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T96-5-2472-DT11.pdf - Société de Pathologie Exotique

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Particularités <strong>de</strong>s peaux génétiquement pigmentées.<br />

J.-J. Morand* & E. Lightburn<br />

Service <strong>de</strong> <strong>de</strong>rmatologie,Hôpital d’instruction <strong>de</strong>s armées Alphonse Laveran,13998 Marseille, France. *E-mail: MorandJJ@aol.com<br />

Manuscrit n°<strong>2472</strong>/DT 11.“Dermatologie tropicale”.Reçu le 25 septembre 2002.Accepté le 8 juillet 2003.<br />

Summary: Characteristics of the skins genetically pigmented.<br />

The analysis shows that apart from the relative hyperpigmentation of the "black"skin (genetically <strong>de</strong>ter -<br />

mined and variable according to ethnic group, age, sex and solar exposure), which <strong>de</strong>termines the secon -<br />

dary dyschromic reactions to the majority of the <strong>de</strong>rmatosis, and, except the differences of frequency of<br />

diseases related especially to geographical or epi<strong>de</strong>miologic <strong>de</strong>terminisms, there is no true specificity<br />

although some entities are little or not <strong>de</strong>scribed on "white" skin (<strong>de</strong>rmatosis papulosa nigra, acral punc -<br />

tuated hyperkeratosis, progressive macular hypomelanosis of the trunk, acne keloidalis, pseudofolliculitis<br />

barbae, aïnhum…).<br />

Résumé :<br />

Introduction<br />

Le titre <strong>de</strong> cet article, d’approche essentiellement clinique,<br />

est adopté afin d’éviter les amalgames généralement faits<br />

e n t re la peau dite noire, certaines autres caractéristiques phénotypiques<br />

notamment phanériennes, ainsi que les confusions<br />

entre les populations géographiques (notamment africaine<br />

d’ailleurs non homogène génétiquement (28)), la notion toujours<br />

discutée <strong>de</strong> race (avec notamment l’hypothèse ancienne<br />

d’une race “noire” et d’une race “blanche” dite caucasienne<br />

(4)), le terme d’ethnie (jugé parfois plus “politiquement” c o rrect<br />

alors qu’il mêle volontiers <strong>de</strong>s particularités culturelles avec<br />

<strong>de</strong>s éléments géographiques et <strong>de</strong>s critères génétiques). En<br />

e ffet, la problématique est justement que la plupart <strong>de</strong>s art i c l e s<br />

ou ouvrages (généralement <strong>de</strong>rmatologiques) sur la question,<br />

utilisent ce terme <strong>de</strong> “peau noire”: or il n’est jamais défini <strong>de</strong><br />

façon scientifique. Historiquement, les travaux portaient sur<br />

les individus vivant en Afrique dite “noire”. De ce fait, les<br />

d i ff é rences rapportées <strong>de</strong> prévalence <strong>de</strong>s affections re l e v a i e n t<br />

en fait plus <strong>de</strong> biais géographiques. Les étu<strong>de</strong>s sur les sujets<br />

originaires <strong>de</strong> ces contrées, notamment sur “la” population<br />

afro-américaine <strong>de</strong>s États-Unis d’Amérique (elle-même très<br />

h é t é rogène), ont permis <strong>de</strong> pondérer ces résultats. D’autre<br />

p a rt, tous ces travaux comparaient volontiers <strong>de</strong>s sujets à pigmentation<br />

extrême alors qu’en pratique on observe dorénavant<br />

dans le mon<strong>de</strong>, tous les interm é d i a i res <strong>de</strong> dégradés qu’ont<br />

permis les migrations <strong>de</strong> populations et le métissage. La diff<br />

é renciation <strong>de</strong>s individus uniquement selon le <strong>de</strong>gré “visuel”<br />

<strong>de</strong> coloration <strong>de</strong> la peau ne peut être que subjective et il vaut<br />

black skin<br />

<strong>de</strong>rmatosis papulosa nigra<br />

acral punctuated hyperkeratosis<br />

progressive macular<br />

hypomelanosis of the trunk<br />

acne keloidalis<br />

pseudofolliculitis barbae<br />

aïnhum<br />

L’importance <strong>de</strong>s réactions dyschromiques secondaires à la plupart <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rmatoses caractérise la peau dite<br />

peau noire<br />

classiquement “noire” et résulte <strong>de</strong> son hyperpigmentation relative génétiquement déterminée et variable <strong>de</strong>rmatosis papulosa nigra<br />

selon l’ethnie, l’âge, le sexe et l’exposition solaire. Les différences <strong>de</strong> prévalence <strong>de</strong>s maladies sont surtout kérato<strong>de</strong>rmie ponctuée palmaire<br />

liées à <strong>de</strong>s déterminismes géographiques ou épidémiologiques. Il n’y a en fait pas <strong>de</strong> véritable spécificité<br />

bien que quelques entités soient peu ou non décrites sur peau dite “blanche” (<strong>de</strong>rmatosis papulosa nigra,<br />

kérato<strong>de</strong>rmie ponctuée palmaire, hypomélanose maculeuse confluente progressive, acné chéloïdienne,<br />

pseudo-folliculite <strong>de</strong> barbe, aïnhum…).<br />

hypomélanose maculeuse<br />

confluente progressive<br />

acné chéloïdienne<br />

pseudo-folliculite <strong>de</strong> barbe<br />

aïnhum<br />

mieux alors utiliser le terme relatif <strong>de</strong> peaux hyperpigmentées<br />

ou tout simplement pigmentées, en spécifiant le caractère<br />

génétique <strong>de</strong> cette caractéristique (15, 18), modifiée évi<strong>de</strong>mment<br />

par la quantité d’exposition solaire, et en comprenant bien<br />

qu’un seul critère phénotypique ne permet pas d’i<strong>de</strong>ntifier<br />

une population raciale génétiquement homogène d’où découleraient<br />

<strong>de</strong>s caractéristiques physio-pathogéniques (24). Les<br />

peaux asiatiques et la palette <strong>de</strong> couleurs observée en Amérique<br />

du Sud, en Australie, en In<strong>de</strong> et en Indonésie peuvent alors s’int<br />

