nous y voilà ! Il s'agit maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> parler<br />

intelligemm<strong>en</strong>t, juste, vrai <strong>et</strong> à bon esci<strong>en</strong>t, sans quoi ce pourrait bi<strong>en</strong> être le<br />

terrible départ pour les lieux où veille Cerbère <strong>et</strong> où règne l'inexorable Pluton !<br />

Parle peu <strong>et</strong> l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t, pèse bi<strong>en</strong> chaque mot, sans quoi tout est manqué ! »<br />

4. Là-<strong>de</strong>ssus, Mathaël frappe sur l'épaule d'Ouran, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u fort craintif, <strong>et</strong> lui dit :<br />

« Mais, ami, pourquoi te tais-tu ? Tu as pourtant bi<strong>en</strong> su converser avec moi tout<br />

à l'heure !? Quelle idée t'a donc soudain traversé l'esprit ? »<br />

5. Au bout <strong>de</strong> quelques instant, Ouran dit, tout tremblant : « Ah ! Ah ! Ah !<br />

C'était un coup mortel ! Ce qui... ne va pas... à franchem<strong>en</strong>t parler, ri<strong>en</strong>, il est<br />

vrai, mais... ma fille <strong>et</strong> moi, nous v<strong>en</strong>ons seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous r<strong>en</strong>dre compte que<br />

nous, misérables mortels, sommes parv<strong>en</strong>us jusque chez vous, dieux immortels,<br />

<strong>et</strong>, semble-t-il, sur l'Olympe même, principal séjour <strong>de</strong>s immortels dieux éternels<br />

!<br />

6. Ce qui se passe ici est trop merveilleux pour <strong>de</strong>s humains ! La trop <strong>grand</strong>e<br />

saint<strong>et</strong>é <strong>de</strong> ce lieu nous emplit <strong>de</strong> crainte <strong>et</strong> d'épouvanté, <strong>et</strong> ce d'autant plus que le<br />

cœur <strong>de</strong> ma fille, comme elle le dit <strong>et</strong> s'<strong>en</strong> plaint, comm<strong>en</strong>ce même à s'emplir<br />

d'amour pour le <strong>grand</strong> dieu <strong>de</strong>s dieux.<br />

7. Selon les lois sacrées <strong>de</strong>s Grecs, un tel amour est l'un <strong>de</strong>s pires crimes contre<br />

la saint<strong>et</strong>é incomm<strong>en</strong>surable <strong>de</strong>s dieux, surtout <strong>en</strong>vers le dieu inconnu supérieur<br />

à tous les autres dieux ! Mais ma malheureuse fille ne peut désormais plus se<br />

déf<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> ce terrible amour ! Elle ne le veut pas, <strong>et</strong> son cœur lui dit<br />

impitoyablem<strong>en</strong>t : "Il le faut !"<br />

8. La malheureuse m'a confié cela <strong>en</strong> toute franchise, <strong>et</strong> c'est pourquoi j'ai résolu<br />

<strong>de</strong> prier le <strong>grand</strong> dieu, par ton truchem<strong>en</strong>t, que dans Sa miséricor<strong>de</strong> Il délivre le<br />

cœur <strong>de</strong> ma pauvre fille d'un tel amour ; car c<strong>et</strong> amour ne dép<strong>en</strong>d pas <strong>de</strong> sa<br />

volonté, mais à coup sûr uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> circonstances extérieures totalem<strong>en</strong>t<br />

inconnues <strong>de</strong> nous ! Accepterais-tu, toi qui est assurém<strong>en</strong>t aussi l'un <strong>de</strong>s principaux<br />

<strong>de</strong>mi-dieux, <strong>de</strong> nous accor<strong>de</strong>r une telle faveur ? Voudrais-tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au<br />

<strong>grand</strong> dieu <strong>de</strong> guérir le cœur souffrant <strong>de</strong> ma fille, <strong>et</strong> m'ordonner un sacrifice<br />

pour une telle faveur ? »<br />

9. Pour la première fois <strong>de</strong>puis sa guérison, notre Mathaël ne peut r<strong>et</strong><strong>en</strong>ir un<br />

sourire bi<strong>en</strong>veillant <strong>et</strong> compatissant, <strong>et</strong> il dit à Ouran : « Tu es bi<strong>en</strong> un auth<strong>en</strong>tique<br />

paï<strong>en</strong>, aussi pur qu'il est possible ! Tu as parcouru la moitié <strong>de</strong> la terre <strong>en</strong><br />

172


quête <strong>de</strong> la vérité <strong>et</strong> d'une vraie lumière ; <strong>et</strong> quand tu la trouves, ta stupidité<br />

paï<strong>en</strong>ne t'empêche <strong>de</strong> la reconnaître !<br />

10. Sache que je te plains beaucoup <strong>et</strong> déplore du fond du cœur ton aveuglem<strong>en</strong>t<br />

; mais j'espère qu'ici, c<strong>et</strong>te vieille sottise qui est la ti<strong>en</strong>ne verra bi<strong>en</strong>tôt sa fin !<br />

11. Car ce que ta fille éprouve dans son cœur comme <strong>de</strong> l'amour <strong>en</strong>vers notre<br />

<strong>grand</strong> <strong>et</strong> saint Maître est précisém<strong>en</strong>t l'unique <strong>et</strong> véritable signe vivant <strong>de</strong> la<br />

prés<strong>en</strong>ce dans son âme <strong>de</strong> l'étincelle divine <strong>de</strong> l'esprit ! C'est seulem<strong>en</strong>t quand<br />

c<strong>et</strong>te étincelle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra flamme dans sa poitrine qu'elle reconnaîtra pleinem<strong>en</strong>t<br />

la parfaite inanité <strong>de</strong> votre vieux polythéisme, mais aussi l'éternelle <strong>et</strong> seule vraie<br />

divinité <strong>de</strong> Celui qui vi<strong>en</strong>t d'allumer <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire vivre <strong>en</strong> son cœur par ailleurs très<br />

pur c<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite étincelle.<br />

12. Je te le dis, l'amour est le seul li<strong>en</strong> par lequel Dieu attire Ses créatures vers<br />

Son cœur paternel afin qu'elles <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t Ses <strong>en</strong>fants, <strong>et</strong> les r<strong>en</strong>d finalem<strong>en</strong>t<br />

égales à ceux-ci — <strong>et</strong> toi, vieux paï<strong>en</strong> aveugle, tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s à être libéré <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

grâce divine suprême que Dieu <strong>en</strong> personne, dans Sa <strong>grand</strong>e miséricor<strong>de</strong>, répand<br />

dans vos cœurs pour éveiller la vie <strong>en</strong> vous !?<br />

13. R<strong>en</strong>once à ta vieille stupidité <strong>et</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>s un homme capable, grâce à la force<br />

que Dieu lui accor<strong>de</strong> pour cela, d'accé<strong>de</strong>r <strong>en</strong> lui-même à la vie éternelle, <strong>de</strong> se<br />

connaître <strong>et</strong> <strong>de</strong> reconnaître véritablem<strong>en</strong>t Dieu, <strong>et</strong> par là d'<strong>en</strong>trer <strong>en</strong>fin dans la<br />

vraie félicité éternelle ! »<br />

Chapitre 90<br />

Origine <strong>et</strong> explication <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong>s dieux grecs<br />

1. (Mathaël :) « Mais afin que tu saches d'où vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tes dieux <strong>et</strong> pourquoi ils ne<br />

sont <strong>en</strong> eux-mêmes ri<strong>en</strong> du tout, je te dis au nom du Seigneur qui <strong>de</strong>meure ici<br />

parmi nous qu'ils ne sont désormais plus ri<strong>en</strong> que <strong>de</strong>s noms creux n'ayant aucun<br />

s<strong>en</strong>s pour vous ; autrefois, ils étai<strong>en</strong>t pourtant <strong>de</strong>s expressions désignant les<br />

qualités du seul <strong>et</strong> unique vrai Dieu, dont l'esprit rési<strong>de</strong> à prés<strong>en</strong>t dans toute sa<br />

plénitu<strong>de</strong> dans ce Maître que vous voyez <strong>de</strong>vant vous.<br />

2. CEUS est le terme qui, au temps <strong>de</strong>s premiers patriarches, précédait toute loi<br />

édictée, car celles-ci procédai<strong>en</strong>t toujours <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong> Dieu inspirant l'âme <strong>de</strong>s<br />

aïeux, <strong>et</strong> ce terme voulait dire : "Par la volonté du Père". Car CE ou ZE représ<strong>en</strong>tait<br />

la notion <strong>de</strong> volonté immuable, <strong>et</strong> Us celle du Père céleste créant sans<br />

cesse <strong>et</strong> régissant toute chose.<br />

3. De même, le concept <strong>de</strong> "JUPITER", ou mieux JE U PITAR, était celui par lequel<br />

les aïeux décrivai<strong>en</strong>t aux <strong>en</strong>fants le cont<strong>en</strong>ant capable <strong>de</strong> recevoir l'amour <strong>et</strong> la<br />

sagesse v<strong>en</strong>us <strong>de</strong> Dieu ; car JE U PITAR signifie à peu près ceci : le U, dont le<br />

<strong>de</strong>ssin figure le contour extérieur d'un cœur ouvert, est le vrai récipi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> vie ;<br />

car FIT signifie "boire", PITAZ est le buveur, PITAR ou PITARA est un récipi<strong>en</strong>t<br />

sacré, <strong>et</strong> PITZA ou PUTZA un récipi<strong>en</strong>t ordinaire pour boire.<br />

4. Mais, <strong>de</strong> même que votre CEUZ ou JEUPITAR n'est pour vous ri<strong>en</strong> d'autre qu'un<br />

nom vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s, parce que la signification <strong>de</strong> ce concept anci<strong>en</strong> vous est<br />

173


<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue étrangère, <strong>de</strong> même les noms <strong>de</strong> tous vos autres dieux <strong>et</strong> déesses sont<br />

vi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s, <strong>et</strong>, à vrai dire, souv<strong>en</strong>t plus insignifiants <strong>et</strong> donc plus inexistants<br />

<strong>en</strong>core que celui-ci.<br />

5. Par exemple, votre VENUZ ou AVRODITE [Vénus ou Aphrodite], qui est chez<br />

vous la déesse <strong>de</strong> la Beauté féminine, désignait, selon les définitions très parlantes<br />

<strong>de</strong>s aïeux, une femme très belle, mais pas précisém<strong>en</strong>t à l'avantage <strong>de</strong> son<br />

esprit ; car les Anci<strong>en</strong>s avai<strong>en</strong>t déjà appris par expéri<strong>en</strong>ce qu'une très belle<br />

femme, à <strong>de</strong> rares exceptions près, est généralem<strong>en</strong>t stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> ne cache <strong>en</strong> elle<br />

aucune richesse <strong>de</strong> connaissance, parce qu'elle est vaniteuse <strong>et</strong> toujours occupée<br />

à admirer sa propre beauté, <strong>et</strong> ne trouve donc guère le temps d'acquérir d'autres<br />

connaissances utiles. C'est pourquoi les Anci<strong>en</strong>s disai<strong>en</strong>t d'une telle beauté féminine<br />

qu'elle était une vraie VE NUZ, ou VE NE, ce qui revi<strong>en</strong>t à dire : "Elle ne<br />

sait ri<strong>en</strong>", ou "Elle ne connaît ri<strong>en</strong> !"<br />

6. L'expression A V RODITE signifiait presque exactem<strong>en</strong>t la même chose.<br />

Lorsqu'il était écrit Ô V RODITE, cela voulait dire à peu près : <strong>en</strong>fanter la pure<br />

sagesse divine, <strong>et</strong> SLOU RODIT : <strong>en</strong>fanter la sagesse humaine ; mais A V RODITE<br />

signifie : <strong>en</strong>fanter la bêtise terrestre, aussi le terme AVRODITE désignait-il<br />

n'importe quelle belle femme parée, qui <strong>en</strong>fante toujours la bêtise, car elle est<br />

elle-même stupi<strong>de</strong> la plupart du temps.<br />

7. Par le V, les Anci<strong>en</strong>s symbolisai<strong>en</strong>t toujours un récipi<strong>en</strong>t. S'il y avait <strong>de</strong>vant le<br />

V un Ô sacré, Ô qui, symbolisant le cercle du soleil <strong>et</strong> donc égalem<strong>en</strong>t, par<br />

analogie, Dieu dans Sa lumière créatrice, le V désignait alors le fait <strong>de</strong> recevoir<br />

la lumière <strong>de</strong> la sagesse <strong>de</strong> l'O représ<strong>en</strong>tant Dieu ; mais s'il y avait <strong>de</strong>vant le V un<br />

A, par lequel les Anci<strong>en</strong>s désignai<strong>en</strong>t tout ce qui est purem<strong>en</strong>t terrestre <strong>et</strong> vain, le<br />

signe du récipi<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tait le fait <strong>de</strong> recevoir la vaine stupidité terrestre. Et<br />

comme RODIT signifie "<strong>en</strong>fanter", A V RODIT ne veut pas dire autre chose<br />

qu'"<strong>en</strong>fanter la bêtise".<br />

8. Dis-moi si tu ne comm<strong>en</strong>ces pas à y voir un peu plus clair sur la vraie nature<br />

<strong>de</strong> tes dieux ! »<br />

9. Les visages d'Ouran <strong>et</strong> d'Hélène s'épanouiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus, <strong>et</strong> Hélène<br />

n'éprouve désormais plus d'angoisse à cause <strong>de</strong> son amour pour Moi.<br />

10. Et Ouran dit à Mathaël : « Ami, ta sagesse est <strong>grand</strong>e ! Car ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

faire pour moi <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> mots, toutes les écoles d'Egypte, <strong>de</strong> Grèce <strong>et</strong> <strong>de</strong> Perse ne<br />

l'aurai<strong>en</strong>t jamais accompli <strong>en</strong> c<strong>en</strong>t ans ! Tu vi<strong>en</strong>s d'un seul trait d'effacer pour<br />

moi tous les dieux d'Egypte, <strong>de</strong> Grèce <strong>et</strong> <strong>de</strong> Perse, à l'exception du seul dieu<br />

inconnu, que d'ailleurs, je le vois <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus clairem<strong>en</strong>t, j'ai découvert ici <strong>et</strong><br />

découvrirai toujours mieux, je l'espère. Bref, tu es désormais pour moi un<br />

homme sans prix ! Pour comm<strong>en</strong>cer, je te remercie <strong>de</strong> tout mon cœur <strong>en</strong> tant<br />

qu'homme <strong>et</strong> ami — mais le reste suivra. » — À son tour, Hélène remercie<br />

Mathaël pour c<strong>et</strong>te sage leçon.<br />

Chapitre 91<br />

Le Seigneur charge Mathaël d'abattre les murs <strong>de</strong>s temples paï<strong>en</strong>s<br />

174


1. Cep<strong>en</strong>dant, Mathaël revi<strong>en</strong>t vers Moi <strong>et</strong> Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s'il a bi<strong>en</strong> fait d'expliquer<br />

spontaném<strong>en</strong>t les noms <strong>de</strong>s dieux paï<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> s'il n'était pas trop tôt, peutêtre,<br />

pour cela.<br />

2. Je dis : « Oh, nullem<strong>en</strong>t ! Tu t'<strong>en</strong> es fort bi<strong>en</strong> acquitté selon la plus parfaite<br />

vérité, <strong>et</strong> <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> mots, tu <strong>en</strong> as véritablem<strong>en</strong>t fait davantage pour l'extinction<br />

<strong>de</strong> l'ignorance paï<strong>en</strong>ne que maint sage maître <strong>en</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s années ! Car celui qui<br />

veut r<strong>en</strong>dre un homme intellig<strong>en</strong>t <strong>et</strong> sage doit d'abord le débarrasser <strong>de</strong> toute son<br />

anci<strong>en</strong>ne stupidité. Et lorsque c<strong>et</strong> homme est ainsi <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u un récipi<strong>en</strong>t certes<br />

<strong>en</strong>core vi<strong>de</strong>, mais par là même pur, ce récipi<strong>en</strong>t commo<strong>de</strong> peut alors facilem<strong>en</strong>t<br />

s'emplir <strong>de</strong> mainte sagesse v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong>s cieux ; <strong>et</strong> ce sera égalem<strong>en</strong>t le cas avec ces<br />

<strong>de</strong>ux-là.<br />

3. Je te le dis, ces <strong>de</strong>ux-là <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront très rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s êtres humains qui<br />

donn<strong>en</strong>t à Mon cœur davantage <strong>de</strong> joie que plus <strong>de</strong> dix mille Juifs qui se croi<strong>en</strong>t<br />

parfaitem<strong>en</strong>t justes selon Moïse, mais qui, <strong>en</strong> tant qu'humains, sont plus loin <strong>de</strong><br />

Mon cœur que ceux qui ne sont v<strong>en</strong>us au mon<strong>de</strong> que mille ans après eux.<br />

4. Et Je te dis <strong>en</strong>core ceci : si un jour tu dois pr<strong>en</strong>dre femme sur c<strong>et</strong>te terre, il faut<br />

que ce soit c<strong>et</strong>te Hélène ! Mais loin <strong>de</strong> Moi la p<strong>en</strong>sée <strong>de</strong> vouloir t'y contraindre ;<br />

c'est ton propre cœur qui te le fera savoir, <strong>et</strong> c'est lui que tu suivras alors.<br />

5. Mais à prés<strong>en</strong>t, r<strong>et</strong>ourne vers eux <strong>et</strong> sois-leur bi<strong>en</strong>veillant ; le vieil homme, qui<br />

a par ailleurs bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s connaissances, <strong>et</strong> sa fille plus que belle <strong>et</strong> véritablem<strong>en</strong>t<br />

admirable te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ront <strong>en</strong>core mainte explication sur les noms antiques. Tu es<br />

désormais un homme très sage, <strong>et</strong> il te sera facile <strong>de</strong> donner à chacune <strong>de</strong> leurs<br />

questions la réponse la plus convaincante.<br />

6. De plus, c<strong>et</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> impressionnera favorablem<strong>en</strong>t les Romains aussi, <strong>et</strong><br />

ainsi seront préparés les premiers instrum<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>stinés à abattre les murs <strong>de</strong>s<br />

innombrables temples paï<strong>en</strong>s ; bi<strong>en</strong> que jamais sans peine, cela produira <strong>de</strong> plus<br />

<strong>grand</strong>s résultats parmi les paï<strong>en</strong>s <strong>en</strong> quelques déc<strong>en</strong>nies qu'il n'eût été possible<br />

sans cela <strong>en</strong> près <strong>de</strong> mille ans.<br />

7. Il est toujours difficile <strong>de</strong> prêcher la lumière dans la nuit ; mais lorsqu'on a<br />

trouvé le jour, toute doctrine <strong>de</strong> la lumière du jour <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toute façon<br />

quasim<strong>en</strong>t superflue, puisque le jour donne déjà lui-même sa lumière. Cep<strong>en</strong>dant,<br />

ce vieil homme te posera <strong>de</strong>s questions ess<strong>en</strong>tielles, <strong>et</strong> il t'apparti<strong>en</strong>dra donc <strong>de</strong><br />

lui donner égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s réponses ess<strong>en</strong>tielles. À prés<strong>en</strong>t, va <strong>en</strong> Mon nom <strong>et</strong> fais<br />

ce que tu as à faire !<br />

8. Tous, nous assisterons avec <strong>grand</strong>e att<strong>en</strong>tion à ces débats ; <strong>et</strong> quant à Moi, Je<br />

ferai <strong>en</strong> sorte que même les plus éloignés puiss<strong>en</strong>t t'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre !<br />

9. Je ne laisserai briller le faux soleil que <strong>de</strong>ux heures durant, ce qui attirera dans<br />

la campagne beaucoup <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> la ville, les uns émerveillés, les autres<br />

effrayés par ce jour qui ne finit pas. Mais dans ce bref intervalle <strong>de</strong> temps, tu<br />

auras bi<strong>en</strong> avancé avec les <strong>de</strong>ux Grecs.<br />

10. Cep<strong>en</strong>dant, après que J'aurai éteint le faux soleil, nous pr<strong>en</strong>drons tous sur<br />

c<strong>et</strong>te hauteur un bon souper p<strong>en</strong>dant lequel bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses pourront <strong>en</strong>core être<br />

traitées <strong>et</strong> discutées. Tu sais désormais tout ce qu'il faut faire pour le mom<strong>en</strong>t ; le<br />

reste vi<strong>en</strong>dra plus tard ! »<br />

175


11. Mathaël Me remercie <strong>de</strong> la mission que Je lui ai confiée — <strong>et</strong> aussi, <strong>en</strong> secr<strong>et</strong>,<br />

<strong>de</strong> lui avoir confié la belle Hélène, qui avait violemm<strong>en</strong>t surpris son cœur dès le<br />

premier regard, au point qu'il se murmurait à lui-même <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> : « Par tous les<br />

cieux, jamais on n'a vu si belle figure <strong>de</strong> femme dans tout Israël ! »<br />

12. Cep<strong>en</strong>dant, tous les Romains, sans <strong>en</strong> excepter Cyrénius, avai<strong>en</strong>t eux aussi<br />

j<strong>et</strong>é leur dévolu sur la belle Grecque, <strong>et</strong> il leur <strong>en</strong> coûtait beaucoup <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r<br />

quoi que ce soit d'autre que la belle Hélène, dont le corps, qui semblait fait du<br />

plus pur éther lumineux, exerçait une attraction plus puissante que le très<br />

merveilleux soleil appar<strong>en</strong>t.<br />

13. Aussi Mathaël faisait-il les plus <strong>grand</strong>s efforts pour se repr<strong>en</strong>dre ; cep<strong>en</strong>dant,<br />

hors Moi-même, nul ne remarqua ce qu'il éprouvait tout au fond <strong>de</strong> lui.<br />

Chapitre 92<br />

De la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre la beauté <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> celle <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong><br />

Dieu<br />

1. Il (Mathaël) se dirigea donc gravem<strong>en</strong>t vers Ouran <strong>et</strong> la très belle Hélène <strong>et</strong><br />

leur <strong>de</strong>manda à tous <strong>de</strong>ux s'ils avai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> mûrem<strong>en</strong>t réfléchi aux explications<br />

données par lui.<br />

2. À quoi Hélène répond d'un air fort aimable : « Mais l'on dit pourtant que je<br />

suis moi aussi une belle fille, <strong>et</strong> l'on m'a même souv<strong>en</strong>t qualifiée <strong>de</strong> "secon<strong>de</strong><br />

Vénus" ; p<strong>en</strong>ses-tu que ce nom ait la même signification pour moi que dans ton<br />

explication ? Dis-le-moi, ô cher <strong>et</strong> sage ami ! »<br />

3. C<strong>et</strong>te question embarrassa tout d'abord quelque peu notre Mathaël, car il y<br />

décela au premier regard une p<strong>et</strong>ite blessure au cœur d'Hélène ; mais il se<br />

ressaisit bi<strong>en</strong>tôt <strong>et</strong> dit : « Très chère sœur <strong>en</strong> Dieu, ce que je t'ai dit ne vaut que<br />

pour les <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong> ; quant aux véritables <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu, ils peuv<strong>en</strong>t être<br />

aussi beaux que possible selon l'appar<strong>en</strong>ce extérieure sans <strong>en</strong> être moins sages<br />

dans leur cœur.<br />

4. Chez eux, la beauté extérieure n'est que l'<strong>en</strong>seigne <strong>de</strong> leur beauté spirituelle<br />

intérieure ; mais chez les <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong>, elle est le fard trompeur <strong>de</strong>s<br />

tombeaux qui, lorsqu'ils sont badigeonnés à l'excès, paraiss<strong>en</strong>t beaux <strong>et</strong><br />

accueillants, mais sont emplis intérieurem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> pourriture <strong>et</strong> <strong>de</strong> puanteur.<br />

5. Mais toi, tu cherchais Dieu — aussi es-tu une <strong>en</strong>fant <strong>de</strong> Dieu. Mais les <strong>en</strong>fants<br />

du mon<strong>de</strong> ne cherch<strong>en</strong>t que le mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> c'est pourquoi ils sont ses <strong>en</strong>fants. Ils<br />

fui<strong>en</strong>t le divin <strong>et</strong> ne recherch<strong>en</strong>t que les honneurs <strong>et</strong> les appar<strong>en</strong>ces du mon<strong>de</strong>.<br />

6. Qu'ils trouv<strong>en</strong>t le mon<strong>de</strong> <strong>grand</strong>, beau <strong>et</strong> magnifique, <strong>et</strong> c'est là tout leur<br />

bonheur ; mais que l'on se m<strong>et</strong>te à leur parler <strong>de</strong> choses divines, <strong>et</strong> ils ne sav<strong>en</strong>t<br />

plus ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong>, pour cacher leur honte, se couvr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tous les artifices terrestres,<br />

pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le masque <strong>de</strong> l'orgueil <strong>et</strong> <strong>de</strong> la morgue, <strong>et</strong> poursuiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leur colère, <strong>de</strong><br />

leur haine <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs sarcasmes tout ce que Dieu m<strong>et</strong> <strong>de</strong> sagesse dans les cœurs<br />

<strong>de</strong> Ses <strong>en</strong>fants.<br />

176


7. C'est pourquoi il y a une <strong>grand</strong>e différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre la beauté <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu<br />

<strong>et</strong> celle <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong>. La première est, comme je l'ai dit, l'<strong>en</strong>seigne <strong>de</strong> la<br />

beauté intérieure <strong>de</strong> l'âme, <strong>et</strong> la secon<strong>de</strong> le badigeon <strong>de</strong>s tombeaux, <strong>et</strong> c'est celleci<br />

que Vénus représ<strong>en</strong>te, mais non la ti<strong>en</strong>ne, puisque tu cherches Dieu <strong>et</strong> L'as<br />

d'ailleurs déjà trouvé ; aussi n'as-tu pas du tout à rapporter à toi-même ma<br />

précé<strong>de</strong>nte explication à propos <strong>de</strong> Vénus. — M'as-tu bi<strong>en</strong> compris à prés<strong>en</strong>t ? »<br />

8. Hélène dit : « Oh, oui ! Mais dire que je suis une <strong>en</strong>fant <strong>de</strong> Dieu me paraît<br />

certes quelque peu audacieux ! Il est sans doute vrai que nous sommes tous <strong>de</strong>s<br />

créatures d'un seul <strong>et</strong> même Dieu ; mais il ne saurait être question <strong>de</strong> la dignité à<br />

coup sûr infinie <strong>de</strong>s vrais <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu à propos <strong>de</strong> nous, qui sommes faits <strong>de</strong><br />

matière grossière <strong>et</strong> pesante <strong>et</strong> visiblem<strong>en</strong>t affligés <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> faiblesses<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>s innombrables imperfections qui <strong>en</strong> découl<strong>en</strong>t ! En cela, très cher <strong>et</strong><br />

pourtant très sage ami, tu t'avances sans doute un peu trop ! »<br />

9. Matthaël dit : « Oh, nullem<strong>en</strong>t ; car ce que je t'ai dit, vois-tu, je le ti<strong>en</strong>s <strong>de</strong><br />

Celui-là seul qui est <strong>grand</strong> ! Et ce qu'il m'<strong>en</strong>seigne est <strong>et</strong> <strong>de</strong>meure éternellem<strong>en</strong>t<br />

vérité !<br />

10. Imagine que tu possè<strong>de</strong>s une colombe capable <strong>de</strong> voler ; afin qu'elle ne<br />

s'<strong>en</strong>vole pas sans cesse <strong>et</strong> qu'elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne familière <strong>et</strong> confiante, tu lui rognes les<br />

ailes. La colombe ne peut alors plus s'<strong>en</strong> aller au gré <strong>de</strong> sa fantaisie, mais doit<br />

rester auprès <strong>de</strong> toi <strong>et</strong> se laisser apprivoiser.<br />

11. Dis-moi, la colombe est-elle moins colombe à prés<strong>en</strong>t que ses ailes sont rognées<br />

qu'auparavant, lorsqu'elles ne l'étai<strong>en</strong>t pas ? Les ailes <strong>de</strong> ta chère colombe<br />

ne repousseront-elles pas <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> temps ? Oui, bi<strong>en</strong>tôt, la colombe aura<br />

r<strong>et</strong>rouvé ses ailes <strong>et</strong> pourra voler aussi bi<strong>en</strong> qu'avant ; mais elle aura été<br />

apprivoisée <strong>et</strong> restera volontiers près <strong>de</strong> toi. Et même si elle s'<strong>en</strong>vole <strong>de</strong> temps <strong>en</strong><br />

temps, tu n'auras qu'à l'appeler pour qu'elle t'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong> du haut du ciel <strong>et</strong> revi<strong>en</strong>ne à<br />

tire d'aile vers toi pour que tu la caresses,<br />

12. Certes, les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu ont eux aussi <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s faiblesses qui<br />

les gên<strong>en</strong>t fort pour s'élever vers Dieu, leur Père ; mais le Père céleste n'a <strong>en</strong>voyé<br />

ces faiblesses à Ses <strong>en</strong>fants pour la durée <strong>de</strong> leur vie terrestre que pour la même<br />

raison qui t'a fait <strong>en</strong>traver le vol <strong>de</strong> ta colombe.<br />

13. Et c'est précisém<strong>en</strong>t dans c<strong>et</strong>te faiblesse que les <strong>en</strong>fants doiv<strong>en</strong>t reconnaître<br />

leur Père, qu'ils doiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir paisibles <strong>et</strong> humbles <strong>et</strong> prier le Père <strong>de</strong> leur<br />

donner la ferm<strong>et</strong>é <strong>et</strong> la vraie force ; <strong>et</strong> Il les leur donnera lorsque le mom<strong>en</strong>t sera<br />

v<strong>en</strong>u pour eux.<br />

14. Mais avec toutes ces faiblesses qui sont les leurs, les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu ne sont<br />

pas moins Ses <strong>en</strong>fants que la colombe n'est <strong>et</strong> ne <strong>de</strong>meure colombe, même<br />

lorsque, pour un temps, ses ailes ont été rognées pour les besoins <strong>de</strong><br />

l'apprivoisem<strong>en</strong>t. — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela maint<strong>en</strong>ant, très charmante Hélène ? »<br />

Chapitre 93<br />

Des <strong>de</strong>ux sortes d'amour <strong>en</strong>vers le Seigneur<br />

177


1. Hélène dit : « Oui, oui, avec <strong>en</strong>core quelque grisaille, il est vrai, mais la chose<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus claire pour moi, <strong>et</strong> j'espère la compr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core mieux<br />

avec le temps. Cep<strong>en</strong>dant, dis-nous, cher ami, comm<strong>en</strong>t il se fait que j'aime plus<br />

<strong>en</strong>core maint<strong>en</strong>ant Celui que tu nommes le seul <strong>grand</strong>, <strong>et</strong> qu'il n'y ait pourtant<br />

aucune souffrance dans mon cœur !? Car <strong>de</strong>puis que tu m'as parfaitem<strong>en</strong>t<br />

expliqué qu'un tel amour n'était pas un vice, mais au contraire une vertu<br />

particulièrem<strong>en</strong>t nécessaire à tout être humain vis-à-vis <strong>de</strong> Dieu, c<strong>et</strong> amour<br />

pourtant bi<strong>en</strong> plus fort à prés<strong>en</strong>t ne cause plus aucune douleur à mon cœur, <strong>et</strong><br />

toute l'angoisse qui m'étreignait la poitrine s'est pour ainsi dire <strong>en</strong>volée ! Oh, dismoi<br />

donc d'où cela peut v<strong>en</strong>ir ! »<br />

2. Mathaël dit : « Mais, très chère, c'est pourtant évi<strong>de</strong>nt ! Tout à l'heure, tu étais<br />

rongée par la crainte parce que ton cœur te faisait aimer un dieu, ce qui, dans<br />

votre théologie ins<strong>en</strong>sée, est considéré comme condamnable au plus haut point.<br />

Mais à prés<strong>en</strong>t que tu as touché du doigt la folie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te doctrine, tu as reconnu à<br />

la source la volonté <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> tu sais désormais qu'un tel amour est une vertu<br />

cardinale pour tout être humain ; il est donc facile <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre pourquoi c<strong>et</strong><br />

amour ne provoque plus la souffrance dans ton cœur, mais nécessairem<strong>en</strong>t tout le<br />

contraire ! — Ne compr<strong>en</strong>ds-tu pas cela <strong>de</strong> toi-même ? »<br />

3. Hélène dit : « Oh, si, je le compr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant ; mais sans ton<br />

explication, je n'y eusse pas vu clair <strong>de</strong> longtemps ! Ah, tout est <strong>en</strong> ordre à prés<strong>en</strong>t<br />

! »<br />

4. Mathaël dit : « Eh bi<strong>en</strong>, si tout est clair, tu n'auras plus <strong>grand</strong>-chose à appr<strong>en</strong>dre<br />

; car la juste croissance <strong>de</strong> l'amour dans ton cœur te donnera tout le reste.<br />

Mais pour le mom<strong>en</strong>t, jouis aussi <strong>de</strong> la beauté <strong>de</strong> ce jour que le Seigneur, dans<br />

Son amour, Sa sagesse <strong>et</strong> Sa puissance infinis, nous offre par surcroît ; car après<br />

nous, <strong>de</strong>s milliers d'années s'écouleront sans que les hommes revoi<strong>en</strong>t la<br />

magnific<strong>en</strong>ce d'un tel jour ! »<br />

5. Ouran dit : « Ce que tu dis est fort vrai, noble ami ; une telle prolongation du<br />

jour dans la soirée est merveilleuse <strong>et</strong> mémorable au plus haut point ! Cela serait<br />

moins frappant le matin, car les hommes ont déjà remarqué, particulièrem<strong>en</strong>t<br />

dans la région du Pont, qu'il arrivait souv<strong>en</strong>t qu'un, <strong>de</strong>ux <strong>et</strong> jusqu'à trois soleils se<br />

lèv<strong>en</strong>t successivem<strong>en</strong>t avant le vrai, <strong>de</strong> sorte que le matin est alors fort <strong>en</strong><br />

avance. Ces apparitions matinales sont d'ailleurs très intéressantes <strong>et</strong><br />

remarquables, mais <strong>en</strong> aucun cas au même <strong>de</strong>gré que c<strong>et</strong> allongem<strong>en</strong>t vespéral<br />

causé par la persistance au firmam<strong>en</strong>t d'un soleil tout à fait semblable au vrai <strong>et</strong><br />

aussi lumineux que lui. Oui, oui, à ma connaissance, une telle chose ne s'est<br />

jamais vue, <strong>et</strong> il paraît difficile qu'elle se reproduise jamais !<br />

6. Mais ce que c<strong>et</strong>te apparition a <strong>de</strong> plus remarquable, ce sont les étoiles que l'on<br />

aperçoit à l'est ; pourtant, ce soleil qui est <strong>en</strong> quelque sorte un artifice divin ne<br />

paraît <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> plus faible que le soleil naturel. Dis-moi, cher ami, sont-ce là les<br />

vraies étoiles, ou s'agit-il par hasard aussi d'un faux-semblant ? L'heure où les<br />

étoiles pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t place au firmam<strong>en</strong>t est certes déjà là <strong>de</strong>puis longtemps ; mais<br />

pourquoi ne les voit-on qu'à l'est <strong>et</strong> non dans tout le ciel ? »<br />

7. Mathaël dit : « Ami, cela a déjà été dit aujourd'hui, mais tu n'auras pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du,<br />

aussi te l'expliquerai-je volontiers dans la mesure où je le compr<strong>en</strong>ds. »<br />

178


Chapitre 94<br />

Mathaël parle du mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s étoiles<br />

1. (Mathaël :) « Vois-tu, ce soleil qui brille à prés<strong>en</strong>t dans le ciel est à peine<br />

éloigné <strong>de</strong> nous <strong>en</strong> ligne droite d'une <strong>de</strong>mi-journée <strong>de</strong> course pour un bon cavalier<br />

; mais le vrai soleil, lui, est si éloigné <strong>de</strong> la terre <strong>en</strong> ligne droite que s'il<br />

était possible à un bon cavalier <strong>de</strong> suivre c<strong>et</strong>te ligne d'une longueur extrême sans<br />

s'arrêter ni jour ni nuit, il ne parvi<strong>en</strong>drait à son terme qu'<strong>en</strong> dix mille ans au<br />

moins. Quelle n'est donc pas la portée <strong>de</strong>s rayons du soleil naturel <strong>et</strong> l'imm<strong>en</strong>sité<br />

<strong>de</strong> l'espace qu'ils rempliss<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> combi<strong>en</strong> courts sont <strong>en</strong> comparaison les rayons<br />

<strong>de</strong> ce faux soleil ! Ils ne parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à l'est que fort affaiblis, ce que l'on peut<br />

d'ailleurs fort bi<strong>en</strong> conclure <strong>de</strong> la plus <strong>grand</strong>e obscurité dans c<strong>et</strong>te direction, <strong>et</strong><br />

c'est pourquoi l'atmosphère n'y est pas si brillamm<strong>en</strong>t éclairée que par le soleil<br />

naturel. Or, c'est précisém<strong>en</strong>t la brillante illumination <strong>de</strong> l'air qui <strong>en</strong>veloppe c<strong>et</strong>te<br />

terre jusqu'à une <strong>grand</strong>e distance qui fait que, le jour, nous ne pouvons voir<br />

aucune étoile.<br />

2. Si la lumière du soleil était beaucoup moins puissante, nous verrions les étoiles<br />

le jour égalem<strong>en</strong>t, du moins les plus grosses ; mais, à cause <strong>de</strong> la puissance <strong>de</strong> la<br />

lumière solaire qui s'ét<strong>en</strong>d à <strong>de</strong>s distances incomm<strong>en</strong>surables, il est impossible,<br />

<strong>de</strong> jour, <strong>de</strong> voir même les plus grosses <strong>de</strong>s étoiles. — Compr<strong>en</strong>ds-tu un peu cela<br />

? »<br />

3. Ouran dit : « Sans doute, je le compr<strong>en</strong>ds plus ou moins, mais je suis <strong>en</strong>core<br />

bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong> pouvoir dire que je compr<strong>en</strong>ds tout à fait ; car c'est dans le domaine<br />

<strong>de</strong>s étoiles <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur mouvem<strong>en</strong>t que je m'y suis toujours le moins <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du.<br />

Ainsi, je n'ai jamais vraim<strong>en</strong>t pu compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t il se fait que, peu après le<br />

coucher du soleil, un certain nombre d'étoiles connues paraiss<strong>en</strong>t au firmam<strong>en</strong>t,<br />

mais qu'<strong>en</strong>suite il <strong>en</strong> vi<strong>en</strong>ne sans cesse <strong>de</strong> nouvelles <strong>de</strong> l'est, tandis que celles qui<br />

sont déjà là disparaiss<strong>en</strong>t à nouveau à l'ouest ; avec cela, quelques-unes<br />

<strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t hiver comme été sans <strong>grand</strong> changem<strong>en</strong>t dans leur position première<br />

au firmam<strong>en</strong>t. C'est particulièrem<strong>en</strong>t le cas <strong>de</strong>s étoiles qui orn<strong>en</strong>t la partie<br />

sept<strong>en</strong>trionale du ciel ; à l'inverse, les très belles étoiles du ciel méridional sont<br />

très changeantes, <strong>et</strong> on <strong>en</strong> voit <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>tes à chaque saison. Et parmi elles, il y<br />

a <strong>en</strong>core <strong>de</strong>s étoiles mouvantes qui ne rest<strong>en</strong>t jamais fidèles aux constellations<br />

d'ailleurs bi<strong>en</strong> connues <strong>et</strong> toujours semblables à elles-mêmes, mais qui vont sans<br />

crier gare d'une constellation fixe à l'autre.<br />

4. De même, la lune semble se lever <strong>et</strong> se coucher sans suivre aucune règle ;<br />

tantôt elle se lève très au nord, tantôt au contraire très au sud. Ainsi, ami, puisque<br />

tu t'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds à coup sûr davantage que moi <strong>et</strong> ma fille, explique-nous c<strong>et</strong>te<br />

énigme du ciel ! »<br />

5. Mathaël dit : « Le temps dont nous disposons ici serait bi<strong>en</strong> trop court pour te<br />

r<strong>en</strong>dre tout cela parfaitem<strong>en</strong>t compréh<strong>en</strong>sible, <strong>et</strong> tu n'aurais sans doute pas la<br />

pati<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> m'écouter jusqu'au bout. Aussi rem<strong>et</strong>trons-nous cela à un mom<strong>en</strong>t<br />

plus propice ; mais je peux toujours te donner quelques explications pour ton<br />

apaisem<strong>en</strong>t, aussi, écoute-moi att<strong>en</strong>tivem<strong>en</strong>t !<br />

179


6. Vois-tu, ce ne sont pas les étoiles, le soleil <strong>et</strong> la lune qui se lèv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> se couch<strong>en</strong>t,<br />

mais seulem<strong>en</strong>t la terre, qui, n'étant pas un disque plat, mais bi<strong>en</strong> une très<br />

grosse boule <strong>de</strong> plusieurs milliers <strong>de</strong> lieues <strong>de</strong> circonfér<strong>en</strong>ce, tourne sur son axe<br />

médian <strong>en</strong> vingt-cinq heures <strong>en</strong>viron telles que les mesur<strong>en</strong>t nos sabliers, comme<br />

le Seigneur Lui-même l'a déjà expliqué. C'est c<strong>et</strong>te rotation qui produit tous les<br />

eff<strong>et</strong>s à propos <strong>de</strong>squels tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me questionner, <strong>et</strong> tu <strong>en</strong> as donc là <strong>en</strong> peu <strong>de</strong><br />

mots toute l'explication.<br />

7. Selon l'explication du Seigneur <strong>en</strong> personne <strong>et</strong> selon la vision qu'il m'a été<br />

donné d'<strong>en</strong> avoir moi-même, les étoiles que tu aperçois constamm<strong>en</strong>t comme <strong>de</strong>s<br />

images fixes sont elles-mêmes <strong>de</strong>s soleils, <strong>et</strong> si infinim<strong>en</strong>t éloignées <strong>de</strong> la terre<br />

que nous ne pouvons ri<strong>en</strong> percevoir ni <strong>de</strong> leur taille, ni <strong>de</strong> leur éloignem<strong>en</strong>t,<br />

<strong>en</strong>core moins <strong>de</strong> leur mouvem<strong>en</strong>t. Avec ces étoiles lointaines, il faut plusieurs<br />

milliers d'années pour noter un quelconque changem<strong>en</strong>t ; mais quelques siècles<br />

ne font aucune différ<strong>en</strong>ce dans la position <strong>de</strong> ces étoiles.<br />

8. Quant aux étoiles dont la configuration change sans cesse, elles sont beaucoup<br />

plus proches <strong>de</strong> la terre, <strong>et</strong> ce sont <strong>en</strong> fait <strong>de</strong>s corps célestes plus p<strong>et</strong>its qu'un<br />

soleil qui se meuv<strong>en</strong>t autour <strong>de</strong> notre soleil, raison pour laquelle on peut<br />

aisém<strong>en</strong>t percevoir leur mouvem<strong>en</strong>t. C'est là l'ess<strong>en</strong>tiel, <strong>et</strong> je t'appr<strong>en</strong>drai tout le<br />

reste <strong>en</strong> une prochaine occasion ! — Es-tu satisfait ? »<br />

9. Ouran dit : « Satisfait, sans aucun doute, mais je suis déjà quelque chose<br />

comme un vieil arbre, assurém<strong>en</strong>t fort difficile à ployer, <strong>et</strong> il te faudra toujours<br />

considérer un peu cela.<br />

10. Songe que <strong>de</strong>puis ma plus t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>fance jusqu'à mon âge actuel, déjà<br />

passablem<strong>en</strong>t ch<strong>en</strong>u, j'ai été accoutumé à vivre très fidèlem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> consci<strong>en</strong>cieusem<strong>en</strong>t<br />

dans ma vieille stupidité <strong>et</strong> que, n'ayant ri<strong>en</strong> appris <strong>de</strong> mieux, j'y trouvais<br />

parfois <strong>de</strong>s confirmations tout à fait significatives <strong>de</strong> ce que je croyais ; mais ici,<br />

tout ce qui se prés<strong>en</strong>te est <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t nouveau, <strong>et</strong> il s'agit tout simplem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

j<strong>et</strong>er à la mer du néant compl<strong>et</strong> tout ce qui est anci<strong>en</strong>, ce qui, pour moi, ne va tout<br />

<strong>de</strong> même pas sans mal.<br />

11. Ainsi, si je dois recevoir ici un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> quoi que ce soit nouveau<br />

auquel je n'avais <strong>en</strong>core jamais songé, il faut bi<strong>en</strong> qu'il me coûte quelque effort<br />

<strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre pleinem<strong>en</strong>t l'inanité <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong> <strong>et</strong> la vérité du nouveau ; aussi te<br />

faudra-il avoir un peu <strong>de</strong> pati<strong>en</strong>ce, surtout avec moi. Avec le temps, je <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drai<br />

peut-être pour toi un disciple tout à fait supportable, malgré mon âge déjà<br />

avancé.<br />

12. Avec ma fille, tu n'auras <strong>en</strong> revanche que bi<strong>en</strong> peu <strong>de</strong> peine ; car c<strong>et</strong>te <strong>en</strong>fant<br />

a le don <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre aisém<strong>en</strong>t. Quant à moi, tu parvi<strong>en</strong>dras sans doute à faire<br />

quelque chose <strong>de</strong> moi, mais sans doute un peu plus l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t ; je ne courrai<br />

certes plus aussi vite qu'un cerf, mais je saurai gar<strong>de</strong>r à peu près le mo<strong>de</strong>ste pas<br />

d'un bœuf.<br />

13. Ah, les étoiles, les étoiles, cher ami, les étoiles, le soleil <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te lune si inconstante<br />

! Ce sont là choses fort étranges, <strong>et</strong> notre terre aussi, d'ailleurs ; celui<br />

qui s'y reconnaîtrait vraim<strong>en</strong>t là-<strong>de</strong>dans serait assurém<strong>en</strong>t au plus haut <strong>de</strong>gré <strong>de</strong><br />

la sagesse humaine ! Mais avant que tous ces secr<strong>et</strong>s <strong>et</strong> ces mystères<br />

impénétrables soi<strong>en</strong>t éclaircis, surtout pour un homme comme moi, ô ami, c<strong>et</strong>te<br />

180


onne lune aura <strong>en</strong>core mainte occasion <strong>de</strong> suivre son cours paresseux au-<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> l'horizon ! Je s<strong>en</strong>s bi<strong>en</strong> que les choses que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me dire sont <strong>de</strong>s vérités<br />

absolues ; mais elles gis<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core éparses <strong>et</strong> sans li<strong>en</strong> dans ma tête comme les<br />

premières pierres d'un nouveau <strong>grand</strong> palais à v<strong>en</strong>ir ; comm<strong>en</strong>t, dans mon cas,<br />

ces premières pierres seront <strong>en</strong>suite liées par le maçon pour fon<strong>de</strong>r le palais, il y<br />

a sans doute beaucoup à dire là-<strong>de</strong>ssus, <strong>et</strong> je crois, ami, que tu auras toi-même<br />

fort à faire ! »<br />

Chapitre 95<br />

Des mo<strong>de</strong>s d'éducation dans l'anci<strong>en</strong>ne Egypte<br />

1. Mathaël dit avec <strong>en</strong>jouem<strong>en</strong>t, car la remarque fort pertin<strong>en</strong>te du vieillard lui<br />

avait beaucoup plu : « Très cher ami Ouran, tu vi<strong>en</strong>s <strong>en</strong> vérité <strong>de</strong> parler aussi<br />

sagem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> véridiquem<strong>en</strong>t que possible selon ta nature extérieure d'homme, <strong>et</strong> il<br />

<strong>en</strong> va <strong>de</strong> la compréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> nouvelles vérités <strong>en</strong>core jamais vues exactem<strong>en</strong>t<br />

comme tu l'as dit. Pourtant, j'ai quelques remarques à opposer à cela : vois-tu, il<br />

existait autrefois <strong>en</strong> Egypte, dans les anci<strong>en</strong>nes écoles <strong>de</strong> ce royaume, un mo<strong>de</strong><br />

d'éducation tout à fait particulier, <strong>et</strong> au fond pas mauvais du tout, pour les <strong>en</strong>fants<br />

<strong>de</strong>stinés à la prêtrise.<br />

2. Les <strong>en</strong>fants nouveaux-nés étai<strong>en</strong>t immédiatem<strong>en</strong>t emportés dans <strong>de</strong> vastes<br />

appartem<strong>en</strong>ts souterrains où la lumière du jour ne pénétrait jamais. Là, ils étai<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong> soignés, <strong>et</strong> ne voyai<strong>en</strong>t pas d'autre lumière que celle, artificielle, <strong>de</strong> lampes à<br />

naphte fort bi<strong>en</strong> faites, car l'on sait que les anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s étai<strong>en</strong>t les maîtres<br />

inimitables <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te fabrication. Le jeune homme <strong>de</strong>vait <strong>de</strong>meurer jusqu'à sa<br />

vingtième année dans ces salles souterraines, où on lui <strong>en</strong>seignait les beautés du<br />

mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la surface, ou plus précisém<strong>en</strong>t du mon<strong>de</strong> extérieur, qu'il n'avait<br />

cep<strong>en</strong>dant jamais pu voir <strong>en</strong>core.<br />

3. Il se le représ<strong>en</strong>tait donc du mieux qu'il pouvait dans son imagination ; mais il<br />

lui était bi<strong>en</strong> sûr impossible <strong>de</strong> se faire la moindre idée véridique <strong>de</strong> la vaste<br />

ét<strong>en</strong>due <strong>de</strong>s contrées, <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e lumière qui occupe les profon<strong>de</strong>urs incomm<strong>en</strong>surables<br />

<strong>de</strong> l'espace, c'est-à-dire celle du soleil, <strong>de</strong> la lune <strong>et</strong> <strong>de</strong>s étoiles<br />

sans nombre, pas plus que <strong>de</strong> la force <strong>et</strong> <strong>de</strong> la chaleur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te lumière.<br />

4. Le disciple qui m<strong>en</strong>ait la vie paisible <strong>de</strong>s obscures salles souterraines <strong>de</strong> ces<br />

écoles avait donc le cerveau rempli <strong>de</strong> fragm<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> vérité sur le mon<strong>de</strong> extérieur<br />

<strong>et</strong> son fonctionnem<strong>en</strong>t, mais, malgré tout son zèle <strong>et</strong> toute son att<strong>en</strong>tion, il ne<br />

pouvait, comme on dit, les recoller <strong>en</strong>semble.<br />

5. Ce n'était donc bi<strong>en</strong> là que pierres à bâtir soli<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> bon aloi, qui réclamai<strong>en</strong>t<br />

fort d'être assemblées pour former un <strong>grand</strong> palais, mais cela, bi<strong>en</strong> sûr,<br />

était parfaitem<strong>en</strong>t impossible dans les appartem<strong>en</strong>ts souterrains.<br />

6. Mais quand l'un <strong>de</strong> ces disciples du mon<strong>de</strong> souterrain avait atteint, selon le<br />

jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ses professeurs, le <strong>de</strong>gré nécessaire d'éducation, on lui signifiait que,<br />

par la grâce divine, il accé<strong>de</strong>rait bi<strong>en</strong>tôt <strong>et</strong> à l'improviste au mon<strong>de</strong> lumineux <strong>de</strong><br />

la surface, dans la lumière duquel il vivrait <strong>et</strong> appr<strong>en</strong>drait davantage <strong>de</strong> choses <strong>en</strong><br />

un instant qu'<strong>en</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s heures dans l'obscurité du mon<strong>de</strong> souterrain.<br />

181


7. Le disciple du mon<strong>de</strong> souterrain s'<strong>en</strong> réjouissait naturellem<strong>en</strong>t fort, bi<strong>en</strong> qu'il<br />

dût <strong>en</strong> vérité subir au préalable une sorte <strong>de</strong> mort tout à fait particulière. C<strong>et</strong>te<br />

mort consistait <strong>en</strong> un très profond sommeil p<strong>en</strong>dant lequel on transportait le<br />

disciple dans un magnifique palais du mon<strong>de</strong> d'<strong>en</strong> haut (*) .<br />

8. Quels yeux émerveillés ouvrait le jeune disciple lorsque, sortant <strong>de</strong> son<br />

sommeil, il se trouvait pour la première fois dans la divine lumière du soleil !<br />

Quelle impression se faisait-il à lui-même avec ses vêtem<strong>en</strong>ts blancs rayés <strong>de</strong><br />

rouge <strong>et</strong> <strong>de</strong> bleu ! Et quelle impression lui faisai<strong>en</strong>t les aimables personnes <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux sexes qui l'att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t, tout aussi bi<strong>en</strong> vêtues ! Comme il savourait les<br />

nouveaux m<strong>et</strong>s si bi<strong>en</strong> préparés ! Et que ne <strong>de</strong>vait éprouver son âme au mom<strong>en</strong>t<br />

où, quittant c<strong>et</strong>te très aimable compagnie, il sortait à l'air libre pour se prom<strong>en</strong>er<br />

dans les magnifiques jardins <strong>et</strong> <strong>en</strong> respirer les parfums d'ambroisie, lorsque, pour<br />

la première fois, il voyait la nature tout <strong>en</strong>tière dans sa pleine réalité, illuminée<br />

par le soleil, <strong>de</strong>vant ses yeux <strong>en</strong>ivrés d'une joie dépassant toute conception<br />

humaine !<br />

9. Vois-tu, ce tableau, que tu peux continuer à peindre pour toi-même dans ton<br />

imagination, te montre ce qu'il <strong>en</strong> est <strong>de</strong> ta propre compréh<strong>en</strong>sion actuelle <strong>de</strong><br />

toutes les vérités nouvelles qui t'ont été révélées ici !<br />

10. Les choses que tu appr<strong>en</strong>ds dans les chambres obscures où ton âme se trouve<br />

<strong>en</strong>core ne sont certes que <strong>de</strong>s fragm<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> ne peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> soi former déjà un tout<br />

accompli ; mais quand ton esprit se sera éveillé dans ton âme par le véritable<br />

amour <strong>en</strong> Dieu le Seigneur, <strong>et</strong> <strong>de</strong> là par l'amour <strong>en</strong>vers le prochain, alors, tu<br />

verras tout cela <strong>de</strong> manière parfaitem<strong>en</strong>t cohér<strong>en</strong>te à la lumière très claire <strong>de</strong> ton<br />

esprit, <strong>et</strong> tu verras une mer infinie <strong>de</strong> lumière là où, pour le mom<strong>en</strong>t, tu ne peux<br />

tout juste apercevoir que quelques gouttel<strong>et</strong>tes.<br />

11. Notre premier travail <strong>et</strong> le plus important sera donc <strong>de</strong> libérer l'esprit dans ton<br />

âme <strong>et</strong> d'am<strong>en</strong>er l'âme dans sa lumière ; lorsque nous y serons parv<strong>en</strong>us, ami,<br />

nous n'aurons plus besoin <strong>de</strong> réunir <strong>de</strong>s gouttel<strong>et</strong>tes, mais nous aurons aussitôt<br />

affaire à la mer infinie emplie <strong>de</strong> la suprême lumière <strong>de</strong> la sagesse divine.<br />

12. Alors, ami, tu ne m'interrogeras plus, assurém<strong>en</strong>t, sur ce que sont la lune,<br />

notre terre, le soleil <strong>et</strong> toutes les étoiles ; car au premier regard, tu trouveras tout<br />

cela aussi clair que la lumière du soleil <strong>en</strong> plein midi.<br />

13. Mais c'est alors une autre école qui comm<strong>en</strong>cera pour nous, une école dont tu<br />

ne peux certes pas <strong>en</strong>core avoir la moindre idée. — Dis-moi, ami, si tu as tant<br />

soit peu compris c<strong>et</strong>te analogie. Te plaît-elle ? »<br />

Chapitre 96<br />

Réflexions d'Hélène sur la sagesse <strong>de</strong>s hommes<br />

(*) À noter que ce mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la surface ou d'<strong>en</strong> haut se dit Obewelt, qui signifie<br />

égalem<strong>en</strong>t « mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vivants », par opposition aux <strong>en</strong>fers, Unterwell (ici «<br />

mon<strong>de</strong> souterrain ») ; le symbolisme est donc surdéterminé <strong>en</strong> allemand, ici comme<br />

dans beaucoup d'autres cas. (N.d.T.)<br />

182


1. Ouran dit : « Très cher ami, elle me plaît tout spécialem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> il faut qu'il <strong>en</strong><br />

soit ainsi pour nous, les hommes ; car s'il n'<strong>en</strong> était pas ainsi <strong>et</strong> que les choses<br />

duss<strong>en</strong>t se passer autrem<strong>en</strong>t, tu n'<strong>en</strong> serais pas v<strong>en</strong>u à c<strong>et</strong>te sagesse qui est la<br />

ti<strong>en</strong>ne !<br />

2. Tu as sans doute été toi aussi d'abord élevé dans l'obscur mon<strong>de</strong> souterrain <strong>de</strong><br />

ta chair avant <strong>de</strong> mourir à la chair dans ton âme, <strong>et</strong> tu te promènes désormais<br />

dans le lumineux palais <strong>de</strong> ton esprit <strong>et</strong> dans ses jardins véritablem<strong>en</strong>t élysé<strong>en</strong>s.<br />

Chez toi, les p<strong>et</strong>ites gouttes jadis isolées sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ues une mer ; mais il ne faut<br />

certes pas s'att<strong>en</strong>dre à cela chez moi avant longtemps. Aussi compr<strong>en</strong>ds-je le s<strong>en</strong>s<br />

<strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> tes propos pris séparém<strong>en</strong>t, mais leur relation d'<strong>en</strong>semble ne<br />

m'apparaîtra que lorsque mon âme aura quitté les obscures catacombes <strong>de</strong> la<br />

chair <strong>et</strong> aura été conduite dans le lumineux palais <strong>de</strong> son esprit <strong>et</strong> dans ses jardins<br />

dont les fruits aux s<strong>en</strong>teurs d'ambroisie mûriss<strong>en</strong>t à la lumière <strong>et</strong> à la chaleur <strong>de</strong><br />

l'éternel soleil <strong>de</strong> vie.<br />

3. Oh, je comm<strong>en</strong>ce certes à éprouver <strong>en</strong> moi le doux press<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que<br />

cela peut Être <strong>et</strong> sera sans doute ; mais quand cela arrivera-t-il, la date n'<strong>en</strong> est<br />

pas fixée, <strong>et</strong> l'on ne perçoit même pas <strong>en</strong> soi-même <strong>de</strong> signe qui perm<strong>et</strong>te <strong>de</strong><br />

savoir, fût-ce seulem<strong>en</strong>t quelques jours à l'avance, quand la pauvre âme sera<br />

<strong>en</strong>fin conduite hors <strong>de</strong>s obscures catacombes !<br />

4. Mais qu'y faire ? On ne peut que s'<strong>en</strong> rem<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> toute pati<strong>en</strong>ce à la volonté du<br />

gui<strong>de</strong> tout-puissant qui, sans l'avoir d'abord annoncé à ta chair, a éveillé ton âme<br />

dans le lumineux palais <strong>de</strong> ton puissant esprit.<br />

5. Mais à prés<strong>en</strong>t, j'aimerais que mon Hélène dise elle aussi si ton image lui a<br />

plu, <strong>et</strong> quelles réflexions tout cela a suscité <strong>en</strong> elle. »<br />

6. Hélène répond aussitôt : « Oh, les meilleures du mon<strong>de</strong> ! L'analogie était belle<br />

<strong>et</strong> fort juste, <strong>et</strong> si les anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s avai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tels établissem<strong>en</strong>ts, ils<br />

n'étai<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s stupi<strong>de</strong>s, comme <strong>en</strong> témoign<strong>en</strong>t fort<br />

éloquemm<strong>en</strong>t leurs œuvres <strong>grand</strong>ioses. Il eût seulem<strong>en</strong>t été fort souhaitable que<br />

ces sages écoles s'ét<strong>en</strong>diss<strong>en</strong>t à tout le peuple ; car je ne peux imaginer qu'il <strong>en</strong>tre<br />

dans les <strong>de</strong>sseins du <strong>grand</strong> <strong>et</strong> très sage Créateur qu'une part <strong>de</strong> l'humanité, <strong>et</strong> la<br />

plus <strong>grand</strong>e, <strong>de</strong> surcroît, doive rester sa vie durant stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> totalem<strong>en</strong>t aveugle.<br />

Mais le mon<strong>de</strong> est ainsi fait que pour un sage, il y a toujours plus <strong>de</strong> dix mille<br />

ignorants <strong>et</strong> aveugles ; il <strong>en</strong> est <strong>de</strong> même partout. Mais pourquoi il faut qu'il <strong>en</strong><br />

soit ainsi, c'est bi<strong>en</strong> sûr une tout autre question, à laquelle il est sans doute bi<strong>en</strong><br />

difficile <strong>de</strong> répondre.<br />

7. À nous tous, nous sommes certainem<strong>en</strong>t près <strong>de</strong> quatre c<strong>en</strong>ts rassemblés sur<br />

c<strong>et</strong>te colline au large somm<strong>et</strong>, mais sur ce nombre, il ne doit guère y avoir que<br />

cinquante vrais sages ; tous les autres doiv<strong>en</strong>t être tout au plus <strong>de</strong>s a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> la<br />

sagesse ! Quant aux soldats romains <strong>et</strong> à la nombreuse domesticité du <strong>grand</strong><br />

gouverneur, ils ne compt<strong>en</strong>t sans doute même pas parmi les tout <strong>de</strong>rniers <strong>de</strong>s<br />

a<strong>de</strong>ptes !<br />

8. D'ici, le regard porte sans peine jusqu'à la ville voisine, <strong>et</strong> l'on aperçoit <strong>de</strong>s<br />

foules <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s qui regar<strong>de</strong>nt fixem<strong>en</strong>t le faux soleil, toujours à la même place<br />

avec son magnifique éclat, <strong>et</strong> qui ne sav<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t pas que p<strong>en</strong>ser d'un tel<br />

phénomène. Dans toute c<strong>et</strong>te masse <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s, il n'est sans doute pas un seul sage,<br />

183


même s'il se peut que plus d'un parmi eux s'imagine l'être, ce qui, à dire vrai, est<br />

pire que d'imaginer, dans la vraie humilité <strong>de</strong> son cœur, qu'on est le plus stupi<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> tous ses compagnons. Que peuv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> telles g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> ce<br />

phénomène hors du commun !? Comme ils doiv<strong>en</strong>t s'interroger à tort <strong>et</strong> à travers<br />

<strong>en</strong> disant : "Qu'est-ce donc ?! Qu'est-ce que cela signifie ?! Que va-t-il <strong>en</strong> résulter<br />

?!"<br />

9. Mais qui répondra pour eux à toutes ces questions ? Stupi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> aveugles ils<br />

sont sortis <strong>de</strong> leurs maisons, <strong>et</strong> plus stupi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> aveugles <strong>en</strong>core ils y r<strong>et</strong>ourneront<br />

! Faut-il qu'il <strong>en</strong> soit ainsi, faut-il vraim<strong>en</strong>t que c<strong>et</strong>te foule <strong>de</strong>meure stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

aveugle ? !<br />

10. Ceux qui sont prés<strong>en</strong>ts ici, même quand ils ne sont pas vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s disciples,<br />

ont du moins consci<strong>en</strong>ce que ce n'est pas là le vrai soleil, mais seulem<strong>en</strong>t<br />

un soleil appar<strong>en</strong>t né <strong>de</strong> la puissance du <strong>grand</strong> Maître, qu'ils connaiss<strong>en</strong>t déjà,<br />

aussi font-ils à ce phénomène, selon toute appar<strong>en</strong>ce, <strong>de</strong>s mines tout à fait gaies<br />

<strong>et</strong> réjouies. Certes, ils compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ce phénomène aussi peu que moi ; mais ils<br />

sav<strong>en</strong>t qu'il est le résultat <strong>de</strong> la volonté merveilleuse <strong>de</strong> ce <strong>grand</strong> Maître qu'ils<br />

connaiss<strong>en</strong>t. Et quand, dans une heure peut-être, Il éteindra c<strong>et</strong>te <strong>grand</strong>e lumière,<br />

aucun ne s'<strong>en</strong> inquiétera ; car chacun saura qui l'a éteinte.<br />

11. Mais quand les autres, qui ne sav<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> ce qui se passe ici, verront, dans<br />

une heure <strong>en</strong>viron, ce soleil s'éteindre soudainem<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>droit même où il se<br />

ti<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t, un <strong>grand</strong> effroi <strong>et</strong> une terrible angoisse s'empareront d'eux, <strong>et</strong> ils<br />

croiront tous à coup sûr que les dieux sont <strong>en</strong>trés dans une <strong>grand</strong>e colère <strong>et</strong><br />

veul<strong>en</strong>t frapper la terre <strong>de</strong>s maux les plus terribles ! '<br />

12. Ainsi, il serait même indisp<strong>en</strong>sable, pour apaiser ces g<strong>en</strong>s, <strong>de</strong> leur <strong>en</strong>voyer<br />

<strong>de</strong>s messagers qui expliqueront <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> mots à ces esprits échauffés ce qui va<br />

arriver, <strong>et</strong> qu'il ne s'agit là que d'un faux soleil. — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu, cher <strong>et</strong> bon<br />

ami ? »<br />

Chapitre 97<br />

Du mom<strong>en</strong>t opportun pour l'édification du peuple <strong>et</strong> <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> celle-ci<br />

1. Mathaël dit : « Ô très chère, ce serait tout à fait inopportun ; plus tard, oui,<br />

mais maint<strong>en</strong>ant, au mom<strong>en</strong>t où l'agitation est à son comble, une telle <strong>en</strong>treprise<br />

équivaudrait pour la vie <strong>de</strong> l'âme à verser <strong>de</strong> l'eau froi<strong>de</strong> dans une huile <strong>en</strong><br />

ébullition ! Tout pr<strong>en</strong>drait feu <strong>en</strong> un instant !<br />

2. Mais dans les quelques jours qui suivront c<strong>et</strong>te apparition, les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

vaste contrée <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront bi<strong>en</strong> plus réceptifs à une vérité supérieure ; pas tous,<br />

naturellem<strong>en</strong>t, mais à coup sûr la plupart.<br />

3. Ce sont les prêtres juifs qui auront été le plus malm<strong>en</strong>és par ce phénomène.<br />

Tout d'abord, ils ont déjà été fort secoués par l'éclipsé totale du soleil qui s'est<br />

naturellem<strong>en</strong>t produite aujourd'hui ; car ces g<strong>en</strong>s pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tout au s<strong>en</strong>s matériel<br />

<strong>et</strong> n'ont aucune notion d'un quelconque s<strong>en</strong>s spirituel intérieur, d'autant moins<br />

qu'ils ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t même plus le langage symbolique dans lequel Moïse <strong>et</strong><br />

184


quantité d'autres sages <strong>et</strong> prophètes écrivai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> leur temps.<br />

4. Chez un prophète du nom <strong>de</strong> Daniel est <strong>en</strong> eff<strong>et</strong> m<strong>en</strong>tionnée une certaine<br />

"abomination <strong>de</strong> la désolation" à propos <strong>de</strong> laquelle il est question <strong>de</strong> l'obscurcissem<strong>en</strong>t<br />

du soleil <strong>et</strong> d'une foule d'autres horreurs, toutes choses qui ont<br />

uniquem<strong>en</strong>t un s<strong>en</strong>s spirituel très profond.<br />

5. Mais comme, ainsi que j'<strong>en</strong> ai fait la remarque, les prêtres juifs sont euxmêmes<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>us très matériels <strong>et</strong> ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t donc plus l'Écriture que dans<br />

un s<strong>en</strong>s égalem<strong>en</strong>t très matériel, chaque éclipse <strong>de</strong> soleil les j<strong>et</strong>te dans une terreur<br />

plus que panique, parce qu'ils suppos<strong>en</strong>t que c'est là la fin du mon<strong>de</strong> matériel. Là<br />

où l'anci<strong>en</strong> sage annonçait seulem<strong>en</strong>t la fin tant désirée du règne moral <strong>de</strong> la<br />

matière dans le cœur <strong>de</strong>s hommes, ils croi<strong>en</strong>t voir la fin du mon<strong>de</strong> physique, <strong>et</strong><br />

c'est pourquoi ils éprouv<strong>en</strong>t toujours une terrible angoisse chaque fois que<br />

survi<strong>en</strong>t une éclipse <strong>de</strong> soleil !<br />

6. Ainsi, lorsque, dans une p<strong>et</strong>ite heure, ce soleil va s'éteindre brusquem<strong>en</strong>t, ils<br />

seront saisis d'une <strong>grand</strong>e frayeur ; car aujourd'hui, ils ne verront pas davantage<br />

la lune, puisqu'elle est déjà couchée. Et c<strong>et</strong>te <strong>grand</strong>e frayeur provoquera <strong>de</strong>vant<br />

leurs yeux un phénomène semblable à celui qui se produit chez les ivrognes, à<br />

savoir que, la tête leur tournant, ils verront les étoiles partir <strong>en</strong> tous s<strong>en</strong>s. Ce<br />

phénomène les conduira à p<strong>en</strong>ser que les étoiles elles-mêmes, conformém<strong>en</strong>t à la<br />

prophétie, vont tomber sur la terre, <strong>et</strong> pour tous ces stupi<strong>de</strong>s aveugles, ce sera<br />

tout comme si le jour d'horreur était arrivé. Tu <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dras d'ici la foule <strong>de</strong>s<br />

citadins se m<strong>et</strong>tre à pousser <strong>de</strong>s hurlem<strong>en</strong>ts épouvantables lorsque notre faux<br />

soleil s'éteindra soudainem<strong>en</strong>t ; mais, loin <strong>de</strong> leur causer le moindre préjudice,<br />

cela les adoucira <strong>et</strong> les r<strong>en</strong>dra plus réceptifs à la vérité pure.<br />

7. Dès <strong>de</strong>main, la clarté du jour les ramènera à un état d'esprit plus paisible, <strong>et</strong> il<br />

sera alors possible d'obt<strong>en</strong>ir d'eux bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses ! Car <strong>de</strong>main, ils vi<strong>en</strong>dront <strong>en</strong><br />

foule jusqu'à la mer afin <strong>de</strong> voir si d'av<strong>en</strong>ture l'eau ne s'est pas changée <strong>en</strong> sang,<br />

<strong>et</strong> à c<strong>et</strong>te occasion, il sera possible <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ir à beaucoup d'<strong>en</strong>tre eux bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

discours s<strong>en</strong>sés.<br />

8. Et si notre saint Maître <strong>et</strong> Seigneur a fait paraître ce phénomène, c'est notamm<strong>en</strong>t<br />

à cause <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ville qui n'y voit pas vraim<strong>en</strong>t très clair ! Ce qu'il fait a<br />

toujours un but infinim<strong>en</strong>t bon <strong>et</strong> complexe ; seules les choses que les hommes<br />

font sans Lui ne val<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> ne serv<strong>en</strong>t à ri<strong>en</strong>. »<br />

Chapitre 98<br />

P<strong>en</strong>sées inspirées à Ouran par la prés<strong>en</strong>ce du Seigneur<br />

1. Après ces paroles <strong>de</strong> Mathaël, Ouran dit : «Je dois cep<strong>en</strong>dant t'avouer, ami que<br />

je ti<strong>en</strong>s <strong>en</strong> estime toujours plus <strong>grand</strong>e, qu'à la p<strong>en</strong>sée que ce soleil va soudainem<strong>en</strong>t<br />

s'éteindre, je suis moi-même pris d'une espèce <strong>de</strong> crainte ; car je conçois<br />

par là la totale impuissance <strong>de</strong> l'homme face à la toute-puissance illimitée <strong>de</strong><br />

Celui qui, bi<strong>en</strong> qu'il <strong>de</strong>meure parmi nous, est pourtant, au fond, bi<strong>en</strong> trop saint <strong>et</strong><br />

infinim<strong>en</strong>t sublime pour qu'un homme comme moi, une fois qu'il connaît Sa<br />

sagesse, puisse <strong>en</strong>core L'approcher ! Ou pour que j'ose parler avec Lui <strong>en</strong> toute<br />

185


familiarité comme je fais avec toi ou avec d'autres hommes !<br />

2. C'est une p<strong>en</strong>sée fort singulière, <strong>et</strong> qui transperce un homme jusqu'à la moelle,<br />

que <strong>de</strong> songer qu'il est absolum<strong>en</strong>t tout, <strong>et</strong> que nous tous ne sommes absolum<strong>en</strong>t<br />

ri<strong>en</strong> comparés à Lui !<br />

3. Bi<strong>en</strong> sûr, c'est une consolation que <strong>de</strong> savoir qu'<strong>en</strong> r<strong>et</strong>our, Il est <strong>en</strong> Lui-même<br />

l'amour le plus haut <strong>et</strong> le plus pur <strong>et</strong> qu'il a donc <strong>en</strong>vers nous, pauvres mortels, la<br />

plus <strong>grand</strong>e indulg<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> la plus <strong>grand</strong>e compassion.<br />

4. Mais <strong>en</strong>fin, Il est Dieu, éternellem<strong>en</strong>t immuable <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t immortel, <strong>et</strong><br />

l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'infini tout <strong>en</strong>tier est susp<strong>en</strong>due à Sa volonté comme une goutte <strong>de</strong><br />

rosée à la pointe d'un brin d'herbe ; le plus léger souffle contraire <strong>de</strong> Sa bouche<br />

pourrait anéantir l'infini tout <strong>en</strong>tier <strong>de</strong> la même manière qu'un léger souffle suffit<br />

à faire tomber <strong>de</strong> la pointe du brin d'herbe la goutte <strong>de</strong> rosée que ri<strong>en</strong> ne r<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t.<br />

5. Lorsque, très tranquillem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong> sang-froid, on réfléchit <strong>en</strong> soi-même à <strong>de</strong><br />

telles choses, on ne peut se défaire <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>sée que dans la proximité<br />

manifeste du Tout-Puissant, il y a toujours, d'un côté, quelque chose que l'on<br />

pourrait sans doute appeler la félicité suprême ; mais d'un autre côté, on aimerait<br />

autant se t<strong>en</strong>ir à bonne distance <strong>de</strong> Lui. L'adorer d'un peu loin serait un<br />

ravissem<strong>en</strong>t pour l'âme <strong>et</strong> pour l'esprit, <strong>et</strong> assurém<strong>en</strong>t fort édifiant pour l'homme<br />

tout <strong>en</strong>tier, mais ici, près <strong>de</strong> Lui, on ne peut guère faire cela que dans le secr<strong>et</strong><br />

dans son cœur.<br />

6. Ainsi, je voudrais bi<strong>en</strong> aussi Lui parler. Je le désire <strong>de</strong> toutes mes forces, mais,<br />

à cause <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>eur trop infinie <strong>de</strong> Son esprit, je ne peux <strong>en</strong> trouver le<br />

courage, bi<strong>en</strong> que Son appar<strong>en</strong>ce extérieure soit celle d'un homme tout à fait<br />

simple <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t débonnaire ! Et pourtant, Il gar<strong>de</strong> l'empreinte certaine <strong>de</strong><br />

la pure divinité toute-puissante, <strong>et</strong> l'on remarque très clairem<strong>en</strong>t à Ses yeux <strong>et</strong> à<br />

Son front que le ciel <strong>et</strong> la terre doiv<strong>en</strong>t se plier à Sa volonté, car Ses yeux<br />

rayonn<strong>en</strong>t littéralem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lumière, <strong>et</strong> Ses sourcils <strong>en</strong>fin ordonn<strong>en</strong>t d'être à ce qui<br />

n'a jamais été.<br />

7. Oui, ami, c'est un spectacle écrasant que <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>vant soi le Créateur <strong>de</strong>s<br />

mon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s cieux dans la personne d'un homme simple <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t débonnaire<br />

! En vérité, il ne s'agit pas là d'une plaisanterie ! Mais <strong>en</strong>fin, c'est ainsi,<br />

<strong>et</strong> le Seigneur seul soit loué pour cela, car sans Lui, nous serions, dans les<br />

circonstances prés<strong>en</strong>tes, <strong>en</strong> fort mauvaise posture ! »<br />

8. Mathaël dit : « Cela, assurém<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> surtout toi <strong>et</strong> moi ; car les mauvais esprits<br />

m'aurai<strong>en</strong>t étouffé, <strong>et</strong> l'éclipse <strong>de</strong> soleil eût été ta fin ! Mais à prés<strong>en</strong>t, soyons<br />

att<strong>en</strong>tifs ; car le faux soleil n'<strong>en</strong> a plus pour très longtemps, <strong>et</strong> l'extinction<br />

soudaine <strong>de</strong> ce très étrange soleil décl<strong>en</strong>chera un <strong>grand</strong> tumulte ! »<br />

9. Là-<strong>de</strong>ssus, tous se tais<strong>en</strong>t <strong>et</strong> regar<strong>de</strong>nt le faux soleil.<br />

Chapitre 99<br />

L'extinction du faux soleil <strong>et</strong> les conséqu<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> celle-ci<br />

186


1. Quelques instants avant l'extinction, Je leur dis à tous à haute voix : « T<strong>en</strong>ezvous<br />

prêts pour l'extinction, <strong>et</strong> toi, Marc, allume d'abord toutes les lampes à huile<br />

<strong>et</strong> les torches, sans quoi la profon<strong>de</strong> obscurité v<strong>en</strong>ant soudainem<strong>en</strong>t à la suite <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te forte lumière serait dommageable <strong>et</strong> douloureuse à vos yeux ! »<br />

2. Marc <strong>et</strong> ses serviteurs s'empress<strong>en</strong>t d'allumer les lumières <strong>de</strong> toute espèce,<br />

Cyrénius <strong>et</strong> Jules ordonn<strong>en</strong>t aux soldats <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s feux <strong>de</strong> p<strong>et</strong>it bois, <strong>et</strong> lorsque<br />

tout cela flambe comme il faut, Je dis à haute voix : « Éteins-toi, ô lumière<br />

appar<strong>en</strong>te <strong>de</strong> l'air, <strong>et</strong> vous, esprits qui y travaillez, reposez-vous ! »<br />

3. À c<strong>et</strong> appel, le faux soleil s'éteignit soudainem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s ténèbres<br />

recouvrir<strong>en</strong>t à l'instant toute la contrée, <strong>et</strong> l'on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dit distinctem<strong>en</strong>t la <strong>grand</strong>e<br />

clameur d'effroi v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong> la ville proche.<br />

4. Les g<strong>en</strong>s voyai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> les nombreuses lumières sur la montagne où nous nous<br />

t<strong>en</strong>ions tranquillem<strong>en</strong>t, mais, sur <strong>de</strong>s milliers, aucun ne trouva le courage <strong>de</strong> faire<br />

un seul pas ; car, dans leur <strong>grand</strong>e peur, les Juifs voyai<strong>en</strong>t déjà les étoiles tomber<br />

du ciel pour <strong>de</strong> bon, <strong>et</strong> certaines se poser sur notre montagne ; quant aux paï<strong>en</strong>s,<br />

ils croyai<strong>en</strong>t que Pluton avait <strong>en</strong>voyé ses Furies voler le soleil à Apollon, qui<br />

avait peut-être oublié <strong>de</strong> le surveiller au profit <strong>de</strong> quelque beauté féminine, <strong>et</strong><br />

qu'une nouvelle guerre <strong>de</strong>s dieux allait comm<strong>en</strong>cer sur terre.<br />

5. Or, selon le mythe paï<strong>en</strong>, une guerre <strong>de</strong>s dieux n'était pas précisém<strong>en</strong>t un<br />

événem<strong>en</strong>t souhaitable, car une telle guerre, tout à fait effroyable, avait déjà eu<br />

lieu jadis, lorsque les dieux gigantesques <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fers, telles <strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> feu,<br />

avai<strong>en</strong>t lancé toutes leurs forces contre l'Olympe, à quoi Zeus n'avait pas manqué<br />

<strong>de</strong> répondre par <strong>de</strong>s éclairs sans nombre <strong>et</strong> <strong>de</strong>s grêlons gros comme <strong>de</strong>s<br />

montagnes, triomphant ainsi <strong>de</strong>s puissances mauvaises <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fers.<br />

6. Comme, <strong>de</strong> la ville, on voyait le faux soleil se t<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce exactem<strong>en</strong>t<br />

au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la montagne où nous nous trouvions, <strong>et</strong> comme, après son extinction,<br />

la montagne était apparue tout illuminée par les torches <strong>et</strong> les feux <strong>de</strong><br />

camp, les paï<strong>en</strong>s crur<strong>en</strong>t que le soleil avait été caché par les Furies dans c<strong>et</strong>te<br />

montagne même <strong>et</strong> que les princes <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fers y montai<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t la gar<strong>de</strong> avec<br />

les flambeaux <strong>de</strong> l'Orcus, <strong>et</strong> malheur à qui approcherait <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te montagne, qui,<br />

<strong>en</strong> vérité, possédait <strong>de</strong> tous côtés plusieurs cavernes <strong>et</strong> grottes s'<strong>en</strong>fonçant à <strong>de</strong>s<br />

profon<strong>de</strong>urs diverses, la maison <strong>de</strong> Marc étant précisém<strong>en</strong>t construite contre l'une<br />

<strong>de</strong> celles-ci, qui, comme on le sait, faisait office pour lui <strong>de</strong> cave très spacieuse<br />

ainsi que <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>-manger.<br />

7. Ainsi, les habitants <strong>de</strong> la ville ne v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas vers la montagne, les Juifs par<br />

crainte d'être assommés ou brûlés par les étoiles qui tombai<strong>en</strong>t sur elle, les paï<strong>en</strong>s<br />

par crainte <strong>de</strong>s Furies, <strong>et</strong>, à mesure que leurs yeux s'accoutumai<strong>en</strong>t aux ténèbres,<br />

ils se r<strong>et</strong>irai<strong>en</strong>t dans leurs <strong>de</strong>meures. Quelques-uns s'<strong>en</strong>dormir<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt, d'autres<br />

veillèr<strong>en</strong>t toute la nuit dans la peur <strong>et</strong> l'effroi, att<strong>en</strong>dant les terribles fléaux qui,<br />

selon la prophétie <strong>de</strong> Daniel, <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant s'abattre sur la terre, tandis que<br />

les paï<strong>en</strong>s att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t les foudres <strong>de</strong> Zeus <strong>et</strong> l'épouvantable fracas <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s<br />

lorsque Apollon partirait <strong>en</strong> guerre contre le voleur Pluton.<br />

8. Bref, il régnait dans toute c<strong>et</strong>te importante ville une confusion que n'eût pas<br />

désavoué celle que connut autrefois la <strong>grand</strong>e Babylone. Quant à nous, au<br />

contraire, nous étions tout à notre aise sur la montagne ; car nous nous étions fait<br />

187


apporter le repas du soir, fort bi<strong>en</strong> préparé. En quelques instants, Raphaël fit <strong>en</strong><br />

sorte que toutes les tables fuss<strong>en</strong>t dressées sur la montagne avec les plats, sans la<br />

moindre peine pour Marc <strong>et</strong> sa famille, qui avai<strong>en</strong>t eu assez à faire auparavant<br />

avec la préparation <strong>de</strong>s plats. Les soldats romains eux aussi reçur<strong>en</strong>t<br />

suffisamm<strong>en</strong>t à manger, <strong>et</strong> fur<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt fort gais.<br />

Chapitre 100<br />

De la haute origine <strong>et</strong> du <strong>de</strong>stin supérieur <strong>de</strong> l'homme<br />

1. Lorsque nous eûmes pris le repas du soir, Ouran, qui avait soupé avec nous sur<br />

c<strong>et</strong>te hauteur, vint à Moi <strong>et</strong> dit : « Seigneur, ô Toi dont la langue mortelle ne<br />

connaît pas <strong>de</strong> mot digne <strong>de</strong> qualifier la <strong>grand</strong>eur <strong>et</strong> la noblesse, comm<strong>en</strong>t puis-je<br />

Te remercier, moi misérable ver <strong>de</strong> terre, pour les bontés à jamais inestimables<br />

que Ta grâce divine m'a offertes ici, <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t Te louer, Te glorifier <strong>et</strong><br />

T'honorer, Toi qui es éternellem<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> toute chose !?<br />

2. Ô Seigneur, que sommes-nous, nous mortels, pour que Tu Te soucies ainsi <strong>de</strong><br />

nous ?! Que pouvons-nous donc faire pour Te complaire ? »<br />

3. Je dis : « Allons, pas tant <strong>de</strong> bruit, ami ! Tu es ce que tu es, c'est-à-dire un<br />

homme au corps sans doute mortel, mais où <strong>de</strong>meure pourtant une âme immortelle<br />

<strong>et</strong> un esprit plus immortel <strong>en</strong>core issu <strong>de</strong> Dieu ; <strong>et</strong> Je suis moi aussi un<br />

homme dans lequel <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> la même manière une âme divine immortelle <strong>et</strong><br />

l'esprit <strong>de</strong> Dieu dans Sa plénitu<strong>de</strong>, autant qu'il est nécessaire pour c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong><br />

c'est là le Père céleste, dont Je suis le fils <strong>et</strong> dont vous êtes vous aussi les <strong>en</strong>fants.<br />

4. Et vous tous, vous étiez aveugles <strong>et</strong> l'êtes <strong>en</strong>core à bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s égards ; mais Moi<br />

qui vois, Je suis v<strong>en</strong>u <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> pour vous désigner à tous le Père <strong>et</strong> pour vous<br />

perm<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> voir comme Moi.<br />

5. J'ai reçu <strong>de</strong> Mon Père la totalité <strong>de</strong> la Vie, <strong>et</strong> puis donc donner la Vie à tout<br />

homme qui la désire ; car Mon Père M'a <strong>en</strong>voyé au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> telle sorte que<br />

toute la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Vie rési<strong>de</strong> <strong>en</strong> Moi dès ce mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> que tous les hommes<br />

pourront vivre par Moi. Selon Mon âme, Je suis c<strong>et</strong> <strong>en</strong>voyé ; mais selon l'esprit,<br />

Je ne fais qu'un avec Celui qui M'a <strong>en</strong>voyé.<br />

6. C'est ainsi que Je suis le Chemin, la Vérité <strong>et</strong> la Vie ! Ceux qui croi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Moi<br />

ne verront, ne s<strong>en</strong>tiront ni ne goûteront la mort, même s'ils pouvai<strong>en</strong>t mourir plus<br />

d'une fois selon le corps ; mais ceux qui ne croiront pas <strong>en</strong> Moi mourront, quand<br />

bi<strong>en</strong> même ils aurai<strong>en</strong>t mille vies !<br />

7. Car tout homme a un corps, <strong>et</strong> ce corps doit mourir un jour — <strong>et</strong> ce corps qui<br />

est le Mi<strong>en</strong> n'y manquera pas ; mais, débarrassée <strong>de</strong> son corps, l'âme n'<strong>en</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t<br />

que plus libre, plus lumineuse <strong>et</strong> plus vivante, <strong>et</strong> elle s'unit pleinem<strong>en</strong>t à Celui<br />

qui l'a <strong>en</strong>voyée au mon<strong>de</strong> pour le salut <strong>de</strong> tous ceux qui croiront au Fils <strong>de</strong><br />

l'homme <strong>et</strong> observeront Ses comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts.<br />

8. Aussi, p<strong>en</strong>se comme il se doit <strong>et</strong> observe les faciles comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts qui te<br />

seront révélés, <strong>et</strong> tu n'auras ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> plus à faire ; car Je ne suis pas v<strong>en</strong>u chercher<br />

auprès <strong>de</strong>s hommes la gloire <strong>et</strong> les honneurs ! C'est assez que Celui-là seul Me<br />

188


loue qui règne sur toute chose au ciel <strong>et</strong> sur la terre ; <strong>et</strong> si quelqu'un veut<br />

vraim<strong>en</strong>t M'honorer, Me louer <strong>et</strong> Me célébrer, qu'il M'aime par les actes <strong>et</strong><br />

observe Mes comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> sa récomp<strong>en</strong>se au ciel sera <strong>grand</strong>e.<br />

9. Aussi, sois désormais tout à fait joyeux, ne Me surestime <strong>et</strong> ne te sous-estime<br />

pas trop, <strong>et</strong> tu seras sur la bonne voie, <strong>et</strong> peu à peu, tu appr<strong>en</strong>dras à mieux te<br />

connaître <strong>et</strong> Me connaître.<br />

10. Pour le prés<strong>en</strong>t, rapporte-t'<strong>en</strong> principalem<strong>en</strong>t à Mathaël, qui te fera progresser<br />

au plus vite sur la bonne voie, ainsi que ta fille. Mais si quelque chose vous<br />

préoccupe, toi ou ton Hélène, vous n'avez qu'à v<strong>en</strong>ir Me trouver, <strong>et</strong> Je vous écouterai<br />

toujours ; cep<strong>en</strong>dant, il vous faudra r<strong>en</strong>oncer aux <strong>grand</strong>es exclamations (*) .<br />

11. Car vois-tu, nous ne <strong>de</strong>vons parler <strong>et</strong> agir les uns avec les autres qu'<strong>en</strong> humains,<br />

<strong>en</strong> amis <strong>et</strong> <strong>en</strong> frères, car tout homme a <strong>en</strong> lui un esprit divin sans lequel il<br />

ne vivrait pas, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> esprit n'est pas moins divin que l'Esprit créateur Lui-même.<br />

12. Aussi, sois un bon disciple <strong>de</strong> Mathaël, <strong>et</strong> tu <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dras pour Moi le meilleur<br />

<strong>de</strong>s apôtres dans ton pays ! — M'as-tu compris ? »<br />

13. Ouran dit : « Oui, Seigneur, je T'ai compris, <strong>et</strong> ce n'est qu'à prés<strong>en</strong>t que je<br />

reconnais pleinem<strong>en</strong>t ce que l'on nous a dit du vrai Dieu, à moi <strong>et</strong> à ma fille.<br />

Jusqu'ici, je n'eusse jamais osé y songer ! » À ces mots, le Grec se tut ; car ses<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts eur<strong>en</strong>t raison <strong>de</strong> lui, <strong>et</strong> il se mit à pleurer d'amour pour Moi.<br />

14. Cep<strong>en</strong>dant, Je saisis doucem<strong>en</strong>t sa main <strong>et</strong> lui <strong>de</strong>mandai : « Qu'est-ce donc<br />

que Mathaël t'a dit <strong>de</strong> Dieu ? »<br />

15. Ouran sanglotait <strong>en</strong>core, mais il répondit pourtant, tout <strong>en</strong> Me regardant dans<br />

les yeux avec amour <strong>et</strong> le plus <strong>grand</strong> respect : « Oh, que Dieu est <strong>en</strong> Soi le plus<br />

pur amour ! Ô Toi plus que saint, laisse-moi mourir dans c<strong>et</strong> amour que j'ai pour<br />

Toi ! »<br />

16. « Non, dis-Je, tu ne le dois pas <strong>de</strong> longtemps ; car tu dois <strong>en</strong>core être pour<br />

Moi un précieux instrum<strong>en</strong>t sur c<strong>et</strong>te terre ! Et lorsqu'un jour le temps <strong>de</strong> la chair<br />

touchera à sa fin pour toi aussi, tu ne mourras pas, mais seras éveillé par Moi,<br />

<strong>en</strong>core dans la chair. Aussi, sois consolé ; car tu as déjà trouvé le chemin !<br />

17. Celui qui cherche aussi longtemps que tu as cherché, celui-là trouve ; à celui<br />

qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comme toi, il sera donné, <strong>et</strong> pour qui frappe à la bonne porte<br />

comme tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> le faire, la porte s'ouvrira. Et à prés<strong>en</strong>t, va r<strong>et</strong>rouver Mathaël<br />

<strong>et</strong> dis-lui tout ce que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te dire ! »<br />

18. Ouran, pleurant plus <strong>en</strong>core d'amour <strong>et</strong> <strong>de</strong> suprême gratitu<strong>de</strong> <strong>en</strong>vers Moi,<br />

r<strong>et</strong>ourna <strong>en</strong> hâte vers Mathaël <strong>et</strong>, sanglotant <strong>en</strong>core longtemps, lui raconta<br />

comm<strong>en</strong>t Je l'avais accueilli, combi<strong>en</strong> J'avais été bon pour lui <strong>et</strong> tout ce que Je lui<br />

avais dit.<br />

19. Et Mathaël <strong>et</strong> Hélène fur<strong>en</strong>t eux-mêmes si émus du récit fort sol<strong>en</strong>nel du vieil<br />

Ouran que ni l'un ni l'autre ne put r<strong>et</strong><strong>en</strong>ir ses larmes ; <strong>et</strong> après ce récit d'Ouran,<br />

Mathaël dit : « C'est bi<strong>en</strong> là la chose la plus inconcevable <strong>de</strong> toutes, que Lui qui<br />

est par Son esprit l'être suprême <strong>de</strong> Dieu parle <strong>et</strong> agisse avec nous comme s'il<br />

(*) C'est-à-dire aux hommages excessifs.<br />

189


n'était pas le Seigneur <strong>de</strong> l'infini, mais un être humain pareil à nous, comme un<br />

ami avec son ami le meilleur <strong>et</strong> le plus intime, oui, comme un vrai frère avec son<br />

frère ; bref, tout se passe véritablem<strong>en</strong>t avec Lui comme <strong>en</strong> se jouant, <strong>et</strong> pourtant,<br />

chaque regard, chaque geste <strong>de</strong> Ses mains, chacun <strong>de</strong> Ses pas, chaque parole <strong>de</strong><br />

Sa bouche, si insignifiante qu'elle paraisse, sont un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la plus<br />

profon<strong>de</strong> sagesse. Ses actes port<strong>en</strong>t témoignage <strong>de</strong> Son incontestable divinité, <strong>et</strong><br />

tout ce qu'il fait semble prévu <strong>de</strong> toute éternité pour l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

meilleurs <strong>de</strong>sseins. Oh, <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> temps, tu verras, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dras <strong>et</strong> appr<strong>en</strong>dras<br />

<strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses ! »<br />

Chapitre 101<br />

Opinion d'Hélène sur les apôtres<br />

1. Hélène, elle aussi sanglotant <strong>en</strong>core d'amour pour Moi, dit : « Mais dis-moi,<br />

qui sont donc ces douze hommes fort dignes qui ne parl<strong>en</strong>t presque jamais, mais<br />

L'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t pourtant constamm<strong>en</strong>t ? Ces hommes doiv<strong>en</strong>t être fort sages ! L'un<br />

d'eux Lui ressemble beaucoup, <strong>et</strong> un autre est <strong>en</strong>core fort jeune, mais c'est lui qui<br />

L'écoute avec le plus <strong>de</strong> zèle, <strong>et</strong> il écrit mainte chose sur une tabl<strong>et</strong>te. Qui sont-ils<br />

donc ? »<br />

2. Mathaël dit : « À ma connaissance, ce sont là Ses plus anci<strong>en</strong>s disciples, <strong>et</strong><br />

tous, à l'exception d'un seul, sont fort sages <strong>et</strong> ont une <strong>grand</strong>e maîtrise <strong>de</strong> leur<br />

chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> la nature ! Quant à c<strong>et</strong> autre, il me paraît être un esprit r<strong>et</strong>ors ! En vérité,<br />

je n'<strong>en</strong> ferais jamais mon ami, car on dirait l'avorton d'un malheureux diable<br />

dans la chair d'un homme ! Le Seigneur sait bi<strong>en</strong> sûr pourquoi Il le tolère ! Les<br />

diables eux-mêmes sont <strong>de</strong>s créatures <strong>de</strong> Sa puissance <strong>et</strong> dép<strong>en</strong><strong>de</strong>nt du souffle <strong>de</strong><br />

Sa volonté. Aussi n'avons-nous pas à nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi Son amour<br />

accomplit <strong>de</strong> telles merveilles sous les yeux mêmes d'un diable ! Mais quel être<br />

singulier ! J'aimerais pourtant bi<strong>en</strong> un jour le son<strong>de</strong>r un peu <strong>et</strong> voir <strong>de</strong> quel bois il<br />

est fait ! — Mais laissons cela. Il suffit que Lui seul le connaisse ! Quant aux<br />

autres, j'aimerais vraim<strong>en</strong>t, si l'occasion s'<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te, échanger quelques mots<br />

avec eux ; car ils doiv<strong>en</strong>t déjà être <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s initiés ! »<br />

3. Hélène dit : « Oui, il faut bi<strong>en</strong> sûr que ces hommes soi<strong>en</strong>t fort sages, <strong>et</strong> qu'ils<br />

ai<strong>en</strong>t dès le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t montré <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es dispositions à la sagesse, sans<br />

quoi Il ne les aurait assurém<strong>en</strong>t pas pris pour disciples ! Je ne détesterais pas<br />

moi-même échanger avec eux quelques paroles sur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s ; mais il ne<br />

doit guère être facile <strong>de</strong> trouver la bonne manière <strong>de</strong> les approcher ! — Qu'<strong>en</strong><br />

p<strong>en</strong>ses-tu, cher ami Mathaël ? »<br />

4. Mathaël hausse les épaules <strong>et</strong> dit : « Il est vrai que le Seigneur m'a pleinem<strong>en</strong>t<br />

éveillé <strong>et</strong> que je suis uni à mon esprit ; aussi me connais-je moi-même <strong>et</strong> Dieu<br />

dans la mesure où il m'est donné <strong>de</strong> connaître ces choses <strong>en</strong> toute vérité dans<br />

toute leur profon<strong>de</strong>ur ess<strong>en</strong>tielle ; mais lire dans les profon<strong>de</strong>urs intimes du cœur<br />

<strong>de</strong>s hommes comme dans un livre ouvert <strong>et</strong> connaître par là la loi secrète <strong>de</strong> leur<br />

vie, cela, Lui seul peut le faire, <strong>et</strong> celui à qui Il voudra le révéler.<br />

5. Ah, lorsqu'il s'agit d'un homme purem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, dont la vie intérieure<br />

190


profon<strong>de</strong> est <strong>en</strong>core comme inanimée, complètem<strong>en</strong>t fermée <strong>et</strong> morte, <strong>et</strong> dont<br />

toute la p<strong>en</strong>sée <strong>et</strong> la volonté naiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> son cerveau <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses s<strong>en</strong>s extérieurs, on<br />

peut certes déterminer dans les moindres détails ce qu'il p<strong>en</strong>se, ress<strong>en</strong>t <strong>et</strong> veut.<br />

Mais il n'<strong>en</strong> est pas ainsi avec <strong>de</strong>s hommes qui, leur esprit étant pleinem<strong>en</strong>t<br />

éveillé, p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t, ress<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>et</strong> veul<strong>en</strong>t au niveau le plus profond <strong>de</strong> la vie ; car <strong>de</strong><br />

tels hommes port<strong>en</strong>t déjà l'infini <strong>en</strong> eux, <strong>et</strong> cela, seul Dieu peut <strong>en</strong> connaître la<br />

vérité profon<strong>de</strong>.<br />

6. C'est pour c<strong>et</strong>te raison que l'on ne peut <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> conversation avec <strong>de</strong> tels<br />

hommes comme avec un homme tout à fait ordinaire. Si cela nous était nécessaire,<br />

le Seigneur l'ordonnerait <strong>et</strong> le perm<strong>et</strong>trait à coup sûr ; mais si nous n'<strong>en</strong><br />

avons pas besoin, eh bi<strong>en</strong>, nous <strong>de</strong>vons sans doute considérer qu'il vaut mieux<br />

nous passer <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te satisfaction. — Mais, très charmante Hélène, trouves-tu à<br />

ton goût les étoiles qui étincell<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t si magnifiquem<strong>en</strong>t au haut du<br />

firmam<strong>en</strong>t ? »<br />

7. Hélène dit : « Dès ma plus t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>fance, les étoiles m'intéressai<strong>en</strong>t au plus<br />

haut point, <strong>et</strong> j'ai connu très tôt un <strong>grand</strong> nombre <strong>de</strong> constellations, On m'a<br />

d'abord montré comme étant les plus importantes celles du zodiaque. En l'espace<br />

d'une année, j'ai appris à les reconnaître parfaitem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je fis <strong>de</strong> même <strong>en</strong>suite<br />

avec les autres constellations tout aussi merveilleuses, <strong>et</strong> aussi avec les plus<br />

grosses étoiles isolées. Sais-tu que je suis capable <strong>de</strong> donner les noms <strong>de</strong> toutes<br />

ces étoiles, avec leur position <strong>et</strong> le mom<strong>en</strong>t où elles se lèv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> se couch<strong>en</strong>t<br />

chaque mois ? Mais à quoi bon tout cela ?! Plus je m'occupais <strong>de</strong> ces<br />

magnifiques lumignons célestes, plus ils <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pour moi <strong>de</strong> cruels points<br />

d'interrogation auxquels nul mortel n'avait jusqu'ici donné <strong>de</strong> réponse satisfaisante.<br />

Et comme je ne pouvais ri<strong>en</strong> tirer <strong>de</strong> ces chères étoiles, leurs noms,<br />

qui doiv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> sûr être très anci<strong>en</strong>s, me préoccupai<strong>en</strong>t d'autant plus.<br />

8. Qui a le premier découvert le zodiaque <strong>et</strong> donné leurs noms aux douze<br />

constellations ? Pourquoi ont-elles reçu précisém<strong>en</strong>t les noms que nous connaissons,<br />

<strong>et</strong> non d'autres moins étranges ? Que vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t faire un lion avec une vierge,<br />

un crabe avec <strong>de</strong>s jumeaux, un scorpion avec une balance, un bouqu<strong>et</strong>in avec un<br />

archer ? Comm<strong>en</strong>t le taureau <strong>et</strong> le bélier sont-ils parv<strong>en</strong>us au firmam<strong>en</strong>t, ou<br />

<strong>en</strong>core le porteur d'eau <strong>et</strong> les poissons (*) ?<br />

9. Il est d'ailleurs étonnant <strong>de</strong> trouver mêlés aux animaux du zodiaque quatre<br />

figures humaines <strong>et</strong> un obj<strong>et</strong>. — Si tu pouvais m'<strong>en</strong> donner la raison, je serais<br />

<strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t ton obligée ! »<br />

10. Mathaël dit : « Ô charmante Hélène, ri<strong>en</strong> n'est plus facile ! Aie seulem<strong>en</strong>t un<br />

(*)<br />

Précisons qu'<strong>en</strong> allemand, les signes du zodiaque sont désignés par <strong>de</strong>s mots courants, dont certains<br />

ont donc un double s<strong>en</strong>s, alors qu'<strong>en</strong> français, certains termes sont spécifiques au zodiaque<br />

(bi<strong>en</strong> que les symboles <strong>de</strong>s signes soit les mêmes dans les <strong>de</strong>ux langues). Ainsi, si les noms <strong>de</strong>s<br />

signes Poissons, Bélier, Taureau, Lion, Vierge, Balance <strong>et</strong> Scorpion correspon<strong>de</strong>nt bi<strong>en</strong> à un seul<br />

terme français, les autres se traduis<strong>en</strong>t différemm<strong>en</strong>t selon qu'il s'agit ou non d'une constellation :<br />

Wassermann = Verseau ou « ondin » (« porteur d'eau » selon la terminologie astrologique),<br />

Zwillinge = Gémeaux/jumeaux, Krebs = Cancer/crabe, Schütze = Sagittaire/archer, Steinbock =<br />

Capricorne/bouqu<strong>et</strong>in. Selon le cas, nous emploierons donc tantôt l'un, tantôt l'autre terme. À<br />

noter aussi que « zodiaque » se dit <strong>en</strong> allemand courant Tierkreis, soit, littéralem<strong>en</strong>t, « cercle <strong>de</strong>s<br />

animaux » (terme d'ailleurs conforme à l'étymologie grecque, <strong>de</strong> zoôn, « être vivant » ou animal<br />

— voir aussi plus loin 107,1), d'où la remarque <strong>de</strong> la phrase suivante. (N.d.T.)<br />

191


peu <strong>de</strong> pati<strong>en</strong>ce durant mon explication, après quoi tout cela sera parfaitem<strong>en</strong>t<br />

clair pour toi. »<br />

Chapitre 102<br />

Mathaël explique les noms <strong>de</strong>s trois premières constellations<br />

1. (Mathaël :) « Ceux qui ont découvert le zodiaque sont évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t les<br />

premiers habitants <strong>de</strong> l'Egypte, qui tout d'abord atteignai<strong>en</strong>t un âge bi<strong>en</strong> plus<br />

avancé que nous, <strong>en</strong>suite disposai<strong>en</strong>t d'un ciel toujours très pur où ils pouvai<strong>en</strong>t<br />

observer les étoiles bi<strong>en</strong> plus aisém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> constamm<strong>en</strong>t que nous avec notre ciel<br />

souv<strong>en</strong>t couvert d'épais nuages, <strong>et</strong> troisièmem<strong>en</strong>t, la plupart <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s dormai<strong>en</strong>t<br />

p<strong>en</strong>dant le jour brûlant <strong>et</strong> ne sortai<strong>en</strong>t que le soir v<strong>en</strong>u pour exécuter leurs<br />

travaux à la fraîcheur <strong>de</strong> la nuit ; p<strong>en</strong>dant celle-ci, ayant continuellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant<br />

eux le spectacle <strong>de</strong>s constellations, ils <strong>en</strong> remarquèr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt les figures<br />

immuables, auxquelles ils donnèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s noms <strong>en</strong> accord avec quelque<br />

phénomène naturel ou quelque pratique <strong>de</strong> ce pays qui avai<strong>en</strong>t lieu dans une<br />

pério<strong>de</strong> donnée.<br />

2. Par <strong>de</strong> multiples observations du zodiaque, les observateurs s'aperçur<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong>tôt que celui-ci est un <strong>grand</strong> cercle divisé <strong>en</strong> douze parties presque égales,<br />

chacune représ<strong>en</strong>tée par une constellation différ<strong>en</strong>te.<br />

3. Dès les temps les plus anci<strong>en</strong>s, les hommes ont considéré que les étoiles<br />

étai<strong>en</strong>t plus éloignées <strong>de</strong> la terre que le soleil <strong>et</strong> la lune, raison pour laquelle ils<br />

ont placé le cours du soleil <strong>et</strong> <strong>de</strong> la lune à l'intérieur du <strong>grand</strong> cercle <strong>de</strong>s constellations.<br />

4. Mais ce <strong>grand</strong> cercle se mouvait lui aussi <strong>de</strong> telle sorte que le soleil, tout <strong>en</strong><br />

paraissant faire chaque jour le tour <strong>de</strong> la terre, passait tous les tr<strong>en</strong>te jours dans<br />

un nouveau signe du zodiaque. Quant au fait que la lune <strong>en</strong>trât elle aussi tous les<br />

<strong>de</strong>ux ou trois jours dans un nouveau signe, ils l'expliquèr<strong>en</strong>t par la plus <strong>grand</strong>e<br />

l<strong>en</strong>teur <strong>de</strong> sa course autour <strong>de</strong> la terre, à cause <strong>de</strong> quoi elle ne rev<strong>en</strong>ait jamais,<br />

comme le soleil, à la même place au même mom<strong>en</strong>t — raison pour laquelle on<br />

appelait souv<strong>en</strong>t la lune "l'astre indol<strong>en</strong>t".<br />

5. Il y avait bi<strong>en</strong> quelques sages pour affirmer exactem<strong>en</strong>t le contraire à propos<br />

<strong>de</strong> la lune ; mais c'était la théorie <strong>de</strong> l'indol<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la lune qui prévalait.<br />

6. C'est ainsi, vois-tu, qu'est né l'anci<strong>en</strong> zodiaque, <strong>et</strong> je vais maint<strong>en</strong>ant<br />

t'appr<strong>en</strong>dre très sommairem<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t les douze constellations que l'on sait ont<br />

acquis leurs noms singuliers !<br />

7. P<strong>en</strong>dant la saison <strong>de</strong>s jours les plus courts, qui, surtout <strong>en</strong> Egypte, s'accompagnait<br />

toujours <strong>de</strong> pluies (<strong>et</strong> c'est pourquoi l'on a toujours fait comm<strong>en</strong>cer<br />

l'année par c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te jours aisém<strong>en</strong>t i<strong>de</strong>ntifiable), le soleil, selon les<br />

calculs <strong>de</strong>s Anci<strong>en</strong>s, se trouvait juste sous la constellation que nous connaissons<br />

sous le nom <strong>de</strong> "Verseau" ; c'est la raison pour laquelle on a d'abord donné à<br />

c<strong>et</strong>te constellation la forme d'un berger au mom<strong>en</strong>t où il arrive avec son seau<br />

plein d'eau à l'abreuvoir <strong>de</strong>s animaux domestiques <strong>et</strong> où il verse le seau dans<br />

192


l'abreuvoir. Les Anci<strong>en</strong>s appelai<strong>en</strong>t c<strong>et</strong> homme un "verseau" (UODAN), <strong>et</strong> c'est<br />

ainsi qu'ils ont nommé <strong>en</strong>suite la constellation, <strong>et</strong> <strong>en</strong> troisième lieu la saison. Par<br />

la suite, la vaine fantaisie <strong>de</strong>s hommes eut tôt fait <strong>de</strong> transformer <strong>en</strong> dieu ce<br />

symbole <strong>en</strong> soi fort bon <strong>et</strong> <strong>de</strong> lui r<strong>en</strong>dre un culte divin, parce qu'elle le considérait<br />

comme celui qui r<strong>en</strong>dait la vie à la nature <strong>de</strong>sséchée. — C'est ainsi, charmante<br />

Hélène, que c<strong>et</strong>te première constellation <strong>et</strong> la première pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te jours <strong>de</strong><br />

pluie reçur<strong>en</strong>t leur nom. Passons maint<strong>en</strong>ant au second signe, celui que l'on<br />

nomme "Poissons". »<br />

8. Comme Mathaël comm<strong>en</strong>çait à expliquer ce second signe, Simon Juda dit aux<br />

autres disciples : « Les comm<strong>en</strong>taires <strong>de</strong> Mathaël <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t fort instructifs,<br />

nous <strong>de</strong>vrions les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> plus près ! »<br />

9. Je dis : « Oui, allez <strong>et</strong> écoutez-le ; car Mathaël est l'un <strong>de</strong>s plus <strong>grand</strong>s<br />

chroniqueurs <strong>de</strong> ce temps ! »<br />

10. Là-<strong>de</strong>ssus, tous les disciples se press<strong>en</strong>t autour <strong>de</strong> Mathaël, ce qui, au<br />

comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t, embarrasse un peu celui-ci ; mais Simon Juda lui dit : « Cher<br />

ami, poursuis donc ! Car nous ne nous sommes rapprochés que pour appr<strong>en</strong>dre<br />

<strong>de</strong> toi <strong>de</strong>s choses fort utiles ! »<br />

11. Mathaël dit très humblem<strong>en</strong>t : « Pour vous, chers <strong>et</strong> très sages amis, ma<br />

sagesse <strong>de</strong>vrait être <strong>en</strong>core fort insuffisante ; car vous êtes déjà d'anci<strong>en</strong>s<br />

disciples du Seigneur, <strong>et</strong> je ne suis parmi vous que <strong>de</strong>puis seize heures à peine ! »<br />

12. Simon Juda dit : « Que cela ne te trouble point ; car tu as déjà donné <strong>de</strong>s<br />

preuves qui, à bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s égards, nous laiss<strong>en</strong>t fort loin <strong>en</strong> arrière. Mais tout cela<br />

vi<strong>en</strong>t du Seigneur. Ce que souv<strong>en</strong>t Il donne à l'un <strong>en</strong> un an, Il peut le donner à<br />

l'autre <strong>en</strong> un jour. Aussi, tu peux bi<strong>en</strong> poursuivre ton explication du zodiaque ! »<br />

13. Mathaël dit : « Grâce à votre <strong>grand</strong>e pati<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> avec votre indulg<strong>en</strong>ce tout<br />

aussi <strong>grand</strong>e, je vais donc poursuivre à l'instant ; ainsi, écoute-moi <strong>en</strong>core, très<br />

charmante fille du Pont !<br />

14. Les fortes pluies d'Egypte pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t ordinairem<strong>en</strong>t fin au bout <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te jours,<br />

<strong>et</strong> il y avait toujours alors, dans le Nil <strong>en</strong>core très fortem<strong>en</strong>t grossi ainsi que dans<br />

ses afflu<strong>en</strong>ts, une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> poissons qu'il fallait pr<strong>en</strong>dre dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>, <strong>et</strong><br />

dont une <strong>grand</strong>e partie étai<strong>en</strong>t mangés aussitôt, mais dont une partie plus <strong>grand</strong>e<br />

<strong>en</strong>core étai<strong>en</strong>t salés <strong>et</strong> sèches au v<strong>en</strong>t, qui souffle toujours très fort <strong>en</strong> Egypte <strong>en</strong><br />

c<strong>et</strong>te saison, <strong>et</strong> ainsi conservés pour toute l'année.<br />

15. Dans ce pays, une telle manipulation <strong>de</strong>s poissons était commandée par la<br />

nature <strong>et</strong> <strong>de</strong>vait avoir lieu avant que le Nil fût trop bas <strong>et</strong> ses nombreux gros<br />

afflu<strong>en</strong>ts asséchés, car une <strong>grand</strong>e quantité <strong>de</strong> poissons serai<strong>en</strong>t alors <strong>en</strong>trés <strong>en</strong><br />

décomposition <strong>et</strong> aurai<strong>en</strong>t empesté l'air <strong>de</strong>s pires o<strong>de</strong>urs.<br />

16. Ce qui est aujourd'hui <strong>en</strong>core la coutume <strong>en</strong> Egypte était déjà une nécessité<br />

chez les sages premiers habitants <strong>de</strong> ce <strong>grand</strong> pays fertile. Et comme, dès les<br />

comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l'occupation <strong>de</strong> ce pays, c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> était dévolue aux<br />

poissons <strong>et</strong> que, juste au début <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> pêche, le soleil <strong>en</strong>trait dans<br />

une nouvelle constellation, on nomma celle-ci signe <strong>de</strong>s "Poissons", <strong>et</strong> l'on donna<br />

le même nom à la pério<strong>de</strong>, qui fut appelée RIBAR, ou <strong>en</strong>core RIBUZE.<br />

193


17. Mais comme, dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>, les hommes étai<strong>en</strong>t aussi très souv<strong>en</strong>t<br />

atteints par les fièvres, <strong>en</strong> partie à cause <strong>de</strong> la consommation <strong>de</strong> poissons très<br />

gras, <strong>en</strong> partie aussi parce que l'air était chargé d'effluves impurs, c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong><br />

fut aussi appelée par la suite "pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fièvres", <strong>et</strong> la vaine fantaisie <strong>de</strong>s<br />

hommes fit bi<strong>en</strong>tôt <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te particularité <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> une déesse c<strong>en</strong>sée les protéger<br />

contre c<strong>et</strong>te maladie <strong>de</strong>s <strong>en</strong>trailles, <strong>et</strong> à laquelle ils manifestèr<strong>en</strong>t là <strong>en</strong>core<br />

une sorte <strong>de</strong> vénération divine. — Voici donc toute l'histoire, conforme à la nature<br />

<strong>et</strong> à la vérité, <strong>de</strong> la dénomination du second signe du zodiaque ; <strong>et</strong> nous <strong>en</strong><br />

arrivons ainsi au troisième.<br />

18. Ce signe s'appelle le Bélier. Après la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Poissons, les premiers<br />

habitants <strong>de</strong> ce pays tournai<strong>en</strong>t leur att<strong>en</strong>tion vers les moutons. Les mâles<br />

comm<strong>en</strong>çai<strong>en</strong>t à s'agiter, <strong>et</strong> c'était aussi le mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tondre les moutons pour<br />

pr<strong>en</strong>dre leur laine. Ce travail durait bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> tout une tr<strong>en</strong>taine <strong>de</strong> jours. Naturellem<strong>en</strong>t,<br />

on effectuait <strong>en</strong>tre-temps mainte autre tâche quotidi<strong>en</strong>ne ; mais celle que<br />

j'ai m<strong>en</strong>tionnée était le principal travail <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>, <strong>et</strong>, comme le soleil<br />

<strong>en</strong>trait à nouveau dans un autre signe, on appela ce signe le Bélier (KOSTRON).<br />

19. Par la suite, cep<strong>en</strong>dant, on voua c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> au combat, à cause <strong>de</strong>s<br />

tempêtes particulièrem<strong>en</strong>t fréqu<strong>en</strong>tes où tout est conflit, où les élém<strong>en</strong>ts s'affront<strong>en</strong>t,<br />

où la chaleur combat le froid ou plutôt, dans ce pays, la fraîcheur, <strong>et</strong> la<br />

fantaisie humaine inv<strong>en</strong>ta bi<strong>en</strong>tôt un symbole pour c<strong>et</strong>te agitation, symbole<br />

auquel on manifesta égalem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt une vénération divine <strong>et</strong> dont on fit<br />

même, dans les époques guerrières qui suivir<strong>en</strong>t, l'un <strong>de</strong>s principaux dieux. Et si<br />

nous décomposons le nom <strong>de</strong> "Mars", nous obt<strong>en</strong>ons l'antique MAR IZA, ou<br />

<strong>en</strong>core MAOR' IZA, ce qui ne signifie pas autre chose que : réchauffer la mer.<br />

20. Dans les <strong>de</strong>ux pério<strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>ntes, la mer se refroidit, ce que les habitants<br />

<strong>de</strong> la côte <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> remarquer ; mais, grâce à la force croissante du soleil<br />

<strong>et</strong> à la lutte <strong>de</strong> l'air chaud du sud contre l'air froid du nord, ainsi que grâce au<br />

réveil <strong>de</strong>s volcans <strong>et</strong> <strong>de</strong>s feux sous-marins, qui a lieu principalem<strong>en</strong>t dans c<strong>et</strong>te<br />

pério<strong>de</strong>, la mer comm<strong>en</strong>ce peu à peu à se réchauffer. Et comme cela était<br />

considéré comme une conséqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s tempêtes qui surv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t dans c<strong>et</strong>te<br />

pério<strong>de</strong>, l'expression MAOR IZAT signifie égalem<strong>en</strong>t "combattre" ; c<strong>et</strong>te époque<br />

fut donc, comme je l'ai montré, symbolisée par un guerrier cuirassé, dont on fit<br />

par la suite un véritable dieu. — Voici donc pour le troisième signe céleste, <strong>et</strong> tu<br />

peux voir par là clairem<strong>en</strong>t ce que recouvre votre Mars, dieu <strong>de</strong> la Guerre. »<br />

Chapitre 103<br />

Explication <strong>de</strong>s quatrième, cinquième <strong>et</strong> sixième signes du zodiaque<br />

1. (Mathaël :) « Passons à prés<strong>en</strong>t au quatrième signe ! Nous y voyons <strong>en</strong>core un<br />

animal, à savoir un taureau plein <strong>de</strong> bravoure. Après s'être occupés <strong>de</strong>s moutons,<br />

les anci<strong>en</strong>s peuples pasteurs apportai<strong>en</strong>t tous leurs soins au bétail bovin. C'est<br />

dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> que la plupart <strong>de</strong>s vaches m<strong>et</strong>tai<strong>en</strong>t bas, l'on séparait alors les<br />

veaux vigoureux <strong>de</strong>s faibles, <strong>et</strong> le principal souci était celui d'un bon élevage.<br />

2. Le taureau, que l'Egypti<strong>en</strong> estimait par-<strong>de</strong>ssus tout, <strong>et</strong> dont il fit même son<br />

194


maître <strong>en</strong> écriture à cause <strong>de</strong> sa faculté naturelle <strong>de</strong> former, <strong>en</strong> soufflant dans le<br />

sable, <strong>de</strong>s figures souv<strong>en</strong>t très diverses, était représ<strong>en</strong>té dans une posture fort<br />

brave, presque <strong>de</strong>bout sur ses pattes <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière ; <strong>et</strong> qu'y avait-il <strong>de</strong> plus naturel<br />

que <strong>de</strong> nommer "Taureau" la constellation dans laquelle le soleil <strong>en</strong>trait p<strong>en</strong>dant<br />

ladite pério<strong>de</strong>, <strong>et</strong> qui, <strong>de</strong> plus, prés<strong>en</strong>tait à peu près, dans ses contours, la forme<br />

d'un taureau ?!<br />

3. Le mot latin TAURUS (*) vi<strong>en</strong>t lui-même <strong>de</strong> là, étant simplem<strong>en</strong>t une abréviation<br />

ultérieure <strong>de</strong> l'antique T A OUR SAT ou TI A OUR SAT, ce qui veut dire à<br />

peu près : le temps (SAT) du taureau, ou "se t<strong>en</strong>ir sur les pattes <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière".<br />

4. Par la suite, c'est-à-dire chez les Romains, on appela aussi c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong><br />

APRILIS, ce qui <strong>de</strong> même, dans la langue <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong>ne Egypte, veut dire tout<br />

simplem<strong>en</strong>t : A (le taureau) UPERI (ouvre) LIZ ou LIZU (la vue), ou <strong>en</strong>core :<br />

"Taureau, ouvre la porte !" — c'est-à-dire la porte du pâturage à l'air libre. Il n'est<br />

guère besoin <strong>de</strong> montrer davantage comm<strong>en</strong>t, avec le temps, l'anci<strong>en</strong> taureau <strong>de</strong>s<br />

Egypti<strong>en</strong>s <strong>de</strong>vint lui aussi un dieu. — Nous avons ainsi fidèlem<strong>en</strong>t r<strong>et</strong>racé selon<br />

la nature la naissance du quatrième signe du zodiaque, <strong>et</strong> nous allons à prés<strong>en</strong>t<br />

voir comm<strong>en</strong>t le cinquième signe est apparu sous le nom <strong>et</strong> la forme <strong>de</strong>s jumeaux<br />

Castor <strong>et</strong> Pollux.<br />

5. Cela s'expliquera facilem<strong>en</strong>t si l'on songe que, s'étant occupé du bétail, l'anci<strong>en</strong><br />

peuple pasteur d'Egypte laissait <strong>de</strong>rrière lui son principal souci <strong>et</strong> son plus gros<br />

travail <strong>de</strong> l'année. Après c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>, les chefs <strong>de</strong>s communautés se réunissai<strong>en</strong>t<br />

<strong>et</strong> élisai<strong>en</strong>t un ou <strong>de</strong>ux experts, évaluateurs aussi s<strong>en</strong>sés que possible <strong>et</strong> juges qui,<br />

dans la pério<strong>de</strong> suivante, <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t aller vérifier partout si tous les efforts avai<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong> été accomplis d'une manière profitable <strong>en</strong> tous lieux. Ces <strong>en</strong>quêteurs<br />

portai<strong>en</strong>t le nom <strong>de</strong> leur fonction. "KA I E STOR' ?" était la question posée, qui se<br />

traduit par : "Qu'a-t-il fait ?" Suivait la mise <strong>en</strong> <strong>de</strong>meure avec c<strong>et</strong> ordre : "PO LUXE<br />

MEN !" — ou <strong>en</strong>core "POLUZCE MEN !" — "Éclaire-moi" ou "Explique-toi là<strong>de</strong>ssus<br />

!"<br />

6. C'est <strong>de</strong> là que sont sortis par la suite les "Gémeaux" ou Jumeaux ; mais ces<br />

Jumeaux n'étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> réalité que <strong>de</strong>ux phrases, à savoir une question <strong>et</strong> la<br />

sommation qui la suivait. Lorsque <strong>de</strong>ux fonctionnaires étai<strong>en</strong>t ainsi <strong>en</strong>voyés recueillir<br />

ces informations, l'un <strong>de</strong>vait poser la question <strong>et</strong> l'autre faire la mise <strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>meure, bi<strong>en</strong> sûr pas seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> paroles, mais aussi <strong>en</strong> actes.<br />

7. Et comme, dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> d'<strong>en</strong>quête <strong>et</strong> <strong>de</strong> vérification, le soleil passait<br />

précisém<strong>en</strong>t sous la constellation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux étoiles que l'on sait, on appela celle-ci<br />

les Jumeaux ou "Gémeaux", <strong>en</strong> langue romaine GEMINI, ou <strong>en</strong>core CASTOR ET<br />

POLLUX, qui bi<strong>en</strong> sûr, comme les autres, fur<strong>en</strong>t divinisés ultérieurem<strong>en</strong>t par la<br />

vaine fantaisie <strong>de</strong>s hommes.<br />

8. Voici donc c<strong>et</strong>te nouvelle figure du zodiaque expliquée aussi véridiquem<strong>en</strong>t<br />

que les précé<strong>de</strong>ntes ; nous <strong>en</strong> v<strong>en</strong>ons à prés<strong>en</strong>t au sixième signe, où nous apercevons<br />

tout à coup le "Cancer" ou Crabe ! Comm<strong>en</strong>t celui-ci a-t-il bi<strong>en</strong> pu<br />

accé<strong>de</strong>r au <strong>grand</strong> cercle <strong>de</strong>s étoiles ? Je vous le dis, aussi aisém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> naturellem<strong>en</strong>t<br />

que les précé<strong>de</strong>nts !<br />

(*) Et le français « taureau », donc (<strong>en</strong> allemand : Stier). (N.d.T.)<br />

195


9. Voyez-vous, c'est à ce mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'année que le jour atteint sa plus longue<br />

durée ; après cela, sa durée comm<strong>en</strong>ce à rétrogra<strong>de</strong>r, <strong>et</strong> les Anci<strong>en</strong>s comparai<strong>en</strong>t<br />

ce mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> recul <strong>de</strong> la durée du jour à la marche d'un crabe. De plus, c'est<br />

dans c<strong>et</strong>te sixième pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te jours que, dans ce pays, la rosée nocturne<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait très abondante, surtout aux abords du fleuve. La nuit, <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te saison, les<br />

crabes quittai<strong>en</strong>t leurs trous dans la vase <strong>et</strong> r<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t aux prairies voisines,<br />

fertiles <strong>et</strong> gorgées <strong>de</strong> rosée, une visite fort rafraîchissante <strong>et</strong> nourrissante. Le long<br />

du Nil, les anci<strong>en</strong>s habitants <strong>de</strong> ce pays s'aperçur<strong>en</strong>t naturellem<strong>en</strong>t très vite <strong>de</strong><br />

cela, <strong>et</strong> ils s'efforcèr<strong>en</strong>t dès le début <strong>de</strong> chasser <strong>de</strong>s grasses prairies ces hôtes<br />

indésirables, ce qui n'était pas tâche facile, surtout pour les premiers habitants <strong>de</strong><br />

ce pays, car <strong>en</strong> ce temps-là, le nombre <strong>de</strong> ces <strong>grand</strong>s insectes <strong>de</strong> vase (*) était<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>u presque infini. On s'<strong>en</strong> déf<strong>en</strong>dit d'abord <strong>en</strong> allumant <strong>de</strong>s feux où l'on<br />

faisait brûler ces animaux après les avoir ramassés <strong>et</strong> mis <strong>en</strong> tas, ce qui, toutefois,<br />

ne changeait ri<strong>en</strong> à leur <strong>grand</strong> nombre. Cep<strong>en</strong>dant, comme c<strong>et</strong>te combustion<br />

dégageait un fum<strong>et</strong> fort attrayant, les Anci<strong>en</strong>s se <strong>de</strong>mandai<strong>en</strong>t déjà si ces<br />

animaux étai<strong>en</strong>t comestibles. Mais personne ne voulait être le premier à manger<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te grilla<strong>de</strong>.<br />

10. Par la suite, on fit bouillir les crabes dans <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es marmites, <strong>et</strong> l'on trouva<br />

le bouillon fort appétissant ; pourtant, nul n'osait <strong>en</strong>core y goûter. On le donnait<br />

aux cochons, dont les Anci<strong>en</strong>s faisai<strong>en</strong>t déjà l'élevage, <strong>et</strong> ceux-ci s'<strong>en</strong> délectai<strong>en</strong>t<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t fort gras, découverte que les anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s accueillir<strong>en</strong>t avec<br />

joie, car ils faisai<strong>en</strong>t un <strong>grand</strong> usage <strong>de</strong> la graisse <strong>de</strong> ces animaux, ainsi que <strong>de</strong> la<br />

peau <strong>et</strong> <strong>de</strong>s intestins ; mais ils n'<strong>en</strong> mangeai<strong>en</strong>t point la chair, qu'ils utilisai<strong>en</strong>t<br />

elle aussi pour nourrir les cochons.<br />

11. Cep<strong>en</strong>dant, comme, avec le temps, les hommes rétifs au travail comm<strong>en</strong>çai<strong>en</strong>t<br />

à dégénérer <strong>et</strong> à pécher contre d'anci<strong>en</strong>nes <strong>et</strong> sages lois qui remontai<strong>en</strong>t au<br />

patriarche antédiluvi<strong>en</strong> Hénoch, l'on se mit à bâtir <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es prisons où l'on mit<br />

les malfaiteurs. Ceux-ci étai<strong>en</strong>t nourris alternativem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> crabe bouilli <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> porc salée <strong>et</strong> grillée, avec seulem<strong>en</strong>t un peu <strong>de</strong> pain. L'on remarqua<br />

cep<strong>en</strong>dant que les criminels se trouvai<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nourriture, <strong>et</strong>, lors<br />

d'une mauvaise année, les hommes libres goûtèr<strong>en</strong>t eux aussi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nourriture<br />

apparemm<strong>en</strong>t effrayante <strong>de</strong>s prisonniers, <strong>et</strong> la trouvèr<strong>en</strong>t meilleure que leur<br />

cuisine traditionnelle. La conséqu<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te découverte fut que bi<strong>en</strong>tôt, le<br />

nombre jadis si énorme <strong>de</strong>s <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> gros crabes du Nil se réduisit considérablem<strong>en</strong>t,<br />

parce qu'on leur faisait trop la chasse.<br />

12. Plus tard, les Grecs <strong>et</strong> les Romains mangèr<strong>en</strong>t eux aussi <strong>de</strong> c<strong>et</strong> insecte <strong>de</strong> vase<br />

<strong>et</strong> s'<strong>en</strong> trouvèr<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> ; seuls les Juifs n'<strong>en</strong> mang<strong>en</strong>t toujours pas à c<strong>et</strong>te<br />

heure, bi<strong>en</strong> que Moïse ne le leur ait pas à proprem<strong>en</strong>t parler déf<strong>en</strong>du.<br />

13. Cep<strong>en</strong>dant, il ressort assurém<strong>en</strong>t plus qu'à l'évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> tout cela que les<br />

anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s ne pouvai<strong>en</strong>t choisir <strong>de</strong> meilleur symbole pour le signe céleste<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sixième pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te jours que l'animal même qui leur donnait tant<br />

<strong>de</strong> fil à r<strong>et</strong>ordre dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>. Et il va sans dire qu'avec le temps, ce<br />

symbole finit lui aussi par être l'obj<strong>et</strong> d'un culte divin. Par la suite, les Grecs <strong>et</strong><br />

(*)<br />

Sic (Schlamminsekt). Dans le langage <strong>de</strong> l'époque, il faut bi<strong>en</strong> sûr pr<strong>en</strong>dre le mot « insecte » au<br />

s<strong>en</strong>s large d'« invertébré ». (N.d.T.)<br />

196


les Romains vouèr<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année à la déesse JUNO [Junon], <strong>et</strong> il<br />

nommèr<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> <strong>en</strong> son honneur.<br />

14. La question est maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> savoir <strong>de</strong> quelle manière exacte c<strong>et</strong>te déesse<br />

fut inv<strong>en</strong>tée, <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t elle a acquis une personnalité divine. Les sages ont là<strong>de</strong>ssus<br />

différ<strong>en</strong>ts avis, qui ne sont pas tout à fait sans fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. Toutefois, la<br />

vraie raison est celle-là même qui, avec le temps, a fait naître les personnages <strong>de</strong><br />

CASTOR ET POLLUX.<br />

15. Dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> du Crabe, la chaleur était déjà <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue trop forte pour les<br />

travaux physiques, aussi c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> était-elle consacrée à la quête spirituelle<br />

dans <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s temples ombreux, dont les premiers habitants <strong>de</strong> ce pays avai<strong>en</strong>t<br />

déjà construit un certain nombre.<br />

16. Au début <strong>de</strong> toute quête spirituelle, une question ess<strong>en</strong>tielle consistait à se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s'il fallait rechercher la divinité pure dans son union avec le matériel.<br />

17. Les questions <strong>de</strong>s sages sont toujours très brèves, mais nécessit<strong>en</strong>t une<br />

réponse fort longue, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> allait <strong>de</strong> même pour c<strong>et</strong>te question ess<strong>en</strong>tielle. Elle<br />

s'énonçait ainsi: "JE ∪ ∩ (UN) Ô ?", ce qui se traduit par : "Le divin une fois divisé<br />

est-il <strong>en</strong>core une totalité divine lorsqu'on juxtapose ses élém<strong>en</strong>ts ?"<br />

18. Vous vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z, comm<strong>en</strong>t ces simples l<strong>et</strong>tres peuv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> signifier la<br />

phrase que j'ai prononcée. Vous allez <strong>en</strong> appr<strong>en</strong>dre à l'instant la raison toute naturelle<br />

! — Chez les anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s, l'U était représ<strong>en</strong>té par un <strong>de</strong>mi-cercle<br />

ouvert vers le haut <strong>et</strong> prolongé <strong>en</strong> ses extrémités (∪), <strong>et</strong> il désignait ainsi <strong>en</strong><br />

même temps un récipi<strong>en</strong>t pour tout le divin qui vi<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong> haut aux hommes <strong>de</strong> la<br />

terre. Il va sans dire que les sages Anci<strong>en</strong>s <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t par là principalem<strong>en</strong>t les<br />

dons spirituels qui éclairai<strong>en</strong>t l'âme humaine.<br />

19. L'N était représ<strong>en</strong>té par un <strong>de</strong>mi-cercle i<strong>de</strong>ntique, mais tourné vers le bas<br />

(∩), <strong>et</strong> il désignait la matière inerte, par elle-même <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dépourvue d'esprit<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> lumière. C'est pourquoi les toits ronds <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s édifices, <strong>et</strong> <strong>en</strong><br />

particulier <strong>de</strong>s temples, avai<strong>en</strong>t la forme d'un <strong>de</strong>mi-cercle r<strong>en</strong>versé, signifiant par<br />

là qu'<strong>en</strong> <strong>de</strong> tels lieux, le divin s'unit avec la matière, y crée une vie temporaire <strong>et</strong><br />

se révèle par mom<strong>en</strong>ts aux hommes. C'est pourquoi c<strong>et</strong>te anci<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> importante<br />

question se formulait : " JE ∪ ∩ Ô ?", parce que l'O représ<strong>en</strong>tait la divinité dans<br />

son <strong>en</strong>tièr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> sa pur<strong>et</strong>é.<br />

20. La réponse apportée alors à c<strong>et</strong>te anci<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> importante question était que<br />

toute matière créée était avec Dieu à peu près dans le même rapport qu'une<br />

femme avec son époux <strong>et</strong> maître. Dans <strong>et</strong> à travers la matière, Dieu créait continuellem<strong>en</strong>t<br />

les myria<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Ses <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> toute espèce. Il fécondait continuellem<strong>en</strong>t<br />

la matière par Son influ<strong>en</strong>ce spirituelle <strong>et</strong> divine, <strong>et</strong> la matière donnait<br />

continuellem<strong>en</strong>t naissance pour Lui aux innombrables <strong>en</strong>fants conçus <strong>en</strong> elle. —<br />

C'était là assurém<strong>en</strong>t une très noble p<strong>en</strong>sée que c<strong>et</strong>te réponse donnée par les<br />

Anci<strong>en</strong>s à l'importante question que l'on sait !<br />

21. Avec le temps, surtout quand leurs <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants <strong>de</strong>vinr<strong>en</strong>t avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> tous les<br />

plaisirs <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>s, il finit par ne plus subsister <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong>ne sagesse égypti<strong>en</strong>ne<br />

qu'un vague souv<strong>en</strong>ir, <strong>et</strong> l'on préféra faire <strong>de</strong> la question JE UN Ô <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'explication<br />

sur la féminité <strong>de</strong> toute matière une divinité féminine personnifiée,<br />

197


d'ailleurs passablem<strong>en</strong>t stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> r<strong>en</strong>frognée, à qui l'on donna d'abord le nom <strong>de</strong><br />

JEU NO, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u par la suite simplem<strong>en</strong>t JUNO, <strong>et</strong> que l'on maria avec le tout aussi<br />

vain dieu Zeus.<br />

22. Les anci<strong>en</strong>s sages, pour <strong>de</strong>s raisons fort s<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> tout à fait naturelles,<br />

considérai<strong>en</strong>t la matière comme dure, inflexible <strong>et</strong> peu maniable, <strong>et</strong> ils p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t<br />

qu'on ne pouvait <strong>en</strong> tirer quelque chose qu'avec beaucoup <strong>de</strong> peine <strong>et</strong> d'efforts.<br />

Par la suite, ces défauts découverts par les Anci<strong>en</strong>s dans la matière fur<strong>en</strong>t<br />

attribués par leurs <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants à la déesse Junon, qui, pour c<strong>et</strong>te raison, donna<br />

toujours bi<strong>en</strong> du mal à Zeus (*) . — Compr<strong>en</strong>ez-vous à prés<strong>en</strong>t ce qu'est votre<br />

déesse Junon ? »<br />

23. Hélène dit : « Je t'<strong>en</strong> prie, ô très cher Mathaël, poursuis donc, car je pourrais<br />

t'écouter ainsi tout un jour sans interruption ! Il est vrai que ta narration n'est pas<br />

aussi imagée <strong>et</strong> fleurie que celle d'un Homère ; mais elle est sage <strong>et</strong> véridique, <strong>et</strong><br />

cela vaut mille fois plus <strong>et</strong> est mille fois plus captivant que les ornem<strong>en</strong>ts<br />

<strong>en</strong>chanteurs <strong>de</strong> ce <strong>grand</strong> poète populaire ! Tu peux donc poursuivre très<br />

tranquillem<strong>en</strong>t ton récit ! »<br />

24. Mathaël dit : « N'est-ce pas là flatterie <strong>de</strong> ta part ? La vérité veut être<br />

comprise, mais <strong>en</strong> aucun cas flattée ! Cep<strong>en</strong>dant, je sais que ce n'est pas moi,<br />

mais la vérité que tu caresses ainsi, <strong>et</strong> elle vi<strong>en</strong>t non <strong>de</strong> moi, mais <strong>de</strong> Dieu ; aussi<br />

puis-je poursuivre sans att<strong>en</strong>dre. »<br />

Chapitre 104<br />

Les septième, huitième <strong>et</strong> neuvième signes du zodiaque<br />

1. (Mathaël :) « Écoute-moi donc. Après le Cancer, nous trouvons dans le <strong>grand</strong><br />

zodiaque le Lion. Comm<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te bête sauvage est-elle v<strong>en</strong>ue parmi les signes<br />

célestes ? Aussi naturellem<strong>en</strong>t que tout ce que nous avons étudié jusqu'ici !<br />

2. Après la chasse au crabe, qui durait bi<strong>en</strong> ses tr<strong>en</strong>te jours, <strong>et</strong> parfois un ou <strong>de</strong>ux<br />

jours <strong>de</strong> plus — car chez les anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s, ce n'était pas le mois <strong>de</strong>s<br />

Poissons (février) qui servait <strong>de</strong> mois <strong>de</strong> comp<strong>en</strong>sation, mais celui du Crabe<br />

(juin) —, débutait une autre calamité qui donnait beaucoup <strong>de</strong> souci aux<br />

Anci<strong>en</strong>s. C'est habituellem<strong>en</strong>t à c<strong>et</strong>te époque que les lions ont leurs p<strong>et</strong>its <strong>et</strong> que,<br />

affamés, ils recherch<strong>en</strong>t les proies avec le plus d'obstination, s'<strong>en</strong> allant très loin<br />

par-<strong>de</strong>là les déserts, les montagnes <strong>et</strong> les vallées vers toutes les contrées où ils<br />

flairai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> riches troupeaux.<br />

3. Comme la vraie patrie du lion est la brûlante Afrique <strong>et</strong> que ce royal animal<br />

régnait fréquemm<strong>en</strong>t aussi sur la Haute-Egypte, on compr<strong>en</strong>d qu'il ne lui était<br />

pas difficile <strong>de</strong> pénétrer jusqu'<strong>en</strong> Moy<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> Basse-Egypte <strong>et</strong> d'y causer <strong>de</strong>s<br />

ravages parmi les paisibles troupeaux <strong>de</strong>s pâturages. De même que les <strong>grand</strong>s<br />

froids chass<strong>en</strong>t les loups vers les régions habités par les hommes, les <strong>grand</strong>es<br />

chaleurs <strong>de</strong> Julius [juill<strong>et</strong>] pouss<strong>en</strong>t le lion vers les terres sept<strong>en</strong>trionales un peu<br />

plus fraîches, qui peuv<strong>en</strong>t lui fournir <strong>de</strong>s proies.<br />

(*) Et réciproquem<strong>en</strong>t... (N.d.T.)<br />

198


4. Cep<strong>en</strong>dant, comme c'est <strong>en</strong> ce mois que la chaleur <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t la plus forte <strong>et</strong> la<br />

plus insupportable <strong>en</strong> Haute-Egypte, elle pousse souv<strong>en</strong>t le lion jusque dans les<br />

parages <strong>de</strong> la Méditerranée, où il fait évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t plus frais que dans les sables<br />

brûlants du désert. Dès le début <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>, les habitants <strong>de</strong> l'Egypte ne<br />

manqu<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> recevoir la visite <strong>de</strong> ces hôtes redoutés, <strong>et</strong> ils doiv<strong>en</strong>t s'armer<br />

soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t pour les maint<strong>en</strong>ir à l'écart <strong>de</strong>s troupeaux. Et comme, dans c<strong>et</strong>te<br />

pério<strong>de</strong>, le soleil <strong>en</strong>trait précisém<strong>en</strong>t dans une constellation dont les étoiles,<br />

comme dans le cas du Taureau, <strong>de</strong>ssinai<strong>en</strong>t à peu près la forme d'un lion furieux,<br />

les Anci<strong>en</strong>s donnèr<strong>en</strong>t aussi à c<strong>et</strong>te constellation le nom <strong>de</strong> Lion, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> Egypte, la<br />

pério<strong>de</strong> se nommait égalem<strong>en</strong>t "le Lion" (LE Ô WA), LE = le méchant ou le rej<strong>et</strong>on<br />

du méchant, par opposition à EL = le bon ou le fils du bon, Ô = le soleil divin, WA<br />

ou WAI = il fuit ; LE Ô WAI signifie donc : le méchant fuit le soleil.<br />

5. Il y a seulem<strong>en</strong>t quelques déc<strong>en</strong>nies que les Romains donnèr<strong>en</strong>t le nom <strong>de</strong><br />

Julius à c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>, <strong>en</strong> l'honneur <strong>de</strong> leur héros Jules César, parce qu'il combattait<br />

avec autant <strong>de</strong> ruse <strong>et</strong> <strong>de</strong> courage qu'un lion (*) . — Voici donc pour la septième<br />

constellation céleste ou zodiacale, qui <strong>en</strong> vint elle aussi à être divinisée par<br />

la postérité.<br />

6. Mais nous voyons maint<strong>en</strong>ant une "Vierge" à la suite du Lion ; cela ne semble<br />

pourtant pas très bi<strong>en</strong> s'accor<strong>de</strong>r avec ce qui précè<strong>de</strong> ?! Oh, que si, <strong>et</strong> tout<br />

naturellem<strong>en</strong>t ! Une fois la pério<strong>de</strong> du Lion surmontée, les plus <strong>grand</strong>es<br />

difficultés <strong>de</strong> l'année étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> quelque sorte terminées, <strong>et</strong> l'on pouvait alors<br />

s'adonner à la gai<strong>et</strong>é <strong>et</strong> organiser <strong>de</strong>s fêtes, qui servai<strong>en</strong>t principalem<strong>en</strong>t à faire<br />

<strong>de</strong>s prés<strong>en</strong>ts aux jeunes filles vaillantes <strong>et</strong> <strong>de</strong> mœurs pures afin <strong>de</strong> les <strong>en</strong>courager<br />

dans c<strong>et</strong>te voie ; il était égalem<strong>en</strong>t d'usage <strong>de</strong> célébrer les mariages à c<strong>et</strong>te<br />

époque. Seules les vierges reconnues pures pouvai<strong>en</strong>t être prises pour épouses ;<br />

mais celle qui avait mal préservé sa virginité était écartée du mariage <strong>et</strong>, dans le<br />

cas le plus favorable, pouvait <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir la concubine d'un homme qui avait déjà<br />

une ou plusieurs épouses régulières — sans quoi il ne lui restait plus que le<br />

méprisable <strong>et</strong> vil état d'esclave. C<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> avait donc une signification fort<br />

importante, <strong>et</strong> comme, au même mom<strong>en</strong>t, une très jolie constellation du zodiaque<br />

v<strong>en</strong>ait à passer au-<strong>de</strong>ssus du soleil, on appela c<strong>et</strong>te constellation la "Vierge".<br />

Mais ce n'est qu'il y a peu d'années que les Romains vaniteux donnèr<strong>en</strong>t à c<strong>et</strong>te<br />

pério<strong>de</strong> le nom <strong>de</strong> leur empereur Auguste, afin d'honorer celui-ci. — Tu sais<br />

ainsi égalem<strong>en</strong>t, chère Hélène, comm<strong>en</strong>t une Vierge a pu accé<strong>de</strong>r aux étoiles<br />

après le Lion. — Mais poursuivons !<br />

7. Nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> voir une Vierge <strong>en</strong>trer dans les constellations du zodiaque ;<br />

mais nous allons même à prés<strong>en</strong>t y voir <strong>en</strong>trer une chose. C'est une balance à<br />

plateaux que nous apercevons maint<strong>en</strong>ant, telle qu'<strong>en</strong> utilis<strong>en</strong>t les boutiquiers <strong>et</strong><br />

les apothicaires pour peser leurs marchandises <strong>et</strong> leurs remè<strong>de</strong>s. Comm<strong>en</strong>t c<strong>et</strong><br />

instrum<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mesure du poids <strong>en</strong> est-il v<strong>en</strong>u à se trouver parmi les étoiles ? Je<br />

vous le dis : tout aussi facilem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> naturellem<strong>en</strong>t que tous les autres !<br />

8. Après la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la mise à l'épreuve <strong>de</strong>s vierges <strong>et</strong> <strong>de</strong> la célébration <strong>de</strong>s<br />

mariages, qui, selon l'ordre prescrit, caractérisai<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t ladite<br />

(*)<br />

Et parce qu'il serait né dans ce mois <strong>de</strong> juill<strong>et</strong>. Quant à son successeur Auguste (dont Cyrénius est<br />

le frère), le mois qui lui fut consacré est celui <strong>de</strong> sa mort (août 14 ap. J.-C.). (N.d.T.)<br />

199


pério<strong>de</strong>, v<strong>en</strong>ait le mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> peser la principale récolte, le blé — dont la culture<br />

était déjà fort pratiquée par les plus anci<strong>en</strong>s habitants <strong>de</strong> ce pays, outre, bi<strong>en</strong> sûr,<br />

l'élevage du bétail —, ainsi que les fruits : figues, dattes, olives, gr<strong>en</strong>a<strong>de</strong>s,<br />

oranges <strong>et</strong> autres.<br />

9. Chaque communauté avait à sa tête <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s qui dirigeai<strong>en</strong>t toutes les affaires,<br />

ainsi qu'un prêtre qui ne <strong>de</strong>vait s'occuper que du spirituel, instruire le<br />

peuple aux jours fixés <strong>et</strong> interpréter les événem<strong>en</strong>ts ess<strong>en</strong>tiels. Il est à peine besoin<br />

<strong>de</strong> m<strong>en</strong>tionner que la prêtrise se multiplia bi<strong>en</strong> vite, ni que c<strong>et</strong> état ne se<br />

mêla guère du travail grossier <strong>de</strong> la matière, si ce n'est par <strong>de</strong> nouvelles expéri<strong>en</strong>ces<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>s améliorations dans tous les domaines possibles.<br />

10. Ainsi, ce fur<strong>en</strong>t les prêtres qui fir<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s recherches sur les métaux <strong>de</strong> la terre,<br />

les recueillir<strong>en</strong>t <strong>et</strong> les r<strong>en</strong>dir<strong>en</strong>t propres à l'usage. Mais pour tous ces travaux<br />

techniques, ils avai<strong>en</strong>t besoin <strong>de</strong> nombreux manœuvres <strong>et</strong> <strong>de</strong> contremaîtres bi<strong>en</strong><br />

formés, dont aucun n'avait le temps <strong>de</strong> se consacrer à l'agriculture ou à l'élevage,<br />

raison pour laquelle tous ces g<strong>en</strong>s <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t être <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>us par la communauté.<br />

Mais comm<strong>en</strong>t fallait-il mesurer le don <strong>de</strong> chaque membre <strong>de</strong> la communauté<br />

aux prêtres <strong>et</strong> à leurs ai<strong>de</strong>s <strong>en</strong> sorte que ce don correspon<strong>de</strong> à sa récolte ?<br />

11. On institua la dîme, selon laquelle chaque membre <strong>de</strong> la communauté <strong>de</strong>vait<br />

livrer aux prêtres le dixième <strong>de</strong> toute sa récolte. Comm<strong>en</strong>t était mesurée c<strong>et</strong>te<br />

dîme ? Fort simplem<strong>en</strong>t : par la balance ! Il <strong>en</strong> existait à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

p<strong>et</strong>ites, <strong>de</strong> l'espèce déjà m<strong>en</strong>tionnée. Chaque communauté possédait plusieurs <strong>de</strong><br />

ces balances, <strong>et</strong> toute la récolte était pesée avec précision, sous les yeux du<br />

conseil <strong>de</strong> la communauté, <strong>de</strong> la manière suivante : on remplissait les <strong>de</strong>ux<br />

plateaux ; neuf fois, les plateaux remplis étai<strong>en</strong>t vidés dans les coffres du<br />

membre <strong>de</strong> la communauté, <strong>et</strong> la dixième fois dans les coffres <strong>de</strong>s prêtres. Le<br />

<strong>grand</strong> prêtre était <strong>en</strong> même temps le protecteur ou le pasteur <strong>de</strong> tout le peuple, ce<br />

que traduisait l'expression VARA ON ("il protège", ou "il est le berger"). Dans la<br />

suite <strong>de</strong>s temps, les pharaons <strong>de</strong>vinr<strong>en</strong>t véritablem<strong>en</strong>t les rois du pays, auxquels<br />

les prêtres fur<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t soumis.<br />

12. Nous voyons donc par c<strong>et</strong>te prés<strong>en</strong>tation historiquem<strong>en</strong>t vraie que la première<br />

pério<strong>de</strong> qui suivait celle <strong>de</strong> la Vierge était principalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>stinée au<br />

pesage <strong>de</strong>s récoltes à cause <strong>de</strong> la dîme payée aux prêtres ; <strong>et</strong> puisque le soleil<br />

<strong>en</strong>trait précisém<strong>en</strong>t à c<strong>et</strong>te époque dans un nouveau signe, on appela ce signe du<br />

zodiaque la "Balance". Cela paraîtra très clair à toute personne tant soit peu au<br />

fait <strong>de</strong>s us <strong>et</strong> coutumes <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s.<br />

13. Et il n'est sans doute guère besoin d'expliquer qu'avec le temps, on attribua à<br />

la Balance toutes sortes d'autres significations annexes, l'utilisant comme le<br />

symbole <strong>de</strong> la justice tant divine qu'humaine, <strong>et</strong> même, dans certains peuples<br />

<strong>en</strong>core très peu évolués, l'adorant comme les Indi<strong>en</strong>s ador<strong>en</strong>t parfois la charrue.<br />

L'imagination <strong>de</strong>s hommes d'une part, d'autre part l'appât du gain toujours<br />

croissant chez les prêtres <strong>et</strong> chez ceux qui <strong>en</strong>seignai<strong>en</strong>t le peuple, qui étai<strong>en</strong>t<br />

toujours plus nombreux, tout cela divinisa à la longue tout ce qui pouvait paraître<br />

vénérable <strong>et</strong> utile à l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> l'humanité.<br />

14. Nous v<strong>en</strong>ons ainsi <strong>de</strong> voir comm<strong>en</strong>t un instrum<strong>en</strong>t humain a pu <strong>en</strong>trer lui<br />

aussi dans le <strong>grand</strong> zodiaque, <strong>et</strong> nous allons voir à prés<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t un insecte<br />

200


aussi déplaisant que le Scorpion a pu égalem<strong>en</strong>t y <strong>en</strong>trer ! »<br />

Chapitre 105<br />

Explication <strong>de</strong>s trois <strong>de</strong>rniers signes du zodiaque<br />

1. (Mathaël :) « Après la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Balance v<strong>en</strong>ait une pério<strong>de</strong> pour ainsi dire<br />

oisive. Les troupeaux s'adonnai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus au repos, c'est-à-dire qu'ils<br />

continuai<strong>en</strong>t certes <strong>de</strong> paître, mais ne courai<strong>en</strong>t <strong>et</strong> ne gambadai<strong>en</strong>t plus dans les<br />

prés avec la même ar<strong>de</strong>ur qu'au printemps ; les arbres fruitiers aussi ne<br />

manifestai<strong>en</strong>t plus la même activité qu'au printemps ; les champs étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

friche, aussi les hommes jouissai<strong>en</strong>t-ils eux-mêmes d'une certaine vacance dans<br />

le travail. Ils se serai<strong>en</strong>t sans doute abandonnés davantage <strong>en</strong>core à la paresse si<br />

le Seigneur du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> la terre ne les avait fait aiguillonner quelque peu,<br />

précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> oisive, par un insecte particulièrem<strong>en</strong>t importun<br />

dont l'Egypte est la principale patrie.<br />

2. Dès le début <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> sans cela oisive, les scorpions se m<strong>et</strong>tai<strong>en</strong>t à<br />

paraître <strong>de</strong> tous côtés, <strong>et</strong> jusque vers le milieu <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong>, ils se multipliai<strong>en</strong>t<br />

comme <strong>de</strong>s mouches dans un réfectoire. Or, l'on sait que la piqûre <strong>de</strong> la queue <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong> insecte est non seulem<strong>en</strong>t très douloureuse, mais aussi fort dangereuse si l'on<br />

n'administre pas l'antidote approprié immédiatem<strong>en</strong>t après la piqûre.<br />

3. Comme les anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s n'avai<strong>en</strong>t sans doute appris que trop vite tant la<br />

nocivité que l'importunité <strong>de</strong> ce p<strong>et</strong>it animal, ils ne se fir<strong>en</strong>t pas faute non plus<br />

d'imaginer <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> maîtriser au moins dans une certaine mesure c<strong>et</strong>te<br />

créature. Tous les moy<strong>en</strong>s répulsifs fur<strong>en</strong>t essayés ; mais tout cela n'y fit pas<br />

<strong>grand</strong>-chose, jusqu'au jour où l'on découvrit <strong>en</strong>fin que l'on pouvait du moins<br />

éloigner <strong>de</strong>s chambres le piquant intrus par la vapeur obt<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> faisant bouillir<br />

l'écorce d'un certain arbuste du Nil. Par ailleurs, on humidifiait l'écorce dudit<br />

arbuste, que l'on répandait sur le sol <strong>et</strong> disposait dans les lits, <strong>et</strong> cela t<strong>en</strong>ait à<br />

l'écart la bête v<strong>en</strong>imeuse ou la tuait.<br />

4. L'insecte lui-même, qui, bi<strong>en</strong> sûr, n'avait jusque-là pas <strong>de</strong> nom, prit celui <strong>de</strong> ce<br />

remè<strong>de</strong> capable <strong>de</strong> l'éloigner <strong>et</strong> <strong>de</strong> le tuer, SCORO (= écorce) PI ou PIE (= boit) ON<br />

(= il).<br />

5. Par ce nom, on attirait l'att<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> la postérité, comme par une rec<strong>et</strong>te, sur le<br />

moy<strong>en</strong> qui perm<strong>et</strong>tait <strong>de</strong> prév<strong>en</strong>ir le plus efficacem<strong>en</strong>t ce fléau. Aujourd'hui<br />

<strong>en</strong>core, nous recevons tant d'Egypte que d'Arabie <strong>et</strong> <strong>de</strong> Perse une poudre qui perm<strong>et</strong>,<br />

sans le moindre dommage pour la santé <strong>de</strong> l'homme, <strong>de</strong> détruire non seulem<strong>en</strong>t<br />

les scorpions, mais presque tous les autres insectes les plus gênants ; <strong>et</strong>,<br />

avec quelques autres ingrédi<strong>en</strong>ts, c<strong>et</strong>te poudre est préparée principalem<strong>en</strong>t à<br />

partir <strong>de</strong> la susdite écorce. — Mais rev<strong>en</strong>ons à notre propos ess<strong>en</strong>tiel.<br />

6. Quand les scorpions comm<strong>en</strong>çai<strong>en</strong>t à paraître, au début <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> oisive,<br />

le soleil <strong>en</strong>trait dans une nouvelle constallation du zodiaque, qui reçut donc le<br />

nom du fâcheux insecte qui proliférait <strong>et</strong> importunait le plus, bêtes <strong>et</strong> g<strong>en</strong>s<br />

précisém<strong>en</strong>t dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>. Et jusqu'à ce jour, c'est à ce signe qu'on a<br />

témoigné le moins <strong>de</strong> respect, si ce n'est <strong>en</strong> honorant <strong>en</strong> lui d'une certaine maniè-<br />

201


e une antique rec<strong>et</strong>te contre le fâcheux insecte.<br />

7. Avec la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s scorpions pr<strong>en</strong>ait fin le temps <strong>de</strong> la paresse, ainsi que<br />

les orages, qui, <strong>en</strong> Egypte, surv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t fréquemm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te saison, <strong>et</strong> dont les<br />

Egypti<strong>en</strong>s avai<strong>en</strong>t toujours une certaine crainte ; car ils disai<strong>en</strong>t : "Les traits <strong>de</strong><br />

Zeus sont plus rapi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> port<strong>en</strong>t plus sûrem<strong>en</strong>t que les malheureux traits <strong>de</strong>s<br />

hommes !"<br />

8. Dans la pério<strong>de</strong> qui suivait le Scorpion, toutes sortes d'animaux sauvages,<br />

parmi lesquels <strong>de</strong>s bêtes féroces, mais non <strong>de</strong>s plus dangereuses, se m<strong>et</strong>tai<strong>en</strong>t à<br />

<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s montagnes vers les vallées.<br />

9. À ce nouveau phénomène, les g<strong>en</strong>s, c'est-à-dire les hommes, bandai<strong>en</strong>t leurs<br />

arcs <strong>et</strong> s'adonnai<strong>en</strong>t à la chasse au gibier. Lapins, lièvres, gazelles, p<strong>et</strong>its ours,<br />

blaireaux, r<strong>en</strong>ards, panthères <strong>et</strong> un <strong>grand</strong> nombre d'aigles <strong>et</strong> <strong>de</strong> vautours, ainsi<br />

que le crocodile <strong>et</strong> l'hippopotame (HIPPOPOTAMOS, <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong> égypti<strong>en</strong> JE PA OPATA<br />

MOZ, le "cheval du Nil" comm<strong>en</strong>ce à déployer sa force), <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t fort actifs,<br />

aussi fallait-il se m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> chasse sans tar<strong>de</strong>r ; <strong>de</strong> plus, une importante<br />

récomp<strong>en</strong>se était offerte à ceux qui exterminai<strong>en</strong>t le plus <strong>grand</strong> nombre <strong>de</strong><br />

crocodiles.<br />

10. Il importe peu ici <strong>de</strong> savoir comm<strong>en</strong>t toutes ces chasses se pratiquai<strong>en</strong>t ; pour<br />

le suj<strong>et</strong> qui nous occupe, il suffit <strong>de</strong> dire qu'<strong>en</strong> Egypte, toutes sortes <strong>de</strong> chasse se<br />

pratiquai<strong>en</strong>t dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong>.<br />

11. À c<strong>et</strong>te époque <strong>de</strong> la chasse, le soleil <strong>en</strong>trait dans une nouvelle constellation<br />

du zodiaque, que l'on appela le Sagittaire (*) , parce que c'était dans c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong><br />

que les archers étai<strong>en</strong>t le plus actifs. Avec le temps, le Sagittaire reçut bi<strong>en</strong> sûr<br />

lui aussi une forme <strong>de</strong> culte divin, mais celui-ci ne prit jamais beaucoup<br />

d'importance, excepté celui d'Apollon, égalem<strong>en</strong>t vénéré comme dieu <strong>de</strong> la<br />

Chasse.<br />

12. Avec le Sagittaire, nous <strong>en</strong> avons presque terminé, <strong>et</strong> nous arrivons maint<strong>en</strong>ant<br />

au signe véritablem<strong>en</strong>t le plus étrange du <strong>grand</strong> zodiaque ! Car c'est un<br />

bouqu<strong>et</strong>in, habitant <strong>de</strong>s pics rocheux, qui scintille dans la partie méridionale du<br />

<strong>grand</strong> cercle ! Comm<strong>en</strong>t c<strong>et</strong> hôte <strong>de</strong>s hautes montagnes est-il <strong>en</strong>tré, sous le nom<br />

<strong>de</strong> "Capricorne", dans le <strong>grand</strong> cercle <strong>de</strong>s étoiles ? Je vous le dis, d'une manière<br />

aussi naturelle que les précé<strong>de</strong>nts !<br />

13. Dans c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>rnière pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année, tous les animaux sauvages <strong>de</strong>sc<strong>en</strong><strong>de</strong>nt<br />

tout à coup dans les vallées afin d'y trouver la nourriture qu'exige leur nature.<br />

14. Les Egypti<strong>en</strong>s attachai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> trop <strong>de</strong> prix au bouqu<strong>et</strong>in pour laisser c<strong>et</strong> hôte<br />

téméraire visiter sans façon leurs vallées ! Bref, dès qu'approchait l'époque où c<strong>et</strong><br />

animal, <strong>de</strong>puis les temps les plus anci<strong>en</strong>s, pouvait être vu pâturant <strong>et</strong> bondissant<br />

dans les prairies écartées, on y postait <strong>de</strong> nombreux gu<strong>et</strong>teurs. Dès qu'un seul<br />

animal avait été aperçu, tous ceux qui t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t sur leurs jambes se m<strong>et</strong>tai<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

route à un signal conv<strong>en</strong>u.<br />

15. Cep<strong>en</strong>dant, ce n'était pas une mince tâche que <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre un <strong>de</strong> ces bouque-<br />

(*)<br />

Rappelons que les sagittaires étai<strong>en</strong>t les archers <strong>de</strong> l'armée romaine. Le symbolisme du C<strong>en</strong>taure,<br />

souv<strong>en</strong>t associé au Sagittaire, n'est pas <strong>en</strong>visagé ici. (N.d.T.)<br />

202


tins, <strong>et</strong> il arrivait maintes fois qu'aucun ne fût pris dans toute la pério<strong>de</strong> ; mais<br />

lorsque la saison était plus favorable <strong>et</strong> qu'on <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ait plusieurs, c'était alors un<br />

véritable triomphe dans toute l'Egypte ! Car tout, dans ces bouqu<strong>et</strong>ins, était<br />

considéré comme un remè<strong>de</strong> merveilleux ; une très p<strong>et</strong>ite quantité guérissait d'un<br />

seul coup toutes les maladies, <strong>et</strong> les cornes étai<strong>en</strong>t la première <strong>et</strong> la plus précieuse<br />

parure du roi d'Egypte, avant même l'or <strong>et</strong> les pierres précieuses. Dans les<br />

premiers temps, on allait même jusqu'à estimer la valeur d'un pharaon au nombre<br />

<strong>de</strong>s cornes <strong>de</strong> bouqu<strong>et</strong>in qu'il possédait, <strong>et</strong> par la suite, les <strong>grand</strong>s prêtres euxmêmes<br />

portèr<strong>en</strong>t sur eux <strong>de</strong> ces cornes recouvertes d'or comme emblèmes <strong>de</strong> leur<br />

sagesse supérieure <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur <strong>grand</strong> pouvoir.<br />

16. Et si le bouqu<strong>et</strong>in jouissait d'un tel crédit chez les Egypti<strong>en</strong>s, comme on peut<br />

aujourd'hui <strong>en</strong>core s'<strong>en</strong> convaincre dans ce pays, il est plus que compréh<strong>en</strong>sible<br />

que les anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s ai<strong>en</strong>t consacré au bouqu<strong>et</strong>in la pério<strong>de</strong> où ils<br />

recevai<strong>en</strong>t la visite <strong>de</strong> ce précieux animal <strong>et</strong> lui ai<strong>en</strong>t donné son nom [Capricorne],<br />

ainsi qu'à la constellation dans laquelle le soleil <strong>en</strong>trait au même mom<strong>en</strong>t.<br />

17. Nous avons <strong>de</strong> la sorte passé <strong>en</strong> revue les douze signes du <strong>grand</strong> zodiaque<br />

sans ri<strong>en</strong> y trouver que <strong>de</strong> très naturel, <strong>et</strong> nous avons vu <strong>en</strong> outre comm<strong>en</strong>t sont<br />

apparus les multiples dieux paï<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> qu'il n'y a ri<strong>en</strong> d'autre <strong>de</strong>rrière eux que ces<br />

choses toutes naturelles dont nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> parler.<br />

18. J'espère donc qu'il ne sera plus difficile désormais <strong>de</strong> connaître l'unique vrai<br />

Dieu sous Son vrai jour <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité. Jamais aucune divinité imaginaire n'a<br />

accompli une seule <strong>de</strong> toutes les merveilles qu'on lui a attribuées, <strong>et</strong> les quelques<br />

paroles d'appar<strong>en</strong>ce sage que ces dieux sont c<strong>en</strong>sés avoir parfois adressées aux<br />

hommes n'ont été mises dans la bouche <strong>de</strong> ces vains dieux par les anci<strong>en</strong>s sages<br />

qu'à cause <strong>de</strong> leur <strong>grand</strong>e importance.<br />

19. Mais l'on voit <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d ici <strong>de</strong>s choses qui n'avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core jamais existé — <strong>et</strong><br />

le mom<strong>en</strong>t est <strong>en</strong>fin v<strong>en</strong>u où il nous sera donné <strong>de</strong> connaître pleinem<strong>en</strong>t le vrai<br />

Dieu. Hélène, <strong>et</strong> toi, vieil Ouran, dites-moi si c<strong>et</strong>te explication du zodiaque vous<br />

a éclairés. »<br />

Chapitre 106<br />

Hélène <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> quelle école vi<strong>en</strong>t Mathaël<br />

1. Hélène dit : « Ô très cher Mathaël, jamais ri<strong>en</strong>, sur c<strong>et</strong>te terre, ne m'avait été<br />

aussi clairem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> lumineusem<strong>en</strong>t expliqué par <strong>de</strong> simples mots ! P<strong>en</strong>dant ta<br />

<strong>de</strong>scription si vivante, j'ai pour ainsi dire assisté <strong>et</strong> pris part moi-même à tous les<br />

faits <strong>et</strong> gestes <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s Egypti<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> c'était véritablem<strong>en</strong>t comme si la vérité<br />

pleuvait <strong>de</strong>vant mes yeux aussi dru que <strong>de</strong>s grêlons.<br />

2. Dis-moi seulem<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te chose <strong>en</strong>core : <strong>de</strong> quelle manière, dans quelle école<br />

as-tu fait toutes ces imm<strong>en</strong>ses découvertes ? Car, par tous les cieux, on ne peut<br />

pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> telles choses dans sa manche comme on tirerait du fond d'un sac<br />

quelques grains <strong>de</strong> blé ! Comm<strong>en</strong>t as-tu donc appris toutes ces choses avec un tel<br />

détail ? »<br />

203


3. Mathaël dit : « Ô Hélène, hier <strong>en</strong>core, j'étais dix mille fois plus aveugle <strong>et</strong> plus<br />

inconsci<strong>en</strong>t que le <strong>de</strong>rnier <strong>et</strong> le plus ignorant <strong>de</strong> tes serviteurs, <strong>et</strong> <strong>en</strong> outre si<br />

mala<strong>de</strong> que Dieu seul pouvait me guérir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te maladie inouïe, car une telle<br />

guérison était à jamais impossible à l'art humain !<br />

4. Mais après ma guérison, j'ai non seulem<strong>en</strong>t recouvré presque instantaném<strong>en</strong>t<br />

les forces <strong>de</strong> mon corps, mais le Seigneur du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> la terre a <strong>en</strong> même temps<br />

éveillé mon esprit dans mon âme si troublée. Et c'est c<strong>et</strong> esprit qui me fait<br />

désormais connaître toutes les choses qui ont existé <strong>et</strong> exist<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t, <strong>et</strong><br />

même bi<strong>en</strong> d'autres <strong>en</strong>core à v<strong>en</strong>ir !<br />

5. Vois-tu, tout cela est donc uniquem<strong>en</strong>t un don miséricordieux du Seigneur, <strong>et</strong><br />

c'est à Lui seul que vous <strong>de</strong>vez, toi <strong>et</strong> tous les autres, toute louange, vénération,<br />

gratitu<strong>de</strong>, amour <strong>et</strong> estime, car je n'ai jamais ri<strong>en</strong> appris <strong>de</strong> tout ceci dans aucune<br />

école quelle qu'elle soit !<br />

6. Ainsi, le Seigneur seul est tout pour moi, mon école <strong>et</strong> toute ma sagesse ; <strong>et</strong><br />

tout ce que je sais, je ne le sais que par le Seigneur !<br />

7. Et je vous le dis, celui qui sait quoi que ce soit qu'il n'ait puisé à c<strong>et</strong>te source,<br />

celui-là ne sait ri<strong>en</strong> ; car toute sa sci<strong>en</strong>ce n'est qu'un ouvrage incompl<strong>et</strong>,<br />

parfaitem<strong>en</strong>t vain <strong>et</strong> inutile !<br />

8. Aussi, vous tous, ne fréqu<strong>en</strong>tez que l'école du Seigneur qui Se ti<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t<br />

parmi nous corporellem<strong>en</strong>t dans toute Sa plénitu<strong>de</strong> divine, <strong>et</strong> vous n'aurez plus<br />

jamais besoin d'une autre école ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela, très belle Hélène ? »<br />

9. Hélène dit : « Oh, oui, je te compr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong> ; mais comm<strong>en</strong>t un faible mortel<br />

tel que moi ou mon père, par exemple, peut-il accé<strong>de</strong>r à c<strong>et</strong>te école <strong>de</strong> Dieu ? »<br />

10. Mathaël semble s'irriter <strong>et</strong> dit : « Ô Hélène, toi la plus belle <strong>de</strong> tout le <strong>grand</strong><br />

Pont, comm<strong>en</strong>t peux-tu donc poser une question aussi stupi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t aveugle ? Il<br />

faut me pardonner si je réponds si ru<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t à ta question si peu réfléchie ; mais,<br />

toi <strong>et</strong> ton père, n'êtes-vous pas déjà à c<strong>et</strong>te école ? Comm<strong>en</strong>t peux-tu donc<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r quand <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t tu y accé<strong>de</strong>ras ? Ah, ne compr<strong>en</strong>ds-tu donc pas<br />

<strong>en</strong>core cela, alors que le Seigneur a accompli ici <strong>de</strong> si <strong>grand</strong>s signes pour vousmêmes<br />

?! »<br />

11. Hélène, quelque peu déconfite, dit : « Mais, très cher Mathaël, je t'<strong>en</strong> prie, ne<br />

te fâche pas contre moi pour autant ! Je vois bi<strong>en</strong> ma bêtise à prés<strong>en</strong>t <strong>et</strong> ne te<br />

poserai certes plus <strong>de</strong> semblables questions ; mais toi, montre quelque pati<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong>vers nous, <strong>et</strong> songe toujours qu'on n'abat pas un <strong>grand</strong> arbre d'un seul coup <strong>de</strong><br />

hache ! Avec le temps, tout est sans doute possible ! Mon père est vieux, mais<br />

moi, je suis <strong>en</strong>core jeune, <strong>et</strong> il n'est pas difficile <strong>de</strong> me diriger ; tous mes<br />

professeurs <strong>en</strong> témoign<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> mon père le sait aussi ! Oh, très cher Mathaël, je ne<br />

te ferai certainem<strong>en</strong>t pas honte ; mais si tu montres quelquefois un peu plus <strong>de</strong><br />

pati<strong>en</strong>ce qu'à prés<strong>en</strong>t, tu n'auras pas à le regr<strong>et</strong>ter ! Je t'<strong>en</strong> prie ! »<br />

12. Mathaël, tout à fait conquis par la <strong>grand</strong>e douceur d'Hélène, dit : « Ô belle <strong>et</strong><br />

douce Hélène, jamais plus tu n'auras besoin <strong>de</strong> me prier d'être pati<strong>en</strong>t ! Mon<br />

int<strong>en</strong>tion n'est jamais mauvaise, même si je semble parfois un peu sévère, <strong>et</strong> <strong>en</strong><br />

parlant sévèrem<strong>en</strong>t, je ne cherche qu'à m<strong>en</strong>er au but une personne plus rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

qu'il ne serait possible par <strong>de</strong>s paroles toutes bénignes. Mais je vois que tu<br />

204


es plus t<strong>en</strong>dre que la colombe la mieux apprivoisée, aussi ne sera-t-il pas<br />

nécessaire à l'av<strong>en</strong>ir que je pr<strong>en</strong>ne un ton sévère pour t'éveiller. »<br />

13. Hélène dit : « Tu n'as pas à me ménager pour autant ! Si, par <strong>de</strong>s paroles<br />

sévères, tu peux me faire progresser un peu plus rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, alors, n'hésite pas<br />

malgré tout à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir aussi ru<strong>de</strong> que le <strong>grand</strong> Pont quand ses vagues, hautes<br />

comme <strong>de</strong>s montagnes, se déchaîn<strong>en</strong>t sous l'ouragan ; mais si tu peux nous<br />

m<strong>en</strong>er tout aussi loin dans le même temps, mon père <strong>et</strong> moi, par <strong>de</strong>s paroles <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s leçons bénignes, alors, je préférerai cela <strong>de</strong> beaucoup. — Mais passons à<br />

autre chose. Une p<strong>et</strong>ite question <strong>en</strong>core, <strong>et</strong> j'aurai assez à p<strong>en</strong>ser pour longtemps !<br />

14. Dis-moi donc qui a donné leur nom, <strong>et</strong> <strong>en</strong> quelles circonstances, aux innombrables<br />

autres constellations. »<br />

Chapitre 107<br />

Généralités sur le zodiaque<br />

1. Mathaël dit : « Ô ma très chère Hélène, il est vrai que ta question est fort brève<br />

; mais pour y répondre tout à fait, il me faudrait pour le moins une année <strong>en</strong>tière !<br />

Aussi rem<strong>et</strong>trai-je la réponse à ta p<strong>et</strong>ite question à une autre occasion <strong>et</strong> me<br />

cont<strong>en</strong>terai-je pour le mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> dire que les noms <strong>de</strong> toutes les constellations<br />

ont exactem<strong>en</strong>t la même origine que ceux <strong>de</strong>s douze du <strong>grand</strong> Zodiakos, dont la<br />

dénomination à consonnance grecque fait croire faussem<strong>en</strong>t qu'il n'y <strong>en</strong>tre que<br />

<strong>de</strong>s animaux, alors qu'il s'y trouve aussi, bi<strong>en</strong> sûr <strong>de</strong> nom seulem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>s<br />

personnes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s choses.<br />

2. Dans la langue <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong>ne Egypte, la syllabe Zo ou ZA signifie à peu près<br />

"pour", DIA ou DIAIA, "travail", <strong>et</strong> KOS "une part", ou <strong>en</strong>core la "division" ; ainsi,<br />

ZA DIAI KOS (ou KOSE) signifie, traduit mot à mot : pour le travail la division, soit<br />

: répartition du travail.<br />

3. Cela te fait voir que les choses n'ont pu se passer autrem<strong>en</strong>t à l'origine, <strong>et</strong> que<br />

l'explication du Zadia-kos [zodiaque] que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te donner ne peut qu'être<br />

parfaitem<strong>en</strong>t exacte. Car au début, les Anci<strong>en</strong>s ont divisé le <strong>grand</strong> cercle selon la<br />

périodicité <strong>de</strong> leurs travaux ; mais <strong>en</strong>suite, chez leurs <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants, c'est la<br />

division existante du cercle qui a déterminé les travaux ; car chaque constellation<br />

qui se prés<strong>en</strong>tait rappelait aux Egypti<strong>en</strong>s quel travail ils aurai<strong>en</strong>t à accomplir<br />

dans la pério<strong>de</strong> à v<strong>en</strong>ir. Aussi la dénomination <strong>de</strong> ce cercle est-elle parfaitem<strong>en</strong>t<br />

justifiée, mais non au s<strong>en</strong>s où l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt les Grecs <strong>et</strong> les Romains.<br />

4. Mais <strong>de</strong> même que les sages ont fort justem<strong>en</strong>t nommé ce cercle <strong>et</strong> ses figures,<br />

ils ont nommé bi<strong>en</strong> d'autres constellations — pas toutes cep<strong>en</strong>dant —, <strong>et</strong> ils<br />

fur<strong>en</strong>t aussi les premiers à découvrir les planètes que tu connais <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la<br />

lune <strong>et</strong> du soleil, qui <strong>en</strong> vérité, du moins pour notre terre, n'est pas du tout une<br />

planète, puisque ce n'est pas le soleil qui tourne autour <strong>de</strong> la terre, mais les autres<br />

planètes qui, avec la terre, se meuv<strong>en</strong>t autour du <strong>grand</strong> soleil avec <strong>de</strong>s<br />

périodicités diverses, par quoi il ne faut cep<strong>en</strong>dant pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre le mouvem<strong>en</strong>t<br />

appar<strong>en</strong>t quotidi<strong>en</strong> du soleil, qui, lui, est causé par la rotation <strong>de</strong> la terre ellemême<br />

sur son axe médian, mais celui que la terre fait <strong>en</strong> un an, <strong>et</strong> Vénus <strong>et</strong> le peu<br />

205


fréquemm<strong>en</strong>t visible Mercure <strong>en</strong> un temps plus bref <strong>en</strong>core ; quant à Mars,<br />

Jupiter <strong>et</strong> Saturne, leur révolution dure plus longtemps que celle <strong>de</strong> la terre.<br />

5. Quant à la lune, puisqu'elle apparti<strong>en</strong>t à la terre, elle se meut avec elle autour<br />

du soleil <strong>en</strong> un an, <strong>en</strong> sus <strong>de</strong> quoi, toujours accompagnant notre terre à une<br />

distance <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t mille lieues, elle accomplit une rotation autour <strong>de</strong> la terre tous<br />

les vingt-sept à vingt-huit jours.<br />

6. Mais ce sont là <strong>de</strong>s choses que tu ne peux <strong>en</strong>core appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r <strong>en</strong> un instant<br />

comme si <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> n'était ; quand l'esprit <strong>de</strong> Dieu se sera éveillé <strong>en</strong> ton âme, alors,<br />

tu connaîtras tout cela, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> d'autres choses <strong>en</strong>core, par toi-même <strong>et</strong> sans<br />

<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t extérieur fastidieux.<br />

7. C'est pourquoi une seule chose est vraim<strong>en</strong>t indisp<strong>en</strong>sable : se connaître soimême<br />

<strong>et</strong> Dieu, <strong>et</strong> L'aimer par-<strong>de</strong>ssus tout ; <strong>en</strong>suite, tout le reste ira <strong>de</strong> soi.<br />

8. Du reste, nous avons sans doute assez parlé tous <strong>de</strong>ux, <strong>et</strong> il serait bon que nous<br />

nous reposions un peu, afin que nos amis, qui sont bi<strong>en</strong> plus sages que nous,<br />

puiss<strong>en</strong>t eux aussi faire peut-être quelques bonnes remarques.<br />

9. Il ne faut jamais trop parler d'une chose soi-même, mais laisser d'autres <strong>en</strong><br />

parler aussi <strong>et</strong> les écouter ; car nul homme sur terre n'est si sage qu'il ne puisse<br />

parfois appr<strong>en</strong>dre même d'un moins sage que lui, <strong>et</strong> à plus forte raison, donc, <strong>de</strong><br />

ceux qui le sont bi<strong>en</strong> plus ! Aussi, très chère Hélène, me pardonneras-tu si je ne<br />

parle plus moi-même pour un temps, mais écoute les autres — à condition, bi<strong>en</strong><br />

sûr, qu'ils veuill<strong>en</strong>t dire quelque chose. »<br />

10. À quoi Hélène répond : « Oh, qu'à cela ne ti<strong>en</strong>ne ! Tu peux fort bi<strong>en</strong> te reposer<br />

un peu ; car tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> parler sans discontinuer près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures<br />

durant.<br />

11. Peut-être, à c<strong>et</strong>te occasion, quelqu'un voudra-t-il nous <strong>en</strong> dire un peu plus sur<br />

le <strong>grand</strong> Maître qui est maint<strong>en</strong>ant parmi nous, <strong>et</strong> qui fait si peu s<strong>en</strong>tir qu'Il est ce<br />

qu'il est ! »<br />

Chapitre 108<br />

Opinions sur la propagation <strong>de</strong> la nouvelle doctrine<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Simon Juda dit : « J'admire la sagesse véritablem<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>e <strong>de</strong><br />

Mathaël <strong>et</strong> la connaissance <strong>de</strong>s temps anci<strong>en</strong>s qu'elle recèle ! Oui, une telle<br />

sagesse est tout aussi nécessaire à notre époque que la connaissance profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

vérités ess<strong>en</strong>tielles sorties <strong>de</strong> la bouche <strong>de</strong> Dieu ! En vérité, nous pourrions parler<br />

jusqu'à nous user la langue <strong>de</strong>vant un peuple qui croupit <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> mille ans<br />

dans la fange absur<strong>de</strong> <strong>de</strong> la plus noire superstition ! Avec lui, c<strong>en</strong>t mille <strong>de</strong>s plus<br />

belles paroles sont aussi vaines qu'une seule ; il ne reconnaît pas sa propre<br />

stupidité <strong>et</strong> son aveuglem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> moins la beauté <strong>et</strong> la pur<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s<br />

vérités qu'on lui prêche.<br />

2. Que peut-on <strong>en</strong>core faire avec un tel peuple ? Des miracles ? Cela ne ferait que<br />

r<strong>en</strong>forcer son ignorance <strong>et</strong> sa superstition ! Le châtier ? Oh, un tel peuple est déjà<br />

206


i<strong>en</strong> suffisamm<strong>en</strong>t puni !<br />

3. Mais que l'on recherche dans ce peuple les plus accessibles <strong>et</strong> que l'on prêche<br />

<strong>de</strong>vant eux contre le paganisme à la manière <strong>de</strong> notre Mathaël, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> c<strong>en</strong>t ans au<br />

plus, avec la bénédiction du Seigneur, il ne subsistera plus aucun temple idolâtre<br />

!<br />

4. Frères, jugez si je ne dis pas vrai ! Le simple bon s<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants vaut sans<br />

doute plus que la raison <strong>de</strong> tous les raisonneurs <strong>de</strong> la terre ; mais ici, la raison est<br />

pleinem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mise. — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sez-vous, mes chers frères ? »<br />

5. À l'exception <strong>de</strong> Judas, tous dis<strong>en</strong>t : « Nous sommes tout à fait d'accord, <strong>et</strong> il<br />

n'y a ri<strong>en</strong> à objecter à cela ! »<br />

6. Judas s'avance alors <strong>et</strong> dit : « Mais si, mais si, il y a <strong>en</strong>core beaucoup à dire ! »<br />

7. Simon dit : « Quoi donc ? Parle ! Je ne vois vraim<strong>en</strong>t pas ce que l'on peut<br />

objecter ici ! »<br />

8. Judas dit : « Que l'on gagne les puissants, <strong>et</strong> l'on pourra alors parler avec les<br />

plus <strong>grand</strong>s eff<strong>et</strong>s à ceux qui n'ont aucun pouvoir, même sans toute c<strong>et</strong>te sci<strong>en</strong>ce<br />

! »<br />

9. Mathaël, lançant à Judas un regard quelque peu irrité, dit : « Ah ah ! C'est<br />

donc par les verges <strong>et</strong> l'épée que tu voudrais annoncer aux pauvres <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong><br />

bi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> le message <strong>de</strong> paix v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux ! Tu es vraim<strong>en</strong>t un drôle<br />

<strong>de</strong> corps ! D'ailleurs, tu me parais bi<strong>en</strong> être une créature <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer, ce qui<br />

explique ton appar<strong>en</strong>ce qui, <strong>en</strong> vérité, ne déshonorerait aucun diable ! Oui, tu es<br />

un diable <strong>de</strong> la plus belle eau !<br />

10. Et j'aimerais bi<strong>en</strong> savoir comm<strong>en</strong>t tu as pu t'insinuer dans c<strong>et</strong>te compagnie<br />

par ailleurs purem<strong>en</strong>t céleste !<br />

11. Mais je te le dis : si tu es un diable <strong>et</strong> veux fréqu<strong>en</strong>ter les hommes, tu ferais<br />

mieux <strong>de</strong> te couvrir <strong>de</strong> la peau <strong>de</strong> l'agneau, afin que, sous celle-ci, on ne<br />

reconnaisse pas au premier regard le loup féroce !<br />

12. Veille à te t<strong>en</strong>ir hors <strong>de</strong> ma vue, sans quoi je pourrais être t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> faire sur<br />

toi <strong>de</strong>s révélations que tu ne serais peut-être pas tout disposé à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

maint<strong>en</strong>ant ; car mon esprit te connaît désormais tant extérieurem<strong>en</strong>t qu'intérieurem<strong>en</strong>t<br />

! »<br />

13. À ces paroles <strong>de</strong> Mathaël, Judas ouvre <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux <strong>et</strong> dit : « Tu te trompes<br />

sur mon compte, Mathaël, car je suis moi aussi du nombre <strong>de</strong>s élus ; j'ai déjà été<br />

chargé <strong>de</strong> messages par le Seigneur, <strong>et</strong>, il y a seulem<strong>en</strong>t quelques semaines, j'ai<br />

été, avec mes frères, transporté dans les airs par les anges ! »<br />

14. Mathaël dit : « Oh, je sais tout cela, mais pour autant, je ne r<strong>et</strong>ire pas une<br />

seule syllabe <strong>de</strong>s paroles que j'ai prononcées ! Tu fais bi<strong>en</strong> partie <strong>de</strong>s Douze,<br />

mais mon esprit me dit : "L'un d'eux est un diable !" — <strong>et</strong> ce diable, sache-le,<br />

c'est toi !<br />

15. Cont<strong>en</strong>te-toi pour le mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce témoignage que mon esprit a porté sur toi<br />

— mais si tu <strong>en</strong> veux davantage, je puis te le fournir ; car je découvre à l'instant<br />

l'imm<strong>en</strong>se réserve <strong>de</strong>s mauvais témoignages qui exist<strong>en</strong>t sur toi, <strong>et</strong> tu n'aurais<br />

207


vraim<strong>en</strong>t pas <strong>grand</strong>-chose à faire pour les recevoir <strong>en</strong> plein visage ! Car tu es<br />

aussi un voleur ! — M'as-tu compris ? ! »<br />

16. En <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dant le sage Mathaël prononcer ces paroles tonitruantes, Judas fut<br />

parcouru d'un <strong>grand</strong> frisson ; il se r<strong>et</strong>ira fort discrètem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong>, tandis qu'il reculait,<br />

Thomas lui caressa <strong>en</strong>core les côtes par ces mots : « Ton <strong>en</strong>fer t'a-t-il donc<br />

démangé une fois <strong>de</strong> plus ?! Continue seulem<strong>en</strong>t ainsi, <strong>et</strong> tu <strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dras bi<strong>en</strong><br />

d'autres ! Avec Mathaël, dont le Seigneur a si miraculeusem<strong>en</strong>t guéri le corps,<br />

l'âme <strong>et</strong> l'esprit, tu ne seras jamais <strong>de</strong> taille, pauvre bougre !<br />

17. Même l'ange du Seigneur n'ose l'approcher, <strong>et</strong> toi, tu voudrais contredire une<br />

chose qu'il affirme dans sa sagesse si profon<strong>de</strong> qu'on n'avait ri<strong>en</strong> vu <strong>de</strong> tel <strong>de</strong>puis<br />

Moïse ?!<br />

18. Ne compr<strong>en</strong>ds-tu donc toujours pas la révoltante sottise <strong>de</strong> ton âme plus stupi<strong>de</strong><br />

que celle du <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>s ânes ? Ne peux-tu te t<strong>en</strong>ir tranquille, écouter <strong>et</strong><br />

appr<strong>en</strong>dre sans relâche ?!<br />

19. Tout la sagesse du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> la terre est ici rassemblée <strong>en</strong> un seul point, nous<br />

sommes réunis ici juste au cœur <strong>de</strong> Dieu, les paroles <strong>et</strong> les actes qui se succè<strong>de</strong>nt<br />

<strong>de</strong>vant nous plong<strong>en</strong>t les anges eux-mêmes dans le plus profond étonnem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong><br />

toi, plus stupi<strong>de</strong> que nous tous, tu ne peux résister à ton désir véritablem<strong>en</strong>t malin<br />

d'étaler au <strong>grand</strong> jour <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te lumière divine <strong>de</strong>s propos puisés au bourbier <strong>de</strong> ta<br />

stupidité, non seulem<strong>en</strong>t pour pr<strong>en</strong>dre part à la discussion, mais <strong>en</strong>core pour<br />

contredire ! Ô âne capital ! »<br />

20. Judas répond d'un air <strong>de</strong> défi : « Eh, laisse-moi tranquille ! Si je suis un âne,<br />

je le suis pour moi-même, <strong>et</strong> non pour toi ! Et Mathaël a eu beau m'étriller, je<br />

parie ce que tu voudras que c<strong>et</strong>te doctrine divine si pure ne sera pas prêchée aux<br />

pauvres paï<strong>en</strong>s avec <strong>de</strong> douces paroles <strong>de</strong> paix, mais par l'épée <strong>et</strong> par toutes<br />

sortes d'armes mortelles !<br />

21. On ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra à aucun homme s'il l'a comprise, mais on lui fera prêter<br />

serm<strong>en</strong>t à la nouvelle foi ! Et si, avec le temps, il r<strong>en</strong>ie une foi qu'il n'a jamais<br />

comprise, il sera déclaré coupable du plus ignoble parjure <strong>et</strong> pour le moins brûlé<br />

vif !<br />

22. Et si, <strong>en</strong> répandant c<strong>et</strong>te doctrine, si divine qu'elle soit <strong>en</strong> elle-même, l'on ne<br />

veille pas avant tout à lui gagner d'abord les souverains, j'ai beau être un diable,<br />

je n'aimerais vraim<strong>en</strong>t pas avoir à dénombrer tous ceux dont le sang coulera par<br />

l'épée <strong>de</strong>s <strong>grand</strong>s souverains paï<strong>en</strong>s ! Divin d'un côté, divin <strong>de</strong> l'autre ! Le diable<br />

est divin lui aussi ! Avec le temps, même la doctrine la plus pure <strong>et</strong> la plus<br />

sublime <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t diabolique !<br />

23. Il suffit <strong>de</strong> considérer par exemple la très divine doctrine mosaïque ! Qu'estelle<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue dans le Temple du jadis si imm<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t sage Salomon ?! C'est<br />

pourquoi, moi qui suis un diable pour Mathaël <strong>et</strong> un âne capital pour toi, je te le<br />

redis: Mathaël a raison <strong>et</strong> je reconnais sa sagesse aussi bi<strong>en</strong> que toi-même ; mais<br />

j'ai raison tout autant que lui !<br />

24. Je te le dis, il ne faudra pas bi<strong>en</strong> longtemps pour que c<strong>et</strong>te doctrine <strong>de</strong> paix<br />

v<strong>en</strong>ue du ciel sème sur toute la terre la pire zizanie <strong>et</strong> précipite les peuples dans<br />

les pires querelles <strong>et</strong> les guerres les plus impitoyables !<br />

208


25. Tu ne verras sans doute guère cela dans ton corps ; mais dans l'au-<strong>de</strong>là, ton<br />

esprit n'<strong>en</strong> est pas moins assuré d'être le témoin <strong>de</strong> tout ce que je te dis là, <strong>et</strong> c'est<br />

alors seulem<strong>en</strong>t que tu reconnaîtras que le diable <strong>et</strong> le voleur Judas a lui aussi<br />

prophétisé un jour ! — Et maint<strong>en</strong>ant, dis-moi si tu m'as bi<strong>en</strong> compris ! »<br />

Chapitre 109<br />

Sur la nature <strong>de</strong> Judas<br />

1. Thomas dit : « P<strong>en</strong>ses-tu vraim<strong>en</strong>t avoir fait une <strong>grand</strong>e prophétie, <strong>et</strong> que nous<br />

n'aurions pas découvert cela sans toi ?! Malgré toute la sagesse supérieure que tu<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds <strong>de</strong>puis maint<strong>en</strong>ant plus d'une <strong>de</strong>mi-année, tu es vraim<strong>en</strong>t un pauvre<br />

nigaud !<br />

2. Quand est-il arrivé que la lumière <strong>et</strong> les ténèbres ne s'affront<strong>en</strong>t point ? La vie<br />

<strong>et</strong> la mort se sont-elles déjà alliées dans une <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te fraternelle ? Quand la faim<br />

terrible <strong>et</strong> la satiété se sont-elles donné la main pour une paix paradisiaque ? Fou<br />

que tu es ! Il va sans dire que lorsque, sortant d'ici, la très haute <strong>et</strong> très pure<br />

lumière du ciel <strong>en</strong>trera dans les profon<strong>de</strong>s ténèbres <strong>de</strong> la terre, cela ne se fera pas<br />

sans réaction !<br />

3. Regar<strong>de</strong> les imm<strong>en</strong>ses glaciers du <strong>grand</strong> Ararat : ils ne fon<strong>de</strong>nt pas aux basses<br />

températures, que les sages Egypti<strong>en</strong>s mesur<strong>en</strong>t à la couleur <strong>et</strong> à l'épaisseur <strong>de</strong> la<br />

glace <strong>et</strong> <strong>de</strong> la neige ; mais que la canicule estivale <strong>de</strong> la Haute-Egypte parvi<strong>en</strong>ne<br />

jusqu'à ces glaciers, <strong>et</strong> très vite, toute la glace se changera <strong>en</strong> eau ! Mais alors,<br />

malheur aux vallées qui seront submergées par ces <strong>grand</strong>es eaux !<br />

4. Et à l'av<strong>en</strong>ir, vois-tu, ce qui serait inévitable matériellem<strong>en</strong>t sera <strong>en</strong>core plus<br />

assuré <strong>de</strong> se produire spirituellem<strong>en</strong>t !<br />

5. Si nous nous m<strong>et</strong>tons dès le début à prêcher l'Évangile <strong>de</strong> Dieu l'épée à la<br />

main, nous ferons se lever d'autant plus tôt l'épée du mon<strong>de</strong> contre nous ; mais si<br />

nous pr<strong>en</strong>ons pour cela l'arme <strong>de</strong> la paix, qui s'appelle l'amour, alors, nous<br />

r<strong>en</strong>contrerons aussi bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s fois la paix.<br />

6. Qu'un tel don du ciel doive décl<strong>en</strong>cher au fil du temps <strong>de</strong>s guerres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s luttes<br />

<strong>de</strong> toute sorte, tant que le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la matière, par suite <strong>de</strong> l'ordonnance divine,<br />

sera ce qu'il a toujours été, ce qu'il est <strong>en</strong>core <strong>et</strong> qu'il <strong>de</strong>meurera, cela est tout à<br />

fait évi<strong>de</strong>nt, <strong>et</strong> il n'est pas besoin d'être prophète pour le dire ; mais c'est<br />

précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> démontrant aux hommes à l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t un peu plus mûr par <strong>de</strong>s<br />

raisons tangibles, comme le fait Mathaél, le ridicule, la stupidité <strong>et</strong> l'inanité du<br />

paganisme, que l'on évitera du moins que se déchaîn<strong>en</strong>t contre nous dans toute<br />

leur int<strong>en</strong>sité dévastatrice les réactions les plus viol<strong>en</strong>tes <strong>et</strong> les plus néfastes !<br />

7. Si tu as tant soit peu apprécié la valeur <strong>de</strong> ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te montrer, la<br />

parfaite absurdité <strong>de</strong> ta prophétie doit te sauter aux yeux comme le soleil <strong>de</strong> midi<br />

à un dormeur <strong>de</strong> sept ans ! »<br />

8. Judas dit : « Oui, oui, tu es bi<strong>en</strong> toujours le sage Thomas, <strong>et</strong> il faut que tout ce<br />

que je dis soit stupi<strong>de</strong> ! Tu as raison, bi<strong>en</strong> sûr ; mais j'<strong>en</strong>rage <strong>de</strong> ne pouvoir<br />

jamais avoir raison ! J'ai beau réfléchir avant <strong>de</strong> formuler la chose, à peine ai-je<br />

209


ouvert la bouche que tous se j<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t sur moi comme le loup sur l'agneau <strong>en</strong> me<br />

traitant <strong>de</strong> vrai idiot ! Oui, il y aurait <strong>de</strong> quoi crever <strong>de</strong> dépit comme une<br />

gr<strong>en</strong>ouille trop <strong>en</strong>flée ! Mais dorénavant, je ne prononcerai plus une seule parole<br />

<strong>et</strong> resterai mu<strong>et</strong> comme une souche, ainsi, peut-être ne trouverez-vous plus ri<strong>en</strong> à<br />

m'objecter ?! »<br />

9. Thomas dit : « Oui, c'est ce que tu dois faire pour être un sage ! »<br />

10. Mathaël s'adresse alors à Thomas <strong>et</strong> lui dit : « Je te remercie au nom <strong>de</strong> la<br />

bonne cause d'avoir si bi<strong>en</strong> rappelé notre frère Judas à la mo<strong>de</strong>stie. Car cela n'a<br />

aucunem<strong>en</strong>t nui à son salut, <strong>et</strong> peut-être un jour, dans l'autre mon<strong>de</strong>, ce qu'il<br />

considère ici-bas comme une insulte à son intellig<strong>en</strong>ce lui sera-t-il profitable ; car<br />

il est loin d'avoir <strong>en</strong> lui le moindre semblant <strong>de</strong> sagesse, <strong>et</strong> il est très probable<br />

qu'il <strong>en</strong> sera toujours <strong>de</strong> même dans c<strong>et</strong>te vie.<br />

11. Mais à l'av<strong>en</strong>ir, laissez-le tranquille ; car son âme n'est pas d'<strong>en</strong> haut, <strong>et</strong> son<br />

esprit est trop p<strong>et</strong>it <strong>et</strong> trop faible pour att<strong>en</strong>drir son âme <strong>en</strong>durcie par le mon<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

la r<strong>en</strong>dre vivante comme les vôtres ! »<br />

12. Là-<strong>de</strong>ssus, J’intervi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> dis à Mathaël : « En vérité, il est peu d'instrum<strong>en</strong>ts<br />

comme celui que tu es pour Moi, <strong>et</strong> Je dois te louer pour cela ! Continue ainsi, <strong>et</strong><br />

tu seras pour les autres apôtres que Je susciterai plus tard parmi Mes <strong>en</strong>nemis un<br />

<strong>grand</strong> précurseur auprès <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s ! Et Je te donne d'ores <strong>et</strong> déjà l'<strong>en</strong>tière<br />

assurance que toi <strong>et</strong> tes quatre frères, vous ne r<strong>et</strong>omberez jamais dans le mal qui<br />

vous a si durem<strong>en</strong>t éprouvés ! Mais par la suite, c'est toi qui <strong>de</strong>vras répartir la<br />

tâche à tes quatre frères <strong>et</strong> leur montrer la bonne voie.<br />

13. Nous allons quitter ce lieu dans quelques jours, mais <strong>de</strong>main, jour du sabbat,<br />

il se passera ici bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts à l'occasion <strong>de</strong>squels tu Me r<strong>en</strong>dras les plus<br />

<strong>grand</strong>s services ; car tu es un homme qui ne craint ni le mon<strong>de</strong> ni la mort, <strong>et</strong> c'est<br />

bi<strong>en</strong> pourquoi tu es pour Moi un précieux instrum<strong>en</strong>t.<br />

14. Mais à prés<strong>en</strong>t, mène-Moi à Hélène ; car elle M'appelle <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> <strong>de</strong> toute son<br />

âme, aussi <strong>de</strong>vons-nous aller la voir afin <strong>de</strong> la fortifier ! »<br />

15. Mathaël dit : « Ô Seigneur, quelle grâce infinie est-ce là pour moi ! Toi, mon<br />

Créateur, Tu me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Te m<strong>en</strong>er vers une autre <strong>de</strong> Tes créatures ! Mais<br />

c<strong>et</strong>te jeune fille est pure <strong>et</strong> pleine <strong>de</strong> bonne volonté ; elle ne sait assurém<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong><br />

du péché, <strong>et</strong> il vaut sans doute la peine <strong>de</strong> fortifier un tel cœur qui, par la suite,<br />

pourra <strong>en</strong> fortifier <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> milliers d'autres ! »<br />

Chapitre 110<br />

De la quête <strong>de</strong> Dieu<br />

1. Sur ces paroles, Je Me r<strong>en</strong>ds, avec Mathaël <strong>et</strong> notre Jarah qui ne Me quitte pas<br />

d'une semelle, auprès d'Hélène <strong>et</strong> <strong>de</strong> son père Ouran.<br />

2. En Me voyant v<strong>en</strong>ir à elle, Hélène fond <strong>en</strong> un torr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> larmes <strong>de</strong> joie, <strong>et</strong> dit<br />

au bout d'un mom<strong>en</strong>t : « Je comm<strong>en</strong>çais à douter <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t que la grâce puisse<br />

m'être accordée <strong>de</strong> Te voir près <strong>de</strong> moi, ô Seigneur <strong>de</strong> ma vie, <strong>et</strong> <strong>de</strong> Te parler !<br />

210


Mais tout est bi<strong>en</strong> à prés<strong>en</strong>t ! Car Toi dont mon cœur <strong>et</strong> ma raison n'ont l'ait<br />

qu'ici la connaissance infinim<strong>en</strong>t merveilleuse, Tu es v<strong>en</strong>u à moi <strong>en</strong> personne !<br />

Oh, réjouis-toi à voix haute, mon cœur jusqu'ici si malheureux ; car Celui dont<br />

l'esprit a prévu tous tes battem<strong>en</strong>ts du berceau à la tombe se ti<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant toi <strong>et</strong><br />

t'apporte le saint réconfort dans lequel la mort te paraîtra un jour plus douce que<br />

le miel vierge ! »<br />

3. Là-<strong>de</strong>ssus, elle se tait, <strong>et</strong> Je lui dis : « Hélène ! Les cœurs qui aim<strong>en</strong>t comme le<br />

ti<strong>en</strong> n'ont éternellem<strong>en</strong>t nulle mort à craindre <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> éprouveront jamais le goût,<br />

qu'il soit doux ou amer !<br />

4. Car vois-tu, Je suis la Vie <strong>et</strong> la Résurrection, <strong>et</strong> ceux qui croi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Moi <strong>et</strong><br />

M'aim<strong>en</strong>t comme toi ne verront, ne s<strong>en</strong>tiront ni ne goûteront jamais la mort<br />

éternellem<strong>en</strong>t !<br />

5. Il est vrai que ce corps pesant te sera r<strong>et</strong>iré un jour ; pourtant, cela ne<br />

t'affectera pas douloureusem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> sciemm<strong>en</strong>t, mais <strong>en</strong> un instant, tu passeras <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te vie pesante <strong>et</strong> <strong>en</strong>chaînée à la vie très pure <strong>de</strong> ton âme grâce à Mon esprit<br />

d'amour, qui vit <strong>et</strong> croît <strong>en</strong> toi jusqu'à ce qu'il soit <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u parfaitem<strong>en</strong>t semblable<br />

à Mon esprit éternel ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela à prés<strong>en</strong>t, très chère Hélène ? »<br />

6. Mais Hélène, trop émue, ne peut prononcer une parole, <strong>et</strong> c'est à prés<strong>en</strong>t<br />

l'excès <strong>de</strong>s transports <strong>de</strong> son cœur qui cause ses pleurs. Un certain temps se<br />

passe, mais Hélène <strong>de</strong>meure si émue <strong>de</strong> Ma v<strong>en</strong>ue que les larmes <strong>de</strong> joie paralys<strong>en</strong>t<br />

sa parole à chaque fois qu'elle t<strong>en</strong>te à nouveau <strong>de</strong> Me remercier.<br />

7. Mais Je lui dis <strong>de</strong>rechef : « Ma très chère fille, ne t'efforce point <strong>de</strong> parler ; car<br />

le langage <strong>de</strong> ton cœur M'est bi<strong>en</strong> plus cher que celui <strong>de</strong> ta bouche, si choisi qu'il<br />

soit !<br />

8. Car ils sont déjà quelques-uns sur c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> il y <strong>en</strong> aura d'autres par la<br />

suite, qui Me diront : "Seigneur, Seigneur !" Et Je leur répondrai <strong>en</strong> disant :<br />

"Qu'avez-vous à M'appeler, étrangers ?! Je ne vous connais point <strong>et</strong> ne vous ai<br />

jamais connus ! Car vous êtes toujours <strong>de</strong>meurés les <strong>en</strong>fants du prince du m<strong>en</strong>songe,<br />

<strong>de</strong> l'orgueil, <strong>de</strong> la méchanc<strong>et</strong>é, <strong>de</strong> la nuit <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ténèbres ! Arrière donc,<br />

vous qui n'avez jamais fait que le mal !" Et Je te le dis, il y aura parmi eux bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s pleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s grincem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> <strong>de</strong>nts !<br />

9. Ils chercheront leur Dieu à <strong>de</strong>s distances <strong>et</strong> <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs infinies <strong>et</strong><br />

inaccessibles, mais ne Le trouveront point, parce qu'ils auront cru s'abaisser <strong>en</strong><br />

Me cherchant trop près d'eux, c'est-à-dire dans leur cœur !<br />

10. En vérité, celui qui ne cherche pas Dieu comme tu L'as cherché ne Le trouvera<br />

pas, même dans toute l'éternité !<br />

11. Dieu est <strong>en</strong> Soi l'amour le plus pur <strong>et</strong> le plus infinim<strong>en</strong>t puissant, <strong>et</strong> c'est<br />

pourquoi on ne peut Le trouver que par l'amour !<br />

12. Dès le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t, c'est l'amour qui t'a poussée à M'aimer, alors même<br />

que tu croyais pécher ; <strong>et</strong>, vois, tu M'as trouvé. — Vers toi comme vers ton père<br />

Ouran, J'ai fait plus <strong>de</strong> la moitié du chemin. Et c'est ainsi que <strong>de</strong>vront Me<br />

chercher à l'av<strong>en</strong>ir tous ceux qui voudront Me trouver, <strong>et</strong> ils Me trouveront<br />

comme tu M'as trouvé.<br />

211


13. Mais ceux qui Me chercheront avec leur raison orgueilleuse ne Me trouveront<br />

jamais éternellem<strong>en</strong>t !<br />

14. Car ceux qui Me cherch<strong>en</strong>t par la raison sont pareils à un homme qui<br />

achèterait une maison parce qu'il a <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire qu'un <strong>grand</strong> trésor était <strong>en</strong>foui<br />

sous ses murs. La maison <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue si<strong>en</strong>ne, il se m<strong>et</strong> à y creuser, tantôt ici, tantôt<br />

là ; mais, ne se donnant pas suffisamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> peine, il ne creuse qu'<strong>en</strong> surface <strong>et</strong><br />

ne trouve pas le trésor, qui est profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>terré. Il se dit alors : "Ah ah, je<br />

sais ce que je vais faire : je vais creuser partout autour <strong>de</strong> la maison, <strong>et</strong> ainsi, je<br />

découvrirai à coup sûr bi<strong>en</strong> vite la trace du trésor <strong>en</strong>foui !"<br />

15. Et il se m<strong>et</strong> à creuser à l'extérieur <strong>de</strong> la maison, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> sûr ne trouve pas le<br />

trésor, puisque celui-ci est caché au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> la maison <strong>et</strong> dans ses profon<strong>de</strong>urs ;<br />

<strong>et</strong> plus il s'éloigne <strong>de</strong> la maison, creusant <strong>de</strong> nouvelles fosses pour y chercher le<br />

trésor, moins il trouve ce trésor qui est pourtant la cause <strong>de</strong> ce qu'il a ach<strong>et</strong>é la<br />

maison. Car celui qui cherche une chose là où elle n'est pas <strong>et</strong> ne pourra jamais<br />

être, celui-là ne trouvera jamais ce qu'il cherche.<br />

16. Qui veut pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s poissons doit m<strong>et</strong>tre son fil<strong>et</strong> à l'eau ; car les poissons<br />

ne nag<strong>en</strong>t pas dans les airs. Qui veut chercher <strong>de</strong> l'or ne doit pas j<strong>et</strong>er ses fil<strong>et</strong>s<br />

dans la mer, mais creuser dans la montagne.<br />

17. On ne peut voir par les oreilles ni <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par les yeux. Chaque s<strong>en</strong>s a son<br />

organisation propre <strong>et</strong> est <strong>de</strong>stiné à une tâche particulière.<br />

18. De même, seul le cœur <strong>de</strong> l'homme, parce qu'il a la plus <strong>grand</strong>e affinité avec<br />

Dieu, a vocation à chercher Dieu <strong>et</strong> à Le trouver, <strong>et</strong> à trouver alors <strong>en</strong> Dieu une<br />

nouvelle vie in<strong>de</strong>structible. Mais qui cherche Dieu par un autre s<strong>en</strong>s ne peut<br />

davantage Le trouver qu'un homme qui se ban<strong>de</strong> fortem<strong>en</strong>t les yeux ne peut découvrir<br />

ni voir le soleil, que ce soit par les oreilles, le nez ou les yeux.<br />

19. Or, c'est l'amour qui est le vrai s<strong>en</strong>s vital du cœur. Ainsi, celui qui éveille<br />

vraim<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lui ce s<strong>en</strong>s intérieur vital doit nécessairem<strong>en</strong>t trouver Dieu aussi<br />

sûrem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t que tout homme, s'il n'est totalem<strong>en</strong>t aveugle, doit<br />

trouver instantaném<strong>en</strong>t le soleil <strong>et</strong> percevoir <strong>de</strong> ses yeux sa forme lumineuse.<br />

20. Mais celui qui veut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre une parole sage ne doit pas se boucher les<br />

oreilles <strong>et</strong> vouloir <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par les yeux ; car si l'œil voit la lumière <strong>et</strong> toutes les<br />

formes éclairées, la forme spirituelle <strong>de</strong> la parole ne peut être vue, mais<br />

seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due par l'oreille. — Compr<strong>en</strong>ds-tu bi<strong>en</strong> tout cela ? »<br />

Chapitre 111<br />

De l'union avec le Seigneur<br />

1. Hélène, qui s'était un peu remise <strong>de</strong> sa trop <strong>grand</strong>e joie, dit <strong>en</strong>fin : « Oh oui, je<br />

l'ai bi<strong>en</strong> compris ; car Tes paroles ne sont que lumière, force <strong>et</strong> vie, <strong>et</strong> coul<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

Ta sainte bouche aussi clairem<strong>en</strong>t que la source la plus pure jaillissant d'une<br />

prairie <strong>de</strong> haute montagne éclairée par le soleil du matin. Mais que puis-je faire<br />

pour apaiser un peu mon cœur ? Seigneur, tue-moi si je suis sacrilège ; mais mon<br />

amour pour Toi dépasse maint<strong>en</strong>ant toutes les limites <strong>de</strong> ma vie ! Oh, laisse-moi<br />

212


seulem<strong>en</strong>t toucher Ta main ! »<br />

2. Je dis : « Oh, tu peux bi<strong>en</strong> le faire ! Ce que ton cœur te comman<strong>de</strong> du fond <strong>de</strong><br />

lui-même, tu peux le faire sans que cela soit jamais une faute, sois-<strong>en</strong> pleinem<strong>en</strong>t<br />

assurée ! »<br />

3. Là-<strong>de</strong>ssus, Hélène saisit Ma main gauche <strong>et</strong> la pressa <strong>de</strong> toutes ses forces<br />

contre son cœur, se mit à pleurer <strong>de</strong>rechef dans sa joie toujours plus <strong>grand</strong>e <strong>et</strong> dit<br />

<strong>en</strong> sanglotant : « Oh, quel doit être le bonheur <strong>de</strong> ceux qui peuv<strong>en</strong>t être toujours<br />

près <strong>de</strong> Toi, ô Seigneur ! Oh, puisse-je moi aussi être ainsi toujours près <strong>de</strong> Toi !<br />

»<br />

4. Je dis : « Celui qui est avec Moi dans son cœur, Je suis toujours près <strong>de</strong> lui <strong>et</strong><br />

il est toujours près <strong>de</strong> Moi lui aussi, <strong>et</strong> cela seul importe vraim<strong>en</strong>t ! Car à quoi<br />

bon pour un homme être constamm<strong>en</strong>t auprès <strong>de</strong> Ma personne sur c<strong>et</strong>te terre, si<br />

pour autant son cœur <strong>de</strong>meure toujours loin <strong>de</strong> Moi <strong>et</strong> préfère la folie du mon<strong>de</strong><br />

?! En vérité, celui-là est plus loin <strong>de</strong> Moi que tout ce que tu peux imaginer <strong>de</strong><br />

plus infinim<strong>en</strong>t éloigné !<br />

5. Mais celui qui, dans son cœur, est aussi proche <strong>de</strong> Moi que tu l'es, Ma très<br />

chère Hélène, celui-là est <strong>et</strong> <strong>de</strong>meure toujours aussi proche <strong>de</strong> Moi, quand bi<strong>en</strong><br />

même il serait apparemm<strong>en</strong>t séparé <strong>de</strong> Moi par un espace <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> fois<br />

plus vaste que celui qui existe <strong>en</strong>tre nous <strong>et</strong> les étoiles les plus lointaines <strong>et</strong> les<br />

plus minuscules, que ton œil voit seulem<strong>en</strong>t scintiller par instants à <strong>de</strong>s distances<br />

infinies.<br />

6. Oui, Je te le dis, celui qui M'aime comme toi <strong>et</strong> croit vraim<strong>en</strong>t que Je suis<br />

Celui dont les patriarches att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t la v<strong>en</strong>ue, celui-là est aussi pleinem<strong>en</strong>t uni à<br />

Moi que Moi-même, tel que tu Me vois ici, Je suis pleinem<strong>en</strong>t un avec Mon Père<br />

céleste ! Car l'amour unit tout ; c'est par lui que Dieu <strong>et</strong> Sa créature ne font qu'un,<br />

<strong>et</strong> nul espace ne peut plus séparer ce que le vrai <strong>et</strong> pur amour v<strong>en</strong>u du plus haut<br />

<strong>de</strong>s cieux a uni.<br />

7. Ainsi, par ton amour, tu seras toujours aussi près <strong>de</strong> Moi que possible, même<br />

si, <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, l'espace doit pour un temps te séparer <strong>de</strong> Ma personne ; mais un<br />

jour, dans l'au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> Mon royaume <strong>de</strong> l'esprit pur <strong>et</strong> <strong>de</strong> la plus parfaite vérité, tu<br />

ne seras éternellem<strong>en</strong>t plus jamais séparée <strong>de</strong> Moi ! — As-tu un peu compris ce<br />

que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> dire, Ma très charmante Hélène ? »<br />

8. Hélène dit : « Comm<strong>en</strong>t pourrais-je ne pas le compr<strong>en</strong>dre ! Car il fait à prés<strong>en</strong>t<br />

aussi clair <strong>en</strong> moi que si un véritable soleil s'y était levé, <strong>et</strong> c'est bi<strong>en</strong> pourquoi<br />

tout ce que Tu me dis, ô Seigneur, me paraît d'une indicible clarté, <strong>et</strong> mon cœur<br />

saisit le s<strong>en</strong>s le plus profond <strong>de</strong> Tes paroles.<br />

9. Mais une autre question ess<strong>en</strong>tielle surgit à l'instant d'un coin <strong>de</strong> mon cœur<br />

<strong>en</strong>core imparfaitem<strong>en</strong>t éclairé par c<strong>et</strong>te lumière : comm<strong>en</strong>t pourrai-je jamais remercier<br />

Celui qui vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> me combler au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute mesure par une grâce si<br />

excessive ? L'amour, même le plus <strong>grand</strong>, ne peut passer pour un remerciem<strong>en</strong>t ;<br />

car il est lui-même, comme toute la vie, un don <strong>de</strong> Ta grâce ! Quel sacrifice, quel<br />

prés<strong>en</strong>t digne <strong>de</strong> Toi puis-je T'offrir, moi qui suis Ta créature, à Toi, mon<br />

Créateur, pour Te remercier comme il se doit <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> grâces inestimables ? Ô<br />

Seigneur, malgré toute c<strong>et</strong>te clarté lumineuse, cela est <strong>en</strong>core obscur dans mon<br />

213


cœur, <strong>et</strong> je ne trouve aucune réponse à c<strong>et</strong>te question si ess<strong>en</strong>tielle ! Ô Seigneur,<br />

veux-Tu bi<strong>en</strong> me secourir <strong>en</strong>core dans c<strong>et</strong>te incertitu<strong>de</strong> par la grâce <strong>de</strong> quelquesunes<br />

<strong>de</strong> Tes paroles '? »<br />

Chapitre 112<br />

Comm<strong>en</strong>t l'on peut <strong>et</strong> doit remercier Dieu<br />

1. Je dis : « Ô aimable Hélène ! Que pourrais-tu M'offrir au mon<strong>de</strong> qui ne soit<br />

déjà Mi<strong>en</strong> <strong>et</strong> que Je n'aie Moi-même préalablem<strong>en</strong>t donné au mon<strong>de</strong> ?!<br />

2. Ce serait vraim<strong>en</strong>t là <strong>de</strong> Ma part une exig<strong>en</strong>ce fort vaine, <strong>et</strong> <strong>en</strong> parfaite<br />

contradiction avec Moi-même <strong>et</strong> Mon ordre éternel !<br />

3. Vois-tu, c'est l'amour qui fait tout ! Qui M'aime par-<strong>de</strong>ssus tout M'offre aussi<br />

le plus <strong>grand</strong> sacrifice <strong>et</strong> le remerciem<strong>en</strong>t le plus agréable <strong>de</strong> tous : car il M'offre<br />

ainsi le mon<strong>de</strong> <strong>en</strong>tier.<br />

4. Mais, outre l'amour <strong>en</strong>vers Moi, il <strong>en</strong> existe un autre, qui est l'amour du<br />

prochain. Le pauvre <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> bi<strong>en</strong>s temporels nécessaires pour ce mon<strong>de</strong><br />

est le véritable prochain ; ce que l'on fait pour lui <strong>en</strong> Mon nom, on le fait pour<br />

Moi.<br />

5. Celui qui accueille un pauvre <strong>en</strong> Mon nom M'accueille Moi-même, <strong>et</strong> cela lui<br />

sera r<strong>en</strong>du au jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rnier ; celui qui pr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> charge un sage pour l'amour<br />

<strong>de</strong> la sagesse, celui-là recevra aussi la récomp<strong>en</strong>se d'un sage ; <strong>et</strong> à celui qui<br />

donne à un assoiffé ne serait-ce qu'un gobel<strong>et</strong> d'eau fraîche, il sera r<strong>en</strong>du du vin<br />

dans Mon royaume.<br />

6. Mais lorsque tu fais le bi<strong>en</strong> aux pauvres, fais-le <strong>en</strong> cach<strong>et</strong>te <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute<br />

amabilité, <strong>et</strong> ne le montre pas au mon<strong>de</strong> ; car le Père céleste le voit, <strong>et</strong> le don du<br />

donateur aimable Lui sera agréable <strong>et</strong> Il le lui r<strong>en</strong>dra au c<strong>en</strong>tuple.<br />

7. Mais celui qui ne fait le bi<strong>en</strong> que pour paraître <strong>de</strong>vant le mon<strong>de</strong>, celui-là a déjà<br />

pris sa récomp<strong>en</strong>se <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> a désormais plus aucune à att<strong>en</strong>dre.<br />

8. Vois-tu, c'est là le seul sacrifice <strong>et</strong> la seule action <strong>de</strong> grâces qui M’agrée, <strong>et</strong> il<br />

n'<strong>en</strong> est pas d'autre hors <strong>de</strong> cela ; car les offran<strong>de</strong>s qu'on brûle <strong>et</strong> toutes les autres<br />

sont une puanteur pour les narines <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> toute prière <strong>de</strong>s lèvres est une<br />

abomination <strong>de</strong>vant Dieu lorsque les cœurs sont loin du véritable amour <strong>en</strong>vers<br />

Dieu <strong>et</strong> <strong>en</strong>vers le prochain dans le besoin !<br />

9. À quoi bon les extravagantes pleurnicheries <strong>de</strong>s temples, si l'on n'y songe pas<br />

aux mille pauvres frères affamés qui sont <strong>de</strong>vant la porte ? !<br />

10. Comm<strong>en</strong>cez par réconforter ceux qui sont dans la détresse, nourrissez les<br />

affamés, donnez à boire aux assoiffés, vêtez ceux qui sont nus, consolez les affligés,<br />

délivrez les prisonniers <strong>et</strong> prêchez l'Évangile aux pauvres <strong>en</strong> esprit, <strong>et</strong><br />

vous ferez infinim<strong>en</strong>t plus que si vos lèvres marmonnai<strong>en</strong>t nuit <strong>et</strong> jour dans les<br />

temples, mais que vos cœurs soi<strong>en</strong>t froids <strong>et</strong> ins<strong>en</strong>sibles <strong>en</strong>vers vos frères<br />

pauvres !<br />

11. Regar<strong>de</strong> l'air, la terre, la mer ; regar<strong>de</strong> la lune, le soleil, les étoiles ; regar<strong>de</strong><br />

214


les fleurs <strong>de</strong>s champs <strong>et</strong> les arbres, <strong>et</strong> observe les oiseaux <strong>de</strong> l'air, les poissons<br />

dans l'eau, <strong>et</strong> tous les animaux <strong>de</strong> la terre ferme ; vois les hautes montagnes, les<br />

nuages, les v<strong>en</strong>ts ; vois, tout cela proclame hautem<strong>en</strong>t la gloire <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong><br />

pourtant, Dieu ne regar<strong>de</strong> jamais tout cela avec vanité comme un homme, mais Il<br />

ne regar<strong>de</strong> que le cœur <strong>de</strong> l'homme qui Le reconnaît <strong>et</strong> L'aime comme Son<br />

unique vrai, bon <strong>et</strong> saint Père. Comm<strong>en</strong>t un cœur faux pourrait-il donc Lui plaire,<br />

ou une vaine cérémonie accompagnée <strong>de</strong> quantité <strong>de</strong> piailleries <strong>de</strong>s lèvres, mais<br />

<strong>de</strong>rrière laquelle il n'y a autre chose que l'égoïsme le plus criant, l'orgueil, le désir<br />

<strong>de</strong> puissance <strong>et</strong> toutes sortes <strong>de</strong> débauches, <strong>de</strong> m<strong>en</strong>songes <strong>et</strong> <strong>de</strong> tromperies ? !<br />

12. Ainsi, tu sais à prés<strong>en</strong>t que, tout d'abord, Dieu n'a pas besoin d'être honoré<br />

par les piailleries <strong>de</strong>s hommes ; car l'infini tout <strong>en</strong>tier est empli <strong>de</strong> Sa gloire.<br />

13. Quelle gloire peut offrir à Dieu l'homme aveugle <strong>et</strong> stupi<strong>de</strong>, s'il n'<strong>en</strong> a luimême<br />

pas d'autre que celle-là seule qu'il a d'abord reçue <strong>de</strong> Dieu avec la grâce<br />

d'être un homme ?! Et <strong>en</strong> quoi cela peut-il honorer Dieu que les hommes Lui<br />

sacrifi<strong>en</strong>t un bœuf, mais ne per<strong>de</strong>nt pas pour autant la dur<strong>et</strong>é <strong>de</strong> leurs cœurs <strong>et</strong>, le<br />

sacrifice accompli, se montr<strong>en</strong>t dix fois plus méchants qu'ils ne l'étai<strong>en</strong>t<br />

auparavant ?!<br />

14. Oh, Je ne ti<strong>en</strong>s pas Ma gloire <strong>de</strong>s hommes ; car le Père est là au ciel qui<br />

M'honore plus que suffisamm<strong>en</strong>t ! Mais si les hommes veul<strong>en</strong>t observer Mes<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> M'aimer ainsi par<strong>de</strong>ssus tout, par là, ils M'honor<strong>en</strong>t ainsi que<br />

Mon Père, <strong>et</strong> le Père <strong>et</strong> Moi ne faisons qu'un.<br />

