Obésité de l'enfant : le poids des mots - Education santé Rhône-Alpes

Dès que le bébé a une marche assez stable, il mange au self service. Tous les plats du repas sont
posés sur une tablette, à sa hauteur. Chacun à son tour, et les autres attendent patiemment, un bébé
vient se servir, dans un petit plateau à compartiments. Les auxiliaires peuvent donner un petit coup de
main, mais elles n’imposent rien. Les bébés se servent spontanément de tout, et très peu, et vont
avec leur plateau s’asseoir à table. Les enfants adorent ce moment, ils jubilent… Jamais un plateau
n’a été renversé.
La plupart tiennent absolument à manger seuls, et souvent, ils commencent par le dessert.
Lors des réunions de parents, des petits films leurs sont montrés.
Dans ce contexte, même à la maison, l’inquiétude sur le comportement alimentaire est inexistante et il
est rarement nécessaire de s’inquiéter pour une courbe staturo-pondérale. L’autonomie donnée aux
enfants pendant les repas, permet qu’à la maison aussi, les limites de satiété soient respectées.
On peut déduire de cette expérience où tout forcing alimentaire même insidieux est banni
- que ces petits là ne mangent pas pour faire plaisir à quelqu’un, ou parce qu’on les distrait…
mais ils en ont du plaisir… et ils font plaisir à celles qui admirent leur compétence, et les
soutiennent du regard et de la parole (holding visuel de Winnicot)
Ils se servent de toutes petites quantités :
- peut-être les bébés sont ils découragés par des assiettes trop remplies, avec la quantité que
l’adulte pense que le bébé doit manger… et l’inquiétude et le conflit alimentaire sont prêts à
commencer : du mini forcing ludique au vrai forcing sadique, du " si tu ne finis pas ton
assiette, tu n’auras pas de dessert " et c’est vrai qu’ils n’ont pas de dessert… à l’enfant qui
doit rester une heure ou plus à table… et voilà, les aliments sucrés érigés en récompense,
leur absence en frustration, l’énervement, l’angoisse qui accompagnent la prise de nourriture.
Tout forcing alimentaire est intrusif (ne respecte pas la limite) et risque de déboussoler pour
l’avenir les mécanismes de satiété.
En ce sens, il m’arrive souvent de rappeler en consultation les mots de F. Dolto qui disait aux enfants :
" c’est très bien de dire que tu n’as pas faim, ce n’est pas grave, tu mangeras mieux demain ". Je dis
l’importance de faire confiance à l’enfant en ce qui concerne son appétit, et sa sensation de satiété, et
parfois, s’il me semble que cette question peut nous éclairer, je cherche à comprendre avec les
parents l’origine de leur focalisation sur l’alimentation.
L’absence de plaisir et de convivialité familiale pendant les repas est, tout au long de l’enfance, un
facteur de déstructuration des repas et donc entraîne le grignotage au long de la journée. Cela facilite
souvent le dialogue d’aborder d’emblée la question par le biais de l’ambiance des repas, tant
l’énervement, l’angoisse répétitivement présents, pèsent sur l’ambiance familiale.
J’ajoute ici, qu’au prisme des limites, celles, intimes, de l’enfant ne sont pas respectées, et que celles
de l’interdit du grignotage en dehors des repas ne sont pas posées. Les conditions d’un futur trouble
du comportement alimentaire sont là, qu’il s’agisse de boulimie, ou d’anorexie.
Bien sûr, il y a aussi tous ceux qui dès leur plus jeune âge ont beaucoup de plaisir à bien, et
beaucoup manger… souvent chez de jeunes enfants à haut risque de prise de poids. C’est toute la
famille qui n’a pas de limites, couples mères-enfants trop fusionnels, enfants surprotégés, absence
d’interdits.
Alors, nous y voici, quel va être le poids des mots de la pédiatre ? Bien souvent, le fait de leur parler
de l’expérience du self de la crèche permet d’amorcer le débat sur la relation alimentaire… toujours
sur la pointe des pieds. C’est si vite fait de culpabiliser et d’inquiéter une maman… : " l’obésité ce
n’est pas qu’une question d’esthétique, il s’agit de sa santé… Et qui fait les courses ? Il suffit de ne
pas acheter de ces céréales épouvantablement sucrées (ce n’ est qu’un exemple) ". Et après,
comment continuer à travailler en confiance ?
A chaque consultation, l’enfant est pesé et mesuré, la courbe staturo pondérale est établie et
commentée sans dramatiser. Un silence permet à la fois d’attendre d’éventuelles questions ou
réactions, de ressentir une inquiétude, ou un déni.
Obésité de l'enfant : le poids des mots
Comment communiquer pour prévenir et prendre en charge ?
Actes de la journée d'échanges du mardi 28 novembre 2006, à Villefontaine
CRAES-CRIPS / Avril 2007 Page 49