é g rer à ce continuum. Les critères phénotypiques, comme<br />

les cheveux crépus par exemple, ne sont plus liés alors automatiquement<br />

à la couleur foncée <strong>de</strong> la peau, puisque <strong>de</strong>s<br />

Indiens “noirs” ont <strong>de</strong>s cheveux lisses (figure 1).<br />

En somme, notre <strong>de</strong>ssein est simplement <strong>de</strong> montrer les diff<br />

é rences sémiologiques liées à la pigmentation <strong>de</strong> la peau, tant<br />

pour <strong>de</strong>s caractéristiques physiologiques que pour les maladies<br />

<strong>de</strong>rmatologiques ou infectieuses. Il semblerait illogique<br />

néanmoins <strong>de</strong> ne pas traiter ici la pathologie <strong>de</strong>s cheveux et<br />

poils crépus et évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong> ne pas essayer <strong>de</strong> comprendre<br />

les diff é rences <strong>de</strong> prévalence <strong>de</strong> certaines <strong>de</strong>rmatoses entre<br />

les diverses populations.<br />

Enfin la méta-analyse <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s “biologiques” sur la “peau<br />

n o i re” sera très pru<strong>de</strong>nte car la plupart <strong>de</strong>s travaux “scientif<br />

i q u e s” sur le sujet sont biaisés et souvent contradictoires. Ils<br />

sont réalisés sur <strong>de</strong> faibles eff e c t i f s; ils sont en outre peu nomb<br />

reux comme si, malgré le fait que la population pigmentée<br />

soit bien représentée à l’échelle mondiale, les instituts <strong>de</strong><br />

re c h e rche et l’industrie pharmaceutique avaient un peu délaissé<br />

la question.<br />

Dermatologie tropicale 394


Biologie <strong>de</strong> la peau pigmentée et<br />

conséquences physiopathogéniques<br />

Ainsi, histologiquement, la distinction résulte<br />

d’une mélanisation (formation <strong>de</strong>s grains <strong>de</strong><br />

pigment élémentaires ou mélanosomes dans les mélanocytes)<br />

et d’une pigmentation (transfert du pigment<br />

dans les kératinocytes) diff é rentes (6, 11).<br />

Statistiquement, les mélanosomes <strong>de</strong> la “peau noire”<br />

sont <strong>de</strong> plus gran<strong>de</strong> taille (0,6 x 0,25 µ) et restent dispersés<br />

dans le cytoplasme <strong>de</strong>s kératinocytes après<br />

leur transfert, contrairement à ceux <strong>de</strong> la “peau<br />

b l a n c h e” qui sont groupés, envacuolés dans <strong>de</strong>s lysosomes<br />

et plus petits (0,5 x 0,2µ). De plus, ils ne sont<br />

pratiquement pas dégradés et peuvent parvenir intacts<br />

jusque dans la couche cornée (27). Une récente étu<strong>de</strong><br />

(1) apporte un argument supplémentaire en révélant<br />

une majoration significative <strong>de</strong> la tyrosinase related<br />

protein 1 chez <strong>de</strong>s Africains et <strong>de</strong>s Indiens comparativement<br />

à <strong>de</strong>s Européens, <strong>de</strong>s Chinois et <strong>de</strong>s Mexicains,<br />

ainsi qu’une augmentation <strong>de</strong> l’expression <strong>de</strong><br />

la t y rosinase protein dans les mélanocytes <strong>de</strong> la peau<br />

photo-exposée, alors que le nombre <strong>de</strong> mélanocytes<br />

n’est effectivement pas augmenté selon le gro u p e .<br />

La photoprotection du sujet noir est évi<strong>de</strong>mment<br />

améliorée par l’hyperpigmentation mélanique: cela<br />

contribuerait à la moindre carcinogénèse photoinduite.<br />

Le carcinome basocellulaire est assurément<br />

plus rare chez le sujet noir (< 5% <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s<br />

cancers cutanés contre plus <strong>de</strong> 65 % chez le sujet<br />

blanc) alors qu’il est très fréquent chez l’albinos (2,<br />

9) (figure 2). Le carcinome épi<strong>de</strong>rmoï<strong>de</strong> est le plus fréquent<br />

<strong>de</strong>s cancers cutanés du sujet noir vivant sous<br />

les tropiques. Or, il survient moins souvent en zone<br />

photo-exposée du fait <strong>de</strong> la photoprotection <strong>de</strong> la<br />

mélanine, mais surtout en raison <strong>de</strong> sa survenue fréquente<br />

sur les ulcérations chroniques, notamment<br />

les ulcères <strong>de</strong> jambe quelle que soit leur cause (phagédénique<br />

une fois sur <strong>de</strong>ux) (figure 3). Moins fréquent<br />

en valeur absolue que chez l’individu blanc, le<br />

mélanome représente chez le sujet noir en valeur<br />

relative la troisième cause <strong>de</strong> cancer cutané (après<br />

les carcinomes et les sarcomes) (26) et présente la<br />

caractéristique <strong>de</strong> se localiser presque exclusivement<br />

en distalité avec, par ord re <strong>de</strong> fréquence, la plante<br />

<strong>de</strong>s pieds (figure 4) et les talons (volontiers à la jonction<br />

entre zones pigmentées et hypochro m e s; re p r ésentant<br />

plus <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong>s mélanomes alors qu’on<br />