15. S'il <strong>en</strong> est ainsi, comme c'est la pleine <strong>et</strong> <strong>en</strong>tière vérité éternelle, celui qui<br />

accomplit la volonté <strong>de</strong> Dieu telle que l'ont proclamée Moïse <strong>et</strong> tous les<br />

prophètes <strong>et</strong> telle que Je vous l'annonce Moi-même à tous ne peut manquer <strong>de</strong><br />

M'honorer.<br />

16. Compr<strong>en</strong>ds-tu à prés<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t on doit r<strong>en</strong>dre grâces à Dieu <strong>et</strong> Le louer<br />

pour les bi<strong>en</strong>faits qu'on a reçus ? »<br />

Chapitre 113<br />

De l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> la pure doctrine divine<br />

1. Hélène, toute saisie <strong>de</strong> la vérité <strong>de</strong> c<strong>et</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, dit : « Ô Seigneur,<br />

chacune <strong>de</strong> Tes saintes paroles a résonné mille fois dans mon cœur, <strong>et</strong> c'était dans<br />

mon âme comme une musique qui disait : Voilà la très pure <strong>et</strong> très divine vérité !<br />

2. Mais seul un Dieu peut donner aux hommes un tel <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t ; car nul<br />

esprit humain n'y suffirait ! Oui, j'<strong>en</strong> sais beaucoup a prés<strong>en</strong>t, car je sais très<br />

exactem<strong>en</strong>t ce que j'aurai à faire à l'av<strong>en</strong>ir !<br />

3. Oh, comme il est merveilleux d'appr<strong>en</strong>dre la volonté <strong>de</strong> l'unique vrai Dieu <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> s'y conformer <strong>de</strong> toutes les forces <strong>de</strong> sa vie ; <strong>et</strong> comme il est difficile au<br />

contraire d'agir quand c'est l'orgueil humain qui fixe les lois <strong>en</strong> écrivant au bas :<br />

Telle est la volonté <strong>de</strong> Dieu !<br />

4. J'ai toujours p<strong>en</strong>sé qu'un vrai Dieu ne pouvait avoir qu'une volonté parfaite,<br />

215


qui ne pouvait jamais <strong>en</strong>trer <strong>en</strong> contradiction avec elle-même comme le font les<br />

lois humaines, dont l'une r<strong>en</strong>d souv<strong>en</strong>t l'autre totalem<strong>en</strong>t caduque <strong>et</strong> sans<br />

fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ; si on l'observe, on <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t fautif au regard d'une loi précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t<br />

sanctionnée, <strong>et</strong> si on ne l'observe point, c'est la nouvelle loi qui vous punit !<br />

Alors, je le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, quel homme peut y survivre ? !<br />

5. Pr<strong>en</strong>ons l'exemple <strong>de</strong> nos vieilles lois religieuses. Les rusés prêtres nous dis<strong>en</strong>t<br />

: "Si tu sacrifies à Pluton, tu off<strong>en</strong>seras Zeus, <strong>et</strong> si tu sacrifies à Zeus, tu<br />

off<strong>en</strong>seras Pluton ; mais si tu sacrifies aux prêtres, qui seuls sav<strong>en</strong>t apaiser le<br />

courroux <strong>de</strong>s dieux, alors, tu fais bi<strong>en</strong> !" Car ils sont, dis<strong>en</strong>t-ils, les seuls<br />

intermédiaires efficaces <strong>en</strong>tre les dieux <strong>et</strong> les humains. C'est ainsi que les prêtres<br />

ont attiré à eux toutes les offran<strong>de</strong>s <strong>et</strong> qu'ils ont <strong>en</strong> outre contraint le pauvre<br />

peuple aveugle, qu'ils saign<strong>en</strong>t à tout propos, à leur témoigner une vénération<br />

divine, <strong>et</strong> tous doiv<strong>en</strong>t trembler <strong>de</strong>vant leur puissance. Oh, c<strong>et</strong>te très pure<br />

doctrine ne peut perm<strong>et</strong>tre, ne perm<strong>et</strong>tra assurém<strong>en</strong>t jamais pareille chose ! »<br />

6. Je dis : « Que cela ne t'inquiète pas ! Mais il <strong>en</strong> va finalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> même pour<br />

toutes les choses qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong> haut, qu'elles soi<strong>en</strong>t spirituelles ou matérielles,<br />

<strong>et</strong> si pures soi<strong>en</strong>t-elles ; dès qu'elles touch<strong>en</strong>t le sol <strong>de</strong> la terre, elles<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t très vite impures <strong>et</strong> malpropres.<br />

7. Regar<strong>de</strong> une goutte <strong>de</strong> pluie : un diamant peut-il être plus pur ? Pourtant, dès<br />

qu'elle touche terre, c'<strong>en</strong> est fait <strong>de</strong> sa limpidité !<br />

8. Va sur une montagne, <strong>et</strong> tu ne sauras assez t'émerveiller <strong>de</strong> la pur<strong>et</strong>é <strong>de</strong> l'air ;<br />

mais si tu regar<strong>de</strong>s dans la vallée, tu trouveras une <strong>grand</strong>e différ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> pur<strong>et</strong>é<br />

<strong>en</strong>tre le haut <strong>et</strong> le bas !<br />

9. Quelle n'est pas la pur<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s flocons <strong>de</strong> neige qui tomb<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s nuages ! Mais<br />

regar<strong>de</strong> au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux lunes la neige naguère d'une blancheur si aveuglante, <strong>et</strong><br />

tu la trouveras déjà bi<strong>en</strong> sale !<br />

10. Regar<strong>de</strong> le v<strong>en</strong>t, lorsqu'il <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>d <strong>de</strong>s hauteurs <strong>et</strong> souffle dans les vallées,<br />

comme il est aussitôt troublé par une fâcheuse poussière, <strong>et</strong> le soleil, la lune <strong>et</strong> les<br />

étoiles per<strong>de</strong>nt eux-mêmes beaucoup <strong>de</strong> leur éclat lorsqu'ils se rapproch<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l'horizon ; oui, même les rayons du soleil au zénith sont bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t si brouillés<br />

par les brumes terrestres que, malgré sa très vive lumière, l'on finit par ne plus<br />

voir le soleil lui-même, c'est-à-dire que l'on ne peut plus dire avec quelque<br />

certitu<strong>de</strong> : il est ici, ou : il est là !<br />

11. Et il <strong>en</strong> va toujours ainsi <strong>de</strong> tous les dons spirituels v<strong>en</strong>us <strong>de</strong>s cieux ; si purs<br />

qu'ils soi<strong>en</strong>t à l'origine, la sal<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s intérêts du mon<strong>de</strong> les ternit, à la longue,<br />

comme tout ce que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> citer.<br />

12. Et il <strong>en</strong> ira certes <strong>de</strong> même <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te très pure doctrine qui est la Mi<strong>en</strong>ne ; il<br />

n'<strong>en</strong> <strong>de</strong>meurera pas une virgule sur laquelle on n'ait ergoté <strong>et</strong> rogné !<br />

13. Le temple que Je bâtis à prés<strong>en</strong>t, ils le détruiront, tout comme, dans un temps<br />

pas si éloigné, les Romains détruiront le Temple <strong>de</strong> Jérusalem <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> laisseront<br />

pas pierre sur pierre !<br />

14. Ce temple qui est le Mi<strong>en</strong>, Je le rebâtirai ; mais le Temple <strong>de</strong> pierre <strong>de</strong> Jérusalem,<br />

jamais ! Cep<strong>en</strong>dant, ne te soucie pas <strong>de</strong> tout cela ; car Je le sais déjà, <strong>et</strong><br />

216


pourquoi il doit <strong>en</strong> être ainsi !<br />

15. Car vois-tu, aucun homme n'attache <strong>de</strong> valeur à la lumière <strong>en</strong> plein jour ni à<br />

la chaleur <strong>en</strong> plein été ; mais quand vi<strong>en</strong>t la nuit, la lumière <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t précieuse, <strong>et</strong><br />

ce n'est que dans le froid hiver que l'on appr<strong>en</strong>d à apprécier la chaleur.<br />

16. Et il <strong>en</strong> va exactem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> même <strong>de</strong> la lumière <strong>et</strong> <strong>de</strong> la chaleur spirituelles.<br />

Celui qui va librem<strong>en</strong>t ne prête guère att<strong>en</strong>tion à sa liberté ; mais qu'il languisse,<br />

<strong>en</strong>chaîné, dans un cachot, ah, c'est alors qu'il compr<strong>en</strong>d le <strong>grand</strong> bi<strong>en</strong> qu'est la<br />

liberté !<br />

17. Ainsi, Ma très chère Hélène, si Je perm<strong>et</strong>s que tout ce qui est pur soit terni,<br />

c'est bi<strong>en</strong> pour que, dans la plus <strong>grand</strong>e obscurité, l'homme connaisse <strong>en</strong>fin la<br />

valeur <strong>de</strong> la pure lumière !<br />

18. Quand la pure lumière reparaît dans une nuit noire, bi<strong>en</strong>tôt, tout ce qui vit <strong>et</strong><br />

respire se dirige vers elle, tout comme, dans l'hiver <strong>de</strong> l'ins<strong>en</strong>sibilité <strong>de</strong>s hommes,<br />

tous se press<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt autour d'un cœur chaleureux, comme les pauvres transis<br />

par la froidure <strong>de</strong> l'hiver autour du feu allumé dans l'âtre.<br />

19. Mais Je ne dis cela qu'à toi <strong>et</strong> à quelques autres <strong>en</strong>core. Que chacun le gar<strong>de</strong><br />

pour soi <strong>et</strong> ne le répan<strong>de</strong> point ; car ce n'est pas <strong>en</strong> cela que consiste Ma doctrine<br />

! Je ne t'ai dit cela, aimable Hélène, que pour te tranquilliser ; mais cela ne<br />

regar<strong>de</strong> que peu ou pas du tout les tiers ! J'ai déjà pourvu à tout ce qui est<br />

extérieurem<strong>en</strong>t nécessaire, <strong>et</strong> il suffit que tout un chacun ne se préoccupe que <strong>de</strong><br />

purifier son propre cœur ; si celui-ci est <strong>en</strong> ordre, alors, tout ce qui est extérieur<br />

s'ordonnera bi<strong>en</strong>tôt au mieux comme <strong>de</strong> soi-même. — As-tu égalem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

compris tout cela comme il faut, Mon Hélène ? »<br />

20. Hélène dit : « Oh oui, Seigneur ! Il n'est, hélas, pas particulièrem<strong>en</strong>t réjouissant<br />

d'appr<strong>en</strong>dre tout cela à l'avance ; pourtant, <strong>en</strong>core une fois, il y a à tout<br />

cela une bonne <strong>et</strong> fort sage raison, <strong>et</strong> Tu ne fais assurém<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> qui ne soit pour<br />

le bi<strong>en</strong> spirituel <strong>de</strong> l'homme, aussi faut-il que tout se passe comme Tu me l'as<br />

révélé, ô Seigneur, dans Ta con<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dance infinim<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>veillante ! Que Ta<br />

volonté soit faite <strong>en</strong> tout temps <strong>et</strong> pour toute l'éternité ! »<br />

21. À ces mots, Hélène tomba littéralem<strong>en</strong>t dans un assoupissem<strong>en</strong>t amoureux,<br />

t<strong>en</strong>ant toujours Ma main pressée contre sa poitrine, ce que Ma Jarah, à qui Je<br />

n'avais pas adressé la parole p<strong>en</strong>dant c<strong>et</strong>te conversation avec Hélène,<br />

comm<strong>en</strong>çait à ress<strong>en</strong>tir presque douloureusem<strong>en</strong>t ; mais c<strong>et</strong>te douleur s'apaisa<br />

bi<strong>en</strong> vite quand Je la regardai amicalem<strong>en</strong>t.<br />

Chapitre 114<br />

Éclaircissem<strong>en</strong>ts sur l'éveil <strong>de</strong> l'esprit<br />

1. Après quelques instants, Jarah, que Mon regard aimable avait rappelée à ellemême,<br />

dit : « Seigneur, ô mon unique amour, ne T'ai-je pas off<strong>en</strong>sé <strong>en</strong><br />

manifestant avec quelque impertin<strong>en</strong>ce une appar<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> jalousie à cause <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te magnifique Hélène ? Si j'ai fait cela, pardonne-moi, ô Toi mon unique<br />

amour ! »<br />

217


2. Je dis : « Sois tranquille, Ma fille ! Si même un méchant homme ne peut être<br />

off<strong>en</strong>sé par l'amour, comm<strong>en</strong>t pourrais-Je l'être ! Si tu M'aimais moins, tu ne<br />

craindrais pas que Mon amour pour toi faiblisse parce que J'embrasse aussi c<strong>et</strong>te<br />

Hélène dans Mon amour ; mais comme tu M'aimes vraim<strong>en</strong>t par-<strong>de</strong>ssus tout,<br />

c<strong>et</strong>te crainte t'a traversée quelques instants, <strong>et</strong> cela n'est arrivé que parce que ton<br />

âme a perdu <strong>de</strong> vue pour quelques instants Celui que Je suis <strong>en</strong> vérité. Mais à<br />

prés<strong>en</strong>t que tu vois à nouveau clairem<strong>en</strong>t cela <strong>et</strong> que tu te souvi<strong>en</strong>s parfaitem<strong>en</strong>t<br />

qui Je suis, Hélène ne te gêne plus.<br />

3. Regar<strong>de</strong> comme le soleil au firmam<strong>en</strong>t illumine les fleurs <strong>de</strong>s champs ! Ne<br />

serait-ce pas folie <strong>de</strong> la part d'une fleur que d'<strong>en</strong> vouloir au soleil parce qu'il<br />

accor<strong>de</strong> à sa voisine autant <strong>de</strong> lumière qu'à elle ?<br />

4. Regar<strong>de</strong> les <strong>grand</strong>es étoiles, dont il t'a été permis <strong>de</strong> voir physiquem<strong>en</strong>t<br />

quelques-unes <strong>de</strong> près : toutes celles-là, ainsi qu'un nombre infini d'autres que<br />

nul œil humain charnel ne pourra jamais voir, sont faites <strong>et</strong> viv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Mon amour<br />

! Et si J'ai assez d'amour pour nourrir éternellem<strong>en</strong>t ces innombrables <strong>grand</strong>s<br />

p<strong>en</strong>sionnaires, comm<strong>en</strong>t peux-tu craindre <strong>de</strong> quelque manière, Ma chère p<strong>et</strong>ite<br />

fille, que Mon amour te soit jamais compté à cause d'Hélène ?! Vois-tu à prés<strong>en</strong>t<br />

combi<strong>en</strong> il était vain d'avoir craint p<strong>en</strong>dant quelques instants que Mon amour te<br />

manquât ? »<br />

5. Jarah dit : « Oui, Seigneur, Toi mon amour, Toi ma vie, je serai désormais une<br />

vraie amie <strong>de</strong> la chère Hélène <strong>et</strong> m'efforcerai d'acquérir tant <strong>et</strong> plus <strong>de</strong> ses vertus.<br />

Ah, si seulem<strong>en</strong>t mes sœurs aînées étai<strong>en</strong>t dans les mêmes dispositions que c<strong>et</strong>te<br />

Hélène, quelle joie serait-ce pour moi ! Mais elles ne p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t qu'au mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong><br />

avec elles, on ne peut guère parler <strong>de</strong> choses spirituelles ; oh, les filles du vieux<br />

Marc s'y prêt<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> mieux ! Si seulem<strong>en</strong>t il y avait un moy<strong>en</strong> pour que mes<br />

sœurs se tourn<strong>en</strong>t davantage vers l'esprit ! »<br />

6. Je dis : « Ne te soucie donc pas <strong>de</strong> cela ! Quand tu r<strong>et</strong>ourneras chez toi, tu<br />

trouveras tes sœurs déjà plus réceptives aux choses <strong>de</strong> l'esprit ! De plus, ton Raphaël<br />

restera à tes côtés, <strong>et</strong> avec lui, tu sauras bi<strong>en</strong> m<strong>et</strong>tre tes frères <strong>et</strong> sœurs sur<br />

la bonne voie.<br />

7. Du reste, chez les êtres davantage tournés vers le mon<strong>de</strong>, cela ne se fait pas<br />

aussi rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t qu'on se l'imagine. Il faut souv<strong>en</strong>t beaucoup <strong>de</strong> temps <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

pati<strong>en</strong>ce pour débarrasser une âme <strong>de</strong> toutes ses impur<strong>et</strong>és.<br />

8. Et tant que c<strong>et</strong>te purification n'est pas totale, on ne peut pas faire <strong>grand</strong>-chose<br />

pour ce qui est vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'ordre <strong>de</strong> l'esprit ; car employer à cela la raison<br />

revi<strong>en</strong>t à bâtir une maison sur du sable.<br />

9. C'est le cœur qui doit appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r ces choses ; <strong>et</strong> si celui-ci est <strong>en</strong>core rempli<br />

par la matière, ce qui est purem<strong>en</strong>t spirituel ne peut ri<strong>en</strong> y trouver à quoi se t<strong>en</strong>ir<br />

! C'est pourquoi, avec tes soeurs, tu dois d'abord <strong>et</strong> avant tout veiller à ce que<br />

leurs cœurs se libèr<strong>en</strong>t pleinem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tout ce qui est matériel, <strong>et</strong> tu auras alors la<br />

tâche facile avec ces sœurs pour lesquelles tu t'inquiètes tant ; cep<strong>en</strong>dant, Je te<br />

loue pour c<strong>et</strong>te inquiétu<strong>de</strong> <strong>et</strong> te dis qu'elle ne durera plus longtemps ! — As-tu<br />

bi<strong>en</strong> saisi cela clairem<strong>en</strong>t, Ma très chère Jarah ? »<br />

10. Jarah dit : « Oh, oui, pour autant qu'une fill<strong>et</strong>te <strong>de</strong> quatorze ans soit capable<br />

218


<strong>de</strong> saisir une chose spirituelle ! Il se peut bi<strong>en</strong> que ce que Tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me dire<br />

cache <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs infinies que mon âme est <strong>en</strong>core loin <strong>de</strong> pouvoir son<strong>de</strong>r ;<br />

mais quant à ce qu'il peut être utile <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre pour c<strong>et</strong> instant qu'est la vie<br />

terrestre, je crois l'avoir bi<strong>en</strong> compris, <strong>et</strong>, ô Seigneur, Tu ne laisserais assurém<strong>en</strong>t<br />

pas faillir l'intellig<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> mon cœur. Mais notre chère Hélène est à prés<strong>en</strong>t tout à<br />

fait <strong>en</strong>dormie, aussi ne pourrai-je guère parler avec elle ! »<br />

11. Je dis : « Peu importe ; car il y a là bi<strong>en</strong> assez <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s avec qui nous pouvons<br />

nous <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir, si tant est que nous <strong>de</strong>vions absolum<strong>en</strong>t parler avec quelqu'un !<br />

Mais il se passera bi<strong>en</strong>tôt quelque chose qui nécessitera à nouveau toute notre<br />

att<strong>en</strong>tion, <strong>et</strong> il ne nous restera alors plus guère <strong>de</strong> temps pour <strong>de</strong>s propos oiseux !<br />

»<br />

12. Jarah <strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec empressem<strong>en</strong>t : « Ô Seigneur, que va-t-il donc se passer<br />

? »<br />

13. Je dis : « Vois-tu, il n'est absolum<strong>en</strong>t pas nécessaire que tu le saches à<br />

l'avance ; tu le sauras bi<strong>en</strong> assez tôt quand cela arrivera ! »<br />

14. Ouran, qui, ainsi que Mathaël, se reposait <strong>en</strong> face <strong>de</strong> Moi sur un talus herbeux,<br />

Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à son tour : « Seigneur, serons-nous m<strong>en</strong>acés par quelque<br />

danger ? »<br />

15. Je dis : « Nous, assurém<strong>en</strong>t guère, mais d'autres hommes qui ne sont pas près<br />

<strong>de</strong> Moi sur c<strong>et</strong>te hauteur ! Tournez vos yeux vers Césarée <strong>de</strong> Philippe, <strong>et</strong> vous<br />

saurez bi<strong>en</strong> vite d'où le v<strong>en</strong>t souffle ! »<br />

Chapitre 115<br />

Des événem<strong>en</strong>ts surv<strong>en</strong>us à Césarée <strong>de</strong> Philippe à la suite <strong>de</strong>s phénomènes<br />

naturels<br />

1. Une <strong>grand</strong>e crainte s'était emparée <strong>de</strong>s Césaré<strong>en</strong>s dans l'att<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s terribles<br />

événem<strong>en</strong>t qui, selon eux, <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t affecter le globe terrestre. Les Juifs<br />

att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t le jugem<strong>en</strong>t annoncé par Daniel, les paï<strong>en</strong>s att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t la guerre <strong>de</strong>s<br />

dieux, <strong>et</strong> le bas peuple se révoltait, refusant d'obéir plus longtemps à ses chefs <strong>et</strong><br />

comm<strong>en</strong>çant même à détruire tout ce qu'il trouvait ; bref, au bout <strong>de</strong> quelques<br />

heures, il régnait dans la ville la plus <strong>grand</strong>e anarchie, ce dont, toutefois, la faute<br />

rev<strong>en</strong>ait principalem<strong>en</strong>t à la sottise <strong>de</strong>s prêtres.<br />

2. Car il <strong>en</strong> était quelques-uns parmi eux qui, initiés à la sagesse <strong>et</strong> aux pratiques<br />

égypti<strong>en</strong>nes, n'avai<strong>en</strong>t attaché que fort peu d'importance à la disparition soudaine<br />

du faux soleil, l'anci<strong>en</strong>ne tradition égypti<strong>en</strong>ne leur ayant appris que <strong>de</strong> tels<br />

phénomènes s'étai<strong>en</strong>t déjà produits bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s fois sans plus <strong>de</strong> dommages pour la<br />

terre ; <strong>de</strong> leur côté, certains Pharisi<strong>en</strong>s juifs croyai<strong>en</strong>t qu'un second Josué était<br />

peut-être né <strong>et</strong>, pour les besoins <strong>de</strong> quelque acte ess<strong>en</strong>tiel, avait ordonné au soleil<br />

<strong>de</strong> briller plus longtemps que d'ordinaire !<br />

3. On trouvait aussi, dans certaine secte juive, la croyance qu'<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>ir éternel,<br />

tous les c<strong>en</strong>t ans, au jour anniversaire <strong>de</strong> la chute <strong>de</strong> Jéricho, le soleil séjournait<br />

plus longtemps dans le ciel sans autre influ<strong>en</strong>ce néfaste pour la terre ; aussi ces<br />

219


Pharisi<strong>en</strong>s n'avai<strong>en</strong>t-ils éprouvé eux-mêmes presque aucune crainte lorsque ce<br />

phénomène s'était produit.<br />

4. Quelques magici<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s pays du Levant, qui, à l'occasion <strong>de</strong> leurs voyages, se<br />

trouvai<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t dans la ville, disai<strong>en</strong>t que chaque fois que le soleil s'était<br />

totalem<strong>en</strong>t obscurci dans la journée, il <strong>de</strong>vait briller plus longtemps le soir, afin<br />

<strong>de</strong> comp<strong>en</strong>ser les dommages occasionnés sur la terre par son éclipse diurne.<br />

Ceux-là aussi n'avai<strong>en</strong>t donc éprouvé aucune crainte lors <strong>de</strong> ces événem<strong>en</strong>ts ;<br />

mais tous sans exception voulai<strong>en</strong>t tirer parti du phénomène <strong>en</strong> inspirant au<br />

peuple une sainte terreur.<br />

5. Lorsque le faux soleil s'éteignit, le peuple, il est vrai, recourut à tous les<br />

moy<strong>en</strong>s propitiatoires suggérés par la prêtrise ; mais tout cela était <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong><br />

trop peu pour la cupidité sans limite <strong>de</strong>s prêtres, car le peuple n'avait pas <strong>en</strong>core<br />

donné absolum<strong>en</strong>t tout ce qu'il possédait <strong>en</strong> fait <strong>de</strong> m<strong>et</strong>s coûteux <strong>et</strong> autres obj<strong>et</strong>s<br />

<strong>de</strong> valeur.<br />

6. Cep<strong>en</strong>dant, un honorable vieux Grec, qui était égalem<strong>en</strong>t fort instruit <strong>de</strong>s<br />

choses <strong>de</strong> la nature, s'aperçut <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te vil<strong>en</strong>ie, prit aussitôt à part chez lui<br />

quelques hommes ayant un peu plus <strong>de</strong> sang-froid <strong>et</strong> leur expliqua aussi bi<strong>en</strong><br />

qu'il était possible <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> mots qu'un tel phénomène pouvait se produire tout<br />

naturellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> sans aucun préjudice — <strong>et</strong> il attira par ailleurs leur att<strong>en</strong>tion sur<br />

la scélératesse d'une prêtrise sans scrupules <strong>en</strong> ajoutant : « Voyez-vous, s'il y<br />

avait quelque chose à craindre du rare phénomène qui a eu lieu, les prêtres<br />

astucieux ne serai<strong>en</strong>t pas si pressés <strong>de</strong> courir les rues avec leurs sacs <strong>en</strong><br />

extorquant aux g<strong>en</strong>s les offran<strong>de</strong>s les plus inouïes ! Lorsque, dans quelques<br />

heures, le soleil se lèvera à nouveau, assurém<strong>en</strong>t aussi lumineux qu'à l'ordinaire,<br />

ces abuseurs du g<strong>en</strong>re humain se m<strong>et</strong>tront <strong>de</strong>rechef à courir par toutes les rues <strong>en</strong><br />

exigeant <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s d'action <strong>de</strong> grâces ! Allez dire au pauvre peuple abusé que<br />

le vieux <strong>et</strong> sage Grec leur fait dire cela ! »<br />

7. Or, ce vieux savant grec jouissait d'une bonne réputation chez les p<strong>et</strong>ites g<strong>en</strong>s,<br />

<strong>et</strong> sa déclaration se répandit dans le peuple comme une traînée <strong>de</strong> poudre (*) . En<br />

une heure à peine, le jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rnier fit volte-face, <strong>et</strong> les prêtres dur<strong>en</strong>t non<br />

seulem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre toutes les offran<strong>de</strong>s, mais <strong>en</strong>core s'<strong>en</strong>fuir aussi vite qu'ils le<br />

pur<strong>en</strong>t ; car le peuple était <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus <strong>en</strong> colère, <strong>et</strong> aucun <strong>de</strong>s serviteurs oints<br />

<strong>de</strong> Dieu ne pouvait plus être assuré d'<strong>en</strong> réchapper.<br />

8. J'avais naturellem<strong>en</strong>t prévu tout cela, <strong>et</strong> c'est pourquoi Je faisais c<strong>et</strong>te remarque<br />

à Ouran juste au mom<strong>en</strong>t où, quelques instants après, les signes appar<strong>en</strong>ts<br />

du soulèvem<strong>en</strong>t populaire contre la prêtrise allai<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>cer à se manifester<br />

— même si, à l'extérieur <strong>de</strong> la ville, beaucoup <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core<br />

dans l'angoisse <strong>de</strong> terribles événem<strong>en</strong>ts.<br />

9. Peu après que J'eus annoncé cela, l'on vit plusieurs bâtim<strong>en</strong>ts s'<strong>en</strong>flammer d'un<br />

seul coup, <strong>et</strong> une <strong>grand</strong>e clameur s'éleva, parv<strong>en</strong>ant jusqu'à nos oreilles.<br />

10. Sur ce, Cyrénius <strong>et</strong> Jules vinr<strong>en</strong>t à Moi <strong>en</strong> toute hâte, <strong>et</strong> Cyrénius Me <strong>de</strong>manda<br />

avec angoisse ce qui pouvait bi<strong>en</strong> se passer <strong>en</strong> ville ; car, selon lui, tout<br />

(*)<br />

<strong>Lorber</strong> emploie l'équival<strong>en</strong>t allemand <strong>de</strong> celte expression consacrée (« wie ein Lauffeur »), bi<strong>en</strong><br />

qu'il s'agisse ici, <strong>en</strong> toute rigueur, d'un anachronisme. (N.d.T.)<br />

220


cela ressemblait fort à un soulèvem<strong>en</strong>t populaire ! Mais Je leur dis très<br />

brièvem<strong>en</strong>t ce qu'il <strong>en</strong> était, comme Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> l'expliquer ici.<br />

11. Ayant <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du cela, Cyrénius <strong>et</strong> Jules fur<strong>en</strong>t tranquillisés <strong>et</strong> Me <strong>de</strong>mandèr<strong>en</strong>t<br />

simplem<strong>en</strong>t s'il ne fallait pas s'att<strong>en</strong>dre à d'autres conséqu<strong>en</strong>ces graves.<br />

12. Et Je dis : « Pour vous, pas les moindres, mais bi<strong>en</strong> pour les prêtres <strong>de</strong> ce lieu<br />

; car le m<strong>en</strong>u peuple désormais éclairé se concilie les dieux par <strong>de</strong>s holocaustes,<br />

c'est-à-dire qu'il m<strong>et</strong> le feu aux <strong>de</strong>meures <strong>de</strong>s prêtres <strong>et</strong> aux temples <strong>de</strong>s dieux !<br />

Et vous n'avez certes pas à plaindre les prêtres, car il faut bi<strong>en</strong> que c<strong>et</strong>te <strong>en</strong>geance<br />

<strong>de</strong> serp<strong>en</strong>ts par trop mauvaise soit détruite ! Le faux soleil a donné une bonne<br />

lumière ; car il a révélé au peuple aveugle les turpitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ses prêtres, <strong>et</strong> ceux-ci<br />

reçoiv<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant le salaire qu'ils ont mérité ! »<br />

Chapitre 116<br />

Marc se réjouit du châtim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s prêtres<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Hélène se réveilla <strong>de</strong> son doux <strong>et</strong> bi<strong>en</strong>heureux sommeil d'amour <strong>et</strong><br />

ne fut pas peu effrayée lorsqu'elle remarqua la <strong>grand</strong>e agitation qui régnait sur la<br />

montagne ainsi que les flammes qui ravageai<strong>en</strong>t la ville. Mais Jarah lui prit<br />

aussitôt la main <strong>et</strong> lui expliqua <strong>en</strong> détail ce qu'il <strong>en</strong> était, sur quoi Hélène, bi<strong>en</strong>tôt<br />

tranquillisée, dit : « Il y a une bonne heure déjà, j'ai eu le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t qu'il était<br />

presque inévitable que c<strong>et</strong>te ville connût un tel sort après la disparition subite du<br />

faux soleil ; <strong>et</strong> voici que mon vague press<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t se réalise sous nos yeux ! Ô<br />

Seigneur, Tu avais assurém<strong>en</strong>t prévu cela aussi avec le faux soleil, <strong>et</strong> c'est<br />

maint<strong>en</strong>ant seulem<strong>en</strong>t que se révèle la véritable raison pour laquelle Tu l'as fait<br />

briller ! »<br />

2. Je dis : « Oui, oui, Ma chère p<strong>et</strong>ite <strong>en</strong>fant, il se pourrait bi<strong>en</strong> qu'il <strong>en</strong> soit ainsi<br />

! Lorsque J'allume une lumière au firmam<strong>en</strong>t, il y a toujours à cela une foule <strong>de</strong><br />

bonnes raisons, <strong>et</strong> il ne s'agit pas seulem<strong>en</strong>t d'éclairer, ce qui, <strong>en</strong> vérité, n'est<br />

qu'un objectif secondaire <strong>et</strong> tout à fait subalterne.<br />

3. Regar<strong>de</strong> la lumière du soleil : s'il ne faisait qu'éclairer, il est certain que ce ne<br />

serait là qu'une fonction subalterne : mais observe la nature extérieure <strong>de</strong> toutes<br />

les créatures libres <strong>et</strong> captives <strong>de</strong> la terre, <strong>et</strong> tu y découvriras <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> la<br />

lumière <strong>et</strong> <strong>de</strong> la chaleur du soleil dont les naturalistes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre n'ont <strong>en</strong>core<br />

jamais eu la moindre idée ! Et tout cela par la vertu <strong>de</strong> la lumière solaire !<br />

4. À elle seule, celte terre pourrait te montrer tant <strong>de</strong> merveilles diverses résultant<br />

<strong>de</strong> la lumière solaire que <strong>de</strong>s milliers d'années ne te suffirai<strong>en</strong>t pas pour les<br />

parcourir <strong>de</strong>s yeux, <strong>en</strong>core moins pour les dénombrer !<br />

5. Mais autour <strong>de</strong> ce soleil, dont la lumière suscite déjà sur c<strong>et</strong>te terre <strong>de</strong> si<br />

<strong>grand</strong>es merveilles, tourn<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> d'autres terres <strong>en</strong>core plus <strong>grand</strong>es que celle-ci,<br />

<strong>et</strong> sur lesquelles la même lumière suscite <strong>de</strong> tout autres merveilles inconcevables<br />

sur c<strong>et</strong>te terre, toutes différ<strong>en</strong>tes sur chacun <strong>de</strong>s corps célestes éclairés par ce<br />

soleil <strong>et</strong> n'existant sur aucun autre ! Et tout cela, vois-tu, est l'eff<strong>et</strong> d'une seule <strong>et</strong><br />

même lumière !<br />

221


6. Ainsi, tu peux bi<strong>en</strong> adm<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> toute certitu<strong>de</strong> que ce n'est pas non plus à<br />

seule fin d'éclairer un peu plus longtemps que J'ai fait briller ce faux soleil ! —<br />

Que p<strong>en</strong>ses-tu <strong>de</strong> cela, Ma très aimable fille ? »<br />

7. Hélène dit : « Ô Seigneur, Toi le seul <strong>grand</strong>, Toi l'unique très saint, c'est bi<strong>en</strong><br />

là que cesse définitivem<strong>en</strong>t toute p<strong>en</strong>sée humaine ! Car Tu es trop infinim<strong>en</strong>t<br />

<strong>grand</strong> <strong>et</strong> sage pour que quiconque puisse son<strong>de</strong>r le profond mystère <strong>de</strong> Ta toutepuissance<br />

!<br />

8. Il est déjà infinim<strong>en</strong>t <strong>grand</strong> que je puisse T'aimer par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>et</strong> être<br />

bi<strong>en</strong>heureuse dans un tel amour, dont mon cœur ne sera certes jamais pleinem<strong>en</strong>t<br />

digne ! Mais vouloir son<strong>de</strong>r davantage Ton être divin <strong>et</strong> sacré serait à mon s<strong>en</strong>s<br />

la plus <strong>grand</strong>e folie pour un cœur humain ! Voilà, Seigneur, quelle est ma p<strong>en</strong>sée<br />

!<br />

9. Il faut certes T'aimer par-<strong>de</strong>ssus tout, <strong>et</strong> je ti<strong>en</strong>s déjà cela pour la plus <strong>grand</strong>e<br />

félicité possible ; mais nul esprit ne pourra jamais Te son<strong>de</strong>r ! »<br />

10. Sur ces paroles <strong>de</strong> la belle Hélène, <strong>en</strong>core tout imprégnées <strong>de</strong> son <strong>grand</strong><br />

amour pour Moi, le vieux Marc arrive <strong>et</strong> dit : « Seigneur, avec ce feu, les nombreux<br />

beaux poissons que j'ai dû rem<strong>et</strong>tre comme dîme aux prêtres juifs seront<br />

sans doute eux aussi proprem<strong>en</strong>t cuits <strong>et</strong> grillés !? Tu sais bi<strong>en</strong>, ô Seigneur, que<br />

je suis <strong>de</strong> tout mon cœur aussi hospitalier <strong>en</strong>vers chacun que mes forces me le<br />

perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t. En vérité, chaque fois que j'ai pu donner quelque chose à quelqu'un,<br />

je crois que j'ai éprouvé une plus <strong>grand</strong>e joie <strong>en</strong> tant que donateur que celui à qui<br />

je donnais ; mais <strong>de</strong> payer c<strong>et</strong>te dîme aux Pharisi<strong>en</strong>s, j'<strong>en</strong>rageais au plus profond<br />

<strong>de</strong> l'âme ! Et il me semble à prés<strong>en</strong>t que la plupart <strong>de</strong>s <strong>de</strong>meures <strong>de</strong>s prêtres juifs<br />

sont la proie <strong>de</strong>s plus belles flammes ! C'est un bon jour <strong>de</strong> paie pour ces fainéants<br />

<strong>et</strong> ces imposteurs dépourvus <strong>de</strong> tout scrupule ! J'aime <strong>en</strong>core mieux cela<br />

que si l'on m'avait offert dix <strong>de</strong>s plus belles maisons <strong>de</strong> la ville ! En vérité, je n'ai<br />

jamais été homme à me réjouir du malheur d'autrui ; mais c<strong>et</strong>te fois — pardonnemoi,<br />

ô Seigneur —, je m'<strong>en</strong> réjouis pleinem<strong>en</strong>t !<br />

11. Car donner à qui est dans le besoin est une <strong>grand</strong>e joie pour un cœur humain<br />

bon, <strong>et</strong> c'est un <strong>de</strong>voir humain sacré que <strong>de</strong> donner à un travailleur le salaire qu'il<br />

a mérité, <strong>et</strong> au-<strong>de</strong>là. C'est aussi une obligation sacrée <strong>de</strong> tout citoy<strong>en</strong> honnête que<br />

<strong>de</strong> payer au souverain du pays l'impôt justem<strong>en</strong>t mesuré ; car au souverain<br />

revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s soucis <strong>et</strong> <strong>de</strong>s dép<strong>en</strong>ses considérables pour garantir l'ordre <strong>et</strong> la<br />

sécurité dans son pays, <strong>et</strong> l'amour du prochain doit obliger ses suj<strong>et</strong>s à faire <strong>de</strong><br />

bon gré tout ce que le prince exige <strong>de</strong> ses suj<strong>et</strong>s, l'ayant reconnu comme salutaire<br />

pour l'État tout <strong>en</strong>tier.<br />

12. Il peut certes exister aussi parmi les souverains <strong>de</strong>s tyrans égoïstes qui saign<strong>en</strong>t<br />

à blanc le peuple ; mais au tyran succè<strong>de</strong> ordinairem<strong>en</strong>t un bon prince, <strong>et</strong> le<br />

peuple se rétablit bi<strong>en</strong>tôt.<br />

13. Mais la prêtrise, elle, est toujours pareille à elle-même ; tel un vampire, elle<br />

tyrannise le peuple p<strong>en</strong>dant un millénaire, l'impose souv<strong>en</strong>t d'une manière<br />

incroyablem<strong>en</strong>t outrageuse <strong>et</strong> ne lui donne <strong>en</strong> échange ri<strong>en</strong> d'autre que la pire<br />

duplicité, cela <strong>de</strong> toutes les manières possibles <strong>et</strong> imaginables ! Oui, <strong>en</strong> ce cas, il<br />

faut bi<strong>en</strong> qu'un homme d'honneur loue <strong>et</strong> glorifie le Seigneur le jour où Il fait<br />

subir Son jugem<strong>en</strong>t à ces septuples <strong>en</strong>nemis <strong>et</strong> abuseurs <strong>de</strong> l'humanité ! Aussi<br />

222


est-ce un véritable baume à mon cœur lorsque je vois les belles <strong>de</strong>meures <strong>et</strong> les<br />

synagogues, surtout celles <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s juifs, disparaître sous les plus belles<br />

flammes, <strong>et</strong> cela juste à la veille du sabbat ! Car <strong>de</strong>main est un jour <strong>de</strong> sabbat, <strong>et</strong><br />

ces gaillards n'auront le droit ni <strong>de</strong> quêter, ni <strong>de</strong> faire quoi que ce soit d'autre ; oh,<br />

ces brigands insatiables méritai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>puis longtemps une telle leçon ! »<br />

14. Je dis : « Mais comm<strong>en</strong>t sais-tu donc que c<strong>et</strong> embrasem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la ville est<br />

précisém<strong>en</strong>t dirigé contre les Pharisi<strong>en</strong>s, ainsi que les prêtres paï<strong>en</strong>s ? »<br />

15. « Oh, dit Marc, j'étais il y a un instant dans la maison, où je faisais <strong>de</strong>s<br />

préparatifs pour les pauvres dont j'aurai sans doute la visite <strong>de</strong>main, <strong>et</strong> c'est alors<br />

que sont arrivés trois jeunes Grecs, à qui j'ai fait donner du pain <strong>et</strong> du vin, <strong>et</strong> qui<br />

m'ont conté brièvem<strong>en</strong>t ce qui se passait <strong>en</strong> ville ; <strong>et</strong> j'aurais voulu pouvoir payer<br />

d'une grosse perle chacune <strong>de</strong> leurs paroles, tant j'<strong>en</strong> avais <strong>de</strong> joie ! C'est le faux<br />

soleil qui a produit ce bel eff<strong>et</strong> ! »<br />

16. Je dis : « Demain, tu <strong>de</strong>vras pourtant payer c<strong>et</strong>te joie ; car bon nombre <strong>de</strong><br />

Pharisi<strong>en</strong>s vi<strong>en</strong>dront manger à ta table.»<br />

17. Marc dit : « Pour c<strong>et</strong>te joie, je régalerai bi<strong>en</strong> volontiers ces gaillards huit<br />

jours durant, <strong>et</strong> peut-être, par la même occasion, l'un ou l'autre <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra-t-il un<br />

être humain — car à Toi, ô Seigneur, toutes choses sont possibles ! »<br />

Chapitre 117<br />

Pourquoi il est blâmable <strong>de</strong> se réjouir du malheur d'autrui<br />

1. Après c<strong>et</strong>te démonstration <strong>de</strong> satisfaction du vieux Marc, ainsi que <strong>de</strong><br />

quelques autres qui l'ont écouté, Hélène remarque que s'élève très haut dans le<br />

ciel une flamme d'une si extraordinaire clarté que toute la contrée <strong>en</strong> est éclairée<br />

comme <strong>en</strong> plein jour ; Cyrénius remarque lui aussi c<strong>et</strong>te flamme qui monte du<br />

c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> la ville, <strong>et</strong> qui <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t toujours plus claire <strong>et</strong> toujours plus haute.<br />

2. Or, la nuit, toute lumière a la propriété trompeuse, pour un homme ignorant<br />

<strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> l'optique, <strong>de</strong> paraître se rapprocher constamm<strong>en</strong>t à mesure qu'elle<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t plus <strong>grand</strong>e <strong>et</strong> plus claire, tout <strong>en</strong> <strong>de</strong>meurant toujours à la même place.<br />

Les p<strong>et</strong>its <strong>en</strong>fants le montr<strong>en</strong>t lorsque, comme il arrive bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t, ils t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt<br />

les bras vers la pleine lune qui, à cause <strong>de</strong> sa clarté, leur paraît toute proche, <strong>et</strong><br />

c'est pour la même raison que les chi<strong>en</strong>s aboi<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t après elle.<br />

3. Ainsi Hélène croyait-elle <strong>de</strong> même que la flamme, toujours plus <strong>grand</strong>e <strong>et</strong> plus<br />

claire, se rapprochait <strong>de</strong> nous, aussi Me supplia-t-elle d'ordonner à c<strong>et</strong>te<br />

méchante flamme <strong>de</strong> ne plus s'approcher <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas nous faire <strong>de</strong> mal.<br />

4. Je dis alors : « Ne soyez pas si puérils ! L'impression que la flamme se<br />

rapproche n'est qu'une illusion d'optique fort commune ; quant à la clarté <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

flamme, elle provi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ceci : dans le <strong>grand</strong> palais où <strong>de</strong>meure le supérieur <strong>de</strong>s<br />

Pharisi<strong>en</strong>s juifs, le feu a pénétré dans les imm<strong>en</strong>ses gar<strong>de</strong>-manger. Dans ceux-ci<br />

étai<strong>en</strong>t conservés dans <strong>de</strong>s fûts scellés près <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t <strong>de</strong>mi-quintaux d'huile très<br />

pure <strong>et</strong> très fine, ainsi que plusieurs fûts du naphte le plus pur servant à éclairer le<br />

palais, <strong>et</strong> il y avait aussi à proximité une grosse réserve <strong>de</strong> beurre, <strong>de</strong> lait <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

223


miel. Ce sont toutes ces choses qui ont pris feu <strong>et</strong> brûl<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t avec une si<br />

belle flamme très claire, <strong>et</strong> à c<strong>et</strong>te occasion, comme tu le souhaitais tout à l'heure<br />

<strong>en</strong> secr<strong>et</strong>, vieux Marc, les poissons <strong>de</strong> ta dîme sont <strong>en</strong> train <strong>de</strong> griller jolim<strong>en</strong>t ;<br />

car il y avait dans ces vastes gar<strong>de</strong>-manger une quantité <strong>de</strong> m<strong>et</strong>s déjà tout<br />

préparés pour <strong>de</strong>main. — Que dis-tu <strong>de</strong> cela, Marc ? »<br />

5. Marc dit : « Seigneur, Toi qui vois dans mon cœur aussi bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> aussi clairem<strong>en</strong>t<br />

que dans les <strong>grand</strong>s gar<strong>de</strong>-manger du chef <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s, Tu sais que je<br />

ne suis pas <strong>et</strong> n'ai jamais été homme à me réjouir du malheur d'autrui. Lorsque<br />

j'étais soldat, je faisais certes strictem<strong>en</strong>t mon <strong>de</strong>voir, mais je n'ai jamais nui <strong>de</strong><br />

mon plein gré à un homme qu'il n'eût déjà été condamné par la loi — ce contre<br />

quoi je ne pouvais bi<strong>en</strong> sûr ri<strong>en</strong> faire. Et je n'éprouvais alors jamais la moindre<br />

joie quand la rigueur <strong>de</strong> la loi <strong>en</strong>gloutissait c<strong>et</strong> homme. De même, dans le cas<br />

prés<strong>en</strong>t, le malheur <strong>en</strong> soi ne réjouit pas particulièrem<strong>en</strong>t mon cœur, ni que mes<br />

beaux <strong>et</strong> bons poissons ne grill<strong>en</strong>t qu'au profit <strong>de</strong>s esprits aéri<strong>en</strong>s, mais ce qui me<br />

cause une vraie joie, c'est que ces tourm<strong>en</strong>teurs invétérés <strong>de</strong>s hommes reçoiv<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>fin <strong>de</strong> toutes parts une fort bonne leçon !<br />

6. Car l'anéantissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leurs trésors par le feu serait <strong>en</strong>core peu <strong>de</strong> chose ;<br />

mais que par là la croyance dans leur <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t soit elle aussi totalem<strong>en</strong>t<br />

anéantie, c'est là pour eux le véritable préjudice irréparable, <strong>et</strong> <strong>en</strong> même temps le<br />

plus <strong>grand</strong> bénéfice pour le peuple abusé. Car, à coup sûr, les yeux <strong>et</strong> les oreilles<br />

<strong>de</strong> ce peuple seront désormais tout disposés à recevoir la pure vérité divine, <strong>et</strong><br />

c'est là ce qui me réjouit tout particulièrem<strong>en</strong>t. Et qui sait, il se peut même que<br />

les prêtres sinistrés, s'ils n'ont pas la tête <strong>et</strong> le cœur trop bornés, soi<strong>en</strong>t désormais<br />

plus accessibles à la vérité qu'ils ne l'euss<strong>en</strong>t été, pourvus <strong>de</strong> toutes leurs<br />

richesses. Je crois que <strong>de</strong>main nous fera vivre plus d'une expéri<strong>en</strong>ce mémorable !<br />

— Dis-moi si je me trompe, ô Seigneur, <strong>et</strong> si une telle joie est par hasard<br />

condamnable à Tes yeux. »<br />

7. Je dis : « Oh, nullem<strong>en</strong>t ; car si Je n'avais eu c<strong>et</strong>te même raison pour laisser<br />

surv<strong>en</strong>ir ce dont tu te réjouis si profondém<strong>en</strong>t, tu n'aurais pas vu le faux soleil <strong>et</strong><br />

c<strong>et</strong> inc<strong>en</strong>die n'aurait pas eu lieu. Cep<strong>en</strong>dant, tu as bi<strong>en</strong> éprouvé au début un<br />

soupçon <strong>de</strong> joie maligne, parce que tu <strong>en</strong> voulais aux Pharisi<strong>en</strong>s à cause <strong>de</strong> la<br />

dur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'immoralité <strong>de</strong> la dîme. Et c'est précisém<strong>en</strong>t ce que Je t'ai un peu<br />

expliqué tout à l'heure, <strong>et</strong> la raison pour laquelle tu auras <strong>de</strong>main à nourrir<br />

plusieurs <strong>de</strong>s prêtres sinistrés ; cela ne sera d'ailleurs pas à ton détrim<strong>en</strong>t !<br />

8. Vois-tu, un homme juste <strong>et</strong> accompli doit être parfait dans tous ses s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts,<br />

ses p<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> ses actes, sinon, il est loin d'être prêt pour le royaume céleste <strong>de</strong><br />

Dieu !<br />

9. Pr<strong>en</strong>ons l'exemple d'un homme vraim<strong>en</strong>t brutal qui transgresse délibérém<strong>en</strong>t<br />

les règles du bon ordre <strong>de</strong> la société humaine, qui soit véritablem<strong>en</strong>t le rebut <strong>de</strong><br />

toute civilité honnête, bref, un gaillard tout à fait digne d'être un frère <strong>de</strong> Satan.<br />

Longtemps, c<strong>et</strong> homme se livre impuném<strong>en</strong>t aux pires méchanc<strong>et</strong>és ; car on ne<br />

peut s'emparer <strong>de</strong> lui, parce que sa ruse purem<strong>en</strong>t satanique le protège. Combi<strong>en</strong><br />

d'hommes n'ont pas <strong>de</strong> vœu plus cher que <strong>de</strong> voir le bras v<strong>en</strong>geur <strong>de</strong> la justice se<br />

saisir au plus vite <strong>de</strong> ce coquin !<br />

10. Enfin, la justice parvi<strong>en</strong>t à m<strong>et</strong>tre la main sur l'audacieux fripon, lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

224


aison <strong>et</strong> lui inflige le châtim<strong>en</strong>t sévère <strong>et</strong> douloureux qu'il mérite <strong>de</strong>puis<br />

longtemps. Tous, p<strong>et</strong>its <strong>et</strong> <strong>grand</strong>s, se réjouiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> voir le coquin subir <strong>en</strong>fin le<br />

châtim<strong>en</strong>t tant mérité ; oui, il se trouvera même <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te occasion <strong>de</strong> fort honnêtes<br />

hommes pour regr<strong>et</strong>ter que la loi ne leur perm<strong>et</strong>te pas <strong>de</strong> se faire euxmêmes<br />

les bourreaux du criminel haï, afin <strong>de</strong> pouvoir tourm<strong>en</strong>ter tout leur soûl<br />

ce rebut <strong>de</strong> la société !<br />

11. Pourtant, un cœur pur, mais aussi une raison égalem<strong>en</strong>t pure, doit se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

si une telle joie sied à un homme parfait ! Et le cœur pur <strong>et</strong> la raison pure<br />

répondront à coup sûr : "Je me réjouis sans doute que les hommes tourm<strong>en</strong>tés <strong>de</strong>s<br />

années durant par un coquin soi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin délivrés <strong>de</strong> ce monstre <strong>et</strong> puiss<strong>en</strong>t à<br />

nouveau vivre <strong>en</strong> paix ; mais ma joie eût été bi<strong>en</strong> plus <strong>grand</strong>e si ce monstre avait<br />

reconnu sa méchanc<strong>et</strong>é, l'avait regr<strong>et</strong>tée, s'était ainsi am<strong>en</strong>dé <strong>et</strong>, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ant un<br />

homme utile, s'était efforcé autant que possible <strong>de</strong> réparer les dommages causés<br />

!"<br />

12. Dites-Moi quel s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t vous plaît le mieux : le premier, la joie du malheur<br />

d'autrui, ou le second, qui s'accompagne d'un désir pur <strong>et</strong> véritablem<strong>en</strong>t humain ?<br />

»<br />

13. Marc dit : « Il n'y a pas là <strong>de</strong> choix possible ; car seul le second sied à <strong>de</strong>s<br />

êtres humains, <strong>et</strong> le premier, à mon s<strong>en</strong>s, est <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> trop grossier, égoïste <strong>et</strong><br />

bestial ! »<br />

Chapitre 118<br />

Mathaël <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t vice-roi<br />

1. Ouran dit : « Jamais <strong>en</strong>core je n'avais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du exprimer <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts si<br />

beaux <strong>et</strong> d'une si <strong>grand</strong>e humanité ! Je suis moi-même un homme qui règne sur<br />

<strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> milliers, <strong>et</strong> l'on dit loin à la ron<strong>de</strong> que mes suj<strong>et</strong>s sont les plus<br />

heureux <strong>de</strong> tout le Pont (*) ; j'ai pourtant dû accepter <strong>de</strong> faire régner la loi telle que<br />

je l'ai reçue <strong>de</strong> Rome, à l'exception <strong>de</strong> quelques rares adoucissem<strong>en</strong>ts pour<br />

lesquels, <strong>en</strong> tant que prince régnant, j'ai eu le cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Rome. Pourtant,<br />

toutes ces lois, bi<strong>en</strong> que très adoucies par moi, me paraissai<strong>en</strong>t toujours trop<br />

dures !<br />

2. Car elles considèr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> peu ce qu'est la nature humaine, <strong>et</strong> ne ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

aucun compte <strong>de</strong> ce qu'un homme peut ou ne peut pas observer une loi, selon sa<br />

(*)<br />

Rappelons qu'à l'époque romaine, le mot Pontus désignait à la fois le Pont-Euxin (mer Noire),<br />

l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s contrées qui l'<strong>en</strong>tourai<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> l'anci<strong>en</strong> royaume <strong>de</strong> Mitliridate (<strong>de</strong>v<strong>en</strong>u région<br />

romaine <strong>et</strong> démantelé <strong>en</strong> 63 av. J.-C.), <strong>en</strong>tre la mer Noire <strong>et</strong> la Cappadoce. Il est précisé à<br />

plusieurs reprises que le royaume d'Ouran (qu'il ne qualifie apparemm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> « p<strong>et</strong>it » que par<br />

mo<strong>de</strong>stie) est soumis aux incursions <strong>de</strong>s Scythes, habitants <strong>de</strong> la vaste contrée au nord <strong>de</strong> la mer<br />

Noire, la plus nordique du « mon<strong>de</strong> connu <strong>de</strong>s Anci<strong>en</strong>s » dans c<strong>et</strong>te partie ori<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> l'Empire<br />

romain. Or, cela ne peut concerner uniquem<strong>en</strong>t la Tauri<strong>de</strong> (presqu'île au nord <strong>de</strong> la mer Noire, cf.<br />

125,12), puisqu'il est dit au chap. 227 que « ce <strong>grand</strong> pays s'ét<strong>en</strong>d du Pont à la mer Caspi<strong>en</strong>ne,<br />

par-<strong>de</strong>ssus une <strong>grand</strong>e montagne » (les monts du Caucase ?) : curieusem<strong>en</strong>t, il compr<strong>en</strong>drait donc<br />

non seulem<strong>en</strong>t tout ou partie <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong> royaume du Pont, mais peut-être aussi <strong>de</strong> l'Arménie (qui<br />

ne faisait pas <strong>en</strong>core partie <strong>de</strong> l'Empire romain), voire <strong>de</strong>s contrées au nord <strong>de</strong> celle-ci. (N.d.T.)<br />

225


nature <strong>et</strong> ses qualités ! Si c'est déjà folie d'affirmer qu'une chaussure doit aller à<br />

tous les pieds, combi<strong>en</strong> plus folle <strong>en</strong>core apparaît une loi qui ne considère <strong>en</strong><br />

aucune manière la nature <strong>et</strong> les qualités <strong>de</strong> chacun !<br />

3. Mais il est facile à tout homme, quels que soi<strong>en</strong>t sa nature <strong>et</strong> son caractère, <strong>de</strong><br />

se régler sur les lois <strong>de</strong> la vie telles que Tu les as exprimées, ô Seigneur <strong>et</strong><br />

Maître, <strong>et</strong> il peut sans aucune peine observer c<strong>et</strong>te loi si extraordinairem<strong>en</strong>t<br />

humaine ! Désormais, lorsque je r<strong>en</strong>trerai chez moi, les choses changeront bi<strong>en</strong><br />

vite dans mon pays !<br />

4. Mathaël <strong>et</strong> ses quatre compagnons, qui sont à prés<strong>en</strong>t, il est vrai, <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

vêtus <strong>en</strong> Romains, recevront <strong>de</strong> moi <strong>de</strong>s vêtem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> dignitaires grecs, <strong>et</strong> ils<br />

m'ai<strong>de</strong>ront à organiser au mieux mon p<strong>et</strong>it État ; quant à Mathaël, je le nomme<br />

d'ores <strong>et</strong> déjà mon premier conseiller, <strong>et</strong> <strong>en</strong> même temps vice-roi, puisque je n'ai<br />

pas <strong>de</strong> fils. »<br />

5. Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius s'avance <strong>et</strong> dit : « Et moi, <strong>en</strong> tant que gouverneur mandataire<br />

<strong>de</strong> Rome pour toute l'Asie <strong>et</strong> une partie <strong>de</strong> l'Afrique, muni <strong>de</strong> tous les<br />

pouvoirs <strong>de</strong> la main <strong>de</strong> l'empereur César Auguste, qui était mon frère, <strong>et</strong> à prés<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> son fils, je confirme ce choix tout à fait excell<strong>en</strong>t ! Ouran, tu n'aurais<br />

assurém<strong>en</strong>t pu trouver au mon<strong>de</strong> un homme qui <strong>en</strong> fût plus digne ! DIXI (*) ! —<br />

CYRENIUS. »<br />

6. Je dis alors : « Et Je le confirme égalem<strong>en</strong>t, car il y a longtemps déjà qu'il a<br />

reçu Mon onction pour cela ; mais une fois dans ton pays, Ouran, tu pourras<br />

<strong>en</strong>core l'oindre d'huile <strong>de</strong> nard <strong>de</strong>vant le peuple <strong>et</strong> les <strong>grand</strong>s <strong>de</strong> ton royaume,<br />

afin qu'ils sach<strong>en</strong>t à qui ils ont affaire <strong>et</strong> ce qu'ils lui doiv<strong>en</strong>t. Il protégera ton<br />

royaume <strong>de</strong>s incursions <strong>de</strong>s Scythtes mieux qu'une <strong>grand</strong>e armée <strong>de</strong>s meilleurs<br />

guerriers. De plus, Je lui donnerai une force extraordinaire dès qu'il comm<strong>en</strong>cera<br />

à exercer sa charge ; mais pour le mom<strong>en</strong>t, il n'<strong>en</strong> a pas besoin, <strong>et</strong> il lui suffit <strong>de</strong><br />

sa sagesse ! »<br />

7. Ouran dit : « Seigneur, <strong>en</strong> ce cas, ne convi<strong>en</strong>drait-il pas <strong>et</strong> ne serait-il pas déjà<br />

possible <strong>de</strong> convertir les redoutables Scythes <strong>en</strong> leur appr<strong>en</strong>ant à Te connaître ? Il<br />

est vraim<strong>en</strong>t fort dommage que c<strong>et</strong>te race d'hommes par ailleurs si spl<strong>en</strong>di<strong>de</strong> se<br />

trouve <strong>en</strong>core dans un état <strong>de</strong> si <strong>grand</strong>e inculture. L'on voit chez eux <strong>de</strong>s êtres<br />

d'une tournure comme il n'<strong>en</strong> existe peut-être pas d'aussi magnifiques dans le<br />

vaste mon<strong>de</strong> ; mais leur spiritualité est inexistante.<br />

8. Lorsqu'on voit v<strong>en</strong>ir un homme à la stature majestueuse ou une fille d'une<br />

beauté plus que paradisiaque, on est surpris <strong>de</strong> s'apercevoir que l'un <strong>et</strong> l'autre ne<br />

connaiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t aucun langage <strong>et</strong> se cont<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>de</strong> pousser <strong>de</strong>s grognem<strong>en</strong>ts<br />

pareils à ceux <strong>de</strong>s cochons, qu'ils ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sans doute pas eux-mêmes, <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>core moins les autres. Ce n'est pas par quelque désir <strong>de</strong> conquête que je<br />

voudrais avoir ces Scythes pour suj<strong>et</strong>s, mais bi<strong>en</strong> afin d'<strong>en</strong> faire <strong>de</strong>s êtres<br />

humains. Cela pourrait-il donc se faire, c'est-à-dire sans recourir à l'épée ? »<br />

9. Je dis : « Pour cela, les compagnons <strong>de</strong> Mathaël te r<strong>en</strong>dront <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s services,<br />

<strong>et</strong> ton souhait se réalisera à bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s égards ; mais il te sera bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong><br />

régner jamais sur tous les Scythes, car leur royaume est extrêmem<strong>en</strong>t ét<strong>en</strong>du.<br />

(*) « J'ai parlé ! »<br />

226


Cep<strong>en</strong>dant, ceux qui <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t autour du Pont[-Euxin] seront ti<strong>en</strong>s afin que tu<br />

les instruises à ton idée. »<br />

10. Ouran dit : « Seigneur, pour cela, reçois ma gratitu<strong>de</strong> éternelle, <strong>en</strong> mon nom<br />

propre <strong>et</strong> au nom <strong>de</strong> tous les hommes qui seront éveillés <strong>en</strong> esprit par Ta doctrine<br />

! En vérité, ni mes efforts, ni ma persévérance ne se lasseront jamais, pour peu<br />

que Tu m'accor<strong>de</strong>s Ta bénédiction ! »<br />

11. Cyrénius dit : « Et, je te le dis, tu peux considérer comme ti<strong>en</strong>s tous ceux <strong>de</strong>s<br />

Scythes qui se soum<strong>et</strong>tront ! Si tu cons<strong>en</strong>s à les reconnaître secrètem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant<br />

Rome, <strong>en</strong> échange, tout ton <strong>grand</strong> pays sera disp<strong>en</strong>sé du tribut pour dix années<br />

consécutives, <strong>et</strong> un plein droit <strong>de</strong> succession sera accordé à tes <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants ; <strong>et</strong>,<br />

après tr<strong>en</strong>te années pleines écoulées, ton pays ne pourra pas être rétrocédé à un<br />

plus offrant. Tu auras dès <strong>de</strong>main <strong>en</strong>tre les mains la confirmation <strong>de</strong> tout ce que<br />

je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te dire, écrite par moi sur parchemin pour tous les temps. Seul un<br />

<strong>en</strong>nemi extérieur pourrait t'ôter cela par force ; mais Rome te l'accor<strong>de</strong> pour tous<br />

les temps. »<br />

12. Je dis à Cyrénius : « En ce cas, donne-lui cela par écrit dès aujourd'hui ; car<br />

<strong>de</strong>main est un jour <strong>de</strong> sabbat, <strong>et</strong> nous ne voulons pas scandaliser les faibles <strong>en</strong><br />

esprit ! »<br />

13. Cyrénius dit : « Seigneur, comm<strong>en</strong>t pourrais-je m<strong>et</strong>tre par écrit, ici, <strong>en</strong> pleine<br />

nuit, c<strong>et</strong>te confirmation ? Mais je le ferai <strong>de</strong>main avant le lever du soleil, <strong>et</strong> cela<br />

ne fâchera sans doute personne ! »<br />

14. Je dis : « Regar<strong>de</strong>, Mon Raphaël a déjà tout fait ! Pr<strong>en</strong>ds ce docum<strong>en</strong>t, lis-le<br />

<strong>et</strong> vois s'il est <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t conforme à ta volonté. »<br />

15. Cyrénius pr<strong>en</strong>d le docum<strong>en</strong>t, le lit sous une torche <strong>et</strong>, le trouvant fidèle mot<br />

pour mot, dit alors : « Si c'était la première fois, cela me surpr<strong>en</strong>drait infinim<strong>en</strong>t ;<br />

mais Raphaël m'a déjà donné d'autres preuves, aussi n'<strong>en</strong> suis-je plus du tout<br />

étonné, car il peut faire cela tout aussi aisém<strong>en</strong>t que le regard <strong>de</strong> n'importe quel<br />

homme pénètre d'un seul coup jusqu'aux plus lointaines étoiles. Eh bi<strong>en</strong>, puisque<br />

ce docum<strong>en</strong>t est prêt, mon Ouran peut <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre possession sur-le-champ. »<br />

16. Aussitôt, Cyrénius rem<strong>et</strong> le docum<strong>en</strong>t à Ouran avec ces mots : « Pr<strong>en</strong>ds-le<br />

pour ta protection <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> tes <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants, <strong>et</strong> veille à gagner les hommes au<br />

royaume <strong>de</strong> Dieu, au royaume <strong>de</strong> l'amour, au royaume <strong>de</strong> la vérité éternelle, si<br />

miraculeusem<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux, à nous, mortels, <strong>en</strong> la personne <strong>de</strong> Jésus, le<br />

Seigneur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ! En Lui nous sommes, <strong>et</strong> <strong>en</strong> Lui nous vivons désormais <strong>et</strong><br />

vivrons éternellem<strong>en</strong>t ! »<br />

Chapitre 119<br />

Hélène <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t l'épouse <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. Ouran Me remercie <strong>et</strong> remercie Cyrénius du fond du cœur, ainsi qu'Hélène,<br />

qui ajoute toutefois c<strong>et</strong>te question : « Mais mon père n'a pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants<br />

mâles ! Qui lui succé<strong>de</strong>ra sur le trône ? »<br />

227


2. Je dis : « Mais, Ma très chère Hélène, ne vous ai-Je pas donné un très sage<br />

<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dant que ton père a nommé vice-roi ? ! Ne vous convi<strong>en</strong>t-il point ? »<br />

3. Hélène dit, pleurant presque <strong>de</strong> joie : « Ah, Tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s s'il nous convi<strong>en</strong>t ? !<br />

Il fallait pourtant bi<strong>en</strong> que je T’interroge afin <strong>de</strong> connaître avec certitu<strong>de</strong> Ta<br />

volonté, la seule qui me soit sacrée ! Seigneur, pardonne-moi si jamais je T'ai<br />

off<strong>en</strong>sé par c<strong>et</strong>te question ! »<br />

4. Je dis : « Sois tranquille là-<strong>de</strong>ssus, car nul être humain ne pourra jamais<br />

M'off<strong>en</strong>ser, <strong>et</strong> toi moins que tout autre ! Mais puisque tu M'as posé une question<br />

dont tu pouvais fort bi<strong>en</strong> connaître la réponse sans Me questionner, à Mon tour,<br />

Je vais te poser une question à laquelle Je sais peut-être d'avance ce que sera ta<br />

réponse !<br />

5. Regar<strong>de</strong> Mathaël : il est maint<strong>en</strong>ant vice-roi, nommé par ton père <strong>et</strong> confirmé<br />

comme tel par Cyrénius <strong>et</strong> par Moi. Il est <strong>en</strong>core un homme jeune <strong>de</strong> vingt-huit<br />

ans à peine ; aimerais-tu l'avoir pour époux ? »<br />

6. À ces mots, Hélène baisse les yeux, un peu honteuse, <strong>et</strong> dit après un instant : «<br />

Mais, Seigneur, on ne peut donc être assuré <strong>de</strong> ri<strong>en</strong>, <strong>de</strong>vant Toi, <strong>de</strong> ce que l'on<br />

gar<strong>de</strong> caché au plus profond <strong>de</strong> son cœur ! Tu as regardé <strong>en</strong> mon cœur <strong>et</strong> y as<br />

bi<strong>en</strong> sûr trouvé que j'aime excessivem<strong>en</strong>t Mathaël, <strong>et</strong> Tu m'as à prés<strong>en</strong>t trahie<br />

avant le mom<strong>en</strong>t où j'aurais voulu me trahir moi-même ; mais puisque mon cœur<br />

est déjà découvert, je ne peux répondre autre chose à Ta sainte question qu'un oui<br />

très véridique. Il est vrai que j'aime fort Mathaël ; mais il reste <strong>en</strong>core à savoir s'il<br />

veut m'aimer ! »<br />

7. Je dis à Mathaël : « De ce mom<strong>en</strong>t, ami, tu peux parler toi-même sans crainte !<br />

»<br />

8. Mathaël dit : « Ô Seigneur, ô Toi le plus sublime, jamais Tu n'es plus <strong>grand</strong><br />

dans mon cœur que lorsque Tu nous parles, à nous les hommes, d'une manière si<br />

humaine ! Pourrais-je aimer c<strong>et</strong>te pure jeune fille, qui T'est dévouée <strong>de</strong> tout son<br />

être, aussi int<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t que je T'aime, ô Seigneur !? Mais elle est la superbe fille<br />

d'un roi, <strong>et</strong> je ne suis qu'un pauvre citadin, non pas <strong>de</strong> Jérusalem, mais <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>virons <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te <strong>grand</strong>e cité aux c<strong>en</strong>t portes qui compte plus <strong>de</strong> dix fois c<strong>en</strong>t<br />

mille habitants, au nombre <strong>de</strong>squels moi <strong>et</strong> mes par<strong>en</strong>ts ne pouvons même pas<br />

nous compter ! — C'est bi<strong>en</strong> là que le bât blesse ! »<br />

9. Je dis : « Eh bi<strong>en</strong>, que veux-tu <strong>de</strong> plus ? Qui donc était David par la naissance<br />

? Qui était Saül ? Qui les a oints <strong>et</strong> faits rois d'Israël ?<br />

10. Et si Je fais pour toi aujourd'hui ce que Je fis jadis pour ces <strong>de</strong>ux-là, comm<strong>en</strong>t<br />

pourrais-tu ne pas être l'égal d'Hélène ? Crois-tu donc que Je n'aurais pas le<br />

pouvoir <strong>de</strong> te m<strong>et</strong>tre à l'instant sur le trône <strong>de</strong> l'empereur <strong>de</strong> Rome ?<br />

11. Tu connais la force <strong>et</strong> la puissance <strong>de</strong> l'ange Raphaël qui est ici à notre service,<br />

<strong>et</strong> mille légions d'anges comme lui pourrai<strong>en</strong>t être à Mes ordres à l'instant ;<br />

qui voudrait leur livrer bataille ? ! Il suffirait <strong>de</strong> Raphaël pour changer <strong>en</strong> poussière<br />

<strong>en</strong> un instant c<strong>et</strong>te terre tout <strong>en</strong>tière, à plus forte raison pour détrôner un<br />

empereur <strong>de</strong> Rome <strong>et</strong> <strong>en</strong> m<strong>et</strong>tre tout à son aise un autre à la place. Mais cela<br />

n'arrive pas, quoique la force ne puisse <strong>en</strong> aucun cas Me manquer pour le faire ;<br />

car Je sais bi<strong>en</strong> pourquoi Je laisse sur le trône <strong>de</strong> Rome l'empereur actuel. Et <strong>de</strong><br />

228


même, J'ai le pouvoir illimité <strong>de</strong> te donner ce que Je veux <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> toi ce que<br />

Je veux ; qui nous chercherait querelle là-<strong>de</strong>ssus ?!<br />

12. La puissance <strong>de</strong> Dieu va bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> celle d'un roi <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> ! Crois-tu<br />

par hasard que la vie d'un roi ne repose pas <strong>en</strong>tre Mes mains aussi bi<strong>en</strong> que celle<br />

d'un m<strong>en</strong>diant ? Il suffirait d'un léger souffle <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> Mon esprit pour<br />

que toute la Création cesse d'exister ! Aussi, ami, ne t'inquiète pas ! Ce que Je dis<br />

est dit pour l'éternité, <strong>et</strong> celui que J'élis pour une tâche y est <strong>et</strong> y <strong>de</strong>meure <strong>de</strong><br />

manière incontestable <strong>et</strong> intangible ; car Moi seul suis le Seigneur <strong>et</strong> fais toute<br />

chose selon Mon amour <strong>et</strong> Ma sagesse propres, <strong>et</strong> nul n'est fondé à Me dire :<br />

"Seigneur, pourquoi fais-Tu ceci ou cela ?" Si quelqu'un M'interroge d'un cœur<br />

plein d'amour, à celui-là, Je donnerai assurém<strong>en</strong>t une réponse édifiante pour son<br />

cœur ; mais celui qui voudra disputer avec Moi ne recevra pas <strong>de</strong> réponse, mais<br />

seulem<strong>en</strong>t un jugem<strong>en</strong>t ! Aussi, tu peux être tranquille ; si Je te fais roi, tu es roi<br />

<strong>en</strong> vérité, <strong>et</strong> celui qui voudra te faire la guerre sera écrasé ! Ainsi, pr<strong>en</strong>ds la main<br />

d'Hélène, <strong>et</strong> elle est désormais <strong>et</strong> <strong>de</strong>meurera ta chère épouse ! »<br />

13. Ici, Ouran se lève <strong>et</strong> dit, pénétré <strong>de</strong> la plus profon<strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong> : « Ô Seigneur,<br />

Toi l'éternel Tout-Puissant, comm<strong>en</strong>t pourrai-je jamais, moi qui ne suis qu'un<br />

homme <strong>et</strong> un pauvre pécheur, Te témoigner une gratitu<strong>de</strong> qui soit un peu digne<br />

<strong>de</strong> Toi ? Tu me submerges <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> grâces <strong>et</strong> d'imm<strong>en</strong>ses bi<strong>en</strong>faits ! Et <strong>de</strong> quel<br />

<strong>grand</strong> <strong>et</strong> durable souci as-Tu soulagé mon cœur !<br />

14. Il est si difficile à un père <strong>de</strong> trouver pour son unique <strong>et</strong> chère fille un mari<br />

dont il puisse affirmer d'avance avec quelque certitu<strong>de</strong> qu'il convi<strong>en</strong>t tout à fait à<br />

sa fille <strong>et</strong> qu'elle sera heureuse avec lui ! Que <strong>de</strong> fois <strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts n'ont-ils pas<br />

déposé <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s dans le temple d'Hym<strong>en</strong> pour le bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> leur fille mariée,<br />

croyant r<strong>en</strong>dre par là son mariage heureux ; mais, trop souv<strong>en</strong>t, toutes ces<br />

offran<strong>de</strong>s étai<strong>en</strong>t vaines ! L'union était malheureuse malgré tout, <strong>et</strong> la fille mariée<br />

ne <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait que trop souv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> trop tôt une véritable esclave, au lieu <strong>de</strong> l'amie <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> la très fidèle compagne <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> son époux.<br />

15. Mais je vois ici réalisé ce que disai<strong>en</strong>t les Anci<strong>en</strong>s, à savoir que les vraies<br />

unions sont conclues au ciel par les dieux. Il va sans dire, bi<strong>en</strong> sûr, que la<br />

conception erronée <strong>de</strong>s "dieux" s'efface ici complètem<strong>en</strong>t ; car lorsqu'on a trouvé<br />

le seul <strong>et</strong> unique vrai Dieu, tous les dieux imaginaires cess<strong>en</strong>t d'être.<br />

16. Et puisque c<strong>et</strong>te union a été décidée <strong>et</strong> conclue par Toi-même, ô Seigneur, je<br />

puis désormais avec l'espoir le plus tranquille compter qu'elle ne sera jamais<br />

privée, ô Seigneur, <strong>de</strong> Ta bénédiction, qu'elle <strong>de</strong>vra bi<strong>en</strong> sûr mériter par<br />

l'observation exacte <strong>de</strong> Ta sainte volonté, sans quoi c<strong>et</strong>te bénédiction ne lui serait<br />

pas accordée.<br />

17. Hélène, ma très chère fille, aurais-tu jamais imaginé, lorsque nous avons <strong>en</strong>trepris<br />

notre long voyage dans l'int<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> rechercher la vraie sagesse <strong>et</strong> le Dieu<br />

<strong>de</strong>s dieux inconnu <strong>et</strong> <strong>de</strong> rapporter <strong>en</strong>suite tout cela à notre peuple afin <strong>de</strong> le<br />

r<strong>en</strong>dre par là aussi heureux que possible, qu'un aussi indicible bonheur pût nous<br />

être accordé à tous <strong>de</strong>ux <strong>en</strong> ce lieu perdu <strong>et</strong> désert, à l'aspect si peu remarquable ?<br />

18. Vois, ma fille, comme ce précepte que je t'ai si souv<strong>en</strong>t répété : "Celui qui<br />

veut tout trouver ne doit chercher que Dieu" se vérifie ici magnifiquem<strong>en</strong>t !<br />

Lorsque nous avons quitté notre ville avec au cœur la secrète int<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> ne pas<br />

229


ev<strong>en</strong>ir que nous n'eussions trouvé la vérité <strong>et</strong> l'unique vrai Dieu, tu as soupiré <strong>et</strong><br />

m'as dit mélancoliquem<strong>en</strong>t : "Père, nous ne reverrons sans doute plus jamais<br />

notre ville <strong>et</strong> ce beau pays !" Et je t'ai répondu : "Que ton cœur soit tranquille, ma<br />

fille, car nous ne partons pas <strong>en</strong> quête <strong>de</strong> pillages, ni pour m<strong>en</strong>acer <strong>de</strong> guerre l'un<br />

<strong>de</strong> nos voisins, mais bi<strong>en</strong> afin <strong>de</strong> chercher le plus <strong>grand</strong> bonheur pour nous <strong>et</strong><br />

pour notre pays ! Nul dieu ni force humaine ne saurait mal considérer notre<br />

<strong>de</strong>ssein !" Cela te tranquillisa, <strong>et</strong> nous <strong>en</strong>treprîmes notre voyage vaillamm<strong>en</strong>t.<br />

Mais, même <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t, je te le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, avais-tu <strong>en</strong> toi la plus p<strong>et</strong>ite idée <strong>de</strong><br />

l'excès <strong>de</strong> la bonté <strong>et</strong> du bonheur qui nous att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t ici ?! »<br />

Chapitre 120<br />

Remerciem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> bonnes résolutions d'Hélène<br />

1. Hélène dit : « Ô père, quel mortel eût jamais pu <strong>en</strong> avoir ne serait-ce que le<br />

plus faible press<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t ? De plus, malgré toute notre bonne volonté, nous<br />

étions <strong>en</strong>core trop profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>foncés dans le paganisme pour être capables<br />

<strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser assez clairem<strong>en</strong>t pour concevoir si peu que ce fût la possibilité <strong>de</strong><br />

toutes les choses que nous recevons ici directem<strong>en</strong>t du Seigneur Lui-même, <strong>et</strong><br />

par Sa seule grâce !<br />

2. Et pourtant, nous ne pouvons ri<strong>en</strong> Lui donner <strong>en</strong> échange, maint<strong>en</strong>ant <strong>et</strong> à<br />

jamais, si ce n'est L'aimer par-<strong>de</strong>ssus tout perpétuellem<strong>en</strong>t. Et, bi<strong>en</strong> qu'ils soi<strong>en</strong>t<br />

nos suj<strong>et</strong>s, nous aimerons nos frères <strong>et</strong> sœurs comme notre propre vie <strong>en</strong> leur<br />

prêchant Fidèlem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité le nom du sublime, très saint <strong>et</strong> unique vrai<br />

Dieu <strong>et</strong> <strong>en</strong> ayant <strong>grand</strong> soin <strong>de</strong> susciter <strong>en</strong> eux une disposition d'esprit grâce à<br />

laquelle, par la voie du vrai amour <strong>et</strong> <strong>de</strong> la vraie humilité, ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront <strong>en</strong>fin<br />

<strong>de</strong>s hommes véritables <strong>et</strong> qui plais<strong>en</strong>t à Dieu. Et pour cela, Mathaël, désormais<br />

mon époux bi<strong>en</strong>-aimé, nous prêtera, avec ses quatre frères, son bras puissant <strong>et</strong><br />

son cœur d'une très <strong>grand</strong>e sagesse, <strong>et</strong> ainsi, ce qui sera notre bi<strong>en</strong> au nom du<br />

Seigneur sera aussi son bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> son bi<strong>en</strong> sera <strong>et</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra le bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> nos<br />

nombreux suj<strong>et</strong>s.<br />

3. Voilà tout ce que je peux déclarer <strong>en</strong> toute vérité <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute loyauté, <strong>de</strong>vant le<br />

Dieu très saint, du plus profond <strong>de</strong> mon cœur plein <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> désormais tout<br />

à fait contrit. Mais Toi, ô Seigneur, sois toujours miséricordieux <strong>en</strong>vers moi, qui<br />

ne suis <strong>de</strong>vant Toi qu'une pauvre pécheresse ; car Toi seul sais vraim<strong>en</strong>t ce que je<br />

serai capable <strong>de</strong> supporter <strong>de</strong>s far<strong>de</strong>aux <strong>de</strong> la vie terrestre ! Je ne traverserai pas<br />

c<strong>et</strong>te vie sans far<strong>de</strong>au, <strong>et</strong> je le porterai selon la force que Tu m'auras accordée, ô<br />

Seigneur ; mais, Seigneur, puisses-Tu ne pas m'éprouver au-<strong>de</strong>là ! »<br />

4. Je dis : « Mon joug est doux <strong>et</strong> Mon far<strong>de</strong>au léger ; mais un p<strong>et</strong>it poids supplém<strong>en</strong>taire<br />

<strong>de</strong> loin <strong>en</strong> loin ne nuira jamais à ton salut, <strong>et</strong> ne pourra au contraire<br />

qu'être du plus <strong>grand</strong> profit pour ton esprit <strong>et</strong> ton âme.<br />

5. Ton époux Mathaël t'appr<strong>en</strong>dra, le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u, quels far<strong>de</strong>aux il lui a été<br />

donné <strong>de</strong> porter afin <strong>de</strong> chasser <strong>de</strong> lui-même tout ce qui est du mon<strong>de</strong>, grâce à<br />

quoi son cœur s'est élevé jusqu'à c<strong>et</strong>te <strong>grand</strong>e force qui est la si<strong>en</strong>ne. Ce qu'il<br />

possè<strong>de</strong> à prés<strong>en</strong>t, nulle force ne pourra plus jamais le lui repr<strong>en</strong>dre ; mais ce que<br />

230


tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> recevoir <strong>en</strong> toi n'est <strong>en</strong>core guère qu'extérieur <strong>en</strong> toi <strong>et</strong> fort semblable<br />

à la graine récemm<strong>en</strong>t mise <strong>en</strong> terre, qui doit <strong>en</strong>core résister à bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s épreuves<br />

avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un vrai <strong>et</strong> bon fruit mûr.<br />

6. Aussi, ne t'effraie jamais <strong>de</strong>s multiples far<strong>de</strong>aux que tu r<strong>en</strong>contreras ici ou là<br />

dans le cours <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te vie terrestre ; car Je te les <strong>en</strong>verrai pour fortifier ton âme <strong>et</strong><br />

ton esprit !<br />

7. Ainsi, quand parfois il t'arrivera quelque chose, songe que c'est Moi qui te<br />

donne ce moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> te fortifier ! Car plus J'aime un homme, plus Je l'éprouve.<br />

Car chacun doit <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir aussi parfait que Moi ; mais pour cela, il faut beaucoup<br />

d'abnégation, <strong>de</strong> pati<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> <strong>de</strong> douceur, <strong>et</strong> une complète soumission à Ma<br />

volonté.<br />

8. Et celui qui suit <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t Ma volonté, celui-là <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra aussi parfait <strong>en</strong><br />

esprit que Je le suis Moi-même, parce que son esprit ne fera dès lors plus qu'un<br />

avec Moi. — Dis-Moi maint<strong>en</strong>ant si tu compr<strong>en</strong>ds tout à fait bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> clairem<strong>en</strong>t<br />

tout cela. »<br />

9. Hélène dit : « Oh, sans doute, pour autant qu'il soit possible à un simple mortel<br />

<strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre la parole <strong>de</strong> Dieu dans les étroites limites <strong>de</strong> son intellig<strong>en</strong>ce<br />

temporelle ! »<br />

10. Je dis : « Tout est donc pour le mieux, <strong>et</strong>, ayant bi<strong>en</strong> travaillé, nous pouvons<br />

nous reposer un peu ! Que ceux qui veul<strong>en</strong>t dormir un mom<strong>en</strong>t le fass<strong>en</strong>t ; mais<br />

ceux qui voudront veiller <strong>et</strong> prier avec Moi, qu'ils veill<strong>en</strong>t <strong>et</strong> pri<strong>en</strong>t ! »<br />

11. Beaucoup s'écri<strong>en</strong>t alors : « Seigneur, nous voulons veiller <strong>et</strong> prier avec Toi !<br />

»<br />

12. Je dis : « Faites-le, si vous le voulez. Mais il s'agit <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> se préparer à la<br />

journée <strong>de</strong> <strong>de</strong>main ; car c<strong>et</strong>te journée sera fort chau<strong>de</strong>. — (M'adressant à Cyrénius<br />

:) Demain, ton frère Cornélius <strong>et</strong> le capitaine Faustus vi<strong>en</strong>dront par ici afin<br />

<strong>de</strong> s'<strong>en</strong>quérir <strong>de</strong> ce qui a pu arriver dans c<strong>et</strong>te contrée ; car ils ne soupçonn<strong>en</strong>t pas<br />

que tu es ici, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins que J'y séjourne Moi-même. Il faut pourtant veiller<br />

à ce qu'ils puiss<strong>en</strong>t trouver refuge ici avec leur suite, car, pour une fois, ils ne<br />

trouveront pas à se loger dans la ville. Le feu la m<strong>et</strong>tra à mal, parce qu'à<br />

l'occasion <strong>de</strong> l'inc<strong>en</strong>die <strong>de</strong>s temples <strong>et</strong> <strong>de</strong>s synagogues, d'autres édifices <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>meures citadines seront très durem<strong>en</strong>t éprouvés. Demain, il importera donc <strong>de</strong><br />

ne pas avoir l'esprit ailleurs, <strong>et</strong> c'est pourquoi il est nécessaire que chacun se<br />

prépare bi<strong>en</strong>. Que ceux qui peuv<strong>en</strong>t dormir dorm<strong>en</strong>t ; quant à Moi, Je dois veiller<br />

<strong>et</strong> prier ! »<br />

13. Sur ces paroles, Je quittai la compagnie <strong>et</strong> M'éloignai dans la montagne, afin<br />

d'être seul <strong>et</strong> afin <strong>de</strong> M'unir <strong>de</strong> tout Mon être à l'esprit éternel <strong>de</strong> Mon Père.<br />

Chapitre 121<br />

De la nature <strong>de</strong> Jésus<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, beaucoup <strong>de</strong> ceux qui étai<strong>en</strong>t sur la montagne <strong>et</strong> M'avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du<br />

231


comm<strong>en</strong>çai<strong>en</strong>t à s'interroger ; Hélène <strong>et</strong> Ouran eux-mêmes s'étonnai<strong>en</strong>t un peu <strong>et</strong><br />

s'interrogeai<strong>en</strong>t avec les autres, disant : « C'est étrange ! À prés<strong>en</strong>t, Il S'<strong>en</strong> va<br />

pour prier <strong>et</strong> Se préparer à la journée <strong>de</strong> <strong>de</strong>main ! Quel autre peut-Il donc bi<strong>en</strong><br />

invoquer, <strong>et</strong> qui peut-Il prier ? Se peut-il que, malgré Sa sagesse plus profon<strong>de</strong><br />

qu'aucune autre, Il ne soit pourtant pas la divinité suprême ? Il ne peut pourtant<br />

Se prier Lui-même !? Et s'il le faisait, il y aurait vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> quoi s'interroger <strong>et</strong><br />

se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi Il fait cela ! Étrange ! Il va prier <strong>et</strong> Se préparer au<br />

l<strong>en</strong><strong>de</strong>main, comme s'il n'y était pas pleinem<strong>en</strong>t préparé <strong>de</strong> toute éternité, Lui, la<br />

divinité suprême ! Étrange, étrange ! Hum, hum, hum, qu'est-ce que cela peut<br />

bi<strong>en</strong> vouloir dire !? Jusqu'ici, Il a pourtant parlé comme seul pourra jamais le<br />

faire le vrai Dieu ! L'exist<strong>en</strong>ce du mon<strong>de</strong> ti<strong>en</strong>t au plus léger souffle <strong>de</strong> Sa<br />

volonté, <strong>et</strong> à prés<strong>en</strong>t, Il va Lui-même prier <strong>et</strong> nous comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> dormir <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

nous reposer, ou sinon <strong>de</strong> prier <strong>et</strong> <strong>de</strong> nous préparer au l<strong>en</strong><strong>de</strong>main ! Mais s'il va<br />

Lui-même prier quelque divinité assurém<strong>en</strong>t connue <strong>de</strong> Lui seul, qui donc <strong>de</strong>vons-nous<br />

prier ? Lui, ou la divinité parfaitem<strong>en</strong>t inconnue <strong>de</strong> nous qu'il prie<br />

maint<strong>en</strong>ant ?! Non, cela dépasse tout ce que l'on peut imaginer dans le plus<br />

stupi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rêves ! »<br />

2. Là-<strong>de</strong>ssus, Mathaël se lève soudain, quelque peu irrité, <strong>et</strong> dit d'une voix assez<br />

forte pour que beaucoup l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt : « Que vous mêlez-vous ici <strong>de</strong> juger,<br />

comme <strong>de</strong>s aveugles jug<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s couleurs ! Ô aveugles, tous autant que vous êtes,<br />

à l'exception <strong>de</strong> l'ange Raphaël, <strong>et</strong> vous aussi, Ses premiers disciples, qui êtes<br />

<strong>en</strong>core fort aveugles <strong>et</strong> donc stupi<strong>de</strong>s !<br />

3. Ne porte-t-il pas sur c<strong>et</strong>te terre, comme nous tous, un corps <strong>de</strong> chair dans<br />

lequel Son âme s'est développée comme la nôtre afin <strong>de</strong> pouvoir <strong>en</strong>trer dans une<br />

parfaite union avec l'Esprit éternel créateur ?<br />

4. Seul l'esprit <strong>en</strong> Lui est Dieu, <strong>et</strong> tout le reste est homme comme nous le<br />

sommes nous-mêmes. Lorsqu'il prie, cela veut dire, <strong>en</strong> d'autres termes, qu'il<br />

perm<strong>et</strong> à l'homme <strong>en</strong> Lui <strong>de</strong> s'imprégner <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'esprit du Dieu éternel<br />

créateur, d'où tous les autres esprits sont issus comme la p<strong>et</strong>ite image du soleil<br />

dans une goutte <strong>de</strong> rosée est issue du vrai soleil.<br />

5. Selon Son esprit, Il est le vrai soleil, <strong>et</strong> nous <strong>et</strong> tous les autres esprits ne<br />

sommes que <strong>de</strong>s images vivantes <strong>de</strong> ce soleil originel <strong>et</strong> étemel qu'est Dieu. —<br />

Compr<strong>en</strong>ez-vous à prés<strong>en</strong>t ce qu'il veut dire quand Il dit qu'il prie ? »<br />

6. Jarah <strong>et</strong> Hélène fur<strong>en</strong>t les premières à le compr<strong>en</strong>dre ; mais les autres ne<br />

parv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>core à s'y r<strong>et</strong>rouver tout à fait, parce que l'âme <strong>et</strong> l'esprit<br />

continuai<strong>en</strong>t pour eux <strong>de</strong> se mêler dans une jolie confusion ! Mais Mathaël<br />

<strong>en</strong>treprit d'y m<strong>et</strong>tre bon ordre, <strong>et</strong> beaucoup y vir<strong>en</strong>t alors plus clair. Et tous<br />

louèr<strong>en</strong>t la très <strong>grand</strong>e profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la sagesse <strong>de</strong> l'imperturbable Mathaël ;<br />

Hélène saisit sa main, la pressa contre sa poitrine <strong>et</strong> dit: «Ô toi, merveilleux<br />

époux donné par Dieu, si ta sagesse continue <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ainsi toujours plus<br />

magnifique, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> jusqu'à quel point je finirai par t'aimer ! Si ta sagesse<br />

n'était v<strong>en</strong>ue à notre secours, nous aurions tous fini par nous m<strong>et</strong>tre à douter <strong>de</strong> la<br />

divinité du <strong>grand</strong> Maître, sans égard pour tous les miracles inouïs qu'il a<br />

accomplis sous nos yeux. Mais à prés<strong>en</strong>t, tout est parfaitem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>tré dans<br />

l'ordre, <strong>et</strong> nous savons tous désormais suffisamm<strong>en</strong>t qui nous <strong>de</strong>vons prier <strong>et</strong><br />

232


invoquer avec la plus parfaite confiance ! »<br />

7. Cyrénius dit : « Mon cher ami <strong>et</strong> désormais frère Mathaël, autant je me réjouis<br />

<strong>de</strong> te savoir aussi bi<strong>en</strong> établi que possible, autant j'eusse été plus heureux <strong>en</strong>core<br />

<strong>de</strong> t'avoir constamm<strong>en</strong>t près <strong>de</strong> moi ! Car <strong>de</strong> nous tous, à l'exception <strong>de</strong> l'ange,<br />

qui s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant avec son ami Suétal, tu es le seul à être aussi<br />

parfaitem<strong>en</strong>t éclairé <strong>en</strong> toutes choses ! Quelle bénédiction ce sera pour le peuple<br />

dont tu seras le prince, ce que tu es d'ailleurs déjà <strong>en</strong> vérité ! Mais nous nous<br />

verrons très souv<strong>en</strong>t malgré tout ; car je te r<strong>en</strong>drai visite, <strong>et</strong> tu me r<strong>en</strong>dras visite<br />

aussi ! »<br />

8. Mathaël saisit la main du vénérable vieillard <strong>et</strong> lui dit : « Très noble Cyrénius,<br />

nous travaillerons main dans la main, <strong>et</strong> notre maxime sera <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre le peuple<br />

aussi sage <strong>et</strong> aussi heureux que possible, au nom du Seigneur ! Il est vrai que<br />

nous serons toujours plus particulièrem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>tifs au bi<strong>en</strong> spirituel <strong>de</strong>s peuples<br />

dont Dieu nous a confié la direction, mais, même dans le domaine matériel, nul<br />

n'aura à se plaindre d'une accablante misère, dès lors qu'il sera <strong>en</strong> règle avec son<br />

esprit.<br />

9. Dans le <strong>grand</strong> Empire romain, il faudrait affronter <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s obstacles pour<br />

gouverner les peuples <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière ; mais dans un p<strong>et</strong>it pays, il est tout à fait<br />

possible <strong>de</strong> le faire, <strong>et</strong> les p<strong>et</strong>its États heureux <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ordinairem<strong>en</strong>t le miroir<br />

où les <strong>grand</strong>s regar<strong>de</strong>nt si leur visage est propre <strong>et</strong> leurs cheveux bi<strong>en</strong> arrangés.<br />

10. Un miroir n'est ordinairem<strong>en</strong>t pas plus <strong>grand</strong> que le dos <strong>de</strong> la main, <strong>et</strong><br />

pourtant, un homme peut, s'il le veut, s'y regar<strong>de</strong>r p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it <strong>de</strong> la tête à la<br />

pointe <strong>de</strong>s orteils ; c'est ainsi qu'un p<strong>et</strong>it pays peut fort bi<strong>en</strong> servir <strong>de</strong> miroir à un<br />

très <strong>grand</strong> empire. Mais si, à l'inverse, un p<strong>et</strong>it pays voulait pr<strong>en</strong>dre exemple sur<br />

un <strong>grand</strong> empire, il pr<strong>en</strong>drait assurém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s risques <strong>et</strong> ruinerait tous ses<br />

suj<strong>et</strong>s ! C'est pourquoi nous aimons mieux être le p<strong>et</strong>it miroir que le géant qui s'y<br />

mire ! — N'ai-je pas raison, <strong>grand</strong> Cyrénius ? »<br />

11. Cyrénius dit : « Je voudrais bi<strong>en</strong> voir celui qui te donnerait tort ! Tu as<br />

toujours raison ; car c'est l'esprit éveillé <strong>de</strong> Dieu qui parle sans cesse par ta<br />

bouche...<br />

12. Mais regar<strong>de</strong> du côté <strong>de</strong> la ville ! Il me semble que le feu s'ét<strong>en</strong>d ! Peut-être<br />

est-ce toute la ville qui finira par brûler ? Notre Raphaël pourrait sans doute y<br />

faire quelque chose, s'il le voulait !? »<br />

Chapitre 122<br />

De la nature <strong>de</strong>s anges<br />

1. Jarah répond : « Oh, lui, sans aucun doute ! À condition <strong>de</strong> recevoir du Seigneur<br />

un signe bi<strong>en</strong> sûr invisible pour nous — sans quoi il ne fait ri<strong>en</strong> ! Il m'a<br />

certes été donné comme maître <strong>et</strong> protecteur ; mais si je m'avise <strong>de</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

<strong>de</strong> faire ceci ou cela pour moi, c'est là qu'il <strong>en</strong> fera le moins ! Et si je veux qu'il<br />

m'appr<strong>en</strong>ne une chose, non seulem<strong>en</strong>t il ne m'<strong>en</strong> dit ri<strong>en</strong>, mais c'est lui qui se m<strong>et</strong><br />

à m'interroger sur elle, <strong>et</strong> je dois alors lui parler <strong>de</strong> la chose que je voulais qu'il<br />

233


m'appr<strong>en</strong>ne. Il est vrai que je l'aime beaucoup, <strong>et</strong> je l'aimerais mille fois plus<br />

<strong>en</strong>core s'il était seulem<strong>en</strong>t un peu plus complaisant ! Il est certes toujours<br />

extrêmem<strong>en</strong>t aimable, mais on ne peut ri<strong>en</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, car c'est toujours peine<br />

perdue. »<br />

2. Mathaël dit : « J'aimerais pourtant voir si on ne peut le convaincre <strong>de</strong> préserver<br />

<strong>de</strong>s flammes au moins quelques habitations ! Je vais le faire v<strong>en</strong>ir ici <strong>et</strong> vérifier si<br />

la charmante Jarah a vraim<strong>en</strong>t raison <strong>en</strong> tout. »<br />

3. Là-<strong>de</strong>ssus, Mathaël appelle Raphaël <strong>et</strong> lui dit : « Ami, regar<strong>de</strong> vers la ville : il<br />

me semble que plusieurs pauvres cabanes sont égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> feu maint<strong>en</strong>ant ; tu<br />

pourrais sans doute empêcher cela ? ! »<br />

4. L'ange dit : « Certainem<strong>en</strong>t, si je <strong>de</strong>vais le faire ; mais toute ma volonté est<br />

celle du Seigneur, <strong>et</strong> je ne peux vouloir que ce que Lui seul veut. Si le Seigneur<br />

le veut, je peux éteindre c<strong>et</strong> inc<strong>en</strong>die avec une rapidité que tu ne saurais imaginer<br />

! Mais sans la volonté du Seigneur, je ne peux <strong>de</strong> moi-même <strong>en</strong> faire davantage<br />

que toi ; car les miracles que j'accomplis, ce n'est pas moi qui les accomplis, mais<br />

seulem<strong>en</strong>t, à travers moi, la volonté du Seigneur.<br />

5. Nous autres anges, nous ne sommes par nature ri<strong>en</strong> d'autre que <strong>de</strong>s expressions<br />

<strong>de</strong> la volonté divine, autrem<strong>en</strong>t dit, nous sommes la volonté du Seigneur<br />

personnifiée <strong>et</strong> ne pouvons ri<strong>en</strong> faire par nous-mêmes, parce qu'on ne saurait<br />

réellem<strong>en</strong>t nous concevoir comme <strong>de</strong>s êtres autonomes existant sans la volonté<br />

<strong>de</strong> Dieu, <strong>de</strong> même qu'<strong>en</strong> vérité tu ne saurais concevoir qu'une image du soleil<br />

dans un miroir frappe effectivem<strong>en</strong>t tes yeux sans qu'un rayon du vrai soleil ait<br />

préalablem<strong>en</strong>t touché la surface du miroir.<br />

6. Et afin que tu saisisses mieux <strong>en</strong>core ma nature, je rappelle à ton souv<strong>en</strong>ir<br />

c<strong>et</strong>te espèce <strong>de</strong> miroir dit concave ou ar<strong>de</strong>nt, découvert à vrai dire par hasard par<br />

Archimè<strong>de</strong>, le fameux physici<strong>en</strong> <strong>de</strong>s temps anci<strong>en</strong>s. Ces miroirs avai<strong>en</strong>t la<br />

propriété parfaitem<strong>en</strong>t naturelle <strong>de</strong> conc<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> un point situé à une certaine<br />

distance les nombreux rayons <strong>de</strong> soleil qui touchai<strong>en</strong>t leur surface. Ces rayons <strong>de</strong><br />

soleil ainsi conc<strong>en</strong>trés <strong>en</strong> un point avai<strong>en</strong>t alors, tant par leur luminosité que par<br />

leur chaleur, une puissance autant <strong>de</strong> fois supérieure à celle d'un rayon simple<br />

que le rapport du carré <strong>de</strong> la surface totale du miroir, dont le diamètre était<br />

souv<strong>en</strong>t d'une hauteur d'homme, à la surface du foyer, point <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong>e<br />

conc<strong>en</strong>tration <strong>de</strong>s rayons, dont le diamètre n'était pas supérieur à <strong>de</strong>ux largeurs<br />

<strong>de</strong> pouce.<br />

7. Ce foyer est donc bi<strong>en</strong> sûr plus <strong>de</strong> mille fois plus puissant, tant pour éclairer<br />

que pour brûler, que le simple rayon du soleil naturel, mais il n'<strong>en</strong> est pas moins<br />

inconcevable sans le soleil.<br />

8. Ce miroir ne fait que réunir les rayons du soleil <strong>en</strong> un foyer puissant <strong>et</strong> à<br />

l'action rapi<strong>de</strong> ; mais sans soleil, il est dépourvu <strong>de</strong> toute force <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute action<br />

<strong>et</strong> ne possè<strong>de</strong> <strong>en</strong> soi que la propriété <strong>de</strong> conc<strong>en</strong>trer les rayons du soleil lorsqu'ils<br />

tomb<strong>en</strong>t sur sa surface ; sans le soleil, ce miroir ar<strong>de</strong>nt n'a donc aucun eff<strong>et</strong>.<br />

9. De même, nous autres anges ne sommes par nous-mêmes, comme je l'ai dit,<br />

que <strong>de</strong>s miroirs ar<strong>de</strong>nts qui reçoiv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> conc<strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t la volonté divine, <strong>et</strong> quand<br />

nous agissons, c'est par ce foyer qu'est la volonté divine conc<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> nous, <strong>et</strong><br />

234


c'est alors que tu peux voir miracle sur miracle. — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela ? »<br />

10. Mathaël dit : « Oh, je le compr<strong>en</strong>ds parfaitem<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t ; seulem<strong>en</strong>t, je ne<br />

savais pas qu'Archimè<strong>de</strong> fût l'inv<strong>en</strong>teur du miroir ar<strong>de</strong>nt ; car on attribue celui-ci<br />

originellem<strong>en</strong>t à un certain Haméro<strong>de</strong>, puis au fameux Thalès, qui aurait aussi<br />

fabriqué une machine à lancer <strong>de</strong>s éclairs ! »<br />

11. Raphaël dit : «Parfaitem<strong>en</strong>t, mais Archimè<strong>de</strong>, qui était mécanici<strong>en</strong>, avait<br />

trouvé lui-même le principe non seulem<strong>en</strong>t du fort utile miroir ar<strong>de</strong>nt, mais aussi<br />

du cylindre <strong>et</strong> <strong>de</strong>s disques à produire les éclairs (*) , <strong>et</strong> surtout <strong>de</strong> la poulie (**) , par<br />

une heureuse application du pas <strong>de</strong> vis, qu'il avait lui-même découvert <strong>et</strong><br />

parfaitem<strong>en</strong>t calculé à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong>, inv<strong>en</strong>tion après laquelle il déclara : "Donnez-moi<br />

un point d'appui hors <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> je soulèverai le mon<strong>de</strong> !"<br />

12. Cep<strong>en</strong>dant, il résulte <strong>de</strong> tout cela que je ne puis <strong>de</strong> moi-même répondre à ton<br />

louable désir. Mais si le Seigneur me désigne pour cela, tout sera bi<strong>en</strong>tôt terminé.<br />

Vous n'avez donc qu'à vous adresser au Seigneur. »<br />

13. Jarah dit : « On ne peut déranger le Seigneur à prés<strong>en</strong>t ; car Il nous a ordonné<br />

<strong>de</strong> nous reposer, ou, si nous restions éveillés, <strong>de</strong> prier. Et c'est ce que nous<br />

<strong>de</strong>vons faire ; car tout ce qu'il dit a sa raison. Nous n'avons pas à nous <strong>en</strong> mêler,<br />

quand bi<strong>en</strong> même toute la ville brûlerait ! Le Seigneur a bi<strong>en</strong> un motif pour avoir<br />

laissé cela arriver à c<strong>et</strong>te ville, <strong>et</strong> ce motif ne peut être que parfaitem<strong>en</strong>t bon <strong>et</strong><br />

empli <strong>de</strong> l'amour <strong>et</strong> <strong>de</strong> la miséricor<strong>de</strong> divins. Si nous voulions y changer quelque<br />

chose maint<strong>en</strong>ant, nous ne ferions ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> bon <strong>et</strong> ne ferions au contraire à<br />

l'évi<strong>de</strong>nce qu'aggraver la chose ; le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u, le Seigneur fera bi<strong>en</strong> ce qu'il<br />

juge bon sans nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r conseil. Mais avec mon Raphaël, il n'y a ri<strong>en</strong> à<br />

faire ; car sans la volonté du Seigneur, il est comme une outre vi<strong>de</strong>. »<br />

Chapitre 123<br />

La sagesse <strong>de</strong> Jarah<br />

1. Mathaël dit : « Ô p<strong>et</strong>ite Jarah, par le ciel, je n'eusse jamais cru trouver dans ta<br />

chair pareille sagesse ! Nous laisserons donc cela, ma très chère Génésaréthine ;<br />

mais à prés<strong>en</strong>t, j'aimerais que tu me dises comm<strong>en</strong>t tu fais exactem<strong>en</strong>t pour prier.<br />

»<br />

2. Jarah dit : « Je me transporte avec toutes mes p<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> mes s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts au<br />

plus profond <strong>de</strong> mon cœur, qui est le lieu <strong>de</strong> l'amour <strong>en</strong> Dieu. C'est ainsi que c<strong>et</strong><br />

amour sacré reçoit sa nourriture, <strong>de</strong> la même manière qu'un feu qui couve lorsque<br />

tu y déposes un bon bois sec <strong>et</strong> aisém<strong>en</strong>t inflammable.<br />

3. Le bois réveillera vite la braise, d'où comm<strong>en</strong>ceront à s'élever <strong>de</strong> toutes p<strong>et</strong>ites<br />

flammèches ; ces flammèches s'empareront aussitôt du bois, <strong>et</strong> tout cela fera un<br />

(*)<br />

« <strong>de</strong>r Blitze erzeug<strong>en</strong><strong>de</strong>n Zylin<strong>de</strong>r und Scheib<strong>en</strong> » : Archimè<strong>de</strong> a inv<strong>en</strong>té une machine à lancer<br />

<strong>de</strong>s traits <strong>et</strong> <strong>de</strong>s pierres, mais il semblerait que la machine dont il s'agit ici serve bi<strong>en</strong> à générer <strong>de</strong>s éclairs.<br />

(N.d.T.)<br />

(**)<br />

Littéralem<strong>en</strong>t : machine à lever (Hebemaschine). Il semble qu'il y ait ici un amalgame <strong>en</strong>tre la<br />

théorie du levier <strong>et</strong> le principe du pas <strong>de</strong> vis. (N.d.T.)<br />

235


<strong>grand</strong> feu aux flammes très brillantes, <strong>et</strong> il régnera alors dans ton cœur une<br />

<strong>grand</strong>e clarté <strong>et</strong> une vraie chaleur <strong>de</strong> vie. C'est alors seulem<strong>en</strong>t que l'esprit divin<br />

ainsi réveillé dans ton cœur parlera :<br />

4. "Ô saint Père <strong>de</strong>s cieux, que Ton nom soit sanctifié ! Que Ton amour <strong>de</strong> Père<br />

vi<strong>en</strong>ne sur nous, pauvres pécheurs emplis <strong>de</strong> mort <strong>et</strong> <strong>de</strong> nuit ! Que seule Ta sainte<br />

volonté soit faite sur c<strong>et</strong>te terre comme dans tous les cieux ! Si nous avons péché<br />

contre Ta sainte ordonnance éternelle, pardonne-nous c<strong>et</strong>te folie <strong>et</strong> sois pati<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

indulg<strong>en</strong>t <strong>en</strong>vers nous, comme nous sommes nous-mêmes pati<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> indulg<strong>en</strong>ts<br />

<strong>en</strong>vers ceux qui peuv<strong>en</strong>t nous avoir off<strong>en</strong>sés. Ne perm<strong>et</strong>s pas que, dans la<br />

faiblesse <strong>de</strong> notre chair, nous soyons t<strong>en</strong>tés au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> nos forces par le mon<strong>de</strong><br />

ou par le diable, mais, par l'imm<strong>en</strong>sité <strong>de</strong> Ta grâce, <strong>de</strong> Ton amour <strong>et</strong> <strong>de</strong> Ta<br />

miséricor<strong>de</strong>, délivre-nous <strong>de</strong>s mille maux qui pourrai<strong>en</strong>t, ô <strong>grand</strong>, saint <strong>et</strong> cher<br />

Père, troubler <strong>et</strong> affaiblir notre amour <strong>en</strong>vers Toi. Et lorsque nous avons faim <strong>et</strong><br />

soif par l'esprit ou par le corps, donne-nous chaque jour, ô bon <strong>et</strong> cher Père, ce<br />

qui nous est nécessaire selon Ta sainte mesure. À Toi seul tout mon amour, toute<br />

gloire <strong>et</strong> toute louange, toujours <strong>et</strong> éternellem<strong>en</strong>t."<br />

5. Voilà ce que j'appelle prier, mais, bi<strong>en</strong> sûr, c<strong>et</strong>te prière ne vaut quelque chose<br />

<strong>de</strong>vant Dieu que si auparavant, au plus profond du cœur, l'amour <strong>en</strong>vers Dieu a<br />

jailli <strong>en</strong> une flamme claire <strong>et</strong> brûlante par l'unification que j'ai décrite <strong>de</strong> toutes<br />

les p<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts dans le c<strong>en</strong>tre divin du cœur ; faute <strong>de</strong> c<strong>et</strong> acte<br />

préalable, toute prière faite uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mots, si beaux soi<strong>en</strong>t-ils, est une<br />

abomination <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> ne sera ni considérée, ni <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due.<br />

6. Car Dieu <strong>en</strong> Soi est esprit, <strong>et</strong> c'est pourquoi, il doit être adoré dans l'esprit<br />

d'amour <strong>et</strong> dans la lumière <strong>de</strong> vérité, aussi claire qu'une flamme. — Compr<strong>en</strong>dstu<br />

maint<strong>en</strong>ant ce que veut vraim<strong>en</strong>t dire prier, à mon s<strong>en</strong>s <strong>et</strong> selon ma<br />

compréh<strong>en</strong>sion ? »<br />

7. Mathaël dit : « Ô fill<strong>et</strong>te pleine <strong>de</strong> grâce ! Qui eût jamais cru trouver <strong>en</strong> toi une<br />

si profon<strong>de</strong> sagesse !? Vraim<strong>en</strong>t, vraim<strong>en</strong>t, je pourrais fort bi<strong>en</strong> être <strong>en</strong>core ton<br />

disciple, <strong>et</strong> je n'éprouve pas la moindre honte à le reconnaître hautem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

publiquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant tous ! Oui, je compr<strong>en</strong>ds maint<strong>en</strong>ant ton invincible<br />

attachem<strong>en</strong>t au Seigneur, <strong>et</strong> vice versa, comme dis<strong>en</strong>t les Romains ! Tu sembles<br />

donc avoir été éveillée toi aussi <strong>en</strong> très peu <strong>de</strong> temps par le Seigneur ?! »<br />

8. Jarah dit : « Celui qui aime Dieu par-<strong>de</strong>ssus tout est bi<strong>en</strong>tôt <strong>et</strong> facilem<strong>en</strong>t<br />

éveillé ; mais celui qui Le cherche par la raison afin <strong>de</strong> ne L'aimer que lorsque sa<br />

raison lui assurera qu'il L'a vraim<strong>en</strong>t trouvé, celui-là s'est chargé d'une tâche<br />

énorme <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> inutile, qui ne le mènera jamais <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> au but recherché.<br />

C'est <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière que tu as toi-même accédé aussi vite à l'int<strong>en</strong>se lumière <strong>de</strong><br />

la grâce divine ; car il faut bi<strong>en</strong> qu'une <strong>grand</strong>e flamme ait toujours brûlé au cœur<br />

<strong>de</strong> ton âme, même si, pour un temps, ton corps a été <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t occupé par les<br />

mauvais esprits <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer ! »<br />

9. Mathaël dit : « Oui, divine <strong>en</strong>fant, tu as tout à fait raison <strong>de</strong> dire cela ! Dès<br />

mon <strong>en</strong>fance, j'aimais Dieu par-<strong>de</strong>ssus tout, raison pour laquelle, d'ailleurs, mes<br />

par<strong>en</strong>ts me vouèr<strong>en</strong>t au service du Temple, où ma chair <strong>de</strong>vint une véritable<br />

machine <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer, bi<strong>en</strong> que mon âme <strong>de</strong>meurât ce qu'elle avait toujours été<br />

<strong>de</strong>puis son origine. Mais plus un mot là-<strong>de</strong>ssus ; car je n'aime pas à me le<br />

236


appeler. — Dis-moi donc, ma bi<strong>en</strong>-aimée Hélène, ce que t'inspire c<strong>et</strong>te sage<br />

fill<strong>et</strong>te. N'y a-t-il pas <strong>de</strong> quoi s'émerveiller <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e sagesse <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te <strong>en</strong>fant !?<br />

»<br />

10. Hélène dit : « Qui sont donc ses par<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> où <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t-ils ? »<br />

11. Mathaël dit : « Oh, tout cela n'est pas mystère, <strong>et</strong> tu as déjà vu ce soir son<br />

père Ebahi, l'aubergiste <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h ici prés<strong>en</strong>t, à qui tu as parlé près <strong>de</strong> vos<br />

trois t<strong>en</strong>tes ! L'as-tu déjà oublié ? Dis-moi plutôt ce que tu p<strong>en</strong>ses <strong>de</strong> l'extraordinaire<br />

force <strong>de</strong> la sagesse <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te, <strong>et</strong> si tu n'éprouves pas comme moi le<br />

vif désir <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir aussi sage que c<strong>et</strong>te gracieuse <strong>et</strong> très chère p<strong>et</strong>ite. En vérité,<br />

je sais bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses — mais c<strong>et</strong>te <strong>en</strong>fant <strong>en</strong> sait davantage ! Je vois <strong>en</strong> moimême<br />

que sa chaste poitrine recèle <strong>de</strong>s choses dont nous n'avons pas <strong>en</strong>core la<br />

moindre idée. Mais Raphaël ne semble pas jouir auprès d'elle d'une considération<br />

particulière ! Que te semble-t-il <strong>de</strong> tout cela, Hélène, ma très gracieuse épouse ?<br />

»<br />

12. Hélène répond, non pas gaiem<strong>en</strong>t, mais avec une <strong>grand</strong>e mélancolie : « Ô<br />

mon Mathaël, jamais la pauvre Hélène n'<strong>en</strong> arrivera là ! C'est tout simplem<strong>en</strong>t<br />

comme si le cœur du Tout-Puissant était dans le cœur même <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te ; car<br />

il y a <strong>en</strong> elle une telle expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la sphère <strong>de</strong> la vie intérieure divine <strong>en</strong><br />

l'homme qu'il semble qu'on ne puisse appr<strong>en</strong>dre cela ailleurs que <strong>de</strong> la bouche du<br />

Créateur ! On compr<strong>en</strong>d alors qu'elle ne fasse pas si <strong>grand</strong> cas <strong>de</strong> l'ange ; car<br />

pour la sagesse véritable, elle doit lui ressembler comme un œil ressemble à<br />

l'autre. Bi<strong>en</strong> sûr, à n'<strong>en</strong> pas douter, l'ange ti<strong>en</strong>t du Seigneur une puissance <strong>et</strong> une<br />

force infinies ; mais je doute vraim<strong>en</strong>t qu'il possè<strong>de</strong> une plus <strong>grand</strong>e force <strong>de</strong><br />

véritable sagesse issue <strong>de</strong> l'amour du Seigneur que c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te.<br />

13. J'aimerais certes m'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir un peu avec elle, si sa sagesse ne m'inspirait un<br />

tel respect craintif ! Car si une personne <strong>de</strong> ma sorte laissait échapper <strong>de</strong>vant<br />

c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te une seule parole stupi<strong>de</strong>, elle risque <strong>de</strong> se voir si bi<strong>en</strong> corrigée<br />

qu'elle n'osera plus ouvrir la bouche <strong>de</strong> toute sa vie.<br />

14. Si c<strong>et</strong>te jeune fille était pauvre, je voudrais lui offrir toutes les richesses que<br />

j'ai avec moi ; mais, d'après sa mise coûteuse, elle doit être la fille <strong>de</strong> par<strong>en</strong>ts<br />

aisés, <strong>et</strong> un prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong> moi ne trouverait certainem<strong>en</strong>t pas bon accueil auprès<br />

d'elle, d'autant que son extraordinaire sagesse doit déjà mépriser tout le luxe <strong>de</strong><br />

ce mon<strong>de</strong> plus profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core que nous <strong>et</strong> surtout que moi, qui suis bi<strong>en</strong><br />

loin <strong>de</strong> lui arriver à la cheville !<br />

15. J'aime infinim<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te jeune fille ; mais auprès d'elle, je suis véritablem<strong>en</strong>t<br />

saisie <strong>de</strong> crainte.<br />

16. Cep<strong>en</strong>dant, je lui dois une <strong>grand</strong>e reconnaissance pour son avis sur la prière<br />

agréable à Dieu ; mais comm<strong>en</strong>t pourrai-je manifester à c<strong>et</strong>te <strong>en</strong>fant la gratitu<strong>de</strong><br />

qu'elle mérite ? »<br />

17. Jarah, qui, p<strong>en</strong>dant ce temps, s'est <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ue avec Raphaël <strong>de</strong> quelque suj<strong>et</strong>,<br />

dit : « Très gracieuse <strong>et</strong> noble reine, aime-moi comme je t'aime — il ne faut ri<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong> plus ! Tu sais déjà ce que val<strong>en</strong>t pour moi tous les trésors du mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> tu<br />

vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> l'exprimer fort sagem<strong>en</strong>t ; <strong>et</strong> s'il importait vraim<strong>en</strong>t que, pour nous<br />

saluer, nous nous fassions mutuellem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s grossiers trésors <strong>de</strong> la<br />

237


matière, c'est sans doute moi qui pourrais t'offrir les plus <strong>grand</strong>s. Mais qu'est-ce<br />

que tout c<strong>et</strong> apparat terrestre, comparé à la plus p<strong>et</strong>ite étincelle du vrai <strong>et</strong> vivant<br />

amour <strong>en</strong> Dieu dans nos cœurs !? Amie, c'est ce joyau que nous <strong>de</strong>vons<br />

fidèlem<strong>en</strong>t gar<strong>de</strong>r, préserver <strong>et</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir dans nos cœurs, afin qu'il ne nous soit<br />

pas ôté ! Si nous le possédons <strong>et</strong> le conservons, toujours plus magnifique dans sa<br />

pur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> son int<strong>en</strong>sité vivante, alors, nous possédons davantage que ne peut<br />

cont<strong>en</strong>ir le ciel tout <strong>en</strong>tier ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela ? »<br />

Chapitre 124<br />

Hélène parle <strong>de</strong> la puissance <strong>de</strong>s prêtres<br />

1. Hélène dit : « J'ai fort bi<strong>en</strong> compris ce que tu as dit avec tant <strong>de</strong> vérité ; la<br />

seule chose que je ne peux compr<strong>en</strong>dre, c'est comm<strong>en</strong>t tu as acquis une telle sagesse<br />

! »<br />

2. Jarah dit : « Ne te soucie pas <strong>de</strong> cela ; car c'est l'affaire du Seigneur que <strong>de</strong><br />

distribuer aux hommes selon leurs facultés les divers dons <strong>de</strong> Sa grâce <strong>et</strong> <strong>de</strong> les<br />

répandre parmi eux comme le semeur disperse le grain dans un champ labouré.<br />

Si la sem<strong>en</strong>ce tombe sur un bon sol, elle fructifie aisém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. Et ton<br />

cœur est lui aussi un bon champ, n'est-ce pas ? »<br />

3. Hélène dit : « Il <strong>de</strong>vrait l'être ; mais j'ai vécu trop longtemps dans un paganisme<br />

aveugle qui continue <strong>de</strong> résonner <strong>en</strong> moi comme une note mal accordée<br />

d'une harpe éoli<strong>en</strong>ne ! Certes, je connais la vérité désormais, <strong>et</strong> elle est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue<br />

ma vie ; mais songe au <strong>grand</strong> peuple <strong>de</strong> mon pays, <strong>en</strong>core rivé au paganisme <strong>et</strong> à<br />

ses idoles ! Que ne nous faudra-t-il d'efforts pour apporter à ce peuple une<br />

nouvelle lumière <strong>et</strong> l'arracher à sa vieille superstition ! Si nous ne sommes pas<br />

très fermem<strong>en</strong>t sout<strong>en</strong>us <strong>en</strong> cela par la toute-puissante volonté du Seigneur, nous<br />

ne pourrons ri<strong>en</strong> faire, ou bi<strong>en</strong> peu <strong>de</strong> chose ! »<br />

4. Jarah dit : « Mais n'étais-tu pas toi-même, ainsi que ton père, une paï<strong>en</strong>ne, <strong>et</strong><br />

pourtant, il ne t'a pas fallu tant <strong>de</strong> peine ni d'efforts pour t'am<strong>en</strong>er à la pure vérité<br />

! »<br />

5. Hélène dit : « Il est vrai que je ne puis rivaliser avec ta sagesse pour ce qui est<br />

<strong>de</strong>s choses purem<strong>en</strong>t spirituelles ; mais il y a <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s circonstances,<br />

surtout dans ce qui touche aux différ<strong>en</strong>tes religions humaines, qu'il est beaucoup<br />

plus difficile d'écarter que les erreurs mêmes d'une doctrine erronée.<br />

6. D'abord, l'on a affaire à la prêtrise, qui a institué sa doctrine divine <strong>en</strong> sorte<br />

qu'elle lui rapporte le plus possible <strong>et</strong> lui perm<strong>et</strong>te <strong>de</strong> subsister au mieux. De<br />

plus, les temples ont besoin d'une foule <strong>de</strong> choses <strong>et</strong> occup<strong>en</strong>t constamm<strong>en</strong>t un<br />

<strong>grand</strong> nombre d'artistes, d'artisans <strong>et</strong> autres serviteurs <strong>et</strong> domestiques. Tous ces<br />

g<strong>en</strong>s viv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s temples, <strong>et</strong> per<strong>de</strong>nt leur salaire <strong>et</strong> leur pain si les temples cess<strong>en</strong>t<br />

d'exister. Ne vont-ils pas pousser les hauts cris ?!<br />

7. Si l'on pouvait donner à ces g<strong>en</strong>s quelque autre rev<strong>en</strong>u, la chose serait peutêtre<br />

plus aisée ; mais comm<strong>en</strong>t, dans un royaume qui n'est pas si <strong>grand</strong>, trouver<br />

rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t un nouveau gagne-pain pour <strong>de</strong>s milliers, <strong>et</strong> où trouver <strong>de</strong> quoi<br />

238


nourrir tant <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s ? Nous ne serions certes guère embarrassés s'il s'agissait <strong>de</strong><br />

quelques jours ; mais pour <strong>de</strong>s années ! À qui pr<strong>en</strong>dre sans cesser d'être bon <strong>et</strong><br />

équitable ?<br />

8. De plus, la prêtrise jouit toujours auprès du peuple du plus <strong>grand</strong> crédit <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

plus haute considération ; les prêtres malveillants n'ont qu'à dire au peuple que<br />

nous sommes maudits <strong>de</strong>s dieux, <strong>et</strong> l'on verra si nous quittons le pays sains <strong>et</strong><br />

saufs ! — Ce sont là, amie, <strong>de</strong>s choses qui doiv<strong>en</strong>t nous donner à réfléchir !<br />

Comme je l'ai dit, seul le secours miraculeux du Seigneur peut y porter remè<strong>de</strong> !<br />

9. Il sera difficile, dans ce pays <strong>de</strong>s Juifs, <strong>de</strong> répandre la très pure lumière v<strong>en</strong>ue<br />

<strong>de</strong>s cieux, parce que les prêtres ont déjà bi<strong>en</strong> trop farci l'anci<strong>en</strong>ne doctrine<br />

mosaïque d'altérations <strong>et</strong> <strong>de</strong> tromperies qui les ont <strong>en</strong>richis <strong>et</strong> leur font<br />

aujourd'hui la vie bi<strong>en</strong> trop belle. En même temps, la prêtrise a toujours su faire<br />

cause commune avec l'autorité <strong>et</strong> se r<strong>en</strong>dre indisp<strong>en</strong>sable à celle-ci pour toutes<br />

sortes <strong>de</strong> raisons politiques.<br />

10. C'est ainsi que les souverains accor<strong>de</strong>nt aux prêtres trop <strong>de</strong> libertés <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

privilèges grâce auxquels, par toutes sortes <strong>de</strong> faux-semblants, ceux-ci gagn<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t à leur cause un peuple aveugle, <strong>et</strong> les souverains doiv<strong>en</strong>t finalem<strong>en</strong>t<br />

faire contre mauvaise fortune bon cœur s'ils ne veul<strong>en</strong>t pas se perdre tout à fait.<br />

Dans ces conditions, il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t difficile <strong>de</strong> régner sur un peuple. L'on doit même<br />

s'estimer heureux <strong>de</strong> pouvoir <strong>en</strong>core jouer les maîtres, quand <strong>en</strong> réalité on ne l'est<br />

déjà plus <strong>de</strong>puis longtemps.<br />

11. Crois-moi, les vrais maîtres du peuple <strong>et</strong> <strong>de</strong>s peuples sont <strong>de</strong> loin les prêtres,<br />

<strong>et</strong> les empereurs, les rois <strong>et</strong> les princes ne sont que leurs obligés secrètem<strong>en</strong>t fort<br />

mécont<strong>en</strong>ts, dont beaucoup, s'ils le pouvai<strong>en</strong>t, changerai<strong>en</strong>t <strong>et</strong> réformerai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s choses, <strong>et</strong> m<strong>et</strong>trai<strong>en</strong>t au r<strong>en</strong>cart tous ces serviteurs <strong>de</strong> Dieu trop bi<strong>en</strong> nourris !<br />

Mais cela leur est impossible, <strong>et</strong> par <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s humains moins que tout. Ah,<br />

quand j'y p<strong>en</strong>se, cela me t'ait véritablem<strong>en</strong>t dresser les cheveux sur la tête ! —<br />

Compr<strong>en</strong>ds-tu bi<strong>en</strong> toutes ces difficultés ? »<br />

12. Jarah dit : « Assurém<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je sais aussi que Rome ne s'est pas faite <strong>en</strong> un<br />

jour ; mais il faut égalem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> considérer que quantité <strong>de</strong> choses ne nous sont<br />

pas possibles, à nous les hommes, qui le <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tout à fait au nom <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong><br />

avec Son ai<strong>de</strong> !<br />

13. Aussi, fais ce que tu peux <strong>et</strong> laisse tout le reste au Seigneur, <strong>et</strong> tout finira par<br />

atteindre le but souhaitable !<br />

14. Et puis, tu as Mathaël, que le Seigneur a pourvu <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> sagesse <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

force, ainsi crue ses compagnons presque aussi sages <strong>et</strong> puissants que lui ; à eux<br />

tous, ils feront à la longue bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, <strong>et</strong> tu peux être tout à fait tranquille !<br />

15. Et quand Mathaël se m<strong>et</strong>tra à instruire ton pays comme il a fait <strong>de</strong> toi, il ne<br />

<strong>de</strong>vrait pas lui être trop difficile <strong>de</strong> gagner à sa cause <strong>en</strong> premier lieu les prêtres<br />

eux-mêmes, qu'il pourra alors investir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nouvelle fonction ; <strong>et</strong> ceux-ci<br />

sauront bi<strong>en</strong> faire le reste auprès du peuple. Quant aux artistes <strong>et</strong> aux artisans, ils<br />

pourront bi<strong>en</strong> eux aussi être utilisés à d'autres fins par les prêtres convertis !<br />

16. Mais si, très chère amie, tu voulais dès ton r<strong>et</strong>our r<strong>en</strong>verser d'un seul coup<br />

tout l'anci<strong>en</strong>, si <strong>grand</strong>es que soi<strong>en</strong>t ses erreurs, il est facile <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre que les<br />

239


efforts ne serai<strong>en</strong>t guère récomp<strong>en</strong>sés.<br />

17. La vraie sagesse inspirée par Dieu doit aussi savoir trouver partout les bons<br />

moy<strong>en</strong>s ; si elle ne sait pas faire cela, c'est qu'elle est <strong>en</strong>core loin d'être une vraie<br />

sagesse divine. Ce qui est possible avec un homme doit l'être aussi avec <strong>de</strong>s<br />

milliers, mais il y faut naturellem<strong>en</strong>t plus <strong>de</strong> temps <strong>et</strong> <strong>de</strong> pati<strong>en</strong>ce ; cep<strong>en</strong>dant,<br />

avec le temps <strong>et</strong> les moy<strong>en</strong>s appropriés, tout peut arriver. On n'abat pas un arbre<br />

d'un seul coup <strong>de</strong> hache, <strong>et</strong> on ne remplit pas une fontaine au premier seau. Il <strong>en</strong><br />

va <strong>de</strong> même <strong>en</strong> toute chose ; avec la bonne volonté, le temps <strong>et</strong> les bons moy<strong>en</strong>s,<br />

on peut déplacer <strong>de</strong>s montagnes <strong>et</strong> assécher une mer !<br />

18. Ri<strong>en</strong> n'est impossible à Dieu ; là où Il apporte Son ai<strong>de</strong> spirituelle <strong>et</strong> matérielle,<br />

tout arrive ! Ainsi, sois désormais tout à fait consolée <strong>et</strong> fie-toi <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

au Seigneur, <strong>et</strong> tout se passera bi<strong>en</strong> mieux que tu ne l'imagines ! — N'ai-je pas<br />

raison, cher Mathaël ? »<br />

Chapitre 125<br />

Ouran montre combi<strong>en</strong> les craintes d'Hélène sont peu fondées<br />

1. Mathaël dit : « Assurém<strong>en</strong>t, qui ne voudrait le reconnaître ? Mais mon épouse<br />

bi<strong>en</strong>-aimée s'exagère beaucoup l'énormité <strong>de</strong> la tâche ! Il est vrai qu'elle ne sera<br />

pas facile — mais bi<strong>en</strong> loin du n<strong>et</strong>toyage <strong>de</strong>s écuries d'Augias, que le géant<br />

Hercule est c<strong>en</strong>sé avoir accompli dans le bref temps requis ! Je n'ai nulle crainte<br />

<strong>et</strong> crois qu'avec l'ai<strong>de</strong> du Seigneur, tout ira fort bi<strong>en</strong> ! »<br />

2. Hélène dit : « Je l'espère aussi ; mais je connais mon peuple <strong>et</strong> toutes les<br />

institutions fort anci<strong>en</strong>nes du pays, <strong>et</strong> je puis te dire que parmi eux, c'est-à-dire<br />

chez les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> mon royaume, il est bi<strong>en</strong> difficile d'être <strong>et</strong> <strong>de</strong> rester un être<br />

humain !<br />

3. Il y a bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s erreurs humaines contre lesquelles il est facile <strong>de</strong> partir <strong>en</strong><br />

guerre, mais c'est une tâche <strong>de</strong> géant que <strong>de</strong> s'attaquer au fanatisme d'une<br />

superstition <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue adamantine, <strong>et</strong> que la prêtrise s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d à stimuler par<br />

toutes sortes <strong>de</strong> faux miracles.<br />

4. Il faudrait au moins pouvoir accomplir <strong>de</strong>s miracles extraordinaires, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core,<br />

c'est à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si l'on y gagnerait quelque chose avec le peuple ! Cela ne fera<br />

que le sortir d'une superstition pour le plonger dans une autre, si on ne l'éclaire<br />

pas <strong>en</strong> même temps sur la manière <strong>de</strong> distinguer un vrai miracle d'un faux ; mais<br />

comm<strong>en</strong>t y parv<strong>en</strong>ir quand on n'<strong>en</strong> sait que fort peu sur ce que sont vraim<strong>en</strong>t les<br />

faux miracles ?<br />

5. Quant aux anci<strong>en</strong>s prêtres, ayant déjà accompli aux yeux du peuple tant <strong>de</strong><br />

faux miracles pour accréditer leurs tromperies, ils ne voudront jamais désavouer<br />

ceux-ci ! S'ils le faisai<strong>en</strong>t, le peuple tout <strong>en</strong>tier se j<strong>et</strong>terait sur eux <strong>et</strong> les m<strong>et</strong>trait<br />

<strong>en</strong> pièces ; car on n'a jamais instruit tout un <strong>grand</strong> peuple aussi rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t qu'un<br />

seul homme.<br />

6. La question <strong>de</strong>s prêtres doit donc se régler d'une tout autre manière, <strong>et</strong> il faut<br />

pr<strong>en</strong>dre le peuple tout à fait au dépourvu si l'on veut qu'il puisse accepter un<br />

240


changem<strong>en</strong>t si radical ; nous pourrons dire que nous aurons eu <strong>de</strong> la chance si, <strong>en</strong><br />

dix ans, nous réussissons à faire <strong>en</strong> sorte qu'il soit <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u possible <strong>de</strong> parler au<br />

peuple <strong>de</strong>s choses <strong>de</strong> l'esprit !<br />

7. Mathaël, mon époux bi<strong>en</strong>-aimé, tu sais que je ne doute pas un instant <strong>de</strong> ta<br />

<strong>grand</strong>e sagesse, ni <strong>de</strong> la nécessité d'une ai<strong>de</strong> extraordinaire du Seigneur ; mais je<br />

connais aussi toutes les difficultés qui se dresseront <strong>de</strong>vant nous comme <strong>de</strong>s<br />

géants, <strong>et</strong> il y a fort à parier que nous <strong>de</strong>vrons une nouvelle fois quitter le pays !<br />

8. Si divinem<strong>en</strong>t pure <strong>et</strong> magnifique que soit c<strong>et</strong>te doctrine, qui procure <strong>en</strong> outre<br />

une telle félicité, le mon<strong>de</strong> va bi<strong>en</strong> trop mal, <strong>et</strong> c'est pourquoi, selon moi, ce sera<br />

toujours une très lour<strong>de</strong> tâche que <strong>de</strong> prêcher le divin Évangile <strong>de</strong> paix aux<br />

diables <strong>de</strong> l'Orcus ! »<br />

9. Mathaël dit : « Oh, il est vrai que ce ne sera pas tâche facile ; mais notre joie<br />

n'<strong>en</strong> sera que plus <strong>grand</strong>e lorsque, avec l'ai<strong>de</strong> du Seigneur, nous aurons pu l'accomplir<br />

! Et nous y parvi<strong>en</strong>drons, dût le mon<strong>de</strong> tomber <strong>en</strong> ruine ! Car pour cela,<br />

je suis un homme intransigeant : ce que j'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>ds doit aller à son terme ! —<br />

Et maint<strong>en</strong>ant, parlons d'autre chose. »<br />

10. Ouran dit : « Vous aurez bi<strong>en</strong> raison <strong>de</strong> changer <strong>de</strong> suj<strong>et</strong> ! Car p<strong>en</strong>dant que<br />

vous parliez, j'ai fait un p<strong>et</strong>it somme fort réparateur, mais <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>emps, j'ai<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du quelques bribes <strong>de</strong> votre conversation, <strong>et</strong>, je vous le dis, la p<strong>et</strong>ite (Jarah)<br />

a tout à fait raison, <strong>et</strong> toi, Mathaël, mon fils, tu as raison aussi ; mais l'inquiétu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> ma bonne fille, si elle n'est pas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t sans fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, est pourtant bi<strong>en</strong><br />

vaine !<br />

11. Car je connais mon peuple aussi bi<strong>en</strong> que moi-même : pour la plus <strong>grand</strong>e<br />

part, il est commerçant <strong>et</strong> a l'occasion <strong>de</strong> connaître toutes sortes <strong>de</strong> peuples, avec<br />

leurs us <strong>et</strong> coutumes <strong>et</strong> leur religion. Il y a certes, dans l'intérieur du pays, <strong>de</strong>s<br />

contrées <strong>en</strong>core fortem<strong>en</strong>t attachées à leurs oracles ; mais sur les côtes, on vous<br />

cé<strong>de</strong>ra tous les dieux pour quelques sous. Pour la plupart, la prêtrise a <strong>de</strong>puis<br />

longtemps déjà la pire réputation, <strong>et</strong> la philosophie a <strong>de</strong>puis longtemps supplanté<br />

la croyance aux dieux.<br />

12. Quant à la Tauri<strong>de</strong>, sur la partie méridionale <strong>de</strong> laquelle je règne égalem<strong>en</strong>t,<br />

il y a bi<strong>en</strong> longtemps que la g<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s dieux y a disparu, ce à quoi le poète romain<br />

Ovi<strong>de</strong>, qui y a séjourné quelque temps, n'a pas peu contribué par ses<br />

Métamorphoses — dans lesquelles il tournait honorablem<strong>en</strong>t les dieux <strong>en</strong> ridicule<br />

d'une manière poétique. Platon, Socrate <strong>et</strong> Aristote sont désormais les<br />

dieux <strong>de</strong> l'époque, <strong>et</strong> avec eux, c<strong>et</strong>te doctrine s'<strong>en</strong>racinera fort aisém<strong>en</strong>t ; car ces<br />

trois sages ont eux aussi prêché l'exist<strong>en</strong>ce d'un seul vrai Dieu <strong>et</strong> <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

réfuté le polythéisme <strong>en</strong> tant que réalité au plein s<strong>en</strong>s du terme pour ne plus le<br />

considérer que comme une <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s qualités du seul <strong>et</strong> unique vrai Dieu<br />

éternel.<br />

13. Nous-mêmes, nous ne serions peut-être jamais v<strong>en</strong>us dans ce pays <strong>de</strong>s Juifs si<br />

nous n'avions <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire que c<strong>et</strong> unique vrai Dieu était prés<strong>en</strong>t d'une manière<br />

presque visible dans le Temple <strong>de</strong> Jérusalem, que Platon, <strong>en</strong> particulier, décrit<br />

dans son Symposion (*) , <strong>et</strong> que l'on pouvait s'unir <strong>en</strong> esprit à c<strong>et</strong> unique vrai Dieu !<br />

(*) Le Banqu<strong>et</strong>.<br />

241


L'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> mon peuple n'ignore pas cela, <strong>et</strong> sur c<strong>et</strong>te base, il est fort possible<br />

<strong>de</strong> construire dignem<strong>en</strong>t !<br />

14. À Jérusalem, je me serais bi<strong>en</strong> sûr fait initier à toutes ces choses, <strong>et</strong>, si j'y<br />

avais trouvé quoi que ce soit qui me satisfît, je l'eusse aussitôt rapporté à mon<br />

peuple. Mais nous sommes v<strong>en</strong>us ici, c'est-à-dire au maître forgeron plutôt qu'à<br />

l'appr<strong>en</strong>ti — ce qui, après tout ce que nous avons vécu, vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, ne fait plus<br />

le moindre doute —, <strong>et</strong> c'est là vraisemblablem<strong>en</strong>t un acte <strong>de</strong> grâce libéral <strong>et</strong><br />

extraordinaire par lequel le Seigneur récomp<strong>en</strong>se notre bonne volonté<br />

auth<strong>en</strong>tique, dont nous ne voulons certes <strong>en</strong> aucun cas nous glorifier. Mais nous<br />

aurons la tâche d'autant plus facile chez nous que l'ai<strong>de</strong> divine que nous avons<br />

vérifiée ici nous sera <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t acquise <strong>en</strong> toute occasion !<br />

15. Ma très chère fille, nous ne cherchions pas tout ce que nous avons trouvé,<br />

loin <strong>de</strong> là. Si nous avions seulem<strong>en</strong>t trouvé un peu plus que dans le Symposion <strong>de</strong><br />

Platon, nous serions r<strong>en</strong>trés chez nous déjà infinim<strong>en</strong>t satisfaits. Que dire à<br />

prés<strong>en</strong>t que nous avons trouvé ce que Platon n'eût jamais imaginé dans son<br />

Symposion ?! Maint<strong>en</strong>ant, nous pouvons r<strong>en</strong>trer chez nous pleins d'allégresse <strong>et</strong><br />

proclamer hautem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant les peuples étonnés tout ce que nous avons vécu, vu<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dans notre quête ! Je dois vous dire que je m'<strong>en</strong> réjouis déjà <strong>de</strong> tout<br />

mon cœur !<br />

16. Aussi ne compr<strong>en</strong>ds-je toujours pas, Hélène, comm<strong>en</strong>t tu as pu concevoir la<br />

moindre crainte à ce suj<strong>et</strong> !<br />

17. Je n'<strong>en</strong> conteste certes pas absolum<strong>en</strong>t le bi<strong>en</strong>-fondé ; cep<strong>en</strong>dant, cela vaut<br />

sans doute moins pour notre pays que pour les Juifs, chez qui, à prés<strong>en</strong>t que je les<br />

connais un peu mieux, je vois beaucoup <strong>de</strong> tromperie, <strong>de</strong> <strong>de</strong>spotisme <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

malveillance. Oui, c'est bi<strong>en</strong> là que ta crainte serait fondée, plutôt que chez mes<br />

agneaux <strong>de</strong> suj<strong>et</strong>s ! — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu, Mathaël, mon très cher <strong>et</strong> très honoré fils<br />

? »<br />

18. Mathaël dit : « Je suis tout à fait <strong>de</strong> ton avis ; car il se passe aujourd'hui au<br />

Temple <strong>de</strong> Jérusalem <strong>de</strong>s choses si monstrueuses qu'il serait fort audacieux d'y<br />

faire paraître c<strong>et</strong>te doctrine ! Dans ce Temple, où il est vrai que l'esprit <strong>de</strong> Yahvé<br />

était jadis visiblem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>t dans le Saint <strong>de</strong>s Saints, règne tout ce qu'il y a <strong>de</strong><br />

plus mauvais <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus méchant ; il n'y a plus là aucune trace réelle <strong>de</strong> quoi que<br />

ce soit <strong>de</strong> divin, mais uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s noms vi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> s<strong>en</strong>s ! Et les prêtres sont <strong>de</strong>s<br />

loups <strong>et</strong> <strong>de</strong>s hyènes déguisés <strong>en</strong> agneaux. Un jour que nous serons <strong>en</strong>tre nous,<br />

j'aurai bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses à vous conter là-<strong>de</strong>ssus, puisque j'ai moi-même appart<strong>en</strong>u<br />

au Temple ! Mais laissons cela pour le mom<strong>en</strong>t ; car il y a ici <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> meilleurs<br />

suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> conversation que le Temple <strong>de</strong> Jérusalem, qui ne connaît désormais plus<br />

aucun Dieu !<br />

19. Il faut maint<strong>en</strong>ant que j'importune <strong>en</strong>core ma très chère Jarah ; car elle recèle<br />

<strong>en</strong> elle d'autres secr<strong>et</strong>s dont nous ne connaissons pas <strong>en</strong>core le premier mot !<br />

Jarah, conte-nous donc quelques-unes <strong>de</strong>s choses que tu as vécues. »<br />

242


Chapitre 126<br />

Jarah raconte ses expéri<strong>en</strong>ces dans les étoiles<br />

1. Jarah dit : « Oh, bi<strong>en</strong> volontiers — mais vous aurez sans doute peine à me<br />

croire ! Toi aussi, cher Mathaël, tu connais très bi<strong>en</strong> les étoiles ; mais je les<br />

connais peut-être <strong>en</strong>core mieux, ce qui, bi<strong>en</strong> sûr, n'est pas le fruit d'un quelconque<br />

mérite <strong>de</strong> ma part, mais uniquem<strong>en</strong>t une grâce extraordinaire du Seigneur.<br />

Att<strong>en</strong>ds, que je te pose d'abord une question ! Si tu peux y répondre d'une<br />

manière satisfaisante, c'est que tu <strong>en</strong> sais autant que moi ; mais si ta réponse<br />

laisse à désirer, alors, il me sera loisible <strong>de</strong> t'appr<strong>en</strong>dre bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses que je<br />

sais. — Que sont donc, selon toi, les p<strong>et</strong>ites étoiles du firmam<strong>en</strong>t ? »<br />

2. Mathaël dit : « Ma très chère Jarah, c'est là une question quelque peu<br />

singulière ! En ce qui concerne le soleil, la lune <strong>et</strong> quelques autres planètes, je<br />

pourrais sans doute te donner une réponse qui te satisfasse ; mais la vision <strong>de</strong><br />

mon âme n'a pas <strong>en</strong>core pénétré jusqu'aux étoiles fixes. Je suppose que ce sont<br />

d'autres mon<strong>de</strong>s éloignés, comme le Seigneur l'a déjà laissé <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ; mais à<br />

quoi ils ressembl<strong>en</strong>t exactem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> quelles peuv<strong>en</strong>t être leur nature <strong>et</strong> leur<br />

organisation, je ne peux certes pas te le dire, <strong>et</strong> si tu voulais bi<strong>en</strong> me donner<br />

quelque <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t là-<strong>de</strong>ssus, je t'<strong>en</strong> prierais instamm<strong>en</strong>t ! »<br />

3. Jarah dit : « Cher Mathaël, si tu ne peux croire que je me suis r<strong>en</strong>due <strong>en</strong> chair<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong> os sur quelques-unes <strong>de</strong> ces étoiles, mon récit ne te sera guère utile. Mais si<br />

tu peux le croire, alors, je peux bi<strong>en</strong> aussi te révéler certaines choses ! »<br />

4. Mathaël dit : « Ma très chère <strong>en</strong>fant, ce que tu avances m<strong>et</strong> vraim<strong>en</strong>t la foi à<br />

très ru<strong>de</strong> épreuve, car je ne peux <strong>en</strong> concevoir la possibilité physique. Pareille<br />

chose est sans doute possible <strong>en</strong> esprit, dans une sorte d'extase <strong>de</strong> l'âme, <strong>et</strong> je<br />

croirai volontiers alors ce que tu me conteras <strong>de</strong>s étoiles fixes les plus lointaines ;<br />

mais quand tu me dis "<strong>en</strong> chair <strong>et</strong> <strong>en</strong> os", c'est là, très chère, que je ne peux plus<br />

te croire dès l'abord, <strong>et</strong> ton récit, peut-être <strong>en</strong> soi tout à fait vrai <strong>et</strong> juste, perd<br />

beaucoup <strong>de</strong> sa vérité effective dès lors que le propos qui le conditionne ne peut<br />

qu'apparaître purem<strong>en</strong>t impossible. »<br />

5. Jarah dit : « Et pourquoi <strong>de</strong>vrait-il être impossible que je sois allée moi-même<br />

<strong>en</strong> chair <strong>et</strong> <strong>en</strong> os sur certaines <strong>de</strong> ces étoiles ? Toutes choses ne sont-elles pas<br />

possibles à Dieu ? »<br />

6. Mathaël dit : « Oh, certainem<strong>en</strong>t, ri<strong>en</strong> n'est impossible à Dieu ; mais Dieu a<br />

disposé toutes choses dans un ordre donné, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> ordre est une loi qu'il observe<br />

Lui-même <strong>et</strong> doit observer plus scrupuleusem<strong>en</strong>t que quiconque, sans quoi toute<br />

la Création cesserait d'exister <strong>en</strong> un instant. Le Seigneur fait ici <strong>de</strong> nombreux<br />

miracles, mais, pour un observateur rigoureux, aucun ne s'écarte jamais <strong>de</strong> Sa<br />

sainte ordonnance éternelle.<br />

7. Lorsque, ce soir, quelqu'un a souhaité que le jour fût prolongé, Il n'a pas fait<br />

arrêter la terre ou, <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce, le vrai soleil — ce qui, selon Ses propres<br />

paroles, eût été contre Son ordonnance —, <strong>et</strong>, s'il faisait une telle chose, toute vie<br />

serait <strong>en</strong> très <strong>grand</strong> péril sur la terre. Ce qui ne serait pas anéanti par<br />

l'extraordinaire viol<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la soudaine poussée trouverait d'autant plus sûrem<strong>en</strong>t<br />

243


la mort dans les flots qui submergerai<strong>en</strong>t alors toutes les terres fermes.<br />

8. Vois-tu, telle que je connais maint<strong>en</strong>ant la terre <strong>et</strong> ses régions aéri<strong>en</strong>nes, je sais<br />

qu'à une hauteur <strong>de</strong> seulem<strong>en</strong>t dix lieues au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> nous, une créature vivante<br />

ne saurait pas plus subsister qu'un poisson hors <strong>de</strong> l'eau, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core un poisson<br />

peut-il se maint<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> vie plus longtemps qu'un homme ne le pourrait à dix<br />

lieues au-<strong>de</strong>ssus du sol terrestre. Que dire alors <strong>de</strong> l'infinie distance qui sépare<br />

c<strong>et</strong>te terre <strong>de</strong> la plus proche <strong>de</strong> ces étoiles fixes !<br />

9. L'éloignem<strong>en</strong>t du soleil, que mon âme libre peut mesurer exactem<strong>en</strong>t, est déjà<br />

une chose effrayante ; une flèche tirée vers lui <strong>de</strong>vrait voler plus <strong>de</strong> cinquante (*)<br />

ans à la même vitesse avant <strong>de</strong> l'atteindre. Quant aux étoiles fixes les plus<br />

proches, elles sont, d'après le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mon âme, auquel on ne peut bi<strong>en</strong> sûr<br />

se lier absolum<strong>en</strong>t, au moins dix fois c<strong>en</strong>t mille fois plus éloignées <strong>de</strong> nous que<br />

ne l'est le soleil, <strong>et</strong> le vol d'une flèche tirée vers l'une d'elles durerait donc un<br />

million <strong>de</strong> fois cinquante ans ! Mais si un homme se mouvait aussi vite qu'une<br />

flèche que l'on vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> décocher, l'air se précipitant à sa r<strong>en</strong>contre le lacérerait<br />

<strong>en</strong> un instant ; qu'advi<strong>en</strong>drait-il alors <strong>de</strong> lui, <strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme, s'il traversait <strong>en</strong><br />

quelques instants l'espace effroyable ?! Que <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t sa chair <strong>et</strong> son sang ? !<br />

10. Les lois <strong>de</strong> la nature, vois-tu, ont été données par Dieu <strong>et</strong> ne peuv<strong>en</strong>t cesser<br />

qu'avec la nature elle-même ; mais tant que la nature subsiste, l'immuable loi<br />

naturelle se perpétue elle aussi. Il ne peut y avoir aucune exception ; car toute<br />

exception, si p<strong>et</strong>ite fut-elle, <strong>en</strong>traînerait une perturbation incalculable <strong>de</strong><br />

l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s choses, qui dép<strong>en</strong><strong>de</strong>nt toutes les unes <strong>de</strong>s autres<br />

comme les maillons d'une chaîne. Et il suffit d'arracher un maillon d'une chaîne<br />

pour que la chaîne tout <strong>en</strong>tière per<strong>de</strong> tout pouvoir <strong>de</strong> lier ! Voici donc les raisons<br />

pour lesquelles il m'est pour le mom<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> croire que tu aies pu<br />

véritablem<strong>en</strong>t visiter <strong>en</strong> chair <strong>et</strong> <strong>en</strong> os plusieurs étoiles fixes.<br />

11. Il se peut certes qu'à Dieu, bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses soi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core possibles que,<br />

malgré toute ma sagesse, je suis <strong>en</strong>core loin <strong>de</strong> pouvoir compr<strong>en</strong>dre ; mais ton<br />

affirmation, ma très chère Jarah, t<strong>en</strong>d malgré tout un peu trop vers le prodigieux<br />

<strong>et</strong> l'extraordinaire pour que je puisse l'accepter comme vraie avant que tu m'aies<br />

prouvé sa possibilité par <strong>de</strong>s raisons <strong>en</strong> accord avec l'ordre divin établi <strong>de</strong> toute<br />

éternité.<br />

12. Il ne faut d'ailleurs pas que tu <strong>en</strong> sois fâchée, car je ne conteste pas pour<br />

autant absolum<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te possibilité ; c'est seulem<strong>en</strong>t que, pour les raisons que je<br />

t'ai données, qui ne sont tout <strong>de</strong> même pas dénuées <strong>de</strong> tout fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, je ne puis<br />

accepter la chose comme une vérité édifiante. Mais peut-être as-tu <strong>de</strong> cela <strong>de</strong>s<br />

preuves irréfutables, ce que je ne puis savoir ! Si tu disposes <strong>de</strong> telles preuves,<br />

fais-les-moi <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, <strong>et</strong> à l'av<strong>en</strong>ir, je ne douterai plus <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> ce que tu me<br />

diras ! »<br />

13. Jarah dit : « Oui, oui, tu es assurém<strong>en</strong>t un homme fort sage <strong>et</strong> d'une intellig<strong>en</strong>ce<br />

extraordinaire ; <strong>et</strong> pourtant, tu es <strong>en</strong>core loin <strong>de</strong> tout compr<strong>en</strong>dre ! Ah, si<br />

l'on pouvait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r quelque chose à Raphaël, il lui serait bi<strong>en</strong> facile <strong>de</strong> faire<br />

v<strong>en</strong>ir ici <strong>en</strong> un instant les quelques œuvres <strong>de</strong> la nature que j'ai rapportées avec<br />

(*) Plus loin (chap. 174,10), .Tarah évalue c<strong>et</strong>te durée à vingt ans. (N.d.E.A.)<br />

244


moi sur terre <strong>en</strong> souv<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> ces étoiles <strong>et</strong> pour témoigner que j'y suis vraim<strong>en</strong>t<br />

allée ; mais avec lui, il n'y a ri<strong>en</strong> à faire, aussi ne puis-je te prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>s preuves<br />

aussi tangibles. Il est vrai que, <strong>en</strong> tant que simple homme <strong>de</strong> chair, tu pourrais là<br />

<strong>en</strong>core douter <strong>de</strong> leur auth<strong>en</strong>ticité ; mais ton âme remplie <strong>de</strong> l'Esprit divin<br />

pourrait du moins reconnaître aisém<strong>en</strong>t que ces témoignages rapportés <strong>en</strong><br />

souv<strong>en</strong>ir n'apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas à c<strong>et</strong>te terre. Car il y a <strong>en</strong> eux une magnific<strong>en</strong>ce <strong>et</strong><br />

une richesse <strong>de</strong>vant laquelle ce que la terre a <strong>de</strong> plus précieux paraît une vulgaire<br />

charogne. Ce serait là une parure impériale d'une valeur inestimable ! — Mais<br />

laissons cela ; car l'aube comm<strong>en</strong>ce à poindre à l'ori<strong>en</strong>t ! Le sabbat approche, <strong>et</strong> il<br />

s'agit <strong>de</strong> se préparer à ce jour du Seigneur ! »<br />

14. Mathaël dit : « Tu as parfaitem<strong>en</strong>t raison ; mais nous ne pourrons donc pas<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre dès aujourd'hui la suite <strong>de</strong> ta démonstration sur la manière dont tu as<br />

foulé le sol <strong>de</strong> plusieurs étoiles fixes !? »<br />

15. Jarah dit : « Comm<strong>en</strong>t le pourrions-nous ? Tes argum<strong>en</strong>ts contraires sont trop<br />

soli<strong>de</strong>s <strong>et</strong> trop bi<strong>en</strong> fondés dans la perman<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> l'immuabilité <strong>de</strong> l'ordre divin,<br />

<strong>et</strong> je ne puis t'apporter <strong>de</strong> preuve <strong>de</strong> ma réelle visite <strong>de</strong>s étoiles fixes, si ce n'est<br />

qu'à Dieu, toutes choses, si impossibles qu'elles apparaiss<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

humain, sont pourtant possibles.<br />

16. As-tu calculé <strong>et</strong> mesuré le temps qu'il a fallu au Seigneur, par le truchem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> mon Raphaël, pour ram<strong>en</strong>er à la rive du milieu <strong>de</strong> la mer les vaisseaux<br />

d'Ouran ? Un seul cheveu <strong>de</strong> quiconque a-t-il été dérangé par une aussi rapi<strong>de</strong><br />

transportation ? Combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps a-t-il fallu à Raphaël pour pr<strong>en</strong>dre dans les<br />

vaisseaux <strong>et</strong> installer sur la rive dans un ordre parfait les <strong>grand</strong>es t<strong>en</strong>tes d'Ouran<br />

<strong>et</strong> tous les eff<strong>et</strong>s, parfois très fragiles, qu'il avait emportés avec lui ?<br />

17. N'as-tu pas remarqué la rapi<strong>de</strong> écriture <strong>de</strong> Raphaël ?! Cela ne contraste-t-il<br />

pas avec les lois naturelles ordinaires, même prises dans leur s<strong>en</strong>s le moins strict,<br />

<strong>et</strong> ne l'as-tu pas vu se produire pourtant sous tes yeux ?! Tes raisons te<br />

perm<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t-elles d'affirmer que pareille chose est impossible ?!<br />

18. Si je puis te dire cela, c'est parce que j'ai expérim<strong>en</strong>té corporellem<strong>en</strong>t, comme<br />

<strong>en</strong>core aucun mortel <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, qu'il existe dans l'infini du cosmos <strong>de</strong>s<br />

mon<strong>de</strong>s solaires d'une taille si prodigieuse que, s'ils étai<strong>en</strong>t creux, l'espace<br />

cont<strong>en</strong>u <strong>en</strong> eux serait plus vaste que tout celui que tu peux apercevoir d'ici aux<br />

étoiles fixes <strong>de</strong> première, <strong>de</strong>uxième <strong>et</strong> troisième <strong>grand</strong>eur ! Ces mon<strong>de</strong>s solaires<br />

colossaux, autour <strong>de</strong>squels se meuv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s régions solaires <strong>en</strong>tières avec leurs<br />

innombrables soleils c<strong>en</strong>traux <strong>et</strong> planétaires, tourn<strong>en</strong>t eux-mêmes, pour se<br />

nourrir, autour d'un soleil c<strong>en</strong>tral <strong>en</strong>core infinim<strong>en</strong>t plus <strong>grand</strong>, <strong>et</strong> cela d'un<br />

mouvem<strong>en</strong>t si rapi<strong>de</strong> que tu ne saurais le suivre même par la p<strong>en</strong>sée !<br />

19. D'ici à n'importe quelle étoile fixe <strong>de</strong> première, <strong>de</strong>uxième, troisième <strong>et</strong> même<br />

quatrième <strong>grand</strong>eur, un tel vol durerait à peine sept instants, <strong>et</strong>, avec notre soleil<br />

<strong>et</strong> notre soleil c<strong>en</strong>tral planétaire, qui accompagne avec la même rapidité, dans<br />

son <strong>grand</strong> mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> rotation, le soleil c<strong>en</strong>tral <strong>de</strong> sa région solaire, nous<br />

suivons nous aussi sans discontinuer exactem<strong>en</strong>t le même mouvem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> cela est<br />

conforme à la loi naturelle <strong>et</strong> confirmé par toutes les règles <strong>de</strong>s mathématiques<br />

supérieures ! En perçois-tu quoi que ce soit, <strong>et</strong> si nous parcourons <strong>en</strong> un instant<br />

<strong>de</strong>s distances si incomm<strong>en</strong>surables dans l'espace infini <strong>de</strong> la Création, cela<br />

245


trouble-t-il quelque corps céleste ou nous-mêmes ?<br />

20. Et si <strong>de</strong>s corps célestes aussi énormes peuv<strong>en</strong>t filer à une vitesse aussi<br />

inconcevable sans dommage pour leur exist<strong>en</strong>ce, combi<strong>en</strong> plus aisém<strong>en</strong>t, si le<br />

Seigneur le veut, un corps comme le mi<strong>en</strong> !?<br />

21. Peux-tu maint<strong>en</strong>ant imaginer un peu mieux la possibilité que j'aie réellem<strong>en</strong>t<br />

voyagé physiquem<strong>en</strong>t vers quelques-unes <strong>de</strong>s étoiles fixes les plus proches ? »<br />

22. Mathaël dit : « Ô fill<strong>et</strong>te, <strong>en</strong> toi <strong>de</strong>meure tout un ciel <strong>de</strong> sagesse, <strong>et</strong> à prés<strong>en</strong>t,<br />

je comm<strong>en</strong>ce véritablem<strong>en</strong>t à croire à la possible vérité <strong>de</strong> tes si étranges<br />

affirmations ! Mais ne nous <strong>en</strong> dis pas davantage pour l'instant, car nos âmes ne<br />

sont pas <strong>en</strong>core assez vastes pour embrasser <strong>de</strong> telles imm<strong>en</strong>sités ; moi-même, si<br />

peu bornée que soit mon âme, il me faudra <strong>en</strong>core quelques années ! »<br />

Chapitre 127<br />

Discussion sur l'étrang<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Mathaël se tait pour méditer <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce ce qu'a dit Jarah, tandis<br />

qu'Hélène <strong>et</strong> Ouran, plongés dans le plus profond étonnem<strong>en</strong>t, contempl<strong>en</strong>t Jarah<br />

sans mot dire ; quant à Jarah, elle contemple la ville, qui brûle <strong>en</strong>core avec<br />

viol<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> att<strong>en</strong>d avec une <strong>grand</strong>e impati<strong>en</strong>ce Mon r<strong>et</strong>our. Tout est désormais<br />

parfaitem<strong>en</strong>t sil<strong>en</strong>cieux sur la montagne, il n'y a d'animation que dans la maison<br />

<strong>de</strong> Marc, à cause <strong>de</strong>s visiteurs annoncés, Cornélius <strong>et</strong> Faustus, <strong>et</strong> le jour se lève<br />

peu à peu.<br />

2. Tout <strong>de</strong>meura ainsi tranquille sur la montagne p<strong>en</strong>dant une bonne heure, si ce<br />

n'est que l'on s'agitait beaucoup dans la maison <strong>de</strong> Marc, à cause, comme il a été<br />

dit, <strong>de</strong>s invités annoncés, mais aussi à cause <strong>de</strong> ceux qui ne manquerai<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t<br />

pas d'arriver <strong>de</strong> la ville sinistrée.<br />

3. À la faveur du sil<strong>en</strong>ce, cep<strong>en</strong>dant, beaucoup s'<strong>en</strong>dormir<strong>en</strong>t vers le matin.<br />

Même Cyrénius, Jules, le garçon Josoé <strong>et</strong> plusieurs <strong>de</strong>s hauts fonctionnaires qui<br />

accompagnai<strong>en</strong>t Cyrénius s'<strong>en</strong>dormir<strong>en</strong>t ; mais les tr<strong>en</strong>te jeunes Pharisi<strong>en</strong>s, qui<br />

avai<strong>en</strong>t observé avec la plus <strong>grand</strong>e att<strong>en</strong>tion l'inc<strong>en</strong>die <strong>de</strong> la ville, <strong>de</strong>meurèr<strong>en</strong>t<br />

éveillés <strong>et</strong> discutèr<strong>en</strong>t beaucoup <strong>de</strong> ce qu'ils avai<strong>en</strong>t vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même<br />

les douze dont faisai<strong>en</strong>t partie Suétal, Ribar <strong>et</strong> Baël.<br />

4. Mathaël, Hélène, Jarah, Ouran <strong>et</strong>, aux côtés <strong>de</strong> Mathaël, ses quatre compagnons,<br />

Rob, Boz, Micha <strong>et</strong> Zahr, <strong>de</strong>meurai<strong>en</strong>t certes éveillés eux aussi, remuant<br />

<strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s p<strong>en</strong>sées ; mais tous se taisai<strong>en</strong>t, car, bi<strong>en</strong> que réfléchissant à<br />

toutes les choses que Jarah leur avait contées, ils n'osai<strong>en</strong>t lui poser d'autres<br />

questions. Cep<strong>en</strong>dant, Jarah réfléchissait elle aussi, se <strong>de</strong>mandant si elle n'<strong>en</strong><br />

avait pas trop dit <strong>en</strong> une seule fois à tous ces g<strong>en</strong>s.<br />

5. Ce n'est que longtemps après, comme l'horizon comm<strong>en</strong>çait à rougeoyer, que<br />

Rob, ordinairem<strong>en</strong>t fort sil<strong>en</strong>cieux, ouvrit la bouche <strong>et</strong> dit : « Chers amis, malgré<br />

toutes mes réflexions, je ne parvi<strong>en</strong>s pas à trouver la paix <strong>en</strong> moi-même. En<br />

vérité, tout ici est si extraordinairem<strong>en</strong>t étrange qu'on a sans cesse l'impression<br />

<strong>de</strong> rêver, <strong>et</strong> l'on a beau faire, on ne parvi<strong>en</strong>t pas à se familiariser suffisamm<strong>en</strong>t<br />

246


avec tout ce que l'on voit <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d pour s'y s<strong>en</strong>tir à l'aise ! Et ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

croissant d'étrang<strong>et</strong>é est <strong>en</strong>core <strong>en</strong> soi la plus naturelle <strong>de</strong> toutes les choses qui<br />

peuv<strong>en</strong>t occuper nos p<strong>en</strong>sées. Car tout n'est que miracle sur miracle, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

l'espèce la plus colossale !<br />

6. Toi, frère Mathaël, tu es <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u ici roi d'un <strong>grand</strong> pays, <strong>et</strong> nous tes consuls ! Il<br />

suffit d'un regard du <strong>grand</strong> <strong>et</strong> saint Maître sur c<strong>et</strong>te vaste terre pour qu'elle<br />

tremble comme un <strong>en</strong>fant <strong>de</strong>vant la férule ! Il y a aussi le jeune <strong>grand</strong> magici<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s cieux, qui accomplit <strong>de</strong>s choses à faire véritablem<strong>en</strong>t dresser les cheveux sur<br />

la tête à <strong>de</strong>s hommes comme nous ! Et voici que c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te nous conte<br />

maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>s choses à vous r<strong>en</strong>dre fou le plus facilem<strong>en</strong>t du mon<strong>de</strong> ! Est-il<br />

vraim<strong>en</strong>t possible, dis-le-moi, <strong>de</strong> s'accoutumer jamais à <strong>de</strong> telles choses !<br />

7. Mais où a-t-il pu aller p<strong>en</strong>dant tout ce temps ? Il y a bi<strong>en</strong> trois heures maint<strong>en</strong>ant<br />

qu'il nous a quittés, <strong>et</strong> Il ne revi<strong>en</strong>t toujours pas ! »<br />

8. Un autre <strong>de</strong>s quatre compagnons <strong>de</strong> Mathacl, qui s'appelle Boz <strong>et</strong> n'est pas<br />

plus bavard, dit à Rob : « Ce que tu éprouves, je l'éprouve moi-même, <strong>et</strong> j'ai beau<br />

faire, je ne parvi<strong>en</strong>s pas à comm<strong>en</strong>cer à me s<strong>en</strong>tir un peu à mon aise ici ! Tout ce<br />

qui arrive me paraît aussi inatt<strong>en</strong>du que possible, <strong>et</strong> <strong>en</strong> même temps, à sa<br />

manière, toujours si extraordinairem<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>iose qu'on ne saurait ri<strong>en</strong> imaginer<br />

qui le soit davantage. Chaque acte, chaque parole, chaque récit r<strong>en</strong>voie à la<br />

poussière du néant tout ce que l'oreille humaine a pu <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, tout ce que l'œil a<br />

jamais pu voir jusqu'à ce jour, si bi<strong>en</strong> que <strong>de</strong> tout cela, y compris <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

tous ses prodiges, il ne reste que poussière.<br />

9. Il n'y a certes pas le moindre doute que dans la personne du très remarquable,<br />

bon <strong>et</strong> <strong>grand</strong> Maître, natif <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h <strong>et</strong> fils, selon le corps, d'un charp<strong>en</strong>tier <strong>de</strong><br />

ce lieu, œuvre la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Esprit divin créateur ; mais quel mortel peut se<br />

s<strong>en</strong>tir à l'aise auprès d'une telle <strong>grand</strong>eur ? Lorsqu'il parle, ce n'est pas Lui qui<br />

parle, mais l'Esprit divin éternel <strong>en</strong> Lui, <strong>et</strong> lorsqu'il agit, je voudrais bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

le <strong>grand</strong> sage qui me dirait ce que Dieu peut <strong>en</strong>core faire qui Lui soit impossible<br />

! Il est pleinem<strong>en</strong>t Dieu <strong>en</strong> paroles <strong>et</strong> <strong>en</strong> actes, Sa volonté gouverne activem<strong>en</strong>t<br />

l'infini tout <strong>en</strong>tier, <strong>et</strong> pourtant, Il marche sous nos yeux comme un homme<br />

ordinaire, <strong>et</strong> Il mange <strong>et</strong> boit comme nous !<br />

10. Que reste-t-il <strong>de</strong>s sages paroles <strong>de</strong> Salomon lorsque, consacrant le Temple, il<br />

disait : "Seigneur, je sais bi<strong>en</strong> que le ciel <strong>et</strong> la terre ne peuv<strong>en</strong>t Te cont<strong>en</strong>ir — là<br />

où cesse toute Création, Tu es <strong>en</strong>core, éternellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> infinim<strong>en</strong>t puissant ;<br />

pourtant, ô Seigneur, nous T'avons construit une <strong>de</strong>meure pour nous y rassembler<br />

d'un cœur pur <strong>et</strong> rep<strong>en</strong>tant, afin <strong>de</strong> Te remercier, ô Seigneur, <strong>de</strong> tous Tes bi<strong>en</strong>faits<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> Tes bénédictions <strong>et</strong>, dans nos tribulations, <strong>de</strong> Te dire notre détresse <strong>et</strong> notre<br />

misère !"(1 Rois 8, 12 sq.)<br />

11. Si ce n'est pas là mot pour mot ce qui est écrit, c'est pourtant bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> résumé<br />

le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong>s <strong>grand</strong>es <strong>et</strong> sages paroles proférées par le sage bâtisseur du Temple<br />

lorsqu'il consacra celui-ci ; eût-il vraim<strong>en</strong>t parlé <strong>de</strong> la sorte s'il avait vu notre<br />

Maître le Nazaré<strong>en</strong> <strong>et</strong> Lui avait parlé, s'il L'avait connu comme nous ?<br />

12. Le Temple est <strong>en</strong>core <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> fois trop <strong>grand</strong> pour Sa personne, <strong>et</strong><br />

pourtant, la volonté omniprés<strong>en</strong>te <strong>et</strong> toute-puissante <strong>de</strong> notre Maître n'est pas le<br />

Maître Lui-même, la personne <strong>de</strong> Dieu, mais seulem<strong>en</strong>t une force inconcevable<br />

247


<strong>de</strong> ce même Maître unique que nous pouvons voir <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, à qui nous<br />

pouvons parler, <strong>et</strong> dont nous connaissons malgré tout la mesure <strong>de</strong> Sa personne<br />

aussi bi<strong>en</strong> que <strong>de</strong> la nôtre. Comm<strong>en</strong>t fait-Il pour que Sa volonté règne sur l'infini<br />

<strong>et</strong> l'éternité tout <strong>en</strong>tiers, pour que Ses yeux <strong>et</strong> Ses oreilles soi<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t<br />

prés<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> tous lieux ? Ce sont vraim<strong>en</strong>t là <strong>de</strong>s choses où l'esprit ne peut que se<br />

perdre, <strong>et</strong> il est donc bi<strong>en</strong> impossible <strong>de</strong> s'y s<strong>en</strong>tir à l'aise !<br />

13. Ah, si la personne <strong>grand</strong>e par l'esprit du Maître divin était, selon le corps,<br />

celle d'un Samson ou d'un Goliath, la chose paraîtrait moins étrange, car l'on<br />

pourrait alors se dire qu'un tel esprit tout-puissant doit bi<strong>en</strong> avoir un corps qui lui<br />

correspon<strong>de</strong> : mais on ne peut dire que notre Maître soit <strong>grand</strong> pour ce qui est <strong>de</strong><br />

Sa personne, <strong>et</strong> pourtant, Son esprit jongle avec l'infini comme un garçon avec<br />

une pomme ! C'est là l'inconcevable, <strong>et</strong> toutes les doctrines <strong>de</strong>s sages sur l'être <strong>de</strong><br />

Dieu échou<strong>en</strong>t ici lam<strong>en</strong>tablem<strong>en</strong>t ; mais nous qui avons conçu ici dans la<br />

pratique une autre opinion <strong>de</strong> Lui, nous ne parv<strong>en</strong>ons pas pour autant à nous y<br />

faire aussi vite !<br />

14. Bref, je me s<strong>en</strong>s davantage dans un rêve que pleinem<strong>en</strong>t éveillé <strong>et</strong> <strong>en</strong> pays<br />

connu. Mon âme compr<strong>en</strong>d certes bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses à prés<strong>en</strong>t, oui, je peux embrasser<br />

du regard la forme extérieure <strong>de</strong> la terre <strong>en</strong>tière <strong>et</strong> pénétrer dans ses profon<strong>de</strong>urs<br />

; je vois que la lune est un p<strong>et</strong>it mon<strong>de</strong> fort triste <strong>et</strong> misérable, <strong>de</strong>stiné à<br />

<strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> à d'autres créatures <strong>en</strong>core plus p<strong>et</strong>its <strong>et</strong> misérables qu'elle ; je<br />

vois Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne, <strong>et</strong> au-<strong>de</strong>là d'autres corps célestes<br />

<strong>grand</strong>s <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its. Saturne a une appar<strong>en</strong>ce merveilleusem<strong>en</strong>t étrange ; il est bi<strong>en</strong><br />

plus <strong>grand</strong> que notre terre <strong>et</strong> flotte exactem<strong>en</strong>t au c<strong>en</strong>tre d'un anneau colossal sur<br />

lequel, disons, sept lunes plus <strong>grand</strong>es que la nôtre s'ébatt<strong>en</strong>t comme <strong>de</strong>s abeilles<br />

autour <strong>de</strong> leur ruche ; je vois aussi les merveilleux <strong>et</strong> imm<strong>en</strong>ses paysages du<br />

<strong>grand</strong> soleil ; mais tout cela est loin <strong>de</strong> me donner un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'étrang<strong>et</strong>é tel<br />

que celui que j'éprouve ici, dans le voisinage très remarquable <strong>et</strong> très singulier du<br />

Créateur <strong>de</strong> tous les innombrables mon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes leurs merveilles !<br />

15. Peut-être vous s<strong>en</strong>tez-vous, vous autres, plus à l'aise, car vous n'appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>z<br />

pas la chose aussi calmem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> aussi profondém<strong>en</strong>t que moi <strong>et</strong> que notre frère<br />

Rob ; mais si on la considère avec le plus <strong>grand</strong> calme <strong>et</strong> toute la profon<strong>de</strong>ur<br />

possible, <strong>en</strong> la comparant avec tout ce que, <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, on a jamais pu voir,<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> lire dans les livres anci<strong>en</strong>s, on se s<strong>en</strong>t toujours plus mal à l'aise <strong>et</strong><br />

dépaysé. Oui, l'on finit même par être si bi<strong>en</strong> perdu dans sa propre exist<strong>en</strong>ce<br />

qu'elle n'apparaît plus que comme le plus parfait néant ! — Dites-moi si je n'ai<br />

pas raison ! »<br />

16. Micha répond : « Vous avez raison tous <strong>de</strong>ux, <strong>et</strong> j'ai le même s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t ;<br />

pourtant, j'éprouve une très <strong>grand</strong>e félicité ! »<br />

17. Rob <strong>et</strong> Boz dis<strong>en</strong>t : « Oui, cela est indéniable ! Nous éprouvons nous-mêmes<br />

le plus <strong>grand</strong> bonheur ; mais cela n'empêche nullem<strong>en</strong>t ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> parfaite<br />

étrang<strong>et</strong>é ! Dieu est <strong>et</strong> <strong>de</strong>meure Dieu, <strong>et</strong>, quoi que nous p<strong>en</strong>sions <strong>et</strong> éprouvions,<br />

nous ne comblerons jamais ce fossé ! »<br />

248


Chapitre 128<br />

Micha pr<strong>en</strong>d les événem<strong>en</strong>ts avec philosophie<br />

1. Micha dit : « Cela n'est absolum<strong>en</strong>t pas nécessaire ! Réjouissons-nous d'être ce<br />

que nous sommes, <strong>et</strong> d'avoir <strong>en</strong>fin <strong>de</strong>vant nous corporellem<strong>en</strong>t, dans son<br />

acception la plus absolue <strong>et</strong> illimitée, ce dont les Anci<strong>en</strong>s ont toujours cherché à<br />

se faire une idée un peu soli<strong>de</strong>, mais <strong>en</strong> vain, car ils finissai<strong>en</strong>t toujours par s'y<br />

perdre !<br />

2. Considérez Moïse <strong>et</strong> tous les prophètes, ajoutez-y les sages <strong>de</strong> l'Egypte <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

Grèce, m<strong>et</strong>tez <strong>en</strong>semble toutes leurs notions les plus mystiques <strong>de</strong> l'ess<strong>en</strong>ce <strong>de</strong><br />

Dieu, <strong>et</strong> vous n'obti<strong>en</strong>drez pas même gros comme un grain <strong>de</strong> sable <strong>de</strong> ce qui<br />

paraît ici à nos yeux dans sa totalité physique tangible !<br />

3. Le plus <strong>grand</strong> <strong>de</strong>s prophètes, Moïse, voulut voir Dieu sur le mont Sinaï, mais il<br />

reçut <strong>de</strong> la nuée ar<strong>de</strong>nte la réponse suivante, faite d'une voix <strong>de</strong> tonnerre qui fit<br />

trembler le mon<strong>de</strong> : "Nul ne peut voir Dieu <strong>et</strong> vivre !" Et nous, nous contemplons<br />

ce même Dieu, parlons avec Lui, sommes les témoins joyeux <strong>de</strong> Sa sagesse <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

Sa toute-puissance, <strong>et</strong> pourtant, nous vivons bel <strong>et</strong> bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> tout à notre aise ! Que<br />

ce bon Moïse ait parfois dû se s<strong>en</strong>tir quelque peu inqui<strong>et</strong> sur la montagne, surtout<br />

quand mille fois mille éclairs se succédai<strong>en</strong>t avec fracas autour <strong>de</strong> sa tête, cela se<br />

conçoit aisém<strong>en</strong>t ; mais quand nous parlons ici d'éprouver une angoisse<br />

singulière <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ce Dieu si parfaitem<strong>en</strong>t débonnaire <strong>et</strong> d'une telle<br />

bonhomie, nous sommes vraim<strong>en</strong>t du <strong>de</strong>rnier ridicule !<br />

4. Nos anci<strong>en</strong>s n'avai<strong>en</strong>t-ils pas la tête emplie du saint Père du ciel, sans jamais<br />

parv<strong>en</strong>ir pour autant à Le concevoir !? Et nous qui avons à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant nous,<br />

sur c<strong>et</strong>te terre <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue le plus haut <strong>de</strong>s cieux, ce même saint Père dans toute Sa<br />

vérité tangible, nous nous s<strong>en</strong>tons angoissés !<br />

5. Certes, il est vrai que l'on doit éprouver ici un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'étrang<strong>et</strong>é <strong>et</strong> que l'on<br />

ne saurait être comme un <strong>en</strong>fant parmi ses futiles jou<strong>et</strong>s familiers ; mais <strong>en</strong><br />

échange, nous nous trouvons ici dans une école <strong>de</strong> vie fort singulière ! Lorsqu'un<br />

<strong>en</strong>fant <strong>en</strong>tre pour la première fois dans une école, il ne se s<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t pas<br />

aussi à l'aise qu'avec ses jou<strong>et</strong>s dans la maison <strong>de</strong> ses par<strong>en</strong>ts ; mais lorsqu'il aura<br />

fréqu<strong>en</strong>té l'école toute une année, il s'y s<strong>en</strong>tira chez lui aussi bi<strong>en</strong> qu'à la maison<br />

avec ses jou<strong>et</strong>s.<br />

6. Quant à savoir comm<strong>en</strong>t Il peut, Lui, notre Dieu, Maître, Seigneur <strong>et</strong> Père,<br />

pénétrer activem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Sa volonté toute-puissante toutes les choses, <strong>de</strong> la plus<br />

<strong>grand</strong>e à la plus p<strong>et</strong>ite, que r<strong>en</strong>ferme l'infini tout <strong>en</strong>tier, <strong>et</strong> être consci<strong>en</strong>t à la fois<br />

<strong>de</strong> toutes Ses créatures innombrables <strong>et</strong> infinies, <strong>de</strong> la plus <strong>grand</strong>e à la plus p<strong>et</strong>ite,<br />

<strong>et</strong> à l'évi<strong>de</strong>nce prés<strong>en</strong>t à elles, cela, frères, ne nous regar<strong>de</strong> absolum<strong>en</strong>t pas, <strong>et</strong><br />

certes pas au-<strong>de</strong>là du fait <strong>de</strong> savoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre que c'est ainsi <strong>et</strong> qu'il doit<br />

<strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce <strong>en</strong> être ainsi pour que toutes les choses ne per<strong>de</strong>nt pas à<br />

l'instant leur exist<strong>en</strong>ce matérielle.<br />

7. Soyons pati<strong>en</strong>ts ! Nous savons certaines choses aujourd'hui, nous <strong>en</strong> saurons<br />

évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t davantage <strong>de</strong>main, <strong>et</strong> dans un an, nous <strong>de</strong>vrions <strong>en</strong> savoir bi<strong>en</strong> plus<br />

qu'<strong>en</strong> ce début <strong>de</strong> notre évolution spirituelle, <strong>et</strong> pourtant, nous sommes dès à<br />

249


prés<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus haut que ne fur<strong>en</strong>t avant nous Moïse <strong>et</strong> tous les <strong>grand</strong>s<br />

prophètes dignes <strong>de</strong> ce nom, qui, dans leurs très saintes visions, ont tout juste<br />

press<strong>en</strong>ti d'une manière toute spirituelle, puis décrit par <strong>de</strong>s mots <strong>et</strong> <strong>de</strong>s symboles<br />

hautem<strong>en</strong>t mystiques, ce que nous pouvons maint<strong>en</strong>ant toucher du doigt sans<br />

aucune mystique. Si nous réfléchissons bi<strong>en</strong> à cela, nous nous s<strong>en</strong>tirons aussitôt<br />

bi<strong>en</strong> moins dépaysés que jadis Saül au milieu <strong>de</strong>s prophètes ! »<br />

8. Les autres dis<strong>en</strong>t : « Oui, oui, tu as parfaitem<strong>en</strong>t raison, <strong>et</strong> nous sommes déjà<br />

bi<strong>en</strong> plus à notre aise ! Ah, la parole raisonnable d'un homme peut vraim<strong>en</strong>t<br />

accomplir bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses ! »<br />

9. Zahr, qui s'était toujours tu jusque-là, mais qui, intérieurem<strong>en</strong>t, gardait toujours<br />

sa bonne humeur, dit : « Les hommes les plus intellig<strong>en</strong>ts imagin<strong>en</strong>t<br />

souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s bêtises qui prêt<strong>en</strong>t fort à rire ! Et pourtant, c'est Micha, le plus faible<br />

d'<strong>en</strong>tre nous, qui a exposé l'opinion la plus intellig<strong>en</strong>te <strong>de</strong> toutes ! Comm<strong>en</strong>t peuton<br />

ici se s<strong>en</strong>tir le moins du mon<strong>de</strong> étranger <strong>et</strong> inqui<strong>et</strong> ? Bi<strong>en</strong> au contraire ! C'est<br />

maint<strong>en</strong>ant seulem<strong>en</strong>t que nous sommes tout à fait à notre place ! Nous sommes<br />

auprès <strong>de</strong> Dieu, notre Créateur <strong>et</strong> notre Père éternel. C'est <strong>de</strong> Lui que nous<br />

sommes issus, <strong>et</strong> nous sommes désormais rev<strong>en</strong>us aussi près <strong>de</strong> Lui qu'il est<br />

possible ; qu'avons-nous à parler d'un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'étrang<strong>et</strong>é ? Ce n'est que<br />

d'aujourd'hui que nous sommes vraim<strong>en</strong>t chez nous ! Ah, quelles curieuses<br />

opinions peuv<strong>en</strong>t avoir nos frères Rob <strong>et</strong> Boz ! — Que dis-tu <strong>de</strong> cela, Mathaël ? »<br />

Chapitre 129<br />

Quelques explications <strong>de</strong> Mathaël à propos <strong>de</strong>s faits mémorables<br />

1. Mathaël dit : « Tu as raison, mais les <strong>de</strong>ux autres aussi ; car c'est là une<br />

question tout à fait personnelle ! Micha <strong>et</strong> toi, vous v<strong>en</strong>ez par vos âmes d'une<br />

étoile ; <strong>et</strong> ils sont <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, tout <strong>en</strong> ayant le même droit que vous<br />

à l'amour <strong>et</strong> à la grâce divins ! Vos âmes, quant à elles, fur<strong>en</strong>t dès l'origine plus<br />

proches du spirituel pur que celles <strong>de</strong> Rob <strong>et</strong> <strong>de</strong> Boz, aussi ne faut-il pas s'étonner<br />

si, se trouvant ici tellem<strong>en</strong>t proches du spirituel le plus pur, ils se s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t plus<br />

étrangers <strong>et</strong> plus angoissés que nous qui étions dès l'origine plus proches qu'eux<br />

<strong>de</strong> l'esprit. Mais eux aussi vont comm<strong>en</strong>cer à se familiariser peu à peu, <strong>et</strong> dès à<br />

prés<strong>en</strong>t, ils sont déjà bi<strong>en</strong> plus à l'aise ; cep<strong>en</strong>dant, tout ne peut se faire <strong>en</strong> un<br />

jour. Dans un an, quand leur esprit se sera uni toujours davantage à leur âme,<br />

leurs s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> leurs paroles seront bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> ce qu'ils sont à prés<strong>en</strong>t.<br />

— Compr<strong>en</strong>ds-tu une telle sagesse ? »<br />

2. Zahar dit : « Oh, je compr<strong>en</strong>ds fort bi<strong>en</strong> cela ; car dans les <strong>grand</strong>es souffrances<br />

que nous avons <strong>en</strong>durées, mon âme elle aussi est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue très clairvoyante, <strong>et</strong> je<br />

compr<strong>en</strong>ds désormais toute chose aisém<strong>en</strong>t. Seul le voyage <strong>de</strong> la fill<strong>et</strong>te dans les<br />

étoiles m'est <strong>en</strong>core quelque peu difficile à adm<strong>et</strong>tre IN OPTIMA FORMA (*) , bi<strong>en</strong><br />

que je croie c<strong>et</strong>te <strong>en</strong>fant <strong>et</strong> sois <strong>en</strong> quelque sorte obligé <strong>de</strong> la croire. Mais<br />

comm<strong>en</strong>t cela est possible, c'est une autre affaire !<br />

(*) En bonne <strong>et</strong> due forme.<br />

250


3. Mais <strong>en</strong>fin, nous sommes à prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong> quelque sorte au c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> la plus haute<br />

activité divine ; pourquoi, dans c<strong>et</strong>te proximité du Dieu suprême, n'arriverait-il<br />

pas <strong>de</strong>s choses qui, sans cela, ne se produirai<strong>en</strong>t jamais dans tout l'infini ?! »<br />

4. Mathaël dit : « Dans ta constante bonne humeur, tu découvres souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

choses qui nous <strong>en</strong> appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t davantage que tout un temple <strong>de</strong> Salomon empli<br />

<strong>de</strong> la plus pure sagesse ! Notre Micha nous a lui-même t<strong>en</strong>u tout à l'heure <strong>de</strong>s<br />

propos fort utiles, pour lesquels nous lui <strong>de</strong>vons tous une très <strong>grand</strong>e<br />

reconnaissance. Et à prés<strong>en</strong>t, tu vi<strong>en</strong>s toi-même, frère Zahr, <strong>de</strong> démontrer la<br />

possibilité du voyage physique <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te sur plusieurs étoiles fixes <strong>de</strong> telle<br />

manière que je ne puis désormais plus douter <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te possibilité. Voilà bi<strong>en</strong> une<br />

vérité exemplaire ; nous n'avons qu'à songer au lieu où nous sommes, <strong>et</strong> la<br />

possibilité <strong>de</strong> tout cela apparaît à nos yeux <strong>et</strong> à nos oreilles comme une vérité<br />

évi<strong>de</strong>nte <strong>et</strong> tangible !<br />

5. Quant à la remarque faite par l'un <strong>de</strong> vous selon laquelle on se représ<strong>en</strong>te plus<br />

aisém<strong>en</strong>t la puissance infinie <strong>de</strong> l'Esprit divin dans un corps égalem<strong>en</strong>t<br />

gigantesque que sous la forme, qui est celle du Seigneur, d'un homme <strong>de</strong> taille<br />

plutôt p<strong>et</strong>ite, elle a assurém<strong>en</strong>t un s<strong>en</strong>s <strong>en</strong> ce qui concerne la perception purem<strong>en</strong>t<br />

s<strong>en</strong>sorielle, parce qu'une chose colossale fait toujours plus <strong>grand</strong>e impression sur<br />

les s<strong>en</strong>s humains qu'une p<strong>et</strong>ite ; mais d'un point <strong>de</strong> vue purem<strong>en</strong>t spirituel, c'est<br />

pourtant un parfait non-s<strong>en</strong>s. Car la force divine n'a pas besoin <strong>de</strong> la matière,<br />

comme si celle-ci lui perm<strong>et</strong>tait d'agir plus ou moins selon qu'elle serait prés<strong>en</strong>te<br />

<strong>en</strong> plus ou moins <strong>grand</strong>e quantité ; au contraire, c'est la matière elle-même qui<br />

n'est qu'une expression créatrice <strong>de</strong> la force spirituelle <strong>de</strong> la volonté divine, <strong>et</strong><br />

pour celle-ci, faire naître tout un mon<strong>de</strong> ou un grain <strong>de</strong> sable, c'est tout un. À<br />

quoi bon, <strong>en</strong> ce cas, avoir le corps d'un géant ? La volonté divine n'a besoin <strong>en</strong><br />

soi que d'un point d'appui éternellem<strong>en</strong>t immuable à partir duquel son<br />

rayonnem<strong>en</strong>t infini agit avec la même force <strong>et</strong> la même puissance <strong>en</strong> tous les<br />

points <strong>de</strong> l'espace infini <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s êtres, <strong>et</strong> pour abriter ce point d'appui<br />

sacré <strong>et</strong> éternellem<strong>en</strong>t tout-puissant, il n'est vraim<strong>en</strong>t pas besoin d'un corps <strong>de</strong><br />

géant.<br />

6. Il est vrai que les Egypti<strong>en</strong>s ont représ<strong>en</strong>té presque tout ce qui avait trait <strong>de</strong><br />

quelque manière à la divinité sous <strong>de</strong>s formes d'un gigantisme parfois effrayant,<br />

cela afin d'achever <strong>de</strong> persua<strong>de</strong>r un peuple esclave qui <strong>de</strong>vait <strong>de</strong>meurer aveugle ;<br />

ce peuple <strong>de</strong>vait craindre la divinité jusqu'à l'épouvante <strong>et</strong>, plein <strong>de</strong> contrition,<br />

trembler <strong>de</strong>vant les s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>s prêtres comme <strong>de</strong>s feuilles dans la tourm<strong>en</strong>te !<br />

Mais ces formes divines géantes ont-elles <strong>en</strong> quoi que ce soit am<strong>en</strong>dé le bas<br />

peuple ? Oh, que non ! Avec le temps, le peuple s'accoutuma aux terribles<br />

formes, ne fit plus aucun cas d'une tête <strong>de</strong> Sphinx se dressant à près <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te<br />

hauteurs d'hommes au-<strong>de</strong>ssus du sol <strong>et</strong> admira surtout la pati<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'antique<br />

artiste inconnu qui avait ciselé c<strong>et</strong>te tête dans un unique bloc <strong>de</strong> granit.<br />

7. Aussi, soyons heureux que le Seigneur <strong>en</strong> personne soit v<strong>en</strong>u à nous dans Sa<br />

vérité la plus <strong>en</strong>tière <strong>et</strong> sans aucune dissimulation, sous la forme d'un homme<br />

sans ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> particulier qui le distingue extérieurem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> qu'il nous <strong>en</strong>seigne <strong>de</strong><br />

la manière la plus simple du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité à nous connaître nousmêmes<br />

avec notre <strong>de</strong>stinée, <strong>et</strong> à Le connaître ! Cela seul nous est nécessaire, <strong>et</strong><br />

l'on pourrait débattre éternellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tout le reste ! »<br />

251


8. Zahr dit : « Merci, frère, tout cela est fort vrai <strong>et</strong> bon ! Nous nous sommes<br />

mutuellem<strong>en</strong>t confortés au nom du Seigneur <strong>et</strong> Maître étemel pour notre plus<br />

<strong>grand</strong> bénéfice, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses se sont éclairées. Mais je remarque que le jour<br />

approche <strong>et</strong> que tous se sont <strong>en</strong>dormis, hors nous-mêmes — <strong>et</strong> pourtant, je dois<br />

adm<strong>et</strong>tre que je ne ress<strong>en</strong>s pas la moindre trace <strong>de</strong> fatigue, <strong>et</strong> vous <strong>de</strong>vez être<br />

frais <strong>et</strong> dispos vous aussi ! »<br />

9. Tous dis<strong>en</strong>t : « Parfaitem<strong>en</strong>t ! En vérité, jamais <strong>en</strong>core nous ne nous sommes<br />

s<strong>en</strong>tis si reposés ! »<br />

Chapitre 130<br />

De la mission <strong>et</strong> <strong>de</strong>s souffrances <strong>de</strong>s anges<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Raphaël s'avance <strong>et</strong> dit : « Je ne dors pas moi non plus, <strong>et</strong> pourtant,<br />

vous avez dit que tous dormai<strong>en</strong>t à part vous ! »<br />

2. Zahr dit : « Ami, que tu ne dormes pas <strong>et</strong> ne puisses d'ailleurs jamais dormir,<br />

cela est évi<strong>de</strong>nt pour tout homme qui te connaît aussi bi<strong>en</strong> que nous ! Aussi<br />

pouvais-tu fort bi<strong>en</strong> te disp<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te remarque ! Vois-tu, cher ange, nous<br />

autres hommes sommes <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> assez stupi<strong>de</strong>s par mom<strong>en</strong>ts sans qu'il soit<br />

nécessaire que tu nous ai<strong>de</strong>s à le <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir davantage que nous ne le sommes par<br />

nature ; mais par l'imm<strong>en</strong>sité <strong>de</strong> ta sagesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> ton expéri<strong>en</strong>ce, plus vieilles que<br />

l'univers même, tu peux certes nous instruire magnifiquem<strong>en</strong>t sur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s<br />

! »<br />

3. Raphaël dit : « Et qui suis-je donc pour n'avoir pas besoin <strong>de</strong> sommeil ? »<br />

4. Zahr dit : « Mais, je t'<strong>en</strong> prie, céleste ami, ne nous parle <strong>et</strong> ne nous questionne<br />

pas si pompeusem<strong>en</strong>t ! Tu es un ange du Seigneur <strong>de</strong>s cieux, qui ne t'a pourvu<br />

ici-bas d'un corps léger que par nécessité ! En un ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps, tu peux rej<strong>et</strong>er ce<br />

corps <strong>et</strong> l'anéantir !<br />

5. Tu es un être bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous, qui sommes <strong>en</strong>core, selon le corps, <strong>de</strong>s<br />

hommes mortels <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre. Tu n'es jamais né, hors du Seigneur, tu n'as jamais<br />

eu comme nous <strong>de</strong> père ni <strong>de</strong> mère pour t'<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer. Depuis <strong>de</strong>s temps inconcevables,<br />

tu ne connais qu'une incomm<strong>en</strong>surable félicité ; la douleur, la peine,<br />

le chagrin <strong>et</strong> le cruel rep<strong>en</strong>tir ne te sont connus que <strong>de</strong> nom, mais non par<br />

l'expéri<strong>en</strong>ce propre <strong>de</strong> ton être, aussi t'est-il tout à fait impossible <strong>de</strong> parler <strong>en</strong><br />

toute vérité avec <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong>s choses humaines terrestres ; tu ne peux parler<br />

avec nous que <strong>de</strong> choses purem<strong>en</strong>t spirituelles, ce dont nous te serons d'ailleurs<br />

fort reconnaissants, car c'est là naturellem<strong>en</strong>t tout à fait ton domaine ; mais tu ne<br />

peux parler <strong>de</strong>s choses du corps, puisque jamais <strong>en</strong>core tu n'as souffert dans un<br />

corps ! »<br />

6. Raphaël dit : « Ti<strong>en</strong>s, ti<strong>en</strong>s, tu sais donc tout cela ! Pourtant, quand bi<strong>en</strong> même<br />

je n'aurais jamais vécu dans un corps, je saurais ce qu'est le corps <strong>et</strong> à quoi sert<br />

chacune <strong>de</strong> ses fibres mieux que tu ne pourrais l'appr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> mille ans d'étu<strong>de</strong><br />

assidue !<br />

7. N'est-ce pas nous, les anges, qui <strong>de</strong>vons nous occuper <strong>de</strong> tout ce qui concerne<br />

252


l'exist<strong>en</strong>ce d'un homme <strong>de</strong>puis sa naissance jusqu'à sa séparation d'avec c<strong>et</strong>te<br />

terre ?!<br />

8. N'est-ce pas nous qui purifions vos âmes à travers les souffrances <strong>et</strong> les maux<br />

qui advi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à votre chair, <strong>et</strong> qui les préparons à recevoir l'Esprit divin, <strong>et</strong> ne<br />

<strong>de</strong>vons-nous donc pas savoir ce que sont vos souffrances <strong>et</strong> vos divers maux ?! À<br />

quoi te sert-il donc d'avoir une raison pour p<strong>en</strong>ser, si tu peux me faire pareil<br />

reproche !?<br />

9. Crois-m'<strong>en</strong>, nous les anges, nous ne sommes pas exempts non plus <strong>de</strong> peines <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> souffrances ! Et, je te le dis, nous avons souv<strong>en</strong>t plus <strong>de</strong> peines <strong>et</strong> <strong>de</strong> souffrances<br />

à <strong>en</strong>durer que vous, puisque nous ne voyons que trop les hommes <strong>en</strong>têtés<br />

fouler aux pieds grossièrem<strong>en</strong>t, avec dédain <strong>et</strong> <strong>en</strong> se moquant, tous nos imm<strong>en</strong>ses<br />

efforts, <strong>et</strong> ne cesser <strong>de</strong> nous tourner le dos.<br />

10. Ami, aurais-tu autant <strong>de</strong> pati<strong>en</strong>ce avec un homme sur lequel tout pouvoir te<br />

serait accordé, si, alors que tu le comblerais constamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s plus <strong>grand</strong>s<br />

bi<strong>en</strong>faits, c<strong>et</strong> homme, <strong>en</strong> r<strong>et</strong>our, te méprisait au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute mesure, ne voulait<br />

ri<strong>en</strong> savoir <strong>de</strong> toi, <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus faisait t<strong>en</strong>dre toutes ses p<strong>en</strong>sées à se débarrasser <strong>de</strong><br />

toi, son plus <strong>grand</strong> bi<strong>en</strong>faiteur <strong>et</strong> ami, <strong>et</strong> même, pour prix <strong>de</strong> tous tes soucis <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

tes efforts pour son salut, à te nuire autant qu'il le pourrait, à te léser <strong>de</strong> ta bonne<br />

réputation <strong>et</strong> à te peindre comme un traître <strong>et</strong> un tourbe !? Dis-moi ce que tu<br />

ferais à un tel homme, si tu étais par exemple un Cyrénius ! Aurais-tu vraim<strong>en</strong>t la<br />

pati<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ne traiter un tel coquin jusqu'à sa fin qu'avec indulg<strong>en</strong>ce, mesure <strong>et</strong><br />

douceur ? »<br />

11. À ce discours <strong>de</strong> l'ange, Zahr ouvre <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux <strong>et</strong> dit : « Non, ami, jamais<br />

<strong>de</strong> ma vie je n'aurais une telle pati<strong>en</strong>ce ! Même sans aucun pouvoir, je n'aurais<br />

pas c<strong>et</strong>te pati<strong>en</strong>ce, à plus forte raison si j'avais quelque pouvoir ! »<br />

12. Raphaël dit : « Songe donc que ma force <strong>et</strong> mon pouvoir discrétionnaires sont<br />

si <strong>grand</strong>s que je pourrais à moi seul détruire <strong>et</strong> anéantir complètem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> moins<br />

d'un instant, avec tout ce qu'ils port<strong>en</strong>t, toute c<strong>et</strong>te terre, la lune, le soleil <strong>et</strong> tous<br />

les astres visibles à tes yeux, qui sont <strong>de</strong>s corps célestes d'une taille énorme ; <strong>et</strong><br />

pourtant, <strong>de</strong> par ma libre volonté, j'ai toujours la même pati<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>vers les<br />

hommes indociles <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre !<br />

13. Pourtant, tout cela n'est <strong>en</strong>core ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> serait un mal aisém<strong>en</strong>t supportable ;<br />

mais songe à la conduite perman<strong>en</strong>te <strong>de</strong> rébellion absolue <strong>de</strong> Satan <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses<br />

anges, qui, étant eux-mêmes <strong>de</strong>s êtres spirituels très puissants, nourriss<strong>en</strong>t sans<br />

cesse le "louable" proj<strong>et</strong> non seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous perdre, nous, mais aussi Dieu<br />

Lui-même, <strong>et</strong> <strong>de</strong> Lui pr<strong>en</strong>dre tout Son pouvoir !<br />

14. Pareille chose ne pourra bi<strong>en</strong> sûr jamais arriver ! Mais c'est assez que ce<br />

méchant <strong>et</strong> in<strong>de</strong>structible proj<strong>et</strong> existe, <strong>et</strong> qu'ils n'ai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> cesse qu'ils ne l'ai<strong>en</strong>t<br />

mis à exécution, même s'il leur faut constamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong>durer pour cela les plus<br />

<strong>grand</strong>s tourm<strong>en</strong>ts, qu'ils provoqu<strong>en</strong>t eux-mêmes par leur trop mauvais vouloir ;<br />

mais dans l'<strong>en</strong>semble, cela ne les a pourtant jamais conduits à r<strong>en</strong>oncer<br />

définitivem<strong>en</strong>t à leur suprême méchanc<strong>et</strong>é.<br />

15. Ainsi, nous voyons tout cela <strong>et</strong> avons le pouvoir non seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> les<br />

corriger d'importance, mais même <strong>de</strong> les anéantir totalem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> pour toujours, <strong>et</strong><br />

253


cela sans avoir à <strong>en</strong> répondre <strong>de</strong>vant le Seigneur !<br />

16. Et pourtant, nous traitons ces frères déchus <strong>en</strong> toute pati<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute indulg<strong>en</strong>ce<br />

<strong>et</strong> agissons scrupuleusem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> manière à ce que leur libre arbitre ne<br />

subisse jamais la moindre restriction ni la moindre limitation <strong>de</strong> notre fait ; nous<br />

pr<strong>en</strong>ons seulem<strong>en</strong>t <strong>grand</strong> soin d'empêcher que ses eff<strong>et</strong>s ne se propag<strong>en</strong>t trop<br />

loin. Que ferais-tu donc, ami, <strong>en</strong> <strong>de</strong> telles circonstances ? »<br />

17. Zahr dit : « Je taperais dans le tas comme un ours, <strong>et</strong> l'on verrait alors si ces<br />

esprits bestiaux ne m'obéirai<strong>en</strong>t pas, surtout si j'avais à ma discrétion ta force <strong>et</strong><br />

ta puissance ! »<br />

18. Raphaël dit : « Tu dois donc bi<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre à prés<strong>en</strong>t qu'être un ange <strong>de</strong><br />

Dieu n'est pas chose aussi facile que tu l'imaginais, que je dois tout <strong>de</strong> même m'y<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> m'y connaître un peu dans les choses proprem<strong>en</strong>t humaines, <strong>et</strong> que je<br />

puis donc aussi <strong>en</strong> parler avec vous ? ! »<br />

19. Zahr dit : « Oh, oui, je ne le compr<strong>en</strong>ds que trop bi<strong>en</strong> à prés<strong>en</strong>t ; mais dis-moi<br />

seulem<strong>en</strong>t une chose <strong>en</strong>core : es-tu ici par obligation, ou est-ce égalem<strong>en</strong>t par ta<br />

libre volonté ? »<br />

20. Raphaël dit : « Oh, assurém<strong>en</strong>t, ma volonté parfaitem<strong>en</strong>t libre me perm<strong>et</strong>trait<br />

<strong>de</strong> vous quitter à l'instant ; mais je veux rester avec vous, parce que cela plaît au<br />

Seigneur. C'est le bon plaisir du Seigneur qui est à proprem<strong>en</strong>t parler ma volonté,<br />

<strong>et</strong> Dieu Lui-même ne saurait aller contre c<strong>et</strong>te volonté ; car c'est là-<strong>de</strong>ssus que<br />

repose le mainti<strong>en</strong> <strong>de</strong> toute la Création, dont toutes les étoiles que tu vois, <strong>et</strong> qui<br />

te paraiss<strong>en</strong>t sans nombre, ne constitu<strong>en</strong>t pas même l'éonième partie (*) , <strong>et</strong> <strong>en</strong>core<br />

bi<strong>en</strong> moins la totalité infime <strong>et</strong> la substance même ! — Mais le soleil est à<br />

prés<strong>en</strong>t tout près <strong>de</strong> son lever, <strong>et</strong> le Seigneur revi<strong>en</strong>t ; aussi s'agit-il maint<strong>en</strong>ant<br />

d'être à nouveau pleinem<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>tif au moindre signe <strong>de</strong> Sa part ! »<br />

Chapitre 131<br />

Raphaël démontre l'inanité <strong>de</strong>s soucis humains<br />

1. Zahr dit : « Ne <strong>de</strong>vrions-nous pas éveiller ceux qui dorm<strong>en</strong>t ? »<br />

2. Raphaël dit : « Ils s'éveilleront bi<strong>en</strong> dès que le Seigneur sera <strong>de</strong> nouveau<br />

pleinem<strong>en</strong>t parmi nous ! »<br />

3. Jarah, se levant d'un bond, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec une ar<strong>de</strong>ur passionnée : « D'où, d'où<br />

arrive-t-il, Lui, l'amour <strong>de</strong>s amours !? Mes yeux ne voi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core ri<strong>en</strong> ! »<br />

4. Raphaël dit <strong>en</strong> souriant : « Ça ne fait ri<strong>en</strong> ; si ton cœur Le voit, c'est que tes<br />

yeux n'y manqueront pas sous peu ! Il sera là quand le soleil se sera tout à fait<br />

levé. »<br />

5. Hélène, qui était éveillée elle aussi, dit : « Jarah, courons à Sa r<strong>en</strong>contre ! Oh,<br />

quel bonheur d'aller Le rejoindre ! »<br />

(*)<br />

C’est à dire une fraction <strong>de</strong> 1/1 éon. Note <strong>de</strong> lorber : Par « éon », il faut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre le cube d’un<br />

décillon (10<br />

254<br />

60 ). (N.d.T. : cf. aussi vol IV, 254,3.)


