You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
P<br />
arler <strong>de</strong> femme à partir d‟une<br />
notion architecturale, artistique<br />
ou littéraire, nous interroge<br />
plus largement sur sa<br />
fonction dans le temps et<br />
l‟espace. Ce qui nous emmène à réfléchir<br />
sur une lecture et un éclairage <strong>de</strong> son rôle<br />
autour <strong>de</strong> la définition <strong>de</strong> l‟espace et <strong>de</strong> ses<br />
épigones : le pays, la ville, le jardin et l‟architecture,<br />
le voyage et le mythe. Définir<br />
une conception spatiale féminine dans <strong>de</strong>s<br />
disciplines aussi variées que la peinture, la<br />
littérature, l‟urbanisme, le cinéma… pose la<br />
question <strong>de</strong>s frontières <strong>de</strong> la création, <strong>de</strong>s<br />
champs d‟investigations.<br />
La reine <strong>de</strong> Saba venue d‟un lointain<br />
royaume caravanier rend hommage au roi<br />
<strong>de</strong>s Hébreux, Salomon. La souveraine sabéenne<br />
est présente dans la Bible et son<br />
iconographie connaît un large développement<br />
du Moyen-âge au XXe siècle. Sémite<br />
ou éthiopienne, chrétienne ou arabe, elle<br />
apparaît comme la première femme<br />
d‟Orient et d‟Occi<strong>de</strong>nt. Le mythe <strong>de</strong>vient<br />
réalité à travers les représentations. L‟iconographie<br />
<strong>de</strong> la femme <strong>de</strong> l‟époque<br />
Omeyya<strong>de</strong> (661-750) s‟interprète à la lecture<br />
<strong>de</strong>s textes arabes dans les régions<br />
conquises par l‟Islam. <strong>Les</strong> « portraits <strong>de</strong><br />
femmes » dans les illustrations <strong>de</strong>s manuscrits<br />
persans présentent <strong>de</strong>s visages dissimulés,<br />
puis révélés par le purdah. Le voile<br />
comme le ri<strong>de</strong>au délimitent une surface<br />
symbolique.<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l‟imaginaire <strong>de</strong>s mots et <strong>de</strong>s<br />
représentations, il convient d‟analyser la<br />
femme créatrice, ses moyens d‟actions sur<br />
l‟environnement, ses interventions, ses appropriations<br />
et réalisations. Pour dépasser<br />
les stéréotypes d‟une femme d‟Orient cloîtrée<br />
dans le harem, il faut dépasser les limites<br />
<strong>de</strong> la <strong>de</strong>meure familiale ou du palais<br />
pour découvrir celles qui construisent et<br />
édifient. Sa domination dans l‟espace clos<br />
<strong>de</strong> la maison est bien connue : le jardin et<br />
la terrasse lui appartiennent. La fascination<br />
du «voir sans être vu» du moucharabieh<br />
conforte le stéréotype <strong>de</strong> la<br />
captive que seul le regard libère<br />
<strong>de</strong> la réclusion. Au XIXe siècle, la<br />
féminisation du terme : la moucharaby<br />
(ou mashrabiyya) conforte<br />
l‟idée d‟une architecture <strong>de</strong> la<br />
femme réduite à l‟intérieur, alors<br />
que le mon<strong>de</strong> extérieur appartient<br />
aux hommes. La réalité semble<br />
tout autre.<br />
Nombre <strong>de</strong> femmes d‟Orient, parfois<br />
venues d‟Occi<strong>de</strong>nt, sont <strong>de</strong>s<br />
bâtisseuses et ont laissé leurs<br />
noms à <strong>de</strong>s mosquées, caravansérails,<br />
hammams, quand ce n‟est<br />
pas à un quartier entier. Parfois le<br />
temps a effacé leurs noms, mais<br />
<strong>de</strong>meure l‟édifice. En 859, sous le<br />
règne <strong>de</strong>s Idrissi<strong>de</strong>s, Fatima al<br />
Fihriya fait construire à Fès, la<br />
mosquée <strong>de</strong> Karaouine et sa prestigieuse<br />
université. La liber-<br />
24<br />
un Orient <strong>de</strong> femmes Bâtisseuses<br />
té <strong>de</strong>s Ottomanes <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s biens et<br />
une fortune personnelle est à l‟origine <strong>de</strong><br />
nombreuses réalisations monumentales<br />
construites pour où par <strong>de</strong>s femmes. L‟ère<br />
<strong>de</strong>s sultanes influentes commence au XVIe<br />
siècle avec Hafsa Hatun, la mère <strong>de</strong> Soliman.<br />
L‟épouse <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, une occi<strong>de</strong>ntale<br />
la célèbre Roxelane (d‟origine russe),<br />
fait construire par Sinan, mosquée, écoles,<br />
hôpitaux et mausolées. Le quartier Haseki<br />
d‟Istanbul porte son nom. Son fils Selim se<br />
marie lui avec une vénitienne : Nur Banu.<br />
Au XIXe siècle, l‟occi<strong>de</strong>ntalisation <strong>de</strong> l‟Empire<br />