estime à moins <strong>de</strong> 7% la fréquence relative <strong>de</strong> cette<br />

topographie sur peau blanche), les tissus sous- ou<br />

péri-unguéaux et les paumes <strong>de</strong>s mains. Cette localisation<br />

part i c u l i è re dans une zone classiquement<br />

non ou peu exposée au soleil, peu pigmentée relativement<br />

au reste du corps, est un argument pour<br />

l’existence d’autres facteurs que la photoexposition<br />

favorisant le mélanome. L’hypothèse traumatique<br />

favorisée par la marche pieds-nus est plausible pour<br />

la population africaine, moins pour les Afro-américains.<br />

Une multiplication focale majorée <strong>de</strong>s mélanocytes<br />

dans cette topographie acrale, ce dont<br />

témoigneraient les macules lentigineuses plantaires<br />

( f i g u re 5) (à ne pas confondre avec <strong>de</strong>s syphili<strong>de</strong>s<br />

généralement palmo-plantaires (figure 6)) ou les<br />

mélanonychies longitudinales (figure 7) considérées<br />

comme physiologiques, pourrait favoriser les erre u r s<br />

Figure 1.*<br />

Chéloï<strong>de</strong> du lobe <strong>de</strong> l'oreille chez une Indienne.<br />

Earlobe cheloid in Indian woman.<br />

Figure 3.*<br />

C a rcinome spinocellulaire sur ulcération<br />

c h ronique après brûlure (photo T. Pa s s e r o n ) .<br />

Spinocellular carcinoma<br />

on chronic ulceration after burn<br />

Figure 5.*<br />

Macules hyperpigmentées plantaire s.<br />

Plantar hyperpigmented maculae.<br />

* iconographie en couleur sur notre site: http://www.pasteur.fr/socpatex/pages/<strong>de</strong>rmato.html<br />

Figure 2.*<br />

C a rcinomes multiples chez une Africaine albinos.<br />

Numerous carcinomae in African albino woman.<br />

Figure 4.*<br />

Mélanome plantaire : noter la polychromie `<br />

et l'extension acro - l e n t i g i n e u s e.<br />

Plantar melanoma: note the polychromia<br />

and the acrolentiginous spreading.<br />

Figure 6.*<br />

Syphili<strong>de</strong>s palmo-plantaires chez un sidéen ;<br />

noter la collerette <strong>de</strong> Biett.<br />

Palmoplantar syphilids in AIDS patient:<br />

note the Biett's collar.<br />

Bull Soc Pathol Exot, 2003, 96, 5, 394-400 395


Figure 7.*<br />

Figure 10.*<br />

Mélanonychies longitudinales.<br />

Longitudinal melanonychiae.<br />

Pigmentation ponctuée linguale<br />

Lingual punctuated pigmentation.<br />

Figure 8.*<br />

Figure 11.*<br />

<strong>de</strong> mitose et induire <strong>de</strong>s clones tumoraux. On peut aussi inverser<br />

le problème et dire que la forte pigmentation cutanée protège<br />

le sujet “noir” du mélanome et que seules ces zones peu<br />

pigmentées (ainsi que, dans l’ordre, les muqueuses génitales,<br />

anales et buccales) comportent un risque <strong>de</strong> mélanome qui, globalement<br />

en terme <strong>de</strong> nombre absolu, n’est pas majoré comparativement<br />

aux sujets à peau claire. L’inconvénient <strong>de</strong> ce<br />

filtrage UVB est la carence en vitamine D avec risque d’ostéomalacie.<br />

La protection contre les UVA est moindre, expliquant<br />

l’existence non exceptionnelle <strong>de</strong> photoallergies <strong>de</strong><br />

contact et <strong>de</strong> photosensibilité endogène chez le sujet noir. Le<br />

<strong>de</strong>rme superficiel comporte quasi constamment du pigment<br />

mélanique et la présence d’une incontinence pigmentaire avec<br />

mélanophagie est fréquente lors d’inflammation. Il n’y a pas<br />

<strong>de</strong> variation objectivable entre le tissu conjonctif, les glan<strong>de</strong>s<br />

sudorales ou sébacées <strong>de</strong> la peau noire et ceux <strong>de</strong> la population<br />

blanche et il serait trop long <strong>de</strong> détailler les diverses étu<strong>de</strong>s<br />

contradictoires sur le sujet (14, 18).<br />

Variations physiologiques <strong>de</strong> l’hyperpigmentation<br />

et dyschromies pathologiques<br />

résultant <strong>de</strong>s diverses <strong>de</strong>rmatoses<br />

Au sein d’un même groupe ethnique, on peut observ e r<br />

<strong>de</strong>s diff é rences <strong>de</strong> pigmentation significative selon le<br />

sexe, l’âge et l’exposition solaire. De plus, la pigmentation<br />

J.-J. Morand & E. Lightburn<br />

Ligne <strong>de</strong> démarcation médiosternale.<br />

Mediosternal <strong>de</strong>pigmentation line.<br />

Lichen d'évolution pigmentaire<br />

Lichen with pigmentary evolution.<br />

* iconographie en couleur sur notre site: http://www.pasteur.fr/socpatex/pages/<strong>de</strong>rmato.html<br />

