Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…

Cl. Mvy-Keurdein.
S* Martin, S* Grégoire et S* Jérnme. - Chartres.
Au 1 I e siècle, en France, se manifeste le grand
élan qui, désormais, ne s'arrêtera plus. Les artistes
romans instaurent, avec ferveur, une architecture
conçue sur des principes nouveaux. La nef de Saint-
Étienne de Nevers, 12 e siècle (p. 0, est une construction
romane typique : voûtes en pierres appareillées
(en plein cintre) dont le poids oblige à piliers massifs,
baies étroites, et dont la poussée est, à l'extérieur,
neutralisée par des contreforts; austérité nue, sévérité,
lourdeur, mais aussi prédominance des verticales,
force ascensionnelle obscure.
Dès le premier quart du 12 e siècle, les architectes
de la France royale inventent un moyen ingénieux
pour suspendre des voûtes légères sur une armature
d'arcs solides (croisée d'ogives). Les églises gothiques
s'agrandissent, s'élèvent vers le ciel. La poussée,
reportée sur les retombées des voûtes, permet d'élargir
les fenêtres que garnissent d'étincelantes verrières.
Pour combattre la poussée des nefs centrales,
des arcs-boutants, à l'extérieur, enjambent l'espace.
L'arc brisé se généralise; une décoration, sculptée
librement d'après les fleurs du pays, égayé chapiteaux
et moulures. La vue latérale de Notre-Dame de Paris,
12 e au 14 e siècle (p. 3), avec le jeu des contreforts à
pinacles et des arcs-boutants, le riche transept et sa
rose, les deux tours majestueuses de la façade, respire
une grandeur tranquille, expression d'une foi sûre.
Les sculpteurs couvrent la cathédrale de statues et
de bas-reliefs; ils y résument, en une encyclopédie
figurée, la science et la théologie. Au 13 e siècle, la
sculpture de pierre, aux portails de Chartres, manifeste
une maîtrise sobre, un sens plastique, une
intensité par quoi elle s'égale à l'art grec. Saint
Martin, Saint Jérôme et Saint Grégoire, avec une
égale noblesse, affirment leurs tempéraments différents
: l'un a évangélisé les peuples, le second a
défendu la foi par le livre et le troisième a reçu directement
l'inspiration divine : modelé synthétique, accord
de lignes verticales, convenance monumentale.
L'œuvre de France rayonne alors sur toute
l'Europe. Mais l'Italie, dès le 13 e siècle, prélude à
sa glorieuse ascension. Saint-François d'Assise fait
du Christianisme une religion d'amour et le réconcilie
avec les splendeurs terrestres. Au 14 e siècle,
GIOTTO et ses disciples couvrent les églises de vastes
fresques rapides, décoratives, expressives.
Enfin, au seuil du 15 E siècle, CLAUS SLUTER élève,
aux portes de Dijon, le Calvaire des Prophètes, ou
Puits de Moïse : puissance imposante de conception,
vigueur d'exécution exubérante; les formes et l'inspiration
religieuse du moyen âge s'allient à un goût
d'observation réaliste, une vigueur charnelle, un
besoin de réalisation plastique nouveau. Les temps
modernes sont, désormais, ouverts.
Cl. Neurdetn.
CLAUS SLUTER. — Le Puits de Moïse. — Dijon.