La secondesu rprise de l'amour
La secondesu rprise de l'amour
La secondesu rprise de l'amour
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<strong>La</strong> <strong>La</strong> seco secon<strong>de</strong> seco n<strong>de</strong> su surpris su surpris<br />
<strong>rprise</strong> rpris e <strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> <strong>l'amour</strong><br />
<strong>l'amour</strong><br />
une douleur exquise -<br />
De De Marivaux Marivaux et et Sophie Sophie Sophie Calle Calle<br />
Calle<br />
Mise Mise en en scène scène Alexandra Alexandra Tobelaim Tobelaim / / Cie Cie Cie Tandaim Tandaim<br />
Tandaim<br />
Scénographie Scénographie Olivier Olivier Thomas<br />
Thomas<br />
Univers Univers sonore sonore Christophe Christophe Perruchi<br />
Perruchi<br />
Lumières Lumières Thomas Thomas Costerg Costerg<br />
Costerg<br />
avec avec Sophie Sophie Delage, Delage, Marie Marie Marie Dompnier, Dompnier, Éric Éric Feldman, Feldman, Thierry Thierry Otin, Otin, Olivier Olivier Veillon<br />
Veillon<br />
<strong>La</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> l’amour a<br />
pour point <strong>de</strong> départ une douleur<br />
d'amour, incommensurable,<br />
immense, inextinguible.<br />
Une Douleur exquise comme la<br />
nomme Sophie Calle, dont le texte<br />
fait écho à celui <strong>de</strong> Marivaux. Loin<br />
d'un manège <strong>de</strong> galanterie délicate<br />
et recherchée, la mise en scène<br />
prendra le chemin <strong>de</strong>s sentiments<br />
forts et excessifs <strong>de</strong>s jeunes<br />
personnages dont les réactions<br />
sont volcaniques, explosives.<br />
Dates<br />
Dates<br />
Lieu<br />
Lieu<br />
Durée Durée<br />
Durée<br />
Niveau<br />
Niveau<br />
jeudi 19 février : 20h30<br />
Salle François<br />
Mitterrand - Lorgues<br />
durée 2h00<br />
4ème en projet<br />
3ème en projet<br />
secon<strong>de</strong><br />
première<br />
terminale
<strong>La</strong> <strong>La</strong> mise mise en en en scène scène<br />
scène<br />
“Il y a 90 jours,<br />
l’homme que j’aime<br />
m’a quitté.<br />
C’est tout.<br />
Pas fameux comme<br />
souffrance.<br />
L’histoire ne mérite<br />
pas d’être rabachée<br />
interminablement.”<br />
Sophie Calle<br />
« Tout ce que je sais,<br />
c'est que je vous ai<br />
perdue, que je<br />
voudrais vous parler<br />
pour redoubler la<br />
douleur <strong>de</strong> ma perte,<br />
pour m'en pénétrer<br />
jusqu'à mourir. »<br />
Marivaux<br />
Le chagrin d’amour, état normalement douloureux :<br />
point commun entre <strong>La</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong><br />
l’amour <strong>de</strong> Marivaux et Une Douleur exquise <strong>de</strong><br />
Sophie Calle<br />
<strong>La</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> fait partie <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> Marivaux qui<br />
tentent <strong>de</strong> percer le mystère du sentiment amoureux : comment il naît,<br />
comment il se manifeste et avec quel aveuglement les amants tentent-ils <strong>de</strong><br />
le nier ?<br />
Une <strong>de</strong>s particularités <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> est le postulat <strong>de</strong> départ. Il ne<br />
s'agit ni d'un amour naissant, ni d'un amour contrarié mais d'un chagrin<br />
d'amour. Une douleur d'amour, incommensurable, immense,<br />
inextinguible.<br />
Nos <strong>de</strong>ux personnages sont reclus à cet endroit <strong>de</strong> l'âme et du corps où la<br />
vie ne semble plus possible. Ce sentiment, cette disposition d'esprit fait<br />
partie <strong>de</strong>s états (psychiques et corporels) qui sont insoupçonnables (voir<br />
incompréhensibles) pour qui ne les a pas vécus. Et lorsque nous les<br />
traversons, la douleur est si gran<strong>de</strong> et si violente qu'elle en <strong>de</strong>vient indicible.<br />
C'est au coeur <strong>de</strong> cette douleur que commence <strong>La</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>l'amour</strong>.<br />
Douleur exquise comme la nomme Sophie Calle. Douleur à l'intérieur<br />
<strong>de</strong> laquelle on se plaît, on se complaît parfois ; qui nous façonne et<br />
qui nous appartient comme un ultime présent <strong>de</strong> l'amant disparu. Un<br />
souvenir physiquement tangible, mais dont la réalité s'altère avec le<br />
temps.<br />
Paradoxalement, c'est cette douleur qui rapproche la Marquise et le<br />
Chevalier, et qui en même temps, les empêche d'i<strong>de</strong>ntifier la véritable<br />
nature <strong>de</strong> leurs sentiments. Contrairement à ce qu'ils se préten<strong>de</strong>nt l'un<br />
l'autre, ils ne sont pas exempts <strong>de</strong> tout désir.<br />
Ce nouvel amour qui naît sur les cendres <strong>de</strong> l'ancien, c'est avant<br />
tout la manifestation irrépressible <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> vivre. <strong>La</strong><br />
secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> est une pièce qui nous conduit vers ce désir <strong>de</strong><br />
vie. Marivaux nous offre une fois <strong>de</strong> plus sa vision optimiste <strong>de</strong> l'Homme.<br />
Et Lubin <strong>de</strong> conclure la pièce : Allons, <strong>de</strong> la joie !
« Je me meurs, je<br />
voudrais mourir, et je<br />
ne sais pas encore<br />
comment je vis<br />
encore. »<br />
Le chevalier<br />
“- Depuis que j'ai<br />
perdu Angélique,<br />
j'oublierais presque<br />
que l'on peut aimer,<br />
si vous ne m'en<br />
parliez pas.<br />
- Oh ! pour moi, j'en<br />
parle sans m'en<br />
ressouvenir”<br />
<strong>La</strong> marquise / Le<br />
chevalier<br />
Douleur exquise <strong>de</strong> Sophie Calle fait écho, presque trois cents ans plus<br />
tard, à l’oeuvre <strong>de</strong> Marivaux. Il est stupéfiant <strong>de</strong> voir à quel point les<br />
<strong>de</strong>ux oeuvres décrivent précisément le même sentiment : la<br />
douleur amoureuse et... son effacement. Les sentiments humains<br />
n’auraient-ils pas évolué ? Seule la forme (le langage, l’environnement<br />
social) semble avoir changé. Le sentiment amoureux, lui, reste constant.<br />
Des conventions sociales <strong>de</strong> Marivaux à<br />
l’intimité réaliste <strong>de</strong> Sophie Calle<br />
C’est la lecture <strong>de</strong> Douleur exquise qui m’a fait désirer cette pièce<br />
<strong>de</strong> Marivaux. Il s’agit <strong>de</strong> la même problématique immuable, du<br />
même cheminement, mais à travers une expression<br />
contemporaine. C’est la confrontation <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux oeuvres, ce thème<br />
i<strong>de</strong>ntique qui traverse les époques, celle <strong>de</strong> Marivaux et la nôtre, que j’ai<br />
souhaité monter.<br />
Comment rendre palpable et visible ce mouvement physiologique qu’est la<br />
douleur amoureuse et son effacement vers un nouvel élan <strong>de</strong> vie ? A<br />
travers leurs <strong>de</strong>ux propositions, Marivaux et Sophie Calle nous amènent<br />
chacun une réponse.<br />
Douleur exquise <strong>de</strong> Sophie Calle est une œuvre percutante, visuelle,<br />
plastique, fulgurante. Etonnamment, le temps y est palpable. Elle nous<br />
plonge dans l’intime, au creux d’une douleur personnelle.<br />
<strong>La</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> nous décrit la relation amoureuse à travers le<br />
filtre <strong>de</strong>s rapports sociaux. L’oeuvre <strong>de</strong> Marivaux, tout en nuance dans<br />
la langue, est insidieuse.<br />
Ce projet, ce sont les mots <strong>de</strong> Marivaux, l’introspection <strong>de</strong> Sophie Calle et<br />
nous, vivants.
…Qui du corps ou<br />
<strong>de</strong> l'âme est à<br />
l'origine <strong>de</strong> l'autre ?<br />
<strong>La</strong> forme et les<br />
mouvements <strong>de</strong><br />
l'âme précè<strong>de</strong>nt-ils<br />
ceux du corps, ou la<br />
forme et les<br />
mouvements du<br />
corps engendrent-ils<br />
ceux <strong>de</strong> l'âme ?”<br />
Alina Reyes<br />
Un jeu <strong>de</strong> figures intimistes et non <strong>de</strong><br />
personnages<br />
Une douleur exquise, écrit en 1985, utilise un moyen beaucoup plus proche <strong>de</strong> moi que<br />
l’écriture <strong>de</strong> Marivaux. C’est ce qui m’a convaincu <strong>de</strong> monter la secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong><br />
l’amour et qui m’a surtout permis d’avoir un imaginaire qui s’est ouvert et qui a fait<br />
que la marquise n’est plus une marquise avec la perruque et avec la robe, i<strong>de</strong>m pour le<br />
chevalier et les autres personnages. Cela m’a permis <strong>de</strong> les rapprocher <strong>de</strong><br />
personnes et non plus <strong>de</strong> personnages, et d’être vraiment dans un rapport plus <strong>de</strong><br />
personne et <strong>de</strong> vécu, et d’intime.<br />
Chez Marivaux on est toujours dans un rapport social, les personnages ne sont<br />
jamais seuls donc on n’a jamais accès à leur intimité. Alors qu’avec Sophie Calle on<br />
va pouvoir avoir une vision <strong>de</strong> l’intime, qu’est ce que c’est que cette souffrance<br />
d’un point <strong>de</strong> vue intime. Et c’est ce qui m’a intéressé dans le projet, <strong>de</strong> voir comment<br />
la marquise souffre, comment Lisette vit cette chose là et ainsi <strong>de</strong> suite.<br />
Alexandra Tobelaim<br />
Corps à cœur : un jeu physique<br />
Le désir, le chagrin, la jalousie, la séduction, le dépit...<br />
Tous ces sentiments amoureux passent-ils d'abord par l'âme et<br />
ont-ils ensuite <strong>de</strong>s répercussions physiques ? Ou bien est-ce le<br />
contraire ?<br />
Arrivent-ils par le corps et résonnent-ils dans l'âme ? Marivaux nous décrit<br />
précisément l'état <strong>de</strong> l'âme <strong>de</strong> ses personnages. Une part <strong>de</strong> notre travail<br />
sera d'aller chercher <strong>de</strong>s résonances et/ou <strong>de</strong>s manifestations <strong>de</strong> cet état<br />
dans leurs corps.<br />
Je veux que ce spectacle soit un spectacle physique. L'amour est<br />
aussi une histoire <strong>de</strong> corps. Comment représenter physiquement la douleur<br />
engendrée par le chagrin ? Comment se parlent, comment se touchent <strong>de</strong>ux<br />
corps en souffrance ?<br />
Comment ces corps jouent-ils lorsqu'ils sont amoureux ? Comment se<br />
déplacent- ils ? Et comment se comportent-ils lorsqu'ils sont seuls,<br />
débarrassés <strong>de</strong> toute contrainte sociale ?<br />
J'aimerais que le public puisse voir ce spectacle sans le son, sans parole, et<br />
le comprenne, uniquement en regardant les acteurs se déplacer sur le<br />
plateau, simplement être ensemble.<br />
Le sentiment amoureux se voit. Comment représenter cela ? Ces<br />
bouleversements indicibles, comment les rendre théâtraux ?
