INTOLERANCE - Arte
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(Grandeur et décadence de la liberté<br />
de parole aux Etats-Unis), dans lequel<br />
il justifiait son point de vue. Il voulait<br />
à tout prix riposter à ces attaques par<br />
le film le plus ambitieux jamais réalisé<br />
sur le thème de l’intolérance. Griffith<br />
disposait maintenant de plus d’argent<br />
qu’il n’avait jamais rêvé d’en avoir, et<br />
il résolut en fin de compte d’entremêler,<br />
en les racontant simultanément,<br />
quatre histoires distinctes, traitant toutes<br />
du même sujet, le fanatisme, et se<br />
déroulant à quatre époque différentes<br />
de l’histoire de l’humanité. La mère et<br />
la loi, cette narration des faits authentiques<br />
d’une grève contemporaine, lui<br />
fournissait son premier épisode, après<br />
quoi, se replongeant dans l’antiquité, il<br />
voulait montrer la chute de Babylone,<br />
orchestrée par les Perses.<br />
Quant aux deux autres… Eh bien, il<br />
aborderait le problème du peuple Juif,<br />
victime du sectarisme depuis l’origine<br />
des temps. Pour tout ce qui concernait<br />
l’épisode hébreu, on conseilla à Griffith<br />
de consulter un rabbin qui habitait Los<br />
Angeles. D. W. consacra beaucoup de<br />
temps au Rabbin Myers, et c’est ainsi<br />
qu’il fit la connaissance de sa famille, et<br />
en particulier de sa fille, la belle Carmel ;<br />
celle ci obtint d’ailleurs l’autorisation<br />
paternelle de jouer dans le film, ce qui<br />
devait être le début d’une belle carrière.<br />
Tous les détails des noces de Cana reçurent<br />
la caution du Rabbin Myers, de<br />
même que les costumes et les décors<br />
de toute la séquence censée se dérouler<br />
en Judée. Comme quatrième sujet,<br />
Griffith avait choisi d’évoquer les persécutions<br />
religieuses subies par les protestants<br />
français, et qui avaient abouti<br />
au massacre de la Saint-Barthélemy. Il<br />
avait prévu de lier ces divers épisodes<br />
en faisant intervenir Lillian Gish tout au<br />
long du film, y apportant de la sorte une<br />
touche finale sur laquelle je reviendrai<br />
par la suite. [...]<br />
Soixante filles furent engagées pour faire<br />
les anges. Elles étaient vraiment adorables<br />
dans leurs longues robes blanches,<br />
avec leurs petites ailes et leurs visages<br />
frais et juvéniles, tous plus jolis les uns<br />
que les autres. Alors on ajusta sous<br />
leurs robes les ceintures de sangle que<br />
Mrs Brown, puis les câbles furent fixés<br />
aux ceintures, et nous essayâmes notre<br />
dispositif. Tout dépendait en effet de ce<br />
câble bien frêle. Seulement, voilà : la<br />
ceinture remonta sous les bras de certaines<br />
filles, tandis que sur d’autres, elle<br />
glissait... Nous entreprîmes malgré tout<br />
de tirer doucement sur le fil pour faire<br />
monter nos jeunes filles, mais à ce moment<br />
là, elles se mirent à tournoyer en<br />
l’air comme des folles, tout en piaillant.<br />
Et avant que nous ayons eu le temps de<br />
dire « ouf », quelques unes s’évanouissaient,<br />
d’autres se mettaient à vomir, et<br />
il fallut en redescendre la moitié pour<br />
les ranimer. Je me pris alors à songer<br />
que, si ça continuait, dans cette scène,<br />
on verrait plus d’anges morts que de cadavres<br />
de soldats.<br />
Nous nous efforçâmes de convaincre<br />
certaines de nos petites malades d’essayer<br />
une nouvelle fois et nous remplaçâmes<br />
celles qui ne voulurent pas<br />
se laisser faire. Ce qui voulait dire davantage<br />
de fil téléphonique, encore de<br />
l’argent et toujours plus de travail. Nous<br />
revîmes alors l’ajustage des ceintures<br />
de sorte qu’elles ne tournent pas et restent<br />
en place, et puis, en demandant à<br />
un homme de se mettre sous chaque<br />
ange avec un câble de contrôle, nous<br />
obtînmes que ces demoiselles se sentent<br />
un peu plus en confiance et qu’elles<br />
gesticulent un peu moins. Grâce à mon<br />
chariot de travelling, je pouvais me déplacer<br />
en dessous d’elles avec ma caméra.<br />
Mais on ne peut pas dire qu’elles<br />
donnaient vraiment l’impression d’être<br />
à l’aise en vol.<br />
Nous y passâmes une journée complète<br />
et nous recommençâmes brièvement au<br />
cours du tournage de l’épilogue, du ca-