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MAGASIN THATRAt. CHOIXDE PIÈCESNOUVELLES ... - talleyrand

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<strong>MAGASIN</strong> <strong>THATRAt</strong>.<br />

<strong>CHOIXDE</strong> <strong>PIÈCESNOUVELLES</strong>. - Prix :. 20 centimes.<br />

,1<br />

LE CONSULAT ET L'EMPIRÉ^<br />

PIÈCE MILITAIRE EN h ACTES ET 22 TABLEAUX<br />

(DE 1799 A 1806)<br />

PAR MM. FABRICE LABROUSSE ET ALBERT<br />

BARBRÉ, ÉDITEUR<br />

BOULEVARDSAINT-MARTIN. 15/.<br />

Mise en scène de M. ALBERT; — Musique de M. FESSY;<br />

- Ballet de M. HONORÉ, - Décors de MM. WAGNER, CHÉRET et LECHEVALIER; Machines de M. AUGUSTE MARÏ<br />

REPRréSEîSTlin POURLAPREMIÈRE FOIS,APARIS,SURLETHEATRE IMPÉRIAL DUCIRQn:,LE1cr AOUT1853.<br />

USTRIBUTIOJVDE LA PIÈCE.<br />

NAPOLÉON MM.ROBERT DROOVILLK.<br />

GENERALLANNES. PASTHLOT.<br />

GENERALDUROC. COCHET.<br />

GENERALDESAIX LAREY.<br />

CKNFRALLEFEBVRE. )<br />

M. D'HAUGWITZ S D". TI>>«K.MOST.<br />

L'À\-IIRALHHUlX• • FÜlX<br />

AL.L)ETALLEYRAND BOILEAO<br />

M FOUCHE<br />

SALLlmI.<br />

M. SlEYES. CORDIKR.<br />

IBABTISTE, brigadierdehus-<br />

LEONARD,soldat MM.BHICIIAHD, LE ROI<br />

l'HIEBAUT,soldat PONTONNIER. DE PRUSSF, - - - MM.ARTItUFt,<br />

UNGARÇONLIQUORISTE.<br />

JEANTHUREL, invalide.. THEOL. UN INVALIDE ».<br />

MADAGASCAR, invalide.. EOITUZET. JOSEPHINE<br />

DARCODRT.<br />

BEAUHAR-<br />

UNINVALIDE. , DARCOURT. NAIS M" JOSÉPHINE.<br />

LESUPERIEURDUSAINT.<br />

CAROLINE. OLÉMEXCK.<br />

BERNAUD<br />

M. MELZ1 i To¡;nr;oT. TOM.NOT. M" CAMPAN CIIEZA.<br />

GIACCOMO. ., GERPHÉ.<br />

JEANNETTE I'ERTAUD.<br />

GENERALMELAS. NOEL.<br />

EDOUARD,page.<br />

Niw<br />

LEON ('J:"ILE.<br />

GENERAL0RE1LLY. PREVOST. HENRY I L'LLKT.<br />

srH,is. , WILLI~~ltlg.<br />

WILLIAMS. GENERALOTT., A.BARRAL. ,\lARUI-I:% -NDE DEFRUIS. WSANNAS.<br />

ANTOINE, , , , BORSA. GENERALKAIM.<br />

MARCH\NDE DE FLEURS.CASSARD.<br />

MAtiLOlltF,marin. LKBEL. GENERALHADDICK.><br />

MARCHANDE DEPOISSON. FANNYGONZUÈ*.<br />

MARCf


2 Mit'ONSlI.A ! i.i L'i MlMUl-!.<br />

BONAPARTE. Etvous ti.siezque vousn'avieziîen<br />

de nouveau!<br />

M.DETALLEYRAND, C'estsouventdans le postscriptum<br />

d'une lettre que se trouve l'objet le<br />

plus important.. Sieyèsest avecvous, général.<br />

mais.<br />

BONAPARTE. Mais, il enfante quelque nouvelle<br />

et attend le momentde la faire acepter?<br />

J<br />

Constitution,<br />

M.DETALLEYRAND Mon Dieu , général, nous<br />

i vons tous-notre marotte; celle de Sieyèsest de<br />

:ollslilut'r. Faites commemoi, ne le contrariez<br />

fas trop, surtout lorsque vousallezpouvoirfaire<br />

tout-ce-iue vousvoudrez..Aujourd'hui dix-huit<br />

bnvnaire, de grandes chosesvontse décider.<br />

Sieyèsneserapasun obstacle,puisqu'il approuve ;<br />

mais, s'il n'était pas avec nous, on remarquerait<br />

sonabst'nce,.etce serait fâcheux!<br />

BONAPARTE. Qu'il vienne!je n'irai pas le chercher!<br />

M DETALLEYRAND. Il est venu.<br />

BONAPARTE. Et où est-il?<br />

M.DETALLEYRAND. A votre porte, dans ma<br />

voiture. Je vaisvous l'amenr1.<br />

BONAPARTE. Voilà du mystère, qu'en pensezvous?<br />

M. DE TALLEYRAND. Je pense que s'il fallait<br />

procéderà coupsde canon,général,vousn'auriez<br />

pas besoinde nous. (Il sort.)<br />

SCÈNE III.<br />

BONAPARTE, seul; puis M. DETALLEYRAND,<br />

SIEYÈS.<br />

BONAPARTE. Lorsque Sieyès aura disloqué le<br />

Directoire en se retirant avec Roger Ducosj<br />

lorsque le Conseildes Anciens, en transférant<br />

pour demain le Corpslégislatif à Saint-Cloud,<br />

m'aura investi de toute l'autorité militaire, qui<br />

donc pourra m'entraver,m'arrêter dans monchemin?.<br />

Je suis fort de mon passé,fort de l'attachement<br />

du peuple et des soldats, fort de ma<br />

cause,qui est celledu pays!. ( M. de Talleyrand<br />

entre avecSieyès.-À Sieyès.)Bonjour,monsieur<br />

Sieyès!<br />

SIEYÈS. Général. -<br />

BONAPARTE. Comment1vousattendez à la porte<br />

de votrefutur collègue?<br />

SIEYÈs.Votrecollègue!<br />

BONAPARTE. Sans doute; ne devons-nouspas,<br />

vous, Roger Ducoset moi, composerle Consulat?.<br />

SIEYÈS. Je l'ignorais.Nousavonseu de si rares<br />

occasionsde nous voir,: nous ne nous sommes<br />

guère rencontrés qu'au banquet qui vousfut offert<br />

par les deuxConseils I<br />

BONAPARTE. Oui, et, dans cette circonstance,<br />

nous n'échangeâmespas une parole.<br />

M.DETALLEYRAND. Il y avait tant de monde !.<br />

Et puis Sieyèsne vousconnaissaitpas bien encore.<br />

BONAPARTE, à Sieyès.Meconnaissez-vousmaintenant?<br />

M.DETALLEYRAND. Sans doute, général, puisqu'il<br />

va devenirvotre collègue.(Ils s'asseyent.)<br />

BONAPARTE. Alors,allonsau fait. (Ons'assied.)<br />

Il faut en finir avec le Directoire ; ce pouvoir<br />

tombe en ruines, et si on ne le renversait,la<br />

France elle-mêmeroulerait dans l'abîme où l'entraîne<br />

ce .gouvernement qui succombesous sa<br />

proprefaiblesse. SIEYÈS. Fondezuneautorité forte et solide,gé<br />

néral. Absorbonsdans l'unité cesmille fractions<br />

éparpilléesdans la politique. Souvenez-vouade<br />

cette maximeque j'ai poséedansmon<br />

@projet de<br />

Constitution : la confiancedoit venird'ENBAS, le<br />

pouvoir doit venir Il v a ensuiteles politiques et les modérésqui<br />

siégentdans le Conseildes Anciens, et que vous<br />

dirigez,vous, Sieyès,avec la même facilitéque<br />

vousdirigez votre collègueRoger Ducos,lequel<br />

vous suit commevotre ombre 1 Nous<br />

en<br />

possédons<br />

troisièmelieu le parti des spéculateurset des<br />

hommesde plaisirsque conduit Barras, cet ambitieuxde<br />

sérail! Enfin,il y a ceuxqui sontavec<br />

vous, général.Ce sont les plus actifs, les mieux<br />

placés dans l'opinion ; n'eussent-ils pasces qualités,<br />

il leur suffirait du prestigede votre fortune,<br />

pourque la victoireleur demeurât!<br />

BONAPARTE. Ceque vousavez dit est exact, je<br />

le reconnais. mais vous ne parlez pas d'un<br />

hommequi a bien Sonimportance. qui est venu<br />

me pressentir. et que je n'ai pas revu depuis<br />

trois jours. Vousne parlez pas de Fouché1<br />

SIEYÈs,à TaLleyralld.C'estjuste1 vousl'avez<br />

oublié1<br />

M.DETALLEYRAND. Je n'oublie jamais un ministre<br />

de la police,<br />

d'en haut: aujourd'hui, il<br />

a rien ENHAUT,<br />

n'y<br />

et, en bas, on attend. Les partis.<br />

M.DETALLEYRAND. Les partis. J'ai eu le temps<br />

de les étudier depuis que je ne suis plus ministre.<br />

Nous avons d'abord la faction dite le manège,<br />

je ne sais trop pourquoi. Est-ce par allusionà<br />

l'habitude que ces messieursont prise de<br />

toujours tourner dans le mêmecercle?. Peu importe?<br />

Cette fraction se rallie aux directeurs<br />

Moulinsàqui on a faiteroire qu'il était général.<br />

Ct (Jobierqui est. ehbien, quiest directeur!.<br />

surtout lorsqu'il s'appelle<br />

Fouché.<br />

BONAPARTE. Sera-t-il avecnous?<br />

M.DETALLEYRAND. Sans nul doute, vous savez<br />

que c'est un hommeprévoyant.<br />

BONAPARTR. Qu'il vienne,alors1 mais que chacun,<br />

en se joignant à moi,sache bien qu'il s'agit<br />

de la France et non d'un homme ; du pays tout<br />

entier, et non de Bonaparte seulement!. Je<br />

n'ai pas cette ambitionvulgaire qui n'aspirequ'à<br />

des titres ouà des trésors!. mes titres, je les<br />

mettrai dans ma consciencequi me dira que j'ai<br />

posé le pied sur l'anarchie et le désordre; mes<br />

trésors,cesera la gloire, le bonheurde la patrie1<br />

SIEYÈs.A l'œuvre donc, général!. Je vous<br />

quitte pour agir de mon côté!. Nousallônsfaire<br />

rendre par le Conseildes Anciensles décrets qui<br />

tous mettront en main la puissancenécessaire.<br />

Quantà Barras.<br />

M.DETALLEYRAND. Barras!. Envoyez-ledonc<br />

à saterre de Grosbois,s'il fait le difficile!. Donnez-luiune<br />

bonne escorte prise dans lesdragons<br />

de Sébastiani, ça le flattera, il aime l'étalage.<br />

SIEYÈS. Bien1. A revoir, général.<br />

BONAPARTE. A bientôt. à bientôt, consul!<br />

SIBYÈS, saluant. Consul 1<br />

M.DETALLEYRAND. Voilàun échange de politessesque<br />

la France ne lardera pas a ratifier. Sur<br />

trois que nous sommesici, il yena deux qui reçoiventun<br />

baptêmemérité. le troisième.<br />

BONAPARTE. Le troisièmesera ministre des relationsextérieures.<br />

M.DETALLEYRAND. Merci, général, je n'avais<br />

rien demandé.<br />

BONAPARTE. Maisvousacceptez?<br />

M.DETALLEVRAND. Il le faut bien! (Il sort avec<br />

Sieyès.)A bientôt, général, à bientôt!.<br />

SCÈNE IV.<br />

BONAPARTE, seul.<br />

Aujourd'huimêmej'agirai et je réussirai 1 Oui,<br />

je sens là (il met la main sur son cœur)que la<br />

Providencem'a choisipour sauverla France, et<br />

la faire glorieuse entre toutes les nations!<br />

SCÈNE V.<br />

BONAPARTE,JOSÉPHINE.<br />

JOSÉPHINE. Comment,mon ami, voilà le jour<br />

et tu n'auras pas pris un momentde repos?<br />

BONAPARTE. Et toi, déjàsortie de ces flotsde<br />

gaze et de dentelles dont tu t'entoures même<br />

pendantton sommeil!<br />

JOSÉPlIINE. Je n'ai pu dormir,je n'ai cesséd'avoir<br />

dans ma pensée,sous mesyeux, les événementsde<br />

cettejournée qui se prépare. Ah! Bonaparte!<br />

si le succèsvenait à manquer à nos<br />

espérances !. Tu ne me dis rien! tu ne me rassures<br />

pas!<br />

BONAPARTE. Voudrais-tufuir à l'heure du danger?<br />

JOSEPHINE. Non! mais, je n'aipas encorefait la<br />

guerre autant que toi!<br />

BONAPARTE. Comment 1 depuis un mois, tu ne<br />

cesses d'escarmouchercontre nos adversaires : de<br />

discipliner nos amis, d'écarter les obstacles, de<br />

balayer le terrain1. Tu as troublé le farouche<br />

Gohier,au point qu'il ne sait d'herbe s'accrocheren se noyant!. Tu as tenu<br />

tête à Bernadotte !. Murât et Lannes,ces deux<br />

intrépides, se sont encore exaltésà ta voix, et<br />

Talleyrand prétendait hier que sa diplomatie<br />

baisseraitpavillondevant la tienne!<br />

JOSÉPHINE. Je ne dis pas. maisque veux-tu.<br />

on est femmeet on s'inquiète. Tiens! tu m'as<br />

souvent reproché de ne m'occuper.que de chiffons;<br />

aujourd'hui, je voudrais n'avoirà songer<br />

qu'à ma marchandede modes.<br />

BONAPARTE. Tu y reviendras,et bientôt.<br />

JOSÉPHINE. Tu crois?<br />

BONAPARTE. Oui,je te connais. Soistranquille, i<br />

ton budget ne tardera pas à reprendre toutesses Iy<br />

proportions.<br />

JOSÉPHINE. Mais,où allons-nous?<br />

BONAPARTE. (Onse lève.)Nous allons au pou-*<br />

voir!<br />

JOSÉPHINE. Tu m'effraies!<br />

BONAPARTE. Vraiment?<br />

JOSÉPHINE. Oui, le pouvoir, je le crains!<br />

BONAPARTE. Pourquoile craindre, lorsqu'onn'y<br />

aspire que pour faire le bonheur du peuple ! Ce<br />

sont plutôt tes préjugés de routine et de caste<br />

qui te préoccupent; maisces préjugés sont uiés<br />

comme les vertugadinsde ta grand'mère!. L<br />

peuple nouveauou régénéré,une race nouvelle<br />

de gouvernants !<br />

JOSÉPHINE.-Oh ! parcequ'il me resterait quelques<br />

souvenirs,que tu exagères,ce n'est pas une<br />

raison pour que je m'oppose à la puissancequi<br />

pourrait surgir, surtout si Bonapartela représente!.<br />

D'ailleurs, ne m'a-t-on pasprédit à moimême<br />

une haute fortune et les grandeurs humains?.<br />

Nonque j'aie l'ambition d'une égoïste,<br />

non; mais dominer, c'est p uvoir faire le bien,<br />

venir en aide aux malheureuxet serreposerdes<br />

fatiguesde l'élévation par le souvenirdes bienfaits<br />

qu'on a répandus! Bonaparte, gouverneles<br />

hommesque ton génieattire sous ta main,je serai<br />

près de toi pour signaler l'infortune à ta<br />

bonté!. Hortense et Eugène partageront les<br />

soinsque je prend ai de te faire bénir! Chersenfants,<br />

au cœursi nobleet si pur, que Dieuécarte<br />

de vousles dangersqui pourraient nousmenacer<br />

nous-mêmes!. Je serais forte contre mes propres<br />

douleurs, je serais faible si je vousvoyais<br />

souffrir!<br />

BONAPARTE. Joséphine, tes enfants sont devenus<br />

les 'miens et je les ai placés sous la sauvegarde<br />

de toute mon affection. Ils auront leur<br />

part de ma destinée. Rassure-toi, calme ton<br />

imagination<br />

plus À quel brin<br />

de créole, continue de te montrer<br />

ferme et souriante devant ceux qui marchent<br />

avecnous, eLdevantceuxqui nous seraient contraires.<br />

La victoire, c'est un peu comme les<br />

femmes,voistu, il faut les poursuivresans relâchejusqu'à<br />

ce qu'on en soit.<br />

JOSÉPHINE. Le maître,n'est-ce pas?<br />

BONAPARTE. Non. l'heureux compagnon.<br />

UNDOMESTIQUE, entrant. Le commandant de<br />

Paris demandeà parler au -<br />

général.<br />

BONAPARTE. Lefebvre!. Ah! diable! - Est-c<br />

qu'il voudraitse mettre en travers?<br />

JOSÉPHINE. Veux-tu que j'assiste à votre entretien?<br />

BONAPARTE. Non, laisse-moi,Joséphine,laissit<br />

moi1 (Au domestique.)Faites entrer le générai<br />

Lefebvre !<br />

JOSÉPHINE. Et s'il vient en ennemi t<br />

BOWPARTE. Eh bien, c'est en ami qu'il s'ea<br />

retournera. (Joséphine s'éloigne,le domestique<br />

introduit legénéral Lefebvre.)<br />

SCÈNE VI.<br />

LEFEBVRE,BONAPARTE.<br />

LEFEBVRE. Bonjour,général.<br />

BONAPARTE. Bonjour, Lefebvre.<br />

LEFEBVRE, croisantles bras et le regardant. Eh<br />

bien1<br />

BONAPARTE. Eh bien, général?<br />

LEFEBVRE. Nous voulons donc du nouveauà<br />

Paris?<br />

BONAPARTE. Non, à Saint-Cloudt<br />

Puis, Saint-Cloud,Vaugirard! Ça<br />

,,@) n'yFFEBVRR. fait rien. Tusais, monfils, que je commande<br />

la 17edivision militaireci-incluse?