Faire coïnci<strong>de</strong>r l’unité <strong>de</strong> temps, lieu, espace du<br />
théâtre au temps et à l’espace réel <strong>de</strong> la<br />
représentation<br />
Champ, contre-champ, hors-champ, un jeu avec les conventions du<br />
théâtre classique<br />
A l’'opposé d'un découpage <strong>de</strong> la dramaturgie que l'on pourrait qualifier <strong>de</strong><br />
cinématographique, il n'y a pas, dans notre secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong>, ni d'ellipse<br />
temporelle, ni <strong>de</strong> hors-champ. Durant cette unité <strong>de</strong> temps définie par<br />
le texte lui-même, tout autant que par la convention classique, chaque<br />
personnage évolue en permanence et en temps réel dans le mon<strong>de</strong><br />
clos du plateau. Toutes les scènes se jouent à l'intérieur <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> cette<br />
« cosmogonie marivaudienne » accentuant ainsi l'effet d'emboîtement <strong>de</strong>s<br />
unes dans les autres.<br />
Chez Marivaux nous sommes dans une construction classique par rapport à<br />
l’unité <strong>de</strong> temps, <strong>de</strong> lieu et d’espace. Mais je ne me voyais pas monter un spectacle<br />
avec une scène où la marquise s’en va et elle revient. Cette vie là du personnage en<br />
coulisse me paraît hors du temps. J’avais envie d’essayer <strong>de</strong> ne pas travailler dans<br />
cette convention là. Ce qui m’a intéressé c’est d’aller contre toutes les conventions<br />
reçues.<br />
J’avais envie que si un personnage parle, on l’enten<strong>de</strong>, nous spectateurs mais<br />
aussi le personnage, l’autre comédien sur le plateau. Je voulais jouer avec les<br />
conventions théâtrales établies.<br />
Mais Marivaux à la <strong>de</strong>nt dure et ça n’a pas toujours été possible. On a trouvé <strong>de</strong>s<br />
subterfuges etc., mais cela a été très difficile. Un aparté dit <strong>de</strong> façon intime ne<br />
fonctionne absolument pas. Cela fonctionne en répétition et puis au bout d’un moment<br />
cela ne fonctionne plus. L’écriture classique résiste.<br />
Alexandra Tobelaim<br />
Donner <strong>de</strong>s tranches <strong>de</strong> vie, inventer toute la vie qui n’a pas été écrite<br />
par Marivaux<br />
L’autre chose qui m’intéressait par rapport à cette convention <strong>de</strong>s coulisses, <strong>de</strong>s sorties,<br />
etc. c’était <strong>de</strong> donner au contraire <strong>de</strong>s tranches <strong>de</strong> vie. Notre pièce se passe là, avec<br />
ces personnages là, sur un temps donné sur le plateau et on va vivre avec eux<br />
ce temps là. Donc la marquise elle sera toujours là, le chevalier sera toujours là, le<br />
conte sera toujours là, même s’il n’a que cette scène sur le plateau, tout le mon<strong>de</strong> sera<br />
toujours là et je vais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux acteurs d’inventer toute la vie qui n’est pas<br />
écrite par Marivaux et qui va nous rapprocher <strong>de</strong> l’intime <strong>de</strong>s personnes<br />
personnages. On a <strong>de</strong>s figures, comme disent certains metteurs en scène, ce ne sont<br />
pas personnages et ce ne sont pas <strong>de</strong>s personnes, ce sont <strong>de</strong>s figures.<br />
Alexandra Tobelaim
<strong>La</strong> scénographie, <strong>de</strong>ux espaces en contrepoint<br />
Le jardin, espace social <strong>de</strong> Marivaux / les intérieurs intimistes et<br />
réels, la vie à travers les fenêtres d’immeuble<br />
Nous voulons mettre le spectateur dans la situation <strong>de</strong> l'homme<br />
qui, à son balcon, observe l'immeuble d'en face. Certains <strong>de</strong>s<br />
habitants se trouvent <strong>de</strong>rrière une fenêtre, il les voit, mais ne peut pas les<br />
entendre. D'autres ont ouvert leurs fenêtres et leurs voix lui parviennent.<br />
Quelques-uns sont plus proches <strong>de</strong> lui, dans un jardin <strong>de</strong>vant l'immeuble. Il<br />
entend les voix <strong>de</strong> quelques autres sans pour autant les voir. Et tous<br />
habitent le même espace, se croisent et se parlent, sans qu'aucun ne<br />
s'arrête <strong>de</strong> vivre un seul instant. Le regard (et l'ouie) <strong>de</strong> notre<br />
homme/spectateur englobe la totalité <strong>de</strong> la scène tout en pouvant se porter<br />
à chaque instant et au gré <strong>de</strong> son envie sur un endroit plus précis.<br />
Pour réussir à montrer simultanément le parcours dramaturgique (et<br />
physique) <strong>de</strong> tous les personnages, nous avons besoin, en plus d'une<br />
aire <strong>de</strong> jeu « traditionnelle », d'un espace fragmentaire, modulaire<br />
et modulable, qui incarne différents lieux <strong>de</strong> vie.<br />
Un espace compartimenté et modulable, la métaphore du labyrinthe<br />
L'aire <strong>de</strong> jeu centrale (une pelouse) est bordée d'une coursive <strong>de</strong> double<br />
hauteur, ayant <strong>de</strong> multiples entrées. Celle-ci s'apparente à un labyrinthe<br />
dont les parois se déplacent, s'opacifient ou <strong>de</strong>viennent transparentes,<br />
pouvant ainsi occulter certaines vues, permettant <strong>de</strong> recadrer une scène ou<br />
d'ouvrir <strong>de</strong>s perspectives.<br />
Les personnages y évoluent, s'y per<strong>de</strong>nt (comme ils se per<strong>de</strong>nt dans leurs<br />
pensées) et parfois s'y retrouvent. À la différence <strong>de</strong> l'avant-scène qui<br />
matérialise l'espace <strong>de</strong> sociabilité <strong>de</strong>s protagonistes, ce labyrinthe<br />
est principalement le lieu <strong>de</strong> l'intime.<br />
On a décidé que la sphère sociale, celle <strong>de</strong> Marivaux, serait le jardin et qu’autour<br />
<strong>de</strong> l’espace scénique, il y a leurs espaces d’intimité (univers <strong>de</strong> Sophie Calle).<br />
Le scénographe <strong>de</strong>vait construire par rapport à Sophie Calle avec cette<br />
situation dans laquelle nous sommes dans une situation <strong>de</strong> voyeur. J’adore la<br />
nuit regar<strong>de</strong>r la vie dans les immeubles, ce qui se passe chez les gens. Les fenêtres qui<br />
s’allument et qui s’éteignent.<br />
Le scénographe a essayé <strong>de</strong> construire un décor où il puisse y avoir un espace<br />
d’intimité, où ce soit compartimenté, puisque je voulais ne pas être dans la<br />
convention théâtrale, et <strong>de</strong> ne pas avoir un espace délimité par la lumière.<br />
Je voulais être vraiment être dans <strong>de</strong>s contraintes concrètes, que le<br />
spectateur n’ait pas à imaginer le fait qu’il n’entend pas, qu’il ne voit pas,<br />
mais que ça ce soit donné. J’avais vraiment envie d’une réalité. A part que le théâtre<br />
cela ne peut être complètement la réalité. Il y a toujours <strong>de</strong>s conventions.
Mon équipe a fini par me dire : « Tu veux la jouer dans un appartement cette pièce, tu<br />
n’as qu’à mettre les spectateurs dans l’immeuble d’en face et on joue la pièce comme<br />
ça ». Il a donc fallu inventer <strong>de</strong>s subterfuges pour réussir à créer cet espace là, tout en<br />
essayant le moins possible <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s compromis par rapport à mon envie <strong>de</strong> ne pas<br />
être dans la convention.<br />
Dans Marivaux, le spectateur est toujours en avance sur le personnage. Le spectateur<br />
sait toujours avant la marquise ce qui va lui arriver, parce qu’il a vu les scènes d’avant<br />
qui annoncent ce qui va se passer. Et donc j’aimais bien que tout ce qui se passait<br />
dans les maisons soit en contrepoint par rapport à ce qui se passait sur le<br />
plateau. Que si la marquise quitte le chevalier en pleine forme, on ait la marquise qui<br />
rentre chez elle heureuse, alors qu’en bas il est en train <strong>de</strong> se passer un drame qui la<br />
concerne mais dont elle n’est pas au courant. J’aimais bien l’idée <strong>de</strong> contrepoint à<br />
inventer avec les comédiens pour chacun <strong>de</strong>s personnages.<br />
Alexandra Tobelaim<br />
Mais notre labyrinthe n'est pas uniquement constitué d'obstacles physiques<br />
ou matériels. Il peut <strong>de</strong>venir immatériel : <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> jeu ne sont<br />
visibles pour le spectateur qu'en projection. Les acteurs y évoluent pourtant<br />
en temps réel.<br />
Ces « espaces projetés » fonctionnent comme <strong>de</strong>s fenêtres perpétuellement<br />
ouvertes. Ils offrent <strong>de</strong> multiples possibilités car ils permettent à la fois <strong>de</strong><br />
distancier une action, ou <strong>de</strong> « zoomer » (au sens propre du terme) sur<br />
certaines scènes qui s'y déroulent. Ils donnent ainsi une profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />
champ supplémentaire à notre espace scénique.<br />
L’espace sonore et acoustique, une réalité<br />
mentale <strong>de</strong> l’intime<br />
Pour parfaire ce labyrinthe, nous voulons y ajouter une dimension<br />
virtuelle, mentale. Bien qu'ayant disparu du champ visuel du<br />
spectateur, certaines scènes se prolongent <strong>de</strong> façon sonore, et<br />
certains espaces <strong>de</strong> jeu n'existent qu'à travers leurs retranscriptions<br />
acoustiques.<br />
L'ensemble <strong>de</strong> cette dramaturgie scénique s'anime au fil <strong>de</strong>s allers et<br />
venues, selon l'utilisation physique ou mentale <strong>de</strong>s espaces par les<br />
personnages. Son organisation est comme une géographie intérieure <strong>de</strong><br />
leurs esprits, parfois limpi<strong>de</strong> et claire, parfois complexe et obscure.<br />
Les costumes : métaphore <strong>de</strong> l’opposition sphère<br />
sociale/costume d’époque <strong>de</strong> Marivaux et espace<br />
intime/costume contemporain <strong>de</strong> Sophie Calle<br />
Le travail <strong>de</strong>s costumes repose sur <strong>de</strong>ux principes. Un travail sur le costume<br />
d’époque dont on ne gar<strong>de</strong>ra qu’un seul élèment traité avec <strong>de</strong>s matériaux<br />
contemporains. <strong>La</strong> perruque que les personnages abandonnent dès qu’ils<br />
quittent la sphère du public pour rentrer dans l'espace privé, dans l'intime.
“On n’est pas<br />
sérieux, quand on a<br />
dix-sept ans.”<br />
Arthur Rimbaud<br />
Entre douleur sincère et excès : une mise en<br />
scène à la Almodovar<br />
Un Marivaux sans marivaudage<br />
Loin d'un manège <strong>de</strong> galanterie délicate et recherchée, notre Secon<strong>de</strong><br />
Su<strong>rprise</strong> prendra le chemin <strong>de</strong>s sentiments forts et excessifs <strong>de</strong>s<br />
personnages.<br />
Nous irons rechercher l'excès, la violence, l'intensité <strong>de</strong> la douleur<br />
amoureuse et non pas le joli, le sage, ou pire encore : le mièvre. Les<br />
personnages sont jeunes, fougueux et fonctionnent à l'instinct. Ils<br />
raisonnent plus avec leur corps qu'avec leur esprit. Leurs réactions sont<br />
volcaniques, explosives.<br />
Ils sont entiers, et c'est d'ailleurs pour cela qu'ils ne peuvent comprendre<br />
leurs propres sentiments, qui, pour le spectateur et vus <strong>de</strong> l'extérieur,<br />
paraissent pourtant clairs.<br />
J’ai cherché du point <strong>de</strong> vue du jeu avec les acteurs entre le fait d’être affligé<br />
terriblement, d’être sincère, et en même temps d’être dans une chose<br />
excessive.<br />
Pour moi le marquis c’est fondamental, c’est le nœud <strong>de</strong> la pièce, le personnage<br />
principal. Le point <strong>de</strong> départ c’est le marquis mort. Et donc je voulais qu’il soit là. Il est<br />
donc là, enterré dans le jardin <strong>de</strong> la marquise. Au début, on a eu pas mal <strong>de</strong> déboires<br />
techniques, cela <strong>de</strong>vait commencer sous la pluie, mais ça n’a pas marché. Je me disais<br />
ça va être un peu à la Almodovar. <strong>La</strong> première image que j’avais quand j’imaginais cette<br />
pièce, avant même que j’ai trouvé les acteurs, je voyais <strong>de</strong> la terre… au début cela<br />
<strong>de</strong>vait être sur <strong>de</strong>s trempolines…mais j’ai toujours vu la marquise qui grattait la terre et<br />
essayait <strong>de</strong> déterrer son mari.<br />
Sophie Calle dit : « dans la plus gran<strong>de</strong> souffrance, je ne sais pas pourquoi mais j’ai<br />
pensé à la photographie <strong>de</strong> ce téléphone rouge ». Et quand on vit les épreuves dans<br />
sa vie, il y a toujours une petite lumière qui fait qu’il y a toujours un truc<br />
étonnant qui se passe, qui nous sort <strong>de</strong> la situation. Je rappelle d’un enterrement<br />
où à la messe, il y avait une sorte <strong>de</strong> gag phénoménal, le curé s’emmêlait dans les fils<br />
du micro. Et on ne retient que ça. C’est une sorte d’instinct <strong>de</strong> survie qui fait que ton<br />
esprit essai d’échapper sans doute au drame.<br />
<strong>La</strong> comédienne a trouvé une image, elle a dit ce que tu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s c’est très dur. Tu<br />
nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’avoir une sincérité profon<strong>de</strong> dans une gran<strong>de</strong> sincérité et en<br />
même temps d’être Alice Sapritch.<br />
<strong>La</strong> marquise et le chevalier sont dans l’excés. Ils ont 17/18 ans. Et à cet âge<br />
on est dans l’excès. On vit ses premières émotions, intenses et fortes, ses<br />
premières histoires d’amour, et le premier chagrin d’amour c’est celui qui nous reste<br />
toute notre vie.<br />
Alexandra Tobelaim
“J'ai guetté dans le<br />
coeur humain toutes<br />
les niches différentes<br />
où peut se cacher<br />
<strong>l'amour</strong> lorsqu'il<br />
craint <strong>de</strong> se montrer,<br />
et chacune <strong>de</strong> mes<br />
comédies a pour<br />
objet <strong>de</strong> le faire sortir<br />
d'une <strong>de</strong> ces niches “<br />
Marivaux<br />
Marivaux, une écriture <strong>de</strong> la vie<br />
A l’origine, la metteur en scène souhaitait un trampoline comme métaphore<br />
du transport amoureux. L'aire <strong>de</strong> jeu centrale, dont l'aspect est celui d'une<br />
pelouse, <strong>de</strong>vait être constituée <strong>de</strong> plusieurs trampolines reliés par <strong>de</strong>s<br />
passerelles. Comme une matérialisation du chagrin (d'amour), <strong>de</strong> la<br />
rencontre (amoureuse) et du sentiment (amoureux), il est souvent difficile à<br />
traverser lorsqu'on s'y aventure avec précaution, instable par nature,<br />
difficile à maîtriser. Comme en amour, il est difficile <strong>de</strong> maintenir un<br />
équilibre forcément précaire. Mais à l'inverse, il permet <strong>de</strong> rapi<strong>de</strong>s avancées<br />
pour peu qu’on s'y jette avec confiance ou avec élan.<br />
Nous sommes en rési<strong>de</strong>nce au Théâtre Durance <strong>de</strong>puis un an. On a fait beaucoup<br />
d’ateliers, soit moi toute seule, soit avec les musiciens sur la thématique du chagrin<br />
d’amour. On leur a <strong>de</strong>mandé comme Sophie Calle qu’elle était leur douleur la plus<br />
gran<strong>de</strong> auprès <strong>de</strong> publics très différents. On est arrivé en répétition avec tout ce<br />
matériau. On a passé beaucoup <strong>de</strong> temps avec tout le matériau recueilli en son et en<br />
<strong>de</strong>ssins d’enfants ou en textes écrits par la population. On a baigné dans la tristesse<br />
pendant assez longtemps. Mais justement Marivaux c’est notre élan <strong>de</strong> vie. Ce qu’il<br />
faut réussir à faire sur le plateau, c’est réussir à passer <strong>de</strong> cet endroit là, où on est<br />
dans l’intime, dans nos maisons en train <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s choses quotidiennes, et<br />
surtout dans la solitu<strong>de</strong>, à cet élan <strong>de</strong> Marivaux qui est la langue et la solution<br />
pour la marquise qui est la communication. On ne s’en sort que grâce à la parole,<br />
que grâce au fait <strong>de</strong> parler ensemble et <strong>de</strong> se comprendre et d’échanger.<br />
On conçoit souvent Marivaux comme un auteur sombre. Beaucoup <strong>de</strong> mises en scène<br />
ten<strong>de</strong>nt vers cela, parce qu’il nous permet plein <strong>de</strong> choses. Au contraire, je pense que<br />
c’est un écrivain <strong>de</strong> la vie, ancré dans une chose lumineuse. Et surtout il aimait les<br />
femmes. Toutes ses pièces ont été écrites pour dialoguer avec elles. Ce n’est qu’un<br />
dialogue d’amour même si, en tout cas dans cette pièce là, il y a quatre hommes pour<br />
<strong>de</strong>ux femmes.<br />
Alexandra Tobelaim<br />
Précision vs préciosité<br />
<strong>La</strong> langue <strong>de</strong> Marivaux a cette particularité d'être si parfaite et flui<strong>de</strong> qu'elle<br />
traduit <strong>de</strong> façon limpi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s états intérieurs complexes. Aucun<br />
auteur du XVIIIe siècle n'a réussi à peindre avec autant <strong>de</strong> précision le<br />
fonctionnement <strong>de</strong> l'âme humaine. Il n'y a pas <strong>de</strong> distance, <strong>de</strong> mépris ou <strong>de</strong><br />
con<strong>de</strong>scendance, mais au contraire un véritable amour <strong>de</strong> l'Humanité dans<br />
sa façon d'observer et <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong>s rapports humains. Le travail<br />
<strong>de</strong> Marivaux a cela <strong>de</strong> commun avec la psychanalyse qu'il explore certains<br />
recoins <strong>de</strong> l'âme sans jamais porter <strong>de</strong> jugement sur la personne.<br />
Marivaux a longtemps été considéré comme un auteur précieux. Mais la<br />
précision quasi-chirurgicale <strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> caractère, proche <strong>de</strong> la<br />
dissection, n'a rien à voir avec cette préciosité communément admise, par<br />
ceux qui font l'amalgame entre l'écriture <strong>de</strong> Marivaux et la société qu'elle<br />
décrit, et dans laquelle elle s'inscrit.<br />
Cette précision d'écriture reste fascinante, encore aujourd'hui, et elle nous<br />
pousse à monter Marivaux, presque trois cents ans plus tard.