6. Jarah dit : « Oui, oui, amie, vi<strong>en</strong>s avec moi ! Oh, quelle joie ce sera quand, <strong>de</strong><br />

loin, nous Le verrons v<strong>en</strong>ir à nous ! »<br />

7. À ces mots, toutes <strong>de</strong>ux s'élanc<strong>en</strong>t rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t vers la forêt à l'ouest, où elles<br />

disparaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt.<br />

8. Ouran, qui s'était égalem<strong>en</strong>t éveillé, les suivit <strong>de</strong>s yeux <strong>et</strong>, comme elles disparaissai<strong>en</strong>t<br />

dans la forêt, dit : « Ne vont-elles pas s'égarer ? La montagne me<br />

semble monter <strong>en</strong> p<strong>en</strong>te très rai<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis là-bas, où elle s'infléchit vers le sud, <strong>et</strong><br />

elle doit s'ét<strong>en</strong>dre ainsi sur plusieurs lieues ! Dans leur hâte, elles vont peut-être<br />

aller trop loin, <strong>et</strong> le Maître vi<strong>en</strong>dra peut-être par un autre côté, <strong>et</strong> elles Le<br />

chercheront sans pouvoir Le trouver ! »<br />

9. Raphaël dit : « Soucie-toi d'autre chose ! Ces <strong>de</strong>ux-là ne s'égareront pas plus<br />

que je ne saurais le faire. Quand l'amour éclaire le cœur d'une si puissante<br />

lumière, il est à jamais impossible <strong>de</strong> s'égarer d'aucune manière ! Elles vont<br />

certes s'<strong>en</strong>foncer fort loin dans la forêt ; mais quant à trouver le Maître, elles Le<br />

trouveront ! »<br />

10. Tranquillisé par ces paroles, Ouran tourne <strong>de</strong> nouveau ses regards vers la<br />

ville, qui est <strong>en</strong>core toute <strong>en</strong> flammes <strong>et</strong> d'où s'élève égalem<strong>en</strong>t une épaisse<br />

fumée, <strong>et</strong>, malgré la distance, ses yeux perçants remarqu<strong>en</strong>t qu'une foule <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s<br />

quitt<strong>en</strong>t la ville pour s'<strong>en</strong> aller dans toutes les directions. Voyant aussi que toute<br />

une procession se dirige vers la montagne où nous sommes, il dit : « Eh bi<strong>en</strong>,<br />

voilà autre chose ! Si tous ces g<strong>en</strong>s nous rejoign<strong>en</strong>t, où irons-nous chercher tant<br />

<strong>de</strong> pain ? Ces g<strong>en</strong>s-là vont manger le vieux Marc, <strong>et</strong> sa maison avec ! »<br />

11. Raphaël dit : « Là <strong>en</strong>core, soucie-toi d'autre chose ! La terre <strong>en</strong>tière <strong>et</strong> toutes<br />

ses créatures n'ont-elles pas elles aussi besoin à chaque instant d'une foule <strong>de</strong><br />

choses, <strong>et</strong> pourtant, le Seigneur nourrit bi<strong>en</strong> c<strong>et</strong>te vaste terre ainsi que tous les<br />

êtres qu'elle porte ! Et qu'est-ce que la terre <strong>en</strong> comparaison du soleil, qui est plus<br />

d'un million <strong>de</strong> fois plus <strong>grand</strong> qu'elle <strong>et</strong> a besoin <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce d'une masse<br />

incomm<strong>en</strong>surable <strong>de</strong> nourriture pour <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir sa puissante lumière <strong>et</strong> les<br />

innombrables créatures <strong>de</strong> sa vaste ét<strong>en</strong>due lumineuse ; <strong>et</strong> le Seigneur le pourvoit<br />

comme Il te pourvoit, noble ami !<br />

12. Mais songe maint<strong>en</strong>ant à ce qu'est l'espace infini <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t incomm<strong>en</strong>surable<br />

<strong>de</strong> la Création, empli <strong>de</strong> soleils <strong>et</strong> <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s bi<strong>en</strong> plus <strong>grand</strong>s <strong>en</strong>core<br />

que ne sont c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> le soleil qui l'éclaire ! Un seul <strong>et</strong> unique Maître les<br />

pourvoit tous sans relâche <strong>et</strong> libéralem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tout ce qui est nécessaire à leur<br />

exist<strong>en</strong>ce. Ri<strong>en</strong> ne manque nulle part, <strong>et</strong> partout règne la plus <strong>grand</strong>e abondance !<br />

S'il <strong>en</strong> est <strong>et</strong> doit <strong>en</strong> être ainsi éternellem<strong>en</strong>t, comm<strong>en</strong>t peux-tu t'inquiéter <strong>de</strong><br />

savoir où l'on trouvera du pain pour tous ceux qui, <strong>de</strong> la ville, s'achemin<strong>en</strong>t vers<br />

nous ? »<br />

13. Ouran dit : « Oui, oui, tu as parfaitem<strong>en</strong>t raison ! C'est que je ne suis qu'un<br />

homme <strong>et</strong> non un sage, <strong>et</strong> il m'arrive souv<strong>en</strong>t d'oublier pour un instant où je suis ;<br />

mais tout est r<strong>en</strong>tré dans l'ordre à prés<strong>en</strong>t ! »<br />

14. Hébram, qui, <strong>de</strong>s tr<strong>en</strong>te Pharisi<strong>en</strong>s, était resté éveillé lui aussi, arrive <strong>et</strong> dit : «<br />

Mais cela va causer une <strong>grand</strong>e confusion, un jour <strong>de</strong> sabbat aussi strict que<br />

celui-ci ! Si c<strong>et</strong> inc<strong>en</strong>die avait eu lieu un jour <strong>de</strong> semaine, il eût été possible <strong>de</strong><br />

255


secourir <strong>en</strong> paroles <strong>et</strong> <strong>en</strong> actes ces sinistrés qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t vers nous ; mais<br />

aujourd'hui, même pour le <strong>grand</strong> Maître, ce ne sera pas tâche facile ! »<br />

15. Raphaël dit : « Toi aussi, soucie-toi d'autre chose ! As-tu déjà vu le soleil<br />

chômer un jour <strong>de</strong> sabbat, ou la lune, ou les étoiles, ou le v<strong>en</strong>t, la pluie, la croissance<br />

<strong>de</strong>s plantes, <strong>et</strong> tant d'autres choses ? Pourquoi donc ces créatures<br />

n'observ<strong>en</strong>t-elles pas le sabbat ? Parce que la volonté sans cesse tout active du<br />

Seigneur n'a jamais observé un sabbat dont Il est le Maître !<br />

16. Voudrais-tu par hasard exiger <strong>de</strong> Dieu le respect d'une règle fâcheuse que<br />

Lui-même n'a imposée aux hommes que pour leur sanctification, <strong>et</strong> pour le temps<br />

qu'il jugerait opportun ? !<br />

17. Et si Dieu te disp<strong>en</strong>se <strong>de</strong> célébrer le sabbat, où veux-tu donc <strong>en</strong> v<strong>en</strong>ir avec<br />

ton sabbat ins<strong>en</strong>sé ? Voudrais-tu m'imposer ce sabbat à moi aussi ? Dois-je par<br />

hasard moi aussi sanctifier le sabbat par une oisiv<strong>et</strong>é sans rime ni raison ?<br />

Att<strong>en</strong>ds un peu, je vais aujourd'hui même, jour <strong>de</strong> sabbat, vous déchaîner une<br />

tempête dont vous <strong>de</strong>meurerez étourdis pour <strong>de</strong>s mois ! »<br />

18. Hébram dit : « Ô céleste ami, ne pr<strong>en</strong>ds pas ma question <strong>en</strong> mauvaise part !<br />

Songe toujours que nous sommes <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> que, même avec la meilleure<br />

volonté, dans les circonstances extraordinaires, nous ne cessons <strong>de</strong> r<strong>et</strong>omber dans<br />

nos vieilles habitu<strong>de</strong>s comme la truie dans son bourbier ! Mais toi, ô puissant<br />

serviteur <strong>et</strong> ange <strong>de</strong> Dieu, préserve-nous <strong>de</strong> cela à l'av<strong>en</strong>ir ; car nous tous, nous<br />

ne sommes que <strong>de</strong>s hommes faibles <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> faillibles ! »<br />

19. Raphaël dit : « Va trouver tes frères <strong>et</strong> tranquillise-les ; car la même inquiétu<strong>de</strong><br />

à propos du sabbat qui t'a am<strong>en</strong>é ici les fait tous trembler ! En ce mom<strong>en</strong>t,<br />

ils s'éveill<strong>en</strong>t peu à peu. Montre-leur la parfaite ineptie <strong>de</strong> leur souci. » Hébram<br />

s'<strong>en</strong> va <strong>et</strong> exécute avec succès c<strong>et</strong> ordre <strong>de</strong> Raphaël.<br />

20. Cela étant réglé, Ebahi <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h s'éveille <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aussitôt à Ouran<br />

où est sa Jarah ; <strong>et</strong> celui-ci lui annonce ce qui s'est passé, <strong>et</strong> que Jarah est partie<br />

avec Hélène dans la forêt à la recherche du Seigneur.<br />

21. Ebahi dit : « Oh ! Elles n'aurai<strong>en</strong>t pas dû faire cela ! La forêt fourmille sans<br />

doute déjà <strong>de</strong> toutes sortes d'hôtes ayant fui Césarée ! Elles pourrai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> faire<br />

quelque r<strong>en</strong>contre tout à fait fâcheuse pour elles ! »<br />

22. Raphaël dit : « Toi aussi, soucie-toi d'autre chose ! Elles sont toutes <strong>de</strong>ux<br />

arrivées <strong>de</strong>puis longtemps <strong>et</strong> seront bi<strong>en</strong>tôt <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our. Le Seigneur arrivera quand<br />

le soleil sera tout à fait levé, <strong>et</strong> elles ne seront pas loin <strong>de</strong> Lui ! »<br />

23. Ouran dit : « Combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps reste-t-il jusqu'au lever du soleil ? »<br />

24. Raphaël dit : « Près d'une <strong>de</strong>mi-heure <strong>en</strong>core ! »<br />

Chapitre 132<br />

De la difficulté <strong>de</strong> convertir les prêtres<br />

1. Chacun se cont<strong>en</strong>te <strong>de</strong> cela, <strong>et</strong> tout re<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t sil<strong>en</strong>cieux sur ces contreforts<br />

séparés par un p<strong>et</strong>it col <strong>de</strong> la haute montagne qui s'ét<strong>en</strong>d vers le sud ; mais plus<br />

256


as, sur le rivage, il y a déjà beaucoup d'animation, car plusieurs groupes v<strong>en</strong>us<br />

<strong>de</strong> la ville sont déjà arrivés chez le vieux Marc, <strong>et</strong> tous, naturellem<strong>en</strong>t, se<br />

plaign<strong>en</strong>t avec la plus <strong>grand</strong>e exagération <strong>de</strong> leur détresse <strong>et</strong> du malheur immérité<br />

qui les a frappés.<br />

2. L'activité est déjà <strong>grand</strong>e dans la cuisine du vieux Marc, <strong>et</strong>, avec ses <strong>de</strong>ux fils,<br />

celui-ci dispose plusieurs foyers <strong>en</strong> plein air afin <strong>de</strong> préparer pour tous ces<br />

convives une quantité considérable <strong>de</strong> nourriture.<br />

3. Quelques-uns <strong>de</strong>s nouveaux arrivants se dirig<strong>en</strong>t vers la montagne, parce que,<br />

<strong>de</strong> loin, ils y ont aperçu <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s. Mais, voyant <strong>de</strong>s Romains, ils batt<strong>en</strong>t aussitôt<br />

<strong>en</strong> r<strong>et</strong>raite, car ils croi<strong>en</strong>t que ces Romains mont<strong>en</strong>t la gar<strong>de</strong> pour intercepter les<br />

fugitifs <strong>et</strong> les r<strong>en</strong>voyer vers la ville <strong>en</strong>core <strong>en</strong> flammes afin qu'ils éteign<strong>en</strong>t<br />

l'inc<strong>en</strong>die, ce que les Juifs intransigeants jugeai<strong>en</strong>t particulièrem<strong>en</strong>t inopportun<br />

<strong>en</strong> ce jour <strong>de</strong> sabbat. Car il y avait à Césarée quelques-uns <strong>de</strong> ces bigots qui, sans<br />

être précisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s, pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t terriblem<strong>en</strong>t au pied <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre les<br />

règles mosaïques. Et ce jour-là était un sabbat <strong>de</strong> nouvelle lune, <strong>de</strong> tout temps<br />

appliqué plus rigoureusem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core qu'un sabbat ordinaire ! Aussi, après les<br />

événem<strong>en</strong>ts funestes <strong>de</strong> la veille, avai<strong>en</strong>t-ils comme qui dirait r<strong>en</strong>ouvelé la<br />

c<strong>en</strong>dre sur leurs têtes rasées <strong>et</strong> déchiré leurs vêtem<strong>en</strong>ts plus que jamais <strong>en</strong>core<br />

pour un sabbat <strong>de</strong> nouvelle lune. Il eût donc été tout à fait fâcheux pour ces<br />

stricts partisans du sabbat que les peu sabbatiques Romains les r<strong>en</strong>voyass<strong>en</strong>t<br />

éteindre l'inc<strong>en</strong>die ; aussi, à la vue <strong>de</strong>s Romains, bi<strong>en</strong> que ceux-ci fuss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core<br />

<strong>en</strong>dormis, ne s'attardèr<strong>en</strong>t-ils pas sur la montagne, mais, comme il a été dit, fir<strong>en</strong>t<br />

aussitôt <strong>de</strong>mi-tour.<br />

4. Raphaël sourit <strong>et</strong> dit à Mathaël : « As-tu vu ces acharnés du sabbat, comme ils<br />

ont décampé à la vue <strong>de</strong>s Romains ! Mais réjouis-toi, ils nous donneront <strong>en</strong>core<br />

fort à faire aujourd'hui ! »<br />

5. Mathaël dit : « Ami, par l'amour, la sagesse <strong>et</strong> la pati<strong>en</strong>ce, tout est sans doute<br />

possible, surtout avec l'ai<strong>de</strong> du Seigneur ! Ils me font pitié ! Aveugles <strong>de</strong> cœur,<br />

dénués d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, ces pauvres g<strong>en</strong>s sont <strong>en</strong>foncés dans leur stupidité comme<br />

<strong>de</strong> vieux clous rouilles dans une poutre ! Enfin, peut-être les guérirons-nous ! »<br />

6. Raphaël dit : « Ami, tant que l'homme n'est que stupi<strong>de</strong>, la chose est aisée ;<br />

mais lorsqu'à la stupidité s'alli<strong>en</strong>t fermem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> activem<strong>en</strong>t l'orgueil <strong>et</strong> le désir <strong>de</strong><br />

pouvoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> jouissance, l'amélioration est difficile, <strong>et</strong> plus <strong>en</strong>core chez les<br />

prêtres les plus haut placés !<br />

7. Pr<strong>en</strong>ds n'importe quelle position humaine, par exemple celle d'un général ou<br />

<strong>de</strong> tout autre haut serviteur <strong>de</strong> l'empereur. Tant qu'il <strong>de</strong>meure dans c<strong>et</strong>te digne<br />

fonction, il prét<strong>en</strong>dra au respect <strong>et</strong> aux honneurs qui lui sont dus, <strong>et</strong> ils lui seront<br />

accordés ; mais, avec le temps, il peut <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir inapte au service, il est alors mis<br />

<strong>en</strong> r<strong>et</strong>raite <strong>et</strong>, DE FACTO, il n'est plus ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> ne s'occupe d'ailleurs plus <strong>de</strong> tout ce<br />

qui concernait son anci<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> lour<strong>de</strong> charge ! Mais le <strong>grand</strong> prêtre, lui, conserve<br />

son nimbe jusqu'à la tombe, <strong>et</strong> après sa mort, les prêtres vivants lui font édifier,<br />

pour leur propre gloire <strong>et</strong> leur élévation, un tombeau pareil à un temple, <strong>et</strong> ils le<br />

vénèr<strong>en</strong>t à l'instar d'un dieu ! C'est ainsi que la prêtrise sait s'assurer pour<br />

longtemps une dignité intangible <strong>et</strong> se préserver dans toutes les situations<br />

imaginables <strong>de</strong> l'exist<strong>en</strong>ce.<br />

257


8. Va donc trouver l'un <strong>de</strong> ces prêtres <strong>en</strong>durcis : tu remarqueras sans peine à quel<br />

point il est <strong>en</strong>raciné dans la fauss<strong>et</strong>é <strong>et</strong> le m<strong>en</strong>songe, <strong>et</strong> tu n'obti<strong>en</strong>dras ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> lui<br />

! Parce qu'il se croit le représ<strong>en</strong>tant <strong>de</strong> Dieu sur terre, il estime sa dignité bi<strong>en</strong><br />

supérieure à celle d'un empereur ; aussi n'échangerait-il c<strong>et</strong>te dignité contre<br />

aucune autre <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>.<br />

9. Si par hasard tu veux lui ach<strong>et</strong>er sa dignité contre beaucoup d'or <strong>et</strong> d'arg<strong>en</strong>t, il<br />

te dira : "De l'or <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'arg<strong>en</strong>t, j'<strong>en</strong> ai déjà ; mais ma dignité, elle, vaut plus que<br />

tous les trésors du mon<strong>de</strong>, car je suis mandaté par Dieu, non par un prince <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> ma fonction est éternelle !" Après une telle réponse, tu n'as plus aucun<br />

recours, <strong>et</strong> pour finir, c'est <strong>en</strong>core ce <strong>grand</strong> prêtre <strong>en</strong>durci qui te fera danser au<br />

son <strong>de</strong> sa flûte ! C'est pourquoi je dis qu'il n'y aura ici pas <strong>grand</strong>-chose à tirer <strong>de</strong><br />

ces Juifs bigots ! Au <strong>de</strong>meurant, ta p<strong>en</strong>sée est parfaitem<strong>en</strong>t estimable aux yeux<br />

<strong>de</strong> Dieu ; car bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses sont possibles à Dieu qui nous paraiss<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />

impossibles, à nous les anges comme à vous les hommes. »<br />

10. Mathaël dit : « Je te remercie <strong>de</strong> ces paroles ; mais le soleil se lève à prés<strong>en</strong>t,<br />

<strong>et</strong> nous <strong>de</strong>vons nous préparer dans nos cœurs à l'arrivée du Seigneur ! »<br />

11. Raphaël dit : « Tu as bi<strong>en</strong> raison ; car le Seigneur est le vrai soleil <strong>de</strong> tous les<br />

soleils ! Quand Il se lève dans le cœur d'un homme, c'est pour lui le plus <strong>grand</strong><br />

jour <strong>de</strong>s jours. — Le vois-tu déjà v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> la forêt, que tu regar<strong>de</strong>s si gravem<strong>en</strong>t<br />

dans c<strong>et</strong>te direction ? »<br />

12. Mathaël dit : « Le soleil est déjà bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'horizon ; pourtant, je ne<br />

vois <strong>en</strong>core ri<strong>en</strong> du Seigneur, ni <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux jeunes filles qui sont allées à Sa<br />

r<strong>en</strong>contre. Si je m'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>s strictem<strong>en</strong>t à tes paroles, il me semble que, pour une<br />

fois, tu t'es quelque peu trompé dans tes célestes prédictions ! Le r<strong>et</strong>our du<br />

Seigneur ne coïnci<strong>de</strong>ra pas très exactem<strong>en</strong>t avec le compl<strong>et</strong> lever du soleil !<br />

Regar<strong>de</strong>, le soleil est déjà assez haut sur l'horizon, <strong>et</strong> il n'y a toujours pas trace du<br />

Seigneur. En ce cas, dis-moi comm<strong>en</strong>t je dois interpréter la prédiction que tu<br />

nous as faite ! »<br />

13. Raphaël dit : « C'est que tu dois tourner les yeux vers le côté d'où Il vi<strong>en</strong>t, <strong>et</strong><br />

non vers celui d'où Il ne vi<strong>en</strong>t pas ! Regar<strong>de</strong> autour <strong>de</strong> toi, <strong>et</strong> tu te convaincras<br />

aussitôt que je ne vous ai pas fait une fausse prédiction ! »<br />

Chapitre 133<br />

De la vraie quête <strong>de</strong> Dieu<br />

1. Mathaël, Ouran, Ebahi <strong>et</strong> les quatre compagnons <strong>de</strong> Mathaël s'empress<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

regar<strong>de</strong>r autour d'eux, <strong>et</strong>, Me voyant monter sur la colline <strong>en</strong> compagnie du vieux<br />

Marc, se hât<strong>en</strong>t à Ma r<strong>en</strong>contre.<br />

2. Arrivés près <strong>de</strong> Moi, ils Me salu<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> sûr tous avec la plus <strong>grand</strong>e affection<br />

<strong>et</strong> Me remerci<strong>en</strong>t d'être <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our ; mais, ne voyant pas auprès <strong>de</strong> Moi Jarah <strong>et</strong><br />

Hélène, ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t peur, <strong>et</strong> Ebahi, particulièrem<strong>en</strong>t inqui<strong>et</strong> pour sa Jarah, Me<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec angoisse si les <strong>de</strong>ux jeunes filles ne M'ont pas trouvé dans la forêt,<br />

puisqu'elles sont parties à Ma r<strong>en</strong>contre au matin sur la foi <strong>de</strong>s paroles <strong>de</strong><br />

258


Raphaël. Puisqu'elles ne sont pas avec Moi, dit-il, elles doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core Me<br />

chercher dans la forêt, <strong>et</strong> il Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si Je cons<strong>en</strong>s à leur <strong>en</strong>voyer Raphaël,<br />

afin qu'il les ramène saines <strong>et</strong> sauves à notre compagnie.<br />

3. Je dis : « Pourquoi vous inquiéter <strong>de</strong> celles qui Me cherch<strong>en</strong>t ? Croyez-vous<br />

donc que Je ne puisse protéger quelqu'un du danger que lorsque Je suis<br />

physiquem<strong>en</strong>t près <strong>de</strong> lui ? Toi, Ouran, quand tu étais <strong>en</strong> <strong>grand</strong> péril, qui M'a<br />

donc dit <strong>de</strong> te sauver ? Ne sais-Je pas, par hasard, où elles se trouv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> Me<br />

cherch<strong>en</strong>t ? Laissez-les donc, elles ne manqueront pas <strong>de</strong> rev<strong>en</strong>ir !<br />

4. Ces <strong>de</strong>ux-là M'ont trouvé dans leur cœur, ce que tout un chacun peut faire<br />

aisém<strong>en</strong>t. Mais celui qui, bi<strong>en</strong> que sachant qu'il ne faut Me chercher qu'intérieurem<strong>en</strong>t,<br />

part à Ma recherche extérieurem<strong>en</strong>t, doit recevoir une leçon, fût-ce<br />

seulem<strong>en</strong>t, dans le cas prés<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> appr<strong>en</strong>ant que Me chercher <strong>et</strong> aller à Ma<br />

r<strong>en</strong>contre d'une manière purem<strong>en</strong>t extérieure ne le m<strong>et</strong> pas à même <strong>de</strong> se<br />

rapprocher <strong>de</strong> Moi, mais seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Me perdre <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus ! En ce matin<br />

<strong>de</strong> sabbat, vous avez tout loisir d'assimiler cela ! — Au <strong>de</strong>meurant, elles ont<br />

malgré tout r<strong>et</strong>rouvé Ma trace <strong>et</strong> seront bi<strong>en</strong>tôt là. »<br />

5. Ebahi dit : « Eh bi<strong>en</strong>, s'il <strong>en</strong> est ainsi, tout est pour le mieux ! Elles serai<strong>en</strong>t<br />

sans doute restées avec nous si les paroles <strong>de</strong> Raphaël ne les avai<strong>en</strong>t décidées si<br />

subitem<strong>en</strong>t ! Pour c<strong>et</strong> aimable garçon, tout est proche, même les choses les plus<br />

éloignées, <strong>et</strong> l'on peut aisém<strong>en</strong>t s'y tromper ! Il ne dissua<strong>de</strong>ra presque jamais<br />

quelqu'un <strong>de</strong> faire une chose, même si c<strong>et</strong>te chose doit être mauvaise ; car il se<br />

servira alors <strong>de</strong> l'amère expéri<strong>en</strong>ce que vous aurez faite pour vous ram<strong>en</strong>er sur le<br />

droit chemin. C'est peut-être pourquoi, tout à l'heure, il n'a pas dissuadé les <strong>de</strong>ux<br />

jeunes filles d'aller à Ta r<strong>en</strong>contre, mais n'a sans doute fait au contraire<br />

qu'<strong>en</strong>courager leur zèle, <strong>et</strong> c'est ainsi qu'elles doiv<strong>en</strong>t être à prés<strong>en</strong>t assises <strong>en</strong><br />

quelque <strong>en</strong>droit, lasses <strong>et</strong> ne sachant plus que faire ! Mais c'est bi<strong>en</strong> fait pour ma<br />

Jarah ; car elle connaît bi<strong>en</strong> la manière <strong>de</strong> Raphaël <strong>et</strong> sait à quoi s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir ! Une<br />

fois <strong>de</strong> plus, elle est tombée dans le piège, ce qui est fort salutaire ; mais il peut<br />

être cont<strong>en</strong>t, car à son r<strong>et</strong>our, il aura <strong>en</strong>core droit à un discours choisi <strong>de</strong> Jarah <strong>et</strong><br />

s'émerveillera une fois <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> sa volubilité ! »<br />

6. Raphaël, qui, <strong>en</strong>tre-temps, avait éveillé les dormeurs, revi<strong>en</strong>t sur ces <strong>en</strong>trefaites,<br />

<strong>et</strong> Ebahi lui dit : « Eh bi<strong>en</strong>, te voici à nouveau cause d'une <strong>en</strong>treprise<br />

quelque peu malheureuse <strong>de</strong> Jarah, <strong>et</strong> avec elle d'Hélène ! Je dois te dire franchem<strong>en</strong>t<br />

que ta façon <strong>de</strong> t'y pr<strong>en</strong>dre avec ceux qui te sont confiés <strong>et</strong> <strong>de</strong> les diriger<br />

ne me plaît pas du tout ! Si l'un <strong>de</strong> tes disciples veut faire une chose qui n'est pas<br />

tout à fait souhaitable, tu dois l'<strong>en</strong> détourner <strong>en</strong> paroles <strong>et</strong> <strong>en</strong> actes, <strong>et</strong> non, au<br />

contraire, le laisser comm<strong>et</strong>tre une faute pour ainsi dire sur ton conseil, <strong>et</strong><br />

finalem<strong>en</strong>t ne le préserver d'une nouvelle erreur que par les conséqu<strong>en</strong>ces<br />

fâcheuses dont il aura fait l'expéri<strong>en</strong>ce à ses dép<strong>en</strong>s ! Il se peut que cela soit bon<br />

<strong>et</strong> opportun pour <strong>de</strong>s esprits comme toi ; mais pour <strong>de</strong>s hommes, cela ne vaut<br />

ri<strong>en</strong>, comme je l'ai découvert il y a déjà bi<strong>en</strong> longtemps ! »<br />

7. Raphaël dit : « Il est vrai que tu es un Juif parfaitem<strong>en</strong>t honnête <strong>et</strong> juste ; mais<br />

pour ce qui est <strong>de</strong>s voies secrètes du Seigneur, tu n'y compr<strong>en</strong>ds ri<strong>en</strong> (*) ! Crois-tu<br />

(*)<br />

Littéralem<strong>en</strong>t, « tu es aussi bête qu'un poisson », le poisson étant, <strong>en</strong> allemand, l'un <strong>de</strong>s nombreux<br />

animaux symboles <strong>de</strong> bêtise <strong>et</strong> d'ignorance (voir aussi plus haut, 57,2). (N.d.T.)<br />

259


donc que ce que je fais, je le fasse <strong>de</strong> moi-même ?! Je suis le doigt du Seigneur <strong>et</strong><br />

fais ce à quoi l'esprit du Seigneur me pousse ! Si tu avais un peu plus <strong>de</strong><br />

jugem<strong>en</strong>t, tu le concevrais sans peine ; mais je sais quelles sont les limites <strong>de</strong> ton<br />

jugem<strong>en</strong>t dans les choses <strong>de</strong> l'esprit, aussi puis-je bi<strong>en</strong> te passer c<strong>et</strong>te faiblesse.<br />

Quant aux <strong>de</strong>ux jeunes filles, elles ne se sont pas égarées, comme tu peux t'<strong>en</strong><br />

apercevoir, puisqu'elles sort<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la cabane <strong>de</strong> Marc, parfaitem<strong>en</strong>t<br />

saines <strong>et</strong> sauves, <strong>et</strong> mont<strong>en</strong>t vers nous <strong>en</strong> compagnie <strong>de</strong> l'une <strong>de</strong>s filles <strong>de</strong> Marc,<br />

qui nous apporte la nouvelle que le déjeuner est prêt ! »<br />

8. Ebahi dit : « Mais comm<strong>en</strong>t sont-elles re<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dues toutes <strong>de</strong>ux sans être<br />

aperçues <strong>de</strong> nous !? »<br />

9. Raphaël dit : « Le Seigneur n'a-t-Il pas dit tout à l'heure qu'elles avai<strong>en</strong>t<br />

r<strong>et</strong>rouvé Sa trace ? »<br />

10. Ebahi dit : « Eh bi<strong>en</strong>, eh bi<strong>en</strong>, je me tais ; puisqu'elles sont là, tout est <strong>de</strong><br />

nouveau pour le mieux, du moins <strong>en</strong> ce qui me concerne ! »<br />

Chapitre 134<br />

Des raisons <strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe<br />

1. Après c<strong>et</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>, Marc annonce que le déjeuner est prêt <strong>et</strong> que la nourriture<br />

<strong>et</strong> la boisson sont déjà disposées sur toutes les tables. Nous <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dons alors <strong>de</strong><br />

la montagne <strong>et</strong> nous r<strong>en</strong>dons aux tables, qui, ce matin, ont r<strong>et</strong>rouvé leur anci<strong>en</strong><br />

état, sans qu'une seule manque.<br />

2. Là-<strong>de</strong>ssus, Ouran dit à Hélène : « Tandis que tu étais <strong>en</strong> bas, as-tu vu si nos<br />

t<strong>en</strong>tes étai<strong>en</strong>t toujours <strong>en</strong> place <strong>et</strong> <strong>en</strong> bon ordre ? Nos serviteurs ont-ils bi<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

quoi manger <strong>et</strong> boire — <strong>et</strong> s'est-on occupé <strong>de</strong> toutes nos bêtes <strong>de</strong> somme ? »<br />

3. Mathaël dit à Ouran : « Ami <strong>et</strong> cher beau-père, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du Seigneur, tout<br />

souci est vain ! Ne p<strong>en</strong>se à ri<strong>en</strong> qu'au Seigneur ; car I1 p<strong>en</strong>se pour nous <strong>et</strong> pour<br />

l'infini tout <strong>en</strong>tier ! »<br />

4. Comme, après c<strong>et</strong>te observation <strong>de</strong> Mathaël à Ouran, nous <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dions vers<br />

les tables, Cyrénius Me <strong>de</strong>manda <strong>en</strong> chemin : « Seigneur, ne <strong>de</strong>vrais-je pas<br />

<strong>en</strong>voyer un détachem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mes soldats éteindre l'inc<strong>en</strong>die <strong>de</strong> la ville ? Car si on<br />

ne lui porte pas secours, elle ne sera plus qu'un tas <strong>de</strong> ruines fumantes d'ici à ce<br />

soir ! »<br />

5. Je dis : « Cher ami, si J'avais voulu cela, il y a longtemps que J'aurais <strong>en</strong>voyé<br />

là-bas Mon Raphaël, <strong>et</strong> l'inc<strong>en</strong>die eût été éteint <strong>en</strong> un instant ; mais Je veux que<br />

c<strong>et</strong>te ville mauvaise pour Dieu <strong>et</strong> pour César soit abaissée, <strong>et</strong> c'est pourquoi Je<br />

laisse le feu la détruire toute, à l'exception <strong>de</strong>s <strong>de</strong>meures <strong>de</strong>s pauvres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

tempérants. Mais tout le reste doit être réduit <strong>en</strong> c<strong>en</strong>dres ! Par la suite, <strong>de</strong>s<br />

hommes meilleurs s'y établiront, <strong>et</strong> les <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants <strong>de</strong> notre vieux Marc<br />

régneront équitablem<strong>en</strong>t sur c<strong>et</strong>te ville <strong>et</strong> sa contrée avec le cons<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l'empereur, <strong>et</strong> ils se succé<strong>de</strong>ront <strong>de</strong> père <strong>en</strong> fils <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>grand</strong>-père <strong>en</strong> p<strong>et</strong>it-fils ;<br />

mais s'ils oubli<strong>en</strong>t Dieu, il leur arrivera ce qui arrive aujourd'hui aux habitants <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te ville.<br />

260


6. Si l'inc<strong>en</strong>die avait frappé un jour <strong>de</strong> semaine c<strong>et</strong>te ville <strong>de</strong> fornicateurs, il serait<br />

éteint <strong>de</strong>puis longtemps ; mais un jour <strong>de</strong> sabbat, <strong>et</strong> particulièrem<strong>en</strong>t un sabbat <strong>de</strong><br />

nouvelle lune, aucun Juif bigot ne touche quoi que ce soit, fût-ce du bout du p<strong>et</strong>it<br />

doigt, <strong>de</strong> crainte <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir impur <strong>de</strong>vant Dieu.<br />

7. La consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ces Juifs bigots est <strong>en</strong> cela très sourcilleuse ; mais elle n'est<br />

pas troublée le moins du mon<strong>de</strong> par l'oubli <strong>de</strong>s bonnes œuvres, <strong>et</strong> pas davantage<br />

par l'adultère <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sée <strong>et</strong> <strong>en</strong> acte, ni par les tromperies <strong>de</strong> toute sorte.<br />

8. Ils sont même d'avis qu'un péché contre les comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Dieu n'est<br />

quasim<strong>en</strong>t pas un péché un jour <strong>de</strong> semaine, <strong>et</strong> qu'on a bi<strong>en</strong> le temps <strong>de</strong> se<br />

purifier à nouveau avant le soir ; mais le jour du sabbat, l'on est contraint <strong>de</strong> rester<br />

impur jusqu'au soir, mom<strong>en</strong>t où comm<strong>en</strong>ce le règne du prince <strong>de</strong>s ténèbres.<br />

Alors, il se peut fort bi<strong>en</strong> qu'un <strong>en</strong>voyé <strong>de</strong> Satan survi<strong>en</strong>ne <strong>et</strong>, vous trouvant<br />

impur, pr<strong>en</strong>ne aussitôt possession <strong>de</strong> votre âme impure !<br />

9. Selon eux, pécher ne serait dommageable à l'homme que la nuit, <strong>et</strong> cela<br />

seulem<strong>en</strong>t jusque vers minuit, car ce serait le temps accordé à Satan pour faire sa<br />

chasse. Mais il n'aurait aucun pouvoir le jour <strong>et</strong> l'on pourrait pécher tant que l'on<br />

veut sans que cela fasse ri<strong>en</strong> ; il faudrait seulem<strong>en</strong>t se souv<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> se purifier<br />

avant le coucher du soleil selon la manière prescrite par Moïse, <strong>et</strong> l'on n'aurait<br />

alors plus ri<strong>en</strong> à craindre durant la nuit à cause <strong>de</strong>s péchés commis durant le jour.<br />

10. Pour ces aveugles, pécher contre Dieu n'est ri<strong>en</strong>, si nombreux que soi<strong>en</strong>t dans<br />

une journée les péchés commis contre Ses comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts ! Une seule chose<br />

leur importe, ne pas tomber aux mains <strong>de</strong> Satan ; <strong>et</strong> comme c'est le jour du<br />

sabbat, où ils n'ont le droit <strong>de</strong> sacrifier ni bouc, ni agneau, ni veau, <strong>et</strong> ne peuv<strong>en</strong>t<br />

même pas se laver sept fois, que cela peut arriver le plus facilem<strong>en</strong>t, ils ont bi<strong>en</strong><br />

gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> rester propres tout au long du sabbat, afin que le diable ne puisse avoir<br />

aucune prise sur eux une fois le soleil couché !<br />

11. Tu as donc là la raison pour laquelle ces parfaits obscurantistes préfèr<strong>en</strong>t, un<br />

jour <strong>de</strong> sabbat, laisser leurs bonnes maisons tomber <strong>en</strong> c<strong>en</strong>dres plutôt que <strong>de</strong><br />

lever la main pour les éteindre. C'est pourquoi un général romain qui n'ignorera<br />

pas la grossière <strong>et</strong> indéracinable folie <strong>de</strong> ce peuple aura beau jeu un jour, lorsque<br />

c<strong>et</strong>te race se soulèvera, <strong>de</strong> l'abattre d'un seul coup, surtout un jour <strong>de</strong> sabbat<br />

d'hiver, <strong>et</strong> <strong>de</strong> réduire <strong>en</strong> c<strong>en</strong>dres sa <strong>grand</strong>e ville.<br />

12. Mais à prés<strong>en</strong>t, pr<strong>en</strong>ons notre déjeuner, avant d'avoir sur le dos une foule <strong>de</strong><br />

visiteurs pas précisém<strong>en</strong>t réjouissants, avec qui nous aurons fort à faire pour<br />

trouver la bonne manière d'<strong>en</strong> v<strong>en</strong>ir à bout ! »<br />

13. À ces mots, tous se dirigèr<strong>en</strong>t vers les tables, <strong>et</strong> le bon repas du matin fut<br />

c<strong>et</strong>te fois mangé <strong>de</strong> <strong>grand</strong> appétit, <strong>et</strong> il n'y eut personne qui ne louât fort le vieux<br />

Marc. Ouran <strong>et</strong> Hélène eux-mêmes remarquèr<strong>en</strong>t qu'ils n'avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core jamais<br />

goûté <strong>de</strong> poissons aussi bi<strong>en</strong> préparés ni <strong>de</strong> pain aussi savoureux. Mais Marc Me<br />

r<strong>et</strong>ourna toutes ces louanges, disant : « Voici le sel <strong>et</strong> les meilleures épices <strong>de</strong><br />

tous les m<strong>et</strong>s, <strong>de</strong> toutes les boissons <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute chose ; c'est à Lui seul qu'il faut<br />

offrir votre juste louange ! »<br />

14. Et il n'y <strong>en</strong> eut aucun parmi les nombreux convives qui n'eût compris ce<br />

qu'avait dit Marc, <strong>et</strong> tous Me glorifièr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce dans leurs cœurs. Cep<strong>en</strong>dant,<br />

261


Mathaël dit à voix haute : « Oui, oui, vieux Marc, quand le Seigneur <strong>de</strong> toute vie<br />

est le maître queux <strong>et</strong> qu'il fait tout, la vie est une bénédiction incomparable ; car<br />

alors, l'esprit comme l'âme <strong>et</strong> le corps reçoiv<strong>en</strong>t la meilleure <strong>de</strong>s nourritures ! Tu<br />

as fort bi<strong>en</strong> fait <strong>de</strong> r<strong>en</strong>voyer au Seigneur les louanges qui t'étai<strong>en</strong>t adressées ;<br />

mais pour c<strong>et</strong>te raison même, ton nom restera vivant lui aussi dans les cœurs <strong>de</strong><br />

ceux qui t'ont connu comme un ami du Seigneur ! »<br />

15. Marc Me remercie d'avoir fait à sa maison un honneur si extraordinaire ; puis<br />

il remercie égalem<strong>en</strong>t Mathaël <strong>de</strong> ses bonnes paroles <strong>et</strong> se déclare parfaitem<strong>en</strong>t<br />

indigne <strong>de</strong> tout cela.<br />

Chapitre 135<br />

Cyrénius reçoit la délégation <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s fanatiques <strong>de</strong> la ville inc<strong>en</strong>diée <strong>de</strong><br />

Césarée<br />

1. Quand le repas du matin est terminé, Cyrénius <strong>et</strong> Jules Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt ce qu'il<br />

faut faire maint<strong>en</strong>ant.<br />

2. Je dis (à Cyrénius) : « Att<strong>en</strong>dons un peu ici, car nous aurons bi<strong>en</strong>tôt à faire !<br />

Regar<strong>de</strong>z vers le rivage, où s'avanc<strong>en</strong>t tout doucem<strong>en</strong>t, tels <strong>de</strong>s nuages paresseux,<br />

plusieurs vieux Pharisi<strong>en</strong>s accompagnés <strong>de</strong> leurs disciples zélés. Ils sav<strong>en</strong>t<br />

déjà que tu séjournes ici, pour <strong>de</strong>s raisons bi<strong>en</strong> sûr inconnues d'eux. Ils suppos<strong>en</strong>t<br />

que tu inspectes les localités qui <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t la mer <strong>de</strong> Galilée, mais que tu as ici <strong>en</strong><br />

quelque sorte ton campem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> les précieuses t<strong>en</strong>tes d'Ouran les confort<strong>en</strong>t dans<br />

c<strong>et</strong>te vague idée. En ce mom<strong>en</strong>t, ils gu<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t ta possible arrivée <strong>en</strong> bateau par la<br />

mer, ou peut-être ta sortie <strong>de</strong> ta t<strong>en</strong>te. Leur int<strong>en</strong>tion est <strong>de</strong> te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r alors<br />

d'avoir à cœur <strong>de</strong> les dédommager, car ils estim<strong>en</strong>t que ce sont les paï<strong>en</strong>s qui ont<br />

inc<strong>en</strong>dié leurs maisons.<br />

3. Mais ils n'auront pas <strong>de</strong> peine à appr<strong>en</strong>dre bi<strong>en</strong>tôt que tu es ici, <strong>et</strong> nous les<br />

aurons alors sur le dos. Tu peux déjà imaginer quel travail ils nous donneront !<br />

Sachez seulem<strong>en</strong>t, toi <strong>et</strong> tous les autres, que Je ne veux pas être dévoilé<br />

prématurém<strong>en</strong>t. Il faudra d'abord les intimi<strong>de</strong>r suffisamm<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> c'est alors seulem<strong>en</strong>t<br />

qu'ils auront leur plus <strong>grand</strong>e frayeur <strong>en</strong> appr<strong>en</strong>ant qui Je suis. Mais tu<br />

auras l'occasion <strong>de</strong> te r<strong>en</strong>dre compte par toi-même <strong>de</strong> tout le travail que nous<br />

donnera c<strong>et</strong>te <strong>en</strong>geance adultère !<br />

4. Mathaël <strong>et</strong> Raphaël nous seront fort utiles ; mais nous n'<strong>en</strong> vi<strong>en</strong>drons guère à<br />

bout qu'après la mi-journée. Aussi, gardons le sil<strong>en</strong>ce un mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> toi,<br />

conc<strong>en</strong>tre-toi ; car tu sais désormais ce qui t'att<strong>en</strong>d ! »<br />

5. Sur ce, chacun se tait, <strong>et</strong> seuls les soldats <strong>et</strong> les serviteurs continu<strong>en</strong>t d'aller <strong>et</strong><br />

v<strong>en</strong>ir quelque peu bruyamm<strong>en</strong>t sur la montagne.<br />

6. Au bout d'un mom<strong>en</strong>t, Mathaël Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s'il doit parler à ces obscurantistes<br />

achevés sans aucune réserve.<br />

7. Je dis : « Assurém<strong>en</strong>t ; mais tu <strong>de</strong>vras toi aussi faire un gros effort sur toimême<br />

! Tu ne dois pas croire que ces champions cuirassés <strong>de</strong> la nuit se laisseront<br />

faire aisém<strong>en</strong>t ; car ils sont armés jusqu'aux <strong>de</strong>nts pour toutes les circonstances !<br />

262


» Là-<strong>de</strong>ssus, Mathaël se m<strong>et</strong> lui aussi <strong>en</strong> <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> rassembler ses forces.<br />

8. Cep<strong>en</strong>dant, Mes disciples Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt aussi comm<strong>en</strong>t ils doiv<strong>en</strong>t se<br />

comporter dans c<strong>et</strong>te affaire.<br />

9. Je dis : « Vous n'avez ri<strong>en</strong> à dire ni à faire ; soyez les témoins mu<strong>et</strong>s <strong>de</strong> toute<br />

c<strong>et</strong>te affaire, <strong>et</strong> si quelqu'un <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> quelque chose, r<strong>en</strong>voyez-le<br />

à Cyrénius <strong>en</strong> disant que cela ne vous concerne <strong>en</strong> ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong> ils vous<br />

laisseront <strong>en</strong> paix. Moi-même, J'<strong>en</strong> ferai autant pour comm<strong>en</strong>cer. » C<strong>et</strong> avis tranquillisa<br />

égalem<strong>en</strong>t les disciples, <strong>et</strong> nous att<strong>en</strong>dîmes <strong>en</strong> paix les fâcheux visiteurs.<br />

10. Au bout d'une p<strong>et</strong>ite <strong>de</strong>mi-heure, ceux qui att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t Cyrénius au bord <strong>de</strong> la<br />

mer apprir<strong>en</strong>t par un Juif <strong>de</strong> la ville qui, <strong>en</strong> passant <strong>de</strong>vant nous, avait reconnu<br />

Cyrénius, que celui-ci se trouvait dans le jardin du vieux soldat. À c<strong>et</strong>te nouvelle,<br />

tous les Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> les autres Juifs fanatiques (*) fir<strong>en</strong>t <strong>de</strong>mi-tour <strong>et</strong> se dirigèr<strong>en</strong>t<br />

vers nous <strong>en</strong> toute hâte.<br />

11. Les voyant s'avancer vers lui, Mathaël dit : « Maint<strong>en</strong>ant, noble ami Cyrénius,<br />

ti<strong>en</strong>s-toi prêt, car la tempête se déchaîne ! Je suis pourtant fort curieux <strong>de</strong><br />

savoir ce que ces gaillards ont à nous appr<strong>en</strong>dre ! »<br />

12. Cyrénius dit : « Moi <strong>de</strong> même, bi<strong>en</strong> que je doive adm<strong>et</strong>tre franchem<strong>en</strong>t que<br />

ces g<strong>en</strong>s sont <strong>de</strong> ceux avec qui je traite le moins volontiers ; car il suffit <strong>de</strong> leur<br />

montrer la moitié du p<strong>et</strong>it doigt pour qu'ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt aussitôt toute la main, <strong>et</strong><br />

cela n'est pas possible, car d'autres sont réellem<strong>en</strong>t pauvres <strong>et</strong> ont donc <strong>grand</strong><br />

besoin que l'on songe à eux ! »<br />

13. P<strong>en</strong>dant ce temps, les solliciteurs, avec bi<strong>en</strong> sûr à leur tête le chef <strong>de</strong> leur<br />

synagogue, arrivai<strong>en</strong>t déjà. Le chef reconnut aussitôt le <strong>grand</strong> gouverneur <strong>et</strong> lui<br />

parla <strong>en</strong> ces termes : « Noble <strong>et</strong> tout-puissant souverain éclairé, <strong>grand</strong> gouverneur<br />

<strong>de</strong> Cœlé Syrie <strong>et</strong>, <strong>en</strong> vérité, <strong>de</strong> toute la Judée <strong>et</strong> du reste <strong>de</strong> l'Asie Mineure, <strong>de</strong><br />

l'Asie <strong>et</strong> d'une partie <strong>de</strong> l'Afrique ! Tu n'ignores sans doute pas le malheur inouï<br />

qui nous a frappés c<strong>et</strong>te nuit, nous, habitants dévoués à Dieu <strong>et</strong> à l'empereur <strong>de</strong> la<br />

ville <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe. Si nous portions la moindre responsabilité dans ce<br />

malheur, nous ne pourrions que maudire <strong>et</strong> déplorer profondém<strong>en</strong>t notre<br />

néglig<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> continuerions <strong>de</strong> supporter avec pati<strong>en</strong>ce ce que le Tout-Puissant<br />

nous a <strong>en</strong>voyé ; mais, à notre connaissance, nous n'avons d'aucune manière causé<br />

si peu que ce soit ce malheur, <strong>et</strong> c'est au contraire la méchanc<strong>et</strong>é <strong>de</strong> quelques<br />

paï<strong>en</strong>s malint<strong>en</strong>tionnés qui <strong>en</strong> est cause ! C'est pourquoi, <strong>en</strong> vérité, nous sommes<br />

là pour solliciter <strong>de</strong> toi une in<strong>de</strong>mnité <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce !<br />

14. Tu nous feras sans doute verser celle-ci d'autant plus vite, selon notre droit <strong>et</strong><br />

(*)<br />

Erzju<strong>de</strong>n, Erzpharisäer : c'est le même préfixe superlatif erz- que nous traduisons ici selon le cas<br />

par (Juifs, Pharisi<strong>en</strong>s) bigots, intransigeants, fanatiques, zélés, « vieux Pharisi<strong>en</strong>s » (on dirait<br />

aujourd'hui « intégristes » ou « traditionalistes »...). Neutre, ce préfixe est l'équival<strong>en</strong>t du français<br />

arch(i) — d'où parfois la traduction « archijuif », que nous avons préféré éviter (il vaudrait mieux<br />

dire « ultrajuif »), mais il sert aussi à traduire toutes sortes d'expressions, souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mauvaise part<br />

(<strong>en</strong>nemi juré, fieffé coquin...). Comme la Bible, L'Évangile <strong>de</strong> Jean donne <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s (ainsi<br />

que, à divers <strong>de</strong>grés, <strong>de</strong>s autres sectes juives, Esséni<strong>en</strong>s, Sadducé<strong>en</strong>s, Zélotes...) une image<br />

particulièrem<strong>en</strong>t « négative » qui est passée dans la langue courante — tant il est vrai qu'il n'y a<br />

souv<strong>en</strong>t pas loin <strong>de</strong> l'« attachem<strong>en</strong>t scrupuleux à la pratique religieuse » à l'« hypocrisie, ost<strong>en</strong>tation<br />

<strong>de</strong> la vertu <strong>et</strong> <strong>de</strong> la piété » (les <strong>de</strong>ux définitions du pharisaïsme selon le Grand Larousse <strong>en</strong> 5<br />

volumes). (N.d.T.)<br />

263


nos mérites, que nous sommes tout d'abord pleinem<strong>en</strong>t soumis à Rome, tout<br />

comme les paï<strong>en</strong>s malveillants, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite que, dans notre amitié pour Rome,<br />

nous sommes plus à même, nous, prêtres <strong>et</strong> serviteurs <strong>de</strong> l'unique vrai Dieu, <strong>de</strong><br />

disposer le peuple <strong>en</strong> faveur <strong>de</strong> l'empereur que <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> glaives <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

lances. Mais si jamais nous <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ons antiromains, nos langues <strong>en</strong> feront<br />

davantage <strong>en</strong> quelques heures que plus <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t mille guerriers <strong>en</strong> une année. En<br />

cela, une main lave l'autre !<br />

15. Accor<strong>de</strong>-nous notre requête, arrache-nous à c<strong>et</strong>te m<strong>en</strong>dicité temporaire <strong>et</strong><br />

perm<strong>et</strong>s-nous <strong>de</strong> reconstruire aux frais <strong>de</strong> l'État nos édifices, nos écoles <strong>et</strong> nos<br />

lieux <strong>de</strong> culte détruits, <strong>et</strong>, au nom <strong>de</strong> l'empereur, tu ne trouveras pas <strong>en</strong> nous <strong>de</strong>s<br />

obligés ingrats, <strong>et</strong> même, s'il n'y a pas d'autre moy<strong>en</strong>, nous nous <strong>en</strong>gageons à<br />

rembourser à l'État une telle avance par un impôt, après vingt années révolues.<br />

Réfléchis bi<strong>en</strong> à notre requête, noble souverain, <strong>et</strong> accor<strong>de</strong>-la-nous ! Ni toi, ni<br />

l'empereur ne serez désavantagés ; car nous savons bi<strong>en</strong> ce que nous sommes <strong>et</strong><br />

ce qui est <strong>en</strong> notre pouvoir ! Si nous sommes les amis <strong>de</strong> César, il gouvernera<br />

sans peine son vaste empire ; mais si nos cœurs se ferm<strong>en</strong>t <strong>et</strong> que nous <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ons<br />

ses <strong>en</strong>nemis, la couronne <strong>et</strong> le sceptre lui <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront bi<strong>en</strong>tôt un insupportable<br />

far<strong>de</strong>au ! Aussi, songe à notre prés<strong>en</strong>te misère, considère notre requête <strong>en</strong><br />

homme avisé, <strong>et</strong> agis comme bon te semble ! »<br />

16. Cyrénius, dissimulant à peine une <strong>grand</strong>e irritation, dit : « Avant <strong>de</strong> répondre<br />

par oui ou par non, je veux d'abord m<strong>en</strong>er une <strong>en</strong>quête très stricte sur la manière<br />

<strong>et</strong> les circonstances dans lesquelles le feu a été mis à la ville <strong>et</strong> à vos maisons. Je<br />

ne suis pas certain que vous soyez aussi innoc<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te affaire ; car, c<strong>et</strong>te nuit<br />

même, quelqu'un m'a appris comm<strong>en</strong>t, après l'éclipse totale <strong>de</strong> soleil d'hier, <strong>et</strong><br />

plus <strong>en</strong>core par la suite avec la soudaine disparition <strong>de</strong> l'autre soleil qui a brillé<br />

durant la soirée, vous avez <strong>en</strong>trepris <strong>de</strong> haranguer le peuple sur l'immin<strong>en</strong>ce du<br />

jugem<strong>en</strong>t divin qui l'att<strong>en</strong>dait, selon la prédiction <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong> vos prophètes. De<br />

leur côté, les prêtres grecs n'ont pas manqué d'exploiter eux aussi à leur profit<br />

c<strong>et</strong>te étrange anomalie. Les prêtres <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux partis ont donc mis à profit ledit<br />

phénomène naturel pour contraindre le peuple aux offran<strong>de</strong>s les plus inouïes,<br />

sous prétexte que vos prières étai<strong>en</strong>t capables <strong>de</strong> toucher la volonté <strong>de</strong> votre<br />

Dieu. Le peuple, aveuglé <strong>et</strong> abêti par vous dès l'<strong>en</strong>fance, a fait tout ce qui était <strong>en</strong><br />

son pouvoir pour échapper au jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rnier que vous lui annonciez.<br />

17. Par bonheur, il se trouva un homme <strong>de</strong> raison <strong>et</strong> d'expéri<strong>en</strong>ce pour faire v<strong>en</strong>ir<br />

chez lui quelques hommes <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> qu'il connaissait dans le peuple <strong>et</strong> leur<br />

expliquer très calmem<strong>en</strong>t les causes toutes naturelles du phénomène surv<strong>en</strong>u,<br />

qu'il avait déjà observé à plusieurs reprises. À l'appui <strong>de</strong> son explication, il leur<br />

fit par ailleurs sagem<strong>en</strong>t remarquer que si l'on accordait quelque crédit à leurs<br />

dires, les prêtres r<strong>en</strong>oncerai<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t, pour l'amour <strong>de</strong> quelques instants<br />

supplém<strong>en</strong>taires d'exist<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> rempli <strong>de</strong> m<strong>en</strong>songe <strong>et</strong> <strong>de</strong> tromperie, à<br />

extorquer au peuple <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s aussi massives ! Ces prêtres cupi<strong>de</strong>s <strong>et</strong><br />

ins<strong>en</strong>sibles, dit-il, savai<strong>en</strong>t aussi bi<strong>en</strong> que lui qu'il ne fallait pas att<strong>en</strong>dre<br />

davantage <strong>de</strong> toute c<strong>et</strong>te affaire que tout au plus un changem<strong>en</strong>t naturel du temps<br />

le l<strong>en</strong><strong>de</strong>main. Mais ils connaissai<strong>en</strong>t la superstition populaire <strong>et</strong> profitai<strong>en</strong>t sans<br />

scrupules <strong>de</strong> l'occasion pour comm<strong>et</strong>tre les pires iniquités !<br />

18. C'est là ce qui m'a été annoncé dans la nuit par le témoin le plus digne <strong>de</strong> foi<br />

264


qui soit ! Et quel fut le résultat <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sage <strong>et</strong> opportune leçon ? Les quelques<br />

hommes ainsi instruits <strong>en</strong> peu <strong>de</strong> mots courur<strong>en</strong>t au peuple désespéré <strong>et</strong> crièr<strong>en</strong>t<br />

joyeusem<strong>en</strong>t à pleine voix : "Soyez rassurés ! Soyez rassurés ! Pour votre bi<strong>en</strong>,<br />

écoutez-nous calmem<strong>en</strong>t !" Ils informèr<strong>en</strong>t alors le peuple <strong>en</strong> termes aisém<strong>en</strong>t<br />

compréh<strong>en</strong>sibles. Ent<strong>en</strong>dant cela, le peuple fut saisi <strong>de</strong> colère <strong>et</strong> <strong>de</strong> fureur contre<br />

vous <strong>et</strong> s'apprêta à vous faire subir une sorte <strong>de</strong> p<strong>et</strong>it jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> Daniel.<br />

Et puisque, grâce à ce rapport fidèle, je sais désormais fort bi<strong>en</strong> que ce n'est pas<br />

<strong>en</strong> vérité la malveillance <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s, mais bi<strong>en</strong> vous-mêmes qui êtes seuls<br />

coupables <strong>de</strong> ce que, c<strong>et</strong>te nuit, une ville naguère si belle <strong>et</strong> si <strong>grand</strong>e a été<br />

réduite <strong>en</strong> c<strong>en</strong>dres à cause <strong>de</strong> la juste colère du peuple contre votre désir <strong>de</strong> le<br />

tromper, vous compr<strong>en</strong>drez bi<strong>en</strong>, je l'espère, que non seulem<strong>en</strong>t je ne puis<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre une requête formulée si audacieusem<strong>en</strong>t, mais que, <strong>en</strong> tant que vicerég<strong>en</strong>t<br />

pour le plus <strong>grand</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> l'empereur <strong>et</strong> du peuple, je vais vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

compte très sévèrem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> vous condamner à réparer pleinem<strong>en</strong>t les dommages<br />

subis par ie peuple, que je ferai évaluer au plus juste — à condition que tout se<br />

soit bi<strong>en</strong> passé comme je l'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du c<strong>et</strong>te nuit <strong>de</strong> la bouche d'un témoin<br />

parfaitem<strong>en</strong>t digne <strong>de</strong> foi ! — Qu'avez-vous à dire pour votre déf<strong>en</strong>se ? Si vous<br />

avez quelque chose à répondre à cela, parlez ! »<br />

19. Déjà, p<strong>en</strong>dant le discours <strong>de</strong> Cyrénius, les noirs solliciteurs s'étai<strong>en</strong>t mis à<br />

changer <strong>de</strong> couleur comme <strong>de</strong>s caméléons, <strong>et</strong> la colère qui les animait étincelait<br />

littéralem<strong>en</strong>t dans leurs yeux <strong>de</strong> loups ; mais à prés<strong>en</strong>t qu'ils <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t se justifier,<br />

la fureur les empêcha <strong>de</strong> proférer la moindre parole.<br />

20. Cyrénius att<strong>en</strong>dit un mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong>, comme aucun ne se décidait à parler, les<br />

mines furieuses <strong>de</strong>s solliciteurs le mir<strong>en</strong>t <strong>en</strong> colère <strong>et</strong>, <strong>en</strong> vrai Romain capable <strong>de</strong><br />

faire montre <strong>de</strong> la plus parfaite inflexibilité, il dit d'un ton sévère : « Parlez vite,<br />

sans quoi je serai contraint <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre votre sil<strong>en</strong>ce courroucé pour un aveu<br />

compl<strong>et</strong> <strong>de</strong> ce dont vous êtes accusés, <strong>et</strong> donc <strong>de</strong> prononcer aussitôt sans autre<br />

considération le jugem<strong>en</strong>t que vous avez bi<strong>en</strong> mérité <strong>et</strong> <strong>de</strong> vous soum<strong>et</strong>tre à son<br />

exécution ! Parlez, car vous savez que nous autres Romains n'avons pas<br />

l'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> plaisanter ! »<br />

21. Le chef dit <strong>en</strong>fin : « Seigneur, la calomnie est trop <strong>grand</strong>e ! En pareil cas, l'on<br />

ne peut répondre aussitôt, car l'on a besoin d'abord <strong>de</strong> se recueillir, afin <strong>de</strong><br />

compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t une telle calomnie est possible <strong>et</strong> <strong>de</strong> considérer par quels<br />

puissants moy<strong>en</strong>s l'on pourrait r<strong>en</strong>voyer c<strong>et</strong>te calomnie à la poussière du néant.<br />

Qui peut nous prouver que nous avons forcé le peuple à faire <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s ?!<br />

Nous n'avons prêché que ce que nous ress<strong>en</strong>tions <strong>et</strong> redoutions nous-mêmes !<br />

Qui nous prouve que nous avons agi par un autre s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t que celui inspiré par<br />

la prophétie ?! Les signes n'étai<strong>en</strong>t-ils pas conformes ? L'histoire ne nous donn<strong>et</strong>-elle<br />

pas une foule d'exemples que Dieu, Sa pati<strong>en</strong>ce étant à bout, ait <strong>en</strong>voyé aux<br />

hommes un terrible jugem<strong>en</strong>t ?! Mais nous connaissons aussi une quantité<br />

considérable d'exemples que Dieu, bi<strong>en</strong> que le châtim<strong>en</strong>t fût annoncé comme<br />

certain <strong>et</strong> inéluctable, ait r<strong>en</strong>ouvelé au peuple Sa grâce <strong>et</strong> Sa miséricor<strong>de</strong> lorsque<br />

celui-ci s'était am<strong>en</strong>dé par un vrai remords <strong>et</strong> une vraie pénit<strong>en</strong>ce.<br />

22. Et si le sage qui, selon toi, nous a dénigrés auprès <strong>de</strong> ces quelques hommes,<br />

était <strong>de</strong> si bonne foi, pourquoi n'est-il pas v<strong>en</strong>u nous trouver nous aussi, afin <strong>de</strong><br />

nous expliquer ce qu'il a expliqué à quelques mécont<strong>en</strong>ts qui nous fur<strong>en</strong>t toujours<br />

265


hostiles ? Seul un homme qui ne connaît pas notre sublime religion <strong>et</strong> n'a aucune<br />

idée que Dieu ait parlé par la bouche d'un prophète, ni que c<strong>et</strong>te parole doive se<br />

réaliser <strong>en</strong> un temps fixé par <strong>de</strong>s signes célestes, peut nous calomnier aussi<br />

gravem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> d'une manière aussi éhontée ! Et le <strong>grand</strong> gouverneur <strong>de</strong> Rome<br />

<strong>de</strong>vrait accor<strong>de</strong>r toute sa confiance à c<strong>et</strong> homme plutôt qu'à nous !? On nous dira<br />

sans doute : "Si c<strong>et</strong> homme sage était v<strong>en</strong>u à vous pour vous instruire <strong>de</strong> ce qu'il<br />

a <strong>en</strong>seigné au peuple désespéré, vous ne l'auriez pas écouté, mais jugé, voire lapidé<br />

!" Mais qui peut affirmer cela <strong>de</strong> nous avant même <strong>de</strong> nous avoir éprouvés<br />

!? Nous avons coutume <strong>de</strong> ne juger <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne condamner que le fait accompli, <strong>et</strong><br />

jamais avant l'acte, selon une appar<strong>en</strong>ce ou selon quelque présomption maligne !<br />

Notre doctrine parle <strong>en</strong> faveur <strong>de</strong> notre conduite ; <strong>et</strong> qui vi<strong>en</strong>dra nous prouver<br />

que nous agissons autrem<strong>en</strong>t que nous ne p<strong>en</strong>sons ?! Pour nous, une calomnie<br />

délibérée ou une méchante supposition ne prouve ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong> ton témoin a beau<br />

t'avoir dit ce qu'il a voulu, nous déclarons son accusation nulle <strong>et</strong> non av<strong>en</strong>ue<br />

jusqu'à ce qu'il nous prouve que nous avons réellem<strong>en</strong>t agi autrem<strong>en</strong>t que selon<br />

notre croyance, <strong>et</strong> que nous aurions chassé sans l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, s'il était v<strong>en</strong>u nous<br />

trouver, l'homme dont la sagesse a soulevé le peuple contre nous !<br />

23. Nous partagions très vivem<strong>en</strong>t l'angoisse du peuple ; <strong>et</strong> quand le peuple,<br />

espérant ainsi se concilier Dieu, nous apportait une multitu<strong>de</strong> d'offran<strong>de</strong>s <strong>en</strong><br />

expiation <strong>de</strong> ses péchés, <strong>de</strong>vions-nous refuser ces offran<strong>de</strong>s ?! Où cela est-il<br />

écrit?!<br />

24. Noble gouverneur général, songe bi<strong>en</strong> que tu as ici affaire à d'auth<strong>en</strong>tiques<br />

serviteurs jurés <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> non à <strong>de</strong>s templiers <strong>de</strong> la nouvelle manière, qui s'y<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt malheureusem<strong>en</strong>t trop souv<strong>en</strong>t à tourner comme <strong>de</strong>s girou<strong>et</strong>tes au gré<br />

<strong>de</strong>s v<strong>en</strong>ts ! Nous le savons bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> c'est pourquoi le Temple ne nous aime guère ;<br />

mais chez nous, qui ne sommes, hélas, qu'un p<strong>et</strong>it nombre, l'anci<strong>en</strong>ne foi est<br />

<strong>en</strong>core soli<strong>de</strong>, <strong>et</strong> les mouches nocturnes qui t'ont bourdonné à l'oreille un<br />

jugem<strong>en</strong>t quelque peu erroné ne saurai<strong>en</strong>t l'ébranler ! Il est vrai qu'aujourd'hui est<br />

un magnifique jour du Seigneur, où ne paraît nulle trace d'un jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Dieu,<br />

si ce n'est que notre ville est la proie <strong>de</strong>s flammes — d'ailleurs non par un<br />

jugem<strong>en</strong>t divin, mais à cause, hélas, <strong>de</strong> la noire méchanc<strong>et</strong>é <strong>de</strong> quelques paï<strong>en</strong>s<br />

qui nous fur<strong>en</strong>t toujours hostiles. Mais était-il donc vraim<strong>en</strong>t impossible <strong>de</strong> croire<br />

que Dieu faisait subir le même sort à c<strong>et</strong>te contrée que jadis à Sodome <strong>et</strong><br />

Gomorrhe ? Qui peut ici prét<strong>en</strong>dre que les signes avant-coureurs ne laissai<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

aucun cas présager une telle chose ?! Nous ne voulons absolum<strong>en</strong>t pas dire par là<br />

que c'est à cause <strong>de</strong> nos prières <strong>et</strong> <strong>de</strong> nos soupirs innombrables que Dieu a peutêtre<br />

épargné à notre contrée le jugem<strong>en</strong>t dont Il la m<strong>en</strong>açait ; Dieu peut avoir fait<br />

cela pour l'amour <strong>de</strong> quelque dévot parfaitem<strong>en</strong>t inconnu <strong>de</strong> nous, <strong>et</strong> aussi parce<br />

que nos prières sont malgré tout parv<strong>en</strong>ues aux marches <strong>de</strong> Son trône avec celles<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong> unique dévot. Et qui nous prouvera, contre notre croyance <strong>et</strong> notre conviction,<br />

qu'il n'<strong>en</strong> est pas ainsi, mais tout à fait autrem<strong>en</strong>t ?! — J'ai parlé au nom <strong>de</strong>s<br />

mi<strong>en</strong>s ; à prés<strong>en</strong>t, noble seigneur, juge un jugem<strong>en</strong>t juste <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant<br />

tous les hommes ! »<br />

266


Chapitre 136<br />

Accusations <strong>de</strong> Marc contre le chef <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s<br />

1. Cyrénius ne s'att<strong>en</strong>dait naturellem<strong>en</strong>t pas à c<strong>et</strong>te déf<strong>en</strong>se <strong>et</strong> se <strong>de</strong>mandait<br />

maint<strong>en</strong>ant ce qu'il fallait répondre au supérieur. Aussi appela-t-il Mathaël <strong>et</strong> lui<br />

dit-il à <strong>de</strong>mi-voix : « À ton tour <strong>de</strong> parler ; car je suis déjà au bout <strong>de</strong> mon latin !<br />

Ils sont oints <strong>de</strong> plus d'huiles que je ne l'imaginais au départ ! »<br />

2. Mathaël dit : « Noble ami, nous sommes vraim<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mauvaise posture ! Car<br />

ce ne sera pas facile <strong>de</strong> leur prouver qu'ils aurai<strong>en</strong>t fait telle ou telle chose si les<br />

circonstances s'y étai<strong>en</strong>t prêtées ! Et même si, comme j'<strong>en</strong> suis toujours<br />

convaincu, ils avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> les pires int<strong>en</strong>tions, il faut aussi ne serait-ce que<br />

la t<strong>en</strong>tative <strong>de</strong> les m<strong>et</strong>tre à exécution. Qu'<strong>en</strong> est-il ici <strong>de</strong> la mise à exécution, qui<br />

seule est vraim<strong>en</strong>t punissable, <strong>de</strong> la mauvaise int<strong>en</strong>tion qu'ils avai<strong>en</strong>t sans doute,<br />

mais qu'ils pouvai<strong>en</strong>t aussi fort bi<strong>en</strong> ne pas avoir ? Et sait-on quelles p<strong>en</strong>sées<br />

peuv<strong>en</strong>t naître dans l'âme d'un homme lorsque celle-ci est pressée <strong>de</strong> toutes parts<br />

? !<br />

3. Quand la tempête fait rage dans un cœur, aucun homme ne peut aisém<strong>en</strong>t<br />

corriger les p<strong>en</strong>sées qui se succè<strong>de</strong>nt rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lui, se bousculant comme <strong>de</strong>s<br />

nuages chargés d'orage ; <strong>et</strong> quand, à la longue, la tempête s'apaise dans le cœur, il<br />

est bi<strong>en</strong> rare que, son calme r<strong>et</strong>rouvé, l'homme se souvi<strong>en</strong>ne <strong>en</strong>core parfaitem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> tout ce qui lui a traversé l'esprit dans la tempête <strong>de</strong> ses passions. Il se peut<br />

qu'il y ait eu là bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s p<strong>en</strong>sées condamnables ; mais j'irais jusqu'à dire : quel<br />

Dieu voudra s'ériger <strong>en</strong> juge <strong>de</strong> cela ?! Si ces hommes sont <strong>de</strong> vrais croyants <strong>et</strong><br />

s'ils partageai<strong>en</strong>t la crainte du peuple avec les mêmes motifs, ce que nous <strong>de</strong>vons<br />

adm<strong>et</strong>tre tant que nous n'aurons pu, à l'instar <strong>de</strong> Dieu, leur prouver le contraire, il<br />

faudra bi<strong>en</strong> accé<strong>de</strong>r à leur requête, sous réserve que l'empereur ordonne <strong>de</strong><br />

satisfaire à <strong>de</strong> telles requêtes dans <strong>de</strong>s cas extraordinaires comme celui-ci ! Tant<br />

que nous ne sommes pas <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> leur opposer quoi que ce soit <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>,<br />

nous ne pouvons porter un jugem<strong>en</strong>t que sur les évi<strong>de</strong>nces qui nous sont<br />

prés<strong>en</strong>tées ; mais ce que nous <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sons ne peut <strong>en</strong> aucun cas servir <strong>de</strong> preuve<br />

contraire, <strong>et</strong>, quand bi<strong>en</strong> même nous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>drions toute la ville, nous n'<strong>en</strong> saurons<br />

pas davantage que nous n'<strong>en</strong> savons à prés<strong>en</strong>t. »<br />

4. Ces paroles <strong>de</strong> Mathaël avai<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t été prononcées à mi-voix, <strong>et</strong> Cyrénius,<br />

se grattant l'oreille, Me dit : « Et Toi, que dis-Tu <strong>de</strong> cela ? »<br />

5. Je dis : « Le mom<strong>en</strong>t n'est pas <strong>en</strong>core v<strong>en</strong>u pour Moi, aussi ne <strong>de</strong>vez-vous<br />

discuter qu'<strong>en</strong>tre vous <strong>et</strong> avec eux ; mais faites appel au vieux Marc, qui, ainsi<br />

que ses <strong>de</strong>ux fils, les connaît mieux que vous ! Ebahi <strong>de</strong> Génésar<strong>et</strong>h les connaît<br />

aussi, <strong>et</strong> Jules égalem<strong>en</strong>t un peu. Fais-les appeler, <strong>et</strong> tu <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dras bi<strong>en</strong>tôt un autre<br />

langage ! »<br />

6. Cyrénius <strong>en</strong>voie aussitôt chercher Jules, qui, <strong>en</strong>tre-temps, était parti <strong>en</strong><br />

inspection avec Ebahi sur la montagne où étai<strong>en</strong>t les soldats afin d'observer<br />

l'inc<strong>en</strong>die, <strong>en</strong>core très viol<strong>en</strong>t. Tous <strong>de</strong>ux arrivèr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt, ainsi que le vieux<br />

Marc. Quand tous fur<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>ts, Cyrénius leur exposa brièvem<strong>en</strong>t la requête<br />

<strong>de</strong>s vieux Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> le discours <strong>de</strong> leur supérieur, ainsi que l'objection<br />

267


incontestable formulée par le supérieur.<br />

7. Ayant <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du cela, Marc s'émerveilla <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'incroyable audace du<br />

supérieur <strong>et</strong> lui dit : « Ô toi, <strong>grand</strong> Pharisi<strong>en</strong> qui veux te faire passer pour si<br />

honorable <strong>et</strong> si pieux, tu tombes à point nommé dans mon <strong>grand</strong> fil<strong>et</strong> pour<br />

combler un espoir que je nourris <strong>de</strong>puis longtemps ! Rappelle-toi quelle peine tu<br />

t'es donnée, il y a quelque trois ans seulem<strong>en</strong>t, pour me convertir à ta foi ! Tu<br />

m'as même disp<strong>en</strong>sé <strong>de</strong> la circoncision, nécessairem<strong>en</strong>t un peu fâcheuse <strong>et</strong> aussi<br />

douloureuse pour un homme <strong>de</strong> mon âge. Il suffisait parfaitem<strong>en</strong>t, disais-tu, que<br />

je souscrive à ta foi avec toute ma maison ! Comme je t'objectais qu'<strong>en</strong> homme<br />

consci<strong>en</strong>cieux, je n'échangerais pas volontiers la religion <strong>de</strong> mes pères contre une<br />

autre dont je connaissais bi<strong>en</strong> trop peu les principes <strong>et</strong> dont je ne savais quelles<br />

nouvelles obligations elle pouvait m'imposer, tu m'as promis une foule<br />

d'avantages dans mes activités. Je t'ai alors dit très franchem<strong>en</strong>t que je n'étais<br />

certes pas tout à fait opposé à l'idée d'échanger ma religion quelque peu grossière<br />

contre une meilleure, mais que je <strong>de</strong>vais d'abord être parfaitem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

complètem<strong>en</strong>t informé <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> la nouvelle religion que j'adopterais.<br />

8. Mais tu m'as répondu que cela n'était pas du tout nécessaire avec ta religion ;<br />

car toute religion n'était <strong>de</strong> toute façon ri<strong>en</strong> d'autre qu'une philosophie qu'on<br />

inculquait aux <strong>en</strong>fants au berceau, <strong>et</strong> que c'était pour les <strong>en</strong>fants qu'il fallait la<br />

conserver. Une fois que l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t d'un homme était formé, il n'avait plus<br />

besoin <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te philosophie infantile <strong>et</strong> ne s'y t<strong>en</strong>ait extérieurem<strong>en</strong>t qu'à cause <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants ; mais il méritait vraim<strong>en</strong>t d'être traité <strong>de</strong> fou <strong>et</strong> d'aveugle s'il y attachait<br />

sérieusem<strong>en</strong>t la moindre importance pour lui-même ! Cep<strong>en</strong>dant, un homme tel<br />

que moi était bi<strong>en</strong> capable d'apprécier qu'il était plus intellig<strong>en</strong>t d'adopter, pour la<br />

forme, une religion qui, <strong>de</strong> toutes, était celle qui gênait le moins les affaires.<br />

9. C'est alors que je cédai <strong>et</strong>, avec toute ma maison, me vouai à ta religion. Mais<br />

j'ouvris <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux quand, fort peu <strong>de</strong> temps après, je fus condamné par vous<br />

à verser toutes sortes <strong>de</strong> fâcheux impôts, <strong>et</strong> par la suite, je compris <strong>de</strong> mieux <strong>en</strong><br />

mieux quel marché <strong>de</strong> dupes j'avais fait <strong>en</strong> adoptant votre religion.<br />

10. Tout d'abord, je dus vous rem<strong>et</strong>tre la dîme ainsi que les prémices <strong>de</strong> toutes<br />

mes récoltes. J'ai bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t déposé <strong>de</strong>s plaintes à ce suj<strong>et</strong> auprès <strong>de</strong>s autorités<br />

romaines, mais sans succès ; car partout, on r<strong>et</strong>ournait le couteau dans la plaie <strong>en</strong><br />

me disant : "VOLENTI NON FIT INJURIA (*) ! Pourquoi t'es-tu laissé pr<strong>en</strong>dre, toi, un<br />

vieux Romain plein <strong>de</strong> raison ? Tu paies maint<strong>en</strong>ant pour ta sottise inconsidérée<br />

!"<br />

11. Mais si je v<strong>en</strong>ais te voir pour t'exposer ma détresse, loin <strong>de</strong> m'écouter, tu me<br />

disais toujours avec arrogance : "C'est écrit !", <strong>et</strong> je n'avais plus qu'à m'<strong>en</strong><br />

r<strong>et</strong>ourner comme j'étais v<strong>en</strong>u, le visage <strong>et</strong> l'âme affligés <strong>et</strong> chagrins.<br />

12. Si je vous <strong>de</strong>mandais <strong>de</strong> me faire connaître un peu mieux votre Écriture, on<br />

me répondait : "C'est nous qui sommes l'Écriture <strong>et</strong> la parole vivante <strong>de</strong> Dieu !<br />

Aussi, que chacun fasse ce que nous <strong>en</strong>seignons <strong>et</strong> commandons sans <strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r davantage, <strong>et</strong> ce sera bi<strong>en</strong> assez pour tous !"<br />

13. Voilà ce que sont tes paroles <strong>et</strong> ta conduite, vieil oiseau <strong>de</strong> malheur <strong>de</strong>s Juifs<br />

(*) « Il n'y a pas d'injustice <strong>en</strong>vers celui qui cons<strong>en</strong>t.<br />

268


<strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe ! Et maint<strong>en</strong>ant, tu voudrais d'un seul coup te blanchir ?!<br />

Je te jure par tout ce qui m'est désormais sacré que tu ne t'<strong>en</strong> tireras pas sans<br />

avoir au moins réparé tous les torts parfaitem<strong>en</strong>t injustifiés que tu m'as causés !<br />

Si le très digne <strong>grand</strong> gouverneur, sur la foi <strong>de</strong> mes paroles, te fait m<strong>et</strong>tre la croix<br />

sur le dos, aucune injustice n'aura été commise <strong>en</strong>vers toi ! — As-tu compris,<br />

vieil oracle <strong>de</strong> malheur ?! »<br />

14. Cyrénius dit : « Ah, c'est donc cela ?! Eh bi<strong>en</strong>, voilà déjà quelque chose ! —<br />

Qu'as-tu à répondre pour ta déf<strong>en</strong>se, sage maître <strong>de</strong>s sinistres oppresseurs du<br />

peuple ? »<br />

15. Le supérieur dit : « Connais-tu tout Moïse <strong>et</strong> tous les prophètes inspirés par<br />

Dieu ? »<br />

16. Cyrénius dit : « Je connais à peu près Moïse ; mais les prophètes, seulem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> nom. »<br />

17. Le supérieur dit : « Fort bi<strong>en</strong> ; <strong>en</strong> ce cas, comm<strong>en</strong>ce donc par y appr<strong>en</strong>dre ce<br />

que sont mes nombreuses <strong>et</strong> dures obligations, <strong>et</strong> châtie-moi si tu peux me<br />

prouver que j'ai manqué à une seule d'<strong>en</strong>tre elles ! Si tu veux consulter les<br />

Écritures, nous les avons sur nous, car c'est le seul obj<strong>et</strong> qu'il nous soit permis<br />

d'emporter avec nous, <strong>en</strong> ce jour sacré du Seigneur, lorsqu'elles cour<strong>en</strong>t le danger<br />

d'être détruites ! »<br />

Chapitre 137<br />

Discussion sur la conduite à t<strong>en</strong>ir avec les Pharisi<strong>en</strong>s<br />

1. Mathaël dit <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> à Cyrénius : « Voici <strong>en</strong>core une fois <strong>de</strong> quoi nous casser<br />

la tête ! Marc a bi<strong>en</strong> plaidé sa cause ; mais à quoi bon, si nous ne pouvons<br />

prouver qu'ils ont <strong>en</strong> quoi que ce soit contrev<strong>en</strong>u à leurs <strong>de</strong>voirs statutaires ?<br />

Mais écoutons <strong>en</strong>core Ebahi <strong>et</strong> Jules, bi<strong>en</strong> que leur témoignage ne puisse guère<br />

nous servir davantage ; car ce vieillard est bi<strong>en</strong> trop sûr <strong>de</strong> lui dans son domaine,<br />

<strong>et</strong> capable <strong>de</strong> justifier pleinem<strong>en</strong>t par l'Écriture chacun <strong>de</strong> ses actes, si vils qu'ils<br />

soi<strong>en</strong>t. Que faire là contre ? »<br />

2. Cyrénius dit : « Très bi<strong>en</strong>, je vais donc user <strong>de</strong> mon pouvoir discrétionnaire<br />

pour condamner tous les écrits dont les termes off<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t la raison humaine, <strong>et</strong><br />

nous le ti<strong>en</strong>drons ! »<br />

3. Mathaël dit : « Cela n'est pas possible, parce qu'il pourra dire alors : "La raison<br />

humaine comman<strong>de</strong> aussi qu'une loi ait été édictée <strong>et</strong> sanctionnée avant <strong>de</strong><br />

pouvoir servir à juger quelqu'un." Et qu'auras-tu à répondre à cela ? Il faut<br />

vraim<strong>en</strong>t un sang-froid singulier pour v<strong>en</strong>ir à bout <strong>de</strong> ces gaillards par <strong>de</strong>s<br />

moy<strong>en</strong>s humains ! Cornélius, Faustus, Kisjonah <strong>de</strong> Kis <strong>et</strong> un certain Philopold <strong>de</strong><br />

la même contrée ne <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t plus tar<strong>de</strong>r maint<strong>en</strong>ant ; ils nous r<strong>en</strong>dront sans<br />

doute <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s services, <strong>et</strong> je me réjouis fort <strong>de</strong> leur v<strong>en</strong>ue ! »<br />

4. Après avoir réfléchi un mom<strong>en</strong>t, tant sur ce qu'avait dit le supérieur que sur la<br />

remarque plus discrète <strong>de</strong> Mathaël <strong>et</strong> sur la joie que cause à celui-ci l'arrivée<br />

annoncée <strong>de</strong> Cornélius <strong>et</strong> <strong>de</strong>s autres, Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Ebahi s'il peut apporter<br />

269


quelque témoignage probant sur les intransigeants Pharisi<strong>en</strong>s.<br />

5. Ebahi se lève <strong>et</strong> dit : « Noble ami, comme vos protées, les r<strong>en</strong>ards sont<br />

difficiles à capturer ; les r<strong>en</strong>ards, parce qu'il y a toujours <strong>de</strong>ux issues à leur terrier,<br />

<strong>et</strong> les protées parce qu'ils sont capables <strong>de</strong> se changer <strong>en</strong> tout, même <strong>en</strong><br />

élém<strong>en</strong>ts (*) . Aussi mon avis est-il celui-ci : puisque, par suite <strong>de</strong> ce qui t'a été dit<br />

<strong>de</strong> ces hommes par le témoin très véridique <strong>et</strong> très fidèle que tu connais aussi<br />

bi<strong>en</strong> que moi, tu ne peux avoir aucun doute sur ce qu'il <strong>en</strong> est, mais que d'autre<br />

part, <strong>en</strong> tant que juge <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, tu ne peux r<strong>en</strong>dre ton jugem<strong>en</strong>t que d'après ce<br />

dont tes yeux <strong>et</strong> tes oreilles peuv<strong>en</strong>t se convaincre extérieurem<strong>en</strong>t, je te<br />

conseillerais ceci : congédie ces solliciteurs importuns sans leur accor<strong>de</strong>r quoi<br />

que ce soit <strong>de</strong> ce qu'ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt, <strong>et</strong> sans les condamner par un jugem<strong>en</strong>t à<br />

aucune punition ! Tu satisferas ainsi pleinem<strong>en</strong>t tant à la vérité spirituelle<br />

intérieure qu'à la raison du mon<strong>de</strong> ! Voilà mon avis !<br />

6. Je pourrais te rapporter <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> faits concernant les multiples<br />

tromperies <strong>et</strong> vexations sans scrupules que j'ai eu tant d'occasions <strong>de</strong> voir ces<br />

prét<strong>en</strong>dus serviteurs <strong>de</strong> Dieu comm<strong>et</strong>tre contre le peuple ; mais à quoi cela te<br />

servirait-il ? Ils trouveront toujours un trou par où s'échapper ! Au-<strong>de</strong>hors, ils se<br />

protèg<strong>en</strong>t soigneusem<strong>en</strong>t, avec le voile <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> le manteau d'Aaron <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

prophètes, <strong>de</strong> tous les v<strong>en</strong>ts qui pourrai<strong>en</strong>t leur faire quelque mal, <strong>et</strong> le v<strong>en</strong>t le<br />

plus froid ne saurait leur causer ne fût-ce qu'un rhume !<br />

7. Et ils sav<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> tout ce qu'on peut tirer <strong>de</strong>s écrits <strong>de</strong>s prophètes selon<br />

leur s<strong>en</strong>s appar<strong>en</strong>t ; car ces écrits sont vraim<strong>en</strong>t bons à tout, tant que l'on ne<br />

connaît pas leur s<strong>en</strong>s intérieur spirituel, <strong>et</strong> c'est là pour ces g<strong>en</strong>s une merveilleuse<br />

cach<strong>et</strong>te. Aussi n'y a-t-il sans doute pas <strong>grand</strong>-chose d'autre à faire que ce que je<br />

t'ai conseillé. »<br />

8. Cyrénius dit : « Oui, oui, tu as tout à fait raison, <strong>et</strong> je le reconnais parfaitem<strong>en</strong>t<br />

sur le fond ; pourtant, je crois qu'il <strong>de</strong>vrait être possible <strong>de</strong> trouver contre ces<br />

g<strong>en</strong>s quelque chef d'accusation criminel démontrable, <strong>et</strong> alors, ils ne<br />

m'échapperai<strong>en</strong>t plus ! »<br />

9. Ebahi dit : « Mon Dieu, cela moins que tout le reste ! Car ces gaillards<br />

connaiss<strong>en</strong>t le moindre iota <strong>de</strong> la loi romaine <strong>et</strong>, mieux que n'importe quel<br />

avocat, ils s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt si bi<strong>en</strong> à la tourner que même Satan ne pourrait ri<strong>en</strong><br />

contre eux. Ils ont sans doute commis quantité <strong>de</strong> délits, soit personnellem<strong>en</strong>t,<br />

soit <strong>en</strong> tant que complices. Ils ne sauront bi<strong>en</strong> sûr s'<strong>en</strong> cacher <strong>de</strong>vant Dieu ; mais<br />

nous ne pourrons ri<strong>en</strong> contre eux par <strong>de</strong>s voies légales ! Peut-être Kisjonah,<br />

Cornélius, Faustus ou le Grec Philopold ? — Mais non, hormis le Seigneur <strong>et</strong><br />

l'ange Raphaël, aucun d'<strong>en</strong>tre nous ne peut les atteindre ! »<br />

10. Cyrénius secoue la tête <strong>et</strong> dit : « Je pourrais cep<strong>en</strong>dant les faire gar<strong>de</strong>r<br />

comme suspects ; peut-être c<strong>et</strong>te sévérité serait-elle <strong>de</strong> quelque eff<strong>et</strong> pour secouer<br />

leur consci<strong>en</strong>ce !? »<br />

11. Ebahi dit : « Essaie ; mais je te garantis qu'après les premières protestations<br />

(*)<br />

Le terme « protée » est ici une sorte <strong>de</strong> compromis <strong>en</strong>tre le nom commun au s<strong>en</strong>s figuré (personne<br />

versatile, capable <strong>de</strong> jouer toutes sortes <strong>de</strong> personnages) <strong>et</strong> le nom propre mythologique<br />

(Protée, dieu marin ayant reçu le don <strong>de</strong> changer <strong>de</strong> forme à volonté). (N.d.T.)<br />

270


du supérieur, tu n'auras pas le temps <strong>de</strong> r<strong>et</strong>irer tes gar<strong>de</strong>s assez tôt ! Pour le<br />

mon<strong>de</strong> extérieur, nous n'avons pas l'ombre <strong>de</strong> la moindre CAUSA CRIMINIS (*) . Il<br />

n'y a aucun plaignant, il ne peut donc y avoir déjuge ! Nous ne pouvons<br />

considérer comme une plainte la déclaration secrète du Seigneur, pour <strong>de</strong>ux<br />

raisons. Tout d'abord, elle n'a aucun caractère <strong>de</strong> preuve convaincante pour le<br />

mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, le Seigneur Lui-même ne serait pas considéré par le mon<strong>de</strong><br />

comme un témoin infaillible ; car, pour le mom<strong>en</strong>t du moins, l'on ne saurait se<br />

référer légalem<strong>en</strong>t à Sa divinité, ni même arguer valablem<strong>en</strong>t, ANTE FORUM<br />

ROMANUM (*) , <strong>de</strong> Son don <strong>de</strong> prophétie ! Nous savons certes exactem<strong>en</strong>t, nous<br />

autres, à quoi nous <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir là-<strong>de</strong>ssus ; mais l'austère loi romaine est bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong><br />

connaître notre Seigneur <strong>et</strong> Maître, <strong>et</strong> donc pas davantage Sa parole <strong>et</strong> Sa<br />

sagesse, <strong>et</strong>, quelle que soit ta conviction intime à propos <strong>de</strong> ces hommes, tu ne<br />

peux juger que selon <strong>de</strong>s preuves incriminantes extérieures apportées par <strong>de</strong>s<br />

hommes. Et pour cela, il importe d'avoir d'abord un plaignant, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite<br />

seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s témoins asserm<strong>en</strong>tés ! À moins que la s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce d'un prophète ou<br />

d'un oracle ne puisse avoir une valeur chez vous, même quand ni l'un ni l'autre<br />

n'apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à votre religion ? »<br />

12. Cyrénius dit : « Dans <strong>de</strong>s cas extraordinaires, sans doute, surtout si le prophète<br />

s'est déjà révélé comme un témoin parfaitem<strong>en</strong>t digne <strong>de</strong> foi <strong>de</strong>vant un<br />

tribunal ordinaire ! Si le tribunal n'a aucun doute sur lui, il peut <strong>en</strong> soi, tout<br />

comme la s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce d'un oracle éprouvé, fournir une preuve irrécusable ! Car seul<br />

le juge a le droit d'adm<strong>et</strong>tre ou <strong>de</strong> récuser la recevabilité d'un témoin, c'est-à-dire<br />

d'apprécier <strong>et</strong> <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r s'il est fiable ou non ! »<br />

13. Ebahi dit : « Très bi<strong>en</strong>, mais qu'<strong>en</strong> est-il si le prophète ne veut pas faire office<br />

<strong>de</strong> plaignant, <strong>et</strong> pas davantage <strong>de</strong> témoin ? Comm<strong>en</strong>t vas-tu l'y contraindre ?!<br />

Comme témoin, c'est <strong>en</strong>core possible, selon moi ; mais comme plaignant, jamais<br />

<strong>de</strong> la vie ! Certes, nous avons ici quelqu'un ; mais comm<strong>en</strong>t contraindras-tu<br />

Celui-là, ou l'ange Raphaël, à paraître soit comme plaignant, soit comme témoin<br />

? »<br />

14. Cyrénius dit : « Il ne saurait bi<strong>en</strong> sûr être question <strong>de</strong> les contraindre ! Aussi,<br />

att<strong>en</strong>dons ; car ceux qu'on nous a annoncés ne <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t plus guère tar<strong>de</strong>r ! — Il<br />

me semble apercevoir un mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> rames sur la mer, à une distance <strong>en</strong>core<br />

assez <strong>grand</strong>e ! »<br />

15. Mathaël dit : « Je l'ai égalem<strong>en</strong>t observé <strong>de</strong>puis une <strong>de</strong>mi-heure ; mais il ne<br />

progresse pour ainsi dire pas ! — Eh bi<strong>en</strong>, où <strong>en</strong> est l'interrogatoire ? N'avezvous<br />

pas progressé <strong>de</strong> votre côté ? »<br />

16. Cyrénius dit : « Pas d'un cheveu ! Tu avais raison, <strong>et</strong> Ebahi a raison aussi ; je<br />

compr<strong>en</strong>ds que, malgré la perfection <strong>de</strong> notre pouvoir dans les choses <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong>, nous n'arriverons pas à <strong>grand</strong>-chose avec eux, <strong>et</strong> selon toute vraisemblance,<br />

les nouveaux arrivants ne nous seront pas d'un <strong>grand</strong> secours eux non<br />

plus. »<br />

(*) Cause criminelle, chef d'accusation.<br />

(*) Devant la justice romaine.<br />

271


Chapitre 138<br />

Cyrénius <strong>en</strong>voie chercher à Césarée <strong>de</strong>s témoins contre les Pharisi<strong>en</strong>s<br />

1. (Cyrénius :) « Mais il me vi<strong>en</strong>t une idée ! Je vais tout <strong>de</strong> suite faire partir un<br />

messager qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra au curateur du district <strong>de</strong> m'<strong>en</strong>voyer <strong>de</strong> la ville tous les<br />

plaignants <strong>et</strong> les témoins possibles. Ils sauront bi<strong>en</strong> nous dire quelque chose sur<br />

ces r<strong>en</strong>ards, <strong>et</strong> nous les m<strong>et</strong>trons alors au pied du mur ! »<br />

2. Mathaël dit : « L'idée paraît bonne ! Tu y gagnes au moins <strong>de</strong> pouvoir ainsi les<br />

gar<strong>de</strong>r sous surveillance. Mais il faut faire vite ! »<br />

3. Aussitôt, Cyrénius convoque <strong>de</strong>ux cavaliers à qui il explique ce qu'il att<strong>en</strong>d du<br />

curateur, <strong>et</strong> ceux-ci part<strong>en</strong>t au galop vers la ville.<br />

4. Cep<strong>en</strong>dant, quand les Pharisi<strong>en</strong>s, qui murmurai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre eux, s'aperçoiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

cela, le supérieur revi<strong>en</strong>t vers Cyrénius <strong>et</strong> lui dit : « Seigneur <strong>et</strong> souverain,<br />

pourquoi as-tu <strong>en</strong>voyé ces cavaliers vers la ville ? N'est-ce pas par hasard à cause<br />

<strong>de</strong> nous ? Ne chercherais-tu pas par là à réduire à néant nos justes prét<strong>en</strong>tions,<br />

que même vos lois sanctionn<strong>en</strong>t ? Seigneur, ce sera difficile, car nous avons ici la<br />

loi <strong>et</strong> Dieu pour nous ! Il te faudrait édicter <strong>de</strong> nouvelles lois, mais, pour le<br />

mom<strong>en</strong>t, elles ne te servirai<strong>en</strong>t pas davantage que les anci<strong>en</strong>nes ; car l'eff<strong>et</strong> d'une<br />

nouvelle loi ne peut <strong>en</strong> aucun cas être rétroactif ! »<br />

5. Cyrénius dit avec quelque colère : « Vous parlerez quand on vous interrogera !<br />

Je sais ce que vous voulez, <strong>et</strong> aussi votre responsabilité ! Désormais, cela ne<br />

dép<strong>en</strong>d plus que <strong>de</strong> moi. Je dois délibérer <strong>en</strong> moi-même <strong>et</strong> avec mes fonctionnaires<br />

pour savoir si vous méritez que l'empereur accè<strong>de</strong> à votre requête !<br />

6. Si un exam<strong>en</strong> rigoureux montre que vous <strong>en</strong> êtes dignes, votre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sera<br />

satisfaite ; mais si l'on vous trouve indignes, non seulem<strong>en</strong>t il va <strong>de</strong> soi que cela<br />

exclut toute faveur, mais il s'<strong>en</strong>suit que vous <strong>de</strong>vez être punis <strong>de</strong> votre effronterie<br />

pour avoir <strong>en</strong>core osé, étant coupables, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r une faveur à l'État pour couvrir<br />

vos fautes ! R<strong>et</strong><strong>en</strong>ez bi<strong>en</strong> ceci : le jugem<strong>en</strong>t d'un gouverneur général <strong>de</strong> Rome est<br />

bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>t du vôtre ! Il ne juge jamais selon la faveur ni selon l'appar<strong>en</strong>ce<br />

extérieure d'une personne, mais toujours strictem<strong>en</strong>t selon la loi <strong>et</strong> le droit, sans<br />

aucune distinction <strong>de</strong> rang.<br />

7. Aussi, pr<strong>en</strong>ez bi<strong>en</strong> gar<strong>de</strong>, dans le secr<strong>et</strong> <strong>de</strong> votre consci<strong>en</strong>ce, à ce qu'est votre<br />

position <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant les hommes ! Car, <strong>en</strong> tant que soi-disant<br />

serviteurs <strong>de</strong> Dieu — bi<strong>en</strong> que Dieu n'ait pas besoin <strong>de</strong> serviteurs, puisque Sa<br />

toute-puissance, Sa sagesse, Son omniprés<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> Son omnisci<strong>en</strong>ce Le serv<strong>en</strong>t<br />

déjà parfaitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toute éternité — <strong>et</strong> <strong>en</strong> tant qu'instructeurs du peuple, on<br />

vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra compte bi<strong>en</strong> plus sévèrem<strong>en</strong>t qu'au peuple sans instruction qui,<br />

à l'extrême rigueur, ne connaît souv<strong>en</strong>t guère que quelques lois d'une manière<br />

très superficielle, <strong>et</strong>, même <strong>en</strong> ce cas, n'a aucune idée précise <strong>de</strong> l'esprit qu'elles<br />

recèl<strong>en</strong>t.<br />

8. Mais vous, vous connaissez <strong>et</strong> <strong>de</strong>vez connaître la loi <strong>et</strong> son esprit, <strong>et</strong> vous<br />

<strong>de</strong>vez être initiés à toutes les vérités. Vous compr<strong>en</strong>drez donc aussi pourquoi, ne<br />

serait-ce que pour le peuple, je dois user <strong>en</strong>vers vous <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> plus <strong>de</strong> rigueur<br />

272


qu'<strong>en</strong>vers un simple particulier ! Car <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux choses l'une : soit vous <strong>de</strong>vez être<br />

aussi purs que le soleil, soit vous n'êtes pas <strong>et</strong> n'avez jamais été dignes <strong>de</strong> vos<br />

fonctions ! Aussi n'avez vous pas à vous préoccuper <strong>de</strong> ce que je fais, que ce soit<br />

pour vous accuser ou pour vous disculper ! Mais faites <strong>en</strong> sorte <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre votre<br />

requête sur le parchemin <strong>et</strong> rem<strong>et</strong>tez-la-moi, afin que j'aie <strong>en</strong>tre les mains un<br />

argum<strong>en</strong>t supplém<strong>en</strong>taire, soit <strong>en</strong> votre faveur, soit contre vous ! »<br />

9. Le supérieur dit : « Noble seigneur <strong>et</strong> souverain, aujourd'hui est un jour <strong>de</strong><br />

sabbat <strong>de</strong> nouvelle lune, où toute activité nous est interdite. En ce jour sanctifié,<br />

l'homme doit laisser sa chair <strong>en</strong> repos <strong>et</strong>, <strong>en</strong> esprit, ne se consacrer à ri<strong>en</strong> d'autre<br />

qu'à Dieu ; jusqu'au coucher du soleil, nous avons seulem<strong>en</strong>t le droit <strong>de</strong> parler,<br />

mais non d'écrire. Mais après le coucher du soleil, nous voudrons bi<strong>en</strong> te<br />

rem<strong>et</strong>tre c<strong>et</strong>te pétition par écrit. »<br />

10. Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Est-ce Moïse qui vous a donné c<strong>et</strong>te loi selon laquelle<br />

il faut spécialem<strong>en</strong>t observer le sabbat à la nouvelle lune ? »<br />

11. Le supérieur dit : « Pas précisém<strong>en</strong>t Moïse, mais ses successeurs, par la<br />

bouche <strong>de</strong>squels l'esprit <strong>de</strong> Dieu a maintes fois parlé aussi bi<strong>en</strong> que par la sainte<br />

bouche <strong>de</strong> Moïse. »<br />

12. Cyrénius dit : « Perm<strong>et</strong>tez-moi d'<strong>en</strong> douter fortem<strong>en</strong>t ! Car dans les lois <strong>et</strong> les<br />

ordonnances mosaïques pures, l'Esprit divin se manifeste bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t avec une<br />

évi<strong>de</strong>nce tangible ; mais <strong>en</strong> ce qui concerne votre célébration <strong>de</strong> la nouvelle lune,<br />

il n'y paraît ri<strong>en</strong> d'autre qu'une grossière superstition <strong>et</strong> une pleine cargaison <strong>de</strong> la<br />

pire bêtise humaine. Qu'est-ce que la nouvelle lune ? Vous ne le savez pas, mais<br />

nous qui le savons, nous ne pouvons que rire à gorge déployée <strong>de</strong> votre fête <strong>de</strong> la<br />

nouvelle lune ! Et nos sages, qui compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pourtant bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt comm<strong>en</strong>t, si près <strong>de</strong>s Grecs, <strong>de</strong>s Romains <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Egypti<strong>en</strong>s, il peut<br />

bi<strong>en</strong> exister <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s d'une telle bêtise <strong>et</strong> d'une telle ignorance qu'ils ne sav<strong>en</strong>t<br />

même pas ce que sont la lune elle-même <strong>et</strong> la nouvelle lune ! — Dites-moi donc<br />

quelle idée vous vous faites <strong>de</strong> la lune. »<br />

13. Le supérieur dit : « Dis-nous plutôt toi-même, noble seigneur <strong>et</strong> souverain,<br />

comm<strong>en</strong>t tu considères la lune, <strong>et</strong> nous te dirons <strong>en</strong>suite nous aussi ce que nous<br />

<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sons ! »<br />

Chapitre 139<br />

De la nature <strong>de</strong> la Terre <strong>et</strong> <strong>de</strong> la Lune<br />

1. Cyrénius dit : « Écoutez donc. La Lune est un corps céleste <strong>en</strong>viron cinquante<br />

fois plus p<strong>et</strong>it que notre Terre, <strong>et</strong> qui accompagne constamm<strong>en</strong>t la Terre dans sa<br />

<strong>grand</strong>e course autour du Soleil ; p<strong>en</strong>dant que la Terre effectue <strong>en</strong> 365 jours ce<br />

<strong>grand</strong> parcours, la Lune, qui est proche <strong>de</strong> la Terre, <strong>en</strong> fait près <strong>de</strong> treize fois le<br />

tour.<br />

2. Au cours <strong>de</strong> ces révolutions, il faut donc bi<strong>en</strong> que la Lune change sans cesse<br />

<strong>de</strong> position. Étant par ailleurs un corps aussi obscur que notre Terre, elle est, <strong>de</strong><br />

même que notre Terre, éclairée par le <strong>grand</strong> Soleil. Quand la Terre est à peu près<br />

273


<strong>en</strong>tre le Soleil <strong>et</strong> la Lune, nous voyons la Lune <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t éclairée, <strong>et</strong> c'est alors<br />

la pleine lune ; mais lorsque <strong>en</strong>suite, <strong>en</strong> quatorze jours <strong>en</strong>viron, la Lune, par suite<br />

<strong>de</strong> son mouvem<strong>en</strong>t rapi<strong>de</strong>, vi<strong>en</strong>t se placer presque <strong>en</strong>tre le Soleil <strong>et</strong> la Terre <strong>et</strong><br />

que nous ne voyons donc plus que très peu <strong>de</strong> sa surface être éclairée, c'est la<br />

nouvelle lune.<br />

3. Et lorsque, par hasard, il arrive que la Lune vi<strong>en</strong>ne se m<strong>et</strong>tre exactem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre<br />

le Soleil <strong>et</strong> la Terre, comme c'était le cas hier, elle cache le Soleil <strong>et</strong> empêche sa<br />

lumière <strong>de</strong> parv<strong>en</strong>ir sur une certaine partie <strong>de</strong> notre Terre, à savoir celle <strong>de</strong>puis<br />

laquelle on pourrait tracer jusqu'au Soleil une ligne toute droite passant par la<br />

Lune, ce qui cause donc tout naturellem<strong>en</strong>t une éclipse <strong>de</strong> soleil ; mais les parties<br />

<strong>de</strong> la Terre qui ne se trouv<strong>en</strong>t pas exactem<strong>en</strong>t sur ladite ligne droite ne verront<br />

pas c<strong>et</strong>te éclipse, <strong>et</strong> notamm<strong>en</strong>t, celles qui se trouv<strong>en</strong>t sur la moitié <strong>de</strong> la Terre à<br />

l'opposé <strong>de</strong> nous n'<strong>en</strong> verront absolum<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong>. Car c<strong>et</strong>te Terre où nous vivons est<br />

une boule, tout comme le Soleil <strong>et</strong> la Lune, <strong>et</strong> le jour <strong>et</strong> la nuit n'y naiss<strong>en</strong>t que du<br />

fait qu'elle tourne autour <strong>de</strong> son axe <strong>en</strong> faisant un tour compl<strong>et</strong> <strong>en</strong> vingt-quatre<br />

heures, temps dans lequel elle prés<strong>en</strong>te progressivem<strong>en</strong>t au soleil, qui les éclaire<br />

<strong>et</strong> les réchauffe, toutes les terres <strong>et</strong> les mers situées sur une même ban<strong>de</strong> <strong>en</strong>tre ses<br />

pôles Nord <strong>et</strong> Sud.<br />

4. Cela seul est la vérité parfaitem<strong>en</strong>t calculée <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> <strong>et</strong> clairem<strong>en</strong>t perçue par<br />

les sages [= savants], mais dont le profane ne sait naturellem<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong>, parce que<br />

l'éducation nécessaire pour la compr<strong>en</strong>dre lui fait défaut, <strong>et</strong> il ne saurait <strong>en</strong> être<br />

autrem<strong>en</strong>t avec <strong>de</strong>s maîtres tels que vous ; car ce que l’on n’a pas soi-même, on<br />

ne peut le donner à un autre. Et quand bi<strong>en</strong> même vous l'auriez, vous ne le<br />

donneriez pas aux profanes, parce que leur sottise vous rapporte davantage<br />

qu'une sagesse pertin<strong>en</strong>te ! Je vous ai ainsi expliqué clairem<strong>en</strong>t ce qu'est la<br />

nouvelle lune ; à prés<strong>en</strong>t, expliquez-moi à votre tour ce qu'elle est pour vous ! »<br />

5. Le supérieur dit : « Ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> nous dire, noble seigneur <strong>et</strong> souverain,<br />

est assurém<strong>en</strong>t déjà parv<strong>en</strong>u à notre connaissance par <strong>de</strong>s voies secrètes, <strong>et</strong>,<br />

personnellem<strong>en</strong>t, je suis <strong>de</strong> ton avis ; mais compare cela avec la G<strong>en</strong>èse <strong>de</strong><br />

Moïse, <strong>et</strong> tu ne trouveras là nulle trace <strong>de</strong> tout ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me dire, <strong>et</strong> que<br />

je connaissais déjà <strong>de</strong>puis vingt ans.<br />

6. Or, nous qui siégeons sur le trône <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron, nous sommes naturellem<strong>en</strong>t<br />

<strong>et</strong> par nécessité, aux yeux du peuple, les principaux a<strong>de</strong>ptes <strong>et</strong> les<br />

propagateurs <strong>de</strong> la doctrine mosaïque, diamétralem<strong>en</strong>t opposée à c<strong>et</strong>te conception<br />

<strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce véridique. Que pouvons-nous faire, si ce n'est tout au plus<br />

gar<strong>de</strong>r secrète notre intime conviction, tout <strong>en</strong> transm<strong>et</strong>tant au peuple ce que<br />

nous avons reçu <strong>de</strong> Moïse ! ?<br />

7. Que l'un d'<strong>en</strong>tre nous essaie aujourd'hui <strong>de</strong> prêcher au peuple une doctrine <strong>en</strong><br />

quoi que ce soit différ<strong>en</strong>te <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Moïse, <strong>et</strong> je te garantis qu'on le lapi<strong>de</strong>ra !<br />

8. Certains diront sans doute qu'il y a un tout autre s<strong>en</strong>s <strong>de</strong>rrière les paroles <strong>de</strong><br />

Moïse <strong>et</strong> qu'elles veul<strong>en</strong>t dire tout autre chose que ce que l'on peut conclure <strong>de</strong> la<br />

l<strong>et</strong>tre morte. De cela aussi, je convi<strong>en</strong>s volontiers moi-même ; mais comm<strong>en</strong>t<br />

l'<strong>en</strong>seigner sans dommage à la masse du peuple, que déjà nos prédécesseurs, bi<strong>en</strong><br />

avant nous, ont r<strong>en</strong>du plus bête que les pierres ?! Tout d'abord, le s<strong>en</strong>s spirituel<br />

est si profondém<strong>en</strong>t caché que, finalem<strong>en</strong>t, on ne s'y r<strong>et</strong>rouve pas très bi<strong>en</strong> soi-<br />

274


même, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comm<strong>en</strong>t s'y pr<strong>en</strong>dre pour <strong>en</strong>seigner à un<br />

peuple<br />

Chapitre 140<br />

Un messager raconte la révolte <strong>de</strong> Césarée<br />

1. Cyrénius, étonné <strong>de</strong> la sagesse du supérieur, dit à Mathaël : « Ami, il ne fait<br />

pas bon discuter avec c<strong>et</strong> homme-là ! Il vous r<strong>en</strong>voie tous vos argum<strong>en</strong>ts à la<br />

figure ! En secr<strong>et</strong>, il est bourré <strong>de</strong> connaissances, <strong>et</strong> comme il s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />

magnifiquem<strong>en</strong>t à déf<strong>en</strong>dre sa position actuelle ! Ah, on n'a jamais vu une chose<br />

pareille ! Pour finir, on ne peut même pas lui <strong>en</strong> vouloir ! — Du moins les g<strong>en</strong>s<br />

<strong>de</strong> la ville seront-ils bi<strong>en</strong>tôt là, <strong>et</strong> nous verrons alors ce qu'ils nous révéleront. »<br />

2. Mathaël dit <strong>en</strong> souriant : « Ri<strong>en</strong> du tout, je te le dis ! Car ces archi... sont oints<br />

<strong>de</strong> toutes les huiles <strong>et</strong> trouv<strong>en</strong>t toujours quelque échappatoire ! Bref, pour<br />

parv<strong>en</strong>ir à m<strong>et</strong>tre ces hommes dans l'embarras, il faut davantage que <strong>de</strong>s forces <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s connaissances purem<strong>en</strong>t humaines ! Je me s<strong>en</strong>s le courage <strong>de</strong> guérir <strong>en</strong> un<br />

seul jour <strong>de</strong> leur stupidité <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> Grecs <strong>et</strong> <strong>de</strong> Romains : ce que je leur<br />

exposerai sera neuf pour eux, <strong>et</strong> ils l'accepteront même avec empressem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

gratitu<strong>de</strong>. Mais avec ces hommes-ci, il n'est ri<strong>en</strong> qu'on puisse leur prés<strong>en</strong>ter<br />

comme une nouveauté ; ils sont pour la plupart initiés à tous les savoirs <strong>et</strong> sav<strong>en</strong>t<br />

déf<strong>en</strong>dre leur cause d'une manière si habile qu'il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> leur opposer<br />

quoi que ce soit.<br />

3. Et si le Seigneur S'est mis un peu <strong>en</strong> r<strong>et</strong>rait, c'est bi<strong>en</strong>, à mon avis, parce qu'il<br />

avait prévu qu'il ne serait pas facile <strong>de</strong> traiter <strong>et</strong> <strong>de</strong> discuter avec ces zélateurs !<br />

C'est pourquoi il me paraît certain que les plaignants <strong>et</strong> les témoins v<strong>en</strong>us <strong>de</strong> la<br />

ville ne réussiront pas davantage que nous avec eux. »<br />

4. Cyrénius dit : « C'est pourtant une audi<strong>en</strong>ce d'une importance capitale qui a<br />

lieu <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> qui ne se reproduira peut-être jamais sur terre <strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

circonstances semblables ! Si seulem<strong>en</strong>t le curateur <strong>de</strong> la ville pouvait bi<strong>en</strong>tôt<br />

paraître ! »<br />

5. Un messager hors d'haleine arrive alors <strong>et</strong>, sans s'apercevoir <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong><br />

Cyrénius, dit à toute la compagnie : « Amis, déguerpissez au plus vite, car une<br />

terrible révolte vi<strong>en</strong>t d'éclater ! Tout le mon<strong>de</strong> recherche ces coquins <strong>de</strong> Juifs<br />

fanatiques <strong>et</strong> <strong>de</strong> Pharisi<strong>en</strong>s qui ont pris la fuite, <strong>et</strong> les Romains <strong>et</strong> les Grecs<br />

massacr<strong>en</strong>t tout ce qui ressemble à peu près à un Juif ! Je suis un pauvre Grec qui<br />

n'a revêtu qu'aujourd'hui <strong>et</strong> par nécessité un habit juif pour cacher sa nudité, <strong>et</strong> je<br />

n'<strong>en</strong> ai réchappé que d'extrême justesse ! »<br />

6. Cyrénius dit : « Mon garçon, je suis le gouverneur général ! Explique-toi un<br />

peu mieux ! Comm<strong>en</strong>t <strong>et</strong> pourquoi c<strong>et</strong>te révolte a-t-elle éclaté ? »<br />

7. Le messager, quelque peu déconcerté par la prés<strong>en</strong>ce inatt<strong>en</strong>due du <strong>grand</strong><br />

gouverneur, dit : « Noble <strong>et</strong> tout-puissant seigneur souverain, voilà très<br />

simplem<strong>en</strong>t ce qu'il <strong>en</strong> est : lorsque, hier soir, le soleil ou quelque autre phénomène<br />

lumineux a brillé à peu près <strong>de</strong>ux heures au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce qui arrive ordinai-<br />

275


em<strong>en</strong>t, avant <strong>de</strong> disparaître <strong>en</strong>suite soudainem<strong>en</strong>t du firmam<strong>en</strong>t — phénomène<br />

certes rare, mais non pour autant nouveau <strong>en</strong> ce vaste mon<strong>de</strong> —, les prêtres juifs,<br />

qui sans doute, sur la base <strong>de</strong> l'expéri<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> <strong>de</strong>s connaissances humaines,<br />

compr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t cela aussi bi<strong>en</strong> que nous, au lieu d'apporter au peuple le vin pur <strong>de</strong><br />

leur conviction, se sont mis à prêcher à ce peuple ignorant <strong>et</strong> superstitieux<br />

quelque gigantesque châtim<strong>en</strong>t divin qui, selon leurs très mystiques livres<br />

prophétiques, <strong>de</strong>vait s'accomplir maint<strong>en</strong>ant. D'épouvantables hurlem<strong>en</strong>ts<br />

s'élevèr<strong>en</strong>t alors parmi ces Juifs stupi<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> ils implorèr<strong>en</strong>t leurs prêtres,<br />

supposés être <strong>de</strong>s amis <strong>et</strong> <strong>de</strong>s serviteurs <strong>de</strong> Dieu, d'interv<strong>en</strong>ir auprès <strong>de</strong> Lui,<br />

contre toutes les offran<strong>de</strong>s qu'ils voudrai<strong>en</strong>t, afin qu'il r<strong>en</strong>once miséricordieusem<strong>en</strong>t<br />

à Son jugem<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>geur.<br />

8. Ces Juifs rusés, ne voyant que trop clairem<strong>en</strong>t combi<strong>en</strong> d'eau on apportait à<br />

leur moulin, répondir<strong>en</strong>t avec toute leur emphase mystique <strong>de</strong> juges sacerdotaux<br />

: "Si vous voulez détourner <strong>de</strong> vos têtes l'impitoyable jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> Dieu,<br />

désormais immin<strong>en</strong>t <strong>et</strong> inévitable, il faut nous apporter tout ce que vous possé<strong>de</strong>z<br />

d'or, d'arg<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> pierres précieuses <strong>et</strong> <strong>de</strong> perles, ainsi que vos meilleurs bœufs<br />

<strong>en</strong>graissés, vos vaches laitières <strong>et</strong> vos veaux les plus gras, afin que nous<br />

puissions dignem<strong>en</strong>t les offrir <strong>en</strong> sacrifice à Dieu !"<br />

9. À peine ces fieffés coquins <strong>de</strong> prêtres juifs eur<strong>en</strong>t-ils fini <strong>de</strong> parler que les<br />

offran<strong>de</strong>s qu'ils avai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>mandées se mir<strong>en</strong>t littéralem<strong>en</strong>t à pleuvoir sur eux !<br />

Voyant cela, nos prêtres [grecs], qui ne sont pas précisém<strong>en</strong>t tombés sur la tête,<br />

se <strong>de</strong>mandèr<strong>en</strong>t s'ils ne pouvai<strong>en</strong>t pas eux-mêmes, par quelque heureux hasard,<br />

disposer leur peuple à d'aussi lucratives offran<strong>de</strong>s. Ils trouvèr<strong>en</strong>t eux aussi dans<br />

notre bonne vieille religion quelque chose qui pouvait fort bi<strong>en</strong> leur servir à c<strong>et</strong><br />

eff<strong>et</strong>. Ils décidèr<strong>en</strong>t que ce brave Apollon s'était <strong>en</strong>tiché <strong>de</strong> quelque nouvelle<br />

Daphné <strong>et</strong> lui avait r<strong>en</strong>du une visite déshonnête. Son <strong>en</strong>nemi, le sieur Pluton, s'<strong>en</strong><br />

était aussitôt aperçu <strong>et</strong>, p<strong>en</strong>dant ce temps, avait escamoté le soleil ; <strong>et</strong> Gê,<br />

Apollon <strong>et</strong> sa nouvelle belle étai<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant dans <strong>de</strong> beaux draps ! N'importe<br />

quel Grec ou Romain pouvait aisém<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dre qu'il <strong>de</strong>vait s'<strong>en</strong>suivre une<br />

épouvantable guerre <strong>de</strong>s dieux ! Peut-être le très puissant Zeus, si on le lui<br />

<strong>de</strong>mandait comme il fallait par <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s prières, pouvait-il <strong>en</strong>core<br />

arranger c<strong>et</strong>te très périlleuse affaire ! C<strong>et</strong>te inv<strong>en</strong>tion rapporta beaucoup à nos<br />

prêtres, mais pas autant, loin <strong>de</strong> là, que ce qu'avait rapporté le jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rnier<br />

annoncé par les prêtres juifs à leurs ouailles.<br />

10. Un très sage Grec, qui a aussi bon cœur qu'il p<strong>en</strong>se bi<strong>en</strong>, détrompa quelquesuns<br />

<strong>de</strong> ceux qui gardai<strong>en</strong>t la tête froi<strong>de</strong>, <strong>et</strong> ceux-ci, autant qu'il était possible dans<br />

c<strong>et</strong>te <strong>grand</strong>e confusion, expliquèr<strong>en</strong>t aux Grecs <strong>et</strong> aux Romains aux abois ce<br />

qu'était le phénomène naturel <strong>et</strong> leur démontrèr<strong>en</strong>t fort clairem<strong>en</strong>t la honteuse<br />

avidité <strong>de</strong>s castes sacerdotales, à qui l'<strong>en</strong>vie <strong>de</strong> se faire apporter <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s<br />

aurait bi<strong>en</strong> dû passer égalem<strong>en</strong>t s'il y avait eu un seul mot <strong>de</strong> vrai dans leurs<br />

sinistres proclamations. Ils n'avai<strong>en</strong>t d'ailleurs qu'à comparer <strong>en</strong>tre elles les <strong>de</strong>ux<br />

nouvelles, d'une part celle formellem<strong>en</strong>t promise aux Juifs, d'autre part celle<br />

annoncée aux Grecs <strong>et</strong> aux Romains, <strong>et</strong> ils verrai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> qu'elles ne pouvai<strong>en</strong>t se<br />

réaliser l'une <strong>et</strong> l'autre ! Car il fallait qu'il arrivât ce qu'avai<strong>en</strong>t annoncé soit les<br />

prêtres juifs, soit les grecs ! Mais les dieux, eux, n'étai<strong>en</strong>t pas assez bêtes pour<br />

mijoter sa propre cuisine à chacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux nations, alors qu'ils avai<strong>en</strong>t toujours<br />

276


éparti les prés<strong>en</strong>ts du ciel équitablem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre tous les hommes, croyants <strong>et</strong><br />

incroyants !<br />

11. C<strong>et</strong>te leçon <strong>et</strong> d'autres semblables ram<strong>en</strong>èr<strong>en</strong>t aussitôt le peuple à la raison.<br />

On essaya <strong>de</strong> détromper <strong>de</strong> la même manière ceux que l'on connaissait comme <strong>de</strong><br />

bons Juifs ; mais autant tirer sur un mur avec <strong>de</strong>s p<strong>et</strong>its pois ! Ces agneaux <strong>de</strong><br />

Dieu (*) allèr<strong>en</strong>t au contraire jusqu'à proférer <strong>de</strong>s m<strong>en</strong>aces, accusant les paï<strong>en</strong>s<br />

d'être à l'origine du fléau immin<strong>en</strong>t !<br />

12. On <strong>en</strong> vint ainsi bi<strong>en</strong>tôt aux voies <strong>de</strong> fait, <strong>et</strong> Grecs <strong>et</strong> Romains <strong>en</strong>voyèr<strong>en</strong>t<br />

bi<strong>en</strong>tôt aux stupi<strong>de</strong>s Juifs leur propre jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rnier par le feu <strong>et</strong> exigèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

prêtres la restitution <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s si injustem<strong>en</strong>t extorquées <strong>en</strong> une telle extrémité.<br />

Comme c<strong>et</strong>te mise <strong>en</strong> <strong>de</strong>meure fort modérée ne recevait pas <strong>de</strong> réponse,<br />

on s'<strong>en</strong> prit <strong>en</strong> particulier aux prêtres juifs, qui, cédant <strong>de</strong>vant la viol<strong>en</strong>ce, prir<strong>en</strong>t<br />

la fuite à la faveur <strong>de</strong> l'épaisse fumée <strong>de</strong> l'inc<strong>en</strong>die <strong>de</strong> tous les quartiers juifs <strong>de</strong> la<br />

ville.<br />

13. Cep<strong>en</strong>dant, le sage curateur romain <strong>de</strong> la ville avait aussitôt <strong>en</strong>trepris une<br />

<strong>grand</strong>e <strong>en</strong>quête aux vastes ramifications sur ces fieffés coquins <strong>de</strong> prêtres juifs, <strong>et</strong><br />

il put alors montrer au peuple qu'eux seuls étai<strong>en</strong>t à l'origine <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te catastrophe<br />

dévastatrice. C'est <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t-là que, <strong>de</strong> notre part, la révolte contre tout ce<br />

qui était juif s'est déchaînée pour atteindre désormais <strong>de</strong>s proportions véritablem<strong>en</strong>t<br />

épouvantables ; car on massacre à prés<strong>en</strong>t les Juifs à tour <strong>de</strong> bras, <strong>et</strong><br />

déjà, il y a dans la ville presque plus <strong>de</strong> sang que <strong>de</strong> lait <strong>et</strong> <strong>de</strong> vin.<br />

14. Mais il me semble bi<strong>en</strong> que ce sont justem<strong>en</strong>t les prêtres juifs fugitifs qui se<br />

ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t là sous ce <strong>grand</strong> cyprès ! Eh, <strong>grand</strong> bi<strong>en</strong> leur fasse, car cela ira bi<strong>en</strong>tôt<br />

fort mal pour eux s'ils ne pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas à l'instant la poudre d'escamp<strong>et</strong>te, mais ce<br />

n'est pas moi qui le conseillerai à ces fieffés coquins ! J'<strong>en</strong> abattrais plutôt moimême<br />

<strong>de</strong>ux ou trois avec ce javelot que, me pr<strong>en</strong>ant pour un Juif, on a lancé sur<br />

moi tandis que je m'<strong>en</strong>fuyais ici, mais qui, par bonheur, ne m'a pas touché ! J'ai<br />

r<strong>en</strong>contré les <strong>de</strong>ux cavaliers à la porte <strong>de</strong> la ville, <strong>et</strong> ils auront fort à faire pour<br />

parv<strong>en</strong>ir jusqu'au curateur ! Maint<strong>en</strong>ant, seigneur souverain, tu sais tout ; <strong>et</strong> ce<br />

que je t'ai dit est la pure vérité toute nue, je m'<strong>en</strong> porte garant sur ma vie ! »<br />

15. Cyrénius dit : « Je te suis fort reconnaissant <strong>de</strong> ces nouvelles ; tu as bi<strong>en</strong><br />

plaidé ta cause ! Mais reste ici pour le mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> si tu as faim <strong>et</strong> soif, on peut te<br />

donner du pain <strong>et</strong> du vin. Entr<strong>et</strong>emps, je vais <strong>en</strong>voyer <strong>de</strong>ux cohortes <strong>en</strong> ville pour<br />

m<strong>et</strong>tre fin à l'insurrection ; après quoi tu seras pour moi un bon témoin contre ces<br />

prêtres juifs ! »<br />

16. Le messager accepte volontiers c<strong>et</strong>te proposition, car il avait certes <strong>grand</strong>faim<br />

<strong>et</strong> <strong>grand</strong>e soif ; quant à Cyrénius, il fait simplem<strong>en</strong>t un signe à Jules qui<br />

était prés<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> celui-ci sait aussitôt ce qu'il a à faire, car il a lui-même assisté au<br />

récit du messager.<br />

(*)<br />

À pr<strong>en</strong>dre ironiquem<strong>en</strong>t : littéralem<strong>en</strong>t, « veaux <strong>de</strong> Dieu » (Gotteskälber), le « veau » étant <strong>en</strong><br />

allemand un symbole <strong>de</strong> sottise. (N.d.T.)<br />

277


Chapitre 141<br />

Le messager Hermès raconte ce qu'il a vu dans la ville<br />

1. Comme Jules a exécuté l'ordre <strong>de</strong> Cyrénius <strong>et</strong> que les <strong>de</strong>ux cohortes s'<strong>en</strong> vont,<br />

les <strong>de</strong>ux cavaliers <strong>en</strong>voyés précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t sont eux-mêmes <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our, <strong>et</strong> ce qu'ils<br />

dis<strong>en</strong>t confirme les déclarations du messager. En même temps, ils rapport<strong>en</strong>t<br />

l'assurance toute dévouée <strong>de</strong> la part du curateur <strong>de</strong> la ville que, dès que la<br />

tempête se sera quelque peu apaisée, il se hâtera <strong>de</strong> v<strong>en</strong>ir faire au très noble<br />

souverain le rapport le plus exact <strong>et</strong> le plus consci<strong>en</strong>cieux sur tous les<br />

événem<strong>en</strong>ts. Cyrénius récomp<strong>en</strong>se les <strong>de</strong>ux cavaliers <strong>et</strong> les m<strong>et</strong> au repos, <strong>et</strong> ils le<br />

salu<strong>en</strong>t <strong>et</strong> rejoign<strong>en</strong>t leurs camara<strong>de</strong>s. Cep<strong>en</strong>dant, Cyrénius se tourne à nouveau<br />

vers le messager <strong>et</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> par qui exactem<strong>en</strong>t il a été <strong>en</strong>voyé.<br />

2. Le messager, ayant un peu repris courage, dit : « Seigneur souverain, par la<br />

nécessité ! En la circonstance, comme le feu, pour finir, ne faisait plus aucune<br />

différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre les maisons juives <strong>et</strong> les nôtres, moi-même, citoy<strong>en</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

ville, j'ai perdu tout mon avoir <strong>et</strong> suis désormais un m<strong>en</strong>diant. Ce manteau qui<br />

couvre à prés<strong>en</strong>t mon corps tant mal que bi<strong>en</strong>, je l'ai j<strong>et</strong>é sur mes épaules après<br />

l'avoir pris sur le corps d'un Juif massacré, sans quoi je serais nu, comme mon<br />

épouse <strong>et</strong> mes trois filles déjà <strong>grand</strong>es, qui sont maint<strong>en</strong>ant toutes quatre,<br />

couvertes d'un <strong>grand</strong> drap, <strong>de</strong>rrière c<strong>et</strong>te cabane du vieux Marc.<br />

3. Quant à moi, j'ai lancé ce sauve-qui-peut au cas où il y aurait ici <strong>de</strong>s Juifs <strong>de</strong> la<br />

ville, afin qu'ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la fuite <strong>et</strong> que je puisse ainsi mieux les reconnaître <strong>et</strong><br />

me v<strong>en</strong>ger alors tout mon soûl sur ces fieffés coquins avec ce javelot pointu. Et<br />

s'ils fuyai<strong>en</strong>t, ce ne pourrait être que PER MARE ; partout ailleurs, le curateur a<br />

déjà posté <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>tinelles, <strong>et</strong> celles-ci capturerai<strong>en</strong>t les coquins, qui passerai<strong>en</strong>t<br />

sans doute un mauvais quart d'heure !<br />

4. Seigneur souverain, je suis Grec <strong>et</strong> m'y connais un peu <strong>en</strong> matière <strong>de</strong> stratégie<br />

; c<strong>et</strong>te fois, leur compte est bon, ces coquins ne nous échapperont plus ! Du reste,<br />

il ne serait pas mauvais <strong>de</strong> poster quelques s<strong>en</strong>tinelles sur le rivage, sans quoi les<br />

gaillards pourrai<strong>en</strong>t malgré tout s'emparer promptem<strong>en</strong>t d'un bateau <strong>et</strong> s'<strong>en</strong>fuir<br />

avec lui. »<br />

5. Cyrénius dit : « Ne t'inquiète pas <strong>de</strong> cela ; on y a déjà pourvu au mieux ! »<br />

6. Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius se tourne vers Mathaël <strong>et</strong> dit : « Eh bi<strong>en</strong>, que dis-tu <strong>de</strong> ce<br />

que nous appr<strong>en</strong>d maint<strong>en</strong>ant ce messager ?! Cep<strong>en</strong>dant, je vais tout <strong>de</strong> même<br />

att<strong>en</strong>dre le curateur <strong>de</strong> la ville ; je suis fort curieux d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ce que ces archi...<br />

auront à répondre à cela. »<br />

7. Mathaël dit : « Tu n'y gagneras pas <strong>grand</strong>-chose ; car tu ne connais pas <strong>en</strong>core<br />

les mille ouvertures par lesquelles ces g<strong>en</strong>s sav<strong>en</strong>t regagner leur chère liberté.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, tu es déjà un peu plus avancé que tout à l'heure !<br />

8. Mais il faut à prés<strong>en</strong>t s'occuper avant tout <strong>de</strong> pourvoir l'épouse <strong>et</strong> les <strong>en</strong>fants<br />

du messager ! Hélène, tu as bi<strong>en</strong> avec toi quelques vêtem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> jour, quand ce<br />

ne serai<strong>en</strong>t que <strong>de</strong>s tuniques, avec lesquels on pourrait au moins provisoirem<strong>en</strong>t<br />

cacher leur nudité ! »<br />

278


9. Sur le champ, Hélène appelle l'une <strong>de</strong> ses servantes <strong>et</strong> lui ordonne <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre<br />

les dispositions nécessaires. La servante va aussitôt à l'une <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>tes d'Ouran,<br />

d'où elle rapporte quatre bonnes tuniques <strong>et</strong> quatre précieuses robes <strong>de</strong> femme à<br />

la mo<strong>de</strong> grecque. Comme elle les apporte à Hélène, celle-ci dit : « Fais-toi<br />

conduire par le messager vers sa femme <strong>et</strong> ses filles, habille-les <strong>et</strong> ramène-les ici,<br />

à c<strong>et</strong>te table ! »<br />

10. Devant c<strong>et</strong>te bonté d'Hélène, <strong>de</strong>s larmes <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong> mont<strong>en</strong>t aux yeux du<br />

messager, <strong>et</strong>, le cœur joyeux, il mène la servante à l'<strong>en</strong>droit où son épouse <strong>en</strong><br />

larmes <strong>et</strong> ses trois filles affligées l'att<strong>en</strong><strong>de</strong>nt. Comme il dit aux éplorées <strong>en</strong>core<br />

<strong>en</strong>veloppées dans leur drap : « Ne pleurez plus, mes très chères ; car nous avons<br />

déjà trouvé un très puissant secours ! Le <strong>grand</strong> gouverneur Cyrénius est ici, <strong>et</strong><br />

c'est sans doute sa fille qui vous fait <strong>en</strong>voyer les vêtem<strong>en</strong>ts les plus beaux <strong>et</strong> les<br />

plus précieux que vous ayez jamais vus ! », l'épouse <strong>et</strong> les filles se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à<br />

sauter <strong>de</strong> joie <strong>et</strong> s'habill<strong>en</strong>t <strong>en</strong> hâte. Quant au drap, le messager le plie <strong>et</strong> le cache<br />

sous sa robe juive. Puis il conduit à Hélène les quatre femmes, dont les<br />

vêtem<strong>en</strong>ts s'humect<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s larmes <strong>de</strong> la plus profon<strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong>.<br />

11. Hélène fait asseoir les quatre femmes à son côté <strong>et</strong> leur offre aussitôt du pain<br />

<strong>et</strong> du vin ; car elles aussi avai<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>-faim <strong>et</strong> soif. Hélène <strong>et</strong> Ouran<br />

s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t avec elles, <strong>et</strong> elles leur cont<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses sur la manière<br />

dont les Pharisi<strong>en</strong>s opprim<strong>en</strong>t ceux <strong>de</strong> leur foi. Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius dit au<br />

messager : « Ami, je t'ai adressé la parole quelque peu ru<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, tout au début,<br />

<strong>en</strong> te qualifiant du terme peu honorable <strong>de</strong> "garçon" ; à prés<strong>en</strong>t que je te connais<br />

mieux, j'ai du remords <strong>de</strong> t'avoir ainsi déshonoré, ne fût-ce qu'un instant. En<br />

comp<strong>en</strong>sation, il faut maint<strong>en</strong>ant que tu sois sans att<strong>en</strong>dre revêtu par moi d'un<br />

habit honorifique ! »<br />

12. Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius ordonna à ses serviteurs d'aller aussitôt chercher un<br />

habit d'honneur, qui consistait <strong>en</strong> une très fine tunique <strong>de</strong> byssus aux plis<br />

nombreux, allant jusqu'aux g<strong>en</strong>oux, puis une toge galonnée d'or, tissée <strong>et</strong><br />

confectionnée dans une soie indi<strong>en</strong>ne du plus beau bleu, <strong>de</strong> très belles sandales<br />

romaines, <strong>en</strong>fin un magnifique turban égypti<strong>en</strong> orné <strong>de</strong> plumes <strong>et</strong> d'une agrafe<br />

faite d'une précieuse émerau<strong>de</strong>. De plus, notre Cyrénius fit <strong>en</strong>core rem<strong>et</strong>tre au<br />

messager six très fines tuniques <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssous <strong>et</strong> c<strong>en</strong>t livres d'arg<strong>en</strong>t. Bi<strong>en</strong> sûr, le<br />

messager ne se s<strong>en</strong>tait plus <strong>de</strong> joie, <strong>et</strong> il ne trouvait pas le premier mot pour<br />

remercier Cyrénius.<br />

13. Cep<strong>en</strong>dant, Cyrénius lui-même souriait <strong>de</strong> joie, <strong>et</strong> il dit au messager, qui<br />

s'appelait Hermès (*) : « Va dans la maison <strong>de</strong> Marc, lave-toi, puis vêts-toi <strong>et</strong><br />

revi<strong>en</strong>s <strong>en</strong> noble Romain ; il sera juste temps alors <strong>de</strong> convoquer les Pharisi<strong>en</strong>s<br />

pour une <strong>grand</strong>e audi<strong>en</strong>ce ! Car c<strong>et</strong>te fois, je te le garantis, ils ne m'échapperont<br />

plus ! Et toi, mon noble ami Hermès, tu me seras fort utile ! »<br />

14. Hermès dit : « Je le souhaite, <strong>et</strong> la ruse guerrière ne m'a <strong>en</strong>core jamais fait<br />

défaut ! Mais ces hommes sont déjà trop r<strong>et</strong>ors pour les Furies, à plus forte raison<br />

pour nous si nous les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dons dans les formes ordinaires ! Si l'on veut les<br />

condamner, il faut s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir à ce que dis<strong>en</strong>t d'eux <strong>de</strong>s témoins tout à fait sûrs ; car<br />

(*)<br />

Amusante coïnci<strong>de</strong>nce que ce nom d'Hermès (<strong>en</strong> allemand, Herme) pour un messager !<br />

(N.d.T.)<br />

279


si on les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d eux aussi, on se laisse embrouiller <strong>et</strong> l'on finit même par les<br />

déclarer innoc<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> par leur accor<strong>de</strong>r tout ce qu'ils veul<strong>en</strong>t. Si l'on me<br />

<strong>de</strong>mandait mon avis, je rassemblerais ces coquins achevés, je les j<strong>et</strong>terais <strong>en</strong><br />

pâture aux poissons <strong>de</strong> la mer, <strong>et</strong> on n'<strong>en</strong> parlerait plus jamais ! Un juge ferait<br />

amplem<strong>en</strong>t justice <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière ! Quand les tigres, les hyènes <strong>et</strong> les loups<br />

s'install<strong>en</strong>t dans une contrée <strong>et</strong> caus<strong>en</strong>t ainsi aux hommes <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es craintes <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>grand</strong>s dégâts, faut-il <strong>en</strong>core soum<strong>et</strong>tre ces bêtes à un interrogatoire <strong>en</strong> règle<br />

?! Non, dis-je ! Leur malfaisance n'est que trop connue ; que l'on s'<strong>en</strong> débarrasse<br />

donc lorsqu'elles comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à se montrer trop dangereuses pour la société<br />

humaine ! Seigneur souverain, ces hommes sont <strong>de</strong>s protées parfaitem<strong>en</strong>t<br />

insaisissables ! Plus nous nous efforcerons <strong>de</strong> les pr<strong>en</strong>dre par <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s<br />

politiques, plus nous nous ferons pr<strong>en</strong>dre nous-mêmes ! Bi<strong>en</strong> que Grec, je les<br />

connais ! — Cep<strong>en</strong>dant, très bi<strong>en</strong>veillant seigneur souverain, m'autorises-tu<br />

<strong>en</strong>core une question ? »<br />

15. Cyrénius dit : « Laquelle ? Parle ! »<br />

Chapitre 142<br />

Cyrénius poursuit l'instruction par <strong>de</strong> nouvelles questions<br />

1. Hermès dit : « Seigneur souverain, là-bas, à quelque dix pas <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te table, se<br />

ti<strong>en</strong>t près d'une fill<strong>et</strong>te un homme qui paraît merveilleusem<strong>en</strong>t aimable <strong>et</strong> <strong>en</strong><br />

même temps d'une profon<strong>de</strong> sagesse ; une fill<strong>et</strong>te fort g<strong>en</strong>tille <strong>et</strong> affectueuse<br />

s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t avec lui, <strong>et</strong> lorsqu'il dit quelque chose, elle <strong>en</strong> montre une indicible<br />

félicité ! Qui est donc c<strong>et</strong> homme si aimable ? Ah, quelle dignité rayonne<br />

littéralem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tout son être ! Quelle noblesse est celle <strong>de</strong> la forme humaine<br />

dans un être si magnifique ! Presque tous les yeux sont tournés vers lui ! À son<br />

habit, ce doit être un Galilé<strong>en</strong> ! Peux-tu me dire quelque chose <strong>de</strong> lui ? Ô dieux,<br />

plus je regar<strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme, plus je me s<strong>en</strong>s littéralem<strong>en</strong>t pris d'amour ! Je n'<strong>en</strong><br />

veux pas à ma femme <strong>et</strong> à mes trois filles si elles ne peuv<strong>en</strong>t pour ainsi dire plus<br />

détacher leurs yeux <strong>de</strong> lui ! Je parierais sur ma vie que c<strong>et</strong> homme est bon, noble<br />

<strong>et</strong> sage ! Mais qui, qui, qui est-ce, <strong>et</strong> qu'est-il ? Ô seigneur souverain, réponds à<br />

c<strong>et</strong>te question, <strong>et</strong> aussitôt après, nous nous occuperons <strong>de</strong> ces fieffés coquins !<br />

Oh, ils ne peuv<strong>en</strong>t plus nous échapper, à condition que nous cessions <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ir le<br />

moindre compte <strong>de</strong> ce qu'ils dis<strong>en</strong>t ! »<br />

2. Cyrénius dit : « Ami Hermès, <strong>en</strong> ce qui concerne c<strong>et</strong> homme, je peux déjà te<br />

dire qu'il est parmi nous, les hommes, autant dire comme un Dieu ! Sans doute<br />

n'est-Il pour le mom<strong>en</strong>t qu'un mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h — mais quel mé<strong>de</strong>cin ! Jamais<br />

c<strong>et</strong>te terre n'a porté son pareil ! Quant au reste, tu auras l'occasion <strong>de</strong><br />

l'appr<strong>en</strong>dre ! À prés<strong>en</strong>t, rev<strong>en</strong>ons à notre affaire — mais à l'av<strong>en</strong>ir, ne m'appelle<br />

plus "seigneur souverain", mais "ami <strong>et</strong> frère" ! »<br />

3. Hermès dit : « Fort bi<strong>en</strong>, je sais obéir aux ordres, <strong>et</strong> celui-ci m'inspire tant<br />

d'estime <strong>et</strong> d'amour pour toi que je mourrais volontiers dans ma gratitu<strong>de</strong> ! Mais<br />

avant tout, dis-moi <strong>en</strong>core, noble ami, qui est ce si beau jeune homme qui se ti<strong>en</strong>t<br />

près du mé<strong>de</strong>cin. Est-il par hasard son fils, <strong>et</strong> la fill<strong>et</strong>te sa fille ? »<br />

280


4. Cyrénius dit : « Oui, oui, ami, ce n'est pas mal jugé — mais v<strong>en</strong>ons-<strong>en</strong> à notre<br />

affaire ! »<br />

5. Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius fait <strong>de</strong> nouveau approcher le supérieur <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong><br />

lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s'il connaît le messager.<br />

6. Le supérieur dit : « Qui ne connaît ce fameux chanteur <strong>et</strong> joueur <strong>de</strong> cithare ?!<br />

Ses chants nous ont souv<strong>en</strong>t merveilleusem<strong>en</strong>t divertis ! Il est seulem<strong>en</strong>t<br />

dommage qu'il refuse <strong>de</strong> v<strong>en</strong>ir à la religion <strong>de</strong> nos pères ; <strong>en</strong> vérité, il surpasserait<br />

notre <strong>grand</strong> David ! C'est un homme parfaitem<strong>en</strong>t honnête, bon <strong>et</strong> plein <strong>de</strong><br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t ; simplem<strong>en</strong>t, il ne nous est pas favorable, ce que nous lui pardonnons<br />

volontiers, car nous ne pouvons guère exiger que son esprit compr<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> saisisse<br />

nos principes d'appar<strong>en</strong>ce souv<strong>en</strong>t inhumaine ! »<br />

7. Cyrénius dit : « Cep<strong>en</strong>dant, c<strong>et</strong> Hermès est votre principal accusateur, <strong>et</strong> il<br />

vi<strong>en</strong>t pour la secon<strong>de</strong> fois <strong>de</strong> confirmer <strong>de</strong> la manière la plus catégorique ce<br />

qu'un témoin parfaitem<strong>en</strong>t digne <strong>de</strong> foi avait déjà dit <strong>de</strong> vous ! Vous comparaissez<br />

donc à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant moi comme <strong>de</strong> vulgaires <strong>et</strong> indignes criminels, <strong>et</strong><br />

pourtant, vous avez <strong>en</strong>core l'audace tout à fait éhontée <strong>de</strong> me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un<br />

dédommagem<strong>en</strong>t parce que votre propre avidité maligne <strong>et</strong> r<strong>et</strong>orse a fait <strong>de</strong> vous<br />

d'infâmes inc<strong>en</strong>diaires ! — Que répon<strong>de</strong>z-vous à cela ? »<br />

8. Le supérieur dit fort tranquillem<strong>en</strong>t : « Seigneur, pour ce qui est d'Hermès,<br />

nous ne lui gardons pas la moindre rancune pour cela ; car nous savons <strong>de</strong>puis<br />

longtemps qu'un homme qui ne possè<strong>de</strong> pas une connaissance à peu près<br />

suffisante d'une question <strong>et</strong> qui n'a pas d'autre avis sur elle ne peut <strong>en</strong> juger<br />

autrem<strong>en</strong>t que selon la manière dont elle apparaît à son <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t limité. Qui<br />

pourrait <strong>en</strong> vouloir à un homme qui, <strong>en</strong> tombant d'un toit, assommerait dans sa<br />

chute un autre homme assis sous ce toit ?! Si le bon chanteur Hermès veut à<br />

prés<strong>en</strong>t être notre <strong>en</strong>nemi lui aussi, qu'il le soit ; mais nous ne serons jamais ses<br />

<strong>en</strong>nemis pour autant ! D'ailleurs, tout ce qu'il a dit <strong>de</strong> nous est au fond<br />

parfaitem<strong>en</strong>t vrai. Mais on dit qu'il existe <strong>en</strong> Europe, près <strong>de</strong> la Sicile, un lieu<br />

marin très dangereux appelé Scylla <strong>et</strong> Charyb<strong>de</strong> (*) ; celui qui évite heureusem<strong>en</strong>t<br />

Scylla est alors <strong>en</strong>glouti par Charyb<strong>de</strong> ! Nous aussi, nous flottions c<strong>et</strong>te nuit dans<br />

un vrai Scylla <strong>et</strong> Charyb<strong>de</strong> moral, <strong>et</strong> nous te posons à prés<strong>en</strong>t la question : que<br />

<strong>de</strong>vions-nous donc faire qui fût tout à fait juste pour vous, Romains ? »<br />

9. Cyrénius dit : « Puisque vous saviez bi<strong>en</strong> ce qu'il <strong>en</strong> était du phénomène d'hier,<br />

pourquoi n'avez-vous pas expliqué la vérité à vos ouailles, ce qui, à l'évi<strong>de</strong>nce,<br />

eût calmé tous les esprits ?! Pourquoi avez-vous m<strong>en</strong>ti au peuple, posant ainsi les<br />

bases d'un désarroi <strong>et</strong> d'une confusion imm<strong>en</strong>ses <strong>et</strong> <strong>de</strong> la révolte actuelle contre<br />

vous ?! Pourquoi avez-vous tyranniquem<strong>en</strong>t extorqué au peuple les offran<strong>de</strong>s les<br />

plus inouïes, sachant pourtant ce qu'il <strong>en</strong> était du phénomène, <strong>et</strong> qu'il n'y avait<br />

pas là la moindre trace <strong>de</strong> la prophétie <strong>de</strong> Daniel ?!<br />

10. Répon<strong>de</strong>z-moi là-<strong>de</strong>ssus <strong>et</strong> justifiez votre conduite inouïe à l'égard du pauvre<br />

peuple aveugle que vous avez r<strong>en</strong>du stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> superstitieux ! »<br />

11. Le supérieur dit : « Je vi<strong>en</strong>s juste <strong>de</strong> faire allusion à vos Scylla <strong>et</strong> Charyb<strong>de</strong> ;<br />

mais il ne semble pas que tu m'aies compris ! Vois-tu, lorsque, hier soir, le soleil,<br />

(*) Sic. (N.d.T.)<br />

281


comme au temps <strong>de</strong> Josué, a continué <strong>de</strong> briller au lieu <strong>de</strong> se coucher comme à<br />

l'ordinaire, beaucoup <strong>de</strong> nos coreligionnaires les plus émin<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> ont été<br />

frappés. Ils sont v<strong>en</strong>us à la synagogue me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un avis, <strong>et</strong> aussi m'annoncer<br />

que tous les Juifs étai<strong>en</strong>t dans un <strong>grand</strong> désarroi. Dès c<strong>et</strong>te première visite, je les<br />

ai détrompés <strong>de</strong> mon mieux <strong>et</strong> leur ai expliqué que ce phénomène était chose<br />

toute naturelle <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> proche <strong>de</strong> l'équinoxe. Ils s'<strong>en</strong> allèr<strong>en</strong>t, mais ne<br />

pur<strong>en</strong>t apaiser le peuple ; car celui-ci, prét<strong>en</strong>dant avoir vu <strong>de</strong>s étoiles tomber du<br />

ciel vers l'est, les r<strong>en</strong>voya aussitôt à la prophétie <strong>de</strong> Daniel. De plus, le peuple<br />

proférait <strong>de</strong>s m<strong>en</strong>aces pour le cas où on lui cacherait pareille chose ! Mais au<br />

bout d'un mom<strong>en</strong>t, le soleil ou le phénomène lumineux disparut soudainem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong><br />

il se fit une obscurité effroyable ! C'<strong>en</strong> était fait désormais <strong>de</strong> toutes les t<strong>en</strong>tatives<br />

d'apaisem<strong>en</strong>t ! Il fallait véritablem<strong>en</strong>t que ce fût la fin du mon<strong>de</strong> ; une parole<br />

contraire <strong>de</strong> notre part, <strong>et</strong> c'était à l'instant le coup <strong>de</strong> grâce pour nous !<br />

12. Tel était notre Scylla ! Ainsi, nous fûmes contraints par les événem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> ne<br />

plus prêcher que Daniel, mais aussi <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r les offran<strong>de</strong>s expiatoires les<br />

plus considérables, conformém<strong>en</strong>t à l'importance appar<strong>en</strong>te <strong>de</strong> la circonstance,<br />

afin du moins <strong>de</strong> maint<strong>en</strong>ir par là dans le peuple quelque espérance dans<br />

l'indulg<strong>en</strong>ce divine ! Cep<strong>en</strong>dant, nous compr<strong>en</strong>ions fort bi<strong>en</strong> qu'une fois le clair<br />

matin d'aujourd'hui v<strong>en</strong>u, nous tomberions <strong>en</strong> Charyb<strong>de</strong> ; mais lorsqu'il faut<br />

choisir <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>ux maux, on préfère le premier <strong>et</strong> le moindre <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce au<br />

second, qui signifiait notre perte immédiate. Ainsi, nous avons agi d'une manière<br />

juste <strong>et</strong> légitime <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong> circonstances que nous n'avions pas appelées,<br />

parce qu'il était impossible d'agir autrem<strong>en</strong>t. Comm<strong>en</strong>t peux-tu vouloir nous<br />

juger pour cela, toi qui es un Romain juste ? Explique-le-nous ! »<br />

13. Cyrénius dit : « Oui, oui, la chose est plausible ; mais la question est <strong>de</strong><br />

savoir ce que vous auriez fait <strong>de</strong> toutes les offran<strong>de</strong>s acceptées ! Car il est clair<br />

que la fin du mon<strong>de</strong> à cause <strong>de</strong> laquelle vous avez <strong>de</strong>mandé <strong>et</strong> reçu ces offran<strong>de</strong>s<br />

propitiatoires n'est pas <strong>en</strong>core arrivée ! Les eussiez-vous jamais restituées au<br />

malheureux peuple ? »<br />

14. Le supérieur dit : « Noble souverain, voilà bi<strong>en</strong> une question étrange <strong>et</strong><br />

parfaitem<strong>en</strong>t superflue ! Cela va <strong>de</strong> soi, assurém<strong>en</strong>t, bi<strong>en</strong> qu'il eût fallu procé<strong>de</strong>r<br />

avec beaucoup d'intellig<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce, à cause <strong>de</strong> l'aveuglem<strong>en</strong>t du peuple<br />

; mais qu'est-ce que cela change à prés<strong>en</strong>t ? Deman<strong>de</strong>-le au feu qui a dévoré<br />

toutes les offran<strong>de</strong>s <strong>et</strong> toutes nos réserves !<br />

15. Parce que, sous la pression <strong>de</strong>s circonstances <strong>et</strong> <strong>de</strong> la nécessité, nous avons<br />

prêché la prophétie <strong>de</strong> Daniel, il ne s'<strong>en</strong>suivait pas nécessairem<strong>en</strong>t que nos<br />

maisons <strong>et</strong> nos synagogues <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t être brûlées, ce qui, <strong>en</strong> vérité, fut l'œuvre <strong>de</strong><br />

tes sages coreligionnaires, qui nourriss<strong>en</strong>t une vieille rancune contre nous. Aussi<br />

ne sommes-nous pas v<strong>en</strong>us réclamer seulem<strong>en</strong>t pour nous-mêmes, mais aussi<br />

pour notre peuple, puisque nous sommes <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us <strong>de</strong>s m<strong>en</strong>diants sans qu'il y ait<br />

<strong>de</strong> notre faute. Comm<strong>en</strong>t peux-tu maint<strong>en</strong>ant vouloir, non pas nous secourir,<br />

mais nous juger <strong>et</strong> même nous punir pour cela ?! Considère bi<strong>en</strong> la situation, ses<br />

causes <strong>et</strong> les faits, <strong>et</strong> tu seras sans doute frappé pour le moins d'une septuple nuit<br />

si tu nous trouves ici la moindre culpabilité ! »<br />

282


Chapitre 143<br />

Opinion du chef <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s sur le Sauveur<br />

1. Cyrénius dit : « Loin <strong>de</strong> moi c<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>sée ; mais ce qui m'importe <strong>et</strong> doit<br />

m'importer avant tout, c'est <strong>de</strong> vous am<strong>en</strong><strong>de</strong>r désormais totalem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire <strong>de</strong><br />

vous <strong>de</strong>s hommes véritables ! Vous pouvez certes fort bi<strong>en</strong> cacher le fond <strong>de</strong><br />

votre p<strong>en</strong>sée par <strong>de</strong>s paroles extérieures intelligemm<strong>en</strong>t choisies, <strong>et</strong> cela d'autant<br />

plus aisém<strong>en</strong>t que, dans le cas prés<strong>en</strong>t, les circonstances ont <strong>en</strong> un s<strong>en</strong>s tourné <strong>en</strong><br />

votre faveur <strong>et</strong> qu'aucun d'<strong>en</strong>tre nous ne peut dire avec une certitu<strong>de</strong> démontrable<br />

ce que vous auriez fait <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s reçues si, par exemple, l'inc<strong>en</strong>die n'avait pas<br />

eu lieu. Cep<strong>en</strong>dant, j'ai autre chose à vous dire, <strong>et</strong> je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à prés<strong>en</strong>t ceci<br />

: auriez-vous parlé <strong>de</strong> la même manière qu'à moi, avec une consci<strong>en</strong>ce pure <strong>et</strong><br />

tranquille, à un prophète Elie omnisci<strong>en</strong>t ou à un ange <strong>de</strong> Dieu capable <strong>de</strong> vous<br />

soum<strong>et</strong>tre à l'exam<strong>en</strong> intérieur le plus compl<strong>et</strong> ?<br />

2. En vérité, <strong>et</strong> par ma parole d'honneur impériale qui est véridique <strong>et</strong> puissante,<br />

je vous le dis : il y a ici <strong>en</strong> ma compagnie plusieurs sages — non <strong>de</strong> ma foi, mais<br />

<strong>de</strong> la vôtre — pour qui les p<strong>en</strong>sées humaines les plus secrètes sont aussi claires <strong>et</strong><br />

évi<strong>de</strong>ntes que le fait accompli le plus public ! Si ceux-là vous sondai<strong>en</strong>t, leur<br />

r<strong>en</strong>driez-vous raison d'un cœur aussi léger que vous le faites avec moi, dont vous<br />

savez fort bi<strong>en</strong> que l'omnisci<strong>en</strong>ce me fait défaut, sinon l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>et</strong> la<br />

sagacité ?! J'ai rigoureusem<strong>en</strong>t sondé ces hommes <strong>et</strong> trouvé qu'avec eux, il n'est<br />

pas question <strong>de</strong> plaisanter ! Je vous ferai égalem<strong>en</strong>t son<strong>de</strong>r par eux. Si les choses<br />

sont bi<strong>en</strong> telles que vous me les avez, exposées, on vous accor<strong>de</strong>ra tout ce que<br />

vous avez <strong>de</strong>mandé, <strong>et</strong> même davantage ; mais si lesdits sages donn<strong>en</strong>t <strong>de</strong> vous<br />

un autre témoignage, le frère du <strong>grand</strong> César, oncle <strong>de</strong> l'empereur actuel <strong>de</strong><br />

Rome, saura bi<strong>en</strong> aussi ce qu'il a à faire ! »<br />

3. Le supérieur dit : « Mais comm<strong>en</strong>t peux-tu nous garantir que les sages<br />

m<strong>en</strong>tionnés par toi sont nos amis <strong>et</strong> non nos <strong>en</strong>nemis, <strong>et</strong> qu'ils n'useront pas <strong>de</strong><br />

leur sagesse à notre détrim<strong>en</strong>t ? Car <strong>en</strong>fin, nous sommes <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s, <strong>et</strong>, <strong>en</strong><br />

tant que tels, haïs <strong>en</strong> Galilée, parce que nous nous <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ons strictem<strong>en</strong>t à la règle<br />

<strong>et</strong> ne prêchons que Moïse <strong>et</strong> les prophètes, tandis que presque toute la Galilée est<br />

déjà <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> a<strong>de</strong>pte <strong>de</strong> la philosophie gréco-égypti<strong>en</strong>ne. Si tes sages sont <strong>de</strong>s<br />

Galilé<strong>en</strong>s, ils ne voudront donc pas que leur sagesse dise du bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> nous, aussi<br />

récusons-nous par avance tous les sages galilé<strong>en</strong>s qui nous serai<strong>en</strong>t hostiles !<br />

4. En outre, il est écrit que nul prophète n'apparaîtra jamais <strong>en</strong> Galilée,<br />

précisém<strong>en</strong>t parce que les Galilé<strong>en</strong>s, Juifs hérétiques, se sont trop éloignés <strong>de</strong><br />

l'anci<strong>en</strong>ne sagesse mosaïque ! Mais s'il s'agit <strong>de</strong> sages <strong>de</strong> Judée, nous voulons<br />

bi<strong>en</strong> les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ! »<br />

5. Cyrénius dit : « Les sages que j'ai m<strong>en</strong>tionnés sont si haut placés dans ma<br />

confiance <strong>et</strong> dans mon cœur que chaque parole <strong>de</strong> leur bouche équivaut pour moi<br />

à une pure parole du ciel, bi<strong>en</strong> qu'à proprem<strong>en</strong>t parler je ne considère pas qu'une<br />

chose, pour être vraie, doive v<strong>en</strong>ir directem<strong>en</strong>t du ciel ; car toute vérité <strong>de</strong>meure<br />

vérité sur terre aussi bi<strong>en</strong> que sur les on<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la lumière <strong>de</strong> tous les cieux ! Car<br />

une poire plus une poire doiv<strong>en</strong>t faire <strong>de</strong>ux poires aussi bi<strong>en</strong> au ciel que sur la<br />

terre — sinon, le ciel est un m<strong>en</strong>songe !<br />

283


6. Mais <strong>en</strong>core une question, <strong>en</strong>tre autres ! Vous v<strong>en</strong>ez <strong>de</strong> vous prémunir contre<br />

les sages <strong>de</strong> Galilée, <strong>et</strong> j'<strong>en</strong> ai conclu que vous aviez peut-être à cela une autre<br />

raison que la seule philosophie grecque ! Car on prét<strong>en</strong>d qu'est apparu près <strong>de</strong><br />

Nazar<strong>et</strong>h un homme qui accomplit <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es choses <strong>de</strong> l'espèce la plus<br />

merveilleuse, <strong>en</strong>seigne aux hommes une nouvelle doctrine que l'on dit v<strong>en</strong>ue du<br />

ciel <strong>et</strong> confirme l'auth<strong>en</strong>ticité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te doctrine par <strong>de</strong>s miracles inouïs ! — Ditesmoi,<br />

n'avez-vous pas déjà <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler <strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme, <strong>et</strong> que p<strong>en</strong>sez-vous <strong>de</strong><br />

lui ? »<br />

7. Malhaël observe <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> : « C<strong>et</strong>te fois, tu les pr<strong>en</strong>ds par le bon bout ! À<br />

prés<strong>en</strong>t, ils vont très vite changer <strong>de</strong> couleur <strong>et</strong> <strong>de</strong> langage ! »<br />

8. Le supérieur répond : « Les tromperies <strong>de</strong> ce charlatan, qui a fort mauvaise<br />

réputation auprès <strong>de</strong> nous <strong>et</strong> qui, parce que l'échelle du charp<strong>en</strong>tier lui est<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue trop pesante, aime mieux chercher fortune dans une douce oisiv<strong>et</strong>é que<br />

dans un soli<strong>de</strong> travail, sont-elles donc parv<strong>en</strong>ues jusqu'à tes oreilles ? Nous qui<br />

sommes <strong>de</strong>s prêtres respectueux <strong>de</strong>s lois, tu veux à tout prix nous condamner,<br />

comme chacune <strong>de</strong> tes paroles <strong>et</strong> <strong>de</strong> tes mimiques ne nous le montre que trop<br />

clairem<strong>en</strong>t ; <strong>et</strong> tu aurais <strong>en</strong> quelque sorte donné carte blanche à c<strong>et</strong> escroc qui<br />

veut suborner le peuple avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> quelques tours <strong>de</strong> magie ori<strong>en</strong>tale, <strong>et</strong> sa<br />

parole aurait à tes yeux davantage <strong>de</strong> poids que la nôtre, dont pourtant le bon<br />

s<strong>en</strong>s, la raison <strong>et</strong> le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tout homme respectueux <strong>de</strong> l'ordre établi<br />

proclam<strong>en</strong>t la vérité ! Je connais l'escroc dont tu parles, <strong>et</strong> je t'ai dit tout ce qu'il y<br />

avait à <strong>en</strong> dire ! »<br />

9. Cyrénius, visiblem<strong>en</strong>t irrité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te déclaration, dit : « Fort bi<strong>en</strong> ; vous v<strong>en</strong>ez<br />

d'exprimer sur c<strong>et</strong> homme une opinion qui ne pouvait vous être plus défavorable<br />

! Mais du moins, pour une fois, avez-vous dit la vérité, <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s que vous<br />

m'avez montré très exactem<strong>en</strong>t le fond <strong>de</strong> votre p<strong>en</strong>sée. Je connais fort bi<strong>en</strong> votre<br />

escroc <strong>et</strong> sais ce qu'il <strong>en</strong> est <strong>de</strong> lui ; mais à prés<strong>en</strong>t, je vous connais parfaitem<strong>en</strong>t<br />

vous aussi <strong>et</strong> sais tout <strong>de</strong> vous ! Je ne pr<strong>en</strong>ds pas un homme pour arg<strong>en</strong>t<br />

comptant au premier regard, avant <strong>de</strong> l'avoir examiné jusqu'au <strong>de</strong>rnier a<strong>tome</strong>, <strong>et</strong><br />

je vais vous <strong>en</strong> donner à l'instant la preuve indéniable !<br />

10. Vous avez là <strong>de</strong>vant vous le futur roi du Pont. Hier matin <strong>en</strong>core, il comparaissait<br />

<strong>de</strong>vant moi <strong>en</strong> criminel chargé <strong>de</strong> chaînes serrées, <strong>et</strong> il eût été facile <strong>de</strong><br />

le vouer à la croix ; mais j'ai examiné sérieusem<strong>en</strong>t toutes les circonstances, ai<br />

découvert sa parfaite innoc<strong>en</strong>ce <strong>et</strong>, parce que c'est un homme fort sage, l'ai fait ce<br />

qu'il est à prés<strong>en</strong>t !<br />

11. Je suis plus sévère que n'importe quel juge, mais parfaitem<strong>en</strong>t équitable<br />

<strong>en</strong>vers chacun. Si l'exam<strong>en</strong> indisp<strong>en</strong>sable a porté préjudice à quelqu'un <strong>et</strong> que je<br />

découvre son innoc<strong>en</strong>ce, je sais <strong>en</strong>suite, autant qu'il est <strong>en</strong> mon pouvoir,<br />

transformer le préjudice subi <strong>en</strong> joie <strong>et</strong> <strong>en</strong> bonheur, ce dont ce nouveau roi peut<br />

témoigner pour vous.<br />

12. Cep<strong>en</strong>dant, il se trouve que j'ai éprouvé le Nazaré<strong>en</strong> <strong>en</strong> question plus<br />

rigoureusem<strong>en</strong>t que tout autre, <strong>et</strong> que j'ai trouvé <strong>en</strong> lui un homme si parfait que le<br />

sol <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre n'<strong>en</strong> a jamais porté ni n'<strong>en</strong> portera jamais après lui <strong>de</strong> plus<br />

parfait. Et c'est aussi pourquoi il est tout empli <strong>et</strong> pénétré du véritable esprit <strong>de</strong><br />

Dieu <strong>et</strong> n'agit <strong>et</strong> ne parle qu'avec une force <strong>et</strong> une puissance infinies <strong>et</strong><br />

284


incomm<strong>en</strong>surables. C'est ainsi que je connais le Nazaré<strong>en</strong> <strong>et</strong> que je brûle<br />

désormais du plus <strong>grand</strong> amour <strong>et</strong> du plus <strong>grand</strong> respect pour lui, bi<strong>en</strong> qu'il soit<br />

un vrai Juif au s<strong>en</strong>s le plus strict du terme.<br />

13. Oh, nous aussi, Romains, nous savons compr<strong>en</strong>dre le judaïsme, lorsqu'il est<br />

ce qu'il doit être selon Moïse <strong>et</strong> selon tous les prophètes : plein d'esprit, <strong>de</strong> force,<br />

d'amour, <strong>de</strong> vérité <strong>et</strong> <strong>de</strong> sagesse ; mais un judaïsme tel que vous le pratiquez<br />

aujourd'hui est pour nous, Romains amis <strong>de</strong> l'esprit <strong>et</strong> <strong>de</strong> la vérité, l'abomination<br />

<strong>de</strong> la parfaite désolation <strong>de</strong>s lieux saints annoncée par votre prophète Daniel !<br />

Vous savez désormais ce que je p<strong>en</strong>se du Nazaré<strong>en</strong> pour qui vous avez un si<br />

profond mépris. — Qu'avez-vous à répondre à cela ? »<br />

Chapitre 144<br />

Jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s sur leur chef <strong>et</strong> sur Jésus<br />

1. À ces mots, tous ces Pharisi<strong>en</strong>s zélés ouvr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux, <strong>et</strong> l'un d'eux fait<br />

c<strong>et</strong>te remarque à voix basse : « Eh bi<strong>en</strong>, notre astucieux chef a <strong>en</strong>core réussi !<br />

Quel imbécile ! À prés<strong>en</strong>t, nous n'avons plus qu'à chercher le moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> nous<br />

tirer <strong>de</strong> ce bourbier ! Si notre idiot <strong>de</strong> chef, dans un jour <strong>de</strong> chance, avait pu faire<br />

l'éloge du Nazaré<strong>en</strong> <strong>de</strong>vant ce très puissant souverain, les choses aurai<strong>en</strong>t<br />

maint<strong>en</strong>ant une tout autre tournure ! C<strong>et</strong> idiot a pourtant dû remarquer aussi bi<strong>en</strong><br />

que nous, ri<strong>en</strong> qu'à voir le bout du nez <strong>de</strong> Cyrénius, que celui-ci est follem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>tiché du Nazaré<strong>en</strong> faiseur <strong>de</strong> miracles, <strong>et</strong> malgré cela, il se déchaîne contre le<br />

favori du <strong>grand</strong> gouverneur comme s'il était véritablem<strong>en</strong>t convaincu <strong>de</strong> toutes<br />

ses forces <strong>de</strong> son év<strong>en</strong>tuelle vil<strong>en</strong>ie ! Ah, il n'y a vraim<strong>en</strong>t plus ri<strong>en</strong> à tirer <strong>de</strong> c<strong>et</strong><br />

âne <strong>de</strong> supérieur ! Qu'on le dépose ! Car s'il gar<strong>de</strong> plus longtemps la parole, nous<br />

serons tous <strong>en</strong> croix avant ce soir ! On ne plaisante pas avec le <strong>grand</strong> gouverneur<br />

! »<br />

2. Après c<strong>et</strong>te remarque, les autres lui dis<strong>en</strong>t <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> : « Va donc, toi, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

la parole au <strong>grand</strong> gouverneur ; mais c<strong>et</strong> âne <strong>de</strong> supérieur ne doit plus prononcer<br />

un seul mot ! Peut-être pouvons-nous <strong>en</strong>core trouver une issue ! Et si tu nous<br />

tires <strong>de</strong> ce mauvais pas, tu <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dras notre supérieur ! »<br />

3. Le premier dit : « Bi<strong>en</strong>, je vais essayer — sans pour autant vouloir <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir<br />

votre supérieur ! »<br />

4. Là-<strong>de</strong>ssus, il quitte le groupe, s'avance vers Cyrénius <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> l'autorisation<br />

<strong>de</strong> parler.<br />

5. Cyrénius dit : « J'att<strong>en</strong>ds <strong>en</strong>core que votre supérieur revi<strong>en</strong>ne sur son jugem<strong>en</strong>t<br />

à propos du Nazaré<strong>en</strong> ! »<br />

6. L'autre, qui est aussi un Pharisi<strong>en</strong> <strong>de</strong> la plus belle eau, dit : « Noble souverain,<br />

il ne dira plus ri<strong>en</strong> ; son intellig<strong>en</strong>ce est <strong>en</strong> échec, <strong>et</strong> c'est pourquoi il ne parle pas<br />

plus qu'un chameau dans le désert ! Il s'est si bi<strong>en</strong> fourvoyé <strong>et</strong> <strong>en</strong>tortillé qu'il ne<br />

sait plus maint<strong>en</strong>ant comm<strong>en</strong>t se sortir du fil<strong>et</strong>. Le bon Nazaré<strong>en</strong> lui a sans doute<br />

donné une calotte invisible qui lui a fermé la bouche <strong>et</strong> l'a fait re<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ce qu'il a<br />

d'ailleurs toujours été !<br />

285


7. Car avec ta perspicacité, noble souverain, tu as dû te convaincre <strong>de</strong>puis<br />

longtemps déjà que notre homme est un triple imbécile ! Si j'avais pu, moi ou un<br />

autre d'<strong>en</strong>tre nous, pr<strong>en</strong>dre la parole le premier, ce procès serait terminé <strong>de</strong>puis<br />

longtemps ; aussi, noble souverain, ne l'écoute plus, mais laisse-moi parler ! »<br />

8. Cyrénius dit : « Très bi<strong>en</strong>, parle donc ! Nous allons voir ce que tu as à nous<br />

appr<strong>en</strong>dre ! »<br />

9. L'autre repr<strong>en</strong>d : « Noble souverain, <strong>en</strong> ce qui concerne l'accusation selon<br />

laquelle nous serions nous-mêmes à l'origine <strong>de</strong> l'inc<strong>en</strong>die, ce que le supérieur t'a<br />

dit peut à la rigueur avoir une valeur, bi<strong>en</strong> que je doive confesser ouvertem<strong>en</strong>t,<br />

malgré les circonstances délicates, que nous ne sommes pas tout à fait aussi<br />

blancs comme neige que notre supérieur a t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> nous taire ; car c'est lui qui a<br />

ordonné qu'on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> l'offran<strong>de</strong> totale. Quant à savoir s'il était vraim<strong>en</strong>t<br />

nécessaire, pour ram<strong>en</strong>er l'ordre <strong>et</strong> le calme, d'arracher à nos malheureux<br />

coreligionnaires jusqu'à leur chemise s'ils ne la rem<strong>et</strong>tai<strong>en</strong>t aussitôt d'eux-mêmes,<br />

c'est une tout autre question ! Et quant à la restitution <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s extorquées<br />

au peuple, c'est aussi une question à laquelle il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> répondre ! On<br />

aurait peut-être bi<strong>en</strong> prêté aux g<strong>en</strong>s, contre un intérêt conséqu<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> l'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

aussi <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s ; mais pour ce qui est <strong>de</strong> la restitution que le supérieur t'a<br />

prés<strong>en</strong>tée comme allant <strong>de</strong> soi, c'eût été sans doute une autre paire <strong>de</strong> manches !<br />

Nous avons tous été profondém<strong>en</strong>t indignés <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre notre âne <strong>de</strong> supérieur<br />

bavar<strong>de</strong>r aussi étourdim<strong>en</strong>t ; mais nous ne pouvions faire aucune objection,<br />

parce que seul le supérieur a le droit <strong>de</strong> parler un jour <strong>de</strong> <strong>grand</strong> sabbat.<br />

Mais pour un plaidoyer aussi stupi<strong>de</strong>, <strong>et</strong> qui pourrait fort nous valoir à tous la<br />

croix, Satan peut bi<strong>en</strong> v<strong>en</strong>ir chercher notre supérieur même un jour <strong>de</strong> sabbat !<br />

10. Je le dis ici très franchem<strong>en</strong>t comme je le p<strong>en</strong>se, <strong>de</strong> même que tous les autres.<br />

Si notre idiot <strong>de</strong> supérieur a une affection particulière pour c<strong>et</strong>te sorte d'élévation,<br />

qu'il la subisse pour sa propre personne, assez mauvaise pour cela (*) ! Les larmes<br />

ne nous étoufferont pas pour autant ; mais pour le mom<strong>en</strong>t, nous ne t<strong>en</strong>ons pas<br />

du tout à une distinction romaine aussi spéciale !<br />

11. Quant à ce Nazaré<strong>en</strong> que tu vi<strong>en</strong>s seulem<strong>en</strong>t, noble souverain, <strong>de</strong> nous faire<br />

connaître un peu mieux, nous ne pouvons bi<strong>en</strong> sûr, pour l'amour <strong>de</strong> Yahvé <strong>et</strong><br />

pour <strong>de</strong>s raisons toutes naturelles, ri<strong>en</strong> dire ni PRO ni CONTRA ; car nous avons<br />

seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>de</strong> très loin certaines rumeurs. Les unes paraissai<strong>en</strong>t fort<br />

louables, d'autres au contraire, v<strong>en</strong>ant vraisemblablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>nemis, plus<br />

douteuses assurém<strong>en</strong>t, sans être franchem<strong>en</strong>t mauvaises. Ainsi, il aurait<br />

véritablem<strong>en</strong>t fait purem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> simplem<strong>en</strong>t rev<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s morts à la vie ! Mais nous<br />

n'avons fait que l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre dire sans le voir ; si l'on songe à ce que cela signifie <strong>de</strong><br />

ressusciter vraim<strong>en</strong>t un mort, il me semble que l'on est bi<strong>en</strong> excusable <strong>de</strong> douter,<br />

pour <strong>de</strong>s raisons parfaitem<strong>en</strong>t compréh<strong>en</strong>sibles <strong>et</strong> naturelles ! Je ne veux pas par<br />

là contester que cela soit possible, mais seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> représ<strong>en</strong>ter la <strong>grand</strong>e<br />

difficulté <strong>et</strong> montrer qu'il y faut davantage que les forces physiques <strong>et</strong> spirituelles<br />

d'un homme, même les plus parfaites <strong>et</strong> les plus complètes.<br />

(*)<br />

Il s'agit ici <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong> ces jeux <strong>de</strong> mots fréqu<strong>en</strong>ts chez <strong>Lorber</strong>, mais souv<strong>en</strong>t intraduisibles :<br />

kreuzschlecht est une sorte <strong>de</strong> superlatif familier <strong>de</strong> schlecht (mauvais, méchant), mais signifie<br />

aussi littéralem<strong>en</strong>t : « mauvais à être mis <strong>en</strong> croix » (Kreuz). (N.d.T.)<br />

286


12. On dit sans doute du prophète Elie qu'il a jadis r<strong>en</strong>du la chair <strong>et</strong> la vie à un tas<br />

d'ossem<strong>en</strong>ts ; mais nous n'y étions pas. De plus, c'est une tradition orale qui ne<br />

figure dans aucun livre, pas même dans les parties apocryphes <strong>de</strong> l'Écriture ! Il<br />

est donc bi<strong>en</strong> difficile à un homme <strong>de</strong> raison d'y ajouter foi !<br />

13. Il est vrai aussi que les Esséni<strong>en</strong>s réveill<strong>en</strong>t les morts pour <strong>de</strong> l'arg<strong>en</strong>t, <strong>et</strong><br />

généralem<strong>en</strong>t pour beaucoup d'arg<strong>en</strong>t ; mais ce secr<strong>et</strong> a déjà été percé, <strong>et</strong> l'on sait<br />

ce qu'il <strong>en</strong> est.<br />

14. Cep<strong>en</strong>dant, puisque tu dis tant <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> ce Nazaré<strong>en</strong>, toi qui es un homme<br />

d'une haute éducation <strong>et</strong> d'une <strong>grand</strong>e expéri<strong>en</strong>ce, plus digne <strong>de</strong> foi que mille<br />

autres sages, je ne puis faire autrem<strong>en</strong>t, avec mes collègues ici prés<strong>en</strong>ts, tous<br />

hommes <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>, que <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre justice au Nazaré<strong>en</strong>.<br />

15. Voilà ma réponse à ta question, noble souverain. C'est un vin pur, <strong>et</strong> les<br />

choses sont bi<strong>en</strong> comme je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te les exposer très fidèlem<strong>en</strong>t. Tous ceux-là,<br />

à l'exception <strong>de</strong> notre supérieur, peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> témoigner ; aussi, sois-nous clém<strong>en</strong>t,<br />

noble souverain ! »<br />

16. Cyrénius dit : « Je suis évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t plus satisfait <strong>de</strong> ta déclaration que <strong>de</strong><br />

celle du supérieur, qui se piquait d'être fort malin <strong>et</strong> a échappé aussi longtemps<br />

qu'il l'a pu à mes fil<strong>et</strong>s ; mais quand je les ai resserrés, il s'y est quand même pris,<br />

<strong>et</strong> c'est ainsi qu'il apparaît à prés<strong>en</strong>t comme un infâme m<strong>en</strong>teur. Pourtant, un<br />

véritable rep<strong>en</strong>tir <strong>et</strong> une confession loyale <strong>et</strong> <strong>en</strong>tière peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core tout réparer ;<br />

car il fait partie <strong>de</strong> ces hommes qui chériss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> le m<strong>en</strong>songe <strong>et</strong> la<br />

tromperie sous toutes leurs formes, mais qui, à cause <strong>de</strong> leur position, veul<strong>en</strong>t<br />

jouir auprès <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> la plus haute considération. Ils voudrai<strong>en</strong>t avoir la<br />

réputation d'un prophète, mais pouvoir agir comme <strong>de</strong>s Scythes pillards <strong>et</strong><br />

vagabonds !<br />

17. Aussi un vrai rep<strong>en</strong>tir, un changem<strong>en</strong>t total <strong>de</strong> vie, l'am<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>et</strong> la<br />

confession publique <strong>de</strong> la vérité peuv<strong>en</strong>t-ils <strong>en</strong>core tout rach<strong>et</strong>er ; car je ne suis<br />

pas ici pour faire s<strong>en</strong>tir à tous les pécheurs quels qu'ils soi<strong>en</strong>t la rigueur d'une<br />

justice impitoyable, mais pour les ai<strong>de</strong>r à r<strong>et</strong>rouver le droit chemin <strong>de</strong> la vie.<br />

Mais il ne faut pas qu'ils contrari<strong>en</strong>t ces efforts tout philanthropes ! Comm<strong>en</strong>t<br />

peut-on, quand on se veut sage <strong>et</strong> qu'on est <strong>de</strong> surcroît prêtre <strong>et</strong> chef <strong>de</strong><br />

synagogue, m<strong>en</strong>tir si abominablem<strong>en</strong>t?!<br />

18. Père supérieur, parle donc à prés<strong>en</strong>t <strong>et</strong> dis toute la vérité ; car tes compagnons<br />

n'ont pas <strong>en</strong>core exprimé la vérité tout <strong>en</strong>tière ! Ils cherchai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> réalité à sauver<br />

leur peau aux dép<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la ti<strong>en</strong>ne, ce que je trouve fort peu louable <strong>de</strong> leur part !<br />

Je sais fort bi<strong>en</strong> ce que je sais, <strong>et</strong> tu auras beau m<strong>en</strong>tir tant que tu voudras, cela ne<br />

t'avancera à ri<strong>en</strong> ; car tu ne peux me donner le change. — Ainsi donc, dis la<br />

vérité à prés<strong>en</strong>t ! »<br />

Chapitre 145<br />

Graves paroles <strong>de</strong> Cyrénius<br />

1. À ces mots, le supérieur se m<strong>et</strong> à réfléchir, se <strong>de</strong>mandant fort s'il doit vraim<strong>en</strong>t<br />

287


évéler la vérité. Ce n'est qu'au bout d'un temps assez long qu'il dit : « Noble<br />

souverain, je cè<strong>de</strong> sous le nombre ! Je me convainc à chaque instant que ceux qui<br />

témoign<strong>en</strong>t contre ma parole se multipli<strong>en</strong>t comme les champignons après la<br />

pluie. À quoi bon continuer à opposer à ce que tu désires savoir <strong>et</strong> affirmes<br />

d'ailleurs savoir <strong>de</strong>s preuves conformes à ma conviction ?! Je ne peux acquiescer<br />

à une chose contre ma propre conviction, <strong>et</strong> nier ne me sert à ri<strong>en</strong> ! Aussi, tu n'as<br />

qu'à adm<strong>et</strong>tre ce qu'on dit contre moi ; je ne me donnerai plus la peine <strong>de</strong> parer<br />

les coups, qu'ils soi<strong>en</strong>t justes ou injustes, <strong>de</strong> si nombreux témoins ! Si tu me<br />

trouves coupable <strong>de</strong> quelque faute, fort bi<strong>en</strong>, tu as tout pouvoir <strong>de</strong> me châtier <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> me punir à ton gré ; étant désormais tout à fait démuni, je n'ai aucun pouvoir à<br />

t'opposer ! »<br />

2. Cyrénius dit : « Il est écrit dans vos livres : "Malheur à qui s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>d à un oint<br />

du Seigneur !" C'est pourquoi je sais bi<strong>en</strong> moi aussi, autant que faire se peut,<br />

respecter c<strong>et</strong>te loi qui est la vôtre.<br />

3. Saül, votre premier roi oint, avait fini par <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir le pire <strong>de</strong>s méchants, <strong>et</strong><br />

David, oint <strong>en</strong>suite par Samuel pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir le <strong>de</strong>uxième roi d'Israël, eut souv<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> son pouvoir le roi qui <strong>en</strong> voulait à sa vie, <strong>et</strong> il eût pu l'anéantir ; mais l'esprit<br />

<strong>de</strong> Dieu parla au cœur <strong>de</strong> David, disant : "Malheur à toi si tu portes la main sur<br />

lui, car il est l'oint du Seigneur !"<br />

4. Vois-tu, j'ai beau être Romain <strong>et</strong> donc paï<strong>en</strong>, j'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds pourtant <strong>en</strong> esprit la<br />

même voix qui me dit : "Tu peux sans doute éprouver tous ceux que J'ai oints, <strong>et</strong>,<br />

si tu reconnais avec certitu<strong>de</strong> qu'ils se sont fourvoyés, les rem<strong>et</strong>tre sur le droit<br />

chemin par la parole <strong>et</strong> par les actes ; mais malheur à toi si tu <strong>en</strong> condamnais ne<br />

fût-ce qu'un seul !"<br />

5. Si l'archange Michel n'a pas osé condamner lui-même Satan qu'il avait vaincu<br />

après un combat <strong>de</strong> trois jours, mais l'a remis au jugem<strong>en</strong>t du Seigneur, comm<strong>en</strong>t<br />

oserais-je te condamner <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Dieu ? Mais je veux te son<strong>de</strong>r, te montrer<br />

la gravité <strong>de</strong> tes actes parfaitem<strong>en</strong>t dépourvus <strong>de</strong> scrupules <strong>et</strong> d'amour <strong>en</strong>vers tes<br />

frères, afin <strong>de</strong> te m<strong>et</strong>tre alors sur la voie <strong>de</strong> la Vie ! Et puisque tu sais que je ne<br />

veux pas autre chose, que ne t'ouvres-tu à moi ? »<br />

6. Le supérieur dit : « Si tu sais déjà tout, je ne vois vraim<strong>en</strong>t pas pourquoi tu<br />

exiges <strong>en</strong>core <strong>de</strong> moi un aveu public ! Tout à l'heure, je t'ai vu saisi d'une <strong>grand</strong>e<br />

colère quand je t'ai fait c<strong>et</strong>te déclaration assurém<strong>en</strong>t très franche, parce que je<br />

n'étais pas <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> parler du Nazaré<strong>en</strong> aussi favorablem<strong>en</strong>t que toi, qui<br />

sembles déjà fort bi<strong>en</strong> le connaître ; aussi puis-je bi<strong>en</strong> me disp<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> te faire<br />

d'autres aveux publics ! Je t'ai déjà tout dit, <strong>et</strong> tu dis toi-môme que tu sais tout ;<br />

pourquoi <strong>de</strong>vrions-nous <strong>en</strong>core perdre notre temps <strong>en</strong> paroles ?!<br />

7. Du reste, <strong>en</strong> ce qui concerne mes propos sur le Nazaré<strong>en</strong>, il n'y a là ri<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

mon cru, mais je ne pouvais te dire autre chose que ce que j'avais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire <strong>de</strong><br />

lui par d'autres ! Et à prés<strong>en</strong>t que tu m'<strong>en</strong> as donné un autre témoignage, mon<br />

opinion <strong>de</strong> lui a changé ! Que puis-je donc faire <strong>de</strong> plus ?! Qui peut m'obliger à<br />

dire quoi que ce soit <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> sur un homme, si ne sont v<strong>en</strong>ues jusqu'ici à mes<br />

oreilles que <strong>de</strong> mauvaises informations, <strong>et</strong> aucune bonne ? Mais à prés<strong>en</strong>t que,<br />

pour la première fois, j'ai reçu <strong>de</strong> toi seul les meilleures informations sur ce<br />

Nazaré<strong>en</strong>, je puis <strong>en</strong> dire moi-même autant <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> que toi, <strong>et</strong>, bi<strong>en</strong> que je ne l'aie<br />

288


pas <strong>en</strong>core pratiqué comme toi, ton témoignage me suffit <strong>et</strong> je p<strong>en</strong>se désormais<br />

comme toi sur le Nazaré<strong>en</strong>. — Cela te suffit-il à prés<strong>en</strong>t ? »<br />

8. Cyrénius dit : « Cela me suffirait assurém<strong>en</strong>t si ton cœur parlait comme ta<br />

bouche ; mais si l'on pouvait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ton cœur, il ti<strong>en</strong>drait sans doute un tout<br />

autre langage ! Car je ne connais que trop bi<strong>en</strong> votre pharisaïsme ! Je sais<br />

parfaitem<strong>en</strong>t qu'<strong>en</strong> réalité, comme les Esséni<strong>en</strong>s, vous ne croyez à ri<strong>en</strong>, mais que,<br />

pour votre plus <strong>grand</strong> bi<strong>en</strong> matériel, vous voulez faire croire au peuple tout ce<br />

que vous pouvez imaginer qui soit susceptible <strong>de</strong> vous rapporter <strong>de</strong>s intérêts.<br />

9. Que survi<strong>en</strong>ne un homme intérieurem<strong>en</strong>t éclairé d'une vraie lumière divine <strong>et</strong><br />

qu'il montre aux hommes errant dans la nuit <strong>et</strong> les ténèbres le vrai <strong>et</strong> lumineux<br />

chemin <strong>de</strong> la Vie, ce qui, bi<strong>en</strong> sûr, mènera inévitablem<strong>en</strong>t à faire découvrir vos<br />

vieilles tromperies, vous vous m<strong>et</strong>tez <strong>en</strong> colère contre ce prophète <strong>de</strong> la lumière<br />

divine <strong>et</strong> cherchez à le perdre définitivem<strong>en</strong>t par tous les moy<strong>en</strong>s ; car vous avez<br />

<strong>de</strong> longue date la honteuse réputation d'avoir fait lapi<strong>de</strong>r presque tous les<br />

prophètes que Dieu vous <strong>en</strong>voyait, à l'exception d'Elie <strong>et</strong> <strong>de</strong> Samuel, <strong>et</strong> d'avoir <strong>en</strong><br />

outre prêché au peuple que c'était là un <strong>grand</strong> service que vous r<strong>en</strong>diez à Dieu.<br />

10. Ce n'est qu'au bout <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t années que vous adoptiez le prophète — non pas<br />

par conviction, mais uniquem<strong>en</strong>t parce que vous pouviez vous servir <strong>de</strong> celles <strong>de</strong><br />

ses paroles qui s'étai<strong>en</strong>t accomplies pour effrayer le peuple — <strong>et</strong> que vous<br />

<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>iez <strong>de</strong> badigeonner <strong>et</strong> d'orner son tombeau, vrai ou faux, c'était tout un !<br />

11. Telle fut donc <strong>de</strong> tout temps votre manière <strong>de</strong> faire, que je connais fort bi<strong>en</strong> !<br />

Et si c'est <strong>de</strong> celle manière que vous avez toujours déf<strong>en</strong>du la cause <strong>de</strong> la vérité,<br />

comm<strong>en</strong>t puis-je accor<strong>de</strong>r le moindre crédit à ta parole ? ! Dis-moi si vous avez<br />

jamais considéré autrem<strong>en</strong>t la verité ! En toute vérité, crois-tu dans ton cœur ne<br />

serait-ce qu'un seul mot <strong>de</strong> tout ce que tu as jamais prêché au peuple ? »<br />

12. N.B. : Cyrénius pouvait parler ainsi parce que J'inspirais son cœur <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tais<br />

les paroles dans sa bouche ; ce qu'il disait ici était donc comme Ma propre parole,<br />

simplem<strong>en</strong>t exprimée <strong>de</strong> la manière propre à Cyrénius.<br />

Chapitre 146<br />

Le chef <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s se découvre<br />

1. Au bout d'un mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> profon<strong>de</strong> réflexion, le supérieur dit : « Mais comm<strong>en</strong>t<br />

prouveras-tu <strong>de</strong>vant tout le mon<strong>de</strong> que je p<strong>en</strong>se <strong>en</strong> moi-même autrem<strong>en</strong>t que je<br />

ne parle, <strong>et</strong> que je ne crois pas à ce que j'<strong>en</strong>seigne au peuple ?! Si mes<br />

prédécesseurs s'<strong>en</strong> sont pris aux prophètes, ce que je ne peux ni ne veux nier, <strong>en</strong><br />

quoi peut-on m'<strong>en</strong> faire porter la faute, à moi qui ai toujours eu le plus <strong>grand</strong><br />

respect pour les saints prophètes <strong>de</strong> Dieu ?! S'il se peut que <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> mes<br />

collègues n'ai<strong>en</strong>t pas foi dans ce qu'ils <strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> quoi cela prouve-t-il que je<br />

n'y crois pas moi-même ?! »<br />

2. Cyrénius dit : « La preuve parfaitem<strong>en</strong>t tangible rési<strong>de</strong> dans le fait que tu es<br />

bi<strong>en</strong> trop intellig<strong>en</strong>t, à <strong>en</strong> juger par tes paroles, pour pouvoir pr<strong>en</strong>dre pour une<br />

vérité v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong> Dieu la pire <strong>de</strong>s absurdités ! Tu connais le noble art <strong>de</strong><br />

289


l'arithmétique, <strong>et</strong> tu peux difficilem<strong>en</strong>t me dém<strong>en</strong>tir si je dis que les mathématici<strong>en</strong>s<br />

ne pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas aisém<strong>en</strong>t une mouche pour un éléphant ! »<br />

3. Le supérieur dit : « Mais quelle est donc l'absurdité à laquelle, <strong>en</strong> tant que<br />

mathématici<strong>en</strong>, je ne saurais croire ?! »<br />

4. Cyrénius dit : « En toi-même, crois-tu véritablem<strong>en</strong>t, par exemple, au pouvoir<br />

fertilisateur miraculeux du fumier du Temple, qu'à ma connaissance tu as toimême<br />

si hautem<strong>en</strong>t loué sans faute chaque année ?! Crois-tu aux vertus<br />

curatrices à tout propos <strong>de</strong> la nouvelle lune ?! Crois-tu vraim<strong>en</strong>t que dans la<br />

nouvelle arche d'alliance qui a été fabriquée, Yahvé <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> la même<br />

manière qu'il <strong>de</strong>meurait dans l'anci<strong>en</strong>ne Arche <strong>de</strong> Moïse que vous avez mise à<br />

l'écart il y a bi<strong>en</strong> longtemps ? ! Crois-tu à l'i<strong>de</strong>ntité <strong>en</strong>tre la flamme <strong>de</strong> naphte qui<br />

brûle sur votre arche <strong>et</strong> la merveilleusem<strong>en</strong>t sainte colonne <strong>de</strong> feu ou <strong>de</strong> nuée qui<br />

éclaira Moïse au r<strong>et</strong>our d'Egypte ?! Crois-tu vraim<strong>en</strong>t qu'il soit plus utile à un<br />

homme <strong>de</strong> sacrifier au Temple que d'aimer ses par<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur obéir, selon les<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Dieu, <strong>en</strong> tout ce qui est bon ? !<br />

5. Dis-moi franchem<strong>en</strong>t si tu crois à cela, ainsi qu'aux mille autres principes<br />

égalem<strong>en</strong>t dépourvus <strong>de</strong> tout bon s<strong>en</strong>s que r<strong>en</strong>ferme votre doctrine ! Car si tu y<br />

crois vraim<strong>en</strong>t toi-même — ce qui me paraît impossible —, tu es véritablem<strong>en</strong>t<br />

plus bête qu'un chameau <strong>et</strong> peux faire n'importe quoi, sauf <strong>en</strong>seigner le peuple ;<br />

mais si tu n'y crois pas <strong>et</strong> <strong>en</strong>seignes pourtant au malheureux peuple, par le feu <strong>et</strong><br />

par l'épée, les pires absurdités, auxquelles un homme comme toi, par ailleurs<br />

plein <strong>de</strong> savoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> sci<strong>en</strong>ce, ne pourra jamais croire, c'est que tu trompes le<br />

peuple <strong>de</strong> la manière la plus méprisable <strong>et</strong> que, ne serait-ce que pour <strong>de</strong>s raisons<br />

politiques, il vaut bi<strong>en</strong> mieux que tu sois emprisonné pour toujours plutôt que<br />

d'<strong>en</strong>seigner au peuple !<br />

6. C'est là que Scylla <strong>et</strong> Charyb<strong>de</strong> ont évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t raison <strong>de</strong> toi ! Et je suis prêt à<br />

te décorer d'un insigne honorifique impérial si tu peux me trouver <strong>en</strong>tre ces <strong>de</strong>uxlà<br />

un moy<strong>en</strong> terme qui t'excuse ! »<br />

7. À ces mots, le supérieur comm<strong>en</strong>ce à se gratter sérieusem<strong>en</strong>t l'oreille, car il ne<br />

sait plus comm<strong>en</strong>t s'<strong>en</strong> tirer.<br />

8. Hermès, le chanteur — ou, comme précé<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t, le messager <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong><br />

Philippe —, dit à Cyrénius : « Noble souverain, à prés<strong>en</strong>t, il est pris <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> pris,<br />

<strong>et</strong> il ne pourra plus s'échapper du fil<strong>et</strong> ! Oh, c'est vraim<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> fait pour ce<br />

féroce <strong>en</strong>nemi <strong>de</strong> tout ce qui est bon <strong>et</strong> vrai ! Si je ne le connaissais pas si bi<strong>en</strong>, je<br />

le plaindrais presque, car j'ai facilem<strong>en</strong>t pitié du pire <strong>de</strong>s pécheurs quand je le<br />

vois dans un <strong>grand</strong> embarras ; mais je pourrais voir ce gaillard brûler tout vif <strong>et</strong> y<br />

pr<strong>en</strong>dre plaisir ! Ce n'est ni le mom<strong>en</strong>t ni le lieu <strong>de</strong> dire tout ce qui se raconte<br />

plus ou moins <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> sur ce noble seigneur ; mais tu peux être assuré qu'il n'y a<br />

pas <strong>en</strong> lui une seule fibre qui soit bonne !<br />

9. Vos tribunaux <strong>en</strong> condamn<strong>en</strong>t beaucoup à mourir <strong>en</strong> croix qui val<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

mieux <strong>en</strong> tant qu'hommes que ce scélérat totalem<strong>en</strong>t dépourvu <strong>de</strong> scrupules ! Je<br />

ne suis pas juge <strong>et</strong> n'ai à condamner personne ; cep<strong>en</strong>dant, j'éprouve <strong>en</strong> ce<br />

mom<strong>en</strong>t une vraie joie à voir ce gaillard si bi<strong>en</strong> pris dans un <strong>grand</strong> fil<strong>et</strong> ! »<br />

10. Mathaël dit <strong>en</strong> souriant : « Encore faut-il pr<strong>en</strong>dre bi<strong>en</strong> gar<strong>de</strong> qu'il ne déchire<br />

290


le fil<strong>et</strong> <strong>et</strong> ne finisse même par nous rire au nez ! Jusqu'à prés<strong>en</strong>t, il est resté<br />

modéré dans son langage ; mais si on le pousse dans ses <strong>de</strong>rniers r<strong>et</strong>ranchem<strong>en</strong>ts,<br />

c'est alors, Cyrénius, que tu le verras contre-attaquer ! Je ne le connais tout à fait<br />

que d'aujourd'hui, bi<strong>en</strong> que je le connaisse égalem<strong>en</strong>t par le Temple ! Car c'est lui<br />

qui, il y a tr<strong>en</strong>te ans, a porté la main sur le <strong>grand</strong> prêtre Zacharie <strong>et</strong>, caché par le<br />

ri<strong>de</strong>au, l'a assassiné <strong>en</strong>tre l'autel <strong>de</strong>s sacrifices <strong>et</strong> le Saint <strong>de</strong>s Saints ! — Mais<br />

n'<strong>en</strong> disons pas davantage ! »<br />

11. Hermès dit, rempli <strong>de</strong> joie : « Oh, j'<strong>en</strong> connais bi<strong>en</strong> d'autres du même g<strong>en</strong>re à<br />

son propos ; mais, faute <strong>de</strong> preuves suffisantes, on ne peut ri<strong>en</strong> faire, ou pas<br />

<strong>grand</strong>-chose ! »<br />

12. Fort étonné <strong>de</strong>s paroles <strong>de</strong> Mathaël, Cyrénius repr<strong>en</strong>d : « Ah, que me dis-tu là<br />

?! Ainsi donc, c<strong>et</strong> individu aurait ôté la vie à ce <strong>grand</strong> prêtre qui, selon tous les<br />

témoignages, était d'une piété <strong>et</strong> d'une sagesse si élevées ? Eh bi<strong>en</strong>, il n'est pas<br />

mauvais que j'<strong>en</strong> sois averti, <strong>et</strong> je fais mon affaire <strong>de</strong> tout le reste ! »<br />

13. À ces mots, Cyrénius fit signe au capitaine Jules <strong>de</strong> poster <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s, afin<br />

qu'aucun <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s ne s'échappât.<br />

14. Jules donna aussitôt un ordre <strong>en</strong> secr<strong>et</strong>, <strong>et</strong> ce que Cyrénius avait ordonné fut<br />

exécuté sur-le-champ ; pourtant, le supérieur s'aperçut <strong>de</strong> quelque chose <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>manda à Cyrénius : « Pour qui ce mouvem<strong>en</strong>t ? »<br />

15. Cyrénius répond : « Vous n'avez pas à poser <strong>de</strong> telles questions, toi <strong>et</strong> tous<br />

ceux <strong>de</strong> ton <strong>en</strong>geance ; car Cyrénius ne répondra plus à <strong>de</strong>s monstres humains <strong>de</strong><br />

ta sorte ! Pour le peuple, tu n'es pas seulem<strong>en</strong>t un misérable imposteur, mais<br />

aussi un meurtrier <strong>de</strong>s esprits <strong>et</strong> <strong>de</strong>s corps ! Pour le mom<strong>en</strong>t, j'att<strong>en</strong>ds <strong>en</strong>core le<br />

rapport du curateur <strong>de</strong> la ville <strong>et</strong> l'arrivée <strong>de</strong> Cornélius, <strong>de</strong> Faustus <strong>et</strong> <strong>de</strong> Jonah <strong>de</strong><br />

Kis ; peut-être te dirai-je alors pourquoi j'ai fait poster <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>tinelles ! »<br />

16. À ces mots, le supérieur tire <strong>de</strong> sa robe un rouleau <strong>de</strong> parchemin, le montre à<br />

Cyrénius <strong>et</strong> dit : « Connais-tu ce cach<strong>et</strong> <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te signature ? »<br />

17. Cornélius sursaute <strong>et</strong> dit : « C'est le sceau <strong>de</strong> l'empereur, <strong>et</strong> sa signature ! —<br />

Que signifie ? »<br />

19. Le supérieur dit : « Si cela <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t nécessaire, tu sauras ce qu'il y a là ! Aussi<br />

te conseille-je <strong>de</strong> r<strong>en</strong>oncer à toute information contre moi, sans quoi ce rouleau<br />

pourrait t'attirer <strong>de</strong> sérieux <strong>en</strong>nuis ! Je respecte <strong>en</strong>core <strong>en</strong> toi l'honnête homme ;<br />

mais, bi<strong>en</strong> sûr, si tu allais trop loin, il se pourrait que je fasse <strong>de</strong> ce rouleau,<br />

auquel tu dois, comme tout un chacun, le plus <strong>grand</strong> respect, un usage qui te<br />

déplairait fort !<br />

20. En vérité, je n'aurais pas tiré c<strong>et</strong>te arme terrible <strong>de</strong> la poche <strong>de</strong> mon habit si tu<br />

ne m'y avais contraint ; mais puisque tu as <strong>en</strong>trepris <strong>de</strong> me traiter plus bas que<br />

terre, il est <strong>grand</strong> temps <strong>de</strong> te montrer que tu es loin d'être le seul maître <strong>de</strong> ce<br />

territoire ! Je crois qu'il vaudrait mieux à prés<strong>en</strong>t r<strong>et</strong>irer ces gar<strong>de</strong>s, sans quoi je<br />

pourrais être contraint, malgré le sabbat, <strong>de</strong> poster les mi<strong>en</strong>s auprès <strong>de</strong>s ti<strong>en</strong>s !<br />

21. Ce tout nouveau langage dans ma bouche te gêne quelque peu, pas vrai ?!<br />

Mais je ne peux vraim<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> pour toi ; car tout à l'heure, ton langage m'a<br />

quelque peu gêné moi aussi ! Bref, désormais, je te connais <strong>et</strong> tu me connais<br />

291


aussi ! Fais ce que tu crois bon <strong>et</strong> raisonnable, <strong>et</strong> je ferai <strong>de</strong> même ! — M'as-tu<br />

bi<strong>en</strong> compris ? »<br />

22. Ayant dit ces mots, le supérieur, tel un souverain, tourne le dos à Cyrénius <strong>et</strong><br />

se r<strong>en</strong>d avec les si<strong>en</strong>s sur le rivage, où il pr<strong>en</strong>d l'attitu<strong>de</strong> qui convi<strong>en</strong>t à celui à qui<br />

l'empereur a accordé <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s pouvoirs <strong>en</strong> cas d'urg<strong>en</strong>ce ; quant à Cyrénius, il<br />

se trouve à prés<strong>en</strong>t dans un <strong>grand</strong> embarras <strong>et</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce qu'il doit faire.<br />

23. Mathaël dit alors : « Vois-tu, très cher ami, comme ce gaillard est, telle une<br />

forteresse, pourvu au mieux <strong>de</strong>puis longtemps <strong>de</strong> tout ce qui est propre à sa<br />

sûr<strong>et</strong>é physique <strong>et</strong> morale ?! C'est pourquoi il est si difficile, <strong>et</strong> <strong>en</strong> vérité tout à<br />

fait vain, <strong>de</strong> s'ériger <strong>en</strong> juge, parce que ces g<strong>en</strong>s — Dieu sait par quelles voies<br />

détournées ! — ont su se procurer <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> les privilèges les plus élevés, auxquels<br />

il sera particulièrem<strong>en</strong>t difficile <strong>de</strong> s'attaquer ! »<br />

24. Cyrénius dit : « Mais tout <strong>de</strong> même, cher <strong>et</strong> sage Mathaël, comm<strong>en</strong>t est-il<br />

possible, dis-le-moi, que c<strong>et</strong>te hydre d'homme ait reçu à mon insu <strong>et</strong> malgré moi<br />

un sauf-conduit <strong>de</strong> la main <strong>de</strong> l'empereur ?! Bi<strong>en</strong> sûr, il ne reste sans doute plus<br />

qu'à faire contre mauvaise fortune bon cœur ! Pourtant, je suis curieux <strong>de</strong> savoir<br />

ce que le Seigneur aura à dire là-<strong>de</strong>ssus ! »<br />

25. Mathaël dit : « Il ne voudra peut-être pas <strong>en</strong> parler <strong>et</strong> te donner une vraie<br />

réponse pour le mom<strong>en</strong>t ; car Il savait d'avance pourquoi Il soum<strong>et</strong>tait c<strong>et</strong>te<br />

société à ton exam<strong>en</strong>, <strong>et</strong> Il semble avoir prêté bi<strong>en</strong> peu d'att<strong>en</strong>tion à tous nos débats<br />

! »<br />

26. Cyrénius dit : « Il faut pourtant que nous Lui <strong>de</strong>mandions au moins un<br />

conseil ! »<br />

27. Mathaël dit : « Il est vrai que nous <strong>en</strong> avons le plus <strong>grand</strong> besoin ! »<br />

Chapitre 147<br />

Le docum<strong>en</strong>t falsifié<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, sur le rivage, le supérieur disait à ses collègues : « Vous avez bi<strong>en</strong><br />

m<strong>en</strong>é l'affaire ; car votre prét<strong>en</strong>due sortie contre moi est v<strong>en</strong>ue à point nommé,<br />

quand je vous <strong>en</strong> donnais le signal par mon sil<strong>en</strong>ce ! À prés<strong>en</strong>t, ils sont pieds <strong>et</strong><br />

poings liés <strong>et</strong> ne s'y r<strong>et</strong>rouv<strong>en</strong>t plus du tout ! Si seulem<strong>en</strong>t les trois visiteurs<br />

annoncés pouvai<strong>en</strong>t ne pas v<strong>en</strong>ir, car eux seuls pourrai<strong>en</strong>t nous faire <strong>de</strong> l'ombre !<br />

Surtout s'ils s'avisai<strong>en</strong>t d'am<strong>en</strong>er avec eux le fameux Nazaré<strong>en</strong> ! Oui, dans ce cas,<br />

nous serions jolim<strong>en</strong>t dans l'embarras ! Plus ri<strong>en</strong> ne nous sauverait !<br />

2. C'est pourquoi je serais d'avis que nous t<strong>en</strong>tions <strong>de</strong> nous embarquer au plus<br />

vite <strong>et</strong> <strong>de</strong> nous diriger LINEA RECTA [tout droit] vers Jérusalem ; car lorsque<br />

lesdits visiteurs seront là, il pourrait bi<strong>en</strong> être trop tard ! Cyrénius a rappelé ses<br />

gar<strong>de</strong>s, ri<strong>en</strong> ne nous r<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t ! Aussi, remontons le long du rivage sur quelques<br />

arp<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> nous r<strong>en</strong>contrerons bi<strong>en</strong> quelque barque <strong>de</strong> pêcheur grec sur laquelle<br />

nous voguerons vers notre salut ! »<br />

3. Celui qui avait parlé auparavant dit : « Mais les milici<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la ville ?<br />

292


Comm<strong>en</strong>t leur échapperons-nous ? Car ils doiv<strong>en</strong>t nous gu<strong>et</strong>ter <strong>de</strong>rrière les<br />

buissons, <strong>et</strong> s'ils nous pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, nous sommes perdus ! »<br />

4. Le supérieur dit : « Il est vrai que la situation est fort difficile ! Et si nous<br />

allions hardim<strong>en</strong>t <strong>et</strong> avec autorité réclamer à Cyrénius une escorte sûre ?! Au vu<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre impériale, il ne saurait nous la refuser ! Toi, notre porte-parole, va<br />

lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r cela ! »<br />

5. L'orateur s'exécute ; mais Cyrénius a déjà pris conseil auprès <strong>de</strong> Moi, <strong>et</strong>,<br />

naturellem<strong>en</strong>t, Je lui ai dit tout ce que les Pharisi<strong>en</strong>s avai<strong>en</strong>t débattu <strong>et</strong> décidé sur<br />

le rivage, <strong>et</strong> Cyrénius savait désormais à quoi s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir <strong>et</strong> ce qu'il avait à faire.<br />

6. Quand l'orateur vint lui exposer sa requête avec toute la hardiesse <strong>et</strong> l'arrogance<br />

possibles, Cyrénius lui dit : « Mon ami, il est vrai que la l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> tout à<br />

l'heure m'a effrayé ; c'est que je ne savais pas <strong>en</strong>core qu'elle était fausse ! Mais à<br />

prés<strong>en</strong>t que je vois l'affaire sous son vrai jour, je n'ai plus aucune crainte <strong>et</strong> n'ai<br />

nulle int<strong>en</strong>tion d'accé<strong>de</strong>r à la requête <strong>de</strong> ton supérieur !<br />

7. Du reste, va dire au supérieur qu'il doit me livrer immédiatem<strong>en</strong>t le docum<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> question, sans quoi on le lui pr<strong>en</strong>dra <strong>de</strong> force ; <strong>et</strong> si par hasard il t<strong>en</strong>tait <strong>de</strong> le<br />

détruire, il peut s'att<strong>en</strong>dre dès aujourd'hui à la crucifixion ! — Va lui dire cela ! »<br />

8. L'orateur fait alors une profon<strong>de</strong> révér<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> s'éloigne <strong>en</strong> tremblant <strong>de</strong> tout<br />

son corps. Arrivant près du supérieur, il dit, bégayant d'épouvanté : « Nous<br />

sommes... perdus ! C<strong>et</strong>te maudite fausse l<strong>et</strong>tre... a porté... à son comble... notre<br />

infamie ! Si ce n'est... pour aujourd'hui... c'est pour <strong>de</strong>main... à coup sûr... la<br />

croix ! Rem<strong>et</strong>s à l'instant <strong>et</strong> sans tergiverser ce maudit docum<strong>en</strong>t au <strong>grand</strong><br />

gouverneur, sans quoi tu seras dès ce jour sur la croix ! Tu as dû être trahi par<br />

quelque Satan ! Cyrénius sait tout ! »<br />

9. Quand la sinistre compagnie <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d ces paroles avec son supérieur, un étrange<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t s'empare d'eux tous, <strong>et</strong> le supérieur, pr<strong>en</strong>ant le docum<strong>en</strong>t, le rem<strong>et</strong> au<br />

porte-parole <strong>en</strong> disant : « Pr<strong>en</strong>ds-le <strong>et</strong> emporte-le ; nous sommes perdus, car c'est<br />

là notre <strong>de</strong>rnier ressort qui se brise ! »<br />

10. L'orateur apporte donc le docum<strong>en</strong>t à Cyrénius <strong>et</strong> dit : « Noble souverain,<br />

voici la l<strong>et</strong>tre ! Nous sommes tous <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s criminels, <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> appelons plus qu'à<br />

l'humanité <strong>de</strong> ton cœur ! »<br />

11. Cyrénius pr<strong>en</strong>d le docum<strong>en</strong>t, le parcourt <strong>et</strong> dit au bout d'un instant : «<br />

Astucieux, oui, subtil <strong>et</strong> astucieux ! Dis-moi seulem<strong>en</strong>t ceci : <strong>en</strong> quelles circonstances<br />

le supérieur est-il <strong>en</strong>tré <strong>en</strong> possession <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te CHARTA ALBA (*) ? »<br />

12. L'orateur dit : Noble seigneur, je sais bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, mais pas cela, <strong>en</strong> vérité<br />

! Quand il est v<strong>en</strong>u <strong>de</strong> Jérusalem pour être notre supérieur, il l'avait déjà avec lui<br />

; mais qui la lui a procurée là-bas, je n'<strong>en</strong> sais ri<strong>en</strong> ! »<br />

13. Cyrénius dit : « Mais es-tu tout à fait certain qu'il avait déjà ce docum<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

v<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> Jérusalem ? »<br />

14. L'orateur dit : « Il nous l'a dit <strong>en</strong> nous le montrant, <strong>et</strong> il nous a alors inclus<br />

(*)<br />

Docum<strong>en</strong>t vierge revêtu seulem<strong>en</strong>t d'une signature. (Littéralem<strong>en</strong>t : feuille blanche, donc<br />

blanc-seign, « carte blanche ». [N.d.T.D])<br />

293


dans ce pouvoir. C'est tout ce que je sais, <strong>et</strong> nul d'<strong>en</strong>tre nous n'<strong>en</strong> saura davantage<br />

! »<br />

15. Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>en</strong>core : « Hormis cela, quelle sorte d'homme était-il?»<br />

16. L'orateur répond : « Je ne sais ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> mauvais sur lui ; il a toujours exercé sa<br />

charge rigoureusem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> selon l'esprit du judaïsme. Qu'il ait souv<strong>en</strong>t fait r<strong>en</strong>trer<br />

l'arg<strong>en</strong>t d'une manière pas précisém<strong>en</strong>t charitable, c'est du reste chose connue ;<br />

mais je ne sache pas qu'il ait jamais été trop dur <strong>en</strong>vers quiconque. Il se peut qu'il<br />

ait sur la consci<strong>en</strong>ce bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses du passé, ce que, bi<strong>en</strong> sûr, il ne nous a<br />

jamais révélé ; mais <strong>de</strong>puis son <strong>en</strong>trée <strong>en</strong> fonction ici, nous ne savons ri<strong>en</strong>, si ce<br />

n'est qu'hier, il a réclamé les offran<strong>de</strong>s avec un peu trop d'insistance <strong>en</strong> vérité. Il<br />

est vrai que le peuple lui-même s'y prêtait <strong>de</strong> son mieux ! »<br />

17. Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>en</strong>core : « Le supérieur n'a-t-il pas fait à d'autres reprises<br />

un mauvais usage <strong>de</strong> ce docum<strong>en</strong>t ? »<br />

18. L'orateur répond : « Nous n'avons jamais ri<strong>en</strong> remarqué <strong>de</strong> tel jusqu'à ce jour.<br />

»<br />

19. Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Tout ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me rapporter est-il la pure<br />

vérité ? »<br />

20. L'orateur dit : « Noble seigneur, que je meure s'il y a là quoi que ce soit <strong>de</strong><br />

m<strong>en</strong>songer ! »<br />

21. Cyrénius dit : « Fort bi<strong>en</strong> ! Ainsi, va dire au supérieur que je veux maint<strong>en</strong>ant<br />

lui parler <strong>et</strong> qu'il doit donc v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>vant moi ; car je voudrais voir s'il est <strong>en</strong>core<br />

possible <strong>de</strong> faire quelque chose pour votre bi<strong>en</strong> dans c<strong>et</strong>te affaire ! »<br />

22. C<strong>et</strong>te fois, l'orateur va transm<strong>et</strong>tre ces paroles au supérieur avec un peu plus<br />

<strong>de</strong> courage <strong>et</strong> moins <strong>de</strong> fièvre. Le supérieur réfléchit un mom<strong>en</strong>t, puis il dit : « Eh<br />

bi<strong>en</strong>, nous n'avons guère le choix <strong>en</strong> la circonstance — il nous faut faire contre<br />

mauvaise fortune bon cœur ! Après tout, il vaut mieux perdre un peu que tout ! »<br />

Chapitre 148<br />

Profession <strong>de</strong> foi du supérieur<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, le supérieur se r<strong>en</strong>d auprès <strong>de</strong> Cyrénius <strong>et</strong> dit : « Tu as <strong>de</strong>vant toi<br />

un homme sans pouvoir. Il s'est imaginé un temps, <strong>en</strong> tant qu'homme <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

terre, pouvoir jouir pour lui-même <strong>de</strong> tous les droits dont us<strong>en</strong>t d'autres qui ne<br />

sont aussi que <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre ; mais, bi<strong>en</strong> que mathématici<strong>en</strong> expert,<br />

il s'est trompé dans ses calculs, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> est v<strong>en</strong>u à la conviction que les <strong>grand</strong>s ne<br />

veul<strong>en</strong>t pas avoir d'autres <strong>grand</strong>s auprès d'eux ! C'est pourquoi je ne veux être<br />

désormais qu'un humble parmi les humbles ; peut-être serai-je ainsi plus agréable<br />

aux <strong>grand</strong>s ! »<br />

2. Cyrénius dit : « Tu feras fort bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> cela ! Mais dis-moi seulem<strong>en</strong>t ceci : pour<br />

quelle raison t'es-tu donné <strong>de</strong>vant moi pour autre que tu n'étais ? Je t'ai pourtant<br />

t<strong>en</strong>du la main comme à un ami, <strong>et</strong> tu l'as refusée ! Quel but poursuivais-tu donc<br />

ainsi ? »<br />

294


3. Le supérieur dit : « Songe à ce j'étais ! Avec une position comme la mi<strong>en</strong>ne,<br />

un homme reçoit toujours <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> un titre d'orgueil qui s'intitule : "Honneurs <strong>et</strong><br />

pouvoirs liés à la fonction" ! Il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors facilem<strong>en</strong>t pécheur ; mais une fois<br />

qu'il a comm<strong>en</strong>cé, il ne voit <strong>et</strong> n'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d plus ri<strong>en</strong> <strong>et</strong>, pour s'élever, va toujours<br />

plus loin dans le péché. Hélas, dans c<strong>et</strong>te asc<strong>en</strong>sion, il arrive toujours un mom<strong>en</strong>t<br />

où il est écrit : "À partir d'ici, tu ne feras pas un pas <strong>de</strong> plus !" J'<strong>en</strong> suis à ce point,<br />

<strong>et</strong> serai fort heureux <strong>de</strong> me r<strong>et</strong>rouver tout <strong>en</strong> bas dès que possible ! J'ai déjà<br />

soixante-dix-huit ans <strong>et</strong> ne peux m'att<strong>en</strong>dre à vivre <strong>en</strong>core longtemps ! Dorénavant,<br />

si tu veux bi<strong>en</strong> me laisser ce peu <strong>de</strong> temps qui me reste à vivre, je ne<br />

m'occuperai plus que <strong>de</strong> choses purem<strong>en</strong>t divines ! »<br />

4. Cyrénius dit : « Va près <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Marc : là-bas, sur une table, tu<br />

trouveras du pain <strong>et</strong> du vin. Restaure-toi, <strong>et</strong> nous réglerons <strong>en</strong>suite c<strong>et</strong>te affaire<br />

peut-être même avant l'arrivée <strong>de</strong>s visiteurs annoncés ! »<br />

5. Le supérieur, à prés<strong>en</strong>t la mine réjouie, remercie <strong>et</strong> se dirige <strong>en</strong> hâte vers la<br />

table servie. Le vieillard avait certes <strong>grand</strong>-faim <strong>et</strong> soif, <strong>et</strong> cela v<strong>en</strong>ait fort à<br />

propos pour lui.<br />

6. P<strong>en</strong>dant que le vieillard se restaure, Je vais à Cyrénius <strong>et</strong> lui dis : « C'est bi<strong>en</strong><br />

ainsi ; tu as fort bi<strong>en</strong> conduit l'affaire. Le témoignage que tu as donné du<br />

Nazaré<strong>en</strong> était lui aussi tout à fait bi<strong>en</strong> v<strong>en</strong>u ; mais il serait prématuré <strong>de</strong> Me faire<br />

pleinem<strong>en</strong>t reconnaître <strong>de</strong> ces hommes. Quand les choses auront <strong>en</strong>core<br />

progressé comme elles l'ont fait jusqu'à prés<strong>en</strong>t, il se pourrait même que ces<br />

hommes se ralli<strong>en</strong>t tout à fait à notre cause ; mais trop <strong>de</strong> hâte pourrait tout<br />

perdre.<br />

7. Je vais maint<strong>en</strong>ant m<strong>et</strong>tre Raphaël à ta disposition. Il fera ce que tu lui diras ;<br />

mais sois pru<strong>de</strong>nt avec les miracles ! Ne lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ri<strong>en</strong> pour la ville, qui<br />

rougeoie <strong>en</strong>core par <strong>en</strong>droits <strong>de</strong>s lueurs <strong>de</strong> l'inc<strong>en</strong>die, bi<strong>en</strong> que l'ange soit<br />

parfaitem<strong>en</strong>t capable <strong>de</strong> la rebâtir tout <strong>en</strong>tière <strong>en</strong> un instant. Car Je veux que c<strong>et</strong>te<br />

ville <strong>de</strong>meure quelque temps dans son état d'humiliation, <strong>et</strong> Marc <strong>et</strong> ses <strong>en</strong>fants<br />

doiv<strong>en</strong>t être ceux qui la relèveront finalem<strong>en</strong>t. Mais tu peux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à l'ange<br />

tout le reste — cep<strong>en</strong>dant toujours avec pru<strong>de</strong>nce <strong>et</strong> quelques précautions ! »<br />

8. Cyrénius dit : « Que feras-Tu p<strong>en</strong>dant ce temps, Seigneur ? »<br />

9. Je dis : « Je <strong>de</strong>meurerai non loin <strong>de</strong> toi <strong>et</strong>, comme Je l'ai fait jusqu'ici, jouerai<br />

les étrangers. Cep<strong>en</strong>dant, lorsque, vers midi, tu verras arriver un vaisseau, va au<br />

rivage <strong>et</strong> reçois les arrivants <strong>en</strong> Mon nom ; mais dis-leur qu'eux non plus ne<br />

doiv<strong>en</strong>t pas Me faire reconnaître prématurém<strong>en</strong>t, afin que l'affaire <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s<br />

ne soit pas compromise. Quant au messager <strong>et</strong> chanteur Hermès, <strong>en</strong>voie-le à Mes<br />

disciples ; ils lui <strong>en</strong>seigneront tout ce qui est nécessaire à notre cause. De Mon<br />

côté, Je M'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>drai avec Ouran <strong>de</strong> l'organisation future <strong>de</strong> son Etat, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

même avec Mathaël <strong>et</strong> son épouse. — À prés<strong>en</strong>t, tu sais où tu <strong>en</strong> es <strong>et</strong> ce que tu<br />

as à faire ! »<br />

10. Cyrénius dit : « Oui, ô mon Seigneur <strong>et</strong> mon Dieu ; mais comm<strong>en</strong>t reconnaîtrai-je<br />

que ces quelque cinquante Juifs jurés sont prêts pour Toi ? »<br />

11. Je dis : « Tu l'appr<strong>en</strong>dras le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u, après le repas <strong>de</strong> midi, que nous<br />

pr<strong>en</strong>drons aujourd'hui une heure plus tard. Aussi, n'aie aucune inquiétu<strong>de</strong> pour<br />

295


cela, <strong>et</strong> occupe-toi <strong>de</strong> tout le reste conformém<strong>en</strong>t à Mon ordonnance divine<br />

éternelle ! »<br />

12. Ce conseil satisfit parfaitem<strong>en</strong>t Cyrénius, qui était rempli <strong>de</strong> joie <strong>de</strong> Me<br />

savoir pleinem<strong>en</strong>t satisfait <strong>de</strong> la manière dont il avait traité les Pharisi<strong>en</strong>s ; cep<strong>en</strong>dant,<br />

J'appelai Raphaël <strong>et</strong> le mis aux ordres <strong>de</strong> Cyrénius.<br />

13. Raphaël arriva aussitôt <strong>et</strong> dit : « Je suis là pour servir Dieu <strong>et</strong> te servir, toi <strong>et</strong><br />

tous les hommes <strong>de</strong> bonne volonté, par la volonté <strong>et</strong> au nom du Seigneur. Mais<br />

sois pru<strong>de</strong>nt dans ce que tu m'ordonneras ; car j'accomplirai tout ! »<br />

14. Cyrénius dit : « Ami v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux, si je <strong>de</strong>vais agir selon mon <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t,<br />

il n'<strong>en</strong> sortirait sans doute que folie sur folie. Si j'ai aussi bi<strong>en</strong> réussi<br />

avec ces Pharisi<strong>en</strong>s extraordinairem<strong>en</strong>t rusés, je ne le dois qu'au Seigneur seul ;<br />

car c'est Lui qui m'a inspiré les paroles <strong>et</strong> les p<strong>en</strong>sées qu'il fallait. Autant dire que<br />

mon mérite <strong>en</strong> cela est nul. C'est pourquoi j'espère <strong>et</strong> je crois que tout ira bi<strong>en</strong><br />

jusqu'au bout ! Car sous <strong>de</strong> tels auspices, ami, nous pouvons bi<strong>en</strong> essayer <strong>de</strong><br />

poursuivre <strong>en</strong>semble, selon la volonté du Seigneur, l'œuvre <strong>en</strong>treprise avec les<br />

Pharisi<strong>en</strong>s ! Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu, céleste ami ? »<br />

15. Raphaël dit : « Ah, c'est bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>t ; avec un tel état d'esprit, il est tout à<br />

fait impossible d'échouer dans la tâche que l'on veut accomplir ! Aussi, rem<strong>et</strong>tons-nous<br />

à l'ouvrage avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> la force divine ! »<br />

16. Entre-temps, Stahar, s'étant restauré, revint vers Cyrénius <strong>et</strong> le remercia du<br />

fond du cœur pour la bi<strong>en</strong>veillance qu'il lui avait témoignée.<br />

Chapitre 149<br />

Le supérieur Stahar fait connaître ses conceptions religieuses<br />

1. Cyrénius refusa le complim<strong>en</strong>t, disant : « Ami, c'est au seul Seigneur du ciel <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> la terre qu'est due toute gratitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> toute louange ; mais toi qui es<br />

parfaitem<strong>en</strong>t initié à tout le judaïsme <strong>et</strong> qui es un <strong>grand</strong> docteur <strong>de</strong> la loi, dis-moi<br />

quel s<strong>en</strong>s a pour toi le mot "ange". Que sont donc exactem<strong>en</strong>t les anges <strong>de</strong> Dieu,<br />

<strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t serv<strong>en</strong>t-ils Dieu <strong>et</strong> les hommes ? »<br />

2. Stahar dit : « Noble souverain, c'est là une question fort épineuse, <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s<br />

qu'il n'a jamais été pleinem<strong>en</strong>t démontré que les anges existai<strong>en</strong>t vraim<strong>en</strong>t !<br />

L'Écriture <strong>en</strong> fait certes m<strong>en</strong>tion <strong>en</strong> diverses occasions ; mais elle n'explique<br />

nulle part, ne fût-ce que d'un mot, ce que sont les anges eux-mêmes <strong>et</strong> <strong>de</strong> quelle<br />

manière ils serv<strong>en</strong>t Dieu <strong>et</strong> les hommes !<br />

3. Selon le Dahahlmud (*) , il ne faut pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par ce terme autre chose que les<br />

forces émanant <strong>de</strong> l'être <strong>de</strong> Dieu sous la forme <strong>de</strong> faisceaux <strong>de</strong> flammes se<br />

mouvant dans toutes les directions, à la vitesse inconcevable <strong>de</strong> la p<strong>en</strong>sée, à<br />

partir du c<strong>en</strong>tre éternel <strong>et</strong> insondable qu'est Dieu, un peu comme les rayons<br />

lumineux part<strong>en</strong>t du soleil. C'est <strong>en</strong>core la définition qui m'apparaît à moi-même<br />

la plus acceptable ; mais quant à savoir si elle est exacte <strong>et</strong> conforme à la vérité,<br />

(*) Talmud.<br />

296


c'est une autre question à laquelle, sans doute, aucun mortel ne sera jamais vraim<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> répondre.<br />

4. Selon l'Écriture, on aurait aussi vu plusieurs fois <strong>de</strong>s anges servir les hommes,<br />

sur terre, sous la forme <strong>de</strong> jouv<strong>en</strong>ceaux d'une beauté peu commune ! Mais pour<br />

ceux qui voi<strong>en</strong>t plus loin, c'est peut-être aussi pousser les choses un peu loin ;<br />

mes collègues <strong>et</strong> moi, du moins, n'avons jamais ri<strong>en</strong> vu <strong>de</strong> tel ! C'est possible !<br />

Mais il se peut tout aussi bi<strong>en</strong> qu'il s'agisse d'une anci<strong>en</strong>ne formulation lyrique<br />

par laquelle, pour r<strong>en</strong>dre la chose plus palpable, on personnifiait les forces<br />

agissantes <strong>de</strong> l'esprit <strong>en</strong> leur prêtant la figure puissante, charnue <strong>et</strong> pleine <strong>de</strong><br />

fougue juvénile d'un très beau jeune homme ; car aucun vers n'a jamais<br />

m<strong>en</strong>tionné d'ange féminin — probablem<strong>en</strong>t parce que les poètes inspirés n'ont<br />

jamais pu concevoir qu'il y eût autant <strong>de</strong> force dans une jeune fille, si parfaite <strong>et</strong><br />

charmante soit-elle, que dans un jeune homme bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> chair <strong>et</strong> plein <strong>de</strong> santé.<br />

5. Ainsi, noble souverain, il existe selon la pure raison bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s conceptions<br />

différ<strong>en</strong>tes ! Il paraît y avoir dans toutes quelque vérité ; mais où est c<strong>et</strong>te vérité,<br />

nous ne sommes pas capables d'<strong>en</strong> juger, nous les hommes. Il faut donc bi<strong>en</strong><br />

laisser <strong>et</strong> maint<strong>en</strong>ir le peuple dans sa croyance s<strong>en</strong>sible (*) , puisque l'on n'a au<br />

fond ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> meilleur à lui offrir ! Et c'est d'ailleurs là ce que je puis dire <strong>de</strong><br />

mieux <strong>en</strong> réponse à ta si importante question ; car je ne puis tout <strong>de</strong> même pas te<br />

servir ce que l'on <strong>en</strong>seigne au peuple à ce suj<strong>et</strong> ! »<br />

6. Cyrénius dit : « Tu ne crois donc pas pleinem<strong>en</strong>t à la possibilité <strong>de</strong> l'apparition<br />

corporelle d'un ange qui soit une personne ? »<br />

7. Stahar dit : « Non seulem<strong>en</strong>t je n'y crois pas pleinem<strong>en</strong>t, mais je n'y crois pas<br />

du tout : car je n'ai <strong>en</strong>core jamais eu l'honneur <strong>et</strong> le bonheur <strong>de</strong> voir pareille<br />

chose ne fût-ce qu'<strong>en</strong> rêve, <strong>et</strong> moins <strong>en</strong>core dans la réalité. De même, tous les<br />

collègues avec qui j'ai eu l'occasion <strong>de</strong> m'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir franchem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la chose n'ont<br />

ri<strong>en</strong> pu me dire que je n'eusse appris par moi-même <strong>de</strong>puis longtemps.<br />

8. Je ne veux certes pas par là, si ce n'est pour moi seul, nier absolum<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te<br />

év<strong>en</strong>tualité extrême ; mais il est certain que, sans intermédiaire physique, un tel<br />

esprit angélique peut <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> moins apparaître à nos s<strong>en</strong>s comme un être doté<br />

d'une exist<strong>en</strong>ce formelle qu'un rayon <strong>de</strong> lumière ne peut se manifester <strong>en</strong> tant que<br />

tel lorsqu'il ne r<strong>en</strong>contre aucun milieu sur lequel il réagisse.<br />

9. Un rayon lumineux du soleil traverse sans doute l'air avant que <strong>de</strong> toucher le<br />

sol <strong>de</strong> la terre <strong>et</strong> d'agir sur lui. Cep<strong>en</strong>dant, il ne peut <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir herbe dans l'air, qui<br />

est un milieu bi<strong>en</strong> trop subtil ; mais dans le sol terrestre, il peut, tel Protée, se<br />

transformer <strong>en</strong> toute chose pour laquelle il trouve dans la matière ne serait-ce<br />

qu'une certaine disposition.<br />

10. Ainsi, je le dis, puisque l'on trouve partout, dans la <strong>grand</strong>e nature <strong>de</strong>s choses,<br />

un certain ordre nécessaire, mais que l'on n'y voit jamais naître aucune chose qui<br />

n'ait été précédée d'une cause appropriée <strong>et</strong> sans qu'un milieu approprié ait existé<br />

préalablem<strong>en</strong>t dans un but quelconque, <strong>et</strong> puisque, <strong>en</strong> outre, même l'observation<br />

la plus soigneuse <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s choses n'y découvre jamais le moindre saut, je<br />

suis donc contre tous les prét<strong>en</strong>dus miracles, <strong>et</strong> contre la possibilité <strong>de</strong> la<br />

(*) C'est-à-dire sa croyance à la matérialité <strong>de</strong>s anges. (N.d.T.)<br />

297


prés<strong>en</strong>ce personnelle formelle d'un esprit, quel que soit le nom qu'on lui donne<br />

— qu'il s'agisse donc d'un ange ou d'un diable, d'un Dieu ou <strong>de</strong> son pôle opposé.<br />

11. Oui, un esprit supérieur peut se manifester, mais <strong>en</strong> aucun cas autrem<strong>en</strong>t<br />

qu'<strong>en</strong> chair <strong>et</strong> <strong>en</strong> os ; au-<strong>de</strong>là, tout est soit imagination d'un homme plein d'esprit,<br />

soit pur m<strong>en</strong>songe !<br />

12. Quelle pitié que nous <strong>de</strong>vions précisém<strong>en</strong>t, nous qui avons <strong>de</strong>puis longtemps<br />

reconnu la vérité, être ceux qui, sous <strong>de</strong>s appar<strong>en</strong>ces <strong>et</strong> par <strong>de</strong>s actes mystiques,<br />

répan<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> perpétu<strong>en</strong>t le m<strong>en</strong>songe <strong>et</strong> la plus noire superstition ! Nous sommes<br />

contraints d'afficher <strong>de</strong>s mines pieuses, quand nous sommes près d'éclater <strong>de</strong><br />

colère <strong>de</strong>vant tant <strong>de</strong> sottise ! Mais il y a Moïse, il y a les prophètes — tout<br />

simplem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s hommes avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pouvoir, qui ont sans doute comm<strong>en</strong>cé par<br />

<strong>en</strong>jôler le peuple par toutes sortes d'apparitions naturelles, afin que celui-ci les<br />

couronne <strong>en</strong>suite comme ses souverains perpétuels <strong>et</strong> leur donne le droit<br />

tyrannique <strong>de</strong> lui infliger tous les maux <strong>de</strong> la terre !<br />

13. Mais lorsqu'un peuple a été ainsi amadoué <strong>et</strong>, grâce à force miracles, dûm<strong>en</strong>t<br />

plongé dans l'obscurité la plus profon<strong>de</strong>, essayez d'apporter à un tel peuple une<br />

simple lumière, mais une lumière auth<strong>en</strong>tique, <strong>et</strong> il se j<strong>et</strong>tera sur vous comme un<br />

tigre pour vous m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> pièces !<br />

14. C'est pourquoi, quand un peuple est déjà par trop abêti, il vaut <strong>en</strong>core mieux<br />

le laisser dans ses vieilles croyances stupi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> raviver celles-ci par <strong>de</strong> faux<br />

miracles, plutôt que <strong>de</strong> s'efforcer d'instruire ce peuple, car une fois qu'un peuple<br />

est bi<strong>en</strong> abêti, il n'est généralem<strong>en</strong>t plus possible <strong>de</strong> le détromper !<br />

15. Il y eut un temps où, chaque fois que je voyais un homme faire un miracle<br />

dans le but évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core plus stupi<strong>de</strong> une humanité déjà fort abêtie, je<br />

m'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ais à sa honteuse <strong>en</strong>treprise comme un tigre furieux, <strong>et</strong> je le tuais même<br />

si je pouvais ; mais avec le temps <strong>et</strong> après bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s nobles t<strong>en</strong>tatives, je finis par<br />

me convaincre que lorsqu'on les avait trop abêtis, les hommes ne pouvai<strong>en</strong>t plus<br />

du tout être détrompés, <strong>et</strong> cela me fit voir que j'avais <strong>grand</strong> tort <strong>de</strong> partir <strong>en</strong><br />

guerre contre ceux qui, par <strong>de</strong>s miracles factices, faisai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sorte <strong>de</strong> conforter<br />

très efficacem<strong>en</strong>t le peuple dans ses vieilles superstitions.<br />

16. Je crois à prés<strong>en</strong>t m'être montré à toi tel que je suis. J'espère que tu compr<strong>en</strong>dras<br />

sans colère que j'aie naturellem<strong>en</strong>t dû me montrer tout autre <strong>de</strong>vant le<br />

peuple ! Mais que j'aie toujours p<strong>en</strong>sé autrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> moi-même, <strong>en</strong> témoigne la<br />

justesse <strong>de</strong> ma conviction intime, que je n'eusse jamais pu te révéler si elle<br />

n'avait été prés<strong>en</strong>te <strong>en</strong> moi ! Mais je n'ai cure désormais <strong>de</strong>s faiseurs <strong>de</strong> miracles<br />

; il suffit qu'ils ne cherch<strong>en</strong>t pas, comme à leur habitu<strong>de</strong>, à gagner leur pain aux<br />

dép<strong>en</strong>s d'hommes clairvoyants <strong>de</strong> ma sorte, mais qu'ils nous souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

g<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> tout ira au mieux pour nous tous.<br />

17. Car il ne faut jamais laisser voir à l'humanité irrémédiablem<strong>en</strong>t ignorante<br />

qu'il n'y a <strong>en</strong> réalité absolum<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>de</strong>rrière nous, mais au contraire, par <strong>de</strong>s<br />

miracles factices, la maint<strong>en</strong>ir dans l'idée <strong>et</strong> la croyance aveugle que <strong>de</strong>rrière<br />

nous se cach<strong>en</strong>t d'insondables mystères que seul un prêtre pénétré <strong>de</strong> l'esprit<br />

divin ou un prophète éveillé par Dieu dans ce but peut compr<strong>en</strong>dre tout à fait.<br />

18. C'est assez que nous soyons quelques-uns à compr<strong>en</strong>dre que tout ce qu'on<br />

298


<strong>en</strong>seigne sur une quelconque divinité n'est — <strong>en</strong>tre nous soit dit — que vieilles<br />

fables creuses sans autre fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t que l'imagination humaine. »<br />

Chapitre 150<br />

Raphaël <strong>et</strong> Stahar<br />

1. Cyrénius dit : « Je ne suis pas du tout <strong>de</strong> ton avis là non plus ; car je crois<br />

fermem<strong>en</strong>t qu'il y a un Dieu qui a créé par Sa propre toute-puissance parfaite,<br />

c'est-à-dire lire <strong>de</strong> Lui-même, tout le mon<strong>de</strong> spirituel <strong>et</strong> s<strong>en</strong>sible, <strong>en</strong> un temps<br />

bi<strong>en</strong> sûr un peu plus long que celui que donne Moïse, <strong>et</strong> qui n'a été que mal ou<br />

pas du tout compris. Mais il y a ici <strong>de</strong>s hommes qui compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t Moïse mieux<br />

que tu ne le fais !<br />

2. Je crois aussi à la vie éternelle <strong>de</strong> tous les hommes qui, par bonne volonté,<br />

agiss<strong>en</strong>t selon les comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Dieu ; je crois aussi absolum<strong>en</strong>t que tous<br />

les esprits sont <strong>de</strong>s personnes formelles, donc aussi les anges <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> je crois<br />

fermem<strong>en</strong>t à l'auth<strong>en</strong>ticité <strong>de</strong> la révélation divine par la bouche <strong>de</strong>s prophètes, <strong>et</strong><br />

même à l'exist<strong>en</strong>ce personnelle d'un Homme-Dieu !<br />

3. Et si je crois à toutes ces choses, ce n'est pas simplem<strong>en</strong>t par ouï-dire, mais<br />

parce que j'<strong>en</strong> suis personnellem<strong>en</strong>t très profondém<strong>en</strong>t convaincu, aussi suis-je<br />

fort surpris que tu ne croies à ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout cela !<br />

4. Que dirais-tu donc si je te déclarais très sérieusem<strong>en</strong>t : "L'aimable jouv<strong>en</strong>ceau<br />

que tu vois ici est précisém<strong>en</strong>t l'un <strong>de</strong> ces anges <strong>de</strong> Dieu auxquels tu n'as jamais<br />

cru, <strong>et</strong> il peut te le prouver n'importe quand par <strong>de</strong>s actes ?" — Qu'aurais-tu à<br />

répondre à cela ? »<br />

5. Stahar dit : « Noble seigneur, je pourrais seulem<strong>en</strong>t te répondre qu'il te plaît <strong>de</strong><br />

me faire marcher un peu au vu <strong>de</strong> tous ! C<strong>et</strong> aimable jeune homme n'est<br />

certainem<strong>en</strong>t qu'un <strong>de</strong> tes fils plein <strong>de</strong> promesses, <strong>et</strong> je ne doute pas que tu ne lui<br />

aies fait <strong>en</strong>seigner <strong>de</strong>puis sa plus t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>fance tous les arts <strong>et</strong> sci<strong>en</strong>ces<br />

possibles, aussi serait-il bi<strong>en</strong> étonnant que ce jeune homme ne possè<strong>de</strong> pas<br />

certaines facultés dont les hommes <strong>de</strong> ma sorte n'ont jamais eu la moindre idée.<br />

6. Si j'étais un <strong>de</strong> ces imbéciles crédules, tu pourrais sans doute me faire avaler ce<br />

pieux m<strong>en</strong>songe ; mais avec moi, ce sera bi<strong>en</strong> difficile. Car je sais ce que je sais,<br />