LE CONSULAT E'f I/LMP1IIK.<br />

3<br />

BOAPAtrr.Certes,et cen'est pas moiquisongerajsà<br />

fairepassercecommandementen d'autres<br />

mains!<br />

LEFEBVRE. Tu saisque le Directoirem'a chargé<br />

de veillersur lui?<br />

BONAPARTE. Le Directoireest devenuimpuissant.<br />

LEFEBVRE. Possible! maisil est encoredebout.<br />

BONAPARTE. Pour combiende temps?<br />

LEFEBVRE. Je ne sais pas, maistant qu'il y est,<br />

je ne doisconnaîtrequema consigne. - Ecoute.<br />

carje te pariecommeun ancienqueje suisvisà-vis<br />

de toi: je t'ai suivi de , t oeda partir de<br />

Toulon,où je n'étais pas, mais d oùj ai eu de<br />

tesnouvelles, puisen Italie, puisen Egypte,et<br />

je me suisdit: Voilaun lapin qui ferason<br />

chemin!<br />

Il se peut même, si ça l'arrange, qu'il se<br />

colloquedans le terrier des autres1 Je croisque<br />

tu es en train de mettre le pied dans le terrier<br />

du Directoire1<br />

BONAPARTE. Il faut pourvoirà la situation.<br />

LEFEBVRE. Ah!<br />

BONAPARTE, marchant. Nous avonsété assez<br />

longtempsentraînés au loin par la guerre, lassant<br />

à ceshommesun pouvoirqu'ils ne doivent<br />

plus garder!<br />

LEFEBVRE. Ah !<br />

BONAPARTE. Desdiscours,des fêtes, voilà tout<br />

cequ'ils savent faire1<br />

LEFEBVRE. C'estvrai, et nousparadonssouvent pour leur amusement.<br />

BONAPARTE. Lerègne des avocatsest fini!<br />

LEFEBVRE Les avocats!ah! si tu me parlesdes<br />

avocats !. j'en ai plein. la cervellequ'ilsm'embrouillent<br />

avec leurs phrases qui n'avancent<br />

rien. maisc'est égal, j'ai ma consigne!<br />

BONAPARTE. GénéralLefebvre,vousconsentiriez<br />

à soutenirces hommesqui perdent la patrie1<br />

LETEBVKE. J'ai ma consigne,je te dis1 — me<br />

voilà réduit à l'état de caporal. Je pensecomme toi. Les directeurs me contrarient plus que ma<br />

part; il ne font rien de bon, ils mécontentent<br />

l'armée, ils se sont misà dos tout le peuple. Tu<br />

as raisonde vouloirlesdémolir,maisje seraiforcé<br />

de te contrecarrer, et je suis venu pour te le<br />

dire. Disdonc, si ça tournebien, occupe-toitout de suiteet sérieusementde l'armée ; cesavocats<br />

la négligent.que ça fait honteet pitié!. Etablis<br />

un pouvoirferme et régulier; plus de parleurs,<br />

mais des hommesd'actionet dévoués,et que la<br />

France reprenne uneattitude respectable!<br />

BONAPJRTE. Vouspensezdonc commemoi?<br />

I EFEBVHE. Parfa¡: (mellt!<br />

BONAPARTE. Et o:isvoulezvousopposer.<br />

LEFEBVRE. Je ne le veux pas, j'y suis forcé!<br />

toujours par la consigne.<br />

BIJNAPARTE. Maisaujourd'bui même,les membres<br />

du Directoireseront dispersés,et le decret<br />

qui tranfèreles conseilsà Saint-Cluudfacilitera<br />

un événementque vous regretteriezd'avoir vu<br />

s'accomplirsans y participer.<br />

LEFEBVRE. 11y a un décret commecelui dont<br />

tu parles?<br />

BONAPARTE. J'attends qu'on me le signifie.<br />

LEFEBVRE. Oh! alors,il n'y a pasàse tracasser<br />

le tempérament. Le Directoireest enfoncé.<br />

je donnema démission.<br />

BONAPARTE. Je m'y oppose.<br />

LEFEBVRE. A ce compte,il n'y aura que la<br />

consignede changée.<br />

BONAPARTE. Précisément!<br />

JOSÉPIIlNE, entrant. Eh bien, êtes-vous d'accord?<br />

IKFEBVRE. Pardieu, madame, avec un diable<br />

d'hommecommele vôtre, le moyen de ne pas<br />

faire ce qu'il veut.<br />

JOSÉPHÎNE. Bonaparte, voici plusieurs de tes<br />

amis, Lannes, Duroc, Sébasliani, monsieur de<br />

Talleyrand.<br />

BONAPARTE. Bien. (Apart.) Et ce décret. ce<br />

décret qui n'arrivepas!. Le refuserait-on?-Que<br />

pourrais-jefaire alors?<br />

s'agiraitd'une fête que vous ne montreriezpas<br />

plus d'empressement.<br />

LEFEBVRE. Nousy allons peut-être, à la fête;<br />

maison pourrait bien casserles violons.<br />

LANNES. Est-ceque tu seraiscontre nous?<br />

LEFEBVRE. Et si'y étaiscontre vous,après?<br />

LANNES, souriant. Nousnousbattrions.<br />

LEFEBVRE. Eh bien?<br />

LANNES. Ceserait dommage t<br />

LEFEBVRE. Pour toi, sans doute, Gascon du<br />

diable!<br />

LANNES. Pour toi aussi, Alsacienentêté!<br />

LEFEBVRE. Donne-moi la main,écervelé,je suis<br />

avecvous.<br />

LANNES. A la bonne heure! Que te disais-je,<br />

Duroc?<br />

DUROC. Maisje n'ai jamaisdouté de la sympathiedu<br />

général pourBonaparte.<br />

BONAPARTE, bas à Talleyrand. Vous avez vu<br />

.Fouché?<br />

M.DETALLEYRAND, Oui,général.<br />

BONAPARTE. Quedit-il? Quefait-il?<br />

M.DETALLEYRAND. Il surveillel'agoniedu Directoire,il<br />

ne tardera pas à venir.<br />

UNDOMESTIQUE, annonçant.MonsieurFouché!<br />

FOUCHÉ, entrant. Général,madame,je viensun<br />

peu tard, mais c'était pour mieux servir votre<br />

cause.(ApercevantM. de l'alleyrand.)Vousétiez<br />

déjàici,monsieurde Talleyrand?<br />

M.DETALLEYRAND. Oui, monsieur Fouché, j'y<br />

suis mêmedepuisplusieursjours.<br />

TOUCHÉ. Vousêtes prévoyant,monsieur.<br />

M.DETALLEYRAND. Monsieur,vousêtes la prudencemême.[Ils<br />

sesaluent.)<br />

LEDOMESTIQUE, annonçant.MonsieurSieyès !.<br />

BONAPARTE. Enfin1 (4 Sieyès.)Ehbien?<br />

SIEYÈs,à Bonaparte.Général, je suis chargé<br />

de vous communiquerla résolution prise par le<br />

Conseildes Anciens.<br />

BONAPAATE. J'écoute, etje suis prêt à obéiraux<br />

ordresdu Conseil.<br />

SIEYÈS, lisant. «Le ConseildesAnciensdécrète<br />

»ce qui suit: Le Corps législatif est transféré<br />

»dans la communede Saint-Cloud.Les deux<br />

»Conseilsy seront rendusdemain,dix-neufbru-<br />

»maire, à midi. LegénéralBonaparteest chargé<br />

»de l'exécutiondu présent décret, Le général<br />

» commandantla dix-septièmedivision,la garde<br />

»du Corpslégislatif,lesgardesnationalesséden-<br />

»taires, les troupesde ligne, sont mis immédia-<br />

» tement soussesordreset tenus de le reconnaî<br />

»tre en cette qualité. Il<br />

BONAPARTE. Cedécret sauve la France. (Aué<br />

généraux.) Jurons de le faire<br />

lesgénérauxtirent<br />

respecter! (Tous<br />

leur sabre et étendentla main<br />

versBonaparte,qui leurprésentele décret.)<br />

TOUS.Nousle jurons!<br />

BONAPARTE. Lflfeb\ re, vous stationnerez avec<br />

dix mille hommesaux Tuileries. Je donne à<br />

Moreau, qui s'est offertà moi en qualité d'aide<br />

de camp, le commandementdu Luxembourg.<br />

Lannes,tu commanderasla garde du Corps législatif.<br />

Murat occupera militairementla communede<br />

Saint-Cloud.(Onentendbattre la générale<br />

au dehors.) Messieurs,une ère nouvelleva<br />

commencer. secondezvotre généralavecl'énergie,<br />

-<br />

SCÈNE VII.<br />

LESMÊMES, DUROC,LANNES,MONSIEURDE<br />

TALLEYRAND,GÉNÉRAUX, COLONELS, OFFI-<br />

CiERS, puis FOUCHEet SlEYES.<br />

JOSÉPHINE. Messieurs,soyezles bienvenus; il<br />

la fermetéet la confianceque j'ai toujours<br />

trouvéesen vous.La liberté, la victoireet la paix<br />

replacerontla Franceau rang qu'elleoccupaiten<br />

Europeet que L'ineptieou la trahisona pu seule<br />

lui faireperdre.<br />

TOUS. Bien,très-bien!<br />

BONAPARTE. A bientôt,Joséphine!<br />

JOSÉPHINE. Bonaparte,je ne respireraiqu'à ton<br />

retour.<br />

BONAPARTE. Bonespoir,Joséphine. (AllTgénéraux.)<br />

Venez,messieurs.(Fouchéet Talleyrand<br />

restentlesderniers.)<br />

FOUCHÉ, montrant la porte. Monsieur,,après<br />

vous.<br />

M. DETALLEYRAND. Passez, monsieur. je ne<br />

puis pas marcher de front avecles événements,<br />

moi; js nepuis que les benxième Vablcaii.<br />

A Dijon,<br />

suivre,je suis boiteux!<br />

(Ils sortent.)<br />

sur la lisièreducampdel'arméederéserve.<br />

On entendun roulementde tambours,un instant<br />

aprèsdessoldatsentrentet déposentleurs armes.<br />

SCENE PREMIERE.<br />

LÉONARD,ANTOINE,THIÉBAUT,SOLDÂTS.<br />

LÉONARD. Encoreune revue, et toujours des<br />

revues!<br />

ANTOINE. Eh bien?<br />

LÉONARD. Eh bien, ce n'était pas la peine de<br />

nous faire venir pour cela jusqu'à Dijon. Nous<br />

aurionstout aussibien paradé dans le Carrousel.<br />

ANTOINE. Vois-tu,malcontent, le premierconsulà<br />

sonidée, et si noussommesà Dijon,cen'est<br />

pas pour nous amuserlongtempsaux bagatelles<br />

de la porte, nous irons ailleurs.. et plus loin.<br />

Le.premier consul n'a pas fait prendre ici un<br />

billet de logementà soixantemillehommespour<br />

une puérilesatisfaction.<br />

LÉONARD. A la bonne heure, alors.<br />

ANTOINE. Où diablesontdonc mesdeuxfrères?<br />

THIÉBAUT. C'està peinesi leshussardsviennent<br />

de romprelesrangs. doncle brigadiern'est pas<br />

en retard pourvousrejoindre. Quantau marin,<br />

il se promènesans doute à son ordinaire.<br />

ANTOINE. Il en a le droit et le temps,étant ici<br />

à la faveur d'un congé qu'il a pris pour nous<br />

rendre visitea Baptisteet à moi.<br />

TlIIÉBAUT. C'est assez rare de voircommeça<br />

trois frèresau service.<br />

ANTOINE. Oui,il n'aurait plusmanquéquenotre<br />

sœur fût cantinière. maiselleest restéedans le<br />

civil,là-bas, danc "Vepays,du côtéde Fontainebleau.<br />

«<br />

LÉONARD, Et votre neveu, sera-t-il soldat, celui-là?<br />

ANTOINE. Notre neveuest en apprentissage, à<br />

Paris, chezun quincaillier.et il paraît mêmeque<br />

c'est,une pratique qui bousculefréquemmentles<br />

milrchandlsesde son patron. Eh! eh! voici le<br />

généralLanneset le généralDuroc. Rienque ça!<br />

-6 SCENE Il:<br />

LESMÊMES, LANNES,DUROC.<br />

DUROC. Oui, Lannes,depuis trois jours que le<br />

premierconsulest arrivéà Dijon,il n'y a pasun<br />

hommequi ne s'attende à partir au premiermoment.<br />

LANNES. Je l'espèrebien aussi,parbleu!. Tout<br />

à l'heure, en passant cette sorte de revued'inspection,je<br />

me disaisque Berthieravait assezfait<br />

pour sa part, en organisantl'arméede réserve,et<br />

que c'était enfinà notre tour à travailler.<br />

DUROCEt il nous faudra, à mes camaradeset<br />

à moi, bien dSSfaits d'armes pour que notre<br />

nom ait quelqueéclat auprèsdu tien.<br />

LANNES. Flatteur!Nenie follait-ilpasfaire un<br />

peu plus qu'un autre?. je suis parti d'une condition<br />

si humble: fils d'un garçonde fermedu<br />

paysde Lectoure,j'ai fait commetouscesvolontairesqui<br />

se mirent en marche,entraînéspar lé<br />

patriotisme, et dont plusieurssont,revenusnous<br />

joindre ici à l'appel du premier consul et en<br />

abandonnantencoreune foisle foyerdomestique<br />

où ils s'étaient retirés aprèsla guerre. Tiens, •><br />

Duroc,me voici parvenuà un grade élevé; eh<br />

bien,je ne suis jamaisplusheureuxque lorsque<br />

je retrouve quelquecamaraded'autrefois,resté, par une injustice du sort, dans les rangs inférieurs.<br />