Figure 12.*<br />

Figure 9.*<br />

Hyperpigmentation mélanique gingivale.<br />

Melanotic gingival hyperpigmentation.<br />

Erythème pigmenté fixe.<br />

Fixed pigmented ery t h e m a .<br />

n a t u relle du sujet noir n’est ni homogène ni uniforme.<br />

Ainsi, les paumes et les plantes sont moins<br />

pigmentées (hormis sur les plis <strong>de</strong> flexion) au<br />

c o n t r a i re <strong>de</strong>s zones péri-orbitaires, péri-buccales et <strong>de</strong>s zones<br />

p a rt i c u l i è rement photo-exposées. Il existe <strong>de</strong>s lignes pigmentaires<br />

dites <strong>de</strong> “démarcation” qui sont peu visibles chez<br />

le sujet à peau claire et qui sont bien mieux visualisées et individualisées<br />

chez les sujets noirs, asiatiques ou métis. Ainsi,<br />

on note une moindre pigmentation <strong>de</strong> la face antéro-interne<br />

du bras, comparativement à la zone postéro - e x t e rne, définissant<br />

ainsi une ligne <strong>de</strong> démarcation dite <strong>de</strong> Futcher-Voigt ou,<br />

plutôt chez les enfants, plus rarement chez les adultes (figure 8 ) ,<br />

une ligne médiosternale hypopigmentée (23). L’ h y p e r p i gmentation<br />

mélanique gris-bleutée ou brune <strong>de</strong>s muqueuses<br />

buccales, notamment <strong>de</strong>s faces vestibulaires <strong>de</strong>s gencives<br />

( f i g u re 9), <strong>de</strong> la face interne <strong>de</strong>s joues et plus rarement du<br />

palais est physiologique et n’apparaît nettement qu’à l’adolescence.<br />

La pigmentation <strong>de</strong> la langue est moins systématique<br />

et peut concerner aussi bien la pointe que les bord s<br />

latéraux <strong>de</strong> façon très ponctiforme sur les papilles ou en nappes<br />

(12) (figure 10).<br />

Le diagnostic <strong>de</strong>s principales <strong>de</strong>rmatoses est modifié sur<br />

peau noire essentiellement en raison <strong>de</strong> cette diff é rence <strong>de</strong><br />

pigmentation, <strong>de</strong> la moins bonne perception <strong>de</strong> “l’éry t h è m e”<br />

et <strong>de</strong> la meilleure visibilité <strong>de</strong> l’évolution dyschromique <strong>de</strong><br />

n o m b reuses <strong>de</strong>rm a t o s e s : pigmentogène lors d’incontinence<br />

p i g m e n t a i re <strong>de</strong>rmique post-inflammatoire (soit par eff r a c t i o n<br />

<strong>de</strong> la couche basale et passage <strong>de</strong> mélanine dans le <strong>de</strong>rm e<br />

lors <strong>de</strong> lichen -f i g u re 1 1-, soit par n é c rose cellulaire lors d’érythème<br />

pigmenté fixe - f i g u re 1 2-, soit encore par spongiose,<br />

Dermatologie tropicale 396


inflammation et dissociation cellulaire lors d’eczéma lichénifié<br />

par exemple), hypochrome lors d’accélération <strong>de</strong> la kératinisation<br />

avec diminution du transfert <strong>de</strong> mélanine dans les kératinocytes<br />

(<strong>de</strong>rmite séborrhéique - f i g u re 1 3 -, eczémati<strong>de</strong>s<br />

-f i g u re 1 4- , parapsoriasis…), ou variable selon le mécanisme<br />

Figure 13.*<br />

Dermite séborrhéique bipolaire<br />

<strong>de</strong> l'enfant d'évolution hypochro m e.<br />

Bipolar seborrheic <strong>de</strong>rmitis in child<br />

with hypochromia.<br />

Figure 14.*<br />

Eczémati<strong>de</strong> achromiante (dartre) :<br />

noter la lésion active érythémateuse<br />

<strong>de</strong> la commissure labiale, évocatrice d'eczéma.<br />

Scurfy affection:<br />

note the active, erythemous lesion<br />

of the labial commissure suggesting eczema.<br />

Figure 15.*<br />

Pityriasis versicolor nigricans.<br />

Pityriasis versicolor nigricans.<br />

Figure 16.*<br />

Figure 17.*<br />

Particularités <strong>de</strong>s peaux génétiquement pigmentées.<br />

Pityriasis versicolor achro m i a n t .<br />

Achromatous pityriasis versicolor.<br />

Lupus actif : noter l'érythème visible<br />

en raison <strong>de</strong> l'atrophie et les séquelles hypo et<br />

hyperchromes <strong>de</strong>s poussées précé<strong>de</strong>ntes<br />

Active lupus: note the visible erythema<br />

because of atrophy and the hypo and hyperchromemia<br />

sequelae of the previous erupt i o n s .<br />

Figure 18.*<br />

Figure 19.*<br />

Leucomélano<strong>de</strong>rmie lors d'un pian<br />

(photo Emmanuel Clity)<br />

Leucomelano<strong>de</strong>rma during yaws<br />

S c l é ro<strong>de</strong>rmie : aspect moucheté par<br />

préservation <strong>de</strong>s pigments périfolliculaire s.<br />

Sclero<strong>de</strong>rma : flecked aspect<br />

by preservation of perifollicular pigments.<br />

* iconographie en couleur sur notre site: http://www.pasteur.fr/socpatex/pages/<strong>de</strong>rmato.html<br />

(atteinte <strong>de</strong>s mélanocytes lors <strong>de</strong> pityriasis versicolorf<br />

i g u re 15, 16 - ou au contraire pigments sécrétés par cert a i n s<br />

d e rmatophytes, atrophie épi<strong>de</strong>rmique lors <strong>de</strong> scléro d e rm i e ,<br />

infiltrats inflammatoires lors <strong>de</strong> lèpre avec modification <strong>de</strong><br />

la mélanisation et du transfert kératinocytaire, pro d u c t i o n<br />

d’anticorps et/ou <strong>de</strong> molécules endogènes ou exogènes<br />

cytotoxiques inhibant le processus <strong>de</strong> méla-<br />

nogénèse lors du vitiligo). La conjonction d’hypo<br />

et d’hyperc h romie est fréquente soit parce qu’on<br />

peut observer simultanément <strong>de</strong>s lésions séquell<br />

a i res et <strong>de</strong>s éléments actifs <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rmatose (lupus<br />