L’équipe L’équipe artistique<br />
artistique<br />
<strong>La</strong> compagnie<br />
<strong>La</strong> compagnie Tandaim s'est formée en 1998<br />
autour d'Alexandra Tobelaim et <strong>de</strong> Philippe<br />
Escan<strong>de</strong>, lors <strong>de</strong> la création du Système<br />
Ribadier <strong>de</strong> Georges Fey<strong>de</strong>au.<br />
<strong>La</strong> compagnie est animée <strong>de</strong>puis par Alexandra<br />
Tobelaim, qui a mis en scène cinq autres<br />
spectacles (Comédie, Le boucher, Réception,<br />
Pièce(s) <strong>de</strong> cuisine, Ça me laisse sans voix).<br />
<strong>La</strong> compagnie Tandaim fonctionne comme un espace<br />
<strong>de</strong> rencontre (sous forme <strong>de</strong> rassemblement<br />
ponctuel), une zone d'échange dans laquelle l'équipe<br />
revient confronter ses expériences extérieures<br />
(théâtrales ou non) dans le cadre d'un projet collectif,<br />
initié par l'un <strong>de</strong> ses membres. Dès lors, ils mènent<br />
ensemble une réflexion axée sur le mélange et<br />
les interférences entre leurs différents moyens<br />
d'expression, en utilisant le jeu <strong>de</strong> l'acteur, le<br />
son, la lumière, les images, la scénographie,<br />
comme autant <strong>de</strong> langages qui se complètent<br />
et participent à l'écriture d'un spectacle.<br />
Les frontières entre leurs domaines <strong>de</strong><br />
compétences sont fluctuantes et si chacun a sa<br />
spécificité, ils constituent ensemble un véritable<br />
collectif <strong>de</strong> création appliqué à la<br />
représentation théâtrale.<br />
Les limites <strong>de</strong> la cohabitation <strong>de</strong> l’écriture <strong>de</strong><br />
Marivaux et <strong>de</strong> l’écriture du réel <strong>de</strong> Sophie Calle<br />
Sophie Calle a fait partie du projet très longtemps. Jusqu’au jour où on s’est<br />
retrouvés dans le décor. Et Sophie Calle, Marivaux et le décor, et les<br />
énergies différentes que cela <strong>de</strong>mandait aux acteurs, d’être dans leurs<br />
espaces d’intimité et dans l’espace du plateau, et l’adoption <strong>de</strong> Sophie Calle<br />
a fait qu’à un moment donné il n’y avait rien qui prenait. Du coup on a dû<br />
faire un choix radical, on a enlevé le texte <strong>de</strong> Sophie Calle.<br />
Alexandra Tobelaim, metteur<br />
en scène<br />
Comédienne formée à<br />
l’ERAC (promotion<br />
1993/1995), elle a joué avec<br />
Geneviève Hurtevent,<br />
Philippe Chemin au<br />
théâtre, Bruno Bontzolakis<br />
et Frédéric Vi<strong>de</strong>au au cinéma. Depuis 1998,<br />
elle a mis en scène tous les spectacles <strong>de</strong> la<br />
compagnie Tandaim. Elle a également été<br />
l’assistante <strong>de</strong> Paul Desvaux, Hubert Colas,<br />
Pierre <strong>La</strong>neyrie, Jean-Pierre Vincent.
Christophe Perruchi, musicien<br />
Multi-instrumentiste inventif (guitares, guitares<br />
préparées, sampleurs, ordinateurs, objets en tout<br />
genre et chant), il accompagne la compagnie Tandaim<br />
<strong>de</strong>puis l'origine. Pour le théâtre, il a également travaillé<br />
pour Geneviève Hurtevent, Paul Desvaux, Alexis Moatti,<br />
Romain Bonin… Au cinéma, il a travaillé avec Marie<br />
Vermillard. Depuis 1992, il anime le groupe <strong>de</strong> rock <strong>La</strong><br />
Boucle (4 albums). Sur scène, il a collaboré notamment<br />
avec EC(ici), Romain Humeau et Noir Désir.<br />
Olivier Thomas scénographe<br />
Architecte <strong>de</strong> formation (il a exercé pendant une<br />
dizaine d'années avant <strong>de</strong> se consacrer entièrement au<br />
théâtre), il rejoint la compagnie Tandaim en 1999. Au<br />
théâtre, il a collaboré avec Hervé Deluge, Lionel<br />
Briant, Catherine Gandois, Renaud-Marie Leblanc,<br />
comme scénographe et/ou comme musicien. Il est<br />
l'auteur <strong>de</strong> Ça me laisse sans voix, le <strong>de</strong>rnier<br />
spectacle <strong>de</strong> la compagnie Tandaim.<br />
Thomas Costerg, éclairagiste<br />
Sorti <strong>de</strong> l'école du TNS section Régie en 1999, il<br />
multiplie les collaborations avec différentes compagnies<br />
parmi lesquelles l'ensemble Reflex et Georges<br />
Aperghis, Xici (Guillaume Delaveau), Délit <strong>de</strong> Faça<strong>de</strong>,<br />
l'atelier du plateau / théâtre écarlate, Baltika<br />
(Romain Bonnin)…<br />
Sophie Delage, comédienne<br />
Formée à l’INSAS (Bruxelles) et à l'ERAC. Elle a<br />
joué dans <strong>de</strong>s mises en scène <strong>de</strong> Pierre <strong>La</strong>neyrie, <strong>de</strong><br />
Robert Cantarella, d'Eugène Green, Hubert Colas,<br />
Alexis Moatti, Geneviève Hurtevent, Angela<br />
Konrad… Elle a déjà collaboré avec Alexandra Tobelaim<br />
dans Comédie <strong>de</strong> Beckett.<br />
Marie Dompnier, comédienne<br />
Elle a commencé dans la compagnie<br />
Artéria en rési<strong>de</strong>nce au Théâtre du<br />
Soleil, puis est entrée à l'ERAC<br />
(promotion 2005/2007). Elle a joué<br />
dans <strong>La</strong> Cerisaie <strong>de</strong> Tchekhov, mis en<br />
scène par Didier Carette, Une<br />
Orestie d'après Eschyle, mis en scène<br />
par Jean-Pierre Vincent, Troïlus et Cressida <strong>de</strong><br />
Shakespeare, mis en scène par Anne Alvaro et David<br />
Lescot.<br />
Éric Feldman, comédien<br />
Formé au WorkCenter of Jerzy<br />
Grotowski and Thomas Richards<br />
(Ponte<strong>de</strong>ra, Italie), il a joué au théâtre<br />
dans <strong>de</strong>s mises en scène <strong>de</strong> Jean-<br />
Michel Rivinoff, Anne Monfort, Pascale Nandillon,<br />
Franck Dimech, François-Michel Pesenti,<br />
Emmanuel Ostrovski et au cinéma dans <strong>de</strong>s films <strong>de</strong><br />
<strong>La</strong>urent Firo<strong>de</strong>, Pierre Merejskovski, Eric<br />
Véniard...<br />
Thierry Otin, comédien<br />
Issu du Conservatoire national d'art<br />
dramatique d'Avignon. Il a joué au<br />
théâtre dans <strong>de</strong>s mises en scène <strong>de</strong><br />
Guillaume Bailliart, Agnès Regolo,<br />
Pascale Henry, Jean-François Matignon, Haïm<br />
Manahem… Il a créé sa propre compagnie Article 27 au<br />
sein <strong>de</strong> laquelle il est metteur en scène.<br />
Olivier Veillon, comédien<br />
Formé à l'Erac. Il a joué dans Ceux<br />
qui partent à l'aventure <strong>de</strong> Noëlle<br />
Renau<strong>de</strong>, mise en scène par<br />
Renaud-Marie Leblanc, Une<br />
Orestie d'après Eschyle, mis en scène<br />
par Jean-Pierre Vincent, Troïlus et<br />
Cressida <strong>de</strong> Shakespeare, mis en scène par Anne<br />
Alvaro et David Lescot. Il a également créé le<br />
Théâtre en Volute- Théâtre â <strong>La</strong>la.
<strong>La</strong> <strong>La</strong> secon<strong>de</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong> l’amour l’amour - Marivaux<br />
Marivaux<br />
<strong>La</strong> Secon<strong>de</strong> Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> l’amour est une comédie en trois actes et en prose <strong>de</strong> Marivaux représentée<br />
pour la première fois le 31 décembre 1727 par les comédiens ordinaires du roi au théâtre <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong>s<br />
Fossés Saint-Germain.<br />
<strong>La</strong> Secon<strong>de</strong> Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> l’amour présente une intrigue assez analogue à celle <strong>de</strong> la première su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong><br />
l’amour. Ici, c’est la marquise qui est au premier plan, et c’est dans l’évolution <strong>de</strong> ses sentiments que<br />
l’action se concentre. Réticences d’un amour qui s’ignore ou qui se combat lui-même, aveux retardés par<br />
la pu<strong>de</strong>ur, paroles qui démentent les sentiments, tels sont les traits charmants <strong>de</strong> cette comédie.<br />
<strong>La</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> l’amour<br />
<strong>La</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong><br />
l’amour fait suite à la<br />
Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> l’amour,<br />
comédie en trois actes, en<br />
prose, <strong>de</strong> l’écrivain français<br />
Marivaux, jouée par les<br />
Comédiens italiens le 3 mai<br />
1722 avec un vif succès.<br />
Marivaux écrira une Secon<strong>de</strong><br />
su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> l’amour (1727),<br />
et même plus tard, une<br />
troisième avec Les Serments<br />
indiscrets (1732) et plai<strong>de</strong>ra<br />
dans l’avertissement qui sert <strong>de</strong><br />
préface aux Serments la<br />
diversité <strong>de</strong>s intrigues dont on<br />
lui reprochait la similitu<strong>de</strong>. Il<br />
résume là en une phrase le<br />
sujet <strong>de</strong> la première comédie :<br />
« Dans <strong>La</strong> Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong><br />
l’amour, il s’agit <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
personnes qui s’aiment<br />
pendant toute la pièce,<br />
mais qui n’en savent rien<br />
elles-mêmes, et qui<br />
n’ouvrent les yeux qu’à la<br />
<strong>de</strong>rnière scène. »<br />
Dictionnaires <strong>de</strong>s oeuvres, Ed.<br />
Robert <strong>La</strong>ffont, collection<br />
Bouquins<br />
L’histoire<br />
6 mois après la disparition <strong>de</strong> son mari, mort mois après son mariage, la<br />
marquise est au fond du gouffre, elle se morfond dans son chagrin<br />
amoureux, ne s’habille plus et ne se lave plus, au grand désespoir <strong>de</strong> sa<br />
servante Lisette qui fait tout pour la sortir <strong>de</strong> sa douleur.<br />
Son voisin, le chevalier est lui aussi au bord du désespoir. Angélique, la<br />
femme qu’il aime s’est retirée dans un couvent alors que son père<br />
refusait leur union et voulait la marier à un autre.<br />
Le chevalier envoie son serviteur Lubin chez la marquise pour lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r une entrevue afin qu’elle puisse transmettre au couvent une<br />
missive à sa bien-aimée. Lubin ne manque pas <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s charmes<br />
à Lisette qui n’y ait pas insensible.<br />
Après avoir informé la comtesse <strong>de</strong>s états d’âme, similaires aux siens, du<br />
chevalier, la marquise accepte <strong>de</strong> le recevoir. Ils échangent leurs<br />
chagrins et trouvent pour la première fois compréhension mutuelle et<br />
réconfort. Simple oubli ou acte manqué, la missive, superbe déclaration<br />
d’amour, n’est pas cachetée. Le chevalier convie alors la comtesse à la<br />
lire qui s’émeut <strong>de</strong> ces paroles magnifiques qu’elle pensait ne pouvoir<br />
être écrites que par son amant disparu.<br />
Le chevalier et la marquise, promettent <strong>de</strong> se revoir. Ainsi naissent les<br />
prémisses d’un nouvel amour dont ils mettront du temps à se rendre<br />
compte et à s’avouer.<br />
L’intervention du conte qui souhaite épouser la marquise, encouragé par<br />
Lisette qui veut sortir sa maitresse <strong>de</strong> la détresse, va bousculer les<br />
évènements, provoquant la jalousie du chevalier.<br />
Mais lorsque Lisette engage le chevalier à épouser la marquise, il refuse,<br />
provoquant l’indignation <strong>de</strong> la marquise.<br />
Tandis que les valets oeuvrent pour rapprocher leurs maîtres,<br />
Hortensius, pédant engagé par la comtesse pour l’entretenir <strong>de</strong> lectures<br />
sages et raisonnables, cherche à empêcher l’union <strong>de</strong> la comtesse afin<br />
<strong>de</strong> ne pas être répudié.<br />
Après <strong>de</strong> multiples retournements <strong>de</strong> situation, la pièce se termine par un<br />
mariage entre la marquise et le chevalier et l’union <strong>de</strong> Lubin et Lisette.
