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Les 2Rives Page 35 - Amis de l'Algérie

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Femme &<br />

Le Déficit démocratique<br />

I<br />

l est <strong>de</strong> bon ton, notamment dans<br />

les médias, <strong>de</strong> gloser sur le "déficit<br />

démocratique", alors que la démocratie<br />

-nous l‟avons constaté <strong>de</strong>puis<br />

l‟indépendance- est probablement<br />

ce qui manque le plus aux sphères<br />

politiques. En revanche, il existe sans aucun<br />

doute "un déficit politique" très net puisqu'il<br />

apparaît <strong>de</strong> plus en plus clairement que<br />

les citoyens, lassés <strong>de</strong> cet objet politique,<br />

trop neutre que semble être pour eux, souhaitent,<br />

<strong>de</strong> façon fort confuse il est vrai, une<br />

politique revendiquée, assortie d'une vraie<br />

politique économique et d'une réelle politique<br />

sociale.<br />

Selon les diverses opinions, il apparaît que<br />

les citoyens font preuve aujourd'hui d'une<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'informations et surtout d'une<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'éclaircissement sur ce qui leur<br />

apparaît encore largement opaque. Il apparaît<br />

aujourd'hui que l‟Algérie et ses institutions,<br />

telles qu'elles ont été voulues ou rêvées<br />

par les pionniers (ères), ne répon<strong>de</strong>nt<br />

plus totalement à cette espérance et que<br />

seul (e)s les plus convaincu (e)s continuent<br />

à se mobiliser pour défendre la démocratie.<br />

<strong>Les</strong> femmes, notamment, marquent une<br />

certaine méfiance qui se manifeste dans les<br />

sondages bien sûr, mais aussi dans les<br />

élections. Elles sont <strong>de</strong> plus en plus nombreuses<br />

à bou<strong>de</strong>r. Marquant ainsi une hostilité<br />

vague à l'encontre <strong>de</strong> ces "hommes en<br />

costume" qui les ont trop longtemps contenues<br />

dans un rôle <strong>de</strong> "citoyennes <strong>de</strong> secon<strong>de</strong><br />

zone". Et la suite <strong>de</strong>s événements a<br />

montré qu'elles ont bien fait d'être méfiantes<br />

: à l'égard <strong>de</strong> la parité.<br />

Certes cette image est en train <strong>de</strong> s'améliorer<br />

grâce à la présence plus marquées <strong>de</strong><br />

quelques parlementaires féminins, mais<br />

n'efface pas pour autant la crainte réelle <strong>de</strong><br />

voir <strong>de</strong>s avantages nationaux en matière <strong>de</strong><br />

droits familiaux, sociaux, économiques et<br />

juridiques rognés par la recherche d'un plus<br />

petit dénominateur commun.<br />

<strong>Les</strong> femmes, plus que les hommes, sont<br />

sensibles à la protection <strong>de</strong> l'environnement,<br />

la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s droits humains et<br />

la défense <strong>de</strong>s plus démunis qui ne relève<br />

pas <strong>de</strong> la pure utopie ou d'un passé révolu.<br />

Elles n'ont pas du tout compris, ni intériorisé<br />

que "la construction du pays est au contraire<br />

un moyen <strong>de</strong> se protéger contre les<br />

excès <strong>de</strong> la mondialisation néo-libérale". Et<br />

que la législation s'est faite au contraire "par<br />

le haut". Sans doute l'a-t-on trop mal expliqué<br />

ou pas expliqué du tout. A nous <strong>de</strong> tenter<br />

<strong>de</strong> le faire. L'adhésion quasi unanime<br />

voire enthousiaste <strong>de</strong>s Algériens et <strong>de</strong>s Algériennes<br />

à l'entrée en vigueur <strong>de</strong> la participation<br />

citoyenne montre qu'il est parfaitement<br />

possible <strong>de</strong> faire la preuve que l‟Algérie<br />

en marche est celle d'une Algérie <strong>de</strong> la<br />

proximité et du quotidien.<br />

18<br />

H.T.<br />

Femme écrivain -<br />

Jeanne D’arc <strong>de</strong>s temps mo<strong>de</strong>rnes<br />

E<br />

n Algérie, la femme se bat<br />

toujours pour s‟émanciper.<br />

Entre le marteau <strong>de</strong> la religion<br />

et l‟enclume du <strong>de</strong>spotisme<br />

masculin, peu<br />

d‟espace lui est attribué<br />

pour s‟exprimer.<br />

On a beau croire qu‟une femme écrivain<br />

a beaucoup plus <strong>de</strong> chance et <strong>de</strong><br />

moyens pour sortir <strong>de</strong> ce siège ancestral<br />

dont la femme a toujours été victime ;<br />

mais, en réalité, c‟est toujours le même<br />

combat !<br />

La censure qui lui est imposée quant à<br />

sa liberté personnelle et son autonomie,<br />

est doublement plus rigoureuse quant à<br />

sa liberté idéologique. D‟abord, une<br />

femme qui fait <strong>de</strong> l‟art, qui écrit ou peint<br />

ou danse est un phénomène difficilement<br />

accepté par la société algérienne. Que<br />

dira-t-on alors si, dans ses œuvres, elle<br />

tâche d‟ouvrir les yeux <strong>de</strong> ses semblables,<br />

<strong>de</strong> les exhorter à se libérer, à<br />

suivre l‟exemple <strong>de</strong> la femme occi<strong>de</strong>ntale.<br />