<strong>et</strong> il <strong>en</strong> va sans doute <strong>de</strong> même pour toi au fond — sauf que tu sembles vouloir<br />

me soum<strong>et</strong>tre ici à une nouvelle épreuve. »<br />

7. Cyrénius dit : « Eh bi<strong>en</strong>, si tu estimes que je me moque <strong>de</strong> toi, au nom <strong>de</strong> Dieu<br />

le Seigneur, propose-lui une épreuve, <strong>et</strong> l'on verra alors si je ne t'ai pas dit la<br />

vérité ! »<br />

8. Stahar dit : « Très bi<strong>en</strong>, si tu m'y autorises, je vais à l'instant soulever le triple<br />

voile <strong>de</strong> Moïse qui couvre ton visage, <strong>et</strong> tu verras aussitôt clairem<strong>en</strong>t ce qu'il <strong>en</strong><br />

est <strong>de</strong> ton ange ! — Vi<strong>en</strong>s donc ici, mon gracieux jeune ange ! »<br />

9. Raphaël s'approche <strong>de</strong> Stahar <strong>et</strong> dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi,<br />

homme sans foi ? »<br />

299


10. Stahar dit : « Il y a dans c<strong>et</strong>te mer une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> poissons ; pourrais-tu<br />

aller me chercher dans ses profon<strong>de</strong>urs l'un <strong>de</strong>s meilleurs, <strong>et</strong> <strong>en</strong> même temps me<br />

le prés<strong>en</strong>ter sur un plat, déjà cuit <strong>et</strong> très bi<strong>en</strong> préparé ? »<br />

11. À peine Stahar avait-il prononcé ces paroles que Raphaël t<strong>en</strong>ait déjà <strong>de</strong>vant<br />

lui sur un <strong>grand</strong> plat le poisson <strong>de</strong>mandé, qu'il l'invitait maint<strong>en</strong>ant à manger.<br />

12. À c<strong>et</strong>te vue, Stahar se trouva terriblem<strong>en</strong>t embarrassé <strong>et</strong> ne sut que dire <strong>de</strong> c<strong>et</strong><br />

incompréh<strong>en</strong>sible événem<strong>en</strong>t.<br />

13. Cep<strong>en</strong>dant, Raphaël invitait Cyrénius à goûter lui aussi le poisson, qui était<br />

fort bi<strong>en</strong> apprêté. Le poisson fut découpé. Cyrénius <strong>en</strong> prit aussitôt un bon<br />

morceau, le mangea <strong>et</strong> <strong>en</strong> loua particulièrem<strong>en</strong>t la saveur. Stahar goûta lui aussi<br />

un morceau, le mangea <strong>et</strong> trouva les louanges <strong>de</strong> Cyrénius justifiées, <strong>et</strong>, pour<br />

finir, plusieurs autres convives prir<strong>en</strong>t une part du poisson, qu'ils trouvèr<strong>en</strong>t<br />

extrêmem<strong>en</strong>t savoureux.<br />

14. Quand tout le poisson fut ainsi mangé, Stahar se tourna humblem<strong>en</strong>t vers<br />

Raphaël <strong>et</strong> dit : « Es-tu vraim<strong>en</strong>t un ange du Seigneur, ou seulem<strong>en</strong>t quelque<br />

jeune magici<strong>en</strong> v<strong>en</strong>u d'Europe, d'Afrique ou bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e Asie (*) ? C<strong>et</strong> acte<br />

est certes incompréh<strong>en</strong>sible <strong>et</strong> merveilleusem<strong>en</strong>t inouï ; mais il existe aussi chez<br />

les hommes <strong>de</strong>s charmes <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s magici<strong>en</strong>s par lesquels un profane <strong>en</strong> ces<br />

choses peut aisém<strong>en</strong>t se laisser pr<strong>en</strong>dre. Aussi, dis-moi <strong>en</strong> toute vérité s'il est<br />

vraim<strong>en</strong>t possible que tu sois un ange du Seigneur — ou serais-tu un magici<strong>en</strong><br />

malgré tout ?! »<br />

15. Raphaël dit : « À quoi bon te dire oui ou non ?! Celui qui doute a besoin <strong>de</strong><br />

preuves tangibles ! M<strong>et</strong>s-moi à l'épreuve, <strong>et</strong> déci<strong>de</strong> par là si un magici<strong>en</strong> pourrait<br />

faire ce que je fais ! »<br />

16. Stahar dit : « Oui, oui, ce serait fort bi<strong>en</strong> si seulem<strong>en</strong>t je savais quelle autre<br />

épreuve... hum... non, je ne trouve ri<strong>en</strong>, très gracieux jeune homme, par quoi je<br />

puisse t'éprouver <strong>en</strong>core, <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus, la manière dont tu t'es acquitté <strong>de</strong> la<br />

première épreuve, <strong>en</strong> vérité ridicule, que je t'ai <strong>de</strong>mandée, est déjà si extraordinaire<br />

qu'on ne saurait imaginer une chose <strong>en</strong>core plus impossible à accomplir !<br />

Mais ta figure est si infinim<strong>en</strong>t gracieuse qu'à prés<strong>en</strong>t, je préférerais véritablem<strong>en</strong>t<br />

croire que tu es tout <strong>de</strong> bon un ange <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> non un magici<strong>en</strong> !<br />

Seulem<strong>en</strong>t, tu sembles avoir vraim<strong>en</strong>t un corps, <strong>et</strong> cela n'est pourtant pas le signe<br />

d'un auth<strong>en</strong>tique esprit. Laisse-moi donc te toucher, que je s<strong>en</strong>te si tu as aussi <strong>de</strong>s<br />

os ! »<br />

17. L'ange laisse Stahar le toucher, <strong>et</strong> Stahar trouve que tout <strong>en</strong> Raphaël est bi<strong>en</strong><br />

soli<strong>de</strong> <strong>et</strong> compact ; avec un <strong>grand</strong> haussem<strong>en</strong>t d'épaules, il dit alors : « Hum,<br />

hum, il y a là partout la chair la plus dodue ; cela ne paraît guère être d'un esprit !<br />

Le fait accompli, non, contre cela, il n'y a ri<strong>en</strong> à redire ; mais ce corps si<br />

extrêmem<strong>en</strong>t beau <strong>et</strong> charnu, bi<strong>en</strong> plus opul<strong>en</strong>t que celui <strong>de</strong> n'importe quelle<br />

jeune fille, ces bras merveilleux, si fermes <strong>et</strong> compacts, non, il n'y a pourtant là<br />

(*)<br />

Hinterasi<strong>en</strong>, littéralem<strong>en</strong>t « Asie postérieure », la <strong>grand</strong>e Asie (l'In<strong>de</strong> <strong>et</strong> les pays au-<strong>de</strong>là), par<br />

opposition à l'Asie antérieure ou Asie Mineure. Au chapitre suivant, les magici<strong>en</strong>s vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

d'Hinterindi<strong>en</strong>, littéralem<strong>en</strong>t : Indochine, ici <strong>en</strong> fait tout ce qui se trouve <strong>en</strong>tre l'In<strong>de</strong> <strong>et</strong> la Chine<br />

(donc, <strong>en</strong> gros, du Cachemire à la Birmanie). (N.d.T.)<br />

300


absolum<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> qui ressemble à un esprit ! À dire vrai — mis à part que je suis<br />

déjà une vieille bête <strong>et</strong> mis à part le fait que tu apparti<strong>en</strong>s au g<strong>en</strong>re masculin —,<br />

il doit même être particulièrem<strong>en</strong>t facile <strong>de</strong> tomber follem<strong>en</strong>t amoureux <strong>de</strong> toi, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> la manière la plus s<strong>en</strong>suelle qui soit ! Et cela, vois-tu, ne témoigne là <strong>en</strong>core<br />

<strong>en</strong> ri<strong>en</strong> d'une chose que l'on soit <strong>en</strong> droit <strong>de</strong> dire purem<strong>en</strong>t spirituelle <strong>et</strong> céleste !<br />

Il faut donc que, tel un jeune Tobie, tu sois secrètem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> d'une manière<br />

invisible à nous autres mortels, sout<strong>en</strong>u par un ange, ce qui veut dire que, tel un<br />

Samuel, tu as dû être dès ta naissance un garçon d'une extrême piété ! Et si ce<br />

n'était pas le cas, il se pourrait aussi fort bi<strong>en</strong> que tu aies secrètem<strong>en</strong>t partie liée<br />

avec le "Dieu-nous-ai<strong>de</strong>", ce que, bi<strong>en</strong> sûr, je suppose d'autant moins que tu as<br />

par ailleurs une trop belle appar<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> piété céleste, <strong>et</strong> que, à franchem<strong>en</strong>t parler,<br />

je n'ai jamais vraim<strong>en</strong>t cru très fort à ce "Dieu-nous-ai<strong>de</strong>". Il m'était déjà<br />

difficile <strong>de</strong> croire pleinem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> un Dieu, à plus forte raison donc à Sa<br />

contrepartie !<br />

18. Aussi, malgré mes <strong>de</strong>hors sévères, ne suis-je pas moi-même un zélateur, mais<br />

bi<strong>en</strong> un naturaliste plein <strong>de</strong> bon s<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> c'est pourquoi je n'adm<strong>et</strong>s aucun<br />

phénomène comme spirituel tant qu'il est <strong>en</strong>core le moins du mon<strong>de</strong> possible <strong>de</strong><br />

l'expliquer naturellem<strong>en</strong>t !<br />

19. L'acte que tu vi<strong>en</strong>s d'accomplir ne perm<strong>et</strong> certes aucune explication naturelle<br />

à mon <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ; mais je ne me suis jamais figuré que je compr<strong>en</strong>ais tout ce<br />

qui se passe dans le <strong>grand</strong> domaine <strong>de</strong> la nature. Il se peut donc <strong>en</strong>core qu'il y ait<br />

à ton art prodigieux quelque explication naturelle bi<strong>en</strong> connue <strong>de</strong> toi, <strong>et</strong> peut-être<br />

<strong>de</strong> bi<strong>en</strong> d'autres <strong>en</strong>core. Tu ne peux guère me la donner ; mais peu importe <strong>en</strong><br />

vérité, car il arrive dans la nature bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses qui, <strong>en</strong> soi, sont aussi <strong>de</strong>s<br />

prodiges dont nous ne compr<strong>en</strong>ons pas la cause. Devrions-nous pour autant les<br />

considérer d'emblée comme d'auth<strong>en</strong>tiques miracles ?! »<br />

Chapitre 151<br />

Stahar <strong>et</strong> les magici<strong>en</strong>s indi<strong>en</strong>s<br />

1. (Stahar :) « Vois-tu, très gracieux jeune homme expert <strong>en</strong> magie, il y a trois<br />

ans <strong>en</strong>viron sont arrivés dans notre ville plusieurs Ori<strong>en</strong>taux, qui, à ce qu'ils<br />

disai<strong>en</strong>t, v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t même du fond <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, où il y aurait <strong>de</strong>s montagnes si hautes<br />

que leur somm<strong>et</strong> touche presque la lune lorsqu'elle passe au-<strong>de</strong>ssus d'elles. Cela<br />

se peut ; mais, pour faire s<strong>en</strong>sation, les étrangers exagèr<strong>en</strong>t tout, y compris donc<br />

la hauteur <strong>de</strong> leurs montagnes !<br />

2. Mais laissons cela ; car que leurs montagnes euss<strong>en</strong>t été plus basses <strong>de</strong><br />

quelques aunes ne change ri<strong>en</strong> à l'affaire ! Ces Indi<strong>en</strong>s à l'aspect fort remarquable<br />

me <strong>de</strong>mandèr<strong>en</strong>t la permission d'exécuter <strong>de</strong>vant le peuple, contre une mo<strong>de</strong>ste<br />

rétribution, leurs auth<strong>en</strong>tiques prodiges.<br />

3. Cep<strong>en</strong>dant, je leur fis dire par un interprète que, bi<strong>en</strong> qu'étant moi-même <strong>grand</strong><br />

ami <strong>de</strong> tout ce qui sort <strong>de</strong> l'ordinaire, je ne pouvais les autoriser à exécuter <strong>de</strong>vant<br />

la population ne fût-ce que les plus innoc<strong>en</strong>ts prodiges avant <strong>de</strong> m'être moimême<br />

convaincu, <strong>en</strong>tre quat'z'yeux, comme on dit, <strong>de</strong> ce qu'étai<strong>en</strong>t leurs prodiges<br />

301


<strong>et</strong> <strong>de</strong> l'opportunité <strong>de</strong> les produire <strong>de</strong>vant un peuple aveugle !<br />

4. Les faiseurs <strong>de</strong> miracles fur<strong>en</strong>t d'autant plus satisfaits <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te décision que je<br />

leur offrais <strong>de</strong> bons honoraires pour se produire uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant moi <strong>et</strong><br />

quelques collègues <strong>de</strong> bon s<strong>en</strong>s.<br />

5. Ils allèr<strong>en</strong>t à l'auberge où ils s'étai<strong>en</strong>t installés <strong>en</strong> ville <strong>et</strong> <strong>en</strong> revinr<strong>en</strong>t au bout<br />

d'une heure, chargés <strong>de</strong> toutes sortes d'accessoires <strong>de</strong> magie que je n'avais <strong>en</strong>core<br />

jamais vus ; il y avait là <strong>de</strong>s bagu<strong>et</strong>tes, <strong>de</strong>s pierres, <strong>de</strong>s métaux d'étrange aspect,<br />

<strong>de</strong>s récipi<strong>en</strong>ts <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its <strong>de</strong> formes diverses, aucune <strong>de</strong> ces formes n'étant<br />

d'ailleurs connue <strong>de</strong> moi.<br />

6. Je <strong>de</strong>mandai à leur chef à quoi lui servirait tout cela, <strong>et</strong> il me répondit qu'<strong>en</strong><br />

toute rigueur, cela ne servait à ri<strong>en</strong>, mais qu'il avait besoin d'avoir près <strong>de</strong> lui <strong>de</strong>s<br />

obj<strong>et</strong>s familiers, sans quoi il ne pouvait exécuter aussi bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> aussi sûrem<strong>en</strong>t les<br />

prodiges qu'on att<strong>en</strong>dait <strong>de</strong> lui. Puis il me <strong>de</strong>manda ce que je souhaitais voir ou<br />

appr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> lui.<br />

7. Je dis : "Fort bi<strong>en</strong>, si je n'ai qu'à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, tu n'iras pas bi<strong>en</strong> loin avec ta<br />

magie !" Je lui <strong>de</strong>mandai s'il pouvait me dire à quoi je p<strong>en</strong>sais <strong>en</strong> c<strong>et</strong> instant. Je<br />

p<strong>en</strong>sais à Rome <strong>et</strong> au nom <strong>de</strong> l'empereur. Là-<strong>de</strong>ssus, il posa ses <strong>de</strong>ux mains sur le<br />

creux <strong>de</strong> sa poitrine <strong>et</strong> me dit mes p<strong>en</strong>sées. Tu peux te figurer aisém<strong>en</strong>t que cela<br />

ne me surprit guère moins que ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> faire !<br />

8. Je posai alors <strong>de</strong>vant lui une cruche d'eau <strong>et</strong> lui dis : "Change c<strong>et</strong>te eau <strong>en</strong> vin<br />

!" Il s'avança, traça avec ses mains plusieurs traits <strong>et</strong> croix au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la cruche<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> l'eau <strong>et</strong> dit ; "Goûte ce vin, seigneur, <strong>et</strong> dis-moi s'il te plaît !" Je goûtai<br />

aussitôt l'eau, <strong>et</strong> c'était un vin absolum<strong>en</strong>t parfait ! Je ne pus faire autrem<strong>en</strong>t que<br />

m'étonner davantage <strong>en</strong>core.<br />

9. Il prit alors un récipi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> terre parfaitem<strong>en</strong>t vi<strong>de</strong>, y versa le reste du vin, pour<br />

se restaurer, dit-il, sur le long chemin du r<strong>et</strong>our, qu'il pr<strong>en</strong>drait bi<strong>en</strong>tôt. Mais<br />

comme, aussitôt après, je regardais le récipi<strong>en</strong>t, qui m'avait semblé parfaitem<strong>en</strong>t<br />

n<strong>et</strong>, je n'y trouvai pas la moindre humidité, <strong>en</strong>core moins un quelconque liqui<strong>de</strong>,<br />

mais seulem<strong>en</strong>t une forte o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> vin, sur quoi le magici<strong>en</strong> observa que, pour<br />

éviter d'<strong>en</strong> r<strong>en</strong>verser, il préférait emporter ce vin dans son état spirituel sec.<br />

10. Je lui <strong>de</strong>mandai si, à partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te o<strong>de</strong>ur, il pouvait vraim<strong>en</strong>t faire reparaître,<br />

à l'instant ou à quelque mom<strong>en</strong>t que ce fût, un vin liqui<strong>de</strong> <strong>et</strong> buvable. Il nous<br />

<strong>de</strong>manda alors, à mes trois collègues <strong>et</strong> à moi, si nous souhaitions boire <strong>en</strong>core.<br />

Nous répondîmes par l'affirmative ; il prit alors le récipi<strong>en</strong>t, visiblem<strong>en</strong>t vi<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

visiblem<strong>en</strong>t plus p<strong>et</strong>it que ma cruche à eau, <strong>et</strong> versa dans ma cruche tant <strong>de</strong> vin<br />

qu'elle se mit à débor<strong>de</strong>r !<br />

11. Ah, jeune <strong>et</strong> charmant ami, nous comm<strong>en</strong>cions vraim<strong>en</strong>t à s<strong>en</strong>tir nos cheveux<br />

se dresser sur nos têtes ; car cela dépassait par trop notre <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ! Je ne<br />

savais que dire <strong>de</strong> cela ! Nous bûmes donc <strong>de</strong> bon cœur ce fort bon vin, <strong>et</strong> —<br />

nouveau prodige ! — la cruche n'<strong>en</strong> fut pas s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t plus vi<strong>de</strong> !<br />

12. Comme, déjà très égayés par le vin, nous nous émerveillions haut <strong>et</strong> fort, le<br />

mage dit : "Mais, seigneurs, le vin n'est pas vraim<strong>en</strong>t bon sans pain ! Voyez ces<br />

quelques pierres ; vous plairait-il que je les change <strong>en</strong> pain ?" Je dis : "Fais-le !"<br />

Là-<strong>de</strong>ssus, il passa sa main sur les pierres <strong>et</strong> dit : "Pr<strong>en</strong>ds un couteau <strong>et</strong> coupe ce<br />

302


pain !" Ce que je fis, <strong>et</strong> c'était bi<strong>en</strong> du pain, un pain délicieux !<br />

13. Je dis alors : "Mais, ami, si tu es capable <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> telles choses, j'aimerais<br />

bi<strong>en</strong> savoir pourquoi tu as <strong>en</strong>core besoin <strong>de</strong> te faire payer pour ton art extraordinaire<br />

!" Le magici<strong>en</strong> dit : "Uniquem<strong>en</strong>t à cause <strong>de</strong> sa rar<strong>et</strong>é, <strong>et</strong> afin d'avoir<br />

un moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> subv<strong>en</strong>ir à mes besoins matériels dans les <strong>en</strong>droits où l'on ne peut<br />

ou ne doit pas faire <strong>de</strong> prodiges."<br />

14. Satisfait <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te réponse, je donnai au magici<strong>en</strong> <strong>de</strong>ux livres d'arg<strong>en</strong>t qu'il<br />

accepta avec gratitu<strong>de</strong>, mais je ne pus lui donner l'autorisation <strong>de</strong> donner égalem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> public <strong>de</strong>vant le peuple aveugle le spectacle <strong>de</strong> son art par trop<br />

extraordinaire ; car le peuple lui aurait aussitôt voué une adoration divine, particulièrem<strong>en</strong>t<br />

les Grecs <strong>et</strong> les quelques Romains.<br />

15. Il me dit qu'il pouvait <strong>en</strong>core faire une quantité <strong>de</strong> prodiges <strong>de</strong> toute sorte,<br />

bi<strong>en</strong> plus remarquables que ceux qu'il v<strong>en</strong>ait d'accomplir ! Mais, <strong>en</strong> vérité, je<br />

n'avais plus guère le désir d'<strong>en</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>et</strong> d'<strong>en</strong> voir davantage. Ce que je v<strong>en</strong>ais<br />

<strong>de</strong> voir m'avait déjà par trop échauffé la cervelle, <strong>et</strong> je fus fort heureux quand ces<br />

Indi<strong>en</strong>s eur<strong>en</strong>t définitivem<strong>en</strong>t quitté la ville ; car ils euss<strong>en</strong>t causé dans le peuple<br />

une véritable révolution.<br />

16. Pour finir, je <strong>de</strong>mandai au magici<strong>en</strong> si, contre <strong>de</strong> l'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong> bonnes<br />

paroles, il voulait bi<strong>en</strong> m'expliquer un seul <strong>de</strong> ses tours. Il ne refusa pas purem<strong>en</strong>t<br />

<strong>et</strong> simplem<strong>en</strong>t, il est vrai, mais il me <strong>de</strong>manda pour cela une somme d'arg<strong>en</strong>t qui<br />

me fit véritablem<strong>en</strong>t frémir, aussi eus-je d'autant moins <strong>de</strong> peine à me séparer<br />

<strong>en</strong>suite <strong>de</strong> c<strong>et</strong> artiste.<br />

17. Vois-tu, très gracieux jeune homme, ce magici<strong>en</strong> <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> était assurém<strong>en</strong>t<br />

aussi peu un ange <strong>de</strong> Yahvé que moi-même, <strong>et</strong> pourtant, il avait accompli <strong>de</strong>s<br />

actes stupéfiants ; pourquoi, bi<strong>en</strong> que ton corps soit assurém<strong>en</strong>t d'une beauté tout<br />

à fait céleste, comme on dit, <strong>de</strong>vrais-tu être un ange pour la seule raison que tu es<br />

capable toi aussi d'accomplir <strong>de</strong>s choses extraordinaires pour mon grossier<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t humain ?!<br />

18. Il faut donc que tu me donnes <strong>de</strong>s preuves plus purem<strong>en</strong>t spirituelles <strong>de</strong> ta<br />

nature angélique divine, sans quoi je ne pourrai te considérer comme un ange <strong>de</strong><br />

Dieu, quand bi<strong>en</strong> même tu accomplirais <strong>de</strong>vant moi <strong>de</strong>s prodiges c<strong>en</strong>t fois plus<br />

<strong>grand</strong>s que ne l'était celui [du poisson] que nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> manger ! Aucun<br />

homme raisonnant <strong>de</strong> sang-froid ne pourra, je crois, faire la moindre objection à<br />

c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>man<strong>de</strong> parfaitem<strong>en</strong>t raisonnable ! »<br />

Chapitre 152<br />

Stahar raconte le meurtre du <strong>grand</strong> prêtre Zacharie<br />

1. Raphaël dit : « La question est seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> savoir si tu as bi<strong>en</strong> dit la vérité !<br />

Car je puis t'affirmer avec certitu<strong>de</strong> que, dans le seul but d'éprouver <strong>en</strong>core ma<br />

nature spirituelle, tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> m<strong>en</strong>tir d'une manière parfaitem<strong>en</strong>t odieuse selon ce<br />

que te dictait ton imagination débridée, <strong>et</strong> qu'il n'y avait pas un mot <strong>de</strong> vrai dans<br />

tout ce que tu as si bi<strong>en</strong> raconté !<br />

303


2. Le pseudo-magici<strong>en</strong> est c<strong>en</strong>sé avoir <strong>de</strong>viné tes p<strong>en</strong>sées ; <strong>et</strong> moi, j'ai <strong>de</strong>viné que<br />

tu nous as fait à tous un m<strong>en</strong>songe long d'une aune ! Mais, grâce à moi, ton<br />

inv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong>s magici<strong>en</strong>s va <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir pour toi réalité !<br />

3. Selon ton m<strong>en</strong>songe, le pseudomagici<strong>en</strong> a fait du vin avec <strong>de</strong> l'eau ; mais je<br />

peux te montrer cela moi aussi dans la réalité ! Voici une cruche vi<strong>de</strong> ;<br />

remplissons-la d'eau ! (La cruche se remplit d'eau.) La voici pleine d'eau ! Je n'ai<br />

pas touché c<strong>et</strong>te cruche, <strong>et</strong> pourtant, l'eau est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue le meilleur <strong>de</strong>s vins ! —<br />

Goûte ce vin, <strong>et</strong> dis-moi s'il te plaît ! »<br />

4. Stahar goûte l'eau <strong>et</strong> trouve qu'elle est réellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue le meilleur <strong>de</strong>s vins.<br />

5. L'ange repr<strong>en</strong>d : « Le magici<strong>en</strong> a <strong>en</strong>suite fait disparaître le vin dans un autre<br />

récipi<strong>en</strong>t ; vois, je ne touche pas à ce récipi<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> pourtant, il n'y reste plus<br />

maint<strong>en</strong>ant une goutte <strong>de</strong> vin ! (La cruche se trouva parfaitem<strong>en</strong>t sèche.) Mais<br />

ton pseudo-magici<strong>en</strong> a <strong>en</strong>suite refait du vin à partir <strong>de</strong> son o<strong>de</strong>ur ; c<strong>et</strong>te cruche-ci<br />

ne s<strong>en</strong>t même plus le vin, <strong>et</strong> pourtant, je veux qu'elle soit à nouveau remplie du<br />

meilleur vin ! — Vois, la cruche est pleine !<br />

6. Mais il est vrai que tu n'as pas <strong>de</strong> pain avec ton vin, <strong>et</strong> tu as peut-être <strong>de</strong> la<br />

peine à le boire pur ! Ton magici<strong>en</strong> a eu besoin <strong>de</strong> plusieurs pierres pour les<br />

changer <strong>en</strong> pain ; je n'ai besoin que <strong>de</strong> ma volonté — <strong>et</strong> regar<strong>de</strong> tout ce pain<br />

<strong>de</strong>vant toi ! — Goûte donc s'il n'est pas meilleur que celui <strong>de</strong> ton m<strong>en</strong>songe !<br />

7. Là-<strong>de</strong>ssus, tu as soi-disant offert à ton magici<strong>en</strong> <strong>de</strong>ux livres d'arg<strong>en</strong>t ; moi,<br />

pour bi<strong>en</strong> payer ton m<strong>en</strong>songe, je crée ici pour toi à partir <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> <strong>de</strong>ux c<strong>en</strong>ts<br />

livres <strong>de</strong> véritable arg<strong>en</strong>t pur ! — Dis-moi si tu es satisfait à prés<strong>en</strong>t ! »<br />

8. Stahar ouvre <strong>de</strong>s yeux démesurés <strong>et</strong>, au bout d'un mom<strong>en</strong>t, il dit : « Non, il ne<br />

peut s'agir là <strong>de</strong> choses ni <strong>de</strong> forces naturelles ! Ce qui agit ici est à l'évi<strong>de</strong>nce<br />

plus qu'une force <strong>de</strong> la nature, si inconcevable soit-elle ! Il y a <strong>de</strong>rrière tout cela<br />

une volonté divine toute-puissante, <strong>et</strong> toi, tu es un auth<strong>en</strong>tique ange incarné, ou<br />

sinon l'un <strong>de</strong>s plus <strong>grand</strong>s prophètes <strong>de</strong> Dieu, à l'instar <strong>de</strong> Samuel ou d'Elie !<br />

9. Oui, je crois à prés<strong>en</strong>t que tu es un <strong>en</strong>voyé <strong>de</strong> Dieu v<strong>en</strong>u du ciel vers nous,<br />

pauvres humains pécheurs, pour nous rem<strong>et</strong>tre sur le droit chemin dont nous<br />

nous sommes par trop écartés !<br />

10. C'est vrai, <strong>grand</strong> <strong>et</strong> très aimable <strong>en</strong>voyé du Seigneur, que l'histoire <strong>de</strong>s mages<br />

indi<strong>en</strong>s que je t'ai racontée tout à l'heure est presque une inv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> ma part —<br />

mais sur le modèle <strong>de</strong> ce qui m'a été un jour conté à moi-même. Je ne te l'ai<br />

racontée qu'afin <strong>de</strong> mieux t'éprouver, mais j'ai découvert que tu voyais tout <strong>de</strong><br />

bon dans les cœurs <strong>et</strong> les âmes, <strong>et</strong> que ta volonté pouvait vraim<strong>en</strong>t accomplir <strong>en</strong><br />

se jouant les choses les plus impossibles.<br />

11. Aussi crois-je désormais dur comme fer que, malgré ton corps très beau, tu es<br />

un parfait <strong>en</strong>voyé <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> j'ai désormais au cœur une <strong>grand</strong>e joie d'avoir <strong>en</strong>fin<br />

connu moi-même ce qui est décrit dans le Livre <strong>et</strong> que nos pieux ancêtres ont<br />

quelquefois connu dans les temps anci<strong>en</strong>s ! »<br />

12. L'ange dit : « Ce n'est pourtant pas la première fois qu'il t'arrive une chose<br />

vécue par tes pères ! Il y a tr<strong>en</strong>te ans, au Temple, tu as bi<strong>en</strong> connu un événem<strong>en</strong>t<br />

semblable, à la suite duquel le <strong>grand</strong> prêtre d'alors est tombé, principalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

304


ta propre main, <strong>en</strong>tre l'autel <strong>et</strong> le Saint <strong>de</strong>s Saints ! Pourquoi n'as-tu pas cru alors<br />

au miracle évi<strong>de</strong>nt, <strong>et</strong> pourquoi c<strong>et</strong>te cruauté <strong>en</strong>vers un <strong>grand</strong> prêtre <strong>en</strong> personne<br />

?! »<br />

13. Stahar dit : « Très cher <strong>et</strong> tout-puissant <strong>en</strong>voyé <strong>de</strong> Dieu, ne me rappelle pas<br />

un temps où je ne voyais assurém<strong>en</strong>t la lumière du mon<strong>de</strong> qu'à travers une<br />

malédiction, <strong>et</strong> un acte pour lequel j'ai éprouvé par la suite <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> fois le<br />

plus profond rep<strong>en</strong>tir ! Mais je ne pouvais pour ainsi dire ri<strong>en</strong> faire d'autre selon<br />

mes s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> mes connaissances d'alors !<br />

14. J'avais été <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t initié à la philosophie grecque <strong>et</strong> je savais<br />

pourquoi j'étais un être humain. Platon, Socrate <strong>et</strong> Aristote m'étai<strong>en</strong>t nulle fois<br />

plus chers que tous mes prophètes obscurs <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t mystiques, que je ne<br />

compr<strong>en</strong>ds toujours pas à c<strong>et</strong>te heure <strong>et</strong> ne compr<strong>en</strong>drai jamais, parce qu'<strong>en</strong><br />

vérité il n'y a ri<strong>en</strong> à compr<strong>en</strong>dre, <strong>et</strong> surtout que ce Cantique <strong>de</strong>s Cantiques <strong>de</strong><br />

Salomon, qui ressemble plus à l'œuvre d'un fou qu'à celle d'un sage. Aussi avaisje<br />

conçu une véritable fureur contre tout ce qui <strong>en</strong>trait si peu que ce fût <strong>en</strong> conflit<br />

avec la raison pure d'Eucli<strong>de</strong>, dont les œuvres ont fait <strong>de</strong> moi à proprem<strong>en</strong>t parler<br />

un maître mathématici<strong>en</strong>.<br />

15. Mon tout-puissant ami céleste, si quelqu'un me dit que <strong>de</strong>ux <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux font<br />

quatre, qu'il fait clair le jour <strong>et</strong> sombre la nuit, il a parlé <strong>en</strong> toute vérité <strong>et</strong> je le<br />

serrerai contre mon cœur comme un ami. Mais si quelqu'un vi<strong>en</strong>t me sout<strong>en</strong>ir <strong>en</strong><br />

face sans vouloir <strong>en</strong> démordre que <strong>de</strong>ux <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux font cinq, que le jour est obscur<br />

<strong>et</strong> la nuit lumineuse, je tuerai un tel imbécile d'un seul coup ; car pour moi,<br />

quelqu'un qui assassine ainsi l'esprit est bi<strong>en</strong> pire que n'importe quel voleur,<br />

bandit ou assassin !<br />

16. Et vois-tu, il <strong>en</strong> allait ainsi au Temple <strong>en</strong> ce temps-là ! L'on comm<strong>en</strong>çait déjà<br />

à y prét<strong>en</strong>dre les choses les plus ins<strong>en</strong>sées, <strong>et</strong> il y avait même <strong>de</strong>s punitions<br />

contre ceux qui s'avisai<strong>en</strong>t d'exprimer la moindre objection contre une s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce<br />

<strong>de</strong> sagesse salomoni<strong>en</strong>ne, si obscure <strong>et</strong> stupi<strong>de</strong> fût-elle !<br />

17. Le <strong>grand</strong> prêtre <strong>en</strong> question était un <strong>de</strong> ces purs a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> Salomon, fortem<strong>en</strong>t<br />

attaché à la sagesse la plus mystique ; un jour, il se mit même à célébrer<br />

une <strong>grand</strong>e lumière qui serait v<strong>en</strong>ue au mon<strong>de</strong>. C<strong>et</strong>te lumière <strong>de</strong>vait désormais<br />

éclairer si puissamm<strong>en</strong>t toutes les ténèbres <strong>de</strong> la nuit que, même sous la terre, l'es<br />

trous les plus noirs brillerai<strong>en</strong>t plus fort que le soleil <strong>en</strong> plein midi ; mais <strong>de</strong> ce<br />

jour du mon<strong>de</strong> naîtrait une nuit très noire, <strong>et</strong> les ténèbres du jour <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t si<br />

<strong>grand</strong>es qu'hommes <strong>et</strong> bêtes <strong>en</strong> mourrai<strong>en</strong>t. La lumière <strong>de</strong> la nuit, disait-il, était<br />

déjà <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> éclairait déjà les ténèbres <strong>de</strong> la nuit <strong>de</strong> telle sorte que même<br />

les aveugles <strong>de</strong> naissance y voyai<strong>en</strong>t comme les clairvoyants <strong>en</strong> plein jour !<br />

18. Et ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> dire n'était <strong>en</strong>core qu'un faible début, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> sûr un tissu<br />

<strong>de</strong> m<strong>en</strong>songes d'un bout à l'autre, car, dans les tr<strong>en</strong>te années écoulées jusqu'à ce<br />

jour, je n'ai jamais observé d'autre lumière nocturne que la pleine lune —<br />

exception faite égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'éclairem<strong>en</strong>t prolongé d'hier, dont on aurait<br />

d'ailleurs fort bi<strong>en</strong> pu se passer, car cela aurait évité bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s malheurs. Nul<br />

n'avait le droit <strong>de</strong> lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce qu'il fallait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par là, <strong>et</strong> pourtant, il<br />

exigeait la foi la plus <strong>en</strong>tière.<br />

19. J'aurais <strong>en</strong>core pu supporter cela au nom <strong>de</strong> Yahvé — car un peu <strong>de</strong> non-s<strong>en</strong>s<br />

305


ajouté à beaucoup ne change pas <strong>grand</strong>-chose tant que l'on peut <strong>en</strong>core avoir pour<br />

soi-même une p<strong>en</strong>sée claire <strong>et</strong> n<strong>et</strong>te ; mais un jour, il s'est mis à dire : "Les 7 sont<br />

désormais 1, <strong>et</strong> les 666 sont désormais 111, <strong>et</strong> 777, 1/2, 1/3 <strong>et</strong> 1/4. Celui qui sait<br />

compter <strong>de</strong>vra désormais compter autrem<strong>en</strong>t ; car l'anci<strong>en</strong> est désormais jugé <strong>et</strong><br />

condamné !"<br />

20. Ces absurdités <strong>et</strong> d'autres <strong>en</strong>core nous causèr<strong>en</strong>t les pires inquiétu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> nous<br />

mir<strong>en</strong>t dans une <strong>grand</strong>e colère, moi <strong>et</strong> quelques autres disciples d'Eucli<strong>de</strong> ; nous<br />

nous conjurâmes, <strong>et</strong> quelques pierres bi<strong>en</strong> ajustées mir<strong>en</strong>t fin à c<strong>et</strong>te déplorable<br />

sottise !<br />

21. Mais nous n'y gagnâmes pas <strong>grand</strong>-chose ; car ceux qui succédèr<strong>en</strong>t au défunt<br />

fur<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>t fois pires, <strong>et</strong> il <strong>de</strong>vint véritablem<strong>en</strong>t impossible à <strong>de</strong>s hommes<br />

comme nous <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer davantage au Temple ; après réflexion, je résolus <strong>de</strong><br />

faire l'hypocrite, à la suite <strong>de</strong> quoi je fus bi<strong>en</strong>tôt <strong>en</strong>voyé ici comme supérieur<br />

avec tous les droits d'un <strong>grand</strong> prêtre. Ici, je ne me privai <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> <strong>et</strong>, extérieurem<strong>en</strong>t,<br />

jouai la sévérité ; mais intérieurem<strong>en</strong>t, il n'y avait <strong>en</strong> moi que du bon. À<br />

prés<strong>en</strong>t, tu connais la raison <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> Zacharie ! — Qu'as-tu à dire là-<strong>de</strong>ssus<br />

? »<br />

Chapitre 153<br />

Raphaël explique les prophéties annonçant le Messie<br />

1. Raphaël dit : « Il est pourtant évi<strong>de</strong>nt que tout cela avait un s<strong>en</strong>s spirituel <strong>et</strong><br />

non matériel ! Cela se rapportait au Messie qui arrivait alors <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>,<br />

Messie que tous les prophètes, à comm<strong>en</strong>cer par Adam <strong>et</strong> Hénoch eux-mêmes,<br />

ainsi que Qénân dans ses transports, avai<strong>en</strong>t annoncé !<br />

2. Le temps est maint<strong>en</strong>ant v<strong>en</strong>u où toutes les prophéties s'accompliss<strong>en</strong>t !<br />

Zacharie fut le <strong>de</strong>rnier prophète à annoncer <strong>en</strong> termes spirituels que la Promesse<br />

était accomplie, <strong>et</strong> vous qui l'avez tué pour cela, vous avez r<strong>en</strong>ouvelé la fidèle<br />

alliance avec l'<strong>en</strong>fer scellée à l'origine, pour l'humanité aveugle, stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

méchante, par Caïn lorsqu'il affronta le pieux Abel.<br />

3. Mais c'est bi<strong>en</strong> parce que c<strong>et</strong>te humanité est par trop aveugle <strong>et</strong> stupi<strong>de</strong> que<br />

l'on ne peut lui compter cela comme un trop <strong>grand</strong> crime si, dans son<br />

aveuglem<strong>en</strong>t, elle comm<strong>et</strong> tant <strong>de</strong> cruels péchés, <strong>et</strong> toi aussi, tu ne seras pas<br />

condamné à cause <strong>de</strong> Zacharie, d'autant que tu as bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s fois éprouvé un véritable<br />

remords <strong>de</strong> ce crime, ce dont il t'a été t<strong>en</strong>u compte ; mais la question<br />

maint<strong>en</strong>ant est <strong>de</strong> savoir ce que tu ferais, <strong>et</strong> ce que ferai<strong>en</strong>t tes cinquante collègues,<br />

si tu te trouvais <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du Messie, qui est <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> parmi les<br />

Juifs <strong>et</strong> les instruit <strong>de</strong>puis tr<strong>en</strong>te ans déjà ! Lui r<strong>en</strong>drais-tu l'hommage qui Lui est<br />

dû, <strong>et</strong> Le reconnaîtrais-tu <strong>en</strong> ton cœur pour ce qu'il est ? »<br />

4. Stahar dit : « Ô tout-puissant ami, c'est <strong>en</strong>core là une question sur laquelle on<br />

pourrait bi<strong>en</strong> se casser le cou <strong>et</strong> les <strong>de</strong>ux jambes ! Qui est ce Messie promis <strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s termes si mystiques ? Où est-Il ? Que veut-Il, <strong>et</strong> qu'<strong>en</strong>seigne-t-Il ? Même<br />

pour l'amour <strong>de</strong> Yahvé, on ne peut certes donner aucune réponse précise avant <strong>de</strong><br />

savoir cela ! »<br />

306


5. Raphaël dit : « Il est ce que David disait <strong>de</strong> Lui lorsqu'il chantait : "Portes,<br />

levez vos frontons, ouvrez-vous, portails antiques, qu'il <strong>en</strong>tre, le roi <strong>de</strong> gloire !<br />

Qui est-il, ce roi <strong>de</strong> gloire ? C'est Yahvé Sabaoth ! " [Psaume 24, 9-10.] Voilà ce<br />

qu'il disait du Messie, qui désormais, saint, plus que saint, Se trouve<br />

corporellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, comme nous !<br />

6. Et si David parle <strong>de</strong> Lui <strong>en</strong> <strong>de</strong>s termes si clairs, c'est la réponse à tes questions<br />

<strong>et</strong> tu sais désormais que p<strong>en</strong>ser du Messie ; mais à prés<strong>en</strong>t, j'exige moi aussi une<br />

réponse précise à ma question ! »<br />

7. Stahar dit : « S'il <strong>en</strong> est ainsi, ce que, personnellem<strong>en</strong>t, je ne ti<strong>en</strong>s pas à m<strong>et</strong>tre<br />

<strong>en</strong> doute, il me faut pourtant poser la question : que <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t Moïse, qui dit lui<br />

aussi très clairem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> catégoriquem<strong>en</strong>t : "Nul ne peut voir Dieu <strong>et</strong> vivre !" ? On<br />

trouve égalem<strong>en</strong>t chez Moïse la déf<strong>en</strong>se formelle, dictée par Yahvé au <strong>grand</strong><br />

visionnaire, <strong>de</strong> se représ<strong>en</strong>ter Dieu sous quelque forme que ce soit, même la plus<br />

sublime ! Et toi, tu dis que le Messie dont parle David foulerait à prés<strong>en</strong>t le sol<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre comme un homme IN CORPORE, donc <strong>de</strong> la manière la plus formelle<br />

qui soit ?! Qu'<strong>en</strong> est-il alors <strong>de</strong> la déf<strong>en</strong>se signifiée par Dieu à Moïse ?! Il faut<br />

désavouer l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux, soit Moïse, soit ton Messie, car il est impossible que<br />

Moïse <strong>et</strong> David ai<strong>en</strong>t raison l'un <strong>et</strong> l'autre ! »<br />

8. Raphaël dit : « Ni Moïse, ni David ! Car ce qu'ils annonc<strong>en</strong>t aux hommes est<br />

vrai, juste <strong>et</strong> bon chez tous les <strong>de</strong>ux ! La déf<strong>en</strong>se faite à Moïse par Yahvé ne dit<br />

pas que Celui-ci n'apparaîtra jamais comme un homme parmi les hommes ; elle<br />

interdit seulem<strong>en</strong>t qu'on cisèle une image <strong>de</strong> Dieu, à la manière par exemple du<br />

veau d'or. Ainsi, Yahvé dit aussi à Moïse que nul ne peut Le voir <strong>en</strong> tant que<br />

Dieu ou Esprit <strong>et</strong> vivre ; mais aussitôt après, Yahvé dit pourtant à Moïse :<br />

"Regar<strong>de</strong>, mais reste <strong>de</strong>rrière le rocher !", <strong>et</strong> Moïse voit le dos <strong>de</strong> Yahvé.<br />

9. Qu'est-ce que cela signifie ? Eh bi<strong>en</strong>, le dos <strong>de</strong> Yahvé qu'a vu Moïse<br />

symbolise précisém<strong>en</strong>t l'aspect corporel <strong>et</strong> humain <strong>de</strong> Celui sous la forme <strong>de</strong> qui,<br />

étant Lui-même l'homme le plus parfait, Il Se montrera un jour aux hommes ! Et<br />

s'il <strong>en</strong> est ainsi, pourquoi faudrait-il désavouer Moïse pour adm<strong>et</strong>tre le<br />

témoignage <strong>de</strong> David ?<br />

10. N'avez-vous d'ailleurs pas vous-mêmes, il y a tr<strong>en</strong>te ans déjà, mis <strong>de</strong> côté<br />

l'anci<strong>en</strong>ne Arche d'alliance parce que la colonne <strong>de</strong> feu <strong>et</strong> le nuage <strong>de</strong> fumée <strong>en</strong><br />

avai<strong>en</strong>t disparu, <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> avez-vous pas mis une nouvelle, toute matérielle, à la<br />

place <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong>ne ? Mais cela, sans que vous le compr<strong>en</strong>iez, témoigne aussi <strong>de</strong><br />

ce temps <strong>et</strong> signifie que désormais, Yahvé ne flotte plus comme jadis au-<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> la nuit, unique Esprit au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> toute matière, mais qu'il a<br />

abandonné <strong>de</strong> Lui-même c<strong>et</strong>te position où, à travers les prophètes qu'il éveillait,<br />

Il ne Se donnait à connaître à Ses autres <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> tant que Créateur <strong>et</strong> Père que<br />

d'une manière difficile <strong>et</strong> incertaine. C'est pourquoi, étant Lui-même <strong>en</strong>tré dans<br />

la chair d'un homme, Il instruit désormais <strong>en</strong> personne les hommes <strong>et</strong> S'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t<br />

avec Ses <strong>en</strong>fants !<br />

11. Ne vois-tu donc pas là une nouvelle Arche <strong>de</strong> la nouvelle alliance, dont la<br />

nouvelle arche du Temple, qui est morte, est bi<strong>en</strong> sûr le symbole <strong>et</strong> le rappel ?<br />

Mais il y a déjà tr<strong>en</strong>te ans que l'Esprit vivant <strong>de</strong> Yahvé, qui flottait jadis au<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> l'Arche, a été placé par Yahvé Lui-même dans l'Homme-Dieu, <strong>et</strong><br />

307


Celui-ci est à prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> où Il <strong>en</strong>seigne Lui-même aux hommes à Le<br />

connaître !<br />

12. Et s'il <strong>en</strong> est ainsi, peux-tu <strong>en</strong>core dire que, pour adm<strong>et</strong>tre cela, il faut<br />

désavouer soit Moïse, soit David ?<br />

13. Il est égalem<strong>en</strong>t écrit : "En ce temps, les cieux seront <strong>grand</strong>s ouverts, <strong>et</strong> les<br />

anges monteront <strong>et</strong> <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dront vers les hommes <strong>de</strong> bonne volonté <strong>et</strong> témoigneront<br />

pour eux du Verbe éternel incarné, qui est Dieu même !" C'est précisém<strong>en</strong>t<br />

ce que tu peux voir <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t même ! Comm<strong>en</strong>t peuxtu<br />

donc <strong>en</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r davantage ?! Ou crois-tu <strong>en</strong>core par hasard que je ne suis<br />

qu'un homme ? »<br />

14. Stahar, que les paroles <strong>de</strong> l'ange ont r<strong>en</strong>du tout songeur, dit : « Hum, un<br />

étrange s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t me saisit à prés<strong>en</strong>t ! C'est donc bi<strong>en</strong> cela, <strong>et</strong> la vérité éclate<br />

dans chaque parole <strong>de</strong> ta bouche céleste. Oui, je suis converti ; mais il s'agit<br />

maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> convertir égalem<strong>en</strong>t mes collègues, <strong>et</strong> il faudra <strong>en</strong>suite nous dire<br />

où nous pouvons trouver le <strong>grand</strong> Messie afin <strong>de</strong> L'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> personne ! »<br />

15. Raphaël dit : « Va <strong>et</strong> dis à tes frères qu'ils peuv<strong>en</strong>t croire eux aussi <strong>et</strong> être<br />

bi<strong>en</strong>heureux ; puis v<strong>en</strong>ez appr<strong>en</strong>dre où vous pourrez voir le Très-Saint <strong>et</strong> Lui<br />

parler ! »<br />

16. Aussitôt, Stahar se r<strong>en</strong>d auprès <strong>de</strong> ses collègues <strong>en</strong>core dans les ténèbres.<br />

Chapitre 154<br />

Stahar convertit ses collègues<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, les collègues <strong>de</strong> Stahar étai<strong>en</strong>t pour la plupart dispersés le long du<br />

rivage, mais quelques-uns se prom<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t dans la cour. Stahar les fit tous v<strong>en</strong>ir<br />

sur le rivage, <strong>et</strong> lorsqu'ils fur<strong>en</strong>t tous assemblés, il leur dit : « Amis, avez-vous<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du les paroles <strong>de</strong> ce jeune homme <strong>et</strong> l'avez-vous vu faire ? »<br />

2. Les collègues dis<strong>en</strong>t : « En partie, mais pas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t ; car la chose nous a<br />

paru trop subtilem<strong>en</strong>t disposée par le gouverneur romain pour nous attirer dans<br />

les fil<strong>et</strong>s t<strong>en</strong>dus par lui, <strong>et</strong> nous avons cru bon <strong>de</strong> nous m<strong>et</strong>tre hors <strong>de</strong> portée ! De<br />

toute façon, nous avons déjà perdu tout ce que nous avions <strong>et</strong> sommes réduits à<br />

la m<strong>en</strong>dicité ! La ville brûle <strong>en</strong>core ! Qu'allons-nous faire ? Les Romains sav<strong>en</strong>t<br />

ce que nous sommes pour le peuple ; sans notre faveur difficile à obt<strong>en</strong>ir,<br />

gouverner l'Asie leur coûte cher ! Oh, un Romain comme Cyrénius, qui a à sa<br />

disposition les plus <strong>grand</strong>es richesses <strong>de</strong>s trois parties du mon<strong>de</strong>, est capable <strong>de</strong><br />

tout !<br />

3. Qu'on me donne beaucoup d'or <strong>et</strong> d'arg<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je ferai moi aussi <strong>de</strong>s miracles,<br />

peut-être pas comme ceux qu'accomplit ce jeune prodige — mais à coup sûr les<br />

miracles les plus étonnants ! »<br />

4. Stahar dit : « Ami, il est absur<strong>de</strong> à toi <strong>de</strong> prononcer <strong>de</strong> telles paroles quand tu<br />

ne sais pas même faire la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre un vrai <strong>et</strong> un faux miracle ! J'ai ici mis<br />

<strong>en</strong> œuvre tout ce qu'il est possible d'objecter <strong>et</strong> d'opposer avec quelque raison,<br />

308


mais toutes mes objections se sont lam<strong>en</strong>tablem<strong>en</strong>t effondrées quand ce jeune<br />

homme s'est mis à me déballer mes p<strong>en</strong>sées les plus secrètes ! C'est ce qui m'a<br />

fait connaître la <strong>grand</strong>e erreur dans laquelle j'étais, <strong>et</strong> c'est pourquoi je vi<strong>en</strong>s<br />

maint<strong>en</strong>ant vous rapporter ce que j'ai vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du !<br />

5. Sans erreur possible, ce jeune homme est un ange <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> il a témoigné que<br />

le Messie promis est déjà <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, faisant voir les aveugles <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre les<br />

sourds, <strong>et</strong> qu'il est même possible que nous ayons l'occasion <strong>de</strong> Le voir <strong>et</strong> <strong>de</strong> Lui<br />

parler ici même.<br />

6. Je crois à tout cela, <strong>et</strong> vous le croirez vous aussi ! Car je ne suis assurém<strong>en</strong>t<br />

pas homme à croire à bon compte à une chose ; avant <strong>de</strong> l'adm<strong>et</strong>tre, il faut<br />

d'abord que je m'<strong>en</strong> sois convaincu dans les moindres détails ; mais une fois ma<br />

conviction faite, elle est aussi soli<strong>de</strong> que le granit <strong>et</strong> nul ne peut plus me l'ôter !<br />

7. Et puisqu'il <strong>en</strong> va ainsi <strong>de</strong> moi, vous pouvez bi<strong>en</strong> me croire sans aucune<br />

réserve ! Car vous ne sauriez à vous tous ém<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong>s doutes que je ne<br />

l'ai fait ; pourtant, toutes mes objections ont été réfutées ! Et puisque j'ai fini par<br />

compr<strong>en</strong>dre c<strong>et</strong>te question du Messie aussi bi<strong>en</strong> que je compr<strong>en</strong>ds que un <strong>et</strong> un<br />

font <strong>de</strong>ux, vous pouvez bi<strong>en</strong> m'<strong>en</strong> croire tout à fait ! »<br />

8. Les collègues dis<strong>en</strong>t : « Tout cela est bel <strong>et</strong> bon ; <strong>en</strong>core faut-il nous dire ce<br />

que nous <strong>de</strong>vons croire ! »<br />

9. Stahar dit : « Êtes-vous donc sourds ?! Ne vous ai-je pas dit que ce jeune<br />

homme est <strong>en</strong> toute vérité un ange <strong>de</strong> Dieu, que le Messie est <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> que<br />

nous allons très bi<strong>en</strong>tôt Le voir <strong>et</strong> L'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> personne ? ! C'est cela que vous<br />

<strong>de</strong>vez croire <strong>et</strong> ri<strong>en</strong> d'autre ! »<br />

10. Les collègues dis<strong>en</strong>t : « Fort bi<strong>en</strong> ! Si tu le crois <strong>et</strong> si tu es même mathématiquem<strong>en</strong>t<br />

convaincu <strong>de</strong> la chose, nous ne pouvons <strong>en</strong> douter ; mais lors d'un<br />

événem<strong>en</strong>t si nouveau <strong>et</strong> si inouï, il faut bi<strong>en</strong> considérer aussi que ce sont souv<strong>en</strong>t<br />

les meilleurs nageurs qui se noi<strong>en</strong>t, les grimpeurs les plus hardis qui tomb<strong>en</strong>t<br />

d'une montagne <strong>et</strong> ceux qui se prét<strong>en</strong><strong>de</strong>nt le plus fermem<strong>en</strong>t convaincus qui,<br />

<strong>en</strong> définitive, sont assaillis par toutes sortes <strong>de</strong> doutes, <strong>et</strong> non ceux qui, n'ayant<br />

pas saisi trop vite une chose inconcevable, n'ont donc pas professé d'emblée une<br />

foi invraisemblable !<br />

11. Nous savons certes que tu n'as jamais été crédule, aussi adm<strong>et</strong>tons-nous la<br />

véracité <strong>de</strong> ta parole ; mais un peu <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce <strong>et</strong> <strong>de</strong> réserve n'ont jamais fait <strong>de</strong><br />

mal ! Car l'Écriture nous appr<strong>en</strong>d aussi que bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s prophètes faiseurs <strong>de</strong><br />

miracles sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us, vers la fin <strong>de</strong> leur vie, <strong>de</strong>s hommes tout à fait ordinaires <strong>et</strong><br />

sans pouvoir ! Ce n'est qu'après coup que l'on voyait <strong>de</strong> quel bois étai<strong>en</strong>t faits <strong>de</strong><br />

tels prophètes. Dans le cas prés<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t, il faut bi<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre cela <strong>en</strong><br />

considération. »<br />

12. Stahar dit : « Je pr<strong>en</strong>ds tout sous ma responsabilité. Je sais bi<strong>en</strong> que nous ne<br />

pouvons aller dire ces choses au Temple ; mais nous saurons bi<strong>en</strong> nous <strong>en</strong><br />

protéger ! Extérieurem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>meurons — mais avec un peu plus <strong>de</strong> mesure — ce<br />

que nous étions, <strong>et</strong> payons-lui le tribut conv<strong>en</strong>u ; mais <strong>en</strong> notre for intérieur, il<br />

faut désormais que tout soit transformé, <strong>et</strong>, avec le temps, nous appr<strong>en</strong>drons au<br />

peuple aussi ce qu'il faut croire.<br />

309


13. À prés<strong>en</strong>t, si vous partagez tous mon avis <strong>et</strong> ma conviction, allons <strong>en</strong>semble<br />

là où le <strong>grand</strong> gouverneur se ti<strong>en</strong>t avec le jeune homme ; car on nous y<br />

expliquera <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses ! »<br />

14. Les collègues <strong>de</strong> Stahar l'ayant approuvé, ils se dirig<strong>en</strong>t vers Cyrénius, <strong>et</strong>, à<br />

leur arrivée, Stahar dit : « Nous voici tous à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant toi <strong>et</strong> à tes ordres ; ce<br />

que tu veux que nous fassions <strong>et</strong> que nous soyons, nous le voulons aussi, <strong>et</strong> nul<br />

ne pourra plus désormais nous dresser contre toi ! Cep<strong>en</strong>dant, que l'aimable <strong>et</strong><br />

tout-puissant <strong>en</strong>voyé <strong>de</strong> Dieu veuille bi<strong>en</strong> fortifier la foi <strong>de</strong> mes frères dans toutes<br />

ces choses que j'ai eu moi-même peine à croire pour comm<strong>en</strong>cer ! »<br />

15. Cyrénius dit : « Tu vois que les Romains ne sont pas <strong>de</strong>s juges aussi durs que<br />

vous l'avez longtemps cru ; mais nous voulons le droit strict <strong>et</strong> l'<strong>en</strong>tière vérité !<br />

Celui qui nous satisfait <strong>en</strong> cela est notre ami <strong>et</strong> reçoit la citoy<strong>en</strong>n<strong>et</strong>é romaine, <strong>et</strong><br />

nul tribunal autre que ceux <strong>de</strong> Rome ne peut plus r<strong>en</strong>dre aucun verdict contre lui.<br />

16. La première chose que je fais donc pour votre bi<strong>en</strong> est <strong>de</strong> vous accor<strong>de</strong>r à<br />

chacun un titre <strong>de</strong> citoy<strong>en</strong>n<strong>et</strong>é romaine ! Avec votre supérieur, vous êtes <strong>en</strong> tout<br />

au nombre <strong>de</strong> cinquante ; on va vous le rem<strong>et</strong>tre à l'instant. Une fois que vous<br />

l'aurez, il sera bi<strong>en</strong> temps <strong>de</strong> voir ce qu'il est <strong>en</strong>core possible <strong>de</strong> faire pour vous !<br />

»<br />

17. Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius ordonne à ses serviteurs d'aller chercher cinquante bons<br />

rouleaux <strong>de</strong> parchemin. Les serviteurs vont pr<strong>en</strong>dre dans les bagages <strong>de</strong> Cyrénius<br />

<strong>et</strong> rapport<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt les rouleaux <strong>de</strong>mandés. Lorsque ceux-ci se trouv<strong>en</strong>t sur la<br />

table, Stahar <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Cyrénius : « Noble seigneur, ne faudra-t-il pas d'abord<br />

que nous te fassions connaître nos noms ? »<br />

18. Cyrénius désigne l'ange <strong>et</strong> dit : « Voici mon rapi<strong>de</strong> scribe, qui sait <strong>de</strong>puis<br />

longtemps ce qu'il a à faire <strong>et</strong> connaît aussi vos noms ; il va remplir ces l<strong>et</strong>tres<br />

sous vos yeux ! » Là-<strong>de</strong>ssus, Cyrénius <strong>de</strong>manda à Raphaël <strong>de</strong> faire cela.<br />

19. Raphaël s'approcha promptem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la table sur laquelle les cinquante<br />

rouleaux étai<strong>en</strong>t posés, les étala autant que possible sur la table, prit un style<br />

rempli d'<strong>en</strong>cre auquel il fit parcourir à la vitesse <strong>de</strong> l'éclair l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s rouleaux,<br />

<strong>et</strong> dit alors à Cyrénius : « Ami, voici les l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong>mandées, <strong>en</strong> langues<br />

romaine, grecque <strong>et</strong> hébraïque ; à prés<strong>en</strong>t, distribue-les aux intéressés ! »<br />

20. Comme Cyrénius comm<strong>en</strong>çait à distribuer les l<strong>et</strong>tres, les cinquante fur<strong>en</strong>t<br />

saisis d'effroi. Car ce prodige était vraim<strong>en</strong>t trop <strong>grand</strong> <strong>et</strong> trop fort pour eux, <strong>et</strong> ils<br />

comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à <strong>en</strong>trevoir <strong>en</strong> tremblant qu'ils n'étai<strong>en</strong>t pas loin <strong>de</strong> Dieu. Ils<br />

remercièr<strong>en</strong>t Cyrénius pour c<strong>et</strong>te double grâce ; mais aucun n'osa poser la<br />

moindre question.<br />

Chapitre 155<br />

Propos d'Hébram sur la « nouvelle lumière » éternelle<br />

1. Les tr<strong>en</strong>te jeunes Pharisi<strong>en</strong>s sous la conduite d'Hébram <strong>et</strong> <strong>de</strong> Risa avai<strong>en</strong>t<br />

assisté à la scène <strong>et</strong> se réjouissai<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que Cyrénius fût parv<strong>en</strong>u à<br />

gagner aussi à la bonne cause ces cinquante obstinés.<br />

310


2. Hébram s'avança alors vers le supérieur Stahar <strong>et</strong> lui dit : « Nous tr<strong>en</strong>te qui<br />

sommes ici, le Temple nous a <strong>en</strong>voyés dans les provinces pour lui gagner <strong>de</strong>s<br />

paï<strong>en</strong>s ; une bi<strong>en</strong> triste tâche ! Car les paï<strong>en</strong>s sont, quant à la culture, <strong>en</strong> avance<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux c<strong>en</strong>ts ans sur les Juifs du Temple tels qu'ils sont à prés<strong>en</strong>t ; <strong>et</strong> nous<br />

<strong>de</strong>vrions r<strong>en</strong>dre aveugles ceux qui voi<strong>en</strong>t <strong>et</strong> les soum<strong>et</strong>tre à l'eau maudite du<br />

Temple ?! Ce n'est pas possible, cela, <strong>et</strong> d'autres choses <strong>en</strong>core ! C'est ce que<br />

nous a dit la raison <strong>de</strong> notre cœur, <strong>et</strong> c'est pourquoi nous sommes tous <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us<br />

Romains, <strong>et</strong> notre témoignage contre le Temple éclairera <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

hommes. Mais nous avons aussi reçu ici un <strong>grand</strong> témoignage sacré qui nous<br />

éclaire mieux que mille soleils à la fois, <strong>et</strong> c'est là une lumière éternelle qui, dès<br />

avant la Création du mon<strong>de</strong>, brillait déjà pour les anges, qui étai<strong>en</strong>t alors les<br />

flammes vivantes issues <strong>de</strong> la flamme éternelle <strong>de</strong> Dieu, qui a nom amour.<br />

3. C'est c<strong>et</strong>te lumière à l'origine <strong>de</strong> toute lumière, c'est c<strong>et</strong> amour éternel que nous<br />

avons trouvé ici ; <strong>et</strong> vous l'avez trouvé vous aussi <strong>en</strong> <strong>grand</strong>e partie <strong>et</strong> le trouverez<br />

<strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> davantage.<br />

4. Mais ce qui nous cause à prés<strong>en</strong>t une joie extrême, c'est que vous ayez vousmêmes<br />

trouvé ici ce que nous y avons trouvé. Certes, cela vous a coûté la belle<br />

exist<strong>en</strong>ce qui était la vôtre extérieurem<strong>en</strong>t ; le feu lèche <strong>en</strong>core tous les bi<strong>en</strong>s<br />

qu'il vous a dévorés, <strong>et</strong>, comme nous, vous n'avez plus ri<strong>en</strong> ! Mais <strong>en</strong>fin, Dieu le<br />

veut ainsi une fois pour toutes : nous les hommes, lorsque nous voulons<br />

véritablem<strong>en</strong>t nous rapprocher <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> avons au cœur le désir <strong>et</strong> la volonté<br />

sérieuse d'être pourvus par Dieu <strong>en</strong> toute chose, il nous faut d'abord, par notre<br />

<strong>grand</strong> amour <strong>et</strong> notre foi très ferme dans le Père tout-puissant, tourner le dos à<br />

tout ce qui est du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> perdre jusqu'à la <strong>de</strong>rnière parcelle tout ce qui nous<br />

était cher <strong>de</strong>s choses <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> ; c'est alors seulem<strong>en</strong>t, abandonnés <strong>et</strong> méprisés<br />

du mon<strong>de</strong>, que notre Seigneur <strong>et</strong> Père est disposé à nous accepter comme Ses<br />

<strong>en</strong>fants <strong>et</strong> à nous pourvoir <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> c'est alors que nous sommes<br />

véritablem<strong>en</strong>t pourvus pour l'éternité.<br />

5. Et ce n'est qu'une fois pourvus par Dieu que nous compr<strong>en</strong>ons vraim<strong>en</strong>t<br />

combi<strong>en</strong> nous étions mal pourvus par le mon<strong>de</strong> !<br />

6. À quoi serviront à l'homme tous les trésors terrestres lorsqu'il <strong>de</strong>vra quitter<br />

c<strong>et</strong>te terre pour toujours ? Pourra-t-il les emporter avec lui ?! Mais les trésors <strong>de</strong><br />

Dieu, ceux qu'il a créés spirituellem<strong>en</strong>t pour l'âme <strong>et</strong> pour l'esprit, ceux-là, nous<br />

les emportons avec nous dans l'au-<strong>de</strong>là, où ils seront tout pour nous : nourriture,<br />

boisson, <strong>de</strong>meure, vêtem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> vie éternelle parfaite emplie <strong>de</strong> clarté, <strong>de</strong> lumière<br />

<strong>et</strong> d'une félicité suprême !<br />

7. Aussi, ne regr<strong>et</strong>tez ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout ce que vous avez perdu du jour au l<strong>en</strong><strong>de</strong>main ;<br />

car le Seigneur vous avait déjà pourvus avant même que vous L'ayez reconnu.<br />

Que votre amour <strong>en</strong>vers Lui Lui sacrifie cela <strong>de</strong> bonne grâce ; car Il vous r<strong>en</strong>dra<br />

mille fois <strong>en</strong> esprit ce que vous avez perdu dans la matière ! »<br />

8. Stahar dit : « Je te remercie, au nom <strong>de</strong> mes fidèles collègues <strong>et</strong> frères qui sont<br />

ici, <strong>de</strong> ta si excell<strong>en</strong>te consolation ; regar<strong>de</strong>, sur la table, c<strong>et</strong>te grosse pépite<br />

d'arg<strong>en</strong>t pur que l'ange a fait paraître pour nous par <strong>en</strong>chantem<strong>en</strong>t ! Cela suffirait<br />

déjà à nous dédommager quelque peu ; mais nous tous ici n'attachons désormais<br />

plus guère <strong>de</strong> valeur à ce dédommagem<strong>en</strong>t. Car ce que nous étions, nous ne le<br />

311


serons plus, <strong>et</strong> je présume que le sage gouverneur général disposera <strong>de</strong> nous<br />

d'une tout autre manière. Il sera sans doute fait <strong>en</strong> sorte que nous ne mourions<br />

pas <strong>de</strong> faim <strong>et</strong> que nous puissions vêtir à peu près nos corps ; mais nous ne<br />

faisons plus aucun cas <strong>de</strong> tout le reste ! Même c<strong>et</strong>te lour<strong>de</strong> pépite <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux c<strong>en</strong>ts<br />

livres d'arg<strong>en</strong>t, nous la laisserons à l'hôte Marc, <strong>en</strong> partie pour lui payer ce que<br />

nous lui <strong>de</strong>vons pour la nourriture <strong>et</strong> la boisson qu'ils nous a fournies <strong>et</strong> nous<br />

fournira <strong>en</strong>core par la suite.<br />

9. Nous voudrions seulem<strong>en</strong>t qu'on nous dise une chose : le Messie promis<br />

<strong>de</strong>puis longtemps <strong>et</strong> qui serait déjà <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> Se trouve-t-il vraim<strong>en</strong>t près d'ici<br />

? Le voir, peut-être même <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre une parole <strong>de</strong> Sa bouche, serait maint<strong>en</strong>ant<br />

pour nous ce que nous pourrions gagner <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong> !<br />

10. Entre nous soit dit, nous soupçonnons déjà qu'il pourrait bi<strong>en</strong> s'agir d'un<br />

homme dont nous avons <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire quantité <strong>de</strong> choses incroyables, mais qui ne<br />

nous paraiss<strong>en</strong>t plus aussi incroyables après ce que l'ange a accompli <strong>de</strong>vant nous<br />

!<br />

11. Il nous semble donc que c<strong>et</strong> homme, <strong>en</strong> vérité Dieu Lui-même sous une<br />

appar<strong>en</strong>ce humaine, <strong>de</strong>vrait être ce Nazaré<strong>en</strong> nommé Jésus à propos duquel <strong>de</strong>s<br />

rumeurs si extraordinaires se sont soudainem<strong>en</strong>t répandues <strong>de</strong> place <strong>en</strong> place<br />

dans le peuple que, <strong>de</strong>puis longtemps, nous étions fort embarrassés lorsque les<br />

g<strong>en</strong>s nous <strong>de</strong>mandai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leur expliquer ce qu'ils prét<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t avoir vu <strong>de</strong> leurs<br />

propres yeux <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>de</strong> leurs propres oreilles.<br />

12. Le <strong>grand</strong> gouverneur m'a lui-même posé là-<strong>de</strong>ssus une question fort insidieuse<br />

qui m'a donné bi<strong>en</strong> du fil à r<strong>et</strong>ordre ! Aussi ne puis-je désormais faire<br />

autrem<strong>en</strong>t que <strong>de</strong> supposer que ce merveilleux Jésus <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h est bi<strong>en</strong> le<br />

Messie dont l'ange vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous confirmer la prés<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> ; peut-être<br />

même ce Messie est-Il ici, dans c<strong>et</strong>te nombreuse assistance, mais, pour <strong>de</strong>s<br />

raisons assurém<strong>en</strong>t fort sages, ne veut-Il Se faire reconnaître <strong>de</strong> nous que lorsque<br />

nous serons un peu plus dignes <strong>de</strong> Lui que nous ne l'étions, hélas, jusqu'ici !<br />

13. C'est pourquoi, je le dis ouvertem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant tous, mon avis est le suivant : s'il<br />

<strong>en</strong> est vraim<strong>en</strong>t ainsi, tournons pour toujours le dos au Temple <strong>et</strong> à son sanctuaire<br />

vi<strong>de</strong>, <strong>et</strong> attachons-nous <strong>de</strong> toutes les fibres <strong>de</strong> notre vie au Messie <strong>de</strong>s Juifs ! —<br />

Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sez-vous ? »<br />

14. Les autres dis<strong>en</strong>t : « Nous n'avons assurém<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> à redire à cela ! Si tu agis<br />

ainsi, toi, notre chef, nous le ferons aussi ; car nous savons ce qu'est le Temple, <strong>et</strong><br />

qu'il n'y a plus <strong>de</strong> salut <strong>en</strong>tre ses murs, puisqu'on n'y trouve plus ni vérité, ni<br />

amour, ni loyauté, mais seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>spotisme, orgueil, colère, v<strong>en</strong>geance,<br />

m<strong>en</strong>songes <strong>de</strong> toute sorte, gloutonnerie <strong>et</strong> intempérance, <strong>et</strong> tout ce qui est luxure,<br />

fornication <strong>et</strong> adultère ! Voilà ce qui fait le Temple aujourd'hui ! Quel salut peuton<br />

att<strong>en</strong>dre d'une telle institution ? Ruine <strong>et</strong> malédiction, à coup sûr tant que l'on<br />

voudra ; mais <strong>de</strong> salut, il ne saurait plus <strong>en</strong> être question !<br />

15. P<strong>en</strong>dant ton discours, nous avons mûrem<strong>en</strong>t réfléchi à la chose <strong>et</strong> voulons<br />

maint<strong>en</strong>ant comme toi tourner pour toujours le dos au Temple, <strong>et</strong> cela avec juste<br />

raison ; car nous n'adoptons pas ainsi à la légère une nouvelle croyance, mais<br />

avons d'abord tout examiné soigneusem<strong>en</strong>t ; les plus <strong>grand</strong>s prodiges eux-mêmes<br />

n'ont pu faire tourner nos têtes comme la feuille au v<strong>en</strong>t.<br />

312


16. Mais à prés<strong>en</strong>t que nous nous sommes pleinem<strong>en</strong>t convaincus <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te véritélà,<br />

nous ne pouvons faire autrem<strong>en</strong>t que <strong>de</strong> voir la vérité v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong>s cieux pour ce<br />

qu’elle est elle aussi — <strong>et</strong> cela d'autant que, pour ce faire, le mom<strong>en</strong>t, les<br />

circonstances <strong>et</strong> le pouvoir souverain <strong>de</strong> Rome nous sont plus propices que nous<br />

n'eussions jamais pu l'espérer !<br />

17. Nous sommes désormais impati<strong>en</strong>ts au plus haut point <strong>de</strong> voir ce Messie,<br />

v<strong>en</strong>u à coup sûr <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h ! N'est-ce pas, dans c<strong>et</strong>te <strong>grand</strong>e compagnie, c<strong>et</strong><br />

homme qui porte une robe rosé <strong>et</strong>, par-<strong>de</strong>ssus, un manteau grec <strong>de</strong> mérinos <strong>de</strong><br />

couleur bleu clair, <strong>et</strong> qui a certes les plus beaux cheveux que nous ayons jamais<br />

vus à un homme ?! »<br />

18. Stahar dit : « Oui, il se pourrait bi<strong>en</strong> que vous n'ayez pas tort ; car il y a<br />

longtemps que j'ai l'œil sur lui ! Et j'ai égalem<strong>en</strong>t remarqué que tant l'ange que<br />

Cyrénius regardai<strong>en</strong>t vers lui chaque fois qu'ils disai<strong>en</strong>t ou faisai<strong>en</strong>t quelque<br />

chose, comme pour lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si tout ce qu'ils disai<strong>en</strong>t ou faisai<strong>en</strong>t était bi<strong>en</strong> !<br />

19. Et tous les autres lui témoign<strong>en</strong>t <strong>de</strong> même une sorte <strong>de</strong> profond respect caché,<br />

mais qui ne m'a pourtant pas échappé ! À moins que ce ne soit là quelque prince<br />

impérial <strong>de</strong> Rome, je jurerais bi<strong>en</strong> que c<strong>et</strong> homme n'est autre que le Messie ! »<br />

20. Les autres dis<strong>en</strong>t : « Ah, aucun Romain n'a <strong>de</strong> si beaux cheveux blonds !<br />

Mais que nous arriverait-il si nous allions le trouver <strong>et</strong> lui <strong>de</strong>mandions ce qu'il <strong>en</strong><br />

est ?! »<br />

21. Stahar dit : « Il vaut mieux pr<strong>en</strong>dre d'abord l'avis <strong>de</strong> l'ange, ou celui du <strong>grand</strong><br />

gouverneur ; nous sommes désormais citoy<strong>en</strong>s romains <strong>et</strong> <strong>en</strong> avons parfaitem<strong>en</strong>t<br />

le droit. »<br />

Chapitre 156<br />

Un Pharisi<strong>en</strong> parle <strong>de</strong> la responsabilité <strong>de</strong> l'homme<br />

1. Fort cont<strong>en</strong>ts, il se dirig<strong>en</strong>t alors tous vers Cyrénius, à qui ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt ce<br />

qu'ils doiv<strong>en</strong>t faire à Mon propos.<br />

2. Cyrénius leur dit : « Il convi<strong>en</strong>drait mieux <strong>de</strong> rem<strong>et</strong>tre la chose à plus tard, <strong>et</strong>,<br />

<strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant, <strong>de</strong> vous rapprocher véritablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Lui dans vos cœurs : c'est<br />

alors qu'il vi<strong>en</strong>dra à vous <strong>de</strong> Lui-même <strong>et</strong> vous dira Lui-même qui Il est <strong>et</strong> ce que<br />

vous <strong>de</strong>vez faire ! Quant à moi, je puis déjà vous dire que vous êtes tout à fait sur<br />

la bonne voie, puisque vous avez déjà su conclure <strong>de</strong> notre prés<strong>en</strong>ce que le <strong>grand</strong><br />

Homme-Dieu séjournait bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> ces lieux. En eff<strong>et</strong>, nous ne serions pas ici<br />

<strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> trois jours pour moins que cela !<br />

3. Il est donc ici, vous pouvez <strong>en</strong> être pleinem<strong>en</strong>t assurés ; mais comm<strong>en</strong>cez par<br />

vous rapprocher <strong>de</strong> Lui dans vos cœurs <strong>et</strong> par concevoir la ferme résolution <strong>de</strong><br />

vous défaire complètem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toutes vos anci<strong>en</strong>nes habitu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> péchés, <strong>et</strong> Il<br />

vi<strong>en</strong>dra bi<strong>en</strong>tôt à vous <strong>de</strong> Lui-même pour vous donner la directive divine qui<br />

<strong>de</strong>vra vous gui<strong>de</strong>r à l'av<strong>en</strong>ir !<br />

4. Quant à savoir où Il se trouve, Il est bi<strong>en</strong> là où vous p<strong>en</strong>siez Le voir ! Regar-<br />

313


<strong>de</strong>z-Le <strong>et</strong> dites-vous que c'est Yahvé <strong>en</strong> personne <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u homme parmi les<br />

hommes ! C'est Celui qui a créé le ciel <strong>et</strong> la terre <strong>et</strong> tout ce qui s'y trouve !<br />

5. Je vous le dis, Il est l'origine éternelle <strong>de</strong> toute exist<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute vie ! Tout<br />

l'infini rési<strong>de</strong> dans la puissance à jamais insondable <strong>de</strong> Sa volonté ; toute la<br />

puissance <strong>de</strong>s anges n'est qu'un léger souffle <strong>de</strong> Sa bouche, <strong>et</strong> toute lumière<br />

émane <strong>de</strong> Lui !<br />

6. Bref, songez qu'il s'agit là <strong>en</strong> vérité <strong>de</strong> Celui qui, sur le Sinaï, donna les lois à<br />

Moïse pour le peuple d'Israël ; mais ce peuple L'a oublié pour r<strong>et</strong>omber dans tous<br />

les vices ! Et maint<strong>en</strong>ant, Il est v<strong>en</strong>u relever Lui-même Son peuple <strong>et</strong> le libérer<br />

<strong>de</strong> tous les maux <strong>de</strong> l'âme.<br />

7. C'est pour c<strong>et</strong>te raison qu'il porte une belle robe rosé, afin <strong>de</strong> montrer combi<strong>en</strong><br />

Il aime <strong>en</strong>core Son peuple. Et par le <strong>grand</strong> manteau bleu, Il montre qu'il est aussi<br />

v<strong>en</strong>u à nous, paï<strong>en</strong>s, afin <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> nous aussi Ses <strong>en</strong>fants ! Le manteau<br />

embrasse le mon<strong>de</strong> <strong>en</strong>tier, donc égalem<strong>en</strong>t tous les paï<strong>en</strong>s.<br />

8. À prés<strong>en</strong>t, réfléchissez à tout ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> vous dire, <strong>et</strong> il vous apparaîtra<br />

bi<strong>en</strong>tôt que je ne vous ai ri<strong>en</strong> dit qui ne soit la vérité ! »<br />

9. Stahar <strong>et</strong> tous ses collègues remerci<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t Cyrénius <strong>de</strong> c<strong>et</strong> avis<br />

inatt<strong>en</strong>du <strong>et</strong> se r<strong>et</strong>ir<strong>en</strong>t avec le plus <strong>grand</strong> respect.<br />

10. Comme ils se dirig<strong>en</strong>t l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t vers le rivage <strong>de</strong> la mer, Stahar dit à ses<br />

collègues : « C'est étrange ! La manière dont Cyrénius nous a désigné presque<br />

ouvertem<strong>en</strong>t le Messie me laisse un singulier s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>-être ! C'est une<br />

sorte <strong>de</strong> tranquille assurance qui s'empare <strong>de</strong> moi, comme si absolum<strong>en</strong>t plus ri<strong>en</strong><br />

ne nous manquait <strong>en</strong> ce bas mon<strong>de</strong> ! Pourtant, je suis <strong>en</strong> même temps<br />

singulièrem<strong>en</strong>t saisi <strong>de</strong> crainte <strong>et</strong> <strong>de</strong> respect <strong>de</strong>vant le Maître éternel ; car après<br />

ce que nous avons vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, nous ne pouvons plus nous dissimuler qu'il est<br />

tout <strong>de</strong> bon ce que Cyrénius nous a dit <strong>de</strong> Lui ! Nous <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir avec Lui <strong>de</strong>vrait<br />

nous faire une extraordinaire impression ! Nos langues habituellem<strong>en</strong>t si bi<strong>en</strong><br />

p<strong>en</strong>dues nous refuseront assurém<strong>en</strong>t tout service ! »<br />

11. L'un <strong>de</strong>s cinquante dit bravem<strong>en</strong>t : « Oui, oui, tu as sans doute fort bi<strong>en</strong> <strong>et</strong><br />

justem<strong>en</strong>t parlé ; pourtant, mon idée là-<strong>de</strong>ssus est que nous n'y pouvons ri<strong>en</strong> si<br />

nous sommes <strong>de</strong>s hommes, car nous ne nous sommes certes pas mis au mon<strong>de</strong><br />

nous-mêmes ! Et nous ne pouvons ri<strong>en</strong> non plus aux circonstances par lesquelles<br />

nous sommes <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us ce que nous sommes ; ce sont nos par<strong>en</strong>ts, notre éducation<br />

<strong>et</strong> les besoins <strong>de</strong> toute nature suscités par celle-ci <strong>et</strong> ceux-là qui nous l'ont fait<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir.<br />

12. Si nous étions fils <strong>de</strong> pauvres paysans, nous serions sans doute égalem<strong>en</strong>t ce<br />

qu'étai<strong>en</strong>t nos par<strong>en</strong>ts ; mais il a plu à Dieu <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> nous les fils <strong>de</strong> par<strong>en</strong>ts<br />

très considérés <strong>et</strong> fortunés. Ceux-ci nous ont fait éduquer au Temple avant <strong>de</strong><br />

nous y consacrer <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t. Nous n'y pouvons pourtant ri<strong>en</strong> ! Et si nous<br />

sommes <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us ce que étions, la volonté du Tout-Puissant doit bi<strong>en</strong> y être aussi<br />

pour quelque chose !<br />

13. Bi<strong>en</strong> sûr, si nous nous sommes permis par la suite maintes choses qui<br />

n'étai<strong>en</strong>t pas tout à fait dans l'ordre <strong>de</strong>s lois, cela était notre affaire désormais ;<br />

mais quand j'y réfléchis, je me dis pourtant que si mes par<strong>en</strong>ts avai<strong>en</strong>t fait <strong>de</strong> moi<br />

314


un pêcheur contraint <strong>de</strong> gagner à <strong>grand</strong>-peine sa subsistance, je me serais sans<br />

doute abst<strong>en</strong>u <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses que je me suis permises parce que j'étais nanti<br />

<strong>et</strong> que ma chair bi<strong>en</strong> nourrie m'y poussait ! Ainsi, même nos off<strong>en</strong>ses <strong>en</strong>vers la<br />

loi sont <strong>en</strong> partie le résultat <strong>de</strong>s circonstances dans lesquelles nous ont mis notre<br />

naissance <strong>et</strong> notre éducation.<br />

14. Si le <strong>grand</strong> Messie v<strong>en</strong>ait à nous maint<strong>en</strong>ant, je pourrais donc Lui parler pour<br />

ainsi dire sans crainte ni appréh<strong>en</strong>sion particulière ; car je ne peux être moins que<br />

ce que je suis, tout comme Lui ne peut sans doute être davantage que ce qu'il est<br />

<strong>de</strong> toute éternité !<br />

15. Très franchem<strong>en</strong>t, dis-le-moi, un arbre y peut-il quelque chose si la tempête<br />

l'agite violemm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> côté <strong>et</strong> d'autre ? Que peut la mer si <strong>de</strong>s v<strong>en</strong>ts malicieux<br />

soulèv<strong>en</strong>t son lisse miroir <strong>et</strong> pouss<strong>en</strong>t les flots à s'<strong>en</strong>gloutir les uns les autres<br />

comme une bête féroce sa proie ? Et le faible roseau peut-il faire autrem<strong>en</strong>t que<br />

<strong>de</strong> se courber <strong>en</strong> tous s<strong>en</strong>s au gré <strong>de</strong>s flots ?<br />

16. Nous ne sommes pas une force élém<strong>en</strong>taire, <strong>et</strong> nous dép<strong>en</strong>dons d'une quantité<br />

<strong>de</strong> forces qui agiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> sur nous. À quoi te sert ta bonne <strong>et</strong> ferme volonté<br />

<strong>de</strong> ne jamais tomber si, à ton insu, un pont sur lequel tu dois passer est pourri <strong>et</strong><br />

s'effondre au mom<strong>en</strong>t précis où tu y marches <strong>en</strong> toute innoc<strong>en</strong>ce ? Qu'est-ce que<br />

la vie, où sont les étais sur lesquels nous pouvons bâtir avec certitu<strong>de</strong> ? Qui sait<br />

d'où vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les p<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> la volonté ? Les animaux <strong>et</strong> les hommes naiss<strong>en</strong>t<br />

exactem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la même manière, par le coït bestial, bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t dépourvu <strong>de</strong><br />

toute véritable p<strong>en</strong>sée ! Ni la bête, ni l'homme n'ont la moindre consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la<br />

manière dont, par le stupi<strong>de</strong> coït <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>s, il se crée un organisme vivant dont la<br />

seule partie matérielle <strong>et</strong> fonctionnelle est déjà assemblée avec tant d'art qu'un<br />

<strong>grand</strong> sage <strong>de</strong>vrait l'étudier mille ans pour n'<strong>en</strong> pénétrer <strong>et</strong> connaître que très<br />

superficiellem<strong>en</strong>t tous les élém<strong>en</strong>ts avec leurs relations causales ! Et il ne s'agirait<br />

<strong>en</strong>core là que <strong>de</strong> la machine ; mais où est le principe même <strong>de</strong> la vie, comm<strong>en</strong>t<br />

agit-il dans c<strong>et</strong>te machine <strong>et</strong> quel usage fait-il <strong>de</strong> ses innombrables élém<strong>en</strong>ts<br />

?<br />

17. Nous savons certes que nous sommes là, que nous vivons, p<strong>en</strong>sons <strong>et</strong><br />

voulons, <strong>et</strong> nous sommes aussi consci<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e diversité <strong>de</strong> nos émotions<br />

<strong>et</strong> impulsions ; mais comm<strong>en</strong>t naiss<strong>en</strong>t-elles <strong>en</strong> nous, qui les éveille, <strong>et</strong> où vontelles<br />

lorsque nous les avons satisfaites par ce à quoi elles nous ont contraints ?<br />

18. Ce sont là <strong>de</strong>s réflexions fort pertin<strong>en</strong>tes <strong>et</strong> qui, <strong>de</strong>vant n'importe quel Dieu <strong>et</strong><br />

pour toute raison vraim<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sée, excus<strong>en</strong>t au moins les quatre cinquièmes <strong>de</strong><br />

notre exist<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> c'est pourquoi je ne crains aucun esprit ni aucun Dieu ! Je n'ai<br />

jamais ri<strong>en</strong> fait <strong>de</strong> mal, si ce n'est que j'ai parfois, fort humainem<strong>en</strong>t, trouvé mon<br />

plaisir avec une belle fille ; <strong>et</strong>, là <strong>en</strong>core, c'est ma nature qui <strong>en</strong> était cause !<br />

Pourquoi les formes d'une belle jeune fille <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t-elles me plaire ainsi ? Ai-je<br />

moi-même disposé dans mon être c<strong>et</strong>te impérieuse convoitise ? Je ne sais ri<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

tout cela ! Qui m'a donc donné ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'amour difficile à cont<strong>en</strong>ter ? Qui<br />

suscite <strong>en</strong> moi la faim <strong>et</strong> la soif ? Pourquoi donc dois-je boire <strong>et</strong> manger ? Tout<br />

cela est causé <strong>en</strong> nous par <strong>de</strong>s forces supérieures auxquelles nous ne pouvons opposer<br />

aucune loi positive ! Nous pouvons certes r<strong>en</strong>oncer à nous-mêmes jusqu'à<br />

un certain point, mais pas un poil plus loin ! Et s'il <strong>en</strong> est ainsi, quelle raison,<br />

315


quelle sagesse plus pure <strong>en</strong>core pourrait bi<strong>en</strong> me traîner pour mes faits <strong>et</strong> gestes<br />

<strong>de</strong>vant un sévère tribunal ? Sûrem<strong>en</strong>t pas une raison humaine, qui ne p<strong>en</strong>se pas<br />

plus clairem<strong>en</strong>t que moi-même — <strong>et</strong> d'autant moins une raison divine supérieure<br />

parfaitem<strong>en</strong>t éclairée ! Ainsi, pourquoi <strong>de</strong>vrais-je éprouver <strong>de</strong>vant Dieu une<br />

crainte parfaitem<strong>en</strong>t puérile ? »<br />

19. Stahar dit : « Mais il est écrit que l'homme doit craindre Dieu, parce que Dieu<br />

est tout-puissant <strong>et</strong> que l'homme, dans sa totale impuissance, ne pourra jamais<br />

s'opposer à Lui ! »<br />

20. L'orateur dit : « Très juste ! Il doit sans doute craindre Dieu ; mais cela ne<br />

s'adresse qu'à l'homme moral, <strong>et</strong> non à l'homme dans la totalité <strong>de</strong> ses fonctions<br />

vitales ! Et c<strong>et</strong>te crainte elle-même n'est <strong>en</strong> vérité qu'une crainte mêlée d'amour <strong>et</strong><br />

qui, <strong>en</strong> un certain s<strong>en</strong>s, doit être pour le libre arbitre <strong>de</strong> l'homme moral un fil<br />

conducteur semblable à ce qu'est pour les <strong>en</strong>fants la crainte mêlée d'amour filial<br />

<strong>en</strong>vers les par<strong>en</strong>ts. Mais imagine qu'un Dieu t'interdise par une loi la respiration,<br />

la digestion, le battem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ton pouls, le vieillissem<strong>en</strong>t, la croissance <strong>de</strong>s<br />

cheveux ou <strong>de</strong>s ongles, l'odorat, le goût, la s<strong>en</strong>sation <strong>de</strong> désir ou <strong>de</strong> douleur !<br />

Quel Dieu tant soit peu sage pourrait faire cela ? ! Où est la mesure qui<br />

perm<strong>et</strong>trait <strong>de</strong> dire précisém<strong>en</strong>t à partir <strong>de</strong> quel mom<strong>en</strong>t l'homme, libre dans son<br />

absolu moral <strong>de</strong> toutes les contraintes <strong>de</strong>s fonctions vitales, se détermine<br />

positivem<strong>en</strong>t dans toutes les t<strong>en</strong>dances <strong>de</strong> sa p<strong>en</strong>sée, <strong>de</strong> sa volonté <strong>et</strong> <strong>de</strong> son<br />

action ?!<br />

21. Qui connaît les fils par lesquels la vie naturelle est reliée à la vie purem<strong>en</strong>t<br />

spirituelle, <strong>en</strong> soi parfaitem<strong>en</strong>t libre, <strong>et</strong> qui sait jusqu'à quel point c<strong>et</strong>te vie peut se<br />

mouvoir d'une manière autonome, sans dép<strong>en</strong>dre aucunem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ces fils ?! Oui,<br />

l'on voit bi<strong>en</strong> que tout homme est libre à certains égards — il peut aller où il<br />

veut, il peut se t<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>bout ou s'asseoir, il peut à son gré regar<strong>de</strong>r dans toutes les<br />

directions ; mais sur tout cela prime pourtant une nécessité née <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> la<br />

vie naturelle !<br />

22. C'est donc une <strong>grand</strong>e question que <strong>de</strong> savoir où se situe <strong>en</strong> l'homme le vrai<br />

point <strong>de</strong> vue moral libre, <strong>en</strong>tre la vie naturelle nécessaire <strong>et</strong> l'ess<strong>en</strong>ce spirituelle<br />

libre ! Tant qu'il n'a pas été clairem<strong>en</strong>t déterminé, il ne saurait être question ni <strong>de</strong><br />

péché, ni d'une quelconque vertu ! »<br />

Chapitre 157<br />

Floran philosophe sur Dieu<br />

1. Stahar dit : « Ami, je sais que tu es un <strong>grand</strong> philosophe <strong>et</strong> qu'il est difficile <strong>de</strong><br />

te contredire ; mais les actes singuliers <strong>de</strong> l'ange ne peuv<strong>en</strong>t pourtant t'avoir<br />

échappé ! Les a-t-il accomplis pour notre être physique ou uniquem<strong>en</strong>t pour<br />

notre esprit ? »<br />

2. L'orateur dit : « Nous avons vu cela par nos yeux ; ceux <strong>de</strong> Jérusalem l'ont-ils<br />

vu aussi ? Non ! Mais, puisqu'ils ne l'ont pas vu par les yeux <strong>de</strong> leur corps <strong>et</strong> ne<br />

pourrai<strong>en</strong>t donc <strong>en</strong> aucun cas le croire même si on le leur disait, serions-nous <strong>de</strong>s<br />

hommes raisonnables si nous leur <strong>en</strong> voulions pour cela, <strong>et</strong> même les<br />

316


condamnions à toutes sortes <strong>de</strong> châtim<strong>en</strong>ts ?<br />

3. La nécessité <strong>de</strong> croire ne s'est imposée à nous que par nos s<strong>en</strong>s ; sans yeux,<br />

nous serions tout aussi égarés que le sont à prés<strong>en</strong>t les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> Jérusalem. Dismoi<br />

où comm<strong>en</strong>ce ici l'état moral proprem<strong>en</strong>t dit ! Supprime les yeux <strong>et</strong> leur<br />

nécessaire capacité <strong>de</strong> vision, <strong>et</strong> dis-moi comm<strong>en</strong>t tu détermines alors le point <strong>de</strong><br />

vue moral absolu ! »<br />

4. Stahar dit : « Ami, je vois bi<strong>en</strong> qu'il sera difficile <strong>de</strong> nous m<strong>et</strong>tre d'accord, <strong>et</strong> il<br />

faut qu'un esprit supérieur tire la chose au clair pour nous ! Je vois l'ange qui<br />

vi<strong>en</strong>t vers nous ; il faut que tu parles avec lui, <strong>et</strong> je suis fort curieux <strong>de</strong> savoir<br />

comm<strong>en</strong>t vous allez régler c<strong>et</strong>te affaire <strong>en</strong>semble ! »<br />

5. L'orateur dit sans perdre son sang-froid : « Cher ami, l'ange ne m'inquiète pas<br />

davantage que toi, <strong>et</strong> je parlerai avec lui comme avec toi, mais <strong>en</strong> lui faisant<br />

moins <strong>de</strong> concessions <strong>en</strong>core, car c'est un esprit bi<strong>en</strong>heureux qui jouit <strong>de</strong> toutes<br />

les perfections, tandis que nous ne sommes <strong>en</strong>core que <strong>de</strong> misérables vers <strong>de</strong><br />

terre contraints <strong>de</strong> ramper sur le sol dur <strong>et</strong> sale <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre ! La vérité est<br />

unique, <strong>et</strong> elle concerne aussi bi<strong>en</strong> un ange que le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>s gueux <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong><br />

! »<br />

6. Comme il prononçait ces paroles, l'ange était déjà là <strong>et</strong> disait : « Ainsi, Floran,<br />

tu ne me crains pas du tout ? »<br />

7. L'orateur dit : « Si tu connais mon nom, tu connais sans doute aussi les raisons<br />

pour lesquelles je ne peux avoir nulle crainte, ni <strong>de</strong> Dieu, ni <strong>de</strong> toi, quand bi<strong>en</strong><br />

même tu ferais mille <strong>de</strong>s plus <strong>grand</strong>s miracles ! Je peux bi<strong>en</strong> imaginer mille<br />

miracles, mais non les réaliser ; qu'est-ce que cela fait ?! Assurém<strong>en</strong>t, si je<br />

pouvais les accomplir, les ti<strong>en</strong>s cesserai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> me paraître merveilleux ! Je suis<br />

cont<strong>en</strong>t <strong>de</strong> les voir — mais peu m'importe <strong>de</strong> les réaliser ! Faudrait-il donc que je<br />

me désole <strong>de</strong> ne pas briller comme le soleil <strong>de</strong> midi, ou <strong>de</strong> ne pouvoir voler dans<br />

les airs comme un oiseau ?! Je me cont<strong>en</strong>te <strong>de</strong> ce que je sais, <strong>de</strong> ce que je suis <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> ce que je puis, <strong>et</strong> n'ai besoin <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> d'autre, du moins <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> !<br />

8. Ce que je sais, suis <strong>et</strong> puis est un don <strong>de</strong> Dieu à mon individu, <strong>et</strong> j'<strong>en</strong> suis<br />

reconnaissant au Créateur ; mais je n'ai pas besoin <strong>de</strong> davantage <strong>et</strong> n'<strong>en</strong>vie pas<br />

non plus celui qui possè<strong>de</strong> davantage !<br />

9. Devrais-je donc éprouver <strong>de</strong> la crainte <strong>de</strong>vant toi parce que tu es infinim<strong>en</strong>t<br />

plus puissant que moi ? Oh, nullem<strong>en</strong>t ! Si tu étais plus stupi<strong>de</strong> que moi, tu<br />

n'aurais aucune puissance, ou bi<strong>en</strong> ce serait une force brute à laquelle je pourrais<br />

résister par ma seule raison tout comme à celle <strong>de</strong> la tempête ; mais tu m'es<br />

supérieur autant par la sagesse que par la force, <strong>et</strong> cela me donne l'assurance que<br />

tu n'as pas d'int<strong>en</strong>tions malignes <strong>en</strong>vers moi, d'autant que je ne n'ai jamais pu <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>core moins voulu te nuire <strong>en</strong> quoi que ce soit. Et si par hasard tu voulais te<br />

jouer <strong>de</strong> moi, je ne t'<strong>en</strong> voudrais pas précisém<strong>en</strong>t, mais je ne te louerais pas non<br />

plus comme un parangon <strong>de</strong> sagesse, dont le sérieux fait dire à tous qu'il n'est pas<br />

un plaisantin. Et Dieu, Lui, est <strong>en</strong>core infinim<strong>en</strong>t plus sage <strong>et</strong> puissant que toi,<br />

aussi Le crains-je moins que toi <strong>en</strong>core. »<br />

10. L'ange dit : « Mais ne sais-tu pas que si tu ne respectes pas Sa loi, Dieu peut<br />

t'anéantir pour toujours, ou te frapper définitivem<strong>en</strong>t d'un imm<strong>en</strong>se malheur ?!<br />

317


Dieu ne doit-Il pas être craint <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s ?! »<br />

11. Floran dit : « Sans vouloir off<strong>en</strong>ser le moins du mon<strong>de</strong> ta sagesse, je dois<br />

t'avouer franchem<strong>en</strong>t que, pour dire les choses comme elles sont, c<strong>et</strong>te question<br />

n'apporte pas à ta sagesse une gloire vraim<strong>en</strong>t céleste ! Douter que Dieu, le plus<br />

puissant <strong>de</strong> tous les êtres, puisse m'anéantir, serait une folie plus <strong>grand</strong>e <strong>en</strong>core<br />

que ton rappel vraim<strong>en</strong>t presque inepte <strong>de</strong> mon inanité tant subjective<br />

qu'objective. Qu'importe que je r<strong>et</strong>ourne au néant éternel auquel j'appart<strong>en</strong>ais<br />

déjà avant c<strong>et</strong>te exist<strong>en</strong>ce ?! Le néant n'est ri<strong>en</strong>, n'a besoin <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> n'a éternellem<strong>en</strong>t<br />

aucun souci ! Ainsi, tu n'as qu'à anéantir éternellem<strong>en</strong>t le néant que je<br />

suis déjà ! Je peux t'assurer par avance qu'<strong>en</strong> tant que pur néant, je ne te traînerai<br />

jamais <strong>de</strong>vant un tribunal pour cela ! Et si cela <strong>de</strong>vait faire plaisir à Dieu,<br />

assurém<strong>en</strong>t le plus sage <strong>de</strong> tous les êtres, <strong>de</strong> me tourm<strong>en</strong>ter <strong>et</strong> <strong>de</strong> me torturer<br />

éternellem<strong>en</strong>t, c'est que Sa sagesse ne va pas loin non plus ; car on ne r<strong>en</strong>contrerait<br />

guère semblable aspiration même chez le tyran le plus sanguinaire.<br />

12. Cep<strong>en</strong>dant, l'histoire ne nous montre pas d'exemple qu'un tyran ait jamais été<br />

un sage ; <strong>et</strong> que pourriez-vous me répondre, toi <strong>et</strong> ton Dieu, si je vous prouvais<br />

que vous êtes parfaitem<strong>en</strong>t ins<strong>en</strong>sés au lieu d'être parfaitem<strong>en</strong>t sages ?! Mais nul<br />

ne peut prét<strong>en</strong>dre cela <strong>de</strong> Dieu s'il a j<strong>et</strong>é un seul regard sur la parfaite sagesse <strong>de</strong><br />

l'organisation <strong>de</strong> toute créature ! Dieu est par conséqu<strong>en</strong>t d'une extrême sagesse,<br />

<strong>et</strong> donc aussi à coup sûr d'une extrême bonté.<br />

13. Mais s'il est doté <strong>de</strong>s qualités les plus parfaites, il est impossible qu'il ait<br />

jamais créé une seule créature dans tout l'infini afin qu'elle soit tourm<strong>en</strong>tée éternellem<strong>en</strong>t<br />

! Quant à purifier un être, ici-bas ou dans l'au-<strong>de</strong>là, par toutes sortes<br />

d'expéri<strong>en</strong>ces amères ou douloureuses, ah, c'est bi<strong>en</strong> autre chose ! Car l'homme<br />

est une œuvre divine qui doit se parfaire elle-même dans la sphère morale selon<br />

la très sage ordonnance divine afin <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ce à quoi le Créateur l'a <strong>de</strong>stinée !<br />

14. Mais le Créateur ne fait que laisser surv<strong>en</strong>ir ces douloureux mom<strong>en</strong>ts<br />

d'amélioration, qui dur<strong>en</strong>t peu, <strong>et</strong> Il ne les provoque pas dans le <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong><br />

tourm<strong>en</strong>ter à plaisir p<strong>en</strong>dant quelque temps un homme qui a commis une faute,<br />

mais seulem<strong>en</strong>t afin <strong>de</strong> le ram<strong>en</strong>er à la raison <strong>et</strong> à la connaissance <strong>de</strong> l'ordre<br />

divin, <strong>et</strong> ainsi <strong>de</strong> faciliter son évolution. Mais jamais je ne pourrai considérer une<br />

telle mesure <strong>de</strong> précaution purem<strong>en</strong>t divine, d'où n'émane que l'amour <strong>et</strong> la plus<br />

parfaite bi<strong>en</strong>veillance, comme une punition dictatoriale !<br />

15. Tu ne peux donc insulter plus gravem<strong>en</strong>t Dieu qu'<strong>en</strong> me Le représ<strong>en</strong>tant<br />

comme un éternel tyran ! — Je crois que tu m'auras compris !<br />

16. Je ne peux qu'aimer Dieu par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>et</strong> L'adorer comme l'être dont la<br />

bonté <strong>et</strong> la sagesse sont les plus sacrées; mais Le craindre, jamais <strong>de</strong> la vie ! »<br />

17. À ces mots, l'ange donne à Floran une tape sur l'épaule <strong>et</strong> lui dit : « Tu t'<strong>en</strong> es<br />

bi<strong>en</strong> tiré, <strong>et</strong> ne crois surtout pas que j'aie voulu me lancer dans une joute oratoire<br />

avec toi ; car tu as raison, tout comme j'ai raison moi-même ! Par ma question<br />

quelque peu futile, je voulais seulem<strong>en</strong>t t'offrir l'occasion d'exprimer ton point <strong>de</strong><br />

vue <strong>de</strong>vant tes frères un peu plus ouvertem<strong>en</strong>t que tu ne l'avais fait jusqu'ici, <strong>et</strong> je<br />

te dis que tu es désormais prêt à r<strong>en</strong>contrer le Seigneur ! Aussi, suis-moi — je<br />

vais moi-même te conduire à Lui ! »<br />

318


18. Floran dit : « Il est donc bi<strong>en</strong> vrai que c<strong>et</strong>te anci<strong>en</strong>ne prophétie s'est accomplie<br />

? »<br />

19. L'ange dit : « Oui ! C'est la pure vérité, <strong>et</strong> moi qui suis v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux, j'<strong>en</strong><br />

suis à coup sûr le meilleur témoin qui soit ; aussi, suis-moi à prés<strong>en</strong>t, toi seul ! »<br />

Chapitre 158<br />

De l'humilité <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'orgueil<br />

1. Floran dit : « Mais pourquoi pas Stahar, notre supérieur, <strong>et</strong> mes autres frères ?<br />

Me sont-ils donc <strong>en</strong> quoi que ce soit inférieurs ? Va sans moi ! Si mes frères ne<br />

sont pas dignes d'être prés<strong>en</strong>tés au Seigneur éternel, alors, je le suis <strong>en</strong>core<br />

moins, car je sais bi<strong>en</strong> qu'ils val<strong>en</strong>t mieux que moi !<br />

2. Sache bi<strong>en</strong>, ange — si tant est que l'on puisse te faire remarquer une chose —,<br />

que je suis <strong>en</strong>nemi <strong>de</strong> toute faveur <strong>en</strong>vers ma personne ! Je me réjouis certes <strong>de</strong>s<br />

avantages dont jouiss<strong>en</strong>t mes frères ; mais je voudrai toujours être le plus humble<br />

d'<strong>en</strong>tre eux ! J'aime vraim<strong>en</strong>t mon prochain ; <strong>et</strong> à ceux que l'on aime vraim<strong>en</strong>t, on<br />

abandonne volontiers tous les avantages <strong>et</strong> les mérites, <strong>et</strong> l'on n'<strong>en</strong> est que plus<br />

heureux ! Deman<strong>de</strong> à tous mes frères si j'ai jamais p<strong>en</strong>sé ou agi autrem<strong>en</strong>t ! Et<br />

maint<strong>en</strong>ant, il faudrait que, pour la première fois, je me laisse favoriser <strong>de</strong>vant<br />

mes frères ?! Non, jamais <strong>de</strong> la vie ! Tant qu'il me sera permis <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

vouloir, mille légions d'anges aussi puissants que toi <strong>et</strong> dix Yahvé tout-puissants<br />

ne me feront pas changer d'avis !<br />

3. Vois-tu, tout-puissant ami, c'est là une règle dont même la t<strong>en</strong>tation <strong>de</strong> mille<br />

cieux s'ouvrant à moi, <strong>et</strong> pas davantage la crainte <strong>de</strong> mille <strong>en</strong>fers, ne saurait me<br />

faire démordre !<br />

4. Va donc seul trouver le Seigneur ! De mon propre gré, jamais je ne te suivrai !<br />

D'ailleurs, je suis fort étonné qu'avant <strong>de</strong> me favoriser, tu n'aies pas découvert <strong>en</strong><br />

moi, toi qui es un esprit omnisci<strong>en</strong>t, c<strong>et</strong>te conviction adamantine ! Je m'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>s à<br />

ce que j'ai dit. Tu peux certes transporter mon corps, car tu <strong>en</strong> as la force <strong>et</strong> le<br />

pouvoir plus qu'il ne faut ; mais tu ne m'ôteras jamais ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t intime, à<br />

moins — oui, il t'est possible <strong>de</strong> m'<strong>en</strong>lever ce s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>et</strong> d'<strong>en</strong> disposer un autre<br />

<strong>en</strong> moi ! Mais ce faisant, tu n'auras pas changé le moins du mon<strong>de</strong> mon moi<br />

prés<strong>en</strong>t, mais tu l'auras seulem<strong>en</strong>t détruit pour <strong>en</strong> m<strong>et</strong>tre un autre dans c<strong>et</strong>te<br />

machine morte ! »<br />

5. L'ange dit d'un air fort aimable : « Mais, cher ami <strong>et</strong> frère, qui te dit qu'<strong>en</strong> te<br />

conduisant le premier <strong>de</strong>vant le Seigneur, selon Sa volonté, comme celui qui est<br />

le plus mûr pour cela, je t'avantage <strong>en</strong> quoi que ce soit ? As-tu donc jamais vu<br />

que sur un arbre, si beau soit-il, tous les fruits soi<strong>en</strong>t mûrs au même mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong><br />

vi<strong>en</strong>drait-il raisonnablem<strong>en</strong>t à l'idée <strong>de</strong> quiconque <strong>de</strong> considérer comme<br />

supérieure une poire qui a mûri la première pour c<strong>et</strong>te seule raison qu'elle a mûri<br />

la première ? Certes, on la mange avant celles qui ne mûriss<strong>en</strong>t qu'<strong>en</strong>suite —<br />

mais quant à la juger supérieure à celles qui mûriss<strong>en</strong>t plus tard, il n'<strong>en</strong> a jamais<br />

été question chez nous, au ciel ! Car dans ce cas, il faudrait aussi considérer<br />

Moïse comme supérieur au Seigneur Lui-même, parce qu'il est v<strong>en</strong>u plus <strong>de</strong><br />

319


mille ans avant Lui ! Oh, cela ne te donne pas l'avantage — bi<strong>en</strong> au contraire !<br />

Car, sur un chemin, qui est le plus favorisé : celui qui ouvre le chemin, ou le<br />

général qui, avec son escorte, foule <strong>en</strong>suite ce chemin <strong>et</strong> y conduit son armée ?<br />

6. Vois-tu, ami, ta raison pure ne t'a pas servi à <strong>grand</strong>-chose <strong>en</strong> cela ! Je connais<br />

bi<strong>en</strong> c<strong>et</strong>te espèce d'intransigeance <strong>de</strong> ton cœur, <strong>et</strong> c’est pour c<strong>et</strong>te seule raison<br />

que je l'ai soumis à une épreuve superficielle, <strong>et</strong>, malgré tous tes bon s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts,<br />

j'y ai trouvé tout au fond une sorte <strong>de</strong> p<strong>et</strong>it orgueil caché qui avait érigé la vraie<br />

humilité elle-même <strong>en</strong> supériorité <strong>de</strong> ta personne sur celle <strong>de</strong>s autres, ce qui, <strong>en</strong><br />

un certain s<strong>en</strong>s, te perm<strong>et</strong>tait malgré tout d'apparaître comme un Être unique que<br />

nul ne pouvait égaler <strong>en</strong> ce domaine ! Le tout est finalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> savoir qui est le<br />

plus orgueilleux <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux : celui qui veut être le <strong>de</strong>rnier <strong>et</strong> le plus humble <strong>de</strong> tous<br />

les hommes, ou celui qui veut être le premier <strong>et</strong> le plus <strong>grand</strong> !<br />

7. Ne connais-tu pas l'histoire du roi Alexandre <strong>de</strong> Macédoine <strong>et</strong> <strong>de</strong> Diogène, un<br />

homme dont l'appar<strong>en</strong>ce était assurém<strong>en</strong>t la plus mo<strong>de</strong>ste qui fût ? Il vivait à<br />

longueur d'année dans un tonneau dont il avait fait sa <strong>de</strong>meure sur un rivage sablonneux.<br />

8. Un jour, le <strong>grand</strong> roi héroïque r<strong>en</strong>dit visite à c<strong>et</strong> original, certes unique <strong>en</strong> son<br />

g<strong>en</strong>re. Alexandre se t<strong>en</strong>ait <strong>de</strong>vant le tonneau ; le stoïci<strong>en</strong> lui plut, <strong>et</strong> il lui <strong>de</strong>manda<br />

: "Que veux-tu que je fasse pour toi ?" Et Diogène répondit instamm<strong>en</strong>t :<br />

"Que tu te pousses <strong>de</strong> côté, afin que les rayons bi<strong>en</strong>faisants du soleil puiss<strong>en</strong>t me<br />

chauffer !"<br />

9. C<strong>et</strong>te impassibilité stoïque plut sans doute au <strong>grand</strong> héros ; cep<strong>en</strong>dant, il dit :<br />

"Si je n'étais déjà Alexandre, je voudrais être Diogène !"<br />

10. Que signifiai<strong>en</strong>t ces paroles d'Alexandre ? En voici le s<strong>en</strong>s : "Le mon<strong>de</strong><br />

<strong>en</strong>tier me r<strong>en</strong>d hommage ; mais que <strong>de</strong> combats cela m'a-t-il coûté ! Celui-ci<br />

jouit d'une considération presque supérieure à la mi<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> se r<strong>en</strong>d lui aussi<br />

immortel — <strong>et</strong> toute c<strong>et</strong>te gloire immortelle ne lui a coûté qu'un vieux tonneau !"<br />

11. Ne trouves-tu pas qu'<strong>en</strong>tre l'orgueil d'Alexandre <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> Diogène, il n'y<br />

avait pas une si <strong>grand</strong>e différ<strong>en</strong>ce ? ! Au contraire, Diogène, à sa manière, était<br />

plus orgueilleux qu'Alexandre !<br />

12. Il est fort bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> vouloir être le <strong>de</strong>rnier par amour <strong>et</strong> humilité véritables ;<br />

mais l'amour <strong>et</strong> l'humilité bi<strong>en</strong> conçus n'exclu<strong>en</strong>t pas l'obéissance, surtout <strong>en</strong>vers<br />

le Seigneur tout-puissant du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> la terre. Aussi, si tu es dans ton bon s<strong>en</strong>s,<br />

fais à prés<strong>en</strong>t ce que veut le Seigneur, <strong>et</strong> tout sera bi<strong>en</strong> ; car le Seigneur sait<br />

mieux que quiconque pourquoi Il veut une chose ! »<br />

13. Enfin, Floran dit : « Oui, à prés<strong>en</strong>t, je te suis, parce que tu m'as convaincu<br />

très amicalem<strong>en</strong>t que j'avais <strong>grand</strong> tort <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser ce que je p<strong>en</strong>sais. » Et Floran<br />

suivit seul l'ange, qui le conduisit à Moi.<br />

Chapitre 159<br />

Floran <strong>de</strong>vant le Seigneur<br />

320


1. Comme ils arrivai<strong>en</strong>t tous <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>vant Moi, l'ange, s'inclinant jusqu'à terre, dit<br />

: « Seigneur, voici une pomme mûre ! Sa chair est celle <strong>de</strong> tous les hommes ;<br />

mais son esprit est ferme <strong>et</strong> plein d'une force intacte. Toute louange <strong>et</strong> toute<br />

gloire <strong>en</strong> revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à Toi seul d'éternité <strong>en</strong> éternité ! »<br />

2. Je dis : « Bi<strong>en</strong>, Mon Raphaël, <strong>de</strong> tels fruits Me sont agréables <strong>et</strong> précieux !<br />

Celui-là est certes un successeur <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron ; mais il a égalem<strong>en</strong>t<br />

assimilé l'école <strong>de</strong> Platon, <strong>de</strong> Socrate, <strong>de</strong> Pythagore <strong>et</strong> d'Aristote, <strong>et</strong> c'est<br />

pourquoi il n'est pas un roseau que le v<strong>en</strong>t agite <strong>de</strong> côté <strong>et</strong> d'autre, mais un soli<strong>de</strong><br />

cèdre du Liban capable <strong>de</strong> défier les tempêtes ! Il se dresse, calme <strong>et</strong> sil<strong>en</strong>cieux ;<br />

mais quand les tempêtes le frapp<strong>en</strong>t, il ne plie point ! Quant à c<strong>et</strong> arbre, Je le<br />

gar<strong>de</strong>rai jusqu'à la construction <strong>de</strong> la nouvelle Jérusalem ; alors, il fera le toit <strong>et</strong><br />

le pignon <strong>de</strong> Ma maison !<br />

3. Mais dis-Moi, Floran, si Ma prés<strong>en</strong>ce te donne <strong>de</strong> la joie. »<br />

4. Floran dit : « Seigneur <strong>de</strong> toute vie, qui n'<strong>en</strong> éprouverait <strong>de</strong> la joie ?! Mais je<br />

suis un pécheur, <strong>et</strong> Ta saint<strong>et</strong>é me dit : " Éloigne-toi <strong>de</strong> Moi !" Et c'est cela qui ne<br />

me réjouit pas ! Je voudrais me t<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>vant Toi sans péché ; mais cela est<br />

impossible, car, ayant péché, je suis un pécheur <strong>et</strong> suis à prés<strong>en</strong>t empli <strong>de</strong> honte<br />

<strong>de</strong>vant Ta saint<strong>et</strong>é. Et cela ne me donne pas <strong>de</strong> joie au cœur, mais un amer<br />

rep<strong>en</strong>tir qui ne peut égayer ce cœur. Pourtant, je suis un homme doué <strong>de</strong> raison,<br />

<strong>et</strong> ma raison me fait voir ce qui peut <strong>de</strong>vant Toi excuser mes péchés, <strong>et</strong> aussi que<br />

je suis un être humain fait d'innombrables élém<strong>en</strong>ts, qui n'atteindra sa perfection<br />

que lorsque ces nombreux élém<strong>en</strong>ts se seront purifiés par la ferm<strong>en</strong>tation <strong>de</strong>s<br />

péchés, comme un vin nouveau dans une outre, <strong>et</strong> seront <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us un vin pur <strong>et</strong><br />

savoureux pour tous.<br />

5. Tu es le Seigneur, <strong>et</strong> l'homme est perpétuellem<strong>en</strong>t le fruit <strong>de</strong> Ton combat<br />

éternel, il n'est donc lui-même qu'un combat fait <strong>de</strong> victoires <strong>et</strong> <strong>de</strong> défaites, afin<br />

que, tel le phénix r<strong>en</strong>aissant <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>dres du feu qui le détruit, il naisse un jour <strong>de</strong><br />

l'une <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'autre à une vie nouvelle, qui <strong>en</strong> soi sera certes unifiée, mais doit<br />

<strong>de</strong>meurer <strong>et</strong> <strong>de</strong>meurera <strong>en</strong>vers l'extérieur un combat éternel !<br />

6. Aussi, Seigneur, ne me r<strong>et</strong>ire pas mon péché, car il était nécessaire pour<br />

susciter <strong>en</strong> moi le combat pour la nouvelle incarnation ; mais épargne-moi<br />

l'opprobre d'une défaite trop souv<strong>en</strong>t répétée, <strong>et</strong> je trouverai ma joie <strong>en</strong> Toi, ô<br />

Seigneur ! »<br />

7. Je dis aux disciples : « Voici un homme dans l'âme duquel ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> faux ne<br />

<strong>de</strong>meure ! J'aimais c<strong>et</strong> homme <strong>de</strong>puis longtemps déjà ! »<br />

8. Simon Juda dit : « Seigneur, il semble que ce soit là un second Mathaël ! »<br />

9. Je dis : « Crois-tu que l'on ne puisse être un sage qu'à la manière <strong>de</strong> Mathaël ?<br />

Vois-tu, ce Floran est exactem<strong>en</strong>t le contraire <strong>de</strong> Mathaël, <strong>et</strong> pourtant, il est tout<br />

aussi sage que lui ! Mathaël est expert dans, les choses <strong>de</strong> la nature <strong>et</strong> dans les<br />

langues anci<strong>en</strong>nes ; mais Floran est expert <strong>en</strong> toute religion <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute<br />

philosophie <strong>et</strong> sagesse <strong>de</strong>s Anci<strong>en</strong>s. C'est pourquoi il est plus difficile <strong>de</strong> discuter<br />

avec lui qu'avec Mathaël ; mais à prés<strong>en</strong>t qu'il nous est acquis, il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra très<br />

vite un actif instrum<strong>en</strong>t contre toutes les croyances erronées qui exist<strong>en</strong>t parmi<br />

les hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> il les combattra avec habil<strong>et</strong>é <strong>et</strong> succès sans le<br />

321


secours <strong>de</strong> prodiges. Et cela vaut mieux pour les <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong>, afin que le<br />

jugem<strong>en</strong>t qui les r<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t prisonniers n'<strong>en</strong>ferme pas davantage <strong>en</strong>core leurs âmes !<br />

Les actes miraculeux sont sans doute une bénédiction pour les <strong>en</strong>fants d'<strong>en</strong> haut,<br />

mais il n'<strong>en</strong> est pas <strong>de</strong> même pour les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>.<br />

10. Vous qui savez dans vos cœurs qui Je suis, vous pouvez sans doute <strong>de</strong>meurer<br />

libres lorsque vous Me voyez accomplir <strong>de</strong>s œuvres divines sur c<strong>et</strong>te terre ; mais<br />

il n'<strong>en</strong> est pas <strong>de</strong> même pour les <strong>en</strong>tants au mon<strong>de</strong> ; car cela les contraint <strong>et</strong> les<br />

<strong>en</strong>chaîne, <strong>et</strong> ils ne sont plus libres <strong>de</strong> leurs p<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins <strong>de</strong> leurs<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts.<br />

11. Mais lorsque Floran les travaillera avec sa philosophie, cela fera <strong>en</strong>trer <strong>en</strong><br />

eux une certaine lumière sémantique suffisante pour éclairer les marches du<br />

temple du cœur ; <strong>et</strong> une fois qu'ils y auront pénétré, ils seront alors pleinem<strong>en</strong>t<br />

acquis pour l'éternité ! Mais tous <strong>en</strong>semble, vous êtes <strong>en</strong>core loin <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r<br />

autant d'intellig<strong>en</strong>ce que Floran à lui seul ! »<br />

12. Cep<strong>en</strong>dant, Floran n'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dit pas cela, car J'avais parlé aux disciples intérieurem<strong>en</strong>t<br />

; il me <strong>de</strong>manda ce qu'il <strong>de</strong>vait faire.<br />

13. Et Je dis : « Va vers tes frères, <strong>et</strong> dis-leur que très bi<strong>en</strong>tôt, Je vi<strong>en</strong>drai aussi<br />

vers eux ! »<br />

14. Floran ne répond ri<strong>en</strong>, mais s'incline simplem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> se hâte vers ses frères.<br />

Chapitre 160<br />

Floran parle du Seigneur avec Stahar <strong>et</strong> les si<strong>en</strong>s<br />

1. Comme il se trouve à nouveau près <strong>de</strong>s si<strong>en</strong>s, qui étai<strong>en</strong>t à quelques pas,<br />

Stahar lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aussitôt : « Eh bi<strong>en</strong>, qu'<strong>en</strong> est-il ? Sommes-nous sur la bonne<br />

voie ? »<br />

2. Floran dit : « Absolum<strong>en</strong>t ! Il n'y a plus le moindre doute ! C'est un homme<br />

comme nous, il est vrai ; mais il y a dans Son être quelque chose que l'on ne peut<br />

que s<strong>en</strong>tir <strong>et</strong> qu'il est impossible <strong>de</strong> décrire par <strong>de</strong>s mots. Lorsqu'il parle, c'est<br />

comme si chaque parole valait aussitôt pour l'éternité ! À Sa parole, on reconnaît<br />

clairem<strong>en</strong>t qu'il Lui suffirait <strong>de</strong> dire à nouveau "Que cela soit" pour qu'à l'instant<br />

naisse <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te parole, ou même <strong>de</strong> ri<strong>en</strong>, un mon<strong>de</strong> plein <strong>de</strong> merveilles !<br />

3. Il ne peut dissimuler Sa parfaite divinité, <strong>et</strong> si j'étais v<strong>en</strong>u à Lui sans toute la<br />

préparation qui a précédé, je Lui aurais pourtant dit sur-le-champ : "Tu n'es pas<br />

un homme ordinaire, <strong>en</strong> Toi doit <strong>de</strong>meurer la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Esprit divin !"<br />

4. Pourtant, c<strong>et</strong>te préparation fort sagem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>ée a été bonne <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s qu'elle<br />

nous perm<strong>et</strong> à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre sans peine <strong>et</strong> fort clairem<strong>en</strong>t à qui nous<br />

avons affaire. Il nous rejoindra bi<strong>en</strong>tôt, Il me l'a promis. Et quand Il sera là, vous<br />

pourrez vous convaincre par vous-même que j'ai raison !<br />

5. Cep<strong>en</strong>dant, je compr<strong>en</strong>ds aussi maint<strong>en</strong>ant qui a dénoncé à Cyrénius ce que<br />

nous faisions dans la ville, ce qui n'était certes pas très louable — notre<br />

comportem<strong>en</strong>t, j'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds ; mais à prés<strong>en</strong>t, tout est changé ! Un hasard dont notre<br />

322


Messie-Yahvé a eu sans aucun doute la connaissance prémonitoire — à moins<br />

même que le soleil d'hier soir ne soit <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t Son œuvre — nous a délivrés<br />

d'un coup du vieux joug <strong>de</strong> la stupidité, ce dont nous ne pouvons à prés<strong>en</strong>t que<br />

nous réjouir sans réserve ; car que <strong>de</strong> sottes tracasseries fâcheuses pour<br />

l'humanité le Temple ne va-t-il pas <strong>en</strong>core machiner, dont nous eussions dû à<br />

nouveau nous faire à part <strong>en</strong>tière les sordi<strong>de</strong>s exécutants ! Mais maint<strong>en</strong>ant, ils<br />

n'ont qu'à y v<strong>en</strong>ir ! Assurém<strong>en</strong>t, nous leur ferons voir notre titre <strong>de</strong> citoy<strong>en</strong>n<strong>et</strong>é<br />

romaine d'une manière qui les laissera tout étourdis !<br />

6. Nous avons désormais <strong>de</strong> notre côté, <strong>en</strong> premier ressort d'une importance<br />

infinie, le Messie, <strong>et</strong> un ange <strong>de</strong>s cieux qui nous paraît bi<strong>en</strong> plus puissant que<br />

celui qui guida jadis le jeune Tobie ; <strong>et</strong> pour le mon<strong>de</strong>, <strong>en</strong> second ressort d'une<br />

importance tout aussi considérable, nous avons avec nous le gouverneur général<br />

<strong>de</strong> toute l'Asie <strong>et</strong> d'une partie <strong>de</strong> l'Afrique, propre oncle <strong>de</strong> l'empereur actuel <strong>de</strong><br />

Rome. Même si Jérusalem se déchaînait comme tous les diables, nous <strong>en</strong><br />

vi<strong>en</strong>drions à bout aussi bi<strong>en</strong> que le lion <strong>en</strong> colère vi<strong>en</strong>t à bout même du r<strong>en</strong>ard le<br />

plus rusé ! — Que dites-vous <strong>de</strong> tout cela ? »<br />

7. Stahar dit : « Seulem<strong>en</strong>t que, désormais, tout ira bi<strong>en</strong> pour nous éternellem<strong>en</strong>t<br />

! À prés<strong>en</strong>t, je ne crains plus personne moi aussi ! Il est bon <strong>et</strong> facile <strong>de</strong><br />

combattre pour Dieu ; car la force <strong>de</strong> Dieu est un rempart que nul <strong>en</strong>nemi ne<br />

pourra jamais détruire ! Cep<strong>en</strong>dant, je voudrais bi<strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant que l'un d'<strong>en</strong>tre<br />

vous me dise — ne serait-ce que très approximativem<strong>en</strong>t — quelle vocation<br />

assurém<strong>en</strong>t nouvelle nous allons embrasser désormais ! Quelqu'un d'<strong>en</strong>tre vous at-il<br />

là-<strong>de</strong>ssus une idée pertin<strong>en</strong>te ? — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu, Floran ? »<br />

8. Floran dit : « Je n'y songe pas, <strong>et</strong>, dans les circonstances que nous avons<br />

r<strong>en</strong>contrées ici, j'estime que ce serait vraim<strong>en</strong>t peine perdue d'y consacrer ne fûtce<br />

qu'une p<strong>en</strong>sée fugitive ! Nous sommes maint<strong>en</strong>ant près <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> donc<br />

pourvus non seulem<strong>en</strong>t temporellem<strong>en</strong>t, mais pour l'éternité ! Ainsi, frère, tu<br />

aurais pu t'épargner c<strong>et</strong>te question !<br />

9. Plus ri<strong>en</strong> ne me préoccupe désormais <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> ; car Celui que nous avons<br />

trouvé ici est pour moi plus que tout ! Ce que sera Sa volonté, cela sera mon<br />

av<strong>en</strong>ir toujours <strong>et</strong> à jamais ! Car Lui seul sait parfaitem<strong>en</strong>t ce que nous sommes,<br />

ce qu'il nous faut <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>et</strong> ce que nous <strong>de</strong>vrons faire dans l'av<strong>en</strong>ir pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir<br />

ce qu'il veut que nous soyons. C'est pourquoi tout vain souci préalable <strong>de</strong> notre<br />

part est désormais folie ; c'est seulem<strong>en</strong>t lorsqu'il nous dira : "Fais ceci ou cela !"<br />

que ce sera pour nous le mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous soucier d'être à chaque fois <strong>en</strong> mesure<br />

d'accomplir très précisém<strong>en</strong>t selon Sa volonté ce que Sa sainte volonté nous aura<br />

désigné comme notre <strong>de</strong>voir. — C'est là, frère Stahar, ma conviction profon<strong>de</strong> !<br />

10. Mais taisons-nous maint<strong>en</strong>ant ; car je remarque que le Seigneur s'apprête à<br />

v<strong>en</strong>ir vers nous <strong>en</strong> compagnie <strong>de</strong> Cyrénius ! Il s'agit à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> se recueillir,<br />

sans quoi vous ne pourrez supporter Sa prés<strong>en</strong>ce ! Oui, ils vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t !<br />

L'ange <strong>et</strong> une jeune fille sont avec eux ; la jeune fille doit être un ange elle aussi !<br />

»<br />

11. Stahar dit : « Ah, la jeune fille ne peut être un ange ; car il n'y a jamais eu <strong>et</strong><br />

il n'y aura jamais d'anges féminins, <strong>et</strong> cela ne saurait exister ! Car <strong>en</strong> ce cas, il <strong>en</strong><br />

serait nécessairem<strong>en</strong>t fait m<strong>en</strong>tion quelque part dans l'Écriture ! Et puis, c<strong>et</strong>te<br />

323


fill<strong>et</strong>te ne peut être que la fille <strong>de</strong> quelque riche Juif. Elle n'est pas Romaine, on<br />

le voit à sa mise ; le garçon que Cyrénius ti<strong>en</strong>t par la main est sans doute un<br />

Romain, lui, voire un jeune fils <strong>de</strong> ce vieux seigneur. Mais la fill<strong>et</strong>te, à bi<strong>en</strong> la<br />

regar<strong>de</strong>r, doit être elle aussi d'une sagesse tout à fait extraordinaire ; car son<br />

regard ferme <strong>et</strong> d'une douceur éloqu<strong>en</strong>te <strong>en</strong> donne la preuve infaillible. »<br />

12. Floran dit : « Oui, oui, tu dois avoir raison ; mais je ne suis pas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

d'accord avec ton affirmation selon laquelle il n'existerait pas d'anges féminins !<br />

On ne voit certes pas paraître chez eux <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ces sexuelles ; mais il y a sans<br />

doute une certaine différ<strong>en</strong>ciation <strong>de</strong>s âmes <strong>en</strong> sorte qu'elles puiss<strong>en</strong>t ress<strong>en</strong>tir<br />

<strong>en</strong>tre elles les mêmes s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts qui exist<strong>en</strong>t, sur c<strong>et</strong>te terre, <strong>en</strong>tre un bi<strong>en</strong>-aimé<br />

<strong>et</strong> sa chère bi<strong>en</strong>-aimée. De plus, regar<strong>de</strong> c<strong>et</strong> ange, <strong>et</strong> dis-moi s'il ne ressemble pas<br />

bi<strong>en</strong> davantage à la plus t<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s jeunes filles qu'à n'importe quel jouv<strong>en</strong>ceau !<br />

M<strong>et</strong>s-lui un vêtem<strong>en</strong>t féminin, <strong>et</strong> tu as là une jeune fille NON PLUS ULTRA (*) ,<br />

comme dis<strong>en</strong>t les Romains ! — Mais cessons <strong>de</strong> parler pour ne ri<strong>en</strong> dire ! Ils<br />

seront là à l'instant ! »<br />

Chapitre 161<br />

Profession <strong>de</strong> foi <strong>de</strong> Floran <strong>de</strong>vant le Seigneur <strong>et</strong> son témoignage sur le Temple<br />

1. À pas l<strong>en</strong>ts, nous arrivons maint<strong>en</strong>ant auprès <strong>de</strong>s cinquante, qui aussitôt<br />

s'inclin<strong>en</strong>t profondém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant nous. Je leur dis <strong>de</strong> se t<strong>en</strong>ir droits comme <strong>de</strong>s<br />

hommes qu'ils sont, <strong>et</strong> ils se redress<strong>en</strong>t à l'instant.<br />

2. Et Je leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Croyez-vous que Je suis Celui que tous les prophètes<br />

annonçai<strong>en</strong>t ? »<br />

3. Tous répon<strong>de</strong>nt : « Seigneur, aucun <strong>de</strong> nous n'<strong>en</strong> doute ; mais puisque Tu es<br />

Celui-là, comm<strong>en</strong>t peux-Tu nous le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, Toi qui connais pourtant nos<br />

p<strong>en</strong>sées les plus secrètes avant même que nous ayons comm<strong>en</strong>cé à les concevoir<br />

? »<br />

4. Je dis : « Que nul d'<strong>en</strong>tre vous ne M'<strong>en</strong> fasse grief ; car il ne s'agit pas ici <strong>de</strong><br />

M'appr<strong>en</strong>dre ce que Je sais assurém<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> toute éternité, mais <strong>de</strong> vous<br />

exprimer ! Vous ne pourrez Me concevoir tant que votre intérieur <strong>et</strong> votre<br />

extérieur ne seront pas <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us une seule <strong>et</strong> même chose !<br />

5. Vous pouvez certes Me voir par vos yeux <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre Ma voix par vos oreilles<br />

; pourtant, votre cœur ne peut <strong>en</strong>core M'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ni Me compr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong> toute vérité ! Et c'est pourquoi Je vous pose <strong>de</strong>s questions ; car lorsque vous<br />

Me répon<strong>de</strong>z, votre réponse a un tout autre eff<strong>et</strong> sur votre vie dans son <strong>en</strong>semble<br />

que lorsque vous répon<strong>de</strong>z à un homme <strong>de</strong> votre espèce.<br />

6. Aussi, Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>en</strong>core une fois si vous croyez vraim<strong>en</strong>t sans le<br />

moindre doute que Je suis Celui qu'annonçai<strong>en</strong>t Moïse <strong>et</strong> tous les autres prophètes.<br />

Dites à prés<strong>en</strong>t sans la moindre appréh<strong>en</strong>sion ce que vous p<strong>en</strong>sez <strong>en</strong><br />

vous-mêmes ! »<br />

(*) Insurpassable.<br />

324


7. Floran dit : « Seigneur, Tu compr<strong>en</strong>ds notre nature mieux que nous-mêmes !<br />

Tout est arrivé si soudainem<strong>en</strong>t : hier le soleil tardif <strong>et</strong> sa subite disparition, dont<br />

les suites <strong>en</strong>core fumantes obscurciss<strong>en</strong>t toute la contrée ; quant aux pertes que<br />

nous avons subies — nous ne savons toujours ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> nos femmes <strong>et</strong> <strong>de</strong> nos<br />

<strong>en</strong>fants ! Nous nous sommes <strong>en</strong>fuis ici, avons été saisis <strong>et</strong> traduits <strong>en</strong> jugem<strong>en</strong>t ;<br />

là-<strong>de</strong>ssus, les miracles <strong>de</strong> l'ange, <strong>et</strong> à prés<strong>en</strong>t, Toi-même — <strong>et</strong> tout cela <strong>en</strong> dixhuit<br />

heures ! Ce n'est pas une mince affaire, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> pareil cas, l'on ne peut tout <strong>de</strong><br />

même pas cesser d'un seul coup <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s hypothèses !<br />

8. La chose m'apparaît comme un rêve, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> va certainem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> même pour<br />

mes compagnons ! Tout est bi<strong>en</strong> vrai, <strong>et</strong> il est impossible <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> doute le<br />

moins, du mon<strong>de</strong> tout ce qui s'est passé ici ; mais tant <strong>de</strong> choses extraordinaires<br />

sont arrivées <strong>en</strong> ce temps si bref que l'on ne peut toutes les saisir à la fois. Nous<br />

croyons fermem<strong>en</strong>t à ce qu'il y a <strong>et</strong> à ce qui arrive ici ; <strong>et</strong> il est aussi sûr <strong>et</strong> certain<br />

que Tu es le Messie annoncé par tous les prophètes qu'il est parfaitem<strong>en</strong>t sûr <strong>et</strong><br />

certain que ce vieux Romain est le <strong>grand</strong> gouverneur <strong>de</strong> toute l'Asie, du moins <strong>de</strong><br />

tout ce que les Romains <strong>en</strong> ont conquis. Mais il nous faudra sans doute <strong>en</strong>core<br />

longtemps pour que tout cela fasse <strong>en</strong> quelque sorte partie <strong>de</strong> notre vie !<br />

9. Aucun arbre ne se laisse abattre d'un seul coup, <strong>et</strong> nous ne pouvons nous non<br />

plus saisir parfaitem<strong>en</strong>t d'un seul coup pareille chose ; mais nous n'épargnerons<br />

pas notre peine <strong>et</strong> nous efforcerons avant tout d'apprécier sans faute <strong>et</strong> dans toute<br />

la profon<strong>de</strong>ur d'une vraie connaissance tout ce que nous avons vécu <strong>et</strong> tout ce qui<br />

est arrivé ici à cause <strong>de</strong> nous ! Car un homme ne peut assurém<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> vivre <strong>de</strong><br />

plus profond ni <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong> <strong>en</strong> aucun lieu <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre !<br />

10. Ainsi, nous croyons tous fermem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> sans le moindre doute que Tu es le<br />

Messie promis, malgré Tes origines fort humbles pour ce qui est <strong>de</strong> Ta condition<br />

matérielle terrestre, qui nous est plus ou moins connue. Tes par<strong>en</strong>ts terrestres<br />

sont pauvres, <strong>et</strong>, à notre connaissance, Ton père était un charp<strong>en</strong>tier <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h.<br />

L'asc<strong>en</strong>dance <strong>de</strong> Ta mère ne nous est pas connue, <strong>et</strong> il est d'autant plus<br />

remarquable que le Sauveur <strong>de</strong> tous les hommes, qui fut déjà annoncé aux<br />

premiers hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, ait pu v<strong>en</strong>ir au mon<strong>de</strong> dans une pauvr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> un<br />

dénuem<strong>en</strong>t aussi extraordinaires que, par l'esprit, Il pouvait avoir à Sa disposition<br />

<strong>de</strong> toute éternité tous les avantages d'une haute naissance.<br />

11. Si, à Ta v<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, Tu étais né <strong>de</strong>s <strong>en</strong>trailles d'une impératrice <strong>et</strong><br />

que Tu eusses accompli <strong>de</strong> tels signes, quel est le peuple <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre qui ne se<br />

fût soumis à Toi <strong>en</strong> toute chose ? ! Mais qu'étant le tout premier <strong>et</strong> le plus <strong>grand</strong><br />

<strong>de</strong>s hommes, oui, étant Dieu <strong>en</strong> personne sous forme humaine, Tu sois <strong>en</strong>tré dans<br />

ce mon<strong>de</strong> par une si humble naissance, est une chose qui <strong>en</strong> irritera sans doute<br />

violemm<strong>en</strong>t plus d'un ! Cela ne nous fait assurém<strong>en</strong>t plus ri<strong>en</strong>, à nous autres, <strong>et</strong><br />

nous préférons qu'il <strong>en</strong> soit ainsi ; mais tous les hommes ne p<strong>en</strong>seront pas comme<br />

nous à prés<strong>en</strong>t — sûrem<strong>en</strong>t pas les fiers habitants <strong>de</strong> Jérusalem, <strong>et</strong> moins que<br />

tous les templiers ! Car nous les connaissons : ils ne connaiss<strong>en</strong>t au mon<strong>de</strong> qu'un<br />

homme qu'ils aim<strong>en</strong>t <strong>et</strong> respect<strong>en</strong>t — tous les autres n'étant que boue —, <strong>et</strong> c<strong>et</strong><br />

homme, pour chaque templier sans aucune exception, c'est... lui-même ! Chacun<br />

s'aime <strong>et</strong> s'estime lui seul par-<strong>de</strong>ssus tout, <strong>et</strong> méprise au plus haut point chacun<br />

<strong>de</strong>s autres, quand bi<strong>en</strong> même il serait un Dieu ; seul un apparat extraordinaire<br />

peut <strong>en</strong>core parfois leur <strong>en</strong> imposer un peu.<br />

325


12. Si Tu v<strong>en</strong>ais aujourd'hui à Jérusalem, ô Seigneur, <strong>et</strong> que Tu le perm<strong>et</strong>tes, ils<br />

tuerai<strong>en</strong>t Ta chair dans les trois jours ; car chacun <strong>de</strong>s templiers ne connaît que<br />

lui-même. Chacun tuerait bi<strong>en</strong> l'autre sans doute ; mais comme chacun a besoin<br />

<strong>de</strong> l'autre pour parv<strong>en</strong>ir à ses fins parfaitem<strong>en</strong>t égoïstes, on se supporte l'un<br />

l'autre sous le masque <strong>de</strong> l'amitié la plus hypocrite qui soit.<br />

13. Chacun ne se fie d'ailleurs à l'autre que là où il peut le percer à jour dans les<br />

moindres détails, <strong>et</strong> pas un pouce au-<strong>de</strong>là ; pourtant, chacun feint <strong>en</strong>vers l'autre<br />

une confiance inconditionnelle. Mais s'il a besoin <strong>de</strong> lui pour quelque affaire,<br />

l'autre ne saurait lui fournir assez <strong>de</strong> cautions le contraignant d'agir honnêtem<strong>en</strong>t.<br />

Et même les cautions n'y font ri<strong>en</strong> ! Si celui à qui une mission d'affaires a été<br />

confiée y trouve, une fois l'affaire faite, un profit bi<strong>en</strong> supérieur à la caution<br />

fournie, il r<strong>en</strong>once à la caution pour empocher à la place le bénéfice plus <strong>grand</strong><br />

<strong>en</strong>core.<br />

14. Il y aurait <strong>en</strong>core beaucoup à dire sur ce suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>vant les hommes ; mais Tu<br />

sais sans doute déjà fort bi<strong>en</strong> tout cela, ô Seigneur, <strong>et</strong> parler davantage serait <strong>de</strong><br />

ma part pure sottise ; je Te le dis, c'est aussi pour cela que nous croyons<br />

fermem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Toi ; car il fallait que Tu vi<strong>en</strong>nes afin <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre un terme pour<br />

toujours à toutes ces abominations hypocrites. »<br />

Chapitre 162<br />

De la l<strong>en</strong>teur <strong>de</strong>s voies divines<br />

1. Je dis : « Mon cher Floran, tu es allé chercher <strong>en</strong> toi-même bi<strong>en</strong> plus que Je<br />

n'<strong>en</strong> <strong>de</strong>mandais ; mais il n'importe, c'était bi<strong>en</strong> ainsi !<br />

2. Oui, Je m<strong>et</strong>trai fin aux abominations à Jérusalem <strong>et</strong> ailleurs, mais il faudra que<br />

bi<strong>en</strong> d'autres partag<strong>en</strong>t ta conviction ! Nombreux sont ceux qui, dans leur <strong>grand</strong><br />

aveuglem<strong>en</strong>t, sont <strong>en</strong>core fortem<strong>en</strong>t attachés au Temple <strong>et</strong> ne vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t chercher<br />

que là leur salut <strong>et</strong> tous les secours ; si l'on ôtait du jour au l<strong>en</strong><strong>de</strong>main le Temple<br />

à ces aveugles, ils ne pr<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t pas cela pour une <strong>grand</strong>e faveur divine, mais<br />

pour le plus terrible <strong>de</strong>s jugem<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> serai<strong>en</strong>t plongés dans un désespoir<br />

effrayant qui aurait <strong>de</strong>s conséqu<strong>en</strong>ces bi<strong>en</strong> pires que leur aveuglem<strong>en</strong>t actuel, si<br />

grossier soit-il. Aux yeux du peuple, vous êtes les représ<strong>en</strong>tants du Temple, <strong>et</strong> il<br />

vous considère comme les disp<strong>en</strong>sateurs d'un salut dont le Temple serait empli.<br />

3. Je ne veux par là vous dire que ceci : vous <strong>de</strong>vrez montrer au peuple<br />

progressivem<strong>en</strong>t, voire d'un seul coup lorsque vous trouverez un accueil favorable,<br />

ce que le Temple est désormais, ce que font ses serviteurs <strong>et</strong> ce qu'ils sont<br />

<strong>en</strong>tre eux.<br />

4. Mais <strong>en</strong> même temps, vous <strong>de</strong>vrez attirer l'att<strong>en</strong>tion du peuple sur ce que vous<br />

aurez vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du ici, ce qui sera la meilleure manière <strong>de</strong> saper fort efficacem<strong>en</strong>t<br />

les néfastes <strong>en</strong>treprises du Temple <strong>et</strong> le Temple lui-même , <strong>et</strong> il finira<br />

par sombrer <strong>de</strong> lui-même dans la plus parfaite insignifiance, cessant ainsi d'être<br />

ce qu'il est ; <strong>et</strong> à sa place vi<strong>en</strong>dront les nouveaux temples <strong>de</strong> l'Esprit divin, qui<br />

constitueront au ciel une toute nouvelle Jérusalem.<br />

326


5. Bi<strong>en</strong> sûr, il vous faut <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre c<strong>et</strong>te bonne action le plus discrètem<strong>en</strong>t<br />

possible ; cela vous sera d'autant plus facile que vous êtes désormais citoy<strong>en</strong>s<br />

romains à part <strong>en</strong>tière <strong>et</strong> que le Temple ne peut plus s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre à vous, parce<br />

qu'<strong>en</strong>tre vous <strong>et</strong> le Temple, le glaive <strong>de</strong> Rome est là qui veille.<br />

6. C'est donc bi<strong>en</strong> là une fonction que Je vous confie. Remplissez-la, <strong>et</strong> la récomp<strong>en</strong>se<br />

ne manquera pas <strong>de</strong> suivre, vous pouvez <strong>en</strong> être pleinem<strong>en</strong>t assurés !<br />

— Cela vous convi<strong>en</strong>t-il ? »<br />

7. Stahar dit : « Seigneur, repr<strong>en</strong>drons-nous notre anci<strong>en</strong>ne position à Césarée <strong>de</strong><br />

Philippe, ou <strong>de</strong>vrons-nous nous r<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> quelque autre lieu ? »<br />

8. Je dis : « Vous <strong>de</strong>meurerez ici, à Césarée <strong>de</strong> Philippe, <strong>et</strong> serez sous l'autorité<br />

<strong>de</strong> notre hôte Marc, à qui Cyrénius <strong>et</strong> Moi-même confierons l'administration <strong>de</strong><br />

toute c<strong>et</strong>te contrée, comme, à la vérité, elle lui est déjà <strong>en</strong> <strong>grand</strong>e partie confiée.<br />

Le district <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe est vaste <strong>et</strong> compte <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> milliers<br />

d'habitants ; lorsque ceux-là seront éclairés, c<strong>et</strong>te lumière se répandra <strong>en</strong>suite<br />

aisém<strong>en</strong>t d'elle-même. Mais il dép<strong>en</strong>dra <strong>de</strong> votre intellig<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> œuvre<br />

tout cela ! »<br />

9. Stahar dit : « Seigneur, tout cela serait bel <strong>et</strong> bon ; mais la ville n'est désormais<br />

plus qu'un amas <strong>de</strong> ruines <strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>en</strong>dres ! Nous n'avons plus <strong>de</strong> maison, <strong>et</strong> notre<br />

synagogue fut l'un <strong>de</strong>s premiers édifices à être la proie <strong>de</strong>s flammes. Où<br />

<strong>de</strong>meurerons-nous ? »<br />

10. Je dis : « Que cela soit le moindre <strong>de</strong> vos soucis ! Si Je le veux, tout un<br />

mon<strong>de</strong> peut être <strong>de</strong>vant vous à l'instant, à plus forte raison une p<strong>et</strong>ite ville<br />

comme celle-ci ! En outre, Cyrénius, sout<strong>en</strong>u par Ma grâce, m<strong>et</strong>tra <strong>en</strong> œuvre très<br />

activem<strong>en</strong>t tous les moy<strong>en</strong>s nécessaires, <strong>et</strong> pourvoira donc aussi à votre<br />

logem<strong>en</strong>t. Enfin, les nobles invités que nous att<strong>en</strong>dons <strong>de</strong>puis ce matin abor<strong>de</strong>ront<br />

bi<strong>en</strong>tôt ici, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses pourront <strong>en</strong>core se déci<strong>de</strong>r alors. »<br />

11. Stahar s'incline très profondém<strong>en</strong>t, puis, s'adressant à Floran, dit à mi-voix : «<br />

Le Tout-Puissant parle sans doute comme un être humain, ce qui me plaît fort ;<br />

mais puisqu'une seule p<strong>en</strong>sée <strong>de</strong> Lui pourrait donner le coup <strong>de</strong> grâce final au<br />

Temple <strong>et</strong> à l'orgueilleuse Jérusalem, pourquoi donc ce l<strong>en</strong>t travail <strong>de</strong> sape ? »<br />

12. Floran dit : « Vois-tu, frère, c'est parce que nous sommes <strong>en</strong>core tous <strong>de</strong>ux<br />

bi<strong>en</strong> trop <strong>de</strong> la race <strong>de</strong>s ânes, <strong>et</strong> que ceux-ci sont loin d'avoir idée <strong>de</strong> ce qu'est<br />

l'ordre divin !<br />

13. Lorsque, au printemps, tu vois sur un arbre <strong>de</strong>s fruits <strong>en</strong>core très verts <strong>et</strong> durs<br />

comme pierre, tu aimerais bi<strong>en</strong> avoir pour le coup une manière <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ite toutepuissance<br />

! Tu aimerais pouvoir dire : "FIAT !" [Qu'il <strong>en</strong> soit ainsi], <strong>et</strong> les figues,<br />

les pommes, les poires, les prunes <strong>et</strong> les raisins serai<strong>en</strong>t mûrs à l'instant ! Mais le<br />

Créateur tout-puissant a prévu la chose autrem<strong>en</strong>t, comme l'expéri<strong>en</strong>ce nous le<br />

montre chaque jour <strong>et</strong> chaque année. Devons-nous pour autant nous interroger <strong>et</strong><br />

dire : "Le Tout-Puissant connaît pourtant bi<strong>en</strong> les besoins <strong>de</strong>s hommes ; pourquoi<br />

tar<strong>de</strong>-t-il donc tant à faire mûrir les fruits ?"<br />

14. De même, l'être humain doit <strong>de</strong>meurer <strong>de</strong>s années un <strong>en</strong>fant ignorant, donc<br />

un oisif, <strong>et</strong> ne <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t que peu à peu un homme, alors que le moineau, à quinze<br />

jours <strong>de</strong> sa naissance, est déjà un moineau accompli qui connaît parfaitem<strong>en</strong>t son<br />

327


domaine aéri<strong>en</strong>. La plupart <strong>de</strong>s animaux ont même dès la naissance les<br />

connaissances nécessaires à leurs activités — alors que l'homme a besoin <strong>de</strong> près<br />

<strong>de</strong> vingt années pour seulem<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>cer à s'y r<strong>et</strong>rouver un peu dans le vaste<br />

mon<strong>de</strong> ! C'est lui, le maître <strong>de</strong> la nature, qui doit le plus att<strong>en</strong>dre pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ce<br />

à quoi il est <strong>de</strong>stiné ! Ne pourrait-on dire là <strong>en</strong>core : "Ô Seigneur, Toi qui es toutpuissant,<br />

pourquoi n'as-Tu pas mieux pourvu l'être humain. Ton préféré —<br />

pourquoi faut-il justem<strong>en</strong>t que ce soit l'homme qui ait besoin <strong>de</strong> tout ce temps<br />

pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un homme ?!"<br />

15. Vois-tu, cela est dans l'ordre divin, qui nous est certes <strong>en</strong>core très largem<strong>en</strong>t<br />

incompréh<strong>en</strong>sible, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même, il y a sans doute <strong>de</strong>s raisons à cela si nous <strong>de</strong>vons<br />

saper le Temple peu à peu ; car le détruire soudainem<strong>en</strong>t plongerait dans le plus<br />

profond désespoir les innombrables aveugles pour qui le Temple <strong>de</strong>meure tout,<br />

ce qui serait bi<strong>en</strong> pire que <strong>de</strong> tolérer <strong>en</strong>core un peu la duplicité <strong>de</strong> ses indignes<br />

serviteurs !<br />

16. Il me semble avoir assez bi<strong>en</strong> perçu quelle était ici la p<strong>en</strong>sée du Seigneur, <strong>et</strong><br />

je ne compr<strong>en</strong>ds pas comm<strong>en</strong>t elle peut t'avoir si complètem<strong>en</strong>t échappé ! Je n'ai<br />

pas davantage compris comm<strong>en</strong>t tu avais pu questionner le Seigneur sur notre<br />

situation terrestre ! N'est-ce pas assez qu'il ait dit que nous <strong>de</strong>vions faire telle <strong>et</strong><br />

telle chose ?! Il est pourtant connu <strong>de</strong>puis toujours que celui qui m'<strong>en</strong>gage pour<br />

une tâche doit aussi assurer ma subsistance ! Et si même les plus égoïstes le font,<br />

combi<strong>en</strong> plus le fera le Seigneur du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> la terre, sans que nous ayons besoin<br />

<strong>de</strong> Le lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r !<br />

17. C'était vraim<strong>en</strong>t fort humain <strong>de</strong> ta part, mon cher frère ! Car par une telle<br />

question, tu as mis <strong>en</strong> évi<strong>de</strong>nce avec la plus <strong>grand</strong>e clarté ton incrédulité à bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s égards, <strong>et</strong> l'on doit p<strong>en</strong>ser avec juste raison qu'il y a <strong>en</strong>core <strong>en</strong> toi une bonne<br />

dose d'incrédulité, à laquelle tu dois maint<strong>en</strong>ant dire un adieu ferme <strong>et</strong> définitif !<br />

»<br />

Chapitre 163<br />

Indications pour la mission <strong>de</strong>s ouvriers dans les vignes du Seigneur<br />

1 Je dis à Floran : « Ami, ce n'est pas la chair qui te donne ces choses, mais<br />

l'esprit qui est <strong>en</strong> toi <strong>et</strong> qui vi<strong>en</strong>t d'<strong>en</strong> haut ! Il y a certes égalem<strong>en</strong>t un esprit <strong>en</strong><br />

Stahar ; mais c<strong>et</strong> esprit sommeille <strong>en</strong>core, <strong>et</strong> c'est ainsi que sa chair parle <strong>en</strong>core<br />

davantage que ne peut parler son esprit. Or, chacun se soucie avant tout <strong>de</strong> ce qui<br />

lui est le plus proche. À celui <strong>en</strong> qui parle un esprit éveillé, ce qui est le plus<br />

proche est aussi son esprit, <strong>et</strong> ses préoccupations seront principalem<strong>en</strong>t tournées<br />

vers ce qui regar<strong>de</strong> son esprit ; mais pour celui qui est <strong>en</strong>core davantage chair<br />

qu'esprit <strong>et</strong> qui parle <strong>et</strong> veut par la chair, c'est la chair qui lui est le plus proche, <strong>et</strong><br />

c'est pourquoi il se soucie avant tout <strong>de</strong> sa chair <strong>et</strong> m<strong>et</strong> au second plan les soucis<br />

<strong>de</strong> l'esprit.<br />

2. Tels sont les choses <strong>et</strong> les hommes <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> ; mais quand l'esprit <strong>de</strong> notre<br />

Stahar se sera davantage éveillé, lui aussi se préoccupera avant tout <strong>de</strong> ce qui est<br />

<strong>de</strong> l'esprit.<br />

328


3. Cep<strong>en</strong>dant, vous soucier vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'esprit signifie faire <strong>en</strong> sorte que vos<br />

cœurs s'empliss<strong>en</strong>t d'amour <strong>en</strong>vers Dieu <strong>et</strong> le prochain !<br />

4. Il est facile d'aimer les hommes bons <strong>et</strong> honorables <strong>et</strong> d'avoir commerce avec<br />

eux ; mais aller vers les pécheurs <strong>et</strong> les ram<strong>en</strong>er sur le droit chemin est une<br />

œuvre qui exige beaucoup d'abnégation.<br />

5. Car si tu traverses la rue avec une prostituée <strong>et</strong> une adultère, les g<strong>en</strong>s te<br />

montreront du doigt <strong>et</strong> diront <strong>de</strong> toi <strong>de</strong>s choses qui ne contribueront pas à te<br />

glorifier <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> ; mais si tu as ram<strong>en</strong>é c<strong>et</strong>te prostituée <strong>et</strong> adultère dans le<br />

droit chemin, tu <strong>en</strong> recevras <strong>de</strong> Dieu une <strong>grand</strong>e récomp<strong>en</strong>se, <strong>et</strong> la plus p<strong>et</strong>ite<br />

étincelle <strong>de</strong> cela vaut plus que tout un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la gloire la plus éclatante.<br />

6. Celui qui ramène à Moi un égaré sera davantage récomp<strong>en</strong>sé que celui qui<br />

M'aura bi<strong>en</strong> gardé c<strong>en</strong>t agneaux sur une prairie paisible. Car c'est une tâche fort<br />

aisée que <strong>de</strong> maint<strong>en</strong>ir dans l'honneur <strong>et</strong> dans la vertu un honnête homme ; mais<br />

pour r<strong>en</strong>dre honorable celui que tous mépris<strong>en</strong>t <strong>et</strong> faire d'un pécheur <strong>en</strong>durci un<br />

parangon <strong>de</strong> vertu, il <strong>en</strong> faut certes bi<strong>en</strong> davantage ! Et ce travail seul sera t<strong>en</strong>u<br />

par Moi <strong>en</strong> <strong>grand</strong>e estime — mais le premier n'est que le travail d'un val<strong>et</strong><br />

paresseux !<br />

7. Vous qui voulez bi<strong>en</strong> adm<strong>et</strong>tre que Je suis au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tout, sachez que Je ne<br />

recherche <strong>et</strong> ne recueille que ceux qui sont méprisés <strong>et</strong> perdus aux yeux du<br />

mon<strong>de</strong>. Car ceux qui sont <strong>en</strong> bonne santé n'ont certes pas besoin du mé<strong>de</strong>cin !<br />

8. Ainsi, si vous voulez <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir tout à fait Mes véritables disciples <strong>et</strong> serviteurs,<br />

il vous faut être <strong>en</strong> tout comme Je suis Moi-même.<br />

9. Si, voyant un aveugle sur une route, vous voyez aussi que le chemin où il<br />

marche est particulièrem<strong>en</strong>t dangereux, surtout pour un aveugle, n'allez-vous pas<br />

aussitôt pr<strong>en</strong>dre par le bras ce marcheur aveugle <strong>et</strong> lui dire : "Ami, le chemin où<br />

tu marches à prés<strong>en</strong>t est fort dangereux ; laisse-moi te conduire, afin <strong>de</strong> ne pas<br />

tomber dans un précipice !" Et s'il se fie alors à votre parole, aurez-vous honte <strong>de</strong><br />

conduire c<strong>et</strong> aveugle ? Pas un seul d'<strong>en</strong>tre vous, assurém<strong>en</strong>t !<br />

10. Mais un pécheur est souv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus aveugle <strong>en</strong> esprit que ne l'est l'aveugle<br />

par le corps ; qui peut donc avoir honte <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre par le bras un aveugle <strong>en</strong><br />

esprit ? !<br />

11. Aussi, qu'il n'y ait pas à l'av<strong>en</strong>ir pour vous <strong>de</strong> pécheur si <strong>grand</strong> que vous puissiez<br />

avoir honte <strong>de</strong> lui servir <strong>de</strong> gui<strong>de</strong> !<br />

12. Pr<strong>en</strong>ez tous bonne note <strong>de</strong> c<strong>et</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t, méditez-le longuem<strong>en</strong>t dans vos<br />

cœurs, <strong>et</strong> vous comm<strong>en</strong>cerez à apercevoir clairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vous les lumineuses<br />

voies <strong>de</strong> la Vie, <strong>et</strong> tout le reste par surcroît !<br />

13. Mais voici que <strong>de</strong>s vaisseaux approch<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce rivage ; ils amèn<strong>en</strong>t les invités<br />

att<strong>en</strong>dus, qui vous éclaireront sur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses. »<br />

Chapitre 164<br />

Les vaisseaux att<strong>en</strong>dus sont <strong>en</strong> vue<br />

329


1. De la maison, Marc <strong>et</strong> ses <strong>de</strong>ux fils remarqu<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t l'approche <strong>de</strong>s<br />

vaisseaux, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> bon pilotes, se r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt aussitôt sur le rivage où ils observ<strong>en</strong>t si<br />

tout va bi<strong>en</strong> à bord <strong>de</strong>s vaisseaux.<br />

2. Cyrénius, avec tous les Romains <strong>et</strong> les Grecs, s'empresse lui aussi vers le rivage<br />

afin <strong>de</strong> voir ce qu'amèn<strong>en</strong>t les trois vaisseaux. Mais ceux-ci sont <strong>en</strong>core<br />

assez loin sur les flots, à près d'une lieue du rivage, <strong>et</strong> les observateurs ne<br />

peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core distinguer qui se trouve à bord <strong>de</strong> ces trois vaisseaux, d'une taille<br />

considérable.<br />

3. Cyrénius Me le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, <strong>et</strong> Je réponds : « Ceux que nous att<strong>en</strong>dions déjà ce<br />

matin ! Ils ont eu à subir un v<strong>en</strong>t contraire, <strong>et</strong> la mer s'est démontée ; ils ont dû<br />

chercher un havre sur l'autre rive tandis que la tempête se déchaînait, <strong>et</strong> c'est là la<br />

raison <strong>de</strong> leur r<strong>et</strong>ard. Il y a déjà une bonne heure que midi est passé, <strong>et</strong> ils auront<br />

<strong>en</strong>core besoin d'une heure <strong>en</strong>tière pour arriver ici, parce que les rameurs doiv<strong>en</strong>t<br />

toujours affronter un p<strong>et</strong>it v<strong>en</strong>t contraire. Mais il ne ti<strong>en</strong>t qu'à nous <strong>de</strong> leur v<strong>en</strong>ir<br />

<strong>en</strong> ai<strong>de</strong> <strong>et</strong> d'abréger <strong>de</strong> beaucoup le chemin <strong>et</strong> le temps nécessaire. »<br />

4. Cyrénius dit : « Seigneur, n'<strong>en</strong>verrais-Tu pas Raphaël à leur r<strong>en</strong>contre, comme<br />

hier à celle d'Ouran ? »<br />

5. Je dis : « Ce n'est absolum<strong>en</strong>t pas nécessaire ici ; car le danger qui m<strong>en</strong>açait<br />

Ouran hier ne les m<strong>en</strong>ace pas ! Marc <strong>et</strong> ses <strong>de</strong>ux fils maîtriseront très facilem<strong>en</strong>t<br />

ces trois <strong>grand</strong>s vaisseaux, <strong>et</strong> ils seront ici dans une p<strong>et</strong>ite <strong>de</strong>mi-heure ! »<br />

6. Cyrénius dit : « Mais, Seigneur, ne feras-Tu donc aucun miracle aujourd'hui ?<br />

»<br />

7. Je dis : « N'as-tu donc pas lu dans Moïse : "Et le septième jour, l'esprit créateur<br />

<strong>de</strong> Dieu se reposa, <strong>et</strong> le septième jour <strong>de</strong>vint le sabbat" ? Si J'observe un peu le<br />

sabbat Moi aussi, Je fais bi<strong>en</strong>, puisque J'ai auparavant travaillé sans relâche six<br />

jours consécutifs ! En outre, n'ai-Je pas autour <strong>de</strong> Moi toutes sortes <strong>de</strong> serviteurs<br />

qui agiss<strong>en</strong>t ou peuv<strong>en</strong>t agir désormais <strong>en</strong> Mon nom <strong>et</strong> avec toute la force <strong>de</strong><br />

celui-ci ?! »<br />

8. Cyrénius dit : « Seigneur, cela a sans doute <strong>en</strong>core quelque signification<br />

particulière ; mais je ne <strong>de</strong>vine pas du tout le s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> ce passage ! »<br />

9. Je dis : « Eh bi<strong>en</strong>, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à n'importe qui, <strong>et</strong> tout le sera expliqué ! Mais<br />

Moi, Je pr<strong>en</strong>ds maint<strong>en</strong>ant un peu <strong>de</strong> repos, non pas pour Moi-même, mais pour<br />

vous, afin <strong>de</strong> vous donner l'occasion d'agir, <strong>et</strong> <strong>de</strong> la sorte, J'agis pourtant bi<strong>en</strong> <strong>en</strong><br />

vous tous. — Ne compr<strong>en</strong>ds-tu donc pas cela ? »<br />

10. Cyrénius dit : « Oui, oui, à prés<strong>en</strong>t, je compr<strong>en</strong>ds ! Et j'imagine bi<strong>en</strong> aussi<br />

Tes raisons ! »<br />

11. Je dis : « Tu n'as pas là la tâche trop difficile, puisque Je vous l'ai très<br />

clairem<strong>en</strong>t dit à tous ce matin ! Avant le repas <strong>de</strong> midi, Je ne ferai ri<strong>en</strong> Moimême,<br />

mais après le repas, Je trouverai bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core l'occasion <strong>de</strong> faire quelque<br />

chose ; <strong>et</strong> p<strong>en</strong>dant que Je parle, Je fais pourtant déjà quelque chose, avant même<br />

le repas <strong>de</strong> midi.<br />

12. Mais il faut maint<strong>en</strong>ant dire à Marc qu'il <strong>en</strong>voie ses <strong>de</strong>ux fils à la r<strong>en</strong>contre<br />

<strong>de</strong>s vaisseaux, <strong>et</strong> que lui-même s'occupe <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> servir les tables ; car lorsque les<br />

330


invités att<strong>en</strong>dus arriveront, ils seront fort épuisés, affamés <strong>et</strong> assoiffés, <strong>de</strong> même<br />

que leurs serviteurs <strong>et</strong> les pauvres matelots. »<br />

13. Là-<strong>de</strong>ssus, Je fis un signe à Marc, <strong>et</strong>, compr<strong>en</strong>ant Mon signe, il ordonna à ses<br />

fils d'appareiller au plus vite, <strong>et</strong> lui-même <strong>en</strong>tra aussitôt dans la maison, où<br />

chacun se mit à s'activer.<br />

14. Une <strong>grand</strong>e animation régnait égalem<strong>en</strong>t dans les t<strong>en</strong>tes d'Ouran ; car Mathaël<br />

<strong>et</strong> ses quatre compagnons, sa jeune épouse Hélène <strong>et</strong> le roi Ouran avai<strong>en</strong>t<br />

remarqué les vaisseaux <strong>de</strong>puis les t<strong>en</strong>tes, où ils s'étai<strong>en</strong>t r<strong>et</strong>irés une heure plus tôt<br />

pour y changer <strong>de</strong> vêtem<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> pour que Mathaël pût revêtir <strong>de</strong>s habits royaux <strong>et</strong><br />

ainsi paraître pour ce qu'il était aux yeux <strong>de</strong>s arrivants.<br />

15. Ouran vi<strong>en</strong>t vers Moi <strong>en</strong> hâte <strong>et</strong> Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> très humblem<strong>en</strong>t : « Seigneur,<br />

que peuv<strong>en</strong>t nous am<strong>en</strong>er ces vaisseaux ? Ne serai<strong>en</strong>t-ce pas par hasard les hôtes<br />

très illustres (*) que nous att<strong>en</strong>dons ? »<br />

16. Je dis : « Mon ami, ces termes-là convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t mieux à une cour ! En notre<br />

prés<strong>en</strong>ce, il n'y a pas d'hôtes plus émin<strong>en</strong>ts ni plus humbles, mais seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

frères <strong>de</strong> A jusqu'à Z. Si Je puis Me faire appeler votre ami <strong>et</strong> votre frère,<br />

comm<strong>en</strong>t y aurait-il parmi vous <strong>de</strong>s hommes supérieurs ou inférieurs ? Je te le<br />

dis, seul le Tout-Puissant est un vrai seigneur parmi vous, mais vous tous êtes<br />

<strong>de</strong>s frères <strong>en</strong>tre vous, <strong>et</strong> les val<strong>et</strong>s <strong>et</strong> les serviteurs d'un seul Maître !<br />

17. Crois-tu donc que les rois val<strong>en</strong>t mieux à Mes yeux que les plus humbles <strong>de</strong><br />

leurs serviteurs pour la seule raison qu'ils sont rois <strong>et</strong> puissants ? Oh, il n'<strong>en</strong> est<br />

ri<strong>en</strong> ! Seul le cœur déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> cela ; le roi doit savoir <strong>en</strong> lui-même pourquoi il est<br />

roi, <strong>et</strong> le serviteur pourquoi il est serviteur, sans quoi le roi comme le serviteur le<br />

plus humble sont à Mes yeux au même niveau, c'est-à-dire tout <strong>en</strong> bas.<br />

18. Aussi, souvi<strong>en</strong>s-toi, Mon ami Ouran, qu'il n'y a pas <strong>de</strong>vant Moi d'hôtes plus<br />

<strong>grand</strong>s ou plus humbles, mais seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants, <strong>de</strong>s frères <strong>et</strong> <strong>de</strong>s sœurs ! »<br />

19. C<strong>et</strong>te remontrance satisfit pleinem<strong>en</strong>t Ouran, qui s'inclina profondém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> ne<br />

posa pas d'autre question.<br />

Chapitre 165<br />

Des dangers <strong>de</strong> l'orgueil<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our près <strong>de</strong> Mathaël, il (Ouran) dit : « Il ne fait pas bon parler<br />

avec le Seigneur aujourd'hui ! Je Lui ai tout simplem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>mandé si c'étai<strong>en</strong>t là<br />

les illustres hôtes att<strong>en</strong>dus qui arrivai<strong>en</strong>t, mais ce mot "illustres" m'a valu une<br />

ru<strong>de</strong> leçon, que j'oublierai assurém<strong>en</strong>t d'autant moins qu'elle me fut donnée avec<br />

c<strong>et</strong>te ru<strong>de</strong>sse ! On dirait vraim<strong>en</strong>t que le Seigneur a changé du tout au tout ! Hier,<br />

Il était tout amour <strong>et</strong> douceur ; mais aujourd'hui, tous ceux qui L'approch<strong>en</strong>t<br />

reçoiv<strong>en</strong>t une leçon bi<strong>en</strong> s<strong>en</strong>tie ! Je n'y compr<strong>en</strong>ds absolum<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> ! »<br />

(*)<br />

« Die sehr hoh<strong>en</strong> Gäste » : hoch signifie haut, <strong>grand</strong>, noble, émin<strong>en</strong>t..., par opposition à nie<strong>de</strong>r<br />

ou gering : bas, humble, p<strong>et</strong>it... En qualifiant les hôtes att<strong>en</strong>dus d'« illustres », Ouran les compare<br />

donc involontairem<strong>en</strong>t au « Très-Haut » (<strong>de</strong>r Allerhöchste, litt. « le plus haut <strong>de</strong> tous »), d'où la<br />

remontrance qui suit. (N.d.T.)<br />

331


2. Mathaël dit : « Moi, oui ! Comm<strong>en</strong>t pourrait-il me v<strong>en</strong>ir à l'idée, même <strong>en</strong><br />

songe, <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au Très-Haut, au Seigneur tout-puissant, si <strong>de</strong>s hôtes<br />

"illustres" arriv<strong>en</strong>t d'où que ce soit ?! Que sommes-nous, nous les hommes, <strong>et</strong><br />

Lui, qui est-Il ?! Il ne fait aucun cas <strong>de</strong> Lui-même <strong>de</strong>vant nous, Il est plein<br />

d'amour <strong>et</strong> d'humilité, <strong>et</strong> nous voudrions pouvoir parler <strong>de</strong>vant Lui d'hôtes<br />

illustres ?! Cela était tout <strong>de</strong> même un peu trop déplacé, mon très cher beau-père,<br />

<strong>et</strong> le Seigneur ne pouvait faire d'autre réponse à une telle question ; car si tu me<br />

l'avais posée <strong>de</strong> la même manière, je ne suis pas certain que ma réponse n'eût pas<br />

été <strong>en</strong>core un peu plus ru<strong>de</strong> <strong>et</strong> brutale ! Mais le Seigneur, qui est toujours la<br />

douceur même, blâme nos fautes sans passion <strong>et</strong> dans le seul but <strong>de</strong> nous faire<br />

reconnaître notre erreur. Va <strong>de</strong>vant Lui <strong>et</strong> reconnais cela, <strong>et</strong> Il te parlera aussitôt<br />

d'autre manière ! »<br />

3. Ouran dit : « Tu as raison, <strong>en</strong>core une fois ; oh, si j'ai commis une faute, elle<br />

doit être immédiatem<strong>en</strong>t réparée ! »<br />

4. À ces mots, Ouran, quittant à nouveau ses t<strong>en</strong>tes, revint aussitôt vers Moi <strong>et</strong> dit<br />

: « Seigneur, je T'ai gravem<strong>en</strong>t manqué tout à l'heure avec ma vaine question !<br />

Pardonne-moi c<strong>et</strong>te faute ; car je ne l'ai pas commise volontairem<strong>en</strong>t, mais —<br />

pour parler sans détour — à cause <strong>de</strong> ma vieille sottise, ce que Tu as à coup sûr<br />

parfaitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>viné, ô Seigneur ! »<br />

5. Je dis : « Mon ami, à celui qui reconnaît une faute pour telle <strong>en</strong> lui-même <strong>et</strong><br />

qui s'<strong>en</strong> corrige, c<strong>et</strong>te faute est déjà pardonnée pour toujours ; <strong>et</strong> à celui qui, par<br />

surcroît, se tourne vers Moi, toute faute est doublem<strong>en</strong>t pardonnée !<br />

6. Mais à celui qui, bi<strong>en</strong> qu'ayant reconnu sa faute, ne cherche pas à s'<strong>en</strong> défaire,<br />

c<strong>et</strong>te faute n'est pas pardonnée, quand bi<strong>en</strong> même il s'adresserait c<strong>en</strong>t fois à Moi !<br />

7. Car Je te le dis, celui qui vi<strong>en</strong>t à Moi <strong>en</strong> disant "Seigneur, Seigneur !" n'est pas<br />

Mon ami, loin <strong>de</strong> là, mais seul l'est celui qui accomplit Ma volonté ; <strong>et</strong> celle-ci<br />

est que vous ne m<strong>et</strong>tiez pas votre personne au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s autres hommes<br />

à cause <strong>de</strong> votre fonction.<br />

8. Vous <strong>de</strong>vez certes toujours exercer votre fonction loyalem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> comme il<br />

convi<strong>en</strong>t — mais ne jamais oublier pour autant un seul instant que ceux sur lesquels<br />

vous exercez une juste autorité sont absolum<strong>en</strong>t vos égaux, <strong>et</strong> donc vos<br />

frères !<br />

9. Le véritable amour du prochain vous <strong>en</strong>seigne d'ailleurs cela <strong>de</strong> lui-même par<br />

l'amour auth<strong>en</strong>tique que vous avez pour Moi <strong>en</strong> tant que Mes <strong>en</strong>fants.<br />

10. Lorsque cela est nécessaire, faites prévaloir l'apparat <strong>et</strong> la gloire <strong>de</strong> votre<br />

fonction ; mais vous-mêmes <strong>de</strong>vez être pleins d'amour <strong>et</strong> d'humilité, <strong>et</strong> c'est ainsi<br />

que votre jugem<strong>en</strong>t sur vos frères <strong>et</strong> sœurs fourvoyés sera toujours juste selon<br />

Mon ordonnance !<br />

11. Je ne t'ai dit ce que J'ai dit qu'afin <strong>de</strong> te montrer quelle était Mon ordonnance<br />

<strong>et</strong> Ma volonté <strong>en</strong> cela aussi ; car Je te le dis : à l'av<strong>en</strong>ir, Mon royaume ne sera pas<br />

révélé <strong>en</strong> esprit à celui qui n'abandonnera pas jusqu'à la plus p<strong>et</strong>ite parcelle<br />

d'orgueil, <strong>et</strong> il n'y <strong>en</strong>trera pas tant qu'il n'aura pas chassé <strong>de</strong> lui-même jusqu'à la<br />

<strong>de</strong>rnière parcelle d'orgueil !<br />

332


12. À prés<strong>en</strong>t, va <strong>et</strong> annonce cela à tous ceux chez qui tu découvriras quelque<br />

p<strong>et</strong>it orgueil ! »<br />

13. Sur ces paroles, Ouran s'inclina <strong>de</strong> nouveau profondém<strong>en</strong>t, selon sa coutume,<br />

<strong>et</strong> r<strong>et</strong>ourna aussitôt près <strong>de</strong>s si<strong>en</strong>s. Mathaël lui <strong>de</strong>manda alors comm<strong>en</strong>t Je l'avais<br />

reçu.<br />

14. Ouran lui répond : « Le Seigneur a été très bi<strong>en</strong>veillant, Il m'a montré ce<br />

qu'étai<strong>en</strong>t la vérité, l'ordre <strong>et</strong> la justice dans la véritable humilité, <strong>et</strong> je suis <strong>de</strong><br />

nouveau aussi heureux qu'avant. »<br />

15. Mathaël dit : « Oui, mon père <strong>et</strong> mon frère dans la vraie humilité ! Notre<br />

fonction est certes très émin<strong>en</strong>te à l'égard <strong>de</strong> millions <strong>de</strong> nos frères <strong>et</strong> sœurs —<br />

mais elle est aussi très difficile <strong>de</strong>vant le Tout-Puissant ! Il faut pr<strong>en</strong>dre bi<strong>en</strong><br />

gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> ne pas se laisser <strong>en</strong>traîner dans sa propre personne par la supériorité <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te haute fonction, car l'on <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drait alors très fier <strong>et</strong> orgueilleux <strong>et</strong> l'on<br />

cesserait <strong>de</strong> se considérer comme un homme oint par Dieu pour servir tous ses<br />

frères <strong>de</strong> son mieux, donc <strong>en</strong> quelque sorte pour être le serviteur par excell<strong>en</strong>ce.<br />

16. Mais ceux <strong>de</strong> notre état <strong>et</strong> <strong>de</strong> notre fonction qui s'élèv<strong>en</strong>t seront à coup sûr<br />

fort abaissés, comme on le voit sans peine dans toute la succession <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong><br />

Judée. Et telles les choses étai<strong>en</strong>t, telles elles <strong>de</strong>meureront jusqu'à la fin du<br />

mon<strong>de</strong> ! Il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> respl<strong>en</strong>dir d'or <strong>et</strong> <strong>de</strong> pierres précieuses <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer<br />

malgré tout plus humble <strong>en</strong> son cœur que le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> ses suj<strong>et</strong>s ! Seules<br />

la grâce <strong>et</strong> la <strong>grand</strong>e miséricor<strong>de</strong> du Seigneur peuv<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ir un roi dans<br />

l'ordonnance céleste au milieu <strong>de</strong> sa spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur terrestre ! »<br />

17. Ouran dit : « Oui, tu as raison ! — Mais les trois vaisseaux sont à prés<strong>en</strong>t tout<br />

proches du rivage ; allons-y nous aussi, afin <strong>de</strong> pouvoir saluer les arrivants ! »<br />

18. Là-<strong>de</strong>ssus, tous <strong>de</strong>sc<strong>en</strong><strong>de</strong>nt promptem<strong>en</strong>t vers le débarcadère.<br />

Chapitre 166<br />

Joie <strong>de</strong>s r<strong>et</strong>rouvailles avec les arrivants<br />

1. Quand les nouveaux arrivants m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t pied à terre <strong>et</strong> M'aperçoiv<strong>en</strong>t, ils ouvr<strong>en</strong>t<br />

tout <strong>grand</strong> les bras <strong>et</strong> pleur<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la joie <strong>de</strong> Me revoir.<br />

2. Cornélius salue égalem<strong>en</strong>t aussitôt son frère Cyrénius <strong>et</strong> dit : « Ah, puisque<br />

vous êtes là, je n'ai plus ri<strong>en</strong> à faire que <strong>de</strong> me réjouir démesurém<strong>en</strong>t d'avoir <strong>en</strong>core<br />

une fois le très <strong>grand</strong> bonheur d'être parmi vous ! »<br />

3. Quant à Faustus, Kisjonah <strong>et</strong> Philopold, les larmes <strong>de</strong> joie les empêch<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>core <strong>de</strong> prononcer un seul mot ; les serviteurs eux aussi s'étonn<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Me<br />

r<strong>et</strong>rouver ici.<br />

4. Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Cornélius quand il a appris le sort <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Césarée<br />

<strong>de</strong> Philippe.<br />

5. Cornélius dit : « À vrai dire, ce n'est pas un messager qui me l'a appris, mais<br />

j'<strong>en</strong> avais seulem<strong>en</strong>t le fort soupçon ! La journée d'hier fut spectaculaire à tous<br />

égards : pour comm<strong>en</strong>cer une éclipse totale <strong>de</strong> soleil, qui, <strong>en</strong> plein jour, nous a<br />

333


i<strong>en</strong> laissés tr<strong>en</strong>te instants dans une nuit complète ; <strong>et</strong> le soir, alors qu'il aurait dû<br />

faire nuit, il a plu au soleil <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer <strong>en</strong>core une heure ou <strong>de</strong>ux au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />

l'horizon, ce qui, naturellem<strong>en</strong>t, a causé une s<strong>en</strong>sation in<strong>de</strong>scriptible tant chez les<br />

Juifs que chez les Grecs <strong>et</strong> les Romains.<br />

6. Si le nouveau chef <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s, qui est maint<strong>en</strong>ant un <strong>grand</strong> ami <strong>de</strong> notre<br />

Jaïrus, n'était pas un homme fort sage <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>grand</strong> sang-froid, <strong>de</strong> même que son<br />

voisin <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, ces <strong>de</strong>ux villes aurai<strong>en</strong>t pu <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir elles aussi la proie <strong>de</strong>s<br />

flammes ; mais les <strong>de</strong>ux chefs ont t<strong>en</strong>u <strong>en</strong> personne <strong>de</strong>s discours fort avisés à la<br />

population au comble <strong>de</strong> l'inquiétu<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'agitation, <strong>et</strong> celle-ci a bi<strong>en</strong> voulu<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre raison <strong>et</strong> se calmer, pour le plus <strong>grand</strong> nombre. Quant aux plus exaltés,<br />

je les ai fait m<strong>et</strong>tre sous bonne gar<strong>de</strong> <strong>et</strong>, les ayant ram<strong>en</strong>és à la raison, leur ai<br />

r<strong>en</strong>du la liberté dès ce matin.<br />

7. Mais, comme Faustus à Nazar<strong>et</strong>h <strong>et</strong> moi-même à Capharnaüm avions rétabli<br />

l'ordre <strong>et</strong> la paix, Faustus arriva bi<strong>en</strong>tôt, hors d'haleine, chez moi à Capharnaüm ;<br />

car, <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h, il avait aperçu un <strong>grand</strong> rougeoiem<strong>en</strong>t d'inc<strong>en</strong>die <strong>de</strong> notre côté,<br />

<strong>et</strong> il craignait que quelque chose ne fût arrivé à Capharnaüm. Cep<strong>en</strong>dant, arrivant<br />

à Capharnaüm, il trouva tout tranquille, mais vint chez moi afin <strong>de</strong> m'apporter la<br />

nouvelle. Avec lui <strong>et</strong> une suite nombreuse, je montai sur la plus haute colline <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>virons <strong>de</strong> Capharnaüm. De là, nous vîmes bi<strong>en</strong> ce rougeoiem<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>ir <strong>et</strong> se<br />

r<strong>en</strong>forcer ; mais aucun d'<strong>en</strong>tre nous ne put déterminer à coup sûr l'<strong>en</strong>droit où le<br />

malheur avait frappé. Ce n'est que tôt ce matin, quand le soleil nous permit <strong>de</strong><br />

reconnaître sans doute possible les parages <strong>et</strong> que, malgré le <strong>grand</strong> éloignem<strong>en</strong>t,<br />

je pus voir que l'abondante fumée montait probablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la contrée <strong>de</strong> Césarée<br />

<strong>de</strong> Philippe, que je résolus <strong>de</strong> faire route dans c<strong>et</strong>te direction PER MARE <strong>et</strong> d'y rechercher<br />

ce qui avait été la proie <strong>de</strong>s flammes.<br />

8. Comme j'arrivais au rivage <strong>et</strong> cherchais à m'embarquer, notre ami Kisjonah<br />

arriva avec Philopold <strong>et</strong> m'informa que, <strong>de</strong> l'une <strong>de</strong> ses plus hautes montagnes, il<br />

avait vu sans erreur possible que Césarée <strong>de</strong> Philippe était <strong>en</strong> flammes.<br />

9. À c<strong>et</strong>te nouvelle, d'ailleurs confirmée par Philopold dans l'une <strong>de</strong> ses visions<br />

temporaires, nous montâmes <strong>en</strong> toute hâte sur le bateau <strong>de</strong> l'ami Kisjonah <strong>et</strong> nous<br />

dirigeâmes vers ce lieu, aussi droit que nous le permir<strong>en</strong>t quelques v<strong>en</strong>ts<br />

contraires. En chemin, sur la haute mer, je me convainquis à plusieurs reprises<br />

qu'il s'agissait bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe, <strong>et</strong> je me <strong>de</strong>mandais avec inquiétu<strong>de</strong><br />

ce que j'aurais à faire.<br />

10. Mais, r<strong>en</strong>contre inespérée <strong>et</strong> sacrée, voici que je r<strong>et</strong>rouve le Seigneur <strong>de</strong> toute<br />

gloire, ses disciples <strong>et</strong> toi-même, mon très cher frère ! Ah, à prés<strong>en</strong>t, toutes mes<br />

craintes sont dissipées ! Car tout est pour le mieux <strong>de</strong>puis bi<strong>en</strong> longtemps !<br />

11. Mais Te voici, Toi mon tout, Toi mon plus <strong>grand</strong> ami, Toi mon très saint<br />

Maître éternel ! Ô Jésus, mon ami le plus cher ! Oh, voici à prés<strong>en</strong>t que toute Ta<br />

toute-puissance ne peut plus ri<strong>en</strong> contre mon trop <strong>grand</strong> amour ! Il faut que Tu<br />

me laisses Te serrer dans mes bras ! Je l'ai certes déjà fait tous les jours bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

fois ; mais à prés<strong>en</strong>t, je puis <strong>en</strong>fin le faire dans la réalité physique ! »<br />

12. À ces mots, Cornélius M'étreignit, Me pressa presque convulsivem<strong>en</strong>t contre<br />

son cœur <strong>et</strong> couvrit Ma tête <strong>de</strong>s baisers les plus chaleureux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s larmes <strong>de</strong> la<br />

joie la plus extrême. Lorsqu'il eut ainsi donné libre cours à l'élan <strong>de</strong> son noble<br />

334


cœur, il relâcha doucem<strong>en</strong>t son étreinte <strong>et</strong>, ému jusqu'au fond <strong>de</strong> l'âme, dit : «<br />

Seigneur, Maître, Dieu <strong>et</strong> Créateur <strong>de</strong> tout l'infini, spirituel <strong>et</strong> matériel, dis-moi<br />

quel bi<strong>en</strong> je puis faire à prés<strong>en</strong>t ! Car Tu connais mon cœur ! »<br />

13. Je dis : « Tu connais Mon cœur toi aussi ! Fais ce que ton cœur te dicte <strong>en</strong><br />

Mon nom, <strong>et</strong> tu <strong>en</strong> feras suffisamm<strong>en</strong>t pour toi comme pour Moi ! Mais puisque,<br />

dans l'élan <strong>de</strong> ton cœur, tu M'as fait viol<strong>en</strong>ce comme nul ne l'avait <strong>en</strong>core fait<br />

jusqu'ici, Je te ferai Moi aussi bi<strong>en</strong>tôt, après Mon élévation <strong>et</strong> dès c<strong>et</strong>te terre, une<br />

autre viol<strong>en</strong>ce grâce à laquelle ni toi, ni aucun membre <strong>de</strong> ta maison ne verra ni<br />

n'éprouvera jamais la mort du corps !<br />

14. C<strong>et</strong>te marque d'amour <strong>de</strong> ta part M'a réjoui au plus profond <strong>de</strong> Moi-même, <strong>et</strong><br />

il n'y a pas eu d'autre exemple dans l'éternité <strong>et</strong> jusqu'à c<strong>et</strong> instant <strong>de</strong> ce que tu<br />

vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> Me témoigner là — si ce n'est chez les p<strong>et</strong>its <strong>en</strong>fants, qui reconnaiss<strong>en</strong>t<br />

leur Père plus vite que les adultes. À prés<strong>en</strong>t, laisse-Moi t'embrasser Moi aussi !<br />

»<br />

15. Cornélius, pleurant <strong>de</strong> joie, dit : « Seigneur, Maître <strong>et</strong> Dieu, je ne serai jamais<br />

digne d'une grâce si infinim<strong>en</strong>t sacrée ! »<br />

16. Je dis : « Eh bi<strong>en</strong>, Je t'<strong>en</strong> r<strong>en</strong>ds digne, ainsi, vi<strong>en</strong>s vers Moi ! »<br />

17. Cornélius vint à Moi <strong>et</strong> Je l'étreignis. Il se mit alors à pleurer <strong>et</strong> à sangloter à<br />

<strong>grand</strong> bruit, <strong>et</strong> beaucoup crur<strong>en</strong>t que quelque chose n'allait pas pour qu'il pleurât<br />

ainsi. Mais il se reprit <strong>et</strong> dit : « Tranquillisez-vous ! Non seulem<strong>en</strong>t je ne manque<br />

<strong>de</strong> ri<strong>en</strong>, mais je n'ai que trop, <strong>et</strong> c'est la joie qui m'arrache ces larmes. »<br />

18. Mais Kisjonah s'avance vers Moi <strong>et</strong> Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec tristesse : « Seigneur,<br />

p<strong>en</strong>ses-Tu aussi du bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> moi, n'es-Tu pas fâché contre moi ? »<br />

19. Je dis : « Comm<strong>en</strong>t peux-tu Me poser une telle question, Mon frère ?! Tu<br />

M'aimes par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>et</strong> Je t'aime dans la même mesure — que veux-tu <strong>de</strong> plus<br />

? Ne sais-tu donc pas, comme Je te l'ai dit <strong>en</strong> confi<strong>de</strong>nce, que nous <strong>de</strong>meurerons<br />

éternellem<strong>en</strong>t amis <strong>et</strong> frères ?! Or, quand Je dis une chose, cela vaut pour<br />

l'éternité <strong>en</strong> ce qui Me concerne ; <strong>et</strong> si tu <strong>de</strong>meures toi aussi tel que tu es, cela<br />

vaudra égalem<strong>en</strong>t pour l'éternité <strong>en</strong> ce qui te concerne, <strong>et</strong> ri<strong>en</strong> ne sera changé ! —<br />

N'es-tu pas cont<strong>en</strong>t ainsi ? »<br />

20. Kisjonah dit : « Ô Seigneur, je suis plus cont<strong>en</strong>t que je ne saurais le dire, <strong>et</strong><br />

comblé <strong>de</strong> joie d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre à nouveau une très sainte parole <strong>de</strong> Ta très sainte<br />

bouche ! »<br />

21. Je dis à Kisjonah : « Tu <strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dras beaucoup d'autres <strong>en</strong>core ! Mais regar<strong>de</strong><br />

ces cinquante Pharisi<strong>en</strong>s : tu <strong>en</strong> reconnaîtras certains qui étai<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>ts lors <strong>de</strong><br />

l'affaire qui s'est produite chez toi ! »<br />

22. Kisjonah, Cornélius <strong>et</strong> Faustus observ<strong>en</strong>t <strong>de</strong> près les cinquante, <strong>et</strong> Kisjonah,<br />

dont la mémoire <strong>de</strong>s choses <strong>et</strong> <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s est particulièrem<strong>en</strong>t bonne, découvre<br />

aussitôt huit hommes qui avai<strong>en</strong>t participé au <strong>grand</strong> convoi à travers la<br />

montagne (*) , <strong>et</strong> il dit : « Que font donc ceux-là ici ?! Sont-ils prisonniers <strong>et</strong> ont-ils<br />

par hasard été pris lors d'un nouveau transport ou à l'occasion <strong>de</strong> quelque autre<br />

(*)<br />

À propos <strong>de</strong>s trésors cachés par les Pharisi<strong>en</strong>s dans une grotte <strong>de</strong> la montagne <strong>de</strong> Kisjonah,<br />

voir fin du vol. I <strong>et</strong> début du vol. II. (N.d.T.)<br />

335


friponnerie ? »<br />

23. Je dis : « Ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout cela ! C'est le soleil tardif d'hier <strong>et</strong> l'inc<strong>en</strong>die <strong>de</strong> la ville<br />

qui a suivi, <strong>et</strong> dans lequel, bi<strong>en</strong> sûr, ils avai<strong>en</strong>t eux-mêmes la plus <strong>grand</strong>e<br />

responsabilité, qui les a mis <strong>en</strong>tre nos mains ; mais ils sont désormais tout à fait<br />

<strong>de</strong>s nôtres <strong>et</strong> citoy<strong>en</strong>s romains à part <strong>en</strong>tière.<br />

24. Car, voyez-vous, Je séjourne ici <strong>de</strong>puis sept jours déjà, <strong>et</strong> cela uniquem<strong>en</strong>t<br />

parce que la pêche y est bonne ; on trouve ici les meilleurs poissons <strong>de</strong> la mer<br />

naturelle, mais aussi les meilleurs poissons spirituels <strong>de</strong> la mer <strong>de</strong> l'esprit ! Et <strong>en</strong><br />

vérité, dans le temps que nous avons déjà passé ici, nous avons fait une récolte<br />

tout à fait étonnante <strong>et</strong> remarquable !<br />

25. Vois par exemple ces cinquante hommes : c'est notre prise d'aujourd'hui, <strong>et</strong> il<br />

n'y a là que du bon ! Un peu plus loin, tu aperçois un autre groupe <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te<br />

hommes, tous parfaitem<strong>en</strong>t sains : une prise d'hier ! Là, à une table, douze autres,<br />

égalem<strong>en</strong>t très sains ; <strong>en</strong>core une prise d'hier ! Et là-bas, près <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>tes, vous <strong>en</strong><br />

voyez <strong>en</strong>core cinq, <strong>de</strong> l'espèce la plus choisie : égalem<strong>en</strong>t d'hier ! — Dis-Moi si<br />

ce n'est pas là du bon travail ! »<br />

26. Kisjonah dit : « Oui, <strong>en</strong> vérité, si tous ceux-là sont acquis, le royaume <strong>de</strong><br />

Dieu que Tu annonces sur terre a ainsi <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t progressé, <strong>et</strong> cela d'autant<br />

plus qu'il semble s'agir là presque uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> templiers, dont les plus vieux<br />

sont bi<strong>en</strong> difficiles à convertir ! Mais, bi<strong>en</strong> sûr, une fois convertis, ils sont sans<br />

doute aussi fermes que le roc !<br />

27. Cep<strong>en</strong>dant, je remarque égalem<strong>en</strong>t ici l'honnête Ebahi <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h avec<br />

une <strong>de</strong> ses filles ; fait-il lui aussi partie <strong>de</strong> ceux que Tu as pris ? »<br />

28. Je dis : « Il est vrai ; mais il est v<strong>en</strong>u dans nos fil<strong>et</strong>s avec toute sa maison dès<br />

la <strong>grand</strong>e pêche <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h, où la fill<strong>et</strong>te fut un p<strong>et</strong>it poisson <strong>de</strong> l'espèce la<br />

meilleure ! Tu auras l'occasion <strong>de</strong> mieux la connaître, <strong>et</strong> <strong>en</strong> éprouveras beaucoup<br />

<strong>de</strong> joie ; bi<strong>en</strong> peu assurém<strong>en</strong>t pourrai<strong>en</strong>t rivaliser avec elle pour ce qui est <strong>de</strong> la<br />

très pure sagesse <strong>de</strong> l'âme ainsi que <strong>de</strong> la pur<strong>et</strong>é du cœur ! Si Je te dis cela <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te, te faut-il un témoignage meilleur <strong>et</strong> plus digne <strong>de</strong> foi ? »<br />

29. Kisjonah dit : « Ô Seigneur, le Ti<strong>en</strong> les surpasse tous ! Mais je me réjouis <strong>de</strong><br />

pouvoir converser avec c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te. »<br />

30. Faustus Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Mais ne sont-ce pas là <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>tes royales ? Le vieil<br />

homme porte <strong>de</strong>s habits tout à fait royaux — <strong>et</strong> aussi le jeune homme qui parle<br />

<strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t avec la jeune femme ! Font-ils égalem<strong>en</strong>t partie <strong>de</strong> ceux qui ont<br />

été capturés pour le ciel d'amour <strong>et</strong> <strong>de</strong> lumière ?<br />

31. Je dis : « Il est vrai ; c'est là un roi du Pont ! Son royaume est <strong>grand</strong>, <strong>et</strong> il a<br />

toujours gouverné son peuple fort sagem<strong>en</strong>t par <strong>de</strong>s lois certes douces, mais qui<br />

<strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t être strictem<strong>en</strong>t observées. Cep<strong>en</strong>dant, il s'est r<strong>en</strong>du compte que pour<br />

r<strong>en</strong>dre tout à fait heureux un <strong>grand</strong> peuple, il fallait d'abord connaître soi-même<br />

la vérité <strong>et</strong> l'unique vrai Dieu. Ayant <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire que l'on ne pouvait trouver une<br />

telle chose qu'à Jérusalem, il s'est mis <strong>en</strong> route vers le sud. Au cours <strong>de</strong> ce<br />

voyage, il a r<strong>en</strong>contré c<strong>et</strong>te mer intérieure <strong>et</strong> a voulu la traverser pour rejoindre<br />

Jérusalem.<br />

336


32. Mais l'éclipse <strong>de</strong> soleil d'hier l'a mis dans un <strong>grand</strong> péril, dont Je l'ai fait tirer<br />

par Mon ange qui nous l'a am<strong>en</strong>é ; <strong>et</strong> c'est ainsi qu'il se trouve ici. Seuls lui <strong>et</strong> sa<br />

fille Hélène sont arrivés ainsi, avec les quelques serviteurs dont ils avai<strong>en</strong>t<br />

besoin.<br />

33. Quant au jeune roi, il était auparavant lui aussi un jeune templier, <strong>et</strong>, homme<br />

<strong>de</strong> <strong>grand</strong> tal<strong>en</strong>t, il avait été <strong>en</strong>voyé comme missionnaire dans le mon<strong>de</strong>. Mais à la<br />

frontière <strong>en</strong>tre la Judée <strong>et</strong> la Samarie, il tomba avec quatre autres compagnons<br />

aux mains <strong>de</strong> bandits <strong>et</strong> fut contraint, avec ses compagnons, <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir leur<br />

complice. Plongées dans la tristesse <strong>et</strong> le désespoir, les âmes <strong>de</strong>s cinq se<br />

cachèr<strong>en</strong>t sous l'aile <strong>de</strong> leur esprit, <strong>et</strong> c'est alors que les plus méchants <strong>et</strong> les plus<br />

obstinés <strong>de</strong>s esprits <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer prir<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t possession <strong>de</strong> leurs corps. Seule<br />

une importante patrouille romaine put parv<strong>en</strong>ir à s'emparer <strong>de</strong>s cinq diables,<br />

comme on les nommait dans le peuple. Et ce n'est que fortem<strong>en</strong>t escortés <strong>et</strong><br />

étroitem<strong>en</strong>t liés <strong>de</strong> tous côtés par <strong>de</strong> lour<strong>de</strong>s chaînes qu'ils pur<strong>en</strong>t être am<strong>en</strong>és ici<br />

avant-hier. Selon les sévères lois romaines, ils ne pouvai<strong>en</strong>t att<strong>en</strong>dre à Sidon<br />

qu'une mise à mort dans les plus <strong>grand</strong>s tourm<strong>en</strong>ts.<br />

34. Mais J'avais vu leurs âmes <strong>et</strong> leur esprit, <strong>et</strong> Je purifiai leur chair <strong>de</strong>s mauvais<br />

esprits infernaux, <strong>et</strong> si vous parlez avec eux maint<strong>en</strong>ant, vous pourrez voir par<br />

vous-mêmes à qui vous avez affaire ! En particulier, Mathaël — à prés<strong>en</strong>t<br />

l'époux <strong>de</strong> la fille du roi <strong>et</strong> lui-même désormais vice-roi — est un homme <strong>de</strong>vant<br />

qui tout mortel doit tirer son chapeau (*) .<br />

35. Il est, dans toute la mesure où cela est déjà possible, <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t régénéré <strong>en</strong><br />

esprit, <strong>et</strong> sera pour Moi un puissant instrum<strong>en</strong>t contre les paï<strong>en</strong>s du vaste Nord.<br />

Quand vous parlerez avec lui, vous ferez vous-mêmes l'expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ce qu'est<br />

son esprit. »<br />

36. Cornélius dit : « Mais qui est, Seigneur, ce jeune garçon — non pas Josoé,<br />

que nous connaissons déjà <strong>de</strong>puis Nazar<strong>et</strong>h, mais l'autre, celui qui s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

ce mom<strong>en</strong>t même avec la fill<strong>et</strong>te ? »<br />

37. Je dis : « C'est précisém<strong>en</strong>t l'ange dont Je vous ai dit qu'il avait sauvé hier le<br />

vieux roi <strong>et</strong> sa fille. Il se trouve <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> trois semaines déjà parmi les<br />

mortels, <strong>et</strong> Je lui ai principalem<strong>en</strong>t confié l'éducation <strong>de</strong> la fill<strong>et</strong>te ; cep<strong>en</strong>dant, il<br />

est égalem<strong>en</strong>t au service <strong>de</strong> tous les Mi<strong>en</strong>s. »<br />

38. Philopold <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Qui est donc l'hôte du lieu, <strong>et</strong> quel est son nom ? »<br />

39. Je dis : « C'est un vétéran romain, une âme particulièrem<strong>en</strong>t loyale <strong>et</strong> amie <strong>de</strong><br />

toute vérité ; il a <strong>en</strong> tout six <strong>en</strong>fants, <strong>de</strong>ux fils <strong>et</strong> quatre filles fort aimables <strong>et</strong><br />

g<strong>en</strong>tilles, <strong>et</strong> aussi une épouse exemplaire, qui ne connaît que la volonté <strong>de</strong> son<br />

très brave homme <strong>de</strong> mari.<br />

40. C'est pour c<strong>et</strong>te raison aussi qu'il M'a plu <strong>de</strong> Me r<strong>et</strong>irer pour le mom<strong>en</strong>t chez<br />

c<strong>et</strong>te famille jusque-là très pauvre ; <strong>et</strong> vous allez voir, ce à l'instant même,<br />

comm<strong>en</strong>t ces huit-là sav<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant préparer pour <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines d'autres un<br />

repas <strong>de</strong> midi qui vous fera à tous <strong>grand</strong> plaisir. Voyez, le vieil hôte vi<strong>en</strong>t déjà<br />

vers nous pour nous annoncer que le repas <strong>de</strong> midi est tout à fait prêt ! »<br />

(*) Sic. (N.d.T.)<br />

337


Chapitre 167<br />

À propos <strong>de</strong>s prophéties sur l'incarnation du Seigneur<br />

1. Comme Je finissais <strong>de</strong> prononcer ces mots, notre Marc arriva <strong>et</strong> Me <strong>de</strong>manda<br />

si, le repas <strong>de</strong> midi étant prêt, il <strong>de</strong>vait le faire apporter ; car on approchait déjà<br />

<strong>de</strong> la neuvième heure du jour (trois heures <strong>de</strong> l'après-midi).<br />

2. Et Je dis : « Fais-le apporter ; car ceux que nous att<strong>en</strong>dions sont là, <strong>et</strong> tout est<br />

pour le mieux ! »<br />

3. Cornélius interpelle le vieux Marc <strong>en</strong> disant : « Eh bi<strong>en</strong>, vieux frère d'armes,<br />

ne me reconnais-tu plus du tout ? Ne te souvi<strong>en</strong>s-tu pas d'avoir été avec moi <strong>en</strong><br />

Illyrie <strong>et</strong> <strong>en</strong> Pannonie (*) ? Il est vrai que j'étais alors plus un <strong>en</strong>fant qu'un guerrier<br />

; mais près <strong>de</strong> quarante-cinq ans se sont écoulés <strong>de</strong>puis, <strong>et</strong> j'<strong>en</strong> aurai bi<strong>en</strong>tôt<br />

soixante ! »<br />

4. Marc dit : « Ô noble souverain, cela est <strong>en</strong>core très prés<strong>en</strong>t à ma mémoire ! Il a<br />

fallu employer les <strong>grand</strong>s moy<strong>en</strong>s pour parv<strong>en</strong>ir à un ordre acceptable dans ces<br />

populations querelleuses <strong>et</strong> batailleuses. Au début, les choses ne se passèr<strong>en</strong>t pas<br />

précisém<strong>en</strong>t au mieux pour nous sur le haut Ister [Danube], dans la région <strong>de</strong><br />

Vindobona [Vi<strong>en</strong>ne] ; mais au bout d'une ou <strong>de</strong>ux années, la cause fut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due,<br />

<strong>et</strong> nous vécûmes là <strong>de</strong>s heures fort agréables.<br />

5. Les us <strong>et</strong> coutumes <strong>de</strong> ces Germains étai<strong>en</strong>t sans doute quelque peu ru<strong>de</strong>s pour<br />

nous autres Romains ; mais nous leur <strong>en</strong>seignâmes peu à peu une plus <strong>grand</strong>e<br />

largeur d'esprit, <strong>et</strong> les choses <strong>de</strong>vinr<strong>en</strong>t tout à fait supportables. Le vin qu'ils<br />

fabriquai<strong>en</strong>t était léger <strong>et</strong> aigre ; mais une fois que l'on s'y était accoutumé, il se<br />

laissait boire.<br />

6. Mais c'est précisém<strong>en</strong>t non loin <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ville <strong>de</strong> Vindobona, <strong>en</strong> remontant<br />

l'Ister, alors que nous chassions le sanglier <strong>et</strong> <strong>en</strong> avions tué, je crois, près <strong>de</strong><br />

quarante, que nous avons r<strong>en</strong>contré ce clairvoyant <strong>et</strong> prêtre germain à la longue<br />

barbe, qui, p<strong>en</strong>dant notre chasse au sanglier, était resté assis dans un chêne <strong>et</strong><br />

nous avait regardés combattre les sangliers. C<strong>et</strong> homme parlait un peu la langue<br />

romaine <strong>et</strong>, comme nous donnions le coup <strong>de</strong> grâce à un sanglier sous son chêne,<br />

il nous dit à tous <strong>de</strong>ux :<br />

7. "Écoutez-moi bi<strong>en</strong>, hardis jeunes g<strong>en</strong>s ! En Asie, dans le pays au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s<br />

eaux, <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es choses vous att<strong>en</strong><strong>de</strong>nt ! Vous y verrez ce que nul mortel n'a<br />

<strong>en</strong>core jamais vu ! Ici ne fleurit que la mort ; <strong>de</strong> même que le massif sanglier a<br />

péri sous vos lances <strong>et</strong> vos glaives tranchants, tout périt ici, dans ce pays <strong>de</strong> la<br />

mort ! Mais <strong>en</strong> Asie fleurit la vie ; celui qui sera là-bas ne verra jamais la mort !"<br />

8. Puis il se tut ; quand nous le pressâmes <strong>en</strong>suite <strong>de</strong> questions, il ne nous<br />

répondit pas, <strong>et</strong> nous poursuivîmes notre chemin à la recherche d'autres sangliers.<br />

— Mais c'est pourtant bi<strong>en</strong> une vraie prophétie que ce vieux Germain avait faite,<br />

<strong>et</strong> nous vivons maint<strong>en</strong>ant ce qu'il nous avait prédit ! »<br />

(*)<br />

La province romaine <strong>de</strong> Pannonie, au sud du Danube, correspondant aujourd'hui à la Hongrie<br />

occi<strong>de</strong>ntale <strong>et</strong> à une partie <strong>de</strong> l'Autriche <strong>et</strong> <strong>de</strong> la Yougoslavie. (Région évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> connue<br />

<strong>de</strong> <strong>Lorber</strong> ! N.d.T.)<br />

338


9. Cornélius dit : « Ah, j'avais presque oublié ce vieux Germain ! Mais c'est vrai,<br />

c'est vrai, tu as raison ! Il faudra que nous <strong>en</strong> reparlions <strong>en</strong>semble ! »<br />

10. Le vieux Marc s'<strong>en</strong> alla disposer les plats sur les tables avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

serviteurs <strong>de</strong> Cyrénius <strong>et</strong> <strong>de</strong> Jules, <strong>et</strong> Cornélius Me dit : « Seigneur, que dis-Tu<br />

<strong>de</strong> la prophétie qui nous fut réellem<strong>en</strong>t faite par ce Germain, il y a bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

années, <strong>en</strong> Europe, à moi-même <strong>et</strong> au vieux Marc, qui <strong>de</strong>vait être mon aîné d'une<br />

dizaine d'années ? »<br />

11. Je dis : « Dans tous les peuples, où qu'ils <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t sur la vaste ét<strong>en</strong>due <strong>de</strong> la<br />

terre, il existe une prophétie, déjà faite <strong>et</strong> donnée aux premiers hommes <strong>de</strong> la<br />

terre, à Mon propos <strong>et</strong> à propos <strong>de</strong> Ma prés<strong>en</strong>te v<strong>en</strong>ue parmi les hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

terre, <strong>et</strong> leurs prêtres ont toujours trouvé moy<strong>en</strong>, à travers les mythes <strong>et</strong> par l'élan<br />

intérieur <strong>de</strong> leur cœur, <strong>de</strong> parv<strong>en</strong>ir à une forme <strong>de</strong> contemplation spirituelle, <strong>et</strong> ils<br />

ont prophétisé <strong>en</strong> <strong>de</strong>s images certes souv<strong>en</strong>t très confuses, qu'<strong>en</strong> définitive ils ne<br />

compr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas eux-mêmes.<br />

12. Ce n'est que par la répétition <strong>de</strong>s extases <strong>de</strong> la passion que certains accédai<strong>en</strong>t<br />

parfois à une intuition plus claire <strong>et</strong> expliquai<strong>en</strong>t alors un peu mieux les visions<br />

qu'ils avai<strong>en</strong>t déjà eues.<br />

13. Il <strong>en</strong> était <strong>de</strong> même chez les Germains. Ce Germain se trouvait précisém<strong>en</strong>t<br />

dans un état d'extase clairvoyante sur son chêne, dont les émanations, s'ajoutant à<br />

la peur causée par vos lances <strong>et</strong> vos glaives, avai<strong>en</strong>t contribué à le m<strong>et</strong>tre dans<br />

c<strong>et</strong> état, <strong>et</strong> c'est ainsi qu'il a prophétisé pour vous. Lorsqu'il s'est éveillé <strong>en</strong>suite, il<br />

ne savait plus ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout ce qu'il vous avait dit, <strong>et</strong> ne pouvait donc répondre aux<br />

questions dont vous le pressiez.<br />

14. Telle est donc la nature <strong>de</strong> ces prophéties ! Si vous adm<strong>et</strong>tez cela, la sorcière<br />

d'Endor, <strong>en</strong> son temps, était aussi dans une extase clairvoyante lorsque Saül la<br />

contraignit à invoquer pour lui l'esprit <strong>de</strong> Samuel, bi<strong>en</strong> qu'<strong>en</strong> temps ordinaire elle<br />

ne fût <strong>en</strong> relation qu'avec les mauvais esprits dénaturés <strong>et</strong> ne prophétisât donc<br />

que m<strong>en</strong>songes, perfidie <strong>et</strong> tromperie.<br />

15. Nul homme n'est si définitivem<strong>en</strong>t perdu <strong>et</strong> si méchant qu'il ne puisse à un<br />

mom<strong>en</strong>t donné faire quelque prophétie juste ; mais celle-ci n'est vraie qu'<strong>en</strong> ellemême,<br />

<strong>et</strong> ne peut être <strong>en</strong> même temps garante <strong>de</strong> toutes les prophéties faites par<br />

lui.<br />

16. C'est ainsi que les oracles <strong>de</strong> Dodome <strong>et</strong> <strong>de</strong> Delphes ont bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t fait <strong>de</strong>s<br />

prophéties fort vraies ; mais pour une vraie, il y <strong>en</strong> avait <strong>en</strong>suite mille fausses <strong>et</strong><br />

m<strong>en</strong>songères.<br />

17. Il est égalem<strong>en</strong>t indubitable que certains clairvoyants <strong>et</strong> prophètes ont même<br />

accompli <strong>de</strong>s miracles ; mais à l'inverse, d'autres, inspirés par les mauvais esprits<br />

qui stimulai<strong>en</strong>t leur intellig<strong>en</strong>ce terrestre, ont aussi inv<strong>en</strong>té quantité <strong>de</strong> miracles<br />

illusoires grâce auxquels ils ont <strong>en</strong>jôlé pour mille ans <strong>de</strong>s peuples <strong>en</strong>tiers <strong>et</strong> vécu<br />

sans aucun souci jusqu'à ce que quelque prophète mît fin à leurs honteuses<br />

m<strong>en</strong>ées.<br />

18. Mais cela n'allait jamais sans mal ; car un peuple une fois convaincu ne se<br />

laisse déjà pas aisém<strong>en</strong>t rappeler à l'ordre lui-même, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> moins ses<br />

prêtres imposteurs, dont les <strong>grand</strong>s avantages terrestres sont ainsi remis <strong>en</strong><br />

339


question.<br />

19. Il vous est maint<strong>en</strong>ant donné à tous <strong>de</strong> constater combi<strong>en</strong> cela M'est difficile<br />

à Moi-même, <strong>et</strong> pourtant, Je ti<strong>en</strong>s un langage que nul prophète n'avait jamais<br />

t<strong>en</strong>u avant Moi, <strong>et</strong> J'accomplis <strong>de</strong>s actes dont nul n'avait jamais eu idée jusqu'ici !<br />

Le ciel est <strong>grand</strong> ouvert, les anges <strong>en</strong> <strong>de</strong>sc<strong>en</strong><strong>de</strong>nt pour Me servir <strong>et</strong> parler <strong>de</strong> Moi,<br />

<strong>et</strong> pourtant, il se trouve même <strong>de</strong>s disciples dont la foi, bi<strong>en</strong> qu'ils soi<strong>en</strong>t<br />

constamm<strong>en</strong>t près <strong>de</strong> Moi <strong>et</strong> qu'ils voi<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt tout cela, est <strong>en</strong>core <strong>et</strong><br />

toujours pareille à une girou<strong>et</strong>te ou à un mince roseau que le v<strong>en</strong>t, d'où qu'il<br />

vi<strong>en</strong>ne, fait tourner à son gré ! Qu'<strong>en</strong> sera-t-il alors <strong>de</strong>s autres hommes <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> ! »<br />

Chapitre 168<br />

De la direction <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s peuples<br />

1. (Le Seigneur :) « Je pourrais certes convertir à l'instant tous les hommes par<br />

Ma parole toute-puissante ; mais qu'advi<strong>en</strong>drait-il alors <strong>de</strong> la force <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

liberté que leur esprit doit acquérir par lui-même ?!<br />

2. Vous voyez par là aisém<strong>en</strong>t qu'il n'est pas facile <strong>de</strong> combattre efficacem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

sans préjudice pour leur libre arbitre <strong>et</strong> pour la nécessaire autodétermination <strong>de</strong><br />

leur esprit les erreurs qui se sont insinuées dans les peuples.<br />

3. Mais il est tout aussi difficile d'empêcher <strong>de</strong> telles erreurs <strong>de</strong> se répandre<br />

jamais ; car le vrai comme le faux, le bon comme le mauvais doiv<strong>en</strong>t être offerts<br />

au libre exam<strong>en</strong>, à la connaissance <strong>et</strong> au choix <strong>de</strong> la partie spirituelle <strong>de</strong> l'homme,<br />

sans quoi celui-ci ne serait jamais am<strong>en</strong>é à p<strong>en</strong>ser.<br />

4. Pour ne pas s'<strong>en</strong>dormir, il faut qu'il se trouve dans une lutte continuelle ; <strong>et</strong> sa<br />

vie doit trouver sans cesse <strong>de</strong> nouvelles occasions <strong>de</strong> s'exercer comme telle, donc<br />

<strong>de</strong> se maint<strong>en</strong>ir <strong>et</strong> se fortifier par elle-même <strong>et</strong> ainsi <strong>de</strong> parv<strong>en</strong>ir à son<br />

accomplissem<strong>en</strong>t.<br />

5. Si Je ne perm<strong>et</strong>tais jamais que les erreurs parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aux hommes, mais<br />

seulem<strong>en</strong>t la vérité avec ses eff<strong>et</strong>s déterminés <strong>et</strong> <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t nécessaires, les<br />

hommes <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t semblables à un ripailleur débauché si extrêmem<strong>en</strong>t riche<br />

qu'il ne se soucie finalem<strong>en</strong>t plus <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> que <strong>de</strong> remplir stupi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t son v<strong>en</strong>tre<br />

<strong>en</strong> temps utile !<br />

6. Si, comme cela nous serait aisém<strong>en</strong>t possible, nous pourvoyions au mieux tous<br />

les hommes <strong>de</strong> ce qui est nécessaire à leur corps, vous pouvez être assurés qu'il<br />

n'y aurait bi<strong>en</strong>tôt plus ni prêtres, ni rois, ni soldats, mais pas davantage <strong>de</strong><br />

citadins, <strong>de</strong> paysans, <strong>de</strong> travailleurs ni d'artisans ; car pourquoi <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t-ils<br />

travailler ou avoir quelque activité que ce soit, s'ils étai<strong>en</strong>t déjà pourvus <strong>en</strong><br />

surabondance <strong>de</strong> tout ce qui est nécessaire à toute leur vie ?!<br />

7. Il faut donc que la nécessité <strong>et</strong> la misère exist<strong>en</strong>t parmi les hommes, <strong>de</strong> même<br />

que la douleur <strong>et</strong> la souffrance, afin qu'ils ne dépériss<strong>en</strong>t pas dans une paresse<br />

oisive !<br />

340


8. Vous voyez donc par là que tout doit exister chez les hommes pour qu'ils<br />

soi<strong>en</strong>t constamm<strong>en</strong>t incités à diverses activités ; <strong>et</strong> c'est pour c<strong>et</strong>te raison ess<strong>en</strong>tielle<br />

qu'il est finalem<strong>en</strong>t tout aussi difficile d'empêcher les erreurs <strong>de</strong> s'introduire<br />

que <strong>de</strong> déraciner celles qui se sont déjà introduites.<br />

9. Aussi les conséqu<strong>en</strong>ces toujours mauvaises qui résult<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s erreurs sont-elles<br />

finalem<strong>en</strong>t elles-mêmes le meilleur moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> faire cesser ces erreurs <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

répandre la vérité.<br />

10. L'humanité doit d'abord passer par la détresse <strong>et</strong> la misère qui naiss<strong>en</strong>t du<br />

m<strong>en</strong>songe <strong>et</strong> <strong>de</strong> la tromperie pour pouvoir éprouver profondém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> vivem<strong>en</strong>t le<br />

besoin criant <strong>de</strong> la vérité <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>cer à chercher celle-ci tout à fait sérieusem<strong>en</strong>t,<br />

comme l'a cherchée Ouran, le vieux roi du Pont, <strong>et</strong> l'humanité trouve<br />

alors bi<strong>en</strong> vite c<strong>et</strong>te vérité, comme Ouran l'a trouvée, <strong>et</strong> c'est seulem<strong>en</strong>t ainsi que<br />

la vérité durem<strong>en</strong>t découverte à travers toutes ces nécessaires difficultés lui sera<br />

véritablem<strong>en</strong>t profitable ; car s'il [l'homme] la trouvait aussi aisém<strong>en</strong>t qu'il trouve<br />

le soleil <strong>en</strong> regardant un ciel sans nuage, elle n'aurait bi<strong>en</strong>tôt pour lui plus aucune<br />

valeur, <strong>et</strong>, pour se divertir, il courrait après le m<strong>en</strong>songe comme, le jour, le<br />

marcheur recherche l'ombre autant que possible ; <strong>et</strong> plus elle est épaisse, plus elle<br />

lui plaît.<br />

11. Ainsi donc, l'homme <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre est au fond exactem<strong>en</strong>t ce qu'il doit être<br />

pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un homme au s<strong>en</strong>s propre du terme ; mais il faut aussi que toutes les<br />

circonstances extérieures dans lesquelles il se trouve ou qu'il r<strong>en</strong>contrera soi<strong>en</strong>t<br />

telles qu'elles le contraign<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un homme véritable !<br />

12. Moi-même, Je ne puis à prés<strong>en</strong>t livrer à l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s hommes la vérité<br />

toute nue, mais seulem<strong>en</strong>t la voiler par <strong>de</strong>s paraboles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s images, afin qu'il<br />

[l'homme] ne puisse la démêler qu'<strong>en</strong> scrutant ces images. Ce n'est qu'avec les<br />

quelques-uns qui sont ici que Je la dis maint<strong>en</strong>ant sans r<strong>et</strong><strong>en</strong>ue ; mais ceux à qui<br />

vous la transm<strong>et</strong>trez ne <strong>de</strong>vront pas eux-mêmes la recevoir <strong>de</strong> vous toute nue,<br />

mais égalem<strong>en</strong>t quelque peu voilée, afin que ne leur soit pas r<strong>et</strong>irée la possibilité<br />

<strong>de</strong> réfléchir <strong>et</strong> d'agir librem<strong>en</strong>t. Et afin que vous ne tombiez pas vous aussi dans<br />

l'indiffér<strong>en</strong>ce, Je vous dis égalem<strong>en</strong>t ceci :<br />

13. J'aurais pu vous dire <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, mais vous ne sauriez les<br />

supporter déjà ; mais quand l'Esprit <strong>de</strong> vérité <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dra sur vous <strong>et</strong> vos <strong>en</strong>fants, il<br />

vous conduira <strong>en</strong> toute vérité. Ainsi vivrez-vous alors sur c<strong>et</strong>te terre dans toute la<br />

vérité possible, <strong>et</strong> c'est celle-ci qui rem<strong>et</strong>tra <strong>en</strong>tre vos mains la clé <strong>de</strong>s<br />

innombrables vérités du ciel, dont le dévoilem<strong>en</strong>t toujours r<strong>en</strong>ouvelé <strong>et</strong> toujours<br />

plus profond vous donnera toujours plus à faire dans l'éternité !<br />

14. Mais Marc nous invite à nous m<strong>et</strong>tre à table, <strong>et</strong> c'est là aussi une vérité qu'il<br />

nous faut suivre ! »<br />

Chapitre 169<br />

Le <strong>grand</strong> repas <strong>en</strong> commun chez Marc<br />

1. À ce discours, Cornélius tombe une nouvelle fois dans mes bras <strong>et</strong> dit avec une<br />

341


profon<strong>de</strong> émotion : « Ah, seul un Dieu, <strong>et</strong> non un homme, peut t<strong>en</strong>ir aux hommes<br />

<strong>de</strong> tels propos ! »<br />

2. Je dis : « Oui, ce que tu dis <strong>de</strong> Moi est fort juste <strong>et</strong> bon, <strong>et</strong> ce témoignage<br />

portera pour toi les meilleurs fruits ! Ce n'est pas ta chair qui te donne cela, mais<br />

ton esprit, qui vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Dieu comme le Mi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> c'est pourquoi tu es pour Moi un<br />

ami <strong>et</strong> un frère véritable.<br />

3. Mais puisque nous sommes dans la chair, r<strong>en</strong>dons-nous maint<strong>en</strong>ant à l'appel<br />

qui vi<strong>en</strong>t lui aussi <strong>de</strong> la chair <strong>et</strong> satisfaisons aux besoins extérieurs ! »<br />

4. Tous acquiesc<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> nous nous r<strong>en</strong>dons aux tables où nous att<strong>en</strong><strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s<br />

poissons <strong>de</strong> la meilleure espèce fort bi<strong>en</strong> préparés.<br />

5. À la table où Je pr<strong>en</strong>ds place, Cyrénius s'assoit à Ma droite, Cornélius à côté<br />

<strong>de</strong> lui, <strong>et</strong> <strong>en</strong> face <strong>de</strong> nous Faustus, Kisjonah, Jules <strong>et</strong> Philopold ; à Ma gauche est<br />

assise Jarah, puis Raphaël, le garçon Josoé, puis Ebahi. La longue partie du bas<br />

<strong>de</strong> la table, <strong>en</strong> continuant à gauche, est occupée par Mes disciples, <strong>et</strong> la partie<br />

haute, à droite, par la famille royale d'Ouran, avec Mathaël, Rob, Boz, Micha <strong>et</strong><br />

Zahr.<br />

6. Une autre très longue table accueille les cinquante Pharisi<strong>en</strong>s ; c<strong>et</strong>te table est<br />

parallèle à la Mi<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> sous Mes yeux, <strong>et</strong> Stahar <strong>et</strong> Floran sont assis au milieu<br />

<strong>de</strong> manière qu'ils puiss<strong>en</strong>t voir Mon visage.<br />

7. Une troisième table, <strong>de</strong>rrière Moi, accueille les tr<strong>en</strong>te jeunes Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong><br />

lévites ; leurs principaux orateurs, Hébram <strong>et</strong> Risa, sont assis juste <strong>de</strong>rrière Mon<br />

dos, mais tournés vers celui-ci.<br />

8. Derrière la partie gauche <strong>de</strong> Ma table, c'est-à-dire <strong>de</strong>rrière Mes disciples, se<br />

trouve une table plus courte, placée <strong>en</strong> travers, avec les douze conduits par leurs<br />

porte-parole Suétal, Ribar <strong>et</strong> Baël ; <strong>et</strong> près <strong>de</strong> la partie supérieure, juste <strong>de</strong>rrière<br />