Biographie<br />
D’une famille originaire <strong>de</strong><br />
Normandie qui avait fourni<br />
plusieurs magistrats au<br />
parlement <strong>de</strong> cette province,<br />
son père Nicolas Carlet est<br />
fonctionnaire dans<br />
l’administration <strong>de</strong> la marine <strong>de</strong><br />
sa naissance jusqu’en 1698. En<br />
1698, ce <strong>de</strong>rnier emmène sa<br />
famille s’installer à Riom où il<br />
vient d’être nommé directeur<br />
<strong>de</strong> la Monnaie, puis à Limoges.<br />
De sa mère, Marie-Anne Bullet,<br />
on sait peu <strong>de</strong> choses.<br />
Il <strong>de</strong>vient élève <strong>de</strong>s Oratoriens<br />
<strong>de</strong> Riom. Sa famille est <strong>de</strong><br />
petite noblesse. En 1710, il<br />
ambitionne <strong>de</strong> suivre la voie<br />
paternelle et entre en Faculté<br />
<strong>de</strong> droit à Paris.<br />
Après sa rencontre avec<br />
Fontenelle, cumulée à la<br />
fréquentation du salon <strong>de</strong><br />
Madame <strong>La</strong>mbert, Marivaux<br />
repère les esprits mo<strong>de</strong>rnes et<br />
s’initie à la préciosité<br />
mondaine. Son premier texte<br />
est le Père pru<strong>de</strong>nt et<br />
équitable, ou Crispin l’heureux<br />
fourbe en 1712. Il développe<br />
alors son observation<br />
critique, s’engage dans la<br />
bataille contre les<br />
classiques et s’essaye à <strong>de</strong><br />
multiples genres : roman<br />
parodique, poème burlesque ou<br />
chronique journalistique. Le<br />
parodique est alors sa<br />
principale voie d’écriture.<br />
Loin <strong>de</strong> dénigrer les oeuvres<br />
classiques, il reprend<br />
cependant tout ce qui fait le<br />
patrimoine culturel <strong>de</strong>s<br />
écrivains classiques et le<br />
travestit en œuvres originales<br />
et décalées par rapport à<br />
l’usage. On voit par exemple<br />
son Homère Travesti en 1716.<br />
Ses œuvres sont signées <strong>de</strong><br />
son nom, il est alors<br />
considéré comme un<br />
brillant moraliste, sorte <strong>de</strong><br />
nouveau <strong>La</strong> Bruyère. Il se<br />
marie en 1718 avec Colombe<br />
L’auteur L’auteur et et sa sa carrière<br />
carrière<br />
MARIVAUX Pierre Carlet <strong>de</strong> Chamblain <strong>de</strong> (Paris 1688-1763).<br />
Écrivain français. Du vivant <strong>de</strong> l'auteur ses romans sont plus admirés à<br />
l'étranger qu'en France, mais son succès théâtral est considérable. <strong>La</strong><br />
génération <strong>de</strong>s encyclopédistes le décrète auteur mineur et non<br />
conforme, réputation qu'il gar<strong>de</strong> jusqu'au XX siècle. II retrouve<br />
aujourd'hui une place <strong>de</strong> premier rang, à la fois chez les critiques et sur<br />
la scène.<br />
Marivaux en son temps<br />
Fils d'un fonctionnaire, élevé en partie en province, étudiant à Paris,<br />
Marivaux publie d'abord <strong>de</strong>s romans burlesques. II débute en 1720 au<br />
Théâtre-Italien et au Théâtre-Français (par l'échec <strong>de</strong> son unique<br />
tragédie, Annibal) ; vingt pièces sont jouées au premier jusqu'en 1740,<br />
dix au second jusqu'en 1746 ; plusieurs autres sont publiées, d'autres<br />
restent manuscrites.<br />
Marivaux est aussi journaliste et surtout romancier (la Vie <strong>de</strong> Marianne,<br />
1731-1742, e Paysan parvenu, 1734-1735).<br />
De sa vie, apparemment tranquille, on sait peu <strong>de</strong> chose. Ses amis<br />
littéraires, comme Fontenelle et <strong>La</strong> Motte, sont partisans <strong>de</strong> la<br />
mo<strong>de</strong>rnité, esprits critiques, hostiles aux systèmes. Bourgeois, ils<br />
constatent le renversement progressif <strong>de</strong>s valeurs aristocratiques qui<br />
leur servent encore <strong>de</strong> modèles.<br />
Marivaux fréquente aussi les acteurs, ceux <strong>de</strong> la Comédie-<br />
Italienne, pour lesquels il écrit <strong>de</strong>s rôles adaptés à leurs types et aux<br />
caractères originaux <strong>de</strong> leur jeu, ceux <strong>de</strong>s Français, notamment les<br />
Quinault.<br />
Si l'on peut tracer <strong>de</strong>s filiations entre le théâtre <strong>de</strong> Marivaux et d'autres,<br />
il n'en reste pas moins d'une irréductible originalité. Le seul auteur<br />
comique auquel on serait tenté <strong>de</strong> le comparer ou <strong>de</strong> le mesurer est<br />
Shakespeare — qu'il n'a sans doute guère connu. Il emprunte nombre<br />
<strong>de</strong> conventions à la commedia <strong>de</strong>ll'arte : les types, qui constituent<br />
<strong>de</strong>s caractères tout faits sur lesquels il pourra bro<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s variations, le<br />
masque du « brunet » Arlequin, les travestissements — et<br />
l'importance <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> comme ressort <strong>de</strong> la comédie.<br />
Il est difficile <strong>de</strong> le rattacher à Molière, en revanche ; sa comédie, plus<br />
souriante que rieuse, relève d'une autre tradition française, inaugurée<br />
par Corneille et les précieux, et s'oriente parfois vers le bourgeois, voire<br />
le larmoyant.<br />
Sa langue est celle <strong>de</strong> la première moitié du siècle <strong>de</strong>s Lumières<br />
: nette, analytique au point qu'on la jugea « métaphysique », et qu'on<br />
forgea le mot <strong>de</strong> « marivaudage » pour décrire les subtilités <strong>de</strong> sa<br />
psychologie ; très proche, cette langue, <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> son ami Crébillon fils.
Boulogne, celle-ci lui apporte<br />
une dot aisée. Il est ruiné par<br />
la banqueroute <strong>de</strong> <strong>La</strong>w en<br />
1720, puis perd sa femme en<br />
1723. Il doit alors travailler<br />
pour vivre. Sa raison d’être<br />
est toute trouvée dans le<br />
théâtre.<br />
Son premier succès est<br />
Arlequin poli par <strong>l'amour</strong> en<br />
1720. Il apprécie les<br />
Comédiens Italiens et<br />
collabore avec eux pour<br />
quelques pièces. Sa rencontre<br />
avec Silvia Baletti est<br />
marquante. Marivaux<br />
révolutionne la comédie<br />
théâtrale, genre qu’il<br />
expose au travers <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
Su<strong>rprise</strong>s <strong>de</strong> l’amour ou <strong>de</strong><br />
<strong>La</strong> Double Inconstance.<br />
Ses comédies<br />
philosophiques surviennent.<br />
Elles sont placées dans <strong>de</strong>s<br />
cadres utopiques à l’image<br />
<strong>de</strong> l'Île <strong>de</strong>s esclaves en 1725<br />
ou <strong>de</strong> la Nouvelle Colonie en<br />
1729.<br />
Il étudie ensuite les visages<br />
<strong>de</strong> l’existence sociale, <strong>de</strong><br />
même que les travers <strong>de</strong>s<br />
contemporains. Il conclut que<br />
la réalité qu’il observe est<br />
toujours plus complexe et<br />
fugitive que les cadres rigi<strong>de</strong>s<br />
dans lesquels on tente <strong>de</strong><br />
l’enfermer. Sa gran<strong>de</strong> œuvre<br />
romanesque est la Vie <strong>de</strong><br />
Marianne dont la rédaction<br />
s’étend sur environ quinze ans<br />
(1726-1741).<br />
À partir <strong>de</strong> 1733, il fréquente le<br />
salon <strong>de</strong> Claudine <strong>de</strong><br />
Tencin, qui <strong>de</strong>vient pour lui<br />
une amie précieuse. Grâce à<br />
elle, il est élu à l’Académie<br />
française en 1742. Il ne<br />
compose plus alors que<br />
quelques pièces jouées<br />
uniquement à la Comédie-<br />
Française, avec <strong>de</strong>s<br />
réflexions sur la langue<br />
française en elle-même. À<br />
sa mort d’une pleurésie, il<br />
laisse un testament avec un<br />
bien maigre héritage financier<br />
à sa fille.<br />
Une comédie à l'épreuve du temps<br />
Classer <strong>de</strong> l'intérieur cette oeuvre en soi inclassable est périlleux. On<br />
peut y dégager une veine « philosophique » : il y a un Marivaux<br />
utopiste, qui utilise le théâtre comme un lieu d'expérimentation<br />
sociale, la scène comme une île : l'Ile <strong>de</strong>s esclaves (C.-F., 1725), où<br />
maîtres et serviteurs échangent leurs rôles, l'Ile <strong>de</strong> la raison (C.-F.,<br />
1727), où les personnages grandissent ou rapetissent selon leur <strong>de</strong>gré<br />
<strong>de</strong> conscience et <strong>de</strong> morale sociale, l'île <strong>de</strong> la Colonie, où les femmes<br />
veulent établir une république, le jardin clos <strong>de</strong> la Dispute (1744), où<br />
l'on découvre l'homme — la femme — <strong>de</strong> la nature.<br />
Il y a un Marivaux romanesque, empruntant à la tragi comédie à<br />
l'espagnole ou à la tragédie <strong>de</strong>s aventures improbables <strong>de</strong> princes<br />
déguisés : le Prince travesi (1724), le Triomphe <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> (1732).<br />
Comme aussi un Marivaux bourgeois qui parle dot, <strong>de</strong>ttes, vie<br />
quotidienne (la Mère confi<strong>de</strong>nte, 1735, la Commère, 1741), voire paysan<br />
(l'Héritier <strong>de</strong> village, 1725).<br />
Les gran<strong>de</strong>s pièces canoniques, celles qu'on joua même pendant le long<br />
purgatoire <strong>de</strong> l'oeuvre, traitent <strong>de</strong> ce qu'on appela aussitôt la «<br />
métaphysique du coeur » : la Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> (1722) et la<br />
Secon<strong>de</strong> Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> (1727), la Double Inconstance (1723),<br />
le Jeu <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> e du hasard (1730), les Fausses Confi<strong>de</strong>nces (1737).<br />
Marivaux en a lui-même résumé le principe : « J'ai guetté dans le<br />
coeur humain toutes les niches différentes où peut se cacher<br />
<strong>l'amour</strong> lorsqu'il craint <strong>de</strong> se montrer, et chacune <strong>de</strong> mes<br />
comédies a pour objet <strong>de</strong> le faire sortir d'une <strong>de</strong> ses niches. »<br />
Marivaux met en présence <strong>de</strong>s personnages qui s'aiment et dont<br />
l'un au moins ne veut pas se l'avouer, ou l'avouer. Ces réserves,<br />
faites pour les « maîtres », sont accompagnées en contrepoint par<br />
les amours que les domestiques mènent tambour battant. Comment<br />
le sentiment naît, se cache, avec quelle casuistique les amoureux tentent<br />
<strong>de</strong> le nier, avec quelle naïveté ils le révèlent, font l'objet d'un dialogue<br />
d'une extraordinaire finesse dont chaque mot porte.<br />
Toutes les pièces <strong>de</strong> Marivaux ne plurent pas <strong>de</strong> son temps, mais il est,<br />
Henri <strong>La</strong>grave l'a montré, l'auteur le plus joué <strong>de</strong> la première<br />
moitié du XVIII siècle avec Voltaire.<br />
Les générations suivantes le taxèrent <strong>de</strong> mièvrerie et <strong>de</strong> manque <strong>de</strong><br />
sérieux, malgré le bel éloge que d'Alembert lui consacra en 1785. Il faut<br />
attendre Xavier <strong>de</strong> Courville, dans les années 1920-1930, pour découvrir<br />
sa force scénique.<br />
Depuis, le succès <strong>de</strong> Marivaux va croissant. Ma<strong>de</strong>leine Renaud reprend les<br />