Quandje mefisvolontaireà l'arméed'Italie,<br />

simplevolontaire,pouréchapperà l'inactivité,<br />

j'oubliais gaiementque j'avais été chefde<br />

brigadeen quatre-vingt-quinze.<br />

DUROC. Oui, maistoute l'armée avait les yeux<br />

fixéssurtoi,etc'estlà de là que datentcette affection,cetteestime,que<br />

te portele premierconsul. LANNES. A propos de premier consul, sais-tu<br />

qu'il était entraînanthier au soir,lorsqu'ilrappelaitles<br />

événementsqui ont suivi le dix-huitbrumaire?.<br />

Son langage à la fois conciliant et<br />

fermeavec les puissancesétrangères?. l'ordre<br />

et l'autoritéseredressantsur leursruines, à partir<br />

du jour ou, entrant au Luxemi oarg avecse«<br />

deuxcollègues, il prit placesur le fauteuilprésidentiel?Je<br />

voisd'ici Sieyèset Roger Pucosoq


i<br />

LE CONSULAT ET VIMPIHE.<br />

«lisantdu regard qu'ils avaient un maître et<br />

, iVilsn'avaientplusqu'àle suivre..<br />

nunoc.Commenous, commela France! (Lati,Ur-d'Auvergnentre<br />

avecAntoine et quelques<br />

i'ddats. ) Quelestdonc ce vieuxsoldat qui vient<br />

MOUS?.<br />

LANNES. Tu ne l'a doncjamaisvu?. C'estLa-<br />

':.\ur-d'Auvergne!<br />

SCÈNE III.<br />

LESMÛMES , LATOUR-D'AUVERGNE.<br />

T,ATOUR D'AUVERGNE. Tusais, Antoine, que je<br />

,';,"Sà ta disposition.Noussommesd'ancienscarides.<br />

Si ton frère, le marin, a besoinde<br />

¿', Iquerecommandation, j'écrirai un mot à mon<br />

•àrTii,l'amiralBruix.<br />

,ÏN'TOINE. [Herci;maisc'est un loup de mer qui<br />

là-'' ubitionneguèrelesgrades.<br />

; \TODR-D'AUVER«NE. Il a peut-êtreraison.<br />

INNÉS.C'estcela, Latour-d'Auvergnedoitplus<br />

'r.i p rsonnecomprendrela modestie et le dés-<br />

;:I':'j ¡'!'ssement, lui, qui serait général depuis<br />

\':": temps, s'il l'avait voulu; lui, qui a refusé<br />

À tre, mêmelorsqu'ilcommandaiten Espagne<br />

•<br />

Irps de huit centsgrenadiers, appeléla coinfernale.<br />

0. TOUR. D'AUVERGNE. Ecoutez,chacun doitsen-<br />

..:!t.,;; 's forces;moi,je suisun assezbonsoldat,et<br />

:':'"rllmanderais mal peut-êtreune division ou<br />

'.:ti\;c, brigade.Nousavonseu un généraldansnotre<br />

Ile, Turenne:c'estune illustrationà laquelle<br />

,". 'auraisrienajouté. D'ailleurs tout en vou-<br />

• la discipline, je suis un peu soldatirrégu-<br />

X:.,.. un peu partisan. Lorsqu'iln'y a pas à se<br />

0-.,\-e, que la campagneest close, je me retire,<br />

"t -î quitte le sabre pour la plume. j'aime les<br />

'*V';s! (Auxsoldats.)C'estune bonnechose que<br />

'i:.;f,\'fes, allez. lorsqu'ilssontbons!<br />

r N.\KSVousen avezfait vous-mêmequi sont<br />

";;; s et scientifiques,à ce qu'on dit.<br />

R.vTOUR-D'AUVERGNE. Quelquesrecherches,oui,<br />

? ( de travailet d'investigations. Donne-moi<br />

,':;';!tell, Antoine.— (Il rallume sa pipe.) Après<br />

'i:! nx de Bâle, j'ai composéun glossairèdans<br />

< fIj'ai misen regard quarante-ciuqlangues.<br />

¡:!I# fait aussi un dictionnaire français-celtique<br />

"'::"!;;' peut servir pour l'étude des tempspassés.<br />

':.:NNFS. Et vousavezlaissélà vos travauxlit-<br />

':':':."; ires pour rejoindre les volontairesque le<br />

m lier consula rappeléssousles drapeaux.<br />

,';',TOUR-D'AUVERGNE. Il faut tout dire, je me<br />

'i\!:":vieux, j'ai cinquante-septans; peut-être,<br />

iv-r,ne il n'y a plus aujourd'hui pour la France<br />

l,:, iiiger qui la menaçait en 91, peut-êtrese-<br />

,!:,,;;, -je restétranquille en Bretagne,maisj'ai un<br />

-,'.,,;appelé Lebrigant. (Les soldats rient.) Ce<br />

- la vousfait rire, je le conçois. maisjamais<br />

¥i n'a été plus mal appliqué. Lebriganta un<br />

l'uniquesoutiende sa vieillesse. Ce garçon-là<br />

..,:,:!t forcémentpartir pour l'armée; je me suis<br />

;',s.'sonremplaçantet j'ai arrangé cette affaire,<br />

;'.;I:> J! Maintenant, que nous allions à l'armée<br />

v''Ivétie, à l'arméedu Rhin ou ailleurs, je ne<br />

• me dispenserde marcherferme et de tenir<br />

,,i>i , puisque je remplaceun jeune hommede<br />

'•i.";t ans!<br />

a.V^NES.Latour-d'Auvergne, vous dites tout<br />

,t avecune simplicitéqui me prend le cœur!<br />

V*'diable m'emportes'il y a dans toute l'armée<br />

:\'S¡caise un général à qui je seraisaussi flatté<br />

ci ire ce que je vous dis: votre main, mon<br />

If:\'!¡tll'ade!<br />

VTOUR-D'AUVERGNE. Vous voyez donc bien<br />

jii n'a pas besoind'avoirun grade.<br />

jtiANES Au revoir; nous parcouronsle camp,<br />

i ireniierconsulne va pas tarder à le venir<br />

'\j er, selonsa coutume, et il faut que tout soit<br />

,\:.¡;ordre.<br />

t ATOUH-D'AOVERGNK. AU revoir, Lannes ! (A<br />

:';'r."OC.)Général! (Tous deux se donnent la<br />

i.iljJm; Lanneset Durocsortent.)<br />

SCENE IV.<br />

T" L'OURD'AUVERGNE, ATOINE, SOJ.D\T,<br />

puis MAGLOIRE et BAPTISTE.<br />

ANTOINE. Ail!xoici mes deux frères e11trdin<br />

se ilispuler, suivant leur habitude, ce qui<br />

Uiuôcliepas qu'iis s'aimentbien.<br />

BAPTISTE à Magloire en entrant. Tu as beau pUquons-nous!Tu noustombeslà de Parisà Di-<br />

dire, avectes vaisseaux,tes frégateset tes bricks, jon, ni plusni moinsque si nousétionscampés<br />

ça ne me paraît nullement supérieur à l'armée à Belle% ille; c'est surnaturelça!<br />

de ttrre et sous lesarmes.<br />

BAPTISTE. Pourquoias-tu pris cette feuille de<br />

MAGLOIRE. Tu parlescommeces particuliersde route de longueur?<br />

terre ferme qui n'ont jamais quitté le plancher IUAGLOIHE. Pourquoias-tu démarréde chezton<br />