- f i g u re 1 7 -, leucomélano<strong>de</strong>rmie pintoï<strong>de</strong> ou lors<br />

<strong>de</strong> pian - f i g u re 1 8 -, scléro d e rmie - f i g u re 1 9 -), soit<br />

p a rce que les mécanismes pigmentogènes et achromiants<br />

se combinent (onchocercose, prurigo excorié).<br />

Bien entendu, les géno<strong>de</strong>rmatoses résultent <strong>de</strong><br />

p rocessus diff é rents (déficit dans le système enzymatique<br />

<strong>de</strong>s tyrosinases lors d’albinisme). La particularité<br />

<strong>de</strong> la sémiologie sur peau noire résulte<br />

donc surtout <strong>de</strong> cette diff é rence <strong>de</strong> coloration cutanée.<br />

Ainsi la rougeole, outre sa classique gravité en<br />

milieu tropical, ne se traduit pas par un éry t h è m e<br />

mais par un teint grisâtre, un aspect velouté à jour<br />

frisant, papuleux au toucher, suivi d’une pigmentation<br />

maculeuse “tigro ï d e” ( f i g u re 20) et d’une <strong>de</strong>squamation<br />

fine, furfuracée, plus marquée que sur<br />

peau blanche. L’ é ry t h ro d e rmie ou classiquement<br />

“homme rouge <strong>de</strong> Hallopeau” c o rrespond ici à<br />

l’homme gris ardoisé (figure 21), même si, sur peau<br />

peu pigmentée, l’aspect inflammatoire d’une <strong>de</strong>rmatose<br />

peut se voir notamment sur la face où l’on<br />

perçoit une coloration rosée. L’eczéma, la gale généralisée,<br />

les toxi<strong>de</strong>rmies et les lymphomes cutanés T<br />

Figure 20.*<br />

Figure 21.*<br />

Pigmentation "tigroï<strong>de</strong>" d'une rougeole<br />

(photo Fabrice Simon)<br />

Spotted pigmentation of measles<br />

E r y t h ro<strong>de</strong>rmie :<br />

noter la couleur grise ardoisée.<br />

E ry t h r o d e r m a :<br />

note the slate grey color.<br />

Figure 22.*<br />

Vitiligo avec aspect "trichro m e "<br />

sur peau noire.<br />

Viligo has often a "trichromatic"<br />

aspect on black skin.<br />

Bull Soc Pathol Exot, 2003, 96, 5, 394-400 397


J.-J. Morand & E. Lightburn<br />

Figure 23.* Figure 24.* Figure 25.*<br />

L è p re indéterminée: la recherche d'une hypoesthésie et<br />

d'une hyposudation doit être systématique en zone endémique.<br />

Intermediate leprosy: hypoaesthesia and hyposudation<br />

investigations must be systematic in en<strong>de</strong>mic area.<br />

P s e u d o - o c h ronose exogène.<br />

Exogenous pseudo-ochronosus.<br />

é p i d e rm o t ropes en constituent les étiologies essentielles, le<br />

psoriasis étant moins fréquent que dans nos contrées. Le<br />

purpura est difficile à distinguer sur une peau très foncée et<br />

on l’évoque <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s pétéchies violettes ne s’effaçant pas<br />

à la vitro p re s s i o n ; l’atteinte muqueuse est mieux visualisée<br />

(tout comme pour l’ictère et l’anémie qui peuvent être évoqués<br />

au niveau <strong>de</strong> la face ventrale <strong>de</strong> la langue et <strong>de</strong>s conjonctives).<br />

Les hypo ou achromies sont mieux contrastées et le<br />

vitiligo peut être ainsi part i c u l i è rement affichant. Il persiste<br />

souvent une zone hypochrome brune à la jonction du centre<br />

a c h romique et <strong>de</strong> la périphérie volontiers hyperpigmentée<br />

donnant un aspect “trichro m e” au vitiligo (figure 22). Le<br />

p roblème majeur <strong>de</strong>s hypochromies localisées est évi<strong>de</strong>mment<br />

<strong>de</strong> les distinguer, en zone d’endémie, d’une lèpre indéterm<br />

i n é e ; la re c h e rche d’une hypoesthésie et surtout d’un<br />

t rouble <strong>de</strong> la sudation doit être systématique (figure 23). Les<br />

h y p e rmélanoses acquises sont fréquentes ; d’une part le sujet<br />

noir peut bro n z e r : cette pigmentation augmente le contraste<br />

e n t re les inégalités congénitales <strong>de</strong> coloration ou bien les<br />

variations pigmentaires cicatricielles existantes. Les phénomènes<br />

<strong>de</strong> photosensibilisation ou <strong>de</strong> phototoxicité sont fréq<br />

u e n t s; le mélasma (chloasma) n’est pas rare, surtout <strong>de</strong>puis<br />

la généralisation <strong>de</strong> la contraception orale. Les agre s s i o n s<br />

cutanées physiques sont nombreuses (friction avec un gant<br />

<strong>de</strong> crin ou une pierre ponce… ; utilisation <strong>de</strong> brasero favorisant<br />

une <strong>de</strong>rmite <strong>de</strong>s chauff e rettes à type <strong>de</strong> livedo fixe, à<br />

mailles épaisses et très pigmentées). De tout temps, dans le<br />

c a d re <strong>de</strong> pratiques traditionnelles, les individus noirs ont<br />

c h e rché à modifier leur apparence, soit <strong>de</strong> façon temporaire<br />