rôles <strong>de</strong> Silvia <strong>de</strong> 1935 à 1960, consacrant le texte. Puis Marivaux<br />
<strong>de</strong>vient un tremplin pour les metteurs en scène les plus<br />
expérimen-taux : Vilar, Planchon, Chéreau, Vitez explorent toutes les<br />
ressources <strong>de</strong> mises en scène crues, ironiques, violentes, chorégraphiques.<br />
A la délicatesse se substitue la cruauté, à la sympathie la dérision,<br />
auxquelles le même texte encore se prête, témoignant <strong>de</strong> sa théâtralité.<br />
M. <strong>de</strong> ROUGEMONT<br />
Article extrait du Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre
A LIRE<br />
Marivaux<br />
Le Père pru<strong>de</strong>nt et équitable<br />
(1706)<br />
L'Amour et la Vérité (1720)<br />
Arlequin poli par <strong>l'amour</strong> (1720)<br />
Annibal (1720)<br />
<strong>La</strong> Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> (1722)<br />
<strong>La</strong> Double Inconstance (1723)<br />
Le Prince travesti (1724)<br />
<strong>La</strong> Fausse Suivante ou Le Fourbe<br />
puni (1724)<br />
Le Dénouement imprévu (1724)<br />
L'Île <strong>de</strong>s esclaves (1725)<br />
L'Héritier <strong>de</strong> village (1725)<br />
L'Île <strong>de</strong> la raison ou les Petits<br />
hommes (1727)<br />
<strong>La</strong> Secon<strong>de</strong> Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>l'amour</strong> (1727)<br />
Le Triomphe <strong>de</strong> Plutus (1728)<br />
<strong>La</strong> Nouvelle Colonie ou <strong>La</strong><br />
Ligue <strong>de</strong>s femmes (1729)<br />
Le Jeu <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> et du hasard<br />
(1730)<br />
Le Triomphe <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> (1732)<br />
L'École <strong>de</strong>s mères (1732)<br />
L'Heureux stratagème (1733)<br />
<strong>La</strong> Méprise (1734)<br />
Le Petit-Maître corrigé (1734)<br />
<strong>La</strong> Mère confi<strong>de</strong>nte (1735)<br />
Le Legs (1736)<br />
Les Fausses Confi<strong>de</strong>nces<br />
<strong>La</strong> Joie imprévue (1738)<br />
Les Sincères (1739)<br />
L'Épreuve (1740)<br />
<strong>La</strong> Commère (1741)<br />
<strong>La</strong> Dispute (1744)<br />
Le Préjugé vaincu (1747)<br />
<strong>La</strong> Colonie (1750)<br />
<strong>La</strong> Femme fidèle (1755)<br />
Félicie (1757)<br />
Les Acteurs <strong>de</strong> bonne foi (1757)<br />
<strong>La</strong> Provinciale (1761)<br />
Mahomet second (inachevée)<br />
<strong>La</strong> Vie <strong>de</strong> Marianne<br />
Le Paysan parvenu (inachevé)<br />
<strong>La</strong> théâtralité dans les œuvres <strong>de</strong><br />
Marivaux<br />
Chez Marivaux, ce n'est pas l'opposition préalable <strong>de</strong>s personnages qui<br />
provoque la dynamique théâtrale, mais une série <strong>de</strong> réactions en chaîne,<br />
une alchimie qui se produit au sein même du langage « Chez d'autres<br />
écrivains, note à cet égard Frédéric Deloffre, les paroles sont un signe<br />
visible <strong>de</strong> l'action dramatique ; chez Marivaux, elles en sont la matière,<br />
la trame même. » Et ce langage qui, en quelque sorte, est promu<br />
acteur <strong>de</strong> la comédie, plutôt que <strong>de</strong> servir aux personnages à<br />
exprimer leurs sentiments et leur pensée conscients, ne va pas<br />
cesser <strong>de</strong> déraper et <strong>de</strong> trahir <strong>de</strong>s pulsions, <strong>de</strong>s déroba<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s<br />
désirs inconscients. Les personnages <strong>de</strong> Marivaux — les maîtres,<br />
mais aussi, <strong>de</strong> façon atténuée, les valets — ne sont jamais victimes d'un<br />
autre sort que celui d'un langage qui les traverse malgré eux et s'ingénie<br />
à compromettre, au moins provisoirement, leurs espoirs <strong>de</strong> conquête et<br />
<strong>de</strong> bonheur. Conduites d'échec causées par la peur du succès, dirait-on<br />
aujourd'hui...<br />
« <strong>La</strong> "métaphysique du coeur" que tous ses contemporains ont cru<br />
trouver chez Marivaux, n'est ainsi, écrit Bernard Dort, qu'une<br />
physique du langage : la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s mouvements et <strong>de</strong>s<br />
actions réciproques <strong>de</strong>s mots et <strong>de</strong>s sentiments.<br />
En fait d'aveux, nous entendons <strong>de</strong>s rétractations. Et, en<br />
matière d'action, nous assistons aux rétractions successives<br />
<strong>de</strong>s amoureux. Certes, les dénouements sont heureux — ou, du<br />
moins, le paraissent. Mais les contemporains eux-mêmes furent<br />
frappés par l'incomplétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces dénouements (alors que, d'Aristote à<br />
Hegel, le dénouement doit être complet, aboutir à une véritable<br />
résolution <strong>de</strong>s conflits), comme s'ils ne correspondaient qu'à une<br />
accalmie. D'ailleurs L'Heureux Stratagème (1733) ne s'achève-t-il pas<br />
sur un ajournement <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong>, la Marquise renvoyant à six mois —<br />
comme dans un jugement <strong>de</strong> justice — la possibilité pour le Chevalier<br />
d'obtenir sa main ? Le langage — celui <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> dangereusement<br />
contaminé par celui <strong>de</strong> la justice —, à l'échéance du tomber <strong>de</strong> ri<strong>de</strong>au,<br />
suspend le sentiment et donne un tour cruel à la comédie. Suspension<br />
— ou aporie ? — à laquelle les valets, parodiant leurs maîtres<br />
comme souvent chez Marivaux, donnent une allure<br />
humoristique mais non moins inquiétante.<br />
Pour les personnages <strong>de</strong> Marivaux, l'issue <strong>de</strong> l'aventure du langage<br />
n'est pas seulement imprévisible, elle est également incertaine. A la<br />
différence <strong>de</strong> Destouches, <strong>La</strong> Chaussée, voire <strong>de</strong> Di<strong>de</strong>rot et Sedaine<br />
dans leurs drames, Marivaux ne préjuge pas <strong>de</strong> l'épilogue <strong>de</strong>s<br />
relations entre ses personnages.<br />
C'est que son but, contrairement à la presque totalité <strong>de</strong>s<br />
dramaturges du XVIIIème siècle, n'est pas <strong>de</strong> moraliser<br />
l'existence mais d'en montrer les aléas, les incertitu<strong>de</strong>s, les<br />
alternatives.
A LIRE<br />
Sur Marivaux<br />
René Pommeau et Jean Ehrard,<br />
Marivaux et les chemins <strong>de</strong> la<br />
liberté, in Littérature française 5 :<br />
De Fénélon à Voltaire, éditions<br />
Arthaud, 1984.<br />
Jean Noël Vuarnet, L’implacable<br />
légèreté, in Le joli temps :<br />
philosophes et artistes sous la<br />
Régence et Louis XV, Hatier 1990.<br />
Patrick Pavis, Marivaux à<br />
l’épreuve <strong>de</strong> la scène,<br />
Publications <strong>de</strong> la Sorbonne.<br />
Bernard Dort, A la recherche <strong>de</strong><br />
l’amour et <strong>de</strong> la vérité :<br />
esquisse d’un système<br />
marivaudien, in Théâtre, Le<br />
Seuil, 1986.<br />
Jean Rousset, Marivaux et la<br />
structure du double registre, in<br />
Forme et signification, José Corti,<br />
1966.<br />
A preuve, la <strong>de</strong>stinée complètement opposée que connaissent <strong>de</strong>ux<br />
couples <strong>de</strong> paysans — <strong>de</strong> paysans théâtralisés, s'entend — pourtant<br />
a priori semblables dans Arlequin poli par <strong>l'amour</strong> (1720 : la pièce<br />
<strong>de</strong>s vrais débuts parisiens <strong>de</strong> l'auteur) et dans <strong>La</strong> Double<br />
Inconstance (1723) : dans la première, la Fée aura beau faire agir<br />
charmes et sortilèges, elle ne parviendra pas à désunir Arlequin et<br />
Silvia ; dans la secon<strong>de</strong>, au contraire, Arlequin et Silvia ne tar<strong>de</strong>nt<br />
pas à se séparer et, éblouis par le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s maîtres, à épouser,<br />
elle, le Prince et, lui, la très mondaine et experte Flaminia.<br />
Voltaire affecta <strong>de</strong> tenir Marivaux pour un petit-maître et lui<br />
reprocha « <strong>de</strong> trop détailler les passions, et <strong>de</strong> manquer quelquefois<br />
les chemins du coeur en prenant <strong>de</strong>s routes un peu détournées ».<br />
Mais Voltaire pouvait-il être sensible à un art que la postérité ellemême<br />
a mis très longtemps à découvrir sous le « marivaudage »<br />
apparent : un art, justement, qui relève <strong>de</strong> la multiplicité <strong>de</strong>s<br />
détours par lesquels le langage, à la fois piège et recours,<br />
obstacle et planche <strong>de</strong> salut, façonne les sentiments, dans une<br />
société qui ne fonctionne que par lui et à travers lui.<br />
Dans les pas <strong>de</strong> la philosophie, le théâtre du XVIIIème<br />
siècle professe que la vie sociale et a fortiori la vie familiale<br />
et amoureuse doivent se mettre en accord avec la nature<br />
dans sa simplicité originelle. Pour ce faire, il met en scène <strong>de</strong>s<br />
actions où les sentiments naturels finissent par triompher<br />
<strong>de</strong>s préjugés et <strong>de</strong>s conventions.<br />
Marivaux procè<strong>de</strong> à l'inverse : dans ses comédies (lesquelles<br />
sont toutes <strong>de</strong>s variations sur un thème unique : la « su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>l'amour</strong> »), il ne cesse <strong>de</strong> montrer, à travers les jeux plus ou<br />
moins pervers du langage, l'écartèlement <strong>de</strong>s êtres entre le<br />
naturel et la convention. N'est-il pas saisissant, à cet égard,<br />
dans <strong>La</strong> Dispute (1744), le spectacle <strong>de</strong> ces six adolescents,<br />
garçons et filles, laissés jusqu'alors à l'état <strong>de</strong> nature et dans<br />
l'ignorance <strong>de</strong> l'autre sexe, mais qui vont, en un clin d'oeil, sous le<br />
regard quelque peu corrompu d'un prince et <strong>de</strong> sa maîtresse,<br />
parcourir toute la gamme — <strong>de</strong> plus en plus socialisée — du<br />
langage et <strong>de</strong>s tourments amoureux, <strong>de</strong>puis le narcissisme jusqu'à<br />
la quasi-conjugalité, en passant par la jalousie et le détachement<br />
feint ? Ou encore : n'est-il pas édifiant le siège que mène la<br />
princesse Léoni<strong>de</strong> du Triomphe <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> (1732) — tantôt sous<br />
une i<strong>de</strong>ntité féminine, tantôt travestie en homme — <strong>de</strong> la maison et<br />
du coeur d'Hermocrate et Léontine afin <strong>de</strong> conquérir leur protégé,<br />
le tendre Agis, sorte <strong>de</strong> prototype <strong>de</strong> l'Émile <strong>de</strong> Rousseau. Dans le<br />
théâtre <strong>de</strong> Marivaux, les lieux les plus austères et les plus<br />
retirés — ces « îles » où, d’après Marcel Arland, se déroulent<br />
toutes les comédies <strong>de</strong> Marivaux — finissent toujours par<br />
s'ouvrir à la mondanité <strong>de</strong> fêtes mi-gaies, mi-funèbres où<br />
officie <strong>l'amour</strong> ; et, aussitôt, l'être naturel, pétri <strong>de</strong> pure<br />
vertu, se désagrège et <strong>de</strong>vient un être <strong>de</strong> langage.
