Entrevue avec Michael Hardt

IMPRESSIONS USA
gne afghane entreprise par l’actuel gouvernement conservateur
au nom du peuple canadien — mais au mépris de la
forte opposition populaire à cette intervention militaire 1.
Pour légitimer des interventions armées qui se targuent
d’humanisme, Michael Ignatieff, puisque c’est de lui qu’il
s’agit, s’était porté il y a trois ans à la défense des « guerres
humanitaires » entreprises par les États-Unis, et tout particulièrement
à celle menée alors en Irak au mépris de la communauté
internationale. Dans un article intitulé « Le Fardeau
» (« The Burden ») — un titre que ses lecteurs anglophones
ne pouvaient manquer de percevoir comme une référence
à un célèbre poème de Kipling 2 — l’éminent penseur justifiait
cet appui en des mots qui ne pourraient manquer de susciter
l’admiration de tous les apologistes des régimes totalitaires
de tous les temps et de tous les pays et qui faisaient de lui, à
n’en pas douter, un parfait antiantiaméricaniste :
L’Empire américain n’est pas comme les empires du passé,
qui s’étaient construits sur le colonialisme, la conquête et qui
sont le fardeau de l’homme blanc. […] L’Imperium du XXI e
siècle est une nouveauté dans les annales de la science politique,
un empire version légère, une hégémonie globale dont
les notes gracieuses sont les libres marchés, les droits de la
personne, mis en œuvre par la plus extraordinaire puissance
militaire que le monde ait jamais connue. C’est l’impérialisme
d’un peuple qui se souvient que son pays a conquis son indépendance
en se révoltant contre un empire et qui aime à penser
qu’il est partout un ami de la liberté. C’est un empire qui
1 Selon un sondage Globe and Mail/CTV du 24 février 2006, une majorité de
Canadiens est opposée à l’envoi de troupes en Afghanistan. Au Québec, ce sont
65 % des répondants qui se prononcent contre cette « mission ». Le Devoir, 14
mars 2006, page A1.
2 « The White Man’s Burden » (Le Fardeau de l’homme blanc) portait en soustitre
: The United States and the Philippine Islands et était un appui donné à la
colonisation des Philippines et un rappel du coût des aventures impérialistes.
L’expression « The White Man’s Burden » est devenue un euphémisme servant de
cri de ralliement aux impérialistes occidentaux qui exprimaient ainsi le terrible
poids qu’ils devaient supporter pour assumer leur « noble mission » d’apporter la
civilisation aux « barbares ».
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