Ouran, il y a <strong>en</strong>core une p<strong>et</strong>ite table où a pris place le pauvre Hermès, le<br />

messager <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe que l'on sait, avec son épouse à prés<strong>en</strong>t<br />

magnifiquem<strong>en</strong>t vêtue, leurs trois vraies filles <strong>et</strong> leur quatrième fille adoptive.<br />

Tous ceux qui Me suiv<strong>en</strong>t sont donc à prés<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> installés.<br />

9. Quant aux domestiques, ils avai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s tables plus loin <strong>et</strong> étai<strong>en</strong>t eux aussi<br />

pourvus au mieux, <strong>de</strong> même que les soldats, au nombre <strong>de</strong> plusieurs c<strong>en</strong>taines,<br />

qui <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t subv<strong>en</strong>ir eux-mêmes à leurs besoins, comme cela fut toujours la<br />

coutume chez les Romains.<br />

10. À prés<strong>en</strong>t, tous sont occupés comme nous à se restaurer <strong>et</strong> à repr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s<br />

forces, <strong>et</strong> tous Me lou<strong>en</strong>t pour ce bon repas si extraordinairemcnt fortifiant.<br />

11. Les tables sont couvertes <strong>de</strong> poissons, <strong>de</strong> pain <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> bons<br />

fruits sucrés — figues, poires, pommes, prunes <strong>et</strong> même raisins —, <strong>et</strong> aucune ne<br />

manque du vin le meilleur ; <strong>et</strong> autour <strong>de</strong>s tables, il n'est personne qui ne se s<strong>en</strong>te<br />

animé du plus bel appétit, aussi le vieux Marc <strong>et</strong> ses <strong>de</strong>ux fils, ainsi que ses <strong>de</strong>ux<br />

filles aînées, se démèn<strong>en</strong>t-ils avec <strong>en</strong>train <strong>de</strong> tous côtés <strong>et</strong> ne laiss<strong>en</strong>t-ils aucune<br />

table manquer <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> !<br />

12. Le vin délie peu à peu les langues, <strong>et</strong> on élève la voix <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus aux<br />

différ<strong>en</strong>tes tables. À Ma table égalem<strong>en</strong>t, on ne cesse <strong>de</strong> s'étonner à propos <strong>de</strong>s<br />

342


m<strong>et</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong>s boissons, <strong>et</strong> Ma Jarah elle-même s'anime <strong>et</strong> n'a pas assez <strong>de</strong> louanges<br />

pour la douceur <strong>de</strong>s raisins, car la saison du raisin n'était pas <strong>en</strong>core tout à fait<br />

v<strong>en</strong>ue.<br />

13. Mes disciples comm<strong>en</strong>çai<strong>en</strong>t eux aussi à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir fort loquaces, ce qui arrivait<br />

rarem<strong>en</strong>t. Seul Judas l'Iscariote se taisait ; car il avait <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> trop à faire<br />

avec un gros poisson, <strong>et</strong> le <strong>grand</strong> gobel<strong>et</strong> <strong>de</strong> vin <strong>de</strong>vant lui l'occupait bi<strong>en</strong> trop lui<br />

aussi pour qu'il pût pr<strong>en</strong>dre le temps d'<strong>en</strong>trer <strong>en</strong> conversation avec qui que ce fût.<br />

14. Jarah, à Ma droite, plaisantait fort à ce suj<strong>et</strong>, <strong>de</strong>mandant si ce n'était pas là<br />

l'occasion <strong>de</strong> porter un bon coup à ce disciple qu'elle n'aimait guère ; mais, c<strong>et</strong>te<br />

fois-ci, il n'y eut pas moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> faire perdre à Judas l'Iscariote son flegme <strong>de</strong><br />

glouton <strong>et</strong> <strong>de</strong> buveur.<br />

15. Cep<strong>en</strong>dant, lorsqu'il fut v<strong>en</strong>u à bout <strong>de</strong> son gros poisson, il fit mine <strong>de</strong><br />

vouloir <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core un second qui n'était pas moins gros ; mais Raphaël fut<br />

plus rapi<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>vança son geste. Ceci, bi<strong>en</strong> sûr, donna lieu à quelques sourires,<br />

<strong>et</strong> Ma Jarah ne put se r<strong>et</strong><strong>en</strong>ir qu'avec peine d'éclater <strong>de</strong> rire.<br />

16. Je <strong>de</strong>mandai à Jarah ce qu'elle avait.<br />

17. Et la fill<strong>et</strong>te Me répondit : « Ô Seigneur, Toi mon amour, comm<strong>en</strong>t peux-Tu<br />

interroger quelqu'un dont les p<strong>en</strong>sées intimes Te sont mieux connues qu'à nous la<br />

forme extérieure <strong>de</strong> ce gobel<strong>et</strong> ?! N'as-Tu donc pas remarqué, ô Seigneur, la<br />

manière dont le disciple Judas l'Iscariote a déjà choisi tout à l'heure le plus gros<br />

poisson <strong>de</strong> tous, qui pesait bi<strong>en</strong> dix livres, <strong>et</strong> aussi le plus <strong>grand</strong> gobel<strong>et</strong> ?! Avec<br />

cela, quelques gros morceaux <strong>de</strong> pain ont disparu dans son v<strong>en</strong>tre !<br />

18. Et à prés<strong>en</strong>t, il voudrait <strong>en</strong>core que le <strong>de</strong>uxième gros poisson lui revi<strong>en</strong>ne ;<br />

mais mon Raphaël, remarquant la juste irritation <strong>de</strong>s autres disciples, a <strong>de</strong>vancé<br />

le vorace Iscariote <strong>et</strong> ainsi sauvé le poisson <strong>de</strong> sa gloutonnerie. C'est là la raison<br />

précise pour laquelle j'avais peine à réprimer mon rire !<br />

19. Je sais bi<strong>en</strong>, <strong>de</strong>puis Génésar<strong>et</strong>h, qu'il ne faut jamais rire que par amour <strong>et</strong><br />

avec amitié ; mais ici, la chose m'a paru si plaisante que je n'ai réprimé mon rire<br />

qu'avec peine. Je crois aussi que ce n'est pas une faute si grave que <strong>de</strong> se moquer<br />

d'un glouton trop avi<strong>de</strong> lorsqu'il échoue dans l'une <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>treprises parfaitem<strong>en</strong>t<br />

égoïstes ; car on peut p<strong>en</strong>ser qu'un tel tour va sans doute l'am<strong>en</strong><strong>de</strong>r <strong>de</strong> quelque<br />

manière — <strong>et</strong> <strong>en</strong> ce cas, il doit bi<strong>en</strong> être permis <strong>de</strong> sourire un peu ! »<br />

20. Je dis : « Ma très chère Jarah, ce n'est pas à proprem<strong>en</strong>t parler un péché ;<br />

mais si l'on peut s'<strong>en</strong> disp<strong>en</strong>ser, c'est ainsi que l'on aura le mieux agi. Vois-tu, si<br />

l'on considère un ladre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sorte avec quelque gravité, il s'admoneste luimême<br />

<strong>et</strong> r<strong>en</strong>once à ses mauvais <strong>de</strong>sseins ; mais s'il fait sourire, cela le r<strong>en</strong>d<br />

furieux <strong>et</strong> c'est alors qu'il s'emploie à exécuter son proj<strong>et</strong> avec une avidité redoublée<br />

!<br />

21. Judas l'Iscariote est un ladre, <strong>et</strong> aussi un voleur quand il le peut ; car celui qui<br />

cherche sans cesse à tromper son prochain <strong>et</strong> le trompe <strong>en</strong> vérité, celui-là est un<br />

voleur.<br />

22. Si, dans ses actions égoïstes, il r<strong>en</strong>contre <strong>de</strong>s visages souriants, il croit que<br />

l'on pr<strong>en</strong>d plaisir à ses friponneries <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce plaisantes, <strong>et</strong> cela ne fait<br />

343


qu'<strong>en</strong>courager sa vil<strong>en</strong>ie ; mais si, comme Je l'ai déjà dit, tous le regar<strong>de</strong>nt avec<br />

une certaine sévérité lorsqu'il comm<strong>et</strong> une friponnerie, <strong>et</strong> cela dès la première<br />

t<strong>en</strong>tative, il abandonnera son méchant proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> le rem<strong>et</strong>tra à plus tard. Car on<br />

peut difficilem<strong>en</strong>t espérer am<strong>en</strong><strong>de</strong>r totalem<strong>en</strong>t un ladre ! Mais il est pourtant bon<br />

<strong>de</strong> le r<strong>et</strong><strong>en</strong>ir aussi souv<strong>en</strong>t que possible dans la réalisation <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>treprises<br />

égoïstes ; la constance <strong>de</strong> ses échecs décourage peu à peu son mauvais vouloir, <strong>et</strong><br />

il r<strong>en</strong>once au mal, sinon par dégoût, du moins par dépit. 23. C'est donc pour c<strong>et</strong>te<br />

raison que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> t'expliquer, Ma très chère p<strong>et</strong>ite fille, qu'il vaut mieux ne<br />

pas rire <strong>de</strong> quelqu'un qui vi<strong>en</strong>t d'échouer dans quelque filouterie qu'il proj<strong>et</strong>ait ! »<br />

Chapitre 170<br />

De la contradiction <strong>en</strong>tre la volonté <strong>et</strong> l'action<br />

1. Jarah dit : « Oui, Seigneur, Toi mon unique amour, tout cela serait sans doute<br />

fort bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> <strong>en</strong> vérité pour le mieux, si seulem<strong>en</strong>t l'on pouvait toujours avoir à<br />

portée <strong>de</strong> main un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t purem<strong>en</strong>t divin ! Mais nous les hommes, nous<br />

sommes déjà souv<strong>en</strong>t si aveugles — <strong>et</strong> cela précisém<strong>en</strong>t dans les mom<strong>en</strong>ts où il<br />

faudrait y voir le plus clair — que les arbres mêmes nous cach<strong>en</strong>t la forêt ! Et<br />

pour ce qui est <strong>de</strong> la vraie sagesse, nous ne faisons pas mieux dans les instants les<br />

plus importants <strong>de</strong> la vie. Quand elle nous serait le plus nécessaire, elle nous<br />

laisse tomber ; mais quand nous n'<strong>en</strong> avons pas spécialem<strong>en</strong>t besoin, c'est alors<br />

que nous débordons <strong>de</strong> nobles p<strong>en</strong>sées ! Oui, c'est vraim<strong>en</strong>t une chose étrange<br />

qu'un homme !<br />

2. Il me semble qu'il n'y a ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> bon <strong>en</strong> moi-même que ma volonté : mais même<br />

celle-ci n'a finalem<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> quoi se glorifier, parce qu'il lui manque la plupart<br />

du temps la force d'aller jusqu'au bout. Car il arrive bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t qu'on veuille<br />

une chose très bonne, mais qu'on ne la fasse pourtant pas, ou que l'on fasse<br />

précisém<strong>en</strong>t le contraire <strong>de</strong> ce qu'on veut <strong>en</strong> réalité. Je ne sais pas à quoi cela<br />

ti<strong>en</strong>t ; mais c'est ainsi, je le sais par expéri<strong>en</strong>ce.<br />

3. Seigneur, Toi mon amour, par Ta grâce toute puissante, j'ai pu avoir un aperçu<br />

merveilleux <strong>de</strong> Tes <strong>grand</strong>es créations <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> j'<strong>en</strong> sais désormais<br />

davantage à ce suj<strong>et</strong> que tous les sages <strong>de</strong> la terre <strong>en</strong>semble. Je sais ce que recèl<strong>en</strong>t<br />

les profon<strong>de</strong>urs infinies <strong>de</strong> Ton ciel ; pourquoi donc ne me connais-je pas<br />

moi-même ? ! »<br />

4. Je dis : « Parce que tu es toi-même un être bi<strong>en</strong> plus merveilleux que tous les<br />

<strong>grand</strong>s soleils <strong>et</strong> les mon<strong>de</strong>s réunis ! Il y a dans le cœur <strong>de</strong> l'homme un ciel bi<strong>en</strong><br />

plus merveilleux que le vaste ciel que tu vois par tes yeux.<br />

5. Vois-tu, toute matière est un jugem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> une nécessité d'airain ! Tu peux<br />

observer sa structure extérieure, mais aussi intérieure, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s apothicaires<br />

sav<strong>en</strong>t décomposer précisém<strong>en</strong>t un matériau <strong>en</strong> ses élém<strong>en</strong>ts fondam<strong>en</strong>taux.<br />

C<strong>et</strong>te sci<strong>en</strong>ce singulière s'appelle la chimie (*) , <strong>et</strong> elle ne cessera <strong>de</strong> se perfectionner<br />

avec le temps.<br />

(*)<br />

Littéralem<strong>en</strong>t, « l'art <strong>de</strong> la dissociation » (Schei<strong>de</strong>kunst, anci<strong>en</strong> nom <strong>de</strong> la chimie <strong>en</strong> allemand )<br />

(N.d.T.)<br />

344


6. Et, <strong>de</strong> même que tu peux, <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière, connaître assez précisém<strong>en</strong>t une<br />

pierre <strong>de</strong> l'extérieur <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'intérieur, tu peux connaître tout un mon<strong>de</strong> ! Notre<br />

Mathaël est très versé dans c<strong>et</strong> art ; <strong>et</strong> mon disciple André, qui a aussi été chez,<br />

les Esséni<strong>en</strong>s, est un <strong>grand</strong> apothicaire, art qu'il a appris <strong>en</strong> Egypte. Tous <strong>de</strong>ux te<br />

montreront ce qu'est la matière <strong>de</strong> tout un mon<strong>de</strong> avec beaucoup <strong>de</strong> tal<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

vérité. Certes, il y a <strong>en</strong>core à l'intérieur <strong>de</strong> la matière bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses que nul<br />

chimiste ne découvrira jamais ; mais il peut reconnaître les élém<strong>en</strong>ts exacts dont<br />

est constituée n'importe quelle matière, bi<strong>en</strong> qu'il ne puisse jamais connaître<br />

fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t les élém<strong>en</strong>ts eux-mêmes, parce qu'ils ont <strong>en</strong> eux du spirituel<br />

<strong>et</strong> que seul un pur esprit peut les connaître <strong>en</strong> quelque sorte <strong>de</strong> part <strong>en</strong> part. Car<br />

les élém<strong>en</strong>ts recèl<strong>en</strong>t tout un infini !<br />

7. Mais c'est un infini bi<strong>en</strong> plus <strong>grand</strong> qui rési<strong>de</strong> dans l'âme humaine <strong>et</strong> dans son<br />

esprit ! Aucune chimie n'<strong>en</strong>seigne cela, <strong>et</strong> c'est précisém<strong>en</strong>t pourquoi J'ai dû<br />

v<strong>en</strong>ir à vous, les hommes, afin <strong>de</strong> vous faire connaître ce que nul homme n'aurait<br />

jamais pu connaître par lui-même.<br />

8. Tu vois donc que c'est précisém<strong>en</strong>t à cause <strong>de</strong> la difficulté que tu as soulevée<br />

que Je suis v<strong>en</strong>u Moi-même du haut <strong>de</strong>s cieux <strong>et</strong> que Je vous <strong>en</strong>seigne ce que nul<br />

autre ne pourrait vous <strong>en</strong>seigner !<br />

9. Tu ne compr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong> sûr pas <strong>en</strong>core pour le mom<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>t tu peux avoir<br />

la volonté <strong>de</strong> quelque chose <strong>et</strong> pourtant ne pas agir conformém<strong>en</strong>t à c<strong>et</strong>te<br />

volonté, mais <strong>en</strong> suivant quelque motivation extérieure inconnue <strong>de</strong> toi, <strong>et</strong> il n'est<br />

pas rare que les mu<strong>et</strong>s désirs <strong>de</strong> la chair déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> tes actions contre la volonté<br />

<strong>de</strong> l'esprit. Car la volonté ne ressortit pas à la chair, ni à l'âme qui a constitué la<br />

chair <strong>et</strong> le sang <strong>et</strong> <strong>en</strong> a <strong>en</strong>suite tiré la nourriture <strong>de</strong> sa propre constitution<br />

formelle, mais elle ressortit à l'amour, qui est Mon esprit <strong>en</strong> vous <strong>et</strong> à cause<br />

duquel vous n'êtes pas seulem<strong>en</strong>t Mes créatures, mais aussi Mes vrais <strong>en</strong>fants qui<br />

un jour, dans Mon royaume, régnerez avec Moi sur tout l'infini.<br />

10. Mais pour cela, il vous faut d'abord pleinem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>aître <strong>en</strong> esprit, sans quoi il<br />

ne pourra <strong>en</strong> être ainsi !<br />

11. Compr<strong>en</strong>ds-tu cela, Ma chère p<strong>et</strong>ite fille ? »<br />

Chapitre 171<br />

De la régénération spirituelle<br />

1. Jarah dit : « Je le compr<strong>en</strong>ds sans doute à peu près ; mais je suis <strong>en</strong>core loin <strong>de</strong><br />

le compr<strong>en</strong>dre tout à fait ! J'ai beau avoir <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du souv<strong>en</strong>t parler <strong>de</strong> r<strong>en</strong>aître <strong>en</strong><br />

esprit, cela n'est toujours pas clair pour moi ! Comm<strong>en</strong>t faut-il l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

exactem<strong>en</strong>t ? »<br />

2. Je dis : « Cela ne peut <strong>en</strong>core être vraim<strong>en</strong>t tout à fait compris, ni <strong>de</strong> toi, ni <strong>de</strong><br />

quiconque ; car vous ne Me compr<strong>en</strong>ez pas pleinem<strong>en</strong>t lorsque Je parle <strong>de</strong> choses<br />

terrestres — comm<strong>en</strong>t pourriez-vous donc Me compr<strong>en</strong>dre pleinem<strong>en</strong>t si Je<br />

traitais avec vous <strong>de</strong> choses purem<strong>en</strong>t célestes ?!<br />

3. Oui, Je vous le dis : si J'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>ais maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> parler avec vous <strong>en</strong> termes<br />

345


purem<strong>en</strong>t célestes, vous vous m<strong>et</strong>triez tous <strong>en</strong> colère <strong>et</strong> diriez : "Mais c<strong>et</strong> homme<br />

est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u fou ! Il dit <strong>de</strong>s choses qui vont à l’<strong>en</strong>contre <strong>de</strong> toute raison <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute<br />

nature ! Comm<strong>en</strong>t pourrait-on le croire ?!"<br />

4. Aussi ne compr<strong>en</strong>drez-vous tous pleinem<strong>en</strong>t la nouvelle naissance ou régénération<br />

par l'esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> esprit que lorsque Moi, le Fils <strong>de</strong> l'homme <strong>et</strong> le fils<br />

<strong>de</strong>s hommes, Je serai, tel Elie, soustrait à c<strong>et</strong>te terre sous vos yeux !<br />

5. C'est alors seulem<strong>en</strong>t que Je ferai <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dre du ciel sur tous les Mi<strong>en</strong>s Mon<br />

esprit plein <strong>de</strong> vérité <strong>et</strong> <strong>de</strong> force, <strong>et</strong> c'est par là seulem<strong>en</strong>t que la pleine r<strong>en</strong>aissance<br />

<strong>de</strong> l'esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> esprit <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra alors tout à fait possible <strong>et</strong> que vous<br />

compr<strong>en</strong>drez <strong>et</strong> reconnaîtrez la régénération <strong>de</strong> votre esprit.<br />

6. Mais avant cela, nul ne pourra r<strong>en</strong>aître pleinem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> esprit, <strong>de</strong> même que nul<br />

ne l'a pu <strong>de</strong>puis Adam, pas même Moïse <strong>et</strong> tous les prophètes.<br />

7. Mais par c<strong>et</strong> acte que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> t'annoncer, à toi <strong>et</strong> à tous les autres,<br />

pr<strong>en</strong>dront part à la pleine régénération <strong>de</strong> l'esprit tous ceux qui, <strong>de</strong>puis Adam,<br />

sont v<strong>en</strong>us <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>et</strong>, dans leur vie terrestre, ont été du moins <strong>de</strong> bonne<br />

volonté, même s'ils n'ont pas toujours agi <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce.<br />

8. Car il y <strong>en</strong> a beaucoup aussi qui sont pleins <strong>de</strong> bonne volonté pour faire le plus<br />

<strong>grand</strong> bi<strong>en</strong>, mais à qui manqu<strong>en</strong>t complètem<strong>en</strong>t les moy<strong>en</strong>s, la force matérielle <strong>et</strong><br />

les capacités qui sont malgré tout pour cela aussi nécessaires que les yeux le sont<br />

pour voir. Dans <strong>de</strong> tels cas, la bonne volonté vaudra toujours à Mes yeux l'acte<br />

lui-même.<br />

9. Imagine par exemple qu'un homme tombe à l'eau sous tes yeux. Tu voudrais<br />

bi<strong>en</strong> secourir l'infortuné — mais tu sais que tu n'as aucune aptitu<strong>de</strong> pour nager.<br />

Si tu sautes à l'eau <strong>de</strong>rrière celui qui y est tombé, vous disparaîtrez tous <strong>de</strong>ux<br />

sous les flots ; à coup sûr, si tu savais très bi<strong>en</strong> nager, tu sauterais tout<br />

simplem<strong>en</strong>t à l'eau <strong>et</strong> sauverais l'infortuné. Mais comme tu ne sais pas du tout<br />

nager, malgré ton <strong>grand</strong> désir <strong>de</strong> le sauver, tu ne te précipites pas à sa suite, mais<br />

pars <strong>en</strong> hâte à la recherche <strong>de</strong> quelqu'un qui pourrait <strong>et</strong> voudrait <strong>en</strong>core le sauver<br />

!<br />

10. Tu vois bi<strong>en</strong>, Ma p<strong>et</strong>ite fille, qu'<strong>en</strong> ce cas le bon vouloir a autant <strong>de</strong> valeur<br />

que l'œuvre accomplie ; <strong>et</strong> cela vaut pour mille <strong>et</strong> mille autres cas où J'accepte la<br />

seule bonne volonté comme l'œuvre elle-même.<br />

11. Je vais te donner <strong>en</strong>core un exemple. Imagine que, pleine <strong>de</strong> bonne volonté,<br />

tu veuilles secourir quelqu'un <strong>de</strong> très pauvre qui s'est adressé à toi, que tu n'aies<br />

toi-même aucune fortune, mais que tu veuilles pourtant <strong>de</strong> toutes tes forces<br />

secourir ce pauvre ! Puisque tu n'<strong>en</strong> as pas les moy<strong>en</strong>s, tu vas trouver plusieurs<br />

personnes aisées <strong>et</strong> les supplies <strong>de</strong> toutes tes forces <strong>de</strong> secourir ton pauvre<br />

comme il se doit, mais, à cause <strong>de</strong> la dur<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s riches, on ne te donne ri<strong>en</strong>, tu<br />

dois laisser repartir le pauvre sans secours <strong>et</strong> tu pleures pour lui <strong>et</strong> le<br />

recomman<strong>de</strong>s à Dieu le Seigneur.<br />

12. Dans un tel cas, vois-tu, ta volonté vaut tout autant que le fait accompli luimême<br />

!<br />

13. Il y a eu avant nous <strong>et</strong> il y a <strong>en</strong>core beaucoup <strong>de</strong> telles g<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> il y <strong>en</strong> aura<br />

346


d'autres à l'av<strong>en</strong>ir ; tous ceux-là auront part à la r<strong>en</strong>aissance <strong>de</strong> l'esprit dans les<br />

âmes !<br />

14. Ainsi donc, si, comme tous les autres, tu ne peux <strong>en</strong>core saisir vraim<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

quoi consiste la véritable régénération spirituelle, Je t'<strong>en</strong> ai montré la raison aussi<br />

clairem<strong>en</strong>t que possible ; mais quand, très bi<strong>en</strong>tôt, le mom<strong>en</strong>t vi<strong>en</strong>dra pour toi <strong>de</strong><br />

r<strong>en</strong>aître <strong>en</strong> esprit, tu compr<strong>en</strong>dras alors pleinem<strong>en</strong>t ce que tu ne peux <strong>en</strong>core<br />

concevoir à prés<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> pourquoi tu ne pouvais le concevoir ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu<br />

maint<strong>en</strong>ant pour quelle raison tu ne peux <strong>en</strong>core Me compr<strong>en</strong>dre pleinem<strong>en</strong>t ? »<br />

15. Jarah dit :« Oui, Seigneur, Toi mon unique amour ! À prés<strong>en</strong>t, je le compr<strong>en</strong>ds<br />

bi<strong>en</strong> ! Et il ne pourrait <strong>en</strong> être autrem<strong>en</strong>t ; car Tu expliques la chose aussi<br />

clairem<strong>en</strong>t que le soleil dans un ciel parfaitem<strong>en</strong>t sans nuages illumine la terre <strong>en</strong><br />

plein midi ! »<br />

16. Ayant dit cela, elle Me remercia <strong>de</strong> c<strong>et</strong> <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> Me promit aussi qu'à<br />

l'av<strong>en</strong>ir, elle ne risquait plus guère <strong>de</strong> rire jamais d'une sotte action.<br />

Chapitre 172<br />

Cornélius <strong>et</strong> Jarah<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, Cornélius était confondu d'étonnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant l'intellig<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la<br />

fill<strong>et</strong>te ; Faustus <strong>et</strong> Philopold étai<strong>en</strong>t tout aussi émerveillés, <strong>et</strong> Cornélius Me<br />

<strong>de</strong>manda s'il pouvait s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir <strong>de</strong> choses <strong>et</strong> d'autres avec la jeune fille p<strong>en</strong>dant<br />

que nous étions à table. Je lui <strong>en</strong> donnai la permission. Cornélius s'<strong>en</strong> réjouit fort,<br />

<strong>de</strong> même que la fill<strong>et</strong>te <strong>et</strong> tous ceux <strong>de</strong> notre table, <strong>et</strong> Je lui recommandai <strong>de</strong><br />

poser <strong>de</strong> sages questions.<br />

2. Comme il <strong>de</strong>vait poser une question à la fill<strong>et</strong>te, Cornélius se mit à réfléchir<br />

profondém<strong>en</strong>t à ce qu'il fallait lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r. Car lorsque J'avais parlé <strong>de</strong> ne poser<br />

à la fill<strong>et</strong>te que <strong>de</strong> sages questions, Cornélius avait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du par là que c<strong>et</strong>te<br />

conversation <strong>de</strong>vait être quelque chose d'utile <strong>et</strong> non un vain bavardage, <strong>et</strong> il se<br />

<strong>de</strong>mandait <strong>en</strong> quoi elle pourrait bi<strong>en</strong> consister dans une compagnie qui avait sans<br />

cesse l'occasion d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre les discours les plus élevés.<br />

3. Plus il réfléchissait, moins il trouvait <strong>de</strong> suj<strong>et</strong> qui lui parût digne <strong>de</strong> faire<br />

l'obj<strong>et</strong> d'une question à la fill<strong>et</strong>te <strong>et</strong> d'un dialogue avec elle. Il chercha <strong>de</strong> tous<br />

côtés dans son esprit sans ri<strong>en</strong> trouver qui lui parût avoir quelque valeur pour la<br />

circonstance.<br />

4. Après un assez long temps <strong>de</strong> réflexion, il (Cornélius) Me dit : « Eh bi<strong>en</strong>, eh<br />

bi<strong>en</strong>, je croyais que cela serait facile ; mais plus longtemps <strong>et</strong> plus profondém<strong>en</strong>t<br />

je réfléchis, moins je trouve <strong>de</strong> quoi faire l'affaire d'une aussi sage <strong>en</strong>fant ! »<br />

5. Je dis : « Eh bi<strong>en</strong>, si tu ne trouves ri<strong>en</strong> d'extraordinaire, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la fill<strong>et</strong>te la<br />

première chose qui te vi<strong>en</strong>dra à l'esprit ! »<br />

6. Cornélius dit : « Ce serait fort bi<strong>en</strong>, s'il n'y avait pas un hic là aussi ! Car je ne<br />

peux tout <strong>de</strong> même pas lui poser une question par trop ordinaire, <strong>et</strong> je ne<br />

trouverais pas <strong>grand</strong>-chose <strong>de</strong> mieux qui n'ait été déjà amplem<strong>en</strong>t débattu ici ! »<br />

347


7. Cep<strong>en</strong>dant, la fill<strong>et</strong>te, voyant bi<strong>en</strong> l'embarras <strong>de</strong> Cornélius, lui dit : « Ô noble<br />

<strong>et</strong> très cher ami, si tu ne trouves pas <strong>de</strong> question pour moi, perm<strong>et</strong>s-moi <strong>de</strong> te<br />

questionner moi-même ; car je suis rarem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> peine <strong>de</strong> questions, <strong>et</strong> j'<strong>en</strong> ai<br />

toujours plutôt dix qu'une seule <strong>en</strong> réserve ! »<br />

8. Cornélius dit : « Ce serait sans doute fort bi<strong>en</strong>, très aimable fill<strong>et</strong>te ! Mais si tu<br />

me poses une question, il va <strong>de</strong> soi que je <strong>de</strong>vrai aussi y répondre ; <strong>et</strong> si je n'<strong>en</strong><br />

étais pas capable — ce qui pourrait fort bi<strong>en</strong> arriver, car tu me parais être une<br />

<strong>en</strong>fant d'une intellig<strong>en</strong>ce très subtile —, que ferons-nous alors ? »<br />

9. La fill<strong>et</strong>te dit : « Hé quoi ! En ce cas, je répondrai moi-même à ma question, <strong>et</strong><br />

tu jugeras <strong>en</strong>suite <strong>et</strong> la question <strong>et</strong> la réponse, <strong>et</strong> me diras si j'ai commis quelque<br />

erreur ! Oh, ce n'est pas une mince affaire pour moi non plus que <strong>de</strong> questionner<br />

ou <strong>de</strong> répondre ; <strong>et</strong> c'est avec le Seigneur, mon unique amour éternel, que j'hésite<br />

le moins à le faire, précisém<strong>en</strong>t parce que toute comparaison <strong>en</strong>tre Sa sagesse<br />

infinie <strong>et</strong> la nôtre, qui est si limitée, est <strong>de</strong> toute façon le comble <strong>de</strong> l'inanité.<br />

10. Que nous parlions un peu plus ou un peu moins stupi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ne change pas le<br />

moins du mon<strong>de</strong> le rapport <strong>en</strong>tre nous <strong>et</strong> le Seigneur ; car au fond, nous ne<br />

sommes ri<strong>en</strong> par nous-mêmes <strong>de</strong>vant le Seigneur, <strong>et</strong> s'il trouve quelque chose <strong>en</strong><br />

nous, c'est ce qu'il est Lui-même dans nos cœurs par Sa grâce.<br />

11. Mais il y a parmi nous, <strong>et</strong> plus précisém<strong>en</strong>t à c<strong>et</strong>te table, quelques sages pour<br />

qui j'ai le plus <strong>grand</strong> respect, <strong>et</strong> avec qui il vaut mieux ne pas manger dans le<br />

même plat !<br />

12. Je sais sans doute bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses qu'hormis moi, Raphaël <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> sûr le<br />

Seigneur, nul être humain ne peut savoir, parce que l'expéri<strong>en</strong>ce d'une circonstance<br />

si incroyable lui fait nécessairem<strong>en</strong>t défaut ; mais à quoi me sert-il<br />

d'être familière <strong>de</strong>s étoiles lointaines, si c<strong>et</strong>te terre qui est la nôtre m'est étrangère<br />

?! Là, je suis mille fois vaincue ! »<br />

13. Cornélius dit : « Pour qui donc, à c<strong>et</strong>te table, as-tu, humainem<strong>en</strong>t parlant, un<br />

respect si particulier ? »<br />

14. Jarah dit : « Pour le vice-roi qui est assis là-bas, <strong>et</strong> qui régnera désormais sur<br />

tout le Pont avec le vieil Ouran ! Son nom est Mathaël. Celui-là pourrait me<br />

donner bi<strong>en</strong> du fil à r<strong>et</strong>ordre ! Je crois que, sur c<strong>en</strong>t questions, je ne pourrais pas<br />

lui faire une seule réponse intellig<strong>en</strong>te ! »<br />

15. Mathaël dit : « Ô chère <strong>en</strong>fant, pour le coup, tu es vraim<strong>en</strong>t d'une extraordinaire<br />

mo<strong>de</strong>stie ! Je suis bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong> pouvoir te m<strong>et</strong>tre dans l'embarras ; car<br />

je ne connais que trop ta sagacité pénétrante ! Si même un Raphaël doit être<br />

particulièrem<strong>en</strong>t sur ses gar<strong>de</strong>s avec toi, combi<strong>en</strong> plus alors l'un <strong>de</strong> nous ! Aussi<br />

le commandant Cornélius fait-il fort bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> réfléchir au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> conversation<br />

qu'il aura avec toi ! Car il y <strong>en</strong> a bi<strong>en</strong> peu comme toi dans ton sexe ! Je sais <strong>et</strong><br />

compr<strong>en</strong>ds moi-même bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses sans doute ; malgré cela, je ne voudrais<br />

certes pas me m<strong>et</strong>tre dans le cas <strong>de</strong> rivaliser <strong>de</strong> sagesse avec toi, ce qui serait<br />

d'ailleurs pure sottise ! Mais il me sera toujours agréable <strong>et</strong> précieux <strong>de</strong> me<br />

laisser instruire par toi sur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s. »<br />

16. Jarah dit : « Voilà ce qui arrive à une pauvre fille lorsqu'elle sait quelque<br />

chose : plus personne n'ose parler avec elle ! Aussi vaudrait-il presque mieux<br />

348


pour elle <strong>en</strong> savoir un peu moins, afin <strong>de</strong> paraître moins déplaisante à ses sages<br />

amis ! Mais qu'y faire à prés<strong>en</strong>t ? ! Je ne peux <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre d'<strong>en</strong> savoir moins que<br />

je n'<strong>en</strong> sais ; car je ne peux pourtant pas affaiblir la lumière qui est déjà dans mon<br />

cœur. C'est l'amour <strong>en</strong>vers le Seigneur, le très saint Père <strong>de</strong> tous les pères<br />

terrestres, qui me donne sans cesse à profusion c<strong>et</strong>te lumière ! Oui, s'il m'était<br />

possible d'affaiblir si peu que ce soit c<strong>et</strong> amour qui est pour moi le seul <strong>et</strong><br />

l'unique, j'<strong>en</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drais à coup sûr aussitôt plus bête ; mais pareille chose m'est<br />

impossible ! Cep<strong>en</strong>dant, c'est bi<strong>en</strong> pourquoi ce que je sais grâce à c<strong>et</strong>te lumière<br />

n'est pas mon savoir, mais celui du Seigneur dans mon cœur, <strong>et</strong> nul n'a donc ri<strong>en</strong><br />

à <strong>en</strong> redouter assurém<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> même que je n'ai ri<strong>en</strong> à craindre <strong>de</strong> quiconque moimême<br />

! Aussi peux-tu bi<strong>en</strong> parler avec moi, très noble ami Cornélius, <strong>et</strong> toi aussi,<br />

noble Mathaël ! »<br />

17. Cornélius dit : « Bi<strong>en</strong> sûr, bi<strong>en</strong> sûr ! Mais vois-tu, très chère Jarah, c'est bi<strong>en</strong><br />

là que le bât blesse ; car s'il est un peu difficile <strong>de</strong> parler avec toi, comme je<br />

comm<strong>en</strong>ce à le press<strong>en</strong>tir très clairem<strong>en</strong>t, c'est bi<strong>en</strong> parce qu'il y a <strong>en</strong> ton cœur<br />

trop <strong>de</strong> très pure sagesse. Oh, tu es par ailleurs infinim<strong>en</strong>t aimable <strong>et</strong> gracieuse, <strong>et</strong><br />

l'on pourrait t'écouter à longueur <strong>de</strong> journée ; mais te questionner ou se laisser<br />

questionner par toi, c'est une tout autre affaire. La question ne serait <strong>en</strong>core ri<strong>en</strong> ;<br />

mais <strong>en</strong>suite vi<strong>en</strong>t la réponse, <strong>et</strong> c'est là que je ferais pauvre figure !<br />

18. Et puis, je ne me suis pas <strong>en</strong>core <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t départi d'un p<strong>et</strong>it s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

suffisance, <strong>et</strong> je ne crains ri<strong>en</strong> tant au mon<strong>de</strong> que d'être humilié <strong>de</strong> quelque<br />

manière, ce qui, assurém<strong>en</strong>t, ne doit pas être bi<strong>en</strong> ; mais je n'y peux ri<strong>en</strong>, j'ai été<br />

élevé ainsi <strong>de</strong>puis l'<strong>en</strong>fance, <strong>et</strong> il n'est pas si facile qu'on voudrait le croire <strong>de</strong><br />

r<strong>en</strong>oncer à une vieille habitu<strong>de</strong> comme celle-ci.<br />

19. Mais att<strong>en</strong>ds un peu, je vais bi<strong>en</strong> avoir quelque idée vraim<strong>en</strong>t intellig<strong>en</strong>te ;<br />

après quoi j'aurai la <strong>grand</strong>e joie d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ta réponse vraim<strong>en</strong>t sage ! »<br />

Chapitre 173<br />

La question <strong>de</strong> Cornélius à Jarah<br />

1. Jarah se cont<strong>en</strong>te <strong>de</strong> cela, <strong>et</strong> Cornélius se m<strong>et</strong> <strong>en</strong> <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> feuill<strong>et</strong>er les archives<br />

<strong>de</strong> son cerveau ; mais il n'y trouve toujours ri<strong>en</strong> qui convi<strong>en</strong>ne.<br />

2. Au bout d'un mom<strong>en</strong>t, une idée lui vi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin, <strong>et</strong> il interroge Jarah <strong>en</strong> ces<br />

termes : « Eh bi<strong>en</strong>, eh bi<strong>en</strong>, j'ai tout <strong>de</strong> même trouvé quelque chose ! Dis-moi<br />

donc ce qu'est exactem<strong>en</strong>t le soleil, <strong>et</strong> <strong>de</strong> quels élém<strong>en</strong>ts il est constitué pour<br />

répandre sur le sol terrestre une si puissante lumière <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te chaleur presque<br />

inconcevable. Si tu es capable <strong>de</strong> me dire quelque chose là-<strong>de</strong>ssus, très aimable<br />

Jarah, je te récomp<strong>en</strong>serai royalem<strong>en</strong>t, si tu veux bi<strong>en</strong> l'accepter ! »<br />

3. Jarah répond avec quelque ironie : « Vois-tu, noble souverain, c'est <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

manière que l'on sort d'un étang les poissons pourris dont on veut le n<strong>et</strong>toyer,<br />

parce que les poissons pourris r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt l'eau puante <strong>et</strong> sale, donc malsaine ! —<br />

As-tu compris, seigneur commandant Cornélius ?!<br />

4. Si tu as <strong>de</strong>s richesses <strong>en</strong> surnombre, tu trouveras <strong>en</strong> <strong>grand</strong>e quantité, surtout<br />

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ici, dans c<strong>et</strong>te ville détruite par le feu, <strong>de</strong>s pauvres à qui tu pourrais accor<strong>de</strong>r un<br />

secours royal ! Mais moi, je n'ai besoin d'aucune récomp<strong>en</strong>se <strong>de</strong> quiconque sur<br />

c<strong>et</strong>te terre ; car j'ai tout l'amour du Seigneur, <strong>et</strong> c'est là mon unique <strong>et</strong> ma plus<br />

<strong>grand</strong>e récomp<strong>en</strong>se !<br />

5. Oh, oui, je répondrai à ta question <strong>et</strong> ne <strong>de</strong>meurerai pas <strong>en</strong> reste avec toi ; mais<br />

je ne te laisserai <strong>en</strong> aucun cas me récomp<strong>en</strong>ser pour cela — surtout pas d'une<br />

manière terrestre ! Car je ti<strong>en</strong>drais pareille chose pour l'un <strong>de</strong>s plus <strong>grand</strong>s péchés<br />

; car, premièrem<strong>en</strong>t, j'ôterais cela aux pauvres vraim<strong>en</strong>t dans le besoin, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t, je te priverais <strong>de</strong> l'occasion <strong>de</strong> faire une vraie bonne action,<br />

puisque je ne suis moi-même pas du tout une pauvre <strong>en</strong>fant <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong><br />

qu'<strong>en</strong> fait il se peut même que je possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s trésors matériels que tu ne saurais<br />

payer avec toute la richesse <strong>de</strong> l'empereur, dont je n'ai <strong>en</strong> vérité pas davantage<br />

besoin que <strong>de</strong> la récomp<strong>en</strong>se royale que tu m'offres.<br />

6. Ne crois pas cep<strong>en</strong>dant que ce soit quelque espèce d'orgueil qui parle ici <strong>en</strong><br />

moi, car c'est au contraire la plus pure <strong>et</strong> la plus innoc<strong>en</strong>te vérité ; si j'avais <strong>en</strong><br />

moi ne fût-ce que la plus p<strong>et</strong>ite étincelle <strong>de</strong> fierté, je ne serais pas assise à c<strong>et</strong>te<br />

place, près du Seigneur <strong>de</strong>s seigneurs <strong>et</strong> du Maître <strong>de</strong>s maîtres ! Ce n'est pas là<br />

une très <strong>grand</strong>e réussite <strong>de</strong> ta part, ami Cornélius qui m'es par ailleurs si cher !<br />

7. Vois-tu, les g<strong>en</strong>s qui, comme moi à prés<strong>en</strong>t, possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> quelque manière la<br />

grâce toujours infinim<strong>en</strong>t imméritée du Seigneur, doiv<strong>en</strong>t être jugés <strong>et</strong> traités tout<br />

à fait différemm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> la nature <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> au s<strong>en</strong>s propre !<br />

8. Tu croyais que, étant une fill<strong>et</strong>te <strong>de</strong> quatorze ans tout au plus, je <strong>de</strong>vais avoir la<br />

même nature frivole que les autres filles <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> même que j'éprouverais<br />

peut-être une <strong>grand</strong>e joie à me parer <strong>de</strong> vêtem<strong>en</strong>ts royaux ; mais une telle vanité<br />

est aussi éloignée <strong>de</strong> moi que la plus p<strong>et</strong>ite <strong>de</strong>s étoiles que ton œil puisse déceler<br />

au firmam<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> cela n'est pas peu dire ! Aussi, r<strong>et</strong>ire bi<strong>en</strong> vite<br />

l'offre <strong>de</strong> récomp<strong>en</strong>se que tu m'as faite, sans quoi je ne répondrai <strong>en</strong> aucun cas à<br />

ta question ! »<br />

9. Cornélius dit : « Eh bi<strong>en</strong> soit, puisque ma proposition tombe si mal à propos,<br />

je la r<strong>et</strong>ire bi<strong>en</strong> volontiers, selon ton désir, <strong>et</strong> ferai ce que tu m'as conseillé ; mais<br />

<strong>en</strong> ce cas, réponds par amitié à la question que je t'ai posée ! »<br />

10. Là-<strong>de</strong>ssus, Jarah réfléchit soigneusem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> dit : « Tu veux donc que je<br />

t'appr<strong>en</strong>ne ce qu'est le soleil <strong>et</strong> <strong>de</strong> quels élém<strong>en</strong>ts il est constitué pour pouvoir<br />

déverser sur la terre une lumière <strong>et</strong> une chaleur si extraordinairem<strong>en</strong>t puissantes ?<br />

11. Oh, je puis bi<strong>en</strong> te donner là-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s informations parfaitem<strong>en</strong>t véridiques<br />

; mais à quoi te servirai<strong>en</strong>t-elles ?! Tu pourras sans doute me croire à la<br />

manière dont un aveugle croit celui qui lui dit qu'une fleur est d'un rouge<br />

merveilleusem<strong>en</strong>t beau. Mais l'aveugle pourra-t-il se convaincre par lui-même<br />

que c<strong>et</strong>te fleur est vraim<strong>en</strong>t d'un rouge si merveilleux ? Ce sera certes difficile <strong>en</strong><br />

c<strong>et</strong>te vie, <strong>et</strong> dans l'autre, l'âme libre ne s'<strong>en</strong> souciera à coup sûr que très peu ; car<br />

elle pourra alors <strong>de</strong> toute façon voir davantage <strong>de</strong> choses <strong>en</strong> un instant qu'il n'est<br />

possible d'<strong>en</strong> appr<strong>en</strong>dre péniblem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> avec beaucoup <strong>de</strong> zèle <strong>en</strong> cinquante<br />

années ici-bas. »<br />

12. Cornélius dit : « Tu as certes tout à fait raison, très aimable fill<strong>et</strong>te ! Je ne<br />

350


pourrai sans doute jamais me r<strong>en</strong>dre compte AD PERSONAM MEAM [<strong>en</strong> personne]<br />

<strong>de</strong> la vérité <strong>de</strong> ce que tu m'auras dit sur le soleil, <strong>et</strong> ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me dire à<br />

ce propos est parfaitem<strong>en</strong>t vrai ; mais je sais aussi que tu ne peux <strong>en</strong> aucun cas<br />

me m<strong>en</strong>tir, parce que ce que tu sais, tu ne le sais <strong>et</strong> ne peux le savoir que par le<br />

Seigneur. Ainsi donc, je puis tout <strong>de</strong> même accepter comme une vérité parfaite <strong>et</strong><br />

indubitable tout ce que tu pourras <strong>et</strong> voudras me dire sur le soleil ! »<br />

13. Jarah dit : « Soit ! Et si, malgré tout, tu te m<strong>et</strong>s à hausser les épaules, je le<br />

verrai bi<strong>en</strong> ! Ainsi, écoute-moi. »<br />

Chapitre 174<br />

Du soleil naturel<br />

1. (Jarah :) « Sache que le soleil est, tout comme c<strong>et</strong>te terre, un mon<strong>de</strong> habitable<br />

<strong>et</strong> d'ailleurs <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t habité ; mais ce mon<strong>de</strong> est un million <strong>de</strong> fois plus <strong>grand</strong><br />

que notre terre, qui, comme tu le vois, n'est pourtant pas p<strong>et</strong>ite. Cep<strong>en</strong>dant, la<br />

lumière qui émane <strong>de</strong> ce <strong>grand</strong> mon<strong>de</strong> ne vi<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> la surface habitée <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> solaire, mais d'une atmosphère qui l'<strong>en</strong>vironne <strong>de</strong> toutes parts <strong>et</strong> dont,<br />

premièrem<strong>en</strong>t, la surface très lisse, <strong>en</strong> constant <strong>et</strong> considérable frottem<strong>en</strong>t avec<br />

l'éther qui l'<strong>en</strong>toure <strong>de</strong> tous côtés, produit continuellem<strong>en</strong>t un nombre<br />

incalculable d'éclairs très puissants, <strong>et</strong>, <strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t, reçoit sur son imm<strong>en</strong>se<br />

miroir sphérique <strong>et</strong> r<strong>en</strong>voie dans toutes les directions la lumière d'éons <strong>de</strong> soleils.<br />

2. C'est par c<strong>et</strong>te brillance <strong>de</strong> notre soleil que c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> d'autres comme<br />

elle, que nous appelons planètes, est éclairée <strong>et</strong> réchauffée. Cep<strong>en</strong>dant, la chaleur<br />

n'arrive pas du soleil sur c<strong>et</strong>te terre avec la lumière, mais est seulem<strong>en</strong>t créée sur<br />

place par la lumière.<br />

3. La lumière vi<strong>en</strong>t certes <strong>de</strong> très loin, mais la chaleur, elle, n'est créée qu'ici, par<br />

le fait que la lumière décl<strong>en</strong>che une <strong>grand</strong>e activité <strong>de</strong>s esprits <strong>de</strong> la nature dans<br />

l'air, dans l'eau <strong>et</strong> dans la terre. Et c'est précisém<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te activité <strong>de</strong>sdits esprits<br />

qui provoque ce que nous appelons chaleur <strong>et</strong> éprouvons comme chaleur, celle-ci<br />

d'autant plus forte que ladite activité est plus <strong>grand</strong>e. Et <strong>de</strong> même que la lumière<br />

peut croître jusqu'à l'infini, <strong>de</strong> même la chaleur peut <strong>en</strong> proportion croître<br />

indéfinim<strong>en</strong>t.<br />

4. "Mais alors, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ras-tu, qui peut survivre sur le soleil lui-même ? Car si<br />

c'est nécessairem<strong>en</strong>t là que la lumière est la plus forte, cela doit égalem<strong>en</strong>t être le<br />

cas <strong>de</strong> la chaleur !" Oui, mais il n'<strong>en</strong> est pas ainsi. Vers l'intérieur du corps<br />

céleste solaire proprem<strong>en</strong>t dit ne se dirige qu'à peine la millionième partie <strong>de</strong><br />

toute la puissance lumineuse du soleil, <strong>et</strong> c'est pourquoi il ne fait guère plus clair<br />

ni plus chaud sur la partie soli<strong>de</strong> du soleil que sur notre terre, <strong>et</strong> les créatures <strong>de</strong><br />

Dieu peuv<strong>en</strong>t donc y subsister <strong>et</strong> y vivre aussi bi<strong>en</strong> que sur c<strong>et</strong>te terre.<br />

Seulem<strong>en</strong>t, il ne peut y avoir <strong>de</strong> nuit sur le soleil, puisque tout s'y trouve dans la<br />

même lumière inextinguible qui est la si<strong>en</strong>ne.<br />

5. Ainsi donc, les habitants du soleil ne connaiss<strong>en</strong>t pas la nuit, mais, dans leur<br />

jour perpétuel, ils peuv<strong>en</strong>t pourtant fort bi<strong>en</strong> voir les étoiles ainsi que les planètes<br />

qui, avec notre terre, tourn<strong>en</strong>t autour du soleil. Cela est r<strong>en</strong>du possible par<br />

351


l'extrême pur<strong>et</strong>é <strong>de</strong> l'air qui <strong>en</strong>veloppe le corps solaire jusqu'à la distance<br />

considérable <strong>de</strong> mille <strong>de</strong>ux c<strong>en</strong>ts lieues dans toutes les directions, atmosphère<br />

qui, bi<strong>en</strong> sûr, est <strong>de</strong> temps <strong>en</strong> temps intérieurem<strong>en</strong>t troublée par <strong>de</strong> nombreux<br />

nuages fort épais, mais qui n'<strong>en</strong> conserve pas moins <strong>de</strong> nombreuses pério<strong>de</strong>s <strong>et</strong><br />

régions où l'on peut voir <strong>et</strong> observer parfaitem<strong>en</strong>t les mon<strong>de</strong>s extérieurs, bi<strong>en</strong><br />

mieux que <strong>de</strong> n'importe quelle autre planète.<br />

6. Le soleil tourne lui aussi sur son axe, non <strong>en</strong> près <strong>de</strong> vingt-cinq heures comme<br />

notre terre, mais <strong>en</strong> vingt-neuf jours. Aussi les habitants du soleil peuv<strong>en</strong>t-ils<br />

avoir dans ce temps la vision <strong>de</strong> tout le ciel étoile, <strong>et</strong> particulièrem<strong>en</strong>t ceux <strong>de</strong> la<br />

zone c<strong>en</strong>trale (*) , qui, à mon s<strong>en</strong>s, sont sans doute les hommes les plus sages <strong>et</strong> les<br />

plus beaux du soleil. Les habitants <strong>de</strong>s autres ceintures [zones] correspon<strong>de</strong>nt<br />

davantage aux différ<strong>en</strong>tes planètes.<br />

7. Quant à la disposition intérieure <strong>de</strong> ce gigantesque mon<strong>de</strong> solaire, mon s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

me dit qu'il y a <strong>en</strong>core là d'autres mon<strong>de</strong>s cont<strong>en</strong>us les uns dans les autres<br />

comme dans une boule creuse <strong>et</strong> peut-être séparés les uns <strong>de</strong>s autres par <strong>de</strong>s<br />

distances <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux, trois <strong>et</strong> jusqu'à quatre mille lieues, ce qui, toutefois, ne doit<br />

pas être considéré comme un caractère constant, car il arrive souv<strong>en</strong>t que ces<br />

corps solaires intérieurs se dilat<strong>en</strong>t considérablem<strong>en</strong>t pour rev<strong>en</strong>ir plus tard à leur<br />

taille normale. Les espaces vi<strong>de</strong>s sont occupés soit par <strong>de</strong> l'eau, soit <strong>en</strong>core par<br />

toutes sortes <strong>de</strong> gaz.<br />

8. Quant à savoir pourquoi tout cela doit être ainsi, je ne saurais te le dire ; seul le<br />

Seigneur <strong>et</strong> Maître <strong>de</strong> l'infini qui est assis près <strong>de</strong> moi le peut. Si tu veux <strong>en</strong><br />

appr<strong>en</strong>dre davantage, c'est à Lui seul qu'il faut t'adresser ! »<br />

9. Cornélius dit : « Je te remercie, ma très chère <strong>et</strong> très aimable p<strong>et</strong>ite, pour ce<br />

que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me dire <strong>et</strong> que, même avec ma raison, je crois <strong>et</strong> adm<strong>et</strong>s parfaitem<strong>en</strong>t<br />

d'ALPHA à OMEGA, ; car je n'y trouve ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> déraisonnable. Mais quel<br />

ne doit pas être son éloignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre pour que le soleil nous paraisse si<br />

p<strong>et</strong>it, bi<strong>en</strong> qu'il soit un mon<strong>de</strong> d'une taille imm<strong>en</strong>se ! »<br />

10. Jarah dit : « Il n'existe pour lors aucune mesure pour cela sur c<strong>et</strong>te terre ;<br />

mais les Egypti<strong>en</strong>s <strong>en</strong> avai<strong>en</strong>t une, <strong>et</strong> nos lointains <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants — <strong>en</strong> Europe <strong>et</strong><br />

non <strong>en</strong> Asie, toutefois — <strong>en</strong> inv<strong>en</strong>teront une égalem<strong>en</strong>t. Je puis pourtant te dire<br />

ceci : si une flèche était tirée <strong>de</strong> la terre vers le soleil avec toute la force possible,<br />

<strong>en</strong> filant au plus vite, il lui faudrait près <strong>de</strong> vingt bonnes années terrestres pour<br />

parv<strong>en</strong>ir au soleil !<br />

11. Tu peux faire le compte toi-même. Mesure le temps qu'il faut à une flèche<br />

pour parcourir une distance <strong>de</strong> mille pas ; tu trouveras que, malgré sa rapidité,<br />

une flèche a besoin <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux instants pour faire ces mille pas. En une heure, il y a<br />

1 800 <strong>de</strong> ces p<strong>et</strong>its intervalles <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux instants (*) ; cep<strong>en</strong>dant, un jour<br />

compte vingt-quatre heures, <strong>et</strong> une année comporte 365 jours, comme tu dois<br />

bi<strong>en</strong> le savoir. Si tu sais cela <strong>et</strong> si tu sais un peu compter, tu <strong>en</strong> déduiras bi<strong>en</strong> vite<br />

la distance du soleil à la terre ! Je ne puis t'<strong>en</strong> dire davantage ; car même si je le<br />

savais, il me manquerait pourtant l'unité <strong>de</strong> mesure <strong>et</strong> un nombre assez <strong>grand</strong> !<br />

Représ<strong>en</strong>te-toi quarante fois mille fois mille lieues, <strong>et</strong> cela te donnera assez<br />

(*) Mittelgürtel, littéralem<strong>en</strong>t, la « ceinture moy<strong>en</strong>ne », l'équateur. (N.d.T.)<br />

(*) Un instant vaut donc ici une secon<strong>de</strong>. (N.d.T.)<br />

352


exactem<strong>en</strong>t la distance <strong>de</strong> la terre au soleil ! »<br />

12. Cornélius ouvre <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux <strong>et</strong> dit : « Non, je n'aurais jamais cru cela <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te ! Elle calcule dans sa tête avec les plus <strong>grand</strong>s nombres comme nous<br />

comptons sur nos doigts avec les plus p<strong>et</strong>its chiffres ! Cela est assurém<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

au-<strong>de</strong>ssus d'Eucli<strong>de</strong>, le plus <strong>grand</strong> <strong>de</strong>s arithmétici<strong>en</strong>s ! Non, jamais je n'avais vu<br />

pareille chose ! Seigneur, dis-moi Toi-même si je dois vraim<strong>en</strong>t adm<strong>et</strong>tre tout<br />

cela, car, pour moi du moins, il me semble que c<strong>et</strong>te fill<strong>et</strong>te a touché assez juste !<br />

»<br />

Chapitre 175<br />

De la formation du cœur <strong>et</strong> <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> la raison<br />

1. Je dis : « Il est vrai que ce n'est pas là l'Évangile ; mais, tel que cela est, c'est<br />

une vérité qui, avec le temps, aura son utilité pour guérir les hommes <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

superstitions. Car c'est bi<strong>en</strong> dans le domaine <strong>de</strong>s étoiles du ciel que les hommes<br />

<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les superstitions les plus démesurées. Mais le mom<strong>en</strong>t n'est pas<br />

<strong>en</strong>core v<strong>en</strong>u <strong>de</strong> tout révéler aux hommes à ce propos ; car il importe avant tout <strong>de</strong><br />

faire <strong>de</strong>s spectres que sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us les hommes <strong>de</strong>s hommes véritables <strong>et</strong><br />

auth<strong>en</strong>tiques.<br />

2. La seule façon d'y parv<strong>en</strong>ir est que l'homme se connaisse <strong>en</strong>fin lui-même, <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>suite connaisse Dieu <strong>et</strong> L'aime par<strong>de</strong>ssus tout <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes ses forces. Une fois<br />

que l'homme se sera affermi sur ce terrain <strong>et</strong> sera <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u capable <strong>de</strong> recevoir<br />

l'Esprit saint v<strong>en</strong>u <strong>de</strong> Dieu, il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra égalem<strong>en</strong>t réceptif à toutes les autres<br />

vérités jusqu'ici <strong>en</strong>core inconnues, <strong>et</strong> capable <strong>de</strong> les compr<strong>en</strong>dre !<br />

3. Mais si on lui farcissait dès à prés<strong>en</strong>t la tête <strong>de</strong> ces choses, il ne les saisirait pas<br />

<strong>et</strong> se torturerait si bi<strong>en</strong> l'esprit qu'il <strong>en</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drait fou !<br />

4. Aussi est-il un principe ess<strong>en</strong>tiel qu'avant toute sci<strong>en</strong>ce, les hommes<br />

comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t par <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s hommes véritables, sans quoi toute sci<strong>en</strong>ce quelle<br />

qu'elle soit leur fera bi<strong>en</strong> plus <strong>de</strong> mal qu'elle ne les servira. Car toute sci<strong>en</strong>ce<br />

n'occupe que la raison, qui a son siège dans le cerveau ; mais le cœur, fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> la vie, <strong>de</strong>meure alors inculte, sauvage <strong>et</strong> brut comme celui d'une bête <strong>de</strong> proie,<br />

<strong>et</strong>, avec le secours <strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>ce, il fait <strong>en</strong>core davantage <strong>de</strong> mal qu'il n'<strong>en</strong> ferait<br />

sans elle ; car pour un cœur sans Dieu, la sci<strong>en</strong>ce est un véritable flambeau du<br />

mal <strong>en</strong> tout g<strong>en</strong>re !<br />

5. Aussi, Mes amis <strong>et</strong> Mes frères, m<strong>et</strong>tez d'abord au cœur <strong>de</strong>s aveugles un vrai<br />

flambeau d'amour, <strong>et</strong> ne laissez qu'<strong>en</strong>suite ce flambeau éclairer égalem<strong>en</strong>t la<br />

raison <strong>de</strong> l'âme, <strong>et</strong> c'est alors que toute sci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra pour l'homme une<br />

véritable bénédiction !<br />

6. Il est certes fort louable <strong>de</strong> savoir beaucoup <strong>de</strong> choses, parce que l'on peut<br />

ainsi être souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> bon conseil pour les hommes ; mais il est mieux d'aimer<br />

beaucoup <strong>et</strong> véritablem<strong>en</strong>t ! Car l'amour éveille <strong>et</strong> fait vivre ; mais la sci<strong>en</strong>ce ne<br />

fait que satisfaire, puis se m<strong>et</strong> au repos !<br />

7. Aussi la sci<strong>en</strong>ce ai<strong>de</strong>-t-elle bi<strong>en</strong> un peu temporellem<strong>en</strong>t, mais elle fait le plus<br />

353


<strong>grand</strong> mal pour l'éveil <strong>de</strong> l'esprit ; cep<strong>en</strong>dant, lorsque, comme cela ne peut<br />

manquer d'arriver, elle naît à la longue <strong>et</strong> par surcroît <strong>de</strong> la lumière <strong>de</strong> l'esprit,<br />

c'est alors qu'elle est elle-même emplie <strong>de</strong> toute la chaleur <strong>de</strong> la vie <strong>et</strong> qu'elle<br />

donne vie comme la lumière du soleil, qui non seulem<strong>en</strong>t éclaire comme nulle<br />

autre, mais aussi donne vie, parce que c<strong>et</strong>te lumière qui r<strong>en</strong>ferme la chaleur <strong>de</strong> la<br />

vie la communique à tout ce qu'elle touche <strong>et</strong> y ranime <strong>et</strong> y fait croître <strong>en</strong>core<br />

davantage celle qui y était déjà.<br />

8. Croyez-M'<strong>en</strong>, dans l'esprit <strong>de</strong> tout homme repos<strong>en</strong>t, cachées, les innombrables<br />

merveilles qui tourn<strong>en</strong>t là-haut, parcourant <strong>de</strong>s ét<strong>en</strong>dues que vous-mêmes<br />

trouveriez incomm<strong>en</strong>surables ; aussi, aspirez avant tout à éveiller pleinem<strong>en</strong>t<br />

votre esprit, <strong>et</strong> vous pourrez alors à tout mom<strong>en</strong>t voir <strong>en</strong> vous-mêmes avec la<br />

plus <strong>grand</strong>e n<strong>et</strong>t<strong>et</strong>é <strong>et</strong> éprouver très fidèlem<strong>en</strong>t par tous vos autres s<strong>en</strong>s ce que nul<br />

œil n'a jamais vu <strong>et</strong> nul s<strong>en</strong>s jamais éprouvé.<br />

9. Ceux qui reconnaiss<strong>en</strong>t <strong>et</strong> aim<strong>en</strong>t véritablem<strong>en</strong>t Dieu <strong>en</strong> Moi, le Fils <strong>de</strong><br />

l'homme, goûteront dès c<strong>et</strong>te vie <strong>de</strong>s félicités dont nul s<strong>en</strong>s humain, jusqu'à c<strong>et</strong>te<br />

heure, n'avait jamais connu ni éprouvé si peu que ce fût la magnific<strong>en</strong>ce ! Mais<br />

par les seules voies <strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>ce, jamais un homme n'y parvi<strong>en</strong>dra ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu<br />

cela, Cornélius ? »<br />

Chapitre 176<br />

Du <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> la doctrine divine<br />

1. Cornélius dit : « Oui, Seigneur, Tes paroles r<strong>en</strong>ferm<strong>en</strong>t une plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> vérité<br />

à l'évi<strong>de</strong>nce inconnue jusqu'ici selon la seule mesure <strong>de</strong> la vie humaine ; car eûtelle<br />

jamais existé <strong>et</strong> été formulée, certains hommes n'euss<strong>en</strong>t pas manqué <strong>de</strong> la<br />

compr<strong>en</strong>dre pour ce qu'elle est <strong>et</strong> s'y fuss<strong>en</strong>t strictem<strong>en</strong>t conformés, <strong>et</strong> elle n'eût<br />

pas manqué <strong>de</strong> produire ses eff<strong>et</strong>s.<br />

2. Mais à ma connaissance, qui embrasse pourtant bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, non<br />

seulem<strong>en</strong>t cela n'a jamais existé, mais, chez nous autres paï<strong>en</strong>s, c'est tout le<br />

contraire ; aussi faut-il fort admirer les <strong>grand</strong>s esprits tels que Socrate, Platon,<br />

Plotin <strong>et</strong> Phrygius, ainsi que quelques <strong>grand</strong>s Romains qui, malgré tout cela, par<br />

leurs seuls efforts particulièrem<strong>en</strong>t héroïques, pr<strong>en</strong>ant exactem<strong>en</strong>t le contrepied<br />

<strong>de</strong>s lois du polythéisme, sont allés si loin sur la voie qui mène à Toi, le seul <strong>et</strong><br />

unique vrai Dieu.<br />

3. Platon a découvert que Celui qui, bi<strong>en</strong> qu'inconnu, était le seul <strong>et</strong> unique vrai<br />

Dieu, <strong>de</strong>vait être le plus pur amour. Plus il songeait au Dieu inconnu, plus il<br />

faisait chaud dans son cœur ; comme il remarquait que c<strong>et</strong>te chaleur bi<strong>en</strong>faisante<br />

<strong>grand</strong>issait <strong>en</strong> lui, un mé<strong>de</strong>cin lui dit que c'était une maladie, mais Platon se mit à<br />

rire <strong>et</strong> dit : "Si c'est une maladie, je souhaite seulem<strong>en</strong>t qu'elle <strong>grand</strong>isse <strong>en</strong>core<br />

dans mon cœur ; car elle me fait incomparablem<strong>en</strong>t plus <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> que la meilleur<br />

santé reconnue !"<br />

4. Et Platon aima toujours davantage l'Inconnu <strong>et</strong> raconta même comm<strong>en</strong>t, dans<br />

les mom<strong>en</strong>ts suprêmes <strong>de</strong> son amour pour le Dieu inconnu, il avait vu ce Dieu <strong>en</strong><br />

personne comme s'il était pleinem<strong>en</strong>t uni à Lui, <strong>et</strong> quelle in<strong>de</strong>scriptible félicité il<br />

354


<strong>en</strong> avait éprouvé.<br />

5. Les autres <strong>grand</strong>s sages racont<strong>en</strong>t eux aussi <strong>de</strong>s choses semblables ; leur<br />

doctrine eût sans doute été fort salutaire aux hommes si les serviteurs <strong>de</strong>s dieux<br />

que l'on sait ne s'étai<strong>en</strong>t opposés par toutes les abominations possibles à sa<br />

propagation.<br />

6. Mais <strong>de</strong> tout temps, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> sera sans doute <strong>en</strong>core ainsi dans l'av<strong>en</strong>ir, la pure<br />

vérité n'a jamais pu s'installer partout, parce que, avec le temps, ses plus proches<br />

serviteurs, guidés par les intérêts les plus vulgaires, lui faisai<strong>en</strong>t eux-mêmes<br />

obstacle, l'<strong>en</strong>fermant dans un labyrinthe <strong>et</strong> imposant à la voie qui, dans les<br />

comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>ts, était toujours droite <strong>et</strong> ouverte, mille <strong>et</strong> mille courbes qui,<br />

r<strong>en</strong>fermées <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s murs sombres, empêchai<strong>en</strong>t le chercheur <strong>de</strong> jamais découvrir<br />

le c<strong>en</strong>tre où se t<strong>en</strong>ait le vieux temple <strong>de</strong> la Vérité.<br />

7. Seigneur, il n'<strong>en</strong> ira sans doute pas mieux un jour <strong>de</strong> Ta doctrine, pour peu<br />

qu'un seul prêtre s'y distingue ! Il faut bi<strong>en</strong> que <strong>de</strong>s hommes l'<strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t, mais<br />

sur dix, il y a à coup sûr un galeux, <strong>et</strong> celui-là a tôt fait <strong>de</strong> contaminer les autres,<br />

<strong>et</strong> c'<strong>en</strong> est fait alors <strong>de</strong> la vérité !<br />

8. Moïse, le <strong>grand</strong> sage du Caire, fils adoptif <strong>de</strong> la fille <strong>de</strong> Pharaon <strong>et</strong> <strong>grand</strong> initié,<br />

grava la vérité divine sur <strong>de</strong>s tabl<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> marbre <strong>et</strong>, empli <strong>de</strong> la force divine,<br />

ordonna sous peine <strong>de</strong>s plus dures punitions que l'on n'<strong>en</strong>seignât qu'elle seule au<br />

peuple, <strong>et</strong> qu'on exhortât celui-ci à vivre <strong>et</strong> à agir selon c<strong>et</strong>te doctrine ; à peine<br />

mille ans se sont écoulés <strong>de</strong>puis, <strong>et</strong> qu'est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue la sainte doctrine <strong>de</strong>s tables <strong>de</strong><br />

marbre ?! Hors son nom, il n'<strong>en</strong> reste plus la moindre trace ! Où est l'anci<strong>en</strong>ne <strong>et</strong><br />

merveilleuse Arche d'alliance, celle qui éveillait la crainte <strong>et</strong> la vie ? Où sont les<br />

tables originelles, celles que Moïse grava <strong>de</strong> sa propre main comme pour<br />

l'éternité ? Tout cela, les successeurs <strong>de</strong> Moïse l'ont purem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> simplem<strong>en</strong>t détruit<br />

pour le seul amour <strong>de</strong> leurs vils intérêts mondains !<br />

9. C'est pourquoi, sans être le moins du mon<strong>de</strong> prophète, je dis que si, ô Seigneur,<br />

Tu rem<strong>et</strong>s l'administration <strong>de</strong> Ta doctrine <strong>en</strong>tre les mains <strong>de</strong>s hommes, il<br />

<strong>en</strong> sera comme il <strong>en</strong> a été <strong>de</strong> tout temps <strong>et</strong> <strong>en</strong>core à prés<strong>en</strong>t. Dans mille ans, elle<br />

sera à coup sûr irrémédiablem<strong>en</strong>t faussée, <strong>et</strong>, tel Diogène, les hommes <strong>de</strong>vront y<br />

chercher la vérité <strong>en</strong> plein jour sans jamais la trouver pleinem<strong>en</strong>t.<br />

10. Ah, la vérité complète sera sans doute préservée, bi<strong>en</strong> cachée, chez quelques<br />

individus isolés ; mais pour le commun <strong>de</strong>s mortels, il n'<strong>en</strong> restera pas davantage<br />

qu'il ne subsiste aujourd'hui <strong>de</strong> Moïse chez les <strong>en</strong>fants d'Abraham, c'est-à-dire<br />

une coquille vi<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s paroles creuses ! Qui compr<strong>en</strong>d <strong>en</strong>core quelque chose à<br />

l'esprit <strong>de</strong>s principes mosaïques ?<br />

11. C'est pourquoi je dis <strong>et</strong> mainti<strong>en</strong>s que les hommes ont toujours été ainsi <strong>et</strong>, à<br />

peu <strong>de</strong> chose près, le <strong>de</strong>meureront.<br />

12. Certes, la nouveauté suscitera toujours la curiosité <strong>et</strong> l'<strong>en</strong>thousiasme ; mais,<br />

dès que les hommes s'y accoutum<strong>en</strong>t un tant soit peu, même les choses les plus<br />

sublimes leur <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t quotidi<strong>en</strong>nes, sans valeur <strong>et</strong> indiffér<strong>en</strong>tes ! Pour qu'elles<br />

conserv<strong>en</strong>t quelque intérêt à leurs yeux, il faut les rafraîchir fréquemm<strong>en</strong>t par<br />

toutes sortes <strong>de</strong> curiosités, <strong>et</strong> il faut que s'y manifeste quelque changem<strong>en</strong>t, qui<br />

bi<strong>en</strong> sûr ne puisse nuire à l'ess<strong>en</strong>tiel, sans quoi, par pur <strong>en</strong>nui, l'humanité, au<br />

355


milieu d'un déluge incessant d'éclairs <strong>et</strong> <strong>de</strong> tonnerre, recomm<strong>en</strong>ce à façonner <strong>de</strong>s<br />

veaux d'or <strong>et</strong> à danser joyeusem<strong>en</strong>t autour d'eux.<br />

13. Oui, on peut même trouver bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s excuses à certains prêtres si, au lieu <strong>de</strong> la<br />

marchandise auth<strong>en</strong>tique, ils v<strong>en</strong><strong>de</strong>nt au peuple comme purem<strong>en</strong>t divine la plus<br />

misérable camelote ; car une fois que le courant <strong>de</strong>s ténèbres est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u luimême<br />

trop puissant, il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t impossible <strong>de</strong> nager contre lui, <strong>et</strong> le<br />

prêtre le mieux disposé a beau conserver secrètem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lui-même quelque<br />

auth<strong>en</strong>tique lueur <strong>de</strong> vérité, il doit NOLENS SEU VOLENS (*) nager avec le courant<br />

s'il ne veut pas tout simplem<strong>en</strong>t couler !<br />

14. Seigneur, aussi loin que l'on remonte sur c<strong>et</strong>te terre, ce mal a été le<br />

compagnon constant <strong>et</strong> invariable <strong>de</strong> l'humanité, cela est absolum<strong>en</strong>t incontestable<br />

; ne convi<strong>en</strong>drait-il pas <strong>de</strong> guérir <strong>en</strong>fin totalem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> radicalem<strong>en</strong>t l'humanité<br />

<strong>de</strong> ce vieux mal ? Car je ne vois pas pour quelle raison l'humanité <strong>de</strong>vrait<br />

continuer d'y languir <strong>et</strong> <strong>de</strong> se perdre sans cesse à nouveau ! »<br />

Chapitre 177<br />

De la valeur du libre arbitre <strong>de</strong> l'homme<br />

1. Je dis : « Écoute-Moi bi<strong>en</strong>, Mon très cher ami : c'est là une chose <strong>de</strong> la plus<br />

<strong>grand</strong>e nécessité sur c<strong>et</strong>te planète sur laquelle les hommes sont <strong>de</strong>stinés à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir<br />

par eux-mêmes <strong>de</strong> véritables <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu !<br />

2. La moindre limitation spirituelle <strong>de</strong> Ma part à un parfait libre arbitre réduirait<br />

à néant c<strong>et</strong>te int<strong>en</strong>tion qui est la Mi<strong>en</strong>ne !<br />

3. C'est pourquoi il faut absolum<strong>en</strong>t qu'ici [sur c<strong>et</strong>te terre], le champ le plus libre<br />

soit <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce laissé à l'appréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> tous les péchés possibles jusqu'au<br />

tréfonds du pire <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fers, comme à celle <strong>de</strong> la plus extrême vertu au plus haut<br />

<strong>de</strong>s cieux, sans quoi il ne sera plus question <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu sur<br />

c<strong>et</strong>te terre qui y est <strong>de</strong>stinée !<br />

4. Et c'est précisém<strong>en</strong>t là la raison secrète pour laquelle même la plus<br />

merveilleuse doctrine divine doit à la longue s'abaisser jusqu'à la boue la plus<br />

infâme !<br />

5. Nul ne peut dire <strong>de</strong> Ma doctrine qu'elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ri<strong>en</strong> qui soit contre-nature,<br />

inéquitable <strong>et</strong> impraticable ; <strong>et</strong> pourtant, il s'y installera à la longue tant <strong>de</strong><br />

rigueurs <strong>et</strong> d'exig<strong>en</strong>ces impossibles que nul être humain ne sera plus <strong>en</strong> mesure<br />

<strong>de</strong> les observer.<br />

6. Par un zèle outrancier, on massacrera <strong>de</strong>s hommes par c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> milliers<br />

plus cruellem<strong>en</strong>t que les pires <strong>de</strong>s bêtes féroces, <strong>et</strong> l'on p<strong>en</strong>sera r<strong>en</strong>dre ainsi à<br />

Dieu un service particulièrem<strong>en</strong>t agréable.<br />

7. Oui, si les hommes le veul<strong>en</strong>t, Je <strong>de</strong>vrai Moi-même Me laisser emprisonner<br />

par eux <strong>et</strong> même, pour finir, Me laisser tuer selon le corps, afin justem<strong>en</strong>t que les<br />

hommes puiss<strong>en</strong>t exercer leur volonté <strong>de</strong> la manière la plus parfaitem<strong>en</strong>t libre ;<br />

(*) Bon gré, mal gré.<br />

356


car ce n'est que par c<strong>et</strong>te liberté supérieure <strong>et</strong> absolum<strong>en</strong>t illimitée que les<br />

hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre seront véritablem<strong>en</strong>t mis à même <strong>de</strong> s'élever jusqu'à la<br />

condition d'auth<strong>en</strong>tiques <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu, parfaitem<strong>en</strong>t semblables à Dieu <strong>en</strong><br />

toute chose <strong>et</strong> dieux eux-mêmes.<br />

8. Car les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Mon amour doiv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir à jamais ce que Je suis Moimême,<br />

Dieu d'éternité <strong>en</strong> éternité par la seule force <strong>de</strong> Ma volonté parfaitem<strong>en</strong>t<br />

illimitée !<br />

9. Mais pour qu'ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t cela, il faut précisém<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te évolution spirituelle<br />

que tu ne peux <strong>en</strong>core trouver à ton goût. Réfléchis donc seulem<strong>en</strong>t un peu, <strong>et</strong> tu<br />

découvriras qu'il est impossible qu'il <strong>en</strong> soit autrem<strong>en</strong>t !<br />

10. Là où il faut atteindre le plus haut, le plus bas doit être égalem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>t ! »<br />

11. À ces mots, Cornélius se m<strong>et</strong> à réfléchir, <strong>et</strong> il dit au bout d'un mom<strong>en</strong>t : «<br />

Oui, oui, Seigneur, je comm<strong>en</strong>ce à y voir un peu plus clair <strong>en</strong> moi-même ! Je<br />

<strong>de</strong>vrais sans doute bi<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre la chose, mais il y a <strong>en</strong>core là bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

nuages <strong>et</strong> <strong>de</strong>s brumes à travers lesquels mon âme ne peut <strong>en</strong>core recevoir une<br />

vraie clarté. Pourtant, à certains instants, je perçois qu'il fait plus clair <strong>en</strong> moi <strong>et</strong><br />

qu'alors je saisis bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, <strong>et</strong> <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t précis, je saisis cela <strong>de</strong> telle<br />

manière qu'il me serait impossible d'élever le moindre doute là contre ; mais<br />

quant à pouvoir dire que j'y vois parfaitem<strong>en</strong>t clair dans ce domaine <strong>de</strong> sagesse<br />

assurém<strong>en</strong>t inconnu <strong>de</strong> tous jusqu'ici, j'<strong>en</strong> suis <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> loin !<br />

12. Mais là aussi, ô Seigneur, Tu pourrais sans doute m<strong>et</strong>tre dans mon cœur un<br />

tout p<strong>et</strong>it peu plus <strong>de</strong> lumière ! »<br />

13. Je dis : « Je le pourrais, assurém<strong>en</strong>t — mais c<strong>et</strong>te lumière plus puissante ne<br />

serait alors pas ton œuvre, mais uniquem<strong>en</strong>t la Mi<strong>en</strong>ne, <strong>et</strong> donc étrangère <strong>en</strong> toi !<br />

Tu n'aurais plus alors ni à chercher, ni à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, ni à frapper à aucune porte.<br />

14. Or, Je veux <strong>et</strong> dois vouloir que tout homme progresse selon les voies indiquées<br />

par Moi <strong>et</strong> gagne par ses propres efforts <strong>et</strong> ses propres r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>ts ce<br />

dont il a besoin ici-bas <strong>et</strong> pour l'au-<strong>de</strong>là, sans quoi il ne pourrait jamais agir <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

par lui-même, donc <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un être autonome.<br />

15. Or, une indép<strong>en</strong>dance pleine <strong>et</strong> <strong>en</strong>tière est l'une <strong>de</strong>s conditions les plus indisp<strong>en</strong>sables<br />

<strong>de</strong> la plus <strong>grand</strong>e félicité.<br />

16. Considère un serviteur, si bi<strong>en</strong> placé soit-il : auprès <strong>de</strong> son maître, il a<br />

presque tout ce qu'a son maître très fortuné ; il peut goûter <strong>de</strong>s m<strong>et</strong>s les plus fins<br />

<strong>et</strong> boire le vin <strong>de</strong> l'hospitalière table <strong>de</strong> son maître. Si le maître voyage sur terre<br />

ou par mer, il emmène son serviteur avec lui, <strong>et</strong> ce que goûte le maître, le<br />

serviteur le goûte aussi. Et pourtant, chacun d'eux goûte un bonheur bi<strong>en</strong> différ<strong>en</strong>t.<br />

17. Le serviteur se dit souv<strong>en</strong>t : "J'ai un bon maître, il n'exige ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> moi que je<br />

puisse trouver injuste, je suis bi<strong>en</strong> considéré <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>u ; mais s'il<br />

m'adv<strong>en</strong>ait <strong>de</strong> trop présumer <strong>de</strong> moi-même, il pourrait toujours me dire : 'Mon<br />

serviteur, je t'ai traité comme mon propre fils <strong>et</strong> ne t'ai <strong>de</strong>mandé <strong>en</strong> échange<br />

qu'un léger <strong>et</strong> juste service. Mais tu as trop présumé <strong>et</strong> tu t'es mis à jouer les<br />

maîtres ; aussi ne puis-je te gar<strong>de</strong>r à mon service, <strong>et</strong> tu dois quitter ma maison !'<br />

357


Il me faudrait alors partir <strong>et</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un m<strong>en</strong>diant ; mais mon maître, lui,<br />

<strong>de</strong>meurerait le maître <strong>de</strong> tous ses bi<strong>en</strong>s.'<br />

18. Vois-tu, Mon ami, une telle p<strong>en</strong>sée gâte bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t le bonheur du serviteur<br />

! Mais le maître, lui, est véritablem<strong>en</strong>t heureux — <strong>et</strong> même s'il aime beaucoup<br />

son fidèle serviteur, il n'aura jamais à redouter qu'il ne le quitte ; car il <strong>en</strong><br />

trouverait aisém<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>t pour remplacer celui-là. Il <strong>de</strong>meure le maître fortuné,<br />

possesseur pour son propre compte <strong>de</strong> multiples domaines <strong>et</strong> d'innombrables<br />

autres richesses. Sa félicité ne peut donc être troublée, tandis que celle,<br />

conting<strong>en</strong>te, du serviteur, peut recevoir à tout instant le coup <strong>de</strong> grâce. Et, voistu,<br />

il <strong>en</strong> va <strong>de</strong> même ici-bas !<br />

19. Tant que Je vous insuffle la vie <strong>et</strong> la lumière, Moi, le maître <strong>de</strong> toute vie <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

toute lumière, vous n'êtes que Mes serviteurs <strong>et</strong> Mes val<strong>et</strong>s ; car Je peux<br />

maint<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> vous la vie <strong>et</strong> la lumière tant que Je le voudrai, Moi <strong>et</strong> Moi seul. Où<br />

trouverez-vous <strong>en</strong>suite la lumière <strong>et</strong> la vie ?! La seule p<strong>en</strong>sée <strong>de</strong> l'év<strong>en</strong>tualité <strong>de</strong><br />

ce que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> dire n'éveille-t-elle pas nécessairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> toi une très <strong>grand</strong>e<br />

angoisse ?<br />

20. Et lorsqu'il est <strong>en</strong>core possible d'éveiller <strong>en</strong> une âme une quelconque crainte,<br />

frayeur ou angoisse, il ne saurait être question d'une parfaite félicité ! »<br />

Chapitre 178<br />

De la vocation <strong>et</strong> du <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> l'homme<br />

1. (Le Seigneur :) « Et Je suis v<strong>en</strong>u Moi-même sur c<strong>et</strong>te terre <strong>de</strong>stinée à <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer<br />

Mes vrais <strong>en</strong>fants afin, précisém<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> vous libérer <strong>de</strong>s li<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la nécessité<br />

<strong>de</strong>s créatures, <strong>de</strong> vous montrer <strong>en</strong> paroles <strong>et</strong> <strong>en</strong> actes le chemin <strong>de</strong> la vraie<br />

vie éternellem<strong>en</strong>t libre <strong>et</strong> autonome, <strong>et</strong> d'ouvrir <strong>et</strong> d'aplanir pour vous ce chemin<br />

<strong>en</strong> vous y précédant tous par Mon exemple.<br />

2. Ce chemin est le seul par lequel il vous sera possible d'accé<strong>de</strong>r à la gloire<br />

incomm<strong>en</strong>surable <strong>de</strong> Dieu, Mon Père <strong>et</strong> votre Père.<br />

3. Car <strong>en</strong> tant qu'homme, Je suis homme comme vous l'êtes ; mais <strong>en</strong> Moi<br />

<strong>de</strong>meure toute la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la gloire divine du Père, qui n'est Lui-même<br />

qu'amour. Et ce n'est pas Moi <strong>en</strong> tant qu'homme comme vous qui vous dis cela,<br />

mais ce que Je vous dis à prés<strong>en</strong>t est la parole du Père qui est <strong>en</strong> Moi, <strong>et</strong> que Je<br />

connais, Moi, bi<strong>en</strong> que vous ne Le connaissiez, point ; car si vous Le<br />

connaissiez, Ma v<strong>en</strong>ue eût été vaine. Et c'est bi<strong>en</strong> parce que vous ne Le connaissez<br />

pas <strong>et</strong> ne L'avez <strong>en</strong>core jamais reconnu que Je suis v<strong>en</strong>u <strong>en</strong> personne, afin <strong>de</strong><br />

vous Le montrer <strong>et</strong> <strong>de</strong> vous appr<strong>en</strong>dre à Le connaître pleinem<strong>en</strong>t.<br />

4. Et c'est la volonté du Père que tous ceux qui croi<strong>en</strong>t que Moi, le Fils <strong>de</strong><br />

l'homme, J'ai été <strong>en</strong>voyé par le Père, reçoiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux la vie éternelle <strong>et</strong> la gloire<br />

du Père, afin <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> véritables <strong>en</strong>fants du Très-Haut <strong>et</strong> <strong>de</strong> le <strong>de</strong>meurer<br />

éternellem<strong>en</strong>t !<br />

5. Mais pour qu'ils le <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, il faut que le ciel <strong>et</strong> l'<strong>en</strong>fer cohabit<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> ! Sans combat, il n'est pas <strong>de</strong> victoire ! Lorsqu'il est possible d'accé<strong>de</strong>r au<br />

358


plus haut, il faut aussi déployer pour cela les plus <strong>grand</strong>s efforts ; pour atteindre<br />

un extrême, il faut d'abord se dépr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> l'extrême opposé.<br />

6. Et comm<strong>en</strong>t pourrait-on seulem<strong>en</strong>t concevoir un extrême supérieur sans extrême<br />

inférieur ?! Qui d'<strong>en</strong>tre vous peut donc imaginer <strong>de</strong>s montagnes sans vallées<br />

pour les séparer ?! La hauteur <strong>de</strong>s montagnes ne se mesure-t-elle pas au plus<br />

bas <strong>de</strong>s vallées ?! Il faut donc qu'il y ait <strong>de</strong>s vallées très profon<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> celui qui<br />

<strong>de</strong>meure au fond <strong>de</strong> la vallée ne peut atteindre le somm<strong>et</strong> <strong>de</strong>s montagnes qu'<strong>en</strong><br />

affrontant mille maux s'il veut jouir <strong>de</strong> la perspective la plus dégagée <strong>et</strong> la plus<br />

vaste. Mais s'il n'y avait pas <strong>de</strong> vallées, il n'y aurait pas non plus <strong>de</strong> montagnes, <strong>et</strong><br />

nul ne pourrait faire l'asc<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> la moindre hauteur pour y voir ne serait-ce<br />

qu'un peu plus loin que d'ordinaire.<br />

7. Ce n'est certes là qu'une image matérielle ; mais elle r<strong>en</strong>ferme une correspondance<br />

avec une vérité spirituelle infinim<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>e — <strong>et</strong> pour ceux qui<br />

peuv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> veul<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>ser, sa signification <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra toujours plus <strong>grand</strong>e.<br />

8. Dans la sphère <strong>de</strong> la vie intérieure, vous avez été appelés <strong>et</strong> choisis pour<br />

accé<strong>de</strong>r au plus haut — <strong>et</strong> il faut donc qu'il y ait aussi un plus bas <strong>en</strong> <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong><br />

vous ; <strong>et</strong> c'est pourquoi vous disposez du libre arbitre le plus absolu <strong>et</strong> <strong>de</strong> la force<br />

<strong>de</strong> combattre <strong>en</strong> vous le plus bas grâce à la force que Dieu vous a accordée <strong>en</strong><br />

propre pour toujours.<br />

9. Vois-tu, Mon très cher ami Cornélius, les choses sont ainsi <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> parce<br />

qu'elles doiv<strong>en</strong>t être ainsi ! Aussi, J'espère que tu n'auras désormais plus guère <strong>de</strong><br />

questions à Me poser à ce suj<strong>et</strong> !<br />

10. Je pourrais te conduire <strong>en</strong> esprit sur une autre planète où tu trouverais tout<br />

parfait, <strong>de</strong> même que trouves une perfection incomparable aux œuvres appar<strong>en</strong>tes<br />

<strong>de</strong>s animaux ; mais à quoi bon c<strong>et</strong>te perfection qui se reproduit sans<br />

cesse à l'i<strong>de</strong>ntique ? Elle ne sert qu'à couvrir leurs maigres <strong>et</strong> uniformes besoins<br />

vitaux, mais ne va pas au-<strong>de</strong>là, ne serait-ce que d'un cheveu !<br />

11. Des <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu pourrai<strong>en</strong>t-ils vraim<strong>en</strong>t apparaître dans <strong>de</strong> telles<br />

conditions ?!<br />

12. Au contraire, il y a <strong>en</strong> vous, les hommes, un infini, mais c<strong>et</strong> infini n'est pas<br />

développé ; c'est pourquoi l'<strong>en</strong>fant, lorsqu'il vi<strong>en</strong>t au mon<strong>de</strong>, est totalem<strong>en</strong>t<br />

impuissant <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> n'importe quelle espèce d'animal nouveau-né.<br />

13. Mais c'est précisém<strong>en</strong>t parce qu'il est si nu, si faible <strong>et</strong> totalem<strong>en</strong>t sans déf<strong>en</strong>se,<br />

à peine plus consci<strong>en</strong>t qu'un polype marin, que ce récipi<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t<br />

vi<strong>de</strong> peut s'élever jusqu'à la plus haute consci<strong>en</strong>ce divine <strong>et</strong> se voir accor<strong>de</strong>r<br />

toutes les perfections !<br />

14. Ainsi, pr<strong>en</strong>ez bonne note <strong>de</strong> tout ce que Je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> vous dire <strong>et</strong> agissez <strong>en</strong><br />

conséqu<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> vous accé<strong>de</strong>rez immanquablem<strong>en</strong>t à ce pour quoi vous avez tous<br />

été appelés <strong>et</strong> élus temporellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> éternellem<strong>en</strong>t ! — Ami Cornélius, que<br />

p<strong>en</strong>ses-tu à prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong> toi-même <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses hommes, <strong>en</strong>tre la lumière<br />

<strong>et</strong> les ténèbres ? »<br />

359


Chapitre 179<br />

Souv<strong>en</strong>irs <strong>de</strong> Cornélius sur la naissance <strong>de</strong> Jésus<br />

1. Cornélius réfléchit un mom<strong>en</strong>t <strong>et</strong>, plein d'émerveillem<strong>en</strong>t, dit <strong>en</strong>fin : «<br />

Seigneur, Seigneur — oui, tout est bi<strong>en</strong> ! Mais il n'<strong>en</strong> <strong>de</strong>meurera pas moins<br />

toujours vrai que si Tu <strong>en</strong>trais dans ma maison, je n'<strong>en</strong> serais jamais digne ! Car<br />

Toi seul es Celui que David, le <strong>grand</strong> roi <strong>de</strong>s Juifs, dont je lisais déjà les psaumes<br />

dans ma jeunesse, a prophétisé <strong>en</strong> disant : "Portes, levez vos frontons, ouvrezvous,<br />

portails antiques, qu'il <strong>en</strong>tre, le roi <strong>de</strong> gloire ! Qui est-il, ce roi <strong>de</strong> gloire ?<br />

C'est Yahvé Sabaoth, le vaillant <strong>de</strong>s combats !" (Psaume 24, 7-8.)<br />

2. Comme je l'ai dit, je savais cela dès ma jeunesse, <strong>et</strong>, chose étrange, le hasard a<br />

voulu que je sois témoin <strong>de</strong> Ta naissance à B<strong>et</strong>hléem, <strong>et</strong> aussi celui qui a indiqué<br />

à Tes par<strong>en</strong>ts terrestres un chemin pour fuir la cruelle persécution du vieil<br />

Héro<strong>de</strong>.<br />

3. Je n'avais alors que vingt-cinq ans, <strong>et</strong> j'ai maint<strong>en</strong>ant une bonne tr<strong>en</strong>taine<br />

d'années <strong>de</strong> plus. P<strong>en</strong>dant ce temps-là, j'ai traversé <strong>et</strong> connu bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts,<br />

<strong>et</strong> j'ai vu, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>et</strong> appris bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses ; mais malgré tout cela, les étranges<br />

paroles <strong>de</strong> David, Ta naissance <strong>et</strong> tous les événem<strong>en</strong>ts qui l'ont accompagnée<br />

sont <strong>en</strong>core aussi vivants à mes yeux que si cela n'était arrivé que d'hier, comme<br />

on dit. Et j'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds <strong>en</strong>core ces paroles : "Portes, levez vos frontons, ouvrez-vous,<br />

portails antiques, qu'il <strong>en</strong>tre, le roi <strong>de</strong> gloire ! Qui est-il, ce roi <strong>de</strong> gloire ? C'est<br />

Yahvé Sabaoth, le vaillant <strong>de</strong>s combats !"<br />

4. Et je me répétais déjà ce texte <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> jadis, lors <strong>de</strong> Ta naissance, <strong>et</strong> le jour<br />

où Tu as guéri mon val<strong>et</strong>, ô Seigneur, <strong>et</strong> lorsque j'ai connu par la suite la grâce<br />

infinie <strong>de</strong> Te r<strong>en</strong>contrer, je me récitais <strong>en</strong>core ces vers<strong>et</strong>s dans mon cœur qui Te<br />

respecte <strong>et</strong> T'aime par-<strong>de</strong>ssus tout ! Et c'est pourquoi je dis <strong>et</strong> témoigne<br />

aujourd'hui <strong>en</strong>core que Toi seul es le <strong>grand</strong> <strong>et</strong> éternel roi <strong>de</strong> gloire que le sage<br />

<strong>grand</strong> roi <strong>de</strong>s Juifs chantait dans son esprit prophétique ! Car si Tu n'étais pas ce<br />

roi Sabaoth, comm<strong>en</strong>t pourrais-Tu parler <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre comme Tu<br />

vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> le faire ? !<br />

5. Ah, si seulem<strong>en</strong>t Tes très saintes paroles pouvai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>meurer profondém<strong>en</strong>t<br />

gravées dans nos mémoires à tous ! La mémoire, hélas, n'a jamais été mon fort ;<br />

pourtant, je r<strong>et</strong>i<strong>en</strong>s l'ess<strong>en</strong>tiel, c'est-à-dire le fond <strong>de</strong>s choses ! Mais ce que Tu<br />

vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> nous dire est vraim<strong>en</strong>t trop infinim<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> toute notion<br />

humaine, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> que, pour ma part du moins, j'<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>ne à peu près la<br />

signification, la chose me fait l'eff<strong>et</strong> d'un songe éveillé, <strong>et</strong> j'aurai fort à faire pour<br />

l'expliquer aussi clairem<strong>en</strong>t que possible chez moi, parce que ma mémoire ne<br />

peut <strong>en</strong> conserver tous les détails fidèlem<strong>en</strong>t tels qu'ils sont sortis <strong>de</strong> Ta très<br />

sainte bouche. »<br />

6. Je dis : « Oh, il est bi<strong>en</strong> facile d'y remédier ! Vois, nous avons pour cela l'ange<br />

Raphaël ; tu n'as qu'à lui faire donner quelques feuilles <strong>de</strong> bon parchemin, <strong>et</strong> il<br />

r<strong>et</strong>ranscrira immédiatem<strong>en</strong>t pour toi tout Mon discours, qui est d'une <strong>grand</strong>e<br />

importance ! »<br />

7. Avec la plus <strong>grand</strong>e joie du mon<strong>de</strong>, Cornélius appelle aussitôt ses serviteurs <strong>et</strong><br />

360


se fait apporter une vingtaine <strong>de</strong> feuilles du plus beau parchemin, un peu d'<strong>en</strong>cre<br />

<strong>et</strong> un style d'or.<br />

8. L'ange se cont<strong>en</strong>te <strong>de</strong> toucher le parchemin avec le style trempé dans l'<strong>en</strong>cre,<br />

<strong>et</strong> à l'instant, les vingt feuilles se trouv<strong>en</strong>t remplies dans les proportions<br />

conv<strong>en</strong>ables.<br />

9. Là-<strong>de</strong>ssus, l'ange donne à voir à Cornélius les vingt feuilles, <strong>et</strong> Cornélius se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> avec un étonnem<strong>en</strong>t sans bornes comm<strong>en</strong>t l'ange a pu m<strong>et</strong>tre tout cela<br />

sur le papier avec une si extraordinaire rapidité. Car il n'avait pas été témoin <strong>de</strong>s<br />

preuves, que notre Raphaël avait données <strong>en</strong> d'autres occasions <strong>de</strong> la vélocité <strong>de</strong><br />

son écriture, aussi était-il d'autant plus émerveillé que c<strong>et</strong> ange se fût acquitté<br />

avec une si miraculeuse rapidité <strong>de</strong> la transcription <strong>de</strong> Mes paroles, égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

langue grecque <strong>et</strong> latine, <strong>et</strong> si fidèlem<strong>en</strong>t qu'il n'y manquait pas un acc<strong>en</strong>t.<br />

10. Cep<strong>en</strong>dant, Kisjonah, Faustus <strong>et</strong> Philopold, qui avai<strong>en</strong>t observé cela eux aussi<br />

avec une att<strong>en</strong>tion particulière, étai<strong>en</strong>t remplis d'admiration, <strong>et</strong> Philopold,<br />

toujours avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> savoir, <strong>en</strong>treprit <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à Raphaël comm<strong>en</strong>t il était<br />

possible <strong>de</strong> transcrire <strong>de</strong> telles choses avec une si extraordinaire rapidité.<br />

11. Mais l'ange répondit : « Ami, cela nous est certes toujours possible sans<br />

aucune peine, avec l'ai<strong>de</strong> du Seigneur — mais quant à t'expliquer comm<strong>en</strong>t, c'est<br />

parfaitem<strong>en</strong>t impossible. Car c'est une qualité <strong>de</strong> tout esprit parfait d'exécuter <strong>en</strong><br />

un instant non seulem<strong>en</strong>t une telle transcription, mais n'importe quelle action<br />

physique, si considérable soit-elle. Si tu voulais que je détruise une montagne ou<br />

toute une vaste chaîne, ou que j'assèche un lac, ou que je transforme un pays <strong>en</strong><br />

une mer, ou que j'anéantisse toute une planète ou même le soleil, qui est un<br />

million <strong>de</strong> fois plus <strong>grand</strong>, ou si tu voulais m'<strong>en</strong>voyer sur l'une <strong>de</strong>s étoiles les plus<br />

lointaines <strong>et</strong> que je t'<strong>en</strong> rapporte un signe prouvant que j'y suis bi<strong>en</strong> allé, cela<br />

aussi arriverait <strong>en</strong> un instant si bref que tu ne pourrais jamais percevoir par tes<br />

s<strong>en</strong>s que je me suis abs<strong>en</strong>té si peu que ce soit. Mais seul un pur esprit peut<br />

concevoir comm<strong>en</strong>t cela arrive <strong>et</strong> peut arriver !<br />

12. Lorsque tu seras <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t né à nouveau par l'esprit, tu pourras aussi<br />

compr<strong>en</strong>dre cela <strong>et</strong> faire <strong>de</strong> même ; mais tant que tu ne seras pas né à nouveau <strong>en</strong><br />

esprit, il te sera impossible <strong>de</strong> connaître ces qualités <strong>de</strong>s purs esprits, quand bi<strong>en</strong><br />

même je te les dévoilerais très clairem<strong>en</strong>t ! Cep<strong>en</strong>dant, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>-toi comm<strong>en</strong>t ta<br />

p<strong>en</strong>sée peut, <strong>en</strong> un seul très bref instant, aller d'ici à Rome ou à Jérusalem <strong>et</strong> être<br />

<strong>de</strong> r<strong>et</strong>our avec toi ! Si tu peux t'expliquer cela, ami Philopold, tu compr<strong>en</strong>dras<br />

bi<strong>en</strong>tôt la rapidité <strong>de</strong> mon écriture ! »<br />

13. Philopold dit : « Oui, oui, ô magnifique <strong>et</strong> merveilleuse créature angélique, il<br />

est vrai que la p<strong>en</strong>sée voyage très vite, <strong>et</strong> nul ne peut <strong>en</strong> mesurer la vitesse ; mais<br />

une p<strong>en</strong>sée ne crée ri<strong>en</strong> non plus, elle n'est qu'une image très fugitive. Lorsqu'un<br />

homme veut voir son idée réalisée, il doit y travailler durem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ses mains, <strong>et</strong> il<br />

se passe beaucoup <strong>de</strong> temps avant que l'image <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>sée ne <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne<br />

visible dans la réalité ; mais ce qui est miraculeux, chez toi, c'est que la p<strong>en</strong>sée<br />

est déjà l'œuvre accomplie. C'est là une différ<strong>en</strong>ce bi<strong>en</strong> considérable <strong>en</strong>tre ma<br />

p<strong>en</strong>sée <strong>et</strong> la ti<strong>en</strong>ne ! »<br />

361


Chapitre 180<br />

De la nature <strong>et</strong> du <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s anges<br />

1. L'ange dit : « Pas du tout ! Que ton esprit parvi<strong>en</strong>ne seulem<strong>en</strong>t à la régénération,<br />

<strong>et</strong> ta p<strong>en</strong>sée sera elle aussi une merveille parfaitem<strong>en</strong>t accomplie <strong>et</strong> divine<br />

<strong>en</strong> tout ce qui est fondé dans l'ordre divin !<br />

2. Ne crois pas que ce soit moi qui agisse <strong>et</strong> fasse ces choses, car seul œuvre, agit<br />

<strong>et</strong> fait tout cela l'esprit du Seigneur, qui est <strong>en</strong> vérité ce qui constitue <strong>et</strong> emplit<br />

mon être intérieur ; car nous, les anges, ne sommes au fond ri<strong>en</strong> d'autre que <strong>de</strong>s<br />

points <strong>de</strong> rayonnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'Esprit divin ! Nous sommes <strong>en</strong> quelque sorte la<br />

volonté <strong>de</strong> Dieu personnifiée <strong>et</strong> très puissamm<strong>en</strong>t agissante ; notre parole est ce<br />

que dit Sa bouche <strong>et</strong> notre beauté un faible refl<strong>et</strong> <strong>de</strong> Sa gloire infinie <strong>et</strong> <strong>de</strong> Son<br />

incomm<strong>en</strong>surable majesté.<br />

3. Mais si Dieu le Seigneur est infini dans la majesté <strong>de</strong> Sa sagesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> Sa<br />

puissance, Il n'<strong>en</strong> est pas moins prés<strong>en</strong>t ici parmi vous dans Son amour <strong>de</strong> Père<br />

comme un homme limité. Et c'est précisém<strong>en</strong>t c<strong>et</strong> amour qui L'a fait <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir Luimême<br />

un homme <strong>de</strong>vant vous qui fait égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous, les anges, <strong>de</strong>s hommes<br />

<strong>de</strong>vant vous, car sans cela, nous ne sommes que lumière <strong>et</strong> feu, parcourant<br />

comme <strong>de</strong>s éclairs les espaces infinis <strong>en</strong> tant que <strong>grand</strong>es p<strong>en</strong>sées créatrices<br />

emplies <strong>de</strong> Sa parole, <strong>de</strong> Sa puissance <strong>et</strong> <strong>de</strong> Sa volonté d'éternité <strong>en</strong> éternité !<br />

4. Mais c<strong>et</strong> esprit, <strong>et</strong> plus <strong>en</strong>core la flamme d'amour issue du cœur même <strong>de</strong> Dieu<br />

<strong>et</strong> qui est <strong>en</strong> vérité ce grâce à quoi vous <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drez les vrais <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu,<br />

vous le recevez précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> c<strong>et</strong> instant, vous, hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> c'est<br />

pour cela que vous êtes infinim<strong>en</strong>t plus favorisés que nous, <strong>et</strong> que nous <strong>de</strong>vrons<br />

suivre votre voie pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir pareils à vous.<br />

5. Aussi longtemps que nous, les anges, nous <strong>de</strong>meurons ce que nous sommes,<br />

nous ne sommes ri<strong>en</strong> d'autre que les bras <strong>et</strong> les mains du Seigneur, <strong>et</strong> nous ne<br />

nous m<strong>et</strong>tons <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>en</strong> action que lorsque nous y sommes incités par<br />

le Seigneur, tout comme vous faites agir vos mains <strong>et</strong> vos doigts. Tout ce qui est<br />

<strong>en</strong> nous comme tu le vois <strong>en</strong> moi apparti<strong>en</strong>t au Seigneur ; ri<strong>en</strong> ne nous est propre<br />

<strong>en</strong> toute indép<strong>en</strong>dance — <strong>et</strong> <strong>en</strong> vérité, tout <strong>en</strong> nous est le Seigneur Lui-même.<br />

6. Mais vous, vous êtes appelés <strong>et</strong> <strong>de</strong>stinés à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir dans la plus parfaite<br />

indép<strong>en</strong>dance ce qu'est le Seigneur Lui-même ; car le Seigneur vous dira bi<strong>en</strong>tôt :<br />

"Vous <strong>de</strong>vez <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir aussi parfaits <strong>en</strong> toute chose que votre Père est infinim<strong>en</strong>t<br />

parfait dans les cieux !"<br />

7. Et quand le Seigneur vous aura dit cela, à vous, les hommes, vous compr<strong>en</strong>drez<br />

<strong>en</strong>fin pleinem<strong>en</strong>t par là à quelle infinie <strong>grand</strong>eur vous êtes appelés <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>stinés, <strong>et</strong> quelle différ<strong>en</strong>ce infinie il y a <strong>en</strong>tre vous <strong>et</strong> nous !<br />

8. Il est vrai que vous n'êtes <strong>en</strong>core que <strong>de</strong>s embryons dans le sein maternel,<br />

incapables <strong>de</strong> bâtir leur <strong>de</strong>meure par leur propre force vitale fort réduite ; mais<br />

quand vous naîtrez à nouveau du vrai sein maternel qu'est l'esprit, vous serez<br />

vous aussi capables d'agir comme agit le Seigneur !<br />

9. Je vais te dire <strong>en</strong>core une chose que le Seigneur vous dira si vous Lui<br />

362


conservez une vraie foi vivante <strong>et</strong> tout votre amour. Voici ce qu'il vous dira : "Je<br />

fais <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es choses <strong>de</strong>vant vous, mais vous <strong>en</strong> ferez <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong>es <strong>en</strong>core<br />

<strong>de</strong>vant le mon<strong>de</strong> !"<br />

10. Le Seigneur nous dirait-Il pareille chose ? Oh, certainem<strong>en</strong>t pas, car nous<br />

sommes précisém<strong>en</strong>t la volonté <strong>et</strong> les actes du Seigneur à propos <strong>de</strong>squels,<br />

comme témoignant contre Lui-même, Il vous fera c<strong>et</strong>te prophétie.<br />

11. Cep<strong>en</strong>dant, avec le temps, l'amour infini, la grâce <strong>et</strong> l'imm<strong>en</strong>se miséricor<strong>de</strong><br />

du Seigneur nous désignera à nous aussi, esprits angéliques, un chemin grâce<br />

auquel nous <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drons pleinem<strong>en</strong>t vos égaux.<br />

12. Le chemin que le Seigneur suit Lui-même à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra celui <strong>de</strong> tous<br />

les esprits primordiaux <strong>de</strong> tous les cieux — pas du jour au l<strong>en</strong><strong>de</strong>main, bi<strong>en</strong> sûr,<br />

mais progressivem<strong>en</strong>t, dans le cours ininterrompu <strong>de</strong> l'éternité qui n'aura jamais<br />

<strong>de</strong> fin <strong>et</strong> dans laquelle nous montons <strong>et</strong> <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dons, allons <strong>et</strong> v<strong>en</strong>ons autour <strong>de</strong><br />

Dieu comme <strong>en</strong> un cercle infinim<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>, sans jamais toucher les limites<br />

extérieures <strong>de</strong> ce cercle. Mais, si longtemps qu'il nous faille att<strong>en</strong>dre une chose,<br />

elle finit par arriver, lorsqu'elle apparti<strong>en</strong>t véritablem<strong>en</strong>t à la <strong>grand</strong>e ordonnance<br />

divine ; <strong>et</strong> lorsqu'une chose est dans c<strong>et</strong>te ordonnance, peu importe quand elle<br />

arrive ! Une fois qu'elle est arrivée, c'est comme si elle avait existé <strong>de</strong> toute éternité.<br />

13. Il y a c<strong>en</strong>t ans, cher ami Philopold, tu n'étais pas <strong>en</strong>core né <strong>et</strong> n'existais donc<br />

pas comme tu existes à prés<strong>en</strong>t ; mais as-tu vraim<strong>en</strong>t <strong>en</strong> toi-même le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

n'avoir pas été là <strong>de</strong> tout temps ? Seul le froid calcul <strong>de</strong> ta raison te montre que tu<br />

n'as pas toujours été là ; mais ta s<strong>en</strong>sibilité <strong>et</strong> ton s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t le plus vif te dis<strong>en</strong>t<br />

exactem<strong>en</strong>t le contraire.<br />

14. De même, ta froi<strong>de</strong> raison te montre que tu <strong>de</strong>vras mourir un jour <strong>et</strong> donc<br />

disparaître <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre pour toujours <strong>en</strong> tant que ce que tu es à prés<strong>en</strong>t ; mais<br />

interroge ta s<strong>en</strong>sibilité <strong>et</strong> ton s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ni l'un ni l'autre ne sauront ri<strong>en</strong> ni ne<br />

voudront ri<strong>en</strong> savoir d'une quelconque mort ou disparition <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre,<br />

15. Qui a donc le droit <strong>et</strong> la vérité pour soi, la froi<strong>de</strong> raison, ou le chaleureux<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> vie ? Je te le dis : les <strong>de</strong>ux, la raison, <strong>et</strong> le chaleureux s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

vie consci<strong>en</strong>t <strong>de</strong> soi-même ! La raison, bibliothèque ordonnée du cerveau <strong>de</strong><br />

l'âme, se dissociera assurém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'âme avec le corps lors <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> celui-ci.<br />

De même que les autres parties <strong>et</strong> membres du corps, sa capacité matérielle <strong>de</strong><br />

perception <strong>et</strong> <strong>de</strong> calcul, étant périssable, doit avoir <strong>en</strong> elle le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> sa<br />

précarité ; mais il <strong>en</strong> va tout autrem<strong>en</strong>t du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'être consci<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> soi-même, qui, parce qu'il vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Dieu par l'esprit, n'a jamais eu <strong>de</strong><br />

comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> n'aura donc égalem<strong>en</strong>t jamais <strong>de</strong> fin !<br />

16. C'est pour c<strong>et</strong>te raison qu'il est impossible à l'âme, même dans son état<br />

matériel, <strong>de</strong> se concevoir comme périssable <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant cesser d'être un jour. Et<br />

c'est ainsi que l'âme y voit toujours plus clair, <strong>et</strong> lorsqu'elle s'unit <strong>en</strong>fin totalem<strong>en</strong>t<br />

à l'esprit divin qui est <strong>en</strong> elle, le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t si n<strong>et</strong> <strong>et</strong> si<br />

puissant que le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> précarité issu du froid calcul <strong>de</strong> la raison perd toute<br />

signification <strong>et</strong> toute force.<br />

17. La raison <strong>en</strong> est que l'esprit du Seigneur, qui imprègne toutes les forces vi-<br />

363


tales <strong>de</strong> l'âme, se répand égalem<strong>en</strong>t dans les parties nerveuses spirituelles du<br />

corps <strong>et</strong> leur ôte ainsi tout s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> fugacité. Et ceci <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t possible parce<br />

que, grâce à l'esprit, toutes les substances vitales éthériques du corps proprem<strong>en</strong>t<br />

dit <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t finalem<strong>en</strong>t immortelles, à l'instar <strong>de</strong>s substances vitales <strong>de</strong> l'âme.<br />

18. Mon cher Philopold, toi qui es aussi d'<strong>en</strong> haut, tu dois compr<strong>en</strong>dre sans peine<br />

à prés<strong>en</strong>t qu'un esprit peut tout att<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> qu'une durée, si longue soit-elle, n'est<br />

à vrai dire ri<strong>en</strong> pour lui ; car dans l'ordonnance du Seigneur, son tour béni finit<br />

pourtant par arriver un jour, <strong>et</strong> il sera bi<strong>en</strong> difficile alors <strong>de</strong> dire quelle partie <strong>de</strong><br />

l'éternité sera la plus longue pour lui — celle qu'il a déjà vécue <strong>et</strong> traversée, ou<br />

celle qui lui reste à vivre <strong>et</strong> à traverser ?!<br />

19. Pour le mom<strong>en</strong>t, sans doute, je suis <strong>en</strong>core ce que je suis, <strong>et</strong> ce corps appar<strong>en</strong>t<br />

est <strong>en</strong>core loin d'être un corps <strong>de</strong> chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> sang ayant été conçu <strong>et</strong> mis au<br />

mon<strong>de</strong>, habité par une âme substantielle ; pourtant, ceci est déjà une façon <strong>de</strong><br />

s'<strong>en</strong> rapprocher s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> le mom<strong>en</strong>t ne <strong>de</strong>vrait plus trop tar<strong>de</strong>r où une<br />

telle grâce se réalisera pleinem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> où je serai ce que tu es à prés<strong>en</strong>t !<br />

20. Ainsi, ne me loue pas pour m'avoir vu accomplir <strong>de</strong>s merveilles ; car je ne<br />

suis pas <strong>en</strong>core un moi à proprem<strong>en</strong>t parler, <strong>et</strong> mon moi n'est qu'un moi voulu par<br />

le Seigneur, aussi est-ce le Seigneur seul qu'il faut louer <strong>et</strong> glorifier pour c<strong>et</strong>te<br />

œuvre miraculeuse, <strong>et</strong> Il eût pu accomplir c<strong>et</strong>te œuvre, <strong>et</strong> infinim<strong>en</strong>t plus, même<br />

sans ma prés<strong>en</strong>ce sous c<strong>et</strong>te appar<strong>en</strong>ce.<br />

21. Et c'est bi<strong>en</strong> Lui qui a t<strong>en</strong>u à Cornélius ce <strong>grand</strong> <strong>et</strong> saint discours que je lui ai<br />

<strong>en</strong>suite r<strong>et</strong>ranscrit ; tu avais déjà fait Sa connaissance à Cana près <strong>de</strong> Kis, <strong>et</strong> tu<br />

appr<strong>en</strong>dras désormais à Le connaître mieux <strong>en</strong>core. — Mais l'occasion va se<br />

prés<strong>en</strong>ter pour Lui à l'instant <strong>de</strong> prononcer <strong>en</strong>core <strong>de</strong> pures paroles <strong>de</strong> vie. »<br />

Chapitre 181<br />

Philopold expose sa philosophie <strong>de</strong> la Création<br />

1. Philopold se tourne alors vers Kisjonah, qui est assis près <strong>de</strong> lui, <strong>et</strong> lui dit : «<br />

As-tu <strong>en</strong>fin, tout comme moi, la juste notion <strong>de</strong> ce qu'est un ange <strong>de</strong> Dieu ? Voistu,<br />

j'avais toujours dit que les anges n'étai<strong>en</strong>t pas véritablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s personnes,<br />

mais seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s idées emplies <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> ne <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ant visibles<br />

sous une forme donnée que lorsque Dieu décidait que cela était nécessaire. Mais<br />

comme Dieu doit bi<strong>en</strong> sûr avoir un nombre infini d'idées <strong>de</strong> toute sorte, <strong>grand</strong>es<br />

<strong>et</strong> parfois aussi plus p<strong>et</strong>ites <strong>et</strong> accessoires, il est certain que ces idées, si elles<br />

doiv<strong>en</strong>t se réaliser <strong>de</strong> quelque manière, doiv<strong>en</strong>t être emplies <strong>de</strong> la force <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

puissance <strong>de</strong> l'immuable volonté divine, sans quoi elles ne pourrai<strong>en</strong>t jamais<br />

acquérir la moindre exist<strong>en</strong>ce, agissante ou déjà déterminée.<br />

2. Toutes les créatures que l'on trouve sous une forme donnée visible <strong>et</strong> durable,<br />

soit temporaire, soit même définitive — comme par exemple un mon<strong>de</strong> avec ce<br />

qu'il r<strong>en</strong>ferme <strong>et</strong> porte, ainsi que tous ses élém<strong>en</strong>ts —, sont <strong>de</strong>s idées issues <strong>de</strong><br />

Dieu qui ont déjà une exist<strong>en</strong>ce effective. Mais pour faire exister un être concr<strong>et</strong>,<br />

il faut aussi que part<strong>en</strong>t constamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Dieu <strong>de</strong>s idées, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sans<br />

forme <strong>et</strong> agissant tout à fait librem<strong>en</strong>t, emplies elles aussi <strong>de</strong> Sa volonté, mais<br />

364


uniquem<strong>en</strong>t pour agir <strong>et</strong> créer <strong>de</strong>s formes, c'est-à-dire non pas pour être ellesmêmes<br />

<strong>de</strong>s formes où la force <strong>et</strong> l'intellig<strong>en</strong>ce se sont associées pour agir <strong>de</strong>puis<br />

leur propre c<strong>en</strong>tre, à la parfaite ressemblance <strong>de</strong> Dieu, sur <strong>de</strong>s idées<br />

objectivem<strong>en</strong>t manifestées afin d'<strong>en</strong> faire <strong>de</strong>s formes adaptées à un certain ordre<br />

prévu d'avance, mais au contraire pour <strong>de</strong>meurer sans forme <strong>et</strong> donc exister <strong>en</strong><br />

tant qu'idées pouvant agir sous toutes les formes, comme le sage Platon l'avait<br />

déjà affirmé à propos <strong>de</strong> la primordialité <strong>de</strong> l'âme humaine (*) .<br />

3. Certes, c<strong>et</strong> ange a bi<strong>en</strong> une forme, mais c<strong>et</strong>te forme n'est à proprem<strong>en</strong>t parler<br />

ri<strong>en</strong> <strong>en</strong> soi, parce qu'elle n'est pas durable ; cep<strong>en</strong>dant, telle qu'elle est, elle <strong>en</strong> est<br />

presque au point d'exister indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'idée fondatrice <strong>de</strong> Dieu <strong>en</strong> tant<br />

que <strong>grand</strong>e p<strong>en</strong>sée existant pour elle-même, ne dép<strong>en</strong>dant que d'elle-même <strong>et</strong><br />

agissant d'elle-même <strong>et</strong> pour elle-même, d'une part avec ses matériaux propres<br />

désormais séparés, d'autre part avec ceux qui continu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lui v<strong>en</strong>ir sans<br />

interruption <strong>de</strong> Dieu.<br />

4. C'est <strong>en</strong> cela égalem<strong>en</strong>t, me semble-t-il, que consiste la <strong>grand</strong>e idée <strong>de</strong> la<br />

véritable filiation divine. Car tant qu'une idée, n'étant pas séparée <strong>de</strong> la divinité,<br />

est i<strong>de</strong>ntique à elle, on ne peut lui prêter aucune activité spontanée, donc pas<br />

davantage d'indép<strong>en</strong>dance ; c'est seulem<strong>en</strong>t lorsqu'elle accè<strong>de</strong> à tous égards au<br />

niveau où nous sommes, nous, hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, qu'elle peut <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>et</strong> être<br />

ce à quoi nous sommes nous-mêmes appelés.<br />

5. Que dis-tu <strong>de</strong> mon point <strong>de</strong> vue, n'est-il pas juste ? »<br />

6. Kisjonah dit : « Si, si, je n'y trouve ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> faux ! Il est vrai que je ne suis ri<strong>en</strong><br />

moins qu'un philosophe ; pourtant, avec mon simple bon s<strong>en</strong>s ordinaire, je trouve<br />

que tu as parlé fort sagem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je me réjouis d'avoir <strong>en</strong> toi un si sage ami <strong>et</strong><br />

frère dans le Seigneur. Nous aurons <strong>en</strong>core beaucoup à parler là-<strong>de</strong>ssus chez<br />

nous ; mais pour l'heure, j'espère que quelque parole <strong>de</strong> vie nous vi<strong>en</strong>dra bi<strong>en</strong>tôt<br />

<strong>de</strong> la bouche du Seigneur !<br />

7. L'ange nous a sans doute annoncé quelque chose ; mais il ne se passe toujours<br />

ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong> je remarque que le Seigneur S'est un peu assoupi durant notre sage<br />

discours, aussi n'y a t-il guère d'appar<strong>en</strong>ce qu'il veuille bi<strong>en</strong>tôt ouvrir Sa très<br />

sainte bouche sur un quelconque suj<strong>et</strong>,<br />

8. La sage fill<strong>et</strong>te qui a tant donné à p<strong>en</strong>ser à Cornélius s'est <strong>en</strong>dormie elle aussi,<br />

ainsi que le <strong>grand</strong> gouverneur, <strong>et</strong>, comme je le remarque à prés<strong>en</strong>t, plusieurs à<br />

notre table ; aux autres tables, il y a pourtant beaucoup d'animation ! Une telle<br />

somnol<strong>en</strong>ce à notre table aurait-elle été causée par l'ange, <strong>et</strong> surtout par tes sages<br />

développem<strong>en</strong>ts ?!<br />

9. Sais-tu, mon très cher Philopold, j'aime énormém<strong>en</strong>t à t'écouter lorsque tu te<br />

m<strong>et</strong>s ainsi à parler <strong>de</strong> métaphysique ; mais ici, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du Sage d'<strong>en</strong>tre les<br />

sages, tu <strong>en</strong> as peut-être un peu trop fait ! Il est vrai que l'ange nous a lui aussi<br />

t<strong>en</strong>u un long discours ; mais ce qu'il a dit v<strong>en</strong>ait uniquem<strong>en</strong>t du Seigneur, <strong>et</strong><br />

c'était donc <strong>en</strong> quelque sorte tout comme si le Seigneur Lui-même avait parlé.<br />

Mais lorsque tu t'es mis à parler <strong>en</strong>suite, ce n'était là que ton point <strong>de</strong> vue après<br />

tout ce que tu avais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire à l'ange, <strong>et</strong> c'est cela, me semble-t-il, qui a causé<br />

(*) C'est-à-dire l'antériorité <strong>de</strong> l'ess<strong>en</strong>ce sur l'exist<strong>en</strong>ce. (N.d.T.)<br />

365


la somnol<strong>en</strong>ce à notre table ! — N'es-tu pas un peu <strong>de</strong> c<strong>et</strong> avis toi-même ? »<br />

10. Philopold dit : « Oui, oui, tu n'as sans doute pas tort, <strong>et</strong> je regr<strong>et</strong>te fort<br />

maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> m'être laissé <strong>en</strong>traîner si loin par ma raison ; mais je ne peux plus<br />

défaire ce qui a été fait, bi<strong>en</strong> que je sois par ailleurs convaincu <strong>de</strong> n'avoir malgré<br />

tout commis aucune impropriété <strong>en</strong> le faisant ! »<br />

Chapitre 182<br />

De la portée <strong>de</strong> la raison intellectuelle<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Je Me dresse, <strong>de</strong> nouveau tout à fait dispos, <strong>et</strong> dis à Philopold d'un<br />

air fort aimable : « Oh, certes non !<br />

2. Ton observation sur la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre un ange <strong>et</strong> un homme véritable <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

terre était fort juste, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> est exactem<strong>en</strong>t comme tu l'as interprété <strong>et</strong> si<br />

pertinemm<strong>en</strong>t développé. Mon léger assoupissem<strong>en</strong>t n'était que la conséqu<strong>en</strong>ce<br />

<strong>de</strong> la fatigue physique ; car il y aura bi<strong>en</strong>tôt <strong>de</strong>ux nuits <strong>en</strong>tières que nous<br />

travaillons !<br />

3. Mais à prés<strong>en</strong>t, puisque aussi bi<strong>en</strong> tu es un sage platonici<strong>en</strong> si auth<strong>en</strong>tique,<br />

expose-nous égalem<strong>en</strong>t la véritable raison <strong>de</strong> Ma v<strong>en</strong>ue ici-bas dans la chair !<br />

4. Tu sais ce que Je suis <strong>et</strong> étais par l'esprit <strong>de</strong> toute éternité ; mais tu vois <strong>et</strong> s<strong>en</strong>s<br />

aussi bi<strong>en</strong> que tous ceux qui sont à c<strong>et</strong>te table que J'ai aussi un corps <strong>de</strong> chair <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> sang comme les autres hommes.<br />

5. Pourquoi donc ai-Je pris c<strong>et</strong>te <strong>en</strong>veloppe mortelle ? Pourquoi la cause<br />

première <strong>de</strong> tout ce qui existe <strong>et</strong> vit s'est-elle revêtue <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>veloppe <strong>de</strong> la<br />

mortalité la plus évi<strong>de</strong>nte ?! Cela doit-il être, ou n'est-ce par hasard qu'une sorte<br />

<strong>de</strong> lubie <strong>de</strong> l'éternel esprit <strong>de</strong> Dieu qui <strong>de</strong>meure <strong>et</strong> agit <strong>en</strong> Moi ? — Si tu peux<br />

développer cela d'une manière satisfaisante, tu recevras <strong>de</strong>s cieux un prix <strong>de</strong><br />

sagesse dès c<strong>et</strong>te vie ! »<br />

6. Philopold dit : « À franchem<strong>en</strong>t parler, Seigneur, je le press<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> je vois<br />

poindre dans la nuit <strong>de</strong> ma vie comme une aurore, visiblem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>voyée par Ta<br />

grâce, ô Seigneur ! Oui, je s<strong>en</strong>s l'infinie <strong>grand</strong>eur <strong>de</strong> ce que je dois développer ;<br />

mais les mots me manqu<strong>en</strong>t pour cela !<br />

7. Un éon <strong>de</strong> phrases <strong>de</strong> la sagesse terrestre ne suffirai<strong>en</strong>t pas pour exposer c<strong>et</strong>te<br />

chose ; il faudrait disposer d'une langue <strong>de</strong>s esprits toute spéciale, <strong>et</strong> que celle-ci<br />

fût comprise <strong>de</strong> tous, sans quoi ce serait comme <strong>de</strong> parler à <strong>de</strong>s sourds.<br />

8. Mais d'abord, où trouver pareil langage, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> donner aux<br />

hommes une juste compréh<strong>en</strong>sion ?! Ô Seigneur, ce sont là, selon moi, <strong>de</strong>s<br />

choses tout à fait ess<strong>en</strong>tielles, sans lesquelles une explication d'une si extrême<br />

sagesse est purem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t impossible !<br />

9. Malgré tout cela, je perçois <strong>en</strong> moi très vivem<strong>en</strong>t la <strong>grand</strong>e, merveilleuse <strong>et</strong><br />

très sainte vérité ; mais je s<strong>en</strong>s aussi la parfaite impossibilité que nos misérables<br />

mots habill<strong>en</strong>t comme il convi<strong>en</strong>drait pour les besoins d'une juste compréh<strong>en</strong>sion<br />

c<strong>et</strong>te vérité, la plus <strong>grand</strong>e <strong>et</strong> la plus sainte <strong>de</strong> toutes. Dans Ta <strong>grand</strong>e<br />

366


miséricor<strong>de</strong>, ô Seigneur, Tu adm<strong>et</strong>tras c<strong>et</strong>te raison <strong>et</strong> me disp<strong>en</strong>seras donc <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te explication d'une sagesse si extra-ordinairem<strong>en</strong>t élevée <strong>et</strong> <strong>grand</strong>e ! »<br />

10. Je dis : « Oh, cela n'est ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong> il n'<strong>en</strong> faut pas tant que tu le crois ! Il est vrai<br />

qu'il te sera difficile <strong>de</strong> trouver jamais les mots qui convi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t dans ton cerveau,<br />

qui est le lieu où l'âme pr<strong>en</strong>d ordinairem<strong>en</strong>t sa sagesse ; mais tu les trouveras<br />

d'autant mieux dans ton cœur, qui est porteur <strong>de</strong> l'esprit v<strong>en</strong>u du cœur <strong>de</strong> Dieu.<br />

11. Son<strong>de</strong>-le, <strong>et</strong> tu y découvriras que même la plus haute <strong>et</strong> la plus profon<strong>de</strong><br />

sagesse peut s'exposer bi<strong>en</strong> mieux <strong>et</strong> d'une manière bi<strong>en</strong> plus compréh<strong>en</strong>sible à<br />

tous par les mots les plus simples <strong>et</strong> les plus ordinaires du mon<strong>de</strong> que par les plus<br />

nobles paroles <strong>de</strong> sagesse <strong>de</strong> Salomon ! À quoi bon son Cantique <strong>de</strong>s Cantiques,<br />

si tu ne le compr<strong>en</strong>ds pas davantage à la millième lecture qu'à la première ?!<br />

12. Mais Salomon <strong>de</strong>vait écrire ainsi parce que le mom<strong>en</strong>t n'était pas <strong>en</strong>core v<strong>en</strong>u<br />

alors <strong>de</strong> découvrir pleinem<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s hommes peu capables, dans les cœurs<br />

<strong>de</strong>squels l'esprit était totalem<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>t, les plus <strong>grand</strong>s mystères du ciel. Il fallait<br />

seulem<strong>en</strong>t y faire les allusions les plus voilées possible, afin <strong>de</strong> surpr<strong>en</strong>dre les<br />

âmes <strong>et</strong> <strong>de</strong> les laisser dans l'expectative, mais il ne s'agissait nullem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

compréh<strong>en</strong>sion.<br />

13. Car Salomon ne compr<strong>en</strong>ait pas davantage que toi-même son Cantique <strong>de</strong>s<br />

Cantiques ; car s'il l'eût compris, il n'eût pas péché <strong>et</strong> ne fût pas <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u un parfait<br />

idolâtre mille fois adultère.<br />

14. Mais ce qu'il a écrit sous l'inspiration <strong>de</strong> l'Esprit divin qui soufflait sur son<br />

âme à certains mom<strong>en</strong>ts est pourtant la pure parole <strong>de</strong> Dieu — donnée pour être<br />

comprise non par le cerveau, mais par l'esprit éveillé pour cela par Dieu dans le<br />

cœur <strong>de</strong> l'homme, esprit qui, toutefois, ne <strong>de</strong>vait être mis qu'<strong>en</strong> ce temps-ci, après<br />

Mon incarnation, au cœur <strong>de</strong> quelques hommes, afin qu'ils puiss<strong>en</strong>t Me<br />

reconnaître <strong>et</strong> Me compr<strong>en</strong>dre, pour eux-mêmes <strong>et</strong> pour tous ceux à qui l'esprit<br />

ferait <strong>en</strong>core défaut.<br />

15. C'est ainsi que, dans ton cœur, c<strong>et</strong> esprit repose déjà comme un embryon<br />

dans le sein <strong>de</strong> sa mère ; tu n'as donc qu'à chercher un peu dans ton propre cœur<br />

pour y découvrir l'esprit <strong>de</strong> Dieu qui est déjà <strong>en</strong> toi, <strong>et</strong> celui-ci t'inspirera à coup<br />

sûr les mots par lesquels tu expliqueras facilem<strong>en</strong>t à ceux qui sont à c<strong>et</strong>te table ce<br />

que Je t'ai <strong>de</strong>mandé. »<br />

16. Philopold dit : « Seigneur, tout cela serait fort bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> il se peut certes que je<br />

trouve dans mon cœur la clé nécessaire ; pourtant, il Te serait si facile, ô<br />

Seigneur, <strong>de</strong> nous dévoiler Toi-même ce très profond mystère, <strong>et</strong> nous serions assurés<br />

<strong>de</strong> T'écouter avec la plus <strong>grand</strong>e att<strong>en</strong>tion. Mais pour moi, c'est une chose<br />

terriblem<strong>en</strong>t difficile, <strong>et</strong> il se peut même <strong>en</strong>core que l'on rie <strong>de</strong> moi pour finir, <strong>et</strong><br />

à juste titre ! »<br />

17. Je dis : « Oh, certes non, car tout d'abord, pour que c<strong>et</strong>te chose ait un s<strong>en</strong>s<br />

pour vous, les hommes, Mon ordonnance exige précisém<strong>en</strong>t qu'elle soit exposée<br />

<strong>et</strong> développée par vous-mêmes <strong>en</strong> toute indép<strong>en</strong>dance, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, cela est loin<br />

d'être aussi difficile que tu te l'imagines dans ton cerveau.<br />

18. Je pourrais sans doute vous dire cela, à toi <strong>et</strong> aux autres, <strong>et</strong> vous Me<br />

compr<strong>en</strong>driez aussi, à la rigueur ; mais alors, votre âme m<strong>et</strong>trait <strong>en</strong> réserve c<strong>et</strong>te<br />

367


chose, comme tout le reste, principalem<strong>en</strong>t dans sa boîte crâni<strong>en</strong>ne, où elle ne<br />

vous serait à peu près d'aucune utilité pour l'esprit. Car ce que l'âme conserve<br />

dans sa boîte crâni<strong>en</strong>ne meurt <strong>et</strong> disparaît à la longue avec le cerveau ; quel profit<br />

l'esprit pourra-t-il alors tirer <strong>de</strong> ce qui a péri <strong>et</strong> cessé d'être ? !<br />

19. Mais si c'est ton cœur qui expose cela, cela <strong>de</strong>meurera éternellem<strong>en</strong>t dans ce<br />

qui est soi-même éternel <strong>en</strong> toi, c'est-à-dire ton esprit, <strong>et</strong> à travers lui égalem<strong>en</strong>t<br />

dans ton âme ; mais ce que le cerveau conti<strong>en</strong>t périt, <strong>et</strong> il ne <strong>de</strong>meure ri<strong>en</strong> dans<br />

l'âme <strong>de</strong> toutes ses connaissances <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> lorsqu'elle quitte son corps pour<br />

l'au-<strong>de</strong>là.<br />

20. C'est pourquoi, vous tous, vous <strong>de</strong>vez désormais recevoir toute connaissance<br />

dans vos cœurs, <strong>et</strong> c'est aussi dans vos cœurs qu'il faudra la développer ; car ce<br />

que le cerveau crée ne vaut que pour la vie transitoire <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> pour le<br />

corps mortel.<br />

21. L'âme <strong>et</strong> l'esprit n'ont pas besoin <strong>de</strong> tout cela ; il ne leur faut ni vêtem<strong>en</strong>t terrestre,<br />

ni logis, ni champs, ni vignes. Tout le souci <strong>de</strong> ce que connaît le cerveau<br />

est tourné vers la satisfaction <strong>de</strong>s besoins corporels, qui, hélas, se sont accrus<br />

chez les hommes à tel point que la plus <strong>grand</strong>e partie <strong>de</strong> l'humanité ne peut plus<br />

escompter <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins obt<strong>en</strong>ir leur satisfaction.<br />

22. Il est donc impossible à la raison terrestre du cerveau, qui n'a été donnée à<br />

l'homme que pour pourvoir comme il est nécessaire aux besoins <strong>de</strong> son corps, <strong>de</strong><br />

jamais recevoir <strong>et</strong> compr<strong>en</strong>dre quoi que ce soit <strong>de</strong> purem<strong>en</strong>t spirituel. Seul le<br />

peut l'esprit divin dans le cœur, <strong>et</strong> c'est pourquoi il [l'esprit] doit être exercé très<br />

tôt. Dès qu'il a acquis ne serait-ce qu'un peu <strong>de</strong> ferm<strong>et</strong>é, on peut dire que la juste<br />

ordonnance <strong>de</strong> la vie est pleinem<strong>en</strong>t établie ; ainsi donc, essaie à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

développer ce que Je t'ai <strong>de</strong>mandé, <strong>et</strong> ce sera du plus <strong>grand</strong> profit pour ton esprit<br />

! »<br />

Chapitre 183<br />

La raison <strong>de</strong> l'incarnation du Seigneur<br />

1. Philopold dit : « En Ton nom pour moi très saint, j'essaierai donc <strong>de</strong> voir<br />

comm<strong>en</strong>t je puis développer cela par moi-même.<br />

2. Selon moi, puisque même l'homme le plus simple doit avoir pour toute action,<br />

si simple soit-elle, quelque motif sans lequel il ne m<strong>et</strong>trait certes pas ses<br />

membres <strong>en</strong> mouvem<strong>en</strong>t, à plus forte raison est-il permis <strong>de</strong> supposer que Dieu<br />

<strong>de</strong>vait avoir un motif particulièrem<strong>en</strong>t puissant <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> fondé pour Se contraindre,<br />

Lui, le seul vrai <strong>et</strong> très pur Esprit éternel tout-puissant, à <strong>en</strong>trer dans la forme<br />

limitée <strong>de</strong> la chair <strong>et</strong> ainsi, Lui qui est le Créateur <strong>de</strong> toute chose, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir pour<br />

Ses créatures que nous sommes, nous, les hommes, une créature semblable à<br />

elles.<br />

3. Et <strong>de</strong> même que chez nous, les hommes, l'amour seul est le levier le plus<br />

puissant <strong>de</strong> toutes les actions <strong>de</strong> quelque nature qu'elles soi<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> même, c'est<br />

assurém<strong>en</strong>t l'amour qui fut précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Dieu le seul <strong>et</strong> unique <strong>grand</strong> motif<br />

368


pour lequel, Se contraignant Lui-même, Il a cons<strong>en</strong>ti à c<strong>et</strong> acte à la suite duquel,<br />

ô Seigneur, Tu es désormais parmi nous <strong>et</strong> nous <strong>en</strong>seignes à reconnaître<br />

librem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> nous Ta volonté, à nous l'approprier pleinem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> à nous y<br />

conformer <strong>de</strong> nous-mêmes pour Ta satisfaction, ô Seigneur.<br />

4. Dans mon cœur d'humain, il m'apparaît cep<strong>en</strong>dant tout naturellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> très<br />

vivem<strong>en</strong>t que, <strong>de</strong> toute éternité, Tu transformais Tes idées <strong>en</strong> formes vraim<strong>en</strong>t<br />

concrètes. Au début, ces formes étai<strong>en</strong>t rigi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> figées, comme l'est <strong>en</strong>core tout<br />

ce que nos s<strong>en</strong>s perçoiv<strong>en</strong>t comme dépourvu <strong>de</strong> toute vie. À partir <strong>de</strong> ces <strong>grand</strong>es<br />

formes apparemm<strong>en</strong>t mortes, Tu as développé <strong>de</strong> pério<strong>de</strong> <strong>en</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s formes<br />

vivantes toujours plus t<strong>en</strong>dres <strong>et</strong> consci<strong>en</strong>tes d'elles-mêmes, dotées <strong>de</strong> plus ou<br />

moins <strong>de</strong> liberté <strong>de</strong> mouvem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> d'action. Tout cela est <strong>et</strong> n'était qu'une école <strong>et</strong><br />

une épreuve préalables à la vie pleinem<strong>en</strong>t libre dans l'homme pleinem<strong>en</strong>t libre<br />

qui <strong>de</strong>vait sortir <strong>de</strong> tous ces préparatifs, <strong>et</strong> à qui, ô Seigneur, Tu as donné la<br />

forme ess<strong>en</strong>tielle <strong>de</strong> Ton propre être fondam<strong>en</strong>tal.<br />

5. L'homme existait désormais, <strong>et</strong> il se reconnut, lui <strong>et</strong> sa divine liberté, il conçut<br />

une <strong>grand</strong>e joie <strong>de</strong> son exist<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa belle forme <strong>et</strong> fut capable <strong>de</strong><br />

différ<strong>en</strong>cier <strong>et</strong> <strong>de</strong> dénombrer les choses qui l'<strong>en</strong>tourai<strong>en</strong>t.<br />

6. Cep<strong>en</strong>dant, il se mit bi<strong>en</strong>tôt à chercher <strong>en</strong> lui-même sa propre origine ainsi que<br />

celle <strong>de</strong>s choses qui lui servai<strong>en</strong>t ; <strong>et</strong> voyant cela, ô Seigneur, Tu Te réjouis dans<br />

Ton cœur divin, <strong>et</strong> Tu lui donnas l'occasion <strong>de</strong> Te ress<strong>en</strong>tir <strong>et</strong> <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser à Toi <strong>de</strong><br />

plus <strong>en</strong> plus.<br />

7. Par la révélation intérieure sil<strong>en</strong>cieuse <strong>et</strong> secrète du cœur, Ton esprit éternel<br />

conduisit l'homme désormais libre, <strong>et</strong> qui Te ressemblait <strong>en</strong> toute chose, à<br />

comm<strong>en</strong>cer <strong>de</strong> percevoir que, comme tout ce qui l'<strong>en</strong>tourait, il <strong>de</strong>vait être l'œuvre<br />

d'un Être tout-puissant, parfaitem<strong>en</strong>t sage <strong>et</strong> bon. C<strong>et</strong>te consci<strong>en</strong>ce toujours plus<br />

<strong>grand</strong>e <strong>et</strong> plus claire a dû emplir le cœur <strong>de</strong> ce magnifique nouvel homme non<br />

seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la plus <strong>grand</strong>e crainte <strong>et</strong> du plus <strong>grand</strong> respect <strong>en</strong>vers ce Créateur<br />

<strong>de</strong> toute chose qu'il percevait toujours plus vivem<strong>en</strong>t, mais aussi d'un ferv<strong>en</strong>t<br />

amour <strong>et</strong> du désir <strong>de</strong> Le voir <strong>et</strong> <strong>de</strong> Lui parler ne fût-ce qu'une fois, afin <strong>de</strong><br />

connaître par là que sa <strong>grand</strong>e aspiration à la prés<strong>en</strong>ce d'un tel Être supérieur, qui<br />

suscitait <strong>en</strong> lui crainte <strong>et</strong> amour, n'était pas une vaine chimère !<br />

8. C<strong>et</strong>te att<strong>en</strong>te passionnée ne cessait <strong>de</strong> croître, <strong>et</strong> toujours plus brûlante se<br />

faisait dans le cœur pur <strong>et</strong> <strong>en</strong>core parfaitem<strong>en</strong>t intègre du premier couple humain<br />

l'aspiration sacrée à Te voir dans Ton esprit, ô Seigneur.<br />

9. Ces premiers humains s'aimai<strong>en</strong>t assurém<strong>en</strong>t ; mais ils ne se connaissai<strong>en</strong>t<br />

point, <strong>et</strong> c'est pourquoi leur amour <strong>en</strong>vers Toi, ô Seigneur, s'accorda à faire naître<br />

<strong>en</strong> tous <strong>de</strong>ux la certitu<strong>de</strong> toujours plus <strong>grand</strong>e qu'il <strong>de</strong>vait exister un <strong>grand</strong> <strong>et</strong><br />

saint Créateur tout-puissant qui avait installé l'homme pour qu'il fût le maître <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute chose, parce que toutes les autres créatures <strong>de</strong> la terre se<br />

pliai<strong>en</strong>t à sa volonté.<br />

10. Quand c<strong>et</strong>te aspiration à Te connaître <strong>en</strong> quelque sorte personnellem<strong>en</strong>t eut<br />

atteint son point culminant, Tu fus ému dans Ton divin cœur <strong>et</strong>, ayant ouvert la<br />

vision ultérieure <strong>de</strong> l'homme, Te créas mom<strong>en</strong>taném<strong>en</strong>t une forme éthérique<br />

humaine <strong>et</strong> Te montras ainsi à l'homme qui soupirait après Toi.<br />

369


11. C'est alors que l'homme perçut la <strong>grand</strong>e <strong>et</strong> sainte vérité <strong>et</strong> la parfaite réalité<br />

<strong>de</strong> son press<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> il conçut une <strong>grand</strong>e joie <strong>de</strong> Te voir, mais aussi une juste<br />

crainte <strong>en</strong>vers Celui qui lui avait donné l'exist<strong>en</strong>ce, comme à toute chose.<br />

12. L'homme était alors bon <strong>et</strong> pur comme un soleil ; ri<strong>en</strong> ne troublait ses s<strong>en</strong>s, <strong>et</strong><br />

ce que l'on nomme aujourd'hui passion était inconnu à son cœur sanctifié.<br />

13. Mais Tu savais bi<strong>en</strong>, ô Seigneur, que seule la forme <strong>de</strong> l'homme était ainsi<br />

animée par le souffle <strong>de</strong> Ta volonté, <strong>et</strong> qu'il était désormais capable <strong>de</strong><br />

comm<strong>en</strong>cer à travailler intérieurem<strong>en</strong>t à sa propre formation, afin d'accé<strong>de</strong>r à la<br />

libre détermination.<br />

14. Tu l'instruisis <strong>et</strong> lui montras les <strong>de</strong>ux voies — la première m<strong>en</strong>ant à l'indép<strong>en</strong>dance<br />

la plus libre, parfaitem<strong>en</strong>t semblable à celle <strong>de</strong> Dieu, l'autre m<strong>en</strong>ant à<br />

une exist<strong>en</strong>ce jugée, c'est-à-dire sans la moindre indép<strong>en</strong>dance.<br />

15. Un comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t fut donné pour indiquer le chemin fatal <strong>et</strong> être lui-même<br />

ce double chemin.<br />

16. Mais afin que ce comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vînt pour l'homme ce à quoi il était<br />

<strong>de</strong>stiné, il Te fallait donner à l'homme un compagnon t<strong>en</strong>tateur qui <strong>de</strong>vait l'inciter<br />

à ne pas observer ce comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> c'est <strong>de</strong> sa propre volonté ferme que<br />

l'homme <strong>de</strong>vrait par la suite s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir à ce comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>et</strong> l'observer<br />

fidèlem<strong>en</strong>t.<br />

17. Il <strong>en</strong> fut ainsi p<strong>en</strong>dant un temps ; mais Tu vis <strong>en</strong>suite Toi-même que la stricte<br />

observance <strong>de</strong> c<strong>et</strong> unique comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ne pourrait finalem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>er l'homme<br />

à ce <strong>de</strong>gré supérieur d'indép<strong>en</strong>dance parfaite que Tu lui avais assigné comme but.<br />

18. Afin d'y parv<strong>en</strong>ir, l'homme <strong>de</strong>vait d'abord se séparer <strong>et</strong> s'éloigner <strong>en</strong>core<br />

davantage <strong>de</strong> Toi ; il <strong>de</strong>vait faillir <strong>et</strong> tomber, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite seulem<strong>en</strong>t, dans ce<br />

suprême éloignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Toi, comm<strong>en</strong>cer à se repr<strong>en</strong>dre à <strong>grand</strong>-peine au milieu<br />

<strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> t<strong>en</strong>tations <strong>et</strong> <strong>de</strong> douleurs <strong>et</strong> Te chercher d'un cœur accablé <strong>et</strong><br />

rep<strong>en</strong>tant.<br />

19. Quand l'homme ainsi tombé se fut à nouveau élevé vers Toi <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pénible<br />

manière du fond <strong>de</strong> son abîme, Tu vins à nouveau vers lui, lui apparus sous une<br />

forme déjà beaucoup plus pure <strong>et</strong> Te montras aussi plus prolixe dans la révélation<br />

<strong>de</strong>stinée à instruire les hommes, lui faisant la <strong>grand</strong>e promesse <strong>de</strong> ce que Tu as<br />

désormais réalisé à nos yeux <strong>de</strong> la manière la plus auth<strong>en</strong>tique <strong>et</strong> la plus concrète<br />

qui soit <strong>en</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ant Toi-même pour l'homme un homme parfaitem<strong>en</strong>t semblable<br />

à lui, afin que, dans toutes les éternités à v<strong>en</strong>ir, il puisse paraître <strong>de</strong>vant Toi dans<br />

l'indép<strong>en</strong>dance la plus parfaite <strong>et</strong> que Tu éprouves Toi-même le plus <strong>grand</strong> plaisir<br />

<strong>et</strong> sans doute la plus <strong>grand</strong>e félicité à paraître <strong>de</strong>vant Tes <strong>en</strong>fants non plus<br />

comme un Dieu, un Seigneur <strong>et</strong> un Père aussi <strong>grand</strong> que l'infini, qu'ils ne pourrai<strong>en</strong>t<br />

jamais voir ni percevoir, mais comme un bon Père visible que Ses <strong>en</strong>tants<br />

peuv<strong>en</strong>t aimer, <strong>et</strong> afin <strong>de</strong> conduire <strong>en</strong> personne tous Tes bons <strong>en</strong>fants vers Ton<br />

ciel <strong>de</strong>s merveilles.<br />

20. Et quelle félicité y avait-il donc pour un Dieu infini à être capable sans doute<br />

<strong>de</strong> voir Ses chers <strong>en</strong>fants, si eux-mêmes, <strong>en</strong> revanche, ne pouvai<strong>en</strong>t jamais avoir<br />

<strong>de</strong> Lui d'autre vision que celle d'une mer <strong>de</strong> lumière sans fin ?! Aussi est-ce bi<strong>en</strong><br />

la suprême félicité que Tu as ainsi apportée aux hommes, mais aussi à Toi-<br />

370


même, le vrai <strong>et</strong> l'unique Père plein d'amour <strong>de</strong> Tes <strong>en</strong>fants !<br />

21. Car quel plaisir pouvais-Tu bi<strong>en</strong> éprouver à voir les meilleurs <strong>et</strong> les plus purs<br />

<strong>de</strong> Tes <strong>en</strong>fants, ayant <strong>en</strong> même temps la consci<strong>en</strong>ce assurém<strong>en</strong>t fort claire qu'ils<br />

ne Te verrai<strong>en</strong>t ni ne T'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t jamais ?!<br />

22. Aussi est-ce pour l'amour <strong>de</strong> Toi-même aussi bi<strong>en</strong> que <strong>de</strong>s hommes que Tu as<br />

fait tout cela, ô Seigneur, afin que les purs <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>heureux par Toi <strong>et</strong><br />

afin <strong>de</strong> pouvoir Toi-même éprouver par eux la joie <strong>et</strong> la félicité suprêmes !<br />

23. Et si tous les anges veul<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s cieux pour me donner<br />

une autre cause ess<strong>en</strong>tielle à Ta prés<strong>en</strong>te incarnation parfaitem<strong>en</strong>t formelle, y<br />

compris matériellem<strong>en</strong>t, je r<strong>en</strong>once définitivem<strong>en</strong>t à mon humanité <strong>et</strong> veux bi<strong>en</strong><br />

cesser d'être, voire <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir pour toujours quelque animal !<br />

24. Si Tu n'avais pas d'amour <strong>en</strong> Toi, ô Seigneur, Tu n'aurais jamais fait exister<br />

d'une manière visible <strong>et</strong> formelle ne fût-ce qu'une seule <strong>de</strong> Tes très merveilleuses<br />

idées ; mais c'est parce que Tu pr<strong>en</strong>ais Toi-même <strong>grand</strong> plaisir, dans Ton cœur <strong>de</strong><br />

Père, a Tes idées merveilleusem<strong>en</strong>t belles <strong>et</strong> <strong>grand</strong>es, <strong>et</strong> parce que Tu les aimais<br />

déjà avant même que Ta sagesse <strong>et</strong> Ta puissance infinies ne leur euss<strong>en</strong>t donné<br />

une exist<strong>en</strong>ce formelle extérieurem<strong>en</strong>t visible <strong>et</strong> consolidée par Ta force, que-<br />

Ton amour, qui <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait d'ailleurs toujours plus brûlant <strong>et</strong> plus actif, Te<br />

contraignit à donner à Tes idées une exist<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> quelque sorte extérieure à Toi,<br />

<strong>et</strong> par conséqu<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t une vie.<br />

25. Cep<strong>en</strong>dant, c<strong>et</strong>te vie n'est jamais autre chose que Ton très <strong>grand</strong>, très puissant<br />

<strong>et</strong> très pur amour divin !<br />

26. Toutes les créatures tir<strong>en</strong>t leur souffle <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> c<strong>et</strong> amour qui est le Ti<strong>en</strong>,<br />

oui, tout leur être n'est lui aussi que Ton amour, <strong>et</strong> toutes les formes elles-mêmes<br />

ne sont que Ton amour ! Tous ce que nous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dons, voyons, percevons,<br />

ress<strong>en</strong>tons, éprouvons <strong>et</strong> goûtons n'est que Ton amour ! Sans lui, jamais le soleil<br />

n'eût éclairé la terre <strong>et</strong> réchauffé son sol pour le r<strong>en</strong>dre fertile !<br />

27. Et si Ton amour seul a fait tout cela <strong>de</strong> Tes magnifiques idées fondatrices, ne<br />

<strong>de</strong>vait-il ri<strong>en</strong> faire <strong>en</strong>suite pour lui-même, précisém<strong>en</strong>t afin d'accomplir<br />

pleinem<strong>en</strong>t dans tous les êtres v<strong>en</strong>us au mon<strong>de</strong> par lui ce qui avait été sa propre<br />

impulsion première, c'est-à-dire <strong>de</strong> donner aux idées une forme <strong>et</strong> une vie libre <strong>et</strong><br />

indép<strong>en</strong>dante ?!<br />

28. Je crois maint<strong>en</strong>ant avoir dit toute la vérité, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> ressort très clairem<strong>en</strong>t que<br />

Tu <strong>de</strong>vais nécessairem<strong>en</strong>t, poussé par Ta propre nécessité, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un jour, Toi,<br />

le Dieu éternel, un homme comme nous !<br />

29. Et je crois aussi avoir ainsi épuisé, du moins pour l'ess<strong>en</strong>tiel <strong>et</strong> dans la mesure<br />

où cela est possible à une intellig<strong>en</strong>ce humaine, la question que Tu me<br />

posais ! — À prés<strong>en</strong>t, je T'<strong>en</strong> prie, ô Seigneur, dis-moi clairem<strong>en</strong>t quel est Ton<br />

jugem<strong>en</strong>t là-<strong>de</strong>ssus. »<br />

371


Chapitre 184<br />

De la langue du cœur<br />

1. Tous s'étonn<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la profon<strong>de</strong> intuition <strong>et</strong> <strong>de</strong> la sagesse <strong>de</strong> Philopold.<br />

Kisjonah le contemple <strong>de</strong> la tête aux pieds <strong>et</strong> ne compr<strong>en</strong>d pas comm<strong>en</strong>t c<strong>et</strong><br />

homme, dont il connaît par ailleurs la <strong>grand</strong>e expéri<strong>en</strong>ce, a pu tout à coup, par sa<br />

sagesse pénétrante, les plonger tous dans le plus profond étonnem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> Mathaël<br />

lui-même dit : « Je compr<strong>en</strong>ds sans doute bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses — mais jamais mon<br />

esprit n'a atteint à <strong>de</strong> telles profon<strong>de</strong>urs ! L'esprit ou l'âme <strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme a dû<br />

déjà aller à quelque école d'un autre mon<strong>de</strong> meilleur ! »<br />

2. Jarah contemple elle aussi le sage <strong>et</strong>, dans son étonnem<strong>en</strong>t, ne sait plus tout à<br />

fait que p<strong>en</strong>ser.<br />

3. Cep<strong>en</strong>dant, Je lui dis : « Tu vois, Mon cher ami <strong>et</strong> frère, comme tout s'est bi<strong>en</strong><br />

passé, <strong>et</strong> combi<strong>en</strong> tu as touché juste <strong>en</strong> répondant à la question que Je posais à<br />

ton cœur !<br />

4. Je te le dis, tu as, d'une manière très fidèle, très véridique <strong>et</strong> facile à<br />

compr<strong>en</strong>dre, révélé <strong>en</strong> Mon nom à tous Mes disciples, amis <strong>et</strong> frères l'<strong>en</strong>tière<br />

vérité, <strong>et</strong> Je n'ai plus ri<strong>en</strong> à y ajouter que ces mots : ainsi <strong>en</strong> est-il, <strong>et</strong> ainsi <strong>en</strong> futil<br />

<strong>de</strong> toute éternité <strong>de</strong> toutes les choses <strong>et</strong> les êtres !<br />

5. Vois-tu, il y a là davantage <strong>de</strong> sagesse que dans tout le Cantique <strong>de</strong>s Cantiques<br />

<strong>de</strong> Salomon, que celui-ci n'a foncièrem<strong>en</strong>t pas mieux compris que n'importe qui<br />

d'autre ; car s'il l'avait compris, il ne serait pas tombé par la suite dans les pires<br />

péchés, allant ainsi à sa perte !<br />

6. Aussi, vous tous, ne cherchez pas ailleurs que dans vos cœurs la vérité <strong>et</strong> la<br />

vraie révélation divine, <strong>et</strong> vous la compr<strong>en</strong>drez aisém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> la gar<strong>de</strong>rez pour toute<br />

votre vie <strong>et</strong> pour l'éternité ! »<br />

7. Pierre dit alors : « Mais, Seigneur, voici maint<strong>en</strong>ant près <strong>de</strong> neuf lunes que<br />

nous sommes constamm<strong>en</strong>t auprès <strong>de</strong> Toi ; pourquoi donc ne savons-nous pas<br />

nous-mêmes parler comme le fait notre ami <strong>de</strong> Cana près <strong>de</strong> Kis ? »<br />

8. Je dis : « Les Romains ont un p<strong>et</strong>it proverbe à ce suj<strong>et</strong> : EX TRUNCO NON<br />

STATIM FIT MERCURIUS (*) ! Vous êtes plus ou moins dans ce cas, <strong>et</strong> Moi-même,<br />

Je voudrais parfois vous poser c<strong>et</strong>te question : combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps Me faudra-t-il<br />

<strong>en</strong>core pati<strong>en</strong>ter pour que vous compr<strong>en</strong>iez <strong>et</strong> saisissiez vraim<strong>en</strong>t une chose <strong>en</strong><br />

profon<strong>de</strong>ur dans votre être ?<br />

9. Ne vous ai-Je donc pas déjà souv<strong>en</strong>t dit que vous ne <strong>de</strong>viez pas concevoir les<br />

p<strong>en</strong>sées dans vos têtes, mais seulem<strong>en</strong>t dans vos cœurs, si vous vouliez accé<strong>de</strong>r à<br />

une plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> vérité qui vous r<strong>en</strong><strong>de</strong> véritablem<strong>en</strong>t libres ? Pourquoi donc ne le<br />

faites-vous point, <strong>et</strong> pourquoi préférez-vous rester dans la matière, qui n'a ri<strong>en</strong> <strong>et</strong><br />

ne peut ri<strong>en</strong> donner ?! Faites ce que Je vous <strong>en</strong>seigne, <strong>et</strong> vous aussi, comme<br />

Philopold, vous pourrez parler avec une vraie sagesse ! »<br />

10. Pierre dit : « Seigneur, nous nous y sommes souv<strong>en</strong>t efforcés ; mais nous ne<br />

(*) On ne fait pas sur-le-champ un Mercure d'une souche<br />

372


parv<strong>en</strong>ons pas à progresser dans c<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>sée du cœur. C'est seulem<strong>en</strong>t par<br />

mom<strong>en</strong>ts que je s<strong>en</strong>s dans mon cœur, non pas <strong>de</strong>s p<strong>en</strong>sées à proprem<strong>en</strong>t parler,<br />

mais plutôt <strong>de</strong> véritables paroles, <strong>et</strong> je ne peux pourtant pas appeler cela <strong>de</strong>s<br />

p<strong>en</strong>sées, car il me semble que ces paroles ne s'exprim<strong>en</strong>t dans mon cœur qu'après<br />

avoir été p<strong>en</strong>sées dans mon cerveau ! »<br />

11. Je dis : « C'est un début ; exercez-vous à cela, <strong>et</strong> vous <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drez bi<strong>en</strong>tôt<br />

capables <strong>de</strong> concevoir dans vos cœurs les p<strong>en</strong>sées les plus profon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> les plus<br />

libres ! »<br />

12. Pierre dit : « Merci à Toi, ô Maître éternellem<strong>en</strong>t bon ; s'il <strong>en</strong> est ainsi, nous<br />

progresserons sans doute très vite ! »<br />

13. Je dis : « Oui, oui, mais vous n'y parvi<strong>en</strong>drez tout à fait qu'après que Je serai<br />

r<strong>et</strong>ourné chez Moi, <strong>et</strong> pas avant ! »<br />

14. Aucun <strong>de</strong> ceux qui étai<strong>en</strong>t à Ma table ne comprit cela, <strong>et</strong> ils Me <strong>de</strong>mandèr<strong>en</strong>t<br />

ce que J'avais voulu dire.<br />

15. Mais Je dis : « Croyez-vous donc que le Fils <strong>de</strong> l'homme va comme à prés<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>meurer <strong>en</strong> chair <strong>et</strong> <strong>en</strong> os parmi vous, les hommes, jusqu'à la fin <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>,<br />

<strong>et</strong> vous instruire <strong>et</strong> faire <strong>de</strong>s miracles ?!<br />

16. Sans doute, Je <strong>de</strong>meurerai jusqu'à la fin du mon<strong>de</strong> avec les hommes <strong>de</strong> bonne<br />

volonté pour les consoler, les fortifier, les instruire <strong>et</strong> même faire <strong>de</strong>s miracles, <strong>et</strong><br />

Je vi<strong>en</strong>drai vers tous ceux qui M'aimeront vraim<strong>en</strong>t <strong>et</strong> observeront Mes<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> Me révélerai à eux — mais non dans ce corps mortel : dans<br />

Mon corps transfiguré <strong>et</strong> à jamais immortel ! Que celui qui a du bon s<strong>en</strong>s<br />

compr<strong>en</strong>ne ! »<br />

17. Les disciples dis<strong>en</strong>t : « Seigneur, ce n'est pas que nous manquions <strong>de</strong> bon<br />

s<strong>en</strong>s — mais nous ne parv<strong>en</strong>ons toujours pas à compr<strong>en</strong>dre cela ! »<br />

18. Je dis : « Aussi, loin <strong>de</strong> Moi la p<strong>en</strong>sée <strong>de</strong> vous <strong>en</strong> faire grief ! Tout appr<strong>en</strong>ti a<br />

besoin <strong>de</strong> temps pour s'affermir <strong>et</strong> s'assurer <strong>de</strong> ce qu'il a appris ; mais une fois<br />

qu'il est prêt, on lui donne sa liberté, <strong>et</strong> dès lors, il est t<strong>en</strong>u pour responsable luimême<br />

<strong>de</strong> toutes les fautes qu'il pourra comm<strong>et</strong>tre ! Vous n'êtes pas fautifs si vous<br />

ne compr<strong>en</strong>ez pas <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses ; mais par la suite, il <strong>en</strong> sera autrem<strong>en</strong>t<br />

! — Mais repr<strong>en</strong>ez-vous maint<strong>en</strong>ant, car il arrivera sous peu une chose qui nous<br />

donnera bi<strong>en</strong> du fil à r<strong>et</strong>ordre ! »<br />

Chapitre 185<br />

À propos du nimbe<br />

1. J'avais dit cela à voix haute, afin que les convives <strong>de</strong>s autres tables l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>diss<strong>en</strong>t<br />

aussi, <strong>et</strong> notre Stahar, chef <strong>de</strong> la synagogue <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe, se<br />

leva <strong>de</strong> sa place <strong>et</strong>, la mine grave, vint à Moi <strong>et</strong> dit : « Seigneur, j'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du tout<br />

ce qui s'est dit <strong>et</strong> débattu à c<strong>et</strong>te table supérieurem<strong>en</strong>t distinguée, à savoir bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s choses merveilleuses, sublimes, d'une profon<strong>de</strong> sagesse <strong>et</strong> d'une <strong>grand</strong>e<br />

vérité, à tous égards incontestables ; sur tout cela, Ta très pure divinité rayonnait<br />

373


comme un soleil <strong>en</strong> plein midi, <strong>et</strong> tous les anges du ciel ne pourrai<strong>en</strong>t dire qu'il<br />

<strong>en</strong> fut autrem<strong>en</strong>t.<br />

2. Pourtant, quelque chose me manquait toujours, <strong>et</strong> c'est — comm<strong>en</strong>t dire ? —<br />

c<strong>et</strong>te sorte <strong>de</strong> nimbe sublime <strong>et</strong> divin que l'on perçoit aujourd'hui <strong>en</strong>core si<br />

distinctem<strong>en</strong>t au Temple, <strong>et</strong> surtout dans le Saint <strong>de</strong>s Saints, à peine y m<strong>et</strong>-on le<br />

pied !<br />

3. L'espèce <strong>de</strong> paix mystérieuse <strong>et</strong> sacrée, le parfum sanctifié <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s<br />

— choses qui manqu<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t ici<br />

— produis<strong>en</strong>t toujours sur un homme un eff<strong>et</strong> qui le bouleverse <strong>de</strong> part <strong>en</strong> part,<br />

assurém<strong>en</strong>t pour sa plus <strong>grand</strong>e piété ! Quel abîme indicible y a-t-il là <strong>en</strong>tre Dieu<br />

<strong>et</strong> l'homme !<br />

4. Ah, comme l'homme se s<strong>en</strong>t humble face à l'effrayante majesté divine<br />

éternelle, comme il re<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t moins que ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> n'éprouve qu'alors, dans son<br />

écrasem<strong>en</strong>t, la <strong>grand</strong>e totalité divine <strong>et</strong> sa propre inanité absolue, ce qui est <strong>de</strong>s<br />

plus salutaire pour r<strong>en</strong>dre son humilité au cœur humain, si prompt à se gonfler<br />

d'importance !<br />

5. Bref, à mon humble avis, <strong>et</strong> d'autant plus ici, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> son Dieu <strong>et</strong><br />

Créateur, un homme ne <strong>de</strong>vrait pas se s<strong>en</strong>tir aussi à l'aise que s'il était tranquillem<strong>en</strong>t<br />

assis chez lui, à manger un plat <strong>de</strong> l<strong>en</strong>tilles !<br />

6. Il manque donc ici ce nimbe <strong>de</strong> sublimité ! Nous sommes assis tous <strong>en</strong>semble<br />

comme <strong>de</strong> simples amis <strong>et</strong> même <strong>de</strong>s frères, <strong>et</strong> quand quelqu'un dit une chose,<br />

elle est sans doute extraordinairem<strong>en</strong>t vraie <strong>et</strong> sage, mais aussi totalem<strong>en</strong>t<br />

dépourvue <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te espèce d'antique nimbe <strong>de</strong>s véritables prophètes ; dès qu'il a<br />

parlé, c'<strong>en</strong> est fini — mais pour nous aussi, hélas, <strong>de</strong> presque tout le singulier <strong>et</strong><br />

suprême respect que l'homme <strong>de</strong>vrait toujours avoir <strong>en</strong>vers Dieu !<br />

7. En Ta prés<strong>en</strong>ce, nous nous s<strong>en</strong>tons presque parfaitem<strong>en</strong>t à notre aise, <strong>et</strong> même<br />

le sabbat, dont la paix emplie <strong>de</strong> vénération avait jusqu'ici un si merveilleux eff<strong>et</strong><br />

sur le cœur <strong>de</strong> l'homme, ne nous impressionne désormais guère plus que<br />

n'importe quel jour <strong>de</strong> semaine tout à fait ordinaire — <strong>et</strong> voici maint<strong>en</strong>ant qu'il<br />

doit arriver une chose très spéciale, mais, un jour <strong>de</strong> sabbat <strong>de</strong> nouvelle lune, qui<br />

plus est, cela nous paraîtra sans doute tout aussi banal que n'importe quoi <strong>de</strong><br />

parfaitem<strong>en</strong>t habituel <strong>et</strong> du <strong>de</strong>rnier quotidi<strong>en</strong> !<br />

8. Ta toute-puissance ne pourrait-elle donc faire que, du moins, les <strong>de</strong>ux heures<br />

<strong>de</strong> jour qui rest<strong>en</strong>t <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t dans la nécessaire paix du sabbat <strong>et</strong> ne soi<strong>en</strong>t pas<br />

r<strong>en</strong>dues par trop quotidi<strong>en</strong>nes, privées <strong>de</strong> tout nimbe <strong>de</strong> sacré ? »<br />

9. Je dis : « Il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> ployer un vieil arbre ; <strong>et</strong> n'as-tu jamais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du<br />

ce dicton : "Un chi<strong>en</strong> revi<strong>en</strong>t toujours à ce qu'il a recraché, <strong>et</strong> les cochons à la<br />

mare où ils se sont vautrés !"?<br />

10. Que vi<strong>en</strong>t faire ici ton vain nimbe du Temple, au parfum sublime, mais qui<br />

n'a absolum<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> divin ? ! A-t-il jamais ouvert les yeux <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> <strong>en</strong>seigné<br />

le chemin <strong>de</strong> la vie à quiconque ? !<br />

11. Ai-Je créé l'homme pour ce nimbe, ou ne serait-ce pas uniquem<strong>en</strong>t pour<br />

374


l'amour, source <strong>de</strong> tout bonheur ?!<br />

12. Les tyrans <strong>et</strong> les oppresseurs <strong>de</strong> l'humanité ont sans doute coutume <strong>de</strong><br />

s'<strong>en</strong>vironner <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> ton fameux nimbe, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> outre, ils j<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t du sable<br />

aux yeux <strong>de</strong> tous ceux qui y voi<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core <strong>et</strong> étouff<strong>en</strong>t les pauvres <strong>et</strong> les faibles,<br />

tout cela uniquem<strong>en</strong>t pour accroître ton sublime nimbe <strong>de</strong> terreur — <strong>et</strong> tu dis que<br />

cela est bon <strong>et</strong> même fort utile à l'âme humaine ?! Ô vieux fou aveugle que tu es<br />

!<br />

13. Quel bi<strong>en</strong> vous ferais-Je donc si J'étais parmi vous comme un feu qui dévore<br />

tout ?! Cela ferait-il jamais <strong>grand</strong>ir votre amour <strong>et</strong> votre confiance <strong>en</strong> Moi ?! Ou<br />

peux-tu donc aimer celui qui, étant le plus fort, m<strong>en</strong>ace sans cesse, les yeux<br />

étincelants <strong>de</strong> fureur, <strong>de</strong> t'étrangler au moindre manquem<strong>en</strong>t ?!<br />

14. Ce Temple obscur <strong>et</strong> toi, savez-vous donc mieux que Moi pourquoi Dieu a<br />

créé les hommes, <strong>et</strong> quelle relation il y a <strong>en</strong>tre Dieu <strong>et</strong> les hommes ?!<br />

15. Qu'est-ce donc que c<strong>et</strong>te chose que tu appelles "nimbe" ? Sache que c'est <strong>en</strong><br />

vérité le parfum empoisonné le pire qui soit, émanant du fin fond <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fers, <strong>et</strong><br />

dont Satan <strong>en</strong>toure les fidèles serviteurs qui lui ressembl<strong>en</strong>t, afin qu'ils jouiss<strong>en</strong>t<br />

aux yeux du mon<strong>de</strong> du plus extraordinaire prestige <strong>et</strong> qu'il leur soit ainsi plus<br />

facile d'am<strong>en</strong>er beaucoup d'âmes humaines au royaume <strong>de</strong> Satan !<br />

16. Mais il est écrit que tout ce qui, <strong>en</strong>vironné <strong>de</strong> ce nimbe, paraît <strong>grand</strong> aux yeux<br />

du mon<strong>de</strong>, est une abomination <strong>de</strong>vant Dieu !<br />

17. As-tu jamais vu que <strong>de</strong>ux êtres humains qui s'aim<strong>en</strong>t véritablem<strong>en</strong>t agiss<strong>en</strong>t<br />

l'un <strong>en</strong>vers l'autre avec un orgueil <strong>de</strong> l'espèce <strong>de</strong> ce nimbe, <strong>et</strong> que chacun ne<br />

daigne pas même accor<strong>de</strong>r à l'autre la faveur d'un regard aimable, <strong>en</strong>core moins<br />

d'une douce parole ? !<br />

18. Ou as-tu par hasard déjà vu qu'une jeune épouse aimant son jeune époux d'un<br />

amour vraim<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> brûlant vi<strong>en</strong>ne à lui <strong>en</strong>tourée du plus <strong>grand</strong> nimbe<br />

d'orgueil possible, <strong>et</strong> que l'époux <strong>en</strong> fasse davantage <strong>en</strong>core ?! Crois-tu vraim<strong>en</strong>t<br />

que cela <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drait un couple ? Oui, peut-être pour le mon<strong>de</strong>, par la force <strong>de</strong> la<br />

loi, mais <strong>en</strong> aucun cas pour le ciel ! Car là où il n'y a pas d'amour, il n'y a pas non<br />

plus <strong>de</strong> ciel !<br />

19. Je te le dis, c'est là la malédiction <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer, <strong>et</strong> non la lumière, le chemin, la<br />

vérité <strong>et</strong> l'amour, donc pas davantage la vie libre, mais seulem<strong>en</strong>t un jugem<strong>en</strong>t<br />

éternel qui accable ceux qui se sont ainsi maudits eux-mêmes <strong>et</strong> leur ti<strong>en</strong>t la<br />

bri<strong>de</strong> fort serrée !<br />

20. S'il te paraît qu'il y a ici moins <strong>de</strong> sacré <strong>et</strong> <strong>de</strong> dignité divine, c'est <strong>en</strong> réalité<br />

parce qu'on ne t'y fait ri<strong>en</strong> goûter <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer <strong>et</strong> <strong>de</strong> son abjection !<br />

21. Voyez jusqu'où peut aller l'aveugle humanité ! Elle <strong>en</strong> est au point qu'elle<br />

croit avec l'<strong>en</strong>fer r<strong>en</strong>dre à Dieu un bon <strong>et</strong> agréable service ! Elle ne pouvait aller<br />

plus loin dans l'aveuglem<strong>en</strong>t, la stupidité <strong>et</strong> la méchanc<strong>et</strong>é !<br />

22. Mais si les choses te paraiss<strong>en</strong>t si édifiantes <strong>et</strong> si dignes <strong>de</strong> Dieu <strong>en</strong> <strong>en</strong>fer,<br />

r<strong>et</strong>ournes-y <strong>et</strong> sers-y le Dieu <strong>de</strong> ton imagination sublime, <strong>et</strong> porte-toi bi<strong>en</strong> dans<br />

ton nimbe ! »<br />

375


23. À ces mots, Stahar tombe à g<strong>en</strong>oux <strong>de</strong>vant Moi <strong>et</strong> Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pardon <strong>en</strong><br />

disant : « Seigneur, pardonne-moi, je suis un vieux fou stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> aveugle, <strong>et</strong> je<br />

Te remercie <strong>de</strong> m'avoir ainsi admonesté ; oui, ce n'est qu'à prés<strong>en</strong>t que je suis<br />

tout à fait guéri !<br />

24. Car j'ai été élevé <strong>et</strong> bercé par ces choses, <strong>et</strong> il est bi<strong>en</strong> difficile d'effacer <strong>de</strong> soi<br />

les impressions du berceau ! Mais à prés<strong>en</strong>t, c'est comme si un nouveau soleil<br />

s'était levé <strong>en</strong> moi, <strong>et</strong> je vois toute l'abjection <strong>et</strong> l'absurdité du service du Temple<br />

; désormais, quoi qu'il arrive, je <strong>de</strong>meurerai aussi ferme qu'un roc <strong>de</strong> granit au<br />

milieu <strong>de</strong>s flots dans c<strong>et</strong>te nouvelle doctrine d'une parfaite dignité sortie <strong>de</strong> Ta<br />

sainte bouche. »<br />

25. Je dis : « Lève-toi, frère ! Mais va dire aussi à tes frères ce que tu vi<strong>en</strong>s<br />

d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ; car eux-mêmes sont <strong>en</strong>core plongés jusqu'au cou dans leur stupi<strong>de</strong><br />

nimbe ! Explique-leur ce qu'est ce nimbe, <strong>et</strong> dis-leur aussi qui Je suis, même sans<br />

ce nimbe, <strong>et</strong> ce que Je veux très exactem<strong>en</strong>t ! »<br />

26. Là-<strong>de</strong>ssus, Stahar se lève, s'incline profondém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant Moi, rejoint <strong>en</strong> hâte<br />

ses frères <strong>et</strong> se m<strong>et</strong> à vi<strong>de</strong>r son sac sans ménagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant eux ; le ton monte<br />

bi<strong>en</strong>tôt à c<strong>et</strong>te table jusque-là fort sil<strong>en</strong>cieuse, <strong>et</strong> les choses ne vont pas sans mal<br />

pour Stahar avec ses frères quelque peu échauffés par le vin.<br />

27. Mais il est sout<strong>en</strong>u par Floran, son principal porte-parole, aussi l'affaire estelle<br />

bi<strong>en</strong>tôt réglée.<br />

28. Cep<strong>en</strong>dant, Philopold dit à Cyrénius : « Noble souverain, il est tout <strong>de</strong> même<br />

vraim<strong>en</strong>t étrange qu'à tant d'hommes, les arbres cach<strong>en</strong>t la forêt ! »<br />

29. Cyrénius dit : « L'habitu<strong>de</strong> est un puissant souti<strong>en</strong> pour toutes les sottises. Il<br />

existe <strong>en</strong> Europe un peuple chez qui tout est jugé par le bâton <strong>et</strong> par le fou<strong>et</strong> ; au<br />

moindre manquem<strong>en</strong>t, on fait l'usage le plus douloureux soit du bâton, soit du<br />

fou<strong>et</strong>, soit d'une forte verge. Mon frère César Auguste a voulu abolir c<strong>et</strong>te<br />

coutume ; il a fait v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s éducateurs pour prêcher contre elle, <strong>et</strong> même <strong>en</strong>voyé<br />

à Rome <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s femmes afin qu'ils y appriss<strong>en</strong>t les bi<strong>en</strong>faits <strong>de</strong><br />

l'humanité ; eh bi<strong>en</strong>, ces g<strong>en</strong>s ont tout bonnem<strong>en</strong>t eu le mal du pays, alors qu'on<br />

les y battait à coup sûr jusqu'au sang au moins une fois par lune !<br />

30. Et si un <strong>en</strong>fer matériel peut déjà être pour un homme une habitu<strong>de</strong> telle qu'il<br />

lui manque lorsqu'il ne le r<strong>et</strong>rouve pas chez un peuple plus humain, à plus forte<br />

raison l'<strong>en</strong>fer spirituel, qui procure à l'homme tant d'avantages terrestres !<br />

31. Aussi n'ai-je pas été trop surpris <strong>de</strong>s déclarations <strong>de</strong> Stahar. C<strong>et</strong> homme s'est<br />

trouvé matériellem<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t à l'aise sous son nimbe p<strong>en</strong>dant bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

années, <strong>et</strong> il avait seulem<strong>en</strong>t besoin d'<strong>en</strong> parler une <strong>de</strong>rnière fois avant d'<strong>en</strong><br />

pr<strong>en</strong>dre congé définitivem<strong>en</strong>t. Mais à prés<strong>en</strong>t, tout est bi<strong>en</strong>, aussi, paix à son<br />

nimbe ! »<br />

Chapitre 186<br />

Préparatifs à l'approche <strong>de</strong> la tempête<br />

376


1. Entre-temps, cep<strong>en</strong>dant, Hermès, le messager <strong>et</strong> chanteur <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong><br />

Philippe, était allé sur la montagne voir ce qu'il <strong>en</strong> était <strong>de</strong> la ville inc<strong>en</strong>diée, <strong>et</strong> il<br />

l'avait trouvée <strong>en</strong>core <strong>en</strong> proie aux flammes par <strong>en</strong>droits ; mais <strong>en</strong> même temps,<br />

il s'était aperçu qu'une très viol<strong>en</strong>te tempête v<strong>en</strong>ait juste <strong>de</strong> se lever dans la<br />

direction <strong>de</strong> la ville <strong>et</strong> que, progressant à toute allure, elle ne <strong>de</strong>vait pas tar<strong>de</strong>r,<br />

selon lui, à arriver sur nous.<br />

2. Aussi est-ce <strong>en</strong> augure du temps qu'il <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dit <strong>de</strong> la montagne <strong>et</strong> qu'il dit au<br />

vieux Marc : « Cher voisin, il y a ici tant d'hôtes, <strong>et</strong> dans une <strong>de</strong>mi-heure à peine,<br />

nous allons tous subir la plus furieuse <strong>de</strong>s tempêtes ! Ton toit est-il vraim<strong>en</strong>t<br />

assez <strong>grand</strong> pour nous protéger <strong>de</strong>s inconvéni<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> toute sorte ? Car il n'est pas<br />

très sûr d'être <strong>de</strong>hors par une telle tempête ! Je n'attacherais <strong>en</strong>core pas trop<br />

d'importance au v<strong>en</strong>t <strong>et</strong> à la pluie ; mais la grêle <strong>et</strong> les éclairs sont vraim<strong>en</strong>t un<br />

peu trop fâcheux pour qu'on les <strong>en</strong>dure <strong>en</strong> plein air ! Si donc tu n'avais pas assez<br />

<strong>de</strong> toits, il nous faudrait pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s dispositions ! »<br />

3. Marc dit : « Tant que Celui qui est là ne dit <strong>et</strong> n'ordonne ri<strong>en</strong>, il n'y a à coup<br />

sûr aucun danger ! Il est à Lui seul notre meilleur <strong>et</strong> plus sûr abri ; mais s'il<br />

souhaite que nous pr<strong>en</strong>ions <strong>de</strong>s dispositions, nous les pr<strong>en</strong>drons au plus vite !<br />

Sois donc parfaitem<strong>en</strong>t tranquille, mon cher ami <strong>et</strong> voisin ; tout se passera fort<br />

bi<strong>en</strong> ! »<br />

4. Je les appelle alors tous <strong>de</strong>ux <strong>et</strong> dis à Marc : « La tempête qui sera bi<strong>en</strong>tôt sur<br />

nous nous causera sans doute bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s désagrém<strong>en</strong>ts ; c'est pourquoi Hermès<br />

p<strong>en</strong>se qu'il nous faudrait quelques toits ; mais tu n'as pas du tout les matériaux<br />

qu'il faut ! Où les trouverons-nous <strong>en</strong> si peu <strong>de</strong> temps ? »<br />

5. Marc dit : « Seigneur, tant que Tu seras avec nous <strong>et</strong> parmi nous, je dirai ce<br />

que j'ai dit à notre ami Hermès : Tu es pour nous le meilleur <strong>de</strong>s abris, <strong>et</strong> il ne<br />

nous <strong>en</strong> faudra jamais <strong>de</strong> meilleur ni <strong>de</strong> plus soli<strong>de</strong> ! »<br />

6. Parmi l'assistance, beaucoup repr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t alors à haute voix <strong>et</strong> avec confiance<br />

ces paroles du vieux Marc, <strong>et</strong> Je dis : « Eh bi<strong>en</strong>, qu'il <strong>en</strong> soit ainsi ! Mais s'il<br />

surv<strong>en</strong>ait une forte grêle, accompagnée d'éclairs <strong>et</strong> d'une pluie torr<strong>en</strong>tielle ? »<br />

7. Tous dis<strong>en</strong>t : « Seigneur, Tu pourrais <strong>en</strong>core ébranler toutes les montagnes<br />

<strong>en</strong>semble dans un tremblem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> terre inouï <strong>et</strong> faire tomber les étoiles du ciel,<br />

<strong>et</strong>, <strong>en</strong> Ta prés<strong>en</strong>ce, nous ririons <strong>en</strong>core à gorge déployée ; car quel mal peut nous<br />

arriver quand Ta main toute-puissante nous protège ?! »<br />

8. Je dis : « C'est dans la tempête <strong>et</strong> le danger qu'il vous faudra t<strong>en</strong>ir le même<br />

langage, par le cœur <strong>et</strong> pas seulem<strong>en</strong>t par la bouche, <strong>et</strong> c'est alors, grâce à votre<br />

foi <strong>et</strong> à votre <strong>grand</strong>e confiance, que Ma protection vous sera utile ; mais si, dans<br />

le danger, vous vous m<strong>et</strong>tiez à douter, Ma protection ne vous servirait plus à<br />

<strong>grand</strong>-chose ! »<br />

9. Tous dis<strong>en</strong>t : « Ô Seigneur, qui pourrait faiblir dans sa foi <strong>et</strong> sa confiance <strong>en</strong><br />

Toi ?! Mais c'est avant tout sur Ton amour <strong>et</strong> sur Ta volonté toute-puissante que<br />

nous comptons ; car si Ta volonté cessait, ô Seigneur, nous.serions <strong>en</strong> bi<strong>en</strong><br />

mauvaise posture, malgré toute notre foi <strong>et</strong> notre confiance ! Mais Tu es<br />

parfaitem<strong>en</strong>t bon <strong>et</strong> juste, <strong>et</strong> Tu ne décevras pas notre confiance ! »<br />

10. Je dis : « Oh, certes non — <strong>et</strong> vous aurez dès ce soir à connaître <strong>et</strong> à éprouver<br />

377


la puissance <strong>et</strong> la magnific<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Dieu ! Du reste, c<strong>et</strong>te tempête doit surv<strong>en</strong>ir à<br />

cause <strong>de</strong> l'inc<strong>en</strong>die <strong>de</strong> la ville, sans quoi celle-ci continuerait <strong>de</strong> brûler plusieurs<br />

jours <strong>en</strong>core. Ce sera donc certes une tempête comme vous n'<strong>en</strong> avez <strong>en</strong>core<br />

jamais vu, <strong>et</strong> qui durera près <strong>de</strong> trois heures, mais elle sera pourtant plus<br />

profitable que dommageable.<br />

11. Mais à prés<strong>en</strong>t, allons sur le rivage ; car c'est là que notre prés<strong>en</strong>ce sera le<br />

plus utile ! C'est là aussi que vous pourrez le plus facilem<strong>en</strong>t observer les<br />

élém<strong>en</strong>ts déchaînés, <strong>et</strong> la magnific<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Dieu vous y sera plus évi<strong>de</strong>nte que<br />

sous un toit ! »<br />

12. À ces mots, tous se dirig<strong>en</strong>t <strong>en</strong> foule vers la mer, qui est très calme. Mais l'on<br />

aperçoit déjà les nuages noirs qui se dirig<strong>en</strong>t vers elle, <strong>et</strong> <strong>de</strong>s nuages nombreux<br />

s'amoncell<strong>en</strong>t aussi au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s montagnes à l'est <strong>et</strong> au sud, <strong>et</strong> tous se r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt<br />

clairem<strong>en</strong>t compte que c'est une énorme tempête qui se prépare ; <strong>et</strong> une multitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> pétrels (*) apparaiss<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s flots.<br />

13. Aussi Ouran comm<strong>en</strong>ce-t-il à s'inquiéter pour ses belles <strong>et</strong> riches t<strong>en</strong>tes, <strong>et</strong> il<br />

vi<strong>en</strong>t vers Moi <strong>et</strong> Me prie <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre égalem<strong>en</strong>t sous Ma protection son précieux<br />

bagage ; car, d'après l'appar<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te gigantesque tempête, les t<strong>en</strong>tes<br />

pourrai<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> être emportées !<br />

14. Je dis : « Ne vous ai-Je pas dit que c'est ici même que se manifestera le plus<br />

clairem<strong>en</strong>t la magnific<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Dieu ? En outre, comm<strong>en</strong>t peux-tu <strong>en</strong>core<br />

t'inquiéter <strong>de</strong> tes malheureuses t<strong>en</strong>tes, comme si le salut du mon<strong>de</strong> <strong>en</strong> dép<strong>en</strong>dait<br />

<strong>de</strong> quelque manière ?! Eh bi<strong>en</strong>, tes t<strong>en</strong>tes sont <strong>grand</strong>es <strong>et</strong> spacieuses ; quand la<br />

tempête sera sur nous dans toute sa viol<strong>en</strong>ce, fais-y <strong>en</strong>trer toutes les femmes<br />

prés<strong>en</strong>tes, <strong>et</strong> aussi ceux <strong>de</strong>s hommes qui pourrai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> être pris d'une trop<br />

<strong>grand</strong>e frayeur ! Car c<strong>et</strong>te tempête ne sera certes pas un jeu d'<strong>en</strong>fant ; mais il<br />

n'arrivera ri<strong>en</strong> à tes belles t<strong>en</strong>tes, sinon qu'elles seront mouillées. »<br />

15. Ouran dit : « Je Te remercie pour c<strong>et</strong>te promesse, qui est désormais pour moi<br />

autant dire pleinem<strong>en</strong>t accomplie. Mes t<strong>en</strong>tes, qui ne laiss<strong>en</strong>t pas passer une<br />

goutte d'eau même par les plus viol<strong>en</strong>tes averses, sont désormais à la disposition<br />

<strong>de</strong> tous ceux qui voudrai<strong>en</strong>t s'<strong>en</strong> servir. Quant à moi, je resterai <strong>de</strong>hors près <strong>de</strong><br />

Toi, ô Seigneur. »<br />

16. Je dis : « Ne crains-tu donc pas la grêle ? »<br />

17. Ouran dit : « J'ai déjà manifesté mon opinion avec tous les autres, <strong>et</strong> je<br />

l'exprime une nouvelle fois par ce sage dicton <strong>de</strong>s Romains : SI FRACTUS<br />

ILLABATUR ORBIS, IMPAVIDUM FERIENT RUINAE (*) !" »<br />

18. Je dis : « Fort bi<strong>en</strong> ; mais la tempête va bi<strong>en</strong>tôt éclater, car <strong>de</strong>vant nous, les<br />

nuages comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à frotter leurs mains humi<strong>de</strong>s ! L'on voit aussi <strong>de</strong> hautes<br />

vagues paraître ici <strong>et</strong> là sur la mer, <strong>et</strong> il est donc temps que les peureux se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t<br />

au sec ! »<br />

19. Les poissons saut<strong>en</strong>t pour attraper les moucherons qui vol<strong>en</strong>t au ras <strong>de</strong> l'eau ;<br />

les mou<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> les hiron<strong>de</strong>lles <strong>de</strong> mer vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t elles aussi <strong>en</strong> foule toujours<br />

(*) Ou « oiseaux-tempête », Sturmvögel. (N.d.T.)<br />

(*) Quand bi<strong>en</strong> même la terre tomberait <strong>en</strong> morceaux, les ruines porterai<strong>en</strong>t l'intrépi<strong>de</strong> !<br />

378


croissante jouer à la surface <strong>de</strong>s flots <strong>et</strong> ai<strong>de</strong>r les poissons à réduire le nombre <strong>de</strong>s<br />

moucherons. L'eau <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t par <strong>en</strong>droits fort agitée, <strong>et</strong> dans les hauteurs <strong>de</strong> l'air,<br />

les nuages s'amoncell<strong>en</strong>t <strong>et</strong> se bouscul<strong>en</strong>t <strong>en</strong> nombre toujours plus <strong>grand</strong>. À<br />

l'ouest, le tonnerre gron<strong>de</strong> sans discontinuer, <strong>et</strong> sur la haute mer comm<strong>en</strong>ce le<br />

combat furieux <strong>et</strong> mugissant <strong>de</strong>s ouragans.<br />

Chapitre 187<br />

La tempête<br />

1. Comme le vacarme se fait <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus fort <strong>et</strong> m<strong>en</strong>açant à l'approche rapi<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> la tempête <strong>et</strong> qu'une obscurité quasi totale gagne peu à peu la mer <strong>et</strong> toute la<br />

contrée, les plus peureux comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à se diriger vers les t<strong>en</strong>tes [d'Ouran], car<br />

ils n'ont plus aucune <strong>en</strong>vie <strong>de</strong> rester <strong>de</strong>hors auprès <strong>de</strong> Moi. Même les disciples<br />

comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à exprimer <strong>en</strong>tre eux à voix haute toutes sortes d'inquiétu<strong>de</strong>s ; <strong>de</strong>s<br />

cinquante Pharisi<strong>en</strong>s, aucun ne reste <strong>de</strong>hors dès qu'ils ont vu s'abattre sur le sol<br />

<strong>de</strong>vant eux plusieurs grêlons d'une livre.<br />

2. Ebahi exhorte Jarah à rejoindre avec lui l'une <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>tes d'Ouran ; mais elle<br />

refuse <strong>de</strong> bouger <strong>et</strong> dit : « Qui peut bi<strong>en</strong> éprouver une si <strong>grand</strong>e frayeur alors que<br />

le Seigneur est pleinem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>t près <strong>de</strong> nous ?! Une tempête aurait-elle donc<br />

plus <strong>de</strong> pouvoir que l'amour, la toute-puissance <strong>et</strong> la force infinim<strong>en</strong>t supérieure<br />

du Seigneur ? »<br />

3. Ebahi dit : « Loin <strong>de</strong> moi c<strong>et</strong>te p<strong>en</strong>sée ; mais lorsqu'il tombe <strong>de</strong>s grêlons d'une<br />

livre, on ne peut tout à fait se déf<strong>en</strong>dre d'être saisi d'une p<strong>et</strong>ite crainte, surtout<br />

quand les nuages se dévers<strong>en</strong>t <strong>en</strong> masses aussi compactes. Une boule <strong>de</strong> glace<br />

comme celle qui vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tomber <strong>de</strong>vant moi pourrait fort bi<strong>en</strong> fracasser une tête<br />

!<br />

4. Je crois que même s'ils tombai<strong>en</strong>t aussi dru que possible, pas un seul <strong>de</strong> ces<br />

glaçons ne nous toucherait ni ne nous ferait <strong>de</strong> mal, à moi ou à ma p<strong>et</strong>ite fille ;<br />

néanmoins, un homme tel que moi ne peut s'empêcher d'éprouver malgré lui ces<br />

craintes ordinaires. Mais je n'aurai plus peur dorénavant ; car je ne puis tout <strong>de</strong><br />

même pas laisser ma Jarah me faire honte ! »<br />

5. Mais il se m<strong>et</strong> à grêler plus dru <strong>en</strong>core. Des morceaux gros comme <strong>de</strong>ux<br />

poings tomb<strong>en</strong>t avec viol<strong>en</strong>ce sur le sol, <strong>de</strong>s vagues hautes comme <strong>de</strong>s maisons<br />

s'élèv<strong>en</strong>t sur la mer, les éclairs se succè<strong>de</strong>nt, <strong>et</strong> la pluie comm<strong>en</strong>ce à tomber à<br />

flots <strong>en</strong> même temps que la grêle.<br />

6. C'est alors que les tr<strong>en</strong>te jeunes g<strong>en</strong>s, avec Hébram <strong>et</strong> Risa, s'<strong>en</strong>fui<strong>en</strong>t à leur<br />

tour <strong>et</strong> se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à l'abri sous les tables ; mais Suétal, Ribar <strong>et</strong> Baël, les premiers<br />

<strong>de</strong>s douze anci<strong>en</strong>s criminels, <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> aussi Mes disciples, à l'exception <strong>de</strong><br />

Judas l'Iscariote. Les soldats romains cherch<strong>en</strong>t refuge dans la maison <strong>et</strong> dans les<br />

cabanes <strong>de</strong> pêcheur <strong>de</strong> Marc, ainsi qu'au pied <strong>de</strong>s rochers.<br />

7. Tout autour <strong>de</strong> Moi se trouv<strong>en</strong>t donc Cyrénius, Cornélius, Faustus, Jules,<br />

Philopold, Kisjonah, Ebahi <strong>et</strong> sa fille Jarah, Raphaël <strong>et</strong> Josoé, puis les onze<br />

disciples, le vieux Marc avec ses <strong>de</strong>ux fils, <strong>et</strong> <strong>en</strong>fin Mathaël avec Ouran, Rob,<br />

379


Boz, Micha <strong>et</strong> Zahr.<br />

8. Hélène, à prés<strong>en</strong>t femme <strong>de</strong> Mathaël, s'est elle aussi <strong>en</strong>fuie vers les t<strong>en</strong>tes avec<br />

la femme <strong>et</strong> les filles d'Hermès ; mais Hermès est <strong>de</strong>meuré près <strong>de</strong> Moi.<br />

9. Cep<strong>en</strong>dant, bi<strong>en</strong> que nous fussions tout à fait à découvert sur le rivage, aucun<br />

<strong>de</strong> ceux qui étai<strong>en</strong>t là ne fut touché ni par les grêlons, si serrés qu'ils fuss<strong>en</strong>t, ni<br />

par les trombes d'eau ; <strong>et</strong> le lieu où nous nous t<strong>en</strong>ions <strong>de</strong>meura parfaitem<strong>en</strong>t sec.<br />

Les éclairs frappai<strong>en</strong>t le sol <strong>de</strong>vant <strong>et</strong> <strong>de</strong>rrière nous, <strong>et</strong> leur terrible fracas ne<br />

faisait pas le moindre mal à nos oreilles. C'est alors qu'un ouragan se mit à battre<br />

violemm<strong>en</strong>t la mer, <strong>et</strong> aussitôt, <strong>de</strong>s vagues hautes comme <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites montagnes<br />

s'élevèr<strong>en</strong>t, offrant un spectacle tout à fait effrayant pour <strong>de</strong>s yeux humains.<br />

10. Marc dit : « Seigneur, je suis pourtant un vieil homme, <strong>et</strong> j'ai vu <strong>de</strong>s orages<br />

<strong>en</strong> Calabre <strong>et</strong> <strong>en</strong> Sicile ; mais jamais je n'ai r<strong>en</strong>contré une pareille tempête,<br />

vraim<strong>en</strong>t digne <strong>de</strong> Noé ! Seigneur, c<strong>et</strong>te grêle va dévaster la contrée pour<br />

plusieurs années ! Et ces terribles trombes d'eau emport<strong>en</strong>t dans la mer toute la<br />

bonne terre ! Cela va faire du joli pour les pauvres g<strong>en</strong>s ! Et ce n'est pas fini, car<br />

la tempête continue <strong>de</strong> forcir ! Ceux qui sont là-bas sous les tables vont se noyer<br />

s'ils ne se lèv<strong>en</strong>t pas ! Les tables ne leur serv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> toute façon plus à <strong>grand</strong>chose,<br />

car elles sont déjà brisées <strong>en</strong> maints <strong>en</strong>droits ! — Seigneur, combi<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

temps c<strong>et</strong>te tempête va-t-elle <strong>en</strong>core durer ? »<br />

11. Je dis : « Elle n'a même pas <strong>en</strong>core comm<strong>en</strong>cé pour <strong>de</strong> bon, <strong>et</strong> tu voudrais<br />

qu'elle soit déjà finie ?! C'est seulem<strong>en</strong>t quand elle changera que tu verras sa<br />

viol<strong>en</strong>ce ! Du reste, que c<strong>et</strong>te tempête ne te cause aucun souci : si elle n'était pas<br />

nécessaire, elle tomberait sur un signe <strong>de</strong> Moi ; mais elle est aussi nécessaire à la<br />

survie <strong>de</strong> la terre que tes yeux te sont nécessaires pour voir. Aussi, laissons-la<br />

donner libre cours à sa fureur !<br />

12. D'autre part, il faut bi<strong>en</strong> aussi que nos amateurs <strong>de</strong> nimbe ai<strong>en</strong>t quelque idée<br />

<strong>de</strong> ce qu'est un vrai nimbe comme ils voulai<strong>en</strong>t M'<strong>en</strong> voir un ! Regar<strong>de</strong> comme<br />

ils épi<strong>en</strong>t furtivem<strong>en</strong>t par les ouvertures <strong>de</strong> la t<strong>en</strong>te <strong>et</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt comm<strong>en</strong>t<br />

nous pouvons supporter si tranquillem<strong>en</strong>t l'orage <strong>en</strong> plein air ! Mais ils n'ont pas<br />

pour autant le courage <strong>de</strong> sortir ; ô combi<strong>en</strong> minuscule est <strong>en</strong>core leur foi ! »<br />

13. Marc dit : « Tout est donc pour le mieux ; mais <strong>de</strong> quoi vivront les pauvres<br />

g<strong>en</strong>s ? Car Tu vois malgré tout que la grêle incessante détruit tout <strong>et</strong> que les flots<br />

emport<strong>en</strong>t tout le sol dans la mer ! De plus, <strong>de</strong>s milliers d'hommes <strong>et</strong> d'animaux<br />

domestiques périss<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ceux qui sauveront leur vie seront évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t<br />

condamnés <strong>en</strong>suite à mourir <strong>de</strong> faim ! C'est tout <strong>de</strong> même frapper bi<strong>en</strong> durem<strong>en</strong>t<br />

<strong>et</strong> châtier d'une bi<strong>en</strong> lour<strong>de</strong> férule ! »<br />

Chapitre 188<br />

Du jugem<strong>en</strong>t qui frappe la ville <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe<br />

1. Je dis : « Vois-tu, Mon cher Marc, chacun parle d'une chose selon la compréh<strong>en</strong>sion<br />

qu'il <strong>en</strong> a, aussi vi<strong>en</strong>s-tu toi-même <strong>de</strong> parler comme tu compr<strong>en</strong>ais la<br />

chose ! Je te le dis : le Seigneur balaie rarem<strong>en</strong>t ; mais quand Il balaie, Il fait<br />

380


place n<strong>et</strong>te !<br />

2. Connais-tu c<strong>et</strong>te vaste contrée ? Oui, tu la connais, <strong>et</strong> tu sais qu'étant l'une <strong>de</strong>s<br />

plus fertiles, elle est la propriété exclusive <strong>de</strong>s Grecs à la richesse insol<strong>en</strong>te ;<br />

quant aux pauvres Juifs, ils doiv<strong>en</strong>t travailler à la sueur <strong>de</strong> leur front, <strong>en</strong> échange<br />

d'un salaire véritablem<strong>en</strong>t risible, pour ces chi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> Grecs riches dans les<br />

gr<strong>en</strong>iers <strong>de</strong>squels ils port<strong>en</strong>t toutes les récoltes. Ceux-ci <strong>en</strong> font <strong>en</strong>suite dans<br />

toutes les parties du mon<strong>de</strong> un commerce qui leur rapporte beaucoup d'or <strong>et</strong><br />

d'arg<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> nos Juifs, l'hiver, sont alors contraints <strong>de</strong> m<strong>en</strong>dier <strong>et</strong> <strong>de</strong> pêcher s'ils<br />

veul<strong>en</strong>t survivre !<br />

3. Cela, vois-tu, les Juifs pourront toujours le faire, <strong>et</strong> la mer sera toujours<br />

poissonneuse !<br />

4. Mais un Juif a-t-il jamais reçu d'un <strong>de</strong> ces Grecs un seul morceau <strong>de</strong> pain<br />

lorsqu'il était affamé ? Oh, que non ! Pour cela, il lui fallait traverser la mer <strong>et</strong><br />

aller m<strong>en</strong>dier le pain sur l'autre rive chez ses coreligionnaires ! Et voilà Mon<br />

Kisjonah, voilà Mon Ebahi ! Questionne-les, <strong>et</strong> ils te diront combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> milliers<br />

<strong>de</strong> pauvres Juifs <strong>de</strong> ces parages ne vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t chercher que chez eux leur pain <strong>de</strong><br />

l'hiver !<br />

5. P<strong>en</strong>dant longtemps, J'ai toléré avec une extrême pati<strong>en</strong>ce ces agissem<strong>en</strong>ts<br />

criminels ; mais la mesure est désormais comble, <strong>et</strong> c'est pourquoi Je veux à<br />

prés<strong>en</strong>t châtier ces chi<strong>en</strong>s d'usuriers malhonnêtes <strong>et</strong> impitoyables <strong>de</strong> telle manière<br />

qu'ils <strong>en</strong> seront à jamais hébétés !<br />

6. Regar<strong>de</strong> ton jardin <strong>et</strong> ton p<strong>et</strong>it champ : ni l'eau, ni la grêle ne lui caus<strong>en</strong>t le<br />

moindre dommage ; mais quand tu considéreras le reste <strong>de</strong> la contrée, tu y<br />

trouveras une dévastation telle que tu n'auras sans doute jamais vu nulle part sa<br />

pareille.<br />

7. Ce fléau chassera du pays ces chi<strong>en</strong>s d'usuriers grecs. Car sur la pierre nue, ils<br />

ne pourront plus récolter ni from<strong>en</strong>t, ni blé, ni orge, ni maïs, ni l<strong>en</strong>tilles, ni<br />

haricots ; aussi quitteront-ils ce sol dévasté <strong>et</strong> s'<strong>en</strong> iront-ils <strong>en</strong> Europe.<br />

8. C'est principalem<strong>en</strong>t pour c<strong>et</strong>te raison que J'ai permis que la ville soit presque<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t changée <strong>en</strong> un amas <strong>de</strong> ruines <strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>en</strong>dres ; car lorsque l'homme n'a<br />

plus ni <strong>de</strong>meure, ni terre cultivable, il quitte bi<strong>en</strong>tôt <strong>de</strong>s lieux déserts <strong>et</strong> incultes<br />

pour s'<strong>en</strong> aller ailleurs.<br />

9. Mais pour les pauvres Juifs, il restera assez <strong>de</strong> terres cultivables sur les bords<br />

<strong>de</strong> la mer, <strong>et</strong> la ville sera bi<strong>en</strong> reconstruite pour les vrais Juifs — mais dans un<br />

style meilleur <strong>et</strong> plus pur que le précé<strong>de</strong>nt ! C<strong>et</strong>te ville était certes très jeune<br />

<strong>en</strong>core, car, <strong>en</strong> tant que ville, elle comptait à peine soixante-dix années, <strong>et</strong> avant<br />

cela, il n'y avait à sa place qu'une insignifiante bourga<strong>de</strong> ; mais on ne pourra plus<br />

désormais lui donner le nom <strong>de</strong> ville, car elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra <strong>et</strong> restera un simple<br />

village <strong>de</strong> pêcheurs. La pompe <strong>de</strong>s Grecs doit disparaître ; mais la gloire du ciel<br />

<strong>de</strong>vra être ici d'autant plus manifeste, comme elle l'est avec ce qui arrive <strong>en</strong> ce<br />

mom<strong>en</strong>t. — Approuves-tu maint<strong>en</strong>ant, vieux Marc, Ma façon <strong>de</strong> t<strong>en</strong>ir Ma maison<br />

? »<br />

10. Marc dit : « Oh, s'il <strong>en</strong> est ainsi, oui, Seigneur, Tu peux frapper <strong>en</strong>core dix<br />

fois plus fort ! Et c'est bi<strong>en</strong> là la pure vérité ! Il n'y avait vraim<strong>en</strong>t plus moy<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

381


discuter avec ces riches Grecs, <strong>et</strong> quant à l'amour du prochain, il y avait bi<strong>en</strong><br />

longtemps qu'il n'<strong>en</strong> était plus question chez eux. Ce que l'on voulait obt<strong>en</strong>ir<br />

d'eux, il fallait le payer très cher <strong>en</strong> arg<strong>en</strong>t ou <strong>en</strong> or ; mais s'ils nous ach<strong>et</strong>ai<strong>en</strong>t<br />

quelque chose, il fallait toujours accepter d'autres articles <strong>en</strong> échange. Oh, <strong>en</strong> ce<br />

s<strong>en</strong>s-là, tout est pour le mieux, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te viol<strong>en</strong>te tempête me réjouit fort ! Oh, elle<br />

peut bi<strong>en</strong> se faire au moins dix fois plus viol<strong>en</strong>te à prés<strong>en</strong>t ! »<br />

11. Je dis : « Ne t'inquiète pas, la bonne mesure sera pleinem<strong>en</strong>t atteinte ! »<br />

12. Cyrénius <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Veux-tu donc dire que c<strong>et</strong>te contrée <strong>de</strong>meurera tout à<br />

fait déserte ? »<br />

13. Je dis : « Pas exactem<strong>en</strong>t ; mais les riches Grecs <strong>de</strong>vront quitter ces parages :<br />

Je te le dis, c<strong>et</strong>te tempête chassera loin <strong>de</strong> ces parages au moins mille <strong>de</strong>s<br />

familles les plus fortunées ; car Je l'avais prévue <strong>de</strong>puis longtemps ! Cep<strong>en</strong>dant,<br />

ces familles <strong>de</strong>meureront suj<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> Rome. »<br />

14. Cyrénius dit : « N'est-il donc pas bon pour une contrée ou pour tout un pays<br />

d'avoir <strong>de</strong>s habitants très fortunés ? »<br />

15. Je dis : « Oh, sans doute, s'ils sont comme Mes amis Kisjonah <strong>et</strong> Philopold ;<br />

car ils sont alors <strong>de</strong> bons souverains (*) pour tous les pauvres habitants du pays, <strong>et</strong><br />

n'importe quel pays peut s'estimer heureux s'il possè<strong>de</strong> <strong>en</strong> nombre <strong>de</strong> tels princes.<br />

16. Mais ces riches Grecs sont <strong>de</strong> véritables sangsues pour le pays, <strong>et</strong> ils sont<br />

d'avis que les pauvres Juifs <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t déjà s'estimer heureux d'être autorisés à<br />

partager le repas <strong>de</strong>s cochons <strong>de</strong>s Grecs <strong>en</strong> récomp<strong>en</strong>se <strong>de</strong> leurs durs travaux !<br />

Pour Moi, ce ne sont plus <strong>de</strong>s hommes, mais <strong>de</strong> vrais diables <strong>en</strong>durcis, <strong>et</strong> Je n'ai<br />

ni pitié ni miséricor<strong>de</strong> pour la misérable chair <strong>de</strong> ces orgueilleux ! Après la tempête,<br />

qui aura cessé dans une heure, ils n'auront qu'à répandre tout leur or <strong>et</strong> leur<br />

arg<strong>en</strong>t sur les pierres nues <strong>et</strong> y semer du grain, <strong>et</strong> l'on verra s'il <strong>en</strong> sort la moindre<br />

tige !<br />

17. C'est ainsi que Je vi<strong>en</strong>s ici d'anéantir d'un seul coup une foule <strong>de</strong> mouches<br />

importunes ; les prêtres m<strong>en</strong>teurs ont dû pr<strong>en</strong>dre le large, <strong>et</strong> voici maint<strong>en</strong>ant les<br />

Grecs usuriers contraints <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> même ! Leurs palais sont <strong>en</strong> c<strong>en</strong>dres, <strong>et</strong> tous<br />

leurs champs, leurs vergers <strong>et</strong> leurs prés ont été emportés. Lorsque, après la<br />

tempête, ils verront leurs terres <strong>et</strong> pourront se convaincre qu'il serait vain <strong>de</strong><br />

vouloir les cultiver plus longtemps, ils feront leurs bagages <strong>et</strong> s'<strong>en</strong> iront, <strong>en</strong> Europe<br />

pour la plupart ; mais <strong>en</strong>suite, Je ne manque pas <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>s pour faire très<br />

vite re<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir c<strong>et</strong>te contrée aussi florissante qu'il est possible. »<br />

18. Cep<strong>en</strong>dant, la tempête comm<strong>en</strong>ce à fléchir, mais, bi<strong>en</strong> que la grêle ait cessé,<br />

la pluie tombe à prés<strong>en</strong>t si dru <strong>de</strong>s nuages que l'eau monte jusqu'à une <strong>de</strong>mihauteur<br />

d'homme au-<strong>de</strong>ssus du sol <strong>et</strong> s'écoule <strong>en</strong>suite dans un tumulte effroyable,<br />

si bi<strong>en</strong> que c<strong>et</strong> énorme afflux comm<strong>en</strong>ce à se faire s<strong>en</strong>tir dans la mer elle-même,<br />

ce qui n'est pas peu assurém<strong>en</strong>t. Des maisons, <strong>de</strong>s cabanes, <strong>de</strong>s arbres <strong>et</strong> mille<br />

obj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> toute espèce afflu<strong>en</strong>t vers la mer. Une foule <strong>de</strong> bêtes, volatiles <strong>et</strong><br />

oiseaux <strong>de</strong> toute sorte tués par la grêle, innombrables cochons, ânes, vaches,<br />

bœufs, moutons, chèvres, lapins, ainsi que chevreuils <strong>et</strong> cerfs, sont eux aussi j<strong>et</strong>és<br />

(*)<br />

Littéralem<strong>en</strong>t, « <strong>de</strong> vrais pères du pays ». (« wahre Lan<strong>de</strong>svater » ; Lan<strong>de</strong>svater = prince, souverain).<br />

(N.d.T.)<br />

382


<strong>en</strong> pâture à la mer, <strong>et</strong> les innombrables poissons que recèle c<strong>et</strong>te mer intérieure<br />

<strong>en</strong> feront <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t leur profit, <strong>et</strong>, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us très fertiles, se multiplieront à<br />

l'<strong>en</strong>vi, ce qui sera une large comp<strong>en</strong>sation pour les pauvres Juifs, qui n'avai<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

toute façon ri<strong>en</strong> à perdre, puisqu'ils ne possédai<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> ou presque. Quant aux<br />

rares nantis, ils étai<strong>en</strong>t déjà <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us presque aussi durs <strong>et</strong> ins<strong>en</strong>sibles que les<br />

Grecs, <strong>et</strong> cela ne nuira aucunem<strong>en</strong>t au salut <strong>de</strong> leur âme s'ils sont désormais,<br />

comme les autres, voués à la pêche <strong>et</strong> à la m<strong>en</strong>dicité.<br />

19. Comme la pluie comm<strong>en</strong>çait à tomber avec c<strong>et</strong>te viol<strong>en</strong>ce, tous ceux qui<br />

s'étai<strong>en</strong>t auparavant réfugiés sous les tables se levèr<strong>en</strong>t <strong>et</strong>, trempés <strong>de</strong> part <strong>en</strong><br />

part, vinr<strong>en</strong>t Me rejoindre, <strong>et</strong> ils n'eur<strong>en</strong>t pas assez <strong>de</strong> mots pour s'étonner <strong>de</strong><br />

nous voir parfaitem<strong>en</strong>t secs, Moi <strong>et</strong> tous ceux qui étai<strong>en</strong>t restés <strong>de</strong>hors avec Moi,<br />

<strong>et</strong> aussi <strong>de</strong> trouver les <strong>en</strong>droits un peu surélevés si secs qu'il n'y avait pas<br />

seulem<strong>en</strong>t là une goutte d'eau susp<strong>en</strong>due à un brin d'herbe.<br />

20. S'étant avancé jusqu'à Moi, Hébram Me <strong>de</strong>manda : « Seigneur, comm<strong>en</strong>t se<br />

peut-il que, sous c<strong>et</strong>te averse inouïe, ce lieu <strong>et</strong> vous tous soyez <strong>de</strong>meurés secs,<br />

alors que nous sommes trempés comme si nous étions tombés à la mer <strong>et</strong> que<br />

nous avons maint<strong>en</strong>ant aussi froid qu'<strong>en</strong> plein hiver — <strong>et</strong> pourtant, il règne ici la<br />

même agréable chaleur que ce matin ?! Seigneur, comm<strong>en</strong>t cela se fait-il ? »<br />

21. Je dis : « Cela se fait comme cela se fait ! En vérité, Je ne puis répondre<br />

autrem<strong>en</strong>t à ta question ! Car tu <strong>de</strong>vrais pourtant bi<strong>en</strong> savoir <strong>et</strong> même percevoir<br />

vivem<strong>en</strong>t, après tout ce que tu as vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, qui est ici <strong>et</strong> ce qui s'y passe ! Et<br />

si tu as compris cela dans ton âme, comm<strong>en</strong>t as-tu pu Me poser une telle question<br />

?!<br />

22. Le matin s'annonçait fort bi<strong>en</strong> pour vous, mais il semble que le soir soit<br />

maint<strong>en</strong>ant rev<strong>en</strong>u dans vos âmes aussi ! Ô humanité terriblem<strong>en</strong>t aveugle ! Il est<br />

sans doute facile <strong>de</strong> t'éclairer par mom<strong>en</strong>ts ; mais la lumière ne persiste pas<br />

lorsqu'elle n'est pas née sur son propre sol, <strong>et</strong> <strong>en</strong> peu d'instants, la nuit revi<strong>en</strong>t<br />

pr<strong>en</strong>dre la place du matin <strong>de</strong> l'âme ! »<br />

23. Hébram dit : « Seigneur, qu'est-ce là ? Qu'as-Tu voulu nous dire, à moi <strong>et</strong> à<br />

mes vingt-neuf frères ? »<br />

24. Je dis : « Seulem<strong>en</strong>t que toi <strong>et</strong> tes frères, vous n'êtes que poissons aveugles<br />

dans une eau trouble ! Dites-Moi donc ce qui vous a fait vous <strong>en</strong>fuir sous les<br />

tables <strong>et</strong> les bancs quand J'étais pleinem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>t ! »<br />

25. Tous ceux qui sont mouillés répon<strong>de</strong>nt : « Seigneur, une crainte toute naturelle<br />

qui nous revi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> notre <strong>en</strong>fance <strong>de</strong>vant une si extraordinaire intempérie !<br />

26. Dans notre effroi aveugle, nous n'avons pas songé où <strong>et</strong> avec qui nous étions<br />

; nous compr<strong>en</strong>ons bi<strong>en</strong> notre folie à prés<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> combi<strong>en</strong> nous étions tous<br />

aveugles, <strong>et</strong> combi<strong>en</strong> nous avons failli <strong>de</strong>vant Ta sainte face. Nous ne pouvons<br />

ri<strong>en</strong> faire à prés<strong>en</strong>t que Te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pardon, ô Seigneur, dans la très sincère <strong>et</strong><br />

très vive contrition <strong>de</strong> nos cœurs ! Seigneur, pardonne-nous notre <strong>grand</strong>e folie ! »<br />

27. Je dis : « Il y a bi<strong>en</strong> longtemps que Je vous ai tout pardonné, <strong>et</strong> Je n'ai <strong>en</strong>core<br />

jamais ouvert <strong>de</strong> livre <strong>de</strong> comptes pour la folie d'un homme ; car un fou doit s'<strong>en</strong><br />

pr<strong>en</strong>dre à lui-même s'il lui arrive quelque mal. Mais une autre fois, quand vous<br />

ne M'aurez pas auprès <strong>de</strong> vous comme à prés<strong>en</strong>t, évoquez Mon nom dans une<br />

383


vraie foi vivante, <strong>et</strong> il vous protégera bi<strong>en</strong> mieux qu'une fragile planche ! »<br />

28. C<strong>et</strong>te remontrance suffit aux tr<strong>en</strong>te, <strong>et</strong> ils Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt s'ils peuv<strong>en</strong>t rester<br />

dans c<strong>et</strong> <strong>en</strong>droit sec.<br />

29. Je dis : « Mais cela va sans dire ! Demeurez, <strong>et</strong> séchez-vous ; car la pluie<br />

durera <strong>en</strong>core une bonne <strong>de</strong>mi-heure ! »<br />

30. Les tr<strong>en</strong>te se réjouiss<strong>en</strong>t fort, ils rest<strong>en</strong>t là <strong>et</strong> se sèch<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ils éprouv<strong>en</strong>t une<br />

<strong>grand</strong>e joie à se trouver si vite secs sous la viol<strong>en</strong>te averse.<br />

Chapitre 189<br />

Le vaisseau <strong>en</strong> péril sur la haute mer<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, J’appelle l'ange <strong>et</strong>, à cause <strong>de</strong>s invités <strong>et</strong> <strong>de</strong>s disciples, lui dis à<br />

haute voix : « Un assez <strong>grand</strong> navire couvert, emportant vingt personnes <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux sexes sans compter les huit matelots, est <strong>en</strong> <strong>grand</strong>e détresse sur la mer. Au<br />

début <strong>de</strong> la tempête, ce navire a fait halte sur l'autre rive, non loin <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h<br />

; mais quand la tempête s'est déchaînée <strong>de</strong> plus belle, elle a arraché à la rive le<br />

navire <strong>en</strong> partance <strong>et</strong> l'a emporté avec la plus <strong>grand</strong>e viol<strong>en</strong>ce vers la haute mer.<br />

Matelots <strong>et</strong> voyageurs ont déployé les plus <strong>grand</strong>s efforts <strong>et</strong> épuisé presque toutes<br />

leurs forces <strong>en</strong> cherchant à échapper au naufrage. À prés<strong>en</strong>t, ils sont <strong>en</strong> danger<br />

d'être <strong>en</strong>gloutis par les flots ; aussi, va <strong>et</strong> sauve-les — cep<strong>en</strong>dant pas par <strong>de</strong>s<br />

moy<strong>en</strong>s pour eux par trop inconcevables : désamarre une barque <strong>et</strong>, <strong>en</strong> pilote<br />

expérim<strong>en</strong>té, vogue au secours <strong>de</strong> ce vaisseau <strong>en</strong> <strong>grand</strong> péril <strong>et</strong> ramène-le ici, car<br />

ce vaisseau se dirigeait <strong>de</strong> toute façon vers Césarée <strong>de</strong> Philippe ! »<br />

2. À ces Mi<strong>en</strong>nes paroles, l'ange quitte à l'instant notre compagnie, détache une<br />

barque — qui était certes pleine d'eau, mais notre Raphaël eut tôt fait <strong>de</strong> j<strong>et</strong>er<br />

par-<strong>de</strong>ssus bord jusqu'à la <strong>de</strong>rnière goutte — <strong>et</strong>, filant comme une flèche à la<br />

r<strong>en</strong>contre du terrible ouragan, atteint <strong>en</strong> quelques instants le vaisseau <strong>en</strong> péril.<br />

3. Quand les naufragés aperçoiv<strong>en</strong>t le pilote, ils tomb<strong>en</strong>t à g<strong>en</strong>oux, remerci<strong>en</strong>t<br />

Dieu <strong>et</strong> dis<strong>en</strong>t : « Oh, ce n'est pas là un pilote ordinaire ! C'est véritablem<strong>en</strong>t un<br />

ange <strong>en</strong>voyé par Dieu pour nous sauver <strong>en</strong> réponse à nos supplications ! Oh, il<br />

nous sauvera tous ! »<br />

4. Cep<strong>en</strong>dant, Raphaël leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, uniquem<strong>en</strong>t pour la forme : « Où alliezvous<br />

par c<strong>et</strong>te tempête ? »<br />

5. Les naufragés dis<strong>en</strong>t : « Nous voulions nous r<strong>en</strong>dre à Césarée <strong>de</strong> Philippe,<br />

mais seulem<strong>en</strong>t après la tempête ; mais c<strong>et</strong>te tempête nous a arrachés au rivage <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>traînés ici <strong>de</strong> toute sa force ; nous ne savons pas où nous sommes, car la pluie<br />

trop <strong>de</strong>nse ne nous perm<strong>et</strong> nulle part d'apercevoir un rivage connu. Le lieu où<br />

nous voulions nous r<strong>en</strong>dre est-il <strong>en</strong>core loin d'ici ? »<br />

6. Raphaël dit : « Pas par ce v<strong>en</strong>t ; mais comme la pluie <strong>et</strong> la tempête vont à coup<br />

sûr <strong>de</strong>meurer très viol<strong>en</strong>tes une p<strong>et</strong>ite <strong>de</strong>mi-heure <strong>en</strong>core <strong>et</strong> que vous fussiez<br />

arrivés au port dans un fort ressac où vous eussiez été perdus sans rémission, je<br />

suis v<strong>en</strong>u, étant le pilote le plus expérim<strong>en</strong>té <strong>et</strong> le plus brave, vous conduire <strong>en</strong><br />

384


lieu sûr, vous <strong>et</strong> votre vaisseau. — Avez-vous beaucoup d'eau dans le navire ? »<br />

7. Les matelots dis<strong>en</strong>t : « Passablem<strong>en</strong>t ! »<br />

8. Mais <strong>en</strong> quelques instants, l'eau qui avait pénétré dans le navire disparaît<br />

jusqu'à la <strong>de</strong>rnière goutte, <strong>et</strong> les matelots dis<strong>en</strong>t à l'aimable pilote : « Oh, cela est<br />

vraim<strong>en</strong>t remarquable ! Nous nous sommes trompés tout à l'heure, beau jeune<br />

pilote : il n'est pas <strong>en</strong>tré une seule goutte d'eau dans notre navire bi<strong>en</strong> couvert ! Il<br />

est vrai que, curieusem<strong>en</strong>t, nous avons cru tout à l'heure y découvrir un peu d'eau<br />

; mais il se peut que cela n'ait été qu'une illusion due à nos justes craintes, car à<br />

prés<strong>en</strong>t, nous ne voyons plus nulle part la moindre goutte d'eau, ce qui, <strong>en</strong> vérité,<br />

semble pourtant assez étrange. Oui, Oui, ce que le Seigneur ordonne est sans<br />

doute toujours merveilleux ; mais il est pourtant un peu étrange qu'avec ces éons<br />

<strong>de</strong> pluie, il n'y ait pas une goutte d'eau dans notre vaisseau couvert, <strong>et</strong> que ta<br />

barque découverte soit à peine humi<strong>de</strong> ! »<br />

9. Les voyageurs dis<strong>en</strong>t alors aux matelots : « Pas tant <strong>de</strong> vaines paroles ! Tout<br />

cela est à l'évi<strong>de</strong>nce une grâce divine, pour laquelle nous <strong>de</strong>vrons témoigner<br />

notre reconnaissance par les plus belles <strong>et</strong> les plus délicieuses offran<strong>de</strong>s, <strong>et</strong> ce<br />

jeune pilote courageux est un pilote <strong>de</strong>s cieux ! Car voyez comme la pluie tombe<br />