des vaches.<br />

quincaillier? -<br />

LATOfJR-D'AUVERGNE. Votre. frère a MARCELIN. Ah: voilà!mais<br />

pourtant<br />

ne vousfâchezpas,<br />

traverséla Méditerranéepour aller en Egypte.<br />

ça vous ferait mal, à moi aussi, et puisça n'a-<br />

MAGLOIRE. La Méditerranée!. maisc'est à mes<br />

vancerait à rien. Car, comme nous disionsen<br />

yeuxune simplefontaine desInnocents ; je na-<br />

jouant, N, i, ni, c'est fini I J'ai lâchéla boutique<br />

indéfiniment!En voulez-vousla raison?Eh<br />

viguerais dessusdans le moindre s'abot.Je ne<br />

bien,<br />

vous<br />

le commercene m'allait<br />

connaisnullement, mais je respecte votre<br />

pas du tout; je ne rêignorancerelativementà<br />

la chose de la mer.<br />

Telque vousme voyez,j'ai commencéà l'âge de<br />

douzeans par être mousse; cette idée m'était<br />

venueen regardant les carpesdans le bassin de<br />

Fontainebleau.J'ai voyagédans les trente-cinq<br />

partiesdu monde, car les ceux qui prétendent<br />

qu'il n'y en a que quatre sont des fainéantsqui<br />

ont arrangéça en se promenantsur quelqueruisseau.<br />

J'ai grandi, je me suis perfectionnéet<br />

embellipar le traversde toutes les îles connues<br />

et inconnues.J'ai vu le soleild'aussi près que<br />

vousavezpu voirdes lanternessur ce qu'on appelle<br />

des places publiques. J'ai vu des singes<br />

remplacer des hommesavec une parfaite civilisation;<br />

j'ai rencontrédesfemmesde toutessortes<br />

de couleurs,et je dis qu'il n'y a rien à comparer<br />

à la professionde marin; que si j'avais un (ils<br />

ou une lille,je les livrerais au goudron, et<br />

si<br />

que<br />

jamais notre neveume tombe sous la main,<br />

en onclepaternelque je suis,je le colloquedans<br />

les cordages, quand mêmema tendresseserait<br />

forcéede l'y attacher par les quatre membres.<br />

Voila,vieux guerrier, mon opinion politique et<br />

prédominante.<br />

BAPTISTE, Quant à notre neveu, nous verrons.<br />

MAGLOIRE. C'estvu.<br />

BAPTISTE. Non.<br />

MAGLOIRE. Si!<br />

LATOUR.D'AUVER&FE. Voyons,mes amis, vous<br />

êtesfrères,vousêtes heureuxde vousretrouver,<br />

et vousvoilàà vousdisputer!.<br />

MAGLOIRE. C'estvrai, c'est inconvenant;merci,<br />

vieux!. J'ai quitté le Tonnantqui està Cherbourg<br />

en conséquencede permisson,et pour saluer<br />

mes frères en mêmetemps que l'arméede<br />

terre, laquelleest respectablequoique étrangère<br />

à l'Océan.Donc, Magloirevousoffre son estime<br />

et son amitié. Votrenom, s'il vous plaît?.<br />

LATOUR-D'AUVERGNE. Latour-d'Auvergne.<br />

MAGLOIRE. Latour-d'Auvergne!(Sedécouvrant.)<br />

Ah! triple frégate! c'est autre chose: hommes<br />

d'eau saléeou soldatsde rivière,chacunvousest<br />

redevablede sa vénération ; prenezla mienne,et<br />

si vousme donnezvotreamitié,je m'en vanterai<br />

près-de mes camaradesplus que si j'avais trinqué<br />

avecn'importequel monarque.<br />

LATOUR-D'AUVERGNB. De grand cœur, matelot!<br />

(Lessoldats regardent dans la coulisse.) Qu'y<br />

a-t-ilpar-là?<br />

MAGLOIRE. Le premierconsul? je ne seraispas<br />

fâché de le saluer.<br />

LÉONARD. Le premierconsul! du tout! c'est un<br />

jeune voyageurqui a l'air assezdéluré, ma foi,<br />

et qui semble chercherquelqu'un! ( Appelant.)<br />

Hél l'ami, par ici!<br />

SCENE V.<br />

LESMÊMES, MARCELIN.<br />

MARCELIN. Tiens!lesvoilàtouslestrois! l'oncle<br />

Antoine,l'oncleBaptiste,l'oncleMagloire!<br />

ANTOINE, BAPTISTK et MAGLOIRE. Notreneveu!<br />

MARCELIN, Ah! nomd'un chien! quellechance!<br />

on m'avaitbien dit que vous étiez touslesdeux<br />

par ici; mais l'oncle Magloirc,je le<br />

ses<br />

croyaisavec<br />

requinset sescrocodiles.<br />

MAGLOIHE. Ahçà! goujon, à quelle occasion<br />

navigues tu par ici?<br />

ANTOINE. Tamère?<br />

MARCELIN. Ma mèreseportebien,d'aprèsceque j'en ai su avantde partir.<br />

BAPTISTE. Ton patron?<br />

MARCELIN. Mon patron ! je l'ai planté là pour<br />

reverdir !<br />

i.n'ont-n'AuvERGNE. Uneescapade?<br />

L\I,CI


LE CONSULAT ET L'EMPIRE. v<br />

MARCELIN. Qu'est-cequ'il faut faire?-<br />

M«GLOIRE. Chosir ta destinée guerrière dans<br />

les trois ustensilesque voilà; nousallonslesplacer<br />

par terre devant toi.<br />

MAHCRLlN. N'importelequel,ça me va! Je sais<br />

battre la caisse,sonnerde la trompette,etje nage<br />

commeun éperlan.<br />

MAGLOIRE. Est-ceque ce brin d'herbefinirait<br />

par enfoncerses trois oncles, relativementà la<br />

renommée!Pars du pied gauche ! va devanttoi!<br />

iluandje dirai: halte! arrête et ramassece qui<br />

fera sousta main!une! deux! trois!. (Marcelin<br />

lit quelquespas.)<br />

ANTOINE. Obliqueà droite légèrement!<br />

MAGLOIRE. Uncoupd'aviron versle milieu!,<br />

BAPTISTE. Fends-toi versla gauche.<br />

LATOUR-D'AUVERGNR, Ah çà, mais ce n'est pas<br />

de francjeu, ce que vousfaiteslà! Vacommetu<br />

l'entendras,petit.<br />

MAGLOIRE. Halte ! •<br />

MARCELIN. Faut-ilramasser?<br />

TOUS.Oui!. (Il ramasse la trompette).La<br />

.trompette!<br />

MAGLOIRE. Triplefrégate! j'ai du malheur!<br />

BAPTISTE. Bien touché,mon neveu!. aujourd'hui<br />

même intercalédansleshussards ! (Marcelin<br />

tire quelques sons de la trompette).Çaira tout<br />

seul; le chef de musiquete recevra dans son<br />

cœur.<br />

LATOUR-D'AUVRRGNE. Et s'il y a quelquesdifficultés,<br />

je me chargede les fairelever.<br />

ANTOINE. Alors, c'est comme si Latour-d'Auvergne<br />

te servait de parrain pour ton entrée au<br />

service. tu pourras te vanter d'en avoir de<br />

l'honneur!<br />

LATOUR-D'AUVERGNE. Soit, son parrain, comme<br />

tu dis,Antoine,(AMarcelin.)Ecoute,monenfant,<br />

(Marcelin s'approche, ainsi que les soldats qui<br />

formentun cercle.)Etresoldat, c'est défendreet<br />

protégersa mère; car la patrie, c'est notremère<br />

a toust (Les soldatsécoutentdans un silence<br />

respectueux.— Bonaparte entre avec Lannes,<br />

I'uroc et quelquesofficiers : il s'arrête en<br />

vantaperce-<br />

les personnagesqui sonten scène,fait<br />

à ceuxqui<br />

signe<br />

l'accompagnentde garder le silenceet<br />

s'approchedu cercleformé par lessoldats.)Etre<br />

soldat, c'est prendrepour loi suprêmele devoir,<br />

et pour guide,l'honneur.Soiscourageux,enfant,<br />

sois digne de l'uniforme que tu vas revêtir;<br />

n'oubliepasquedans une arméecommela nôtre,<br />

l'épaulette de laine oblige comme l'épaulette<br />

d'or, car le drapeaude la France anoblit,soldats<br />

ou généraux,ceuxqui combattent poursa gloirel<br />

Soisintrépidedans la bataille, et généreuxpour<br />

l'ennemi vaincu! — La véritable bravoure se<br />

reconnaîtaux sentimentsd'humanité ! Remercie<br />

Dieu s'il t'accorde de mourir dans un jour de<br />

victoire.Si tu survisà tes campagnes,et que tu<br />

retournesdans tes foyers, décoréde cicatrices,<br />

remercie-leencore d'avoir honorablementpayé<br />

ton tribut à cettemèreà tous, dont je te parlais:<br />

la Patrie!<br />

BONAPARTE, s'avançant le chapeau,à la main.<br />

Merci,Latour-d'Auvergne !<br />

TOUS.Le premierConsul !<br />

sous les armes!. (Roulementde tambours,les<br />

rangs se forment.)Qu'onbatte un ban comme<br />

pourla promotion<br />

SCENE VI.<br />

LESMÊMES,BONAPARTE,LANNES,DUROC,<br />

OFFICIERS.<br />

BONAPARTE. Oui, mercide faire entendreà ces<br />

soldats,à cejeune homme,ce langagequi dans<br />

votre boucherevêt le caractèred'une vertu antique!<br />

-<br />

LATOUR-D'AUVERGNE. Général.<br />

BONAPARTE. Je disais ce matin à Berthier,à<br />

propos d'une missionque je veuxvous confier :<br />

Latourd'Auvergneest un hommede Plutarque,<br />

un modèlepour nos armées.<br />

LATOUR-D'AUVERGNE. Général,je ne suis qu'un<br />

soldat, un vieuxsoldat.<br />

BONAPARTE. Oui, et vous avez toujoursrefusé<br />

des titres que vousauriez Honorés. Il en est un<br />

que vousaccepterez,je l'espère,et que je viens<br />

vousconférer.<br />

I.ATOUR-D'AUVERGNK. Pardon, général, mais je<br />

préfère rester dans les rangs où j'ai repris ma<br />

place. Je ne veuxpas commander. je.<br />

BONAPARTE, souriant. Alorsobéissez 1 Rassurezvous,<br />

la dignité que je vousapportene saurait<br />

rien changer à vos habitudes modestes.Je l'ai<br />

créée tout exprès pour vous. Qu'onse mette<br />

d'un général de division. (Le<br />

ban est battu.) Latour-d'Auvergne,sortez des<br />

rangs.Officiers,sous-officierset soldats! je proclameThéophileMalocoretde<br />

Latour-d'Auvergne,<br />

premier grenadier de France!. Venezque je<br />

vousembrasse,nouveauBayard,de qui l'on peut<br />

dire aussi : Il est sans peur et sans reproche!<br />

(Acclainations. )<br />

LATOUR-D'AUVERGNE. Ah! général,cette distinction<br />

que vousm'accordezest bien au-dessusdes<br />

gradesque j'avais refusés!<br />

BONAPBRTE. Soldats, imiteztoujoursce modèle<br />

de bravoureet de dévoûrnent.<br />

TOUS.ViveLatourd'Auvergne t<br />

SCENE VII.<br />

LES MÊMES,UN AIDE DE CAMP.(L'aide de<br />

campremetune dépêcheau<br />

le<br />

généralBonaparte,<br />

générall'ouvreet la parcourt desyeux. - A<br />

lui-même. )<br />

BONAPARTE. Bien ! (S'adressant aux officiers<br />

qui l accompagnent.)Messieurs,le moment est<br />

venude vousfaire connaître le véritable but de<br />

l'expéditionà laquellevous allezprendre part.<br />

Cen'est pas en Allemagne,c'est en Italie que<br />

nous allons combattre!<br />

TOUSLESGÉNÉIlAUX. En Italie!<br />

BONAPARTE. Oui!. nous allons franchir le<br />

Saint-Bernard.<br />

Toys.Le Saint-Bernard!<br />

BONAPARTE. C'estune entreprisehardie que de<br />

j-ior ainsiune arméeau delà de ces formidables<br />

amasde neigeet de glace,surtout à l'époqueoù<br />

nous sommes; mais Gassendiet Marescotsont<br />

d'avis que si l'entreprise est difficile,elle n'est<br />

pasdumoinsimpossible. celadoit noussuffire.<br />

LANNES. Et d'ailleurs, ces montagnesde neige,<br />

ces rochersde glace,cesavalanchesoffrent-ilsde<br />

plus grandsdangersque ceuxque nous avionsà<br />

affronteren Egypte? N'était-cedoncrien que ces<br />

tourbillonsde sable, cesoleildévorant,cedésert<br />

immense?. Nossoldatsse sont montrésdignes<br />

de la tâchequi leur était imposée.Il en serade<br />

mêmeaujourd'hui : aveceux on peut tout entreprendre.<br />

BONAPARTE. L'Europe' ft trompéeà notre séjour<br />

dans cette ville. Réveillons-lade son erreur<br />

par des coups de tonnerre 1 (Roulementde<br />

tambours, les troupesse mettentsousles armes,<br />

S'adressant aux troupes.) Soldats, nous allons<br />

franchir le Saint-Bernard ; vousaurez à lutter<br />

contre des obstacles presque insurmontables,<br />

maisvousen triompherez,j'en suis sûr, comme<br />

vousavezl'habitude de vaincresur le champde<br />

bataille, l'ennemiqu'on vous donne à combattre!<br />

Cette entreprise doit prendre place dans<br />

l'histoireà côtéde la grandeexpédition d Annibal!<br />

Couragedonc ! soldats,je comptesur vous<br />

et la France vousregarde ! (Acclamations,mouvementde<br />

troupes.)<br />

TOUS.ViveBonaparte !<br />

à piedet chaqrecavalierconduitsonchevalparU<br />

bride.Lesfantassinsrelaientlesartilleurslorsqu.<br />

ceux-cisontfatigués.Lesofficiersaidentet encoiragentlessoldatsqui,épuisésdefatigue,<br />

Troisième tableau.<br />

Aupied du Saint-Bernard.Un passageétroit.Commencement<br />

dudéfilé del'arméefrançaise.<br />

Quatrième tahleasi.<br />

LE MONTSAINT-BERNARD.<br />

La neigetombeavecforce.— Au lever du<br />

dessoldatsdedifférentesarmessontoccupésà<br />

rideau,<br />

démonterdes<br />

piècesd'artillerieet à les numéroter.<br />

Ici,ontraînedescaissons ; là,onséparedescanons<br />

de leurs affûts.Dessapeurscreusentdes troncs<br />

d'arbresà coupdehache;danslecreuxdecesarbres<br />

on placeles canonsséparésde leurs affûts.On<br />

forge,ou scie, on cloue,onmetdesroueset des<br />

petitescaissescontenantdesprovisionsurle dos<br />

deschevaux.Desgénérauxet desofficiersdetous<br />

gradesdirigentcesdiversesopérations.Partoutle<br />

mouvement et 1agitation.—Les tamboursbattentla<br />

charge.—Lestroupessemettenten marchetcommencentàfranchirle<br />

Saint-Bernard.Des canonniers<br />

s'attèleiit aux pièceset lestraînent.Lacavaleriest<br />

sontohli.<br />

gésdes'arrêterde tempsen tempspour reprendrj.<br />

haleine.— Bonapartesurvient : l'ourexciterle*<br />

troupes,il faitjouerà la musiquedesairsquileul<br />

rappelentleursanciennesvictoires.Alorsdes accla*.<br />

mationspartentdetontepart,et lescris: Enavant<br />

en avant!sefontentendrede nouveau.— Ons4<br />

remeten marche.— Lorsqu'unepartie deshau<br />

teurs du théàtresontgravies,et queles troupe<br />

défilenten bas pourmonterà leurtour, on n'a",<br />

vanceplus,on marquele pas.Alorsun panorama<br />

mobilesedéroule,et laisseapercevoir tour à tour<br />

diversaspectsdu mont Saint-Bernard.Enfinsur<br />

l'extrêmehauteurapparaîtle monastère.- Bonapartele<br />

désignedu doigt à ses soldats.- L'enthousiasmeredoubleet<br />

l'ascensionse faitauxcris<br />

de: VivelaFrance !<br />

Cinquième Tableau.<br />

Ungalerieà ogives.Elleest complétement ouverte,<br />

et laissevoirà traverslesfenêtresdu fond,la descentedumontSaint-Bernard.<br />

Auchangement onentend<br />

tinterlaclochedu monastère.<br />

SCENE PREMIERE;<br />

LE SUPÉRIEUR,MOINES.<br />

Deuxmoinesentrent; ils tiennent en laisse deux<br />

chiens.Arrivésau milieudu théâtre, cesreligieuxs'inclinent-enentendantchanter<br />

dans la<br />

•coulissele chœursuivant:<br />

CHOEUR.<br />

Cénobitesdecel'aint lieu,<br />

Lecœurpleind'espoiret de crainte,<br />

Prosternons-nous, la clochetinte,<br />

ElevonsnosâmesversDieu!<br />

Seigneur,de tonpuissantregard<br />

Soutienstesserviteursfidèles,<br />

Etdaigneabritersoustesailes<br />

Lesmoinesdu montSaint-Bernard.<br />

(Lesmoinesentrent.)<br />

LE SUPÉRIEUR, entrant avec les moines. A'<br />

présentque nous avonsélevénos cœurs vers le<br />

divin maître de toutes choses,songeonsà remplir<br />

les devoirs que notre sainte règle nous<br />

prescrit. Garnissez vos besaces, prenez vos<br />

bâtons ferrés et mettez-vous en route sans<br />

plus attendre. (Quatre desmoinesprésents exécutent<br />

les ordresdu supérieur. Le supérieurcaressant<br />

un deschiens.)Monbrave Fidèle,la semaine<br />

dernière, tu t'es élancéau secobrsd'un<br />

voyageur, qui venait de tomber dans un précipiceet<br />

tu l'as sauvé ; courage, mon bon chien,<br />

courage!veillebien. cherchebien et tu seras<br />

récompenséau retour ! (Lesquatremoinessortent.<br />

LeSupérieurs'adressantà un autre moine.)Avezvousveilléà<br />

ce qu'on traitât du mieuxpossible<br />

les officiersfrançaisqui sont venushier au soir<br />

nousdemanderl'hospitalité?<br />

LEMOINE. Oui, mon père, nous avons exécuté<br />

vos ordres; ce matin, aux premiers rayons du<br />

jour, ils sont allésexplorerle Saint-Bernard.Les<br />

voici,mon père. (Onaperçoitau fondde la gale<br />

rie, Bonaparte,DurocetdeBourrienne;Bonaparte<br />

porte la capotegrise boutonnée,les deux autres<br />

égalementen redingotesboutonnéeset de la plus<br />

grande simplicité.Ils s'arrêtent au fond et causent<br />

touslestrois à voixbasse.)<br />

LESUPÉRIEUR, aux moines.Quechacunde vous,<br />

mesfrères,se rende à ses occupationsaccoutu mées.(Lesmoiness'éloignent.)<br />

SCENE II.<br />

LE SUPÉRIEUR,BONAPARTE,DE BOUR-<br />

RIENNE,DUROC.<br />

BONAPARTE, descendantla scène.Le passagede<br />

J'armées'est effectuéavec plus de succèsque je<br />

ne l'espérais. Maintenant,si le général Lannes<br />

parvientà sortirde la valléedAostesansencombre,s'il<br />

réussità s'emparerdu fort de Bardet à<br />

dirigerpromptementsonartilleriesur Ivrée, nos<br />

affairesserontenbon chemin ; avantde nousmettre<br />

en route,eten attendantlesdépêchesqueBerlbieret<br />

Lannes doivent me faire parvenir ici,<br />

hâtez-vous.d'achever le travail que je vous ai


6 LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />

demande(Boliviennet Durocsemettait à écrire.)<br />

LESUPÉRIEUR, à Bonaparte.Je voussalue, mon<br />

hôte!<br />

BONAPARTR. Et vous, mon révérend, recevez<br />

mes remcrclinentspour l'accueilque nousavons<br />

reçu dans le monastère.<br />

LESUPÉRIEUR. Nous n'avonsfait qu'observerla règle de notreordre.<br />

BONAPARTE. Oui,maislesdevoirsque vousvous<br />

imposezdemandentdes vertus qui n'appartiennent<br />

qu'à descaractèresélevés.Exiléspour ainsi<br />

dire du monde,sans cesseen butte auxrigueurs<br />

des éléments. prèsde la mort que vousbravez<br />

à chaquepas, votreexistencen'est qu'une abnégation<br />

perpétuelle et courageuse. Vousêtes les<br />

vraissoldats du Christ!<br />

LESIPÉIHEUR. Vousnouslouezau délà de notre<br />

faiblemérite.<br />

BONAPARTE Non, mon révérend,vous continuez<br />

saintement l'oeuvrede votrevénérablefondateur,<br />

Bernardde Meutboi).<br />

LESUPÉRIEUR. C'était un digneprincedo l'église!<br />

BONAPARTE, Il vousa légué, commevousléguerez<br />

à vos successeurs,cet esprit'de charité<br />

chrétiennequi l'inspiraitlorsqu'il créa cet asile<br />

d'où partent des hommesdévouésà la recherche<br />

desvoyageurségarésdansleur route ou ensevelis<br />

sous desflotsde neige !<br />

LESUPÉRIEUR • Noussommessi heureuxde sauverquelquesvictimes<br />

! il est sidouxde se dire,en<br />

approchantde la tombe,<br />

j'ai<br />

fait un peu de bien<br />

ici bas! Noussommesde l'égise militante,notre<br />

devoirest de combattrepour l'humanité,lesouragansdéchaînéset<br />

cette nature des montagnes<br />

qui a sesnaufragescommel'Océan.<br />

BONAPARTE. Oui, de l'héroïsmedans la solitude,<br />

c est beau; vous devezmieux dormirque<br />

les conquérants!Cemonastèrepossédait autrefois<br />

desrevenusassezconsidérables ; ils se sontépuisés<br />

à force de bienfaits. votre hospitalité est<br />

toujoursgratuite; ne pouvez-vouspas être dans<br />

l'avenirentravédans l'accomplissementde votre<br />

ministère?<br />

LESUPÉRIEUR, désignantle tronc. Voicil'épargne<br />

des pauvres. chacun y dépose librement<br />

son offrande. Dieuveille et nous avonsfoi en<br />

lui!.<br />

BOAAPARTE. Votremain,mon père. l'étreinte<br />

de la main d'un homme tel que vousdoit porter<br />

bonheur!<br />

LESUPÉRIEUR. Dieuvousgarde, mon frère1<br />

SCÈNE III.<br />

LESMÊMES, GIACCOMO,<br />

GIACCOMO. Pardon, excuse, mon révérend; et<br />

vousaussi, seigneurofficier.<br />

LE SUPÉIUEUR. Te voilà de bien bonne heure,<br />

aujourd'hui, Giaccomo.<br />

GIACCOMO. Je suis au monastèredepuis hier<br />

au soir, monrévérend; j'ai passéla nuit dans<br />

l'écurie, à côté de mesmules. C'est moi qui ai<br />

amenéi signoriqui soct ici. Je venaisminformer<br />

sils jugeaient à proposde se remettreen<br />

route avant l'heure de la fonte. Ce serait alors<br />

le bon moment.<br />

BONAPARTE. Nousavons mis huit heures pour<br />

arriverdu pieddu Saint-Bernardici; mais, pour<br />

descendre,il doit, ce me semble, falloir beaucoup<br />

moinsde temps.<br />

GIACCOMO, hochant la têlc. Eh! eh! la route<br />

est difiiiie. plus difficile qu'en montant.,<br />

pour les mulessurtout Il faut toujoursretenir,<br />

ot fermemême!<br />

BONAPARTE. Maisen traîneau?<br />

GIACCOMO. On peut mettre un tiers moinsde<br />

temps,c'est vrai; cependantje ne vousconseille<br />

pas de vousy hasarder à cette époquede l'année,<br />

c'est très-dangereux. Il ai faile tandis que nous grimpionsle Saint-Bernard,<br />