par l’interm é d i a i re <strong>de</strong> colorants, soit <strong>de</strong> façon plus durable<br />

par application <strong>de</strong> topiques le plus souvent décolorant ou<br />

défrisant, soit <strong>de</strong> façon définitive par le biais <strong>de</strong> tatouages, scarifications<br />

ou circoncisions. Ainsi, en Afrique noire (étu<strong>de</strong>s<br />

épidémiologiques notamment à Bamako et Dakar), l’utilisation<br />

<strong>de</strong> corticoï<strong>de</strong>s à visée dépigmentante est fréquente et,<br />

o u t re l’hypochromie, on observe les autres effets secondaire s<br />

que sont l’acné, les verg e t u res, l’atrophie cutanée, les infections<br />

cutanées fongiques (<strong>de</strong>rmatophytie), bactériennes (folliculite)<br />

ou virales (herpès) ainsi que les complications<br />

métaboliques et le risque d’insuffisance surrénalienne à l’arrêt<br />

brutal du traitement. Les autres produits les plus fréquemment<br />

utilisés sont <strong>de</strong>s topiques à base d’hydro q u i n o n e ,<br />

<strong>de</strong>s dérivés mercuriels ou <strong>de</strong>s crèmes traditionnelles. Les<br />

complications résultent aussi bien <strong>de</strong> la technique <strong>de</strong> dépigmentation<br />

utilisant initialement <strong>de</strong>s produits caustiques (avec<br />

e ffet “peeling” laissant <strong>de</strong>s séquelles à la fois hyper et hypopigmentées)<br />

que <strong>de</strong> l’évolution imprévue <strong>de</strong> l’action dépigmentante<br />

avec, fréquemment, une accentuation <strong>de</strong>s contrastes<br />

e n t re les zones naturellement hypo ou hyperpigmentées. La<br />

p s e u d o - o c h ronose exogène est une complication <strong>de</strong> l’utilisation<br />

cosmétique répétée <strong>de</strong> produits contenant <strong>de</strong> l’hy-<br />

* iconographie en couleur sur notre site: http://www.pasteur.fr/socpatex/pages/<strong>de</strong>rmato.html<br />

Psoriasis chez une Djiboutienne ayant un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie européen<br />

(photo Fabrice MARROT).<br />

Psoriasis in a woman native from Djibouti living as an European.<br />

d roquinone peut-être par effet photo-toxique. Elle concern e<br />

généralement <strong>de</strong>s femmes et se traduit par <strong>de</strong> vastes placard s<br />

b run foncé, cartonnés, parsemés <strong>de</strong> micropapules confluentes,<br />

contrastant avec les zones adjacentes éclaircies par les dépigmentants.<br />

La face et les régions découvertes (cou, épaule,<br />

décolleté) sont les plus touchées (figure 24). Les ore i l l e s<br />

peuvent pre n d re une coloration bleutée. L’alcaptonurie, les<br />

hyperpigmentations favorisées par la prise d’antipaludéens<br />

<strong>de</strong> synthèse, <strong>de</strong> résorcine, <strong>de</strong> phénol ou <strong>de</strong> merc u re constituent<br />

les principaux diagnostics diff é rentiels cliniques. La<br />

d e rmatose ne régresse pas, même après l’arrêt <strong>de</strong>s dépigmentants<br />

(13, 14).<br />

Les diff é rences <strong>de</strong> prévalence <strong>de</strong>s maladies classiquement rapportées<br />

pour les individus à peau noire sont surtout liées en<br />

fait à <strong>de</strong>s déterminismes géographiques (16): la plupart <strong>de</strong>s<br />

sujets hyperpigmentés vivent dans les régions tropicales où<br />

n a t u rellement les infections et parasitoses, parfois à risque<br />

létal, prédominent. Les <strong>de</strong>rmatoses classiques ne constituent<br />

pas alors, sauf dans les villes en voie d’industrialisation, un<br />

motif essentiel <strong>de</strong>s consultations et ne sont parfois même pas<br />

reconnues. Néanmoins, si l’on prend l’exemple du psoriasis,<br />

peu décrit sur peau noire, il est <strong>de</strong> façon indiscutable, malgré<br />

l’absence <strong>de</strong> statistiques précises, plus rare en Afrique et <strong>de</strong><br />

façon générale sur peau pigmentée, car même si l’on pre n d<br />

en compte la difficulté d’accès aux soins pour les pathologies<br />

sans risque vital et les erreurs diagnostiques, la chronicité <strong>de</strong><br />

cette pathologie, malgré les thérapeutiques mo<strong>de</strong>rnes, en ferait<br />

si son inci<strong>de</strong>nce était non négligeable, un motif important <strong>de</strong><br />

consultation, a fortiori dans les pays où elle peut simuler <strong>de</strong>s<br />

a ffections plus graves, notamment les infections dues aux<br />

mycobactéries ou aux tréponèmes. Les explications avancées<br />

<strong>de</strong> cette prévalence moindre (avérée surtout en Afrique <strong>de</strong><br />

l ’ O u e s t ; les Noirs d’origine hamitique ou bantou <strong>de</strong> l’est<br />

seraient plus concernés par la maladie) sont diverses: rôle <strong>de</strong><br />

l’exposition au soleil, terrain génétique, agent déclenchant<br />

éventuellement infectieux plus fréquent en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s tropiques,<br />

rôle du stress favorisé par le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s pays<br />

industrialisés (en Afrique, ce sont d’ailleurs les citadins les<br />

plus touchés par cette maladie (17; figure 25))… Inversement,<br />

les chéloï<strong>de</strong>s sont globalement plus fréquentes, volontiers<br />

plus exubérantes, “tumorales” chez le sujet noir surtout sous<br />

les tropiques: cela pourrait résulter à la fois d’un phénomène<br />

d’isolat avec majoration <strong>de</strong> la transmission génétique <strong>de</strong> l’affection,<br />

mais aussi d’une plus forte induction par les pratiques<br />

rituelles (incisions, scarifications avec un rôle aggravant <strong>de</strong>s<br />

substances colorantes ou hémostatiques indigènes). Même les<br />

entités considérées comme assez spécifiques <strong>de</strong> la peau noire<br />

sont désormais décrites sur peau dite “blanche” ou en tout cas<br />

peu p i g m e n t é e : d e rmatosis papulosa nigra( f i g u re 26), aïnhum<br />