A la différence <strong>de</strong>s tenants du « genre sérieux », qui<br />
voudront bannir la convention, Marivaux la caresse et<br />
l'apprivoise en fabuleux manieur du langage commun ; il<br />
l'érige à la fois en obstacle sur lequel buteront ses personnages,<br />
dans l'intimité du langage, et en tuteur qui soutient ces mêmes<br />
personnages et leur confère une extrême théâtralité. Nous sommes,<br />
en apparence, très loin <strong>de</strong> la réputation <strong>de</strong> fantaisie, <strong>de</strong> légèreté,<br />
d'« italianisme » qui accompagne le théâtre <strong>de</strong> Marivaux...<br />
Beaucoup plus près, en fait, qu'il ne paraît. Car le dramaturge<br />
Marivaux, comme l'a très bien vu Marcel Arland, ne laisse pas <strong>de</strong><br />
jouer un « double jeu » : « allait donner aux "idées" <strong>de</strong> Marivaux le<br />
corps qui, sans elle, leur aurait peut-être manqué. » Des masques,<br />
donc, mais, pour accroître encore la tension entre naturel et<br />
convention, <strong>de</strong>s masques <strong>de</strong> chair.<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Jacqueline DE JOMARON<br />
In Le Théâtre en France, Ed., Armand Colin<br />
Extrait du chapitre Théâtre <strong>de</strong>s Lumières
Une Une douleur douleur exquise exquise – Sophie Sophie Calle<br />
Calle<br />
Une douleur exquise<br />
Avant la douleur<br />
Une douleur exquise<br />
Le jour J<br />
Une douleur exquise<br />
En 1984, Sophie Calle vit une histoire d’amour passionnée<br />
lorsqu’elle obtient une bourse d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> trois mois au Japon<br />
accordée par le ministère <strong>de</strong>s Affaires étrangères. Peu attirée par ce<br />
pays, elle déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> s’y rendre le plus lentement possible en<br />
prenant le Transsibérien à travers l’Europe <strong>de</strong> l’Est, la Russie, la<br />
Chine, la Mongolie, Hong-Kong.<br />
Elle entreprend son voyage en pensant chaque jour à celui<br />
qu’elle aime, en ayant l’idée qu’ils s’attendront et se<br />
retrouveront en In<strong>de</strong>, après ces trois mois <strong>de</strong> séparation.<br />
"Douleur J - 92": le 25 octobre 1984, date <strong>de</strong> son départ,<br />
marque le début d’un compte à rebours <strong>de</strong> quatre-vingtdouze<br />
jours à l’issue <strong>de</strong>squels elle se languit <strong>de</strong> retrouver son<br />
bien aimé. Durant ce temps « d’avant la douleur », chaque journée<br />
est nourrie <strong>de</strong> correspondances, récits <strong>de</strong> voyage, photos<br />
dont elle constitue une sorte <strong>de</strong> journal marquant le début <strong>de</strong><br />
son livre.<br />
Le 25 janvier 1985, la veille du jour <strong>de</strong>s retrouvailles, Sophie Calle<br />
reçoit un message : « M. ne peut vous rejoindre à Delhi en<br />
raison acci<strong>de</strong>nt à Paris et séjour hôpital. Contacter Bob à<br />
Paris. Merci. »<br />
Après dix heures <strong>de</strong> tentatives pour obtenir la communication avec<br />
la France, Sophie Calle parvient à joindre son père qui lui indique<br />
qu’il est bien passé le voir mais pour un panaris.<br />
Sophie Calle cherche alors à joindre X au téléphone. Elle apprend<br />
la séparation, au téléphone, X lui annonce qu’il a rencontré<br />
quelqu’un d’autre. Elle passe le reste <strong>de</strong> la nuit le regard fixé sur<br />
son téléphone rouge, dans la chambre 261 <strong>de</strong> l’Hôtel Impérial à<br />
New Delhi.<br />
"J’ai détesté ce voyage à cause du départ <strong>de</strong> cet homme. Je suis<br />
rentrée en France pour souffrir chez moi."<br />
A ce moment précis, Sophie Calle, tout comme la marquise<br />
<strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> l’amour, est au fond du gouffre,<br />
et connait la douleur <strong>de</strong> la perte amoureuse.
Une douleur exquise<br />
Après la douleur<br />
Extraits <strong>de</strong>s témoignages<br />
recueillis par Sophie Calle<br />
“Le 8 aout 1983, à seize heures trente,<br />
il m’a dit ; “Je ne t’aime plus”. C’était<br />
dans le sud <strong>de</strong> la France, la pièce<br />
donnait sur un pré. »<br />
« J’avais 25 ans, elle était partie en<br />
voyage. Pendant un an je n’ai vu<br />
personne et je n’ai rien fait. Douze moi<br />
plus tard elle est revenue et ça a pris<br />
fin. Je me rappelle surtout <strong>de</strong> la vision<br />
qu’on a du sol <strong>de</strong>puis le troisième<br />
étage. Je ne me souviens plus du nom<br />
<strong>de</strong> la fille »<br />
De retour à Paris le 28 janvier 1985, elle choisit, pour se<br />
soulager, <strong>de</strong> raconter sa souffrance et interroge, en<br />
contrepartie, ses amis ou rencontres <strong>de</strong> fortune: "quand<br />
avez-vous le plus souffert ?"<br />
Jour après jour, Sophie Calle ressasse, à la façon d’un<br />
journal, sur chaque page gauche du livre, le souvenir<br />
douloureux <strong>de</strong> cette histoire : "il y a quatre-vingt-dix-huit jours<br />
l’homme que j’aimais m’a quittée...", tandis que sur la page <strong>de</strong><br />
droite, elle consigne les expériences douloureuses <strong>de</strong>s<br />
personnes qu’elle a interrogées.<br />
De la même façon que Sophie Calle, la metteur en scène<br />
Alexandra Tobelaim a recueilli en préambule à la création<br />
<strong>de</strong> son spectacle <strong>de</strong> nombreux témoignages au cours<br />
d’ateliers réalisés avec <strong>de</strong>s adultes et <strong>de</strong>s enfants.<br />
Les jours passent et la métho<strong>de</strong> réussit, épuisée par sa propre<br />
histoire relativisée face à celle <strong>de</strong>s autres, elle guérit trois mois plus<br />
tard.<br />
Sans livrer <strong>de</strong> noms, Sophie Calle offre son intimité, sa<br />
correspondance; pas à pas, le visiteur découvre textes et<br />
photographies jusqu’à la reconstitution <strong>de</strong> la chambre 261, lieu<br />
<strong>de</strong> la douleur, puis la convalescence, l’enquête: entre chaque<br />
témoignage brodé noir sur blanc revient la photographie <strong>de</strong> la<br />
chambre d’hôtel accompagnée d’un récit brodé en blanc sur fond<br />
noir qui répète: "il y a - jours l’homme que j’aime m’a quittée…",<br />
mais, au fil <strong>de</strong>s jours, à mesure que le chagrin s’estompe, le<br />
blanc noircit jusqu’à se confondre avec le fond, le texte finit<br />
par disparaître, évoquant ainsi le retour à la vie, au<br />
bonheur.<br />
Douleur exquise est une invitation à parcourir une écriture illustrée,<br />
à la présentation linéaire. Voyage, échange <strong>de</strong> courriers,<br />
transport amoureux, enquête: à nous <strong>de</strong> suivre l’histoire<br />
mouvementée où le cœur rythme le temps.
Les Dormeurs, 1979.<br />
Vue d’installation - Collection JMS, Paris<br />
"Je voulais que mon lit soit occupé<br />
vingt-quatre heures sur vingt-quatre,<br />
comme ces usines où on ne met jamais<br />
la clé sous la porte. J’ai donc <strong>de</strong>mandé<br />
aux gens <strong>de</strong> se succé<strong>de</strong>r toutes les huit<br />
heures pendant huit jours. Je prenais<br />
une photographie toutes les heures. Je<br />
regardais dormir mes invités. […]. Une<br />
<strong>de</strong>s personnes que j’avais invitées à<br />
dormir dans mon lit et que j’avais<br />
rencontrée dans la rue, était la femme<br />
d’un critique d’art. Quand elle est<br />
rentrée chez elle, elle a raconté à son<br />
mari qu’elle était venue dormir huit<br />
heures dans mon lit et il a voulu voir <strong>de</strong><br />
quoi il s’agissait. Et c’est comme ça que<br />
je suis <strong>de</strong>venue artiste."<br />
Conférence donnée le 15<br />
novembre 1999 à l’Université <strong>de</strong><br />
Keio (Tokyo)<br />
"Il est plus facile <strong>de</strong> faire un projet<br />
quand on souffre que quand on est<br />
heureux. Disons qu’en ce moment je vis<br />
une histoire d’amour heureuse avec un<br />
homme, et que je n’ai jamais parlé <strong>de</strong><br />
lui, ni utilisé notre vie. […]. Je ne sais<br />
pas ce que je préfère, être heureuse<br />
avec un homme ou faire une bonne<br />
exposition."<br />
Conférence donnée le 15<br />
novembre 1999 à l’Université <strong>de</strong><br />
Keio (Tokyo).<br />
Sophie Calle et son œuvre<br />
Parcours pédagogique réalisé par le Centre Georges Pompidoux<br />
L’art et la vie<br />
Comment je suis <strong>de</strong>venue artiste<br />
Après avoir voyagé sept ans à travers le mon<strong>de</strong>, Sophie Calle<br />
revient à Paris. Perdue, sans désir professionnel, sans capacité<br />
précise, sans amis, elle déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> suivre <strong>de</strong>s gens dans la rue:<br />
une manière <strong>de</strong> retrouver Paris à travers les trajets <strong>de</strong>s autres.<br />
Bientôt, elle se prend au jeu, photographie, note ses<br />
déplacements, choisit un homme au hasard et déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> le<br />
suivre à Paris puis à Venise : une manière <strong>de</strong> s’occuper.<br />
Plus tard, la remarque d’une amie sur la tié<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s draps,<br />
lorsqu’elle se couche auprès d’elle, l’interroge. Elle déci<strong>de</strong> alors<br />
d’inviter <strong>de</strong>s gens pris au hasard à venir dormir quelques<br />
heures dans son lit.<br />
Le statut d’œuvre désormais accordé aux <strong>de</strong>ux projets, Suite<br />
vénitienne (1980) et Les Dormeurs (1979), un nouveau mo<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> présentation, sous forme <strong>de</strong> photographies et <strong>de</strong> textes,<br />
est envisagé. Par sa seule intention, Sophie Calle opère le passage:<br />
la distraction <strong>de</strong>vient démarche artistique et les<br />
documents, œuvres.<br />
Le choix<br />
Si la vie nourrit son œuvre, l’artiste choisit les événements,<br />
rencontres, souvenirs qu’elle expose. Selon un concept, <strong>de</strong>s<br />
règles établies, Sophie Calle contrôle l’intimité qu’elle livre,<br />
même si parfois le hasard intervient.<br />
Sophie Calle choisit ses révélations pour donner à sa vie<br />
plus d’intensité, y soigner les blessures. L’art, pour elle, a<br />
une fonction thérapeutique. Le film No sex last night (1992)<br />
et l’installation Douleur exquise (1984-2003) sont fondés sur <strong>de</strong>s<br />
amours déçus.<br />
"A condition d’appréhen<strong>de</strong>r l’ensemble du processus créatif, <strong>de</strong>puis l’expérience<br />
vécue jusque sa mise en forme narrative, cet art est avant tout celui <strong>de</strong> la<br />
"performance", que l’on i<strong>de</strong>ntifiera <strong>de</strong> préférence comme un art <strong>de</strong> la<br />
"situation". En effet, les interventions <strong>de</strong> Sophie Calle relèveraient davantage<br />
<strong>de</strong> l’approche <strong>de</strong> Guy Debord (chef <strong>de</strong> file <strong>de</strong> l’Internationale Situationniste),<br />
lorsqu’il suggérait la "construction concrète d’ambiances momentanées <strong>de</strong> la<br />
vie, et leur transformation en une qualité supérieure <strong>de</strong> la vie". "<br />
Cécile Camart
Unfinished, 2003<br />
Cash machine, images extraites <strong>de</strong><br />
vidéos <strong>de</strong> surveillance.<br />
Photographies n/b, 30 x 40 cm<br />
"J’étais séduite par la beauté <strong>de</strong>s<br />
images, mais il me semblait qu’en<br />
utilisant <strong>de</strong>s documents trouvés, sans<br />
apport "vécu" <strong>de</strong> ma part, je ne collais<br />
pas à mon propre style. Il fallait trouver<br />
une idée pour accompagner ces<br />
visages. Quinze ans plus tard, j’ai<br />
décidé <strong>de</strong> retracer l’histoire <strong>de</strong> cette<br />
recherche, <strong>de</strong>ssiner l’anatomie d’un<br />
échec, me libérer, enfin, <strong>de</strong> ces images.<br />
Abdiquer <strong>de</strong>vant leur présence."<br />
Sophie Calle. Beaux Arts magazine<br />
n° 234 -novembre 2003<br />
"<strong>La</strong> dimension narrative <strong>de</strong> ses<br />
installations, mêlant photographies,<br />
textes et objets, trouve aussi sa filiation<br />
historique dans la première moitié <strong>de</strong> la<br />
décennie 70, où <strong>de</strong> jeunes artistes<br />
comme Christian Boltanski (Récit-<br />
Souvenir, avril 1971), Didier Bay (Mon<br />
quartier vu <strong>de</strong> ma fenêtre, 1969-1973),<br />
Jean Le Gac (Anecdotes, 1974),<br />
proposaient "un art <strong>de</strong>s gens, <strong>de</strong>s<br />
choses et <strong>de</strong>s situations, qui embrasse<br />
un vaste éventail <strong>de</strong> vie quotidienne<br />