au sujet de la maisonnetteet du chanp<br />

qui sont en vente au bourgSaint-Pierre.C'était<br />

histoirede causer!je ne suis pasassez fou pour<br />

songerque je pourrais jamaisen devenirle propriétaire.Il<br />

me faudrait pour cela travaillerplus<br />

de vingtannéesde ma viesans toucherà un seul<br />

denierde mon gain, ce qui est impossible,attendu<br />

que j'ai un père infirmeet une bonne<br />

vieillemère à soutenir. Et pour moi, ça passe<br />

avant tout, ça! c'est une idéequi m'a pousséje<br />

ne sais pas trop pourquoi, et qui s'est en allée<br />

aussitôt qu'elle était venue. Oh! c'est fini, je<br />

n'y penseplus, et n'y repenseraimêmejamais!<br />

BONAPARTE. Tu as peut-êtretort.<br />

GIACCOMO. Tort de renoncerà désirer ce qu'on<br />

sait qu'onn'aura jamais !. Oh! faitesexcuse,ce<br />

serait une bêtise, et fiut pas me la conseiller.<br />

BONAPARTE. Eh! mon Dieu,qui sait! (Duroc,<br />

Bouriennese lèvent de la table à laquelle ils<br />

étaientassis,et remettentà Bonapartedespapiers<br />

qu'ilstiennentà la main.)<br />

GIACCOMO, à lui-même.Il est bon là, avecson<br />

qui sait! l'officier! Ah! s'il s'agissait d'une<br />

pierre pour merompre le cou, je ne dis pas.<br />

il n'yen aurait qu'une dansla montagneque je<br />

seraissûr de mettre le pied dessus. mais la<br />

maisonnette, le champ. Ali ! plus souvent!<br />

(Bonapartea parlé bas.à Bouriennependant<br />

n'y a pas encore<br />

huit jours qu'un voyageuranglaiss'y est entêté,<br />

et il estallé se perdre, lui et sontraîneau, dans<br />

le f..nd d'un précipice.Sans Fidèle, c'était un<br />

homme perdu. Croyez-moi,au risque d'aller<br />

moinsvile. gardezmesmules,et laissezles traîneauxde<br />

côté,<br />

BONAPARTE Je crois que ce qui te rend si<br />

craintif, cest moinsle dangerqu'il y a à courir<br />

que l'inquiétudede perdre le petit profit que tu<br />

aurais à faire en continuant de nous servirde<br />

guide.<br />

GIACCOMO. Ah! Santa lUaria 1 vous ;r. :


LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />

1<br />

faire comprendrequ'il raconte ce qu'il a fait<br />

à soncôté.)<br />

BONAPARTE. Ahl ils sont fous! Allonsdonc!<br />

jamais: jamais!<br />

DUROC. Qu'avez-vous,général?<br />

BONAPARTE. Berthier et Lannes m'annoncent<br />

que le fort de Bardtient l'avant-gardeen échec,<br />

qu'il estimpossiblede fairepassernotre artillerie<br />

tous lefeudecetteforteresse;quedansla crainte<br />

d'encombrement,ils ont suspendula marchede<br />

arméeet du matériel.Ils meconseillentenfinde<br />

faire un mouvementrétrograde, de changermon<br />

plan d'attaque ,<br />

DUROC. Ceseraitun fàcheuxdébut. ce serait<br />

perdre tout l'avantagedu temps que vousavez<br />

gagné. °<br />

BONAPARTE. Ils s'exagèrentla difficulté. Au<br />

surplus, ilSontjointàleur dépêcheunplan dela<br />

positiondu fort. Nousallons voir. (Il ouvre le<br />

planet le posesur la table. Toustrois sepenchent<br />

sur la tableenexaminant.)<br />

BAPTISTE, à Marcelin.Embrasse-moi encore.<br />

Je pleure ni plus ni moins qu'un mioche en<br />

sevrage!<br />

MARCELIN. Monbon oncle!<br />

DUROC, à Bonaparte. La positionest en effet<br />

formidable. -<br />

BONAPARTE. Oui, les canonsdu fort atteignent<br />

la routedans touslessens.,.<br />

DUKOC. L'escarpementne permet pas l'escalade..<br />

et nul moyend'établir une batteriepour<br />

battre en brèche.<br />

BONAPARTE, selevant. Pourtant je n'aurai pas<br />

réussià franchir une desplus hautesmontagnes<br />

du globe,pour êtrearrêté parun simplerocher.<br />

Oh! non! non! Si par quelqueruse habile et<br />

hardieje pouvais. (Il porte la mainà sonfront<br />

commeun hommequi cherche.Puis, s'animant.)<br />

Oui,par cemoyen,je puisréussir.Je rdussirai!.<br />

(Ilaut.) Partolls, partons!<br />

GIACCOMO, s'approchant.Je vassellerlesmules.<br />

BONAPARTE, vivement.Non!. un traîneau) un<br />

traîneau!<br />

GIACCOMO, étonné.Ah!<br />

BONAPARTE, au prieur. Monpère, je vousrenouvellemesremerclments.'(Il<br />

prendsur la tablelesdeuxpapiersque<br />

Bourriennea écritset il<br />

lessignevivement.)<br />

BAPTISTE. aux moinesauxquelsil tend la main.<br />

Mesbravescapucins,à vousjusqu'à lamort.<br />

MARCELIN. Je n'oublieraijamais tout ce que<br />

vousavezfait pourmoi. (Ils sortent.)<br />

BONAPARTE, remet des papiers à Giaccomo.<br />

Tiens. Venez.(Bonaparte,Duroc et Bourrienne<br />

sortent.)<br />

GIACCOMO, lisant un des papiersque lui a remisBonaparte.«J'ordonneau<br />

payeurde l'armée<br />

de remettre au guide Giaccomola sommequi<br />

lui est nécessairepour acheterle champet la<br />

maisonqui sonten venteaubourgSaint-Pierre 1.<br />

Signé,Bo.bo.na.na. Bonaparte!»<br />

LESUPÉRIEUR. Bonaparte!. c'était lui!.<br />

GIACCHOMO. ouvrant le secondpapierqu'il parcourtdes<br />

yeux, puis s'adressantau LE GÉNÉRAL,UN COLONEL,OFFICIERS, puis<br />

OTT.<br />

OREILLY, tout en regardant. Vousavez beau<br />

dire, colonel,ce n'est pas la divisiondu général<br />

Haddickque j'aperçois<br />

supérieur.<br />

Cet autrepour vous,monrévérend,pourvous.<br />

voyez!<br />

LESUPÉRIEUR prend lepapier et lit. « Ordrede<br />

remettreau supérieurdes moinesdu montSaint-<br />

Bernard,pouren fairetel usagequ'il voudra,la<br />

sommede cinquantemillefrancs. »<br />

GIACCOMO. Voilàune fortune1<br />

LESUPÉRIEUR Oui,pour lespauvresqui bénirontct-lui<br />

quila leurdonne.<br />

OIACCOMO. Ah! venez, mon révérend,venez,<br />

couronslui exprimer.<br />

LESUPÉRIEUR, allantà la fenêtredu fond. Il<br />

n'est plustemps,,sontraîneauest lancé!<br />

GIACCHOMO, agitant son chapeau. ViveBonaparte!<br />

LESUPÉRIEUR, levant les mains au ciel. Seigneur,<br />

veillez sur lui! (Ils sortent. — Changement.)<br />

Sixième tableau.<br />

LA PRISE D'IVRÉE.<br />

Lethéâtrereprésentele principalbastiondela citadelleti'Ivrée.<br />

— Aulever 'durideau,on général<br />

Croate,entourédesonptat-major, regardeait loin<br />

à traversunelougue-Vue. au loin dansla plaine, ce<br />

n'est pas le drapeau de l'Autriche que je vois<br />

flotter! Au surplus nous allons savoir à quoi<br />

nousen tenir.<br />

OTT,entrant. Général,les Françaisont franchi<br />

la valléed'Aoste. ils marchentsur Ivrée.<br />

OREILLY. Que vousdisais-je? (AOtt.) Le fort<br />

de Bard a donccllpitulé?<br />

OTT.Non, général; il tient encore, mais les<br />

Françaisont creusé un chemin dans lesroches<br />

d'Albaredo,et le commandantdu fort n'a pu<br />

s'opposerà leur passage !<br />

OEILLY.Oh! ce Bonaparte!ce Bonaparte!et<br />

legénéralHaddick? OTT,A été culbuté par le général Lannes,il<br />

est en pleine déroute, on lui a fait quinzecents<br />

prisonniers.(Desofficierset dessoldats arrivent<br />

encourantet en criant : LesFrancais! lesFrançais!<br />

Lecanonse fait entendre. )<br />

OREILLY. Aux armes!. (L'actions'engage,les<br />

Croatessont repoussés.Les Français à la tête<br />

desquelsestle généralLanneslespoursuivent.)<br />

Septième Tableau.<br />

Uneviolenteexplosionsefaitentendre.—Lerideau<br />

dufondse lèveeton aperçoitla brècheouverte,et<br />

lesFrançaisluttantcontreles Croates.<br />

LANNES,saisitun drapeauet lesguidant.<br />

LANNES. En avant! camarades,en avant!.<br />

qui m'aimeme suive! (Laposition est emportée,<br />

lesCroatesmettentbas lesarmes.)<br />

LANNES. Ivréeestà nous.Victoire '• ViveFrance!<br />

ACTE II.<br />

I<br />

Huitième Tableau. ¡<br />

A la Stradella.Unintérieur.<br />

SCENE PREMIERE.<br />

DUROC,SECRÉTAIRES.<br />

DUROC, entrant, aux secrétaires.Metteztoutes<br />

ces dépêchessur cette table, messieurs,je les<br />

donnerai à signer au premier consul. (A un<br />

secrétaire.) Hâtez-vous de rédiger une note<br />

assezdétailléesur cequi s'est passéparminous.<br />

autour de nous, depuis hier, 8 juin, que nous<br />

avons quitte Milan pour venir ici, à la Stradella.<br />

(Aun autre secrétaire.)Vous,monsieur,<br />

reprenezle récitinterrompude ce qui s'est passé<br />

à Milan. (Aun autre.) Et vous, préparez le<br />

tableaudes décretset ordonnancesrendus parle<br />

premierconsul. Le voici.<br />

SCENE II.<br />

DUROC,BONAPARTE,AIDESDE CAMP,<br />

GÉNÉRAUX.<br />

BONAPARTE, aux aidesde camp. Messieurs,je<br />

vousrappellelesinstructionsqueje vousaidonnéesafin<br />

que rien ne vouséchappe.(A un aide<br />

decamp.)Allezdireau général Lannesqu'ils'est<br />

portéun peu trop en avalltde la Stradella; mais<br />

quel'inconvénientdisparaîtra,grâceauxdivisions<br />

Chambarlhac,Gardanne,Monnieret Boudetqui<br />

l'ont<br />

rejoint; grâceencoreauxnouveauxrenforts<br />

que j'ai dirigésde son côtéSi la bataillen'est<br />

pas engagéequand vous arriverez,qu'il n'aille<br />

pasplus loin pour la livrer,et attendel'ennemi<br />

versCasteggio et Montebello. (L'aidede camp<br />

sort) Bonjour,Duroc!<br />

DUROC, s'inclinant.Général!.<br />

SCÈNE m.<br />

BONAPARTE, DUROC, GENERAUX.<br />

BONAPARTE, auxgênêraux.Savezvous,messieurc,<br />

ce qui va arriver,ce qui arrivepeut-être en ce<br />

moment? Eh bien,Lannes1va'uoas remporter<br />

une victoire; il va se heurter contreles AutricIiem<br />

et illes cuibuWrii'! 7<br />

DUROC. Général!.<br />

BONAPARTE. Eh bien; parlez, — je parie que.<br />

vousavezquelqueobservationà me faire sur co<br />

qui se passe?<br />

DUiloc. Précisément.<br />

BONAPARTE. Voyons!<br />

DUROC. Je vousai toujoursvu,jusqu'à présent,<br />

concentrervosforcesen facede l'ennemi"tiujOUl"<br />

dhui vouslesav,zdisséminées.<br />

BONAPARTE. Ah! je vaisvous répondrevictorieusement,je<br />

lespère. Oui, ma tactique habituelle<br />

est d'agir par masses;mais, toute tactique<br />

doit quelquefoisse modifier. — Le vieux Mêlas<br />

est habileet il me faut souventle déroutlT.—<br />

Ecoutez,je viseà une affairedécisive,à une de<br />

ces grandesbatailles qui font un dénouement<br />

complet,absolu!Je tends autour de mes adversairesun<br />

réseau assezfort pourles retenir; puis,<br />

vousmeverrezreprendremon principeordinaire,<br />

la concentration 1 Jusque-là,je joue au fin. Je<br />

faisde la stratégie! (Souriant,)Je suis un peu<br />

renard, en attendantquej'étendet laissetomber<br />

sur ma pro'e desgriffesde lion 1.<br />

DUROC. le comprendsmaintenant.<br />

BONAPARTE, s asseyant.Voyons,Duroc,quediton<br />

dansl'armée?<br />

DUROC. On dit quecettecampagnedurerabien<br />

moins longtemps que la première campagne<br />

dItalie.<br />

BONAPARTE. Je l'espère bien. J'ai hâte de<br />

retournerà Paris 111ne faut pas qu'on m'oublie<br />

là-bas.<br />

Dunoc.Général,vosvictoiresfont assezparler<br />

devous.<br />

BONAPARTE. Oh! mesvictoires!Etudiezbienles<br />

rapports qui nous sont adressés,et vousverrez<br />

si, au premier revers, à la premièrenouvelle<br />

répandue par des malveillants,toute la tourbe<br />

sur laquellej'ai misle pied ne.seredresseraitpas<br />

commeun serpent mal écrasé! [Parcourant les<br />

dépêches.)Vousécrirezà Fouchéqu'il ne voitpas<br />

nosvrais ennemislà où ils sont; à Talleyrand,<br />

que je suis contentdes instructionsqu'il a donnéesaux<br />

agentsdiplomatiques, - quelquesmots<br />

grondeursà Cambacérès;on a injustementdestitué<br />

un juge de paixdu Morbihan,et admonesté<br />

un juge au tribunal civil de Montpellier : j'ai<br />

examinéces deux affaires,j'ai comparé, apprécié;<br />

ces deux magistrats ont agi commeils le<br />

devaient, il leurfaut donc une réparation, et<br />

promptement! — Les travaux se ralentissent<br />

dansles édificespublics, qu'on stimule les architectesdu<br />

gouvernement,et qu'on lesmenaça<br />

de ma grossevoixà monretour. (AuxgénëTaux,)<br />

Nous parlions tout a l'heure de ma tactique<br />

actuelle;savez-vous qui je voudrais pour me<br />

seconder?Desaix ! Ah! si Desaix n'était pas en<br />

Egypte, s'il était auprès de moi!. commeil<br />

m'aiderait dans cette campagne; et puis, je le<br />

feraisministre de la guerre 1 Prince, sije le pouvais!<br />

(Unaidedecampentre.) Qu'y a.t-il'?<br />

L'AIDEDECAMP. Général,les membresdel'administrationprovisoirede<br />

la Lombardiedemandent<br />

à être introduitsprèsde vous.<br />

BONAPARTE. Qu'ilsentrent! qu'ilsentrent!<br />

SCÈNE IV.<br />

LESMÊMES, M. DEMELZT,Membresde l'administrationprovisoire.Prisonmiersrendusà<br />