(figure 27), kérato<strong>de</strong>rmie ponctuée palmaire (figure 2 8 ) ,<br />

hypomélanose confluente pro g ressive (figure 29), pseudo-<br />

Dermatologie tropicale 398


Particularités <strong>de</strong>s peaux génétiquement pigmentées.<br />

Figure 26.* Figure 27.* Figure 28.*<br />

folliculite <strong>de</strong> barbe, acné chéloïdienne… Ainsi les papules<br />

verruqueuses brunes ou noires du <strong>de</strong>rmatosis papulosa nigra<br />

étaient décrites électivement sur la face du sujet à peau noire,<br />

à partir <strong>de</strong> l’adolescence. En fait, elles peuvent aussi s’observer<br />

chez l’Asiatique pigmenté ou le métis et ont été rapportées<br />

aussi, certes exceptionnellement, sur peau blanche. Elles<br />

c o rrespon<strong>de</strong>nt histologiquement à <strong>de</strong>s kératoses séborrh é i q u e s ,<br />

bien que cliniquement leur aspect, leur nombre, leur topographie<br />

soient différents et que leur déterminisme génétique<br />

semble plus fort (3). De même l’aïnhum (constriction fibre u s e<br />

progressive du pli digito-plantaire avec lyse osseuse plus ou<br />

moins douloureuse, siégeant bilatéralement au cinquième<br />

o rteil aboutissant à l’amputation spontanée), n’était rapport é<br />

que dans les zones tropicales chez <strong>de</strong>s adultes noirs. Or le<br />

pseudo-aïnhum individualisé plus récemment sans distinction<br />

ethnique, survenant au cours <strong>de</strong> pathologies comport a n t<br />

une neuropathie périphérique évoluée et/ou un trouble <strong>de</strong><br />

vascularisation <strong>de</strong>s extrémités (alcoolisme, diabète, lèpre, tréponématoses,<br />

kérato<strong>de</strong>rmies congénitales, enroulement <strong>de</strong><br />

f i b res <strong>de</strong> tissus, <strong>de</strong> cheveux…) s’en rapproche par bien <strong>de</strong>s<br />

points (19). Quant à la kérato<strong>de</strong>rmie ponctuée <strong>de</strong>s plis pal-<br />

Figure 29.*<br />

Dermatosis papulosa nigra<br />

Dermatosis papulosa negra.<br />

Hypomélanose maculeuse confluente et pro g re ss<br />

i v echez une métis mélano<strong>de</strong>rme.<br />

Confluent and progressive macular hypomelan<br />

o s i sin mixed race woman with melano<strong>de</strong>rma.<br />

Figure 30.*<br />

Pili incarnati <strong>de</strong> barbe<br />

Pili incarnati barbae.<br />

A ï n h u m .<br />

A ï n h u m .<br />

m a i res et l’hyperkératose<br />

focale acrale, décrites<br />

exclusivement chez le<br />

sujet noir, se caractérisant<br />

par la disposition<br />

élective sur les paumes et<br />

ou les plantes, <strong>de</strong> papules<br />

kératosiques arrondies et<br />

<strong>de</strong> petites dépre s s i o n s<br />

c u p u l i fo rmes entourées<br />

ou centrées par un<br />

anneau d’hyperkératose,<br />

elles re s s e m b l e n t<br />

beaucoup à l’h y p e r k e -<br />

ratosis lenticularis pers -<br />

t a n s décrite par FL E G E L<br />

sur peau blanche.<br />

L’étu<strong>de</strong> génétique autorisera<br />

à l’avenir leur classification<br />

nosologique.<br />

Le rôle traumatisant <strong>de</strong><br />

c e rtains topiques dépigmentants<br />

ou <strong>de</strong> pratiques<br />

d’hygiène un peu agre ssives<br />

ne peut être exclu<br />

( 2 0 ) .<br />

L’hypomélanose maculeuse<br />

confluente et pro-<br />

* iconographie en couleur sur notre site: http://www.pasteur.fr/socpatex/pages/<strong>de</strong>rmato.html<br />

K é rato<strong>de</strong>rmie ponctuée <strong>de</strong>s plis palmaire s.<br />

Kerato<strong>de</strong>rmia punctuated of palmar folds.<br />

g ressive du métis mélano<strong>de</strong>rme (dyschromie créole) est observée<br />

surtout chez le métis à peau bru n - c l a i r, notamment antillais<br />

(avec une nette prédominance féminine dans cette population),<br />

mais nous l’avons observé aussi chez <strong>de</strong>s sujets originaire s<br />

du Maghreb. Elle est souvent confondue avec le pityriasis ver -<br />

sicolordans sa phase séquellaire hypochrome et l’application<br />

abusive d’antifongiques est fréquente. Elle se traduit en effet<br />

par <strong>de</strong>s macules non squameuses hypochromes (le plus souvent<br />

modérément), volontiers confluentes et pro g re s s i v e s<br />

(aboutissant parfois à un aspect réticulé), non prurigineuses,<br />

prédominant au tronc (volontiers aux lombes) mais pouvant<br />

toucher les membres <strong>de</strong> façon parfois asymétrique, surv e n a n t<br />

vers l’adolescence pour se stabiliser et même s’atténuer à l’âge<br />

adulte. La fluorescence jaune-orangée en lumière <strong>de</strong> Wo o d<br />

est négative ou faible et punctiforme. L’hypothèse physiopathogénique<br />

est celle d’un mosaïcisme <strong>de</strong>vant la coexistence<br />

<strong>de</strong> zones hypochromes comportant <strong>de</strong>s kératinocytes avec<br />