réelle ou imaginaire".<br />
Cécile Camart<br />
"Le romancier n’est plus celui qui<br />
raconte une histoire, il en présente<br />
seulement quelques bribes; au lecteur<br />
<strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> la reconstituer."<br />
Michel Raimond: Le Roman <strong>de</strong>puis<br />
la révolution, "5. Le nouveau<br />
roman" p.246, Armand Collin,<br />
Paris, 1998<br />
En 1998, une banque américaine invite Sophie Calle à réaliser un<br />
projet in situ.<br />
Les distributeurs automatiques <strong>de</strong> l’établissement, munis <strong>de</strong><br />
caméras vidéo, filment, à leur insu, les clients en train d’effectuer<br />
<strong>de</strong>s opérations. En se procurant certains enregistrements,<br />
elle se lance dans un projet <strong>de</strong> création.<br />
L’installation Unfinished (2003) explique la difficulté à œuvrer, à se<br />
renouveler, à choisir son style, son sujet autour d’un matériau<br />
qu’elle tente en vain <strong>de</strong> s’approprier.<br />
Le choix chez Sophie Calle oppose aussi quelques notions:<br />
art/réalité, fiction/réel, privé/public, montrer/cacher.<br />
Re-Présentation<br />
En se racontant, Sophie Calle se représente. <strong>La</strong> présentation<br />
sobre <strong>de</strong> ses travaux est cohérente avec le style épuré <strong>de</strong> ses récits.<br />
De la narration<br />
Sophie Calle n’est pas théoricienne et laisse aux critiques le soin<br />
d’interpréter son travail, mais un récit accompagne toujours<br />
son œuvre. Plus que le titre ou la légen<strong>de</strong>, il s’agit d’un compte<br />
rendu simple, facilement compréhensible, faisant partie intégrante<br />
<strong>de</strong> l’œuvre. Rapport, constat, l’écriture sobre, précise, au<br />
vocabulaire accessible, cherche à relater les faits <strong>de</strong> manière<br />
objective, sans analyse, ni argumentation.<br />
<strong>La</strong> "faiseuse d’histoires", selon l’expression d’Hervé Guibert, admire<br />
Georges Pérec et se définit comme "artiste narrative". Appliquée,<br />
elle travaille son style direct, épuré mais ne se considère pas<br />
comme écrivain.<br />
Son travail pourrait aussi se rapprocher <strong>de</strong> la recherche qu’est le<br />
nouveau roman, <strong>de</strong> ce roman à la recherche <strong>de</strong> lui-même. Une <strong>de</strong>s<br />
caractéristiques communes serait la dispersion, l’errance, le<br />
développement <strong>de</strong>s récits dans l’espace et le temps, puzzle à<br />
recomposer par le lecteur attentif afin <strong>de</strong> recréer l’unité, la<br />
cohérence <strong>de</strong> cet imposant "work in progress".<br />
L’éclatement i<strong>de</strong>ntitaire <strong>de</strong> l’artiste: auteur, sujet, objet, personne<br />
réelle ou figure linguistique, favorise cette fragmentation et amène le<br />
regar<strong>de</strong>ur actif à participer à l’accomplissement <strong>de</strong> l’histoire, à suivre<br />
la biographie à mesure qu’elle s’écrit, <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> vingt ans.<br />
L’omniprésence du texte donne à l’image comme à l’objet une<br />
valeur secondaire: preuves, illustrations, indices ou métaphores ?,<br />
ils ne pourraient exister seuls et ne sont révélés que par le<br />
langage qui les fait naître. Sophie Calle avoue qu’elle aurait pu
"Selon mes instructions, dans le<br />
courant du mois d’avril 1981, ma mère<br />
s’est rendue à l’agence Duluc détectives<br />
privés. Elle a <strong>de</strong>mandé qu’on me<br />
prenne en filature et a réclamé un<br />
compte rendu écrit <strong>de</strong> mon emploi du<br />
temps ainsi qu’une série <strong>de</strong><br />
photographies à titre <strong>de</strong> preuves."<br />
Sophie Calle, A suivre…, Livre IV,<br />
Actes Sud, France, 1998<br />
<strong>La</strong> Filature, 1981<br />
Diptyque composé <strong>de</strong> textes et <strong>de</strong><br />
photographies n/b, 162 x 110<br />
<strong>La</strong> Filature, commandée en 1981 par le<br />
Centre Pompidou pour une exposition<br />
consacrée à l’autoportrait, est<br />
constituée <strong>de</strong> mises en scène vécues<br />
sur un mo<strong>de</strong> autobiographique.<br />
Récit à double-voix: l’enquête du<br />
détective sur une journée <strong>de</strong><br />
l’artiste suivie <strong>de</strong> photographies<br />
floues est accompagnée <strong>de</strong> la<br />
<strong>de</strong>scription <strong>de</strong> sa journée par<br />
Sophie Calle et <strong>de</strong> photographies<br />
du détective prises à son insu par<br />
un ami <strong>de</strong> Sophie C.<br />
En littérature, Dominique Viart,<br />
professeur à l’Université <strong>de</strong> Lille III,<br />
pose le problème i<strong>de</strong>ntitaire <strong>de</strong><br />
l’écrivain dans l’autoportrait: "Forme <strong>de</strong><br />
l’écriture <strong>de</strong> soi, l’autoportrait est l’une<br />
<strong>de</strong>s voies d’accès à la complexité du<br />
"je". Mais tout texte littéraire n’est-il<br />
pas, au fond, un portrait <strong>de</strong> son<br />
auteur ?".<br />
Puis, il ajoute: "Ecrire "je suis", c’est<br />
commencer à se dire autre que soi, à<br />
dire l’autre que l’on porte en soi. […]<br />
l’individu ne constitue son i<strong>de</strong>ntité que<br />
par le truchement <strong>de</strong> médiations. "Il y a<br />
<strong>de</strong> l’autre en moi" continuent d’affirmer<br />
les écrivains à la suite <strong>de</strong> la formule<br />
radicale <strong>de</strong> Rimbaud "Je est un<br />
autre". "<br />
TDC n° 853, L’autoportrait, avril<br />
2003<br />
simplement écrire mais que la photographie l’ai<strong>de</strong> à rentrer dans<br />
l’histoire, en donnant à son écriture plus d’intensité.<br />
Photographier force à s’approcher du sujet ce qui attise les<br />
émotions, réaction que doit aussi provoquer la présence d’objets<br />
personnels.<br />
Sophie Calle en re-présentations<br />
Autoportrait<br />
Après avoir suivi un homme à Venise, Sophie Calle éprouve l’envie<br />
d’être elle-même suivie. Elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à sa mère d’engager un<br />
détective privé.<br />
"Je suis entrée dans la vie <strong>de</strong> M. X détective". Sophie Calle apprécie<br />
ses regards, "l’attention qu’il lui porte est telle qu’aucun homme ou<br />
femme qui l’a aimée ne lui a jamais donnée...", écrit-elle.<br />
Objet et voyeur du regar<strong>de</strong>ur, Sophie Calle dresse, grâce à lui, son<br />
autoportrait d’un jour.<br />
L’expérience se renouvelle en 2001 lorsque l’artiste réalise Vingt ans<br />
après selon l’initiative <strong>de</strong> son galeriste Emmanuel Perrotin.<br />
Un genre dans un genre: l’autoportrait pose la question du miroir,<br />
<strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue, <strong>de</strong> la ressemblance; il interroge les rapports<br />
à l’espace, au temps. Sophie Calle est suivie une journée à Paris;<br />
comme elle aime la peinture <strong>de</strong> Titien intitulée L’homme au gant,<br />
elle reste au Louvre une heure <strong>de</strong>vant le tableau, forçant le<br />
détective à en parler dans son rapport. Sophie Calle souhaite une<br />
personne interposée pour se portraiturer; le regard <strong>de</strong> l’autre la<br />
révèlerait-elle ? Position et relation complexes: objet et sujet<br />
menant l’enquête, personnage et auteur, modèle et créatrice...<br />
Sophie Calle brouille les pistes, la confusion <strong>de</strong>s rôles intrigue,<br />
l’enquête est une énigme.<br />
Aussi, images et textes ne résultent pas <strong>de</strong> "professionnels":<br />
le détective, Sophie Calle, son ami ne sont ni photographes, ni<br />
écrivains. Le projet et sa réalisation finale, encadrée au mur<br />
avec sobriété, ont néanmoins le statut d’œuvre d’art.<br />
Comparons trois artistes utilisant leur image dans leur propre travail<br />
photographique: Sophie Calle invente <strong>de</strong>s postures romanesques<br />
contemporaines, Cindy Sherman, qu’elle admire, se met en scène<br />
dans les postures <strong>de</strong> certains mythes (le cinéma, la féminité,<br />
l’enfance…), enfin, Nan Goldin se découvre dans son milieu, ses<br />
relations intimes, partage sa culture lesbienne, gay ou travestie.
Autobiographie <strong>La</strong> Robe <strong>de</strong> mariée,<br />
1988. Vue d’installation<br />
Reconstitution d’une chambre avec<br />
objets liés aux Autobiographies<br />
Fondation Ledig Rowohlt, Château <strong>de</strong><br />
<strong>La</strong>vigny, Vaud, 1996<br />
"Depuis le geste radical <strong>de</strong> Marcel<br />
Duchamp en 1913 qui désignait comme<br />
objets d’art <strong>de</strong>s objets manufacturés —<br />
"les ready-ma<strong>de</strong>" —, le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
objets familiers apparaît comme un<br />
creuset infini où les artistes puisent leur<br />
vocabulaire plastique en toute liberté."<br />
TDC n° 767, L’art et l’objet au XXe<br />
siècle, janvier 1999<br />
"Nous assistons dans toute sa<br />
recherche à l’apologie du quiproquo: un<br />
espace <strong>de</strong> jeu, un territoire indéfini, un<br />
entre-<strong>de</strong>ux entre l’art et la vie, entre la<br />
fiction et le documentaire. Sophie Calle<br />
instaure une distance critique entre<br />
l’expérience du récit et le récit <strong>de</strong><br />
l’expérience qui lui permet <strong>de</strong> toujours<br />
raconter, en fait, la même histoire: celle<br />
<strong>de</strong> l’écart entre son œuvre et la réalité."<br />
Une histoire <strong>de</strong> circonstances,<br />
catalogue d’expositions <strong>de</strong>s<br />
galeries le Lieu (Lorient), le<br />
Triangle (Rennes), l’Imagerie<br />
(<strong>La</strong>nnion), 1998-1999<br />
"Autobiographies"<br />
A travers textes et photographies, Sophie Calle se raconte, mais les<br />
objets sont aussi supports à ses récits.<br />
Dans <strong>La</strong> Chambre à coucher (2003) sont rassemblés les<br />
emblèmes <strong>de</strong> ses "autobiographies" développées <strong>de</strong>puis 1988: la<br />
chaussure rouge, le peignoir, la robe <strong>de</strong> mariée… Objets <strong>de</strong><br />
collection, mémoires, symboles, fétiches ?<br />
Ils cristallisent tous un souvenir précis que recueille Des Histoires<br />
vraies (1988-2000):<br />
A 11 ans, Sophie et Amélie, sa meilleure amie, volent dans les<br />
grands magasins. Après quelques années, se sentant traquées par<br />
la police, elles réalisent, à la hâte, leur <strong>de</strong>rnière prise: une paire <strong>de</strong><br />
"chaussures rouges" trop gran<strong>de</strong>s. Amélie garda le pied droit,<br />
Sophie le gauche...<br />
"Le peignoir" est celui que portait son premier amant lorsqu’il lui<br />
ouvrit la porte, elle avait 18 ans…<br />
Un 8 novembre, âgée <strong>de</strong> 30 ans, Sophie Calle part rejoindre un<br />
homme qu’elle admire <strong>de</strong>puis toujours. Dans sa valise, une "robe <strong>de</strong><br />
mariée" en soie blanche qu’elle met pour leur première nuit<br />
ensemble…<br />
L’objet, comme l’image ou le texte, contribue à<br />
l’élaboration d’une "mythologie individuelle, où<br />
l’autobiographie se teinte <strong>de</strong> "fiction <strong>de</strong> soi". "<br />
De la "ma<strong>de</strong>leine" <strong>de</strong> Proust à la "poubelle" d’Arman, quelle est la<br />
valeur, l’utilité, la fonction, le statut d’un matériau, d’un objet ?<br />
Dans cette exposition, l’installation reconstitue une chambre <strong>de</strong><br />
jeune fille que le visiteur aperçoit à travers une longue fenêtre<br />
découpée. Là, sont dispersés <strong>de</strong>s objets portant chacun un numéro,<br />
il suffit <strong>de</strong> se référer au récit <strong>de</strong> l’histoire correspondante pour<br />
entrer dans l’univers ludique et romanesque <strong>de</strong> Sophie Calle.<br />
L’omniprésence du lit, autre thème autobiographique,<br />
confirme la plongée dans l’intime. Au centre <strong>de</strong> <strong>La</strong> Chambre à<br />
coucher (2003), du défilé <strong>de</strong>s Dormeurs (1979), <strong>de</strong> sa liaison avec<br />
Greg Shephard dans No sex last night (1992), le lit est aussi<br />
"personnage" principal lors du Voyage en Californie (2000-2003) et<br />
lieu <strong>de</strong> la rupture dans Douleur exquise (1984-2003), lorsque<br />
Sophie Calle apprend, dans sa chambre d’hôtel <strong>de</strong> New Delhi, que<br />
son amour la quitte.<br />
Actions, installations, notes, photographies, objets constituent<br />
autant <strong>de</strong> traces, marques, signatures, empreintes cherchant<br />
à dévoiler l’artiste, son vécu, sa personnalité.<br />
Mais ces signes ne comblent-ils pas surtout un vi<strong>de</strong> ?