la<br />

liberté.— Lesprisonnierssontplacésderrière<br />

les rangs des membresde l'administration.<br />

M.DEMELZI.Général,l'administrationprovisoire<br />

que vousavzcrëee et dontvousavezdaigné<br />

me nommerprésident,se présentedevant vous<br />

pour vousoffrir en sonnom,au nom de la ville<br />

deMilan, !etribut de sa respectueusereconnaissance.<br />

Vousnous avezsauvésde l'oi pressionde<br />

l'étranger : vous avez fait de nous un peuple<br />

libre, de notrepatrie une âlliée, une sœur de la<br />

France.Nosvœuxvoussuivrontpartout,et nous<br />

prieronsle ciel de conserverla victoireà cedrapeautricolorequi<br />

passesur le mondecommeun<br />

signal d'indépendance,de gloireet de régénération.<br />

BONAPARTE. Monsieurde Melzi,je vousfaismes<br />

remercîments. je ne pouvaistrouver un plus<br />

digne magistratpour le placerà la tété de l'ad-»<br />

ministralion,et les Milanaisne pouvaientchoisir<br />

un envoyéqui me.(Cltplus a,;rc'te Dieu aidant,<br />

je balayeraide votreterritoire lesAutrichiensqui<br />

ont si longtempspesé sur vous : je<br />

fei'aireprendreà votrepaysun essorlibre et gé-


1<br />

S LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />

DESAIX. Merci,général,et mercisurtoutsivous<br />

m'envoyezbientôt sur quelque champde ba-<br />

bêreux, qui lui restituerasa placesur la carte<br />

des nationsindépendantes,et dllns le livre de<br />

l'histoire, où si longtempsil s'inscrività l'aide<br />

chiensentrenta cheval.Ils mettentpiedà terre<br />

et serforment<br />

en conseilde guerre.<br />

de l'épée,commeà la faveurdu géniedesartsI<br />

M.DEMELZT. Gépéral,il suffirad'un hommetel<br />

que vouspourréveillerun<br />

- ressusciternotrepassé<br />

peupleendormi,pour<br />

! Envenantvousexprimer<br />

notrereconnaissance,nous avons voulu vousen<br />

Offrirun témoignage. Touslestrésorsdu monde<br />

seraientau dessousde notregratilude Cependant.<br />

BONAPARTE, l'interrompant.Monsieurde Melzi,<br />

j'apprécievotre dénarche, maisn'allezpas plus<br />

loi:>. Jecommandea dessoldatsqui ont souvent<br />

combattupiedsnuset sans pain. Quant à moi,<br />

je ne courspas à cettefortunequi se traduit par<br />

des piècesd'or. M.DEMFUIGénéral,nous savonsque le désintéressementestunedevosvertus^l'expressionde<br />

notre gratitudene pouvaitavoir le caractèreque<br />

vous lui prêtez.. Ellest plus digne de vouset<br />

de nous-mêmes. voicice que nousvenonsvous<br />

offrir, général. (Auxmembresde l'administration'placés<br />

devantlesprisonn iers.) Ecartez-vous,<br />

messieurs!.<br />

BONAPAUTE. Quelssont ceshommes?<br />

M.DEMKLZI. Lesprincipauxd'entreles prisonniers<br />

qui, à votrevoix,sont sortisdescachotset<br />

que vousavezrendus à leurs famillesqui vous<br />

bénissentd'avoirséchéleurslarmes. *<br />

taille!<br />

UNAIDEDECAMP, entrant. Général,un briga- SCENE PREMIERE.<br />

dier de hussards,venantdu corpsd'arméedu général<br />

Lannes,demandeà être introduit prèsde MELAS,OREILLY,OTT, KAIM,ZACK,HADDICK,<br />

vous.<br />

ELSNITZ,OFFICIERS.<br />

BONAPARTE. Qu'il vienne1 Un-hussard. pas MÊLAS. Messieurs,la gravitéde notresituation<br />

d'aidede camp! Quesignitie?<br />

exigeque nous prenionsun parti aussi<br />

que décisif. Il faut prompt<br />

quenousfrappionsun grand<br />

SCENE VI.<br />

coup.Voici,en deuxmots,la situation.A la<br />

des<br />

vue<br />

mouvementsordonnéspar le généralBona-<br />

LESMÊMES, BAPTISTE. parte, j'ai pensé,et vous avez cru commemoi,<br />

BONAPARTE. Qu'y a-t-il? Que veux-tu? Parle que lesFrançaisn'avaientpu descendredes<br />

doncI<br />

qu'avecdes forcesinsuffisantes.<br />

Alpes<br />

Nousnous disions<br />

BAPTISTE. Excusez,général,ça vousest facileà qu'ilsvoulaientseulementtraverser le<br />

entrerdansTurin,<br />

Pô,<br />

dire; mais on est un peu essoufflé,quand on a<br />

et tâcherde donner la<br />

vers le<br />

main,<br />

fait une lieue à la course, à pied comme un<br />

mont Cenis,au générallhureau; nous<br />

étionsconvaincusqu'en<br />

fantassin,pour cause de cheval tué entre vos<br />

faisantsurce pointcouper<br />

tous lesponts,et en<br />

jambes.<br />

opposantune trentaine<br />

de millehommesau général Bonaparte,il nous<br />

BONAPARTE. Quem'annonces-tuenfin? serait facilede lui tenir tête et d'en triompher.<br />

BAPTISTE. Une nouvelle victoire gagnée aux Nousnoussommestrompés!<br />

quartslorsquenoussommespartis, et main- OREILLY, C'est*ai, général;malgré la bravoure<br />

trois<br />

tenantcomplètecommeune nocesuperlative?.<br />

de nos soldats,le sort a trahi nos armes.Bona-<br />

BONAPARTE. LegénéralLannes?<br />

parteest maîtredu Milanais.La plusimportante<br />

de nos communicationsnous est<br />

R<br />

ravie.<br />

BAPTISTE. LegénéralLannes,de l'autrecôté de<br />

et le<br />

baronde<br />

la Stradella, est tombésur la casaquedes Autri-<br />

Krayest en retraite sur Ulm!<br />

chiens.<br />

MÊLAS. Lecolde Rauss,qui donne<br />

la vallée du Var dans cellede<br />

passagede<br />

la<br />

BONAPARTE , auxprisonniers,en sedécouvrant.<br />

BONAPARTE. Le corps d'armée d'Oreillyet de<br />

Raya,ne nous<br />

Gottesheim?<br />

appartient plus! Nous avons perdu le col de<br />

Messieurs,je vousalue avecrespect,car le mal-<br />

Tende ! Dececôténotrelignede retraiteest couheur<br />

est une dignité! Souvenez-vousde ce<br />

BAPTISTE. Oui.<br />

que<br />

pée. Enfin,à la suite des pertes qu'elle a es-<br />

vousavezsouffert,non pourque votreardeuren BONAPARTE. VersCasteggioet Montebello? suyées,notre armée est réduite de plus de dix<br />

soit modérée,maispour qu'elles'augmenteen- BAPTISTE.<br />

millehommes,et<br />

Oui1<br />

noussommesenfermésaujourcore<br />

contre les oppresseursd'Italie. (Ouentend BONAPARTE. Et<br />

d'huidansl'étroite enceintedu Piémontsansque<br />

puis?<br />

une rumeur au dehors.)Qu'est-cedonc? BAPTISTE. Et puis, on s'estcogné,dame! Vous<br />

je sachetropcommentnousferonspouren sortir.<br />

OREILLY. La faute en est<br />

DunoC.Desofficiers,dessoldatsentourentavec savezque le généralLannesn'y va pas de main<br />

à la courde Vienne !<br />

Ellelaissait toute une armée<br />

empressementungénéralquisedirigedececôté. morte.Quant aux Kinzerliks.il faut être<br />

nous tourneren<br />

juste!<br />

Il me semblele reconnaître. maisje metrompe ils onttenu bon,et ila fallulesdéracinera grand<br />

passant lesAlpes1 C'est le fruit de son impré-<br />

sans doute il n'estpas possible. Desaixl renfort de canons,de fusillade,de sabreset de voyanceque nousrecueillonsaujourd'hui.<br />

BONAPARTE. Desaix!Quedites-vouslà? Desaix! baïonnettes!<br />

MÊLAS. Ajoutezque le généralLanness'estem-<br />

Ah! voiciune bellejournée pour moi ! (AuxIta- BONAPARTE. Tu en étais?<br />

paréde Plaisance,qu'il nousa battus à Montelierts<br />

qui se retirent,) Restez, messieurs, resbello,<br />

et<br />

tez!<br />

BAPTISTE, montrantla<br />

vousverrezde prèsun de ces<br />

balafrequ'il a au<br />

que le premier consul est maître de<br />

fronthommesqui<br />

A<br />

l'Apennin,du Pô, du Tessinet de l'Adda. Que<br />

honorentla nationà tuquelle,ils appartiennentet preuve,général !<br />

faut-il faire?<br />

les arméesqui lesestimentà<br />

BONAPARTB. L'affairea été rude?<br />

OREILLY. Je croisqu'une l'égarddes Bayard,<br />

retraite, même mo-<br />

des Turenne et des BAPTISTE. Commesi le diable s'en était mêlé!<br />

Duguesclin.<br />

feu partout, quoi! à droite,à gauche,en avant,<br />

en arrière!nous avons eu un tremblement,sur<br />

SCENE V.<br />

une espècede hauteur!. J'ai vu le momentoù<br />

on allait nousy enterreravecles honneursde la<br />

LESMtMES,DESAIX.<br />

guerre, c'est le casde le dire,lorsquela division<br />

DESAIX, entrant. Général!.<br />

Chambarlhacest arrivée ni plus ni moinsque<br />

BONAPARTE. Dansme>bras,Desaix!mon ami,<br />

marsencarême,lorsquela 113es'estmiseà grim-<br />

vousquej'aimecommeDuroc,commej'aimaisce per a côté de nous. Et elle vousa culbutéles<br />

pau.re Mllironque nous avons perdu!. Vous Àutrichienssi tellementque nousen avionstout<br />

revoir, cela vaut mieuxpour moncœur qu'une<br />

le longdu corpsun frissonà fairedresserlesche-<br />

grande victoire!<br />

veux ! Bref,quand je suis parti, la victoirenous<br />

DESAIX. Bonaparte!je suis accouru vers vous faisaitune grimaced'amoursur toute la lign et<br />

commeemportépar J'impatienced'un entraîne-<br />

legénéralWatrin entrait dansle centre des Aument<br />

tout fraternel Revoirla Franceet vousretrichienscommeun<br />

sabrequ'on enfonceraità travoir,<br />

c'était là ma penséede tous les imtants<br />

versle corpsd'un ennemide la France!<br />

lorsque je traversaiscette Méditerranéesur la- BONAPARTE. Quit'a envoyé?<br />

quelle nous avionsvoguéensemblepour aller à BAPTISTE. J'escortais, avec quatre hussards,<br />

la conquêtede l'Egypte!<br />

l'aide de campque vousaviezenvoyéau général<br />

BONAPARTE. L'Egypte! elle est perdue pour Lannes.Pourgagner la route qui mèneici, nous<br />

nous, n'est-cepas?. On s'est écartédu but que coupionsà traversdestirailleursennemis,lorsque<br />

j'avais marqué. Vousavez bien fait de revenir, à forcede salutsà coupsde fusil, tantôt un hus-<br />

Desaix,vousserez avecnouspour combattreet sard par terre, tantôt un autre; puis,<br />

vaincre: Je déteste moinscette conventiond'El-<br />

Arich, puisqu'ellea ouvertla route de l'Europe,<br />

pour moi,il.un ami. pour l'armée,à un de nos<br />

générauxles plus illustres!<br />

DESAIX. Laconventiond'El-Arich !. elle a été<br />

Violée!. Je revenais,je mapprochaisdes côtes<br />

de France, lorsque, à la hauteur de Livourne,<br />

une escadreennemieenveloppele<br />

me<br />

légerconvoiqui<br />

transportait. Je suisfait prisonnier,et lord<br />

Keith, outrepassant,sansdoute, les instructions<br />

de songouvernement, me fait enfermerdans un<br />

cachotou se perdentmesprotestations. Cetattentat<br />

révoltele ministèreanglais,qui me fait<br />

rendre a la liberté. Mais,de ce moment,je<br />

rai de ju-<br />

protester sur les champsde bataille, en<br />

m'appuyant,d'un côté, sur les saintsdevoirsde<br />

la justice, et, de l'autre, sur monépée.<br />

BONAPARTE. Desaix!je'comprendstouteslesrévoltesde<br />

votreâmeloyaleet généreuse!.Je vous<br />

donne le commandementdes divisionsMonnier<br />

et Boudetréunies!.<br />

lesdeux<br />

derniers; puisenfin l'aidede campqui mecharge<br />

de sa commission ; puis, mon pauvre chevalque<br />

j'embrasse,et qui me regarde pour la dernière<br />

fois,tristement. commeun ami qui vousquitte<br />

pour toujours. ( Essuyantune larme. ) Et me<br />

voilà!.<br />

BONAPARTE. Bien! Je me souviendraide toi!<br />

Partons ! Peut-êtrearriverons-nousà tempspour<br />

prendrepart à la finde la bataille.(AuxItaliens.)<br />

A bientôt, messieurs ! (Auxautres personnages.)<br />

Venez! (Ils sortent.)<br />

Neuvième Tableau.<br />

LE VILLAGEDE SAN- GIULLIANO.<br />

Auquatrièmeplan,aumilieuduthéâtre,desmaisons<br />

quimasquent.laplainede Marengo.-Adroite,une<br />

large rue oblique. — mentanée,aurait aujourd'hui de graves conséquences.Elleébranleraitlemoralde<br />

nossoldats,<br />

qui, malgré leurs récentsinsuccès,sont encore<br />

pleins dénergie et d'enthausiasme. Ils brûlent<br />

du désir de combattre. Ils ont le sentimentde<br />

leur forceet de leur valeur.Profitons-en,messieurs,battons-nousen<br />

désespérés,et la victoire<br />

un instantinfidèlereviendraplanersur nos drapeaux.<br />

MÊLAS..C'est aussimonavis,oui,la bataille!.<br />

Monorgueil<br />

A gauche,une autre.rue.<br />

—Au fonduimtroisième.- Lesgénérauxautri-<br />

de soldat se révolte et le vôtre<br />

doit s'indigner aussi en songeant que nous<br />

avionsreconquisl'Italie, que nous étionsvictorieux.<br />

que nousmarchionssur les frontièresde<br />

la France. et que nousvoiciréduits à la défensive!.<br />

Toutaffaiblieque soit notrearmée, nous<br />

comptonsencorequarantedeuxmillesoldats,habituésaux<br />

plusrudes fatigues,nousavonsdeux<br />

cents piècesd'ariillerie,une cavaleriesuperbe,<br />

h volontéde vaincre. Eh bien, courage donc,<br />

et nousvaincrons ! Vous,Zack,à la tête de dis<br />

mille hommes, vous déboucherèzle premier,<br />

par le pont de la Bormida; en prenant par la<br />

gauche,vousvousdirigerezsur le villageappelé<br />

Castel-Cerriolo.Vous, Haddicket Kaïm,à la tète<br />

du grosde l'armée,vous occuperezle villagede<br />

Marengoqui donneentréedansla plaine. Vous,<br />

Oreilly,avec votre cavalerie,vous prendrez la<br />

droitede la Bormida,et vousoccuperezla route<br />

d Acqui.(Auxautresgénéraux.)Nous,messieurs,<br />

au centre,dirigeant l'artillerie et, a la tête du<br />

corps de réserve,toujoursprêtsà nousporter là<br />

où on aura besoinde nous. (AOtt.)Vousoccuperezce<br />

villagedeSan-Gulliano,où nous sommes.<br />

C'est une position importante. Courage,<br />

messieurs,ouvrons-nousune route au prix de<br />

notresang!. C'estune résolutiondignedenous,<br />

et si le succèsvientà trahir nosgénéreuxefforts<br />

que la responsabilitéde notre désastre retombe<br />

sur ceuxqui en auront étéla cause. Vivel'AutricheI!<br />

(Onentendau loinbattrela<br />

OTT.Soldats,ce sont lesFrançais,commencez<br />

charge.)<br />

le feu. (Laction s'engage.Aprèsune vive<br />

lade,lesfusil-<br />

Français finissentpar pénétrerdansle<br />

village; ils chargentlesAutrichiensà la baion-


LE CONSULAT ET L'EMPIRE. 13<br />

à l'oreille;d'ailleurs,tu le sais, le torchonbrûle<br />

entre nouset les autres, là-bas.(Il frappesur son sabre.) Il faut que la mèreMichelleurdise<br />