<strong>en</strong>core <strong>en</strong> rapi<strong>de</strong>s torr<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> comme les flots s'élèv<strong>en</strong>t comme <strong>de</strong>s montagnes<br />

autour <strong>de</strong> nous ; <strong>et</strong> pourtant, notre navire <strong>et</strong> sa barque se balanc<strong>en</strong>t aussi<br />

tranquillem<strong>en</strong>t que si la mer était lisse comme un miroir, <strong>et</strong> il ne tombe pas la<br />

moindre goutte <strong>de</strong> pluie ni sur notre navire, ni dans sa barque ! Les éclairs aussi<br />

f<strong>en</strong><strong>de</strong>nt l'air <strong>et</strong> s'élanc<strong>en</strong>t autour <strong>de</strong> nous comme <strong>de</strong>s éphémères <strong>en</strong> joie, <strong>et</strong> aucun<br />

<strong>de</strong> ces lumineux <strong>et</strong> bruyants porteurs <strong>de</strong> mort ne nous touche ! C'est là une grâce<br />

d'<strong>en</strong> haut, oui, une grâce parfaitem<strong>en</strong>t imméritée <strong>de</strong> nous tous ! »<br />

10. Les matelots dis<strong>en</strong>t aux voyageurs : « Oui, oui, vous avez raison ! C'est un<br />

miracle, c'est véritablem<strong>en</strong>t une grâce d'<strong>en</strong> haut ! Nous sommes sauvés ! Voyez,<br />

l'on aperçoit déjà un rivage tout proche ! Malgré la pluie inouïe, une foule <strong>de</strong><br />

g<strong>en</strong>s se ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sur ce rivage, <strong>et</strong>, regar<strong>de</strong>z, beaucoup d'<strong>en</strong>tre eux, tous même,<br />

nous souhait<strong>en</strong>t déjà la bi<strong>en</strong>v<strong>en</strong>ue par <strong>de</strong>s signes fort amicaux ! Ô Dieu, ô<br />

Seigneur ! Comme Tu es <strong>grand</strong> <strong>et</strong> glorieux même dans la tempête pour ceux qui<br />

T’ont toujours fidèlem<strong>en</strong>t honoré <strong>et</strong> loué, <strong>et</strong> qui T’ont toujours offert avec joie<br />

les sacrifices prescrits ! Gloire éternelle à Ton seul nom très saint ! »<br />

11. Ayant dit cela, ils amèn<strong>en</strong>t l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t le navire à la rive, <strong>et</strong> J'ordonne alors <strong>en</strong><br />

secr<strong>et</strong> à la tempête <strong>de</strong> r<strong>et</strong>omber <strong>et</strong> <strong>de</strong> cesser totalem<strong>en</strong>t.<br />

12. Et tout se termine aussitôt, <strong>et</strong> tout <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t aussi calme que s'il n'y avait jamais<br />

eu <strong>de</strong> tempête. Le vaisseau abor<strong>de</strong> sans peine, <strong>et</strong> les voyageurs <strong>de</strong>sc<strong>en</strong><strong>de</strong>nt sur la<br />

grève.<br />

13. Comme ils m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t pied à terre, les voyageurs n'ont pas assez <strong>de</strong> mots pour<br />

s'étonner <strong>de</strong> tout ce qu'ils trouv<strong>en</strong>t là.<br />

14. La tempête <strong>et</strong> la pluie diluvi<strong>en</strong>ne se sont tues, la surface <strong>de</strong> la mer est<br />

parfaitem<strong>en</strong>t paisible <strong>et</strong> le ciel dégagé ; seuls <strong>de</strong> légers nuages floconneux baignés<br />

d'une lumière rosé orn<strong>en</strong>t ici <strong>et</strong> là le fond bleu du ciel. Car le soleil a déjà<br />

disparu <strong>de</strong>rrière la montagne, ne laissant <strong>en</strong> guise d'adieu à la terre où nous<br />

sommes qu'un magnifique crépuscule.<br />

385


15. La rive que foul<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t les voyageurs est parfaitem<strong>en</strong>t sèche, tous les<br />

hôtes qui M'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t leur paraiss<strong>en</strong>t joyeux <strong>et</strong> amicaux, <strong>et</strong> notre vieux Marc les<br />

pr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> charge fort aimablem<strong>en</strong>t, leur <strong>de</strong>mandant aussitôt s'ils ne veul<strong>en</strong>t pas se<br />

rafraîchir <strong>et</strong> se restaurer, car ce voyage dans la tempête les a sans doute bi<strong>en</strong><br />

fatigués.<br />

16. Bref, tout cela agit si favorablem<strong>en</strong>t sur les voyageurs que, dans leur<br />

stupéfaction, ils cess<strong>en</strong>t pour ainsi dire <strong>de</strong> voir <strong>et</strong> d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ce qui se passe autour<br />

d'eux.<br />

Chapitre 190<br />

Les marchands juifs <strong>de</strong> Perse<br />

1. Au bout d'un mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce formidable étonnem<strong>en</strong>t, l'un <strong>de</strong>s voyageurs dit : «<br />

Où est donc à prés<strong>en</strong>t notre pilote, que nous puissions nous <strong>en</strong>quérir <strong>de</strong> notre<br />

imm<strong>en</strong>se <strong>de</strong>tte ? Car se m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> si <strong>grand</strong> péril pour sauver un vaisseau chargé<br />

<strong>de</strong> voyageurs n'est vraim<strong>en</strong>t pas une plaisanterie ! »<br />

2. Cep<strong>en</strong>dant, les matelots vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux voyageurs s'ils doiv<strong>en</strong>t les<br />

att<strong>en</strong>dre une nuit <strong>et</strong> un jour pour le r<strong>et</strong>our, ou r<strong>en</strong>trer dès à prés<strong>en</strong>t sur c<strong>et</strong>te mer<br />

calme, car la rive opposée est bi<strong>en</strong> à cinq ou six heures <strong>de</strong> celle-ci <strong>en</strong> ligne droite.<br />

3. Mais les voyageurs leur ordonn<strong>en</strong>t d'att<strong>en</strong>dre jusqu'à ce qu'ils <strong>en</strong> ai<strong>en</strong>t terminé<br />

avec ce qui les appelle à Césarée <strong>de</strong> Philippe.<br />

4. Ent<strong>en</strong>dant ceci, Marc dit aux voyageurs : « Chers amis, vous pouvez fort bi<strong>en</strong><br />

vous disp<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> faire ce chemin ; car <strong>de</strong> toute la ville, il ne reste plus ri<strong>en</strong> que<br />

quelques cabanes <strong>de</strong> pauvres Juifs <strong>et</strong> un amas <strong>de</strong> ruines brûlées <strong>et</strong> désertées !<br />

Toute la nuit passée <strong>et</strong> ce jour, elle a été, comme elle le méritait bi<strong>en</strong>, la triste<br />

proie <strong>de</strong>s flammes, <strong>et</strong> nul ne pouvait maîtriser l'inc<strong>en</strong>die !<br />

5. Si vous avez quelque affaire à régler, vous <strong>de</strong>vrez le faire ici même, car c'est<br />

ici, chez moi, que séjourn<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t les plus hautes autorités, tant spirituelles<br />

que terrestres ! »<br />

6. À c<strong>et</strong>te nouvelle, les voyageurs paraiss<strong>en</strong>t extraordinairem<strong>en</strong>t affligés <strong>et</strong> dis<strong>en</strong>t<br />

: « Ami, s'il <strong>en</strong> est ainsi, il y aura pour nous bi<strong>en</strong> peu à faire ici, même si les plus<br />

hauts personnages du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'esprit y sont prés<strong>en</strong>ts ! Car nous avions<br />

d'importantes relations <strong>de</strong> commerce avec les marchands grecs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ville, qui<br />

nous ont ach<strong>et</strong>é beaucoup <strong>de</strong> choses, mais nous doiv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core la toute <strong>de</strong>rnière<br />

livraison ! Comm<strong>en</strong>t ferons-nous donc pour r<strong>en</strong>trer dans notre arg<strong>en</strong>t ?<br />

7. Nous sommes <strong>de</strong> bons artistes qui travaillons la soie <strong>et</strong> le poil <strong>de</strong> chameau,<br />

nous avons égalem<strong>en</strong>t livré <strong>de</strong> très beaux lainages <strong>de</strong> brebis <strong>de</strong> toutes couleurs <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s étoffes fleuries, <strong>de</strong>stinés à divers habits religieux, <strong>et</strong> notre <strong>de</strong>rnière livraison<br />

se montait à dix mille livres d'arg<strong>en</strong>t ; car, bi<strong>en</strong> que Juifs fidèles à Jérusalem,<br />

nous vivons <strong>en</strong> Perse, où nous avons nos <strong>grand</strong>es fabriques, <strong>et</strong> nous sommes<br />

toujours restés bons <strong>et</strong> honnêtes.<br />

8. Dans notre pays, nous avons observé la loi mosaïque plus strictem<strong>en</strong>t que tous<br />

386


les Juifs <strong>de</strong> Jérusalem, <strong>et</strong> nous avons toujours apporté au Temple <strong>de</strong> riches<br />

offran<strong>de</strong>s ; nous <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ons chez nous une synagogue qui n'est sans doute guère<br />

inférieure au Temple <strong>de</strong> Jerusalem par la taille <strong>et</strong> par l'éclat !<br />

9. Nous sommes bons <strong>et</strong> faisons le bi<strong>en</strong> à tous les pauvres <strong>de</strong> la foi <strong>de</strong> Moïse, <strong>et</strong><br />

chacun sait que nous avons toujours observé la plus stricte discipline ! Pourquoi<br />

donc Yahvé nous frappe-t-il si durem<strong>en</strong>t ?!<br />

10. Nous serions tout disposés à abandonner au Temple la moitié <strong>de</strong> nos dix<br />

mille livres si nous pouvions r<strong>en</strong>trer dans c<strong>et</strong> arg<strong>en</strong>t qui nous est dû ; oui, nous<br />

serions même prêts à donner <strong>en</strong>core les cinq mille livres restantes à nos<br />

coreligionnaires les plus pauvres <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée si nous pouvions, uniquem<strong>en</strong>t<br />

pour les besoins du commerce <strong>et</strong> pour la bonne forme, obt<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s c<strong>et</strong><br />

arg<strong>en</strong>t ! »<br />

11. Marc dit : « Ah, mes chers hôtes <strong>et</strong> amis, ce sera bi<strong>en</strong> difficile, malgré votre<br />

vœu fort méritoire ! Mais parlez au <strong>grand</strong> gouverneur Cyrénius, qui se trouve ici<br />

avec trois autres <strong>grand</strong> dignitaires romains. Peut-être pourra-t-il faire quelque<br />

chose ! »<br />

12. Les voyageurs dis<strong>en</strong>t : « Où est-il, que nous allions très humblem<strong>en</strong>t lui<br />

exposer notre détresse ? Peut-être survi<strong>en</strong>dra-t-il quelque autre miracle ? ! Car<br />

notre sauv<strong>et</strong>age par le jeune pilote était à l'évi<strong>de</strong>nce un miracle, <strong>et</strong> non <strong>de</strong>s<br />

moindres ! Mais notre pilote s'est évanoui, <strong>et</strong> nous ne l'avons pas r<strong>et</strong>rouvé afin <strong>de</strong><br />

lui payer notre <strong>de</strong>tte ! »<br />

13. Marc dit : « Sur ce monticule au bord <strong>de</strong> la mer se ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t le gouverneur<br />

général <strong>et</strong> les autres personnalités, <strong>et</strong> vous y trouverez aussi votre pilote. Vous<br />

pouvez vous y r<strong>en</strong>dre tout à loisir <strong>et</strong> régler cela <strong>en</strong>tre vous.<br />

14. Mais il y a égalem<strong>en</strong>t là Quelqu'un qui est vêtu d'un manteau bleu <strong>de</strong> ciel <strong>et</strong>,<br />

sous ce manteau, d'une robe rosé drapée, <strong>et</strong> d'abondantes boucles blon<strong>de</strong>s<br />

ondul<strong>en</strong>t sur Ses épaules ; si vous savez gagner Celui-là à votre cause, vous<br />

pourrez vraim<strong>en</strong>t dire que votre chance est <strong>grand</strong>e ! Car Il peut vraim<strong>en</strong>t tout, <strong>et</strong><br />

l'on peut presque dire que ri<strong>en</strong> ne Lui est impossible ! Mais il vous sera peut-être<br />

un peu difficile <strong>de</strong> Lui parler <strong>de</strong> votre affaire ! »<br />

15. Les voyageurs <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt : « Qui est-il donc <strong>et</strong> que fait-il ? Est-il par hasard<br />

quelque prince <strong>de</strong> Rome, ou bi<strong>en</strong> le roi d'un <strong>grand</strong> royaume ? »<br />

16. Marc dit : « Ni l'un, ni l'autre ; mais allez-y, <strong>et</strong> vous découvrirez peut-être<br />

bi<strong>en</strong> qui se cache sous ce manteau bleu ! »<br />

Chapitre 191<br />

Les <strong>de</strong>ux représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong>s voyageurs convers<strong>en</strong>t avec le Seigneur<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Marc quitte les voyageurs <strong>et</strong> <strong>en</strong>tre chez lui afin <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s<br />

dispositions pour le repas du soir. Cep<strong>en</strong>dant, les voyageurs se consult<strong>en</strong>t pour<br />

savoir s'ils iront tous sur la colline ou s'ils doiv<strong>en</strong>t déléguer <strong>de</strong>ux d'<strong>en</strong>tre eux pour<br />

cela. Mais ils tomb<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt d'accord pour <strong>en</strong>voyer seulem<strong>en</strong>t les <strong>de</strong>ux plus<br />

387


sages d'<strong>en</strong>tre eux. Cela décidé, les <strong>de</strong>ux délégués se r<strong>en</strong><strong>de</strong>nt aussitôt sur la<br />

colline.<br />

2. Arrivés <strong>de</strong>vant nous, ils font une très profon<strong>de</strong> révér<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> leur premier soin<br />

est <strong>de</strong> s'adresser au pilote r<strong>et</strong>rouvé, à qui ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt très aimablem<strong>en</strong>t ce qu'ils<br />

lui doiv<strong>en</strong>t.<br />

3. Mais le pilote proteste <strong>en</strong> disant : « Je ne suis qu'un serviteur <strong>de</strong> mon maître,<br />

<strong>de</strong> qui je ti<strong>en</strong>s tout ce dont j'ai besoin ; aussi ne puis-je accepter <strong>de</strong> qui que ce soit<br />

une récomp<strong>en</strong>se qui n'est due qu'à mon maître ! »<br />

4. Les délégués <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt au pilote : « Mais qui donc est ton heureux maître, <strong>et</strong><br />

où est-il ? »<br />

5. Raphaël Me désigne <strong>de</strong> la main droite <strong>et</strong> dit : « C'est Celui-là, allez à Lui <strong>et</strong><br />

interrogez-Le, <strong>et</strong> Il vous dira ce que vous Lui <strong>de</strong>vez ! »<br />

6. Les <strong>de</strong>ux s'inclin<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant l'ange <strong>et</strong> vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t aussitôt à Moi. Parv<strong>en</strong>us <strong>de</strong>vant<br />

Moi, ils tomb<strong>en</strong>t face contre terre, selon la coutume perse, <strong>et</strong>, couchés à terre,<br />

dis<strong>en</strong>t : « Seigneur dont nous n'osons contempler la face rayonnante, dans notre<br />

<strong>grand</strong>e détresse, tu nous as <strong>en</strong>voyé ton pilote audacieux <strong>et</strong> d'une extrême adresse,<br />

sans qui nous étions à coup sûr perdus ! Mais nous ne sommes pas <strong>de</strong> pauvres<br />

g<strong>en</strong>s incapables <strong>de</strong> récomp<strong>en</strong>ser un tel service comme il se doit. Nous sommes<br />

très riches, <strong>et</strong> si ne <strong>de</strong>mandons <strong>de</strong> service gratuit à personne, nous le ferons<br />

d'autant moins pour celui-ci, qui est inestimable. Que <strong>de</strong>vons-nous faire pour te<br />

remercier <strong>de</strong> nous avoir sauvés <strong>en</strong> ce mortel péril ? »<br />

7. Je dis : « Tout d'abord, vous relever <strong>et</strong> vous t<strong>en</strong>ir droits <strong>de</strong>vant nous, comme il<br />

sied selon notre coutume ; car nous ne sommes pas <strong>de</strong> vains <strong>et</strong> orgueilleux<br />

<strong>grand</strong>s du royaume <strong>de</strong> Perse régnant sur <strong>de</strong>s esclaves. Ensuite, nous pourrons<br />

échanger quelques paroles à propos du prix <strong>de</strong> votre sauv<strong>et</strong>age ! »<br />

8. À ces mots, les <strong>de</strong>ux se relèv<strong>en</strong>t <strong>et</strong>, pleins <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong>, Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt aimablem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> fixer le prix <strong>de</strong> leur sauv<strong>et</strong>age.<br />

9. Mais Je leur dis : « Je sais d'où vous v<strong>en</strong>ez <strong>et</strong> pourquoi vous êtes ici, Je sais<br />

que peu <strong>de</strong> Juifs <strong>de</strong> Jérusalem ont autant d'or, d'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong> pierres précieuses<br />

que vous ; Je sais que vous donneriez pour votre sauv<strong>et</strong>age autant que vous<br />

<strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t les marchands grecs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ville désormais dévastée, somme que vous<br />

alliez donc leur réclamer, mais dont il vous sera difficile <strong>de</strong> jamais recevoir quoi<br />

que ce soit !<br />

10. Puisque vous êtes Perses <strong>et</strong> aussi <strong>de</strong>s nôtres, Je pourrais à bon droit exiger <strong>de</strong><br />

vous une récomp<strong>en</strong>se qui s'élève exactem<strong>en</strong>t à la somme que vous êtes assurés<br />

d'avoir perdue auprès <strong>de</strong> ces marchands grecs qui cherch<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t refuge dans<br />

les huttes <strong>de</strong> la forêt ; qu'y gagneriez-vous ? Vous pr<strong>en</strong>driez là pour r<strong>en</strong>dre ici !<br />

Après quoi vous repartiriez chez vous comme vous étiez v<strong>en</strong>us !<br />

11. Mais Je ne vous compte ri<strong>en</strong> pour votre sauv<strong>et</strong>age, <strong>et</strong> vous donne même<br />

l'assurance que votre séjour ici, <strong>et</strong> même le voyage d'aller <strong>et</strong> r<strong>et</strong>our d'ici à<br />

Génézar<strong>et</strong>h, d'où vous vous êtes embarqués, ne vous coûtera pas un statère (*) !<br />

(*)<br />

Le Statère (4 drachmes) valant 2 <strong>de</strong>niers (Grosch<strong>en</strong>) (cf. ci-<strong>de</strong>ssu V,243,7), le <strong>de</strong>nier vaut donc<br />

2 drachmes.(N.d.T.)<br />

388


(Car le navire appart<strong>en</strong>ait à Ebahi, <strong>et</strong> les matelots étai<strong>en</strong>t aussi les si<strong>en</strong>s.) Êtesvous<br />

satisfaits ? »<br />

12. Les <strong>de</strong>ux, délégués dis<strong>en</strong>t : « Seigneur, toi qui es dans la pleine fleur <strong>de</strong> la<br />

jeunesse, mais sembles pourtant <strong>et</strong> es <strong>en</strong> vérité empli <strong>de</strong> la plus auth<strong>en</strong>tique<br />

sagesse salomoni<strong>en</strong>ne, nous voulions déjà <strong>de</strong> toute façon donner au Temple la<br />

moitié du prix que tu as énoncé pour notre sauv<strong>et</strong>age, <strong>et</strong> faire l'offran<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'autre<br />

moitié aux pauvres Juifs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée, si les marchands <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ville avai<strong>en</strong>t<br />

pu nous payer c<strong>et</strong>te importante somme.<br />

13. Mais puisqu'ils ont été frappés par le sort, c<strong>et</strong>te perte ne nous fait plus ri<strong>en</strong> du<br />

tout, <strong>et</strong> nous sommes prêts à leur v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> ai<strong>de</strong> pour une somme double sans<br />

comp<strong>en</strong>sation <strong>et</strong> sans intérêts, <strong>et</strong>, pour te récomp<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> nous avoir sauvés, à<br />

t'offrir <strong>en</strong>core avec la plus <strong>grand</strong>e joie du mon<strong>de</strong> les dix mille livres annoncées !<br />

Car vois-tu, ô seigneur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée, nous sommes très riches ; c<strong>en</strong>t mille<br />

chameaux ne suffirai<strong>en</strong>t pas à faire v<strong>en</strong>ir ici nos richesses terrestres, quand bi<strong>en</strong><br />

même chacun porterait une charge <strong>de</strong> quatre mille livres. (Une livre perse<br />

vaudrait actuellem<strong>en</strong>t 5 à 6 <strong>de</strong>mi-onces (*) ; J. <strong>Lorber</strong>.) En outre, nous possédons<br />

quantité <strong>de</strong> domaines <strong>et</strong> <strong>de</strong> nombreux <strong>et</strong> <strong>grand</strong>s troupeaux. Autant dire donc que<br />

cela n'est ri<strong>en</strong> pour nous ; <strong>de</strong>man<strong>de</strong>-nous ce que tu voudras, <strong>et</strong> nous ne serons que<br />

trop heureux <strong>de</strong> nous conformer à ta volonté <strong>et</strong> à tes paroles ! Car on nous doit<br />

sans doute <strong>en</strong>core dix fois autant dans les villes <strong>de</strong> Judée ! Aussi te donneronsnous<br />

sur-le-champ la somme <strong>en</strong> arg<strong>en</strong>t ou <strong>en</strong> créances <strong>de</strong>s plus sûres.<br />

14. Ô seigneur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te contrée, nous ferons ce qui te sera le plus agréable ; car<br />

nous n'avons jamais été avares ni pingres ! Nous savons bi<strong>en</strong> que la richesse<br />

repose toujours <strong>en</strong>tre les mains du Tout-Puissant, qui peut la donner <strong>et</strong> la<br />

repr<strong>en</strong>dre à un homme du jour au l<strong>en</strong><strong>de</strong>main ! Nous ne sommes que ses administrateurs<br />

; mais le seul vrai maître <strong>en</strong> est le Seigneur, le Dieu d'Abraham,<br />

d'Isaac <strong>et</strong> <strong>de</strong> Jacob !<br />

15. Tu peux juger par là à quelle sorte d'hommes tu as affaire avec nous ; aussi,<br />

tu n'as qu'à ordonner, <strong>et</strong> nous nous conformerons à ta s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce à coup sûr fort<br />

sage ! »<br />

16. Je dis : Je m'<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>s à ce que J'ai dit ! Car Je vous connais ainsi que tout ce<br />

qui vous concerne, <strong>et</strong> vous <strong>en</strong> ferez assez si vous vous conformez à Ma <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

; mais si vous voulez <strong>en</strong> faire un peu plus pour quelque vrai pauvre, nul ne vous<br />

<strong>en</strong> empêchera. Cep<strong>en</strong>dant, ce que vous pouvez recevoir ici vaut infinim<strong>en</strong>t plus<br />

que toutes vos richesses quasi incomm<strong>en</strong>surables ! — Mais nous <strong>en</strong> reparlerons<br />

plus tard. »<br />

17. Les <strong>de</strong>ux, délégués dis<strong>en</strong>t : « Tu nous fais l'eff<strong>et</strong> d'un sage fort singulier ! Les<br />

richesses <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre ne sembl<strong>en</strong>t pas te toucher ; <strong>et</strong> tu ne sembles pas davantage<br />

apprécier spécialem<strong>en</strong>t une charité peut-être exagérée ! Les trésors <strong>de</strong><br />

l'esprit val<strong>en</strong>t sans doute davantage pour toi que tout l'or <strong>de</strong> la terre ! Et tu as<br />

parfaitem<strong>en</strong>t raison <strong>en</strong> tout cela ; car les trésors spirituels dur<strong>en</strong>t éternellem<strong>en</strong>t,<br />

alors que ceux <strong>de</strong> la terre ne dur<strong>en</strong>t que jusqu'à la tombe, <strong>et</strong> c'<strong>en</strong> est alors fini<br />

d'eux pour celui qui est ôté à c<strong>et</strong>te terre !<br />

(*) La “livre perse” <strong>de</strong> “5 à 6 <strong>de</strong>mi-onces” (Lot) ne pèserait <strong>en</strong> réalité que 75 à 90 g. (N.d.T.)<br />

389


18. Oui, ô sage seigneur, donne-nous les trésors <strong>de</strong> la sagesse — car ils nous sont<br />

plus chers que tout notre or, nos pierres précieuses <strong>et</strong> nos lourds lingots d'arg<strong>en</strong>t !<br />

— Mais il nous faut maint<strong>en</strong>ant faire part fidèlem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tout cela à nos frères ! »<br />

19. Je dis : « Oui, oui, allez dire tout cela à vos frères, <strong>et</strong> rev<strong>en</strong>ez avec eux ; car<br />

vous n'êtes que vingt <strong>en</strong> tout sans les matelots, <strong>et</strong> vous trouverez aisém<strong>en</strong>t place<br />

ici. »<br />

20. « Oui, dis<strong>en</strong>t avec joie les délégués, nous aurons assez <strong>de</strong> place ; mais la<br />

question est <strong>de</strong> savoir si tu auras aussi la bonté <strong>de</strong> nous faire partager ta sagesse.<br />

Car chez nous, <strong>en</strong> Perse, la vraie sagesse se fait <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus rare, remplacée<br />

chaque jour davantage par la magie <strong>de</strong>s prêtres paï<strong>en</strong>s, qui m<strong>et</strong>tra sans doute<br />

bi<strong>en</strong>tôt un terme à toute sagesse même chez les Juifs qui viv<strong>en</strong>t dans ce pays —<br />

d'autant que les prêtres serviteurs <strong>de</strong>s idoles, avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pouvoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> richesse,<br />

pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t sur le roi un asc<strong>en</strong>dant fort dangereux, car ils l'importun<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

toute mesure <strong>et</strong> lui romp<strong>en</strong>t les oreilles nuit <strong>et</strong> jour.<br />

21. Nous leur avons t<strong>en</strong>u la bri<strong>de</strong> jusqu'ici grâce à notre <strong>grand</strong>e fortune ; mais ces<br />

méchants hommes s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt aussi à rafler d'imm<strong>en</strong>ses richesses, <strong>et</strong> ils tir<strong>en</strong>t<br />

d'affaire <strong>en</strong> toute occasion le roi prodigue. C'est ainsi qu'ils finiront bi<strong>en</strong> par<br />

réussir à donner le coup <strong>de</strong> grâce à la tolérance d'un roi qui, sans cela, aurait le<br />

cœur bon. — Mais nous <strong>en</strong> reparlerons plus tard, car il nous faut à prés<strong>en</strong>t<br />

informer nos frères impati<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> tout ce que nous avons <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du ici ! » — Ayant<br />

dit, ils s'inclin<strong>en</strong>t <strong>et</strong> rejoign<strong>en</strong>t promptem<strong>en</strong>t leurs frères. Là, ils rapport<strong>en</strong>t très<br />

fidèlem<strong>en</strong>t à leurs compagnons <strong>et</strong> compagnes tout ce qu'ils ont <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>et</strong><br />

s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t avec eux <strong>de</strong> maintes choses.<br />

Chapitre 192<br />

La richesse, bénédiction <strong>et</strong> malédiction<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, Cyrénius Me dit : « Seigneur <strong>et</strong> Maître, <strong>en</strong> vérité, il ne m'avait<br />

<strong>en</strong>core jamais été donné <strong>de</strong> r<strong>en</strong>conter <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s aussi généreux <strong>et</strong> débonnaires ; il<br />

faut coûte que coûte que je procure à ces g<strong>en</strong>s une protection contre les<br />

empiétem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s prêtres idolâtres ! Le roi <strong>de</strong>s Perses est lui aussi un vassal <strong>de</strong><br />

Rome, <strong>et</strong> il dép<strong>en</strong>d <strong>de</strong> moi ; oh, il sera bi<strong>en</strong>tôt mis un terme aux agissem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong><br />

ces misérables ! Toi aussi, ô Seigneur, Tu <strong>de</strong>vrais accor<strong>de</strong>r à ces bonnes g<strong>en</strong>s une<br />

grâce particulière ; car ils me sembl<strong>en</strong>t le mériter pleinem<strong>en</strong>t ! »<br />

2. Je dis : « Assurém<strong>en</strong>t, sans quoi Je ne les aurais pas fait sauver par Mon ange<br />

d'un naufrage certain ; car lorsque Je déci<strong>de</strong> d'un miracle, il y toujours à cela une<br />

fort bonne raison. Et les raisons ne manqu<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> ce cas !<br />

3. Une <strong>grand</strong>e richesse terrestre <strong>en</strong>tre les mains <strong>de</strong> telles g<strong>en</strong>s est une vraie<br />

bénédiction du ciel pour tout un pays ; <strong>et</strong> si ces g<strong>en</strong>s dispos<strong>en</strong>t par surcroît <strong>de</strong><br />

quelque sagesse supérieure, ils peuv<strong>en</strong>t faire <strong>de</strong>s merveilles pour le plus <strong>grand</strong><br />

bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> l'humanité.<br />

4. Mais une <strong>grand</strong>e richesse aux mains d'un avare ou d'un usurier est une malédiction<br />

<strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer pour tout un royaume ; car un tel homme ne cherche qu'à tout<br />

390


tirer à soi aux dép<strong>en</strong>s <strong>de</strong> tous les autres ! Il ne se laisse pas émouvoir par la misère,<br />

la détresse <strong>et</strong> les larmes <strong>de</strong> la veuve <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'orphelin pauvres, <strong>et</strong> seuls au<br />

mon<strong>de</strong>. Quand bi<strong>en</strong> même <strong>de</strong>s milliers crierai<strong>en</strong>t famine à la face <strong>de</strong> marbre d'un<br />

usurier, il ne t<strong>en</strong>drait à personne un morceau <strong>de</strong> pain pour se rassasier !<br />

5. Et c'est pourquoi Je vous dis que les fornicateurs, les adultères, les voleurs <strong>et</strong><br />

les bandits assassins rep<strong>en</strong>tants <strong>en</strong>treront un jour dans le royaume <strong>de</strong> Dieu, mais<br />

jamais l'âme d'un avare <strong>et</strong> d'un usurier ; car celle-ci est inam<strong>en</strong>dable, <strong>et</strong> c'est<br />

pourquoi elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra le matériau dont sont faits les diables du plus bas <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>fers !<br />

6. L'usurier est une véritable machine <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer construite pour la perte <strong>de</strong> tous<br />

les hommes, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> tant que tel, il <strong>de</strong>meurera éternellem<strong>en</strong>t l'<strong>en</strong>tière propriété <strong>de</strong><br />

l'<strong>en</strong>fer !<br />

7. M<strong>et</strong>s à un usurier la couronne d'un roi, donne-lui un sceptre, une épée <strong>et</strong> une<br />

puissante armée, <strong>et</strong> tu auras fait d'un Satan un prince tyrannique qui ne laissera<br />

pas une goutte <strong>de</strong> sang à ses suj<strong>et</strong>s ! Il préférera faire étrangler un homme plutôt<br />

que <strong>de</strong> lui faire grâce d'un statère ! Maudits soi<strong>en</strong>t donc tous les avares <strong>et</strong> tous les<br />

usuriers !<br />

8. Mais les hommes qui, sous l'influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la grâce <strong>de</strong>s cieux, sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us très<br />

riches par le travail <strong>de</strong> leurs mains, sont un bon <strong>et</strong> noble fruit <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre. Ils<br />

amass<strong>en</strong>t continuellem<strong>en</strong>t pour les faibles <strong>et</strong> les pauvres, construis<strong>en</strong>t sans<br />

relâche <strong>de</strong> nouvelles <strong>de</strong>meures pour les sans-logis <strong>et</strong> tiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s vêtem<strong>en</strong>ts pour<br />

leurs frères <strong>et</strong> sœurs nus. Et c'est pourquoi leur récomp<strong>en</strong>se dans l'au-<strong>de</strong>là sera<br />

<strong>grand</strong>e ; car ils port<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux dès c<strong>et</strong>te terre le ciel le plus beau <strong>et</strong> le plus élevé !<br />

9. Lorsqu'un jour leur âme quittera leur corps, le ciel s'ouvrira <strong>de</strong>puis leur propre<br />

cœur <strong>et</strong> les placera <strong>en</strong> son milieu, <strong>de</strong> même que le soleil levant répand sa propre<br />

lumière avant <strong>de</strong> respl<strong>en</strong>dir au c<strong>en</strong>tre magnifique <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te lumière issue <strong>de</strong> lui qui<br />

vivifie <strong>et</strong> crée toute chose !<br />

10. D'autres bonnes âmes humaines ne seront quant à elles bi<strong>en</strong>heureuses qu'à<br />

l'instar <strong>de</strong>s planètes, qui jouiss<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s rayons échauffants <strong>et</strong> vivifiants du soleil,<br />

mais n'<strong>en</strong> gar<strong>de</strong>nt pas moins toujours une face nocturne !<br />

11. Oui, Mon cher Cyrénius, être riche sur c<strong>et</strong>te terre, mais ne dép<strong>en</strong>ser pour soimême<br />

qu'autant qu'il est absolum<strong>en</strong>t nécessaire pour subsister, c'est-à-dire être<br />

chiche <strong>en</strong>vers soi-même pour pouvoir être d'autant plus libéral <strong>en</strong>vers les<br />

pauvres, c'est bi<strong>en</strong> là la plus <strong>grand</strong>e ressemblance <strong>de</strong> Dieu que l'on puisse atteindre<br />

dès c<strong>et</strong>te terre ! Et plus <strong>grand</strong>e sera chez un homme c<strong>et</strong>te auth<strong>en</strong>tique <strong>et</strong><br />

seule vraie ressemblance <strong>de</strong> Dieu, plus la bénédiction <strong>et</strong> la faveur célestes<br />

afflueront sans cesse vers lui !<br />

12. Il <strong>en</strong> va d'un tel homme comme du soleil ! Plus il fait rayonner sa lumière sur<br />

le sol terrestre, plus il brille lui-même ; mais lorsque, l'hiver, il répand plus<br />

chichem<strong>en</strong>t sa lumière, bi<strong>en</strong> qu'<strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce seulem<strong>en</strong>t, il apparaît lui-même<br />

plus pauvrem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> plus faiblem<strong>en</strong>t éclairé, bi<strong>en</strong> que cela ne soit <strong>en</strong>core, bi<strong>en</strong> sûr,<br />

qu'une appar<strong>en</strong>ce !<br />

13. À celui qui donne beaucoup avec joie <strong>et</strong> amour, il sera aussi donné beaucoup<br />

<strong>en</strong> r<strong>et</strong>our !<br />

391


14. Car lorsque tu disposes une forte lampe au milieu d'une pièce, sa lumière sera<br />

aussi fortem<strong>en</strong>t réfléchie par les murs vers le c<strong>en</strong>tre lumineux <strong>et</strong> <strong>en</strong>veloppera <strong>de</strong><br />

gloire c<strong>et</strong>te puissante lumière, ce qui r<strong>en</strong>dra la lumière d'origine <strong>en</strong>core plus<br />

magnifique, puissante <strong>et</strong> efficace ; mais si tu ne disposes qu'une p<strong>et</strong>ite lampe au<br />

milieu d'une <strong>grand</strong>e chambre, les murs pauvrem<strong>en</strong>t éclairés ne r<strong>en</strong>verront<br />

assurém<strong>en</strong>t qu'une bi<strong>en</strong> faible lueur, <strong>et</strong> la lumière d'origine n'<strong>en</strong> sera guère<br />

glorifiée !<br />

15. Aussi, vous qui êtes pourvus <strong>en</strong> surabondance <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, soyez<br />

généreux comme le soleil dans le ciel l'est <strong>de</strong> sa lumière, <strong>et</strong> vous serez vousmêmes<br />

comme le soleil <strong>et</strong> recevrez autant que lui !<br />

16. Car tu ne peux semer une bonne graine dans une bonne terre qu'elle ne te le<br />

r<strong>en</strong><strong>de</strong> au c<strong>en</strong>tuple lors <strong>de</strong> la récolte. Et les bonnes œuvres d'un cœur généreux<br />

sont assurém<strong>en</strong>t la meilleure <strong>de</strong>s sem<strong>en</strong>ces, <strong>et</strong> l'humanité pauvre la meilleure <strong>de</strong>s<br />

terres ; ne laissez jamais c<strong>et</strong>te terre <strong>en</strong> friche, mais semez-y libéralem<strong>en</strong>t, car elle<br />

vous le r<strong>en</strong>dra toujours c<strong>en</strong>t fois lors <strong>de</strong> la récolte terrestre, <strong>et</strong> mille fois dans l'au<strong>de</strong>là,<br />

J'<strong>en</strong> suis le sûr garant ! »<br />

Chapitre 193<br />

De la nature foncière <strong>de</strong> l'homme<br />

1. (Le Seigneur :) « Certains parleront sans doute autrem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> jugeront qu'il est<br />

bi<strong>en</strong> beau <strong>de</strong> prêcher la vertu <strong>de</strong> libéralité <strong>et</strong> <strong>de</strong> représ<strong>en</strong>ter l'avarice comme un<br />

vice abominable ; mais un homme y est-il pour quelque chose, diront-ils, s'il s<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> lui-même que sa véritable raison <strong>de</strong> vivre est une générosité prodigue, tandis<br />

que pour un autre, c'est au contraire la plus pure avarice ?! Chez tous <strong>de</strong>ux, c'est<br />

une question <strong>de</strong> manifestation extérieure d'une inclination foncière d'où résulte<br />

pour chacun le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t qui le r<strong>en</strong>d heureux, <strong>et</strong> que l'un comme l'autre conserve<br />

par la suite pour soi. Ce qui attriste le premier, c'est <strong>de</strong> ne pas possé<strong>de</strong>r un<br />

surplus assez abondant pour faire le bonheur <strong>de</strong> son prochain démuni, tandis que<br />

le second s'afflige s'il ne peut gagner — ou même perdre ! — autant qu'il le<br />

souhaite. Autrem<strong>en</strong>t dit, tout cela ne ti<strong>en</strong>drait dès l'origine qu'à la nature d'un<br />

homme, <strong>et</strong> il ne saurait donc exister au fond ni vice, ni véritable vertu. Pour<br />

l'avarice, la libéralité serait un vice, <strong>et</strong> il <strong>en</strong> irait <strong>de</strong> même <strong>de</strong> l'avarice pour la<br />

libéralité. L'eau y peut-elle quelque chose si elle est <strong>de</strong> nature à cé<strong>de</strong>r <strong>et</strong> à<br />

s'adapter, <strong>et</strong> qui pourrait condamner la pierre pour sa dur<strong>et</strong>é ?! L'eau doit être ce<br />

qu'elle est, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même la pierre.<br />

2. Cela est sans doute vrai pour une part ; la nature <strong>de</strong> l'homme généreux est<br />

d'être libéral, <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> l'avare est l'exact contraire. Mais la vérité est que tout<br />

homme vi<strong>en</strong>t au mon<strong>de</strong> avec une t<strong>en</strong>dance à l'égoïsme <strong>et</strong> à l'avarice, <strong>et</strong> que son<br />

âme est généralem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core imprégnée <strong>de</strong> l'élém<strong>en</strong>t bestial grossièrem<strong>en</strong>t<br />

matériel, ce qui vaut surtout pour les âmes purem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> non d'<strong>en</strong><br />

haut. Cep<strong>en</strong>dant, même les âmes v<strong>en</strong>ues <strong>de</strong>s étoiles sur c<strong>et</strong>te terre ne sont pas<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dépourvues <strong>de</strong> c<strong>et</strong> élém<strong>en</strong>t.<br />

3. Si l'être humain est alors élevé dans c<strong>et</strong> élém<strong>en</strong>t animal, il <strong>en</strong> fait lui-même<br />

392


peu à peu <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus sa raison <strong>de</strong> vivre, c'est-à-dire son p<strong>en</strong>chant <strong>et</strong> son<br />

amour ; mais comme c<strong>et</strong> amour est bestial, l'homme <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t définitivem<strong>en</strong>t une<br />

bête féroce qui n'a plus ri<strong>en</strong> d'humain que sa misérable forme, sa langue déliée <strong>et</strong>,<br />

grâce à la structure ordonnée <strong>de</strong> son cerveau, un <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> réglé, mais<br />

que les élém<strong>en</strong>ts animaux pouss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus vers <strong>de</strong>s actions viles. En<br />

conséqu<strong>en</strong>ce, il ne peut plus reconnaître comme bon <strong>et</strong> capable <strong>de</strong> le r<strong>en</strong>dre<br />

heureux que ce que veut l'élém<strong>en</strong>t purem<strong>en</strong>t animal <strong>en</strong> lui.<br />

4. Ainsi, si dorénavant quelqu'un prét<strong>en</strong>d affirmer qu'<strong>en</strong> toute rigueur, la vertu<br />

n'existe pas vraim<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> donc pas davantage le vice, <strong>et</strong> que l'on a <strong>grand</strong> tort <strong>de</strong><br />

condamner l'avarice <strong>en</strong> l'opposant à la générosité, qu'on le r<strong>en</strong>voie à c<strong>et</strong>te Mi<strong>en</strong>ne<br />

explication, afin qu'il l'examine <strong>et</strong> la considère bi<strong>en</strong> !<br />

5. Si un jardinier plante <strong>de</strong>ux arbres fruitiers dans son verger <strong>et</strong> les soigne comme<br />

il se doit, lui sera-t-il vraim<strong>en</strong>t égal qu'un seul porte <strong>de</strong>s fruits <strong>et</strong> que l'autre, <strong>de</strong> la<br />

même espèce <strong>et</strong> poussant dans le même sol, nourri <strong>de</strong> la même pluie, <strong>de</strong> la même<br />

rosée, du même air <strong>et</strong> <strong>de</strong> la même lumière, ne porte aucun fruit, <strong>et</strong> n'ait même pas<br />

assez <strong>de</strong> feuillage pour faire <strong>de</strong> l'ombre ? Le jardinier sagace dira alors : "C'est là<br />

un arbre mala<strong>de</strong> qui a mal tourné <strong>et</strong> consume tous les sucs qui lui parvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ;<br />

voyons s'il y a moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> le guérir !" Le jardinier essaiera alors <strong>de</strong> tous les<br />

moy<strong>en</strong>s efficaces <strong>de</strong> sa connaissance, <strong>et</strong> si ri<strong>en</strong> n'y fait, il finira par arracher<br />

l'arbre stérile <strong>et</strong> intérieurem<strong>en</strong>t corrompu <strong>et</strong> <strong>en</strong> m<strong>et</strong>tra un autre à la place.<br />

6. C'est ainsi qu'un homme avare <strong>et</strong> égoïste est un homme corrompu <strong>en</strong> soi <strong>et</strong> par<br />

soi-même <strong>et</strong> qu'il ne peut porter les fruits <strong>de</strong> la vie, parce qu'il consume <strong>en</strong> luimême<br />

toute vie.<br />

7. En revanche, un homme généreux est déjà <strong>en</strong> soi dans la juste ordonnance <strong>de</strong><br />

la vie du seul fait qu'il porte extérieurem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s fruits abondants.<br />

8. Cep<strong>en</strong>dant, un arbre n'y est pour ri<strong>en</strong> s'il porte ou non <strong>de</strong>s fruits ; car il ne se<br />

construit pas lui-même, mais ce sont les esprits qui, v<strong>en</strong>ant du règne jugé <strong>de</strong> la<br />

nature, mont<strong>en</strong>t dans son organisme, qui le construis<strong>en</strong>t avec leur force <strong>et</strong> avec<br />

leur intellig<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s plus simple, donc <strong>de</strong>s plus limitée. L'homme, lui, <strong>en</strong> est au<br />

point où, grâce à l'intellig<strong>en</strong>ce illimitée <strong>de</strong> son âme, il peut se construire luimême<br />

<strong>et</strong> se changer <strong>en</strong> un arbre précieux porteur <strong>de</strong> fruits <strong>de</strong> vie.<br />

9. S'il le fait, ce pour quoi il a <strong>en</strong> sa possession tous les moy<strong>en</strong>s, il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t alors<br />

un homme juste selon la vraie ordonnance éternelle <strong>de</strong> Dieu ; mais s'il ne le fait<br />

pas, il <strong>de</strong>meure un animal qui, <strong>en</strong> tant que tel, n'a pas <strong>en</strong> lui <strong>de</strong> vie qu'il puisse<br />

transm<strong>et</strong>tre à son prochain par <strong>de</strong>s œuvres pleines d'amour.<br />

10. C'est ainsi que les Juifs perses que nous v<strong>en</strong>ons <strong>de</strong> sauver sont déjà tout à fait<br />

dans la bonne ordonnance <strong>et</strong> qu'il sera très facile maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> les m<strong>en</strong>er vers<br />

une sagesse supérieure ; car lorsqu'une lampe est si pleine d'huile que celle-ci se<br />

m<strong>et</strong> à débor<strong>de</strong>r à profusion, <strong>et</strong> lorsqu'elle possè<strong>de</strong> <strong>en</strong> outre une mèche <strong>de</strong> vie forte<br />

<strong>et</strong> bi<strong>en</strong> placée, il suffit d'allumer la mèche pour que la lampe s'emplisse aussitôt<br />

<strong>de</strong> lumière <strong>et</strong> illumine d'une belle clarté tout ce qui l'<strong>en</strong>toure loin à la ron<strong>de</strong> !<br />

11. Et ces Juifs perses, <strong>de</strong> même que leurs épouses, que certains ont emm<strong>en</strong>ées<br />

avec eux, sont <strong>de</strong> ces lampes déjà bi<strong>en</strong> remplies ; il n'y aura donc pas <strong>grand</strong>chose<br />

à faire pour que tous s'empliss<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lumière ! »<br />

393


12. Cyrénius dit alors : « Seigneur, c'est bi<strong>en</strong> là <strong>en</strong>core un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la<br />

plus haute importance pour tous les hommes, <strong>et</strong> il faudrait sans doute qu'il soit<br />

transcrit, afin <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer jusqu'à la fin du mon<strong>de</strong> ! »<br />

13. Je dis : « Ton souci est justifié, aussi ai-Je déjà fait <strong>en</strong> sorte que l'ess<strong>en</strong>tiel <strong>en</strong><br />

soit consigné sur tes rouleaux. Cep<strong>en</strong>dant, une telle transcription n'a pas d'autre<br />

utilité pour la vie que celle d'une simple borne indicatrice sur les innombrables<br />

chemins <strong>et</strong> détours <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>. Quant à ce qui peut ai<strong>de</strong>r un homme <strong>et</strong> lui<br />

donner sagesse, force <strong>et</strong> vie, cela est écrit dans le cœur <strong>de</strong> chacun, <strong>et</strong> d'une<br />

manière parfaitem<strong>en</strong>t ineffaçable, <strong>en</strong> sorte que, à chaque acte contraire à l'ordre<br />

divin, c<strong>et</strong>te transcription du droit éternel <strong>de</strong> la vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses conséqu<strong>en</strong>ces<br />

intérieures <strong>et</strong> extérieures se relit d'elle-même à haute voix dans le cœur <strong>de</strong><br />

l'homme <strong>et</strong> exhorte l'âme à rev<strong>en</strong>ir à l'ordre divin originel !<br />

14. Si l'homme suit c<strong>et</strong>te voix intérieure, il revi<strong>en</strong>t aussitôt sur le droit chemin ;<br />

mais si, au lieu <strong>de</strong> s'y conformer, il n'agit que selon la passion déchaînée <strong>de</strong> sa<br />

chair, il ne pourra s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre qu'à lui-même s'il est dévoré par le jugem<strong>en</strong>t qu'il<br />

s'est ainsi <strong>en</strong>voyé. — Mais Je vois que nos Perses se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t <strong>en</strong> marche ; aussi,<br />

att<strong>en</strong>dons-les avec la plus <strong>grand</strong>e joie ! »<br />

Chapitre 194<br />

Opinions <strong>de</strong>s Perses sur le Seigneur<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, tandis que Je débattais avec Cyrénius <strong>de</strong> la générosité <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

l'avarice, les Perses discutai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre eux <strong>de</strong> ce que Je pouvais être. Certains<br />

estimai<strong>en</strong>t que Je <strong>de</strong>vais être un prophète ; d'autre Me t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pour une sorte <strong>de</strong><br />

sage connaissant bi<strong>en</strong> toutes les écoles d'Egypte, <strong>de</strong> Grèce <strong>et</strong> <strong>de</strong> Jérusalem ;<br />

quelques-uns p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t même que Je pouvais être un prince romain très au fait <strong>de</strong><br />

tout ce qui se passait dans le vaste Empire <strong>et</strong> ainsi d'une <strong>grand</strong>e sagesse politique.<br />

Il fallait donc bi<strong>en</strong> se surveiller <strong>de</strong>vant Moi, disai<strong>en</strong>t-ils ; sans cela, le fier<br />

Romain Cyrénius, gouverneur général <strong>de</strong> toute l'Asie, ne ferait pas montre avec<br />

Moi d'une telle humilité ! Mais l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux délégués dit : « Quoi qu'il puisse<br />

être, c'est <strong>en</strong> tout cas un homme supérieur qui peut nous appr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s choses, <strong>et</strong><br />

c'est bi<strong>en</strong> ce dont chacun a le plus <strong>grand</strong> besoin <strong>en</strong> ces temps ! »<br />

2. Tous étant finalem<strong>en</strong>t d'accord là-<strong>de</strong>ssus, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> que la nuit comm<strong>en</strong>çât déjà à<br />

tomber, ils se dirigèr<strong>en</strong>t vers la colline où Je Me trouvais.<br />

3. Au même mom<strong>en</strong>t, le vieux Marc vint Me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce qu'il fallait faire à<br />

propos du repas, parce que les tables avai<strong>en</strong>t été brisées par la grêle <strong>et</strong> que le sol<br />

était <strong>en</strong>core fort humi<strong>de</strong>.<br />

4. Mais Je lui montrai les Perses <strong>et</strong> lui dis : « Regar<strong>de</strong>, c'est un m<strong>et</strong>s particulièrem<strong>en</strong>t<br />

délicieux qui vi<strong>en</strong>t vers Moi ; avant même le repas <strong>de</strong> ce soir, il faut<br />

que Mon amour les consume <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t ! D'ici là, tu trouveras bi<strong>en</strong> le temps <strong>de</strong><br />

préparer un repas matériel <strong>et</strong> d'arranger les tables <strong>de</strong> quelque manière ; car seules<br />

quelques-unes sont brisées, <strong>et</strong> elles seront bi<strong>en</strong> réparées à temps. Mais allumez<br />

d'abord les lampes, afin que les hommes n'aill<strong>en</strong>t pas dans les ténèbres ! » Là<strong>de</strong>ssus,<br />

Marc s'<strong>en</strong> r<strong>et</strong>ourna joyeusem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> fit activer son mon<strong>de</strong>.<br />

394


5. Cep<strong>en</strong>dant, les Perses, parv<strong>en</strong>us <strong>de</strong>vant Moi, s'inclinèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rechef jusqu'à<br />

terre selon leur coutume, mais ils se redressèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite au lieu <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer face<br />

contre terre.<br />

6. L'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux précé<strong>de</strong>nts délégués prit la parole, disant : « Seigneur <strong>et</strong> assurém<strong>en</strong>t<br />

<strong>grand</strong> ami <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> bonne volonté, nous voici ! Tu connais notre<br />

situation <strong>et</strong> le motif qui nous a am<strong>en</strong>és <strong>en</strong> ces parages. Mais nous considérons<br />

qu'il s'agit là d'une circonstance provi<strong>de</strong>ntielle v<strong>en</strong>ue d'<strong>en</strong> haut <strong>et</strong> disons avec Job<br />

: "Seigneur, tout T'apparti<strong>en</strong>t, le ciel <strong>et</strong> la terre, l'air <strong>et</strong> les eaux ! Tu donnes <strong>et</strong> Tu<br />

repr<strong>en</strong>ds selon Ton bon plaisir ; Tu peux donner la couronne <strong>et</strong> le sceptre à un<br />

m<strong>en</strong>diant <strong>et</strong> courber la tête <strong>de</strong>s rois dans la poussière du néant !" C'est pourquoi<br />

nous n'avons point <strong>de</strong> peine ; car celui qui a constamm<strong>en</strong>t à la bouche <strong>et</strong> au cœur<br />

la volonté du Dieu tout-puissant ne s'afflige jamais, à moins qu'il n'ait péché à la<br />

face <strong>de</strong> Dieu. C'est pourquoi aussi nous ne regr<strong>et</strong>tons point notre importante<br />

perte ; car si la volonté divine n'était pas interv<strong>en</strong>ue dans c<strong>et</strong> événem<strong>en</strong>t<br />

apparemm<strong>en</strong>t fâcheux, nous aurions sans doute recouvré notre arg<strong>en</strong>t dans son<br />

intégralité, comme cela fut le cas toutes les autres années. Mais à l'évi<strong>de</strong>nce, c'est<br />

la volonté <strong>de</strong> Dieu qui s'<strong>en</strong> est ici mêlée, <strong>et</strong> nous Lui sacrifions volontiers ce peu<br />

<strong>de</strong> chose — <strong>et</strong> ferions même volontiers <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong>s sacrifices si le Tout-Puissant<br />

l'exigeait <strong>de</strong> nous ; car Lui seul est le Seigneur <strong>et</strong> nous ne sommes que Ses<br />

val<strong>et</strong>s obéissants, ne servant <strong>en</strong> tout temps que Lui seul.<br />

7. Nous n'aimons <strong>et</strong> ne craignons que Dieu <strong>et</strong> n'avons donc nulle crainte <strong>de</strong>s<br />

hommes ; <strong>et</strong> si le Seigneur du ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> la terre nous a fait perdre quelque chose<br />

aux yeux <strong>de</strong>s hommes, Il a sans doute pour cela une fort bonne raison ! Car<br />

l'homme insouciant ne pèche que trop aisém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant Dieu, ce qui est toujours<br />

dommageable à son salut ; mais alors, le Seigneur intervi<strong>en</strong>t avec Sa férule <strong>et</strong><br />

ai<strong>de</strong> l'homme à rev<strong>en</strong>ir sur le droit chemin !<br />

8. Tu vois par là, cher seigneur <strong>et</strong> ami, que nous ne sommes pas <strong>de</strong>s hommes<br />

oublieux <strong>de</strong> Dieu, loin <strong>de</strong> là. Il se peut certes que tu sois un sage paï<strong>en</strong> très au fait<br />

<strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> la nature ; mais nous ne connaissons qu'une seule omnipot<strong>en</strong>ce,<br />

celle qui apparti<strong>en</strong>t à Dieu, <strong>et</strong> nous n'accepterions aucune doctrine qui dise le<br />

contraire !<br />

9. Ainsi, si tu veux nous <strong>en</strong>seigner quelque vraie sagesse, n'oublie pas que nous<br />

sommes a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> la religion <strong>de</strong> Moïse avec une foi inébranlable ! Nous<br />

n'acceptons aucune doctrine, quelle que soit sa sagesse réelle ou supposée, à<br />

l’<strong>en</strong>contre <strong>de</strong> celle-ci ! Car nous aimons mieux être <strong>de</strong>s sots pour les sages du<br />

mon<strong>de</strong> que <strong>de</strong>s pécheurs <strong>de</strong>vant Dieu ! »<br />

10. Je dis : « Vous avez bi<strong>en</strong> raison, <strong>et</strong> c'est là la meilleure voie ! Mais, tant dans<br />

Moïse que, surtout, chez les Prophètes, il y a <strong>de</strong>s choses qui vous paraiss<strong>en</strong>t peutêtre<br />

<strong>en</strong>core fort obscures. C'est celles-ci que Je voudrais vous expliquer, afin que<br />

vous les compr<strong>en</strong>iez vous aussi, pour vous-mêmes <strong>et</strong> pour vos frères, vos<br />

femmes <strong>et</strong> vos <strong>en</strong>fants, à quelque mom<strong>en</strong>t que ce soit !<br />

11. Quand Elie se cachait dans une grotte <strong>de</strong> la montagne, l'Esprit lui fit savoir<br />

qu'il <strong>de</strong>vait <strong>de</strong>meurer dans la grotte jusqu'à ce que Yahvé <strong>en</strong> personne passât<br />

<strong>de</strong>vant elle ! Elie se plaça près <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>trée <strong>et</strong> att<strong>en</strong>dit. Alors survint une viol<strong>en</strong>te<br />

tempête qui passa avec un tel fracas que toute la montagne <strong>en</strong> trembla. Elie<br />

395


<strong>de</strong>manda si c'était bi<strong>en</strong> Yahvé qui était passé là. Mais l'Esprit répondit : "Yahvé<br />

n'était pas dans la tempête !"<br />

12. Elie se remit à att<strong>en</strong>dre, <strong>et</strong> c'est alors qu'un imm<strong>en</strong>se inc<strong>en</strong>die passa <strong>de</strong>vant la<br />

grotte ! Il grondait <strong>et</strong> crépitait si violemm<strong>en</strong>t qu'au-<strong>de</strong>hors, les parois se<br />

vitrifièr<strong>en</strong>t sous l'eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la chaleur. Elie crut que c'était bi<strong>en</strong> Yahvé c<strong>et</strong>te fois !<br />

Mais l'Esprit parla <strong>en</strong>core <strong>et</strong> dit : "Yahvé n'était pas non plus dans ce feu !"<br />

13. Alors, le <strong>grand</strong> prophète se dit <strong>en</strong> lui-même : "Yahvé dans Son être ess<strong>en</strong>tiel<br />

d'amour ne Se trouve donc ni dans la tempête, ni dans, la toute-puissance du feu<br />

!"<br />

14. Mais comme il méditait ainsi profondém<strong>en</strong>t, un très doux <strong>et</strong> très léger souffle<br />

passa <strong>de</strong>vant sa grotte, <strong>et</strong> l'Esprit parla <strong>en</strong>core, <strong>et</strong> dit : "Elie, Yahvé est passé dans<br />

ce léger <strong>et</strong> doux murmure, <strong>et</strong> c'est là le signe promis que tu peux désormais aller<br />

librem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> quitter c<strong>et</strong>te grotte où tu <strong>de</strong>vais te cacher <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant ta délivrance<br />

!"<br />

15. Alors, Elie sortit tout tranquillem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la grotte, <strong>et</strong> il reprit librem<strong>en</strong>t le<br />

chemin <strong>de</strong> sa <strong>grand</strong>e patrie sans courir le moindre danger. (1 Rois, 19, 9-15.)<br />

16. Puisque vous avez une foi si ferme dans l'Écriture, expliquez-Moi c<strong>et</strong>te<br />

étrange allégorie ! »<br />

Chapitre 195<br />

Le Seigneur explique un passage <strong>de</strong> l'Écriture<br />

1. À c<strong>et</strong>te question <strong>et</strong> à l'exposition qui l'avait précédée, ils ouvrir<strong>en</strong>t tous <strong>de</strong><br />

<strong>grand</strong>s yeux <strong>et</strong> ne sur<strong>en</strong>t que répondre. Car plus ils réfléchissai<strong>en</strong>t, plus la<br />

confusion <strong>grand</strong>issait dans leur esprit <strong>et</strong> dans leur cœur.<br />

2. Au bout d'un mom<strong>en</strong>t, l'un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux délégués fit c<strong>et</strong>te remarque : « Noble <strong>et</strong><br />

sage ami, tu me sembles fort versé dans l'Écriture, bi<strong>en</strong> que peut-être Romain ou<br />

Grec. Tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> nous prés<strong>en</strong>ter d'une manière fort correcte c<strong>et</strong>te image<br />

hautem<strong>en</strong>t mystique du prophète Elie ; mais personne jusqu'ici n'a jamais<br />

compris c<strong>et</strong>te allégorie, <strong>et</strong> il serait véritablem<strong>en</strong>t singulier qu'un paï<strong>en</strong> l'éclairât<br />

pour <strong>de</strong>s Juifs comme nous. Fais-le cep<strong>en</strong>dant, nous t'<strong>en</strong> prions ; car il m'est déjà<br />

arrivé <strong>de</strong> me faire expliquer bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s obscurités du prophète Isaïe par un sage<br />

paï<strong>en</strong> ori<strong>en</strong>tal, <strong>et</strong> j'ai eu les meilleures raisons <strong>de</strong> m'étonner <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t <strong>de</strong> sa<br />

profon<strong>de</strong> sagesse. Il semble qu'un cas i<strong>de</strong>ntique veuille se reproduire ici. Aussi te<br />

prions-nous, tous autant que nous sommes, <strong>de</strong> nous dévoiler ta compréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te allégorie, si tu y cons<strong>en</strong>s. »<br />

3. Je dis : « Eh bi<strong>en</strong>, soit ! Mais avant tout, Je dois vous faire rev<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> votre<br />

erreur, car vous Me pr<strong>en</strong>ez pour un paï<strong>en</strong>, mais Je suis Juif <strong>de</strong> naissance tout<br />

comme vous ; il est cep<strong>en</strong>dant vrai que Je suis tout pour chacun, afin <strong>de</strong> les<br />

gagner tous au royaume <strong>de</strong> la Lumière, au royaume <strong>de</strong> la Vérité éternelle ! Que<br />

celui qui a <strong>de</strong>s oreilles <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>, <strong>et</strong> que celui qui a <strong>de</strong>s yeux voie !<br />

4. Elie représ<strong>en</strong>te l'âme pure <strong>de</strong> l'homme, <strong>et</strong> la grotte dans laquelle il se cachait<br />

396


est le mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> plus précisém<strong>en</strong>t l'homme <strong>de</strong> chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> sang. L'esprit qui parle<br />

à Elie, c'est-à-dire à l'âme humaine, est l'esprit <strong>de</strong> Dieu, auquel l'âme doit, mais<br />

ne peut <strong>en</strong>core s'unir, parce que Yahvé n'est pas <strong>en</strong>core passé <strong>de</strong>vant la grotte <strong>de</strong><br />

la chair ou du mon<strong>de</strong>.<br />

5. Le passage <strong>de</strong> la tempête désigne la pério<strong>de</strong> du vieil Adam jusqu'à Noé, le feu<br />

la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> Noé à l'époque prés<strong>en</strong>te.<br />

6. Quant à l'époque du doux murmure <strong>de</strong>vant la grotte du prophète, elle est déjà<br />

là, qui apportera à toutes les âmes <strong>de</strong> bonne volonté l'<strong>en</strong>tière délivrance (*) <strong>en</strong><br />

esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité, <strong>et</strong>, NOTA BENE (notez-le bi<strong>en</strong>), vous êtes vous aussi à<br />

prés<strong>en</strong>t sur le point <strong>de</strong> recevoir c<strong>et</strong>te liberté d'Elie !<br />

7. Le vaisseau qui vous a am<strong>en</strong>és ici était comme la grotte du prophète. Il s'est<br />

d'abord trouvé dans la viol<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la tempête, <strong>et</strong> vous étiez dans la détresse <strong>et</strong><br />

l'angoisse ; puis, quand la tempête vous poussa sur la haute mer inconstante, un<br />

feu aux mille éclairs jaillit autour <strong>de</strong> votre p<strong>et</strong>it mon<strong>de</strong> fragile <strong>de</strong> planches<br />

vermoulues ; mais Yahvé n'était pas dans ce feu, même si Son bras (un ange)<br />

vous apporta le salut <strong>et</strong> la vie.<br />

8. Mais vous êtes maint<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> ce lieu où, après la tempête <strong>et</strong> le feu, un doux<br />

murmure passe <strong>de</strong>vant vous ; qui peut bi<strong>en</strong> se trouver <strong>de</strong>vant vous <strong>et</strong> près <strong>de</strong> vous<br />

dans ce doux murmure ?! »<br />

9. Les Perses sont profondém<strong>en</strong>t surpris, <strong>et</strong> le délégué dit : « Étrange, étrange !<br />

C<strong>et</strong>te allégorie parfaitem<strong>en</strong>t unique est étonnamm<strong>en</strong>t semblable à celle du<br />

prophète Elie ! Il est vrai que notre sauv<strong>et</strong>age ne fut pas qu'un peu merveilleux,<br />

<strong>et</strong> à prés<strong>en</strong>t, sur c<strong>et</strong>te colline, je perçois véritablem<strong>en</strong>t, tant physiquem<strong>en</strong>t que<br />

moralem<strong>en</strong>t, c<strong>et</strong> étrange <strong>et</strong> mystérieux murmure dont l'Esprit disait au prophète<br />

que Yahvé y était passé ! — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sez-vous donc, vous tous, mes frères <strong>et</strong><br />

sœurs ? ! Quel est votre s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t sur c<strong>et</strong>te affaire ? »<br />

10. Tous les autres dis<strong>en</strong>t d'une seule voix : « Elle nous paraît aussi singulière<br />

qu'à toi-même ; mais nous n'y compr<strong>en</strong>drons ri<strong>en</strong> par nous-mêmes ! Aussi, faisons<br />

plutôt parler ce sage pour toi <strong>et</strong> pour nous tous ! »<br />

11. Le délégué dit : « Oui, ce serait sans doute la meilleure solution ; mais <strong>en</strong> ce<br />

lieu où séjourn<strong>en</strong>t les plus nobles seigneurs <strong>de</strong> Rome, <strong>de</strong>s rois <strong>et</strong> <strong>de</strong>s princes, on<br />

ne peut exiger sur-le-champ telle ou telle chose, <strong>et</strong> il convi<strong>en</strong>t d'abord <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

si l'on veut bi<strong>en</strong> nous accor<strong>de</strong>r la permission <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la chose<br />

principale que l'on désire ! »<br />

12. J’intervi<strong>en</strong>s alors <strong>et</strong> dis : « Ami, ce n'est vraim<strong>en</strong>t pas nécessaire ici ! C'est<br />

sans doute l'usage <strong>en</strong> Perse, mais que cela n'arrive jamais <strong>en</strong>tre nous ! Mon ami,<br />

<strong>de</strong>vant Dieu, une humilité qui rabaisse <strong>et</strong> r<strong>en</strong>d par trop stupi<strong>de</strong> l'âme humaine est<br />

une <strong>de</strong> ces folies qui n'exist<strong>en</strong>t que chez les paï<strong>en</strong>s — <strong>et</strong> d'autant plus lorsqu'il<br />

s'agit qu'un homme s'humilie exagérém<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant ce qui n'est aussi qu'un<br />

homme. Une telle démonstration d'humilité flagorneuse d'un homme <strong>de</strong>vant un<br />

autre homme les r<strong>en</strong>d mauvais l'un <strong>et</strong> l'autre ; le premier parce qu'il ne fait le plus<br />

souv<strong>en</strong>t que feindre c<strong>et</strong>te humilité par laquelle il r<strong>en</strong>d son prochain <strong>en</strong>core plus<br />

(*)<br />

Erlösung : ce mot signifie <strong>en</strong> allemand aussi bi<strong>en</strong> « délivrance » (ici, Elie libre <strong>de</strong> quitter la<br />

grotte) que « ré<strong>de</strong>mption », « rachat » (cf. aussi 196,1). (N.d.T.)<br />

397


orgueilleux, le second parce que cela le r<strong>en</strong>d effectivem<strong>en</strong>t plus orgueilleux<br />

<strong>en</strong>core !<br />

13. L'humilité qui naît <strong>de</strong> l'amour pur est juste <strong>et</strong> vraie ; car elle respecte <strong>et</strong> aime<br />

<strong>en</strong> tant que frère le frère qu'est le prochain, mais ne fait ni <strong>de</strong> soi-même, ni <strong>de</strong><br />

l'autre un Dieu <strong>de</strong>vant lequel on doit tomber à g<strong>en</strong>oux pour l'adorer.<br />

14. Lorsque tu veux ou souhaites quoi que ce soit, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>-le <strong>en</strong> homme à un<br />

autre homme <strong>et</strong> <strong>en</strong> frère à ton frère ; mais un homme ne doit jamais ramper dans<br />

la poussière <strong>de</strong>vant un autre !<br />

15. Ce que Dieu n'exige d'aucun homme, un homme doit d'autant moins l'exiger<br />

<strong>de</strong> ses contemporains ! Cela fait partie <strong>de</strong> la vraie sagesse parfaitem<strong>en</strong>t dans<br />

l'ordre divin ; aussi, r<strong>et</strong><strong>en</strong>ez bi<strong>en</strong> cela <strong>et</strong> conformez-vous-y, <strong>et</strong> vous serez<br />

agréables à Dieu <strong>et</strong> aux hommes !<br />

16. Mais rev<strong>en</strong>ons à autre chose. Afin que vous puissiez un peu mieux compr<strong>en</strong>dre<br />

comm<strong>en</strong>t le doux murmure <strong>de</strong>vant la grotte du prophète correspond à<br />

l'époque prés<strong>en</strong>te, Je vais vous poser une autre question, puisque vous êtes<br />

<strong>en</strong>core <strong>en</strong> quelque sorte <strong>de</strong>s Juifs <strong>de</strong> bon aloi. »<br />

Chapitre 196<br />

Le Seigneur questionne les Perses à propos du Messie<br />

1. (Le Seigneur :) « Que p<strong>en</strong>sez-vous donc du Messie <strong>de</strong> la promesse, qui, selon<br />

tous les prophètes, doit v<strong>en</strong>ir précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce temps-ci pour la délivrance <strong>de</strong>s<br />

Juifs ? Cela veut-il vraim<strong>en</strong>t dire quelque chose pour vous qui êtes si avisés, ou,<br />

comme beaucoup aujourd'hui, n'attachez-vous aucune importance à ces<br />

prophéties considérées comme trop mystiques pour la raison humaine ?<br />

2. Le délégué dit : « Noble ami, c'est là une question fort délicate ! N'y attacher<br />

aucune importance, ce serait bi<strong>en</strong> téméraire <strong>de</strong> la part d'un vrai Juif — mais il est<br />

<strong>en</strong> vérité tout aussi hasar<strong>de</strong>ux d'y croire tout à fait sérieusem<strong>en</strong>t ; car il se peut<br />

que ce soit là la porte ouverte à la plus noire superstition, à qui on laisserait ainsi<br />

le champ libre !<br />

3. Quant à savoir si l'abs<strong>en</strong>ce totale <strong>de</strong> croyance vaut mieux que la plus noire<br />

superstition, ou si c'est le contraire, je laisse volontiers à <strong>de</strong> plus sages que moi le<br />

soin d'<strong>en</strong> déci<strong>de</strong>r. Mais le bon s<strong>en</strong>s qui est d'ordinaire le mi<strong>en</strong> me dit que<br />

l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> croyance a <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s avantages sur une noire superstition.<br />

4. Car, selon moi, n'avoir aucune croyance équivaut à être un <strong>en</strong>fant nouveau-né,<br />

ou un champ <strong>en</strong> jachère où ri<strong>en</strong> n'a <strong>en</strong>core été semé. Avec une bonne éducation,<br />

l'<strong>en</strong>fant peut <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un homme très sage, <strong>et</strong> dans le champ <strong>en</strong> jachère, on peut<br />

semer n'importe quelle espèce <strong>de</strong> fruit noble ; mais une fois que le champ a été<br />

<strong>en</strong>vahi par une profusion <strong>de</strong> mauvaises herbes <strong>de</strong> toute sorte ou que l'<strong>en</strong>fant<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>u adulte a appris toutes les sottises possibles, toute formation à la sagesse<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t soit tout à fait impossible, soit pour le moins extrêmem<strong>en</strong>t difficile. Et<br />

n'importe quel honnête paysan qui a déjà eu à débarrasser ses champs <strong>de</strong> toute la<br />

mauvaise herbe <strong>et</strong> à l'<strong>en</strong> préserver <strong>en</strong>suite sait combi<strong>en</strong> cela est pénible ! —<br />

398


Voici, noble ami, quelle est à peu près notre saine opinion.<br />

5. Pour ce qui est du Messie promis, nous ne disons ni oui ni non ; mais si<br />

quelque vrai sage qui connaît l'Écriture veut éluci<strong>de</strong>r la chose pour nous, nous lui<br />

serons fort obligés <strong>en</strong> tant que Juifs <strong>et</strong> <strong>en</strong> tant qu'hommes. Ainsi, si tu sais quoi<br />

que ce soit <strong>de</strong> soli<strong>de</strong> là-<strong>de</strong>ssus, dis-le-nous, <strong>et</strong> nous t'<strong>en</strong> serons à jamais reconnaissants<br />

! »<br />

6. « C'est fort bi<strong>en</strong> juger, dis-Je au délégué. L'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> croyance vaut bi<strong>en</strong><br />

mieux qu'une noire superstition ; néanmoins, elle <strong>en</strong>traîne tout <strong>de</strong> même quelques<br />

graves déformations qui, une fois <strong>en</strong>durcies, sont finalem<strong>en</strong>t aussi difficiles à<br />

guérir qu'un champ <strong>en</strong>vahi par la mauvaise herbe est difficile à n<strong>et</strong>toyer.<br />

7. Le champ <strong>en</strong>vahi témoigne du moins que son sol est bon, sans quoi même la<br />

mauvaise herbe n'y pousserait pas ; mais un champ <strong>en</strong> jachère ne montre<br />

vraim<strong>en</strong>t pas cela.<br />

8. Vois-tu, lorsque le bon s<strong>en</strong>s dit mathématiquem<strong>en</strong>t déterminé s'est installé<br />

aussi soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t chez un homme, il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> difficile à celui-ci d'avoir la<br />

moindre croyance purem<strong>en</strong>t spirituelle, si noble <strong>et</strong> sage soit-elle ! Un tel homme<br />

<strong>de</strong> raison voudra finalem<strong>en</strong>t que tout lui soit mathématiquem<strong>en</strong>t démontré, <strong>et</strong> il<br />

ne ti<strong>en</strong>dra absolum<strong>en</strong>t aucun compte <strong>de</strong>s choses qu'il ne peut ni voir, ni mesurer.<br />

9. Juge donc par toi-même s'il sera facile <strong>de</strong> faire adm<strong>et</strong>tre à un tel homme <strong>de</strong>s<br />

choses purem<strong>en</strong>t spirituelles ! »<br />

10. Le délégué dit : « Il est vrai, noble <strong>et</strong> très sage ami ! Mais on peut tout <strong>de</strong><br />

même affirmer avec une très <strong>grand</strong>e certitu<strong>de</strong> qu'il existe peu <strong>de</strong> tels hommes, <strong>et</strong><br />

ces hiron<strong>de</strong>lles isolées sont loin <strong>de</strong> faire le printemps. Et <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte, ces<br />

docteurs <strong>de</strong> la raison sont malgré tout bi<strong>en</strong> plus accessibles à la vérité que les<br />

obscurs déf<strong>en</strong>seurs <strong>de</strong> la plus noire <strong>de</strong>s superstitions, surtout lorsque celle-ci est<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue un gagne-pain ! Car <strong>en</strong> ce cas, elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t tout à fait intraitable <strong>et</strong><br />

persécute par le feu <strong>et</strong> par l'épée tous ceux qui pourrai<strong>en</strong>t lui faire obstacle. C'est<br />

ce qui nous arrive avec nos prêtres, qui ne recul<strong>en</strong>t plus désormais <strong>de</strong>vant aucun<br />

moy<strong>en</strong> pour préserver <strong>de</strong>s poursuites leurs sinistres tromperies !<br />

11. Je ne prét<strong>en</strong>ds absolum<strong>en</strong>t pas par là que les prêtres ai<strong>en</strong>t la moindre foi dans<br />

ce qu'ils forc<strong>en</strong>t les autres à croire sous peine <strong>de</strong> mort ; car leur seul motif est le<br />

pain, le meilleur <strong>de</strong>s pains, avec beaucoup d'or, d'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong> pierres précieuses.<br />

Mais l'humanité aveuglée par tous les moy<strong>en</strong>s y croit pourtant, <strong>et</strong> cela bi<strong>en</strong><br />

souv<strong>en</strong>t avec le fanatisme le plus outrancier <strong>et</strong> le plus cruel !<br />

12. Devant c<strong>et</strong>te humanité à la foi forc<strong>en</strong>ée, même l'homme <strong>de</strong> raison le plus<br />

stéréotypé (rigi<strong>de</strong>) est infinim<strong>en</strong>t plus heureux ! Du moins est-il ami <strong>de</strong> la vérité,<br />

si <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t stéréotypée soit-elle, tandis que l'humanité plongée dans la plus<br />

noire superstition rej<strong>et</strong>te toute espèce <strong>de</strong> vérité <strong>et</strong> préfère pr<strong>en</strong>dre un bâton pour<br />

un singe au lieu <strong>de</strong> ce qu'il est.<br />

13. Mais un ami <strong>de</strong> la vérité est toujours accessible <strong>de</strong> quelque manière raisonnable,<br />

tandis qu'il est absolum<strong>en</strong>t impossible <strong>de</strong> songer à faire adm<strong>et</strong>tre une<br />

vérité, ne fût-ce que par un semblant <strong>de</strong> raisonnem<strong>en</strong>t, à ceux qui sont dans une<br />

noire superstition.<br />

399


14. Il est bi<strong>en</strong> connu que les hommes par trop mathématiquem<strong>en</strong>t déterminés<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t difficilem<strong>en</strong>t à la foi pure ; mais lorsqu'un tel homme a admis une<br />

chose, ne fût-ce que comme hypothèse, il s'y ti<strong>en</strong>dra avec une ferm<strong>et</strong>é d'airain <strong>et</strong><br />

m<strong>et</strong>tra tout <strong>en</strong> œuvre pour la démontrer, y compris mathématiquem<strong>en</strong>t si<br />

possible, comme une vérité immuable.<br />

15. Un superstitieux (*) fera-t-il jamais cela ?! Pour lui, la boue <strong>et</strong> l'or sont tout un<br />

; aussi mainti<strong>en</strong>s-je que l'abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> foi vaut bi<strong>en</strong> mieux qu'une foi telle que celle<br />

qui existe par exemple chez nous !<br />

16. Cep<strong>en</strong>dant, à ce que nous avons <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire, la prêtrise du Temple <strong>de</strong><br />

Jérusalem ne vaudrait guère mieux <strong>en</strong> vérité que la nôtre, <strong>en</strong> Perse. Il y a sans<br />

doute bi<strong>en</strong> longtemps que le sort <strong>de</strong> la merveilleuse Arche d'alliance a été réglé ;<br />

car nous savons fort bi<strong>en</strong> quand <strong>et</strong> où on <strong>en</strong> a fabriqué une nouvelle pour<br />

remplacer l'anci<strong>en</strong>ne — pas à Jérusalem, naturellem<strong>en</strong>t, mais chez nous, au fin<br />

fond <strong>de</strong> la Perse, afin que le secr<strong>et</strong> soit bi<strong>en</strong> gardé. Mais cela ne leur a pas servi à<br />

<strong>grand</strong>-chose ; car ils ont finalem<strong>en</strong>t dû payer le sil<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s artistes perses dix fois<br />

la valeur <strong>de</strong> l'arche tout <strong>en</strong>tière, <strong>et</strong> les artistes ont tout <strong>de</strong> même raconté cela<br />

<strong>en</strong>suite aux g<strong>en</strong>s du pays, qui nous l'ont répété, à nous, Juifs. C'est pourquoi,<br />

noble ami, nous sommes sans doute très attachés à la doctrine <strong>de</strong> Moïse, bi<strong>en</strong><br />

qu'il y ait là aussi certaines choses parfaitem<strong>en</strong>t absur<strong>de</strong>s pour le bon s<strong>en</strong>s<br />

ordinaire ; mais comme personne n'est capable <strong>de</strong> les interpréter avec bon s<strong>en</strong>s,<br />

personne non plus ne se creuse autrem<strong>en</strong>t la cervelle là-<strong>de</strong>ssus. Mais pour ce qui<br />

est <strong>de</strong> la loi <strong>et</strong> <strong>de</strong> la morale, c<strong>et</strong>te doctrine est incomparablem<strong>en</strong>t bonne <strong>et</strong> sage,<br />

<strong>et</strong>, même dans le plus luci<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rêves éveillés, nul ne peut ri<strong>en</strong> imaginer <strong>de</strong><br />

meilleur ni <strong>de</strong> plus sage !<br />

17. Aussi est-ce seulem<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te partie <strong>de</strong> l'Écriture que nous considérons comme<br />

divine : tout le reste, c'est-à-dire la partie prophétique incompréh<strong>en</strong>sible à tout<br />

être humain, nous importe peu, voire pas du tout.<br />

18. Il est vrai que l'explication que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> nous donner <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te scène d'Elie<br />

est particulièrem<strong>en</strong>t belle <strong>et</strong> appropriée, s'agissant <strong>de</strong> l'att<strong>en</strong>te du Messie, qu'il<br />

faut très probablem<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre dans un s<strong>en</strong>s purem<strong>en</strong>t spirituel — mais les<br />

choses hautem<strong>en</strong>t mystiques que les autres prophètes dis<strong>en</strong>t là-<strong>de</strong>ssus nécessit<strong>en</strong>t<br />

force explications <strong>et</strong> une foi plus forte <strong>en</strong>core, qui, par bonheur, n'existe plus du<br />

tout chez nous !<br />

19. Car nous p<strong>en</strong>sons qu'il est véritablem<strong>en</strong>t tout à notre honneur <strong>de</strong> ne croire<br />

que peu ou pas du tout à <strong>de</strong>s choses aussi extravagantes ; mais notre foi n'<strong>en</strong> est<br />

que plus <strong>grand</strong>e dans l'unique vrai Dieu dont Moïse a parlé <strong>en</strong> toute vérité aux<br />

<strong>en</strong>fants <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre !<br />

20. Nous <strong>de</strong>vons d'ailleurs beaucoup <strong>de</strong> la ferme conviction <strong>de</strong> notre foi <strong>en</strong> Dieu<br />

à Platon, dont nous lisons <strong>et</strong> observons les écrits. Moïse est pratique <strong>et</strong> trace le<br />

chemin <strong>de</strong> la vie par <strong>de</strong>s traits bi<strong>en</strong> marqués ; Platon, lui, est tout <strong>en</strong>tier esprit <strong>et</strong><br />

âme <strong>et</strong> montre l'âme à l'âme, l'esprit à l'esprit. Et c'est tout cela <strong>en</strong>semble : Moïse,<br />

Platon, Socrate <strong>et</strong> divers prophètes, compris sous leur vrai jour, que nous<br />

(*)<br />

Rappelons que « superstition » se dit Aberglaube, soit, littéralem<strong>en</strong>t, croyance « contraire » ou<br />

fausse. Chez, <strong>Lorber</strong>, il faut pr<strong>en</strong>dre ce mot au s<strong>en</strong>s fort <strong>de</strong> « ce qui pr<strong>en</strong>d la place <strong>de</strong> la vraie foi<br />

». (N.d.T.)<br />

400


appelons le véritable Messie, celui qui vi<strong>en</strong>dra d'<strong>en</strong> haut, d'où toute lumière<br />

arrive sur terre aux hommes <strong>de</strong> bonne volonté.<br />

21. À prés<strong>en</strong>t, noble <strong>et</strong> sage ami, je t'ai pour ainsi dire <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t découvert ce<br />

que nous sommes <strong>et</strong> ce que nous p<strong>en</strong>sons ; à ton tour, si tu sais quelque chose <strong>de</strong><br />

mieux, <strong>de</strong> nous le faire connaître, si toutefois tu le veux bi<strong>en</strong>. Par exemple, quelle<br />

est donc ton idée sur les prophètes <strong>et</strong> sur le Messie <strong>de</strong> la promesse ? »<br />

Chapitre 197<br />

Les Perses se montr<strong>en</strong>t difficiles à convertir<br />

1. Je dis : « N'avez-vous donc pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du dire dans votre pays qu'il y a tr<strong>en</strong>te<br />

ans, dans une étable <strong>de</strong> B<strong>et</strong>hléem, l'anci<strong>en</strong>ne ville <strong>de</strong> David, un roi était né aux<br />

Juifs d'une vierge ?<br />

2. Trois sages <strong>de</strong> votre pays d'Ori<strong>en</strong>t vir<strong>en</strong>t une étoile <strong>et</strong> <strong>de</strong>mandèr<strong>en</strong>t à leur<br />

esprit ce que signifiait c<strong>et</strong>te étoile inconnue. Et l'esprit leur commanda <strong>de</strong> suivre<br />

l'étoile, car celle-ci les conduirait au roi nouveau-né <strong>de</strong>s Juifs, qui fon<strong>de</strong>rait sur<br />

terre un royaume qui n'aurait jamais <strong>de</strong> fin.<br />

3. Alors, les trois sages prir<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'or, <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>c<strong>en</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> la myrrhe, montèr<strong>en</strong>t sur<br />

leurs bêtes <strong>de</strong> somme <strong>et</strong>, accompagnés d'une suite nombreuse <strong>et</strong> spl<strong>en</strong>di<strong>de</strong>,<br />

suivir<strong>en</strong>t l'étoile, qui ne se coucha pas jusqu'à ce qu'ils euss<strong>en</strong>t atteint les lieux où<br />

l'<strong>en</strong>fant était né. Alors, cherchant le nouveau-né, les trois arrivèr<strong>en</strong>t chez Héro<strong>de</strong>,<br />

qui ne sut ri<strong>en</strong> leur dire, mais les r<strong>en</strong>voya à B<strong>et</strong>hléem, où l'étoile merveilleuse<br />

s'était arrêtée, <strong>en</strong> leur recommandant <strong>de</strong> chercher avec soin <strong>et</strong> <strong>en</strong> les priant <strong>de</strong> lui<br />

annoncer la nouvelle dès leur r<strong>et</strong>our, afin qu'il pût lui aussi v<strong>en</strong>ir prés<strong>en</strong>ter ses<br />

respects au nouveau-né.<br />

4. Quand les sages eur<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin découvert le nouveau-né <strong>et</strong> qu'ils lui eur<strong>en</strong>t<br />

apporté leurs offran<strong>de</strong>s, un esprit v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux les avertit qu'il ne fallait pas<br />

informer Héro<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur découverte, <strong>et</strong> ils prir<strong>en</strong>t un autre chemin pour r<strong>en</strong>trer<br />

dans leur pays.<br />

5. Dites-Moi si vous avez <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du parler <strong>de</strong> cela, <strong>et</strong> <strong>en</strong> quels termes. »<br />

6. Le délégué dit : « Oui, oui, tu nous rappelles là une histoire qui fit beaucoup<br />

<strong>de</strong> bruit dans toute la Perse <strong>et</strong> jusqu'aux confins <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> ; car ces trois sages —<br />

il <strong>en</strong> existe quelques-uns <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sorte à la frontière <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> — l'ont répandue<br />

partout à l'époque, si bi<strong>en</strong> qu'elle est v<strong>en</strong>ue jusqu'aux oreilles du roi, qui n'<strong>en</strong> a<br />

toutefois pas fait <strong>grand</strong> cas, sachant comme ces sages inclin<strong>en</strong>t toujours à faire<br />

un éléphant d'une mouche ! C'est la raison pour laquelle <strong>de</strong> telles choses ne font<br />

jamais particulièrem<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sation chez nous, <strong>et</strong> <strong>de</strong> même, <strong>en</strong> haut lieu, les<br />

prodiges <strong>de</strong> la magie ont aujourd'hui perdu toute valeur d'étrang<strong>et</strong>é <strong>et</strong><br />

d'extraordinaire, car chez les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>, on est déjà plus que suffisamm<strong>en</strong>t au<br />

fait <strong>de</strong> toutes les sortes <strong>de</strong> prodiges magiques. On veut bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core, lorsqu'on est<br />

<strong>de</strong> bonne humeur, regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s tours <strong>de</strong> magie choisis <strong>et</strong> réussis, <strong>et</strong> même rire<br />

lorsqu'il s'y trouve quelque drôlerie — mais, comme je l'ai dit, toute c<strong>et</strong>te magie<br />

n'a pour nous pas la moindre valeur.<br />

401


7. Seule la pure vérité, démontrable <strong>en</strong> chiffres, vaut quelque chose pour nous ;<br />

chez nous, g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>, toutes ces autres chimères plus ou moins merveilleuses<br />

ont <strong>de</strong>puis longtemps perdu toute valeur, <strong>et</strong>, à franchem<strong>en</strong>t parler, nous n'<strong>en</strong><br />

p<strong>en</strong>sons plus ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> ! Il se peut qu'il s'y cache aussi <strong>de</strong> temps à autre<br />

quelque profon<strong>de</strong> vérité ; mais ces vérités sont si bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>fouies dans toute une<br />

mystique qu'aucune raison humaine ne peut plus les am<strong>en</strong>er au <strong>grand</strong> jour avec<br />

certitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> dans toute leur pur<strong>et</strong>é, <strong>et</strong> tu compr<strong>en</strong>dras <strong>de</strong> toi-même, noble ami,<br />

qu'il est plus raisonnable <strong>en</strong> ce cas <strong>de</strong> ne juger que selon la pure vérité <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>s<br />

que d'adopter quelqu'une <strong>de</strong> ces chimères, si hautem<strong>en</strong>t poétique soit-elle ! »<br />

8. Cyrénius Me pr<strong>en</strong>d alors à part <strong>et</strong> dit : « Seigneur, à ce qu'il me semble, il n'y<br />

aura ri<strong>en</strong> à faire pour gagner à notre cause ces g<strong>en</strong>s, certes <strong>en</strong> soi fort estimables ;<br />

ils sont bi<strong>en</strong> trop <strong>en</strong>foncés dans leur vérité <strong>de</strong>s chiffres, <strong>et</strong> résolum<strong>en</strong>t opposés à<br />

tout ce que nous avons coutume <strong>de</strong> nommer foi ! Ils sembl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> outre tout à fait<br />

<strong>en</strong>nemis <strong>de</strong> toute forme <strong>de</strong> miracle, alors que c'est là Ton recours dans les cas<br />

extrêmes pour prouver sans conteste Ta parfaite divinité.<br />

9. Tu ne peux donc guère les circonv<strong>en</strong>ir par un miracle, sous peine <strong>de</strong> les<br />

indisposer tout à fait ; <strong>et</strong> il ne servira pas à <strong>grand</strong>-chose non plus <strong>de</strong> leur donner<br />

d'autres preuves telles que l'explication <strong>de</strong>s textes qui ont trait à Toi chez le<br />

prophète Isaïe, chez David <strong>et</strong> chez Salomon, parce que les prophètes n'ont pas<br />

<strong>grand</strong> crédit auprès d'eux ; <strong>et</strong> je ne vois vraim<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> troisième issue ! Car on<br />

ne peut pourtant pas prouver par <strong>de</strong>s chiffres que Tu es le véritable Messie, <strong>et</strong> ils<br />

sembl<strong>en</strong>t inaccessibles à tout le reste ! »<br />

10. Je réponds <strong>en</strong> aparté à Cyrénius : « Ne te soucie pas <strong>de</strong> cela, c'est Mon affaire<br />

! Si l'on a pu faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre raison à un Mathaël <strong>et</strong> au supérieur Floran, on fera<br />

bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> même avec ceux-ci. En outre, le plus obstiné fut bi<strong>en</strong> le supérieur Stahar,<br />

<strong>et</strong> si tout est désormais pour le mieux <strong>de</strong> son côté, ce sera d'autant plus rapi<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

facile d'ouvrir les yeux à ces honnêtes g<strong>en</strong>s ! »<br />

11. Cyrénius dit : « Je ne doute pas qu'à Toi seul, toutes choses soi<strong>en</strong>t possibles ;<br />

mais selon mes conceptions <strong>en</strong>core fort humaines, il n'est vraim<strong>en</strong>t pas si facile<br />

<strong>de</strong> m<strong>en</strong>er à bi<strong>en</strong> celle-là. »<br />

12. Je dis : « Sans doute, mais pas impossible pour autant ; il faut seulem<strong>en</strong>t leur<br />

donner d'abord l'occasion <strong>de</strong> s'exprimer (*) pleinem<strong>en</strong>t. Ce n'est qu'après qu'ils <strong>en</strong><br />

auront terminé avec l'extériorisation <strong>de</strong> leur s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t intime qu'il sera possible<br />

<strong>de</strong> planter un nouveau fruit dans le jardin défriché <strong>de</strong> leur cœur ! »<br />

13. Tandis que J'échangeais ces quelques paroles avec Cyrénius, les Perses<br />

murmurai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre eux, <strong>et</strong> notre délégué, qui s'appelait Chabbi, disait à ses<br />

compagnons : « J'ai <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus l'impression que nous sommes sur <strong>de</strong>s<br />

charbons ar<strong>de</strong>nts ! C<strong>et</strong>te histoire du Messie doit être fort connue ici. Les<br />

Romains, qui ont le nez fin, <strong>en</strong> ont sans doute eu v<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> il est probable qu'ils<br />

fouill<strong>en</strong>t à prés<strong>en</strong>t tous les coins du pays <strong>de</strong>s Juifs pour m<strong>et</strong>tre la main sur c<strong>et</strong><br />

homme qui, bi<strong>en</strong> sûr au <strong>grand</strong> dam <strong>de</strong>s maîtres du mon<strong>de</strong>, doit fon<strong>de</strong>r sur c<strong>et</strong>te<br />

terre un royaume éternellem<strong>en</strong>t in<strong>de</strong>structible <strong>et</strong> absolum<strong>en</strong>t invincible. Aussi<br />

(*)<br />

Ici comme ailleurs, <strong>Lorber</strong> emploie l'expression sich <strong>en</strong>taüssern, qui signifie ordinairem<strong>en</strong>t «<br />

se défaire, se <strong>de</strong>ssaisir » d'une chose (d'où <strong>en</strong>suite l'image du jardin n<strong>et</strong>toyé ou défriché), mais ici,<br />

littéralem<strong>en</strong>t, « se débarrasser <strong>en</strong> s'exprimant » (sich aüssern). (N.d.T.)<br />

402


s'agit-il ici <strong>de</strong> nous montrer terriblem<strong>en</strong>t subtils si nous ne voulons pas donner<br />

prise aux Romains !<br />

14. L'homme qui parle à prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> avec le gouverneur général est visiblem<strong>en</strong>t<br />

un très subtil examinateur <strong>de</strong> Rome, oint <strong>de</strong> toutes les huiles ! Nous<br />

n'avons qu'à laisser voir que nous croyons tant soit peu fermem<strong>en</strong>t à la v<strong>en</strong>ue du<br />

Messie, <strong>et</strong> autant dire que nous sommes per<strong>de</strong>s ! Aussi s'agit-il ici <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir<br />

fixem<strong>en</strong>t aux mathématiques <strong>et</strong> d'écouter plus que nous ne parlons, <strong>et</strong> si jamais il<br />

est <strong>en</strong>core question du Messie, nous saurons que dire comme un seul homme<br />

pour sauver les appar<strong>en</strong>ces <strong>et</strong> pour notre salut terrestre ! Pour nous-mêmes, nous<br />

savons bi<strong>en</strong>, <strong>en</strong> tant que Juifs, ce qu'il faut p<strong>en</strong>ser <strong>de</strong>s prophètes ; mais nous<br />

n'avons pas besoin <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre cela sous le nez <strong>de</strong> ces champions <strong>de</strong> la ruse ! Le<br />

juge examinateur connaît notre Écriture <strong>de</strong> A jusqu'à Z mieux que tous nos<br />

docteurs <strong>de</strong> la loi, <strong>et</strong> il voudrait bi<strong>en</strong> nous y pr<strong>en</strong>dre ; mais nous sommes avisés<br />

nous aussi, <strong>et</strong> il n'y parvi<strong>en</strong>dra pas, bi<strong>en</strong> qu'<strong>en</strong> la circonstance c<strong>et</strong> homme singulier<br />

nous ait sauvé d'une mort certaine. Aussi, t<strong>en</strong>ons-nous-<strong>en</strong> fermem<strong>en</strong>t à nos<br />

mathématiques si nous voulons sortir d'ici sains <strong>et</strong> saufs ! À l'inverse, une seule<br />

parole <strong>de</strong> travers, <strong>et</strong> cela pourrait aller mal pour nous ! »<br />

15. Tous les autres donn<strong>en</strong>t raison à Chabbi <strong>et</strong> lui prom<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t d'agir ici comme un<br />

seul homme <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne pas prononcer une parole qui puisse trahir ce qu'ils croi<strong>en</strong>t à<br />

propos du Messie.<br />

16. C'est alors que Je revi<strong>en</strong>s parmi eux <strong>et</strong> dis au délégué : « Mais, Chabbi,<br />

pourquoi donc p<strong>en</strong>sez-vous <strong>en</strong> vous-mêmes tant <strong>de</strong> mal <strong>de</strong> Moi <strong>et</strong> <strong>de</strong>s inoff<strong>en</strong>sifs<br />

Romains ? !<br />

17. Crois-tu donc que ce que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> conv<strong>en</strong>ir secrètem<strong>en</strong>t avec les ti<strong>en</strong>s M'a<br />

échappé ? Je te le dis, pas une syllabe ne M'<strong>en</strong> est restée cachée ! Car Celui qui a<br />

pu voir <strong>et</strong> savoir que vous couriez un <strong>grand</strong> danger — sans quoi Il n'aurait pu<br />

vous <strong>en</strong>voyer <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> — voit égalem<strong>en</strong>t ici le fond <strong>de</strong> vos cœurs ! Et puisqu'il<br />

n'a que <strong>de</strong> bonnes int<strong>en</strong>tions <strong>en</strong>vers vous, pourquoi donc refusez-vous <strong>de</strong> Lui<br />

accor<strong>de</strong>r votre confiance ? »<br />

18. Chabbi dit : « Tu es certes fort sage <strong>et</strong> avisé ; mais ta sagesse peut-elle <strong>en</strong><br />

quoi que ce soit nous servir ? Oh, aucun d'<strong>en</strong>tre nous n'est tombé sur la tête, <strong>et</strong><br />

nous croyons bi<strong>en</strong> t'avoir percé à jour ! Ces sommités romaines à tes côtés... <strong>et</strong><br />

ces soldats romains qui camp<strong>en</strong>t non loin d'ici, vraisemblablem<strong>en</strong>t afin <strong>de</strong><br />

pouvoir arrêter un homme n'importe où au cas où, par toutes sortes <strong>de</strong> questions<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> discours habiles, l'on découvrirait quelque chose sur lui !? Mais ce n'est<br />

certes pas parmi nous qu'il faut le chercher ; car vous ne trouverez absolum<strong>en</strong>t<br />

ri<strong>en</strong> ! »<br />

19. Cyrénius Me pr<strong>en</strong>d à part une nouvelle fois <strong>et</strong> dit : « Que ces g<strong>en</strong>s sont donc<br />

étranges ! Les voilà maint<strong>en</strong>ant pris d'une curieuse forme <strong>de</strong> dissimulation ! Qui<br />

eût cru cela d'eux ?! Mais à prés<strong>en</strong>t, ils sont si obstiném<strong>en</strong>t r<strong>et</strong>ranchés qu'il n'y a<br />

plus moy<strong>en</strong> d'avoir prise sur eux d'aucun côté ! Que faire maint<strong>en</strong>ant ?! Ils se<br />

sont mis <strong>en</strong> tête une idée <strong>de</strong> nous <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t fausse, mais qui s'est, hélas, si<br />

profondém<strong>en</strong>t imprimée <strong>en</strong> eux qu'il est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u tout à fait impossible <strong>de</strong> la<br />

combattre. Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> vraim<strong>en</strong>t s'il y a <strong>en</strong>core quelque chose à faire ! »<br />

20. Je dis : « Il y a beaucoup à faire, car ils sont à prés<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus proches du<br />

403


ut qu'auparavant ! C'est parce qu'ils vous voyai<strong>en</strong>t ici, vous, Romains, qu'ils<br />

observai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> c<strong>et</strong>te même attitu<strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nte <strong>de</strong>puis le début ! Car <strong>de</strong>puis<br />

quelque temps, le méchant bruit court chez eux que le Messie serait véritablem<strong>en</strong>t<br />

apparu dans le pays <strong>de</strong>s Juifs <strong>et</strong> accomplirait <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s signes, mais<br />

que les Romains, l'ayant appris, persécuterai<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant ce Messie <strong>de</strong> la plus<br />

cruelle manière ; car ils aurai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mauvaises int<strong>en</strong>tions non seulem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>vers<br />

lui, mais aussi <strong>en</strong>vers tous ceux qui laisserai<strong>en</strong>t paraître ne fût-ce que le moindre<br />

signe d'une croyance <strong>en</strong> un Messie à v<strong>en</strong>ir ou déjà v<strong>en</strong>u. C'est là, vois-tu, toute la<br />

raison <strong>de</strong> leur dissimulation, dont nous vi<strong>en</strong>drons bi<strong>en</strong>tôt à bout ! »<br />

Chapitre 198<br />

Mises <strong>en</strong> gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> Chabbi<br />

1. Cyrénius sait désormais à quoi s'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Perses, mais il ne<br />

compr<strong>en</strong>d pas comm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s calomnies aussi parfaitem<strong>en</strong>t diaboliques à propos<br />

<strong>de</strong>s Romains ont pu parv<strong>en</strong>ir chez les Juifs <strong>de</strong> Perse, <strong>et</strong> qui a pu semer parmi eux<br />

une si mauvaise graine.<br />

2. Je dis : « Oublies-tu donc que, <strong>de</strong>puis déjà près <strong>de</strong> neuf lunes, Mes activités<br />

sont connues du Temple ?! C'est là qu'il faut aller te r<strong>en</strong>seigner ! C'est <strong>de</strong> là que<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t toutes les calomnies <strong>et</strong> tous les mauvais bruits sur Moi <strong>et</strong> Mes actes,<br />

ainsi que sur vous, Romains, car ils sav<strong>en</strong>t que vous n'êtes pas contre Moi ! Jean-<br />

Baptiste vivrait <strong>en</strong>core si le Temple n'avait su se dissimuler <strong>de</strong>rrière la mère <strong>de</strong> la<br />

belle Hérodia<strong>de</strong> !<br />

3. Tout part du Temple, <strong>et</strong> son bras s'ét<strong>en</strong>d loin sur la surface <strong>de</strong> la terre ; mais il<br />

sera bi<strong>en</strong>tôt fort raccourci ! Voici donc ce qu'il <strong>en</strong> est, <strong>et</strong> J'espère que tu<br />

compr<strong>en</strong>dras maint<strong>en</strong>ant pourquoi il est sans doute un peu difficile, mais non pas<br />

vain, <strong>de</strong> discuter avec ces hommes ! De plus, il faut absolum<strong>en</strong>t qu'ils <strong>en</strong><br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à voir les choses sous leur vrai jour, sans quoi ce serait fort mauvais<br />

pour Moi, pour Ma doctrine <strong>et</strong> pour vous !<br />

4. Tu vas d'ailleurs comm<strong>en</strong>cer à compr<strong>en</strong>dre la vraie raison pour laquelle J'ai<br />

sauvé ces Perses du naufrage <strong>en</strong> mer. Je n'aurais pas <strong>en</strong>voyé un ange à leur<br />

secours uniquem<strong>en</strong>t pour préserver leurs vies ; mais il était ess<strong>en</strong>tiel, à cause <strong>de</strong><br />

leur <strong>grand</strong>e influ<strong>en</strong>ce dans leur vaste pays <strong>et</strong> sur ses nombreux habitants, que ces<br />

hommes sach<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> qui J'étais <strong>et</strong> quelle était Ma cause, aussi <strong>de</strong>vais-Je sauver<br />

leurs vies, parce que, sans eux, nous n'avions aucun moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> faire rev<strong>en</strong>ir les<br />

Perses <strong>de</strong> leur erreur. »<br />

5. Cyrénius dit : « Ô Seigneur, à Toi seul toute louange ! Tout est désormais pour<br />

le mieux, <strong>et</strong> j'y vois parfaitem<strong>en</strong>t clair ! Mais poursuis donc, je T<strong>en</strong> prie, Tes<br />

débats avec eux ; car je compr<strong>en</strong>ds maint<strong>en</strong>ant qu'il <strong>en</strong> sortira le meilleur résultat,<br />

<strong>et</strong> qu'il faut qu'il <strong>en</strong> soit ainsi ! »<br />

6. Cep<strong>en</strong>dant, tandis qu'à l'écart Je détrompais Cyrénius, les p<strong>en</strong>sées <strong>de</strong>s Perses<br />

étai<strong>en</strong>t tout autres, <strong>et</strong> Chabbi disait à ses compagnons : « Voyez ces <strong>de</strong>ux hauts<br />

personnages s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir <strong>en</strong> <strong>grand</strong> secr<strong>et</strong> pour savoir <strong>de</strong> quelle nouvelle manière<br />

particulièrem<strong>en</strong>t astucieuse ils pourrai<strong>en</strong>t nous surpr<strong>en</strong>dre ! Car ils n'ont ri<strong>en</strong> tiré<br />

404


<strong>de</strong> nous jusqu'ici ; mais nous <strong>de</strong>vons dorénavant être dix fois plus sur nos gar<strong>de</strong>s<br />

! Jusqu'ici, ils n'ont employé contre nous que les armes légères, mais ils vont très<br />

probablem<strong>en</strong>t essayer du bélier maint<strong>en</strong>ant ; <strong>et</strong> si nous ne faisons pas preuve<br />

d'une extraordinaire solidité, nous serons écrasés comme un frêle roseau ! Aussi,<br />

que chacun d'<strong>en</strong>tre vous soit aussi méfiant que possible ! Car il ne faut <strong>en</strong> aucun<br />

cas qu'ils aill<strong>en</strong>t puiser <strong>en</strong> nous notre croyance intime comme on tire un seau<br />

d'eau d'une vulgaire citerne ! L'examinateur a voulu m'inquiéter tout à l'heure <strong>en</strong><br />

affirmant connaître très exactem<strong>en</strong>t toutes nos p<strong>en</strong>sées intimes, <strong>et</strong> cela aussi bi<strong>en</strong><br />

qu'il a vu <strong>et</strong> reconnu auparavant notre détresse sur l'eau. Mais je p<strong>en</strong>sais à part<br />

moi : "Oh oh, c'est donc par ce trou que tu voudrais me faire sortir, rusé r<strong>en</strong>ard ?!<br />

Oh, pas question, mon faux ami !" Mais il a bi<strong>en</strong> vite compris qu'il ne me<br />

pr<strong>en</strong>drait pas ainsi, <strong>et</strong> c'est pourquoi il est aussitôt r<strong>et</strong>ourné s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir avec le<br />

gouverneur général du nouveau piège qu'il fallait nous t<strong>en</strong>dre pour nous pr<strong>en</strong>dre<br />

à coup sûr ; mais nous ne tomberons dans aucun piège pour un oui ou pour un<br />

non ! Car nous serons sur le qui-vive comme <strong>de</strong>s grues dans leur marais — sans<br />

quoi nous .sommes perdus ! »<br />

7. L'un d'<strong>en</strong>tre eux dit : « Comm<strong>en</strong>t sait-il donc ton nom ? Ce n'est pas <strong>de</strong> nous<br />

qu'il a pu l'appr<strong>en</strong>dre ! »<br />

8. Chabbi dit : « Il est vrai que cela paraît un peu étrange, mais cela ne doit pas<br />

nous égarer ; car <strong>de</strong> tels hommes oints <strong>de</strong> toutes les huiles possè<strong>de</strong>nt d'innombrables<br />

moy<strong>en</strong>s pour connaître sur les autres les choses les plus secrètes. Il<br />

ne faut donc pas se laisser embobeliner à bon compte par <strong>de</strong> tels phénomènes.<br />

9. Seul Dieu est omnisci<strong>en</strong>t — <strong>et</strong> un homme ne l'est que lorsque l'esprit <strong>de</strong> Dieu<br />

l'a appelé à révéler aux autres <strong>de</strong>s choses que la raison <strong>de</strong> l'homme <strong>de</strong> nature<br />

n'aurait jamais pu son<strong>de</strong>r. Mais il est bi<strong>en</strong> rare qu'un tel homme inspiré par Dieu<br />

vi<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> mauvais <strong>et</strong> égoïste — <strong>et</strong> ce n'est certes jamais chez les<br />

paï<strong>en</strong>s ignorants, qui ne sont qu'égoïsme <strong>et</strong> <strong>de</strong>spotisme.<br />

10. Mais ces hommes qui sont <strong>en</strong> relations avec le mon<strong>de</strong> <strong>en</strong>tier <strong>et</strong> avec tous ses<br />

sages sont <strong>de</strong>s r<strong>en</strong>ards rompus à toutes les ruses, <strong>et</strong> ils s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt fort bi<strong>en</strong> à<br />

arracher leurs secr<strong>et</strong>s aux hommes ! Bonté, sévérité, magnanimité, pati<strong>en</strong>ce,<br />

voire s'informer <strong>de</strong>s secr<strong>et</strong>s <strong>de</strong> celui qu'ils examin<strong>en</strong>t afin <strong>de</strong> susciter sa confiance<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> lui délier la langue, au besoin une foule d'autres artifices <strong>en</strong>core, ils ne<br />

manqu<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>s pour découvrir les secr<strong>et</strong>s <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s, souv<strong>en</strong>t même les<br />

mieux cachés. Mais une fois que ces paï<strong>en</strong>s dépourvus <strong>de</strong> toute compassion sont<br />

<strong>en</strong>trés <strong>en</strong> possession avérée <strong>de</strong> secr<strong>et</strong>s qui contrari<strong>en</strong>t ne serait-ce qu'<strong>en</strong><br />

appar<strong>en</strong>ce leurs proj<strong>et</strong>s dominateurs, malheur à celui qui s'est ainsi trahi <strong>de</strong>vant<br />

ces monstres ! Ils sont rusés <strong>et</strong> méchants, <strong>et</strong> ce n'est qu'<strong>en</strong> leur opposant la ruse la<br />

plus extraordinaire que l'on peut leur t<strong>en</strong>ir la bri<strong>de</strong> haute ! Ils peuv<strong>en</strong>t sans doute,<br />

par toutes sortes <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>s frauduleux, découvrir <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s secr<strong>et</strong>s — mais ils<br />

n'<strong>en</strong>treront jamais dans le secr<strong>et</strong> d'un cœur si l'examiné persévère à le cacher !<br />

11. Amis, nous sommes là <strong>de</strong>vant les plus impitoyables <strong>de</strong>s juges ! L'affaire <strong>en</strong><br />

cause est celle que les paï<strong>en</strong>s haïss<strong>en</strong>t le plus, celle du Messie qui est vraim<strong>en</strong>t<br />

v<strong>en</strong>u, comme nous <strong>en</strong> avons reçu <strong>de</strong> tous côtés les assurances les plus<br />

incontestables. Il doit Se t<strong>en</strong>ir caché quelque part <strong>en</strong> Galilée <strong>en</strong> att<strong>en</strong>dant Son<br />

heure bi<strong>en</strong> calculée. C'est pourquoi les paï<strong>en</strong>s Lui font la chasse, <strong>et</strong>, pour mériter<br />

405


la mort, il suffit <strong>de</strong> croire <strong>en</strong> la possibilité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te v<strong>en</strong>ue du <strong>grand</strong> Sauveur qui<br />

arrachera les Juifs aux griffes acérées <strong>de</strong>s tigres paï<strong>en</strong>s ! Vous savez maint<strong>en</strong>ant<br />

sur quel terrain nous marchons, <strong>et</strong> donc ce qui vous reste à faire ! »<br />

Chapitre 199<br />

L'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux délégués<br />

1. L'autre dit : « Il est vrai que tu es la pru<strong>de</strong>nce même, <strong>et</strong> la pru<strong>de</strong>nce est mère<br />

<strong>de</strong> la sagesse ; mais il ne paraît pas qu'<strong>en</strong> ce cas tu <strong>en</strong> uses à bon esci<strong>en</strong>t ! Car<br />

nous avons aussi quelque connaissance <strong>de</strong>s hommes, <strong>et</strong> plus nous observons c<strong>et</strong><br />

examinateur, plus nous s<strong>en</strong>tons faiblir <strong>en</strong> nous la p<strong>en</strong>sée que quoi que ce soit <strong>de</strong><br />

faux puisse se cacher <strong>en</strong> lui ! Moi qui suis délégué avec toi, j'ai t<strong>en</strong>du l'oreille<br />

tout à l'heure <strong>et</strong> saisi une <strong>grand</strong>e part <strong>de</strong> la conversation secrète <strong>en</strong>tre<br />

l'examinateur <strong>et</strong> Cyrénius, <strong>et</strong> il n'y fut pas question d'autre chose que d'une légère<br />

inquiétu<strong>de</strong> quant à la possibilité <strong>de</strong> nous guérir <strong>de</strong> notre erreur ! À ce qu'ils<br />

disai<strong>en</strong>t, le Temple, par <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s détournés, nous avait malignem<strong>en</strong>t donné<br />

<strong>de</strong>s informations <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t fausses sur l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Romains <strong>en</strong>vers le Messie,<br />

<strong>et</strong> c'est pourquoi nous avions maint<strong>en</strong>ant d'eux une frayeur aveugle <strong>et</strong><br />

dissimulions notre bonne <strong>et</strong> juste croyance !<br />

2. Lors <strong>de</strong> notre voyage jusqu'ici, nous avons d'ailleurs eu bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s occasions<br />

d'observer les Romains, qui sont partout, <strong>et</strong> malgré toute l'habil<strong>et</strong>é que nous<br />

avons déployée pour nous r<strong>en</strong>seigner, nous n'avons jamais pu appr<strong>en</strong>dre quoi que<br />

ce soit qui pût nous faire conclure à une telle cruauté <strong>de</strong>s Romains ; au contraire,<br />

on nous a toujours <strong>et</strong> partout exprimé sans la moindre contrainte <strong>et</strong> avec joie la<br />

meilleure opinion du mon<strong>de</strong> à leur propos. Certes, tu disais toujours : "S'ils font<br />

preuve <strong>de</strong> cruauté <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te occasion (*) , ils doiv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> savoir le dissimuler<br />

provisoirem<strong>en</strong>t aux yeux du mon<strong>de</strong>, afin <strong>de</strong> ne pas décl<strong>en</strong>cher prématurém<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>s désordres dans le peuple !" Mais je ne suis pas <strong>de</strong> c<strong>et</strong> avis ; car un homme<br />

apparti<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> toujours à quelque famille, <strong>et</strong> celle-ci ne manquerait pas <strong>de</strong> remarquer<br />

la disparition d'un membre cher <strong>et</strong> finalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se m<strong>et</strong>tre à sa recherche<br />

! Pourtant, il n'a jamais été question nulle part d'une pareille chose<br />

jusqu'ici, <strong>et</strong> c'est pourquoi je crois malgré tout qu'ici, ta pru<strong>de</strong>nce ordinairem<strong>en</strong>t<br />

si louable va un peu trop loin, particulièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>vers c<strong>et</strong> examinateur à<br />

l'appar<strong>en</strong>ce si ouverte <strong>et</strong> si franche !<br />

3. Quant à moi, c'est tout autre chose qui m'apparaît ici, <strong>et</strong> c'est si extraordinaire<br />

que je m'étonne fort que cela ait pu échapper à ton regard perçant ! »<br />

4. Chabbi dit : « Quoi donc, qu'est-ce ?! J'ai bi<strong>en</strong> dû le remarquer aussi, car peu<br />

<strong>de</strong> choses échapp<strong>en</strong>t à mes yeux d'ordinaire, <strong>et</strong> ma s<strong>en</strong>sibilité est aussi subtile<br />

qu'une brise matinale. Je serais bi<strong>en</strong> étonné que tu aies découvert ici une chose<br />

qui m'ait échappé ! »<br />

5. Le second délégué, qui s'appelait Jurah, dit : « Et pourtant ! Ne compr<strong>en</strong>ds-tu<br />

pas ce que l'examinateur a voulu nous signifier au passage, lorsqu'il nous a<br />

(*) C'est-à-dire la v<strong>en</strong>ue du Messie. (N.d.T.)<br />

406


expliqué d'une manière si remarquablem<strong>en</strong>t évi<strong>de</strong>nte — comme s'il parlait <strong>de</strong> luimême<br />

— ce qui est arrivé à Elie dans la grotte ? »<br />

6. Chabbi dit : « Et qu'a-t-il voulu dire par là, selon toi ? »<br />

7. Jurah dit : « Tout simplem<strong>en</strong>t que c'est justem<strong>en</strong>t lui, le Messie promis <strong>de</strong>vant<br />

la puissance duquel tous les rois <strong>de</strong> la terre doiv<strong>en</strong>t s'incliner ! Tu vois, j'ai<br />

découvert là une chose qui avait <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t échappé à ta <strong>grand</strong>e pru<strong>de</strong>nce ! Et,<br />

<strong>en</strong> t<strong>en</strong>dant bi<strong>en</strong> l'oreille, j'ai aussi <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, juste avant, le gouverneur général<br />

appeler "Seigneur" ton examinateur ! Chose inouïe <strong>de</strong> la part d'un général <strong>en</strong> chef<br />

romain ! Vois-tu, ce sont vraim<strong>en</strong>t là <strong>de</strong>s choses qu'il ne faut pas laisser passer<br />

comme si <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> n'était, uniquem<strong>en</strong>t par excès <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce ! Car que ferais-tu<br />

s'il s'avérait <strong>en</strong>suite que c<strong>et</strong> homme étrange est bi<strong>en</strong> le Messie promis ?! »<br />

8. Chabbi : « Eh bi<strong>en</strong>, il ne pourrait qu'être extrêmem<strong>en</strong>t satisfait <strong>de</strong> ma juste<br />

préoccupation ; car ma pru<strong>de</strong>nce n'a d'autre cause que le désir <strong>de</strong> préserver <strong>de</strong> la<br />

fureur <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s le caractère sacré <strong>de</strong> notre religion ! Il se peut certes qu'il y ait<br />

quelque chose dans ce que tu as perçu ; mais nous ne <strong>de</strong>vons <strong>en</strong> aucun cas<br />

adm<strong>et</strong>tre quoi que ce soit sans l'avoir très sérieusem<strong>en</strong>t examiné <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> — à<br />

moins d'y être véritablem<strong>en</strong>t forcés par les preuves les plus tangibles. Car ce que<br />

tu as s<strong>en</strong>ti pourrait n'être malgré tout qu'un subtil déguisem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> dans ce cas, il<br />

pourrait bi<strong>en</strong> nous arriver ce que je crains ! Aussi, doucem<strong>en</strong>t, mon ami ! Il sera<br />

toujours temps d'adm<strong>et</strong>tre ces choses, si elles sont vraies ; car les accepter trop<br />

promptem<strong>en</strong>t pourrait nous m<strong>et</strong>tre dans un <strong>grand</strong> embarras ! »<br />

Chapitre 200<br />

De la confiance inconsidérée<br />

1. C'est alors que Je revi<strong>en</strong>s près <strong>de</strong>s Perses <strong>et</strong> leur dis, M'adressant principalem<strong>en</strong>t<br />

à Chabbi : « Eh bi<strong>en</strong>, qu'avez-vous décidé <strong>en</strong>tre-temps ? Me ti<strong>en</strong>s-tu<br />

toujours pour un r<strong>en</strong>ard rusé qui n'a d'autre motif que <strong>de</strong> tous vous livrer comme<br />

criminels aux mains impitoyables <strong>de</strong>s actuels maîtres du mon<strong>de</strong>, parce que les<br />

Romains craign<strong>en</strong>t la v<strong>en</strong>ue du Messie <strong>de</strong>s Juifs ? Ai-Je donc vraim<strong>en</strong>t la mine<br />

d'un traître si abject ? »<br />

2. Un peu déconcerté, Chabbi dit : « Bon <strong>et</strong> noble ami, il est vrai que le visage est<br />

le plus souv<strong>en</strong>t le miroir <strong>de</strong> l'âme — mais pas toujours ! J'ai connu un homme<br />

dont l'aspect était d'un ange parfaitem<strong>en</strong>t doux <strong>et</strong> sincère, autant qu'un œil sain<br />

est semblable à l'autre, <strong>et</strong> pourtant, ce n'était là qu'un déguisem<strong>en</strong>t fourni par la<br />

nature, puisque c<strong>et</strong> homme était dans l'âme un Satan accompli IN OPTIMA FORMA<br />

! À cause <strong>de</strong> sa douce <strong>et</strong> belle figure, c<strong>et</strong> homme était même un favori <strong>de</strong> la cour,<br />

<strong>et</strong> il avait autant <strong>de</strong> lumières qu'un beau matin <strong>de</strong> printemps sur tous les arts <strong>et</strong><br />

sci<strong>en</strong>ces possibles ; mais son âme était plus noire <strong>et</strong> plus ténébreuse que le<br />

lég<strong>en</strong>daire Styx <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s ! Malheur à celui qui s'<strong>en</strong> approchait avec amitié, car<br />

il était perdu ! Les femmes le poursuivai<strong>en</strong>t comme <strong>de</strong>s possédées, bi<strong>en</strong> que<br />

toutes celles qui l'avai<strong>en</strong>t approché fuss<strong>en</strong>t <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ues ses victimes aussi sûrem<strong>en</strong>t<br />

que tombe sur la terre une goutte <strong>de</strong> pluie que le nuage ne peut plus r<strong>et</strong><strong>en</strong>ir !<br />

Mais toujours, il était l'être le plus innoc<strong>en</strong>t, le plus doux <strong>et</strong> le plus pur ! Tout<br />

407


n'était jamais que l'eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> circonstances imprévues ; il était seulem<strong>en</strong>t<br />

remarquable que ces circonstances malheureuses ne l'atteigniss<strong>en</strong>t jamais ! Il se<br />

sortait <strong>de</strong> tout parfaitem<strong>en</strong>t sain <strong>et</strong> sauf ; seules celles qui l'avai<strong>en</strong>t approché<br />

<strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t, au prix <strong>de</strong> leur vie, supporter le poids <strong>de</strong> ces circonstances ! Oh, il était<br />

pour son roi le serviteur le plus fidèle, mais pour tous ses inférieurs, un diable<br />

d'une grâce merveilleuse !<br />

3. Dans la capitale, un riche Grec, qui s'était toutefois converti à notre foi, avait<br />

une jeune épouse merveilleusem<strong>en</strong>t belle <strong>et</strong> charmante, aussi fidèlem<strong>en</strong>t dévouée<br />

à son mari que ma main droite l'est à mon corps <strong>et</strong> ma volonté à mon cœur. Mais<br />

le gracieux Satan ne tarda guère à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre parler <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te belle femme, <strong>et</strong> il fit<br />

aussitôt <strong>en</strong> sorte <strong>de</strong> se faire remarquer d'elle. Le hasard voulut que le Grec eût<br />

porté plainte <strong>en</strong> justice contre un Perse <strong>de</strong> naissance <strong>et</strong> <strong>de</strong> coutume qui refusait <strong>de</strong><br />

s'acquitter d'une <strong>de</strong>tte importante <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t légitime contractée par lui<br />

auprès <strong>de</strong> notre Grec. Comme le Perse avait pour juges ses compatriotes <strong>de</strong> la<br />

même coutume, l'autre ne parvint pas à se faire r<strong>en</strong>dre justice contre ce Perse<br />

malhonnête <strong>et</strong> parjure. C'est pourquoi son épouse, qui savait que notre beau courtisan<br />

avait souv<strong>en</strong>t posé les yeux sur elle, lui dit un jour : "Et si, par le truchem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> ce beau courtisan, nous parv<strong>en</strong>ions à obt<strong>en</strong>ir que le roi protège notre<br />

bon droit ?" Le Grec dit : "Oui, je sais qu'il te regar<strong>de</strong> souv<strong>en</strong>t avec une <strong>grand</strong>e<br />

convoitise, <strong>et</strong> il se pourrait qu'un mot <strong>de</strong> toi ou <strong>de</strong> moi fît beaucoup, quand bi<strong>en</strong><br />

même il n'aurait ri<strong>en</strong> à <strong>en</strong> r<strong>et</strong>irer qu'un espoir parfaitem<strong>en</strong>t vain ; mais on ne dit<br />

vraim<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> bon sur ce beau courtisan ! Il paraîtrait même qu'il vaut mieux<br />

être <strong>de</strong> ses <strong>en</strong>nemis que <strong>de</strong> ses amis ! À tous ceux qui ont eu commerce avec lui,<br />

si amicalem<strong>en</strong>t que ce soit, il est tout bonnem<strong>en</strong>t arrivé malheur ! La perte <strong>de</strong><br />

notre créance me paraît donc le moindre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux maux, <strong>et</strong> nous ferons mieux <strong>de</strong><br />

l'offrir <strong>en</strong> sacrifice au Seigneur !"<br />

4. La belle <strong>et</strong> jeune épouse approuva ces raisons. Mais, peu <strong>de</strong> temps après, notre<br />

courtisan vint <strong>en</strong> personne chez le Grec pour lui ach<strong>et</strong>er quelque chose — car ce<br />

Grec est joaillier <strong>et</strong> sertit les pierres précieuses dans l'or <strong>et</strong> l'arg<strong>en</strong>t. Il se montra<br />

particulièrem<strong>en</strong>t aimable <strong>et</strong> délicat <strong>et</strong> inspira confiance à notre Grec. Mais<br />

l'épouse observa qu'elle était malgré elle saisie <strong>de</strong> crainte <strong>de</strong>vant c<strong>et</strong> homme si<br />

aimable <strong>et</strong> <strong>en</strong> outre extra-ordinairem<strong>en</strong>t magnanime <strong>et</strong> libéral ; car elle n'avait<br />

jamais vu quelqu'un payer aussitôt pour un bijou le premier prix annoncé, sans<br />

chercher à <strong>en</strong> faire rabattre quoi que ce soit. Cela <strong>de</strong>vait cacher autre chose !<br />

5. Le Grec, que l'affaire avait mis <strong>de</strong> fort bonne humeur, dit : "Ah, il est certain<br />

que c<strong>et</strong> homme, par sa beauté <strong>et</strong> sa simplicité, <strong>et</strong> aussi par sa bonne fortune, doit<br />

faire à la cour bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s <strong>en</strong>vieux qui cherch<strong>en</strong>t à le faire passer pour un être abject<br />

<strong>et</strong> à le r<strong>en</strong>dre suspect au roi ; pourtant, il parle aussi raisonnablem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> sagem<strong>en</strong>t<br />

qu'un prophète ! En vérité, c<strong>et</strong> homme ne peut ri<strong>en</strong> cacher <strong>de</strong> mauvais !"<br />

Cep<strong>en</strong>dant, notre courtisan ne tarda pas à rev<strong>en</strong>ir chez le Grec lui ach<strong>et</strong>er un gros<br />

diamant monté <strong>en</strong> or pour un turban que le roi lui avait donné. Le prix du<br />

diamant était <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t livres d'or, que le courtisan voulut payer aussitôt ; car il<br />

avait toujours avec lui une suite nombreuse pour porter les richesses dont il avait<br />

besoin. Mais le Grec lui dit : "Très beau, très sage <strong>et</strong> très émin<strong>en</strong>t ami, ai<strong>de</strong>-moi à<br />

recouvrer l'arg<strong>en</strong>t que me doit un NOMEN NESCIO (*) , <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te précieuse agrafe sera<br />

(*)<br />

« Je ne sais son nom », locution latine usitée <strong>en</strong> allemand (sous la forme « N.N. ») pour dési-<br />

408


payée ! Ta parole peut tout auprès du <strong>grand</strong> roi, <strong>et</strong> tu auras toute ma<br />

reconnaissance !"<br />

6. Le courtisan répondit : "Dès <strong>de</strong>main, justice te sera r<strong>en</strong>due ; néanmoins,<br />

pr<strong>en</strong>ds c<strong>et</strong> or pour payer ton bijou ! Mais puisque que je te r<strong>en</strong>ds un <strong>grand</strong><br />

service sans le moindre intérêt, je te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rai seulem<strong>en</strong>t un p<strong>et</strong>it service <strong>en</strong><br />

échange. Dans sept jours, j'organise une <strong>grand</strong>e fête pour l'anniversaire du roi<br />

dans le <strong>grand</strong> jardin <strong>de</strong> paradis (**) , <strong>et</strong> je t'invite à c<strong>et</strong>te fête, où tu paraîtras avec<br />

ton épouse richem<strong>en</strong>t parée ; je te prés<strong>en</strong>terai alors au <strong>grand</strong> roi <strong>et</strong> te mènerai<br />

avec ton épouse à la table royale, où toi <strong>et</strong> ton épouse pourrez <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r quantité<br />

<strong>de</strong> faveurs !"<br />

7. Cela conv<strong>en</strong>ait fort au Grec, qui désirait <strong>de</strong>puis longtemps <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir joaillier <strong>de</strong><br />

la cour. Mais sa femme lui fit c<strong>et</strong>te remarque : "Nous ne pouvons plus changer<br />

cela maint<strong>en</strong>ant ; mais il n'<strong>en</strong> sortira ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> bon pour toi, <strong>et</strong> moins <strong>en</strong>core pour<br />

moi ! C<strong>et</strong> homme a <strong>de</strong> mauvais <strong>de</strong>sseins à mon égard, <strong>et</strong> il peut arriver que tu <strong>en</strong><br />

sois victime avec moi ! Le mieux serait <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre tout ce que nous avons <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

nous <strong>en</strong>fuir aussi vite que le v<strong>en</strong>t, avant que survi<strong>en</strong>ne ce septième jour funeste !"<br />

8. Mais le Grec dit : "Chère femme, il est bi<strong>en</strong> d'être pru<strong>de</strong>nt ; mais <strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir<br />

trop <strong>de</strong> méfiance <strong>en</strong>vers <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s qui ne t'ont <strong>en</strong>core jamais donné le moindre<br />

motif pour cela, <strong>et</strong> dont on ne sait ri<strong>en</strong> d'autre que ce qu'ont imaginé <strong>et</strong> ébruité <strong>de</strong><br />

mauvaises langues — chose que les hommes d'honneur sont les premiers à subir<br />

—, est tout aussi irréfléchi qu'une insouciance blâmable !" La douce épouse<br />

accepta c<strong>et</strong>te répriman<strong>de</strong> pleine <strong>de</strong> bon s<strong>en</strong>s. Le l<strong>en</strong><strong>de</strong>main, le Perse débiteur dut<br />

rembourser le Grec jusqu'au <strong>de</strong>rnier statère.<br />

9. Le fatal septième jour arriva, tel un sort d'airain, <strong>et</strong> l'on se r<strong>en</strong>dit, richem<strong>en</strong>t<br />

paré pour la fête, au paradis royal. Là, tout n'était que feux <strong>et</strong> lumière ; <strong>de</strong> tous<br />

côtés, l'or <strong>et</strong> les pierres précieuses étincelai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus que les plus lumineuses<br />

étoiles du ciel nocturne, <strong>et</strong> la musique <strong>et</strong> les chants r<strong>et</strong><strong>en</strong>tissai<strong>en</strong>t tout au long <strong>de</strong>s<br />

allées <strong>de</strong> verdure du <strong>grand</strong> jardin. Cep<strong>en</strong>dant, nos <strong>de</strong>ux amis n'eur<strong>en</strong>t pas<br />

longtemps à att<strong>en</strong>dre, car le courtisan, les ayant trouvés, les m<strong>en</strong>a aussitôt au roi,<br />

qui les accueillit aimablem<strong>en</strong>t dans le <strong>grand</strong> temple du jardin. Au c<strong>en</strong>tre du <strong>grand</strong><br />

temple à colonna<strong>de</strong>, on avait apporté <strong>de</strong>s tables <strong>et</strong> d'innombrables coussins <strong>de</strong><br />

soie d'un prix inestimable, <strong>et</strong> sur les tables étai<strong>en</strong>t posés <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s plats d'or<br />

emplis <strong>de</strong>s m<strong>et</strong>s les plus fins, <strong>et</strong> dans les <strong>grand</strong>es coupes <strong>de</strong> cristal scintillait un<br />

vin précieux <strong>et</strong> toutes sortes d'autres breuvages épicés.<br />

10. Notre Grec dut pr<strong>en</strong>dre place à une table proche <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e table royale ;<br />

mais son épouse, elle, fut am<strong>en</strong>ée à c<strong>et</strong>te table. L'on mangea <strong>et</strong> but tout à son aise<br />

un mom<strong>en</strong>t. Mais notre Grec comm<strong>en</strong>ça bi<strong>en</strong>tôt à se s<strong>en</strong>tir fort mal ; car on lui<br />

avait donné un breuvage où du poison était mêlé, <strong>et</strong> il fallut le ram<strong>en</strong>er chez lui.<br />

Quant à la femme, elle fut emm<strong>en</strong>ée dans les appartem<strong>en</strong>ts du roi, où, sous peine<br />

<strong>de</strong> mort, elle dut se laisser faire tout ce qu'on voulut jusqu'à ce qu'on <strong>en</strong> eût assez<br />

d'elle. Cep<strong>en</strong>dant, le Grec ne mourut pas du poison, mais il <strong>en</strong> est <strong>de</strong>meuré<br />

gner une personne qu'on ne peut ou ne veut nommer. (N.d.T.)<br />

(**)<br />

Il s'agit bi<strong>en</strong> sûr d'un « jardin » à l'antique, <strong>grand</strong> parc plus ou moins sauvage (d'où l'appellation<br />

<strong>de</strong> « paradis ») semé <strong>de</strong> bois, <strong>de</strong> parterres <strong>de</strong> fleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> fruits, <strong>de</strong> pièces d'eau, <strong>de</strong> temples,<br />

<strong>et</strong>c. (N.d.T.)<br />

409


infirme jusqu'à c<strong>et</strong>te heure ; <strong>et</strong> chacun peut imaginer aisém<strong>en</strong>t avec quelle figure<br />

<strong>et</strong> dans quel état la malheureuse épouse r<strong>en</strong>tra chez elle, pas avant sept jours !<br />

11. Tel fut le fruit d'une confiance hâtivem<strong>en</strong>t accordée à un homme qui l'inspirait<br />

à tous par son extérieur, mais dont le cœur était habité par toute une troupe<br />

<strong>de</strong>s pires diables. Quant aux <strong>de</strong>ux êtres à qui cela est arrivé il n'y a pas si longtemps,<br />

ils sont assis là-bas, un peu à part à cause <strong>de</strong> leur faiblesse, <strong>et</strong> peuv<strong>en</strong>t<br />

confirmer eux-mêmes mon récit ! Ami, lorsqu'un homme a connu <strong>de</strong> telles<br />

choses, il sait bi<strong>en</strong> pourquoi il est pru<strong>de</strong>nt ! »<br />

Chapitre 201<br />

Sur la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre le Seigneur <strong>et</strong> les magici<strong>en</strong>s<br />

1. Je dis : « Va les chercher, <strong>et</strong> amène-les tous <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>vant Moi ! » — Chabbi<br />

s'<strong>en</strong> va <strong>et</strong> les ramène.<br />

2. Je leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à tous <strong>de</strong>ux s'ils souhait<strong>en</strong>t r<strong>et</strong>rouver la santé <strong>et</strong> la force.<br />

3. Tous <strong>de</strong>ux, dis<strong>en</strong>t : « Oui, Seigneur, si cela se pouvait ! Mais c<strong>et</strong> étrange<br />

poison m'a r<strong>en</strong>du infirme <strong>de</strong> tous mes membres, <strong>et</strong> je ne puis me tramer qu'avec<br />

peine ; <strong>et</strong> vois mon épouse, c<strong>et</strong>te pauvre fleur brisée — son corps est ruiné pour<br />

le restant <strong>de</strong> ses jours ! Ô Dieu, pourquoi fallait-il que ce fût justem<strong>en</strong>t à nous<br />

qu'il arrivât une chose si affreuse ?! »<br />

4. Je dis : « Je veux, Moi, que vous soyez <strong>et</strong> paraissiez tous <strong>de</strong>ux à nouveau aussi<br />

sains <strong>et</strong> joyeux qu'au jour <strong>de</strong> vos épousailles ! »<br />

5. Comme Je prononçais ces paroles, une sorte <strong>de</strong> flamme les traversa tous <strong>de</strong>ux,<br />

<strong>et</strong> aussitôt, ils fur<strong>en</strong>t aussi forts <strong>et</strong> <strong>en</strong> bonne santé que s'ils n'avai<strong>en</strong>t jamais ri<strong>en</strong><br />

eu, <strong>et</strong> leur aspect extérieur re<strong>de</strong>vint aussi respl<strong>en</strong>dissant, <strong>et</strong> plus <strong>en</strong>core, qu'au<br />

jour <strong>de</strong> leur mariage. Ils <strong>en</strong> fur<strong>en</strong>t surpris au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute mesure, car jamais on<br />

n'avait vu pareille chose <strong>en</strong> Perse.<br />

6. Chabbi ouvre lui aussi <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux <strong>et</strong>, pour un peu, n'<strong>en</strong> croirait pas ses<br />

s<strong>en</strong>s ; mais Jurah le pousse du cou<strong>de</strong> <strong>et</strong> lui dit à mi-voix : « Eh, je crois bi<strong>en</strong> que<br />

nous sommes tombés juste au bon <strong>en</strong>droit, <strong>et</strong> assurém<strong>en</strong>t pas très loin <strong>de</strong> Celui<br />

que tu veux r<strong>en</strong>ier avec tant <strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce ! Je te le dis, c'est Lui — ou il n'y <strong>en</strong><br />

aura jamais d'autre ! À prés<strong>en</strong>t, juge comme bon te semble ! »<br />

7. Chabbi dit : « Oui, il se pourrait bi<strong>en</strong> que tu ne sois pas tombé loin ! C<strong>et</strong>te<br />

soudaine guérison par la seule parole, c'est plus que n'<strong>en</strong> peut concevoir toute la<br />

sagesse humaine ! Notre sauv<strong>et</strong>age aussi s'explique mieux à prés<strong>en</strong>t. Un homme<br />

dont la volonté possè<strong>de</strong> une force si <strong>grand</strong>e que même la matière brute doit s'y<br />

plier est nécessairem<strong>en</strong>t au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tous les hommes <strong>de</strong> celte terre ; il faut<br />

qu'<strong>en</strong> lui rési<strong>de</strong> la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la force divine, <strong>et</strong> son âme doit être la<br />

reproduction vivace <strong>de</strong> la volonté divine — si elle n'est la divinité même ! Je suis<br />

peut-être allé un peu trop loin dans la pru<strong>de</strong>nce, mais il est impossible que j'aie<br />

péché <strong>en</strong> cela ; car je voulais seulem<strong>en</strong>t préserver une chose divine qui pouvait<br />

fort bi<strong>en</strong> faire horreur aux paï<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> ne pas la laisser insulter par ces monstres, ce<br />

qui n'eût fait <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> ni à nous, ni à la noble cause <strong>de</strong> la foi !<br />

410


8. Mais il apparaît ici que les paï<strong>en</strong>s ne sont vraim<strong>en</strong>t pas si cruels qu'on nous les<br />

a représ<strong>en</strong>tés <strong>en</strong> Perse. Et il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong> supposer que le <strong>grand</strong><br />

gouverneur Cyrénius, pourtant si infinim<strong>en</strong>t fier, ne sache pas ce qu'il y a <strong>de</strong>rrière<br />

ce faiseur <strong>de</strong> miracles !? Mais s'il le sait, <strong>et</strong> s'il le traite <strong>en</strong> seigneur, il a sans<br />

doute les meilleures raisons pour cela ! Car contre la puissance d'une telle<br />

volonté, il est certain que toutes les armes <strong>de</strong> Rome sont trop courtes <strong>et</strong> trop<br />

faibles !<br />

9. Ce n'était pas là un tour <strong>de</strong> magie ni une guérison miraculeuse selon la manière<br />

<strong>de</strong> nos mages <strong>et</strong> <strong>de</strong> nos prêtres, qui, avec <strong>de</strong> l'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong> d'autres promesses<br />

avantageuses, déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s parfaitem<strong>en</strong>t sains à se faire passer pour sourds,<br />

perclus ou aveugles, puis à se r<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> pèlerinage à l'infâme temple d'une idole,<br />

où ils recouvr<strong>en</strong>t la vue, l'ouïe <strong>et</strong> la rectitu<strong>de</strong> à un signal conv<strong>en</strong>u. Une foule <strong>de</strong><br />

faibles d'esprit se laiss<strong>en</strong>t convaincre, <strong>et</strong> pourtant, lorsque vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite <strong>de</strong><br />

véritables paralytiques, sourds ou aveugles, aucun d'eux ne guérit. On ne manque<br />

pas alors <strong>de</strong> leur dire : "Votre foi est trop faible, <strong>et</strong> votre trop maigre offran<strong>de</strong> n'a<br />

pas plu au dieu !" Oui, tu sais bi<strong>en</strong> comm<strong>en</strong>t nos mages vont jusqu'à rappeler à la<br />

vie les <strong>en</strong>fants morts <strong>de</strong> riches par<strong>en</strong>ts, mais nous savons <strong>de</strong>puis longtemps<br />

comm<strong>en</strong>t ils font, <strong>et</strong> que ces <strong>en</strong>fants rappelés à la vie n'ont pas le moindre li<strong>en</strong> du<br />

sang avec leurs par<strong>en</strong>ts. Mais celui qui est là doit sans doute pouvoir rappeler à la<br />

vie au moins les morts appar<strong>en</strong>ts ! »<br />

10. J’intervi<strong>en</strong>s alors <strong>et</strong> dis : « Oui, Il le peut, <strong>et</strong> cela sans offran<strong>de</strong>s, ni baumes,<br />

ni herbes ! Regar<strong>de</strong>z là-bas, sur le rivage ; les <strong>de</strong>ux fils <strong>de</strong> notre hôte vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

juste <strong>de</strong> r<strong>et</strong>irer <strong>de</strong> l'eau trois noyés, un homme <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux fill<strong>et</strong>tes !<br />

11. C'est là un pauvre père avec ses <strong>de</strong>ux filles, un pauvre Juif. Sa femme a pu<br />

sauver sa vie grâce à un arbre qui flottait sur l'eau ; mais le mari <strong>et</strong> les <strong>de</strong>ux filles,<br />

qui se sont tous trois j<strong>et</strong>és à l'eau pour secourir la mère <strong>en</strong> très <strong>grand</strong> péril, ont été<br />

<strong>en</strong>traînés vers la mer par un flux toujours plus viol<strong>en</strong>t <strong>et</strong> se sont noyés dans les<br />

flots agités. Cep<strong>en</strong>dant, les vagues les ont rej<strong>et</strong>és au rivage, tout à fait morts, <strong>et</strong><br />

les <strong>de</strong>ux vigoureux fils <strong>de</strong> notre hôte, qui les ont trouvés gisant là, vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong> les<br />

coucher par terre, juste <strong>en</strong> bas d'ici.<br />

12. Mais Je veux que soit aussi avec nous la femme tombée à l'eau, <strong>et</strong> qui se<br />

trouve <strong>en</strong>core accrochée à son arbre, pleurant, tremblant <strong>et</strong> appelant à l'ai<strong>de</strong>.<br />

13. Pour cela, Je vais <strong>de</strong> nouveau employer Mes pilotes ; c'est <strong>en</strong>suite seulem<strong>en</strong>t<br />

que vous verrez la magnific<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> que vous croirez <strong>en</strong> Celui qui vous a<br />

tous sauvés ! » Là-<strong>de</strong>ssus, J'appelle Raphaël, lui fais un simple signe qu'il<br />

compr<strong>en</strong>d, <strong>et</strong>, <strong>en</strong> moins d'une minute, il Me ramène déjà sur la colline la femme<br />

qui se lam<strong>en</strong>te <strong>et</strong> ne veut pas <strong>en</strong>core se laisser consoler.<br />

14. Mais Je touche la femme <strong>et</strong> lui dis : « Sois tranquille, femme, crois <strong>et</strong> aie<br />

confiance ; car à Dieu toutes choses sont possibles ! »<br />

15. À ces mots, la femme se calma un peu, mais elle dit : « Je sais bi<strong>en</strong> qu'à Dieu<br />

toutes choses sont possibles ; mais je sais aussi que moi, pécheresse, je ne suis<br />

pas digne <strong>de</strong>s faveurs divines ! Oh, quelle ne <strong>de</strong>vrait pas être la pur<strong>et</strong>é du cœur<br />

d'un homme pour qu'il soit digne <strong>de</strong> la plus p<strong>et</strong>ite faveur v<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> Dieu ! Mais<br />

c<strong>et</strong>te porte <strong>de</strong> la grâce m'est <strong>de</strong>puis bi<strong>en</strong> longtemps fermée. Dieu ne m'accor<strong>de</strong>ra<br />

certes guère d'att<strong>en</strong>tion dans ma détresse, puisque j'ai à coup sûr bi<strong>en</strong> peu t<strong>en</strong>u<br />

411


compte <strong>de</strong> Lui dans mon bonheur. Cep<strong>en</strong>dant, Il m'a déjà fait une <strong>grand</strong>e faveur<br />

<strong>en</strong> me punissant ! »<br />

16. Je dis : « Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>serais-tu donc si Je te r<strong>en</strong>dais ton mari <strong>et</strong> tes <strong>de</strong>ux filles ?!<br />

»<br />

17. La femme dit : « Dieu ne pourra me les r<strong>en</strong>dre qu'au jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>rnier ; car<br />

ils gis<strong>en</strong>t sous les flots <strong>et</strong> sont bi<strong>en</strong> morts ! Tu pourrais sans doute me les r<strong>en</strong>dre<br />

morts, par exemple si les fils <strong>de</strong> Marc les r<strong>et</strong>irai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la mer — mais vivants,<br />

plus jamais ; car il doit bi<strong>en</strong> y avoir <strong>de</strong>ux ou trois heures qu'ils sont morts ! »<br />

18. Je dis à l'ange : « Fais v<strong>en</strong>ir ici les trois corps ! » Et l'ange les fait aussitôt<br />

v<strong>en</strong>ir sur la colline <strong>et</strong> les dépose à Mes pieds.<br />

19. La femme reconnaît sur-le-champ dans les trois corps son mari <strong>et</strong> ses filles, <strong>et</strong><br />

se m<strong>et</strong> à pleurer amèrem<strong>en</strong>t.<br />

20. Mais Je lui dis : « Tais-toi, femme ; car tu vois bi<strong>en</strong> qu'ils ne sont qu'<strong>en</strong>dormis<br />

! »<br />

21. La femme dit : « Oui, ils dorm<strong>en</strong>t du sommeil étemel dont nul homme ne<br />

s'est jamais réveillé ! »<br />

22. Je dis : « Femme, tu te trompes ; il n'y a pas <strong>de</strong> sommeil éternel au s<strong>en</strong>s où tu<br />

le crois, car tu n'as pas vraim<strong>en</strong>t foi <strong>en</strong> une vie dans l'au-<strong>de</strong>là ! Mais Je vais<br />

éveiller ces trois-là, afin que, toi <strong>et</strong> beaucoup d'autres, vous soyez fortifiés dans<br />

votre foi <strong>et</strong> votre confiance dans le nom vivant <strong>de</strong> Dieu. »<br />

23. Là-<strong>de</strong>ssus, Je dis à voix haute aux corps : « Redressez-vous, <strong>et</strong> relevez-vous<br />

du sommeil <strong>de</strong>s morts ! »<br />

24. Aussitôt, les trois corps se mir<strong>en</strong>t à bouger, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong>tôt ils se redressèr<strong>en</strong>t, tout<br />

étonnés. Ils regardèr<strong>en</strong>t autour d'eux avec <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux brillants ; car ils ne<br />

savai<strong>en</strong>t ce qui leur était arrivé, ni où ils se trouvai<strong>en</strong>t.<br />

25. Cep<strong>en</strong>dant, Je dis à la femme : « Va, <strong>et</strong> explique-leur où ils sont <strong>et</strong> ce qui leur<br />

est arrivé ! Quand vous aurez repris vos esprits <strong>et</strong> vous serez reconnus, nous<br />

parlerons <strong>de</strong> cela plus avant ! »<br />

26. Mais la femme tombe à terre <strong>de</strong>vant Moi <strong>et</strong>, <strong>de</strong> saisissem<strong>en</strong>t, ne peut<br />

prononcer une parole. Au bout d'un mom<strong>en</strong>t, elle put <strong>en</strong>fin se relever, <strong>et</strong> elle se<br />

mit à Me louer au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute mesure ; car elle se persuadait davantage à<br />

chaque instant que son mari <strong>et</strong> ses <strong>de</strong>ux filles étai<strong>en</strong>t vraim<strong>en</strong>t vivants <strong>et</strong> apparemm<strong>en</strong>t<br />

tout à fait sains <strong>et</strong> cont<strong>en</strong>ts.<br />

27. Mais Je l'<strong>en</strong>voyai <strong>de</strong>rechef vers les ressuscités afin qu'elle pût s'épancher<br />

avec eux <strong>et</strong> se faire reconnaître comme l'épouse <strong>de</strong> l'homme sauvé <strong>et</strong> la propre<br />

mère <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux filles. Alors, la femme alla rejoindre les ressuscités, qui étai<strong>en</strong>t à<br />

quelques pas ; car lorsque Je guéris ou ressuscite quelqu'un, Je M'<strong>en</strong> éloigne<br />

toujours <strong>en</strong>suite <strong>de</strong> quelques pas, pour <strong>de</strong>s raisons connues <strong>de</strong> Moi seul.<br />

28. Arrivée auprès <strong>de</strong>s ressuscités, elle se fit reconnaître <strong>et</strong> fut aussitôt reconnue<br />

<strong>et</strong> accueillie avec chaleur par les ressuscités, qui n'<strong>en</strong> rev<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong> joie <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

surprise.<br />

29. Cep<strong>en</strong>dant, J'avais aussi déf<strong>en</strong>du à la femme <strong>de</strong> Me dévoiler sur-le-champ<br />

412


comme celui qui avait sauvé les ressuscités, désormais parfaitem<strong>en</strong>t consci<strong>en</strong>ts,<br />

parce que cela n'était pas bon pour une vie nouvellem<strong>en</strong>t éveillée ; ce n'est<br />

qu'après avoir reçu un signe <strong>de</strong> Moi qu'elle pourrait Me dévoiler — <strong>et</strong> la femme<br />

s'<strong>en</strong> tint à cela, bi<strong>en</strong> que son mari la priât instamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> lui désigner leur<br />

miraculeux bi<strong>en</strong>faiteur.<br />

Chapitre 202<br />

De l'eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>s miracles du Seigneur sur les Juifs perses<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, c<strong>et</strong> événem<strong>en</strong>t avait fait sur nos Perses l'impression voulue. C'<strong>en</strong><br />

était fini maint<strong>en</strong>ant, <strong>et</strong> notre Chabbi regardait tantôt vers Moi, tantôt vers les<br />

ressuscités, à qui il tâtait le pouls, leur <strong>de</strong>mandant avec insistance s'ils avai<strong>en</strong>t<br />

vraim<strong>en</strong>t été tout à fait morts <strong>et</strong> s'ils ne pouvai<strong>en</strong>t vraim<strong>en</strong>t se souv<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

ce qui leur était arrivé !<br />

2. Mais l'homme dit : « Interroge c<strong>et</strong>te pierre, <strong>et</strong> elle t'<strong>en</strong> dira autant là-<strong>de</strong>ssus que<br />

je puis t'<strong>en</strong> dire à prés<strong>en</strong>t ! Tout ce que je sais, c'est qu'un viol<strong>en</strong>t courant m'a<br />

<strong>en</strong>traîné avec lui vers la mer <strong>et</strong> m'a aussitôt fait perdre consci<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite la<br />

vie, si bi<strong>en</strong> que, <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t-là, je ne sais par moi-même plus ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> ce qui<br />

m'est arrivé. Je me souvi<strong>en</strong>s seulem<strong>en</strong>t — mais uniquem<strong>en</strong>t dans mon âme —<br />

que, peu après avoir été <strong>en</strong>glouti par les flots mortels, je me suis trouvé tout triste<br />

avec mes filles sur une <strong>grand</strong>e prairie, sans avoir la moindre idée <strong>de</strong> ce qui<br />

causait c<strong>et</strong>te tristesse. Mais bi<strong>en</strong>tôt, une nuée lumineuse s'est élevée au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />

nous <strong>et</strong> nous a <strong>en</strong>vironnés <strong>de</strong> tous côtés, <strong>et</strong> quelle félicité éprouvai-je dans c<strong>et</strong>te<br />

lumière ! Cep<strong>en</strong>dant, nous ne vîmes personne que nous-mêmes, <strong>et</strong>, dans ce ravissem<strong>en</strong>t,<br />

un doux sommeil s'empara <strong>de</strong> nous, dont nous ne nous éveillâmes<br />

qu'ici. À prés<strong>en</strong>t, tu sais tout ce que je suis capable <strong>de</strong> te dire ; à toi <strong>de</strong> juger !<br />

3. Il est assurém<strong>en</strong>t aussi impossible <strong>de</strong> douter que mon corps ait été mort que <strong>de</strong><br />

douter que je sois vivant maint<strong>en</strong>ant ! Desc<strong>en</strong>ds donc dans les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> la<br />

mer, <strong>de</strong>meures-y sous l'eau p<strong>en</strong>dant plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures, <strong>et</strong> je te garantis que tu<br />

seras parfaitem<strong>en</strong>t mort selon le corps ! »<br />

4. Chabbi dit : « Oui, oui, tu étais bi<strong>en</strong> mort, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> homme merveilleux t'a<br />

ressuscité uniquem<strong>en</strong>t par la toute-puissance <strong>de</strong> sa parole ! Non, non, la terre<br />

n'avait jamais connu cela ! — Oh, que va-t-il se passer ?! »<br />

5. Jurah interpelle Chabbi <strong>en</strong> disant : « Eh bi<strong>en</strong>, ami Chabbi, que dis-tu à prés<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te affaire ? »<br />

6. Chabbi dit : « Que doit-on, que peut-on <strong>en</strong> dire ?! C'est l'œuvre <strong>de</strong> la puissance<br />

divine, voilà tout ! Car cela dépasse bi<strong>en</strong> trop infinim<strong>en</strong>t les limites <strong>de</strong><br />

l'expéri<strong>en</strong>ce humaine, <strong>et</strong> nulle sci<strong>en</strong>ce n'a <strong>en</strong>core jamais gravi ces terrifiantes<br />

hauteurs. C<strong>et</strong>te fois, je suis vraim<strong>en</strong>t confondu ! »<br />

7. Je dis à Chabbi : « Eh bi<strong>en</strong>, ami, que p<strong>en</strong>ses-tu maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te histoire du<br />

Messie, répandue il y a tr<strong>en</strong>te ans dans votre pays par les sages ori<strong>en</strong>taux que l'on<br />

sait ? Ti<strong>en</strong>s-tu toujours cela pour une fable d'astrologues ?<br />

8. Car vois-tu, c<strong>et</strong> homme qui naquit jadis dans une étable à B<strong>et</strong>hléem d'une<br />

413


t<strong>en</strong>dre vierge, <strong>et</strong> à qui ces trois sages qui port<strong>en</strong>t chez vous le nom <strong>de</strong> rois mages<br />

apportèr<strong>en</strong>t l'or, l'<strong>en</strong>c<strong>en</strong>s <strong>et</strong> la myrrhe, c'est Moi — jadis un <strong>en</strong>fant nouveau-né,<br />

aujourd'hui un homme <strong>en</strong> pleine force ! Que p<strong>en</strong>ses-tu <strong>de</strong> c<strong>et</strong> étrange concours <strong>de</strong><br />

circonstances, <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute c<strong>et</strong>te affaire ?<br />

9. Que Je sois vraim<strong>en</strong>t Celui-là, <strong>de</strong>ux témoins parfaitem<strong>en</strong>t vivants peuv<strong>en</strong>t s'<strong>en</strong><br />

porter garants ; le premier est le commandant Cornélius, un frère ca<strong>de</strong>t <strong>de</strong><br />

l'empereur Auguste, <strong>et</strong> l'autre est le gouverneur général Cyrénius, qui organisa <strong>et</strong><br />

favorisa Ma fuite <strong>en</strong> Egypte <strong>et</strong> était le frère aîné <strong>de</strong> c<strong>et</strong> empereur ! Sachant désormais<br />

cela, dis-Moi maint<strong>en</strong>ant ce que tu p<strong>en</strong>ses du Messie que les trois rois<br />

mages ont fait connaître chez vous. Veut-Il dire quelque chose, ou non ? »<br />

10. Chabbi dit : « Oui, maint<strong>en</strong>ant, il veut tout dire ; mais il est vrai qu'à<br />

l'époque, cela ressemblait fort à un conte <strong>de</strong> rois mages ! Car dès que l'on connaît<br />

nos rois mages, on se r<strong>en</strong>d compte aisém<strong>en</strong>t qu'ils s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à exploiter à leur<br />

avantage toute nouvelle apparition céleste. Tout d'abord, ils sont parfaitem<strong>en</strong>t au<br />

fait <strong>de</strong> toutes les Écritures <strong>de</strong> leur pays comme <strong>de</strong>s autres. Ils connaiss<strong>en</strong>t les<br />

prophètes juifs aussi bi<strong>en</strong> que ceux <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong>, le SEN SCRIT <strong>et</strong> le SEN TA VEISTA <strong>de</strong>s<br />

Parses, <strong>de</strong>s Guèbres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Birmans aussi bi<strong>en</strong> que nos propres livres ; <strong>et</strong> ils<br />

connaiss<strong>en</strong>t aussi les écoles <strong>et</strong> les livres <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s. Ensuite, il n'est pas une p<strong>et</strong>ite<br />

étoile au ciel qu'ils ne connaiss<strong>en</strong>t <strong>et</strong> n'ai<strong>en</strong>t nommée <strong>de</strong>puis longtemps.<br />

11. Et si quelque étoile <strong>en</strong>core inconnue leur apparaît, comme par exemple une<br />

comète, celle-ci leur sert à toutes sortes d'interprétations prophétiques ; si celle-ci<br />

(l'interprétation) ne peut s'appliquer aux g<strong>en</strong>s du pays, ils s'<strong>en</strong> vont à l'étranger,<br />

où il se trouve bi<strong>en</strong> toujours quelque coin perdu où l'histoire fait s<strong>en</strong>sation. Nous<br />

qui sommes éclairés, nous le savons fort bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> cela excuse tout naturellem<strong>en</strong>t<br />

le fait que n'ayons pas été particulièrem<strong>en</strong>t impressionnés par tout le bruit fait<br />

alors autour <strong>de</strong> la naissance du Messie promis aux Juifs, à l'avantage matériel <strong>de</strong>s<br />

rois mages, qui, à leur r<strong>et</strong>our, l'ont annoncée à tous les Juifs avec une pompe<br />

extraordinaire. Il est vrai qu'ils faisai<strong>en</strong>t cela fort sérieusem<strong>en</strong>t ; mais, comme le<br />

dit le vieux proverbe : "On ne croit pas celui qui a coutume <strong>de</strong> m<strong>en</strong>tir, même<br />

lorsqu'il dit la vérité !"<br />

12. Qui, chez nous, eût pu alors imaginer que, pour une fois, les rois mages<br />

disai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin vrai ?!<br />

13. Mais bi<strong>en</strong> sûr, c<strong>et</strong>te histoire vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre avec toi une tout autre tournure,<br />

<strong>et</strong>, dans ta sagesse, tu ne nous ti<strong>en</strong>dras sans doute pas rigueur maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong><br />

notre anci<strong>en</strong>ne incrédulité ? ! »<br />

Chapitre 203<br />

Des bi<strong>en</strong>faits <strong>de</strong> l'activité <strong>et</strong> <strong>de</strong>s méfaits <strong>de</strong> la paresse<br />

1. Je dis : « Non, assurém<strong>en</strong>t ; pourtant, il n'<strong>en</strong> reste pas moins que sur c<strong>et</strong>te terre,<br />

les g<strong>en</strong>s <strong>de</strong> commerce n'ont bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t que trop t<strong>en</strong>dance à passer outre les<br />

choses <strong>de</strong> l'esprit, ce qui était aussi votre cas. — N'ai-Je pas raison ? »<br />

2. Chabbi dit : « Oui, oui, noble ami plein <strong>de</strong> force divine, il est bi<strong>en</strong> vrai que les<br />

414


affaires du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> les richesses terrestres, leur acquisition <strong>et</strong> leur bonne<br />

administration donn<strong>en</strong>t beaucoup à p<strong>en</strong>ser <strong>et</strong> à faire, mais, <strong>en</strong> faisant bon usage<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te richesse, on appr<strong>en</strong>d aussi toutes sortes <strong>de</strong> choses utiles, <strong>et</strong> l'on éveille à<br />

<strong>de</strong>s choses utiles l'esprit <strong>en</strong> sommeil <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s hommes <strong>en</strong> leur procurant une<br />

occupation utile, les éloignant ainsi <strong>de</strong> l'oisiv<strong>et</strong>é, qui est ordinairem<strong>en</strong>t mère <strong>de</strong><br />

tous les vices <strong>et</strong> <strong>de</strong> tous les péchés.<br />

3. Considère ce que sont les prêtres dans presque toutes les nations : tant que ces<br />

g<strong>en</strong>s ont dû travailler <strong>et</strong>, comme les autres hommes, gagner leur pain à la sueur<br />

<strong>de</strong> leur front, ils étai<strong>en</strong>t les plus <strong>grand</strong>s amis <strong>de</strong> la vérité <strong>et</strong> découvrai<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

inv<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t maintes choses dont nous avons aujourd'hui <strong>en</strong>core toutes raisons <strong>de</strong><br />

nous étonner. Ils apportai<strong>en</strong>t l'harmonie dans la p<strong>en</strong>sée <strong>de</strong>s hommes, édifiai<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>s écoles où les hommes formai<strong>en</strong>t vraim<strong>en</strong>t leur esprit <strong>et</strong> appr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à se<br />

connaître eux-mêmes. De tels prêtres trouvai<strong>en</strong>t jadis les voies <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong>, mus<br />

par l'esprit <strong>et</strong> par une vraie bonne volonté, guidai<strong>en</strong>t leur prochain vers c<strong>et</strong>te<br />

même connaissance.<br />

4. Mais quand, par la suite, les hommes reconnur<strong>en</strong>t peu à peu les <strong>grand</strong>s<br />

bi<strong>en</strong>faits <strong>de</strong>s nobles efforts <strong>de</strong> ces anci<strong>en</strong>s vrais prêtres <strong>et</strong> comprir<strong>en</strong>t leur<br />

imm<strong>en</strong>se utilité, ils se chargèr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tous les durs travaux à la place <strong>de</strong> ces prêtres<br />

qu'ils respectai<strong>en</strong>t <strong>et</strong> aimai<strong>en</strong>t par-<strong>de</strong>ssus tout, leur fir<strong>en</strong>t don <strong>de</strong> la dîme <strong>de</strong> leurs<br />

récoltes <strong>et</strong> décidèr<strong>en</strong>t que les prêtres ne <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t plus avoir d'autre tâche ni<br />

d'autres préoccupations que spirituelles. Mais c'est alors que la caste <strong>de</strong>s prêtres<br />

<strong>de</strong>vint bi<strong>en</strong>tôt oisive, comm<strong>en</strong>ça à manigancer, emmura la lumineuse vérité dans<br />

d'obscures catacombes <strong>et</strong> se mit à servir à l'humanité crédule d'alors toutes sortes<br />

<strong>de</strong> fables <strong>et</strong> <strong>de</strong> lég<strong>en</strong><strong>de</strong>s ; c'est ainsi que l'oisiv<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s prêtres fut la cause<br />

évi<strong>de</strong>nte du déclin <strong>de</strong> la doctrine la plus sublime <strong>et</strong> la plus divine elle-même,<br />

celle du vrai <strong>grand</strong> prêtre qu'était Moïse.<br />

5. Il suffit <strong>de</strong> lire Moïse <strong>et</strong> les Prophètes <strong>et</strong> <strong>de</strong> comparer cela aux agissem<strong>en</strong>ts<br />

actuels <strong>de</strong>s successeurs <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron à Jérusalem pour découvrir sans<br />

peine qu'ils ne croi<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> Moïse <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins à Dieu. Car s'ils croyai<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

Moïse <strong>et</strong> au Dieu qu'il prêche, ils ne serai<strong>en</strong>t pas d'infâmes m<strong>en</strong>teurs abusant un<br />

peuple qu'ils asserviss<strong>en</strong>t matériellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> spirituellem<strong>en</strong>t ! Et tout cela est la<br />

conséqu<strong>en</strong>ce nécessaire d'une oisiv<strong>et</strong>é impie ! C'est pourquoi je p<strong>en</strong>se qu'une<br />

juste richesse <strong>en</strong>tre les mains d'hommes sages, bi<strong>en</strong>veillants <strong>et</strong> actifs est pour les<br />

nécessiteux un meilleur temple <strong>de</strong> Dieu que celui <strong>de</strong> Salomon à Jérusalem !<br />

6. Il est vrai que nous autres marchands n'avons guère <strong>de</strong> temps à consacrer aux<br />

affabulations mystiques <strong>de</strong> toute sorte <strong>de</strong>s oisifs privilégiés, ni <strong>de</strong> nous creuser la<br />

tête pour savoir ce qu'il y a <strong>de</strong> vrai là-<strong>de</strong>dans ; mais nous <strong>en</strong>seignons aux g<strong>en</strong>s du<br />

peuple à fuir l'oisiv<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>en</strong> faisons <strong>de</strong>s hommes véritables <strong>et</strong> utiles ! Aussi croisje<br />

que nous comp<strong>en</strong>sons ainsi largem<strong>en</strong>t le p<strong>et</strong>it défaut que tu m<strong>en</strong>tionnais, à<br />

savoir que nous passons souv<strong>en</strong>t un peu trop vite sur les choses <strong>de</strong> l'esprit ! Car<br />

pour ma part, je p<strong>en</strong>se que faire le bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> actes vaut mieux que d'écrire les plus<br />

belles doctrines sur ce suj<strong>et</strong>, sans jamais les pratiquer soi-même.<br />

7. D'ailleurs, à quoi bon discuter <strong>et</strong> nous creuser la tête, même sur <strong>de</strong>s choses fort<br />

profon<strong>de</strong>s ? Jamais un mortel ne compr<strong>en</strong>dra la véritable sagesse divine, ni<br />

même n'<strong>en</strong> soulèvera le premier voile !<br />

415


8. Mais si cela est nécessaire pour les hommes, la grâce divine saura bi<strong>en</strong> éveiller<br />

quelque nouveau Moïse, c'est-à-dire un véritable Messie comme tu sembles<br />

l'être. Celui-ci nous initiera alors sans doute à la véritable sagesse divine, <strong>et</strong> nous<br />

la pr<strong>en</strong>drons assurém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> bon cœur <strong>et</strong> avec gratitu<strong>de</strong> à n'importe quel prix<br />

comme une marchandise auth<strong>en</strong>tique du ciel <strong>et</strong> la m<strong>et</strong>trons aussi <strong>en</strong> pratique, car<br />

nous autres marchands sommes toujours fort amis <strong>de</strong> toute activité utile à<br />

l'humanité <strong>et</strong> n'employons notre <strong>grand</strong>e richesse terrestre qu'à occuper les<br />

hommes, par nature toujours <strong>en</strong>clins à la paresse <strong>et</strong> à l'oisiv<strong>et</strong>é, à toutes sortes<br />

d'activités bonnes <strong>et</strong> utiles pour eux-mêmes <strong>et</strong> pour autrui.<br />

9. Dis-moi, noble ami empli <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong> Dieu, si notre conception <strong>de</strong> l'exist<strong>en</strong>ce<br />

est bonne <strong>et</strong> utile, donc vraie, ou si ta sagesse est <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> nous <strong>en</strong> fournir<br />

une meilleure ! »<br />

Chapitre 204<br />

De ce qu'est la véritable révélation<br />

1. Je dis : « Pas du tout ! Le bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> la vérité sont les mêmes si un homme les<br />

découvre par sa propre recherche active ou s'ils lui sont directem<strong>en</strong>t révélés par<br />

Dieu ; car la découverte personnelle d'une vérité est aussi à proprem<strong>en</strong>t parler<br />

une révélation d'<strong>en</strong> haut, mais une révélation indirecte (*) dont le moy<strong>en</strong> a été la<br />

recherche active.<br />

2. Par une telle recherche, l'âme se libère <strong>de</strong>s li<strong>en</strong>s grossiers <strong>de</strong> la matière <strong>et</strong><br />

éveille ainsi par mom<strong>en</strong>ts l'esprit divin <strong>en</strong> elle-même, autrem<strong>en</strong>t dit, elle se rapproche<br />

du foyer <strong>de</strong> vie qu'est son cœur, où la lumière <strong>et</strong> la miséricor<strong>de</strong> divines<br />

afflu<strong>en</strong>t sans relâche, apportant à l'âme la vie <strong>et</strong> la croissance spirituelle, <strong>de</strong><br />

même que la lumière <strong>et</strong> la chaleur du soleil pénètr<strong>en</strong>t dans les sillons <strong>de</strong> la terre<br />

où elles éveill<strong>en</strong>t, mainti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>et</strong> favoris<strong>en</strong>t la vie <strong>et</strong> la bonne croissance <strong>de</strong>s<br />

plantes jusqu'à ce que la plante donne un fruit libre <strong>et</strong> séparé, donc tout à fait<br />

mûr, dont la vie ne dép<strong>en</strong>d plus <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> la plante, mais existe par elle-même.<br />

3. Quand, dans ces mom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> véritable éveil, l'âme <strong>en</strong>tre dans ce foyer <strong>de</strong> vie<br />

du cœur, elle accè<strong>de</strong> égalem<strong>en</strong>t par là à la révélation <strong>de</strong> l'esprit divin prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

chaque homme <strong>et</strong> ne peut trouver <strong>en</strong> elle-même autre chose que la vérité<br />

éternelle <strong>et</strong> toujours i<strong>de</strong>ntique à elle-même <strong>de</strong> Dieu. Ce qui est une révélation<br />

indirecte, ne se différ<strong>en</strong>ciant <strong>de</strong> la révélation directe qu'<strong>en</strong> ce que Dieu, lorsque<br />

l'ignorance est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue trop <strong>grand</strong>e, inspire <strong>de</strong>s hommes sans qu'ils ai<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> fait<br />

pour cela <strong>et</strong> gui<strong>de</strong> leurs âmes vers ce même c<strong>en</strong>tre <strong>de</strong> vie afin qu'ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

capables <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre aux autres aveugles la lumière qui leur ouvrira les yeux.<br />

4. Il existe <strong>en</strong>core une différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre les révélations directe <strong>et</strong> indirecte, à<br />

savoir que la révélation indirecte n'éclaire l'homme qui cherche que là où il<br />

désire spécialem<strong>en</strong>t être éclairé, <strong>et</strong> elle est donc semblable à une bonne lampe<br />

capable d'illuminer brillamm<strong>en</strong>t une chambre obscure ; mais la révélation directe<br />

(*)<br />

Littéralem<strong>en</strong>t, «médiate» (mittelbar), c’est-à-dire «passant par un moy<strong>en</strong>», par opposition à<br />

immédiate, directe (unmittelbar) (plus loin, nous conservons donc, bi<strong>en</strong> qu’un peu elliptique,<br />

l’expression « prophète indirect », mittelbarer Proph<strong>et</strong>). (N.d.T)<br />

416


est comme le soleil <strong>en</strong> plein midi, dont la puissante lumière illumine le mon<strong>de</strong><br />

jusque dans ses moindres sillons.<br />

5. C<strong>et</strong>te révélation [celle qui ressemble au soleil] ne vaut pas seulem<strong>en</strong>t pour les<br />

hommes à qui elle a été donnée, mais pour tous les hommes, à comm<strong>en</strong>cer par le<br />

peuple auquel apparti<strong>en</strong>t le prophète ; mais, parce qu'il existe d'auth<strong>en</strong>tiques<br />

prophètes appelés par Dieu, l'on conçoit sans peine qu'il puisse égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

exister <strong>de</strong> faux, pour <strong>de</strong>s raisons aisém<strong>en</strong>t compréh<strong>en</strong>sibles :<br />

6. Un vrai prophète <strong>en</strong> vi<strong>en</strong>t nécessairem<strong>en</strong>t à faire l'obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> ses<br />

contemporains d'une sorte <strong>de</strong> vénération ; car ses prophéties, <strong>et</strong> parfois aussi les<br />

actes qu'il accomplit pour prouver le caractère divin <strong>de</strong> son inspiration, ne<br />

peuv<strong>en</strong>t que susciter le respect <strong>de</strong>s hommes ordinaires, <strong>et</strong> cela que les prophéties<br />

leur plais<strong>en</strong>t ou non <strong>et</strong> qu'elles soi<strong>en</strong>t ou non <strong>en</strong> accord avec leurs intérêts<br />

terrestres.<br />

7. Chez les hommes bi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sants, le prophète s'élève donc sans le vouloir à <strong>de</strong>s<br />

hauteurs inacessibles, <strong>et</strong>, si humble qu'il soit <strong>et</strong> doive être par ailleurs, il ne peut<br />

se déf<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te sorte <strong>de</strong> pieuse vénération <strong>et</strong> <strong>de</strong> pieux respect.<br />

8. Mais d'autres voi<strong>en</strong>t cela, <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, à l'esprit souv<strong>en</strong>t fort<br />

inv<strong>en</strong>tif ; car la ruse du serp<strong>en</strong>t n'a jamais fait défaut aux <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong>. Ces<br />

hommes du mon<strong>de</strong> veul<strong>en</strong>t faire s<strong>en</strong>sation eux aussi <strong>et</strong>, on le compr<strong>en</strong>d aisém<strong>en</strong>t,<br />

<strong>en</strong> tirer un bénéfice terrestre.<br />

9. Ils se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à l'étu<strong>de</strong>, <strong>et</strong> il n'est pas rare qu'avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> Satan ils découvr<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>s choses <strong>et</strong> ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s discours <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce d'une telle sagesse que les<br />

hommes novices <strong>en</strong> toute sci<strong>en</strong>ce finiss<strong>en</strong>t pas ne plus savoir y distinguer le vrai<br />

<strong>et</strong> le bon du faux <strong>et</strong> du mauvais.<br />

10. Comm<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> ce cas, peut-on malgré tout reconnaître un faux prophète d'un<br />

vrai ? Très facilem<strong>en</strong>t : à ses fruits !<br />

11. Car on ne récolte pas <strong>de</strong> raisins ni <strong>de</strong> figues sur les ronces <strong>et</strong> les chardons !<br />

12. Le vrai prophète ne pourra jamais être égoïste, <strong>et</strong> toute p<strong>en</strong>sée d'orgueil lui<br />

sera étrangère. Il acceptera certes avec gratitu<strong>de</strong> ce que lui prodigueront <strong>de</strong> bons<br />

<strong>et</strong> nobles cœurs ; mais jamais il n'exigera <strong>de</strong> quiconque ri<strong>en</strong> qui ressemble à un<br />

prix fixé, parce qu'il sait que cela est une abomination aux yeux <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> parce<br />

que Dieu est bi<strong>en</strong> capable <strong>de</strong> faire vivre Ses serviteurs !<br />

13. Le faux prophète, lui, se fera payer pour ses moindres faits <strong>et</strong> gestes <strong>et</strong> pour<br />

chacun <strong>de</strong> ses actes prét<strong>en</strong>dum<strong>en</strong>t au service <strong>de</strong> Dieu pour le bi<strong>en</strong> supposé <strong>de</strong><br />

l'humanité. Le faux prophète parlera d'une voix tonnante <strong>de</strong>s jugem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Dieu<br />

<strong>et</strong> jugera lui-même par le feu <strong>et</strong> par l'épée au nom <strong>de</strong> Dieu ; mais le vrai ne jugera<br />

personne, se cont<strong>en</strong>tant d'exhorter les pécheurs au rep<strong>en</strong>tir sans le moindre<br />

intérêt personnel <strong>et</strong> ne faisant aucune différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its, <strong>en</strong>tre ceux<br />

qui sont considérés <strong>et</strong> ceux qui ne le sont point. Car Dieu seul <strong>et</strong> Sa parole lui<br />

sont tout, <strong>et</strong> le reste n'est pour lui que pure folie.<br />

14. Le discours du vrai prophète ne se contredira jamais ; mais que l'on examine<br />

le discours du faux prophète, <strong>et</strong> l'on trouvera qu'il grouille <strong>de</strong> contradictions. Le<br />

vrai prophète ne nuira jamais à quiconque, il supportera comme un agneau tout<br />

417


ce que le mon<strong>de</strong> pourra lui faire ; ce n'est que contre le m<strong>en</strong>songe <strong>et</strong> l'orgueil que<br />

son zèle s'<strong>en</strong>flammera, <strong>et</strong> il les combattra toujours.<br />

15. Le faux prophète est toujours l'<strong>en</strong>nemi mortel <strong>de</strong> toute vérité <strong>et</strong> <strong>de</strong> tout<br />

progrès dans la p<strong>en</strong>sée <strong>et</strong> dans les œuvres ; nul autre que lui ne doit ri<strong>en</strong> savoir ni<br />

avoir la moindre expéri<strong>en</strong>ce, afin que chacun soit toujours contraint <strong>de</strong> v<strong>en</strong>ir<br />

chercher auprès <strong>de</strong> lui un conseil chèrem<strong>en</strong>t payé.<br />

16. Le faux prophète ne p<strong>en</strong>se qu'à lui-même ; Dieu <strong>et</strong> Son ordonnance sont pour<br />

lui <strong>de</strong>s choses fâcheuses <strong>et</strong> ridicules dans lesquelles il n'a pas la moindre foi,<br />

aussi peut-il se fabriquer avec la meilleure consci<strong>en</strong>ce du mon<strong>de</strong> un dieu <strong>de</strong> bois<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> pierre selon sa fantaisie. Qu'un tel dieu puisse aisém<strong>en</strong>t, dans les mains du<br />

faux prophète, faire <strong>de</strong>s miracles <strong>de</strong>vant les hommes <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us tout à fait aveugles,<br />

on le concevra sans peine ! »<br />

17. Chabbi dit : « Oh, noble ami, nous savons bi<strong>en</strong>, mes amis <strong>et</strong> moi, comm<strong>en</strong>t<br />

ces tricheurs s'y pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t ils font <strong>de</strong>s miracles ; pour moi, ce ne sont<br />

plus <strong>de</strong>s hommes, mais <strong>de</strong>s bêtes ! Car je ne connais ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> plus ignoble <strong>en</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> que la manière dont ces imposteurs <strong>de</strong> l'esprit font métier <strong>de</strong> pousser leurs<br />

frères ignorants à croire <strong>de</strong>s choses dont ils doiv<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> rire à part eux <strong>et</strong> dont ils<br />

compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à peine eux-mêmes comm<strong>en</strong>t les hommes peuv<strong>en</strong>t être assez bêtes<br />

pour pr<strong>en</strong>dre pour arg<strong>en</strong>t comptant d'aussi prodigieuses extravagances.<br />

18. Oh, je connais fort bi<strong>en</strong>, noble ami, ce dont tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> parler ! Mais ce que je<br />

ne pouvais connaître, c'est c<strong>et</strong>te différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre révélation directe <strong>et</strong> indirecte ; <strong>et</strong><br />

je me réjouis d'appr<strong>en</strong>dre que ce que l'homme <strong>de</strong> bonne volonté peut découvrir<br />

par une recherche assidue est <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte tout <strong>de</strong> même une révélation d'<strong>en</strong><br />

haut. Bi<strong>en</strong> sûr, il n'est pas donné à tout un chacun d'être le prophète d'un peuple<br />

<strong>en</strong>tier ; mais quand le prophète indirect a découvert dans un domaine particulier<br />

une chose vraim<strong>en</strong>t utile, ne serait-ce qu'<strong>en</strong> vue d'un avantage matériel, c<strong>et</strong>te<br />

chose finira bi<strong>en</strong> avec le temps par servir au bi<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout le peuple, <strong>et</strong> c'est ainsi<br />

que même un prophète indirect <strong>et</strong> particulier pourra <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un prophète<br />

universel !<br />

19. Pr<strong>en</strong>ons l'exemple <strong>de</strong> l'inv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> la charrue, qui date sans doute d'avant le<br />

Déluge. C'est sans doute un homme actif <strong>et</strong> réfléchi qui, par la révélation indirecte,<br />

a découvert c<strong>et</strong> instrum<strong>en</strong>t aratoire d'une valeur d'usage inestimable.<br />

Certes, son nom n'est pas resté dans l'histoire ; mais quels bénéfices incalculables<br />

sa découverte n'a-t-elle pas déjà apportés à l'humanité ! Et c'est ainsi qu'ont été<br />

découverts quantité d'obj<strong>et</strong>s universellem<strong>en</strong>t utiles, <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines d'outils <strong>et</strong><br />

d'instrum<strong>en</strong>ts d'une valeur inestimable. Leurs inv<strong>en</strong>teurs étai<strong>en</strong>t sans doute <strong>de</strong>s<br />

hommes fort actifs, mo<strong>de</strong>stes <strong>et</strong> sans prét<strong>en</strong>tion, sans quoi les scribes euss<strong>en</strong>t<br />

assurém<strong>en</strong>t consigné leurs noms comme ils l'ont fait pour ceux qui ont régné sur<br />

les peuples sans leur avoir été généralem<strong>en</strong>t d'une <strong>grand</strong>e utilité.<br />

20. Mon opinion est que les plus <strong>grand</strong>s bi<strong>en</strong>faiteurs <strong>de</strong>s peuples sont ceux qui<br />

leur ont appris à p<strong>en</strong>ser selon la vérité <strong>et</strong> qui leur ont apporté d'utiles inv<strong>en</strong>tions !<br />

21. Mais à ce jour, l'utilité <strong>de</strong>s prophètes universels purem<strong>en</strong>t spirituels est<br />

<strong>en</strong>core fort incertaine. Ils ont blâmé les défauts les plus répandus dans le peuple<br />

<strong>et</strong> fustigé les plus <strong>grand</strong>s crimes. Ils ont prêché, la plupart du temps <strong>en</strong> paroles<br />

fort voilées, Dieu, Sa volonté <strong>et</strong> Ses <strong>de</strong>sseins ; mais les hommes ne les ont pas<br />

418


vraim<strong>en</strong>t compris <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> ont pas moins continué d'agir à leur guise selon leurs<br />

désirs terrestres, sans se soucier <strong>de</strong> Dieu ni <strong>de</strong> Ses sublimes prophètes.<br />

22. C'est <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière qu'est née la confusion paï<strong>en</strong>ne, <strong>et</strong> avec elle toutes les<br />

nuances possibles <strong>de</strong> la très ignorante superstition ; mais la charrue est <strong>de</strong>meurée<br />

la charrue, la scie, scie, la hache, hache — <strong>et</strong> le paï<strong>en</strong> comme le Juif bigot<br />

utilis<strong>en</strong>t tous <strong>de</strong>ux ces utiles inv<strong>en</strong>tions !<br />

23. On se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> donc bi<strong>en</strong>, <strong>en</strong> fin <strong>de</strong> compte, quelle sorte <strong>de</strong> vrai prophète a la<br />

valeur la plus universelle pour l'humanité !<br />

24. Certes, les hommes p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t beaucoup <strong>et</strong> compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t mainte chose ; mais<br />

lorsqu'il s'agit <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre parfaitem<strong>en</strong>t un Daniel, un Isaïe ou un Jérémie, ou<br />

même le Cantique <strong>de</strong>s Cantiques <strong>de</strong> Salomon... la p<strong>en</strong>sée humaine ne sert plus à<br />

ri<strong>en</strong> ! Seul Dieu peut concevoir ces choses, ou un esprit angélique, ou un<br />

prophète spécialem<strong>en</strong>t éveillé pour cela ! Seules ces trois sortes d'esprits ont la<br />

capacité <strong>de</strong> les compr<strong>en</strong>dre ; pour tous les autres, c'est parfaitem<strong>en</strong>t impossible.<br />

Mais la question est alors <strong>de</strong> savoir à quoi sert une si haute sagesse, si aucun<br />

mortel ne peut la compr<strong>en</strong>dre ni la concevoir ?! »<br />

Chapitre 205<br />

De l'impuissance <strong>de</strong>s hommes<br />

1. Je dis : « Ami, regar<strong>de</strong> donc les étoiles, là-haut ! Les connais-tu, compr<strong>en</strong>ds-tu<br />

ce qu'elles sont <strong>et</strong> à quoi elles serv<strong>en</strong>t ? Faudrait-il par hasard qu'elles n'exist<strong>en</strong>t<br />

point parce qu'aucun homme n'a pu les concevoir jusqu'ici ? Conçois-tu donc ce<br />

que sont le soleil <strong>et</strong> la lune ? Devrai<strong>en</strong>t-ils, parce que tu ne les conçois point, ne<br />

pas exister ?!<br />

2. Conçois-tu le v<strong>en</strong>t, l'éclair, le tonnerre, la pluie, le givre, la neige, la glace ?<br />

Tout cela <strong>de</strong>vrait-il ne pas exister pour la raison que vous ne le concevez point,<br />

toi <strong>et</strong> tous les autres hommes ?!<br />

3. Conçois-tu les milliers d'espèces d'animaux, leur forme <strong>et</strong> leur nature ?<br />

Conçois-tu le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s plantes <strong>et</strong> ses formes ? Sais-tu donc ce que sont la lumière<br />

<strong>et</strong> la chaleur ?!<br />

4. Tout cela <strong>de</strong>vrait-il aussi ne pas exister pour la seule raison que toi <strong>et</strong> tous les<br />

autres hommes, vous ne pouvez le compr<strong>en</strong>dre ni le concevoir ?!<br />

5. Conçois-tu par hasard ta vie, la manière dont tu vois, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds, perçois, goûtes<br />

<strong>et</strong> s<strong>en</strong>s ? L'homme <strong>de</strong>vrait-il donc ne pas voir, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre, percevoir, goûter ni<br />

s<strong>en</strong>tir, parce qu'il ne peut concevoir tout cela ? !<br />

6. Et s'il existe déjà tant <strong>de</strong> choses dans le mon<strong>de</strong> matériel que l'humanité ne peut<br />

concevoir pleinem<strong>en</strong>t, réfléchis <strong>en</strong>core un peu, <strong>et</strong> dis-Moi <strong>en</strong>suite ce que tu <strong>en</strong><br />

conclus ! »<br />

7. Chabbi dit : « Seigneur <strong>et</strong> maître plein <strong>de</strong> force divine, je n'ai pas besoin <strong>de</strong><br />

réfléchir bi<strong>en</strong> longtemps, car j'ai déjà compris ce que tu as voulu me dire par là.<br />

Tu as voulu m'am<strong>en</strong>er à compr<strong>en</strong>dre qu'il <strong>en</strong> va exactem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> même pour la<br />

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echerche dans les hautes sphères <strong>de</strong> la sagesse <strong>et</strong> dans celles <strong>de</strong> la création matérielle.<br />

Nous, les hommes, nous n'<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>ons <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> concevons <strong>en</strong> réalité<br />

pas davantage que l'image la plus superficielle, ce que nous pouvons <strong>en</strong> percevoir<br />

par nos s<strong>en</strong>s très grossièrem<strong>en</strong>t matériels <strong>et</strong> les distinctions que nous faisons dans<br />

les choses <strong>de</strong> la Création par la forme, la couleur, l'o<strong>de</strong>ur ou le goût. Oh,<br />

l'homme compr<strong>en</strong>d <strong>et</strong> sait si peu <strong>de</strong> chose, il ne sait ri<strong>en</strong> <strong>en</strong> vérité, <strong>et</strong> pourtant, il<br />

se croit <strong>grand</strong> par la sagesse <strong>et</strong> s'<strong>en</strong>orgueillit <strong>de</strong> son misérable savoir ! Mais ce<br />

qu'il sait, qu'est-ce donc ? Ri<strong>en</strong>, moins que ri<strong>en</strong> !<br />

8. Oh, que les hommes sont aveugles <strong>et</strong> stupi<strong>de</strong>s ! Ils n'<strong>en</strong> sont même pas au<br />

point <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre qu'ils ne sont ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> qu'ils ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas qu'ils ne<br />

sont ri<strong>en</strong> <strong>et</strong> ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> ! L'herbe pousse, <strong>et</strong> l'homme qui voit <strong>et</strong> perçoit<br />

s'<strong>en</strong> réjouit ; mais ce qu'il faut pour créer l'herbe, la faire pousser <strong>et</strong> la maint<strong>en</strong>ir<br />

sans cesse pareille à elle-même, qui, <strong>de</strong> tous les mortels, le compr<strong>en</strong>d?!<br />

9. Adam, Hénoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse <strong>et</strong> Elie fur<strong>en</strong>t sans doute<br />

les hommes les plus sages que la terre ait jamais portés ; ils avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux une<br />

<strong>grand</strong>e lumière divine. Mais comm<strong>en</strong>t l'herbe naît, croît, donne <strong>de</strong> la sem<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong><br />

comm<strong>en</strong>t la graine est organisée <strong>en</strong> sorte qu'il puisse <strong>en</strong> sortir un nombre <strong>et</strong> une<br />

quantité infinie d'herbes <strong>de</strong> la même espèce — tous ces patriarches <strong>de</strong> la sagesse<br />

n'<strong>en</strong> ont sans doute jamais eu la moindre idée !<br />

10. Et si nous ne savons même pas comm<strong>en</strong>t croît <strong>et</strong> se reproduit le plus mo<strong>de</strong>ste<br />

brin <strong>de</strong> mousse ni comm<strong>en</strong>t le p<strong>et</strong>it ver s'<strong>en</strong>roule dans la terre, que dirons-nous<br />

<strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s lointaines étoiles ?! Si nous ne savons ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout cela, nous<br />

les hommes, nous saurons <strong>et</strong> compr<strong>en</strong>drons <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> moins ce que sont les<br />

étoiles, ni pourquoi <strong>et</strong> <strong>de</strong> quoi elles sont faites !<br />

11. Ainsi, <strong>grand</strong> <strong>et</strong> noble maître, tu as voulu me signifier ma complète ignorance<br />

<strong>et</strong> me rappeler à l'ordre <strong>en</strong> disant : "Dans Sa <strong>grand</strong>e sagesse, Dieu offre toutes ces<br />

choses aux yeux <strong>de</strong> l'homme <strong>et</strong> à tous ses s<strong>en</strong>s extérieurs, <strong>et</strong> à travers ceux-ci<br />

égalem<strong>en</strong>t aux s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> son âme, afin <strong>de</strong> le contraindre à p<strong>en</strong>ser." Mais<br />

l'explication, l'homme doit la chercher lui-même ; car si Dieu la lui donnait<br />

égalem<strong>en</strong>t, l'homme <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drait très vite paresseux, <strong>et</strong> finalem<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t<br />

inactif <strong>et</strong> oisif.<br />

12. Car une fois qu'un homme a <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t acquis <strong>et</strong> compris une chose, sa<br />

nature paresseuse n'a plus <strong>de</strong> goût pour elle ; cela est confirmé <strong>et</strong> démontré par<br />

l'expéri<strong>en</strong>ce la plus quotidi<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> n'a donc pas besoin d'une nouvelle preuve. Et<br />

l'homme se comporterait évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> même dans la sphère purem<strong>en</strong>t<br />

spirituelle s'il compr<strong>en</strong>ait très clairem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> dans les moindres détails ce que les<br />

<strong>grand</strong>s prophètes <strong>de</strong> Dieu ont consigné dans les livres <strong>de</strong> la sagesse. Il se<br />

coucherait bi<strong>en</strong>tôt <strong>et</strong> finirait par ne plus réfléchir à ri<strong>en</strong> ; d'ailleurs, à quoi l'homme<br />

réfléchirait-il <strong>en</strong>core si peu que ce soit, s'il compr<strong>en</strong>ait déjà tout sans cela ?!<br />

13. Aussi Dieu sait-Il fort bi<strong>en</strong> comm<strong>en</strong>t Il doit traiter les hommes pour qu'ils<br />

p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t, désir<strong>en</strong>t <strong>et</strong> soi<strong>en</strong>t finalem<strong>en</strong>t vraim<strong>en</strong>t actifs ; peu importe ce qu'ils font<br />

— pourvu qu'ils soi<strong>en</strong>t actifs !<br />

14. Je compr<strong>en</strong>ds aussi à prés<strong>en</strong>t que l'histoire du Messie n'eût pas fait sur moi la<br />

même impression, loin <strong>de</strong> là, si j'eusse compris dans les moindres détails tous les<br />

textes d'Isaïe qui y ont trait. Je me serais bi<strong>en</strong> moqué <strong>de</strong>s trois rois mages s'ils<br />

420


étai<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>us me débiter leurs tira<strong>de</strong>s mystiques ; <strong>et</strong> c'eût été la même chose pour<br />

tous ceux qui serai<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>us dans c<strong>et</strong>te int<strong>en</strong>tion !<br />

15. Mais comme tout cela est <strong>de</strong>meuré pour moi jusqu'à c<strong>et</strong>te heure dans une<br />

<strong>de</strong>mi-obscurité quant à la foi, ma félicité n'<strong>en</strong> est que plus <strong>grand</strong>e à prés<strong>en</strong>t que<br />

ce qui m'était si difficile à croire <strong>et</strong> si obscur est exposé à mes yeux avec une telle<br />

clarté <strong>et</strong> que je vois <strong>de</strong>vant moi Celui que tous les Juifs, <strong>et</strong> moi avec eux,<br />

espérai<strong>en</strong>t avec tant d'ar<strong>de</strong>ur ! — Tai-je bi<strong>en</strong> compris, seigneur <strong>et</strong> maître ? »<br />

Chapitre 206<br />

Chabbi reconnaît le Seigneur<br />

1. « Fort bi<strong>en</strong>, fort bi<strong>en</strong> ! » dis-Je, <strong>et</strong> Je lui pose la question suivante : « Cher ami,<br />

à prés<strong>en</strong>t que tous peuv<strong>en</strong>t se r<strong>en</strong>dre compte que tu es à tous égards une tête fort<br />

bi<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sante <strong>et</strong> que tu juges fort justem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, dis-Moi, selon ce<br />

que tu crois désormais, comm<strong>en</strong>t tu te représ<strong>en</strong>tes le Messie, c'est-à-dire Moimême.<br />

Quel est donc le s<strong>en</strong>s exact <strong>de</strong> la prés<strong>en</strong>te v<strong>en</strong>ue du Messie ? ! »<br />

2. Chabbi dit : « Ah, très noble ami, c'est là une question particulièrem<strong>en</strong>t<br />

délicate, non pas dans le s<strong>en</strong>s où j'affirmais tout à l'heure, avec pru<strong>de</strong>nce, mais à<br />

tort, que tu voulais, par <strong>de</strong>s miracles incompréh<strong>en</strong>sibles <strong>et</strong> <strong>de</strong>s questions habiles,<br />

me faire avouer quelque appar<strong>en</strong>ce d'hostilité <strong>en</strong>vers les Romains, mais tout<br />

simplem<strong>en</strong>t à cause <strong>de</strong> la personnalité mystique <strong>de</strong> ce Messie dont Isaïe,<br />

justem<strong>en</strong>t, dit <strong>de</strong>s choses fort étranges auxquelles personne ne peut ri<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre.<br />

Car tantôt le Messie est le fils d'un roi, tantôt il est un <strong>grand</strong> <strong>et</strong> puissant<br />

héros, tantôt un fils <strong>de</strong> Dieu, tantôt le fils d'une vierge ! Isaïe dit quelque part<br />

(Isaïe 25, 6-9) :<br />

3. "Yahvé Sabaoth prépare pour tous les peuples, sur c<strong>et</strong>te montagne, un riche<br />

festin ; un repas <strong>de</strong> vin pur, <strong>de</strong> graisse, <strong>de</strong> moelle, <strong>de</strong> vin sans lie (*) . Sur c<strong>et</strong>te<br />

montagne, Il ôtera le voile qui voilait tous les peuples <strong>et</strong> le tissu qui couvrait les<br />

paï<strong>en</strong>s (**) . Il fera disparaître la mort. Le Seigneur essuiera les pleurs sur tous les<br />

visages, Il ôtera l'opprobre <strong>de</strong> Son peuple sur toute la terre, car le Seigneur a<br />

parlé. Et l'on dira <strong>en</strong> ce jour : Voyez, c'est notre Dieu, <strong>en</strong> Lui nous espérions pour<br />

qu'il nous sauve ! C'est le Seigneur que nous espérions, réjouissons-nous du salut<br />

qu'il nous donne !"<br />

4. Ce sont là, très noble seigneur <strong>et</strong> maître, les paroles très significatives du<br />

prophète ; mais comm<strong>en</strong>t faut-il les interpréter ? Quelle est c<strong>et</strong>te montagne sur<br />

laquelle le Seigneur nous préparera un si étrange festin <strong>de</strong> vin pur, <strong>de</strong> graisse, <strong>de</strong><br />

moelle, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core une fois <strong>de</strong> vin sans lie ? Pour apprécier ces m<strong>et</strong>s, il faudra<br />

avoir un bon estomac !<br />

5. Ce repas ne peut avoir qu'un s<strong>en</strong>s spirituel <strong>et</strong> non un s<strong>en</strong>s ordinaire ; mais qui<br />

peut le découvrir ? Qu'est-ce que c'est que c<strong>et</strong>te montagne, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> étrange festin ?<br />

(*)<br />

« Un festin <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s grasses, un festin <strong>de</strong> bons vins, <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s moelleuses, <strong>de</strong> vins<br />

dépouillés » (Bible <strong>de</strong> Jérusalem). Sauf pour l'expression « riche festin » (f<strong>et</strong>tes Mahl, litt. « repas<br />

gras »), nous conservons ici le s<strong>en</strong>s littéral moins « appétissant » indiqué par <strong>Lorber</strong>... (N.d.T.)<br />

(**)<br />

« Le tissu t<strong>en</strong>du sur toutes les nations » (ibid.).<br />

421


Ah, c'est vraim<strong>en</strong>t se moquer du mon<strong>de</strong> ! Et sur c<strong>et</strong>te montagne, le Seigneur,<br />

c'est-à-dire, comme je le compr<strong>en</strong>ds, le Messie, ôtera le voile <strong>de</strong>s peuples <strong>et</strong> le<br />

tissu qui couvrait la face <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s. On peut <strong>en</strong>core compr<strong>en</strong>dre cela ; mais c<strong>et</strong>te<br />

montagne, c<strong>et</strong>te montagne, où est-elle, qui est-elle ?<br />

6. Du moins puis-je compr<strong>en</strong>dre, maint<strong>en</strong>ant que je T'ai vu rappeler les morts à la<br />

vie, qu'il fasse disparaître la mort <strong>et</strong> ôte l'opprobre <strong>de</strong> Son peuple sur toute la<br />

terre, donc égalem<strong>en</strong>t dans notre Perse.<br />

7. Mais après cela, Isaïe dit que, sur la montagne, le peuple <strong>en</strong> liesse s'écrie :<br />

"C'est notre Dieu, c'est le Seigneur !" Est-ce là le Dieu d'Abraham, d'Isaac <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

Jacob ? S'il <strong>en</strong> est ainsi, Tu es donc Celui-là même qui a donné les lois à Moïse<br />

sur le Sinaï <strong>et</strong> qui dit d'une voix tonnante : "Moi seul suis ton Dieu <strong>et</strong> ton<br />

Seigneur, tu n'auras pas d'autre Dieu que Moi !"<br />

8. Si Isaïe était <strong>en</strong> accord avec la loi mosaïque, il n'a pas pu faire paraître un autre<br />

Dieu dans le Messie ; mais puisque Isaïe parle <strong>de</strong> Lui indubitablem<strong>en</strong>t comme<br />

d'un Dieu, il faut que Tu sois ce même Dieu qui parla déjà à Moïse sur le Sinaï !<br />

9. Que me dirais-Tu maint<strong>en</strong>ant si, à cause <strong>de</strong> ces paroles du prophète, je tombais<br />

à g<strong>en</strong>oux <strong>de</strong>vant Toi <strong>et</strong> me m<strong>et</strong>tais à T'adorer à haute voix comme le Dieu<br />

d'Abraham, d'Isaac <strong>et</strong> <strong>de</strong> Jacob ?! »<br />

Chapitre 207<br />

De la vraie adoration <strong>de</strong> Dieu<br />

1. Je dis : « Si tu croyais pleinem<strong>en</strong>t avec ta foi vivante <strong>et</strong> ton intime conviction,<br />

Je n'aurais assurém<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong> à te reprocher, ni à toi, ni aux autres, si vous vous<br />

m<strong>et</strong>tiez à M'adorer comme votre Dieu <strong>de</strong> la bonne manière ; mais s'il n'y avait<br />

pas dans c<strong>et</strong>te adoration, <strong>et</strong> moins <strong>en</strong>core dans votre âme, une conviction<br />

pleinem<strong>en</strong>t spirituelle, vous feriez ainsi preuve d'idolâtrie à Mon égard tout autant<br />

que si vous manifestiez une vénération divine à un autre homme ou à une<br />

image sculptée.<br />

2. Celui qui veut adorer Dieu d'une manière auth<strong>en</strong>tique <strong>et</strong> fructueuse doit<br />

d'abord reconnaître Dieu très vivem<strong>en</strong>t dans son cœur, il doit d'abord avoir la<br />

connaissance <strong>et</strong> l'amour <strong>de</strong> Dieu <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité, <strong>et</strong> c'est alors seulem<strong>en</strong>t<br />

qu'il peut L'honorer <strong>et</strong> que son adoration a toute sa valeur ; sans cela,<br />

même <strong>en</strong>vers le vrai Dieu, l'homme ne manifeste qu'une odieuse idolâtrie !<br />

3. Comm<strong>en</strong>t un homme peut-il adorer dignem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> effectivem<strong>en</strong>t l'unique vrai<br />

Dieu s'il ne L'a <strong>en</strong>core jamais connu que par ouï-dire, tout comme un faux dieu ?<br />

Quelle différ<strong>en</strong>ce y a-t-il alors <strong>en</strong>tre l'adoration <strong>de</strong> l'unique vrai Dieu <strong>et</strong> celle<br />

d'une idole ?!<br />

4. La véritable adoration <strong>de</strong> l'unique vrai Dieu consiste dans l'amour <strong>en</strong>vers Lui<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong>vers le prochain. Mais qui peut aimer Dieu sans L'avoir jamais reconnu ?<br />

5. Un jeune homme peut-il brûler d'amour pour une jeune fille qu'il n'a jamais<br />

vue <strong>et</strong> qu'il ne connaît point ? Et s'il s'imagine qu'une telle jeune fille existe<br />

422


quelque part <strong>et</strong> s'épr<strong>en</strong>d violemm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> celle qui n'a jamais existé, c'est un idiot<br />

qui se r<strong>en</strong>d coupable d'amour <strong>de</strong> soi au plus haut point — ce qui est une<br />

abomination <strong>de</strong>vant Dieu.<br />

6. Toute adoration idolâtre est donc la plus <strong>grand</strong>e folie <strong>et</strong> le pire aveuglem<strong>en</strong>t<br />

qui soi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s hommes. Car ceux qui persist<strong>en</strong>t à adorer <strong>de</strong>s idoles<br />

finiss<strong>en</strong>t par se pr<strong>en</strong>dre eux-mêmes pour <strong>de</strong>s idoles <strong>et</strong> par se faire adorer au<br />

milieu <strong>de</strong>s fumées d'<strong>en</strong>c<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> c'est alors le triomphe <strong>de</strong> Satan dans le cœur <strong>de</strong><br />

l'homme ! Mais malheur à ceux qui, dans leur suprême aveuglem<strong>en</strong>t, s'imagin<strong>en</strong>t<br />

être eux-mêmes <strong>de</strong>s dieux ! Leur sort sera <strong>de</strong>s plus tristes dans l'au-<strong>de</strong>là ; car<br />

c<strong>et</strong>te sorte d'orgueil est un serp<strong>en</strong>t qui ne meurt jamais <strong>et</strong> un feu inextinguible !<br />

7. Je te le dis, c'est le plaisir <strong>de</strong> Satan que d'<strong>en</strong>traîner les hommes aussi loin que<br />

possible <strong>de</strong> l'ordonnance divine par l'orgueil qu'il implante <strong>en</strong> eux ; mais<br />

lorsqu'ils arriveront un jour dans l'au-<strong>de</strong>là comme ses disciples, il les désavouera<br />

<strong>et</strong> les m<strong>et</strong>tra à son service <strong>de</strong> la manière la plus ignominieuse, <strong>et</strong> ils <strong>de</strong>vront y<br />

<strong>de</strong>meurer éternellem<strong>en</strong>t selon son mauvais vouloir !<br />

8. Satan, le prince <strong>de</strong>s ténèbres, laisse les hommes s'élever ici-bas au rang <strong>de</strong><br />

dieux afin <strong>de</strong> les abaisser jusqu'à la pire abjection dans l'au-<strong>de</strong>là.<br />

9. Au contraire, Dieu <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à l'homme d'être sage <strong>et</strong> humble ici-bas afin <strong>de</strong><br />

l'élever d'autant plus <strong>et</strong> <strong>de</strong> le r<strong>en</strong>dre d'autant plus heureux dans l'au-<strong>de</strong>là.<br />

10. Il est vrai que c<strong>et</strong>te puissance doit être r<strong>et</strong>irée à Satan <strong>et</strong> que les hommes<br />

pourront alors agir à leur guise <strong>en</strong> toute indép<strong>en</strong>dance ; mais les bons n'<strong>en</strong><br />

brilleront que davantage, <strong>et</strong> ceux qui seront méchants <strong>de</strong> leur propre gré n'<strong>en</strong><br />

apparti<strong>en</strong>dront que plus complètem<strong>en</strong>t à l'<strong>en</strong>fer ; car leur méchanc<strong>et</strong>é ne <strong>de</strong>vra<br />

plus être mise sur le compte <strong>de</strong> Satan, mais sur leur propre compte, <strong>et</strong> ils n'<strong>en</strong><br />

seront que plus maltraités un jour par Satan <strong>et</strong> par ses val<strong>et</strong>s.<br />

11. C'est pourquoi le premier <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> tout homme est <strong>de</strong> chercher Dieu <strong>en</strong> esprit<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong> vérité d'un cœur tout à fait humble, <strong>et</strong> c'est seulem<strong>en</strong>t lorsqu'il L'a<br />

trouvé qu'il doit Le prier égalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> toute vérité !<br />

12. Et l'ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> la prière consiste <strong>en</strong> ce qu'un cœur humble <strong>de</strong>meure humble,<br />

aime son prochain <strong>en</strong> actes davantage que lui-même <strong>et</strong> aime Dieu par<strong>de</strong>ssus tout<br />

comme l'unique vrai Père <strong>de</strong> tous les hommes <strong>et</strong> les anges !<br />

13. Mais dans l'obscurité <strong>de</strong> la chair, nul ne peut aimer Dieu s'il déteste son frère<br />

; car comm<strong>en</strong>t un homme pourrait-il aimer Dieu, qu'il ne voit pas, s'il n'aime pas<br />

son frère, qu'il voit ?!<br />

14. Et il ne suffit pas, loin <strong>de</strong> là, <strong>de</strong> dire : "J'aime mon prochain <strong>et</strong> suis très<br />

aimable avec lui !" Le véritable amour, le seul valable <strong>de</strong>vant Dieu, doit consister<br />

dans les œuvres dont le prochain a besoin, spirituellem<strong>en</strong>t ou corporellem<strong>en</strong>t.<br />

C'est c<strong>et</strong> amour qui est la clé merveilleuse ouvrant le cœur <strong>de</strong> l'homme à la<br />

lumière divine.<br />

15. Je le dis à toi <strong>et</strong> à tes compagnons, si vous n'aviez trouvé <strong>et</strong> reçu dans vos<br />

cœurs c<strong>et</strong>te clé d'or, vous n'auriez jamais trouvé le chemin pour v<strong>en</strong>ir jusqu'ici !<br />

Et ce que signifie votre v<strong>en</strong>ue ici, bi<strong>en</strong> qu'am<strong>en</strong>ée par une viol<strong>en</strong>te tempête <strong>de</strong> la<br />

vie extérieure, vous comm<strong>en</strong>cez déjà à le press<strong>en</strong>tir — mais ce qui suivra bi<strong>en</strong>tôt<br />

423


vous le montrera sous son vrai jour ! Et c'est seulem<strong>en</strong>t quand tu M'auras<br />

pleinem<strong>en</strong>t reconnu que tu compr<strong>en</strong>dras aussi s'il faut M'adorer ou non ! »<br />

Chapitre 208<br />

Crainte <strong>de</strong>s Perses <strong>de</strong>vant la saint<strong>et</strong>é du Seigneur<br />

1. À ces Mi<strong>en</strong>nes paroles, les Perses <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t fort p<strong>en</strong>sifs, <strong>et</strong>, tandis que Je me<br />

r<strong>en</strong>dais auprès <strong>de</strong>s trois ressuscités <strong>et</strong> M'occupais <strong>de</strong> les faire pourvoir, Jurah dit<br />

à ses compagnons : « Amis, c<strong>et</strong> homme ti<strong>en</strong>t un langage fort remarquable, plus<br />

merveilleux <strong>en</strong>core que ne paraiss<strong>en</strong>t l'être ses actes, bi<strong>en</strong> que ceux-ci soi<strong>en</strong>t tels<br />

que nous n'avions <strong>en</strong>core jamais ri<strong>en</strong> vu <strong>de</strong> pareil. Mais, un miracle ressemble<br />

toujours à un autre, <strong>et</strong> celui qui n'y connaît ri<strong>en</strong> est aveugle <strong>et</strong> ne voit ri<strong>en</strong> là où il<br />

<strong>de</strong>vrait y voir le mieux <strong>et</strong> le plus clair ! Il est vrai que la guérison <strong>de</strong> notre<br />

joaillier est extrêmem<strong>en</strong>t surpr<strong>en</strong>ante, mais peut-être pas impossible à accomplir<br />

par <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s naturels. Nous ne savons bi<strong>en</strong> sûr pas comm<strong>en</strong>t cela se pourrait,<br />

mais nous savons par expéri<strong>en</strong>ce que les Indi<strong>en</strong>s guériss<strong>en</strong>t la morsure <strong>de</strong>s<br />

serp<strong>en</strong>ts les plus v<strong>en</strong>imeux sans herbes ni baumes. C<strong>et</strong> homme a lui aussi guéri<br />

nos <strong>de</strong>ux amis sans herbes ni baumes — comm<strong>en</strong>t, nous ne le savons pas <strong>et</strong> ne<br />

pouvons le savoir !<br />

2. Les trois noyés ont été véritablem<strong>en</strong>t rappelés à la vie ; mais il reste <strong>en</strong>core à<br />

prouver qu'ils étai<strong>en</strong>t vraim<strong>en</strong>t tout à fait morts, <strong>et</strong> non <strong>de</strong> faux noyés ! Bref, les<br />

faits sont bi<strong>en</strong> loin <strong>de</strong> tout démontrer ! Mais la force <strong>de</strong> sa parole prouve, selon<br />

moi, bi<strong>en</strong> plus que ces <strong>de</strong>ux miracles ; car nulle bouche mortelle ne parle avec<br />

une si infinie sagesse <strong>et</strong> une vérité si absolue ! Songe seulem<strong>en</strong>t, Chabbi, à son<br />

explication sur la vraie adoration <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> tu verras qu'il y a là une sagesse qui<br />

dépasse tout ; pour moi, cela témoigne <strong>de</strong> quelque chose d'extraordinaire, oui, <strong>de</strong><br />

quelque chose que j'ose à peine formuler ! »<br />

3. Chabbi, tout étonné, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Eh bi<strong>en</strong>, quelle est donc c<strong>et</strong>te chose, que tu<br />

oses à peine la formuler ? »<br />

4. Jurah dit : « Réfléchis donc toi-même posém<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je te le dirai, si tu ne<br />

trouves pas assez vite ! » Chabbi se m<strong>et</strong> alors à réfléchir profondém<strong>en</strong>t, mais il<br />

ne sait pas vraim<strong>en</strong>t que répondre à la question <strong>de</strong> Jurah.<br />

5. Au bout d'un mom<strong>en</strong>t, Chabbi dit à Jurah : « Je te dirais bi<strong>en</strong> que je crois que<br />

cela pourrait révéler une chose tout à fait singulière ; mais c'est que, justem<strong>en</strong>t,<br />

l'idée <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te chose singulière paraît fort audacieuse ! Songe donc, si c<strong>et</strong> homme,<br />

comme cela ne fait presque plus aucun doute, est le Messie, il est non seulem<strong>en</strong>t,<br />

selon Isaïe, c<strong>et</strong> homme tout simple qui vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> parler avec nous, mais aussi,<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds-moi bi<strong>en</strong>, selon l'âme, Dieu, le seul <strong>et</strong> l'unique vrai Dieu éternel ! Et s'il<br />

<strong>en</strong> est ainsi, qu'allons-nous <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ? Comm<strong>en</strong>t, nous faibles hommes,<br />

survivrons-nous <strong>de</strong>vant Lui, le Très-Haut ? Mais alors, que faire, où aller ? »<br />

6. Jurah dit : « Oui, c'est bi<strong>en</strong> là ce qui me préoccupe <strong>et</strong> m'inquiète à prés<strong>en</strong>t ! Je<br />

press<strong>en</strong>s que c'est une chose semblable qui va se manifester ici avec éclat, mais<br />

ce que je ne compr<strong>en</strong>ds pas, ce sont les nobles paï<strong>en</strong>s ; car ils sembl<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ir à<br />

Lui comme à leur propre vie ! »<br />

424


7. Chabbi dit : « N'as-tu pas <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du ce qui est dit dans Isaïe : "Il ôtera le voile<br />

qui couvrait les paï<strong>en</strong>s" ? Autrem<strong>en</strong>t dit, Il S'est déjà révélé à ceux-ci, qui sont<br />

les premiers <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s ! Ils sav<strong>en</strong>t déjà ce qu'il <strong>en</strong> est <strong>de</strong> Lui, <strong>et</strong> c'est pourquoi ils<br />

Lui témoign<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te respectueuse soumission. Ils sont sans doute déjà<br />

parfaitem<strong>en</strong>t convaincus qu'il pourrait d'un souffle, Lui qui est le Tout-Puissant<br />

éternel, les disperser pour toujours comme la balle du grain, <strong>et</strong> c'est pourquoi ils<br />

éprouv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant Lui un infini respect ; aussi m'apparaît-il qu'ils ont déjà été<br />

vaincus par Lui, <strong>et</strong> que les bons Juifs sont délivrés ! — Voilà mon opinion.<br />

8. Et il est écrit plus loin chez le même prophète : "Le Seigneur essuiera les<br />

pleurs sur tous les visages, Il ôtera l'opprobre <strong>de</strong> Son peuple sur toute la terre."<br />

Cela nous concerne assurém<strong>en</strong>t aussi, nous qui vivons <strong>en</strong> Perse ; simplem<strong>en</strong>t,<br />

nous ne sommes visiblem<strong>en</strong>t pas les premiers pour qui Il fait cela, mais c'est à<br />

prés<strong>en</strong>t notre tour, <strong>et</strong> il semble que ce soit justem<strong>en</strong>t le mom<strong>en</strong>t où Il Se m<strong>et</strong> à<br />

p<strong>en</strong>ser aux Juifs <strong>de</strong>s autres pays. Et c'est avec nous qu'il a comm<strong>en</strong>cé à sécher<br />

leurs larmes <strong>et</strong> à ôter leur opprobre ! Par exception, notre position terrestre est<br />

assez bonne pour que, même dans un pays étranger, nous n'ayons pas <strong>de</strong> raison<br />

<strong>de</strong> verser <strong>de</strong>s larmes, <strong>et</strong> nous ne subissons aucun opprobre ; mais il y a là-bas <strong>de</strong>s<br />

milliers <strong>de</strong> nos frères <strong>et</strong> sœurs qui sont eux-mêmes dans une <strong>grand</strong>e détresse. Les<br />

paï<strong>en</strong>s les raill<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t cruellem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ils sont partout un obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> mépris ;<br />

mais nous, nous sommes <strong>en</strong> position <strong>de</strong> tous les secourir <strong>et</strong>, <strong>en</strong> Son nom,<br />

d'essuyer les larmes sur leurs visages <strong>et</strong> d'ôter les longues années d'opprobre !<br />

C'est pour cela, semble-t-il, que le Seigneur qui est visiblem<strong>en</strong>t ici nous a sauvés<br />

<strong>et</strong> fait v<strong>en</strong>ir sur c<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite montagne, afin que nous soyons Ses instrum<strong>en</strong>ts<br />

auprès <strong>de</strong> ceux qui viv<strong>en</strong>t dans d'autres pays. Telle est mon opinion sur tout cela.<br />

— Mais parle à prés<strong>en</strong>t, mon ami ! »<br />

9. Jurah dit : « Oui, je crois bi<strong>en</strong> que tu es tombé juste ! Tout doit être comme tu<br />

le dis ! Mais si, comme cela est tout à fait certain, il <strong>en</strong> est vraim<strong>en</strong>t ainsi, la<br />

<strong>grand</strong>e question continue <strong>de</strong> se poser : comm<strong>en</strong>t L'approcherons-nous, nous qui<br />

sommes plongés jusqu'au cou dans le péché ? Car il est pourtant écrit : "Nul ne<br />

peut ni ne doit approcher Dieu s'il a <strong>en</strong> lui un seul péché !" Et nous sommes sans<br />

doute impurs <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s manières ! Comm<strong>en</strong>t nous purifier ? À qui pourrionsnous<br />

bi<strong>en</strong> faire l'offran<strong>de</strong> capable <strong>de</strong> nous purifier <strong>de</strong> nos péchés <strong>de</strong>vant Dieu ? !<br />

»<br />

Chapitre 209<br />

De la prière<br />

1. J’intervi<strong>en</strong>s alors à nouveau <strong>et</strong> leur dis : « Je le ferai Moi-même ; car si J'ai pu<br />

dire aux morts : "Réveillez-vous <strong>et</strong> vivez !", Je puis bi<strong>en</strong> aussi, <strong>et</strong> avec autant<br />

d'eff<strong>et</strong>, vous dire : "Soyez purs, <strong>et</strong> tous vos péchés vous sont remis !", <strong>et</strong> que vous<br />

soyez désormais purs <strong>et</strong> sans péché <strong>de</strong>vant Moi ! Le croyez-vous ? »<br />

2. Jurah <strong>et</strong> Chabbi dis<strong>en</strong>t : « Seigneur, nous le croyons ! Puisque, selon Ton<br />

décr<strong>et</strong> infinim<strong>en</strong>t saint, il doit <strong>en</strong> être ainsi pour le salut <strong>de</strong> tous les Juifs <strong>et</strong><br />

paï<strong>en</strong>s, aie pitié <strong>de</strong> nous qui sommes <strong>de</strong> pauvres pécheurs <strong>de</strong>vant Toi, sois-nous<br />

clém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> miséricordieux ! Ô Seigneur, sois désormais avec nous <strong>et</strong> avec l'esprit<br />

425


<strong>de</strong> tous ceux qui seront éveillés par Toi à la vie étemelle, maint<strong>en</strong>ant <strong>et</strong> dans les<br />

siècles <strong>de</strong>s siècles ! Mais à prés<strong>en</strong>t que nous T'avons nous aussi reconnu, ô<br />

Seigneur, <strong>et</strong> que nos cœurs brûl<strong>en</strong>t d'amour pour Toi, souffre que nous<br />

épanchions nos cœurs <strong>et</strong> que nous T'adorions dans toute la ferveur <strong>et</strong> la parfaite<br />

contrition <strong>de</strong> notre âme ! »<br />

3. Je dis : « Il n'<strong>en</strong> sortira ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> bon, Mes chers amis <strong>et</strong> frères ! Vous avez lu ce<br />

que Mon esprit a dit par la bouche d'un prophète : "Ce peuple M'honore <strong>de</strong>s<br />

lèvres, mais son cœur est loin <strong>de</strong> Moi !" Et Je vous le répète Moi-même : toute<br />

prière qui ne vi<strong>en</strong>t que <strong>de</strong>s lèvres est pour Moi une abomination !<br />

4. Ayez un vrai bon s<strong>en</strong>s <strong>et</strong> un cœur compréh<strong>en</strong>sif, faites le bi<strong>en</strong> à tous ceux qui<br />

peuv<strong>en</strong>t avoir besoin <strong>de</strong> votre ai<strong>de</strong> ! Faites le bi<strong>en</strong> même à vos <strong>en</strong>nemis, <strong>et</strong><br />

bénissez ceux qui vous maudiss<strong>en</strong>t ! C'est ainsi que vous Me ressemblerez, car Je<br />

fais briller Mon soleil sur les bons comme sur les méchants, <strong>et</strong> Ma main toutepuissante<br />

comble chaque jour <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>faits Mes pires <strong>en</strong>nemis ; ce n'est que<br />

contre les trop <strong>grand</strong>s criminels que Je brandis Ma férule. Oui, Je vous le dis,<br />

vous êtes tous les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Mon cœur <strong>et</strong> les frères <strong>de</strong> Mon âme. Aussi, lorsque<br />

vous priez, ne le faites pas, comme les paï<strong>en</strong>s <strong>et</strong> les Pharisi<strong>en</strong>s, uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s<br />

lèvres <strong>et</strong> avec <strong>de</strong>s mots formés par votre langue <strong>de</strong> chair, mais priez comme Je<br />

vous l'ai dit, <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> vérité, par <strong>de</strong>s œuvres vivantes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s actes d'amour<br />

<strong>en</strong>vers votre prochain, <strong>et</strong> chaque parole prononcée <strong>en</strong> Mon nom sera alors une<br />

véritable prière que J'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>drai toujours ; mais Je n'écoute jamais les murmures<br />

<strong>de</strong>s lèvres. — M'avez-vous bi<strong>en</strong> compris maint<strong>en</strong>ant ? »<br />

5. Chabbi dit : « Ô Seigneur, combi<strong>en</strong> Tu es différ<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que nous imaginions<br />

! Qui, T'ayant reconnu, pourrait ne pas T'aimer par-<strong>de</strong>ssus tout ?! Tu es l'amour<br />

<strong>et</strong> la bonté mêmes, <strong>et</strong> combi<strong>en</strong> Ta sainte doctrine est infinim<strong>en</strong>t éloignée <strong>de</strong> toute<br />

obscurité, combi<strong>en</strong> chaque parole <strong>de</strong> Ta bouche est facile à compr<strong>en</strong>dre ! Oui,<br />

nous croyons pleinem<strong>en</strong>t désormais que Tu es véritablem<strong>en</strong>t le Messie att<strong>en</strong>du,<br />

<strong>et</strong> il n'<strong>en</strong> est pas d'autre que Toi ! »<br />

6. Je dis : « Fort bi<strong>en</strong>, fort bi<strong>en</strong>, Mes chers amis ! Je vous connaissais <strong>et</strong> vous ai<br />

montré un chemin pour v<strong>en</strong>ir à Moi, comme Je le fis pour le prophète Elie. Dans<br />

la viol<strong>en</strong>te tempête était Ma volonté, dans le feu Ma puissance ; mais c'est dans<br />

le doux souffle que Je suis <strong>en</strong> personne. Et <strong>de</strong> même, il vous a fallu traverser une<br />

viol<strong>en</strong>te tempête <strong>et</strong> passer par l'eau <strong>et</strong> le feu pour arriver jusqu'à Moi. Mais<br />

maint<strong>en</strong>ant, vous êtes près <strong>de</strong> Moi <strong>et</strong> M'avez trouvé, Moi que vous cherchiez<br />

<strong>de</strong>puis si longtemps ; mais, si difficile qu'il soit pour beaucoup <strong>de</strong> Me trouver,<br />

une fois que l'on M'a trouvé, il est bi<strong>en</strong> plus difficile <strong>de</strong> Me perdre ! Ceux qui<br />

M'ont pris dans leur cœur, Je les pr<strong>en</strong>ds Moi aussi ; <strong>et</strong> celui que J'ai pris peut sans<br />

doute Me quitter, mais Je ne le quitterai jamais Moi-même. Car Mon amour ne<br />

dure pas qu'un temps, il est éternel, <strong>et</strong> celui qui l'a reçu dans son cœur ne pourra<br />

plus jamais se détacher <strong>de</strong> Moi ! Car Mon amour lui ti<strong>en</strong>t pour toujours<br />

fermem<strong>en</strong>t la bri<strong>de</strong>, afin qu'il ne puisse plus jamais vraim<strong>en</strong>t s'égarer loin <strong>de</strong><br />

Moi. Et il <strong>en</strong> ira <strong>de</strong> même pour vous ! Certes, vous r<strong>en</strong>contrerez <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

circonstances <strong>et</strong> <strong>de</strong>s situations où il vous <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra quelque peu difficile <strong>de</strong><br />

confesser Mon nom <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer fermes dans votre foi — car il arrivera<br />

bi<strong>en</strong>tôt, parce qu'elles doiv<strong>en</strong>t arriver, <strong>de</strong>s choses qui amoindriront votre foi —,<br />

mais, le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u, Je vous fortifierai <strong>et</strong> éclairerai pleinem<strong>en</strong>t vos cœurs.<br />