Si on arrive maintenant à avaler<br />

quelques aspects libéraux <strong>de</strong> la femme<br />

algérienne, c‟est uniquement parce que<br />

l‟on n‟a pas le choix. Mais, à mesure que<br />

cette liberté atteint ou dérange l‟amourpropre<br />

<strong>de</strong> l‟homme, la marginalisation<br />

<strong>de</strong>vient le seul moyen <strong>de</strong> freiner son élan<br />

et <strong>de</strong> la contraindre à se recroqueviller<br />

dans l‟ombre et le silence qui se chargeront,<br />

avec le temps, d‟anéantir ses talents<br />

et sa volonté.<br />

Souvent, cette lapidation intellectuelle se<br />

fait au premier niveau : celui <strong>de</strong> la famille.<br />

Quand une femme, par exemple,<br />

écrit un roman, c‟est déjà une sorte<br />

d‟anomalie au sein d‟une famille algérienne<br />

«qui se respecte». Vient, ensuite,<br />

l‟étape <strong>de</strong> la censure. Le mot censure<br />

<strong>de</strong>vient alors un simple barbarisme, car<br />

elle dépasse les règles <strong>de</strong> la bienséance<br />

et du respect <strong>de</strong> l‟autre pour s‟étendre<br />

sur tout l‟ensemble <strong>de</strong> l‟œuvre et finit par<br />

détruire cette <strong>de</strong>rnière et ne laisser à son<br />

auteur que l‟amer arrière-goût <strong>de</strong> l‟échec<br />

et <strong>de</strong> la frustration.<br />

Si, par miracle, la famille consent à ai<strong>de</strong>r<br />

sa fille à publier son roman, le public ou<br />

la critique s‟occupera <strong>de</strong>s tira<strong>de</strong>s<br />

d‟usage !<br />

C‟est une question <strong>de</strong> réflexe Pavlovien<br />

en effet : dès qu‟un roman sort sous le<br />

nom d‟une femme, on jurera sur tous les<br />

noms que c‟est une autobiographie ! Ce<br />

qui est parfaitement blasphématoire<br />

dans une société musulmane et conservatrice.<br />

Une femme, chez nous, ça sait cuisiner,<br />

ça sait pondre <strong>de</strong>s enfants, ça sait se<br />

taire… Ecrire, parler, analyser sa condition<br />

et celle <strong>de</strong> ses concitoyennes, c‟est<br />

<strong>de</strong> la contre-nature !<br />

Résultat : les plus belles plumes féminines<br />

se trouvent à l‟étranger. Exilées<br />

volontaires, déçues par l‟incompréhension<br />

et la persécution <strong>de</strong> leurs contemporains,<br />

étrangères dans leur propre<br />

pays… Obstinées toutefois à poursuivre<br />

leur combat, à s‟accrocher à leur talent<br />

comme à la seule vérité qui donne sens<br />

à leur vie, elles s‟en vont là-bas : en<br />

France, au Liban, en Egypte. Là où l‟art<br />

est permis à tous ceux qui ont eu la<br />

chance <strong>de</strong> l‟avoir dans les tripes, là où la<br />

religion n‟est pas un prétexte pour étouffer<br />

l‟élan artistique <strong>de</strong> la femme, là où<br />

l‟on peut écrire, peindre, chanter et danser<br />

sans avoir à ses trousses les différents<br />

surnoms diffamatoires tels que :<br />

«impie» ou «dévergondée» ou encore<br />

mieux : «pu…»<br />

Cette ingratitu<strong>de</strong>, cette flagellation intellectuelle<br />

n‟est pas près d‟écorcher leur<br />

passion pour leur patrie. De loin, elles<br />

continuent à évoquer la terre, l‟Histoire et<br />

les beaux souvenirs <strong>de</strong> l‟Algérie.<br />

<strong>Les</strong> belles œuvres sont celles qui se font<br />

dans le froid <strong>de</strong> l‟exil ; car l‟amour <strong>de</strong> la<br />

patrie n‟atteint son paroxysme que lorsqu‟on<br />

est loin d‟elle, privé <strong>de</strong> sa chaleur<br />

et <strong>de</strong> ses brises automnales. C‟est là où<br />

la plume trouve son plus bel encrier : la<br />

souffrance ! C‟est là où l‟encre <strong>de</strong>vient à<br />

la fois aci<strong>de</strong> et tendre, cruel mais amoureux…<br />

Mais, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> celles-là qui ont eu la<br />

chance <strong>de</strong> fuir ce purgatoire terrestre<br />

vers le paradis infernal <strong>de</strong> l‟exil, combien<br />

d‟autres encore se font mutilé la langue<br />

ici? Combien d‟œuvres féminines se<br />

trouvent castrées juste parce que leur<br />

auteur voulut se souvenir du parfum envoûtant<br />

<strong>de</strong> son premier homme ou bien<br />

évoquer sa première expérience<br />

sexuelle? Combien <strong>de</strong> plumes se <strong>de</strong>ssèchent<br />

peu à peu dans ce désert à force<br />

<strong>de</strong> courir <strong>de</strong>rrière le mirage <strong>de</strong> la liberté ?<br />

Et la question la plus importante : pourquoi<br />

la liberté <strong>de</strong> la femme est un mirage<br />

ici alors que c‟est <strong>de</strong>venu une évi<strong>de</strong>nce<br />

là-bas?<br />

Par Sarah HAIDAR

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