<strong>de</strong>s mélanosomes agrégés <strong>de</strong> petite taille et <strong>de</strong>s zones normalement<br />

pigmentées, constituées <strong>de</strong> kératinocytes avec <strong>de</strong>s<br />

mélanosomes dispersés <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille (7).<br />

<strong>Pathologie</strong> <strong>de</strong>s cheveux et poils crépus<br />

Les diff é rences capillaires sont importantes avec la plup<br />

a rt <strong>de</strong>s Noirs africains : on note la présence <strong>de</strong> cheveux,<br />

<strong>de</strong> poils <strong>de</strong> barbe, <strong>de</strong>s plis axillaires et du pubis, crépus, noirs,<br />

eumélaniques, plus courts et moins <strong>de</strong>nses ; les follicules<br />

p i l a i res anagènes ont une implantation <strong>de</strong>rmique pro f o n d e<br />

p resque horizontale et les tiges pilaires qui en sont issues ont<br />

une section elliptique ou aplatie et un trajet en hélice serr é e<br />

dont la spirale s’amorce avec l’émergence du cheveu à la surface<br />

cutanée. La fréquence <strong>de</strong>s nœuds capillaires est majorée<br />

avec <strong>de</strong>s torsions complexes entraînant une ru p t u re transversale,<br />

une déchiru re longitudinale ou un dédoublement<br />

( f o u rches) <strong>de</strong>s cheveux. Ainsi la quantité <strong>de</strong> cheveux spontanément<br />

recueillis est nettement majorée et le pourc e n t a g e<br />

ayant leur racine attachée est plus faible (8, 10, 21, 22). Sur le<br />

plan pathologique, la pseudo-folliculite <strong>de</strong> barbe (figure 3 0 )<br />

est fréquente et correspond à l’incarnation pilaire <strong>de</strong>s poils<br />

après un rasage trop court. L’acné dite chéloïdienne corre spond<br />

à une péri-folliculite chronique et résulte aussi d’un<br />

rasage <strong>de</strong>s cheveux crépus avec incarnation pilaire et réaction<br />

granulomateuse, ainsi que d’une fréquente surinfection<br />

avec apparition <strong>de</strong> papulo-pustules volontiers pru r i g i n e u s e s<br />

p a rfois alopéciantes d’évolution nodulaire hypert ro p h i q u e<br />

avec (pseudo-)polytrichie (5) (figure 31). Elle ne se limite pas<br />

à la nuque et peut s’observer sur l’ensemble du cuir chevelu<br />

après un rasage excessif (pseudofolliculitis capitis).L’ u l t r a-<br />

Bull Soc Pathol Exot, 2003, 96, 5, 394-400 399


Figure 31.*<br />

Figure 32.*<br />

Acné chéloïdienne :<br />

on <strong>de</strong>vine les poils qui émergent <strong>de</strong>s lésions pseudo-chéloïdiennes nuquales.<br />

Acne keloidalis:<br />

we can almost see hair emerging from pseudo-keloidalis lesions of the nape.<br />

Alopécie <strong>de</strong> traction résultant<br />

<strong>de</strong> techniques agressives <strong>de</strong> tre s s a g e.<br />

Traction alopecia resulting<br />

from aggressive techniques of plaiting.<br />

s t ru c t u re du cheveu crépu spiralé majore le risque <strong>de</strong> nœuds<br />

et <strong>de</strong> fracture du cheveu lors du peignage ; on compre n d<br />

qu’un tressage complexe a fort i o r i en traction favorise la<br />

chute capillaire et une alopécie dite <strong>de</strong> traction (figure 32), le<br />

plus souvent réversible, ce qui n’est pas le cas <strong>de</strong> l’alopécie<br />

cicatricelle par brûlure et dégénérescence folliculaire après<br />

défrisage du cheveu crépu (à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> sou<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> thyoglycollate<br />

d’ammonium, anciennement par chauffage au fer ou<br />

à l’huile: hot comb alopecia) (25) (figure 3 3 ) .<br />

Conclusion<br />

Figure 33.*<br />

Il faut retenir que le principal critère <strong>de</strong> distinction <strong>de</strong>s peaux<br />

dites classiquement noires est justement l’hyperpigmentation<br />

cutanée relative liée à la plus forte concentration <strong>de</strong> mélanosomes<br />

<strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille et à leurs modalités <strong>de</strong> migration<br />

é p i d e rmique. La majoration <strong>de</strong> l’incontinence pigmentaire lors<br />

d’inflammation explique aussi l’importance <strong>de</strong>s dyschro m i e s .<br />

Les diff é rences épidémiologiques <strong>de</strong>s diverses <strong>de</strong>rmatoses semblent<br />

relever plus <strong>de</strong> contingences géographiques que <strong>de</strong> diff<br />

é rences fondamentales sur le plan physiopathogénique.<br />

J.-J. Morand & E. Lightburn<br />

Hot comb alopecia<br />

après défrisage chimique et thermique.<br />

Hot comb alopecia after chemical<br />

and thermic hair straightening.<br />

* iconographie en couleur sur notre site: http://www.pasteur.fr/socpatex/pages/<strong>de</strong>rmato.html<br />

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Dermatologie tropicale 400

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