Interview Willy Van Lysebeth_2

Relaxation/méditation:
les diverses formes
d'attention et d'éveil
Séminaire d’automne de
l’association professionnelle du 24
et 25 octobre 2009 avec Willy van
Lysebeth au Louverain
NE : Willy, ton père a été l’un des
pionniers du yoga en Europe et tu as dû
tomber très précocement dans la
« marmite » ? A quand remontent tes
premiers souvenirs ?
WVL : Petit garçon (4 – 5 ans) je
poussais la tête dans le creux de son
ventre rétracté en uddyana bandha.
NE : Depuis quand pratiques-tu
régulièrement ? Est-ce qu’il y a eu un
moment, peut-être vers l’adolescence,
où tu as voulu te démarquer de ton père,
arrêter le yoga, ou te diriger vers un
autre enseignement ? Etait-ce difficile
pour toi d’avoir un papa si célèbre dans
ce domaine ?
WVL : A 17 ans j’étais mystique et
faisais beaucoup de yoga. Je voulais
devenir saddhu. Papa m’a conseillé
d’attendre un peu et de me préparer en
faisant des études. J’ai hésité entre la
philosophie et la psychologie. A
l’Université de Bruxelles j’ai rencontré
ma femme. Nous nous sommes mariés à
20 ans (en 1964).
De 1966 à 1969 j’étais très loin de papa.
Je m’intéressais à la danse et à de très
nombreuses thérapies du corps en vogue
à ce moment-là (scream therapy,
dynamique de groupe, etc.). C’est aussi
l’époque où mes parents se sont quittés.
A partir de 1970, nous sommes
redevenus très proches. Pendant 22 ans
j’ai enseigné à l’Institut de Bruxelles,
avec lui. Puis, j’ai eu le bonheur de coanimer
des stages et week-ends avec lui
(au Québec, à Paris, Florence, Beyrouth
et Bruxelles).
NE : Quand es-tu allé en Inde pour la
première fois ? Quels ont été tes maîtres
ou professeurs là-bas ?
WVL : En 1974. J’ai suivi pendant une
trentaine d’années Sri Sri Sri
Satcitananda. La visite à Arunachala fut
une « révélation ». J’ai toujours été en
contact intime avec la présence de
Ramana Maharishi. A 17 ans, je passais
des nuits entières à faire tratak sur sa
photo.
NE : Quand as-tu commencé à
enseigner, et d’où te venait ton
« inspiration » à tes débuts ?
WVL : J’ai commencé en 1970, à
Québec, comme assistant de papa. A
cette époque, il était mon unique