ottoman se fait par l‟irruption <strong>de</strong>s<br />
femmes dans l‟espace public. La ville est<br />
investie <strong>de</strong> leurs présences et l‟architecture<br />
<strong>de</strong>s palais du Bosphore porte la trace <strong>de</strong><br />
cette mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> la société.<br />
Pour la femme d‟Occi<strong>de</strong>nt, l‟Orient est aussi<br />
une conquête qui passe par le voyage.<br />
Depuis le XVIIIe siècle, elles sont nombreuses<br />
à vouloir connaître et appréhen<strong>de</strong>r<br />
ce mon<strong>de</strong> mystérieux. Au siècle suivant,<br />
elles sont écrivains, archéologues ou plus<br />
simplement touristes, et participent à la<br />
reconnaissance d‟un Orient savant, ou plus<br />
mo<strong>de</strong>stement espace <strong>de</strong> villégiature. Mais<br />
la frontière est franchie. Au début du XXe<br />
siècle, le voyage <strong>de</strong>vient une fuite dans une<br />
Europe en guerre pour Anne-Marie<br />
Schwarzenbach. En Orient, elle célèbre<br />
son mariage « symbolique », l‟année<br />
(19<strong>35</strong>) où la Perse <strong>de</strong>vient officiellement<br />
l‟Iran. Ses ouvrages (La mort en Perse,<br />
Orient exils, Visions d‟Afghanistan …) sont<br />
les témoignages <strong>de</strong> son errance intérieure.<br />
Le regard et l‟écrit redéfinissent un Orient<br />
<strong>de</strong>s femmes à travers le voile <strong>de</strong> l‟Occi<strong>de</strong>nt.<br />
Aïcha Dib ou Zaha Hadid, aujourd‟hui, la<br />
femme d‟Orient est architecte, elle réinvente<br />
la tradition, sculpte la matière, réalise<br />
<strong>de</strong>s constructions et édifie <strong>de</strong>s villes.<br />
T.H.<br />
La reine <strong>de</strong> Saba<br />
L<br />
a reine <strong>de</strong> Saba, en arabe malikat<br />
Sabaʾa, est un personnage<br />
que l'on retrouve dans<br />
plusieurs récits et qui aurait<br />
régné sur le royaume <strong>de</strong> Saba,<br />
situé aux environs du Yémen<br />
et <strong>de</strong> l'Éthiopie.<br />
Décrite comme une femme sublime, et<br />
considérée comme un personnage d'une<br />
profon<strong>de</strong> sagesse et d'une haute intelligence<br />
par certains, et comme une magicienne<br />
tentatrice par d'autres, la reine <strong>de</strong><br />
Saba suscite toujours l‟intérêt, tout du<br />
moins la curiosité.<br />
Différents prénoms lui sont attribués selon<br />
les sources. Ainsi, les traditions éthiopiennes<br />
l'appelleraient Makéda, celles du<br />
Yémen Balqama, et celles <strong>de</strong> l'islam<br />
Balqis ou Bilqis, du grec ancien pallax,<br />
pallakis : concubine. Par ailleurs son nom<br />
est une translittération <strong>de</strong> l'hébreu dont<br />
l'orthographe peut varier fortement. Dans<br />
la Bible traduite par Louis Segond, on lit<br />
ainsi Seba et non Saba. Dans le Nouveau<br />
Testament, l'Évangile selon Luc l'évoque<br />
et l'appelle «Reine <strong>de</strong> Midi». Dans le Coran<br />
elle apparait dans la sourate 27 et on<br />
apprend dans un hadith, c'est-à-dire à<br />
travers les propos du prophète <strong>de</strong> l'islam<br />
Mahomet, qu'elle s'appelle Balqis. Certains<br />
la dénomment également Cassiopée,<br />
l'associant à la reine éthiopienne du<br />
même nom dans la mythologie grecque.<br />
D'autres récits divers se sont ensuite<br />
amalgamés.<br />
Sa rencontre avec Salomon a marqué les<br />
esprits et perdure dans les récits historiques.<br />
Cette rencontre entre <strong>de</strong>ux<br />
mon<strong>de</strong>s différents a donné lieu à <strong>de</strong>s légen<strong>de</strong>s<br />
avec évi<strong>de</strong>mment une histoire<br />
d‟amour entre Salomon et la reine. On<br />
parla même d‟une visite au roi Salomon<br />
dont la reine a entendu vanter la sagesse.<br />
L‟épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> la reine <strong>de</strong> Saba, se situait<br />
autour du 10ème siècle av JC, le règne <strong>de</strong><br />
Salomon fut une pério<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> paix et le roi<br />
noua <strong>de</strong>s relations<br />
avec ces voisins, dont<br />
le Yémen d‟où vint la<br />
riche caravane <strong>de</strong> la<br />
reine. La reine avait<br />
apporté au roi une<br />
abondance d‟aromates<br />
telle qu‟il n‟en<br />
vint plus jamais <strong>de</strong><br />
pareille, quant au roi,<br />
il offrit à la reine tout<br />
ce dont elle manifesta<br />
l‟envie, en plus <strong>de</strong>s<br />
ca<strong>de</strong>aux qu‟il lui fit<br />
avec munificence<br />
digne d‟un roi.