deuxmots.(Il vapour s'éloigner,Baptisiele retient.)<br />

BAPTISTE, l'arrêtant.Tu ne t'en iraspas.<br />

ANTOINE Si,jele veux!<br />

BAPTISTE, le retenantpar la main. Quandje<br />

déclare qu'il n'y a pas de quoi dégainer,c'est<br />

qu'il n'y a pasde quoi!. Et puis. veux-tuque<br />

je te ledise?je ne suis pas partisande cesquerelles<br />

entre camarades. surtout pour des malentendusqui,<br />

les trois quarts du temps, n'en<br />

valentpas la peine ; c'estpasdignede bons soldats.<br />

ça.<br />

ANTOINE. V'là tonavis.<br />

BAPTISTE. Oui.<br />

ANTOINE. Excusez.Ehbien,jene l'auraispascru.<br />

BAPTISTE. Quoi?<br />

ANTOINE, avec humeur.Tu es un cavalierpar<br />

trop pacifique.<br />

BAPTISTE. Et toi un fantassinbeaucouptrop<br />

crâne.<br />

ANTOINE, portant la main à la garde de son<br />

sabre etaveccolère.Baptiste !<br />

BAPTISTE, froidement. Ehbien?<br />

-<br />

ANTOINE, honteuxdeson mouvementdecolère.<br />

Pardon,frère. pardon.(Il lui tendla main.) La<br />

colèrema fait monterle sangà la tête; ellem'a<br />

grisé, maisça va mieux c'est fini. (Passant les<br />

bras autour du coudesonfrère avecla plus vive<br />

affection.)Monpauvre Baptiste!ah! je ne mele<br />

pardonneraijamais !<br />

BAPTISTE. Je saisbienquec'estbon,ça. (Il lui<br />

met le bout du doigtsur le coeur.)Il n'y a que<br />

celademauvais.(Il lui touchele front.) Changemoi<br />

ça!.<br />

ANTOINE. Cependantvoyons,frère; à présent<br />

que mevoilàplus calme,tu peuxme rendrejustire.<br />

Tu n'as pas vu ce qui s'est passé. Nous<br />

étions à boire tranquillementavec Marcelinet<br />

des camarades,quandje m'aperçoistout à coup<br />

que lesautresgoguenardaiententreeuxet à nos<br />

dépens; je me leve,je leur demandede s'expliquer,<br />

ils goguenardentde nouveau.J'allais<br />

leur donnerune leçon et pas du tout.. tu t'y<br />

opposes. tu m'entrainesbongré, malgré, jusqu'ici.<br />

Eh bien, sais-tuce qui en résultera? ils<br />

vontcroireet dire quenoussommesdescapons, et ça leur donneraencore plus d'amour-propre<br />

et d'insolence.<br />

BAPTISTE. Ce serait alors une autre paire de<br />

manches.. je seraisle premierà te laisserfaire,<br />

et de plus,à memettrede la partie! Seulement,<br />

vois-tu, Antoine,vaut mieux être le provoqué<br />

que le provocateur;quand le bon droit est pour<br />

soi, on a la conscienceplus tranquille,si la main<br />

est malheureuse.(Tumulteau lointain,du côté<br />

où BaptisteetAntoinesont entrés.)<br />

ATOINE, remontant.Estceque la querellecontinue,ait<br />

aveclescamaradesque nousavonslaissés<br />

là-bas?(Regardant dans la coulisse. ) Oui,ma<br />

foi, en voilà deux qui ont mis flambergeau<br />

vent. Ils se battent. Eh! maisje ne metrompe pas. non. c'est Marcelin.<br />

BAPTISTE, s'élançant. Marcelin!lui. Ah! viens,<br />

courons.<br />

ANTOINE, retenant Baptiste.Ne bouge pas.<br />

un seul mouvement. pn rien pourrait le faire<br />

tuer! ( Tousdeuxrestentimmobiles, setenantpar<br />

la main et regardant.)<br />

ANTOINE. C'estdrôleje n'y voisplus.<br />

vous voyantvouséloignerdela cantine, se sont<br />

imaginéqu'ils vousfaisaientbattreen retraite,et<br />

ont pris desairs encoreplus insolents !.<br />

ANTOINE, à Baptiste.Qu'est-cequeje disais!<br />

MARCELIN. Nousavions peineà nouscontenir.<br />

toutefois,pour<br />

BAPTISTE. J'ai commeunbrouillardsurlesyeux.<br />

(Onentendla voixdeMagloiredansla coulisse)<br />

MAGLOIRE appelant.Baptiste. Antoine. Baptiste!.<br />

ANTOINE et BAPTISTE. Ehbien!.<br />

BI\)TITF..Tu pleures.<br />

MAGLOIRR. Commeun veau marin. maisde<br />

joie!. le miochey a été commeun loupde mer<br />

à l'abordage.<br />

BAPTISTE. OUest-il?<br />

MAGLOIRE. Descamaradesl'amènent. le v'là1<br />

MARCELIN, suivide cinq ou six soldatsentre, il<br />

sejette dans lesbras deses oncles.Mononclel<br />

SCÈNE VII.<br />

BAPTISTE,ANTOINE,MAGLOIRE, MARCELIN,<br />

MARINS.<br />

BAPTISTE. Les chosessesont doncrembrunies<br />

au pointde dégainer.<br />

MARCELIN. 31qiçoui, mononcle: les autreseu<br />

commencerla TOUS. Quoi,général?<br />

BONAPARTE. Cesera votre châtiment!<br />

MAGLOIRE. Vousmeferez fusilleraprèssi vous<br />

voulez,maisdu diablesi je manqueune si belle<br />

occasiondetapersur lesgoddam!<br />

contredanse,nous BVPTISTE. Général,Magloirea raison, la mort<br />

attendionsl'accord. un méchanttapinse charge<br />

de le donner. il vient à moi, et d'up air de vi-<br />

plutôtquedenepas<br />

naigre, il me dit: Eh! fanferluche,est-cebien<br />

fatigantdesoufflerdansunetrompette?-Beaucoup plusque de corrigerun insolentde ta façon,que<br />

je lui réponds. et en mêmetempsd'un revers<br />

de main,je faisvoler son bonnet de policedu<br />

bout dela cantineà l'autre.<br />

ANTOINE. Je n'auraispas mieuxfait!<br />

MAIlCELIN. Noussortons. ilprendun briquet.<br />

je faiscommelui. on fait cercleautour de nous,<br />

et merappelantà proposlesleçonsquevousm'avezdonnées,mononcle,je<br />

pared'aplombet ferme<br />

lescoupsqu'il meporte,etje luiadministreune<br />

manchettequi, je vousle promets,lui fera,pour<br />

quelquetempsau moins,laissersapeaud'âne en<br />

repos !<br />

BAPTISTÉ. Bien,Marcelin. bien!.<br />

MAGLOIRE. Oui,maisvexéscommedesrequins<br />

prisau harpon,lesautresveulentvengerleurtapindémoli,et<br />

ilsneparlentde rienmoinsque de<br />

venir nous provoqueren masse.(Désignantla<br />

cantine.)Et tenez,lesvoici.<br />

ANTOINE. lis seront bien reçus. qu'ils viennent<br />

!. (Tonsles soldatsqui sont en scènese<br />

placent à droite , tous.les soldats qui entrent<br />

segroupentà gauche,ils onttous le sabre à la<br />

main.)<br />

UNSOLDAT Eh bien! nous vous attendons.<br />

ANTOINE. Mesamours,nousvoilà.<br />

TOUS, dégainant.Oui!. oui,en garde ! (Chacun<br />

choisit son adversaire, la lutte s'engage avec<br />

acharnement,Bonaparteparait.)<br />

SCENE VIII.<br />

LESMÈMFS, BONAPARTE.<br />

BONAPARTE. Que se passe-t-ildoncici? (Tous<br />

s'arrêtentspontanément.)C'estdoncainsiquevous<br />

respectezlesloisdela discipline?Descompagnons<br />

d'armess'entr'égorgeantdansun duell. Ah! ce<br />

que vousfaitesla est une lâcheté.(Mouvement et<br />

murmureparmi lessoldats. Bonaparterépètele<br />

motavecplusdeforceencore.)Oui,une lâcheté.<br />

un volmêmecommisaupréjudicedela patriequi<br />

a ledroitdevousdemandercomptedecesangque<br />

vousversez,et qui lui appartientjusqu'à la dernièregoutte.<br />

Vousavez déméritéd'elle et de<br />

moi. vousn'êtesplusmessoldats.(Ilse promène<br />

avecagitation. un grand silencese faitpartout.<br />

Lessoldatsmorneset consternésbaissentla tête.)<br />

ANTOINE, avectémotion.Général,noussommes<br />

coupablespeut-être. mais là, vrai vousnous<br />

traitezplus durementque nousleméritons.<br />

BONAPARTE. Non. Et toiqui prendssi bienla<br />

paroletu es du nombredespluscoupables.<br />

ANTOINE. Comment,général.<br />

BONAPARTE. Tais-toi!c'estaux anciensde donner<br />

le bon exemple.Voussorteztous dela même<br />

pépinière. je ne connaisdedistinctionquecelle<br />

du devoirbien rempli.(S'arrêtant devant Marcelin,et<br />

haussantlesépaules.)Jusqu'auxenfants<br />

quis'ei*nêlent.<br />

MARCELIN. Levraicoupablec'est moi, général,<br />

car c'est moiquile premier.<br />

BONAPARTE. Toi 1.-- et si je te faisaisfusiller.<br />

MARCELIN. Dame!général,vousêtesle maître.<br />

maisçane m'empêcheraitpas dejouèrà votreintention<br />

ma dernière fanfare sur la trompette<br />

d'honneurque vousm'avezdonnéeà Marengol<br />

BONAPARTE. Hum! tu cherchesà medésarmer ;<br />

maisnon,je veuxun exemple.lOnentendlebruit<br />

ducanon.)<br />

SCÈNE IX.<br />

LESMÊMES, DUROC.<br />

DUROC. Général,les canonnièresanglaisesapproclunt.<br />

l'attaque va commencer.<br />

TOUSLESOLDATS. Auxarmes!. (Onentendles<br />

tambours.) 4<br />

BONAPARTE. Un moment. je vousai dit que<br />

je voulaisun exemple. je vaisle donner.Vous<br />

resterezsur le rivage, vous verrezla bataille,<br />

maisvousne combattrezpas.<br />

combattre. et voyez. plus<br />

de rivalité. plusde hainé,noussommesréconciliés.<br />

(Lessoldatsde la garde consulaire se<br />

jettentdans les bras lesuns desautres.)<br />

BONAPARTE. Je vous pardonne aujourd'hui,<br />

maissongez y, à l'avenirje seraiinflexible. je lo<br />

juresurmonépée!. Etmaintenant,pourrachetez<br />

votrefaute,frottez-moi l'ennemidelabonnefaçon.<br />

TOUS.A l'ennemi!. à l'ennemi!.<br />

Quatorzième Tableau,<br />

Le théâtrereprésentela pleinemer;des chaloupes<br />

canonnières anglaisesfontfeusurlesbateauxplats<br />

français. Ceux-ciripostentvigoureusement. —<br />

Après'êtrecanonnédepartet d'autre,un bateau<br />

platcouleà fondunecanonnièreanglaise. —Elle<br />

s'engloutit etdisparaîtcomplétement avecsonéquipage.<br />

— On aperçoitalorsla flottequi évolue<br />

auloinet viredebord.—LesAnglaisgagnentle<br />

large. — Bonapartet son état-majnrparaissent<br />

surun desbateauxplats.Touteslesverguesettous<br />

les mâtsse garnissentde matelotsfrançaisqui<br />

agitentdesdrapeaux.<br />

MAGLOIRE, duhaut d'unmât. Vivela France!<br />

TOUS. Vivela France!<br />

ACTE IV.<br />

Quinzième Tableau.<br />

LA HALLEEN 1804.<br />

Auleverdurideau,toutle mouvement habitueldece<br />

grandmarché.<br />

SCENE PREMIERE.<br />

MARCHANDS, MARCHANDES, PAYSANS.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITSDe belles figues!.<br />

du beau raisin!. des pêchesdeMontreuil !.<br />

UNPAYSAN, d'unevoixtralnante.Salade ! de la<br />

salade' romaine!. chicorée!laitue!<br />

UNEMARCHANDE DEPOISSONS, s'adressantà une<br />

femme.Toute envie! toute en vie!.<br />

UNEMARCHANDE DEFLEURS. Desroses!desœillets.<br />

du seringa1.<br />

UNRÉMOULEUR. A repasser les couteaux ! lei<br />

ciseaux ! lescanifs,lesrasoirs! (Unevoiturechargée<br />

arrive,des fortsse mettent à la décharger.)<br />

UNCORDONNIER. Raccommodeurdesouilliers!<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Eh bien! la petite<br />

mère,vousnem'achetezdoncrienaujourd'hui ?.<br />

Voyezdonc,j'ai un assortimentsuperbe!.<br />

UNEFEMME. CombienlesorangesT<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Huit SOUS.<br />

LAI EMME. C'est trop cher!<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Tropcher!.vadotic,<br />

grandeasperge montée,..<br />

SCENE II.<br />

MAGLOIRE, BAPTISTE,MARCEL1N, eucollégien.<br />

(Magloiredonnele brasà Baptiste, et leconduit<br />

vers la boutiqued'un liquoristequifait l'angle<br />

d'unerue à gauche.)<br />

MARCELIN , tirant son onclepar le pan de sa<br />

veste.Ditesdonc,mononcleMagloire?<br />

M^LOIRE. Qu'est-ceque tu veux,goujon?<br />

MARCELIN. Ce n'est pas parlà. c'est parici, à<br />

droite,qu'il nousfautprendre.<br />

MAGLOIRE. Je connais parfaitementla route;<br />

maisavant dejiavisuer danscesparages,je désire<br />

carguerles voiles. jeter l'ancre et pour<br />

quelquesinstantsaborderla boutique du liquoriste<br />

ci-présent.Cettehalte ne pourra quenous<br />

fairedu bien; pas vrai, Baptiste?<br />

BAPTISTE. D'autant qu'Antoine, qui est de<br />

garde au poste des Innocents,n'aura guèrefini sonserviceque surles neufheureset demie,dix<br />

heures. il enest huit tout au plus. ainsinous<br />

avonsdu tempsdevantnous.<br />

MAGLOIRE. Tesdeuxonclesétant du mêmeavis,<br />

ilne te restequ'unechoseà faire;appellele limo-


1re. LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />

nier de la boutique.(itlarcelinse dirige versune<br />

destablesqui sontdevantla porte du liquoriste,<br />

et il appelleenfrappant dessus.)<br />

MARCELIN» Holà! eh! le marchand!(Ungarçon<br />

vient.) Voilà,mon oncle1<br />

MAGLOIRB, au garçon. De l'eau-de-vie,et trois<br />

verres! 4<br />

LEGARÇON. Toutde suite!<br />

MAG-LOIRE, à Marcelin.Je te trouvetout drôle,<br />

avec tonhabit de lyeéen.<br />

MARCELIN. Est-cequ'il meva mal ?<br />

MAGLOIRE. Je ne dis pas ça. au contraire,c'est<br />

égal, je ne m'attendais guère à te trouverainsi<br />

transformé, va1<br />

MAIICEUN. Dame ! que voulez-vous ? Aprèsle<br />

combat de Boulogne, le premierconsulm'a fait<br />

entrer dans un lycée,medisant : Il y a en toi de<br />

la grained'épinards. Il faut la faire germer.<br />

MAGLOIRE. Ah! il a trouvé qu'il y a en toi.<br />

c'est que ça est alors. On ne lui en remontrepas<br />

à celui-là.<br />

LE GARÇON, apportant de'l'eau-de-vie et des<br />

verres. Vousêtes servis.<br />

MAGLOIRB, au garçon qui emplit les verres.<br />

Qu'est-ceque tu faislà?<br />

LEGARÇON. Dame ! je verse!<br />

MAGLOIRE, lui prenant la bouteille.Tu crois<br />

doncavoirà faireà des demoiselles?La bouteille<br />

estpleine,n'est-cepas? [Il regarde.)Oui, eh bien,<br />

c'est bon, fileton nœud, ce qui en resterane te<br />

brûlera pas le gosier.(Il s'asseoit. Baptisteet<br />

Marcelinenfont autant. Lemouvementdu marché<br />

continuetoujours.)<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Quatre d'un sou les<br />