éférence en hatha yoga et en
pranayama.
NE : Tu as fait des études de psychologie
et es devenu psychanalyste. De quelle
façon Yoga et psychanalyse se
complètent-ils ? Utilises-tu du yoga dans
ton métier de psychanalyste et des
éléments de psychanalyse dans ton
enseignement du yoga ?
WVL. : Dans les années ’70, j’enseignais
« full time » à l’école de papa (22
h/semaine). Ce qui me laissait beaucoup
de temps pour jouer avec notre petite
fille, faire du yoga et …entreprendre une
psychanalyse. Je m’intéressais tout
particulièrement à l’autisme infantile et à
la psychosomatique.
Je ne mélange pas les pratiques du yoga
et le cadre psychanalytique. Mais, je
travaille la « relaxation
psychanalytique » dans laquelle l’écoute
du corps est très influencée par les
intuitions du yoga. J’ai aussi « inventé »
des jeux pour enfants à partir de
techniques respiratoires (des jeux de
communication respiratoire) ou de
mudras (des micromouvements,
notamment).
L’étude comparée d’états de conscience
modifiés par la méditation et diverses
psychopathologies (comme l’autisme ou
l’hallucination) sont importants. L’étude
empirique (scientifique, en clinique) de
l’effet de substances hallucinogènes
(psilocybine) sur la méditation, la
relaxation et la visualisation de formes
colorées fut significative vers 1975.
NE : Quand as-tu commencé à donner
des stages et qu’est-ce que tu désirais
apporter aux participants ? Y-a-t-il eu
une évolution dans ce que tu souhaites
transmettre, et si oui, de quelle
manière ?
WVL : Mes premiers stages autonomes
datent de 1974. J’y incluais diverses
techniques du corps. Ils étaient appelés
« Corps et Parole ». Vers 1980 j’ai
effectué un recentrage sur la rigueur et
le strict respect de la tradition indienne
(notamment sous l’influence des
enseignements de Sri Satcitananda).
Pendant 25 ans mes stages ont été
constants (forme et contenu). Les
« différences » tiennent, je crois à la
méthodologie, au style de
communication. Je suis devenu
beaucoup plus intuitif. Bien que mes
cours aient toujours un cadre strict
(décomposé en modules), je les
improvise.
Un élève disait que mes cours sont
« jazzy ».
Qu’est-ce que la relaxation ?
- Méthode-type
- Typologie des principales techniques
(Schultz, Eutonie, Yoga Nidra, Sophrologie)
Techniques complémentaires :
micromouvements (y compris ceux de la
colonne vertébrale), images motrices,
mémoire gestuelle (à court et long termes),
respiration virtuelle (préparation de kevala
khumbaka), mûdras des yeux.
Spécificité de l’attention : modulations de la
vigilance, attention dissociée, hypervigilance,
rêverie (associative, créative).
Comparaisons avec la méditation et
l’hypnose.
NE : Aujourd’hui, quelles sont tes
aspirations par rapport au Yoga ?
Désires-tu continuer à donner des
stages? Sous quelle forme ?
WVL. : J’ignore si j’enseignerai encore
longtemps et de manière continue le
yoga. J’aime le partager, certes. Mais le
contexte de vie (j’ai 65 ans) me permet
d’organiser différemment la vie. Je
consacre plus de temps à la poésie et la
photographie. Le silence et la solitude
prennent de plus en plus corps ...
En vieillissant je pratique énormément
de méditation et de souffle. Il me semble
être le même qu’à l’adolescence.

NE. : Penses-tu que la formation
d’enseignants à évolué, et si oui,
pourquoi et comment ? Quelles sont, à
ton avis, les qualités essentielles
requises d’un enseignant de yoga ?
WVL : La formation s’est
institutionnalisée. Les recherches
scientifiques et les applications dans
diverses formes de thérapie sont
passionnantes. Le yoga participe à un
phénomène sociologique, culturel de
profonde transformation des pratiques
de santé.
Nous avons un rôle « historique ». Ce,
pas seulement dans la perspective
« écologique » et « holistique ».
Un enseignant de yoga doit surtout être
à l’écoute de ses élèves et en recherche
personnelle (ce qui va de soi s’il est
passionné, créatif).
NE : Que représente le Yoga dans ta
vie ? Pratiques-tu beaucoup chez toi ?
WVL. Je ressens que le yoga participe à
mon sentiment d’identité. C’est un
plaisir. Par exemple, aujourd’hui nous
partons en vacances une semaine au
bord de la mer. Mon « programme » :
lire, marcher, respirer (je ne cesse de
pratiquer des apnées dynamiques et
autres respirations virtuelles,
dynamique, intériorisées).Il m’arrive de
lancer des rafales de kapalabhati d’une
demi-heure ou de pratiquer des
khumbakas en faisant du vélo
d’appartement les yeux bandés ……
NE : Globalement, est-ce que le Yoga
oriente tes choix de vie ? Si oui, de
quelle façon ?
WVL. : Cela va de soi. Ma femme
pratique aussi le yoga. Nous avons
énormément pratiqué côte à côte lors
d’épreuves existentielles (comme le deuil
de nos parents).
NE : Merci, cher Willy, d’avoir répondu à
mes questions.
…………………………………
C’est Nicole Eraers (NE) qui menait cette
interview. Elle est enseignante de yoga
diplômée YS, directrice de l’école Yoga 7,
enseignement et recherche, à Genève,
rédactrice et éditrice des Cahiers du
Yoga. Elle connaît bien Willy Van
Lysebeth avec qui elle a suivi plusieurs
stages et séminaires.
www.yoga7.com ou
nicoleeraers@infomaniak.ch