Entrevue avec Michael Hardt

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CONJONCTURES n o 43
dominantes, alors il n’est pas irrationnel de trouver, dans
l’état de l’opinion publique américaine, une raison
d’entretenir un modeste espoir.
J’ai suggéré en commençant ce texte que l’on bannisse de
notre vocabulaire ce méchant mot d’antiaméricanisme. Je me
demande cependant, au moment de le clore, à qui cette recommandation
peut s’adresser. Certainement pas à ceux et
celles qui s’efforcent, honnêtement, de comprendre le monde
dans lequel ils vivent dans l’espoir de le comprendre et de
contribuer à le changer : ceux-là n’ont jamais usé de ce vocable
aberrant. Peut-être aux idéologues, alors, qui aspirent
moins à comprendre le monde qu’à justifier les crimes qu’y
commettent les puissants ? Mais il est à craindre que cet appel
à la retenue sémantique ne les atteindra jamais. Toutefois,
et dans l’éventualité où des représentants du premier groupe
en viennent à discuter avec des représentants du deuxième et
à être taxés par eux d'antiaméricanistes, je suggérerais
d’avoir recours, en le justifiant par des arguments et des faits,
à des vocables qui ont le mérite de dire précisément ce contre
quoi ils en ont — par exemple l’impérialisme du gouvernement
américain, son manque de respect pour la démocratie et
pour le droit international.
On devrait certainement ajouter à cette liste les graves dangers
que le gouvernement américain actuel fait courir à
l’avenir de la vie sur Terre. C’est du moins l’avis de Noam
Chomsky, qui commence son dernier ouvrage 21 en suggérant
que les trois problèmes suivants devraient probablement figurer
sur toute liste énumérant les plus graves dangers auxquels
l’humanité fait face en ce moment même. Le premier
est la possibilité d’une guerre nucléaire ; le deuxième, celui
21 Chomsky, N. Failed States. The Abuse of Power and the Assault on Democracy,
Metropolitan Books, New York, 2006, p. 1.
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