426


Après quoi vous ne serez plus jamais t<strong>en</strong>tés à cause <strong>de</strong> Mon nom, mais<br />

<strong>de</strong>meurerez toujours dans Mon amour <strong>et</strong> dans Ma force.<br />

7. Mais autre chose <strong>en</strong>core. Vous allez r<strong>et</strong>ourner <strong>en</strong> Perse. Quand, bi<strong>en</strong>tôt, vous<br />

serez là-bas, faites connaître fidèlem<strong>en</strong>t, sans ri<strong>en</strong> y ajouter, ce que vous avez<br />

trouvé ici <strong>et</strong> tout ce qui vous est arrivé pour le salut <strong>de</strong> tous les hommes sur terre<br />

! C'est ainsi que vous travaillerez vous aussi dans mes vignes. Prêchez aussi cela<br />

à votre roi, afin qu'il sache ce qu'il a à faire ! Il doit r<strong>en</strong>oncer à l'ignorance<br />

paï<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> ne plus jamais écouter les trompeuses paroles <strong>de</strong>s mages qui se dis<strong>en</strong>t<br />

prêtres <strong>de</strong> Dieu, mais ne sont <strong>en</strong> réalité que <strong>de</strong>s serviteurs <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer. Il doit aussi<br />

chasser du pays les mauvais apôtres <strong>de</strong> Jérusalem qui travers<strong>en</strong>t les pays <strong>et</strong> les<br />

mers pour convertir les paï<strong>en</strong>s au judaïsme ; mais lorsqu'ils ont fait un Juif d'un<br />

paï<strong>en</strong>, celui-ci est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u bi<strong>en</strong> davantage un serviteur <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer qu'il ne l'était <strong>en</strong><br />

tant que paï<strong>en</strong>. Et, outre ces conversions, les mauvais apôtres <strong>de</strong> Jérusalem<br />

répan<strong>de</strong>nt partout <strong>de</strong> méchantes rumeurs, comme celle concernant la cruauté <strong>de</strong>s<br />

Romains <strong>et</strong> que vous nous avez révélée avec évi<strong>de</strong>nce <strong>en</strong> vous montrant, par<br />

crainte <strong>de</strong>s Romains, d'une si extraordinaire pru<strong>de</strong>nce <strong>en</strong>vers Moi !<br />

8. Ainsi, c'est pour remédier à tout ce mal que Je vous ai appelés <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s<br />

milliers <strong>de</strong> milliers d'autres dans votre pays, afin <strong>de</strong> vous confier c<strong>et</strong>te légère<br />

tâche pour laquelle vous avez plus qu'assez <strong>de</strong> forces <strong>et</strong> <strong>de</strong> moy<strong>en</strong>s ! Et votre<br />

récomp<strong>en</strong>se ne sera pas <strong>de</strong>s moindres un jour dans Mon royaume éternel !<br />

9. Vous savez désormais ce que vous avez à faire <strong>en</strong> Mon nom, <strong>et</strong> aussi au nom<br />

<strong>de</strong>s Romains, si ignominieusem<strong>en</strong>t calomniés là-bas ; que la bonne volonté, le<br />

zèle <strong>et</strong> le travail ne vous manqu<strong>en</strong>t pas, <strong>et</strong> Je ne vous laisserai manquer <strong>de</strong> ri<strong>en</strong><br />

Moi non plus !<br />

10. Mais Je vois Marc sortir <strong>de</strong> sa maison. Il vi<strong>en</strong>t nous convier au repas du soir,<br />

qui a certes été r<strong>et</strong>ardé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux p<strong>et</strong>ites heures aujourd'hui, mais la tempête <strong>en</strong> est<br />

cause. La grêle a quelque peu touché un <strong>grand</strong> nombre <strong>de</strong> bancs, qui ont dû être<br />

réparés. Mais à prés<strong>en</strong>t, tout est <strong>de</strong> nouveau parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ordre, <strong>et</strong> un très bon<br />

repas nous att<strong>en</strong>d, aussi, ayant bi<strong>en</strong> travaillé, pr<strong>en</strong>ons une nouvelle fois nos aises<br />

! »<br />

Chapitre 210<br />

L'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> Jarah<br />

1. Notre vieil hôte Marc arriva alors <strong>et</strong> Me dit : « Seigneur <strong>et</strong> Maître, le repas est<br />

prêt ; Te plaît-il que je le fasse à l'instant disposer sur les tables maint<strong>en</strong>ant<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t reconstruites ? »<br />

2. Je dis : « Fais-le, car J'ai Moi-même <strong>grand</strong>-faim aujourd'hui <strong>et</strong> Me réjouis <strong>de</strong> la<br />

perspective d'un bon poisson, d'un bon morceau <strong>de</strong> pain <strong>et</strong> d'un bon vin pur !<br />

3. Mais tes <strong>de</strong>ux fils doiv<strong>en</strong>t d'abord r<strong>et</strong>ourner j<strong>et</strong>er un coup d'œil dans la mer.<br />

Quelques cadavres flott<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core le long du rivage ; il s'agit <strong>de</strong> plusieurs<br />

pauvres Juifs avec leurs épouses <strong>et</strong> leurs <strong>en</strong>fants. Je ne veux pas qu'ils trouv<strong>en</strong>t la<br />

mort, ni eux, ni personne d'autre tant que Je séjournerai ici. La mer est lisse<br />

427


comme un miroir, <strong>et</strong> les étoiles brill<strong>en</strong>t ce soir d'un vif éclat. Tes fils s'acquitteront<br />

facilem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te tâche, <strong>et</strong> ce d'autant plus qu'ils seront fort bi<strong>en</strong> secondés<br />

par les matelots <strong>de</strong> Kisjonah <strong>et</strong> d'Ebahi <strong>de</strong> Génézar<strong>et</strong>h prés<strong>en</strong>ts ici, ainsi que par<br />

l'équipage <strong>de</strong> Cornélius. Il y a là neuf personnes qui flott<strong>en</strong>t sur la mer,<br />

dispersées à une lieue <strong>et</strong> <strong>de</strong>mie tout au plus du rivage, <strong>et</strong> qu'ils doiv<strong>en</strong>t ram<strong>en</strong>er ;<br />

mais une fois ici, qu'on les dispose sur un sol <strong>en</strong> p<strong>en</strong>te douce, le visage vers le<br />

bas, <strong>et</strong> qu'on les laisse ainsi couchées jusqu'au matin ! Demain seulem<strong>en</strong>t, Je les<br />

ressusciterai. »<br />

4. Marc <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Seigneur, pourquoi donc seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>main <strong>et</strong> non dès ce<br />

soir ? »<br />

5. Je dis : « Ne te soucie pas <strong>de</strong> cela, ami Marc ! Je sais bi<strong>en</strong> pourquoi l'herbe qui<br />

fera verdir les prés l'an prochain ne pousse pas dès c<strong>et</strong>te année ! Aussi, ne te<br />

soucie pas <strong>de</strong> cela, car Je compr<strong>en</strong>ds Mon ordonnance bi<strong>en</strong> mieux que tu ne le<br />

fais, Mon très cher Marc ! À prés<strong>en</strong>t, va, afin que tout ce qui doit être fait soit<br />

bi<strong>en</strong> fait ! »<br />

6. Marc s'<strong>en</strong> va <strong>et</strong> fait aussitôt apporter les plats sur les tables, <strong>et</strong> il annonce<br />

égalem<strong>en</strong>t leur tâche à ses fils, qui, sur-le-champ, mont<strong>en</strong>t dans une <strong>grand</strong>e<br />

barque <strong>et</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt leur ai<strong>de</strong> aux matelots déjà désignés.<br />

7. Cep<strong>en</strong>dant, nous quittons notre place <strong>et</strong> nous r<strong>en</strong>dons à nos tables, qui ont été<br />

disposées dans l'ordre que l'on connaît ; mais les trois ressuscités <strong>et</strong> la femme<br />

vont dans la maison <strong>de</strong> Marc, où on leur donne à manger <strong>et</strong> à boire ainsi qu'une<br />

bonne couche pour la nuit — tout cela selon Ma volonté, afin qu'ils soi<strong>en</strong>t<br />

fortifiés pour le l<strong>en</strong><strong>de</strong>main.<br />

8. Comme nous nous r<strong>en</strong>dons aux tables, ceux qui occupai<strong>en</strong>t les t<strong>en</strong>tes<br />

comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t à <strong>en</strong> sortir <strong>et</strong> vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t eux aussi vers les tables préparées<br />

pour eux.<br />

9. Jarah Me pousse alors du cou<strong>de</strong> <strong>et</strong> dit : « Seigneur, Toi mon amour toujours<br />

plus <strong>grand</strong>, regar<strong>de</strong> ces vaillants combattants <strong>de</strong> Ton royaume qui comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t<br />

seulem<strong>en</strong>t à se faufiler <strong>de</strong>hors, poussés par la faim ! En vérité, hormis Mathaël, il<br />

y a là bi<strong>en</strong> peu <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s esprits ! Ah, ce fut trop drôle <strong>de</strong> voir, au début <strong>de</strong> la<br />

tempête, les cinquante Pharisi<strong>en</strong>s chassés précipitamm<strong>en</strong>t vers ces <strong>grand</strong>es t<strong>en</strong>tes<br />

par les premiers grêlons d'une livre !<br />

10. Ils savai<strong>en</strong>t aussi bi<strong>en</strong> que moi que Tu es la plus sûre protection contre tous<br />

les désagrém<strong>en</strong>ts, <strong>et</strong> pourtant, manquant <strong>de</strong> foi <strong>et</strong> <strong>de</strong> courage, ils ont cherché une<br />

protection matérielle. À prés<strong>en</strong>t, il est clair qu'ils ont honte d'avoir fait cela, <strong>et</strong> à<br />

ce qu'il me semble, ô Seigneur, ils n'os<strong>en</strong>t plus se prés<strong>en</strong>ter <strong>de</strong>vant Toi ! Mathaël<br />

serait bi<strong>en</strong> resté avec ses compagnons ; mais il lui fallait bi<strong>en</strong> suivre sa jeune <strong>et</strong><br />

très belle épouse royale. Il faut donc lui pardonner, selon moi ; mais pour les<br />

autres, la faiblesse <strong>de</strong> leur confiance <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur foi est seule coupable, <strong>et</strong> je ne<br />

puis avoir une <strong>grand</strong>e estime pour eux. »<br />

11. Je dis : « Tu as certes raison, Ma p<strong>et</strong>ite fille ; mais laissons ceux qui ont<br />

<strong>en</strong>core quelque faiblesse ici ou là — car le temps <strong>et</strong> <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces diverses les<br />

r<strong>en</strong>dront plus forts <strong>en</strong> toute chose! Songe à tout ce que tu as appris à Mes côtés,<br />

<strong>et</strong> qu'il t'est donc facile d'avoir plus <strong>de</strong> courage ; mais ceux-ci ne connaiss<strong>en</strong>t<br />

428


<strong>en</strong>core que peu <strong>de</strong> chose, <strong>et</strong> c'est pourquoi leur crainte pouvait bi<strong>en</strong> être plus<br />

<strong>grand</strong>e que leur confiance. Mais à l'av<strong>en</strong>ir, ils <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront eux aussi plus<br />

confiants. — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela ? »<br />

12. Jarah dit : « Oui, je le conçois bi<strong>en</strong>; mais je sais aussi qu'à Génézar<strong>et</strong>h, ils <strong>en</strong><br />

ont tous appris autant que moi, <strong>et</strong> pourtant, personne d'autre que moi n'a osé au<br />

début Te suivre sur l'eau, pas même Tes disciples ! D'où vi<strong>en</strong>t donc qu'ils étai<strong>en</strong>t<br />

moins confiants ? »<br />

13. Je dis : « Là <strong>en</strong>core, <strong>de</strong> ce que tu <strong>en</strong> savais malgré tout davantage qu'eux ; car<br />

Mon ange te choyait visiblem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> tu as fait <strong>de</strong>s expéri<strong>en</strong>ces que nul être<br />

humain n'avait <strong>en</strong>core jamais faites. Il est vrai que pour faire cela, c'est toi qui<br />

avais <strong>en</strong>vers Moi l'amour le plus <strong>grand</strong>, dans lequel rési<strong>de</strong> toujours la plus <strong>grand</strong>e<br />

confiance.<br />

14. Aussi, ne t'étonne pas outre mesure si ta confiance <strong>en</strong> Moi est plus forte que<br />

celles <strong>de</strong>s autres hommes ; car c'est ton <strong>grand</strong> amour qui te donne cela !<br />

15. Mais, comme Je te l'ai déjà fait remarquer à Génézar<strong>et</strong>h, tu r<strong>en</strong>contreras toi<br />

aussi dans quelques années maintes t<strong>en</strong>tations qu'il te faudra combattre, malgré ta<br />

très <strong>grand</strong>e foi <strong>en</strong> Moi. Cep<strong>en</strong>dant, la force <strong>et</strong> la puissance <strong>de</strong> Mon nom te feront<br />

triompher <strong>de</strong> toutes les t<strong>en</strong>tations, <strong>et</strong> <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t-là, tu iras dans Ma lumière <strong>en</strong><br />

toute liberté.<br />

16. Car ce qu'un homme veut obt<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> Moi librem<strong>en</strong>t, il doit le conquérir par<br />

ses propres forces ! Jusqu'ici, Ma p<strong>et</strong>ite fille, tu n'as pas sout<strong>en</strong>u <strong>de</strong> véritable<br />

combat, <strong>et</strong> ce n'était ni le mom<strong>en</strong>t ni l'occasion ; tout cela vi<strong>en</strong>dra pour tous les<br />

hommes lorsque Ma tâche sur c<strong>et</strong>te terre sera accomplie.<br />

17. À prés<strong>en</strong>t, Je ne suis que le semeur qui dépose le bon grain dans le champ<br />

vivant <strong>de</strong> vos cœurs. La sem<strong>en</strong>ce y germera, puis lèvera pour donner son fruit<br />

bi<strong>en</strong>faisant ; c'est alors que vous <strong>de</strong>vrez cultiver ce fruit à <strong>grand</strong>-peine <strong>et</strong> avec<br />

beaucoup d'abnégation sur le sol <strong>de</strong> votre propre vie ! Bi<strong>en</strong>heureux celui qui<br />

<strong>en</strong>grangera <strong>en</strong> abondance, dans les granges <strong>de</strong> Mon esprit que J'aurai édifiées <strong>en</strong><br />

lui, la bonne récolte que J'aurai semée dans son cœur ! En vérité, celui-là n'aura<br />

plus jamais faim ni soif éternellem<strong>en</strong>t !<br />

18. Ainsi donc, ce que tu possè<strong>de</strong>s à prés<strong>en</strong>t, Ma très chère Jarah, n'est que la<br />

graine semée par Moi dans ton cœur. Dans quelques années, c<strong>et</strong>te graine sera un<br />

champ ondoyant exposé à toutes les tempêtes ; c'est alors que, par Mon nom <strong>et</strong><br />

par un <strong>grand</strong> amour <strong>de</strong> Moi plein <strong>de</strong> r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t, il faudra, avec force <strong>et</strong><br />

confiance, préserver ce champ ondoyant <strong>de</strong>s tempêtes qui le m<strong>en</strong>ac<strong>en</strong>t, afin<br />

qu'elles n'anéantiss<strong>en</strong>t point, <strong>en</strong> éclatant, le magnifique champ que J'ai Moimême<br />

labouré pour le mieux ! Car une fois qu'une tempête dévastatrice se déchaîne<br />

sur un tel champ, il est presque impossible d'y m<strong>et</strong>tre fin.<br />

19. Tu te souvi<strong>en</strong>s assurém<strong>en</strong>t qu'il y a quelques semaines, à Génézar<strong>et</strong>h, J'ai fait<br />

pour toi un p<strong>et</strong>it jardin où J'ai planté toutes sortes <strong>de</strong> plantes utiles. Les plantes<br />

pouss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> abondamm<strong>en</strong>t ; mais le p<strong>et</strong>it jardin <strong>et</strong> les plantes doiv<strong>en</strong>t être<br />

soignés, la mauvaise herbe doit être arrachée s'il <strong>en</strong> pousse, <strong>et</strong> s'il fait très chaud<br />

<strong>et</strong> sec, il ne faut pas négliger l'arrosoir.<br />

20. Et c'est un semblable jardin, vois-tu, que J'ai aussi disposé dans ton cœur <strong>et</strong><br />

429


abondamm<strong>en</strong>t planté <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> plantes utiles ; c'est à toi seule que<br />

revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t désormais l'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> <strong>et</strong> la culture <strong>de</strong> ce p<strong>et</strong>it jardin. Accor<strong>de</strong> toute ton<br />

att<strong>en</strong>tion <strong>et</strong> tout ton zèle à l'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> <strong>et</strong> à la culture <strong>de</strong> ce p<strong>et</strong>it jardin, <strong>et</strong> tu y feras<br />

très bi<strong>en</strong>tôt une riche récolte ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu bi<strong>en</strong> c<strong>et</strong>te image ? »<br />

21. Jarah dit : « Oui, Seigneur, Toi mon unique amour, je la compr<strong>en</strong>ds tout à<br />

fait, mais je suis un peu attristée à l'idée <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir <strong>en</strong>core subir tant <strong>de</strong> tempêtes<br />

jusqu'à la récolte ! Cep<strong>en</strong>dant, j'espère <strong>et</strong> je crois que Tu ne laisseras pas périr Ta<br />

pauvre servante si, dans la détresse, elle T'appelle à l'ai<strong>de</strong> ; car Tu as déjà<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>et</strong> écouté mes supplications lorsque je ne T'avais pas <strong>en</strong>core vu <strong>et</strong><br />

reconnu comme aujourd'hui ! »<br />

22. Je dis : « Tous ceux qui Me reconnaiss<strong>en</strong>t <strong>et</strong> M'appell<strong>en</strong>t dans leur cœur <strong>et</strong><br />

qui ont foi dans la puissance <strong>de</strong> Mon nom ne connaîtront jamais l'opprobre ni la<br />

douleur, tu peux <strong>en</strong> être pleinem<strong>en</strong>t assurée ! Mais à prés<strong>en</strong>t, il s'agit <strong>de</strong> se m<strong>et</strong>tre<br />

à table <strong>et</strong> <strong>de</strong> manger ce qui est servi ! »<br />

Chapitre 211<br />

Explication du quatrième comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, nous allons rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t vers les tables <strong>et</strong> nous m<strong>et</strong>tons à manger.<br />

C<strong>et</strong>te fois, on ne parla pas p<strong>en</strong>dant le repas ; mais quand on eut bu du vin, la<br />

compagnie comm<strong>en</strong>ça à s'animer. Près <strong>de</strong> la table où J'étais assis avec Cyrénius,<br />

Cornélius, Faustus <strong>et</strong> Jules, Mes disciples, Ebahi, Jarah, Kisjonah, Philopold,<br />

Ouran, Hélène, Mathaël <strong>et</strong> ses compagnons, l'ange Raphaël <strong>et</strong> le garçon Josoé, on<br />

avait installé une nouvelle table pour les Perses ; tous les autres convives que<br />

nous connaissons déjà étai<strong>en</strong>t assis aux tables disposées pour eux <strong>de</strong> la manière<br />

que l'on sait, selon leur appart<strong>en</strong>ance.<br />

2. Cep<strong>en</strong>dant, tous s'étonnai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'agréable douceur du soir, après une si<br />

viol<strong>en</strong>te tempête ; <strong>et</strong> l'on s'étonnait particulièrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> voir le sol tout à fait sec<br />

là où, <strong>de</strong>ux heures auparavant, l'eau montait <strong>en</strong>core à une hauteur <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pieds.<br />

Ouran Me <strong>de</strong>manda comm<strong>en</strong>t tant <strong>de</strong> g<strong>en</strong>s trouverai<strong>en</strong>t à se coucher pour la nuit.<br />

Il voulait bi<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre dans ses t<strong>en</strong>tes ceux qu'elles pourrai<strong>en</strong>t cont<strong>en</strong>ir ; mais,<br />

s'agissant ici <strong>de</strong> loger plusieurs c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> personnes, ses t<strong>en</strong>tes serai<strong>en</strong>t certes<br />

loin d'y suffire !<br />

3. Je dis : « Ami, Adam <strong>et</strong> ses premiers <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants n'avai<strong>en</strong>t ni t<strong>en</strong>tes, ni huttes,<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins <strong>de</strong> maisons confortablem<strong>en</strong>t aménagées pour toute chose ; le sol<br />

<strong>de</strong> la terre <strong>et</strong> l'ombre d'un arbre étai<strong>en</strong>t tout ce qu'ils avai<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ils passèr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>s nuits sous les étoiles <strong>et</strong> <strong>de</strong>meurèr<strong>en</strong>t sains <strong>et</strong> forts. Ils ne savai<strong>en</strong>t même pas<br />

couvrir leurs corps ; une feuille <strong>de</strong> figuier couvrant leur nudité était tout leur<br />

vêtem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> tous atteignir<strong>en</strong>t un âge <strong>de</strong> plusieurs c<strong>en</strong>taines d'années ! Mais à<br />

prés<strong>en</strong>t que les hommes ont découvert toutes les commodités <strong>de</strong> la vie <strong>et</strong>, pour un<br />

paradis terrestre perdu, s'<strong>en</strong> sont construit <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>taines <strong>de</strong> milliers, il est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u<br />

merveilleux d'atteindre l'âge <strong>de</strong> c<strong>en</strong>t ans !<br />

4. La faute <strong>en</strong> est à l'amollissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s hommes, qui s'éloign<strong>en</strong>t ainsi <strong>de</strong> la nature<br />

<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te planète tout <strong>en</strong>tière vouée à porter <strong>et</strong> nourrir les hommes, <strong>et</strong> à les<br />

430


maint<strong>en</strong>ir forts <strong>et</strong> <strong>en</strong> bonne santé !<br />

5. Aussi, Mon cher Ouran, ne te fais aucun souci pour le gîte <strong>de</strong> tous ces hôtes ;<br />

un sol bon <strong>et</strong> sain les logera tous parfaitem<strong>en</strong>t ! Celui que le sommeil pr<strong>en</strong>d se<br />

repose fort bi<strong>en</strong> sur un oreiller <strong>de</strong> pierre ; lorsque la pierre sous sa tête le gêne,<br />

c'est qu'il n'est plus fatigué <strong>et</strong> n'a plus autant besoin <strong>de</strong> repos, <strong>et</strong> il peut alors se<br />

lever <strong>et</strong> aller travailler !<br />

6. Un lit trop mou r<strong>en</strong>d l'homme mou <strong>et</strong> le prive <strong>de</strong> l'indisp<strong>en</strong>sable force <strong>de</strong> ses<br />

membres, <strong>et</strong> un sommeil trop long affaiblit l'âme <strong>et</strong> les muscles du corps. La<br />

nature <strong>de</strong> l'homme est comme un nourrisson que ri<strong>en</strong> ne nourrit aussi bi<strong>en</strong> que le<br />

sein <strong>de</strong> sa mère ; <strong>et</strong> les <strong>en</strong>fants qui reçoiv<strong>en</strong>t longtemps leur nourriture du sein<br />

d'une mère forte — à condition qu'elle soit aussi naturellem<strong>en</strong>t saine <strong>et</strong> intègre<br />

qu'une Eve — <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t forts comme <strong>de</strong>s géants, <strong>et</strong> même le combat avec un<br />

lion ne les fatiguera pas.<br />

7. De même, la nature <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre est elle aussi un vrai sein nourricier pour les<br />

hommes qui ne s'<strong>en</strong> éloign<strong>en</strong>t pas par toutes sortes d'amollissem<strong>en</strong>ts inutiles.<br />

Mais une fois que les hommes se sont éloignés <strong>de</strong> ce <strong>grand</strong> sein maternel <strong>et</strong> ont<br />

rompu avec son influ<strong>en</strong>ce fortifiante, il <strong>en</strong> va bi<strong>en</strong> sûr d'eux, lorsqu'ils<br />

r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t son sein plein <strong>de</strong> lait, comme d'un homme adulte qui <strong>de</strong>vrait boire le<br />

lait d'une mère. Il <strong>en</strong> éprouve un dégoût à vomir. Ce qui, <strong>en</strong>fant, le fortifiait <strong>et</strong> le<br />

nourrissait le mieux indisposera <strong>et</strong> r<strong>en</strong>dra mala<strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme <strong>de</strong>puis longtemps<br />

sevré du lait maternel.<br />

8. Cep<strong>en</strong>dant, si l'homme ne peut assurém<strong>en</strong>t tirer toujours du sein maternel la<br />

force physique <strong>de</strong> ses muscles, il ne <strong>de</strong>vrait jamais s'éloigner par trop du sein <strong>de</strong><br />

la mère Terre s'il veut rester sain <strong>et</strong> fort <strong>et</strong> vivre longtemps selon le corps.<br />

9. Moïse disait : "Honore ton père <strong>et</strong> ta mère, afin <strong>de</strong> vivre longtemps <strong>et</strong> d'être<br />

heureux sur terre !" Moïse ne désignait pas seulem<strong>en</strong>t par là le père procréateur<br />

<strong>et</strong> la mère qui a <strong>en</strong>fanté, mais aussi <strong>et</strong> tout autant la terre avec sa force qui<br />

<strong>en</strong>fante sans cesse une vie nouvelle. À celle-là non plus, l'homme ne doit pas<br />

tourner le dos, mais manifester activem<strong>en</strong>t le plus <strong>grand</strong> respect, ce pour quoi il<br />

recevra corporellem<strong>en</strong>t la bénédiction promise par Moïse. Honorer ses père <strong>et</strong><br />

mère corporels est bon <strong>et</strong> nécessaire, lorsque les circonstances s'y prêt<strong>en</strong>t <strong>et</strong> que<br />

cela est faisable ; mais si ce que Moïse a promis est parole divine, l'eff<strong>et</strong> doit <strong>en</strong><br />

être universel <strong>et</strong> ne pouvoir être susp<strong>en</strong>du par ri<strong>en</strong> !<br />

10. Car si la promesse <strong>de</strong> Moïse est limitée à ce que seuls ceux qui honor<strong>en</strong>t leurs<br />

par<strong>en</strong>ts corporels puiss<strong>en</strong>t jouir d'une longue vie <strong>et</strong> du bonheur sur terre, elle<br />

n'annonce ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> bon pour ceux qui, comme il arrive souv<strong>en</strong>t, ont perdu ces<br />

par<strong>en</strong>ts dès le berceau pour être élevés <strong>en</strong>suite par <strong>de</strong> parfaits étrangers !<br />

Comm<strong>en</strong>t ceux-là honoreront-ils leurs vrais par<strong>en</strong>ts, qu'ils n'ont jamais connus ?!<br />

11. Beaucoup d'<strong>en</strong>fants sont trouvés sur les chemins, conçus dans la luxure par<br />

<strong>de</strong>s mères dénaturées qui les abandonn<strong>en</strong>t peu après leur naissance. De tels<br />

<strong>en</strong>fants trouvés sont recueillis <strong>et</strong> nourris par <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s au cœur bon <strong>et</strong><br />

compatissant, <strong>et</strong> c'est à ces bi<strong>en</strong>faiteurs qu'ils doiv<strong>en</strong>t alors tout leur amour <strong>et</strong> leur<br />

respect. Or, Moïse ne dit ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> ces pseudo-par<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> ne parle que <strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts<br />

véritables !<br />

431


12. Pourtant, l'<strong>en</strong>fant trouvé bi<strong>en</strong> élevé ne peut <strong>en</strong> aucun cas honorer ses vrais<br />

par<strong>en</strong>ts, tout d'abord parce qu'il ne les connaît point, <strong>en</strong>suite parce que, même s'il<br />

les connaissait, il n'aurait <strong>en</strong> vérité, <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant les hommes, aucune<br />

obligation <strong>de</strong> les honorer, eux qui l'ont conçu dans le péché <strong>de</strong> luxure <strong>et</strong> qui l'ont<br />

exposé à la mort dès sa naissance. Mais parce qu'un tel homme ne peut<br />

absolum<strong>en</strong>t pas aimer <strong>et</strong> honorer ses vrais par<strong>en</strong>ts selon Moïse, n'aurait-il alors<br />

aucun droit à la promesse <strong>de</strong> Moïse ? Oh, ce serait fort beau, <strong>et</strong> du plus bel eff<strong>et</strong><br />

pour une très sage parole <strong>de</strong> Dieu !<br />

13. De plus, il y a aussi <strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts qui élèv<strong>en</strong>t leurs <strong>en</strong>fants dans tout ce qu'il y a<br />

<strong>de</strong> mauvais. Ils leur inculqu<strong>en</strong>t dès le berceau un orgueil auth<strong>en</strong>tiquem<strong>en</strong>t satanique<br />

<strong>et</strong> leur appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à être durs <strong>et</strong> ins<strong>en</strong>sibles <strong>en</strong>vers tous ; <strong>de</strong> tels tigres <strong>de</strong><br />

par<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t très tôt à leurs <strong>en</strong>fants à être effrontés, m<strong>en</strong>teurs <strong>et</strong> malhonnêtes<br />

! Moïse aurait-il donc égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>stiné sa promesse à <strong>de</strong> tels <strong>en</strong>fants,<br />

qui font honneur à leurs mauvais par<strong>en</strong>ts par leur malignité <strong>et</strong> leur méchanc<strong>et</strong>é ?<br />

14. Que doiv<strong>en</strong>t donc à leurs vrais par<strong>en</strong>ts les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> voleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> bandits<br />

assassins ? Ils ne pourrai<strong>en</strong>t tout naturellem<strong>en</strong>t honorer leurs par<strong>en</strong>ts qu'<strong>en</strong> étant<br />

<strong>et</strong> <strong>en</strong> faisant au plus haut <strong>de</strong>gré ce que leurs par<strong>en</strong>ts sont <strong>et</strong> font, c'est-à-dire <strong>en</strong><br />

assassinant <strong>et</strong> <strong>en</strong> détroussant les voyageurs ! — La promesse <strong>de</strong> Moïse peut-elle<br />

vraim<strong>en</strong>t s'ét<strong>en</strong>dre à <strong>de</strong> tels <strong>en</strong>fants ?<br />

15. Le plus simple bon s<strong>en</strong>s doit te dire que compr<strong>en</strong>dre ainsi c<strong>et</strong>te promesse, <strong>et</strong><br />

avec elle le comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Moïse, serait une insulte <strong>de</strong> premier ordre à toute<br />

la sagesse divine ! Comm<strong>en</strong>t Dieu, qui est parfaitem<strong>en</strong>t sage, pourrai t-Il dicter<br />

un comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t selon lequel même un esprit angélique incarné <strong>de</strong>vrait amour<br />

<strong>et</strong> respect à un couple <strong>de</strong> par<strong>en</strong>ts issus du <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fers ?!<br />

16. Tu vois bi<strong>en</strong> que, considéré <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue très réel, ce comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> Moïse serait le plus parfait non-s<strong>en</strong>s <strong>et</strong> la pire folie !<br />

17. Ainsi donc, d'un côté, il est désormais clair <strong>et</strong> plus que démontré que tout ce<br />

que Moïse a dit <strong>et</strong> décrété est la pure parole <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> ne peut donc <strong>en</strong> aucun cas<br />

receler le moindre non-s<strong>en</strong>s ; mais d'autre part, si l'on interprète <strong>et</strong> considère la<br />

loi <strong>de</strong> Moïse comme elle a été interprétée <strong>et</strong> considérée jusqu'ici, selon l'anci<strong>en</strong>ne<br />

<strong>et</strong> stupi<strong>de</strong> manière, elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t nécessairem<strong>en</strong>t l'absurdité la plus manifeste<br />

<strong>de</strong>vant le tribunal <strong>de</strong> la vraie raison humaine !<br />

18. D'où vi<strong>en</strong>t que la loi <strong>de</strong> Moïse, telle qu'on l'a considérée jusqu'ici, soit<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue une telle absurdité malgré son origine purem<strong>en</strong>t divine ? Cela ti<strong>en</strong>t à un<br />

profond mal<strong>en</strong>t<strong>en</strong>du sur ce que Moïse a voulu principalem<strong>en</strong>t désigner par ce<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, le couple par<strong>en</strong>tal universel <strong>de</strong> la <strong>grand</strong>e nature <strong>de</strong> Dieu, à<br />

savoir la Terre, le Père étant le corps céleste créé pour le g<strong>en</strong>re humain, <strong>et</strong> la<br />

vraie Mère son sein d'où naiss<strong>en</strong>t continuellem<strong>en</strong>t d'innombrables <strong>en</strong>fants <strong>de</strong><br />

toute espèce ! C'est c<strong>et</strong> antique couple par<strong>en</strong>tal que l'homme corporel doit<br />

toujours respecter <strong>et</strong> honorer <strong>et</strong> à qui il ne doit jamais tourner le dos par une trop<br />

<strong>grand</strong>e mollesse, s'il veut vivre longtemps dans un corps sain <strong>et</strong> aussi jouir d'un<br />

vrai bonheur.<br />

19. C'est aussi <strong>de</strong> ce vieux couple par<strong>en</strong>tal qu'un homme zélé peut principalem<strong>en</strong>t<br />

appr<strong>en</strong>dre tout ce qui est bon, <strong>grand</strong> <strong>et</strong> vrai, afin <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> construire au plus<br />

tôt c<strong>et</strong>te <strong>grand</strong>e échelle sur laquelle le patriarche Jacob a vu les anges monter <strong>et</strong><br />

432


<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dre du ciel. Car celui qui cherche dans la nature avec zèle <strong>et</strong> le plus <strong>grand</strong><br />

sérieux y découvrira pour son bonheur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s bénédictions pour lui-même <strong>et</strong><br />

ses frères.<br />

20. Ainsi donc, Mon cher Ouran, n'aie nulle crainte si tu dois passer une nuit<br />

dans le sein <strong>de</strong> la vieille mère <strong>de</strong> ton corps — car ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> mal ne peut t'arriver<br />

pour cela ! »<br />

Chapitre 212<br />

De la réforme par les Pharisi<strong>en</strong>s du quatrième comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

1. Ouran, à prés<strong>en</strong>t tout réjoui, déclare qu'il n'avait <strong>en</strong>core jamais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>de</strong><br />

telles paroles d'une sagesse véritablem<strong>en</strong>t pratique, <strong>et</strong> qu'il suivra toujours<br />

scrupuleusem<strong>en</strong>t ce conseil. Mais ce sont nos Perses qui s'<strong>en</strong> émerveill<strong>en</strong>t le plus.<br />

2. Jurah dit : « Oui, j'appelle cela une vraie lumière d'<strong>en</strong> haut ; car jamais un<br />

mortel n'est allé aussi loin ! Je voudrais bi<strong>en</strong> que l'on m'explique ainsi les dix<br />

comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts ! La chose est si évi<strong>de</strong>nte <strong>et</strong> si claire, <strong>et</strong> pourtant, nous n'avions<br />

jamais pu la compr<strong>en</strong>dre malgré toute notre sagacité ! Mais j'ai <strong>en</strong>core une<br />

question à poser à ce suj<strong>et</strong>. »<br />

3. Chabbi dit : « Je ne vois vraim<strong>en</strong>t pas sur quel point il y a <strong>en</strong>core lieu <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r quelque chose ! »<br />

4. Jurah dit : « Ne sais-tu donc pas qu'<strong>en</strong> ce qui concerne les <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants<br />

<strong>en</strong>vers leurs par<strong>en</strong>ts, une nouvelle loi a été donnée il y a bi<strong>en</strong> longtemps, selon<br />

laquelle il vaut mieux pour un fils ou une fille prés<strong>en</strong>ter une offran<strong>de</strong> au Temple<br />

qu'honorer père <strong>et</strong> mère ?! Il est vrai que c<strong>et</strong>te nouvelle loi n'annule pas<br />

l'anci<strong>en</strong>ne, mais elle offre un meilleur moy<strong>en</strong> que la loi mosaïque elle-même<br />

d'accé<strong>de</strong>r à la promesse <strong>de</strong> Moïse. Mais c'est précisém<strong>en</strong>t parce que l'occasion<br />

extraordinaire se prés<strong>en</strong>te aujourd'hui merveilleusem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> parler avec le premier<br />

Législateur <strong>en</strong> personne que j'aimerais savoir ce que le Seigneur peut dire <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te nouvelle loi !<br />

5. D'un côté, si un <strong>en</strong>fant a <strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts vraim<strong>en</strong>t mauvais <strong>et</strong> abjects, c<strong>et</strong>te loi me<br />

paraît tout à fait <strong>de</strong> mise ; mais lorsqu'un <strong>en</strong>fant, par nature souv<strong>en</strong>t irréfléchi, a<br />

<strong>de</strong>s par<strong>en</strong>ts parfaitem<strong>en</strong>t bons <strong>et</strong> honorables qui mérit<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> les<br />

hommes tout le respect <strong>et</strong> l'amour <strong>de</strong> leurs <strong>en</strong>fants, c<strong>et</strong>te loi apparemm<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />

trop marquée par l'avidité du Temple ne me semble au contraire plus du tout <strong>de</strong><br />

mise. Tout cela s<strong>en</strong>t furieusem<strong>en</strong>t l'humain, <strong>et</strong> il y transparaît fort peu <strong>de</strong> divin ;<br />

pourtant, il y a là <strong>en</strong>core une loi qui dit : "Obéissez toujours à ceux qui sièg<strong>en</strong>t<br />

sur les trônes <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron (*) <strong>et</strong> faites ce qu'ils vous comman<strong>de</strong>nt !"<br />

6. C<strong>et</strong>te loi est pourtant le chameau sur le dos duquel les Pharisi<strong>en</strong>s ont déjà<br />

opportuném<strong>en</strong>t introduit au Temple comme auth<strong>en</strong>tiques bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s marchandises<br />

fausses <strong>et</strong> mauvaises, <strong>et</strong> le peuple doit les ach<strong>et</strong>er comme parfaitem<strong>en</strong>t auth<strong>en</strong>tiques<br />

au prix fort <strong>de</strong> sa liberté morale. Cela est très fâcheux, <strong>et</strong> une telle loi,<br />

(*)<br />

« Die da sitz<strong>en</strong> auf <strong>de</strong>n Stühl<strong>en</strong> Mosis und Aarons », c'est-à-dire les prêtres, les successeurs <strong>de</strong><br />

Moïse <strong>et</strong> d'Aaron (Stuhl = siège, chaire, trône...). (N.d.T.)<br />

433


qui ne donne qu'à certains hommes un privilège exclusif, me semble être un trou<br />

infernal par lequel Satan a ses <strong>en</strong>trées perman<strong>en</strong>tes dans le sanctuaire ; car ces<br />

saints hommes privilégiés présum<strong>en</strong>t trop d'eux-mêmes, <strong>et</strong> si, tout d'abord, une<br />

sorte <strong>de</strong> pieux orgueil les <strong>en</strong>vironne d'une aura sacrée <strong>de</strong> prophètes, ils<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t par la suite véritablem<strong>en</strong>t dominateurs, tyranniques, fiers <strong>et</strong><br />

démesurém<strong>en</strong>t orgueilleux — mais ils continu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> siéger sur les trônes <strong>de</strong><br />

Moïse <strong>et</strong> d'Aaron ! Quant à moi, frère, je p<strong>en</strong>se — <strong>en</strong>tre nous soit dit — qu'<strong>en</strong> ce<br />

cas, Satan pourrait aussi bi<strong>en</strong> occuper <strong>en</strong> personne ces saints sièges ! Ces vrais<br />

représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong> Satan sur les trônes <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron ont remplacé par toutes<br />

sortes <strong>de</strong> mauvais règlem<strong>en</strong>ts humains les règlem<strong>en</strong>ts tout divins, <strong>et</strong> il nous faut<br />

les nourrir, parce que c<strong>et</strong>te loi, qui est comme le trou par où <strong>en</strong>tre le chameau <strong>de</strong><br />

l'<strong>en</strong>fer, comman<strong>de</strong> d'écouter ceux qui sièg<strong>en</strong>t sur les saints trônes <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire ce<br />

qu'ils ordonn<strong>en</strong>t.<br />

7. Ah, c<strong>et</strong>te loi serait <strong>en</strong> soi tout à fait bonne, si l'on pouvait être assuré que seuls<br />

<strong>de</strong> très dignes successeurs <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron prêch<strong>en</strong>t sur les saints sièges ;<br />

mais que <strong>de</strong> vrais dragons s'y sont déjà assis <strong>et</strong>, <strong>de</strong> là, ont lancé comme un sable<br />

piquant dans les yeux ouverts d'un peuple qui voyait clair les lois les plus<br />

scandaleuses, si bi<strong>en</strong> que ce peuple ne pouvait qu'<strong>en</strong> être presque <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

aveuglé ! Et ces lois plus que dém<strong>en</strong>tes se perpétu<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite pour le plus <strong>grand</strong><br />

tourm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'humanité, <strong>et</strong> nul n'ose plus <strong>en</strong> secouer le joug. Ainsi, le vrai bon<br />

s<strong>en</strong>s doit bi<strong>en</strong> finir par se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si Dieu sait quelque chose <strong>de</strong> cela, voire tout<br />

simplem<strong>en</strong>t s'il y a un Dieu pour assister à <strong>de</strong> telles abominations dans Son<br />

sanctuaire !<br />

8. Une explication v<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> Lui-même serait certes ce qu'il y aurait <strong>de</strong> mieux<br />

pour nous montrer <strong>en</strong> toute vérité ce qu'il <strong>en</strong> est, aussi aimerais-je Lui poser<br />

directem<strong>en</strong>t la question ! — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>ses-tu, puis-je m'y risquer ou non ? »<br />

Chapitre 213<br />

Le Seigneur explique la loi <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s<br />

1. Je réponds aussitôt à la place <strong>de</strong> Chabbi : « Sache, ami Jurah, que ta question<br />

est justifiée <strong>et</strong> d'une <strong>grand</strong>e importance ; il n'est pas nécessaire que tu Me la<br />

répètes, car Je sais déjà où le bât vous blesse !<br />

2. Vois-tu, il est vrai qu'il existe un comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, ne datant toutefois que du<br />

temps <strong>de</strong>s Juges, comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t qui, par la bouche d'un voyant, <strong>en</strong>joignit<br />

d'écouter ceux qui siégeai<strong>en</strong>t sur les trônes <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron <strong>et</strong> <strong>de</strong> faire ce<br />

qu'ils ordonnai<strong>en</strong>t sous l'inspiration <strong>de</strong> l'Esprit divin ; mais cela seulem<strong>en</strong>t<br />

lorsque leurs œuvres étai<strong>en</strong>t bonnes. Si elles étai<strong>en</strong>t mauvaises, les plus dignes<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants <strong>de</strong> Lévi <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t les chasser <strong>de</strong> leurs fonctions.<br />

3. Mais ceux qui siégeai<strong>en</strong>t sur ces trônes s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t à travestir leurs œuvres.<br />

Au lieu <strong>de</strong>s dignes successeurs <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron ne siégèr<strong>en</strong>t <strong>et</strong> ne sièg<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>core sur ces trônes sacrés que <strong>de</strong> féroces loups déguisés <strong>en</strong> agneaux, <strong>et</strong> ils ont<br />

fourgué au peuple comme volontés divines <strong>de</strong>s lois à faire frémir la terre <strong>en</strong>tière !<br />

4. Combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> fois cep<strong>en</strong>dant, souv<strong>en</strong>ez-vous-<strong>en</strong>, ai-Je admonesté le plus sé-<br />

434


ieusem<strong>en</strong>t du mon<strong>de</strong>, par la bouche <strong>de</strong> prophètes sanctifiés, ces faux <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants<br />

<strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron, <strong>et</strong> les ai-Je punis très sévèrem<strong>en</strong>t ! Mais à quoi bon ?<br />

Les choses allai<strong>en</strong>t mieux pour un temps ; mais bi<strong>en</strong>tôt, elles re<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pires<br />

<strong>en</strong>core qu'avant, tant <strong>et</strong> si bi<strong>en</strong> qu'aujourd'hui, elles ne saurai<strong>en</strong>t plus empirer<br />

davantage. La mesure <strong>de</strong> toutes les bassesses est comble, <strong>et</strong> il ne s'<strong>en</strong> faut que <strong>de</strong><br />

quelques gouttes qu'elle ne débor<strong>de</strong> <strong>et</strong> les <strong>en</strong>gloutisse tous comme un nouveau<br />

Déluge, sois-<strong>en</strong> pleinem<strong>en</strong>t assuré !<br />

5. Quant à la loi qui ordonne <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s au Temple <strong>en</strong> remplacem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la loi<br />

mosaïque sur les <strong>de</strong>voirs <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>en</strong>vers leurs par<strong>en</strong>ts, il <strong>en</strong> fut <strong>de</strong> celle-là<br />

comme <strong>de</strong> beaucoup d'autres. Au début, elle paraissait fort bonne <strong>et</strong> juste <strong>et</strong><br />

n'avait trait qu'aux seuls <strong>en</strong>fants dont les par<strong>en</strong>ts — comme c'est souv<strong>en</strong>t le cas<br />

— étai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> véritables rebuts <strong>de</strong> l'humanité. Curieusem<strong>en</strong>t, ceux-ci avai<strong>en</strong>t<br />

souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants bons <strong>et</strong> honnêtes qui, dans leur piété, reconnaissai<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

compr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> la malignité foncière <strong>de</strong> leurs vrais par<strong>en</strong>ts. Les choses<br />

que ces mauvais par<strong>en</strong>ts exigeai<strong>en</strong>t d'eux leur faisai<strong>en</strong>t dresser les cheveux sur la<br />

tête ; pourtant, selon la loi mosaïque mal comprise, il fallait honorer ses par<strong>en</strong>ts<br />

avant tout par l'obéissance !<br />

6. C'est pour c<strong>et</strong>te raison qu'à une époque où le Temple était <strong>en</strong>core bon, certains<br />

<strong>de</strong> ces <strong>en</strong>fants malheureux, pour savoir ce qu’ils <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t faire, s'adressèr<strong>en</strong>t au<br />

Temple <strong>en</strong> ces termes : "Il est vrai que Moïse, inspiré par Dieu, a ordonné qu'on<br />

obéisse à ses par<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> qu'on les respecte <strong>et</strong> les honore <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière sa vie<br />

durant, afin <strong>de</strong> vivre longtemps <strong>et</strong> d'être heureux sur terre ; mais Moïse a aussi<br />

commandé <strong>de</strong> ne pas tuer, ni voler, ni m<strong>en</strong>tir, <strong>de</strong> ne pas s'adonner à la luxure<br />

avec <strong>de</strong>s jeunes filles, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core moins <strong>de</strong> convoiter la femme <strong>de</strong> son prochain.<br />

Mais nos méchants par<strong>en</strong>ts nous comman<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> faire tout cela ! Que pouvonsnous<br />

faire pour ne pas pécher contre les comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Moïse ?"<br />

7. C'est alors que le <strong>grand</strong> prêtre, certes traversé par l'Esprit divin, leur dit :<br />

"T<strong>en</strong>ez-vous à l'écart <strong>de</strong> tels par<strong>en</strong>ts, faites une offran<strong>de</strong> <strong>en</strong> lieu <strong>et</strong> place <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

mauvaise obéissance, <strong>et</strong> priez Dieu, <strong>et</strong> cela vaudra mieux pour vous, <strong>et</strong> aussi, par<br />

la grâce d'<strong>en</strong> haut, pour vos par<strong>en</strong>ts indignes !"<br />

8. C'est ainsi que <strong>de</strong> tels <strong>en</strong>fants pur<strong>en</strong>t alors quitter leurs mauvais par<strong>en</strong>ts,<br />

apporter une offran<strong>de</strong> au Temple pour eux-mêmes <strong>et</strong> pour leurs mauvais par<strong>en</strong>ts<br />

<strong>et</strong> chercher <strong>en</strong>suite à s'employer chez <strong>de</strong> bonnes g<strong>en</strong>s afin d'y m<strong>en</strong>er une vie qui<br />

plût à Dieu.<br />

9. Jusque-là <strong>et</strong> dans c<strong>et</strong>te mesure, c<strong>et</strong>te loi était d'origine parfaitem<strong>en</strong>t divine.<br />

Mais avec le temps, les méchants loups qui, déguisés <strong>en</strong> agneaux, avai<strong>en</strong>t pris<br />

place dans les chaires <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron, généralisèr<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te loi, <strong>et</strong> les <strong>en</strong>fants<br />

indignes <strong>de</strong> fort bons <strong>et</strong> honnêtes par<strong>en</strong>ts pur<strong>en</strong>t eux aussi rach<strong>et</strong>er par <strong>de</strong>s<br />

offran<strong>de</strong>s l'obéissance qu'ils <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t à leurs par<strong>en</strong>ts, afin <strong>de</strong> pouvoir <strong>en</strong>suite<br />

pécher <strong>en</strong> toute liberté <strong>et</strong> sans scrupule !<br />

10. Le double comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t divin était donc par là doublem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>freint, <strong>et</strong><br />

remplacé par une règle purem<strong>en</strong>t infernale <strong>et</strong> humaine, qui ne pouvait bi<strong>en</strong> sûr<br />

être aux yeux <strong>de</strong> Dieu que la pire abomination, parce qu'absolum<strong>en</strong>t contraire à<br />

Son ordonnance ; car tout homme qui p<strong>en</strong>se tant soit peu clairem<strong>en</strong>t doit bi<strong>en</strong><br />

voir au premier regard qu'une telle règle ne peut avoir qu'une origine purem<strong>en</strong>t<br />

435


infernale <strong>et</strong> satanique, <strong>et</strong> <strong>en</strong> aucun cas divine ! Du reste, tout cela pr<strong>en</strong>dra bi<strong>en</strong>tôt<br />

fin, <strong>et</strong> il n'y aura plus guère lieu <strong>de</strong> s'<strong>en</strong>flammer là contre.<br />

11. Par ailleurs, il est assurém<strong>en</strong>t tout à fait bon que le faible soit guidé par le fort<br />

! Or, les par<strong>en</strong>ts sont toujours plus forts que leurs <strong>en</strong>fants, <strong>et</strong> il est donc tout à fait<br />

bon que les <strong>en</strong>fants se laiss<strong>en</strong>t gui<strong>de</strong>r par leurs par<strong>en</strong>ts ; mais quand le faible<br />

s'aperçoit que le fort veut le précipiter dans un abîme fatal, il fait très bi<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

s'arracher à son emprise <strong>et</strong> <strong>de</strong> se chercher un lieu sûr.<br />

12. Pour le reste, seul accomplit pleinem<strong>en</strong>t la loi <strong>de</strong> Moïse celui qui se conduit<br />

<strong>en</strong> tout comme Je l'ai exposé tout à l'heure d'une manière parfaitem<strong>en</strong>t claire au<br />

vieux roi Ouran. — Avez-vous bi<strong>en</strong> compris à prés<strong>en</strong>t ? »<br />

Chapitre 214<br />

Qu'est-ce que l'impur<strong>et</strong>é ?<br />

1. Jurah dit : « Ah, il y a bi<strong>en</strong> là la lumière, l'amour <strong>et</strong> la vérité suprême rassemblés<br />

<strong>en</strong> un seul point ! Oui, Seigneur <strong>et</strong> Maître éternel, si toute la loi<br />

mosaïque m'était expliquée ainsi, je pourrais alors vivre avec une immuable<br />

ferm<strong>et</strong>é dans Ton ordre éternel ! Satan ne trouverait certes plus le moindre trou<br />

par où s'introduire comme un loup déguisé <strong>en</strong> agneau dans Ton lumineux<br />

sanctuaire, ni forger <strong>de</strong>s règles humaines avec Tes très saints comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts !<br />

2. Je dis : « Mon ami, l'heure n'est pas <strong>en</strong>core arrivée où le noir prince du mon<strong>de</strong><br />

sera jugé ; mais elle est bi<strong>en</strong> proche ! Pourtant, même après son jugem<strong>en</strong>t, il se<br />

trouvera bi<strong>en</strong> vite <strong>de</strong>s hommes pour agir <strong>en</strong>vers Mes très pures lois plus mal<br />

<strong>en</strong>core, à la longue, que Satan lui-même. La lumière <strong>de</strong>vra toujours combattre les<br />

ténèbres sur c<strong>et</strong>te terre ! »<br />

3. Jurah dit : « Mais pourquoi cela, Seigneur ? Si tous les hommes se m<strong>et</strong>t<strong>en</strong>t à y<br />

voir clair ne serait-ce que comme je le fais à prés<strong>en</strong>t, Satan <strong>et</strong> toute sa<br />

méchanc<strong>et</strong>é n'auront plus qu'à pr<strong>en</strong>dre définitivem<strong>en</strong>t congé <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre ! Et<br />

que nos <strong>en</strong>fants <strong>et</strong> les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> nos <strong>en</strong>fants seront élevés très scrupuleusem<strong>en</strong>t<br />

dans c<strong>et</strong>te lumière <strong>et</strong> y <strong>de</strong>meureront <strong>en</strong>suite jusqu'à la fin du mon<strong>de</strong>, cela est tout<br />

aussi certain <strong>et</strong> immuable qu'il est certain <strong>et</strong> immuable que <strong>de</strong>ux unités <strong>de</strong> même<br />

espèce ajoutées à <strong>de</strong>ux unités semblables feront toujours quatre unités <strong>de</strong> même<br />

espèce ! Aucun homme sur terre ne m<strong>et</strong> cela <strong>en</strong> doute, parce que c'est une vérité<br />

tangible <strong>et</strong> indiscutable. Ton élucidation <strong>de</strong>s dix comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Moïse fait<br />

<strong>de</strong> chacun d'<strong>en</strong>tre eux un principe mathématique ; <strong>et</strong> dans ce cas, qui pourrait<br />

<strong>en</strong>core avoir l'idée, si lointaine soit-elle, <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> doute le moins du mon<strong>de</strong><br />

une telle vérité ? !<br />

4. Mais puisque aucun homme ne pourrait plus m<strong>et</strong>tre <strong>en</strong> doute le moins du<br />

mon<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te vérité si clairem<strong>en</strong>t reconnue, il s'y conformerait nécessairem<strong>en</strong>t,<br />

sans quoi il serait un parfait imbécile à ses propres yeux, ou bi<strong>en</strong> il s'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>drait<br />

qualifier ainsi par tous les g<strong>en</strong>s s<strong>en</strong>sés !<br />

5. Mais si les vérités les plus sacrées <strong>et</strong> les plus importantes pour nous, les<br />

hommes, ne nous sont données que sous une <strong>en</strong>veloppe plus ou moins mys-<br />

436


térieuse, <strong>et</strong> si l'homme peut facilem<strong>en</strong>t y compr<strong>en</strong>dre ce que bon lui semble, cela<br />

fait naturellem<strong>en</strong>t aussitôt paraître une foule <strong>de</strong> m<strong>en</strong>teurs grâce auxquels Satan <strong>et</strong><br />

sa suite dépravée ont librem<strong>en</strong>t leurs <strong>en</strong>trées dans la compagnie <strong>de</strong>s hommes.<br />

6. Aussi, ô sublime Seigneur <strong>et</strong> Maître, dis-nous la vérité clairem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

ouvertem<strong>en</strong>t, afin qu’à l’av<strong>en</strong>ir le puissant rempart d'une vérité parfaitem<strong>en</strong>t<br />

immuable interdise à Satan tout accès aux hommes !<br />

7. Je ne donnerai pour exemple que ce comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Moïse qui condamne<br />

l'impudicité comme péché. Mais qu'est-ce exactem<strong>en</strong>t que l'impudicité (*) ? Celleci<br />

consiste-t-elle seulem<strong>en</strong>t à coucher avec une femme sans s'être lavé le corps <strong>et</strong><br />

à ne pas se laver non plus après le coït ? Faut-il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre par là la concupisc<strong>en</strong>ce<br />

<strong>et</strong> le coït avec toute créature féminine, ou avec une vierge, une prostituée, une<br />

concubine ou une jeune veuve ?<br />

8. La fornication aveugle <strong>en</strong> fait-elle partie, voire le bestial péché <strong>de</strong> sodomie, ou<br />

même le fait d'avoir affaire avec l'épouse très concupisc<strong>en</strong>te d'un autre homme ?<br />

Pour être tout à fait pur, faut-il <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t réprimer c<strong>et</strong> instinct naturel, le plus<br />

puissant <strong>de</strong> tous ? Mais s'il <strong>en</strong> est ainsi, le lit conjugal ne serait donc pas autre<br />

chose lui aussi qu'un lieu où, moralem<strong>en</strong>t parlant, se fabrique l'impur<strong>et</strong>é ; car qui<br />

nous garantit qu'un homme ne couchera pas avec sa belle épouse plus souv<strong>en</strong>t<br />

qu'il n'est nécessaire pour la conception d'un fruit ?!<br />

9. J'ai connu <strong>de</strong>s hommes que l'on pouvait véritablem<strong>en</strong>t dire d'or pour ce qui<br />

était <strong>de</strong> la bonté, <strong>de</strong> l'amabilité, <strong>de</strong> la pati<strong>en</strong>ce, <strong>de</strong> la douceur <strong>et</strong> <strong>de</strong> la charité ;<br />

mais ils étai<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong>meurai<strong>en</strong>t faibles sur le seul chapitre <strong>de</strong> la chast<strong>et</strong>é. Ils se<br />

donnai<strong>en</strong>t certes beaucoup <strong>de</strong> mal pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir forts <strong>en</strong> cela égalem<strong>en</strong>t, mais leur<br />

nature ne le leur perm<strong>et</strong>tait pas, même lorsqu'ils étai<strong>en</strong>t frappés d'une complète<br />

impuissance naturelle ; une belle jeune fille produisait toujours sur eux le même<br />

eff<strong>et</strong> lascif.<br />

10. À l'inverse, j'ai connu <strong>de</strong>s hommes que la plus <strong>grand</strong>e beauté féminine laissait<br />

aussi froids qu'une pierre — <strong>de</strong> vrais mo<strong>de</strong>les <strong>de</strong> chast<strong>et</strong>é, mais aussi <strong>de</strong>s<br />

pierres ins<strong>en</strong>sibles dans tout le reste <strong>de</strong> leur exist<strong>en</strong>ce ! Ri<strong>en</strong> ne les touchait ! La<br />

misère <strong>et</strong> la détresse <strong>de</strong>s pauvres étai<strong>en</strong>t pour eux choses risibles, les larmes <strong>de</strong><br />

ceux qui souffrai<strong>en</strong>t, une feinte <strong>de</strong>stinée à éveiller la pitié ; une femme était une<br />

créature méprisable dont on pouvait aisém<strong>en</strong>t se passer, <strong>et</strong> qui n'avait pas <strong>en</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> meilleure raison d'être qu'un champ où l'on sème quelque céréale. Ils<br />

t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t le mariage pour l'une <strong>de</strong>s institutions les plus ridicules <strong>de</strong> la société<br />

humaine. Selon eux, il aurait fallu <strong>en</strong>fermer toutes les femmes saines dans un<br />

<strong>grand</strong> bâtim<strong>en</strong>t où <strong>de</strong>s hommes forts <strong>et</strong> capables <strong>de</strong> procréer coucherai<strong>en</strong>t avec<br />

elles, <strong>en</strong> sorte qu'il n'<strong>en</strong> résulte que <strong>de</strong> beaux <strong>en</strong>fants sains <strong>et</strong> forts ; quant aux<br />

femmes lai<strong>de</strong>s <strong>et</strong> faibles, il fallait les exterminer, ou bi<strong>en</strong> les utiliser comme du<br />

bétail aux tâches les plus humbles <strong>et</strong> les faire travailler jusqu'à ce qu'elles <strong>en</strong><br />

crèv<strong>en</strong>t ! Ce sont <strong>de</strong>s choses que j'ai réellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dues !<br />

11. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors si l'homme faible quant à la chast<strong>et</strong>é n'est pas infinim<strong>en</strong>t<br />

(*)<br />

<strong>Lorber</strong> emploie le terme Unkeuscheit, suffisamm<strong>en</strong>t vague pour pouvoir signifier aussi bi<strong>en</strong> «<br />

impur<strong>et</strong>é » que « luxure », d'où l'ambiguïté ici <strong>en</strong>tre le « manque <strong>de</strong> chast<strong>et</strong>é » <strong>et</strong> la malpropr<strong>et</strong>é...<br />

De même, au paragraphe suivant, keusch (pur) peut égalem<strong>en</strong>t se traduire par « pudique » ou «<br />

chaste ». (N.d.T.)<br />

437


préférable aux yeux <strong>de</strong> tous au glacial champion <strong>de</strong> la chast<strong>et</strong>é ! À mes yeux,<br />

sans aucun doute ! Mais comm<strong>en</strong>t Tu considères cela, ô sublime Seigneur <strong>et</strong><br />

Maître, je ne le sais <strong>et</strong> ne puis le savoir. Ainsi, pour qu'un homme soit <strong>en</strong> règle<br />

égalem<strong>en</strong>t sur ce point ordonné par Moïse, pour qu'il ne vive pas dans la crainte<br />

funeste d'avoir péché <strong>de</strong>vant Dieu chaque fois qu'il accomplit un tel acte, <strong>et</strong><br />

même si c<strong>et</strong> acte est toujours un péché <strong>de</strong> quelque manière qu'on l'accomplisse,<br />

Tu connais assurém<strong>en</strong>t, ô Seigneur <strong>et</strong> Maître, un remè<strong>de</strong> là contre, grâce auquel<br />

on pourrait chasser la convoitise <strong>et</strong> le désir comme un simple rhume ! Car ri<strong>en</strong> ne<br />

r<strong>en</strong>d l'honnête homme plus misérable que d'être sans cesse invinciblem<strong>en</strong>t poussé<br />

à pécher <strong>de</strong> la même manière ; la nature y contraint la chair avec une force<br />

irrésistible, <strong>et</strong> si, étant un corps physique naturellem<strong>en</strong>t pesant, on tombe dans le<br />

vi<strong>de</strong>, on comm<strong>et</strong> déjà un péché mortel ! C'est tout <strong>de</strong> même un peu trop fort,<br />

surtout pour un homme qui, grâce à Dieu, a toujours eu autant que possible bon<br />

cœur <strong>et</strong> bonne tête. Aussi, Seigneur <strong>et</strong> Maître, j'aimerais que Tu nous explique<br />

clairem<strong>en</strong>t cela aussi. Car, pour moi du moins, il me semble que c'est là un <strong>de</strong>s<br />

points les plus épineux ! »<br />

Chapitre 215<br />

Les péchés contre la chast<strong>et</strong>é<br />

1. Je dis : « Si la vie d'un homme n'est pas une simple plaisanterie, mais une<br />

chose sérieuse <strong>et</strong> sacrée, l'acte par lequel il naît ne peut être lui non plus une<br />

bagatelle, mais uniquem<strong>en</strong>t une chose sérieuse <strong>et</strong> sacrée. Compr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong> le<br />

principe, <strong>et</strong> tout s'éclaircira bi<strong>en</strong> vite <strong>de</strong> soi-même !<br />

2. Ce ne sont pas les agréables s<strong>en</strong>sations <strong>de</strong> l'acte elles-mêmes qui doiv<strong>en</strong>t le<br />

motiver, mais seulem<strong>en</strong>t le fait <strong>de</strong> concevoir un être humain !<br />

3. Si tu compr<strong>en</strong>ds cela, tu découvriras bi<strong>en</strong>tôt que les s<strong>en</strong>sations agréables ne<br />

sont qu'un phénomène accessoire qui r<strong>en</strong>d possible dans la nature <strong>de</strong> la chair<br />

l'œuvre d'incarnation. Si c'est le motif ess<strong>en</strong>tiel qui te pousse, tu peux agir, <strong>et</strong> tu<br />

ne seras pas pécheur ! Cep<strong>en</strong>dant, pour être <strong>en</strong> règle, il faut <strong>en</strong>core pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong><br />

considération bi<strong>en</strong> d'autres choses.<br />

4. C<strong>et</strong> acte ne doit pas être accompli <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors du véritable amour du prochain ;<br />

or, un principe ess<strong>en</strong>tiel du véritable amour du prochain dit : "Ne faites pas à<br />

votre prochain ce que vous ne voudriez pas qu'il vous fasse !"<br />

5. Imagine que tu aies une fille qui comm<strong>en</strong>ce à s'épanouir <strong>et</strong> qui fait la joie <strong>de</strong><br />

ton cœur <strong>de</strong> père ; tu ne te soucies <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> tant que d'assurer un vrai bonheur<br />

salutaire à c<strong>et</strong>te fille t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t chérie. Ta fille est certes mûre <strong>et</strong> donc capable<br />

<strong>de</strong> procréer. Mais qu'éprouverais-tu si un homme par ailleurs parfaitem<strong>en</strong>t sain<br />

v<strong>en</strong>ait, poussé par le besoin <strong>de</strong> procréer avec une vierge, <strong>et</strong> concevait par force<br />

un fruit avec ta fille?!<br />

6. Vois-tu, tu serais plein d'une terrible colère contre un tel scélérat, <strong>et</strong> tu ne le<br />

laisserais pas s'<strong>en</strong> aller sans l'avoir châtié aussi durem<strong>en</strong>t que possible !<br />

7. Pourtant, c<strong>et</strong> homme n'aurait pas péché contre la chast<strong>et</strong>é, parce qu'il aurait<br />

438


véritablem<strong>en</strong>t été poussé par la nécessité <strong>de</strong> ne pas répandre sa sem<strong>en</strong>ce hors d'un<br />

récipi<strong>en</strong>t adéquat, ce qui aurait coupé le fil d'une exist<strong>en</strong>ce humaine. Pourtant,<br />

l'acte n'<strong>en</strong> est pas moins fautif par ailleurs, parce que le véritable amour du<br />

prochain a subi par là un coup très viol<strong>en</strong>t !<br />

8. Suppose que tu te s<strong>en</strong>tes toi-même poussé à c<strong>et</strong> acte sérieux dans un pays<br />

étranger, que tu r<strong>en</strong>contres dans la campagne une femme mariée, que tu la persua<strong>de</strong>s,<br />

par l'arg<strong>en</strong>t <strong>et</strong> la parole, <strong>de</strong> satisfaire ton besoin <strong>et</strong> que c<strong>et</strong>te femme y<br />

cons<strong>en</strong>te, tu n'aurais ainsi commis aucun péché contre la chast<strong>et</strong>é, ni même un<br />

adultère, même si c<strong>et</strong>te femme était l'épouse légitime d'un autre. Mais si tu avais<br />

alors songé <strong>de</strong> quels graves <strong>et</strong> noirs soupçons <strong>et</strong> <strong>de</strong> quelles persécutions c<strong>et</strong>te<br />

femme allait être l'obj<strong>et</strong> quand son mari lui dirait : "Femme, explique-moi qui a<br />

déposé <strong>en</strong> toi sa sem<strong>en</strong>ce, puisque je ne t'ai pas touchée <strong>de</strong>puis tel mom<strong>en</strong>t !" —<br />

vois-tu, tu aurais ainsi commis un grave péché contre l'amour du prochain <strong>en</strong> détruisant<br />

la paix domestique d'un couple ! Car tu aurais toujours pu réserver la<br />

satisfaction <strong>de</strong> ton besoin, même sérieux <strong>et</strong> non pas dicté par une passion<br />

libidineuse, pour une occasion plus propice !<br />

9. Tu vois par là que dans <strong>de</strong> tels actes par ailleurs tout à fait honnêtes <strong>et</strong> non<br />

contraires à la véritable chast<strong>et</strong>é, un homme doit aussi prêter att<strong>en</strong>tion à toutes<br />

les autres circonstances humaines accessoires, s'il ne veut pécher contre quelque<br />

autre loi.<br />

10. Cep<strong>en</strong>dant, un homme peut tout aussi bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> plus <strong>en</strong>core, se r<strong>en</strong>dre coupable<br />

<strong>de</strong> luxure avec son épouse qu'avec une prostituée. Car avec une prostituée, il n'y<br />

a plus ri<strong>en</strong> à corrompre, parce que tout est déjà corrompu ; mais l'on peut exciter<br />

exagérém<strong>en</strong>t une épouse <strong>et</strong> la pousser ainsi à une concupisc<strong>en</strong>ce passionnée qui<br />

peut alors faire d'elle une prostituée bi<strong>en</strong> pire qu'une femme non mariée.<br />

11. Mais celui qui couche avec une femme non mariée pèche contre la chast<strong>et</strong>é,<br />

parce que son acte a pour seul motif la satisfaction <strong>de</strong> sa lascivité <strong>et</strong> non la<br />

conception d'un être humain, <strong>et</strong> ne peut avoir d'autre motif, car le simple bon<br />

s<strong>en</strong>s doit lui dire qu'on ne sème pas le blé par les chemins.<br />

12. Outre le péché contre la chast<strong>et</strong>é ordinaire, cep<strong>en</strong>dant, celui qui couche avec<br />

une prostituée comm<strong>et</strong> aussi un péché <strong>en</strong>vers sa propre humanité <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> la<br />

prostituée, parce qu'il peut fort bi<strong>en</strong> causer ainsi un <strong>grand</strong> dommage à sa propre<br />

nature, <strong>et</strong> qu'il r<strong>en</strong>force <strong>en</strong>core l'état <strong>de</strong> secrète possession <strong>de</strong> l'aveugle prostituée<br />

<strong>et</strong> la r<strong>en</strong>d incurable, ce qui est là <strong>en</strong>core un péché contre l'amour du prochain.<br />

13. De la même manière, celui qui couche avec une femme mariée <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue une<br />

prostituée est doublem<strong>en</strong>t pécheur, <strong>et</strong> quadruplem<strong>en</strong>t s'il est lui-même un homme<br />

marié, parce qu'il comm<strong>et</strong> ainsi <strong>en</strong> outre un adultère.<br />

14. Je crois que ce peu d'explications te suffiront, à toi qui p<strong>en</strong>ses clairem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong><br />

cela d'autant qu'un homme comme toi sait toujours ce qui sied à un homme<br />

honnête à tous égards ! »<br />

15. Jurah dit : « Oui, Seigneur <strong>et</strong> Maître, tout est clair pour moi désormais, <strong>et</strong> je<br />

sais aussi maint<strong>en</strong>ant où mèn<strong>en</strong>t sans faute les multiples formes <strong>de</strong> l'impur<strong>et</strong>é !<br />

Oui, tout est clair désormais ! Il n'y a <strong>en</strong> toute chose qu'une vérité valable <strong>de</strong>vant<br />

Dieu <strong>et</strong> fondée dans l'ordonnance éternelle — <strong>et</strong> tout ce qui est <strong>en</strong> <strong>de</strong>ssous, au-<br />

439


<strong>de</strong>ssus ou à côté apparti<strong>en</strong>t au mal ! »<br />

16. Je dis : « Oui, il <strong>en</strong> est <strong>et</strong> <strong>en</strong> sera toujours ainsi éternellem<strong>en</strong>t. — Mais voici<br />

que les matelots <strong>en</strong>voyés à la recherche <strong>de</strong>s noyés revi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> Mon serviteur<br />

(Raphaël) doit aller les ai<strong>de</strong>r à coucher les cadavres <strong>de</strong> la bonne manière, sans<br />

quoi leur guérison serait plus difficile <strong>de</strong>main. »<br />

17. Raphaël y va rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>et</strong> arrange tout au mieux. Quant aux matelots, ils<br />

s'<strong>en</strong> vont pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>fin leur repas du soir.<br />

Chapitre 216<br />

Dispute <strong>en</strong>tre les Pharisi<strong>en</strong>s à propos <strong>de</strong> la divinité du Seigneur<br />

1. Avec tout ce qui s'était passé après ce repas d'un soir <strong>de</strong> sabbat, on eût pu<br />

p<strong>en</strong>ser que la journée avait été bi<strong>en</strong> remplie ; mais dans les cieux, on ne cesse<br />

jamais <strong>de</strong> faire le bi<strong>en</strong>, <strong>de</strong> même que l'<strong>en</strong>fer ne connaît jamais <strong>de</strong> trêve dans le<br />

mal, <strong>et</strong> pour terminer ce sabbat, une tâche très spéciale nous att<strong>en</strong>dait <strong>en</strong>core,<br />

qu'il fallait accomplir avant minuit.<br />

2. Entre les cinquante Pharisi<strong>en</strong>s, à la tête <strong>de</strong>squels se trouvai<strong>en</strong>t le supérieur<br />

Stahar <strong>et</strong> l'orateur Floran que nous connaissons déjà, une dispute s'était élevée.<br />

Dans l'une <strong>de</strong>s t<strong>en</strong>tes d'Ouran, p<strong>en</strong>dant la tempête, ces pains à <strong>de</strong>mi cuits (*)<br />

avai<strong>en</strong>t à nouveau émis toutes sortes <strong>de</strong> doutes, <strong>et</strong> <strong>de</strong> voir comm<strong>en</strong>t l'on disposait<br />

à prés<strong>en</strong>t les cadavres confirmait beaucoup <strong>de</strong> leurs soupçons <strong>en</strong>vers Moi <strong>et</strong> Mes<br />

œuvres. Les opinions se divisai<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t sur un point, à savoir que les<br />

meilleurs d'<strong>en</strong>tre eux adm<strong>et</strong>tai<strong>en</strong>t sol<strong>en</strong>nellem<strong>en</strong>t que J'étais un prophète<br />

extraordinaire un peu à la manière d'Elie, mais les moins éclairés p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>t que,<br />

malgré Ma <strong>grand</strong>e connaissance <strong>de</strong> l'Écriture, Je n'étais qu'un élève <strong>de</strong>s<br />

catacombes d'Egypte qui avait appris la sagesse <strong>et</strong> la vraie magie au temple <strong>de</strong><br />

Korak (Karnak). C'était aussi la raison pour laquelle, selon eux, J'étais dans les<br />

bonnes grâces <strong>de</strong>s Romains : pour ceux-ci, les vrais magici<strong>en</strong>s valai<strong>en</strong>t plus que<br />

leurs dieux, car ils considérai<strong>en</strong>t ces magici<strong>en</strong>s comme les doigts <strong>de</strong> leur dieu<br />

Zeus, qui se manifeste aux hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière <strong>et</strong> est fort soumis aux<br />

<strong>grand</strong>s ! Mais les Romains, qui étai<strong>en</strong>t très intellig<strong>en</strong>ts, savai<strong>en</strong>t qu'il ne fallait<br />

pas se fier aux Juifs tant qu'ils n'étai<strong>en</strong>t pas <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us Romains corps <strong>et</strong> âme. Et la<br />

meilleure manière d'y parv<strong>en</strong>ir était <strong>de</strong> travailler les Juifs, pour la plupart avi<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong> miracles, par le truchem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong> ces <strong>grand</strong>s mages <strong>de</strong> l'école <strong>de</strong> Korak,<br />

mais cela <strong>de</strong> telle sorte qu'ils y r<strong>et</strong>rouv<strong>en</strong>t leur Moïse <strong>et</strong> leurs prophètes. C'est ce<br />

qui arrivait à prés<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> cela réussissait apparemm<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> ; car pour celui<br />

qui ne se laissait convertir ni par la parole, ni par les prodiges, il y avait toujours<br />

quelques cohortes <strong>de</strong> soldats romains prêtes à lui arracher c<strong>et</strong>te conversion par la<br />

peur. C'est aussi pour c<strong>et</strong>te raison que l'on ne manquait pas une occasion <strong>de</strong> s'<strong>en</strong><br />

pr<strong>en</strong>dre violemm<strong>en</strong>t au Temple <strong>de</strong> Jérusalem ; on n'<strong>en</strong> soulignait que le mauvais<br />

avec le plus <strong>grand</strong> zèle, mais l'on ne t<strong>en</strong>ait aucun compte du bon <strong>et</strong> n'<strong>en</strong> disait pas<br />

un mot, malgré tout le bi<strong>en</strong> que, comme chacun sait, le Temple fait inlassable-<br />

(*)<br />

C<strong>et</strong>te expression imagée signifie que les Pharisi<strong>en</strong>s sont <strong>en</strong>core à moitié dans leur anci<strong>en</strong> état,<br />

qu'ils « coll<strong>en</strong>t » <strong>en</strong>core à leurs anci<strong>en</strong>nes croyances. (N.d.E./N.d.T.)<br />

440


m<strong>en</strong>t !<br />

3. Stahar <strong>et</strong> Floran, qui bi<strong>en</strong> sûr avai<strong>en</strong>t une meilleure opinion que les autres <strong>de</strong><br />

Moi <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Romains, s'efforçai<strong>en</strong>t certes <strong>de</strong> détromper leurs collègues, mais sans<br />

<strong>grand</strong> succès, bi<strong>en</strong> qu'ils Me déf<strong>en</strong>diss<strong>en</strong>t avec force comme étant un prophète à<br />

la manière d'Elie.<br />

4. La partie adverse disait : « Regar<strong>de</strong>z comme ces neuf noyés ont été couchés<br />

selon toutes les règles <strong>de</strong> l'art médical, la tête vers le bas <strong>et</strong> face contre terre !<br />

Pourquoi <strong>en</strong> est-il ainsi ?! Un Dieu est assez puissant pour ressusciter <strong>de</strong>s noyés<br />

sans ces préparatifs ; <strong>et</strong> s'il a fallu pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> telles précautions, tout à fait d'un<br />

mé<strong>de</strong>cin, pour ram<strong>en</strong>er si possible ces noyés à la vie, il peut difficilem<strong>en</strong>t s'agir<br />

d'un pur miracle ! Même les trois qui ont été ressuscités auparavant ont dû être<br />

am<strong>en</strong>és à l'intérieur afin <strong>de</strong> ne point pâtir <strong>de</strong> la fraîcheur <strong>de</strong> la nuit <strong>et</strong> d'offrir un<br />

meilleur aspect le l<strong>en</strong><strong>de</strong>main matin ! Oh, nous avons tout compris maint<strong>en</strong>ant ! »<br />

5. Mais Floran leur <strong>de</strong>manda ce qu'il <strong>en</strong> était <strong>en</strong> ce cas <strong>de</strong> Raphaël, qui avait tout<br />

<strong>de</strong> même accompli les miracles les plus incroyables. Plusieurs fur<strong>en</strong>t alors bi<strong>en</strong><br />

sûr pris <strong>de</strong> court <strong>et</strong> ne sur<strong>en</strong>t que répondre.<br />

6. Mais l'un <strong>de</strong>s principaux contradicteurs répliqua : « Ami, nous ne savons ri<strong>en</strong> à<br />

proprem<strong>en</strong>t parler ; mais l'on peut adm<strong>et</strong>tre à coup sûr qu'il existe <strong>en</strong>core dans la<br />

nature bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s forces secrètes <strong>et</strong> mystérieuses auxquelles nous n'avons jamais<br />

songé. Ces g<strong>en</strong>s ont pris connaissance <strong>en</strong> Egypte <strong>de</strong> ces forces secrètes <strong>de</strong> la<br />

nature <strong>et</strong>, par <strong>de</strong>s voies totalem<strong>en</strong>t ignorées <strong>de</strong> nous, ils s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt à les<br />

dompter <strong>de</strong> telle sorte que ces actes par lesquels ils maîtris<strong>en</strong>t une nature<br />

ins<strong>en</strong>sible nous apparaiss<strong>en</strong>t nécessairem<strong>en</strong>t, à nous profanes, comme <strong>de</strong> purs<br />

miracles. Si ce jeune homme nous les expliquait <strong>et</strong> nous <strong>en</strong> montrait les<br />

avantages <strong>et</strong> les moy<strong>en</strong>s avec leur maniem<strong>en</strong>t précis, nous pourrions nous aussi<br />

réussir immanquablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s miracles. Oh, les hommes sav<strong>en</strong>t produire <strong>de</strong>s<br />

choses fort curieuses <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre toute la nature à contribution ; mais Dieu seul peut<br />

produire quelque chose à partir <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> ! C'est là la <strong>grand</strong>e différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre l'omnipot<strong>en</strong>ce<br />

<strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> les facultés miraculeuses <strong>de</strong> tant d'hommes à l'esprit éveillé.<br />

7. Si ce jeune homme <strong>de</strong>vrait créer une nouvelle terre avec tout ce qui, sur elle,<br />

existe, vit <strong>et</strong> respire, le souffle lui manquerait à coup sûr ! Oui, pour celui qui s'y<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d, ce n'est pas du <strong>grand</strong> art que <strong>de</strong> manipuler la nature préexistante ; mais<br />

créer un mon<strong>de</strong> à partir <strong>de</strong> ri<strong>en</strong>, créer ne serait-ce même qu'un brin d'herbe sans<br />

partir <strong>de</strong> sa graine, voire créer un homme — mais <strong>en</strong> partant vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> !<br />

—, ah, c'est là que l'on verrait aussitôt jusqu'où va le pouvoir <strong>de</strong> tels hommes ! »<br />

8. Floran dit : « Eh bi<strong>en</strong>, à ta place, ami, je ne miserais pas trop d'or sur le fait<br />

que ces <strong>de</strong>ux hommes ne soi<strong>en</strong>t pas capables, s'il le fallait vraim<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> faire<br />

sortir tout un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> ; <strong>en</strong> vérité, je ne m'y risquerais pas ! »<br />

9. Stahar dit : « Moi non plus ; car tous <strong>de</strong>ux m'ont déjà r<strong>en</strong>du <strong>de</strong> trop <strong>grand</strong>s<br />

services ! De plus, une si <strong>grand</strong>e sagesse <strong>en</strong> toutes choses s'exprime par leur<br />

bouche que tout mon savoir <strong>et</strong> mon expéri<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> sont purem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> simplem<strong>en</strong>t<br />

anéantis ; <strong>et</strong> lorsqu'une si <strong>grand</strong>e sagesse se manifeste, c'est l'esprit <strong>de</strong> Dieu qui<br />

est à l'œuvre, car à Lui, ri<strong>en</strong> n'est impossible.<br />

10. Rappelons-nous tout ce qui fut possible à Elie <strong>et</strong> à Moïse, <strong>et</strong> cela nous fera<br />

441


mieux compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t le même esprit tout-puissant <strong>de</strong> Dieu perm<strong>et</strong> à ces<br />

<strong>de</strong>ux-là d'accomplir très sûrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> tout temps leurs inconcevables prodiges !<br />

11. Eh quoi ! Puisque nous savons que seul l'esprit tout-puissant <strong>de</strong> Dieu peut<br />

<strong>de</strong>s choses qui sont impossibles à tout être humain, il est aisé <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre que<br />

ce qui agit ici est ce même Esprit divin qui tira un jour la terre du néant, <strong>et</strong> plus<br />

tard accomplit les plus <strong>grand</strong>s prodiges à travers Moïse <strong>et</strong> Elie !<br />

12. En outre, je vous pose c<strong>et</strong>te question : a-t-il jamais existé, <strong>en</strong> <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants d'Israël, un peuple qui, dans la sagesse <strong>et</strong> dans la force, soit allé plus loin<br />

que nous-mêmes, vrais <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants d'Abraham, d'Isaac <strong>et</strong> <strong>de</strong> Jacob ?! Si un<br />

homme n'a pas trouvé dans la maison <strong>de</strong> Jacob la vraie sagesse <strong>et</strong> la force qui <strong>en</strong><br />

découle, où ira-t-il les chercher ?! Je connais l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'école secrète<br />

d'Egypte <strong>et</strong> sais ce qui y est <strong>en</strong>seigné ! Oui, c<strong>et</strong>te école <strong>de</strong> Korak est sans doute<br />

parv<strong>en</strong>ue à <strong>grand</strong>-peine jusque dans l'antichambre ; mais au cœur même du Saint<br />

<strong>de</strong>s Saints, jamais <strong>de</strong> la vie !<br />

13. Or, comme on le perçoit au premier regard, ces <strong>de</strong>ux-là sembl<strong>en</strong>t connaître<br />

les profon<strong>de</strong>urs du Saint <strong>de</strong>s Saints aussi intimem<strong>en</strong>t qu'une maîtresse <strong>de</strong> maison<br />

connaît l'intérieur <strong>de</strong> son gar<strong>de</strong>-manger. On reconnaît sur-le-champ au visage<br />

serein d'une maîtresse <strong>de</strong> maison soucieuse <strong>de</strong> sa famille que son gar<strong>de</strong>-manger<br />

est bi<strong>en</strong> fourni ; <strong>et</strong> chez ces <strong>de</strong>ux-là, on reconnaît égalem<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong>, pour peu<br />

que l'on considère leurs visages, qu'ils sont emplis <strong>de</strong> la sérénité la plus joyeuse<br />

<strong>et</strong> la plus insouciante, <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t tranquilles !<br />

14. Celui qui dispose d'une telle sagesse <strong>et</strong> d'une telle puissance <strong>et</strong> qui peut<br />

considérer le mon<strong>de</strong> avec c<strong>et</strong>te tranquillité véritablem<strong>en</strong>t divine, celui que la pire<br />

<strong>de</strong>s tempêtes n'inquiète pas davantage que nous le premier hiver vécu par le père<br />

Adam, celui-là est dans le Saint <strong>de</strong>s Saints, il est déjà un maître <strong>et</strong> un souverain !<br />

Celui-là n'a besoin d'aucune école <strong>de</strong> sagesse égypti<strong>en</strong>ne, parce que Dieu lui <strong>en</strong> a<br />

inspiré Lui-même une meilleure par Son esprit ! Telle est mon opinion, <strong>et</strong><br />

désormais ma ferme conviction ; <strong>et</strong> je reconnais que c<strong>et</strong>te conviction est bonne à<br />

ce que je comm<strong>en</strong>ce moi aussi à y trouver une paix parfaitem<strong>en</strong>t divine <strong>et</strong> une<br />

liberté que je n'avais <strong>en</strong>core jamais éprouvées ou ress<strong>en</strong>ties jusqu'ici.<br />

15. Bi<strong>en</strong> qu'ayant été votre supérieur, je ne puis certes pas vous imposer c<strong>et</strong>te<br />

croyance <strong>et</strong> ces perceptions, parce qu'elles ne peuv<strong>en</strong>t se comman<strong>de</strong>r ; mais je<br />

puis tout <strong>de</strong> même vous dire qu'il <strong>en</strong> est bi<strong>en</strong> ainsi, <strong>et</strong> qu'avec votre école<br />

d'Egypte, vous errez sans fil conducteur dans les plus noires catacombes ! »<br />

16. L'orateur <strong>de</strong> la partie adverse, déjà réduite <strong>de</strong> plusieurs têtes par ces paroles<br />

<strong>de</strong> Stahar, répond : « Oui, oui, cher ami, tu as fort bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> justem<strong>en</strong>t parlé, mais<br />

ce qui nous gêne, nous, c'est seulem<strong>en</strong>t que les neufs noyés ai<strong>en</strong>t dû être disposés<br />

comme par un mé<strong>de</strong>cin ; car c'est ainsi que les mé<strong>de</strong>cins, <strong>de</strong> même que les<br />

marins expérim<strong>en</strong>tés, couch<strong>en</strong>t les noyés, <strong>et</strong> il arrive souv<strong>en</strong>t que cela suffise à<br />

ram<strong>en</strong>er ceux-ci à la vie, car c<strong>et</strong>te position chasse l'eau <strong>de</strong>s poumons, <strong>et</strong> si la<br />

moindre étincelle <strong>de</strong> vie subsiste dans le cœur, la vie peut alors rev<strong>en</strong>ir ; car chez<br />

les noyés, l'âme doit <strong>en</strong>core <strong>de</strong>meurer trois jours dans le corps, afin qu'il <strong>de</strong>meure<br />

possible <strong>de</strong> rappeler ces noyés à la vie <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière connue <strong>de</strong> longue date,<br />

même lorsqu'ils ont séjourné dans l'eau <strong>de</strong>ux jours durant. Ainsi donc, si le<br />

véritable esprit <strong>de</strong> Dieu <strong>de</strong>meure <strong>en</strong> ce nouvel Elie, à quoi bon ces préparatifs<br />

442


médicaux ?!<br />

17. Quand, selon la lég<strong>en</strong><strong>de</strong>, Elie fit revivre un <strong>grand</strong> tas d'ossem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> les<br />

revêtit <strong>de</strong> chair, il n'eut pas besoin <strong>de</strong> préparatifs médicaux, mais sa parole <strong>et</strong> sa<br />

volonté suffir<strong>en</strong>t. Avant c<strong>et</strong> acte d'Elie, d'autres fur<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t accomplis par<br />

la seule puissance <strong>de</strong> la parole ; pourquoi donc pr<strong>en</strong>d-il maint<strong>en</strong>ant ces<br />

dispositions avec les neuf noyés, comme si toute la force <strong>de</strong> l'Esprit divin l'avait<br />

abandonné ? !<br />

18. Vois-tu, ami, quand tu fais une p<strong>et</strong>ite tache sur un mouchoir déjà <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t<br />

sali, nul regard, si perçant soit-il, ne le remarquera ; mais sur un mouchoir d'un<br />

blanc parfaitem<strong>en</strong>t pur, même un p<strong>et</strong>it point noir te gênera ! Et il <strong>en</strong> va <strong>de</strong> même<br />

pour ce <strong>grand</strong> prophète <strong>en</strong> qui est c<strong>en</strong>sée <strong>de</strong>meurer la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Esprit divin :<br />

tout p<strong>et</strong>it détail qui ne s'accor<strong>de</strong> pas avec l'idée <strong>de</strong> sublime <strong>et</strong> avec la suprême<br />

dignité <strong>de</strong> l'Esprit divin gêne. Si seulem<strong>en</strong>t il n'avait pas fait cela, j'aurais peutêtre<br />

fini par le t<strong>en</strong>ir pour Yahvé <strong>en</strong> personne, car ses discours <strong>et</strong> ses actes<br />

précé<strong>de</strong>nts étai<strong>en</strong>t véritablem<strong>en</strong>t divins ; mais avec c<strong>et</strong>te manipulation <strong>de</strong>s neuf<br />

noyés, il a effacé à mes yeux tout son précé<strong>de</strong>nt nimbe <strong>de</strong> divinité, <strong>et</strong> je ne puis<br />

plus désormais m'y r<strong>et</strong>rouver tout à fait ! »<br />

19. Stahar dit <strong>en</strong>core : « Ami, si tu es gêné par si peu <strong>de</strong> chose, je m'étonne fort<br />

que tu n'aies pas déjà été gêné <strong>de</strong>puis longtemps dans ta croyance <strong>en</strong> Dieu <strong>en</strong><br />

observant, comme tu l'as sans doute souv<strong>en</strong>t fait, la l<strong>en</strong>teur <strong>de</strong> la croissance <strong>de</strong>s<br />

plantes, <strong>de</strong>s animaux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s hommes ! En quoi l'esprit tout-puissant <strong>de</strong> Yahvé a-til<br />

besoin <strong>de</strong> tous ces fastidieux préliminaires ?! D'ailleurs, qu'a-t-Il besoin <strong>de</strong>s<br />

arbres, <strong>de</strong>s buissons <strong>et</strong> <strong>de</strong>s plantes pour y faire mûrir peu à peu différ<strong>en</strong>tes<br />

espèces <strong>de</strong> fruits ?! Il n'a qu'à le vouloir, <strong>et</strong> ceux-ci tomberont déjà mûrs <strong>de</strong>s<br />

nuages ! À quoi bon <strong>de</strong>s champs sur la terre ?! L'esprit <strong>de</strong> Dieu n'a qu'à faire<br />

plutôt pleuvoir du ciel les meilleurs grains bi<strong>en</strong> mûrs, ou, mieux <strong>en</strong>core,<br />

d'excell<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> savoureux pains ! À quoi bon la procréation chez les hommes <strong>et</strong><br />

les bêtes ?! Pourquoi l'homme doit-il naître d'abord sans déf<strong>en</strong>se <strong>et</strong> aussi faible<br />

qu'un moucheron ?! Il n'a qu'à tomber sur terre déjà fort, sage <strong>et</strong> pourvu <strong>de</strong> tout !<br />

20. Ne trouves-tu pas que cela serait beaucoup plus intellig<strong>en</strong>t <strong>et</strong> plus digne <strong>de</strong> la<br />

toute-puissance <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong> Dieu, au lieu du long cheminem<strong>en</strong>t que nous<br />

connaissons, <strong>et</strong> qui fait qu'un <strong>en</strong>fant affamé doit bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t regar<strong>de</strong>r un arbre<br />

plusieurs semaines avant que les fruits mûriss<strong>en</strong>t sur ses branches ?! Quelle ne<br />

serait pas la joie <strong>de</strong> par<strong>en</strong>ts soucieux du bi<strong>en</strong>-être <strong>de</strong> leurs <strong>en</strong>fants, si ceux-ci<br />

v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t au mon<strong>de</strong> pourvus <strong>de</strong> toute la sagesse d'un Samuel ?! Mais il faut qu'ils<br />

naiss<strong>en</strong>t dans <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es douleurs, <strong>et</strong> il se passe <strong>en</strong>suite au moins douze années<br />

avant que l'<strong>en</strong>fant <strong>en</strong> arrive seulem<strong>en</strong>t au point où il peut recevoir un<br />

<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t supérieur, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite, il peut avoir à déployer tout son zèle jusqu'à<br />

l'âge d'homme pour accé<strong>de</strong>r à la sûr<strong>et</strong>é nécessaire dans un art ou une sci<strong>en</strong>ce<br />

quelconques. Trouves-tu vraim<strong>en</strong>t cela à la mesure <strong>de</strong> la très haute sagesse <strong>de</strong><br />

l'Esprit divin ?!<br />

21. Et si l'infinie sagesse divine n'a pas souffert <strong>de</strong> tout cela, comm<strong>en</strong>t peux-tu <strong>en</strong><br />

vouloir à ce prophète parce qu'il a fait disposer les neuf cadavres selon une règle<br />

médicale ?! — Réponds donc, mon ami ! »<br />

22. Le contradicteur, qui s'appelait Murel, dit : « Oui, oui, ami Stahar, tu as<br />

443


aison, <strong>et</strong> je compr<strong>en</strong>ds fort bi<strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant l'inanité <strong>de</strong> ma déclaration précé<strong>de</strong>nte<br />

! Néanmoins, je r<strong>et</strong>i<strong>en</strong>s tout <strong>de</strong> même quelque chose <strong>de</strong> ce que j'ai exposé<br />

tout à l'heure, à savoir que la l<strong>en</strong>teur divine me convi<strong>en</strong>t tout à fait <strong>en</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

choses, mais pas du tout dans d'autres ! Oui, <strong>en</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, on pourrait<br />

même souhaiter davantage <strong>de</strong> l<strong>en</strong>teur, comme par exemple pour les éclairs<br />

<strong>de</strong>structeurs ou la brièv<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s jours d'hiver ; la pleine lune aussi <strong>de</strong>vrait pouvoir<br />

conserver sa clarté davantage que <strong>de</strong>ux ou trois jours ! Si l'éclair ne f<strong>en</strong>dait pas<br />

les airs avec une si effroyable rapidité, on pourrait l'éviter <strong>et</strong> il serait moins nocif<br />

; les v<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> tempête pourrai<strong>en</strong>t eux aussi souffler plus l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> cela<br />

éviterait bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s dommages ! C'est ainsi que, dans la Création, la puissance<br />

divine manifeste une extraordinaire vélocité précisém<strong>en</strong>t là où celle-ci porte<br />

préjudice à la nature animée : mais là où, selon moi, il ne servira à ri<strong>en</strong> qu'une<br />

chose dure plus longtemps, souv<strong>en</strong>t trop longtemps, il n'est pour ainsi dire plus<br />

question qu'elle cesse.<br />

23. Tout homme sait par expéri<strong>en</strong>ce qu'il <strong>en</strong> est ainsi. Mais pourquoi faut-il qu'il<br />

<strong>en</strong> soit ainsi, <strong>et</strong> pourquoi, si cela est si bon, faut-il que je ne puisse, moi,<br />

reconnaître que cela est bi<strong>en</strong>, <strong>et</strong> même que j'<strong>en</strong> sois impati<strong>en</strong>té <strong>et</strong> fâché ? Pourquoi<br />

pleut-il souv<strong>en</strong>t quand, selon les paysans, les rayons du soleil serai<strong>en</strong>t du<br />

plus <strong>grand</strong> bi<strong>en</strong>fait, <strong>et</strong> pourquoi le soleil brille-t-il souv<strong>en</strong>t tout un mois sans la<br />

moindre goutte <strong>de</strong> pluie <strong>en</strong>tre-temps ? Ce sont vraim<strong>en</strong>t là, ami, <strong>de</strong>s questions<br />

ess<strong>en</strong>tielles ; mais qui y répondra ? »<br />

24. Stahar dit : « Le <strong>grand</strong> Maître, là-bas ! Va Le trouver, <strong>et</strong> je gage qu'il te<br />

montrera tout cela sous son vrai jour. Car tes questions sont d'un niveau trop<br />

élevé pour moi, oui, si élevé que je serais t<strong>en</strong>té <strong>de</strong> les dire stupi<strong>de</strong>s ; non pas<br />

parce qu'elles le sont vraim<strong>en</strong>t, mais uniquem<strong>en</strong>t parce qu'elles apparaiss<strong>en</strong>t ainsi<br />

à mon peu d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. »<br />

25. Murel dit : « Oh, c'est ainsi que tu juges mes questions, toi qui es un homme<br />

fort subtil, bi<strong>en</strong> plus sage que moi !? Comm<strong>en</strong>t pourrais-je donc aller les poser au<br />

plus sage <strong>de</strong> tous ?! »<br />

26. Stahar dit : « Eh bi<strong>en</strong>, si tu compr<strong>en</strong>ds cela, ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas la raison <strong>de</strong><br />

choses <strong>et</strong> <strong>de</strong> phénomènes que la sagesse divine a ordonnés <strong>de</strong> toute éternité ! Il y<br />

a une infinité <strong>de</strong> choses que nous ne compr<strong>en</strong>ons pas, nous les hommes, oui, <strong>en</strong><br />

vérité, nous ne compr<strong>en</strong>ons ri<strong>en</strong> du tout ; car, comparé à la sagesse divine, tout<br />

notre <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t n'est qu'une poussière dans le soleil, <strong>et</strong> il voudrait que Dieu lui<br />

r<strong>en</strong><strong>de</strong> compte <strong>de</strong> la raison pour laquelle Il a ordonné <strong>et</strong> décidé ceci ou cela ?!<br />

Nous n'<strong>en</strong> sommes pas <strong>en</strong>core à la première ligne <strong>de</strong> l'alpha, <strong>et</strong> nous posons déjà<br />

<strong>de</strong>s questions sur la sagesse <strong>de</strong> l'oméga ! Oh, quels stupi<strong>de</strong>s aveugles <strong>de</strong>vonsnous<br />

être <strong>en</strong>core !<br />

27. Il se peut que cela soit d'usage chez les paï<strong>en</strong>s ignorants <strong>de</strong> l'école égypti<strong>en</strong>ne<br />

<strong>de</strong> Korak ; mais chez les <strong>en</strong>fants d'Israël, qui sont c<strong>en</strong>sés y voir clair, <strong>de</strong> telles<br />

questions ne <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t pas avoir cours. Car si <strong>de</strong>s aveugles ne peuv<strong>en</strong>t se<br />

connaître, nous <strong>de</strong>vrions du moins nous connaître assez pour savoir que notre<br />

connaissance a atteint le plus haut somm<strong>et</strong> <strong>de</strong> la sagesse quand nous sommes<br />

parv<strong>en</strong>us à compr<strong>en</strong>dre que tout notre savoir <strong>et</strong> notre connaissance ne sont que<br />

pur néant, comparés à une seule étincelle <strong>de</strong> la sagesse divine !<br />

444


28. Certes, l'esprit ratiocineur <strong>de</strong> l'homme voit sans doute, dans la merveilleuse<br />

Création <strong>de</strong> Dieu, bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses que, dans la p<strong>et</strong>itesse <strong>de</strong> son <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, il<br />

ne peut guère approuver ; mais qu'il se remémore le temps où ses sages par<strong>en</strong>ts<br />

lui cachai<strong>en</strong>t maintes choses qui euss<strong>en</strong>t pu lui faire le plus <strong>grand</strong> mal s'il les eût<br />

connues, étant <strong>en</strong>core un <strong>en</strong>fant impru<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> sans expéri<strong>en</strong>ce ! Si l'amour <strong>et</strong> la<br />

miséricor<strong>de</strong> <strong>de</strong> Dieu nous cach<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core, à nous qui sommes Ses <strong>en</strong>fants sans<br />

aucune maturité ni aucune expéri<strong>en</strong>ce, tant <strong>de</strong> choses qui, si nous les connaissions,<br />

nous précipiterai<strong>en</strong>t à coup sûr dans <strong>de</strong> viol<strong>en</strong>ts courants qui nous causerai<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>s dommages incalculables, nous ne pouvons qu'<strong>en</strong> louer Dieu ! Car<br />

lorsque nous serons capables d'une plus <strong>grand</strong>e sagesse, Dieu ne nous <strong>en</strong> privera<br />

pas plus longtemps ! »<br />

Chapitre 217<br />

Cyrénius <strong>et</strong> le Seigneur s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à propos <strong>de</strong> Murel, <strong>de</strong> Stahar <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

disciples<br />

1. Cyrénius, qui avait écouté très att<strong>en</strong>tivem<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te discussion t<strong>en</strong>ue à voix<br />

assez haute, Me dit alors : « Seigneur <strong>et</strong> Maître, notre supérieur Stahar fait <strong>de</strong>s<br />

progrès ! Je ne m'att<strong>en</strong>dais pas à tant <strong>de</strong> sagesse <strong>de</strong> sa part ! Avec quelle aisance<br />

a-t-il réduit au sil<strong>en</strong>ce compl<strong>et</strong> son adversaire, <strong>et</strong> cela est d'autant plus étonnant<br />

qu'il s'agissait <strong>de</strong> Murel ! Car je le connais comme un orateur <strong>de</strong> première classe,<br />

<strong>et</strong> je le ti<strong>en</strong>s aussi pour l'un <strong>de</strong>s hommes qui ont sans doute l'expéri<strong>en</strong>ce la plus<br />

considérable du vaste mon<strong>de</strong>, aussi peut-il parler <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, <strong>et</strong> ce qu'il<br />

dit a toujours une base soli<strong>de</strong>. Je le connais parce que c'était lui qui m'était<br />

délégué chaque fois que les prêtres juifs avai<strong>en</strong>t quelque requête particulière à<br />

formuler. Il s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dait toujours à <strong>en</strong>velopper sa pétition <strong>de</strong> telle sorte que l'on<br />

ne pouvait jamais la rej<strong>et</strong>er tout à fait. C'est pourquoi je suis d'autant plus étonné<br />

que Stahar ait si bi<strong>en</strong> triomphé <strong>de</strong> ce Murel.<br />

2. Mais pour cela, ô Seigneur, Tu as sans doute mis plus d'un mot sur sa langue ;<br />

car sans cela, Murel aurait triomphé sans conteste ! Ce qu'il disait n'était pas sans<br />

fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> il ne bâtissait pas ses hypothèses sur le sable ; mais, bi<strong>en</strong> sûr,<br />

Stahar lui a répondu avec force, <strong>et</strong> ce qu'il lui a montré reposait sur une base<br />

infinim<strong>en</strong>t plus stable.<br />

3. Enfin, je dois adm<strong>et</strong>tre que même <strong>en</strong> ces temps <strong>de</strong> dégénéresc<strong>en</strong>ce, il y a<br />

parmi les Juifs <strong>de</strong>s hommes dont on ne trouverait pas les pareils dans le mon<strong>de</strong>,<br />

<strong>et</strong> je ne puis donc plus du tout leur être hostile. Quant à Stahar, il faudra <strong>en</strong> tout<br />

cas que je lui r<strong>en</strong><strong>de</strong> une position où sa sagesse pourra porter <strong>de</strong>s fruits à sa mesure<br />

; car il est maint<strong>en</strong>ant tout à fait <strong>de</strong> Ton bord ! »<br />

4. Je dis : « Il est vrai, <strong>et</strong> Je savais <strong>de</strong>puis longtemps qu'il <strong>en</strong> serait ainsi — mais<br />

Murel est plus important <strong>en</strong>core ; car l'esprit <strong>de</strong> Murel est d'une <strong>grand</strong>e ferm<strong>et</strong>é,<br />

<strong>et</strong> son âme recèle quantité d'expéri<strong>en</strong>ces fort utiles grâce auxquelles il sait fort<br />

bi<strong>en</strong> distinguer le vrai du faux <strong>et</strong> le bi<strong>en</strong> du mal. Il nous faut éveiller davantage<br />

ce Murel <strong>et</strong> lui montrer la seule ordonnance juste, celle <strong>de</strong> l'Esprit divin, qu'il<br />

pourra <strong>en</strong>suite expliquer parfaitem<strong>en</strong>t aux autres avec la plus <strong>grand</strong>e éloqu<strong>en</strong>ce. »<br />

445


5. Cyrénius dit : « Mais ce qui me surpr<strong>en</strong>d fort <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> Tes disciples<br />

proprem<strong>en</strong>t dits, c'est qu'on croirait vraim<strong>en</strong>t qu'ils ne sont pas là du tout ! Ils ne<br />

font qu'écouter <strong>et</strong> ouvrir <strong>de</strong>s yeux att<strong>en</strong>tifs, <strong>et</strong> il n'est presque jamais question<br />

pour eux <strong>de</strong> parler ou <strong>de</strong> discourir ! Pourquoi donc sont-ils aussi passifs ? »<br />

6. Je dis : « Parce que, à l'exception d'un seul, ils sav<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> ce qu'ils ont à<br />

faire ! Celui qui se tait <strong>et</strong> écoute récolte sans cesse ; mais celui qui parle luimême<br />

gaspille <strong>et</strong> ne parvi<strong>en</strong>t jamais à la richesse. Cep<strong>en</strong>dant, quand Mes<br />

disciples, qui sont avec Moi <strong>de</strong>puis le début, auront beaucoup amassé, ils parleront<br />

eux aussi, <strong>et</strong> ce sont eux qui seront alors les premiers à prêcher le salut aux<br />

peuples <strong>de</strong> la terre. Il y a parmi eux <strong>de</strong>s hommes d'une profon<strong>de</strong> sagesse, bi<strong>en</strong><br />

que la plupart soi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leur état <strong>de</strong> pauvres pêcheurs.<br />

7. Mais rev<strong>en</strong>ons-<strong>en</strong> à notre Murel ! Celui-là nous donnera sans doute <strong>en</strong>core un<br />

peu <strong>de</strong> fil à r<strong>et</strong>ordre, mais <strong>en</strong>suite, c'est par sa propre évolution qu'il accé<strong>de</strong>ra à<br />

une force spirituelle véritablem<strong>en</strong>t gigantesque. »<br />

8. Cyrénius dit : « Eh bi<strong>en</strong>, je m'<strong>en</strong> réjouis énormém<strong>en</strong>t, une fois <strong>de</strong> plus ; car<br />

j'éprouve toujours une <strong>grand</strong>e joie quand un aveugle recouvre la vue <strong>et</strong> un mu<strong>et</strong><br />

la parole. »<br />

Chapitre 218<br />

Expéri<strong>en</strong>ces vécues par Murel lors <strong>de</strong> ses voyages<br />

1. Comme Cyrénius fait c<strong>et</strong>te remarque, Murel vi<strong>en</strong>t à nous, Me salue <strong>et</strong> dit : «<br />

Seigneur <strong>et</strong> Maître, jusqu'ici, seuls <strong>de</strong>ux d'<strong>en</strong>tre nous, Stahar <strong>et</strong> Floran, parlai<strong>en</strong>t<br />

pour tous ; il est vrai que je me taisais parce que je les approuvais sur bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

points — mais il y avait aussi bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses avec lesquelles je n'étais pas <strong>et</strong> ne<br />

pouvais être d'accord. Mais Stahar a éclairé tout cela d'un jour vraim<strong>en</strong>t<br />

lumineux; <strong>et</strong> j'y vois bi<strong>en</strong> plus clair à prés<strong>en</strong>t ; néanmoins, il y a <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s<br />

choses que je suis loin d'avoir tout à fait comprises ! Aussi, à prés<strong>en</strong>t que mon<br />

opinion <strong>de</strong> toi est tout à fait changée, c'est <strong>de</strong> toi que j'aimerais recevoir quelques<br />

éclaircissem<strong>en</strong>ts.<br />

2. Il est vrai que, comme mes collègues, j'étais un Pharisi<strong>en</strong>, dans la mesure où<br />

c<strong>et</strong> état s'accordait avec mes conceptions <strong>et</strong> mes connaissances avérées, <strong>et</strong> je sais<br />

que tu n'es pas particulièrem<strong>en</strong>t ami <strong>de</strong> ces prophètes <strong>de</strong> la nuit — du moins pour<br />

la plupart ! Mais il existe aussi dans c<strong>et</strong>te catégorie quelques hommes, au nombre<br />

<strong>de</strong>squels je me suis toujours compté, chez qui tout esprit <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> n'a pas<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t disparu, <strong>et</strong> c'est sous ces auspices que j'ose v<strong>en</strong>ir à toi <strong>et</strong> t'interroger<br />

— non comme un <strong>de</strong> ces Pharisi<strong>en</strong>s que tu hais, mais comme un être humain<br />

ordinaire, simplem<strong>en</strong>t riche <strong>de</strong> son expéri<strong>en</strong>ce — sur maintes choses que chacun,<br />

tout comme moi, a besoin <strong>de</strong> savoir.<br />

3. Mais une question préalable se pose, qui est celle-ci : je suis un homme <strong>et</strong> un<br />

pécheur, <strong>et</strong> toi un Dieu très saint ; voudras-tu bi<strong>en</strong> me faire la grâce d'une<br />

réponse qui me satisfasse ? »<br />

4. Je dis : « Celui qui reconnaît ses péchés <strong>en</strong> tant que péchés <strong>et</strong> les a réellem<strong>en</strong>t<br />

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<strong>en</strong> horreur, qui aime Dieu par<strong>de</strong>ssus tout <strong>et</strong> son prochain comme lui-même,<br />

celui-là n'est plus pécheur <strong>de</strong>vant Moi !<br />

5. Aimer Dieu par-<strong>de</strong>ssus tout signifie observer Ses comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> ne pas<br />

vouloir vivre hors <strong>de</strong> Son ordonnance ; si c'est ton cas, parle, <strong>et</strong> Je t'écouterai <strong>et</strong><br />

te répondrai ! »<br />

6. Murel dit : « Alors, adieu, ami ; car nous n'aurons pas <strong>grand</strong>-chose à nous dire<br />

! À quoi bon reconnaître mes péchés <strong>et</strong> les détester autant que possible ?! La<br />

mauvaise heure <strong>de</strong> la t<strong>en</strong>tation vi<strong>en</strong>t toujours, <strong>et</strong> l'on r<strong>et</strong>ombe mille fois là où l'on<br />

est déjà tombé !<br />

7. On observe toujours les comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> Dieu avec sa bonne volonté ;<br />

mais dans les actes, c'est une autre paire <strong>de</strong> manches !<br />

8. Quant à mon prochain, je l'ai toujours aimé quand il n'était pas un coquin <strong>et</strong> un<br />

fripon ; mais s'il l'était, je ne l'aimais évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t pas <strong>et</strong> suis <strong>en</strong>core loin d'être<br />

son ami. Si mon prochain <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t un homme d'honneur, alors, je l'aimerai <strong>et</strong> le<br />

respecterai à nouveau, sinon, ce ne sera pas si facile ! Tu sais maint<strong>en</strong>ant quelle<br />

sorte d'homme je suis. Si tu veux <strong>et</strong> peux me faire la grâce d'une réponse, donnela-moi<br />

franchem<strong>en</strong>t ; mais si tu ne le peux pas, dis-le-moi, <strong>et</strong> je m'<strong>en</strong> cont<strong>en</strong>terai !<br />

9. L'orgueil <strong>et</strong> l'égoïsme me sont <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts tout à fait étrangers ; mais il n'y<br />

a pas davantage <strong>de</strong> crainte <strong>en</strong> moi, parce que je ne ti<strong>en</strong>s pas spécialem<strong>en</strong>t à la vie<br />

quelle qu'elle soit. Ma vie m'importe exactem<strong>en</strong>t autant que la <strong>de</strong>rnière planche<br />

<strong>de</strong> l'arche <strong>de</strong> Noé, <strong>et</strong> le néant me serait mille fois plus cher que c<strong>et</strong>te misérable<br />

exist<strong>en</strong>ce !<br />

10. D'ailleurs, pourquoi a-t-il fallu que je naisse <strong>et</strong> que je continue <strong>de</strong> vivre ? Aije<br />

eu la possibilité <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à un Dieu <strong>de</strong> me faire naître <strong>et</strong> exister ?! Je suis<br />

né sans l'avoir voulu, j'existe <strong>en</strong>core sans le vouloir <strong>et</strong> dois me plier à toutes<br />

sortes <strong>de</strong> lois <strong>et</strong> autres désagrém<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong> échange <strong>de</strong> quoi je n'ai ri<strong>en</strong> d'autre<br />

qu'une promesse parfaitem<strong>en</strong>t obscure selon laquelle, après c<strong>et</strong>te misérable<br />

exist<strong>en</strong>ce, il y aurait une exist<strong>en</strong>ce moins misérable d'une durée éternelle. Et pour<br />

pouvoir participer un jour <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te exist<strong>en</strong>ce, je dois purem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> simplem<strong>en</strong>t<br />

fouler aux pieds, tout au long <strong>de</strong> ma vie ici-bas, toutes les t<strong>en</strong>tations, si fortes<br />

qu'elles soi<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> être aussi pur que le soleil <strong>en</strong> plein midi, une condition<br />

parfaitem<strong>en</strong>t impossible à remplir à moins d'avoir une nature aussi divine que la<br />

ti<strong>en</strong>ne l'est peut-être, cher <strong>et</strong> très estimable ami !<br />

11. À quoi bon tout cela ?! Foin <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te vie ! Car je n'ai que faire d'une<br />

méchante vie temporelle, <strong>et</strong> moins <strong>en</strong>core d'une vie éternelle qui, dans le meilleur<br />

<strong>de</strong>s cas, pourrait être un peu moins mauvaise ! Le parfait néant est bi<strong>en</strong> la félicité<br />

la plus auth<strong>en</strong>tique !<br />

12. Ah, si j'avais la perspective certaine d'une vie éternelle parfaite, il <strong>en</strong> serait<br />

tout autrem<strong>en</strong>t ! L'on saurait pourquoi <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t l'on doit agir dans c<strong>et</strong>te vie<br />

pour pouvoir, après elle, s'att<strong>en</strong>dre avec la plus <strong>grand</strong>e confiance à une vie<br />

éternelle d'autant meilleure ; mais ce n'est certes pas le cas !<br />

13. Où que l'on aille, dans quelque école que l'on se fasse initier, partout l'on<br />

trouve, au lieu d'une perspective claire, une foi aveugle qu'accompagné un espoir<br />

parfaitem<strong>en</strong>t dénué <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. C'est ainsi qu'<strong>en</strong> vue <strong>de</strong> la réalisation —<br />

447


disons, év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t possible, <strong>de</strong> l'espérance née <strong>de</strong> leur croyance factice, les<br />

hommes se sont partout créé <strong>de</strong>s lois par lesquelles ils se tourm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t, euxmêmes<br />

<strong>et</strong> leur prochain, absolum<strong>en</strong>t pour ri<strong>en</strong>, <strong>et</strong> cela souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la manière la<br />

plus intolérable.<br />

14. J'ai voyagé par toute l'Egypte à la recherche d'une conviction claire <strong>en</strong> faveur<br />

<strong>de</strong> la vie dans l'au-<strong>de</strong>là. Mais qu'ai-je trouvé après tous les tourm<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s<br />

initiations ? Ri<strong>en</strong> — si ce n'est un rêve éveillé artificiellem<strong>en</strong>t suscité, <strong>et</strong> l'on m'a<br />

appris à interpréter les visions <strong>de</strong> mes rêves <strong>et</strong> à leur donner une signification<br />

mystico-prophétique qui, généralem<strong>en</strong>t, se prêtait à tous les événem<strong>en</strong>ts !<br />

15. Si, comme beaucoup d'autres, j'étais un rêveur faible d'esprit, c<strong>et</strong>te sorte <strong>de</strong><br />

fantasmagorie <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>s m'eût assurém<strong>en</strong>t fait une impression toute spéciale, <strong>et</strong> je<br />

me serais mis à croire <strong>de</strong> toutes mes forces à ces stupidités ; mais comme, malgré<br />

toutes les illusions, je voyais aussitôt que tout cela n'avait aucun fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, je<br />

reconnaissais <strong>en</strong> moi-même la dupe, <strong>et</strong> dans les maîtres <strong>de</strong> la haute école ceux<br />

qui s'étai<strong>en</strong>t fait délibérém<strong>en</strong>t les dupeurs, <strong>et</strong> qui ne croyai<strong>en</strong>t eux-mêmes pas un<br />

mot <strong>de</strong> tout ce qu'ils <strong>en</strong>seignai<strong>en</strong>t aux autres.<br />

16. Et ce sont <strong>en</strong>core les plus intellig<strong>en</strong>ts ; ceux qui, par ailleurs, croi<strong>en</strong>t tout <strong>de</strong><br />

même à quelque chose, sont bi<strong>en</strong> sûr n<strong>et</strong>tem<strong>en</strong>t plus stupi<strong>de</strong>s, car ils ne<br />

reconnaiss<strong>en</strong>t jamais la claire vérité fondée sur d'innombrables expéri<strong>en</strong>ces<br />

toujours i<strong>de</strong>ntiques : "Homme, ta vie ne dure qu'un jour !"<br />

17. À Korak, j'ai payé la taxe <strong>de</strong>mandée pour l'<strong>en</strong>trée à l'école <strong>et</strong> l'initiation, <strong>et</strong><br />

j'<strong>en</strong> suis parti avec la conviction très n<strong>et</strong>te que j'avais payé ce prix fort pour ri<strong>en</strong><br />

— c'est-à-dire au regard <strong>de</strong> ce que j'étais v<strong>en</strong>u chercher.<br />

18. En chemin, j'ai r<strong>en</strong>contré un homme qui s'est joint à ma caravane, <strong>et</strong> qui avait<br />

été <strong>en</strong> Perse <strong>et</strong> même chez les vieux croyants (Birmans) ; il me dit d'eux mille<br />

merveilles. Au bout <strong>de</strong> trois jours, nous convîmes <strong>de</strong> traverser la Perse pour aller<br />

visiter ces fameux vieux croyants. Notre voyage, semé <strong>de</strong> dangers <strong>et</strong> d'obstacles<br />

multiples, dura cinq semaines <strong>en</strong>tières. Là-bas, nous trouvâmes un peuple <strong>de</strong><br />

pénit<strong>en</strong>ts m<strong>en</strong>ant une vie extraordinairem<strong>en</strong>t rigoureuse, mais au reste fort<br />

hospitaliers <strong>et</strong> qui nous accueillir<strong>en</strong>t véritablem<strong>en</strong>t avec amour. J'avais bi<strong>en</strong> sûr<br />

quelque difficulté avec la langue ; mais mon gui<strong>de</strong>, qui la parlait, se fit mon<br />

interprète, grâce à quoi je pus m'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre avec ces fameux vieux croyants, c<strong>en</strong>sés<br />

être les <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants directs <strong>de</strong> Noé. En peu <strong>de</strong> temps, j'eus moi-même appris<br />

suffisamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> leur langue pour pouvoir m'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir avec ces bonnes g<strong>en</strong>s.<br />

Bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du, mes questions visai<strong>en</strong>t principalem<strong>en</strong>t à m'informer <strong>de</strong> leurs<br />

croyances sur la vie dans l'au-<strong>de</strong>là.<br />

19. Leur réponse fut celle-ci : seul leur prêtre suprême, qui était immortel, parlait<br />

constamm<strong>en</strong>t avec Dieu <strong>et</strong> pouvait aussi voir l'autre mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> tous ceux qui y<br />

étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trés, savait ces choses. Mais ce prêtre était à jamais inaccessible aux<br />

mortels ! Nul n'avait le droit d'approcher sa rési<strong>de</strong>nce, sauf une fois par an, mais<br />

cela seulem<strong>en</strong>t à une <strong>de</strong>mi-lieue du rocher d'or sur lequel, un matin <strong>de</strong> sabbat au<br />

lever du soleil, il se montrait aux mortels pour quelques instants. Quant à eux, ils<br />

<strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t croire <strong>et</strong> espérer, à condition d'observer <strong>de</strong>s lois que l'on pourrait dire<br />

intolérablem<strong>en</strong>t martiales ; <strong>et</strong> si quelqu'un comm<strong>et</strong>tait une faute, il <strong>de</strong>vait faire<br />

pénit<strong>en</strong>ce d'une manière qui eût épouvanté Satan lui-même !<br />

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20. On me montra quelques-uns <strong>de</strong> ces pénit<strong>en</strong>ts, à la vue <strong>de</strong>squels je crus aussitôt<br />

défaillir ! Ce qui n'arrive qu'<strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce dans les écoles égypti<strong>en</strong>nes —<br />

uniquem<strong>en</strong>t afin <strong>de</strong> susciter la frayeur <strong>et</strong> la crainte —, cela <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> pire <strong>en</strong>core<br />

arrive là-bas dans la réalité la plus absolue ! Et pourquoi les hommes, ces<br />

animaux stupi<strong>de</strong>s, font-ils tout cela ? Uniquem<strong>en</strong>t dans l'espoir d'une vie future<br />

meilleure !<br />

21. Ils se riv<strong>en</strong>t si soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>en</strong> eux-mêmes c<strong>et</strong> espoir qu'on leur représ<strong>en</strong>te<br />

qu'ils finiss<strong>en</strong>t par pr<strong>en</strong>dre c<strong>et</strong>te pernicieuse illusion <strong>de</strong> leur pauvre âme pour<br />

l'une <strong>de</strong>s vérités les plus infaillibles qui soi<strong>en</strong>t !<br />

22. Les prêtres, hélas, ont bi<strong>en</strong> sûr leur part dans tout cela, parce que c<strong>et</strong>te<br />

tromperie leur perm<strong>et</strong> toujours <strong>de</strong> jouir d'une très <strong>grand</strong>e considération. Les<br />

hommes sont assez bêtes pour accepter avec complaisance une telle tromperie.<br />

Mais c'est loin d'être mon cas ; je veux une certitu<strong>de</strong>, ou sinon, une mort qui me<br />

délivre totalem<strong>en</strong>t !<br />

23. Au bout d'une année <strong>de</strong> tourm<strong>en</strong>ts, je quittai les vieux croyants <strong>et</strong> r<strong>en</strong>trai à<br />

Jérusalem avec une caravane perse. Au Temple, je <strong>de</strong>vins bi<strong>en</strong>tôt un lévite, puis<br />

un Pharisi<strong>en</strong> (VARIZAER = gardi<strong>en</strong>s, pasteurs), <strong>et</strong> peu après, j'arrivai <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te ville,<br />

où j'officie <strong>en</strong> tant que prêtre juif <strong>de</strong>puis onze années déjà.<br />

24. Par mes paroles <strong>et</strong> par mes actes, je n'ai sans doute pas r<strong>en</strong>du les hommes<br />

plus stupi<strong>de</strong>s qu'ils n'étai<strong>en</strong>t déjà, mais pas plus sages non plus ; car je me disais :<br />

si quelqu'un est heureux dans son ignorance, il ne faut pas le détromper ! Car<br />

même avec les vérités les mieux établies, je n'ai ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> meilleur à lui offrir ! —<br />

Tu sais à prés<strong>en</strong>t très exactem<strong>en</strong>t ce que je p<strong>en</strong>se <strong>et</strong> qui je suis.<br />

25. Si ce sont <strong>de</strong>s lois faites par <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> difficiles à observer qui déci<strong>de</strong>nt<br />

si un homme est un juste ou un criminel, je suis à l'évi<strong>de</strong>nce un pécheur <strong>de</strong>vant ta<br />

personne très pure selon la loi <strong>et</strong>, pour toi-même, ne puis ni ne dois m'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir<br />

avec ta saint<strong>et</strong>é.<br />

26. Si au contraire, pour toi comme pour moi, ce n'est pas la loi <strong>de</strong>s hommes,<br />

mais seulem<strong>en</strong>t l'homme lui-même qui <strong>en</strong> déci<strong>de</strong> selon ce qu'est sa nature, alors<br />

tu peux, malgré ta divinité qui d'ailleurs ne me regar<strong>de</strong> pas, t'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir avec moi<br />

comme je puis le faire avec toi ! Mais ne t'att<strong>en</strong>ds <strong>de</strong> ma part ni à <strong>de</strong>s<br />

remerciem<strong>en</strong>ts, ni à la moindre vénération — quand bi<strong>en</strong> même tu serais Yahvé<br />

<strong>en</strong> personne ; car alors, je serais ton œuvre, <strong>et</strong> je ne vois pas pour quelle raison je<br />

<strong>de</strong>vrais te craindre, t'aimer ou t'honorer !<br />

27. Ah, si j'avais pu d'abord te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la vie, les circonstances serai<strong>en</strong>t tout<br />

autres, <strong>de</strong> même si j'étais ami <strong>de</strong> la vie ; mais je suis <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u <strong>en</strong>nemi <strong>de</strong> la vie,<br />

parce que j'ai toujours vu l'humanité pauvre <strong>et</strong> honnête languir, pitoyablem<strong>en</strong>t<br />

opprimée par une foule <strong>de</strong> lois vaines <strong>et</strong> stupi<strong>de</strong>s. Seuls ceux qui s'y <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>nt<br />

dès le début à duper comme il faut leur prochain plus faible d'esprit sont heureux,<br />

parce qu'ils sav<strong>en</strong>t toujours se m<strong>et</strong>tre au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s lois.<br />

28. Ceux-là accroiss<strong>en</strong>t l'ignorance <strong>de</strong> leurs malheureux contemporains <strong>en</strong> leur<br />

faisant mille promesses pour l'au-<strong>de</strong>là, afin <strong>de</strong> n'<strong>en</strong> être eux-mêmes que plus<br />

libres <strong>de</strong> m<strong>en</strong>er fort bonne vie ici-bas. Je connais ces choses <strong>et</strong> sais ce qu'il faut<br />

p<strong>en</strong>ser <strong>et</strong> att<strong>en</strong>dre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te vie future dans l'au-<strong>de</strong>là. C'est pourquoi je ne crains<br />

449


nullem<strong>en</strong>t un Dieu tout-puissant, <strong>et</strong> moins <strong>en</strong>core les souverains <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, si<br />

puissants soi<strong>en</strong>t-ils.<br />

29. Je ne crains pas Dieu, parce qu'il doit être à l'évi<strong>de</strong>nce quelqu'un <strong>de</strong> trop sage<br />

pour pouvoir éprouver le moindre plaisir à tourm<strong>en</strong>ter un misérable ver <strong>de</strong> terre<br />

qu'il pourrait anéantir mille fois d'un seul souffle, s'il Lui <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait importun. Et<br />

s'il est un être parfaitem<strong>en</strong>t sage, Dieu ne peut davantage me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

raisonnablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Le vénérer, <strong>de</strong> Le prier ou <strong>de</strong> L'aimer, puisqu'il m'a j<strong>et</strong>é sans<br />

que je L'<strong>en</strong> prie ou Le lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> dans c<strong>et</strong>te misérable exist<strong>en</strong>ce qui, par la<br />

bouche d'hommes avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pouvoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> gain, m'<strong>en</strong>seigne que je dois espérer la<br />

félicité dans l'au-<strong>de</strong>là, <strong>et</strong> je <strong>de</strong>vrais t<strong>en</strong>ir c<strong>et</strong>te doctrine pour la vérité toute nue,<br />

alors que <strong>de</strong> tous côtés l'expéri<strong>en</strong>ce tangible me montre mille <strong>et</strong> mille fois que<br />

c'est exactem<strong>en</strong>t le contraire <strong>et</strong> que la <strong>grand</strong>e nature crie par toutes ses tombes :<br />

"Homme, toute ta vie ne dure qu'un seul jour !"<br />

30. Tu vois qu'avec moi il n'y a ri<strong>en</strong> à faire, absolum<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong>, pour la bonne<br />

vieille foi <strong>et</strong> sa compagne consolatrice, c<strong>et</strong>te chère espérance ! Aussi, donne-moi<br />

une vérité que je puisse éprouver aussi vivem<strong>en</strong>t que ma propre exist<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> je<br />

me passerai <strong>de</strong> n'importe quelle foi comme <strong>de</strong> n'importe quelle vaine espérance !<br />

31. Ô sage <strong>et</strong> puissant homme <strong>de</strong> Dieu, n'aiguise pas notre appétit, à nous humains,<br />

pour ne ri<strong>en</strong> nous donner <strong>en</strong>suite à nous m<strong>et</strong>tre sous la <strong>de</strong>nt ! Je ne t'aurais<br />

pas ainsi questionné sans ménagem<strong>en</strong>t, ô sage ami, si je n'avais conclu <strong>de</strong> tes<br />

propos <strong>et</strong> <strong>de</strong> tes leçons précé<strong>de</strong>ntes que tu es toi aussi un homme <strong>de</strong> vérité qui<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds traiter avec honnêt<strong>et</strong>é la pauvre humanité.<br />

32. Mais si par hasard tu avais autre chose <strong>en</strong> tête, alors, laisse-moi m'<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir à<br />

la vérité que j'ai conquise au prix <strong>de</strong> mille dures <strong>et</strong> amères expéri<strong>en</strong>ces ! »<br />

Chapitre 219<br />

Il faut chercher la vérité là où elle se trouve<br />

1. Je. dis : « Ami, si, ayant perdu une chose, tu la cherches <strong>en</strong> un lieu inconnu où<br />

tu n'as ri<strong>en</strong> perdu, <strong>et</strong> si, après cela, n'ayant pas r<strong>et</strong>rouvé ce que tu as perdu, tu<br />

t'indignes <strong>et</strong> t'étonnes <strong>de</strong> n'avoir ri<strong>en</strong> trouvé alors que tu as si longtemps cherché<br />

avec beaucoup <strong>de</strong> zèle <strong>et</strong> d'abnégation, tu as beau être un homme intellig<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

raisonnable, tu ne l'auras vraim<strong>en</strong>t pas été <strong>en</strong> c<strong>et</strong>te occasion !<br />

2. Vois-tu, dès le début <strong>de</strong> ta recherche, tu as trouvé Moïse <strong>et</strong> tous les prophètes<br />

vains, sans esprit <strong>et</strong> sans vérité, tu as jugé que, comme tout le reste, ils étai<strong>en</strong>t<br />

une inv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong>s hommes, mais tu ne t'es jamais efforcé <strong>de</strong> pénétrer l'esprit <strong>de</strong><br />

l'Écriture, préférant perdre ton temps <strong>et</strong> ton arg<strong>en</strong>t à chercher la vérité là où elle<br />

ne se trouverait jamais !<br />

3. C'est ainsi que tu n'as pu qu'être partout dupé <strong>et</strong> trompé, <strong>et</strong> que tu n'as<br />

découvert que m<strong>en</strong>songe, hypocrisie <strong>et</strong> tromperie. Aussi tes multiples expéri<strong>en</strong>ces<br />

ne pouvai<strong>en</strong>t-elles être qu'amères, <strong>et</strong>, jusqu'à ce jour, elles n'ont servi qu'à<br />

te faire haïr la vie <strong>et</strong> à t'ôter tout amour, tout respect <strong>et</strong> toute crainte <strong>de</strong> Dieu.<br />

4. Si seulem<strong>en</strong>t tu avais cherché la vérité à sa place, tu l'aurais assurém<strong>en</strong>t<br />

450


trouvée <strong>de</strong>puis longtemps, comme bi<strong>en</strong> d'autres l'ont trouvée avant toi !<br />

5. Crois-Moi, la vérité ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas une croyance au s<strong>en</strong>s où tu l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds, ni<br />

une vaine espérance sans fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, au contraire, elle m<strong>et</strong> au plus profond <strong>de</strong> toi<br />

une certitu<strong>de</strong> aussi lumineuse que le soleil <strong>et</strong> ne te laisse plus le moindre doute<br />

sur la vie dans l'au-<strong>de</strong>là ! C'est une conviction totale <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t tangible qui<br />

se m<strong>et</strong> à vivre dans ton esprit dès lors qu'il s'éveille par l'amour <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong> ton<br />

prochain !<br />

6. Mais ce n'est certes pas dans l'école paï<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> Korak, <strong>en</strong> Egypte, <strong>et</strong> <strong>en</strong>core<br />

moins chez ces vieux fous <strong>de</strong> l'In<strong>de</strong> que tu trouveras une telle chose !<br />

7. Tout cela est bi<strong>en</strong> plus proche <strong>de</strong> l'être humain, <strong>et</strong> très facile à atteindre pour<br />

celui qui cherche avec zèle ; <strong>en</strong>core faut-il qu'il le cherche là où il peut le trouver<br />

— sans quoi tous ses efforts sont vains ! On n'a jamais récolté <strong>de</strong> raisins ni <strong>de</strong><br />

figues sur les ronces <strong>et</strong> les chardons, <strong>et</strong> le blé ne pousse pas dans les mares <strong>et</strong><br />

dans les bourbiers.<br />

8. Tu as dit aussi que tu ne <strong>de</strong>vais à Dieu ni amour, ni crainte, ni gratitu<strong>de</strong>, parce<br />

que tu ne Lui avais jamais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> te faire vivre ! Si ton esprit était déjà<br />

éveillé, il te montrerait assurém<strong>en</strong>t très clairem<strong>en</strong>t ce dont tu es re<strong>de</strong>vable à Dieu.<br />

Mais ta chair ne le sait bi<strong>en</strong> sûr pas davantage que ton vêtem<strong>en</strong>t ne sait quand tu<br />

as faim.<br />

9. Tu trouveras ici, à c<strong>et</strong>te table, un certain Philopold, <strong>de</strong> Cana <strong>en</strong> Samarie. Il y a<br />

quelques semaines, il p<strong>en</strong>sait exactem<strong>en</strong>t comme toi à prés<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ses propos<br />

aussi ressemblai<strong>en</strong>t aux ti<strong>en</strong>s. Parle avec lui, <strong>et</strong> tu comm<strong>en</strong>ceras à compr<strong>en</strong>dre ;<br />

ce n'est qu'<strong>en</strong>suite que Je te dirai tout, <strong>et</strong> tu verras bi<strong>en</strong> alors si Dieu mérite<br />

quelque amour véritable <strong>et</strong> fidèle <strong>de</strong> ta part ! Quant à l'homme avec qui tu dois<br />

t'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong><strong>en</strong>ir d'abord, il est là, juste <strong>en</strong> face <strong>de</strong> Moi. Va <strong>et</strong> suis Mon conseil, car tu<br />

<strong>en</strong> tireras à coup sûr un meilleur parti que <strong>de</strong> l'école <strong>de</strong> Korak ! »<br />

10. Murel, contournant la longue table, va trouver Philopold <strong>et</strong> lui dit : « Le<br />

Maître m'<strong>en</strong>voie à toi pour que tu me donnes un premier aperçu <strong>de</strong> la vérité sur la<br />

question qui me préoccupe. Aussi, dis-moi quelque chose <strong>de</strong> bon <strong>et</strong> <strong>de</strong> vrai ! »<br />

11. Philopold dit : « Ami, j'ai <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du tout ce que tu as dis au Seigneur <strong>de</strong>vant<br />

nous. C'est ainsi que j'ai reconnu à part moi que je ne p<strong>en</strong>sais <strong>et</strong> ne parlais guère<br />

autrem<strong>en</strong>t naguère ; mais la cause <strong>en</strong> était <strong>en</strong> moi-même. Moi aussi, je cherchais<br />

là où je n'avais jamais ri<strong>en</strong> perdu ; mais là où j'avais perdu quelque chose, je ne<br />

cherchais point <strong>et</strong> ne trouvais donc ri<strong>en</strong>. Ce n'est qu'à l'arrivée <strong>de</strong> ce Seigneur <strong>et</strong><br />

Maître éternel v<strong>en</strong>u d'<strong>en</strong> haut que mes yeux se sont ouverts ! J'ai connu qui j'étais<br />

<strong>et</strong> pourquoi j'étais <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> j'ai aussi reconnu ce qu'est l'homme lui-même<br />

<strong>et</strong> pourquoi il existe ! À prés<strong>en</strong>t, ami, tout est clair <strong>en</strong> moi <strong>et</strong> la noirceur du doute<br />

n'obscurcit plus ma lumineuse exist<strong>en</strong>ce ! Et il <strong>en</strong> sera à coup sûr très bi<strong>en</strong>tôt <strong>de</strong><br />

même pour toi ! »<br />

Chapitre 220<br />

De la déca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s sagesses égypti<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> indi<strong>en</strong>ne<br />

451


1. Murel prie alors Philopold <strong>de</strong> lui expliquer suffisamm<strong>en</strong>t tout cela. Philopold<br />

lui répond : « Mon ami <strong>et</strong> cher frère, tu as vécu bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, tu es allé<br />

jusqu'<strong>en</strong> In<strong>de</strong> <strong>et</strong> même dans les pays qui sont bi<strong>en</strong> au-<strong>de</strong>là du Gange, jusque dans<br />

les montagnes où nul mortel n'a <strong>en</strong>core mis le pied, <strong>et</strong> avant cela, tu as traversé<br />

toute l'Egypte jusqu'aux lieux où le Nil dévale <strong>de</strong>s rochers <strong>en</strong> mugissant avec<br />

fureur. Le vieux temple <strong>de</strong>s rochers <strong>de</strong> IA BU SIM BIL (*) ne t'est pas <strong>de</strong>meuré<br />

inconnu, <strong>et</strong> un matin, tu as <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du r<strong>et</strong><strong>en</strong>tir les colonnes <strong>de</strong> Mem'n'on. Tu as<br />

contemplé les anci<strong>en</strong>s caractères cunéiformes, <strong>et</strong> tu as cherché à déchiffrer les<br />

croissants (**) plus anci<strong>en</strong>s <strong>en</strong>core.<br />

2. Les maîtres <strong>de</strong> Korak t'aurai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> expliqué toutes ces choses, car tu voulais<br />

les payer richem<strong>en</strong>t pour cela ; mais ils ne l'ont point fait, parce qu'ils ne le<br />

pouvai<strong>en</strong>t point. Car les sages <strong>et</strong> les érudits <strong>de</strong> l'Egypte actuelle ne sont plus du<br />

tout <strong>de</strong> la même trempe que ceux qui fondèr<strong>en</strong>t ces écoles <strong>et</strong> ces temples au<br />

temps <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s pharaons. Pour ce qui est <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong>ne sagesse, ils vont plus<br />

mal <strong>en</strong>core que les lévites <strong>et</strong> les Pharisi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> Jérusalem, <strong>et</strong> c'est <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> pis<br />

chez les Birmans. Ceux-ci <strong>en</strong> sont v<strong>en</strong>us à une forme d'ascétisme qui est une<br />

honte pour l'humanité ; <strong>et</strong> qu'est-ce que c<strong>et</strong> ascétisme, sinon d'une part un orgueil<br />

incomm<strong>en</strong>surable, <strong>et</strong> d'autre part, pour c<strong>et</strong>te raison même, une sottise<br />

incomm<strong>en</strong>surable ? !<br />

3. Il est vrai que ces hommes ont possédé jadis la vraie sagesse, à l'instar du<br />

patriarche Noé ; mais avec le temps, comme les familles <strong>grand</strong>issai<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>s peuples ayant nécessairem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> plus <strong>grand</strong>s besoins qu'une p<strong>et</strong>ite<br />

famille, la force physique <strong>de</strong>s hommes prit une importance trop considérable<br />

pour que chacun pût ne s'occuper que <strong>de</strong> sa sagesse intérieure.<br />

4. Ces peuples choisir<strong>en</strong>t <strong>en</strong> leur sein les plus sages, à qui ils confièr<strong>en</strong>t les<br />

affaires sacrées <strong>et</strong> la tâche <strong>de</strong> faire <strong>en</strong> sorte que la connaissance <strong>de</strong> Dieu se<br />

maintînt toujours chez eux <strong>et</strong> que la vérité ess<strong>en</strong>tielle ne se perdît point, mais<br />

perdurât pour eux-mêmes <strong>et</strong> pour leurs <strong>en</strong>fants.<br />

5. Dans le même temps, le peuple avait donné aux représ<strong>en</strong>tants <strong>et</strong> gardi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la<br />

sagesse le droit <strong>de</strong> dicter <strong>de</strong>s lois conformes à c<strong>et</strong>te sagesse, lois dont la sanction<br />

était assurée par tout le peuple, chacun, du premier au <strong>de</strong>rnier, <strong>en</strong> étant le garant<br />

<strong>et</strong> l'exécuteur, <strong>et</strong> ceux qui transgressai<strong>en</strong>t ces lois sacrées <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t être très<br />

durem<strong>en</strong>t châtiés.<br />

6. Au début, c<strong>et</strong>te institution fonctionna fort bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> eut <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong> plutôt<br />

bénéfiques. Mais avec le temps, la caste <strong>de</strong>s prêtres s'accrut <strong>et</strong> <strong>de</strong>vint plus exigeante<br />

quant à sa subsistance matérielle. C'est alors qu'apparur<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt, sous<br />

l'intitulé mystique "donné par Dieu", <strong>de</strong> nouvelles lois <strong>et</strong> dispositions. Les<br />

punitions, les pénit<strong>en</strong>ces <strong>et</strong> toutes sortes <strong>de</strong> tromperies d'appar<strong>en</strong>ce miraculeuse<br />

<strong>de</strong>vinr<strong>en</strong>t monnaie courante, sans oublier les indulg<strong>en</strong>ces : celui qui, ayant<br />

outrepassé telle ou telle loi supposée divine, voulait échapper à la punition,<br />

<strong>de</strong>vait payer une rançon exorbitante. Naturellem<strong>en</strong>t, les pauvres <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t<br />

(*)<br />

C'est-à-dire Abou Simbel (voir vol. IV, chap. 193). (N.d.T.)<br />

(**)<br />

Nous ne savons pas ce que peut être c<strong>et</strong>te « écriture <strong>en</strong> croissants » (Hornschrift) plus anci<strong>en</strong>ne<br />

que l'écriture cunéiforme (Keilschrift), la plus anci<strong>en</strong>ne écriture connue, le suméri<strong>en</strong>, étant<br />

elle-même une écriture cunéiforme. (N.d.T.)<br />

452


s'accommo<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la pénit<strong>en</strong>ce, cela pour l'exemple martial. L'on imagine sans<br />

peine que les choses ne sont pas allées <strong>en</strong> s'améliorant jusqu'à nos jours !<br />

7. Et c'est là, ami, que tu allais chercher la vérité <strong>et</strong> la plus profon<strong>de</strong> sagesse ?! Il<br />

est concevable que tu n'aies pu l'y trouver, <strong>et</strong> aussi que cela ait véritablem<strong>en</strong>t fait<br />

<strong>de</strong> toi un <strong>en</strong>nemi <strong>de</strong> l'exist<strong>en</strong>ce ; mais ce qu'il m'est malaisé <strong>de</strong> concevoir, c'est<br />

que tu n'aies jamais eu l'idée, toi qui es un prêtre <strong>et</strong> un érudit <strong>de</strong> l'Écriture, <strong>de</strong><br />

chercher s'il n'y avait pas dans l'Écriture elle-même, <strong>et</strong> dans quelle mesure, une<br />

vérité <strong>et</strong> une sagesse cachées, <strong>et</strong> s'il n'y avait pas moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> parv<strong>en</strong>ir à une<br />

conception <strong>de</strong> la vie intérieure <strong>en</strong> suivant les préceptes <strong>de</strong> l'anci<strong>en</strong>ne école <strong>de</strong>s<br />

prophètes !<br />

8. Il est vrai que, d'une certaine manière, je n'étais sans doute guère plus avancé<br />

que toi dans la connaissance <strong>de</strong> la vérité, <strong>et</strong> ma sagesse consistait ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />

dans la philosophie grecque, même si j'avais davantage <strong>de</strong> respect pour les<br />

écritures sacrées <strong>de</strong>s Juifs — mais il me manquait les racines, <strong>et</strong> c'est pourquoi,<br />

chez moi non plus, c<strong>et</strong> arbre magnifique ne pouvait porter ses fruits. »<br />

Chapitre 221<br />

De l'exist<strong>en</strong>ce antérieure <strong>de</strong> l'homme<br />

1. (Philopold :) « Mais quand, il y a quelques semaines, j'eus l'insigne bonheur <strong>de</strong><br />

r<strong>en</strong>contrer ce divin Maître, tous les obscurs nuages se sont évanouis d'un seul<br />

coup, <strong>et</strong> le soleil <strong>de</strong> la vie divine s'est mis à rayonner dans mon âme ! C'est dans<br />

c<strong>et</strong>te sainte lumière que j'ai reconnu pour la première fois mon ess<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> celle <strong>de</strong><br />

Dieu ; mais c'est alors aussi que j'ai vu ce que je dois à Dieu, notre unique saint<br />

Père, Lui qui est l'amour le plus pur <strong>de</strong> toute éternité.<br />

2. Je me suis connu tout à fait, <strong>et</strong> j'ai connu qu'avant mon incarnation sur c<strong>et</strong>te<br />

terre, seule dans tout l'infini à être <strong>de</strong>stinée à porter les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu, conçus <strong>et</strong><br />

élevés selon l'ordonnance éternelle <strong>de</strong> Son amour, j'avais passé avec l'Esprit<br />

divin, pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir l'un <strong>de</strong> ces <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu, un contrat fort singulier.<br />

3. Regar<strong>de</strong> ces étoiles innombrables : ce sont toutes <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s, bi<strong>en</strong> plus <strong>grand</strong>s<br />

<strong>et</strong> plus magnifiques que c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> sur chacun <strong>de</strong> ces mon<strong>de</strong>s, l'on trouve <strong>de</strong>s<br />

hommes tout pareils à nous par la forme ; partout, l'on voit chez eux une <strong>grand</strong>e<br />

sagesse, <strong>et</strong> ils ne sont pas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dépourvus d'amour ; mais, presque comme<br />

les animaux <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, ils vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t au mon<strong>de</strong> déjà parfaits <strong>et</strong> n'ont pas à<br />

appr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>puis le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t tout ce qu'ils veul<strong>en</strong>t <strong>et</strong> doiv<strong>en</strong>t savoir. La<br />

langue est presque partout la même, <strong>et</strong> leur sci<strong>en</strong>ce a <strong>de</strong>s limites fort précises ;<br />

mais partout, c<strong>et</strong>te sci<strong>en</strong>ce va jusqu'à la connaissance <strong>de</strong> l'esprit suprême <strong>de</strong><br />

Dieu, connaissance qui, toutefois, est davantage un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t confus qu'une<br />

véritable connaissance.<br />

4. En somme, l'on trouve sur tous ces innombrables mon<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s hommes qui<br />

sont presque semblables aux meilleurs <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, à la différ<strong>en</strong>ce<br />

que les hommes <strong>de</strong> ces mon<strong>de</strong>s ne découvr<strong>en</strong>t au fond ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> nouveau ; mais ce<br />

qui existe, existe dans son état d'accomplissem<strong>en</strong>t le plus élevé, tandis que les<br />

paï<strong>en</strong>s peuv<strong>en</strong>t sans cesse inv<strong>en</strong>ter quelque chose <strong>de</strong> neuf <strong>et</strong> que la voie d'un<br />

453


perfectionnem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> d'un progrès sans fin ne leur est pas fermée.<br />

5. Mais sur ces <strong>grand</strong>s mon<strong>de</strong>s, il se trouve égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s sages qui, à certains<br />

mom<strong>en</strong>ts, r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t, pourrait-on dire, <strong>de</strong>s esprits supérieurs par qui ils<br />

appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à mieux connaître Dieu. Il arrive alors parfois que certains <strong>de</strong> ces<br />

êtres plus éveillés soi<strong>en</strong>t pris du désir <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir eux aussi <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu !<br />

6. Car dans tous ces mon<strong>de</strong>s, les sages sav<strong>en</strong>t par les esprits supérieurs qui se<br />

révèl<strong>en</strong>t à eux qu'il existe dans le vaste espace <strong>de</strong> la Création un mon<strong>de</strong> où les<br />

hommes sont les <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> que c'est là aussi qu'une âme <strong>de</strong> leur mon<strong>de</strong>,<br />

une fois qu'elle a perdu son corps, peut <strong>en</strong>trer à nouveau dans un corps <strong>de</strong> chair,<br />

cep<strong>en</strong>dant tout à fait grossier. Et, dès l'instant où quelqu'un <strong>en</strong> manifeste<br />

sérieusem<strong>en</strong>t le désir, on lui représ<strong>en</strong>te par le m<strong>en</strong>u tout ce qu'il aura à subir dans<br />

ce mon<strong>de</strong>-là.<br />

7. Tout d'abord, l'âme est privée <strong>de</strong> tout souv<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> son précé<strong>de</strong>nt état <strong>de</strong> bi<strong>en</strong>être,<br />

<strong>de</strong> sorte que, lorsqu'elle naît au nouveau mon<strong>de</strong>, d'une femme <strong>et</strong> avec un<br />

corps imparfait, elle se trouve dans un état d'infériorité quasi animal <strong>et</strong> dépourvu<br />

<strong>de</strong> consci<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> n'a pas la moindre notion <strong>de</strong> sa nouvelle exist<strong>en</strong>ce. Ce n'est que<br />

peu à peu, au bout d'un an peut-être, qu'une toute nouvelle consci<strong>en</strong>ce comm<strong>en</strong>ce<br />

à se développer à partir <strong>de</strong>s images, <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s impressions perçus<br />

par les s<strong>en</strong>s ; la mémoire <strong>et</strong> le souv<strong>en</strong>ir réc<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s impressions reçues sont donc<br />

les seuls indicateurs <strong>et</strong> les seuls secours sur le nouveau chemin qu'est la vie sur<br />

c<strong>et</strong>te terre. Nul esprit supérieur <strong>en</strong>voyé par Dieu ne vi<strong>en</strong>t gui<strong>de</strong>r l'<strong>en</strong>fant vers une<br />

connaissance supérieure <strong>et</strong> plus profon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> seuls les par<strong>en</strong>ts doiv<strong>en</strong>t s'efforcer<br />

<strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre l'<strong>en</strong>fant sur la bonne voie à partir <strong>de</strong> leur propre expéri<strong>en</strong>ce. Ensuite,<br />

l'<strong>en</strong>fant doit beaucoup appr<strong>en</strong>dre, comm<strong>en</strong>cer à se déterminer par lui-même,<br />

chercher, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, il doit connaître la peur, la faim, la soif, les douleurs <strong>et</strong> les<br />

privations <strong>de</strong> toute sorte, il sera humilié jusqu'au <strong>de</strong>rnier mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong>, à la fin<br />

d'une telle vie, c'est ordinairem<strong>en</strong>t une maladie longue <strong>et</strong> douloureuse qui ôtera la<br />

vie à c<strong>et</strong> homme <strong>de</strong> chair.<br />

8. Si l'homme a rempli dans sa vie toutes les conditions nécessaires prescrites, s'il<br />

a aimé Dieu par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>et</strong> son prochain — même lorsque celui-ci l'a<br />

persécuté comme son pire <strong>en</strong>nemi — plus que lui-même, alors, il a animé <strong>et</strong> fait<br />

croître <strong>en</strong> lui l'étincelle d'esprit divin déposée au cœur <strong>de</strong> son âme.<br />

9. De ce mom<strong>en</strong>t, Dieu comm<strong>en</strong>ce à <strong>grand</strong>ir dans l'homme, Il imprègne son âme<br />

<strong>et</strong> la fait Son égale, <strong>et</strong> c'est ainsi que l'anci<strong>en</strong> homme <strong>de</strong> nature quitte le profond<br />

bourbier <strong>de</strong> son inanité pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir un <strong>en</strong>fant <strong>de</strong> Dieu, jouissant dans c<strong>et</strong> état<br />

accompli <strong>de</strong> toutes les perfections prés<strong>en</strong>tes <strong>en</strong> Dieu Lui-même.<br />

10. C'est ainsi, ami Murel, que tout ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te décrire aussi brièvem<strong>en</strong>t<br />

que possible est représ<strong>en</strong>té à c<strong>et</strong> homme du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s étoiles ; <strong>et</strong> s'il le <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

alors avec la plus <strong>grand</strong>e détermination, il est débarrassé <strong>en</strong> un instant <strong>de</strong> son<br />

léger corps <strong>et</strong>, tout à fait inconsci<strong>en</strong>t, transporté aussitôt sur c<strong>et</strong>te terre pour y être<br />

procréé, <strong>et</strong> cela donne <strong>en</strong>suite un homme comme toi <strong>et</strong> moi.<br />

11. Diras-tu maint<strong>en</strong>ant que nous n'avons pas conclu librem<strong>en</strong>t un contrat avec le<br />

Seigneur avant <strong>de</strong> v<strong>en</strong>ir sur c<strong>et</strong>te terre ?<br />

12. Et Dieu ti<strong>en</strong>t immuablem<strong>en</strong>t la parole issue <strong>de</strong> Son ordre éternel, ri<strong>en</strong> ne peut<br />

454


Le faire changer d'avis ; quant à savoir si nous <strong>en</strong> avons toujours fait autant <strong>et</strong> si<br />

nous avons suivi la loi qu'il a donnée à tous les hommes à travers Moïse <strong>et</strong> les<br />

patriarches <strong>et</strong> qu'il a <strong>de</strong> plus inscrite au cœur <strong>de</strong> tout homme, c'est une autre<br />

question !<br />

13. Nous l'observerons sans doute désormais, je n'<strong>en</strong> doute point ; mais il ne faut<br />

pas attribuer cela à nos efforts, mais uniquem<strong>en</strong>t à la miséricor<strong>de</strong> divine. — Dismoi<br />

maint<strong>en</strong>ant ce que tu p<strong>en</strong>ses <strong>de</strong> ma p<strong>et</strong>ite leçon <strong>de</strong> sagesse ! »<br />

Chapitre 222<br />

Ce que Philopold a vécu dans l'au-<strong>de</strong>là<br />

1. Murel dit : « Ah, ami Philopold, tu m'appr<strong>en</strong>ds là <strong>de</strong>s choses dont nul mortel<br />

n'avait jamais eu idée jusqu'ici ! Je vais d'émerveillem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> émerveillem<strong>en</strong>t !<br />

Mais dis-moi pour tout <strong>de</strong> bon si tout cela ne peut être le fruit <strong>de</strong> quelque<br />

imagination <strong>de</strong> ta part ; car cela paraît aussi étrange <strong>et</strong> aussi extraordinaire que<br />

les plus <strong>grand</strong>es fables <strong>de</strong> la croyance paï<strong>en</strong>ne.<br />

2. Au reste, il se peut fort bi<strong>en</strong> que tout cela soit vrai, ce dont je ne suis pas<br />

capable <strong>de</strong> juger, la connaissance <strong>de</strong>s étoiles étant bi<strong>en</strong> mon point faible ! Mais<br />

qui imaginerait que les étoiles, ces p<strong>et</strong>its lampions du ciel, sont <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s, <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s plus vastes <strong>en</strong>core que notre terre, dont pourtant nul homme n'a<br />

<strong>en</strong>core vu le bout ?!<br />

3. Je t'<strong>en</strong> prie, confirme-moi cela ; car tu as éveillé <strong>en</strong> moi un trop puissant désir<br />

d'<strong>en</strong> savoir davantage sur ces choses remarquables ! On n'<strong>en</strong> trouve pas la<br />

moindre trace dans Moïse, non, pas même la plus p<strong>et</strong>ite allusion ; car il n'y a pas<br />

un traître mot là-<strong>de</strong>ssus dans sa G<strong>en</strong>èse. D'ailleurs, pas un homme ne compr<strong>en</strong>d<br />

ce qu'il a voulu dire avec c<strong>et</strong>te G<strong>en</strong>èse ! »<br />

4. Philopold dit : « Ami, celui qui appréh<strong>en</strong><strong>de</strong> correctem<strong>en</strong>t Moïse y trouve cela<br />

aussi ; mais pour cela, il faut autre chose qu'<strong>en</strong> appr<strong>en</strong>dre par cœur un malheureux<br />

s<strong>en</strong>s littéral ! Mais à celui qui aime Dieu par-<strong>de</strong>ssus tout, l'esprit <strong>de</strong> Dieu<br />

donne la bonne explication, <strong>et</strong> il sait alors que la G<strong>en</strong>èse <strong>de</strong> Moïse ne décrit pas<br />

tant la Création <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s proprem<strong>en</strong>t dite, mais bi<strong>en</strong> davantage <strong>et</strong> plus<br />

précisém<strong>en</strong>t l'éducation <strong>et</strong> la formation spirituelle <strong>de</strong> l'homme tout <strong>en</strong>tier <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

son libre arbitre, <strong>et</strong> la manière dont ceux-ci intègr<strong>en</strong>t l'ordonnance divine. Celui<br />

qui compr<strong>en</strong>d <strong>et</strong> conçoit cela compr<strong>en</strong>d aussi bi<strong>en</strong> vite le reste, car on y trouve,<br />

exprimé par <strong>de</strong>s correspondances infaillibles, ce que je pourrais moi-même te<br />

montrer d'une manière parfaitem<strong>en</strong>t claire. Mais nous n'<strong>en</strong> aurions pas le temps<br />

aujourd'hui.<br />

5. Cep<strong>en</strong>dant, j'ai ici autre chose, qui a été mis <strong>en</strong>tre mes mains comme une<br />

preuve incontestable v<strong>en</strong>ue d'<strong>en</strong> haut, par la grâce miraculeuse du Seigneur qui<br />

Se trouve ici parmi nous véritablem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> dans la chair même, tel que tous les<br />

prophètes nous L'avai<strong>en</strong>t fidèlem<strong>en</strong>t annoncé.<br />

6. Ce jour-là, c'est-à-dire quand le Seigneur, v<strong>en</strong>ant <strong>de</strong> Kis, est v<strong>en</strong>u nous r<strong>en</strong>dre<br />

visite à Cana, il y avait parmi nous, comme aujourd'hui, un esprit angélique<br />

455


evêtu d'un corps éthérique. Sur l'ordre du Seigneur, c<strong>et</strong> ange délia le ban<strong>de</strong>au<br />

qui couvrait les yeux <strong>de</strong> mon âme, <strong>et</strong> la pleine consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> mon exist<strong>en</strong>ce dans<br />

un mon<strong>de</strong> antérieur, ou plutôt un autre mon<strong>de</strong>, fut alors r<strong>en</strong>due à l'instant à mon<br />

être tout <strong>en</strong>tier.<br />

7. Je reconnus aussitôt le magnifique <strong>grand</strong> mon<strong>de</strong> où j'avais vécu dans la chair<br />

avant d'exister sur c<strong>et</strong>te terre ; oui, je vis même mes par<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> mes frères <strong>et</strong><br />

sœurs qui y vivai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core ; qui plus est, l'ange fit v<strong>en</strong>ir pour moi sur c<strong>et</strong>te terre<br />

quelques-uns <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s qui m'avai<strong>en</strong>t appart<strong>en</strong>u, <strong>et</strong> que je reconnus aussitôt sans<br />

le moindre doute comme auth<strong>en</strong>tiques.<br />

8. Mais quand c<strong>et</strong>te extraordinaire lumière <strong>de</strong> l'esprit eut été allumée <strong>en</strong> moi, je<br />

compris aussi tout ce que je <strong>de</strong>vais à Dieu le Seigneur, qui est plus <strong>en</strong>core notre<br />

Père plein d'amour !<br />

9. Dès lors, je compris l'inestimable valeur <strong>de</strong> mon exist<strong>en</strong>ce, ainsi que <strong>de</strong> celle<br />

<strong>de</strong> tout homme, <strong>et</strong> je ne puis désormais assez louer <strong>et</strong> aimer Dieu le Seigneur <strong>et</strong><br />

tous les humains !<br />

10. Quant aux miracles, j'<strong>en</strong> étais l'<strong>en</strong>nemi mortel, tout comme toi ; mais je suis<br />

convaincu d'avance que d'ici peu, tu seras <strong>et</strong> p<strong>en</strong>seras comme moi à prés<strong>en</strong>t.<br />

Presque tous ceux qui sont ici à c<strong>et</strong>te table peuv<strong>en</strong>t, si tu le leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s, témoigner<br />

que ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> te conter est parfaitem<strong>en</strong>t véridique.<br />

11. Mais le plus <strong>grand</strong> témoin <strong>et</strong> le plus digne <strong>de</strong> foi est précisém<strong>en</strong>t le Seigneur<br />

Lui-même, qui t'a <strong>en</strong>voyé à moi afin que je t'appr<strong>en</strong>ne si, comme tu sembles le<br />

p<strong>en</strong>ser, un homme ne doit vraim<strong>en</strong>t à Dieu ni gratitu<strong>de</strong>, ni louange, ni amour ! »<br />

Chapitre 223<br />

De l'ordonnance naturelle <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s<br />

1. Murel dit : « Je te remercie, ami <strong>et</strong> frère Philopold, pour la révélation que vi<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> me faire ton esprit profondém<strong>en</strong>t éveillé ! Dans sa <strong>grand</strong>e sagesse, Salomon<br />

n'avait sans doute jamais imaginé une telle chose. Il est vrai qu'elle est si<br />

extraordinaire que tout homme doué <strong>de</strong> raison ne peut dès l'abord que la m<strong>et</strong>tre<br />

<strong>en</strong> doute, parce qu'il n'y <strong>en</strong> a pas l'ombre d'un press<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t dans notre<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t humain superficiel ; <strong>et</strong> pourtant, je ne peux désormais plus avoir le<br />

moindre doute à ce suj<strong>et</strong>. Car tu n'aurais pu me conter toutes ces choses si elles<br />

n'étai<strong>en</strong>t pas fondées sur ta propre expéri<strong>en</strong>ce objective : jamais, <strong>de</strong>puis qu'il y a<br />

<strong>de</strong>s hommes sur terre, un homme n'aurait pu imaginer cela, <strong>et</strong> tu n'aurais pu y<br />

songer toi-même si tu n'y avais été conduit par une expéri<strong>en</strong>ce très claire. Ce sont<br />

<strong>de</strong>s choses que l'on n'inv<strong>en</strong>te pas, <strong>et</strong> il faut que ce soit une révélation<br />

parfaitem<strong>en</strong>t miraculeuse d'<strong>en</strong> haut, aussi l'adm<strong>et</strong>s-je comme aussi évi<strong>de</strong>nte que<br />

si je l'avais moi-même vécue.<br />

2. Mais parle-moi <strong>en</strong>core un peu <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s étoiles ; car je ne parvi<strong>en</strong>s<br />

toujours pas à imaginer comm<strong>en</strong>t ces minuscules points lumineux peuv<strong>en</strong>t être<br />

<strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s ! »<br />

3. Philopold dit : « Ah, cher ami, ce sera un peu difficile, parce que tu n'as <strong>en</strong>core<br />

456


aucune notion <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>-ci ni aucune représ<strong>en</strong>tation vraie <strong>de</strong> son appar<strong>en</strong>ce<br />

extérieure <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa structure physique comparée à celle <strong>de</strong>s autres mon<strong>de</strong>s ! Il<br />

faut donc que je te dise d'abord à quoi ressemble c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>t elle est<br />

faite, <strong>et</strong> il te sera plus facile <strong>en</strong>suite <strong>de</strong> te faire une juste idée <strong>de</strong> ce que sont les<br />

autres mon<strong>de</strong>s. »<br />

4. Philopold décrivit alors toute la terre à Murel comme un distingué professeur<br />

<strong>de</strong> géographie, appuyant ses dires sur ce que Murel n'avait pu manquer <strong>de</strong> voir <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> r<strong>en</strong>contrer lors <strong>de</strong> ses <strong>grand</strong>s voyages. Il lui montra aussi pourquoi, <strong>en</strong><br />

conséqu<strong>en</strong>ce, le jour <strong>et</strong> la nuit <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t invariablem<strong>en</strong>t se succé<strong>de</strong>r l'un à l'autre,<br />

<strong>et</strong> il lui expliqua aussi la lune avec sa nature, son éloignem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> sa vocation,<br />

ainsi que les autres planètes qui dép<strong>en</strong><strong>de</strong>nt <strong>de</strong> notre soleil.<br />

5. C'est seulem<strong>en</strong>t lorsqu'il <strong>en</strong> eut terminé avec ces explications, qu'il r<strong>en</strong>dit aussi<br />

claires <strong>et</strong> palpables que possible, qu'il passa aux étoiles fixes, poursuivant <strong>en</strong> ces<br />

termes :<br />

6. « Tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> faire connaissance, autant qu'il est possible <strong>en</strong> un temps si bref,<br />

avec la nature <strong>de</strong> notre terre, <strong>de</strong> la lune, du soleil <strong>et</strong> <strong>de</strong>s autres planètes qui<br />

l'<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> tu ne peux plus guère douter que les choses sont ainsi <strong>et</strong> ne<br />

saurai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aucun cas être différ<strong>en</strong>tes ; à prés<strong>en</strong>t, je puis te dire que tous les<br />

points lumineux, <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its, ne sont eux-mêmes ri<strong>en</strong> d'autre que <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s<br />

solaires d'une taille extraordinaire, certains incroyablem<strong>en</strong>t plus <strong>grand</strong>s que ce<br />

soleil qui est le nôtre, <strong>et</strong> dont la taille, pourtant, pourrait te donner le vertige.<br />

7. S'ils nous paraiss<strong>en</strong>t si p<strong>et</strong>its, c'est à cause <strong>de</strong> leur prodigieux éloignem<strong>en</strong>t.<br />

Imagine l'énorme distance <strong>de</strong> notre terre au soleil prolongée quatre c<strong>en</strong>t mille<br />

fois, <strong>et</strong> tu auras à peu près la distance <strong>de</strong> notre soleil à l'étoile fixe la plus proche.<br />

Tu compr<strong>en</strong>dras aisém<strong>en</strong>t par là pourquoi elles sembl<strong>en</strong>t si p<strong>et</strong>ites à nos yeux <strong>de</strong><br />

chair, puisque notre soleil, pourtant assez <strong>grand</strong> pour cont<strong>en</strong>ir un million <strong>de</strong> fois<br />

notre terre, nous paraît déjà à peine aussi <strong>grand</strong> que la surface d'une main.<br />

8. D'autres étoiles fixes, cep<strong>en</strong>dant <strong>en</strong>core visibles à nos yeux, sont si incomm<strong>en</strong>surablem<strong>en</strong>t<br />

éloignées que nous n'avons pas <strong>de</strong> nombres pour désigner la<br />

distance qui nous <strong>en</strong> sépare. Si tu as bi<strong>en</strong> saisi cela, il te sera assurém<strong>en</strong>t très<br />

facile <strong>de</strong> concevoir que ces p<strong>et</strong>its points lumineux peuv<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> être <strong>de</strong>s<br />

mon<strong>de</strong>s d'une taille prodigieuse, même s'ils n'apparaiss<strong>en</strong>t pas à nos yeux <strong>de</strong><br />

chair pour ce qu'ils sont ! — As-tu bi<strong>en</strong> compris tout cela ? »<br />

Chapitre 224<br />

Louanges <strong>et</strong> gratitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Murel<br />

1. Murel dit : « Ami, je suis délivré, <strong>et</strong> tout ce qui pouvait me sembler obscur est<br />

désormais parfaitem<strong>en</strong>t clair pour moi ; mais je compr<strong>en</strong>ds aussi à prés<strong>en</strong>t qu'un<br />

homme n'eût jamais pu trouver tout cela sans l'assistance extraordinaire <strong>de</strong> Dieu !<br />

Qui, si ce n'est un esprit céleste, peut porter un regard aussi clair sur l'infinie<br />

<strong>grand</strong>eur <strong>de</strong>s dispositions divines ?! Seul l'esprit <strong>de</strong> Dieu peut voir <strong>de</strong> telles<br />

choses <strong>et</strong> nous les révéler, du moins à nous, hommes <strong>de</strong> bonne volonté. Mais si<br />

les hommes voulai<strong>en</strong>t découvrir quelque chose par leur seul <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, sans la<br />

457


évélation d'<strong>en</strong> haut, ils ne trouverai<strong>en</strong>t certes dans toute l'éternité que sottises <strong>et</strong><br />

inepties ; mais Dieu le Seigneur, notre Père à tous, pr<strong>en</strong>d soin <strong>de</strong> Ses <strong>en</strong>fants <strong>et</strong><br />

leur <strong>en</strong>voie <strong>de</strong>s cieux, lorsqu'ils y aspir<strong>en</strong>t, tout ce qui est bon !<br />

2. Oh, pour cela, à Lui toute louange <strong>et</strong> tout mon amour, à Lui, le seul vrai, le<br />

suprême bi<strong>en</strong>faiteur <strong>de</strong>s hommes ! Combi<strong>en</strong> sublime <strong>et</strong> <strong>grand</strong>e la lumineuse p<strong>en</strong>sée<br />

qui monte dans mon cœur comme un soleil après l'obscurité <strong>de</strong> la nuit !<br />

3. Nous sommes tous frères <strong>et</strong> sœurs, nous, hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> notre bon <strong>et</strong><br />

saint Père nous mène par Sa toute-puissante <strong>et</strong> très sage prés<strong>en</strong>ce vers un but<br />

sublime <strong>et</strong> sacré !<br />

4. Ô frère Philopold, quel service inestimable tu m'as r<strong>en</strong>du là ! Comm<strong>en</strong>t puisje,<br />

comm<strong>en</strong>t pourrais-je te le r<strong>en</strong>dre ?! Ami, si je <strong>de</strong>vais <strong>en</strong>core vivre jusqu'à l'âge<br />

<strong>de</strong> Mathusalem <strong>et</strong> que tous les temples <strong>et</strong> les catacombes <strong>de</strong> la sagesse humaine<br />

terrestre me fuss<strong>en</strong>t ouverts, à la fin, j'<strong>en</strong> saurais à peine autant <strong>de</strong> toutes les<br />

vérités que tu vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> me révéler que je n'<strong>en</strong> savais lorsque tu as comm<strong>en</strong>cé à<br />

me dévoiler ces merveilles ! Or, une heure à peine vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> s'écouler, <strong>et</strong> je suis<br />

transfiguré comme Moïse sur le Sinaï, quand les flammes <strong>de</strong> la lumière divine<br />

montèr<strong>en</strong>t très haut au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête <strong>et</strong> qu'il fut littéralem<strong>en</strong>t traversé corps <strong>et</strong><br />

âme <strong>et</strong> <strong>de</strong> part <strong>en</strong> part par la sagesse divine !<br />

5. Oh, quel bi<strong>en</strong>-être j'éprouve dans c<strong>et</strong>te sainte lumière <strong>de</strong> la vérité divine ! Mais<br />

comm<strong>en</strong>t louer <strong>et</strong> célébrer à prés<strong>en</strong>t Celui qui t'a d'abord si puissamm<strong>en</strong>t éveillé<br />

toi-même que tu as pu maint<strong>en</strong>ant m'éveiller moi aussi avec c<strong>et</strong>te puissance <strong>et</strong><br />

c<strong>et</strong>te clarté ?! Une bouche humaine peut-elle véritablem<strong>en</strong>t prononcer <strong>de</strong>s<br />

paroles dignes <strong>de</strong> Lui ?! Non, non, au <strong>grand</strong> jamais ! Toute bouche mortelle doit<br />

se taire quand la parole vivante se m<strong>et</strong> à jaillir dans les flammes puissantes <strong>de</strong><br />

l'amour nouvellem<strong>en</strong>t éveillé <strong>en</strong>vers Dieu, le saint Père !<br />

6. Oh, comme Tu es infinim<strong>en</strong>t <strong>grand</strong> <strong>et</strong> sublime <strong>de</strong>vant nous, saint Maître ! Qui<br />

peut Te concevoir, Te compr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> <strong>en</strong>tier ?! Pas nous, les hommes, pas même<br />

l'éternité !<br />

7. Et puisque, ô saint Maître, Tu connais les choses que seul peut savoir Celui<br />

qui les a créées, je dis : bi<strong>en</strong> que Tu paraisses à nos yeux vêtu <strong>de</strong> chair, très saint<br />

Père, mon cœur Te reconnaît pourtant ! Tu es Celui-là même qui, par le<br />

truchem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Moïse, a donné sur le Sinaï les lois sacrées <strong>de</strong> la vie à Son peuple<br />

élu, <strong>et</strong> qui a constamm<strong>en</strong>t parlé à Son peuple par la bouche <strong>de</strong>s prophètes<br />

consacrés ! Tu es Celui qui S'est promis Lui-même, <strong>et</strong> Tu ti<strong>en</strong>s à prés<strong>en</strong>t la<br />

parole divine faite par Ton amour éternel <strong>de</strong> Père à Tes <strong>en</strong>fants <strong>en</strong>core faibles <strong>et</strong><br />

immatures. Oh, fais vite <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>s hommes pleins <strong>de</strong> force, <strong>et</strong> nos cœurs <strong>et</strong> nos<br />

bouches immortelles chanteront bi<strong>en</strong>tôt Tes louanges comme tous les cieux, ô<br />

très saint Père, ne les auront jamais chantées !<br />

8. Ô terre, tu as beau être p<strong>et</strong>ite comparée à tous les <strong>grand</strong>s mon<strong>de</strong>s qui, là-haut,<br />

suiv<strong>en</strong>t leur cours infinim<strong>en</strong>t long <strong>et</strong> vaste dans l'espace incomm<strong>en</strong>surable <strong>de</strong> la<br />

Création, comme tu es <strong>grand</strong>e à prés<strong>en</strong>t comparée à tous ces mon<strong>de</strong>s, puisque toi<br />

seule portes à prés<strong>en</strong>t Celui qu'ils ne saurai<strong>en</strong>t cont<strong>en</strong>ir à eux tous !<br />

9. Ô vous tous, mes frères, qu'hésitez-vous <strong>en</strong>core à vous lever <strong>et</strong> à Le célébrer<br />

par-<strong>de</strong>ssus tout, vous qui <strong>de</strong>vriez pourtant savoir aussi bi<strong>en</strong> que moi désormais<br />

458


qui vous avez <strong>de</strong>vant vous ?! Et si par hasard vous ne le saviez pas <strong>en</strong>core tout à<br />

fait, je vous le dis à tous : Le voici, le Seigneur, le Père éternel ; le ciel <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te<br />

terre sont emplis <strong>de</strong> Sa gloire éternelle ! Louez, louez-Le avec moi, ai<strong>de</strong>z-moi,<br />

vous qui êtes déjà forts <strong>de</strong> Sa grâce <strong>et</strong> <strong>de</strong> Sa miséricor<strong>de</strong> ! »<br />

10. Je dis alors à Murel : « C'est assez, c'est bi<strong>en</strong> assez, Mon très cher ami Murel<br />

! Je te connaissais <strong>de</strong>puis longtemps <strong>et</strong> savais bi<strong>en</strong> ce qui se cachait <strong>en</strong> toi. Et<br />

parce que tu as compris tant <strong>de</strong> choses <strong>en</strong> si peu <strong>de</strong> temps, tu <strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dras<br />

<strong>en</strong>core davantage !<br />

11. Mais vi<strong>en</strong>s à Moi maint<strong>en</strong>ant, <strong>et</strong> bois le vin très pur <strong>de</strong> ce gobel<strong>et</strong> où J'ai bu<br />

Moi-même ; <strong>en</strong>suite, tu connaîtras <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses, outre celles que notre<br />

ami Philopold t'a apprises jusqu'ici ! Vi<strong>en</strong>s donc à Moi ! »<br />

12. Murel dit : « Ô appel <strong>de</strong>s appels, voix <strong>de</strong>s voix, parole <strong>de</strong>s paroles, pour la<br />

première fois reconnus <strong>et</strong> compris par ma stupidité ! Qui peut Te résister, dès lors<br />

qu'il T'a reconnu dans son cœur ?! Oh, comme Ta sainte voix <strong>de</strong> Père est<br />

sublime, sainte, aimable <strong>et</strong> <strong>grand</strong>e, comme elle paraît familière aux oreilles du<br />

faible <strong>en</strong>fant si longtemps banni <strong>de</strong> Ton cœur ! Mille <strong>et</strong> mille félicités afflu<strong>en</strong>t<br />

vers moi à chaque souffle <strong>de</strong> la bouche <strong>de</strong> Celui dont la voix tonnante prononça<br />

un jour "Que cela soit !" dans l'espace sans fin, <strong>et</strong> tout se mit alors à bouger <strong>et</strong> à<br />

se mouvoir dans c<strong>et</strong> espace sans fin, que nulle éternité ne peut ni ne pourra jamais<br />

mesurer !<br />

13. Tout ce qui <strong>en</strong> moi a jamais prêté ses forces à une action pécheresse tremble<br />

<strong>et</strong> frémit ; mais toi, mon cœur nouveau-né, réjouis-toi <strong>et</strong> jubile ! Car voici que<br />

ton Créateur, ton Dieu, ton Père t'a appelé ; suis donc l'appel <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te voix qui a<br />

insufflé la vie dans tes fibres !<br />

14. Ô voix du Père, quelle harmonie est la ti<strong>en</strong>ne aux oreilles <strong>de</strong> l'amour <strong>en</strong>fantin<br />

dans le cœur <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fant éveillé du sommeil <strong>de</strong> la mort ! »<br />

Chapitre 225<br />

De l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la prophétie d'Isaïe<br />

1. Sur ces paroles véritablem<strong>en</strong>t éloqu<strong>en</strong>tes, Murel s'approcha <strong>de</strong> Moi, sanglotant<br />

<strong>et</strong> pleurant <strong>de</strong> joie. Tandis qu'il v<strong>en</strong>ait vers Moi, il dit à haute voix à Stahar <strong>et</strong> à<br />

Floran : « V<strong>en</strong>ez aussi, <strong>et</strong> ouvrez vos yeux <strong>en</strong>core troublés ! Il est vrai que vous<br />

êtes <strong>en</strong>trés avant moi dans l'antichambre du Temple <strong>et</strong> que, <strong>en</strong> vrais amis, vous<br />

m'avez fait v<strong>en</strong>ir là où vous étiez déjà ; mais il y a là plus que votre antichambre,<br />

il y a là le véritable Saint <strong>de</strong>s Saints ! »<br />

2. Je dis : « Quoi qu'il <strong>en</strong> soit, pr<strong>en</strong>ds ce gobel<strong>et</strong>, <strong>et</strong> bois ! Car tu as beaucoup<br />

parlé, <strong>et</strong> tu as la gorge sèche. Aussi, que le vin <strong>de</strong> la vérité <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'amour humecte<br />

ta poitrine, afin que tu <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>nes fort <strong>et</strong> Me sois un puissant instrum<strong>en</strong>t dans le<br />

combat contre la nuit <strong>et</strong> son cortège !<br />

3. Car la nuit s'est sans doute changée ici <strong>en</strong> un jour parfaitem<strong>en</strong>t clair ; mais tout<br />

autour <strong>de</strong> nous, c'est la plus profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s nuits qui règne sur les âmes <strong>de</strong>s<br />

hommes, <strong>et</strong> il faudra beaucoup <strong>de</strong> lampes très fortes pour chasser ces ténèbres ;<br />

459


<strong>et</strong> toi, tu seras pour Moi un <strong>grand</strong> flambeau ! »<br />

4. Là-<strong>de</strong>ssus, Murel pr<strong>en</strong>d avec joie le gobel<strong>et</strong>, qui était plein, <strong>et</strong> le vi<strong>de</strong> jusqu'à<br />

la <strong>de</strong>rnière goutte. L'extraordinaire bonté du vin le remplit d'étonnem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong>,<br />

transporté, il s'écrie : « Ô vin le plus merveilleux que j'aie bu <strong>de</strong> ma vie, on n'a<br />

certes pas pressé, pour te faire, les raisins <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, <strong>et</strong> jamais tu ne fus versé<br />

dans une outre ! Pour le Seigneur <strong>de</strong> toutes les spl<strong>en</strong><strong>de</strong>urs <strong>de</strong>s cieux, tu es v<strong>en</strong>u<br />

tout droit <strong>de</strong> ces mêmes cieux ! Ô Seigneur, ô très bon, très saint Père, quelle ne<br />

doit pas être la magnific<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s cieux ! Oh, <strong>en</strong> quoi avons-nous mérité, dis-lemoi,<br />

que Tu nous témoignes <strong>en</strong> personne c<strong>et</strong> amour <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te grâce inconcevable<br />

?! »<br />

5. Je dis : « La raison <strong>en</strong> est le li<strong>en</strong> puissant <strong>en</strong>tre le Père <strong>et</strong> Ses <strong>en</strong>fants, qui est<br />

aussi comme le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre le fiancé <strong>et</strong> sa promise !<br />

6. Dans Mon esprit éternel, Je suis bi<strong>en</strong> votre Père <strong>de</strong> toute éternité ; mais dans<br />

Ma chair prés<strong>en</strong>te, Je suis pourtant comme un fiancé, <strong>et</strong> vous tous comme Ma<br />

chère épouse promise — <strong>en</strong> cela que vous recevez Ma parole <strong>et</strong> Ma doctrine <strong>et</strong><br />

que vous croyez vivem<strong>en</strong>t dans vos cœurs que Je suis Celui qui vous a été<br />

promis, Celui qui doit v<strong>en</strong>ir afin <strong>de</strong> délivrer tous les hommes <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s péchés,<br />

qui sont le produit <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fer, <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur ouvrir la voie <strong>de</strong> la vie éternelle <strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

véritable filiation divine.<br />

7. En vérité, Je vous le dis : celui qui croit <strong>en</strong> Moi <strong>et</strong> qui observe activem<strong>en</strong>t Ma<br />

parole est <strong>en</strong> Moi comme une fiancée céleste, <strong>et</strong> Je suis <strong>en</strong> lui comme un vrai<br />

fiancé <strong>de</strong> la vie éternelle. Mais celui qui est <strong>en</strong> Moi <strong>et</strong> <strong>en</strong> qui Je suis, celui-là ne<br />

verra, ne s<strong>en</strong>tira ni ne goûtera plus jamais la mort !<br />

8. Celui qui croit <strong>en</strong> Moi <strong>et</strong> M'aime, <strong>et</strong> qui observe ainsi le doux comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong> l'amour pur, est aussi celui qui Me reconnaît comme le Père dans la <strong>grand</strong>e<br />

lumière <strong>de</strong> son cœur ! Et Je vi<strong>en</strong>drai toujours à lui Moi-même <strong>et</strong> Me révélerai à<br />

lui, <strong>et</strong> par la suite, il sera instruit <strong>et</strong> guidé par Moi, <strong>et</strong> Je donnerai la force à sa<br />

volonté, afin que tous les élém<strong>en</strong>ts lui obéiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cas <strong>de</strong> véritable besoin !<br />

9. Les Mi<strong>en</strong>s ne célébreront pas <strong>de</strong> triomphes glorieux dans le mon<strong>de</strong> proprem<strong>en</strong>t<br />

dit ; car les hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre ne sont pas seulem<strong>en</strong>t Mes <strong>en</strong>fants, mais aussi<br />

les <strong>en</strong>fants du prince du m<strong>en</strong>songe, <strong>de</strong> la nuit <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ténèbres. Ceux-là n'aim<strong>en</strong>t<br />

pas Ma lumière <strong>et</strong> n'aimeront pas ceux qui leur apporteront Ma lumière ; mais les<br />

Mi<strong>en</strong>s ne doiv<strong>en</strong>t pas s'<strong>en</strong> offusquer, car c'est le triomphe dans Mon royaume qui<br />

leur est réservé !<br />

10. Je vous le dis, pour l'amour <strong>de</strong> Mon nom, vous <strong>de</strong>vrez toujours supporter la<br />

persécution <strong>et</strong> le mépris dans le mon<strong>de</strong> proprem<strong>en</strong>t dit ; mais <strong>en</strong>suite, dans Mon<br />

royaume, il <strong>en</strong> sera tout autrem<strong>en</strong>t, vous pouvez <strong>en</strong> être pleinem<strong>en</strong>t assurés, <strong>et</strong>,<br />

même <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, la force <strong>de</strong> votre volonté couvrira d'opprobre vos <strong>en</strong>nemis, <strong>et</strong><br />

vous vous réjouirez <strong>en</strong> secr<strong>et</strong> pour l'amour <strong>de</strong> Mon nom ! Car vous savez qui Je<br />

suis, <strong>et</strong> ce que Moi seul puis vous donner ; mais le mon<strong>de</strong>, le cruel <strong>en</strong>nemi <strong>de</strong> la<br />

lumière <strong>et</strong> <strong>de</strong> Mon amour, ne le sait pas, <strong>et</strong> cela ne lui sera pas donné !<br />

11. Mais vous, vous le savez, <strong>et</strong> c'est ici que s'accomplit ce qu'avait annoncé le<br />

prophète Isaïe : "Yahvé Sabaoth prépare pour tous les peuples, sur c<strong>et</strong>te<br />

montagne, un riche festin ; un repas <strong>de</strong> vin pur, <strong>de</strong> graisse, <strong>de</strong> moelle, <strong>de</strong> vin sans<br />

460


lie. Sur c<strong>et</strong>te montagne, Il ôtera le voile qui voilait tous les peuples <strong>et</strong> le tissu qui<br />

couvrait les paï<strong>en</strong>s. Il fera disparaître la mort. Le Seigneur essuiera les pleurs sur<br />

tous les visages, Il ôtera l'opprobre <strong>de</strong> Son peuple sur toute la terre, car le<br />

Seigneur a parlé. Et ce jour-là <strong>et</strong> sur c<strong>et</strong>te montagne, les peuples clameront :<br />

'Voyez, c'est notre Dieu, <strong>en</strong> Lui nous espérions pour qu'il nous sauve ! Oui, c'est<br />

bi<strong>en</strong> le Seigneur que nous espérions, réjouissons-nous du salut qu'il nous donne !<br />

La main du Seigneur repose sur c<strong>et</strong>te montagne ! '<br />

12. Moab (Jérusalem <strong>et</strong> sa mauvaise constitution) sera foulée aux pieds, comme<br />

on foule la paille <strong>et</strong> le fumier ! Il ét<strong>en</strong>dra Ses mains au milieu d'elle, comme le<br />

nageur les ét<strong>en</strong>d pour nager, <strong>et</strong> Il rabaissera son orgueil avec les bras <strong>de</strong> Ses<br />

mains (*) ; <strong>et</strong> Il abattra, abaissera <strong>et</strong> r<strong>en</strong>versera à terre dans la poussière (<strong>grand</strong>e<br />

humiliation) la place forte inaccessible <strong>de</strong> vos remparts (l'égoïsme <strong>et</strong> l'orgueil) !"<br />

(Isaïe 25, 6-12.)<br />

13. Vois-tu, ce qu'Isaïe prophétisa alors <strong>en</strong> ce même lieu, sur c<strong>et</strong>te colline au<br />

bord <strong>de</strong> la mer, lorsqu'il vint <strong>en</strong> Galilée, s'accomplit à prés<strong>en</strong>t pleinem<strong>en</strong>t sous<br />

vos yeux ! Dénombre tous les peuples qui sont représ<strong>en</strong>tés ici, <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant les yeux<br />

<strong>de</strong> tous, le voile épais est tombé, <strong>et</strong> un vin très pur sans lie est donné à chacun, <strong>et</strong><br />

celui qui le boit <strong>et</strong> dont l'âme reçoit son esprit a reçu <strong>en</strong> lui la vie éternelle, <strong>et</strong> il<br />

<strong>en</strong> sera ainsi <strong>de</strong> tous ceux qui sont ici <strong>et</strong> qui boiv<strong>en</strong>t Ma parole comme le vin très<br />

pur v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux, <strong>et</strong> ceux qui, par la suite, le recevront à boire <strong>de</strong> vous <strong>et</strong> qui,<br />

comme vous, le boiront à <strong>grand</strong>s traits, pour ceux-là aussi, Je ferai disparaître la<br />

mort, <strong>et</strong> ils ne l'éprouveront ni ne la goûteront plus jamais !<br />

14. Oui, c<strong>et</strong>te vérité est bi<strong>en</strong> un riche festin que Je donne ici à travers vous aux<br />

peuples <strong>de</strong> la terre — car vous avez ici été nourris <strong>et</strong> rassasiés <strong>de</strong> la moelle <strong>de</strong> la<br />

sagesse la plus profon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> la vérité éternelle.<br />

15. Et puisque vous ne manquerez désormais plus jamais <strong>de</strong> bonnes <strong>et</strong> <strong>grand</strong>es<br />

réserves, vous pourrez aller <strong>de</strong> par le mon<strong>de</strong> vers vos frères <strong>et</strong> sœurs abandonnés,<br />

vers les veuves <strong>et</strong> les orphelins, <strong>et</strong> vous sécherez les larmes sur leurs visages, <strong>et</strong><br />

vous leur ferez boire largem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce vin très pur que Je vous ai ici donné à boire<br />

à tous <strong>en</strong> si <strong>grand</strong>e abondance !<br />

16. Quant au mom<strong>en</strong>t où vous <strong>de</strong>vrez faire cela, il vous sera indiqué à tous par<br />

Mon esprit <strong>en</strong> vous. Quand, par la suite, vous agirez véritablem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> fidèlem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> Mon nom, Mon esprit, qui est Moi-même, sera toujours <strong>et</strong> <strong>en</strong> tout temps avec<br />

vous.<br />

17. Désormais, vous n'aurez plus besoin <strong>de</strong> réfléchir pour savoir ce que vous<br />

<strong>de</strong>vez dire <strong>en</strong> Mon nom ; car, le mom<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u, cela vous sera mis dans le cœur <strong>et</strong><br />

dans la bouche.<br />

18. L'esprit <strong>de</strong> ce vin que Je vous ai donné à boire ne s'<strong>en</strong>fuira jamais <strong>de</strong> vos<br />

âmes ; car il a nom "vérité éternelle". C'est aussi pourquoi ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> faux ne<br />

trouvera place <strong>en</strong> vous, car dans ce vin repose la vérité éternelle. La fauss<strong>et</strong>é est<br />

la mort, la <strong>de</strong>struction <strong>et</strong> le jugem<strong>en</strong>t éternel ; mais la vérité est elle-même la vie,<br />

(*)<br />

Les anges, cf. chap. 180,5. (N.d.E.A.) Pour le reste <strong>de</strong> la citation, noter les différ<strong>en</strong>ces avec la<br />

Bible <strong>de</strong> Jérusalem : « Il ét<strong>en</strong>dra les mains, au milieu <strong>de</strong> la montagne... Mais il rabaissera son orgueil,<br />

malgré les efforts <strong>de</strong> ses mains... », <strong>et</strong>c. (N.d.T.)<br />

461


<strong>et</strong> c'est ce que Je suis <strong>en</strong> vous, car Je suis Moi-même <strong>de</strong> toute éternité la vérité, la<br />

lumière, le chemin <strong>et</strong> la vie !<br />

19. Ainsi donc, celui qui M'a dans son cœur a tout ; car hors <strong>de</strong> Moi, il n'y aura<br />

jamais ni vérité, ni vie ! — Avant toute chose, dis-Moi, Murel, si tu compr<strong>en</strong>ds<br />

tout cela très clairem<strong>en</strong>t. »<br />

Chapitre 226<br />

La promesse du Seigneur<br />

1. Murel dit : « Ô Seigneur, comm<strong>en</strong>t pourrais-je ne point le compr<strong>en</strong>dre ?! Le<br />

vin que Tu m'as donné à boire était sans lie, tout comme celui <strong>de</strong> Ton <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />

; aussi puis-je Te dire que c<strong>et</strong>te fois, <strong>et</strong> pour la première fois <strong>de</strong> ma vie,<br />

j'ai <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t compris Isaïe ! Ce vin spirituel lui aussi est désormais sans lie<br />

pour moi, <strong>et</strong> à coup sûr égalem<strong>en</strong>t pour tous ceux qui ont pris part à ce très riche<br />

repas spirituel ; <strong>et</strong> c'est par le vin du prophète parfaitem<strong>en</strong>t clarifié par Toi, ô<br />

Seigneur, que je vi<strong>en</strong>s aussi <strong>de</strong> Te reconnaître pleinem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je compr<strong>en</strong>ds<br />

désormais que je suis moi aussi <strong>de</strong> ceux qui s'écrièr<strong>en</strong>t sur la montagne : "Ô Seigneur,<br />

Tu es le Dieu que nous espérions, <strong>et</strong> Tu es vraim<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>u à notre secours,<br />

<strong>et</strong> ainsi sommes-nous vraim<strong>en</strong>t sauvés pour toujours !" Et Moab aussi a vraim<strong>en</strong>t<br />

été foulée aux pieds (*) , <strong>et</strong> elle est désormais comme la paille sans grain <strong>et</strong> comme<br />

le fumier rongé par la vermine <strong>et</strong> les mouches. Oh, quelle joie inexprimable estce<br />

là pour ma pauvre âme si longtemps assoiffée <strong>de</strong> vérité, <strong>et</strong> aujourd'hui si<br />

richem<strong>en</strong>t dédommagée <strong>de</strong> toutes les peines qu'elle s'est infligées à elle-même<br />

pour découvrir c<strong>et</strong>te pure vérité !<br />

2. Oui, Seigneur, Toi seul es notre Seigneur <strong>et</strong> notre Dieu, <strong>et</strong> hors Toi, il n'y <strong>en</strong><br />

aura jamais d'autre ! À Toi seul donc tout notre amour éternellem<strong>en</strong>t ! Et à toi,<br />

mon cher frère Philopold, mon impérissable gratitu<strong>de</strong> ; car c'est toi qui m'as le<br />

premier ouvert les yeux afin que je puisse voir ce que je cherchais <strong>en</strong> vain aux<br />

quatre coins du mon<strong>de</strong> !<br />

3. Mais j'ai <strong>en</strong>core une <strong>grand</strong>e prière à T'adresser, ô Seigneur, pour nous tous.<br />

Puisque Tu nous as permis <strong>de</strong> Te trouver <strong>en</strong>fin, ne nous abandonne plus, nous<br />

Tes <strong>en</strong>fants, afin que nos <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>dants n'ai<strong>en</strong>t plus à Te chercher à nouveau<br />

p<strong>en</strong>dant mille ans sans pouvoir dire : "Ô Seigneur, nous T'avons r<strong>et</strong>rouvé !" Ô<br />

Seigneur, nous T'adressons tous c<strong>et</strong>te prière du fond du cœur ! »<br />

4. Je dis : « Dans Ma parole, qui est Mon esprit <strong>et</strong> Mon amour, Je serai toujours<br />

avec les hommes <strong>de</strong> bonne volonté, désormais <strong>et</strong> jusqu'à la fin du mon<strong>de</strong> !<br />

Soyez-<strong>en</strong> tous assurés !<br />

5. Mais Je n'y serai plus jamais sous Ma prés<strong>en</strong>te forme extérieure d'homme<br />

matériel, du jour prochain où, comme il a été décidé <strong>de</strong> toute éternité, Je <strong>de</strong>vrai<br />

<strong>en</strong> changer !<br />

6. Car avec ce corps, J'ai pris sur Moi tout le jugem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> la mort, <strong>et</strong> ce corps<br />

<strong>de</strong>vra être offert à la mort p<strong>en</strong>dant trois jours afin que vos âmes puiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite<br />

(*) Littéralem<strong>en</strong>t, « battue », comme la paille dont on a fait sortir le grain. (N.d.T.)<br />

462


connaître la vie éternelle !<br />

7. Car ce corps qui est le Mi<strong>en</strong> représ<strong>en</strong>te vos âmes ; pour que vos âmes viv<strong>en</strong>t, il<br />

doit quitter la vie, <strong>et</strong> vos âmes bénéficieront éternellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t.<br />

8. Mais le troisième jour, ce corps qui est le Mi<strong>en</strong> repr<strong>en</strong>dra pourtant vie sous<br />

une forme transfigurée, <strong>et</strong> la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Mon esprit éternel <strong>en</strong>trera alors <strong>en</strong> vous<br />

<strong>et</strong> vous gui<strong>de</strong>ra <strong>en</strong> toute vérité.<br />

9. C'est dans c<strong>et</strong>te vérité que, tout comme Mon corps, vous serez alors<br />

transfigurés dans vos cœurs <strong>et</strong> dans vos âmes, <strong>et</strong> vous puiserez vous-mêmes<br />

librem<strong>en</strong>t la vie éternelle dans la surabondance <strong>de</strong> Mon esprit, <strong>et</strong> c'est ainsi<br />

qu'alors seulem<strong>en</strong>t, vous <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drez, serez <strong>et</strong> <strong>de</strong>meurerez éternellem<strong>en</strong>t les vrais<br />

<strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu.<br />

10. Mais à prés<strong>en</strong>t, vous tous ne faites que vous y préparer. Aussi, écoutez Ma<br />

voix <strong>et</strong> suivez Ma parole !<br />

11. Nul ne vi<strong>en</strong>dra à Moi dans Mon royaume s'il n'y a été attiré par l'Esprit v<strong>en</strong>u<br />

<strong>de</strong> Moi ! Et qu'est-ce que l'Esprit ? C'est le Père éternel qui vous fera v<strong>en</strong>ir à Moi.<br />

12. C<strong>et</strong> Esprit n'a pas <strong>de</strong> nom ; mais son ess<strong>en</strong>ce est amour. Si vous avez c<strong>et</strong><br />

amour, vous avez aussi l'Esprit — <strong>et</strong> si vous avez l'Esprit, vous M'avez aussi ; car<br />

le Père, l'Esprit <strong>et</strong> Moi-même ne faisons qu'un !<br />

13. Aussi, efforcez-vous d'aimer Dieu <strong>et</strong> votre prochain, surtout si celui-ci est<br />

pauvre <strong>et</strong> a besoin d'être aidé spirituellem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> matériellem<strong>en</strong>t, car avec c<strong>et</strong><br />

amour, vous éveillerez votre amour <strong>en</strong>vers Dieu, surtout si vous ne considérez<br />

pas <strong>en</strong> cela les futiles jugem<strong>en</strong>ts du mon<strong>de</strong> ; car celui d'<strong>en</strong>tre vous qui, à cause du<br />

mon<strong>de</strong>, aura honte <strong>de</strong> ses frères <strong>et</strong> sœurs pauvres <strong>et</strong> les fuira pour paraître<br />

honorable au mon<strong>de</strong>, celui-là ne sera ni reconnu ni accepté par Moi !<br />

14. En somme, Je vous dis ceci : si quelqu'un, à cause <strong>de</strong> la méchanc<strong>et</strong>é du<br />

mon<strong>de</strong>, a honte <strong>de</strong> Mes pauvres frères <strong>et</strong> sœurs, J'aurai honte <strong>de</strong> Lui moi aussi !<br />

15. Mais si quelqu'un reconnaît Mon esprit dans les pauvres aussi, Je le reconnaîtrai<br />

Moi aussi toujours pour Mon <strong>en</strong>fant ! T<strong>en</strong>ez-le-vous pour dit ! —<br />

Mais à prés<strong>en</strong>t, nous allons pr<strong>en</strong>dre ici même p<strong>en</strong>dant trois heures un repos réconfortant.<br />

»<br />

Chapitre 227<br />

De l'ess<strong>en</strong>ce du Seigneur <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'humanité<br />

1. Mes disciples fur<strong>en</strong>t sans doute les premiers à s'<strong>en</strong>dormir, <strong>et</strong> les Romains aussi<br />

étai<strong>en</strong>t las ; chacun se fit un oreiller <strong>de</strong> ses mains, s'appuya sur la table <strong>et</strong><br />

s'<strong>en</strong>dormit comme dans un lit moelleux. Quant à notre Murel <strong>et</strong> à Philopold, ils<br />

ne s'<strong>en</strong>dormir<strong>en</strong>t point, mais allèr<strong>en</strong>t un peu à l'écart <strong>et</strong> s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>inr<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant tout<br />

ce temps <strong>de</strong> ce qui était arrivé.<br />

2. Notre Mathaël vint les rejoindre <strong>et</strong> dit : « Il m'est impossible <strong>de</strong> dormir après<br />

tout ce que j'ai vu <strong>et</strong> vécu ici <strong>en</strong> <strong>de</strong>ux jours successifs. Songez donc, il y a trois<br />

jours <strong>en</strong>core, j'étais possédé par une légion <strong>de</strong> diables, <strong>et</strong>, certes tout à fait à mon<br />

463


insu, sans doute le plus redouté <strong>de</strong>s bandits <strong>de</strong> <strong>grand</strong> chemin !<br />

3. Là où l'on croyait que j'étais, nulle caravane ne s'av<strong>en</strong>turait à passer, <strong>et</strong> celui<br />

qui tombait <strong>en</strong>tre mes mains ne passait pas son chemin sans dommage ! Et à<br />

prés<strong>en</strong>t, je suis le g<strong>en</strong>dre du roi Ouran, corég<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce <strong>grand</strong> royaume pontique<br />

qui va jusqu'au royaume <strong>de</strong>s Scythes, <strong>et</strong> qui s'ét<strong>en</strong>drait du Pont à la mer<br />

Caspi<strong>en</strong>ne, par-<strong>de</strong>là une <strong>grand</strong>e montagne. — N'est-ce pas là une merveille <strong>de</strong>s<br />

merveilles ?! Oui, il se passe ici <strong>de</strong>s choses dont aucun homme ne saurait avoir<br />

idée <strong>en</strong> aucun autre lieu <strong>de</strong> la terre !<br />

4. Mais une <strong>grand</strong>e question se pose <strong>en</strong>core, qui est tout simplem<strong>en</strong>t celle-ci :<br />

cela sera-t-il compris <strong>et</strong> préservé par les hommes qui viv<strong>en</strong>t dans <strong>de</strong>s lieux très<br />

éloignés d'ici, ou par ceux qui vivront loin <strong>de</strong> nous dans le temps ? Car c<strong>et</strong>te<br />

doctrine a beau être <strong>en</strong> soi très pure <strong>et</strong> très vraie, on là ti<strong>en</strong>dra sans doute pour la<br />

parole d'un <strong>grand</strong> prophète — mais quant à adm<strong>et</strong>tre que c'est Dieu Lui-même<br />

qui S'est incarné pour <strong>en</strong>seigner cela aux hommes, ce sera là un dogme bi<strong>en</strong><br />

difficile à maint<strong>en</strong>ir, d'autant qu'il est <strong>en</strong> quelque sorte le fils naturel d'une<br />

certaine Marie, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue plus tard l'épouse d'un charp<strong>en</strong>tier nommé Joseph ! Ces<br />

choses-là se sav<strong>en</strong>t déjà communém<strong>en</strong>t dans le peuple, <strong>et</strong> il sera difficile <strong>de</strong><br />

donner à ce même peuple le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te humanité du Seigneur, bi<strong>en</strong> qu'il<br />

n'y ait plus le moindre doute à ce suj<strong>et</strong> <strong>en</strong> ce qui nous concerne.<br />

5. Nous sommes pleinem<strong>en</strong>t convaincus qu'à la seule exception <strong>de</strong> Sa forme<br />

extérieure, il n'y a ri<strong>en</strong> <strong>en</strong> Lui <strong>de</strong> l'homme <strong>de</strong> nature tel que nous le sommes<br />

nous-mêmes ; Il est Dieu, corps, âme <strong>et</strong> esprit ! Car on peut bi<strong>en</strong> dire qu'<strong>en</strong> Lui<br />

<strong>de</strong>meure la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la divinité, même corporellem<strong>en</strong>t, puisqu'il n'a qu'à<br />

vouloir une chose pour qu'elle arrive à l'instant !<br />

6. Cep<strong>en</strong>dant, la preuve la plus <strong>grand</strong>e <strong>et</strong> la plus tangible <strong>de</strong> Sa divinité rési<strong>de</strong><br />

dans Sa parole, <strong>et</strong> dans le fait qu'il a constamm<strong>en</strong>t à Son service un ange qui<br />

accomplit aux yeux <strong>de</strong> tous <strong>de</strong>s actes bi<strong>en</strong> plus inexplicables <strong>en</strong>core pour les<br />

mortels que ce que Philopold nous a révélé du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s étoiles fixes.<br />

7. Bref, pour nous qui le voyons, tout cela relève très clairem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'extraordinaire<br />

le plus sacré ; car nous <strong>en</strong> avons <strong>en</strong> surabondance les preuves les plus<br />

criantes !<br />

8. Mais il ne pourra <strong>en</strong> être partout <strong>et</strong> toujours ainsi. Et je remarque qu'ici même,<br />

malgré toutes ces preuves criantes, beaucoup ont déjà peine à concevoir <strong>et</strong> à<br />

compr<strong>en</strong>dre la nature divine du Seigneur ; j'ai d'ailleurs remarqué que pour ce qui<br />

est <strong>de</strong> reconnaître le Seigneur <strong>et</strong> Sa magnific<strong>en</strong>ce purem<strong>en</strong>t divine, la parole<br />

d'explication fait merveille bi<strong>en</strong> davantage que les miracles les plus criants. Il<br />

semble que la raison <strong>en</strong> soit celle-ci : notre époque est si bi<strong>en</strong> accoutumée aux<br />

prodiges, vrais ou faux, mais toujours mystérieux, qu'ils ne forc<strong>en</strong>t plus tellem<strong>en</strong>t<br />

notre étonnem<strong>en</strong>t.<br />

9. C'est surtout <strong>de</strong>puis les quelque soixante années que les Romains sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us<br />

nos maîtres que l'on voit proliférer les mages <strong>et</strong> les faiseurs <strong>de</strong> miracles ! Celui<br />

qui n'a ni connaissance ni expéri<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la magie secrète m<strong>et</strong> aujourd'hui très<br />

facilem<strong>en</strong>t dans le même sac tous les prodiges <strong>et</strong> ne fait plus <strong>de</strong> différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre<br />

le vrai <strong>et</strong> faux — il ne le pourrait d'ailleurs pas, car il lui manque les élém<strong>en</strong>ts<br />

pour <strong>en</strong> juger. Il s'<strong>en</strong>suit donc tout naturellem<strong>en</strong>t qu'un prodige ne pourra jamais<br />

464


produire autant d'eff<strong>et</strong> qu'une parole claire.<br />

10. Bref, on <strong>en</strong> fait visiblem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> plus <strong>en</strong> éveillant l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s hommes<br />

que par n'importe quel miracle ! »<br />

Chapitre 228<br />

De l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong> Jésus<br />

1. (Mathaël :) « Pour nous, bi<strong>en</strong> sûr, les actes extraordinaires sont aussi une<br />

preuve très puissante, parce que notre <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t est déjà suffisamm<strong>en</strong>t éveillé<br />

pour distinguer au premier regard le vrai du faux !<br />

2. Car nous connaissons déjà tous les artifices <strong>de</strong>s magici<strong>en</strong>s, <strong>et</strong> aucun n'apporte<br />

<strong>grand</strong>-chose <strong>de</strong> neuf ; mais les actes accomplis ici <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt davantage qu'un<br />

simple mage égypti<strong>en</strong> ou perse, ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt la toute-puissance créatrice <strong>de</strong><br />

Dieu <strong>et</strong> une profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> sagesse à jamais inaccessible, ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt<br />

l'antériorité <strong>et</strong> le privilège créateur <strong>de</strong> l'Esprit divin, dont la volonté ti<strong>en</strong>t la bri<strong>de</strong><br />

à tous les esprits <strong>et</strong> à tous les mon<strong>de</strong>s, comme un bon cocher dirige son attelage<br />

<strong>en</strong> tirant plus ou moins sur les rênes, montrant ainsi à ses bêtes sans cela<br />

indociles qu'elles doiv<strong>en</strong>t se conformer à sa volonté.<br />

3. C'est donc la divinité créatrice qui apparaît ici dans sa plénitu<strong>de</strong>, alors qu'on<br />

n'<strong>en</strong> verra jamais ri<strong>en</strong> chez les magici<strong>en</strong>s, parce qu'elle n'est pas <strong>et</strong> n'a jamais été<br />

prés<strong>en</strong>te chez eux. Cep<strong>en</strong>dant, nous pouvons bi<strong>en</strong> supposer aussi que nos<br />

patriarches ont dû accomplir maints prodiges grâce à la force divine qui était <strong>en</strong><br />

eux ; car sans ces vrais prodiges, les faux ne serai<strong>en</strong>t certainem<strong>en</strong>t jamais<br />

apparus.<br />

4. À prés<strong>en</strong>t, nous avons <strong>de</strong> nouveau sous les yeux <strong>de</strong>s miracles parfaitem<strong>en</strong>t<br />

auth<strong>en</strong>tiques ; mais je ne serai sans doute pas mauvais prophète si je dis que dans<br />

quelques siècles, il y aura au nom du Seigneur plus <strong>de</strong> faux miracles que <strong>de</strong> vrais<br />

!<br />

5. Il est vrai que tout cela dép<strong>en</strong>d du Seigneur ; mais l'on peut adm<strong>et</strong>tre pour<br />

certain, premièrem<strong>en</strong>t, que le Seigneur ne <strong>de</strong>meurera pas toujours physiquem<strong>en</strong>t<br />

sur c<strong>et</strong>te terre parmi les hommes <strong>et</strong> qu'Il ne sera pas là pour nous ai<strong>de</strong>r à fon<strong>de</strong>r la<br />

nouvelle doctrine par Ses faits <strong>et</strong> gestes matériels ; <strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t, que<br />

désormais, Il ôtera <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> moins leur libre arbitre aux hommes qu'il ne le<br />

faisait avant c<strong>et</strong>te époque éternellem<strong>en</strong>t mémorable, celle-là même qui doit<br />

r<strong>en</strong>dre la terre à jamais impérissable <strong>et</strong> <strong>en</strong> faire dans l'au-<strong>de</strong>là le milieu <strong>de</strong>s cieux.<br />

6. Car un mon<strong>de</strong> que Son pied aura foulé corporellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vrait perdurer<br />

éternellem<strong>en</strong>t, au moins dans un état transfiguré. Mais si les hommes <strong>de</strong>meur<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> possession <strong>de</strong> leur libre arbitre, <strong>et</strong> s'ils continu<strong>en</strong>t <strong>de</strong> v<strong>en</strong>ir au mon<strong>de</strong> avec la<br />

même ignorance <strong>et</strong> la même quasi-abs<strong>en</strong>ce d'intellig<strong>en</strong>ce, <strong>en</strong> sorte que leur<br />

connaissance ne dép<strong>en</strong>dra par la suite que d'un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t d'origine<br />

extérieure, il est difficile <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser que l'obscurantisme ne repr<strong>en</strong>dra pas le <strong>de</strong>ssus<br />

<strong>et</strong> que les hommes avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pouvoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> bonne vie ne vont pas faire <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te nouvelle doctrine purem<strong>en</strong>t divine un décuple paganisme auquel celui <strong>de</strong><br />

465


l'In<strong>de</strong> n'aura ri<strong>en</strong> à <strong>en</strong>vier !<br />

7. Nous ne vivrons pas cela dans nos corps, mais d'autant plus certainem<strong>en</strong>t<br />

lorsque nous serons dans un mon<strong>de</strong> spirituel <strong>de</strong> lumière <strong>en</strong>core inconnu <strong>de</strong> nous !<br />

C'est alors que tromperie, m<strong>en</strong>songe, ost<strong>en</strong>tation, égoïsme, persécution,<br />

jugem<strong>en</strong>t, v<strong>en</strong>geance, <strong>et</strong> toutes les cruautés possibles <strong>et</strong> imaginables, <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dront<br />

monnaie courante sur la terre !<br />

8. Le Seigneur Lui-même a bi<strong>en</strong> dit qu'il fallait que tout cela soit permis pour que<br />

chaque individu puisse se déterminer lui-même <strong>et</strong> forger vraim<strong>en</strong>t son exist<strong>en</strong>ce,<br />

sans quoi aucun ne <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drait jamais un véritable <strong>en</strong>fant <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> ne pourrait<br />

jamais accé<strong>de</strong>r à la gloire éternelle du Père !<br />

9. Et si le Seigneur Lui-même a fait un tel pronostic, comm<strong>en</strong>t pourrions-nous<br />

p<strong>en</strong>ser qu'il <strong>en</strong> sera autrem<strong>en</strong>t que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> vous le dire ?! Le meilleur moy<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong> prév<strong>en</strong>ir cela est <strong>en</strong>core <strong>et</strong> <strong>de</strong>meurera un langage clair d'une certitu<strong>de</strong><br />

mathématique. Car la preuve mathématique ne craint pas les ravages du temps, <strong>et</strong><br />

elle vaut aussi bi<strong>en</strong> pour les Indi<strong>en</strong>s que pour les Perses, les Arabes, les Grecs,<br />

les Romains <strong>et</strong> les luifs ! »<br />

Chapitre 229<br />

Inquiétu<strong>de</strong>s pour la mission<br />

1. Murel dit : « Mais, noble <strong>et</strong> sage ami, pour ce qui est <strong>de</strong> sa clarté, c<strong>et</strong>te<br />

doctrine a pourtant l'avantage que, selon moi, elle repose sur plus <strong>en</strong>core qu'une<br />

base mathématique sûre <strong>et</strong> ne laisse donc subsister aucun doute. Aussi mon<br />

opinion est-elle que c<strong>et</strong>te doctrine ne pourra jamais être faussée ! »<br />

2. Mathaël dit : « Cela est certes souhaitable ; mais il'n'<strong>en</strong> sera pourtant pas ainsi<br />

! D'ailleurs, ne serait-ce que par sa nature spirituelle, elle n'est déjà pas si<br />

soli<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t mathématique que tu la représ<strong>en</strong>tes ! Songe donc à tout ce qu'il t'<strong>en</strong> a<br />

coûté simplem<strong>en</strong>t pour <strong>en</strong> v<strong>en</strong>ir à press<strong>en</strong>tir la vérité qu'il y a <strong>en</strong> elle, <strong>et</strong> finalem<strong>en</strong>t<br />

pour y voir tout à fait clair !<br />

3. Combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> connaissances <strong>et</strong> d'expéri<strong>en</strong>ces t'avai<strong>en</strong>t préparé <strong>et</strong> <strong>en</strong>richi,<br />

combi<strong>en</strong> épuré était déjà ton <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> pourtant, tu ne compr<strong>en</strong>ais ni<br />

Moïse, ni Isaïe ; il a fallu quelques paroles pour que la lumière comm<strong>en</strong>ce à se<br />

faire dans ton cœur !<br />

4. Imagine à prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s hommes qui n'ai<strong>en</strong>t au préalable ni <strong>grand</strong>es connaissances,<br />

ni expéri<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> qu'un apôtre <strong>de</strong> la nouvelle doctrine vi<strong>en</strong>ne leur prêcher<br />

c<strong>et</strong> Évangile parfaitem<strong>en</strong>t auth<strong>en</strong>tique donné par le ciel. Quel sera l'eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> la<br />

prédication sur <strong>de</strong> telles g<strong>en</strong>s ?!<br />

5. Je suis donc d'avis que nous <strong>de</strong>mandions avant tout au Seigneur qu'il nous<br />

explique par quel discours compréh<strong>en</strong>sible nous <strong>de</strong>vons porter la parole <strong>de</strong> vie à<br />

ceux qui nous écouteront, afin <strong>de</strong> les convaincre <strong>et</strong> <strong>de</strong> susciter <strong>en</strong> eux une vie<br />

nouvelle ! Car c'est là la question qui me paraît la plus nécessaire, <strong>et</strong> la seule<br />

vraim<strong>en</strong>t utile pour la suite ! »<br />

466


6. Philopold dit : « Ô noble ami revêtu <strong>de</strong> l'habit dont se par<strong>en</strong>t les rois, tu as sans<br />

doute fort bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> justem<strong>en</strong>t parlé ; mais le Seigneur Lui-même vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous<br />

prom<strong>et</strong>tre que nous n'aurions plus besoin <strong>de</strong> réfléchir à ce que nous <strong>de</strong>vions dire<br />

<strong>en</strong> Son nom, car cela nous vi<strong>en</strong>drait sur l'heure au cœur <strong>et</strong> à la bouche ! Et s'il <strong>en</strong><br />

est ainsi, comme cela est certain <strong>et</strong> inévitable, je ne vois vraim<strong>en</strong>t pas pourquoi<br />

nous <strong>de</strong>vrions questionner une nouvelle fois le Seigneur là-<strong>de</strong>ssus !<br />

7. Cep<strong>en</strong>dant, mon opinion est que, lorsque nous répandrons c<strong>et</strong>te doctrine par la<br />

suite, nous ne pourrons nous disp<strong>en</strong>ser <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t du pouvoir <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s<br />

miracles ; car seuls les miracles peuv<strong>en</strong>t quelque chose contre la force brute <strong>de</strong>s<br />

hommes. Un homme qui est aux <strong>de</strong>ux tiers animal doit d'abord être surpris <strong>et</strong><br />

am<strong>en</strong>é à réfléchir par un miracle pour que l'on puisse <strong>en</strong>suite lui parler <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> la vocation éternelle <strong>de</strong> l'homme.<br />

8. Avec <strong>de</strong>s hommes qui ont quelque éducation, une parole sage suffirait sans<br />

doute dans le meilleur <strong>de</strong>s cas, même sans miracle, mais si l'on n'accomplit pas<br />

<strong>de</strong> prodiges, il n'y a ri<strong>en</strong> à faire contre la force brute ! Les peuples à <strong>de</strong>mi ou tout<br />

à fait sauvages ont la plupart du temps été réduits à c<strong>et</strong> état quasi bestial par leurs<br />

souverains <strong>et</strong> leurs prêtres, <strong>et</strong> toujours par les faux prodiges accomplis par ceuxci.<br />

Ils ne compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t point la parole ; mais un vrai miracle, nécessairem<strong>en</strong>t plus<br />

puissant qu'un faux, les amène à vouloir se rallier à ce qui est plus fort, <strong>et</strong> c'est<br />

une fois qu'on les a ainsi convaincus que l'on peut comm<strong>en</strong>cer à les instruire<br />

utilem<strong>en</strong>t.<br />

9. C'est là mon opinion, <strong>et</strong> je prét<strong>en</strong>ds aussi que, même avec <strong>de</strong>s hommes à<br />

l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t fort éveillé, on peut toujours <strong>en</strong> faire davantage avec un miracle, si<br />

celui-ci est vraim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> bon aloi, <strong>et</strong> aussi parv<strong>en</strong>ir plus vite au but qu'on ne ferait<br />

par le discours le mieux choisi ! Car même un homme à l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t éveillé vit<br />

lui aussi dans quelque espèce <strong>de</strong> conception préétablie, qui serait déjà fausse du<br />

seul fait d'être préétablie, <strong>et</strong> <strong>de</strong> telles conceptions sont difficiles à extirper <strong>de</strong><br />

l'âme par la seule parole !<br />

10. Pr<strong>en</strong>ons notre propre exemple <strong>et</strong> <strong>de</strong>mandons-nous ce qui a bi<strong>en</strong> pu, au départ,<br />

nous arracher à nos conceptions établies : ne nous le dissimulons point, ce sont<br />

bi<strong>en</strong> les œuvres qui nous ont montré qui était Celui qui les accomplissait !<br />

11. Je crois donc que ce que nous <strong>de</strong>vons avant tout <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au Seigneur, c'est<br />

la force <strong>de</strong> faire un miracle <strong>en</strong> cas <strong>de</strong> besoin ! »<br />

Chapitre 230<br />

De l'inanité <strong>de</strong> tout souci pour la mission<br />

1. Murel dit : « Chers amis, sans vouloir vous froisser le moins du mon<strong>de</strong> ni<br />

prét<strong>en</strong>dre que vos souhaits ne sont pas dans l'ordre divin, je remarque simplem<strong>en</strong>t,<br />

sans faire <strong>de</strong> discours, que nous sommes <strong>en</strong> train <strong>de</strong> couper les cheveux <strong>en</strong><br />

quatre, alors que le Seigneur a sans doute <strong>de</strong>puis bi<strong>en</strong> longtemps pourvu à tout<br />

cela !<br />

2. Il est certain qu'avec le temps, <strong>de</strong>s éclipses obscurciront notre soleil spirituel,<br />

467


tout comme il arrive souv<strong>en</strong>t que <strong>de</strong>s nuages noirs obscurciss<strong>en</strong>t si bi<strong>en</strong> notre<br />

beau soleil <strong>en</strong> plein jour que, premièrem<strong>en</strong>t, on n'a plus la moindre idée du lieu<br />

où se ti<strong>en</strong>t dans le ciel le père du jour, <strong>et</strong> que, <strong>de</strong>uxièmem<strong>en</strong>t, il fait si sombre<br />

que, pour y voir un peu, il faut à midi allumer une lampe. Mais les nuages sont<br />

aussi porteurs d'une pluie fécon<strong>de</strong>, <strong>et</strong>, le l<strong>en</strong><strong>de</strong>main, les sillons odorants ri<strong>en</strong>t au<br />

soleil <strong>et</strong> les bi<strong>en</strong>faits du ciel s'y manifest<strong>en</strong>t avec éclat.<br />

3. Aussi crois-je que l'amour <strong>et</strong> la sagesse suprêmes du Seigneur laisseront<br />

<strong>en</strong>core souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong> noirs nuages v<strong>en</strong>ir obscurcir la sainte face du soleil <strong>de</strong> notre<br />

esprit <strong>en</strong> plein milieu du jour <strong>de</strong> la connaissance <strong>et</strong> <strong>de</strong> la sagesse humaines, afin<br />

que les hommes n'<strong>en</strong> ai<strong>en</strong>t que plus soif <strong>de</strong> lumière. Car c'est seulem<strong>en</strong>t lorsque<br />

nous l'avons perdue que nous reconnaissons la valeur inestimable <strong>de</strong> la vraie<br />

lumière <strong>de</strong> la vie.<br />

4. Alors, les hommes comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r avec angoisse : "Où est la<br />

lumière <strong>de</strong> vie ?" Ils soupir<strong>en</strong>t <strong>et</strong> ils pleur<strong>en</strong>t, <strong>et</strong>, telle la pluie <strong>de</strong>s nuages <strong>de</strong><br />

l'esprit, leurs larmes tomb<strong>en</strong>t dans les sillons oppressés du cœur <strong>et</strong> ranim<strong>en</strong>t ici<br />

ou là dans l'âme les racines étiolées <strong>de</strong> la sainte parole, <strong>et</strong> c'est ainsi que nous<br />

revivons avec ces racines <strong>et</strong> que, par notre vision à nouveau fortifiée, nous<br />

revoyons bi<strong>en</strong>tôt le soleil <strong>de</strong> la vie dans notre cœur à nouveau illuminé, <strong>et</strong> nous<br />

nous réjouissons alors au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute mesure <strong>de</strong> la nouvelle lumière que nous<br />

avions perdue pour un temps dans les disputes <strong>et</strong> les querelles.<br />

5. Je vous le dis, le Seigneur sait parfaitem<strong>en</strong>t tout ce qui doit <strong>en</strong>core arriver sur<br />

notre terre, matérielle <strong>et</strong> spirituelle, <strong>et</strong> pourquoi cela doit arriver !<br />

6. C'est pourquoi il me semble que notre débat est à tout le moins parfaitem<strong>en</strong>t<br />

inutile. Nous recevrons assurém<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Lui la parole <strong>et</strong> l'énergie nécessaires, s'il<br />

juge que nous conv<strong>en</strong>ons à Ses <strong>de</strong>sseins ; mais nous ne pouvons <strong>en</strong> aucun cas Lui<br />

représ<strong>en</strong>ter ce qu'il doit nous donner <strong>et</strong> déci<strong>de</strong>r pour nous à notre idée stupi<strong>de</strong> !<br />

7. Car si nous ne savions pas qui Il est, nous pourrions sans doute Le traiter<br />

comme un homme <strong>de</strong> notre espèce ; mais puisque nous savons tous fort bi<strong>en</strong> qui<br />

Il est, cela n'est plus possible ! Car nous montrerions par là soit que nous sommes<br />

<strong>en</strong>core très bêtes, soit même que nous nous croyons finalem<strong>en</strong>t plus sages que<br />

Lui ! — Réfléchissez bi<strong>en</strong> à cela <strong>et</strong> dites-moi si je n'ai pas fondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t<br />

raison <strong>de</strong> juger ainsi. »<br />

8. Mathaël dit : « Il n'y a pas <strong>de</strong> doute là-<strong>de</strong>ssus, toi seul as parfaitem<strong>en</strong>t raison !<br />

Et, <strong>en</strong> vérité, l'opinion que j'ém<strong>et</strong>tais v<strong>en</strong>ait seulem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que je reconnaissais<br />

par moi-même les conditions nécessaires pour apporter durablem<strong>en</strong>t la lumière<br />

<strong>de</strong> vie à l'humanité. Mais j'ai égalem<strong>en</strong>t aussitôt reconnu que tous <strong>de</strong>ux, <strong>et</strong><br />

particulièrem<strong>en</strong>t l'ami Murel, vous jugiez beaucoup plus clairem<strong>en</strong>t que moi. Au<br />

<strong>de</strong>meurant, je crois qu'aucun <strong>de</strong> nous trois ne manque <strong>de</strong> bonne volonté, <strong>et</strong> le<br />