Série Les Aveugles, 1986. Les<br />
Poissons<br />
Un texte encadré, 40 x 80 cm, une<br />
photographie n/b encadrée, 41 x 31,5<br />
cm, une photographie couleur<br />
encadrée, 56 x 80 cm, une tablette<br />
Collection Centre Pompidou<br />
Voyage en Californie (2003).<br />
"J’ai reçu une lettre <strong>de</strong> Californie: "4 juin<br />
1999. Chère Mme Calle, je suis un Américain<br />
<strong>de</strong> vingt-sept ans. J’ai vécu une longue idylle<br />
qui s’est récemment dénouée. J’aimerais<br />
passer le reliquat <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil,<br />
d’affliction, dans votre lit…"<br />
Accepter se révèlerait délicat. Considérant<br />
la distance qu’il lui faudrait parcourir, si<br />
l’inconnu me déplaisait, pouvais-je<br />
décemment le congédier ? Et puis il y avait<br />
déjà un homme dans mon lit.<br />
Deux mois plus tard, ma literie prit<br />
l’avion pour San Francisco. […]. Je<br />
souhaitais au <strong>de</strong>stinataire un prompt<br />
rétablissement et l’invitais à m’informer<br />
<strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> sa convalescence afin<br />
<strong>de</strong> récupérer mon bien dès guérison<br />
complète. Il accusa réception le 4 août:<br />
"Votre lit est confortable. <strong>La</strong> senteur qu’il<br />
exhale m’apaise. Je vous tiendrai au<br />
courant du déroulement <strong>de</strong> ce séjour…"<br />
En septembre, j’appris que la souffrance<br />
s’estompait. Le 2 février 2000, mon lit<br />
était <strong>de</strong> retour à la maison."<br />
Propos <strong>de</strong> Sophie Calle dans<br />
Beaux Arts magazine n° 234:<br />
Sophie Calle, novembre 2003<br />
Re-présenter le vi<strong>de</strong><br />
<strong>La</strong> peur du vi<strong>de</strong> hante l’œuvre <strong>de</strong> Sophie Calle, afin <strong>de</strong> combler le<br />
manque, pourquoi ne pas le re-présenter ? Jeux <strong>de</strong> regards: voir sans<br />
être vu, voir ce qui n’est pas vu, ce qui n’est plus… Les enquêtes<br />
menées auprès d’aveugles-nés ou <strong>de</strong> personnels <strong>de</strong> musées cherchent<br />
à rendre visible, l’invisible. Trois œuvres en témoignent:<br />
Les Aveugles (1986). "Quelle est selon vous l’image <strong>de</strong> la beauté ?"<br />
<strong>La</strong> série rapporte discours et représentations <strong>de</strong> l’idée <strong>de</strong> la beauté que se<br />
font ces dix-huit aveugles <strong>de</strong> naissance. A côté du texte <strong>de</strong> la réponse <strong>de</strong><br />
chacun, une illustration en couleurs et leur portrait noir et blanc, posé sur un<br />
rebord, pareil aux ex-voto sur un autel commémoratif.<br />
<strong>La</strong> Couleur Aveugle (1991). "Quelle est votre vision <strong>de</strong> la monochromie ?"<br />
Sophie Calle confirme sa démarche et confronte les réponses <strong>de</strong>s aveugles<br />
interrogés aux textes d’artistes commentant leurs œuvres monochromes (Klein,<br />
Richter, Reinhardt, Manzoni, Rauschenberg, Malévitch).<br />
Disparition (1991). "Faites le portrait du tableau absent"<br />
Sophie Calle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux conservateurs, gardiens et autres permanents du<br />
Musée Isabella Stewart Gardner <strong>de</strong> Boston <strong>de</strong> décrire les œuvres dérobées.<br />
<strong>La</strong> femme qui avait légué ces œuvres n’avait pas imaginé le vol en précisant<br />
dans son testament que rien ne <strong>de</strong>vait changer à sa mort. Les tableaux<br />
disparus, le musée dut laisser les espaces vi<strong>de</strong>s: mise en scène<br />
involontaire <strong>de</strong> l’absence que photographie l’artiste: "il y avait encore les clous,<br />
les petits textes, le tissu déchiré, mais le tableau n’était plus là."<br />
Parcours<br />
Déplacements géographiques et changements intérieurs<br />
ponctuent le temps <strong>de</strong> Sophie Calle et nous conduisent à travers<br />
son œuvre.<br />
Mouvements<br />
Promena<strong>de</strong>s, filatures, enquêtes, voyages, l’œuvre <strong>de</strong> Sophie Calle<br />
nous entraîne dans un mouvement inscrit dans l’espace et le<br />
temps. Une recherche suscitée par le désir où le point <strong>de</strong> vue<br />
fixe le jeu, l’aventure.<br />
Dans Voyage en Californie, l’artiste, dans<br />
sa mise en scène, joue sur <strong>de</strong>ux<br />
évolutions : celle du lit, transporté <strong>de</strong><br />
Malakoff à San Francisco, et celle, plus<br />
intérieure, <strong>de</strong> la guérison. Le temps<br />
d’installation du lit en Californie correspond à<br />
cette convalescence. On retrouve ces <strong>de</strong>ux<br />
types <strong>de</strong> changement dans Douleur<br />
exquise (1984-2003).<br />
Douleur Exquise, 1984-2003. Avant la douleur<br />
Vue d’installation, Toyota Municipal Museum of Art, Toyota
Vingt ans après, 2001<br />
Ensemble composé <strong>de</strong> photographies<br />
couleur partiellement assemblées en<br />
groupes et <strong>de</strong> textes<br />
Une jeune femme disparaît, 2003<br />
Photographies couleur par Sophie Calle,<br />
photographies n/b par Bénédicte<br />
Vincens, 64 x 80 cm<br />
A LIRE<br />
Sur Sophie Calle<br />
- Sophie Calle. M’as-tu vue,<br />
catalogue <strong>de</strong> l’exposition du Centre<br />
Pompidou 2003, Ed.Centre Pompidou<br />
- <strong>La</strong> Marche, l'art. Sophie Calle<br />
parle <strong>de</strong> Sophie Calle. Conférence<br />
donnée le 15 novembre 1999 à<br />
l'Université <strong>de</strong> Keio (Tokyo).© 2002,<br />
publication du Research Center for the<br />
Arts and Arts Administration, Keio<br />
University (en français et en japonais)<br />
- Sophie Calle, A suivre…, catalogue<br />
<strong>de</strong> l’exposition du Musée d’art mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong><br />
la Ville <strong>de</strong> Paris, 1991, Editions Amis du<br />
Musée d’art mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> Paris<br />
Sophie Calle<br />
- Douleur exquise, Actes Sud, 2003<br />
- Des histoires vraies + dix, Actes<br />
Sud, 2002<br />
- Les Dormeurs, Actes Sud, 2000<br />
- L'Absence, Actes Sud, 2000:<br />
<strong>La</strong> Disparition ; Fantômes ; Souvenirs<br />
<strong>de</strong> Berlin-Est<br />
- Doubles-Jeux, Actes Sud, 1998:<br />
De l’obéissance (Livre I)<br />
Le Rituel d’anniversaire (Livre II)<br />
Les Panoplies (Livre III)<br />
A suivre… (Livre IV)<br />
L’Hôtel (Livre V)<br />
Le Carnet d’adresses (Livre VI)<br />
Vingt ans après<br />
Emmanuel Perrotin cherche à séduire Sophie Calle pour <strong>de</strong>venir son galeriste.<br />
Comble <strong>de</strong> la séduction, il engage un détective privé <strong>de</strong> l’agence Duluc et<br />
organise une filature <strong>de</strong> l’artiste vingt ans après celle <strong>de</strong> 1981, le 16 avril 2001:<br />
un "rituel d’anniversaire" ?<br />
Prévenue, Sophie Calle promène le détective à travers Paris, plus qu’un<br />
autoportrait, cette filature apparaît comme un bilan, l’occasion <strong>de</strong> rappeler les<br />
thèmes <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong> auto-mythologie. Voici quelques moments du parcours<br />
Vingt ans après (2001).<br />
<strong>La</strong> journée débute par la visite du caveau familial au cimetière Montparnasse:<br />
"une fois l’an, j’ai pris l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> me rendre sur notre tombe, afin <strong>de</strong> me<br />
familiariser avec les lieux". Cette visite rituelle, déjà réalisée lors <strong>de</strong> la Filature<br />
<strong>de</strong> 1981, rappelle ses premières photographies en 1978 dans un cimetière<br />
californien et la série <strong>de</strong>s Tombes en 1991.<br />
Après un détour <strong>de</strong>vant l’agence Duluc, elle se rend au Louvre où, en 1981,<br />
dans Filature, elle avait longuement admiré une œuvre du Titien; en 2000,<br />
avec cette même Filature, elle participe à une exposition temporaire intitulée:<br />
"l’Empire du Temps, mythes et créations". Afin <strong>de</strong> savourer le chemin<br />
parcouru, sa reconnaissance internationale, elle visite ensuite une salle où elle<br />
expose au Centre Pompidou qui lui consacrera une rétrospective <strong>de</strong> novembre<br />
2003 à mars 2004.<br />
Alors que l’artiste craint dans cette enquête la répétition ("je marche dans mes<br />
traces, je n’arrive pas à me renouveler"), ses pas croisent ceux <strong>de</strong> la mère <strong>de</strong><br />
Bénédicte Vincens. Des quais vers l’île Saint-Louis, Sophie Calle se dirige vers<br />
le domicile <strong>de</strong> la jeune fille, disparue après l’incendie <strong>de</strong> son appartement, la<br />
nuit du 26 février 2000. Là, <strong>de</strong>vant l’avis <strong>de</strong> recherche, une dame murmure le<br />
nom <strong>de</strong> Bénédicte, elle se présente: "je suis sa mère".<br />
"Le Mon<strong>de</strong>" et "Les Inrockuptibles" avaient à l’époque associé le nom <strong>de</strong><br />
Sophie Calle à celui <strong>de</strong> Bénédicte Vincens, agent d’accueil au Centre Pompidou<br />
qui aurait aimé vivre comme l’artiste qu’elle admirait.<br />
Ce fait divers relance la création <strong>de</strong> Sophie Calle dans Une femme<br />
disparaît (2000-2003), enquête où est abordé l’ensemble <strong>de</strong> ses<br />
thématiques: absence, quête, disparition, lit…<br />
Mais l’œuvre évolue pendant l’exposition puisque <strong>de</strong>s avis <strong>de</strong><br />
recherche sont dispersés dans le Centre et au-<strong>de</strong>là, et que le travail<br />
<strong>de</strong> Sophie Calle se poursuit: "j’ai rencontré au Centre Pompidou <strong>de</strong>s<br />
collègues <strong>de</strong> Bénédicte V., ils m’ont appris qu’elle s’intéressait au<br />
comportement du public et souhaitait profiter <strong>de</strong> sa<br />
position <strong>de</strong> gardienne pour étudier les visiteurs. J’ai décidé<br />
d’accomplir en son nom ce <strong>de</strong>ssein…"<br />
A travers les œuvres récentes présentées en fin d’exposition, Vingt<br />
ans après (2001) et Une femme disparaît (2000-2003), Sophie<br />
Calle confirme sa démarche en regroupant tous ses thèmes et<br />
retrace ainsi le parcours d’une vie.
Ressources Ressources internet<br />
internet<br />
<strong>La</strong> compagnie<br />
• Photos et extraits vidéo <strong>de</strong>s spectacles<br />
précé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> la compagnie :<br />
www.tandaim.com<br />
<strong>La</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> <strong>de</strong> Marivaux<br />
• http://fr.wikisource.org/wiki/<strong>La</strong>_Secon<strong>de</strong>_Surpri<br />
se_<strong>de</strong>_l%E2%80%99amour<br />
• Texte intégral<br />
http://fr.wikisource.org/wiki/<strong>La</strong>_Secon<strong>de</strong>_Surpri<br />
se_<strong>de</strong>_l%E2%80%99amour<br />
Marivaux<br />
• Théâtre et théâtralité au XVIIIème siècle :<br />
Marivaux et ses contemporains<br />
http://www.chass.utoronto.ca/~trott/courses/fr<br />
e1808/<br />
Comparer les mises en scène<br />
• Dossier pédagogique très complet sur <strong>La</strong><br />
secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> - mise en<br />
scène <strong>de</strong> Luc Bondy<br />
http://www.acgrenoble.fr/action.culturelle/DAAC/champs/blogt<br />
heatre/DPMC2/files/DP%20Marivaux.pdf<br />
• Reportage vidéo Luc Bondy et Marivaux<br />
http://matvi<strong>de</strong>o.france2.fr/vi<strong>de</strong>o/iLyROoaftWWZ.html<br />
Douleur exquise <strong>de</strong> Sophie Calle<br />
• Parcours pédagogique du Centre Georges<br />
Pompidoux<br />
http://www.centrepompidou.fr/education/resso<br />
urces/ENS-calle/ENS-calle.html<br />
• Mémoire sur Sophie Calle<br />
http://viperenoire.free.fr<br />
• Sophie Calle et Douleur Exquise<br />
http://www.actuphoto.com/photographie_5179<br />
http://www.luxembourg2007.org/uploads/docs/<br />
346_COMM%20PRESSE%20FR.doc<br />
Pistes Pistes pédagogiques<br />
pédagogiques<br />
Education citoyenne<br />
. la préparation à la venue au spectacle (alphabet<br />
du jeune spectateur, règles <strong>de</strong> comportement…).<br />
<strong>La</strong>ngage et littérature<br />
. l'écriture <strong>de</strong> Marivaux<br />
. étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>La</strong> secon<strong>de</strong> su<strong>rprise</strong> <strong>de</strong> <strong>l'amour</strong> <strong>de</strong><br />
Marivaux<br />
. étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Une douleur exquise et autres oeuvres <strong>de</strong><br />
Sophie Calle<br />
. l'autobiographie (parallèle avec l'écriture<br />
autobiographique <strong>de</strong> Sophie Calle et les témoignages du<br />
public récoltés par la metteur en scène Alexandra<br />
Tobelaim)<br />
. les réécritures (mise en scène <strong>de</strong> Marivaux à la<br />
lumière <strong>de</strong> Sophie Calle)<br />
. un mouvement littéraire du XVIIIème siècle<br />
. la comédie<br />
. le sentiment amoureux en littérature<br />
Texte et représentation<br />
. comment le metteur en scène a-t-il traduit dans<br />
les corps <strong>de</strong>s interprètes la douleur amoureuse, le<br />
sentiment amoureux ? Pourrait-on comprendre les<br />
situations sans les mots ?<br />
. comment le metteur en scène a-t-il joué du décalage<br />
entre le filtre <strong>de</strong>s conventions sociales, le détour <strong>de</strong> la<br />
langue chez Marivaux et l'intime, le rapport percutant<br />
et visuel <strong>de</strong> chez Sophie Calle ?<br />
. comparer la mise en scène d’Alexandra Tobelaim<br />
avec celle <strong>de</strong> Luc Bondy<br />
Expression écrite et orale<br />
. analyser, argumenter autour d'un débat oral ou<br />
une critique écrite sur le thème et la mise en scène du<br />
spectacle.(possibilité <strong>de</strong> publier les textes et <strong>de</strong> les<br />
confronter avec d'autres classes sur<br />
www.blogtheatresendracenie.com)<br />
Lecture <strong>de</strong> l'image/Arts visuels<br />
. étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> "Une douleur exquise" et autres<br />
oeuvres <strong>de</strong> Sophie Calle.