Seigneur Lui-même fera pour le mieux ! — Mais à prés<strong>en</strong>t, amis, parlons d'autre<br />

chose ! »<br />

Chapitre 231<br />

De la mort du Seigneur <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> Ses disciples<br />

468


1. (Mathaël :) « Quel eff<strong>et</strong> tout cela pourra-t-il produire à Jérusalem ? Nous<br />

connaissons l'obscurantisme du Temple, sa tyrannie <strong>et</strong> son avidité sans bornes, <strong>et</strong><br />

l'hostilité cachée qu'il y a là <strong>en</strong>vers les Romains. Si le Seigneur déci<strong>de</strong> malgré<br />

tout d'aller à Jérusalem — ce qu'il nous a fait compr<strong>en</strong>dre à maintes reprises —,<br />

<strong>de</strong> quel œil le Temple <strong>et</strong> c<strong>et</strong> Héro<strong>de</strong> avi<strong>de</strong> <strong>de</strong> pouvoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> plaisirs verront-ils<br />

cela ?!<br />

2. Mon opinion est que cela causera inévitablem<strong>en</strong>t à Jérusalem un émoi <strong>et</strong> une<br />

agitation extraordinaires ! Et il faudra alors soit que le feu du ciel s'abatte sur<br />

elle, soit quitter c<strong>et</strong>te ville <strong>de</strong> toutes les corruptions pour ne pas y subir les pires<br />

injures ! Mais ni l'un ni l'autre n'y feront <strong>grand</strong>-chose ! Car là où Satan a fait son<br />

nid, il ne naît plus <strong>de</strong> colombes, <strong>de</strong> même que les poules n'éclos<strong>en</strong>t point dans<br />

<strong>de</strong>s trous à serp<strong>en</strong>ts. On aura beau faire, tant qu'il subsistera un grain <strong>de</strong> sable <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te terre, Satan restera Satan ! — Qu'<strong>en</strong> p<strong>en</strong>sez-vous ? »<br />

3. Philopold dit : « Il me semble, noble ami, que cela dépasse un peu trop notre<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t ! Sans doute, tout est possible à l'esprit omnipot<strong>en</strong>t <strong>et</strong> omnisci<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

Dieu, <strong>et</strong> dompter Jérusalem le serait donc aussi !? Regar<strong>de</strong> la fière cité <strong>de</strong><br />

Césarée <strong>de</strong> Philippe ! Qu'est-elle à prés<strong>en</strong>t, c<strong>et</strong>te orgueilleuse qui avait<br />

comm<strong>en</strong>cé à paver ses rues d'or <strong>et</strong> <strong>de</strong> pierres précieuses ?! Tu n'y trouverais<br />

qu'un pitoyable amas dé c<strong>en</strong>dres ! Crois-tu que le Seigneur ne fera pas très<br />

bi<strong>en</strong>tôt subir le même sort à Jérusalem la fornicatrice ?<br />

4. Je te le dis, dans c<strong>en</strong>t ans, on ne pourra même plus reconnaître le lieu où<br />

s'élevait l'orgueilleuse Jérusalem ! Comme le dit Murel, laissons donc cela aussi ;<br />

car le Seigneur saura mieux que quiconque ce qu'il faut y faire !<br />

5. Ne nous soucions plus désormais <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> d'autre que <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer nous-mêmes<br />

dans la lumière du Seigneur ; quant au reste, Lui seul l'ordonnera <strong>et</strong> <strong>en</strong> disposera<br />

au mieux ! — N'êtes-vous pas tous <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> c<strong>et</strong> avis ? »<br />

6. Mathaël dit : « Il est bi<strong>en</strong> vrai que tout est comme vous v<strong>en</strong>ez <strong>de</strong> le dire, Murel<br />

<strong>et</strong> Philopold ; cep<strong>en</strong>dant, je sais <strong>en</strong>core une chose que vous ne savez<br />

probablem<strong>en</strong>t pas l'un <strong>et</strong> l'autre ; c<strong>et</strong>te chose, je la ti<strong>en</strong>s du Seigneur <strong>en</strong> personne,<br />

<strong>et</strong> c'est à cause d'elle que je vous ai parlé comme je l'ai fait.<br />

7. Le Seigneur fait homme partira un jour pour Jérusalem, où il <strong>en</strong>seignera <strong>et</strong><br />

donnera <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s signes. Cela sera fort préjudiciable au Temple, qui <strong>en</strong>trera<br />

dans une <strong>grand</strong>e fureur <strong>et</strong> cherchera à s'emparer du Seigneur pour Le tuer —<br />

<strong>en</strong>treprise que le Temple poursuit déjà avec la plus <strong>grand</strong>e passion. Et, écoutezmoi<br />

bi<strong>en</strong>, le Seigneur laissera le Temple s'emparer <strong>de</strong> Lui <strong>et</strong> Le tuer corporellemcnt<br />

! Ce sont là Ses propres paroles.<br />

8. Mais Il ne <strong>de</strong>meurera que trois jours dans c<strong>et</strong> état <strong>de</strong> mort appar<strong>en</strong>te, bi<strong>en</strong> sûr<br />

purem<strong>en</strong>t corporelle, après quoi Il ressuscitera, <strong>et</strong> c'est alors seulem<strong>en</strong>t qu'il<br />

abattra les ténèbres avec leur jugem<strong>en</strong>t. C'est aussi <strong>de</strong> ce mom<strong>en</strong>t qu'il conférera<br />

à Ses apôtres la force nécessaire <strong>et</strong> les pourvoira <strong>de</strong> toute la puissance <strong>de</strong> Son<br />

esprit, <strong>de</strong> Sa sagesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> Son amour.<br />

9. Il <strong>en</strong>verra <strong>de</strong> par le mon<strong>de</strong> Ses douze disciples les plus anci<strong>en</strong>s, qui auront été<br />

témoins <strong>de</strong> tout, afin qu'ils prêch<strong>en</strong>t Son saint Évangile.<br />

10. Mais qu'<strong>en</strong> sera-t-il alors <strong>de</strong> nous ? Nous accor<strong>de</strong>ra-t-il une part <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

469


grâce, à nous qui n'étions pas Ses témoins dès le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t ? Il <strong>en</strong> sera<br />

ainsi, assurém<strong>en</strong>t ! Mais qu'advi<strong>en</strong>dra-t-il <strong>en</strong>suite <strong>de</strong> nous ? Ce sera plus facile<br />

pour vous, <strong>et</strong> vous aurez <strong>en</strong> quelque sorte le fin mot <strong>de</strong> l'histoire ; mais moi, je<br />

dois partir, peut-être dès <strong>de</strong>main ou après-<strong>de</strong>main, pour les lointaines <strong>et</strong> froi<strong>de</strong>s<br />

contrées du Pont où je <strong>de</strong>vrai régner sur <strong>de</strong>s peuples frustes, <strong>et</strong> je ne pourrai plus<br />

être témoin <strong>de</strong> tout ce que le Seigneur <strong>en</strong>seignera <strong>et</strong> fera <strong>en</strong>core par la suite ! Qui<br />

m'<strong>en</strong> informera, <strong>et</strong> qui me dira si la façon dont je dirige ces peuples est <strong>en</strong> tout<br />

point conforme à la volonté divine ? »<br />

Chapitre 232<br />

De la consci<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s anges sur celle-ci<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Raphaël, qui bi<strong>en</strong> sûr ne dormait pas non plus, s'approcha <strong>de</strong>s trois<br />

<strong>et</strong> dit à Mathaël : « Crois-tu donc que nous autres, innombrables esprits<br />

angéliques, <strong>et</strong> <strong>en</strong> l'occurr<strong>en</strong>ce moi-même <strong>en</strong> particulier, ne sommes au service du<br />

Seigneur qu'ici, sur c<strong>et</strong>te colline ?<br />

2. Tout comme je le suis ici sous tes yeux, nous sommes constamm<strong>en</strong>t prêts pour<br />

le noble service du Seigneur <strong>et</strong> portons Sa volonté d'un infini à l'autre, aussi<br />

peux-tu être certain que nous te trouverons à coup sûr dans tes contrées du Pont<br />

<strong>et</strong> te m<strong>et</strong>trons toujours au courant <strong>de</strong> tout ce que tu as besoin <strong>de</strong> savoir selon<br />

l'ordonnance divine ! Quoi qu'il arrive, si ta volonté <strong>de</strong>meure ce qu'elle est<br />

aujourd'hui, tout ce qui t'est nécessaire sera porté sur-le-champ à ta connaissance,<br />

<strong>et</strong> tu n'as certes besoin <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> d'autre pour le mom<strong>en</strong>t.<br />

3. Mais si, étant roi, tu <strong>en</strong> v<strong>en</strong>ais à concevoir l'orgueil coutumier aux princes <strong>et</strong> à<br />

t'éloigner ainsi du Seigneur, donc égalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> nous, alors, bi<strong>en</strong> sûr, tu ne<br />

saurais plus ri<strong>en</strong> du royaume <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong> Sa grâce incomm<strong>en</strong>surable !<br />

4. Aussi, ne te préoccupe <strong>de</strong> ri<strong>en</strong> d'autre que <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer dans la grâce <strong>et</strong> l'amour<br />

du Seigneur — tout le reste te sera donné par surcroît !<br />

5. Si tu pouvais assister par toi-même à tout ce que le Seigneur fera <strong>en</strong>core <strong>en</strong><br />

personne sur c<strong>et</strong>te terre, mais qu'<strong>en</strong>suite tu permisses pourtant au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> te<br />

séduire <strong>de</strong> quelque manière, tout ce que tu aurais vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du ne te serait dès<br />

lors pas plus utile que si tu n'avais ri<strong>en</strong> vu ni <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du ! Mais si tu te mainti<strong>en</strong>s<br />

dans la grâce <strong>et</strong> l'amour du Seigneur <strong>en</strong> ne te laissant pas éblouir par le mon<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong> aimant toujours Dieu par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>et</strong> ton prochain comme toi-même, quand<br />

bi<strong>en</strong> même tu serais sur le mon<strong>de</strong> le plus étrange <strong>et</strong> le plus éloigné, tu serais<br />

pourtant instruit <strong>de</strong> tout ce que le Seigneur pourrait faire — cela dans la mesure<br />

nécessaire au salut <strong>de</strong> ton âme. Car pour le salut <strong>de</strong> ton âme, tu n'as vraim<strong>en</strong>t pas<br />

besoin <strong>de</strong> savoir tout ce que le Seigneur veut <strong>et</strong> ordonne dans l'infini tout <strong>en</strong>tier !<br />

6. Le Seigneur, vois-tu, ordonne constamm<strong>en</strong>t quelque chose qui doit arriver sur<br />

chacun <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s innombrables ; mais, précisém<strong>en</strong>t, chacune <strong>de</strong> ces choses n'a<br />

<strong>de</strong> valeur que pour le mon<strong>de</strong> pour lequel elle est ordonnée, <strong>et</strong> pas du tout pour le<br />

salut <strong>de</strong> ton âme ! De même, le Seigneur doit constamm<strong>en</strong>t ordonner pour<br />

l'exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre maintes choses qui ne te concern<strong>en</strong>t pas davantage ;<br />

mais lorsqu'il ordonnera quelque chose pour le salut <strong>de</strong> l'âme <strong>de</strong>s hommes, ri<strong>en</strong><br />

470


ne t'<strong>en</strong> sera caché ! — Cela te satisfait-il ? »<br />

7. Mathaël dit : « Sublime ami v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux, j'<strong>en</strong> suis pleinem<strong>en</strong>t satisfait <strong>et</strong><br />

n'ai plus besoin que d'une seule chose, à savoir d'être admonesté par toi si, au fil<br />

<strong>de</strong>s circonstances, je m'écarte tant soit peu du Seigneur <strong>et</strong> <strong>de</strong> Son ordonnance !<br />

Car une bourra<strong>de</strong> administrée au bon mom<strong>en</strong>t vaut mieux que tout un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

plus <strong>grand</strong>es richesses ! »<br />

8. Raphaël dit : « Il <strong>en</strong> eût été ainsi même si tu ne l'avais pas <strong>de</strong>mandé. Car tout<br />

homme a <strong>en</strong> lui un organe spirituel qui nous est toujours ouvert <strong>et</strong> librem<strong>en</strong>t<br />

accessible, à nous les anges ! Et c<strong>et</strong> organe représ<strong>en</strong>te <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce les notions<br />

simples que sont le bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> le mal, le vrai <strong>et</strong> le faux, le juste <strong>et</strong> l'injuste.<br />

9. Si tu agis toujours selon le bi<strong>en</strong>, le vrai <strong>et</strong> le juste, nous agissons sur la partie<br />

positive <strong>et</strong> approbatrice <strong>de</strong> l'organe, <strong>et</strong> cela fait naître <strong>en</strong> toi le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

gratifiant que tu as bi<strong>en</strong> agi <strong>et</strong> parlé.<br />

10. Mais si, <strong>de</strong> quelque manière, tu as mal parlé ou agi, nous stimulons la partie<br />

opposée <strong>de</strong> c<strong>et</strong> organe, <strong>et</strong> tu seras saisi d'une angoisse qui te dira que tu es sorti<br />

<strong>de</strong> l'ordre divin. Dans le langage moral, c<strong>et</strong> organe s'appelle tout simplem<strong>en</strong>t la<br />

consci<strong>en</strong>ce.<br />

11. Tu peux te reposer <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t sur c<strong>et</strong>te voix, car elle ne te trompera jamais !<br />

Pour cela, il faudrait qu'un homme laisse c<strong>et</strong> organe s'émousser <strong>et</strong> finalem<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir si matériel qu'il ne percevrait plus du tout notre contact ; mais cela<br />

signifierait que la part spirituelle <strong>de</strong> l'homme serait <strong>de</strong> toute façon déjà pour ainsi<br />

dire perdue ! Et cela ne sera assurém<strong>en</strong>t jamais ton cas, parce que tu as déjà bi<strong>en</strong><br />

trop progressé dans la grâce <strong>et</strong> l'amour du Seigneur <strong>et</strong> que le Seigneur t'a<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t transformé <strong>et</strong> réorganisé, ainsi que tes compagnons. Ton âme <strong>de</strong>meure<br />

sans doute la même, où l'amour du Seigneur, c'est-à-dire Son esprit, a<br />

comm<strong>en</strong>cé <strong>de</strong> régner avec force ; mais ton anci<strong>en</strong>ne chair mauvaise a été changée<br />

par le Seigneur <strong>en</strong> sorte qu'elle ne comprime point ton âme.<br />

12. C'est seulem<strong>en</strong>t si tu désirais fermem<strong>en</strong>t dans ton cœur r<strong>en</strong>ier le Seigneur que<br />

ta chair pourrait re<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir sauvage, comme jadis celle d'Esaü, qui, contre la<br />

volonté <strong>de</strong> son père, pr<strong>en</strong>ait davantage <strong>de</strong> plaisir à chasser les bêtes sauvages qu'à<br />

gar<strong>de</strong>r les paisibles troupeaux <strong>de</strong> son père. Mais un tel r<strong>et</strong>our à l'état sauvage est<br />

égalem<strong>en</strong>t impossible chez toi, parce que ton âme est déjà trop fortem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t imprégnée <strong>de</strong> l'esprit d'amour <strong>en</strong>vers le Seigneur.<br />

13. Dans peu <strong>de</strong> temps, par l'exercice <strong>de</strong> l'amour du prochain, ton amour du<br />

Seigneur pr<strong>en</strong>dra une exist<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> une forme int<strong>en</strong>ses, <strong>et</strong> ton âme s'i<strong>de</strong>ntifiera dès<br />

lors pleinem<strong>en</strong>t à c<strong>et</strong> amour ; alors, tu r<strong>en</strong>aîtras <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> vérité, tu<br />

connaîtras l'union mystique avec l'amour divin absolu <strong>et</strong> ne feras ainsi plus qu'un<br />

avec c<strong>et</strong> amour.<br />

14. Mais c'est aussi par là que l'amour <strong>de</strong> Dieu pour toi comm<strong>en</strong>cera à pr<strong>en</strong>dre<br />

forme <strong>et</strong> réalité, <strong>et</strong> dès lors, tu pourras toujours voir Dieu <strong>et</strong> Lui parler, <strong>et</strong>, comme<br />

Il le fait ici où tes yeux Le voi<strong>en</strong>t <strong>et</strong> où ton cœur L'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d, le Seigneur <strong>de</strong>meurera<br />

pour toujours ton gui<strong>de</strong> <strong>et</strong> ton maître. Et s'il <strong>en</strong> est ainsi, il ne sera bi<strong>en</strong> sûr plus<br />

question que ton cœur ou ton jugem<strong>en</strong>t se détourn<strong>en</strong>t du Seigneur ; car ta volonté<br />

comme ta connaissance feront <strong>de</strong> toi un véritable <strong>et</strong> auth<strong>en</strong>tique fils du Père<br />

471


éternel, pleinem<strong>en</strong>t uni à Lui. — Compr<strong>en</strong>ds-tu cela?»<br />

15. Mathaël dit : « Oui, je le compr<strong>en</strong>ds bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> suis désormais tout à fait <strong>en</strong> paix<br />

! »<br />

Chapitre 233<br />

Le météore<br />

1. Cep<strong>en</strong>dant, comme Mathaël s'apprêtait à dire autre chose, un gros météore fort<br />

lumineux passa très bas dans le ciel, <strong>et</strong> sa course rapi<strong>de</strong> produisit dans<br />

l'atmosphère un sifflem<strong>en</strong>t particulier, tout à fait audible ; car il n'était éloigné <strong>de</strong><br />

la terre que d'une hauteur <strong>de</strong> huit c<strong>en</strong>ts toises <strong>en</strong>viron (*) . Une longue queue était<br />

visible <strong>de</strong>rrière le météore, suivant apparemm<strong>en</strong>t sa course. Effrayés par ce<br />

phénomène, les trois hommes <strong>de</strong>mandèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> hâte à l'ange <strong>de</strong> quoi il s'agissait.<br />

2. Mais au lieu <strong>de</strong> leur répondre aussitôt par une explication, l'ange partit à la<br />

poursuite du météore, leur rapporta <strong>en</strong> peu d'instants ce qui était une boule assez<br />

massive <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux toises <strong>et</strong> <strong>de</strong>mi <strong>de</strong> diamètre, posa celle-ci <strong>en</strong> un lieu dégagé <strong>et</strong> dit<br />

alors aux trois : « Eh bi<strong>en</strong>, v<strong>en</strong>ez donc considérer sans crainte ce phénomène ! Il<br />

ne vous <strong>en</strong> coûtera pas un seul cheveu roussi ! »<br />

3. Les trois se lèv<strong>en</strong>t <strong>et</strong> s'approch<strong>en</strong>t avec hésitation du météore, <strong>en</strong>core fort<br />

lumineux. À son approche, ils remarqu<strong>en</strong>t une forte o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> soufre, <strong>et</strong>, <strong>de</strong> près,<br />

l'énorme masse ressemble tout à fait à une pierre ponce dont les pores les plus<br />

larges lanc<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s flammes d'un blanc bleuté à l'origine d'une sorte <strong>de</strong><br />

chuintem<strong>en</strong>t particulier, à la fois sifflem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> crépitem<strong>en</strong>t légers. Certaines<br />

flammèches sont <strong>en</strong>core vives, d'autres, <strong>en</strong> revanche, déjà mourantes.<br />

4. C'est alors que Mathaël interroge à nouveau l'ange, disant : « Eh bi<strong>en</strong>, quel est<br />

donc c<strong>et</strong> obj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> d'où vi<strong>en</strong>t-il ? Il m'apparaît comme une masse assez soli<strong>de</strong> qui<br />

doit peser fort lourd pour nos forces humaines. Allons, cher ami céleste,<br />

explique-nous un peu cela ! »<br />

5. L'ange dit : « Il y a une <strong>de</strong>mi-heure, ce bloc faisait <strong>en</strong>core partie du soleil. En<br />

compagnie <strong>de</strong> beaucoup d'autres, il fut lancé dans l'espace avec une puissance<br />

inconcevable par un imm<strong>en</strong>se cratère <strong>en</strong> feu. Comme par hasard, ce bloc a pris la<br />

direction <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre. Il a traversé l'éther plus vite qu'un éclair, <strong>et</strong> c'est au<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> l'Europe qu'il a touché l'atmosphère terrestre, dont il n'a fait au<br />

comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t qu'effleurer la surface. Mais l'instant d'après, comme il<br />

s'<strong>en</strong>fonçait davantage <strong>et</strong> r<strong>en</strong>contrait dans l'atmosphère toujours plus <strong>de</strong>nse <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te terre une résistance plus <strong>grand</strong>e, son élan <strong>en</strong> fut fort amoindri ; arrivé dans<br />

notre région, il ne faisait <strong>en</strong> quatre instants plus que vingt lieues. Cep<strong>en</strong>dant,<br />

quand je suis allé le chercher, il était déjà presque au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'Asie <strong>et</strong> serait<br />

tombé dans la <strong>grand</strong>e mer dix instants plus tard ; mais le Seigneur a voulu que<br />

vous receviez là aussi une explication <strong>et</strong> que vous cessiez <strong>de</strong> croire que c'était là<br />

un mauvais esprit survolant la terre afin <strong>de</strong> lui infliger quelque mal, à elle <strong>et</strong> aux<br />

hommes. Vous avez désormais <strong>de</strong>vant vous ce mauvais esprit <strong>et</strong> pouvez <strong>en</strong><br />

(*) Soit <strong>en</strong>viron 1 500 mètres. (N.d.T.)<br />

472


conclure que c'est là un phénomène tout à fait naturel chez les <strong>grand</strong>s corps<br />

célestes. »<br />

6. Murel dit : « Mais comm<strong>en</strong>t se fait-il qu'il ait brillé dans l'air d'un si vif éclat,<br />

alors qu'ici, il s'éteint peu à peu ? »<br />

7. Raphaël dit : « C'est l'extrême célérité <strong>de</strong> sa course dans l'air qui provoque<br />

c<strong>et</strong>te vive lumière ; il se frotte violemm<strong>en</strong>t aux particules <strong>de</strong> l'air <strong>et</strong> les comprime<br />

très fortem<strong>en</strong>t, parce qu'elles ne peuv<strong>en</strong>t s'écarter <strong>de</strong> lui assez vite. Or, l'air <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te terre s'<strong>en</strong>flamme lorsqu'il est comprimé avec assez <strong>de</strong> force ; <strong>et</strong> si l'air<br />

s'<strong>en</strong>flamme continuellem<strong>en</strong>t tout au long <strong>de</strong> la course d'un tel météore, il est<br />

naturel qu'il <strong>de</strong>meure constamm<strong>en</strong>t aussi lumineux que l'éclair au long <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

course, <strong>et</strong>, parce qu'il se forme <strong>de</strong>rrière ce rapi<strong>de</strong> météore un espace vi<strong>de</strong> d'air<br />

dont les parois sont <strong>en</strong>core excitées par le feu, qu'on aperçoive toujours <strong>de</strong>rrière<br />

lui une queue incan<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>te dont la force décroît peu à peu, <strong>et</strong> qui n'est <strong>en</strong> soi<br />

qu'une simple appar<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> non plus une réalité.<br />

8. Mais s<strong>en</strong>tez comme c<strong>et</strong>te masse est <strong>en</strong>core brûlante, <strong>et</strong> vous vous convaincrez<br />

aisém<strong>en</strong>t par vous-mêmes <strong>de</strong> ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> vous expliquer ! Je puis <strong>en</strong>core<br />

vous <strong>en</strong> apporter la preuve d'une manière toute naturelle — car une telle<br />

expéri<strong>en</strong>ce m'est possible — <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant une <strong>de</strong>s pierres qui sont ici, <strong>en</strong> la lançant<br />

dans les airs à la vitesse <strong>de</strong> l'éclair <strong>et</strong> <strong>en</strong> ordonnant aux esprits qui me serv<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

la faire rev<strong>en</strong>ir ici au bout <strong>de</strong> quelques instants, <strong>et</strong> vous pourrez constater que<br />

c<strong>et</strong>te pierre, qui ne pèse que quelques livres, se m<strong>et</strong>tra aussitôt à briller d'un aussi<br />

vif éclat qu'auparavant le météore. »<br />

9. À ces mots, Raphaël proj<strong>et</strong>a la pierre dans les airs avec une force terrifiante, <strong>et</strong><br />

les esprits à son service la fir<strong>en</strong>t tourner p<strong>en</strong>dant quelques instants <strong>en</strong> cercles plus<br />

rapi<strong>de</strong>s que l'éclair à une hauteur <strong>de</strong> quelques toises seulem<strong>en</strong>t. Outre un viol<strong>en</strong>t<br />

sifflem<strong>en</strong>t, la pierre brillait si fort que toute la contrée <strong>en</strong> fut éclairée loin à la<br />

ron<strong>de</strong> comme <strong>en</strong> plein jour, mais les trois hommes ne voyai<strong>en</strong>t à vrai dire qu'un<br />

cercle aussi brillant que le soleil, car le mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la pierre était trop rapi<strong>de</strong><br />

pour qu'un œil humain pût percevoir sa progression.<br />

10. Au bout <strong>de</strong> peu d'instants, la pierre, <strong>en</strong>core tout incan<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>te, fut déposée<br />

tout doucem<strong>en</strong>t sur le sol par les serviables esprits <strong>de</strong>vant les trois spectateurs<br />

stupéfaits, <strong>et</strong> Raphaël dit : « Vous avez maint<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>vant vous le résultat <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te expéri<strong>en</strong>ce rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>et</strong> facilem<strong>en</strong>t mise <strong>en</strong> œuvre ; voyez-vous une<br />

différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre ce météore artificiel <strong>et</strong> l'autre, qui est naturel ? »<br />

11. Mathaël dit : « Non, c'est absolum<strong>en</strong>t le même phénomène ; seul le volume<br />

diffère, naturellem<strong>en</strong>t ! Pourtant, une question se pose <strong>en</strong>core à moi, qui est<br />

celle-ci : il t'est sans doute facile, à toi qui nous as déjà donné tant <strong>de</strong> preuves <strong>de</strong><br />

ton habil<strong>et</strong>é <strong>et</strong> <strong>de</strong> ta force in<strong>de</strong>scriptibles, <strong>de</strong> proj<strong>et</strong>er une pierre avec une<br />

puissance <strong>et</strong> une vitesse si incroyables que l'air s'<strong>en</strong>flamme sous la trop <strong>grand</strong>e<br />

pression <strong>de</strong> l'énorme célérité <strong>de</strong> la pierre, <strong>et</strong> que la pierre elle-même <strong>en</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t<br />

rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t incan<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>te — <strong>de</strong> plus, tu es l'un <strong>de</strong>s esprits angéliques les plus<br />

puissants, <strong>et</strong> tu pourrais jouer avec <strong>de</strong>s planètes <strong>en</strong>tières comme avec <strong>de</strong>s<br />

nois<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> même lancer <strong>en</strong> un instant un soleil à une telle distance dans l'espace<br />

infini <strong>de</strong> la Création qu'il faudrait c<strong>en</strong>t mille fois c<strong>en</strong>t mille ans à un éclair pour la<br />

parcourir ! Dieu t'a donc conféré la puissance <strong>et</strong> la force, pour nous certes <strong>en</strong>core<br />

473


tout à fait incompréh<strong>en</strong>sibles, nécessaires à une telle expéri<strong>en</strong>ce ; mais comm<strong>en</strong>t<br />

le soleil, qui n'est qu'un corps physique passif, peut-il lui aussi déployer par luimême<br />

une telle puissance ? »<br />

Chapitre 234<br />

De l'ess<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la matière<br />

1. Raphaël dit : « Oh, crois-tu donc qu'il n'y ait pas d'esprits serviteurs dans le<br />

soleil ? Je te le dis, <strong>et</strong> à vous <strong>de</strong>ux aussi : dans le soleil comme sur c<strong>et</strong>te terre,<br />

ri<strong>en</strong> n'arrive jamais sans l'interv<strong>en</strong>tion d'un esprit serviteur ; car au fond, tout ce<br />

que tu peux voir <strong>et</strong> toucher est esprit. Même la matière la plus grossière est<br />

esprit, âme — mais à l'état jugé uniquem<strong>en</strong>t. Mais tourm<strong>en</strong>te un peu trop, <strong>en</strong> les<br />

lançant, <strong>en</strong> les frappant ou <strong>en</strong> les comprimant, les esprits qui repos<strong>en</strong>t comme<br />

morts dans ce profond jugem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> ils te feront bi<strong>en</strong> vite s<strong>en</strong>tir leur force !<br />

2. Voyez, l'air est assurém<strong>en</strong>t une chose fort douce <strong>et</strong> t<strong>en</strong>dre ; mais qu'un choc ou<br />

une pression trop viol<strong>en</strong>ts romp<strong>en</strong>t son équilibre <strong>et</strong> dérang<strong>en</strong>t par trop sa<br />

tranquillité, <strong>et</strong> il déracinera les arbres les plus <strong>grand</strong>s <strong>et</strong> les plus forts, fera<br />

trembler la terre, s'<strong>en</strong>flammera <strong>en</strong> mille éclairs dévastateurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>dra le plus<br />

terrible <strong>de</strong>s élém<strong>en</strong>ts !<br />

3. Mais qui donc tempête ainsi furieusem<strong>en</strong>t dans l'air ? Ce sont les esprits <strong>et</strong> les<br />

âmes jugées qui y repos<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> le compos<strong>en</strong>t à proprem<strong>en</strong>t parler !<br />

4. Frappe très violemm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ux pierres l'une contre l'autre, <strong>et</strong> les esprits qui y<br />

sont captifs répondront bi<strong>en</strong>tôt <strong>en</strong> réduisant la pierre, si dure soit-elle, <strong>en</strong> fines<br />

particules, <strong>et</strong> à c<strong>et</strong>te occasion, le feu ne manquera pas <strong>de</strong> paraître !<br />

5. Pr<strong>en</strong>ds <strong>de</strong> l'eau <strong>et</strong> soum<strong>et</strong>s-la à la plus forte pression possible. Tout d'abord, tu<br />

<strong>en</strong> feras un bloc <strong>de</strong> glace qui, bi<strong>en</strong> que compact <strong>et</strong> <strong>en</strong>core tout à fait calme,<br />

détruira le récipi<strong>en</strong>t qui le conti<strong>en</strong>t, si soli<strong>de</strong> soit-il ; mais si tu pouvais soum<strong>et</strong>tre<br />

c<strong>et</strong>te glace à une pression plus forte <strong>en</strong>core, elle se dissoudrait soudain <strong>en</strong> vapeur<br />

<strong>en</strong>flammée <strong>et</strong> détruirait avec un vacarme effroyable tout ce qui chercherait à la<br />

cont<strong>en</strong>ir !<br />

6. Tant que les esprits <strong>et</strong> âmes <strong>de</strong> la nature captifs dans la matière manifestée ne<br />

sont pas off<strong>en</strong>sés, ils repos<strong>en</strong>t sans doute comme morts <strong>et</strong> souffr<strong>en</strong>t qu'on fasse<br />

d'eux bi<strong>en</strong> <strong>de</strong>s choses ; mais si on les réveille un peu trop <strong>de</strong> leur tranquillité<br />

ordinaire, malheur à qui se trouve dans leurs parages !<br />

7. Quant à c<strong>et</strong>te prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s esprits dans la matière, il est facile <strong>de</strong> la reconnaître.<br />

Lorsqu'ils sont contraints à une activité extraordinaire, vous percevrez<br />

toujours une luminosité correspondant au <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> force ou <strong>de</strong> viol<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l'activité<br />

<strong>de</strong>s esprits. Plus forte est c<strong>et</strong>te luminosité, plus <strong>grand</strong>e l'activité <strong>de</strong>s esprits<br />

activés dans une matière quelle qu'elle soit.<br />

8. Ainsi, la très puissante lumière du soleil témoigne du <strong>de</strong>gré d'activité <strong>de</strong>s<br />

esprits dans son atmosphère, surtout à sa surface.<br />

9. Avec quelle viol<strong>en</strong>ce, à l'occasion <strong>de</strong>s <strong>grand</strong>es éruptions solaires, où les esprits<br />

474


<strong>de</strong> la matière <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t dans une agitation <strong>et</strong> une activité considérables, un tel bloc<br />

peut être proj<strong>et</strong>é hors du soleil, vous pouvez vous <strong>en</strong> faire une vague idée <strong>et</strong> le<br />

press<strong>en</strong>tir au vu <strong>de</strong> la viol<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la lumière même du soleil !<br />

10. Oh, je vous l'assure, il n'est pas rare qu'il se produise au sein du <strong>grand</strong> soleil<br />

<strong>de</strong>s éruptions si viol<strong>en</strong>tes que la puissance qu'elles déploi<strong>en</strong>t pourrait se jouer <strong>de</strong><br />

masses <strong>de</strong> la taille <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre aussi facilem<strong>en</strong>t qu'ici, sur terre, le v<strong>en</strong>t se joue<br />

<strong>de</strong> la balle du blé ! Ainsi compr<strong>en</strong>drez-vous d'autant mieux avec quelle facilité <strong>et</strong><br />

quelle rapidité ce bloc a pu arriver du soleil sur c<strong>et</strong>te terre ! »<br />

11. Murel dit : « Mais si, comme je n'<strong>en</strong> doute pas, il <strong>en</strong> est ainsi, ce bloc doit<br />

avoir une valeur inestimable, <strong>et</strong> il faudrait le m<strong>et</strong>tre dans un musée comme un<br />

obj<strong>et</strong> tout à fait extraordinaire d'éternelle mémoire ! »<br />

12. Raphaël dit : « En ce cas, c'est la terre <strong>en</strong>tière qu'il te faudrait m<strong>et</strong>tre dans un<br />

musée ! Car la terre <strong>en</strong>tière vi<strong>en</strong>t du même <strong>en</strong>droit que ce bloc ! »<br />

13. Murel dit : « Mais alors, que faut-il p<strong>en</strong>ser <strong>de</strong> la G<strong>en</strong>èse <strong>de</strong> Moïse ? »<br />

14. Raphaël dit : « Pour cela, adresse-toi à l'ami Mathaël. Car il est parfaitem<strong>en</strong>t<br />

à l'aise avec ces choses ; <strong>et</strong> Philopold aussi a <strong>de</strong> <strong>grand</strong>es connaissances sur ce<br />

suj<strong>et</strong> ! »<br />

Chapitre 235<br />

Du s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la G<strong>en</strong>èse <strong>de</strong> Moïse.<br />

Une expéri<strong>en</strong>ce surnaturelle <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. Murel pose alors sa question à Mathaël, qui lui répond : « Ce que Moïse dit à<br />

propos <strong>de</strong> la G<strong>en</strong>èse n'a ri<strong>en</strong> à voir avec la création matérielle du mon<strong>de</strong>, mais il<br />

s'agit uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> l'homme du berceau jusqu'à son<br />

accomplissem<strong>en</strong>t ; par ailleurs, il y a là égalem<strong>en</strong>t un symbole <strong>de</strong> la fondation <strong>de</strong><br />

l'Église <strong>de</strong> Dieu sur terre jusqu'à nos jours, <strong>et</strong> <strong>de</strong> là jusqu'à la fin du mon<strong>de</strong>.<br />

2. Par "le ciel <strong>et</strong> la terre", il faut <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre le nouvel homme terrestre dès le<br />

mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> sa naissance. Le "ciel" désigne ses facultés spirituelles intérieures <strong>et</strong><br />

cachées, <strong>et</strong> la "terre" vi<strong>de</strong> <strong>et</strong> déserte désigne l'homme <strong>de</strong> nature qui vi<strong>en</strong>t<br />

d'apparaître, à peine consci<strong>en</strong>t d'exister — c'est le premier sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'homme.<br />

3. Avec le temps, l'<strong>en</strong>fant accè<strong>de</strong> à la consci<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> soi <strong>et</strong> comm<strong>en</strong>ce à rêver <strong>et</strong> à<br />

p<strong>en</strong>ser. Ce fait <strong>de</strong> savoir qu'il est, c'est le "Que la lumière soit" <strong>en</strong> l'homme —<br />

<strong>de</strong>uxième sta<strong>de</strong>,<br />

4. Et cela se poursuit au long <strong>de</strong> tous les autres jours <strong>de</strong> la Création, jusqu'au<br />

sta<strong>de</strong> du repos, l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'homme ! Comm<strong>en</strong>ces-tu à compr<strong>en</strong>dre un<br />

peu ? »<br />

5. Murel, stupéfait <strong>de</strong> la sci<strong>en</strong>ce biblique <strong>de</strong> Mathaël, dit : « Ah, noble ami, je<br />

n'aurais jamais cru trouver <strong>en</strong> toi une telle sagesse ! Ah, c'est <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière,<br />

que je reconnais maint<strong>en</strong>ant pour la seule bonne, que je voudrais qu'on<br />

m'expliquât toute l'Écriture ! Oui, il <strong>en</strong> faut beaucoup pour qu'une âme humaine<br />

parvi<strong>en</strong>ne à c<strong>et</strong>te profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> sagesse ! Mais toi, comm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> es-tu arrivé là ?<br />

475


»<br />

6. Mathaël dit : « Ami Murel, <strong>en</strong> ce lieu où nous sommes, la question ne <strong>de</strong>vrait<br />

plus se poser ! Le Seigneur parmi nous, <strong>et</strong> là, un ange <strong>de</strong>s cieux, qui fut le témoin<br />

sûr <strong>de</strong> toute la Création matérielle ! Moi-même, je fus dès ma jeunesse un scribe<br />

du Temple, raison pour laquelle je fus <strong>en</strong>voyé comme apôtre aux Samaritains ;<br />

mais avant que j'eusse pu dire une parole aux Samaritains, Yahvé contraria mes<br />

<strong>de</strong>sseins ; je tombai aux mains <strong>de</strong> terribles bandits <strong>de</strong> <strong>grand</strong> chemin <strong>et</strong>, pour<br />

conserver la vie, dus moi-même <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir l'un d'eux.<br />

7. Cep<strong>en</strong>dant, me voyant abandonné <strong>de</strong> Dieu sans pouvoir trouver une raison à<br />

cela <strong>en</strong> moi-même, j'<strong>en</strong> conçus un profond dépit. Au début, je cessai <strong>de</strong> croire <strong>et</strong><br />

décidai que toute l'Écriture était une fabrication humaine ; mais je fus bi<strong>en</strong>tôt<br />

détrompé par un étrange événem<strong>en</strong>t.<br />

8. Une nuit, comme je montais la gar<strong>de</strong>, seul <strong>de</strong>vant la redoutable grotte <strong>de</strong>s<br />

brigands, un homme à la mine grave <strong>et</strong> sévère vint à moi. Aussitôt, je le<br />

transperçai <strong>de</strong> mon glaive. Mais il me parla ainsi : "Ne te donne pas tant <strong>de</strong> peine<br />

avec ta malheureuse arme ; car nulle arme d'un mortel ne tuera jamais un esprit<br />

immortel ! Je suis l'esprit d'Abraham, <strong>et</strong> je te <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi tu as abandonné<br />

Dieu <strong>et</strong> veux maudire Son nom !"<br />

9. Moi, Mathaël, je lui répondis avec colère : "Pourquoi Dieu m'a-t-Il maudit le<br />

premier, quand j'étais <strong>en</strong>voyé <strong>en</strong> Son nom aux Samaritains pour les gagner à la<br />

cause du Temple ?! Mon <strong>de</strong>ssein était honnête <strong>et</strong> sincère <strong>de</strong>vant Dieu <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant<br />

les hommes, parce qu'il était honnête <strong>et</strong> sincère <strong>de</strong>vant ma consci<strong>en</strong>ce. Depuis le<br />

comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mon exist<strong>en</strong>ce, Dieu ne m'a donné que ma consci<strong>en</strong>ce pour<br />

me juger, <strong>et</strong> j'ai vécu justem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vant ce sévère juge intérieur. Et celui qui m'a<br />

<strong>en</strong>voyé chez les Samaritains, ce n'est pas moi-même, mais le <strong>grand</strong> prêtre, le<br />

représ<strong>en</strong>tant <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron.<br />

10. S'il n'était pas juste que je fusse <strong>en</strong>voyé chez les Samaritains, la sagesse<br />

divine n'avait pas à me punir moi-même, mais seulem<strong>en</strong>t celui qui m'avait<br />

<strong>en</strong>voyé ; mais puisqu'elle s'<strong>en</strong> est prise à moi, l'innoc<strong>en</strong>t, je suis dès c<strong>et</strong> instant le<br />

pire <strong>en</strong>nemi <strong>de</strong> Yahvé, dont tu sembles, sévère esprit, être l'apôtre <strong>en</strong>voyé vers<br />

moi !"<br />

11. L'esprit, pr<strong>en</strong>ant une mine plus sévère <strong>en</strong>core, dit alors : "Connais-tu la<br />

puissance <strong>et</strong> la colère <strong>de</strong> Dieu ? Comm<strong>en</strong>t veux-tu, toi misérable ver <strong>de</strong> terre,<br />

défier le Dieu tout-puissant ?! Sa puissance ne peut-elle t'atteindre <strong>et</strong> t'anéantir<br />

pitoyablem<strong>en</strong>t, comme si tu n'avais jamais existé ?!"<br />

12. Je dis : "Elle le peut assurém<strong>en</strong>t ; car je ne puis que la maudire éternellem<strong>en</strong>t<br />

pour une exist<strong>en</strong>ce comme celle qui est désormais la mi<strong>en</strong>ne ! Et si je n'existais<br />

plus, cela m<strong>et</strong>trait un terme définitif à ma colère <strong>et</strong> à mon juste ress<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t !"<br />

13. Mais l'esprit grave <strong>et</strong> sévère répondit : "Tu ne peux comman<strong>de</strong>r à Dieu <strong>de</strong><br />

t'anéantir ! Il peut te tourm<strong>en</strong>ter éternellem<strong>en</strong>t par les douleurs <strong>et</strong> les souffrances<br />

les plus terribles, <strong>et</strong> l'on verrait alors combi<strong>en</strong> <strong>de</strong> temps tu défierais la toutepuissance<br />

<strong>de</strong> Dieu !"<br />

14. Plein d'un courroux <strong>en</strong>flammé, je dis : "Si cela Lui cause une joie particulière,<br />

Dieu peut bi<strong>en</strong> torturer une créature éternellem<strong>en</strong>t, à seule fin <strong>de</strong> lui mon-<br />

476


trer sans cesse Sa toute-puissance ! Mais, ô très sévère esprit, je t'assure que<br />

quand bi<strong>en</strong> même Il serait mille fois plus puissant, Dieu ne me ferait jamais<br />

changer d'avis par tous les tourm<strong>en</strong>ts qu'il pourrait imaginer !<br />

15. Par la bonté, la douceur <strong>et</strong> une équité manifeste, Il peut tout obt<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> moi, Il<br />

peut faire <strong>de</strong> moi le plus doux <strong>de</strong>s agneaux ; mais par Sa colère, le pire <strong>de</strong>s<br />

diables ! Jusqu'ici, la toute-puissance <strong>de</strong> Dieu ne m'a donné qu'une vie torturée,<br />

pour laquelle je ne saurais la remercier ; si jamais il lui vi<strong>en</strong>t à l'idée <strong>de</strong> me<br />

<strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir miséricordieuse <strong>et</strong> <strong>de</strong> réparer le mal qu'elle m'a fait par sa lubie <strong>de</strong> toutepuissance,<br />

c'est alors que je lui serai reconnaissant ! Mais telles que les choses<br />

sont aujourd'hui, je suis le plus <strong>grand</strong> <strong>en</strong>nemi <strong>de</strong> Dieu ! Car c'est <strong>en</strong> Son nom que<br />

j'ai quitté avec détermination Jérusalem pour la Samarie, afin d'y chanter Sa<br />

gloire <strong>et</strong> Sa louange ; <strong>et</strong> pour cela, Il m'a <strong>en</strong>voyé <strong>de</strong>s diables qui se sont emparés<br />

<strong>de</strong> moi !<br />

16. Il est certes possible que ma mission ne Lui ait pas été agréable ! Mais s'il a<br />

pu faire admonester le faux prophète Bilam par son âne, pourquoi pas moi <strong>et</strong> mes<br />

compagnons, par les ânes qui nous portai<strong>en</strong>t avec notre bagage ?! Pourquoi nous<br />

a-t-il livrés aux griffes <strong>de</strong>s diables ?!<br />

17. Réponds-moi, ou ma bouche t'<strong>en</strong>verra une malédiction comme il n'<strong>en</strong> a<br />

jamais été proféré sur c<strong>et</strong>te terre !" — À ces mots, l'esprit disparut, <strong>et</strong> je tombai à<br />

terre sans connaissance ! »<br />

Chapitre 236<br />

Des incompréh<strong>en</strong>sibles tribulations <strong>de</strong> Mathaël.<br />

Comm<strong>en</strong>t parler avec le Seigneur dans son cœur<br />

1. (Mathaël :) « De ce mom<strong>en</strong>t, je perdis toute consci<strong>en</strong>ce claire <strong>de</strong> moi-même,<br />

<strong>et</strong>, pour autant que je puisse m'<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>ir à prés<strong>en</strong>t, <strong>de</strong>s esprits <strong>de</strong> la pire espèce<br />

prir<strong>en</strong>t pleinem<strong>en</strong>t possession <strong>de</strong> mon corps <strong>et</strong> je <strong>de</strong>vins un obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> terreur pour<br />

toute la contrée ! Nulle lance ni épée ne pouvait transpercer ma chair, <strong>et</strong> les plus<br />

grosses chaînes s'<strong>en</strong>volai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mes mains comme <strong>de</strong> la balle <strong>de</strong> blé ! Combattre<br />

un seul homme ou mille, pour moi, c'était tout un ; ceux qui s'attaquai<strong>en</strong>t à moi<br />

étai<strong>en</strong>t mis à mal, <strong>et</strong> beaucoup <strong>en</strong> mourai<strong>en</strong>t ! Pourtant, mon âme ne savait ri<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong> tout cela.<br />

2. Il y a peu, cep<strong>en</strong>dant, selon le décr<strong>et</strong> divin, nous fûmes tous cinq capturés par<br />

les Romains, puis am<strong>en</strong>és ici il y a <strong>de</strong>ux jours. C'est ici que le Seigneur nous<br />

délivra <strong>de</strong> notre <strong>grand</strong> tourm<strong>en</strong>t. Mon âme re<strong>de</strong>vint <strong>en</strong> toute intellig<strong>en</strong>ce l'unique<br />

habitante <strong>de</strong> ma chair, <strong>et</strong> Moïse fut <strong>de</strong> nouveau <strong>en</strong> elle comme par le passé. Mais<br />

le Seigneur avait élucidé toutes les erreurs <strong>de</strong> mon cœur, <strong>et</strong> — écoute-moi bi<strong>en</strong><br />

— je compr<strong>en</strong>ais désormais Moïse <strong>et</strong> les prophètes !<br />

3. Si l'esprit d'Abraham rev<strong>en</strong>ait me trouver maint<strong>en</strong>ant, je lui ti<strong>en</strong>drais certes un<br />

tout autre langage qu'il y a cinq ans <strong>en</strong>viron ! Je ne saurais te dire combi<strong>en</strong> <strong>de</strong><br />

temps exactem<strong>en</strong>t, mais plusieurs années se sont à coup sûr écoulées <strong>de</strong>puis lors.<br />

— Maint<strong>en</strong>ant, tu sais comm<strong>en</strong>t j'<strong>en</strong> suis v<strong>en</strong>u à c<strong>et</strong>te compréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong><br />

l'Écriture.<br />

477


4. Je ne souhaite certes à personne <strong>de</strong> découvrir Moïse <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière, car il <strong>en</strong><br />

existe désormais une plus facile ; mais puisque toi, Murel, tu m'as <strong>de</strong>mandé, <strong>en</strong><br />

quelque sorte, comm<strong>en</strong>t j'<strong>en</strong> étais v<strong>en</strong>u à compr<strong>en</strong>dre aussi clairem<strong>en</strong>t les livres<br />

<strong>de</strong> Moïse, il fallait bi<strong>en</strong> que je t'explique mon triste chemin, <strong>et</strong> tu imagines sans<br />

peine maint<strong>en</strong>ant quel est l'autre !<br />

5. C<strong>et</strong> autre chemin infinim<strong>en</strong>t plus facile, c'est la grâce du Seigneur, qui peut te<br />

donner <strong>en</strong> quelques instants ce que j'ai atteint par un chemin semé d'épines.<br />

6. Mais voici l'ange du Seigneur, questionne-le, <strong>et</strong> il témoignera <strong>de</strong> l'auth<strong>en</strong>ticité<br />

<strong>de</strong> ce que je t'ai conté sur moi-même <strong>et</strong> mes quatre compagnons ! — Que dis-tu à<br />

prés<strong>en</strong>t <strong>de</strong> tout cela ? »<br />

7. Murel : « Ô ami Mathaël, que n'as-tu subi, <strong>et</strong> quel courage sans égal au mon<strong>de</strong><br />

fut le ti<strong>en</strong> ! Tu fus sans doute un diable, <strong>et</strong> pourtant, ton cœur n'était pas<br />

corrompu, car il <strong>de</strong>mandait la vérité, la justice <strong>et</strong> l'amour, <strong>et</strong> c'est parce qu'il les<br />

<strong>de</strong>mandait qu'ils lui ont été donnés ; car le Seigneur ne laisse jamais un cœur<br />

droit aller à sa perte !<br />

8. Mais pourquoi le Seigneur t'a-t-Il si durem<strong>en</strong>t éprouvé, toi <strong>et</strong> tes quatre<br />

compagnons ?! Car je ne parvi<strong>en</strong>s pas tout à fait à imaginer qu'il faille chercher<br />

dans ta mission <strong>en</strong> Samarie pour convertir les Samaritains à la foi <strong>de</strong> Jérusalem le<br />

seul <strong>et</strong> unique motif d'un tel prés<strong>en</strong>t ! Il faut qu'il y ait eu autre chose là-<strong>de</strong>rrière !<br />

»<br />

9. Mathaël dit : « Cela est certain, mais je n'<strong>en</strong> sais toujours ri<strong>en</strong> à ce jour, <strong>et</strong>, à<br />

franchem<strong>en</strong>t parler, je ne désirais pas du tout le savoir ; mais à prés<strong>en</strong>t, j'aimerais<br />

moi aussi être un peu éclairé à ce suj<strong>et</strong> ! — Notre Raphaël pourrait sans doute<br />

nous donner c<strong>et</strong> éclaircissem<strong>en</strong>t, s'il se trouvait être justem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> bonne humeur<br />

!? »<br />

10. Raphaël dit : « Cela, comme tout le reste, ne dép<strong>en</strong>d pas <strong>de</strong> moi ni <strong>de</strong> mon<br />

humeur, mais uniquem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la volonté du Seigneur ; car mon être n'est <strong>en</strong> vérité<br />

ri<strong>en</strong> d'autre que la pure volonté du Seigneur ! Aussi, adresse-toi au Seigneur dans<br />

ton cœur, <strong>et</strong> ton souhait sera à coup sûr exaucé ! »<br />

11. Mathaël dit : « Ce serait fort bi<strong>en</strong> si le Seigneur ne dormait pas ; mais Il dort<br />

<strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> il ne convi<strong>en</strong>drait certes guère <strong>de</strong> Le réveiller pour cela ! »<br />

12. Raphaël dit : « C'est que tu es <strong>en</strong>core un peu l<strong>en</strong>t ! Son corps dort sans doute<br />

un peu à prés<strong>en</strong>t ; mais Son âme <strong>et</strong> Son très saint Esprit éternel, jamais ! Que<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drait toute la Création, si le Seigneur l'oubliait ne fût-ce qu'un instant ? !<br />

C'<strong>en</strong> serait fini d'elle tout <strong>en</strong>tière <strong>en</strong> l'espace d'un mom<strong>en</strong>t très court ; il n'y aurait<br />

plus <strong>de</strong> soleil, plus <strong>de</strong> lune, plus une étoile dans tout l'infini éternel, plus <strong>de</strong> terre<br />

pour te porter, <strong>et</strong> pas un ange, pas un homme ne pourrait plus subsister par luimême<br />

!<br />

13. Tout ce qui existe est sans cesse maint<strong>en</strong>u par la volonté toute-puissante du<br />

Seigneur, éternellem<strong>en</strong>t immuable <strong>et</strong> i<strong>de</strong>ntique à elle-même, <strong>et</strong> sans laquelle<br />

aucune exist<strong>en</strong>ce n'est concevable.<br />

14. S'il <strong>en</strong> est ainsi <strong>et</strong> pas autrem<strong>en</strong>t, comm<strong>en</strong>t peut-il te v<strong>en</strong>ir à l'idée <strong>de</strong> songer<br />

qu'il puisse jamais dormir sans être consci<strong>en</strong>t, dans Son sommeil, <strong>de</strong> ce dont la<br />

478


Création infinie a besoin à chaque instant <strong>de</strong> son exist<strong>en</strong>ce ?<br />

15. Le Seigneur sait très exactem<strong>en</strong>t ce que tu p<strong>en</strong>ses <strong>et</strong> veux <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t ; car<br />

si je le sais, il faut que le Seigneur l'ait su bi<strong>en</strong> avant moi, puisqu'il me serait<br />

impossible, sans cela, <strong>de</strong> le savoir ! Car tout ce que nous savons <strong>et</strong> connaissons,<br />

nous les anges, nous ne le savons <strong>et</strong> ne le connaissons que par le Seigneur. Or, je<br />

connais toutes tes tribulations <strong>et</strong> tes dures épreuves ; qui, sinon le Seigneur, a pu<br />

me les révéler ? Pas toi, <strong>et</strong> pas davantage les paroles ou les p<strong>en</strong>sées d'un autre<br />

esprit, parce que je ne saurais <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre tout cela sans la p<strong>en</strong>sée <strong>et</strong> la volonté du<br />

Seigneur !<br />

16. Mais si tout ce que je conçois, reconnais <strong>et</strong> sais me vi<strong>en</strong>t directem<strong>en</strong>t du<br />

Seigneur, il peut <strong>en</strong> être <strong>de</strong> même pour toi — mais toujours, bi<strong>en</strong> sûr, dans la<br />

seule mesure où tu <strong>en</strong> es capable dans ton cœur !<br />

17. Ainsi, interroge le Seigneur dans ton cœur, <strong>et</strong> nous verrons si la réponse ne<br />

t'est pas donnée dans ton cœur ! »<br />

Chapitre 237<br />

Sur les causes <strong>de</strong>s tribulations <strong>de</strong> Mathaël<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Mathaël Me posa ladite question dans son cœur, <strong>et</strong> Je lui inspirai<br />

sur-le-champ la très claire réponse qui suit, qu'il rapporta aussitôt à haute voix<br />

aux trois autres <strong>en</strong> ces termes : « Le Seigneur était avec les Samaritains, parce<br />

qu'ils avai<strong>en</strong>t rompu avec la doctrine pervertie <strong>de</strong> Jérusalem pour rev<strong>en</strong>ir à la<br />

pur<strong>et</strong>é <strong>de</strong> Moïse <strong>et</strong> d'Aaron. — Quant à toi, Mathaël, tu étais un orateur plein <strong>de</strong><br />

force <strong>et</strong> d'expéri<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> tout à fait inflexible dans tes <strong>de</strong>sseins. Le Seigneur savait<br />

cela <strong>et</strong> voyait que tu Lui porterais un <strong>grand</strong> préjudice chez les Samaritains à la foi<br />

pure si tu <strong>en</strong>trais dans une relation didactique avec eux. C'est pourquoi le<br />

Seigneur t'a fait r<strong>en</strong>contrer, avec tes compagnons, les pires bandits <strong>de</strong> <strong>grand</strong><br />

chemin, sachant bi<strong>en</strong> que tu ne pourrais les quitter que lorsque ta volonté rigi<strong>de</strong><br />

aurait été r<strong>en</strong>due tout à fait flexible. Tant que tu fus <strong>en</strong> toute consci<strong>en</strong>ce un<br />

bandit parmi les autres, ta volonté ne se laissa pas fléchir ; au contraire, tu avais<br />

conçu un plan fort astucieux <strong>et</strong> convaincu les quelque cinquante bandits, avec<br />

leurs femmes <strong>et</strong> leurs <strong>en</strong>fants, d'adopter <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t la doctrine foncièrem<strong>en</strong>t<br />

mauvaise <strong>de</strong> Jérusalem, dans laquelle ils trouvèr<strong>en</strong>t même une caution <strong>et</strong> un asile<br />

sûr pour leurs activités criminelles.<br />

2. Comme tu les avais am<strong>en</strong>és au point où c'étai<strong>en</strong>t désormais, toi compris,<br />

cinquante-cinq apôtres qui <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t s'<strong>en</strong> aller dès le l<strong>en</strong><strong>de</strong>main, sous ta conduite,<br />

<strong>en</strong>vahir la Samarie où tu eusses introduit avec la plus extrême rigueur la doctrine<br />

<strong>de</strong> Jérusalem, passant au fil tranchant <strong>de</strong> ton épée tous les contradicteurs, le<br />

Seigneur te fit donner un avertissem<strong>en</strong>t par l'esprit du vieil Abraham.<br />

3. Cep<strong>en</strong>dant, c<strong>et</strong>te apparition elle-même n'ayant pu te détourner <strong>de</strong> ton but, c'est<br />

alors seulem<strong>en</strong>t que le Seigneur contraignit ton âme à se réfugier dans sa chair,<br />

tandis que ton corps <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ait la proie d'une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> diables. De ce mom<strong>en</strong>t,<br />

tu <strong>de</strong>vins, avec tes compagnons, la terreur <strong>de</strong> la contrée !<br />

479


4. Tes cinquante bandits-apôtres eux-mêmes fuir<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te contrée pour <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir<br />

<strong>de</strong>s hommes honorables, <strong>et</strong>, parce qu'ils avai<strong>en</strong>t fort bi<strong>en</strong> vu ce qu'il était adv<strong>en</strong>u<br />

<strong>de</strong> toi <strong>et</strong> <strong>de</strong> tes quatre compagnons — à cause du méchant proj<strong>et</strong> que tu avais<br />

conçu pour convertir les Samaritains —, ils abandonnèr<strong>en</strong>t pour eux-mêmes tout<br />

proj<strong>et</strong>, si vague fût-il, <strong>de</strong> gagner les Samaritains à la cause <strong>de</strong> Jérusalem.<br />

5. C'est ainsi que le Seigneur contraria d'une manière fort efficace <strong>et</strong> salutaire tes<br />

proj<strong>et</strong>s contraires à Son ordonnance <strong>et</strong> te laissa <strong>en</strong>chaîné par le jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

l'<strong>en</strong>fer jusqu'à ce qu'une plus <strong>grand</strong>e flexibilité fût <strong>en</strong>trée dans ton âme.<br />

6. Le Seigneur connaissait aussi l'origine <strong>de</strong> ton âme <strong>et</strong> la raison pour laquelle<br />

elle était si inflexible, <strong>et</strong> c'est bi<strong>en</strong> parce qu'il savait qu'elle ne pourrait jamais se<br />

corriger d'aucune autre manière qu'il lui <strong>en</strong>voya une si dure épreuve.<br />

7. Très loin parmi les planètes qui tourn<strong>en</strong>t autour <strong>de</strong> ce soleil, il existe un certain<br />

mon<strong>de</strong> qui n'a <strong>en</strong>core pour ainsi dire jamais été observé par les astronomes. Sur<br />

ce mon<strong>de</strong> (Uranus) viv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s hommes particulièrem<strong>en</strong>t opiniâtres, qui, lorsqu'ils<br />

ont conçu un <strong>de</strong>ssein ou un proj<strong>et</strong>, ne peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> être détournés tant qu'ils ne<br />

l'ont pas mis <strong>en</strong> œuvre. De ce mon<strong>de</strong> aussi, <strong>de</strong>s âmes parv<strong>en</strong>ues à maturité<br />

vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t s'incarner sur c<strong>et</strong>te terre dans le but d'accé<strong>de</strong>r à la filiation divine, <strong>et</strong> ces<br />

âmes conserv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core beaucoup <strong>de</strong> leur opiniâtr<strong>et</strong>é.<br />

8. Toi aussi, tu es <strong>en</strong> quelque sorte un <strong>de</strong> ces étrangers sur la terre, car ton âme<br />

vi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> c<strong>et</strong> autre mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> c'est pourquoi tu étais aussi inflexible <strong>et</strong> <strong>en</strong>têté dans<br />

ton proj<strong>et</strong>.,<br />

9. Ce moy<strong>en</strong> était donc <strong>en</strong> vérité le seul possible pour r<strong>en</strong>dre flexible c<strong>et</strong>te âme<br />

qui est la ti<strong>en</strong>ne, <strong>et</strong> pour transformer ta nature d'âme d'un autre mon<strong>de</strong> <strong>en</strong> sorte<br />

qu'elle <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne réceptive à la vraie vérité parfaitem<strong>en</strong>t libre issue <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong><br />

qu'elle puisse accé<strong>de</strong>r ainsi à l'amour <strong>de</strong> Dieu, <strong>et</strong> <strong>de</strong> là à la véritable filiation<br />

divine.<br />

10. Il fallait qu'à l'instar <strong>de</strong>s âmes <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong> tu subisses une certaine<br />

maturation dans l'<strong>en</strong>fer <strong>de</strong>s esprits <strong>et</strong> <strong>de</strong>s âmes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, il fallait donc que tu<br />

passes par la porte étroite pour pouvoir monter vers les régions supérieures <strong>de</strong> la<br />

vie comme une sève <strong>de</strong> vie <strong>en</strong>noblie (*) . Et c'est comme tel que tu paraîs à prés<strong>en</strong>t<br />

<strong>de</strong>vant Dieu, le Seigneur <strong>de</strong> toute vie. »<br />

Chapitre 238<br />

De la parole intérieure.<br />

De la raison <strong>de</strong> l'incarnation du Seigneur<br />

1. Ayant achevé <strong>de</strong> redire <strong>de</strong>vant les trois c<strong>et</strong>te réponse que Je m<strong>et</strong>tais dans son<br />

cœur, Mathaël s'étonna lui-même <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te vérité qu'il <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dait <strong>en</strong> lui <strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />

parole intérieure qu'il n'avait jamais ress<strong>en</strong>tie avec une telle clarté.<br />

2. Cep<strong>en</strong>dant, Raphaël lui dit : « Vois-tu à prés<strong>en</strong>t combi<strong>en</strong> le Seigneur est<br />

(*)<br />

Différ<strong>en</strong>tes images se superpos<strong>en</strong>t ici dans texte original, <strong>en</strong> particulier celle <strong>de</strong> la greffe<br />

(Vere<strong>de</strong>lung), qui améliore, « <strong>en</strong>noblit » (vere<strong>de</strong>lt) l'arbre, mais le même mot évoque égalem<strong>en</strong>l<br />

l'idée <strong>de</strong> « raffinem<strong>en</strong>t » <strong>et</strong> <strong>de</strong> « purification ». (N.d.T.)<br />

480


éveillé même lorsqu'il dort selon le corps, <strong>et</strong> comme tu as pu <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre Sa parole<br />

claire <strong>et</strong> n<strong>et</strong>te dans ton cœur <strong>et</strong> la répéter <strong>en</strong>suite à haute voix <strong>de</strong> ta bouche <strong>de</strong><br />

chair ? ! C'est <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière que nous percevons nous aussi très vivem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

très activem<strong>en</strong>t la parole <strong>et</strong> la volonté du Seigneur, si bi<strong>en</strong> que nous <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ons<br />

tout <strong>en</strong>tiers Sa parole <strong>et</strong> Sa volonté ! Et si nous sommes cela, nous sommes aussi<br />

l'acte même accompli par Sa parole <strong>et</strong> Sa volonté, donc parole, volonté <strong>et</strong> acte<br />

réunis dans la même forme ! — Compr<strong>en</strong>ds-tu clairem<strong>en</strong>t tout cela à prés<strong>en</strong>t, ami<br />

Mathaël ? »<br />

3. Mathaël dit : « Quand même l'on croit avoir acquis l'apaisante certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> tout<br />

compr<strong>en</strong>dre dorénavant au premier regard, c'est alors que se prés<strong>en</strong>te quelque<br />

nouveauté à quoi l'on n'avait jamais songé ! Tout cela me fait compr<strong>en</strong>dre qu'il y<br />

a dans la sagesse divine une profusion <strong>et</strong> une profon<strong>de</strong>ur si incomm<strong>en</strong>surables<br />

que jamais aucun esprit ne l'embrassera tout <strong>en</strong>tière ! Nous aurons donc<br />

éternellem<strong>en</strong>t quantité <strong>de</strong> nouvelles choses à appr<strong>en</strong>dre <strong>et</strong> à compr<strong>en</strong>dre, <strong>et</strong> c'est<br />

aussi bi<strong>en</strong> ainsi !<br />

4. Car <strong>en</strong> vérité, je n'aimerais pas que tout soit désormais aussi clair pour moi<br />

que pour le Seigneur Lui-même. S'il n'y avait plus ri<strong>en</strong> qui me fût inconnu dans<br />

tout l'infini, j'<strong>en</strong> aurais bi<strong>en</strong>tôt assez <strong>de</strong> la vie ; mais ainsi, il nous reste une<br />

quantité si infinie <strong>de</strong> choses profondém<strong>en</strong>t cachées que nous n'<strong>en</strong> vi<strong>en</strong>drons<br />

jamais à bout, <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus, je dois bi<strong>en</strong> adm<strong>et</strong>tre maint<strong>en</strong>ant que la félicité <strong>de</strong> Dieu<br />

ne serait absolum<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>viable si nous, Ses créatures <strong>et</strong> Ses <strong>en</strong>fants, nous<br />

compr<strong>en</strong>ions toute chose aussi clairem<strong>en</strong>t que Lui-même, <strong>et</strong> Sa parfaite sagesse<br />

illimitée <strong>et</strong> éternelle Lui <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>drait sans doute terriblem<strong>en</strong>t fastidieuse s'il ne<br />

<strong>de</strong>vait plus S'<strong>en</strong> servir que pour Lui seul !<br />

5. Et c'est pour cela qu'il a empli l'espace infini d'innombrables œuvres selon Sa<br />

sagesse <strong>et</strong> Sa puissance illimitées, <strong>et</strong> qu'il a créé <strong>de</strong>s êtres p<strong>en</strong>sants <strong>et</strong> dotés eux<br />

aussi d'une <strong>grand</strong>e sagesse. Ces êtres, que la <strong>grand</strong>e sagesse <strong>et</strong> l'omnipot<strong>en</strong>ce <strong>de</strong><br />

Dieu ont toujours étonnés au plus haut point, ne cess<strong>en</strong>t <strong>de</strong> découvrir <strong>et</strong> d'admirer<br />

c<strong>et</strong>te profon<strong>de</strong> sagesse divine <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te puissance <strong>de</strong> l'unique Créateur, <strong>et</strong>, à chaque<br />

nouvelle révélation, sont à nouveau transportés par l'admiration, l'adoration <strong>et</strong><br />

l'amour le plus int<strong>en</strong>se !<br />

6. Cela seul doit être pour Dieu la vraie félicité ! Pour Lui, le Créateur <strong>et</strong> le Père<br />

<strong>de</strong>s anges, <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants, ce doit être <strong>en</strong> soi le plus<br />

<strong>grand</strong> <strong>de</strong>s délices que <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre Lui-même toujours plus heureux tous ceux qui<br />

Le reconnaiss<strong>en</strong>t <strong>et</strong> L'aim<strong>en</strong>t sans cesse davantage, Lui <strong>et</strong> Sa parole !<br />

7. Et c'est pour nous apporter, à nous, hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, à vous, anges <strong>de</strong><br />

tous les cieux, <strong>et</strong> à toutes les créatures <strong>de</strong> l'infini tout <strong>en</strong>tier, une félicité plus<br />

<strong>grand</strong>e <strong>en</strong>core, qu'il est v<strong>en</strong>u à nous <strong>en</strong> personne sur c<strong>et</strong>te terre, afin <strong>de</strong> Se révéler<br />

véritablem<strong>en</strong>t à nous, <strong>en</strong> tant qu'homme <strong>de</strong> chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> sang Lui-même, comme<br />

un homme s'ouvre à un autre. Ami, que tu sois créature ou ange éternel, ou<br />

homme comme moi, le Seigneur ne fait pas cela uniquem<strong>en</strong>t pour l'amour <strong>de</strong><br />

nous, mais Il le fait aussi pour Lui-même ; car à la longue, Il périrait d'<strong>en</strong>nui si,<br />

dans Son omnisci<strong>en</strong>ce, il Lui fallait percevoir <strong>en</strong> Lui-même avec la plus <strong>grand</strong>e<br />

clarté qu'étant une intellig<strong>en</strong>ce parfaitem<strong>en</strong>t sans forme <strong>et</strong> éternelle, bi<strong>en</strong><br />

qu'absolum<strong>en</strong>t accomplie, Ses créatures ne pourrai<strong>en</strong>t jamais Le voir <strong>et</strong> <strong>en</strong>core<br />

481


moins Lui parler, <strong>et</strong> qu'il <strong>de</strong>vrait <strong>de</strong>meurer à jamais inconnu !<br />

8. Ne serait-ce donc pas la chose la plus triste pour un père terrestre s'il avait par<br />

exemple vingt <strong>en</strong>fants tout à fait gracieux, mais tous aveugles <strong>et</strong> sourds, <strong>et</strong> que ce<br />

père plein d'amour ne pût donc jamais échanger une parole avec eux ni leur<br />

montrer son appar<strong>en</strong>ce humaine ? ! Imaginez sérieusem<strong>en</strong>t une telle situation :<br />

un père très fortuné ayant vingt <strong>en</strong>fants <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sexes merveilleusem<strong>en</strong>t faits<br />

extérieurem<strong>en</strong>t, mais tous aveugles <strong>et</strong> sourds ! Je le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, un tel père ne<br />

dép<strong>en</strong>serait-il pas <strong>de</strong>s sommes considérables pour que ses p<strong>et</strong>its <strong>en</strong>fants par<br />

ailleurs si aimables puiss<strong>en</strong>t voir <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ? Et quelle ne serait pas sa tristesse<br />

s'il n'existait au mon<strong>de</strong> aucun moy<strong>en</strong> pour que ses <strong>en</strong>fants puiss<strong>en</strong>t voir <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre !<br />

9. Nous, les hommes, nous nous voyons <strong>et</strong> nous <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dons sans doute les uns les<br />

autres <strong>et</strong> pr<strong>en</strong>ons si <strong>grand</strong> plaisir à être <strong>en</strong>semble — parfois même plus qu'il n'est<br />

nécessaire — que nous sommes capables d'<strong>en</strong> oublier notre Créateur ; <strong>et</strong> notre<br />

bon <strong>et</strong> saint Créateur, notre Père très sage eût dû être privé pour toujours du<br />

bi<strong>en</strong>heureux plaisir d'être jamais reconnu, vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du <strong>de</strong> Ses <strong>en</strong>fants ! C'était<br />

parfaitem<strong>en</strong>t inconcevable pour un Père éternel empli <strong>de</strong> l'amour le plus <strong>grand</strong> <strong>et</strong><br />

le plus pur pour Ses <strong>en</strong>fants !<br />

10. Il y a à coup sûr <strong>en</strong> Lui l'aspiration suprême à nous voir, nous, Ses <strong>en</strong>fants,<br />

accé<strong>de</strong>r à l'état qui, selon Son ordonnance, nous r<strong>en</strong>drait capables <strong>de</strong> Le voir, <strong>de</strong><br />

L'aimer <strong>en</strong> tant que personne <strong>et</strong> <strong>de</strong> communiquer avec Lui sans préjudice pour<br />

notre exist<strong>en</strong>ce — plutôt que <strong>de</strong> voir <strong>en</strong> nous <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants qui continu<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

n'avoir aucune notion <strong>de</strong> ce qu'est véritablem<strong>en</strong>t l'être ess<strong>en</strong>tiel du Père éternel.<br />

11. Aussi crois-je que ce n'est pas une pure inv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> ma part si je dis : ce<br />

n'est pas uniquem<strong>en</strong>t pour nous, mais aussi pour Lui-même que le Seigneur S'est<br />

incarné dans la chair sur c<strong>et</strong>te terre <strong>et</strong> est ainsi v<strong>en</strong>u à nous, Ses <strong>en</strong>fants certes<br />

<strong>en</strong>core fort mal dégrossis ! Il avait prévu <strong>de</strong> toute éternité <strong>de</strong> faire cela ; <strong>et</strong> nous,<br />

nous sommes à prés<strong>en</strong>t témoins <strong>de</strong> la mise <strong>en</strong> œuvre <strong>de</strong> ce <strong>grand</strong> proj<strong>et</strong> éternel !<br />

— Dis-moi, Raphaël, si ce que je vi<strong>en</strong>s <strong>de</strong> dire est juste ou non. »<br />

Chapitre 239<br />

Sur l'idée <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>nui <strong>de</strong> Dieu<br />

1. Raphaël dit : « Ce n'est pas toi, ami, qui as parlé ainsi, mais le Seigneur Luimême<br />

qui t'a inspiré ce jugem<strong>en</strong>t, aussi doit-il bi<strong>en</strong> être juste ! »<br />

2. Murel dit aussi : « Ah, que <strong>de</strong> choses on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d ici qui ressembl<strong>en</strong>t si peu à ce<br />

mon<strong>de</strong> ! Et pourtant, nulle raison humaine ne pourrait ri<strong>en</strong> y objecter ! Notre<br />

<strong>en</strong>nui si nous <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ions tout à coup aussi sages <strong>et</strong> omnisci<strong>en</strong>ts que Dieu, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

l'autre côté, l'<strong>en</strong>nui <strong>de</strong> Dieu dans c<strong>et</strong> état sans doute concevable où Ses créatures,<br />

Ses <strong>en</strong>fants <strong>et</strong> même Ses anges ne Le s<strong>en</strong>tirai<strong>en</strong>t, ne L'éprouverai<strong>en</strong>t, ne<br />

L'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t ni ne Le verrai<strong>en</strong>t jamais — ah, ce sont là véritablem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>ux<br />

conceptions, <strong>de</strong>ux jugem<strong>en</strong>ts qui forc<strong>en</strong>t le respect d'un homme qui réfléchit<br />

vraim<strong>en</strong>t ! Jamais sans doute un templier n'aura imaginé pareille chose ; <strong>et</strong><br />

pourtant, c'est vrai ! J'ai beau réfléchir <strong>et</strong> faire <strong>de</strong>s raisonnem<strong>en</strong>ts, je ne trouve<br />

482


i<strong>en</strong> à objecter à cela, même si l'expression "<strong>en</strong>nui <strong>de</strong> Dieu" me paraît quelque<br />

peu étrange ! Mais j'ai beau la regar<strong>de</strong>r sous toutes les coutures, elle n'<strong>en</strong><br />

<strong>de</strong>meure pas moins juste, <strong>et</strong> fort juste ! Il me vi<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant à l'esprit un<br />

exemple tout à fait propre à éclairer c<strong>et</strong>te vérité toute neuve, <strong>et</strong> il faut que je vous<br />

le rapporte. »<br />

3. Mathaël dit : « Parle donc, frère ! Car d'un esprit riche d'une si <strong>grand</strong>e expéri<strong>en</strong>ce,<br />

on ne peut att<strong>en</strong>dre que <strong>de</strong>s choses vraies, bonnes <strong>et</strong> fort utiles à notre<br />

cause ! »<br />

4. Murel répond : « Je ne le dis pas précisém<strong>en</strong>t pour cela, mais pour que vous<br />

voyiez comme j'ai compris. Je m'imagine un homme qui, pourvu <strong>de</strong> toutes les<br />

sagesses, serait seul sur c<strong>et</strong>te bonne terre. Il s'ouvrirait assurém<strong>en</strong>t aux autres<br />

hommes <strong>en</strong> toute confiance, s'il y <strong>en</strong> avait. Il parcourt la terre dans ses moindres<br />

recoins <strong>et</strong> n'y trouve nulle créature vivante <strong>et</strong> p<strong>en</strong>sante. Sa <strong>grand</strong>e sagesse lui<br />

<strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t un far<strong>de</strong>au ; car ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> ce qu'il fait <strong>et</strong> crée n'est reconnu ni admiré <strong>de</strong> qui<br />

que ce soit. Dans quel état d'esprit un tel homme serait-il à la longue ? Ne seraitil<br />

pas poussé au désespoir ? Ne serait-il pas <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t consumé par un<br />

effroyable <strong>en</strong>nui ?<br />

5. Quel ineffable plaisir n'éprouverait-il pas s'il finissait par se trouver ne fût-ce<br />

que la plus humble <strong>de</strong>s servantes ou le plus fruste <strong>de</strong>s val<strong>et</strong>s ! Avec quel amour<br />

ineffable traiterait-il une telle trouvaille !<br />

6. Oh, cela montre clairem<strong>en</strong>t ce qu'un homme est pour l'autre, <strong>et</strong> quel bonheur il<br />

y a à faire le bi<strong>en</strong> à son prochain !<br />

7. Ne serait-ce pas un sort terrible que celui d'un homme qui, se trouvant seul sur<br />

toute la terre, n'<strong>en</strong> découvrirait pas un second pour lui faire quelque bi<strong>en</strong> ?! Oui,<br />

l'amour est un élém<strong>en</strong>t purem<strong>en</strong>t céleste <strong>de</strong> la vie, ne serait-ce que parce que<br />

l'impossibilité <strong>de</strong> se communiquer à d'autres par <strong>de</strong>s actes le r<strong>en</strong>d tout à fait<br />

malheureux !<br />

8. À quoi bon pour un chanteur le son émouvant <strong>de</strong> sa voix, les acc<strong>en</strong>ts d'une<br />

harpe bi<strong>en</strong> accordée, s'il <strong>de</strong>vait à jamais les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre seul ?! Lorsqu'un p<strong>et</strong>it oiseau<br />

solitaire saute <strong>de</strong> branche <strong>en</strong> branche dans la forêt, appelant son pareil par<br />

une note plaintive <strong>et</strong> interrogative, <strong>et</strong> qu'il ne le trouve point, alors, il pr<strong>en</strong>d peur,<br />

se tait bi<strong>en</strong> vite <strong>et</strong>, plein <strong>de</strong> tristesse, quitte au plus tôt c<strong>et</strong>te forêt pour lui vi<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

désolée.<br />

9. Si, même dans l'animal, il y a déjà tant d'amour qu'il recherche visiblem<strong>en</strong>t son<br />

pareil, combi<strong>en</strong> davantage dans un homme doué d'un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, d'une raison <strong>et</strong><br />

d'un <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t profonds ! Et à quoi lui servirai<strong>en</strong>t toutes ses facultés <strong>et</strong> ses<br />

tal<strong>en</strong>ts, s'ils ne pouvai<strong>en</strong>t jamais le r<strong>en</strong>dre utile à un autre que lui-même ?!<br />

10. De même, à partir <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te perception fondée, je puis supposer à bon droit —<br />

du moins selon nos concepts humains — que le Seigneur Dieu <strong>de</strong>vrait bi<strong>en</strong> finir<br />

par S'<strong>en</strong>nuyer effroyablem<strong>en</strong>t, malgré qu'il ait autour <strong>de</strong> Lui tout un infini empli<br />

<strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s les plus merveilleux, s'il n'y avait sur ces mon<strong>de</strong>s aucun être qui<br />

reconnaisse <strong>et</strong> aime Celui qui l'a créé par amour <strong>et</strong> trouve <strong>grand</strong> plaisir dans les<br />

innombrables merveilles créées par Sa sagesse, Sa puissance <strong>et</strong> Sa force. Mais<br />

pour que celui-ci puisse Le reconnaître <strong>et</strong> L'aimer, il faut que le Créateur <strong>de</strong> la<br />

483


créature, que le Père <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>fant vi<strong>en</strong>ne à sa r<strong>en</strong>contre <strong>et</strong> Se révèle à lui <strong>de</strong> telle<br />

manière qu'il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne possible à la créature, <strong>et</strong> surtout à l'<strong>en</strong>fant, <strong>de</strong> reconnaître<br />

pour tel son Créateur <strong>et</strong> son Père.<br />

11. Si c<strong>et</strong>te condition n'est pas remplie, c'est <strong>en</strong> vain que Dieu a créé les anges <strong>et</strong><br />

les hommes, ainsi que tout ce qui existe ; d'un côté comme <strong>de</strong> l'autre (<strong>en</strong> tant que<br />

Créateur comme <strong>en</strong> tant que Père), Il <strong>de</strong>meure seul, <strong>et</strong> Ses créatures, si<br />

merveilleuses soi<strong>en</strong>t-elles, Le connaiss<strong>en</strong>t aussi peu que l'herbe ne connaît le<br />

faucheur qui la coupe <strong>et</strong> la m<strong>et</strong> à sécher pour <strong>en</strong> faire du foin.<br />

12. Mais Dieu S'est constamm<strong>en</strong>t révélé très intelligiblem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> par les voies les<br />

plus appropriées à Ses créatures douées <strong>de</strong> raison <strong>et</strong> d'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>et</strong> aspirant à<br />

la véritable liberté <strong>de</strong> la vie, <strong>et</strong> les a préparées à Sa prés<strong>en</strong>te v<strong>en</strong>ue. Et c'est aussi<br />

avec c<strong>et</strong>te v<strong>en</strong>ue que toutes les promesses sont désormais accomplies ; Ses<br />

créatures Le voi<strong>en</strong>t, fait <strong>de</strong> chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> sang comme elles-mêmes, Il marche parmi<br />

elles tout à fait comme un homme, <strong>et</strong>, comme leur Père éternel, leur <strong>en</strong>seigne<br />

leur <strong>grand</strong>e vocation éternelle.<br />

13. Et <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te manière, tout est donc parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ordre, il ne ti<strong>en</strong>t plus qu'à<br />

nous, les hommes, <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre consci<strong>en</strong>cieusem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> œuvre les moy<strong>en</strong>s qu'il nous<br />

a indiqués pour notre vie, <strong>et</strong> le <strong>grand</strong> double but est atteint : l'<strong>en</strong>fant reconnaît son<br />

saint Père éternel, il Le regar<strong>de</strong> avec <strong>de</strong>s yeux pleins d'amour <strong>et</strong> se réjouit <strong>de</strong> Sa<br />

prés<strong>en</strong>ce au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute mesure ; <strong>et</strong> le Père Se réjouit Lui aussi au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> toute<br />

mesure <strong>de</strong> n'être plus seul désormais, mais d'être dans toute Sa lumière au milieu<br />

<strong>de</strong> Ses <strong>en</strong>fants qui Le reconnaiss<strong>en</strong>t, Le lou<strong>en</strong>t, L'aim<strong>en</strong>t par-<strong>de</strong>ssus tout, <strong>et</strong> ne<br />

cess<strong>en</strong>t <strong>de</strong> s'étonner <strong>et</strong> d'admirer Ses œuvres merveilleuses <strong>et</strong> <strong>de</strong> chanter Sa<br />

puissance <strong>et</strong> Sa sagesse infinies ! Et cela doit bi<strong>en</strong> être pour le Créateur comme<br />

pour la créature le comble <strong>de</strong> la félicité ! — N'<strong>en</strong> ai-je pas bi<strong>en</strong> jugé ? »<br />

Chapitre 240<br />

Question <strong>de</strong> Raphaël sur la mission<br />

1. Raphaël dit : « Parfaitem<strong>en</strong>t, il <strong>en</strong> est ainsi <strong>et</strong> pas autrem<strong>en</strong>t ! Cep<strong>en</strong>dant, ce<br />

n'est pas <strong>de</strong> ta chair <strong>et</strong> <strong>de</strong> ton sang que tu as tiré cela, mais <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong> la parole<br />

du Seigneur. Mais l'ess<strong>en</strong>tiel est que vous le sachiez ! Et ce que vous savez<br />

désormais à ce suj<strong>et</strong>, vous <strong>de</strong>vez le gar<strong>de</strong>r pour vous. Car pour compr<strong>en</strong>dre cela,<br />

il faut <strong>de</strong>s âmes comme les vôtres ; pour les autres, c'est assez qu'elles<br />

reconnaiss<strong>en</strong>t Dieu <strong>et</strong> L'aim<strong>en</strong>t par-<strong>de</strong>ssus tout <strong>en</strong> tant que Père. Cep<strong>en</strong>dant, si<br />

vous r<strong>en</strong>contrez quelque âme véritablem<strong>en</strong>t <strong>grand</strong>e, vous pouvez aussi lui faire<br />

part <strong>de</strong> ce dont nous parlons <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures maint<strong>en</strong>ant. — Mais à<br />

prés<strong>en</strong>t, chers amis, passons à autre chose !<br />

2. Tout au long <strong>de</strong> votre chemin, quand vous travaillerez pour le royaume <strong>de</strong><br />

Dieu, il arrivera bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t que vos disciples vous questionn<strong>en</strong>t avec insistance<br />

<strong>et</strong> vous dis<strong>en</strong>t : "Votre doctrine est certes sublime, belle <strong>et</strong> émouvante ; mais la<br />

promesse qui nous a été faite ne s'est toujours pas réalisée <strong>de</strong> quelque manière<br />

que ce soit. Nous <strong>de</strong>vions <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> nous la voix du Père, <strong>et</strong> on nous avait<br />

même promis que nous pourrions Le voir <strong>et</strong> Lui parler ; mais jusqu'ici, nous ne<br />

484


connaissons <strong>en</strong>core ri<strong>en</strong> <strong>de</strong> tout cela. S'il y a une vérité dans votre doctrine, il faut<br />

bi<strong>en</strong> que les promesses que vous nous avez faites se vérifi<strong>en</strong>t pour nous. Nous<br />

l'observons <strong>en</strong> tout, mais ne percevons toujours pas <strong>en</strong> nous la moindre trace<br />

d'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s promesses faites par vous ! Parlez, répon<strong>de</strong>z-nous <strong>et</strong><br />

dites-nous très sincèrem<strong>en</strong>t d'où il vi<strong>en</strong>t que vos promesses ne veul<strong>en</strong>t pas se<br />

réaliser pour nous !" — Que leur répondrez-vous alors ? »<br />

3. À ces mots, les trois hommes ouvr<strong>en</strong>t <strong>de</strong> <strong>grand</strong>s yeux, <strong>et</strong> Murel dit : « Ami, si<br />

nous faisons <strong>de</strong>s promesses sur la foi <strong>de</strong> la parole très sûre du Seigneur, <strong>et</strong> si nos<br />

disciples observ<strong>en</strong>t c<strong>et</strong>te doctrine dans leurs actes, alors, bi<strong>en</strong> sûr, le Seigneur ne<br />

doit pas nous faire faux bond, sans quoi il serait évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t plus intellig<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

ne pas répandre la doctrine, plutôt qu'elle vous laisse choir <strong>de</strong>vant le mon<strong>de</strong> !<br />

4. À vrai dire, j'irais jusqu'à affirmer que <strong>de</strong> tels abandons divins ont toujours été<br />

l'une <strong>de</strong>s causes ess<strong>en</strong>tielles <strong>de</strong> la déca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s religions ! Car, pour quelque<br />

mystérieuse raison, les promesses faites aux croyants ne s'accomplissai<strong>en</strong>t pas<br />

pleinem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> souv<strong>en</strong>t même pas du tout. Et ceux qui les <strong>en</strong>seignai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>vai<strong>en</strong>t<br />

recourir à <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s factices pour ne pas subir <strong>de</strong> la part du peuple le sort le<br />

plus ignominieux ! Les p<strong>en</strong>sées du peuple se tournai<strong>en</strong>t donc bi<strong>en</strong> vite vers<br />

l'extérieur, <strong>et</strong> il n'y avait alors plus aucun moy<strong>en</strong> <strong>de</strong> parler à ce peuple abusé <strong>de</strong><br />

choses purem<strong>en</strong>t spirituelles.<br />

5. C'est pourquoi le Seigneur ne <strong>de</strong>vrait plus faire cela à ceux qui répan<strong>de</strong>nt Sa<br />

doctrine ; Il ne <strong>de</strong>vrait plus les laisser <strong>en</strong> plan, surtout dans les mom<strong>en</strong>ts où ils<br />

prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t Ses promesses comme une preuve décisive, <strong>de</strong>vant s'accomplir à coup<br />

sûr, <strong>de</strong> la vérité divine ; car, pour moi du moins, j'aimerais mieux être un vulgaire<br />

balayeur <strong>de</strong> rue qu'un Jérémie tourm<strong>en</strong>té jusqu'au sang ! Et c<strong>et</strong>te exist<strong>en</strong>ce ne<br />

serait <strong>en</strong>core ri<strong>en</strong>, si l'on pouvait ainsi servir à quelque chose ; mais il ne peut<br />

être question d'une quelconque utilité lorsqu'on ne fait que susciter la colère <strong>de</strong>s<br />

hommes ! »<br />

6. Raphaël dit : « Mais, cher ami, dans ton ar<strong>de</strong>ur, tu t'éloignes complètem<strong>en</strong>t <strong>de</strong><br />

la question que je t'ai posée ! Le Seigneur fera toujours ce qui Lui revi<strong>en</strong>t dans ce<br />

qu'il a promis ; mais la question est <strong>de</strong> savoir si vous connaissez très précisém<strong>en</strong>t<br />

les conditions, valables <strong>en</strong> tout temps, pour que le Seigneur laisse s'accomplir<br />

exactem<strong>en</strong>t les promesses qu'il a faites !<br />

7. Car il ti<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t à une vétille que la promesse faite à un homme ne puisse<br />

réellem<strong>en</strong>t s'accomplir ; il faut alors que vous soyez <strong>de</strong> vrais <strong>en</strong>seignants <strong>et</strong><br />

sachiez très exactem<strong>en</strong>t ce qui manque <strong>en</strong>core au disciple pour qu'il <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>ne un<br />

maître. C'est là l'obj<strong>et</strong> précis <strong>de</strong> la question que je te posais tout à l'heure ! »<br />

Chapitre 241<br />

Du royaume <strong>de</strong> Dieu dans le cœur <strong>de</strong> l'homme<br />

1. (Raphaël :) « Mais comme je vois que vous ne sauriez <strong>en</strong> aucun cas répondre à<br />

c<strong>et</strong>te question que je vous ai posée, je vais y répondre moi-même suffisamm<strong>en</strong>t<br />

pour susciter votre compréh<strong>en</strong>sion. Mais vous, vous <strong>de</strong>vrez bi<strong>en</strong> vous souv<strong>en</strong>ir<br />

<strong>de</strong> ma réponse <strong>et</strong> l'inscrire profondém<strong>en</strong>t dans vos cœurs, car il importe<br />

485


eaucoup, <strong>et</strong> même, tout dép<strong>en</strong>d finalem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce que vous connaissiez très<br />

précisém<strong>en</strong>t les conditions nécessaires pour accé<strong>de</strong>r pleinem<strong>en</strong>t à la véritable<br />

filiation divine, parce que l'ordonnance divine immuable exige que ces<br />

conditions soi<strong>en</strong>t nécessaires.<br />

2. Vous savez que tout homme doit se former <strong>et</strong> se développer librem<strong>en</strong>t par luimême,<br />

tout à fait indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la toute-puissance <strong>de</strong> la volonté divine,<br />

selon l'ordre divin reconnu par lui, afin <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ainsi un libre <strong>en</strong>fant <strong>de</strong> Dieu.<br />

3. Pour cela, le moy<strong>en</strong> recommandé, le plus puissant, donc le plus efficace, est<br />

l'amour <strong>de</strong> Dieu <strong>et</strong> dans la même mesure l'amour du prochain, peu importe qu'il<br />

soit homme ou femme, jeune ou vieux.<br />

4. À côté <strong>de</strong> l'amour, il y a aussi la vraie humilité, la douceur <strong>et</strong> la pati<strong>en</strong>ce, parce<br />

que le vrai amour ne peut exister <strong>et</strong> n'est ni vrai, ni pur sans ces trois accessoires.<br />

5. Mais comm<strong>en</strong>t un homme peut-il savoir intérieurem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> toute certitu<strong>de</strong> qu'il<br />

est dans le pur amour conforme à l'ordre divin ?<br />

6. Lorsqu'il aperçoit un frère ou une sœur pauvres ou que ceux-ci vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t lui<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un secours, que c<strong>et</strong> homme regar<strong>de</strong> <strong>en</strong> lui-même s'il se s<strong>en</strong>t poussé à<br />

donner <strong>en</strong> tout amour, avec la plus <strong>grand</strong>e joie <strong>et</strong> sans mesure, dans l'oubli total<br />

<strong>de</strong> lui-même. S'il découvre <strong>en</strong> lui-même c<strong>et</strong>te impulsion, qui doit être bi<strong>en</strong> sûr<br />

tout à fait sincère <strong>et</strong> vive, c'est qu'il est déjà mûr <strong>et</strong> prêt pour la véritable filiation<br />

divine, <strong>et</strong> les promesses dont un tel homme, qui est <strong>en</strong> quelque sorte déjà un<br />

<strong>en</strong>fant <strong>de</strong> Dieu, peut att<strong>en</strong>dre la réalisation, comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir une réalité à<br />

part <strong>en</strong>tière <strong>et</strong> à se manifester merveilleusem<strong>en</strong>t dans ses paroles <strong>et</strong> ses actes, <strong>et</strong><br />

vous êtes ainsi justifiés <strong>en</strong> tant qu'<strong>en</strong>seignants aux yeux <strong>de</strong> vos disciples.<br />

7. Mais les disciples chez qui les promesses ne se sont pas manifestées <strong>de</strong>vront<br />

s'y conformer, <strong>et</strong> ne s'<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>dre qu'à eux-mêmes si ce qui a été promis n'est<br />

toujours pas visible chez eux ; car ils n'auront pas <strong>en</strong>core ouvert pleinem<strong>en</strong>t leur<br />

cœur à l'humanité pauvre.<br />

8. Aimer Dieu <strong>et</strong> obéir <strong>de</strong> son plein gré à Sa volonté reconnue, tel est <strong>en</strong> vérité<br />

l'élém<strong>en</strong>t céleste dans le cœur humain. C'est là que rési<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>meure l'Esprit<br />

divin dans le cœur <strong>de</strong> tout homme ; <strong>et</strong> c'est l'amour du prochain qui est la porte<br />

m<strong>en</strong>ant à c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>meure sacrée.<br />

9. C<strong>et</strong>te porte doit être <strong>grand</strong>e ouverte pour que la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la vie divine<br />

puisse <strong>en</strong>trer dans c<strong>et</strong>te <strong>de</strong>meure, <strong>et</strong> l'humilité, la douceur <strong>et</strong> la pati<strong>en</strong>ce sont les<br />

trois f<strong>en</strong>êtres <strong>grand</strong>es ouvertes par où la sainte <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> Dieu dans le cœur <strong>de</strong><br />

l'homme est éclairée par la puissante lumière <strong>de</strong>s cieux <strong>et</strong> imprégnée <strong>de</strong> toute la<br />

chaleur <strong>de</strong> la vie céleste.<br />

10. Tout dép<strong>en</strong>d donc d'un amour du prochain librem<strong>en</strong>t cons<strong>en</strong>ti, sincère <strong>et</strong><br />

joyeux ; <strong>et</strong> la plus <strong>grand</strong>e abnégation possible, c'est la révélation même <strong>de</strong>s<br />

promesses. — Vous avez là la vraie réponse à la plus <strong>grand</strong>e question <strong>de</strong> la vie.<br />

Réfléchissez-y bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> agissez <strong>en</strong> conséqu<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> vous serez justifiés à vos<br />

propres yeux, aux yeux <strong>de</strong> vos frères <strong>et</strong> <strong>de</strong>vant Dieu ! Car ce que le Seigneur fait<br />

Lui-même à prés<strong>en</strong>t, les hommes <strong>de</strong>vront aussi le faire afin <strong>de</strong> Lui ressembler <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir ainsi Ses <strong>en</strong>fants. — Avez-vous compris tout cela ? »<br />

486


Chapitre 242<br />

De la vraie vie <strong>de</strong> l'esprit<br />

1. Quand Raphaël eut terminé ce discours inspiré par Moi, les trois hommes <strong>en</strong><br />

fur<strong>en</strong>t confondus d'étonnem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> Mathaël dit : « Oh, nous avons certes bi<strong>en</strong><br />

compris ces paroles véritablem<strong>en</strong>t sacrées, <strong>et</strong> nous avons aussi pleinem<strong>en</strong>t<br />

compris pour la première fois ce que David a voulu dire dans ses psaumes divins<br />

par ces mots : "Portes, levez vos frontons, ouvrez-vous, portails antiques, qu'il<br />

<strong>en</strong>tre, le roi <strong>de</strong> gloire !" Mais la réalisation vivante, où la trouver ?! Comm<strong>en</strong>t<br />

peut-on m<strong>et</strong>tre cela <strong>en</strong> pratique avec toute la chaleur <strong>de</strong> la vie ?<br />

2. Donner à un pauvre, on le fait sans doute déjà, <strong>et</strong> même sans regr<strong>et</strong>ter le peu<br />

que l'on a donné à c<strong>et</strong> être dans le besoin ; mais c'est bi<strong>en</strong> davantage la raison<br />

qu'un quelconque s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d'amour <strong>en</strong>vers le prochain qui vous y pousse ! Ô<br />

Dieu, que l'homme est loin du but avec sa raison <strong>et</strong> son froid jugem<strong>en</strong>t dépourvu<br />

<strong>de</strong> tout amour ! Celui qui donne à un pauvre avec un véritable amour fraternel du<br />

prochain <strong>et</strong> qui éprouve <strong>en</strong> outre une vraie joie pleine d'humilité d'avoir fait au<br />

nom <strong>de</strong> Dieu autant <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> que possible à ses frères <strong>et</strong> sœurs, celui qui ress<strong>en</strong>t<br />

constamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> lui le très vif désir d'<strong>en</strong> faire <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> davantage <strong>et</strong> qui<br />

s'efforce <strong>de</strong> r<strong>en</strong>dre ses frères <strong>et</strong> sœurs pauvres aussi heureux que possible par une<br />

extrême bi<strong>en</strong>veillance, par la parole <strong>et</strong> par les actes accomplis dans la joie, oh,<br />

comme son âme <strong>et</strong> son esprit sont incomparablem<strong>en</strong>t plus élevés <strong>de</strong>vant Dieu!<br />

Mais nous, où <strong>en</strong> sommes-nous <strong>en</strong>core avec nos cœurs durs <strong>et</strong> notre <strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

limité ?!<br />

3. Ô céleste ami, tu <strong>en</strong> as fait <strong>de</strong> belles avec ta question <strong>et</strong> la réponse que tu lui as<br />

toi-même donnée ! A prés<strong>en</strong>t, nous savons vraim<strong>en</strong>t ce que nous sommes <strong>et</strong> où<br />

nous <strong>en</strong> sommes ! Ô Seigneur, éveille nos cœurs <strong>et</strong> <strong>en</strong>flamme-les d'un véritable<br />

<strong>et</strong> vivace amour du prochain, sans quoi toute Ta doctrine <strong>de</strong> vie, si purem<strong>en</strong>t<br />

divine soit-elle, n'est plus qu'un vain jeu <strong>de</strong> mots esthétique <strong>et</strong> moral sans le<br />

moindre eff<strong>et</strong> !<br />

4. Et je vois aussi maint<strong>en</strong>ant tout ce qu'a été jusqu'ici le chemin <strong>de</strong> ma vie ; il<br />

était foncièrem<strong>en</strong>t fourvoyé dans ses moindres détours, <strong>et</strong> c'est pourquoi je ne<br />

pouvais atteindre à aucun but !<br />

5. C'est seulem<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant que je comm<strong>en</strong>ce à reconnaître le seul vrai<br />

chemin, <strong>et</strong> je sais désormais ce que sont les promesses <strong>et</strong> leur réalisation. Je sais<br />

ce qui me manque <strong>en</strong>core, ce qui manquera à ceux pour qui les promesses ne<br />

s'accompliront point alors même qu'ils auront embrassé la doctrine divine, <strong>et</strong><br />

comm<strong>en</strong>t il faudra les ram<strong>en</strong>er sur le droit chemin ; mais je compr<strong>en</strong>ds aussi qu'il<br />

me reste beaucoup à faire pour être moi-même parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> règle !<br />

6. Nous sommes certes, quant à nous, fort favorisés dans le domaine <strong>de</strong> la foi,<br />

puisque le Seigneur est ici parmi nous <strong>en</strong> personne <strong>et</strong> qu'il nous <strong>en</strong>seigne <strong>en</strong><br />

paroles <strong>et</strong> <strong>en</strong> actes — ainsi, le ciel tout <strong>en</strong>tier nous est ici <strong>grand</strong> ouvert, <strong>et</strong> les<br />

anges <strong>de</strong> Dieu nous <strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t la sagesse divine <strong>et</strong> l'ordre divin éternel <strong>de</strong> la vie ;<br />

mais la formation <strong>de</strong> nos cœurs nous est laissée tout <strong>en</strong>tière ! Pourtant, avec<br />

l'ai<strong>de</strong> du Seigneur, nous ferons quelque chose là aussi !<br />

487


7. Savoir est une chose, <strong>et</strong> ress<strong>en</strong>tir <strong>en</strong> est une autre. L'on peut accé<strong>de</strong>r au savoir<br />

même par le zèle le plus <strong>de</strong>sséché, <strong>et</strong> à la sagesse mondaine par l'expéri<strong>en</strong>ce ;<br />

mais le vrai s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>man<strong>de</strong> bi<strong>en</strong> autre chose que le savoir <strong>et</strong> l'expéri<strong>en</strong>ce !<br />

8. Un <strong>grand</strong> savoir ne r<strong>en</strong>d pas le cœur s<strong>en</strong>sible <strong>et</strong> ne lui donne pas toujours un<br />

bon vouloir, <strong>et</strong> l'expéri<strong>en</strong>ce peut nous r<strong>en</strong>dre avisés dans le mal comme dans le<br />

bi<strong>en</strong> ; seule une juste s<strong>en</strong>sibilité anime <strong>et</strong> ordonne toute chose <strong>et</strong> donne la paix <strong>et</strong><br />

la félicité. C'est pourquoi, lorsqu'on veut faire <strong>de</strong> l'homme un homme véritable, il<br />

faut dès le début <strong>de</strong> sa formation prêter att<strong>en</strong>tion à son cœur avant tout !<br />

9. Car si l'on ne travaille pas le cœur dès le comm<strong>en</strong>cem<strong>en</strong>t, mais seulem<strong>en</strong>t la<br />

raison, le cœur s'<strong>en</strong>durcit <strong>et</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>tôt orgueilleux, selon les exig<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> la<br />

raison ! Et une fois que le cœur <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t orgueilleux, il est bi<strong>en</strong> difficile <strong>de</strong><br />

transformer ses s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts ; il faut alors <strong>en</strong>voyer à ce cœur <strong>de</strong> véritables<br />

épreuves du feu, c'est-à-dire la détresse <strong>et</strong> la misère sous toutes ses formes, <strong>et</strong><br />

qu'il soit oppressé <strong>de</strong> toutes sortes <strong>de</strong> manières, pour qu'il puisse <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong>fin<br />

aussi t<strong>en</strong>dre qu'une cire malaxée, doux <strong>et</strong> s<strong>en</strong>sible à la détresse, à la misère <strong>et</strong> aux<br />

larmes du prochain !<br />

10. Nous te remercions, <strong>et</strong> à travers toi le Seigneur, pour c<strong>et</strong>te leçon ess<strong>en</strong>tielle<br />

grâce à laquelle je n'ai su qu'aujourd'hui ce que j'avais à faire pour tous les temps<br />

à v<strong>en</strong>ir, pour moi-même comme pour tous ceux qui recevront à travers moi la<br />

très belle <strong>et</strong> très pure lumière v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong> Dieu. »<br />

Chapitre 243<br />

Des principaux obstacles à l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s promesses<br />

1. Raphaël dit : « Nul remerciem<strong>en</strong>t, nul honneur ne m'est dû, mais au Seigneur<br />

<strong>et</strong> à Lui seul !<br />

2. Cep<strong>en</strong>dant, il est bon que vous ayez compris cela dans toute sa profon<strong>de</strong>ur !<br />

De la sorte, vous saurez toujours répondre à ceux qui vous diront : "Ami,<br />

jusqu'ici, j'ai assurém<strong>en</strong>t fait <strong>et</strong> cru tout ce que tu m'as <strong>en</strong>seigné ; mais à ce jour,<br />

aucun <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s promis ne s'est manifesté ! Que dois-je donc faire <strong>de</strong> plus ? J'ai<br />

r<strong>en</strong>oncé à la bonne doctrine <strong>de</strong> mes pères, où ils trouvèr<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t la<br />

consolation, les meilleurs avis <strong>et</strong> le secours nécessaire dans toutes sortes <strong>de</strong><br />

malheurs, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te nouvelle doctrine fait <strong>de</strong> moi comme <strong>de</strong> mon voisin un orphelin<br />

; nulle prière n'est plus <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due, nul sombre doute éclairci ! Où est donc ton<br />

Dieu <strong>de</strong> gloire, au nom duquel tu nous as promis tant <strong>de</strong> bonheur <strong>et</strong> d'autres<br />

merveilles ?!"<br />

3. Il te sera alors facile <strong>de</strong> leur répondre ainsi : "Ami, la faute n'<strong>en</strong> est pas à la<br />

doctrine, mais à ton manque <strong>de</strong> compréh<strong>en</strong>sion ! Tu as certes embrassé c<strong>et</strong>te<br />

doctrine par la raison <strong>et</strong> t'es même efforcé <strong>de</strong> t'y conformer strictem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> tu<br />

att<strong>en</strong>dais les avantages <strong>de</strong> l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la promesse ; mais tu n'as fait le<br />

bi<strong>en</strong> selon c<strong>et</strong>te doctrine que pour l'amour <strong>de</strong>s avantages <strong>de</strong> la promesse, <strong>et</strong> non<br />

pour l'amour du bi<strong>en</strong> ! Tu n'as agi que selon ta raison, mais jamais selon ton cœur<br />

! Celui-ci est resté <strong>en</strong> lui-même aussi dur <strong>et</strong> froid qu'avant que tu eusses<br />

embrassé la pure doctrine divine ; c'est bi<strong>en</strong> pourquoi ni par tes actes, ni par ta foi<br />

488


aveugle <strong>et</strong> morte, tu n'as obt<strong>en</strong>u que s'accompliss<strong>en</strong>t les promesses qui t'ont été<br />

faites !<br />

4. À prés<strong>en</strong>t, que ton cœur s'éveille ! Tout ce que tu fais, fais-le pour la vraie<br />

raison fondam<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> la vie ! Aime Dieu par-<strong>de</strong>ssus tout pour Lui-même, <strong>et</strong><br />

aime <strong>de</strong> même ton prochain !<br />

5. Fais le bi<strong>en</strong> pour l'amour du bi<strong>en</strong> <strong>et</strong> du fond du cœur, <strong>et</strong> ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pas si, à<br />

cause <strong>de</strong> ta foi ou à cause <strong>de</strong> ton acte, la promesse va bi<strong>en</strong> se réaliser ! Car c<strong>et</strong>te<br />

réalisation est le résultat <strong>de</strong> l'ar<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la foi <strong>et</strong> <strong>de</strong>s s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts dans ton cœur, <strong>et</strong><br />

d'actions motivées par la plus vive impulsion d'amour. Mais <strong>de</strong> la manière dont<br />

tu as cru <strong>et</strong> agi jusqu'ici, tu étais pareil à un homme qui a labouré <strong>et</strong> semé <strong>en</strong> rêve<br />

<strong>et</strong> qui, s'éveillant <strong>en</strong>suite, voudrait récolter ce qu'il a semé, mais ne trouverait ni<br />

le champ, ni la récolte.<br />

6. Le savoir, la foi <strong>et</strong> les actes d'un homme <strong>de</strong> raison ne sont qu'une vaine<br />

songerie sans aucune utilité pour la vie. L'homme doit pr<strong>en</strong>dre à cœur tout ce qui<br />

r<strong>en</strong>ferme la vie ; tout ce qu'il m<strong>et</strong> dans son cœur lèvera <strong>et</strong> portera les fruits<br />

promis.<br />

7. Celui qui ne saura pas ou ne voudra pas régler ainsi sa vie <strong>et</strong> qui sera<br />

égalem<strong>en</strong>t égoïste dans sa foi <strong>et</strong> ses p<strong>en</strong>sées, celui-là ne verra jamais l'accomplissem<strong>en</strong>t<br />

d'aucune promesse ; car c<strong>et</strong> accomplissem<strong>en</strong>t est le fruit <strong>de</strong> l'activité<br />

du cœur !"<br />

8. Quand vous répondrez ainsi à celui qui vous questionnera parce que votre<br />

promesse ne se sera pas accomplie, il vous laissera <strong>en</strong> paix <strong>et</strong> s'efforcera dès lors<br />

d'agir véritablem<strong>en</strong>t dans son cœur.<br />

9. Et s'il fait cela, il comm<strong>en</strong>cera alors à constater chez lui-même que la<br />

promesse <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong> Dieu n'est pas un vain mot ; mais s'il persiste à ne<br />

pr<strong>en</strong>dre conseil que <strong>de</strong> sa raison <strong>et</strong> à n'agir que selon elle, il ne pourra s'<strong>en</strong><br />

pr<strong>en</strong>dre qu'à lui-même s'il ne parvi<strong>en</strong>t pas à voir la promesse qui lui a été faite se<br />

réaliser dans sa vie terrestre — <strong>et</strong> bi<strong>en</strong> difficilem<strong>en</strong>t dans l'au-<strong>de</strong>là ! — Dites-moi<br />

si vous compr<strong>en</strong>ez bi<strong>en</strong> tout cela très profondém<strong>en</strong>t. »<br />

10. Philopold parle <strong>en</strong>fin lui aussi : « Ô céleste ami, qui ne le compr<strong>en</strong>drait ?<br />

Celui qui, comme toi, vit, p<strong>en</strong>se <strong>et</strong> ress<strong>en</strong>t surtout <strong>en</strong> son cœur compr<strong>en</strong>d fort<br />

aisém<strong>en</strong>t <strong>et</strong> clairem<strong>en</strong>t toutes les circonstances <strong>de</strong> la vie ; mais pour celui qui ne<br />

vit, ne p<strong>en</strong>se <strong>et</strong> ne ress<strong>en</strong>t que dans sa tête, toutes ces circonstances sont pour<br />

ainsi dire insignifiantes <strong>et</strong> dérisoires. — À prés<strong>en</strong>t, tout est parfaitem<strong>en</strong>t clair <strong>et</strong><br />

tangible ; mais je remarque que le jour comm<strong>en</strong>ce à poindre à l'est, <strong>et</strong> que l'étoile<br />

du matin est déjà bi<strong>en</strong> haute. Je crois donc que nous <strong>de</strong>vrions passer à autre<br />

chose ! »<br />

Chapitre 244<br />

Du libre arbitre d'un ange<br />

1. Murel dit : « Oui, oui, ce serait certes bel <strong>et</strong> bon, si l'on savait <strong>de</strong> quoi il faut<br />

parler ! Qu'<strong>en</strong> diriez-vous si notre cher ami v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s cieux nous parlait <strong>de</strong> l'étoile<br />

489


du matin ? Car si nous <strong>de</strong>vons <strong>en</strong>seigner l'œuvre vivante <strong>de</strong> Dieu, nous ne<br />

saurions trop connaître tout ce qui existe ! Nous allons avoir affaire à toutes<br />

sortes d'esprits qui nous questionneront sur toutes sortes <strong>de</strong> choses. Si nous ne<br />

sommes pas <strong>en</strong> mesure <strong>de</strong> leur fournir une explication satisfaisante, ils nous<br />

fuiront <strong>et</strong> se moqueront <strong>de</strong> nous ; mais si nous sommes toujours capables <strong>de</strong> leur<br />

donner une explication satisfaisante, ils nous écouteront aussi sur d'autres suj<strong>et</strong>s<br />

<strong>et</strong> accepteront notre Évangile ! Que répondrais-tu, Philopold, à celui qui te<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait ce qu'est l'étoile du matin ? »<br />

2. Philopold dit : « Ami, je lui ferais observer qu'il appr<strong>en</strong>dra tout cela par luimême<br />

<strong>et</strong> par ses perceptions intérieures s'il règle son exist<strong>en</strong>ce sur la doctrine <strong>de</strong><br />

salut v<strong>en</strong>ue <strong>de</strong>s cieux ; mais que s'il ne le fait pas, toutes mes explications ne lui<br />

serviront <strong>de</strong> ri<strong>en</strong>, parce qu'il ne pourra se convaincre <strong>de</strong> tout cela par lui-même.<br />

Car une croyance aveugle ne sert <strong>de</strong> toute façon à ri<strong>en</strong> à un homme ; s'il me croit<br />

aujourd'hui, un plus fort vi<strong>en</strong>dra <strong>de</strong>main qu'il croira sur parole, naturellem<strong>en</strong>t<br />

sans plus <strong>de</strong> profit pour sa vie que lorsqu'il m'avait cru la veille.<br />

3. C'est pourquoi l'homme doit être am<strong>en</strong>é à distinguer <strong>en</strong> lui-même la nature <strong>de</strong>s<br />

choses proches ou lointaines, à pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce d'elles <strong>et</strong> à les observer alors<br />

à la vive clarté <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te consci<strong>en</strong>ce intérieure. Lorsqu'il <strong>en</strong> arrivera à ce point, ce<br />

qui n'a ri<strong>en</strong> d'impossible, il n'aura plus besoin <strong>de</strong> nos leçons !<br />

4. Selon moi, nous <strong>en</strong> ferons assez si nous montrons à un homme un chemin droit<br />

<strong>et</strong> clair pour sa vie, car tout le reste ira <strong>en</strong>suite <strong>de</strong> soi, comme notre céleste ami<br />

nous l'a magnifiquem<strong>en</strong>t montré <strong>en</strong> disant qu'il suffit <strong>en</strong> quelque sorte <strong>de</strong> planter<br />

le bon fruit dans un champ pour qu'il continue <strong>en</strong>suite <strong>de</strong> croître <strong>et</strong> qu'il mûrisse<br />

<strong>de</strong> lui-même. Cep<strong>en</strong>dant, <strong>en</strong> ce qui nous concerne <strong>et</strong> pour notre fortification,<br />

l'<strong>en</strong>voyé du ciel peut bi<strong>en</strong> ouvrir nos yeux à la vision <strong>de</strong> l'étoile du matin, comme<br />

il ouvrit jadis les yeux du vieux Tobie avec le fiel d'un poisson ; car il me semble<br />

que c'est là le même Raphaël qui guida jadis le jeune Tobie ! »<br />

5. Mathaël dit : « Mais il se peut bi<strong>en</strong> que tu aies raison ! Les noms sont i<strong>de</strong>ntiques,<br />

la sagesse aussi, <strong>et</strong> notre céleste ami serait donc un véritable mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>s<br />

yeux, fort capable <strong>de</strong> nous donner quelque explication sur l'étoile du matin, s'il le<br />

veut <strong>et</strong> <strong>en</strong> a le droit ! Car chez lui, tout dép<strong>en</strong>d strictem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la volonté du<br />

Seigneur ; lui-même n'a pas <strong>de</strong> volonté propre comme nous <strong>en</strong> avons une, bi<strong>en</strong> à<br />

nous <strong>et</strong> parfaitem<strong>en</strong>t libre. »<br />

6. Là-<strong>de</strong>ssus, Raphaël observe : « Tu as fort bi<strong>en</strong> parlé ; cep<strong>en</strong>dant, ma volonté<br />

n'est <strong>en</strong> réalité pas si privée <strong>de</strong> liberté que tu l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds ! Je suis moi aussi un<br />

récipi<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> non une simple émanation <strong>de</strong> la volonté divine. Je s<strong>en</strong>s parfaitem<strong>en</strong>t<br />

ce que je veux, <strong>et</strong> <strong>en</strong>suite ce que veut le Seigneur.<br />

7. Seulem<strong>en</strong>t, je perçois la volonté du Seigneur plus aisém<strong>en</strong>t, plus sûrem<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

plus rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t que vous, les hommes, <strong>et</strong> subordonne alors instantaném<strong>en</strong>t <strong>et</strong><br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t ma volonté à celle du Seigneur, <strong>et</strong> c'est <strong>en</strong> cela que l'on peut dès lors<br />

tout aussi bi<strong>en</strong> me considérer comme une pure émanation <strong>de</strong> la volonté divine ;<br />

malgré cela, j'ai une volonté parfaitem<strong>en</strong>t libre <strong>et</strong> pourrais tout autant qu'un<br />

homme agir contre la volonté du Seigneur. Pourtant, cela ne saurait se produire,<br />

parce que, étant moi-même une lumière issue <strong>de</strong> la lumière divine originelle, je<br />

possè<strong>de</strong> un tel <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> sagesse que je reconnais trop bi<strong>en</strong> la justice éternelle <strong>et</strong><br />

490


immuable <strong>de</strong> la volonté divine comme étant le bi<strong>en</strong> suprême pour tous les<br />

hommes, les anges <strong>et</strong> les mon<strong>de</strong>s <strong>et</strong> n'exécute donc, <strong>de</strong> ma décision parfaitem<strong>en</strong>t<br />

propre, que la volonté divine si bi<strong>en</strong> reconnue par moi, <strong>et</strong> à laquelle je<br />

subordonne ainsi toujours absolum<strong>en</strong>t la mi<strong>en</strong>ne.<br />

8. C'est pourquoi, si vous voulez que je vous explique l'étoile du matin, appelée<br />

"Vénus" par les paï<strong>en</strong>s, je puis fort bi<strong>en</strong> le faire <strong>de</strong> ma propre volonté, si la<br />

volonté du Seigneur n'y est pas contraire ; car si cela était le cas, je ne voudrais<br />

certes pas vous donner c<strong>et</strong>te explication. Ainsi, quand je vous parle, je le fais<br />

égalem<strong>en</strong>t par ma connaissance <strong>et</strong> ma sagesse propres, qui cep<strong>en</strong>dant, bi<strong>en</strong> sûr,<br />

ne peuv<strong>en</strong>t être différ<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> la volonté divine, parce que seule la volonté divine<br />

brûle <strong>en</strong> moi <strong>et</strong> me déci<strong>de</strong> à agir <strong>et</strong> à parler. Ainsi donc, si vous voulez connaître<br />

la véritable nature <strong>de</strong> l'étoile du matin, je veux bi<strong>en</strong> vous faire le plaisir <strong>de</strong> vous<br />

la montrer. » Les trois dis<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble : « Fais-le, très gracieux ami v<strong>en</strong>u <strong>de</strong>s<br />

cieux ! »<br />

Chapitre 245<br />

Sur Vénus<br />

1. Là-<strong>de</strong>ssus, Raphaël leur imposa à chacun les mains <strong>en</strong> même temps sur le<br />

front <strong>et</strong> sur la poitrine, <strong>et</strong> aussitôt, tous trois se trouvèr<strong>en</strong>t par la vision <strong>de</strong> leur<br />

âme sur la planète Vénus, dont ils vir<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t le sol, les créatures <strong>et</strong> la<br />

disposition, <strong>et</strong> ils <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dir<strong>en</strong>t même parler les hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te planète, dans une<br />

réunion qui se t<strong>en</strong>ait précisém<strong>en</strong>t <strong>en</strong> l'honneur du <strong>grand</strong> Esprit <strong>de</strong>s esprits. Et<br />

voici ce qui se disait : « Ô hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te belle terre, créée par le <strong>grand</strong> Esprit à<br />

la mesure <strong>de</strong> son œil, nous sommes ici assemblés afin d'offrir à ce <strong>grand</strong> Esprit<br />

nos louanges <strong>et</strong> notre adoration ! Mais le <strong>grand</strong> Esprit est d'une puissance <strong>et</strong><br />

d'une sagesse suprêmes ; aussi ne pouvons-nous L'honorer qu'<strong>en</strong> nous montrant<br />

nous-mêmes sages comme Lui dans toutes nos actions. Or, la vraie sagesse<br />

consiste dans la plus <strong>grand</strong>e perfection <strong>de</strong> l'ordre ; <strong>et</strong> le <strong>de</strong>gré suprême <strong>de</strong> l'ordre,<br />

c'est l'harmonie <strong>de</strong>s proportions. Considérons-nous nous-mêmes, nous qui<br />

sommes le point culminant <strong>de</strong> toute la Création. Quelle régularité dans la<br />

structure <strong>de</strong> nos membres ! Combi<strong>en</strong> un œil est semblable à l'autre, une oreille à<br />

l'autre, une main à l'autre, un pied à l'autre ! Considérons notre forme : qui peut<br />

dire qu'il n'y a pas <strong>en</strong>tre nous la plus <strong>grand</strong>e ressemblance physiologique ?<br />

N'étai<strong>en</strong>t les différ<strong>en</strong>ces dans nos caractères <strong>et</strong> nos tempéram<strong>en</strong>ts, nous ne<br />

pourrions nous distinguer les uns <strong>de</strong>s autres !<br />

2. Nous concluons <strong>de</strong> cela, comme <strong>de</strong> bi<strong>en</strong> d'autres choses, que la sagesse du<br />

<strong>grand</strong> Esprit doit trouver sa plus <strong>grand</strong>e satisfaction dans l'harmonie la plus parfaite,<br />

aussi, observons la régularité la plus stricte dans tout ce que nous faisons <strong>et</strong><br />

édifions ! Que nul ne construise sa maison d'un cheveu plus <strong>grand</strong>e que celle <strong>de</strong><br />

son voisin ni ne lui donne une autre forme, <strong>et</strong> qu'il n'y m<strong>et</strong>te nulle part,<br />

extérieurem<strong>en</strong>t ou intérieurem<strong>en</strong>t, la moindre ligne droite ; car cela déplairait au<br />

<strong>grand</strong> Esprit, <strong>et</strong> Il ne bénirait point une maison sortant ainsi <strong>de</strong> l'ordre.<br />

3. Nous remarquons d'ailleurs qu'<strong>en</strong> toute créature, la forme ron<strong>de</strong> est celle que<br />

préfère le <strong>grand</strong> Esprit ; car plus une créature est accomplie, plus sa forme est <strong>de</strong><br />

491


même d'un arrondi parfait. C'est pourquoi nous <strong>de</strong>vons nous aussi donner une<br />

forme arrondie à tout ce que nous fabriquons ; car le <strong>grand</strong> Esprit y trouve la plus<br />

<strong>grand</strong>e satisfaction, ce qui est naturel, puisque nous qui avons été créés à Sa<br />

mesure <strong>et</strong> dotés <strong>de</strong> Ses s<strong>en</strong>s, nous ne trouvons nous-mêmes <strong>grand</strong> plaisir qu'aux<br />

formes arrondies. Arrondir comme il se doit tout ce que nous faisons est donc<br />

pour nous un comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t. Celui qui fabriquera sans nécessité <strong>et</strong> sans une<br />

permission <strong>en</strong> règle une chose anguleuse, voire pointue, s'attirera le<br />

mécont<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> la colère du <strong>grand</strong> Esprit !<br />

4. En outre, nous voyons que c'est incontestablem<strong>en</strong>t la belle couleur blanche,<br />

parfois légèrem<strong>en</strong>t rougie, qui doit être la plus agréable au <strong>grand</strong> Esprit, puisqu'il<br />

nous a donné c<strong>et</strong>te couleur, à nous qui sommes Ses créatures supérieures. Aussi<br />

<strong>de</strong>vons-nous respecter <strong>et</strong> choisir avant tout c<strong>et</strong>te couleur dans notre habillem<strong>en</strong>t<br />

<strong>et</strong> ne pas nous laisser <strong>en</strong>traîner à donner d'autres couleurs à nos vêtem<strong>en</strong>ts ; car<br />

cela aussi déplairait au <strong>grand</strong> Esprit !<br />

5. De même, nous ne <strong>de</strong>vons user <strong>de</strong> la ligne droite que là où elle est le plus<br />

nécessaire, tout comme le <strong>grand</strong> Esprit Lui-même n'use <strong>de</strong> la ligne droite que<br />

lorsqu'elle est absolum<strong>en</strong>t nécessaire ! Partout ailleurs, nous voyons <strong>de</strong>s courbes,<br />

<strong>et</strong> c'est pourquoi il est indisp<strong>en</strong>sable, si nous voulons être parfaits <strong>et</strong> semblables<br />

<strong>en</strong> tout au <strong>grand</strong> Esprit, que nous nous <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ions le plus strictem<strong>en</strong>t possible à<br />

c<strong>et</strong>te proportion <strong>et</strong> à c<strong>et</strong>te forme.<br />

6. Cep<strong>en</strong>dant, nous savons que nous ne pouvons y parv<strong>en</strong>ir tout à fait que par une<br />

connaissance achevée du calcul <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'art <strong>de</strong> mesurer. Aussi est-ce là <strong>en</strong>core le<br />

<strong>de</strong>voir le plus strict <strong>de</strong> chacun que <strong>de</strong> pratiquer avant tout c<strong>et</strong> art <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te sci<strong>en</strong>ce ;<br />

car sans eux, un homme se r<strong>en</strong>drait mille fois par jour haïssable <strong>et</strong> méprisable au<br />

<strong>grand</strong> Esprit ! Car le <strong>grand</strong> Esprit voit tout <strong>et</strong> mesure à chaque instant toute chose<br />

; là où Il observe quelque néglig<strong>en</strong>ce dans c<strong>et</strong> ordre qui seul Lui est agréable, Il<br />

lui soustrait Son regard <strong>et</strong> donc Sa bénédiction, sans laquelle ri<strong>en</strong> ne peut<br />

prospérer !<br />

7. Mais si nous sommes parfaitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> règle sur ces points ess<strong>en</strong>tiels, il va <strong>de</strong><br />

soi que nous serons égalem<strong>en</strong>t ordonnés dans nos p<strong>en</strong>sées <strong>et</strong> nos volontés ; car la<br />

parfaite harmonie extérieure <strong>en</strong> toute chose doit nécessairem<strong>en</strong>t avoir pour<br />

résultat l'harmonie intérieure <strong>de</strong> l'âme, qui est naturellem<strong>en</strong>t ce que le <strong>grand</strong><br />

Esprit considère avant tout.<br />

8. Comme l'orgueil <strong>et</strong> le funeste mépris <strong>de</strong>s autres ont tôt fait <strong>de</strong> s'introduire chez<br />

un homme, <strong>et</strong> avec eux la pauvr<strong>et</strong>é, la misère <strong>et</strong> le dénuem<strong>en</strong>t ! Seule la stricte<br />

observance <strong>de</strong> la juste mesure <strong>en</strong> toute chose éloignera toujours <strong>de</strong> nous ce mal,<br />

<strong>et</strong> si nous m<strong>en</strong>ons tous une vie heureuse, c'est qu'aucun <strong>de</strong> nous ne peut se croire<br />

supérieur à son prochain.<br />

9. Là où le <strong>grand</strong> Esprit Lui-même a ordonné une inégalité comme nécessaire,<br />

celle-ci ne nous porte aucun préjudice, mais ne peut que nous profiter. Ainsi,<br />

nous ne pouvons tous avoir le même âge. Cela est certes un défaut dans un ordre<br />

rigoureux ; mais ce défaut est parfaitem<strong>en</strong>t comp<strong>en</strong>sé par le <strong>grand</strong> Esprit, <strong>en</strong> ceci<br />

que, par sa richesse <strong>de</strong> connaissances <strong>et</strong> d'expéri<strong>en</strong>ces, l'âge r<strong>en</strong>d la jeunesse<br />

aussi riche qu'il l'est lui-même !<br />

10. Il existe ainsi d'autres inégalités semblables dans la régularité <strong>de</strong>s dispo-<br />

492


sitions du <strong>grand</strong> Esprit ; mais elles ne serv<strong>en</strong>t qu'à nous <strong>en</strong>seigner qu'à côté <strong>de</strong><br />

l'ordre suprême exist<strong>en</strong>t aussi <strong>de</strong>s désordres qui, bi<strong>en</strong> que permis, ne sont pas<br />

pour autant bénis, mais ne sont permis qu'afin que nous puissions, grâce à eux,<br />

reconnaître plus aisém<strong>en</strong>t le mal. Nul ne doit aller vêtu d'un habit déchiré, mais,<br />

s'il ne peut s'<strong>en</strong> faire un neuf, il doit <strong>en</strong> boucher aussitôt le trou à l'ai<strong>de</strong> d'un tissu<br />

semblable !<br />

11. Il a été observé plusieurs fois que <strong>de</strong>s personnes ayant un long chemin à faire<br />

usai<strong>en</strong>t d'un bâton pour se sout<strong>en</strong>ir. Cela est contraire à l'ordre <strong>et</strong> <strong>de</strong>vrait être<br />

évité ! Quant à celui qui aurait besoin d'un bâton à cause <strong>de</strong> son âge, qu'il <strong>en</strong><br />

pr<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>ux tout à fait pareils, un dans chaque main, pour les besoins <strong>de</strong> la<br />

symétrie, afin <strong>de</strong> ne pas perdre les bonnes grâces du <strong>grand</strong> Esprit !<br />

12. Il a égalem<strong>en</strong>t été remarqué que certains donnai<strong>en</strong>t à leur jardin une autre<br />

disposition <strong>et</strong> l'arrangeai<strong>en</strong>t autrem<strong>en</strong>t que ne sont arrangés les beaux jardins <strong>de</strong><br />

leurs voisins amis <strong>de</strong> l'ordre. Outre que le <strong>grand</strong> Esprit n'y trouve aucun plaisir,<br />

cela pourrait être une source d'<strong>en</strong>vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> jalousie <strong>en</strong>tre vous, ce qui serait certes<br />

particulièrem<strong>en</strong>t abominable aux yeux du <strong>grand</strong> Esprit ! Aussi, faites toujours <strong>en</strong><br />

sorte qu'un ordre i<strong>de</strong>ntique règne dans vos jardins <strong>et</strong> vos champs ! L'œil du <strong>grand</strong><br />

Esprit trouve <strong>grand</strong> plaisir à voir les jardins <strong>et</strong> les champs ainsi jolim<strong>en</strong>t<br />

ordonnés, <strong>et</strong> Il ne manque pas alors <strong>de</strong> les bénir.<br />

13. Dans vos maisons égalem<strong>en</strong>t, respectez un ordre tel que si un voisin <strong>en</strong>tre<br />

dans la maison d'un autre, elle ne lui apparaisse pas comme étrangère, mais qu'il<br />

s'y s<strong>en</strong>te tout à fait chez lui ! C'est aussi une chose que le <strong>grand</strong> Esprit considère<br />

avec le plus <strong>grand</strong> plaisir ; car vous n'êtes tous à Ses yeux qu'une seule famille, <strong>et</strong><br />

ne <strong>de</strong>vez donc jamais <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir <strong>de</strong>s étrangers les uns pour les autres.<br />

14. Et même si quelqu'un v<strong>en</strong>ait chez nous <strong>de</strong> l'autre bout du mon<strong>de</strong>, il faudrait<br />

pourtant que tout lui apparaisse comme s'il était dans sa patrie <strong>et</strong> dans sa propre<br />

maison ! Le <strong>grand</strong> Esprit aime à voir <strong>de</strong> telles choses <strong>et</strong> ne manque pas <strong>de</strong> les<br />

bénir.<br />

15. Il est vrai qu'au bord d'une certaine mer, quelques-uns ont <strong>en</strong>trepris <strong>de</strong> bâtir<br />

d'étranges édifices pour orner la contrée ; mais le <strong>grand</strong> Esprit n'y trouve aucun<br />

plaisir. Et ce qui ne plaît point au <strong>grand</strong> Esprit, nous ne <strong>de</strong>vons pas davantage y<br />

pr<strong>en</strong>dre plaisir !<br />

16. Soignez <strong>et</strong> traitez bi<strong>en</strong> les animaux domestiques ; car ils sont eux aussi<br />

l'œuvre du <strong>grand</strong> Esprit, <strong>et</strong> <strong>de</strong>stinés à vous servir. Ce sont <strong>de</strong>s instrum<strong>en</strong>ts vivants<br />

qui nous sont utiles, <strong>et</strong> c'est pourquoi nous <strong>de</strong>vons <strong>en</strong> avoir un <strong>grand</strong> respect.<br />

17. De même, nul ne doit détruire sans raison une plante, si p<strong>et</strong>ite soit-elle ; car<br />

ce serait manquer <strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong> <strong>en</strong>vers le <strong>grand</strong> Esprit, <strong>et</strong> nous ne pourrions plus<br />

compter sur Sa grâce. Cep<strong>en</strong>dant, les chemins doiv<strong>en</strong>t rester n<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> vous ne<br />

<strong>de</strong>vez y laisser pousser aucune herbe, afin qu'elle ne soit point piétinée <strong>et</strong> gênée<br />

dans sa croissance ! Faites tout cela très exactem<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> vous ne connaîtrez jamais<br />

aucun souci !<br />

18. Considérez mes paroles comme la volonté, qui m'a été révélée pour vous, du<br />

<strong>grand</strong> Esprit très sage <strong>et</strong> tout-puissant, <strong>et</strong> conformez-vous strictem<strong>en</strong>t à elles, <strong>et</strong><br />

vous serez heureux ici-bas, <strong>et</strong> bi<strong>en</strong>heureux un jour dans c<strong>et</strong> autre mon<strong>de</strong> dont les<br />

493


âmes <strong>de</strong> ceux qui nous ont quittés dis<strong>en</strong>t qu'il est beau <strong>et</strong> magnifique au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

toute expression, <strong>et</strong> où nous aurons aussi bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t l'occasion d'apercevoir le<br />

<strong>grand</strong> Esprit <strong>et</strong> Ses lumineux serviteurs.<br />

19. Et pour conclure, je dois aussi vous faire part <strong>de</strong> ce qu’un esprit clairvoyant<br />

m'avait déjà annoncé une fois il y a longtemps <strong>et</strong> qu'il m'a <strong>de</strong> nouveau annoncé,<br />

c<strong>et</strong>te fois d'une manière bi<strong>en</strong> plus certaine. Vous voyez sans doute, la nuit, c<strong>et</strong>te<br />

<strong>grand</strong>e étoile brillante accompagnée d'une autre plus p<strong>et</strong>ite. Vous ne connaissez<br />

que trop bi<strong>en</strong> la belle <strong>et</strong> lumineuse Kapra (c'est ainsi que les Vénusi<strong>en</strong>s nomm<strong>en</strong>t<br />

c<strong>et</strong>te terre) ; mais vous ne savez pas, vous tous, ce qu'est c<strong>et</strong>te Kapra. Je ne le<br />

savais pas moi-même auparavant. Mais l'esprit me l'a dit, <strong>et</strong> il m'a montré dans<br />

une sorte <strong>de</strong> rêve que c<strong>et</strong>te Kapra est un mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> une terre aussi <strong>grand</strong>e que<br />

celle qui nous porte.<br />

20. La p<strong>et</strong>ite étoile qui accompagne constamm<strong>en</strong>t Kapra est elle aussi une terre,<br />

mais s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t plus p<strong>et</strong>ite que Kapra elle-même. C<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite terre est très<br />

froi<strong>de</strong>, <strong>et</strong> la moitié <strong>en</strong> est parfaitem<strong>en</strong>t vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> créatures.<br />

21. Mais sur la <strong>grand</strong>e Kapra, l'esprit m'a montré un homme <strong>en</strong> disant : "Vois,<br />

c'est là le Seigneur ! En Lui rési<strong>de</strong> la totalité du <strong>grand</strong> Esprit éternel. Désormais,<br />

c<strong>et</strong> Esprit, sous une forme humaine très parfaite, sera accessible à toutes Ses<br />

créatures douées <strong>de</strong> raison comme un homme l'est à un autre. Quant aux hommes<br />

<strong>de</strong> Kapra, ils sont pour la plupart comme Ses <strong>en</strong>fants, <strong>et</strong> une <strong>grand</strong>e force divine<br />

leur sera conférée à tous s’ils accompliss<strong>en</strong>t la volonte <strong>de</strong> c<strong>et</strong> homme d'<strong>en</strong>tre les<br />

hommes ; mais ceux qui n'accompliront pas Sa volonté <strong>de</strong>meureront ignorants <strong>et</strong><br />

faibles <strong>et</strong> ne seront pas reçus comme Ses <strong>en</strong>fants, mais, telles <strong>de</strong>s âmes animales,<br />

<strong>de</strong>meureront <strong>de</strong>s bêtes aussi longtemps qu'ils n'auront pas fait parfaitem<strong>en</strong>t leur<br />

la volonté du <strong>grand</strong> Esprit qui <strong>de</strong>meure dans c<strong>et</strong> homme unique !"<br />

22. C'est pourquoi nous, les hommes, nous <strong>de</strong>vons avoir un respect particulier<br />

pour c<strong>et</strong>te belle <strong>et</strong> lumineuse Kapra. Mais nous <strong>de</strong>vons aussi aimer le <strong>grand</strong><br />

Esprit, qui <strong>de</strong>meure à prés<strong>en</strong>t sur c<strong>et</strong>te Kapra <strong>en</strong> tant qu'homme parfait, comme<br />

chez nous une femme aime son mari <strong>et</strong> un <strong>en</strong>fant ses père <strong>et</strong> mère, <strong>et</strong> c'est ainsi<br />

qu'un jour, il nous sera donné à nous aussi <strong>de</strong> voir le <strong>grand</strong> Esprit <strong>et</strong> <strong>de</strong> Lui parler<br />

comme à un homme — ce qui <strong>de</strong>vrait fort accroître la félicité qui nous att<strong>en</strong>d<br />

dans l'au-<strong>de</strong>là ; oui, l'esprit qui m'a appris cela a même dit qu'il ne <strong>de</strong>vrait pas<br />

être impossible à beaucoup d'hommes <strong>de</strong> notre terre <strong>de</strong> <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir les égaux <strong>de</strong>s<br />

<strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Kapra.<br />

23. Puisque c'est votre maître <strong>et</strong> votre gui<strong>de</strong>, toujours parfaitem<strong>en</strong>t véridique, qui<br />

vous a appris cela, croyez-le <strong>et</strong> témoignez du respect dans vos cœurs à c<strong>et</strong>te<br />

étoile, afin que sa lumière fasse rayonner vers nous <strong>en</strong> abondance la bénédiction<br />

<strong>et</strong> la grâce ! »<br />

Chapitre 246<br />

Des avantages <strong>de</strong> l'ordre vénusi<strong>en</strong><br />

1. Comme ce maître <strong>et</strong> gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> la planète Vénus achevait d'annoncer ces choses<br />

à sa communauté, Raphaël réveilla les trois hommes. Entre-temps, cep<strong>en</strong>dant, il<br />

494


s'était mis à faire <strong>grand</strong> jour, <strong>et</strong> il ne s'<strong>en</strong> fallait pas d'une heure que le soleil ne se<br />

levât. Mathaël s'émerveilla <strong>grand</strong>em<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ce qu'il v<strong>en</strong>ait <strong>de</strong> voir dans un rêve<br />

particulièrem<strong>en</strong>t vivace. Il raconta son rêve, <strong>et</strong> les <strong>de</strong>ux autres, Murel <strong>et</strong><br />

Philopold, s'émerveillèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core davantage, parce qu'ils avai<strong>en</strong>t vu <strong>et</strong> <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du<br />

exactem<strong>en</strong>t la même chose que Mathaël dans son rêve.<br />

2. Raphaël leur dit : « Eh bi<strong>en</strong>, comm<strong>en</strong>t avez-vous trouvé l'étoile du matin ? »<br />

3. Mathaël dit : « Ah, si, comme je n'<strong>en</strong> doute plus du tout, c'était bi<strong>en</strong> là l'étoile<br />

du matin, elle me plaît fort, <strong>et</strong> ces hommes, avec leur doctrine <strong>et</strong> leur strict<br />

respect <strong>de</strong> l'harmonie, ne sont pas du tout stupi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> doiv<strong>en</strong>t avoir une <strong>grand</strong>e<br />

pur<strong>et</strong>é <strong>de</strong> mœurs ; car pécher dans <strong>de</strong> telles conditions est tout simplem<strong>en</strong>t<br />

impossible ! Cep<strong>en</strong>dant, une telle vie me serait d'un <strong>en</strong>nui intolérable ; une<br />

uniformité éternelle, pas <strong>de</strong> progrès, c'est là une vie d'amphibi<strong>en</strong> ! Il est clair<br />

qu'un Vénusi<strong>en</strong>, comme un escargot, n'a qu'un seul <strong>et</strong> unique besoin, <strong>et</strong> tout ce<br />

qui le dépasse ne concerne plus ni l'un ni l'autre. Non, ami Raphaël, l'étoile du<br />

matin brille sans doute d'un bel éclat, <strong>et</strong>, vue <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, elle est d'une<br />

spl<strong>en</strong><strong>de</strong>ur peu commune ; mais <strong>en</strong> tant que mon<strong>de</strong> porteur d'êtres humains <strong>et</strong><br />

d'autres créatures, elle ne me plaît assurém<strong>en</strong>t pas du tout !<br />

4. Il est certes bi<strong>en</strong> vrai que l'état d'esprit qui règne parmi les hommes <strong>de</strong> ce<br />

mon<strong>de</strong> ne perm<strong>et</strong>tra jamais qu'y éclate la moindre guerre, puisqu'il ne peut <strong>en</strong><br />

aucun cas y être question <strong>de</strong> péché ; pourtant, je préfère <strong>de</strong> beaucoup un <strong>grand</strong><br />

pécheur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre à l'un <strong>de</strong> ces Vénusi<strong>en</strong>s, malgré toute leur pur<strong>et</strong>é <strong>de</strong> mœurs<br />

! D'ailleurs, une telle pur<strong>et</strong>é ne peut avoir aucune valeur, parce qu'elle ne laisse<br />

pas place au perfectionnem<strong>en</strong>t spirituel ; car si un homme <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te étoile du<br />

matin pouvait parfaire son esprit, c<strong>et</strong>te symétrie du comportem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong><br />

l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s hommes le plongerait dans le plus compl<strong>et</strong> désespoir, parce que,<br />

tout <strong>en</strong> se s<strong>en</strong>tant poussé à avancer, il serait forcé <strong>de</strong> ne pas plus bouger qu'un<br />

arbre !<br />

5. Un homme <strong>de</strong> Vénus spirituellem<strong>en</strong>t accompli serait donc pareil à un arbre<br />

capable <strong>de</strong> p<strong>en</strong>ser <strong>et</strong> <strong>de</strong> désirer, mais contraint <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer fixé au sol par ses<br />

racines !<br />

6. Dis-nous, cher ami, les Vénusi<strong>en</strong>s n'ont-ils donc vraim<strong>en</strong>t aucun esprit, aucun<br />

amour, aucun libre arbitre, aucun désir ? ! Ils doiv<strong>en</strong>t pourtant bi<strong>en</strong> savoir p<strong>en</strong>ser<br />

<strong>et</strong> compter, puisque leur maître leur a recommandé <strong>de</strong> pratiquer très<br />

scrupuleusem<strong>en</strong>t l'arithmétique ; <strong>et</strong> s'ils peuv<strong>en</strong>t faire cela, il faut donc bi<strong>en</strong> que<br />

quelque progrès spirituel soit concevable chez eux ! »<br />

7. L'ange dit : « Assurém<strong>en</strong>t — mais ils veul<strong>en</strong>t un progrès uniquem<strong>en</strong>t intérieur,<br />

qui ne paraisse point à l'extérieur ; car ils dis<strong>en</strong>t <strong>et</strong> profess<strong>en</strong>t qu'un progrès<br />

visible extérieurem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trave celui <strong>de</strong> l'esprit, qui est intérieur. Il faut donc,<br />

dis<strong>en</strong>t-ils, que toutes les choses extérieures soi<strong>en</strong>t aussi stéréotypées <strong>et</strong> indiffér<strong>en</strong>ciées<br />

que possible, que l'on fasse <strong>en</strong> sorte qu'elles satisfass<strong>en</strong>t les besoins<br />

corporels — mais que l'on ne fasse alors plus un pas au-<strong>de</strong>là, car tout progrès<br />

dans le domaine matériel <strong>et</strong> extérieur est une régression dans celui, intérieur, <strong>de</strong><br />

l'esprit.<br />

8. Chez les hommes qui cultiv<strong>en</strong>t par trop l'extérieur, c'est une barbarie tout à fait<br />

sans scrupules qui règne à l'intérieur. Jamais <strong>en</strong>core, chez un peuple, la paisible<br />

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supériorité intérieure <strong>de</strong> l'esprit n'a poussé à la guerre un voisin <strong>en</strong>vieux ; mais<br />

chaque fois qu'un peuple a étalé au <strong>grand</strong> jour, par <strong>de</strong>s œuvres extérieures faciles<br />

à réaliser, sa <strong>grand</strong>eur spirituelle intérieure, il a aussitôt éveillé la jalousie d'un<br />

peuple voisin, <strong>et</strong> c'était le début <strong>de</strong> la guerre ! Les Vénusi<strong>en</strong>s <strong>en</strong> sont-ils pour<br />

autant plus mal lotis que les hommes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, si cela n'arrive jamais <strong>et</strong> ne<br />

peut arriver chez eux ?<br />

9. Là-bas, un homme n'a absolum<strong>en</strong>t aucun avantage extérieur, ni par sa forme,<br />

ni par son vêtem<strong>en</strong>t ou sa <strong>de</strong>meure ; c'est pourquoi tout y est apprécié<br />

uniquem<strong>en</strong>t selon sa valeur intérieure. Grâce à une éducation i<strong>de</strong>ntique du corps,<br />

tous ont une forme extérieure parfaitem<strong>en</strong>t semblable, qu'une vêture i<strong>de</strong>ntique<br />

chez tous fait paraître <strong>en</strong>core plus semblable aux autres qu'elle ne l'est <strong>en</strong> réalité.<br />

10. Des hommes que ne dévor<strong>en</strong>t pas toutes sortes <strong>de</strong> passions auront <strong>de</strong>s<br />

physionomies aussi semblables que <strong>de</strong>s frères <strong>et</strong> <strong>de</strong>s sœurs. À l'inverse, plus les<br />

formes extérieures <strong>de</strong>s hommes sont différ<strong>en</strong>tes <strong>en</strong>tre elles, plus cela est le signe<br />

d'une dissipation intérieure, parce que tout ce qui était intérieur s'est consacré aux<br />

aspirations extérieures, qui ne peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aucun cas être i<strong>de</strong>ntiques, parce que s'y<br />

attach<strong>en</strong>t l'avidité insatiable <strong>de</strong>s hommes, leur <strong>en</strong>vie, leur jalousie, leur orgueil,<br />

leur superbe, leur arrogance <strong>et</strong> leur désir <strong>de</strong> pouvoir.<br />

11. Si tu portes un manteau vert, ton voisin un bleu <strong>et</strong> un troisième un rouge,<br />

vous comm<strong>en</strong>cerez bi<strong>en</strong>tôt à disputer <strong>et</strong> à vous quereller à propos <strong>de</strong> la supériorité<br />

<strong>de</strong> l'une ou <strong>de</strong> l'autre couleur ; mais si vous avez tous trois un manteau <strong>de</strong> la<br />

même forme <strong>et</strong> d'une couleur unique, il ne vous vi<strong>en</strong>dra pas à l'idée, même <strong>en</strong><br />

songe, d'<strong>en</strong>gager une querelle stupi<strong>de</strong> <strong>et</strong> insignifiante sur le plus ou moins <strong>grand</strong><br />

mérite <strong>de</strong>s couleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>s formes, <strong>et</strong> vous aurez <strong>en</strong>core du temps pour parler <strong>de</strong><br />

meilleurs suj<strong>et</strong>s.<br />

12. Vous avez remarqué sur Vénus la parfaite ressemblance <strong>de</strong> tous les hommes<br />

que vous avez vus, ainsi que <strong>de</strong> leurs physionomies. Les hommes étai<strong>en</strong>t aussi<br />

semblables <strong>en</strong>tre eux <strong>et</strong> les femmes ou les jeunes filles <strong>en</strong>tre elles qu'un œil<br />

ressemble à l'autre ; partout, la même forme, mais une forme parfaitem<strong>en</strong>t belle<br />

<strong>et</strong> accomplie, cela aussi est fort bon.<br />

13. Sur c<strong>et</strong>te terre, il n'est pas rare que la disparité <strong>de</strong>s formes, selon leur <strong>de</strong>gré<br />

supposé <strong>de</strong> plus ou moins <strong>grand</strong>e beauté, soit une cause <strong>de</strong> discor<strong>de</strong>, d'amour, <strong>de</strong><br />

haine, <strong>de</strong> mépris, ou d'une préfér<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> d'une inclination excessives pour une<br />

appar<strong>en</strong>ce extérieure ; sur Vénus, il n'y a pas trace <strong>de</strong> tout cela. Les hommes ne<br />

s'y aim<strong>en</strong>t que selon leur <strong>de</strong>gré intérieur <strong>de</strong> sagesse ; plus une personne sait parler<br />

<strong>de</strong> la bonté, <strong>de</strong> la puissance <strong>et</strong> <strong>de</strong> la sagesse du <strong>grand</strong> Esprit, plus elle est<br />

douce <strong>et</strong> humble, plus elle est estimée <strong>et</strong> respectée <strong>de</strong> sa communauté ! — Ditesmoi<br />

si ce n'est pas là une disposition parfaitem<strong>en</strong>t sage <strong>de</strong> la part du Seigneur. »<br />

14. Mathaël dit : « Assurém<strong>en</strong>t, <strong>et</strong> je voudrais maint<strong>en</strong>ant qu'une semblable<br />

organisation existât sur c<strong>et</strong>te terre ! — Mais voici que le Seigneur Se lève, <strong>et</strong> tous<br />

avec Lui ! À prés<strong>en</strong>t, il s'agit d'ouvrir les yeux <strong>et</strong> les oreilles, car il va sans doute<br />

se passer quelque chose ! — Peut-être les neuf noyés ?! »<br />

Fin <strong>de</strong> la troisième partie<br />

496


TABLE DES MATIÈRES<br />

Chapitre Page<br />

Chapitre premier .................................................................................................3<br />

De l'oracle <strong>de</strong> Delphes<br />

Jésus dans la région <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe<br />

Matthieu, chap. 16 (suite)<br />

Chapitre 2 .............................................................................................................4<br />

Des apparitions d'êtres supérieurs<br />

Chapitre 3 .............................................................................................................5<br />

Sur la <strong>de</strong>stinée <strong>et</strong> l'évolution <strong>de</strong> l'homme<br />

Chapitre 4 .............................................................................................................8<br />

Mesures prises par le Seigneur au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s brigands<br />

Chapitre 5 .............................................................................................................9<br />

Avertissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Jules aux Pharisi<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 6 ...........................................................................................................12<br />

Échange <strong>de</strong> vues <strong>en</strong>tre Jules <strong>et</strong> les Pharisi<strong>en</strong>s au suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Jésus<br />

Chapitre 7 ...........................................................................................................14<br />

Le Pharisi<strong>en</strong> témoigne <strong>de</strong>s croyances imposées par le Temple<br />

Chapitre 8 ...........................................................................................................16<br />

Ce que le Seigneur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à ceux qu'il accepte pour disciples<br />

Chapitre 9 ...........................................................................................................17<br />

Des avantages du r<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t à soi-même<br />

Chapitre 10 .........................................................................................................19<br />

Des maux <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drés par les besoins matériels<br />

Chapitre 11 .........................................................................................................20<br />

De la cause du Déluge<br />

Chapitre 12 .........................................................................................................21<br />

497


Indications pour la mission<br />

Chapitre 13 .........................................................................................................23<br />

Noé <strong>et</strong> l'Arche<br />

Chapitre 14 .........................................................................................................24<br />

Comm<strong>en</strong>t il faut considérer <strong>et</strong> utiliser les richesses terrestres<br />

Chapitre 15 .........................................................................................................26<br />

De la bonne voie pour atteindre le but <strong>de</strong> la perfection humaine<br />

Chapitre 16 .........................................................................................................28<br />

De l'élévation <strong>de</strong> Jésus<br />

Chapitre 17 .........................................................................................................29<br />

De la puissance <strong>de</strong> la volonté du Seigneur <strong>et</strong> <strong>de</strong> la liberté <strong>de</strong> l'âme humaine<br />

Chapitre 18 .........................................................................................................32<br />

Une transcription <strong>de</strong>s paroles du Seigneur<br />

Chapitre 19 .........................................................................................................33<br />

Sur le Cantique <strong>de</strong>s Cantiques<br />

Chapitre 20 .........................................................................................................36<br />

Réflexions <strong>de</strong>s convives au repas du matin<br />

Chapitre 21 .........................................................................................................39<br />

La guérison <strong>de</strong>s cinq bandits possédés<br />

Chapitre 22 .........................................................................................................41<br />

Propos désespérés <strong>de</strong>s possédés<br />

Chapitre 23 .........................................................................................................44<br />

De l'étrange état <strong>de</strong> l'âme <strong>de</strong>s possédés guéris<br />

Chapitre 24 .........................................................................................................46<br />

Des différ<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre les âmes pour les clairvoyants<br />

Chapitre 25 .........................................................................................................48<br />

De la philosophie naturelle <strong>de</strong> Mathaël<br />

498


Chapitre 26 .........................................................................................................50<br />

Propos sur la lutte dans la nature<br />

Chapitre 27 .........................................................................................................52<br />

Mathaël parle <strong>de</strong> la vie intérieure <strong>de</strong> Cyrénius<br />

Chapitre 28 .........................................................................................................54<br />

Mathaël parle <strong>de</strong> Dieu<br />

Chapitre 29 .........................................................................................................55<br />

Propos <strong>de</strong> Cyrénius sur la sagesse <strong>et</strong> réponse <strong>de</strong> Mathaël<br />

Chapitre 30 .........................................................................................................57<br />

Jésus r<strong>en</strong>voie Cyrénius aux paroles <strong>de</strong> Mathaël<br />

Chapitre 31 .........................................................................................................59<br />

Mathaël parle du chemin pour accé<strong>de</strong>r à la vraie vie<br />

Chapitre 32 .........................................................................................................60<br />

De l'unité <strong>de</strong> la vie éternelle<br />

Chapitre 33 .........................................................................................................62<br />

Une prophétie <strong>de</strong> Mathaël<br />

Chapitre 34 .........................................................................................................64<br />

Les cinq possédés guéris <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt qu'on leur désigne Jésus<br />

Chapitre 35 .........................................................................................................66<br />

Jésus, héros du combat contre la mort<br />

Chapitre 36 .........................................................................................................67<br />

Paroles du Seigneur sur la vraie vénération <strong>de</strong> Dieu<br />

Chapitre 37 .........................................................................................................68<br />

Jules hésite à interroger les autres criminels<br />

Chapitre 38 .........................................................................................................69<br />

Jules interroge les criminels<br />

Chapitre 39 .........................................................................................................72<br />

499


Suétal parle du Temple <strong>et</strong> du Sauveur <strong>de</strong> Nazar<strong>et</strong>h<br />

Chapitre 40 .........................................................................................................75<br />

Sur la raison <strong>de</strong> la v<strong>en</strong>ue <strong>en</strong> Galilée <strong>de</strong>s accusés<br />

Chapitre 41 .........................................................................................................77<br />

Mathaël conte ses tribulations <strong>et</strong> sa guérison<br />

Chapitre 42 .........................................................................................................79<br />

De l'esprit <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'âme<br />

Chapitre 43 .........................................................................................................81<br />

De la vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> la mort<br />

Chapitre 44 .........................................................................................................82<br />

Le Seigneur règle le sort <strong>de</strong>s prisonniers<br />

Chapitre 45 .........................................................................................................84<br />

Récit <strong>de</strong> la guérison d'un goutteux sur la prairie bénie<br />

Chapitre 46 .........................................................................................................87<br />

Suétal parle <strong>de</strong> la r<strong>en</strong>ommée du Sauveur<br />

Chapitre 47 .........................................................................................................89<br />

Discussion <strong>de</strong> Mathaël <strong>et</strong> <strong>de</strong> Suétal à propos <strong>de</strong>s remontrances<br />

Chapitre 48 .........................................................................................................91<br />

Paroles <strong>de</strong> Mathaël sur la loi <strong>et</strong> l'amour<br />

Chapitre 49 .........................................................................................................93<br />

Mathaël explique le buisson ar<strong>de</strong>nt<br />

Chapitre 50 .........................................................................................................95<br />

Doutes <strong>de</strong>s douze sur la personne du Sauveur<br />

Chapitre 51 .........................................................................................................98<br />

Considérations sur la divinité supposée du Nazaré<strong>en</strong><br />

Chapitre 52 .........................................................................................................99<br />

Discussion <strong>en</strong>tre Suétal <strong>et</strong> Ribar sur la preuve miraculeuse <strong>de</strong> Raphaël<br />

500


Chapitre 53 .......................................................................................................103<br />

Les principes <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong> Jésus<br />

Chapitre 54 .......................................................................................................105<br />

Ribar souhaite un second miracle<br />

Chapitre 55 .......................................................................................................106<br />

De la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre le prodige <strong>de</strong> Raphaël <strong>et</strong> ceux <strong>de</strong>s magici<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 56 .......................................................................................................108<br />

Opinion <strong>de</strong> Suétal <strong>et</strong> <strong>de</strong> Ribar sur Jésus<br />

Chapitre 57 .......................................................................................................111<br />

Le Seigneur prom<strong>et</strong> à Suétal <strong>et</strong> à Ribar <strong>de</strong> leur désigner le Sauveur<br />

Chapitre 58 .......................................................................................................113<br />

Raphaël <strong>et</strong> les poissons<br />

Chapitre 59 .......................................................................................................115<br />

Des remontrances bonnes <strong>et</strong> mauvaises<br />

Chapitre 60 .......................................................................................................117<br />

Suétal se révèle comme un bavard<br />

Chapitre 61 .......................................................................................................119<br />

Leçon <strong>de</strong> Raphaël sur le recueillem<strong>en</strong>t intérieur<br />

Chapitre 62 .......................................................................................................120<br />

De la sagesse mondaine <strong>de</strong> Risa<br />

Chapitre 63 .......................................................................................................123<br />

Hébram montre à Risa son erreur<br />

Chapitre 64 .......................................................................................................126<br />

De l'ordonnance divine <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>t<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t du mon<strong>de</strong><br />

Chapitre 65 .......................................................................................................127<br />

Le Seigneur donne <strong>de</strong>s conseils aux novices<br />

Chapitre 66 .......................................................................................................129<br />

501


Discours du Seigneur sur les règles sexuelles<br />

Chapitre 67 .......................................................................................................131<br />

Cas d'exception dans les relations sexuelles<br />

Chapitre 68 .......................................................................................................132<br />

Du commerce charnel coupable<br />

Chapitre 69 .......................................................................................................133<br />

Des mesures à pr<strong>en</strong>dre pour l'am<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s débauchés<br />

Chapitre 70 .......................................................................................................135<br />

Des cas justifiés <strong>de</strong> divorce<br />

Chapitre 71 .......................................................................................................136<br />

Règles <strong>de</strong> conduite pour les g<strong>en</strong>s mariés <strong>et</strong> les juges<br />

Chapitre 72 .......................................................................................................138<br />

De la mise à l'épreuve <strong>de</strong>s fiancés<br />

Chapitre 73 .......................................................................................................140<br />

Raphaël transcrit le discours du Seigneur sur la vie sexuelle<br />

Chapitre 74 .......................................................................................................142<br />

Suétal est impati<strong>en</strong>t <strong>et</strong> curieux <strong>de</strong> voir le Seigneur<br />

Chapitre 75 .......................................................................................................144<br />

Suétal s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>t avec Ribar <strong>de</strong> l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Raphaël<br />

Chapitre 76 .......................................................................................................145<br />

Ribar press<strong>en</strong>t la prés<strong>en</strong>ce du Seigneur<br />

Chapitre 77 .......................................................................................................148<br />

Comm<strong>en</strong>t Dieu Se fait reconnaître<br />

Chapitre 78 .......................................................................................................150<br />

De la raison <strong>et</strong> du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

Chapitre 79 .......................................................................................................152<br />

L'origine <strong>de</strong> la diversité <strong>de</strong>s tal<strong>en</strong>ts humains<br />

502


Chapitre 80 .......................................................................................................155<br />

Un homme <strong>de</strong> raison cherche l'amour<br />

Chapitre 81 .......................................................................................................156<br />

Le Seigneur annonce une éclipse <strong>de</strong> soleil<br />

Chapitre 82 .......................................................................................................158<br />

Raphaël se fait pilote pour sauver les Grecs <strong>en</strong> détresse<br />

Chapitre 83 .......................................................................................................159<br />

Conséqu<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> l'éclipse <strong>de</strong> soleil<br />

Chapitre 84 .......................................................................................................161<br />

Des dieux <strong>et</strong> <strong>de</strong>s hommes<br />

Chapitre 85 .......................................................................................................163<br />

Ouran <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t l'élève <strong>de</strong> Mathaël<br />

Chapitre 86 .......................................................................................................165<br />

Noble comportem<strong>en</strong>t d'Hélène, la fille du sage Grec<br />

Chapitre 87 .......................................................................................................166<br />

Apparition du faux soleil<br />

Chapitre 88 .......................................................................................................168<br />

Crainte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Grecs <strong>de</strong>vant le Sauveur<br />

Chapitre 89 .......................................................................................................171<br />

Interv<strong>en</strong>tion <strong>et</strong> explications <strong>de</strong> Mathaël<br />

Chapitre 90 .......................................................................................................173<br />

Origine <strong>et</strong> explication <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong>s dieux grecs<br />

Chapitre 91 .......................................................................................................174<br />

Le Seigneur charge Mathaël d'abattre les murs <strong>de</strong>s temples paï<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 92 .......................................................................................................176<br />

De la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre la beauté <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> celle <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu<br />

Chapitre 93 .......................................................................................................177<br />

503


Des <strong>de</strong>ux sortes d'amour <strong>en</strong>vers le Seigneur<br />

Chapitre 94 .......................................................................................................179<br />

Mathaël parle du mouvem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s étoiles<br />

Chapitre 95 .......................................................................................................181<br />

Des mo<strong>de</strong>s d'éducation dans l'anci<strong>en</strong>ne Egypte<br />

Chapitre 96 .......................................................................................................182<br />

Réflexions d'Hélène sur la sagesse <strong>de</strong>s hommes<br />

Chapitre 97 .......................................................................................................184<br />

Du mom<strong>en</strong>t opportun pour l'édification du peuple <strong>et</strong> <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> celle-ci<br />

Chapitre 98 .......................................................................................................185<br />

P<strong>en</strong>sées inspirées à Ouran par la prés<strong>en</strong>ce du Seigneur<br />

Chapitre 99 .......................................................................................................186<br />

L'extinction du faux soleil <strong>et</strong> les conséqu<strong>en</strong>ces <strong>de</strong> celle-ci<br />

Chapitre 100 .....................................................................................................188<br />

De la haute origine <strong>et</strong> du <strong>de</strong>stin supérieur <strong>de</strong> l'homme<br />

Chapitre 101 .....................................................................................................190<br />

Opinion d'Hélène sur les apôtres<br />

Chapitre 102 .....................................................................................................192<br />

Mathaël explique les noms <strong>de</strong>s trois premières constellations<br />

Chapitre 103 .....................................................................................................194<br />

Explication <strong>de</strong>s quatrième, cinquième <strong>et</strong> sixième signes du zodiaque<br />

Chapitre 104 .....................................................................................................198<br />

Les septième, huitième <strong>et</strong> neuvième signes du zodiaque<br />

Chapitre 105 .....................................................................................................201<br />

Explication <strong>de</strong>s trois <strong>de</strong>rniers signes du zodiaque<br />

Chapitre 106 .....................................................................................................203<br />

Hélène <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> quelle école vi<strong>en</strong>t Mathaël<br />

504


Chapitre 107 .....................................................................................................205<br />

Généralités sur le zodiaque<br />

Chapitre 108 .....................................................................................................206<br />

Opinions sur la propagation <strong>de</strong> la nouvelle doctrine<br />

Chapitre 109 .....................................................................................................209<br />

Sur la nature <strong>de</strong> Judas<br />

Chapitre 110 .....................................................................................................210<br />

De la quête <strong>de</strong> Dieu<br />

Chapitre 111 .....................................................................................................212<br />

De l'union avec le Seigneur<br />

Chapitre 112 .....................................................................................................214<br />

Comm<strong>en</strong>t l'on peut <strong>et</strong> doit remercier Dieu<br />

Chapitre 113 .....................................................................................................215<br />

De l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> la pure doctrine divine<br />

Chapitre 114 .....................................................................................................217<br />

Éclaircissem<strong>en</strong>ts sur l'éveil <strong>de</strong> l'esprit<br />

Chapitre 115 .....................................................................................................219<br />

Des événem<strong>en</strong>ts surv<strong>en</strong>us à Césarée <strong>de</strong> Philippe à la suite <strong>de</strong>s phénomènes naturels<br />

Chapitre 116 .....................................................................................................221<br />

Marc se réjouit du châtim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s prêtres<br />

Chapitre 117 .....................................................................................................223<br />

Pourquoi il est blâmable <strong>de</strong> se réjouir du malheur d'autrui<br />

Chapitre 118 .....................................................................................................225<br />

Mathaël <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t vice-roi<br />

Chapitre 119 .....................................................................................................227<br />

Hélène <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t l'épouse <strong>de</strong> Mathaël<br />

Chapitre 120 .....................................................................................................230<br />

505


Remerciem<strong>en</strong>ts <strong>et</strong> bonnes résolutions d'Hélène<br />

Chapitre 121 .....................................................................................................231<br />

De la nature <strong>de</strong> Jésus<br />

Chapitre 122 .....................................................................................................233<br />

De la nature <strong>de</strong>s anges<br />

Chapitre 123 .....................................................................................................235<br />

La sagesse <strong>de</strong> Jarah<br />

Chapitre 124 .....................................................................................................238<br />

Hélène parle <strong>de</strong> la puissance <strong>de</strong>s prêtres<br />

Chapitre 125 .....................................................................................................240<br />

Ouran montre combi<strong>en</strong> les craintes d'Hélène sont peu fondées<br />

Chapitre 126 .....................................................................................................243<br />

Jarah raconte ses expéri<strong>en</strong>ces dans les étoiles<br />

Chapitre 127 .....................................................................................................246<br />

Discussion sur l'étrang<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s événem<strong>en</strong>ts<br />

Chapitre 128 .....................................................................................................249<br />

Micha pr<strong>en</strong>d les événem<strong>en</strong>ts avec philosophie<br />

Chapitre 129 .....................................................................................................250<br />

Quelques explications <strong>de</strong> Mathaël à propos <strong>de</strong>s faits mémorables<br />

Chapitre 130 .....................................................................................................252<br />

De la mission <strong>et</strong> <strong>de</strong>s souffrances <strong>de</strong>s anges<br />

Chapitre 131 .....................................................................................................254<br />

Raphaël démontre l'inanité <strong>de</strong>s soucis humains<br />

Chapitre 132 .....................................................................................................256<br />

De la difficulté <strong>de</strong> convertir les prêtres<br />

Chapitre 133 .....................................................................................................258<br />

De la vraie quête <strong>de</strong> Dieu<br />

506


Chapitre 134 .....................................................................................................260<br />

Des raisons <strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe<br />

Chapitre 135 .....................................................................................................262<br />

Cyrénius reçoit la délégation <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s fanatiques <strong>de</strong> la ville inc<strong>en</strong>diée <strong>de</strong> Césarée<br />

Chapitre 136 .....................................................................................................267<br />

Accusations <strong>de</strong> Marc contre le chef <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 137 .....................................................................................................269<br />

Discussion sur la conduite à t<strong>en</strong>ir avec les Pharisi<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 138 .....................................................................................................272<br />

Cyrénius <strong>en</strong>voie chercher à Césarée <strong>de</strong>s témoins contre les Pharisi<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 139 .....................................................................................................273<br />

De la nature <strong>de</strong> la Terre <strong>et</strong> <strong>de</strong> la Lune<br />

Chapitre 140 .....................................................................................................275<br />

Un messager raconte la révolte <strong>de</strong> Césarée<br />

Chapitre 141 .....................................................................................................278<br />

Le messager Hermès raconte ce qu'il a vu dans la ville<br />

Chapitre 142 .....................................................................................................280<br />

Cyrénius poursuit l'instruction par <strong>de</strong> nouvelles questions<br />

Chapitre 143 .....................................................................................................283<br />

Opinion du chef <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s sur le Sauveur<br />

Chapitre 144 .....................................................................................................285<br />

Jugem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s sur leur chef <strong>et</strong> sur Jésus<br />

Chapitre 145 .....................................................................................................287<br />

Graves paroles <strong>de</strong> Cyrénius<br />

Chapitre 146 .....................................................................................................289<br />

Le chef <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s se découvre<br />

Chapitre 147 .....................................................................................................292<br />

507


Le docum<strong>en</strong>t falsifié<br />

Chapitre 148 .....................................................................................................294<br />

Profession <strong>de</strong> foi du supérieur<br />

Chapitre 149 .....................................................................................................296<br />

Le supérieur Stahar fait connaître ses conceptions religieuses<br />

Chapitre 150 .....................................................................................................299<br />

Raphaël <strong>et</strong> Stahar<br />

Chapitre 151 .....................................................................................................301<br />

Stahar <strong>et</strong> les magici<strong>en</strong>s indi<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 152 .....................................................................................................303<br />

Stahar raconte le meurtre du <strong>grand</strong> prêtre Zacharie<br />

Chapitre 153 .....................................................................................................306<br />

Raphaël explique les prophéties annonçant le Messie<br />

Chapitre 154 .....................................................................................................308<br />

Stahar convertit ses collègues<br />

Chapitre 155 .....................................................................................................310<br />

Propos d'Hébram sur la « nouvelle lumière » éternelle<br />

Chapitre 156 .....................................................................................................313<br />

Un Pharisi<strong>en</strong> parle <strong>de</strong> la responsabilité <strong>de</strong> l'homme<br />

Chapitre 157 .....................................................................................................316<br />

Floran philosophe sur Dieu<br />

Chapitre 158 .....................................................................................................319<br />

De l'humilité <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'orgueil<br />

Chapitre 159 .....................................................................................................320<br />

Floran <strong>de</strong>vant le Seigneur<br />

Chapitre 160 .....................................................................................................322<br />

Floran parle du Seigneur avec Stahar <strong>et</strong> les si<strong>en</strong>s<br />

508


Chapitre 161 .....................................................................................................324<br />

Profession <strong>de</strong> foi <strong>de</strong> Floran <strong>de</strong>vant le Seigneur <strong>et</strong> son témoignage sur le Temple<br />

Chapitre 162 .....................................................................................................326<br />

De la l<strong>en</strong>teur <strong>de</strong>s voies divines<br />

Chapitre 163 .....................................................................................................328<br />

Indications pour la mission <strong>de</strong>s ouvriers dans les vignes du Seigneur<br />

Chapitre 164 .....................................................................................................329<br />

Les vaisseaux att<strong>en</strong>dus sont <strong>en</strong> vue<br />

Chapitre 165 .....................................................................................................331<br />

Des dangers <strong>de</strong> l'orgueil<br />

Chapitre 166 .....................................................................................................333<br />

Joie <strong>de</strong>s r<strong>et</strong>rouvailles avec les arrivants<br />

Chapitre 167 .....................................................................................................338<br />

À propos <strong>de</strong>s prophéties sur l'incarnation du Seigneur<br />

Chapitre 168 .....................................................................................................340<br />

De la direction <strong>de</strong>s hommes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s peuples<br />

Chapitre 169 .....................................................................................................341<br />

Le <strong>grand</strong> repas <strong>en</strong> commun chez Marc<br />

Chapitre 170 .....................................................................................................344<br />

De la contradiction <strong>en</strong>tre la volonté <strong>et</strong> l'action<br />

Chapitre 171 .....................................................................................................345<br />

De la régénération spirituelle<br />

Chapitre 172 .....................................................................................................347<br />

Cornélius <strong>et</strong> Jarah<br />

Chapitre 173 .....................................................................................................349<br />

La question <strong>de</strong> Cornélius à Jarah<br />

Chapitre 174 .....................................................................................................351<br />

509


Du soleil naturel<br />

Chapitre 175 .....................................................................................................353<br />

De la formation du cœur <strong>et</strong> <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong> la raison<br />

Chapitre 176 .....................................................................................................354<br />

Du <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> la doctrine divine<br />

Chapitre 177 .....................................................................................................356<br />

De la valeur du libre arbitre <strong>de</strong> l'homme<br />

Chapitre 178 .....................................................................................................358<br />

De la vocation <strong>et</strong> du <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> l'homme<br />

Chapitre 179 .....................................................................................................360<br />

Souv<strong>en</strong>irs <strong>de</strong> Cornélius sur la naissance <strong>de</strong> Jésus<br />

Chapitre 180 .....................................................................................................362<br />

De la nature <strong>et</strong> du <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s anges<br />

Chapitre 181 .....................................................................................................364<br />

Philopold expose sa philosophie <strong>de</strong> la Création<br />

Chapitre 182 .....................................................................................................366<br />

De la portée <strong>de</strong> la raison intellectuelle<br />

Chapitre 183 .....................................................................................................368<br />

La raison <strong>de</strong> l'incarnation du Seigneur<br />

Chapitre 184 .....................................................................................................372<br />

De la langue du cœur<br />

Chapitre 185 .....................................................................................................373<br />

À propos du nimbe<br />

Chapitre 186 .....................................................................................................376<br />

Préparatifs à l'approche <strong>de</strong> la tempête<br />

Chapitre 187 .....................................................................................................379<br />

La tempête<br />

510


Chapitre 188 .....................................................................................................380<br />

Du jugem<strong>en</strong>t qui frappe la ville <strong>de</strong> Césarée <strong>de</strong> Philippe<br />

Chapitre 189 .....................................................................................................384<br />

Le vaisseau <strong>en</strong> péril sur la haute mer<br />

Chapitre 190 .....................................................................................................386<br />

Les marchands juifs <strong>de</strong> Perse<br />

Chapitre 191 .....................................................................................................387<br />

Les <strong>de</strong>ux représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong>s voyageurs convers<strong>en</strong>t avec le Seigneur<br />

Chapitre 192 .....................................................................................................390<br />

La richesse, bénédiction <strong>et</strong> malédiction<br />

Chapitre 193 .....................................................................................................392<br />

De la nature foncière <strong>de</strong> l'homme<br />

Chapitre 194 .....................................................................................................394<br />

Opinions <strong>de</strong>s Perses sur le Seigneur<br />

Chapitre 195 .....................................................................................................396<br />

Le Seigneur explique un passage <strong>de</strong> l'Écriture<br />

Chapitre 196 .....................................................................................................398<br />

Le Seigneur questionne les Perses à propos du Messie<br />

Chapitre 197 .....................................................................................................401<br />

Les Perses se montr<strong>en</strong>t difficiles à convertir<br />

Chapitre 198 .....................................................................................................404<br />

Mises <strong>en</strong> gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> Chabbi<br />

Chapitre 199 .....................................................................................................406<br />

L'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong> <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux délégués<br />

Chapitre 200 .....................................................................................................407<br />

De la confiance inconsidérée<br />

Chapitre 201 .....................................................................................................410<br />

511


Sur la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre le Seigneur <strong>et</strong> les magici<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 202 .....................................................................................................413<br />

De l'eff<strong>et</strong> <strong>de</strong>s miracles du Seigneur sur les Juifs perses<br />

Chapitre 203 .....................................................................................................414<br />

Des bi<strong>en</strong>faits <strong>de</strong> l'activité <strong>et</strong> <strong>de</strong>s méfaits <strong>de</strong> la paresse<br />

Chapitre 204 .....................................................................................................416<br />

De ce qu'est la véritable révélation<br />

Chapitre 205 .....................................................................................................419<br />

De l'impuissance <strong>de</strong>s hommes<br />

Chapitre 206 .....................................................................................................421<br />

Chabbi reconnaît le Seigneur<br />

Chapitre 207 .....................................................................................................422<br />

De la vraie adoration <strong>de</strong> Dieu<br />

Chapitre 208 .....................................................................................................424<br />

Crainte <strong>de</strong>s Perses <strong>de</strong>vant la saint<strong>et</strong>é du Seigneur<br />

Chapitre 209 .....................................................................................................425<br />

De la prière<br />

Chapitre 210 .....................................................................................................427<br />

L'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> Jarah<br />

Chapitre 211 .....................................................................................................430<br />

Explication du quatrième comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

Chapitre 212 .....................................................................................................433<br />

De la réforme par les Pharisi<strong>en</strong>s du quatrième comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t<br />

Chapitre 213 .....................................................................................................434<br />

Le Seigneur explique la loi <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s<br />

Chapitre 214 .....................................................................................................436<br />

Qu'est-ce que l'impur<strong>et</strong>é ?<br />

512


Chapitre 215 .....................................................................................................438<br />

Les péchés contre la chast<strong>et</strong>é<br />

Chapitre 216 .....................................................................................................440<br />

Dispute <strong>en</strong>tre les Pharisi<strong>en</strong>s à propos <strong>de</strong> la divinité du Seigneur<br />

Chapitre 217 .....................................................................................................445<br />

Cyrénius <strong>et</strong> le Seigneur s'<strong>en</strong>tr<strong>et</strong>i<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à propos <strong>de</strong> Murel, <strong>de</strong> Stahar <strong>et</strong> <strong>de</strong>s disciples<br />

Chapitre 218 .....................................................................................................446<br />

Expéri<strong>en</strong>ces vécues par Murel lors <strong>de</strong> ses voyages<br />

Chapitre 219 .....................................................................................................450<br />

Il faut chercher la vérité là où elle se trouve<br />

Chapitre 220 .....................................................................................................451<br />

De la déca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s sagesses égypti<strong>en</strong>ne <strong>et</strong> indi<strong>en</strong>ne<br />

Chapitre 221 .....................................................................................................453<br />

De l'exist<strong>en</strong>ce antérieure <strong>de</strong> l'homme<br />

Chapitre 222 .....................................................................................................455<br />

Ce que Philopold a vécu dans l'au-<strong>de</strong>là<br />

Chapitre 223 .....................................................................................................456<br />

De l'ordonnance naturelle <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s<br />

Chapitre 224 .....................................................................................................457<br />

Louanges <strong>et</strong> gratitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Murel<br />

Chapitre 225 .....................................................................................................459<br />

De l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la prophétie d'Isaïe<br />

Chapitre 226 .....................................................................................................462<br />

La promesse du Seigneur<br />

Chapitre 227 .....................................................................................................463<br />

De l'ess<strong>en</strong>ce du Seigneur <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'humanité<br />

Chapitre 228 .....................................................................................................465<br />

513


De l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong> Jésus<br />

Chapitre 229 .....................................................................................................466<br />

Inquiétu<strong>de</strong>s pour la mission<br />

Chapitre 230 .....................................................................................................467<br />

De l'inanité <strong>de</strong> tout souci pour la mission<br />

Chapitre 231 .....................................................................................................468<br />

De la mort du Seigneur <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'av<strong>en</strong>ir <strong>de</strong> Ses disciples<br />

Chapitre 232 .....................................................................................................470<br />

De la consci<strong>en</strong>ce, <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'influ<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s anges sur celle-ci<br />

Chapitre 233 .....................................................................................................472<br />

Le météore<br />

Chapitre 234 .....................................................................................................474<br />

De l'ess<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la matière<br />

Chapitre 235 .....................................................................................................475<br />

Du s<strong>en</strong>s <strong>de</strong> la G<strong>en</strong>èse <strong>de</strong> Moïse.<br />

Une expéri<strong>en</strong>ce surnaturelle <strong>de</strong> Mathaël<br />

Chapitre 236 .....................................................................................................477<br />

Des incompréh<strong>en</strong>sibles tribulations <strong>de</strong> Mathaël.<br />

Comm<strong>en</strong>t parler avec le Seigneur dans son cœur<br />

Chapitre 237 .....................................................................................................479<br />

Sur les causes <strong>de</strong>s tribulations <strong>de</strong> Mathaël<br />

Chapitre 238 .....................................................................................................480<br />

De la parole intérieure.<br />

De la raison <strong>de</strong> l'incarnation du Seigneur<br />

Chapitre 239 .....................................................................................................482<br />

Sur l'idée <strong>de</strong> l'<strong>en</strong>nui <strong>de</strong> Dieu<br />

Chapitre 240 .....................................................................................................484<br />

Question <strong>de</strong> Raphaël sur la mission<br />

514


Chapitre 241 .....................................................................................................485<br />

Du royaume <strong>de</strong> Dieu dans le cœur <strong>de</strong> l'homme<br />

Chapitre 242 .....................................................................................................487<br />

De la vraie vie <strong>de</strong> l'esprit<br />

Chapitre 243 .....................................................................................................488<br />

Des principaux obstacles à l'accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s promesses<br />

Chapitre 244 .....................................................................................................489<br />

Du libre arbitre d'un ange<br />

Chapitre 245 .....................................................................................................491<br />

Sur Vénus<br />

Chapitre 246 .....................................................................................................494<br />

Des avantages <strong>de</strong> l'ordre vénusi<strong>en</strong><br />

515


INDEX THÉMATIQUE<br />

Les chiffres r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t aux chapitres <strong>et</strong> aux paragraphes<br />

Abraham, son esprit apparaît à Mathaël, 235,9.<br />

Accomplissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'homme, 15,1 sq., 177,14, 180,6.<br />

Adoration <strong>de</strong> Dieu, vraie, 36,1 sq., 207,1 sq.<br />

Adultères, le royaume <strong>de</strong>s cieux leur sera fermé, 66,13.<br />

Agriculture, la contribution <strong>de</strong>s anges, 9,9.<br />

Affaiblissem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l'homme <strong>de</strong>puis Adam, 211,4 sq.<br />

Âme humaine, sa liberté, 17,1 sq. ; son ess<strong>en</strong>ce, 11,3 sq., 42,3 ; négligée, source<br />

<strong>de</strong> tous les maux <strong>de</strong> la terre, 12,6 ; son <strong>de</strong>stin chez les hommes trop dans la chair,<br />

11,2 sq. ; récipi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la vie divine, 42,5 ; notre tâche terrestre est <strong>de</strong> la fortifier,<br />

43,9 ; son origine selon Platon, 181,2.<br />

Âmes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te terre, sont favorisées, 32,10 ; différ<strong>en</strong>tes pour un clairvoyant, 24,1<br />

sq., 101,14 ; plus éloignées du spirituel pur, 129,1.<br />

Amour, est l'esprit <strong>de</strong> Dieu <strong>en</strong> l'homme, 48,7 ; sa nature, 48,2, 59,8, 111,1 ; sa<br />

sagesse, 29,1 ; sa force peut beaucoup, 59,4 ; doit être à la base <strong>de</strong> toute action,<br />

59,11 ; est ce qu'il y a <strong>de</strong> plus profond <strong>en</strong> l'homme, 78,8 ; source <strong>de</strong> l'éveil<br />

spirituel, 78,13 ; <strong>de</strong> Jarah <strong>en</strong>vers le Seigneur, sa pur<strong>et</strong>é, 76,6 ; <strong>en</strong>vers Dieu, vaut<br />

plus que tous les trésors terrestres, 123,17.<br />

Amour filial, exemplaire chez Hélène, 86,3.<br />

Amour du prochain, chemin <strong>de</strong> la vie éternelle, 79,19 ; sans lui, la doctrine n'est<br />

qu'un vain mot, 242,3 ; comm<strong>en</strong>t l'exercer, 80,1.<br />

Ange, gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> Tobie p<strong>en</strong>dant sept ans, 77,4 ; r<strong>en</strong>once librem<strong>en</strong>t à détruire Satan,<br />

180,16 ; sa façon <strong>de</strong> manger sur terre étonne les hommes, 20,8 sq.<br />

Anges, leur nature expliquée par Raphaël, 122,1 sq. ; leur mission <strong>et</strong> leurs<br />

souffrances, 130,1 sq. ; émanations <strong>de</strong> l'Esprit divin, 180,2 ; <strong>de</strong> leur incarnation,<br />

180,4 ; comparés aux hommes, 180,6 sq. ; leur libre arbitre, 244,6 ; vus par<br />

Stahar, 149,2 sq.<br />

Apparition, <strong>de</strong> Yahvé à Elie, 194,11 ; d'êtres supérieurs, 2,1 sq. ; <strong>de</strong> l'esprit<br />

d'Abraham, 235,9.<br />

Apôtres, leur maîtrise d'eux-mêmes <strong>et</strong> <strong>de</strong> la nature, 101,2.<br />

Arche d'Alliance, sa nature expliquée par Raphaël, 153,10 sq.<br />

Arche <strong>de</strong> Noé, spirituelle, 13,6-9 ; doit être bâtie par chacun, 43,9 ; circonstances<br />

<strong>de</strong> sa construction, 43,8.<br />

Avares, <strong>et</strong> usuriers, condamnés par le Seigneur, 192,5sq.<br />

Bandits, possédés, instructions du Seigneur, 4,9 sq. ; graciés par le Seigneur,<br />

16,14 ; leur guérison, 21,1 sq. ; <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t Romains, 37,2 sq. ; récit <strong>de</strong> Mathaël,<br />

41,1 sq.<br />

516


Beauté, <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu, 92,1 sq. ; <strong>de</strong> Raphaël, 78,9.<br />

Besoins <strong>de</strong>s hommes, résultat <strong>de</strong> leur insatiabilité, 10,3 sq.<br />

Cantique <strong>de</strong>s Cantiques, expliqué par le Seigneur, 19,1 sq.<br />

Castration, cas où elle est permise, 69,6.<br />

Cerveau, ce que ses p<strong>en</strong>sées <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pour l'âme <strong>et</strong> l'esprit, 182,17 sq.<br />

Charité, doit être exercée avec bi<strong>en</strong>veillance, 112,6 sq.<br />

Chast<strong>et</strong>é, 215,7.<br />

Chimie, 170,5 sq.<br />

Ciel, <strong>et</strong> <strong>en</strong>fer <strong>en</strong> l'homme, 170,4 ; ce qu'il advi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> ses dons matériels <strong>et</strong><br />

spirituels à la terre, 113,6 sq.<br />

Cœur, sa formation, 175,1 sq. ; son langage, 184,1 sq.<br />

Combat, <strong>en</strong>tre Dieu <strong>et</strong> Satan, 25,7 ; <strong>de</strong> la lumière <strong>et</strong> <strong>de</strong>s ténèbres, 32,14, 214,2 ;<br />

spirituel, 29,8 sq., 210,15 sq. Cf. aussi LUTTE.<br />

Comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t (4 e ), bonne <strong>et</strong> mauvaise interprétation, 38,5 sq. ; son s<strong>en</strong>s<br />

spirituel, 211,1 sq. ; revu parles Pharisi<strong>en</strong>s, 212,1 sq.<br />

Concubines, permises sous certaines conditions, 66,5.<br />

Confiance <strong>en</strong> Dieu, 124,12.<br />

Connaissance <strong>de</strong> soi, vaut plus que celle <strong>de</strong> la terre, 87,9 ; son manque déploré<br />

par Jarah, 170,3 ; la vraie ne peut v<strong>en</strong>ir que <strong>de</strong> Dieu, 170,8.<br />

Consci<strong>en</strong>ce, « organe » spirituel, 232,8.<br />

Constellations, 102,1 ; cf. aussi ZODIAQUE.<br />

Création, expliquée par Mathaël, 28,5 sq. ; vue par Philopold, 181,1 sq. ; son<br />

harmonie malgré son désordre appar<strong>en</strong>t, 64,4 ; cf. aussi GENÈSE.<br />

Curiosité, 164,2.<br />

Déluge, sa vraie cause, 11,1 sq. ; prés<strong>en</strong>t <strong>et</strong> spirituel, 13,6.<br />

Dieu inconnu, 176,3 sq.<br />

Dieux grecs, expliqués par Mathaël, 90,1 sq.<br />

Dieux paï<strong>en</strong>s, 84,11.<br />

Dignité, terrestre, sans valeur <strong>de</strong>vant Dieu, 164,16 sq.<br />

Disciple du Seigneur, conditions pour le <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir, 8,1-12, 9,1 sq. ; légèr<strong>et</strong>é <strong>de</strong> ce<br />

far<strong>de</strong>au, 10,9.<br />

Disciples (les douze), leur sort après la mort du Seigneur, 217,6 ; témoignage sur<br />

eux, 217,6.<br />

Divinité <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong> Jésus, 176,1 ; du Seigneur, dispute <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s,<br />

216,1 sq. ; <strong>de</strong> Jésus, risque d'être incomprise <strong>de</strong>s hommes, 227,4 sq.<br />

Divorce, 68,11 ; permis dans certains cas, 70,2.<br />

517


Doctrine <strong>de</strong> Jésus, ses fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts, 53,1 ; questions sur sa propagation, 108,1 sq.<br />

; son av<strong>en</strong>ir, 113,6 sq., 176,1 sq., 228,1 sq. ; ne doit être suivie que pour ellemême<br />

<strong>et</strong> non pour ses promesses, 243,3.<br />

Don, vrai, 33,10 sq.<br />

Douceur, ses bi<strong>en</strong>faits, 59,4, 69,8, 148,2.<br />

Eau maudite du Temple, 38,12, 39,3.<br />

Éclipse, 81,2, 82,10 sq. ; son eff<strong>et</strong> sur les templiers, 97,5 sq. ; explications <strong>de</strong><br />

Cyrénius, 139,1 sq.<br />

Écriture, un passage <strong>de</strong> 1 Rois 19,9-15 expliqué par le Seigneur, 195,1 sq.<br />

Écriture rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Raphaël, 18,9, 73,1, 188,14, 154,18, 179,7.<br />

É<strong>de</strong>n, 10,1.<br />

Éducation, métho<strong>de</strong> dans l'anci<strong>en</strong>ne Egypte, 95,1 sq.<br />

Élévation, prédictions du Seigneur sur Son, 16,3 sq.<br />

Ennui <strong>de</strong> Dieu, 239,1 sq.<br />

Enfants <strong>de</strong> Dieu, leur ess<strong>en</strong>ce, 92,3 ; leur <strong>de</strong>stin dans le mon<strong>de</strong>, 225,9 sq.<br />

Enseignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Jésus, comm<strong>en</strong>t l'appréh<strong>en</strong><strong>de</strong>r, 65,5.<br />

Ent<strong>en</strong><strong>de</strong>m<strong>en</strong>t, nécessaire pour voir la vérité, 74,3 ; cf. aussi RAISON.<br />

Épreuves, <strong>en</strong>voyées pour fortifier l'âme, 120,6 ; futures <strong>de</strong> Jarah. 210,15 sq. ;<br />

vécues par Mathaël, 235,6 sq.<br />

Éruptions solaires, 234,9.<br />

Esprit, maître <strong>de</strong> la matière, 33,13 ; <strong>de</strong> l'homme, libéré par la doctrine <strong>de</strong> Jésus,<br />

53,13 ; s'éveille dans la paix extérieure, 60,21 ; la bonne manière <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> soucier,<br />

163,3.<br />

Esprit divin, est la Vie, 42,6 ; sera donné aux hommes <strong>de</strong> bonne volonté, 84,15.<br />

Esséni<strong>en</strong>s, 50,13, 51,2 sq.<br />

États, p<strong>et</strong>its, miroirs <strong>de</strong>s <strong>grand</strong>s, 121,9.<br />

Étoiles, voyages <strong>de</strong> Jarah sur elles, 126,1 sq., 129,2 ; âmes terrestres issues<br />

d'elles, 129,2, 221,5 sq. ; décrites par Mathaël, 223,5 sq.<br />

Évangélisation, par la force, 108,8 sq. ; cf. aussi MISSION.<br />

Éveil spirituel, 49,17, 78,13, 114,2 sq.<br />

Félicité, l'homme doit la conquérir par ses propres forces, 177,14.<br />

Filiation divine, 41,3, 178,4, 241,1 sq.<br />

Fin du mon<strong>de</strong>, 97,5.<br />

Force <strong>de</strong> vie, éternelle, 29,14.<br />

Fornication, <strong>et</strong> mort <strong>de</strong> l'esprit, 68,1.<br />

Fraternité, avec le Seigneur, 164,16, 169,2.<br />

518


Fuite <strong>en</strong> Egypte, 179,2.<br />

G<strong>en</strong>èse <strong>de</strong> Moïse, 28,5, 222,3 ; son vrai s<strong>en</strong>s, 235,1 sq.<br />

Gloire terrestre, est un mal, 10,6.<br />

Grâce divine, 165,14 ; le chemin qui y mène, 192,16.<br />

Gratitu<strong>de</strong>, doit avoir une bonne raison, 59,6 ; <strong>en</strong>vers Dieu, 85,5 sq., 112,1 sq.,<br />

224,1 sq.<br />

Guérison, <strong>de</strong>s bandits possédés, 21,1 sq. ; <strong>de</strong> Mathaël, 41,1 ; du corps par l'âme,<br />

principe expliqué par le Seigneur, 12,8 sq. ; remè<strong>de</strong>s naturels contre la luxure,<br />

66,8, 69,2, 72,1 sq.<br />

Guérison miraculeuse, d'un goutteux sur la prairie bénie, 45,13 ; du Juif perse <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> son épouse, 201,3 sq.<br />

Guerre, 10,5 sq. ; <strong>de</strong>s dieux (ou du bi<strong>en</strong> contre le mal), 25,7.<br />

Harmonie, <strong>de</strong>s âmes, condition du mariage, 66,1 : <strong>de</strong> la Création, 64,4.<br />

Homme (être humain), son évolution <strong>et</strong> sa vocation, 3,1-21, 178,1 sq. ; comparé<br />

aux anges, 3,1 sq., 180,6 sq. ; son ess<strong>en</strong>ce expliquée par le Seigneur, 193,1 sq. ;<br />

porteur <strong>de</strong> l'Esprit divin, 182,10 ; son impuissance, 205,1 sq. ; du mon<strong>de</strong>, plus<br />

faillible, 11,6, 12,1 sq. ; <strong>de</strong> cœur <strong>et</strong> <strong>de</strong> raison, 78,12 ; différ<strong>en</strong>t selon l'origine <strong>de</strong><br />

son âme, 129,1.<br />

Humilité, ses bi<strong>en</strong>faits, 13,10, 59,10 ; du Seigneur, 16,12, 161,11 ; explications<br />

<strong>de</strong> Raphaël, 158,1 sq. ; nécessaire dans une fonction, 165,8.<br />

Idolâtrie, <strong>en</strong>vers Jésus lui-même, 36,2 sq. ; du Temple, pire que celle <strong>de</strong>s paï<strong>en</strong>s,<br />

41,6 ; son abomination, 207,6.<br />

Impur<strong>et</strong>é, 214,1 sq.<br />

Incarnation du Seigneur, son but <strong>et</strong> ses causes, 16,12 sq., 182, 183, 238,5 sq.<br />

Indép<strong>en</strong>dance (parfaite), nécessaire au bonheur, 177,15 sq.<br />

Inspiration divine, 1,1.<br />

Joug (du Seigneur, est léger), 10,10.<br />

Juifs, leur superstition, 108,1 ; jugés par un paï<strong>en</strong>, 125,17.<br />

Jugem<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> Jérusalem, 162,2 sq. ; <strong>de</strong>rnier, par le feu, 33,4 ;<br />

Liberté <strong>de</strong> l'âme humaine, 17,3 sq. : <strong>de</strong>s <strong>en</strong>fants <strong>de</strong> Dieu, 178,1.<br />

Libre arbitre <strong>de</strong> l'homme, sa signification, 168,2 sq. ; nécessaire pour accé<strong>de</strong>r à la<br />

filiation divine, 177,1 sq. ; <strong>et</strong> sacrifice du Christ, 177,7 ; <strong>et</strong> lumière spirituelle,<br />

17,10 ; <strong>et</strong> miracles, 159,10.<br />

Libre arbitre <strong>de</strong>s anges, 244,6 sq.<br />

Lune, explications <strong>de</strong> Cyrénius, 139,1 sq.<br />

Lutte, dans la nature, 26,7 sq. ; dans la vie <strong>de</strong> l'homme, 61,4 sq. ; pour la vie<br />

éternelle, 29,8 sq.<br />

519


Luxe, jugé par le Seigneur, 12,1.<br />

Luxure, 68,1 sq., 214,1 sq. ; remè<strong>de</strong>s naturels, cf. GUÉRISON.<br />

Magie, son utilisation par le Temple, 50,10.<br />

Maison <strong>de</strong> Dieu, comm<strong>en</strong>t Il la ti<strong>en</strong>t, 222,1.<br />

Mal, pourquoi il est permis, 177,1 ; origine <strong>de</strong> tous les maux, 10,2, 12,6.<br />

Malheur <strong>de</strong>s autres, il ne faut pas s'<strong>en</strong> réjouir, 117,7 sq.<br />

Mariage, ses conditions, 66,1, 71,1 sq. ; son indissolubilité, 66,11 ; son sérieux,<br />

70,9-10 ; interdit aux défici<strong>en</strong>ts, 72,8 ; sa régulation, 72,9, 72,14 ; âge pour<br />

l'homme <strong>et</strong> la femme, 72,15.<br />

Matière, <strong>et</strong> esprit, s'<strong>en</strong>richiss<strong>en</strong>t mutuellem<strong>en</strong>t, 33,11 sq. ; sa nature spirituelle<br />

expliquée par Raphaël, 234,1 sq.<br />

M<strong>en</strong>songe, est la mort, 43,5 ; sa nature expliquée par Mathaël, 47,4 sq. ;<br />

nécessaire pour reconnaître la vérité, 168,10.<br />

Messie, discussion <strong>en</strong>tre les Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> Jules, 6,1 sq. ; att<strong>en</strong>du par les Juifs,<br />

56,1 sq. ; la prophétie expliquée par Raphaël à Stahar, 153,1 sq. ; reconnu par<br />

Floran, 161,10 ; questions du Seigneur aux Juifs perses à son propos, 196,1 sq.<br />

Météore, chute <strong>et</strong> explications <strong>de</strong> Raphaël, 233,1 sq.<br />

Miracles du Seigneur, 187,9, 189,1 sq., 201,3 sq., 201,22 sq. ; vrais <strong>et</strong> faux, 55,1,<br />

201,1 sq., 228,1 sq. ; voir aussi GUÉRISON.<br />

Miracles <strong>de</strong> Raphaël, cf. PRODIGES.<br />

Miracles, pour les <strong>en</strong>fants d'<strong>en</strong> haut <strong>et</strong> non du mon<strong>de</strong>, 159,9-10 ; nécessaires pour<br />

les hommes simples, 229,7 sq.<br />

Mission du Seigneur <strong>en</strong> ce mon<strong>de</strong>, 35,1, 36,2.<br />

Mission (évangélisation), indications sur celle-ci, 12,1, 91,2, 114,7, 162,2, 163,1<br />

sq., 168,12, 230,1, 240,1, 244,1 ; inquiétu<strong>de</strong>s à son suj<strong>et</strong>, 229,2 sq.<br />

Mort, Jésus héros du combat contre celle-ci, 35,1 sq. ; <strong>et</strong> vie, 43,1.<br />

Naissance du Sauveur, 179,2 ; son humilité, 161,10-11.<br />

Nature, vue par Mathaël, 25 ; est <strong>en</strong> lutte perman<strong>en</strong>te, 26,7 sq. ; son ordonnance,<br />

64,1 sq., 87,1 sq. ; importance <strong>de</strong> sa connaissance, 108,1.<br />

Nazaré<strong>en</strong>, sa divinité supposée, 51,1 sq. ; cf. aussi SAUVEUR.<br />

Nimbe, discours du Seigneur sur son inanité, 185,9 sq.<br />

Notre Père, prière <strong>de</strong> Jarah, 123,4.<br />

Obscurité, perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> reconnaître la lumière, 113,15 sq.<br />

Œuvres, comparées à la construction d'une maison, 43,7.<br />

Oracles, leur valeur, l,4 sq.<br />

Ordre divin, dans la nature, 64,1 sq., 87,1 sq.<br />

520


Orgueil, 158,1 sq., 165,1 sq.<br />

Origine supérieure <strong>de</strong> l'homme, 100,3.<br />

Pain, sel <strong>et</strong> vin, 44,19.<br />

Paix, prophétie <strong>de</strong> Mathaël, 33,6.<br />

Paraboles, <strong>de</strong>s arbres <strong>et</strong> du jardinier, 193,5 ; <strong>de</strong> l'eau qui bout, 27,7 ; <strong>de</strong>s fiancés,<br />

225,6 ; <strong>de</strong> la goutte <strong>de</strong> rosée, 31,7, 48,9 ; du maître <strong>et</strong> <strong>de</strong>s serviteurs, 177,16 ; du<br />

mala<strong>de</strong>, 59,12 ; du marcheur dans la forêt, 47,18 ; <strong>de</strong>s montagnes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s vallées,<br />

178,6 ; du trésor dans la maison, 110,14.<br />

Pardon, <strong>de</strong>s fautes, 165,5 ; <strong>de</strong>s péchés, 208,9, 209,1.<br />

Par<strong>en</strong>ts, obéissance qui leur est due, cf. COMMANDEMENT.<br />

Paresse, 10,3, 203,1 sq.<br />

Parole, intérieure, 193,14, 238,1 sq. ; n'a <strong>de</strong> portée qu'avec les hommes instruits,<br />

229,7 sq. ; divine, sa puissance, 80,10.<br />

Passion du Christ, 184,12, 231,7.<br />

Pêche (symbolique) du Seigneur, 166,23.<br />

Personne <strong>de</strong> Jésus, sa divinité expliquée par Mathaël, 121,2 sq. ; vue par Boz,<br />

127,8 sq.<br />

Peuple, comm<strong>en</strong>t le gui<strong>de</strong>r <strong>et</strong> l'<strong>en</strong>seigner, 97,1 sq., 121,8, 168,1 sq. ; ne veut pas<br />

<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la vérité, 139,5 sq.<br />

Pharisi<strong>en</strong>s, <strong>de</strong> leur duplicité, 5,5 ; leur opinion sur le Seigneur, 6,1 sq.<br />

Philosophes grecs, ont préparé les hommes à la doctrine <strong>de</strong> Jésus, 125,13.<br />

Polythéisme, 41,6.<br />

Possédés, état <strong>de</strong> leur âme, 23,2.<br />

Possession, <strong>de</strong>s cinq bandits guérie par le Seigneur, 4,9, 21,1 sq. ; <strong>de</strong>là chair,<br />

68,10, 215,12.<br />

Prairie bénie, 45,15.<br />

Prédicateur, vrai <strong>et</strong> faux, 12,7.<br />

Prés<strong>en</strong>ce du Seigneur <strong>en</strong> l'homme, sa perman<strong>en</strong>ce, 232,8 sq.<br />

Prêtres juifs, difficulté <strong>de</strong> leur conversion, 132,6.<br />

Prêtres paï<strong>en</strong>s, leurs tromperies, 113,5 ; leur pouvoir, 124,9.<br />

Prêtres du Temple, serviteurs du diable, 41,6.<br />

Prière, vraie, 123,1 sq., 209,1 sq. ; <strong>de</strong>s lèvres, n'honore pas Dieu sans les actes,<br />

36,5 ; désavouée par le Seigneur, 112,8 sq.<br />

Princes, du juste exercice <strong>de</strong> leurs fonctions, 165,15 sq.<br />

Prochain, est celui qui est pauvre <strong>en</strong> esprit <strong>et</strong> <strong>en</strong> bi<strong>en</strong>s temporels, 112,4 ; cf. aussi<br />

AMOUR.<br />

521


Procréation, seulem<strong>en</strong>t dans le but <strong>de</strong> concevoir, 66,1 sq. ; selon l'ordonnance<br />

divine, 215,1 sq.<br />

Prodiges accomplis par Raphaël, 18,9, 52,7, 54,12, 56,9, 73,1, 82,1 sq., 84,2 sq.,<br />

118,14, 150,10 sq., 179,7, 189,1 sq. ; leur différ<strong>en</strong>ce avec ceux <strong>de</strong>s magici<strong>en</strong>s,<br />

55,1 sq.<br />

Progrès <strong>de</strong> l'esprit <strong>de</strong>puis le temps <strong>de</strong>s prophètes, 218,1 sq.<br />

Promesses du Seigneur, leur accomplissem<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>d <strong>de</strong>s hommes, 240,6, 241,7<br />

; obstacles à leur accomplissem<strong>en</strong>t, 243,1 sq. ; sur la vie éternelle, 225,6 sq. ; sur<br />

Sa mort <strong>et</strong> Sa résurrection, 226,4 sq.<br />

Prophètes, but <strong>de</strong> leur apparition, 3,17 sq. ; vrais <strong>et</strong> faux, 204,6 sq.<br />

Prophétie, <strong>de</strong> Judas l'Iscariote, 108,8 ; <strong>de</strong> Mathaël sur notre temps, 33,1 ; d'Isaïe,<br />

225.1 sq. ; <strong>de</strong> Zacharie, 153,1 sq. ; d'un voyant germain sur l'incarnation du<br />

Seigneur, 167,7 sq. ; leur mécanisme expliqué par le Seigneur, 167,11 sq.<br />

Pur<strong>et</strong>é <strong>de</strong> la doctrine, 113,6 sq.<br />

Quête <strong>de</strong> Dieu, 110,11, 207,11.<br />

Raison humaine, <strong>et</strong> compréh<strong>en</strong>sion <strong>de</strong> l'ordre divin, 64,1 sq. ; sa valeur, 77,9 ; <strong>et</strong><br />

cœur, 78,1 sq. ; inutile pour trouver Dieu, 123,8 ; sa formation, 175,1 sq. ;<br />

bibliothèque <strong>de</strong> l'âme, 180,15 ; éveillée, vaut mieux que les miracles, 227,8.<br />

Ré<strong>de</strong>mption, 16,13, 178,1.<br />

Régénération spirituelle, 53,10, 171,1 sq., 179,13, 232,2 ; perfections liées à elle,<br />

53,15 ; impossible avant la v<strong>en</strong>ue du Christ, 69,11 ; seulem<strong>en</strong>t après la<br />

Transfiguration, 171,5sq.<br />

Réincarnation, 11,3.<br />

Religion, <strong>de</strong>s causes <strong>de</strong> sa déca<strong>de</strong>nce, 63,14 sq., 240,3 sq.<br />

Remontrances, seulem<strong>en</strong>t par amour <strong>et</strong> non par orgueil, 59,2.<br />

R<strong>en</strong>oncem<strong>en</strong>t à soi-même, 8,3 ; ses avantages, 9,1 sq. ; libère l'âme, 12,3 ; dans<br />

le domaine sexuel, source <strong>de</strong> grâce pour la vie spirituelle, 66,5.<br />

Résurrection <strong>de</strong> trois noyés par le Seigneur, 201,22 sq.<br />

Révélation, sa vraie nature, 204,1 sq. ; se trouve dans le cœur, 184,6 ; pourquoi<br />

elle doit être voilée, 205,12.<br />

Richesse, bénédiction <strong>et</strong> malédiction, 192,1 sq. ; <strong>et</strong> dur<strong>et</strong>é <strong>de</strong>s Grecs <strong>de</strong> Césarée<br />

<strong>de</strong> Philippe, 188,2 sq.<br />

Richesses matérielles, <strong>de</strong> leur bonne utilisation, 14,1 sq., 192,15 ; refusées par<br />

Jarah, 123,17.<br />

Royaume <strong>de</strong> Dieu, dans le cœur <strong>de</strong> l'homme, 241,1 sq.<br />

Sabbat, 131,15.<br />

Sagesse, lumière <strong>de</strong> l'esprit dans l'âme, 42,8 ; dans le peuple, 96,6 ; <strong>de</strong> Dieu,<br />

214,17 ; égypto-indi<strong>en</strong>ne, 220,1 sq.<br />

522


Satan, 25,7, 130,13.<br />

Sauv<strong>et</strong>age miraculeux d'un vaisseau, 189,1 sq.<br />

Sauveur, questions à son propos, 5,1 sq., 39,9, 40,7, 45,12 ; sa r<strong>en</strong>ommée, 46,1<br />

sq. ; discussion <strong>de</strong>s Pharisi<strong>en</strong>s avec Jules, 6,1 sq. ; vu par Suétal, 39,8 sq., 50,4<br />

sq., 56,2 ; sa naissance, 179,2.<br />

Sci<strong>en</strong>ce, sans le cœur, ne mène qu'au mal, 175,4 sq.<br />

Scythes, leur <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t confié à Ouran par le Seigneur, 118,8.<br />

S<strong>en</strong>s (désir <strong>de</strong>s), ce dont la vraie vie peut se passer le plus facilem<strong>en</strong>t, 49,10.<br />

S<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t, voir CŒUR, RAISON.<br />

Sexualité, ne doit pas être stimulée prématurém<strong>en</strong>t, 66,9-10 ; pécheresse, 68,1 sq.<br />

; discours du Seigneur sur une sexualité ordonnée, 66-70, 215,1 sq.<br />

Simplicité, 10,5, 16,2.<br />

Soleil, eff<strong>et</strong>s <strong>de</strong> sa lumière, 116,3 sq. ; décrit par Jarah, 174,1 sq.<br />

Soleil appar<strong>en</strong>t, suscité par le Seigneur, 87,4 ; son but, 97,8 ; son extinction,<br />

99,2.<br />

Sommeil, trop long, affaiblit l'âme, 211,6 ; spirituel, 29,17 ; du Seigneur, 236,12.<br />

Souffrance, sa nécessité, 168,7 sq.<br />

Souffrances <strong>de</strong>s anges, 130,9 ; du Seigneur, cf. PASSION.<br />

Survie <strong>de</strong> l'âme, niée par Risa, 62,2.<br />

Tal<strong>en</strong>ts, raison <strong>de</strong> leur diversité, 79,1 sq.<br />

Temple, les croyances qu'il impose, 7,1 sq., 39,1 sq. ; ce qu'on y croit, 41,6 sq. ;<br />

lieu <strong>de</strong> toutes les abominations, 39,10 sq., 155,14, 161,11 sq. ; purifié par Jésus,<br />

46,3 ; le Seigneur annonce sa <strong>de</strong>struction, 113,13 sq.<br />

Temples égypti<strong>en</strong>s, parabole du mon<strong>de</strong> souterrain, 96,2.<br />

Terre, lieu <strong>de</strong> la miséricor<strong>de</strong> divine, 32,11 sq. ; le Seigneur explique sa nature,<br />

87,2 ; son <strong>de</strong>stin spirituel, 228,5 ; sou origine, 239,12.<br />

Vérité, est éternelle, 32,3 ; est la Vie, 43,5, 47,5 ; le Seigneur explique comm<strong>en</strong>t<br />

les hommes doiv<strong>en</strong>t être guidés vers elle, 168,1 sq. ; falsifiée par le. mon<strong>de</strong>,<br />

176,6 ; où il faut la chercher, 219,1 sq.<br />

Vêtem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Jésus, <strong>de</strong>scription, 155,17 sq., 156,7.<br />

Vie, son vrai but, 31,3 sq. ; <strong>de</strong> l'âme <strong>et</strong> vie <strong>de</strong> la chair, 42,2 ; <strong>et</strong> mort, 43,1 ; ne<br />

fail qu'un avec la vérité, 47,5 ; la vraie vie spirituelle, 242,1 sq.<br />

Vie éternelle, sa quête est une lutte, 29,8 sq. ; unique <strong>en</strong> Dieu <strong>et</strong> dans l'homme,<br />

32,1 sq. ; ne peut être conquise que dans l'activité, 203,1 sq.<br />

Vie intérieure, expliquée par Mathaël à Cyrénius, 27,4 sq.<br />

Villes, leur utilité <strong>et</strong> leurs maux, 10,2, 14,12.<br />

Vocation, <strong>de</strong> l'homme, 100,7.<br />

523


Voies <strong>de</strong> Dieu, 81,7, 124,17, 162,1 sq., 198,4.<br />

Volonté, bonne, vaut les œuvres, 43,1 sq., 171,9 sq.<br />

Zodiaque, les noms <strong>de</strong>s constellations expliquées par Mathaël, 102-105, 107 ;<br />

signification du mot, 107,2.<br />

524


INDEX DES PERSONNAGES CITÉS<br />

Les chiffres r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t aux chapitres<br />

Le Seigneur comm<strong>en</strong>ce <strong>et</strong> termine, 1-246.<br />

Aaron, 137, 139, 159, 203, 212, 213, 235, 237.<br />

Abel, 153.<br />

Abraham, 13, 38, 176, 191, 205, 206, 216. 235, 236.<br />

Adam, 10, 52, 56, 153, 171, 195, 195,205, 211.<br />

Alexandre <strong>de</strong> Macédoine, 158.<br />

Amphiaros, 1.<br />

André, 170.<br />

Aphrodite, 90.<br />

Apollon, 36, 88, 99, 105, 140.<br />

Archimè<strong>de</strong>, 122.<br />

Aristi<strong>de</strong>, 2.<br />

Aristote, 125, 152, 159.<br />

Astyage, 1.<br />

Auguste, César, 104, 118, 185, 202.<br />

Bael, 59, 81, 127, 169, 187.<br />

Belzébuth, 46. 52.<br />

Bilam, 235.<br />

Boz, 127, 128, 169, 187.<br />

Caïn, 10, 53.<br />

Cerbère, 89.<br />

Chabbi, 197-206, 208, 209, 212, 213.<br />

Cornélius, 120, 127, 137, 146, 166, 167, 169, 172-181, 187, 202, 210, 211.<br />

Crésus, 1, 19.<br />

Cyrénius, 13-23, 26-37, 44, 58, 60, 65, 69-74, 81-83, 86, 87, 91, 99, 115, 117-<br />

121, 127, 134-150, 156, 160, 162, 164, 166, 167, 169, 185, 187, 188, 190, 192-<br />

194, 197, 198, 201, 202, 211, 217, 218.<br />

Cyrus. 1.<br />

Daniel, 97, 99, 142, 143, 204.<br />

Daphné, 88, 140.<br />

David, 8, 14, 23, 63, 119, 142, 145, 153, 179, 197, 242.<br />

525


Didon, 88.<br />

Diogène, 158, 176.<br />

Eaque, 88.<br />

Ebahl, 13, 20, 44, 50, 58, 81, 123, 131, 133, 136, 137, 166, 169, 187, 188, 191,<br />

210, 211.<br />

Elie, 50, 143, 145, 152, 171, 194, 196, 205, 209, 216.<br />

Endor (la sorcière d'), 167.<br />

Esaü, 232.<br />

Eucli<strong>de</strong>, 152, 174.<br />

Europe, 88.<br />

Eurydice, 88.<br />

Eve, 52, 211.<br />

Faustus. 120, 127, 137, 146, 148, 164, 169, 186, 187.<br />

Floran, 157-163, 169, 185, 197, 216, 218, 225.<br />

Gê. 140.<br />

Goliath, 127.<br />

Gorgone, 88.<br />

Haméro<strong>de</strong>, 122.<br />

Hébram, 18-20, 58, 62-65, 81, 131, 155, 169, 186, 188.<br />

Hélène, 85, 86, 88, 89, 90-93, 96, 100-127, 131-134, 141, 164, 166, 187, 211.<br />

Hénoch, 51, 77, 103, 153, 205.<br />

Hénok, 10.<br />

Hercule. 125.<br />

Hermès, 141, 142, 146, 148, 164, 169, 186, 187.<br />

Héro<strong>de</strong>, 16, 44, 45, 179, 231.<br />

Hérodia<strong>de</strong>, 45, 198.<br />

Homère, 88.<br />

Isaac (patriarche), 191, 205, 206, 216.<br />

Isaïe. 197, 204, 206, 208, 225, 226, 229.<br />

Jaïrus (Jaïre), 166.<br />

Jacob (patriarche), 191, 205, 206, 211, 216.<br />

Jacob (frère aîné du Seigneur), 34.<br />

Jarah, 13, 20, 23, 37, 44, 50, 58, 60, 65, 74, 81-83, 86, 110, 114, 116, 121-127,<br />

131, 133, 169-174, 184, 187, 210, 211.<br />

526


Jean-Baptiste, 18, 45, 198.<br />

Jérémie, 204, 240.<br />

Jésus, 20, 39, 155, 166.<br />

Joab, 56.<br />

Joseph (père <strong>de</strong> Jésus), 227.<br />

Joseph, 38, 49.<br />

Josoé, 20, 50, 58, 65, 74, 80-83, 127, 166, 169, 187, 211.<br />

Judas l'Iscariote, 18, 108, 109, 169, 187.<br />

Jules, 1, 2, 4-8, 13, 20, 21, 37-41, 44-47, 49, 50, 56, 58, 83, 99, 115, 127, 135-<br />

137, 140, 141, 146, 167, 169, 187,211.<br />

Jules César, 104.<br />

Junon, 88, 103.<br />

Jupiter, 90.<br />

Jurah, 199, 201, 202, 208, 209, 212, 213, 214.<br />

K<strong>en</strong>an, 153.<br />

Kisjonah, 137, 146, 166, 169, 179, 181, 184, 187, 188,210,211.<br />

Loth, 23, 39.<br />

Marie (mère du Seigneur), 227.<br />

Marc, 18, 21, 23-26, 34, 45, 57-60, 65, 81-83, 85, 99, 114, 116, 117, 127, 131-<br />

136, 141, 148, 162, 164, 167-169, 186-191, 194, 209, 210.<br />

Mars, 102.<br />

Messie, 6, 20, 55, 56, 153-156, 160, 161, 196-200, 202, 203, 206, 208, 209.<br />

Messie-Yahvé, 160.<br />

Mathaël. 25, 27-44, 47-54, 56, 58, 60, 61, 63, 76, 77, 81, 84,85,88-110, 114, 118-<br />

129, 132-143, 146, 148, 159, 164-166, 169, 170, 172, 184, 187, 197, 210, 211,<br />

227-239, 242, 244, 246.<br />

Matthieu, 18.<br />

Méduse, 19, 88.<br />

Mégère, 88.<br />

Mercure, 36, 44, 88.<br />

Micha, 127-129, 169, 187.<br />

Michaël (archange), 52, 145.<br />

Minos, 88.<br />

Moïse, 6, 8, 16, 23, 28, 38, 39, 48-52, 55, 62, 63, 66, 69, 77, 86, 91, 103, 108,<br />

127, 128, 136-139, 143, 146, 149, 153, 156, 158, 159, 161, 171, 176, 194, 196,<br />

527


203, 205, 206, 211-216, 219, 221, 222, 224, 229, 234-237.<br />

Murel, 216-236, 239, 240, 244, 246.<br />

Noé, 10, 13, 14, 16, 39, 43, 195, 205, 213, 218.<br />

Ouran, 85, 88-98, 105, 110, 114, 118, 119, 121, 125-127, 131, 133-135, 141,<br />

148, 164, 165, 168, 169, 172, 186, 187, 211-213, 216, 227.<br />

Ovi<strong>de</strong>, 125.<br />

Pierre, 184.<br />

Pharaon, 16, 49, 55.<br />

Philopold, 137, 166, 169, 172, 179, 180-187, 211, 219-224, 226, 227, 229, 231,<br />

234, 243, 244, 246.<br />

Phrygius, 176.<br />

Platon, 2, 125, 152, 159, 176, 181, 196.<br />

Plotin, 88, 176.<br />

Pluton, 89, 99, 113, 140.<br />

Proserpine, 88.<br />

Pythagore, 159.<br />

Pythie, 1.<br />

Raphaël (archange), 2, 3, 5, 18, 20, 23, 44, 50, 52, 54-61, 65, 73-75, 78-84, 99,<br />

114, 118, 123, 126, 131-137, 148, 150-153, 157-160, 164, 169, 172, 179, 180,<br />

187, 189, 191, 201, 211, 214, 216, 232-246.<br />

Rhadamanthe, 88.<br />

Ribar, 51-59, 73-81, 127, 130,169, 187.<br />

Risa, 62-64, 81, 155,169, 187.<br />

Rob, 127, 128, 169, 187.<br />

Salomon, 14, 18, 19, 29, 39, 44, 63, 108, 127, 152, 182, 197, 204.<br />

Samson, 127.<br />

Samuel, 50, 145, 150, 152, 167, 216.<br />

Satan, 3, 8, 13, 22, 25, 33, 52, 117, 130, 134, 137, 145, 207, 212, 214, 218, 231.<br />

Saül, 63, 119, 128, 145, 167.<br />

Simon Juda, 18, 86, 102, 108, 159.<br />

Socrate, 2, 125, 152, 159, 176.<br />

Stahar, 148-158, 160, 162, 163, 169, 185, 197, 216-218, 225.<br />

Suétal, 38-61, 65, 73-81, 121, 127, 169, 187.<br />

Thalès, 122.<br />

Thomas, 108, 109, 169.<br />

528


Tobie, 77, 150, 160, 244.<br />

Trophonios, 1.<br />

Vénus, 19, 90, 92.<br />

Yahvé, 20, 45, 52, 55, 58, 144, 146, 146, 151, 152, 156, 158, 190, 194, 195, 201,<br />

202, 216, 218, 235, 242.<br />

Yahvé Sabaoth, 153.<br />

Zacharie, 146, 153.<br />

Zahr, 127-131, 169, 187.<br />

Zeus, 86, 88, 90, 99, 103, 105, 113, 216.<br />

Autres personnages : Fils <strong>et</strong> filles <strong>de</strong> Marc ; épouse <strong>et</strong> filles d'Hermès ; un Grec ;<br />

un chef <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s ; une femme ; noyés ; un voyant germain ; un Perse <strong>et</strong> son<br />

épouse ; <strong>de</strong>ux cavaliers ; les disciples du Seigneur ; diables ; serviteurs <strong>de</strong><br />

Cyrénius ; serviteurs d'Hélène ; Pharisi<strong>en</strong>s <strong>et</strong> lévites ; templiers ; marchands ;<br />

matelots ; soldats romains.<br />

529


Abéa, 1.<br />

Abou Simbel, 220.<br />

Amana, 19.<br />

Ararat, 109.<br />

Babel, 52.<br />

Babylone, 14, 39, 99<br />

B<strong>et</strong>hléem, 179, 197, 202.<br />

Caire (Le), 176.<br />

INDEX DES NOMS DE LIEU<br />

Les chiffres r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t aux chapitres<br />

Cana près <strong>de</strong> Kis (Cana <strong>en</strong> Samarie), 180, 184, 219, 222.<br />

Capharnaüm, 166.<br />

Caspi<strong>en</strong>ne (mer), 227.<br />

Césarée <strong>de</strong> Philippe, 1, 34, 114, 115, 131-136, 140, 146, 162, 166, 169, 185, 186,<br />

189, 190, 231.<br />

Cédron (fleuve), 6.<br />

Charyb<strong>de</strong> <strong>et</strong> Scylla, 142, 146.<br />

Damas, 39, 55, 63.<br />

Delphes, 1, 167.<br />

Dodome, 1, 88, 167.<br />

E<strong>de</strong>n (jardin d'), 10.<br />

Elysée, 88.<br />

Galilée (mer <strong>de</strong>), 34, 135.<br />

Génézar<strong>et</strong>h, 20, 44-47, 50, 56, 123, 131, 136, 166, 169, 191,210.<br />

Gilead, 19.<br />

Gomorrhe, 12-14, 135.<br />

Gorazim (Garizim), 22.<br />

Halys, 1.<br />

Hénok, 10, 14.<br />

Hermon, 19.<br />

Hermos, 1.<br />

Ister (Danube), 167.<br />

Jéricho, 115.<br />

530


Jérusalem, 14, 19, 22, 33, 38-41, 45, 58, 81, 83, 113, 119, 125, 147, 157, 159,<br />

160-162, 166, 190, 191, 194, 196, 203, 209, 216, 218, 220, 225, 231, 235, 237.<br />

Jourdain, 46.<br />

Kis, 137, 146. 180, 184, 222.<br />

Korak (Karnak), 216, 219, 220.<br />

Liban, 19, 159.<br />

Memnon (colonnes <strong>de</strong>), 220.<br />

Nazar<strong>et</strong>h, 2, 5, 6, 16, 20, 21, 40, 45, 47-57, 60, 74, 77, 118, 127, 142, 155, 160.<br />

166.<br />

Nil, 102, 103, 220.<br />

Ninive, 14, 52.<br />

Olympe, 89, 99.<br />

Pont-Euxin, 44, 88, 93, 106, 118, 143, 166, 168, 172, 227, 231, 232.<br />

Rome, 2, 17, 26, 37, 38, 40, 41, 45, 118, 119, 135, 154, 155,160, 162, 166, 176,<br />

192, 197, 201.<br />

Salem, 49.<br />

Samarie, 22, 40, 41, 46, 235, 236.<br />

Sanir, 19.<br />

Sar<strong>de</strong>s. 1.<br />

Sichar, 45, 56.<br />

Sidon, 41, 44.<br />

Sinaï, 16, 52, 77, 128, 156, 206, 224.<br />

Sodome, 12-14, 23, 135.<br />

Styx, 200.<br />

Tyr, 44.<br />

Vindobona (Vi<strong>en</strong>ne), 167.<br />

531


ACHEVÉ D'IMPRIMER<br />

EN AVRIL 1995<br />

PAR L'IMPRIMERIE<br />

DE LA MANUTENTION<br />

A MAYENNE<br />

N° 112-95

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