anglais!.<br />

MAGLOIRE, à Mareelin.Eh bien, voyons,petit,<br />

puisque tu naviguesdans l'instruction. si pendant<br />

que nous allonsfumer notre pipe, tu nous<br />

lisaisun peu lesnouvellesd'aujourd'hui.. hein!<br />

Justement voici un journal, il doit y avoir de<br />

l'intéressant.<br />

MARCELIN. Volontiers !<br />

MAGLOIRE. Passe-nouslesbalivernes.<br />

MARCELIN. Oui, mon oncle. (Lisant.) Paris,-<br />

19 mai 1804.<br />

MAGLOIRE. C'estça,tu y es.<br />

MARCELIN, lisant. «LeSénat,après avoirdécrété<br />

le sénatus-consulleorganiquequi déférait le titre<br />

d'Empereurau premierconsul.en établissant<br />

danssa famillel'héréditédu trône impérial,s'est<br />

rendu au palais de Saint-Cloud,ayant à sa tête<br />

le secondconsulCambacérès,sonprésident,chargé<br />

de présenterà l'Empereurce sénatusconsulte.<br />

Napoléona réponduen ces termesau discoursde<br />

l'orateur. »<br />

MAGLOIRB. Attends. (Il videsonverred'eau-devie<br />

d'un seul tvait, puis se rapprochant.)Lis à<br />

présent.<br />

MARCELIN, lisant. « Tout ce qui peut contribuer<br />

au bien de la patrie est essentiellementlié<br />

à monbonheur.J'acceptele titre que vouscroyez<br />

utile à la gloirede la nation. Je soumets à la<br />

sanctiondu peuplela loi de l'hérédité; j'espère<br />

que la Francene se repentira jamais des honneurs<br />

dont elle environnema famille. Danstous<br />

lescas. monesprit ne seraplus avecma postérité<br />

le jour où elle cesseraitde mériterl'estimeet la<br />

confiancede la grandenation. »<br />

MAGLOIRE. Il a réponducommetoujours, avec<br />

soncœur.<br />

MAGI.OIRE, élevantson verre. A la santéde Sa<br />

Majestél'empereur Napoléon!<br />

BAPTISTE et MARCELIN. Al'empereurNapoléon!<br />

(Pendantla lecturedujournal, deuxhommes vêtus<br />

de longuesredingotesbleues sontentréset se<br />

sontmêlésaux groupesde causeurs qui se sont<br />

formés. Un de ces hommesquitte le groupe et se<br />

dirigedu côtédu liquoriste.En apercevantMarcelin,<br />

Magloireet Baptiste,il rebroussechemin,<br />

prend le bras de son compagnonet s'éloignevivement.)<br />

MARCELIN, qui a fixéceluidesdeuxpersonnages<br />

quis'avançait,pousseun cri desurpriseAh! (Il<br />

quittelà tableet suit desyeux les deuxpersonnagesqui<br />

s'éloignent.)<br />

MAGLOIRE, à Baptiste. Qu'est-cequi lui prend<br />

donc? il gigottecommeun marsouinen goguette<br />

(Allantà MARCELIN, à lui-même.Oht non! non. je ne<br />

me trompepas. c'est lui!<br />

BAPTISTE. Quilui?<br />

MARCELIN. L'Empereur)<br />

MAGLOIRE et BAPTISTE. ensemble.L'Ernpereur!<br />

MARCELIN. Oui. un de cesdeux hommes. là<br />

bas. en redingotesbleuesl<br />

BAPTISTE. Tu es fou!<br />

MARCELIN. Je l'ai assezvu pour pouvoirle reconnaltre.j'espère.<br />

Ausurplus, venez,courons,<br />

et vousallezvoirvous-mêmes.<br />

MAGLOIRE. Du tout; laisse donc. faut être<br />

discret !. il a peut-être l'habitude de faire ses<br />

provisionslui-même. à quoi bon le gêner.<br />

Verse, Baptiste(à Marcelin),et toi, continue ta<br />

lecture.<br />

MARCELtN, lisant. «Un nobletribut vient d'être<br />

payéà l'arméeen conférantle gradede maréchal<br />

d'empireaux générauxqui doiventleur illustrationaux<br />

victoiresqu'ils ontremportées. »<br />

BAPTISTE. Ab! si Desaixet Klebern'étaientpas<br />

morts, nousaurionsdeuxbeaux nomsde plus.<br />

MAGLOIRB. C'estvrai.<br />

MARCELIN, lisant.«Dansla marine,le bâton d'amiral<br />

vient d'être donnéà l'habile organisateur<br />

dela flottilledeBoulogne,auvice-amiral Bruix1 »<br />

MAGLOIRE. 0 triplechaloupe!. bravo!. Yivat!.<br />

je veux proclamerson nouveaugrade.<br />

C'estmoiqui régale. un festin des trente-cinq<br />

partiesdu monde! à moice qu'il y a de mieux<br />

au marché. çane peut pas être trop bon. (Allant<br />

d'une marchandeà l'autre.)Tiens, tiens.(Il<br />

donneà Marcelincequ'il achète.)A toi, moustique.<br />

et puis ça. et puis ça. En route<br />

maintenant.<br />

BAPTISTE. Où allons-nous?<br />

MAGLOIRE. Faire cuire le fricot. Toutesvoiles<br />

dehors. En avantl. (Ilssortent.Untumultese<br />

fait entendre.)<br />

SCENE III.<br />

LESMÊMES, moins MAGLOIRE,BAPTISTEet<br />

MARCELIN.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS.Qu'est-cequ'il y a<br />

donc là bas?<br />

LAMARCHANDE DEFLEURS, regardant. Uncheval<br />

vient de s'emporter ! il a renverséun homme.<br />

Veillezsur ma boutique, je vas voir. je vous<br />

rapporterai des nouvelles(Ellesort en courant.<br />

Unpetitgarçond'unedizained'annéesest entréet<br />

s'estarrêté devantla boutiquede la marchandede<br />

fruits.)<br />

L'ENFANT. Je voudraisavoirdeuxpêches.(Il lui<br />

présentel'argentqu'iltient d la main.)<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS.Deux pêches pour<br />

quatresous ! on t'en donnera. Jeles vendshuit<br />

souspièce.<br />

L'ENFANT. Oh! commec'est cher!.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Tu trouves?<br />

L'ENFANT. Oui, je n'ai que quatre sous et je<br />

voudrais. C'estpour maman.<br />

LAMARCHANDE DKFRUITS.Eh bien, tu diras à<br />

ta mèreque j'en ferai poussertout exprèspour<br />

elle. et sans noyaux,entends-tu.<br />

L'ENFANT. J'aimeraismieuxcelles-là.<br />

LAMARCHANDE DEFRUHN. Eh ben! moi aussi.<br />

c'estce quifait que je lesgarde!. Allocations,<br />

va plus loin., n'obstrue pas ma boutique. (Le<br />

petitgarçons'éloignede quelquespas, toujours en<br />

fixantdesyeuxlespêches,et entournantses quatre<br />

sous dansses doigts.- Un desdeuxhommesà la<br />

redingotebleue rentre en scène.C'estNapoléon.<br />

Lamarchandede fleursentre en mêmetempsque<br />

lui.)<br />

SCÈNE IV.<br />

LESMÈMES,NAPOLEON,LA MARCHANDE<br />

DE FLEURS.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS, à la marchandede<br />

fleurs.<br />

lui.) A qui en as-tu? [Marcelinnerépondpas<br />

à l'interpellationde sononcleet regarde<br />

toujoursauloin.)<br />

Eh NAPOLÉON, à lui-même.Bien. Duroca exécuté<br />

l'ordre que je lui ai d,'uné. A la f.neur du<br />

tumulte, j'ai pu, sansêtre vu, glisserma bourse<br />

dans la main de ce malheureux,et afin de me<br />

soustraireà ses remercirrients.je me suis éloigne<br />

en toute hâte. Il n'est pas mauvaisquecelui qui<br />

présideà la destinée du peuplese mêleparfoisà<br />

lui, incognito. il entend souvent des choses<br />

qu'il ne devraitpasignoreret que ceux<br />

bien?. qu'est-ce qu'il y avait làbas?<br />

LAMARCHANDE DEFLEURS, En voulantarrêterle<br />

chevalqui s'était emporté,Baptiste,le commissionnaire,a<br />

été renversé. Il a un bras cassé, le<br />

pauvre homme! Un monsieur l'a fait monter<br />

dans un fiacre. il l'accoifipagnejusqu'à chez<br />

lui.<br />

- qui l'entourent<br />

se gardentbien de laisser arriverà<br />

oreilles t Monexcursionde ce matin ne<br />

sell<br />

sera<br />

sans<br />

pal"<br />

profitpourmoi.Voyons maintenantà rega:<br />

gner lesTuileries.(Il examinequel cheminil dot]<br />

prendre.)<br />

L'ENFANT, à la marchandede fruitsi en luipré.<br />

sentant denouveausesquatre sous.Vousne vou.<br />

lezdonc pas, madamela marchande?<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Fiche-moila paix<br />

avectes quatresous! Tu m'ennuies.(L'enfantse<br />

met à pleurer et ne répondpas. Napoléon,cherchantà<br />

s'orienter, s'est rapproché de l'enfant.)<br />

NAPOLÉON, à L'enfant.Qu'as-tu à pleurer, mon<br />

petit ami? ab<br />

L'ENFANT. J'avaissur messucresd'orgeet mon<br />

pain d'épice,économiséquatresous,afind'acheter<br />

des pêchespour maman,qui les aimebeaucoup ;<br />

c'est aujourd'huisa fête,je voulaislui endonner<br />

deux,et la marchandene veut pas les vendreà<br />

moinsde huit sousla pièce.<br />

NAPOLÉON. Et c'est là ce qui te désolesi fort?<br />

L'KNFANT. Oui,je ne pourraipas taireplaisir à<br />

maman.<br />

NAPOLÉON. Dame 1 monpetit ami, si ellesvalent<br />

huit sous,la marchandene peut pourtant pas te<br />

les donner pour quatre!<br />

LAMARCHANDE, se mêlant à la conversation.<br />

Pardine !. Voyez!. de la Montreuilsuperbe!<br />

premièrequalité, quoi!<br />

NAPOLÉON. Lefait est qu'ellessontfort belles!<br />

L'ENFANT. C'est pour cela que je les veux.<br />

NAPOLÉON. Eh bien, voyons, il y a peut-être<br />

moyend'arrangerla chose.<br />

L'ENFANT. Quelbonheur! tenez,voilàmesquatre<br />

sous. (Il veutlesdonnerà Napoléon.)<br />

NAPOLÉON. Non , garde tes quatre sous et<br />

répouds-moi: Est-ce que tu demeuresseul avec<br />

ta maman?<br />

L'ENFANT. Oh! non, monsieur,il y a grand'<br />

maman, mes deux petits frères., ma grande<br />

sœur.,., et puisquelquefoispapa, je disquelque<br />

fois,parceque le plussouventil est à l'armée.<br />

NAPOLÉON. Ah! ton papaest miltaire?<br />

L'ENFANT. Oui, il est officier du grand Napoléon.<br />

Et quand j'aurai l'âge, je serai militaire<br />

aussimoi! Papa et mamanmel'ont promis. Je<br />

me battrai. je tuerai lesennemisde la France1<br />

NAPOLÉON. Etcomments appelleton papa?<br />

L'ENFANT. Christophe!<br />

NAPOLÉON. Et où demeureta maman?<br />

L'ENFANT. Ici tout près, rueSaini-Honoré,70.<br />

(Napoléon,pendantque l'enfantparlé, a pris son<br />

calepin,eta tracé dessusle nom et l'adresse que<br />

l'enfantlui a donnés. )<br />

NAPOLÉON. Ahçà, maisdis-moi. (Il comptesur<br />

sesdoigtsà mesurequ'il nomme.)Ta maman,ta<br />

grand'maman,tes deux petits frères, ta grande<br />

sœur et toi, (jene comptepas ton papa puisqu'il<br />

està l'armée) ça fait en tout six personnes 1 e.<br />

deuxpêchespoursix personnes,c'est bien peu'.<br />

Sije te mettaisà même de pouvoirfairea chacun<br />

sa part, est-ceque tu en serais fâché?<br />

L'ENFANT. Non, sans doute; mais pourquo<br />

feriezvouscela? vousne meconnaissezpas.<br />

NAPOLÉON. Eh bien, faisonsconnaissance;devenons<br />

amis.<br />

L'ENFANT. J'accepte Vousme plaisez ! (Il tend<br />

la main à Napoléonqui la prend.) Nous voilà<br />

amis.<br />

NAPOLÉON. Eh bien, puisque nousvoicien s'<br />

bons termes et que le proverbedit: les petits<br />

cadeauxentretiennent l'amitié. je veux te faire<br />

le mien. (Il va vers la marchandede fruits.,et<br />

prenant le panier de pèches.) Combientout le<br />

panier?<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Sixfrancs.<br />

NAPOLÉON Bien.(Seretournantversl'enfant.) Tiens, va porter celaà ta mamande la part de<br />

ton ami. -<br />

L'ENFANT. Toutle panier!<br />

NAPOLÉON. Oui,tu lui dirasque j'irai vousvoir


LE CONSULAT ET L'EMPIRE. 15<br />

bientôt. Si d'aventureje tardais trop. tu<br />

drais avecelle me demanderà l'adressequevien-I voici.<br />

(Il.déchireune pagede soncarnet ety trace quelquesmots..Il<br />

donneensuitelepapier à l'enfant.)<br />

L'ENFANT. Oh! que c'est mal écrit1. Maismaman<br />

lit mieuxque moi; elle déchiffrera, elle!.<br />

Au revoir, monbon ami.<br />

NAPOLÉON. Aurevoir.<br />

L'ENFANT, fait quelquespas, puisrevenant.Dis<br />

donc. je voudrais bien t'embrasser.<br />

NAPOLÉON. De tout mon cœur! (Il embrasse<br />

"enfant, qui ensuitesort en courant.) Il est charmant,<br />

cet enfant. Je ferai prendre des renseignements<br />

surson père:.. sur sa famille,et si,<br />

commetout me le fait présentir, ils sont dignes<br />

de mon intérêt, je ne les oublieraipas. Allons.<br />

allons, je crois que je pourrai,moi aussi, dire ce<br />

soir: Je n'ai pas perdu ma journée! (Il va pour<br />

s'éloigner.)<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS.Eh ben! et ben!<br />

dites donc, là bas!. eh! et messix francs?.<br />

NAPOLÉON. Excusez,la marchande,c'est juste!<br />

j'oubliais. (Il fouilledans sa poche.)Eh! mais,<br />

j'y songe : j'ai donné ma bourse tout à l'heure.<br />

etil ne me reste pas d'autre argent (Il visite<br />

tour à tour toutessespoches.) Ah! me voicibien,<br />

ma foi!.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS.Çaviendra-t-il? NAPOLÉON, à lui-même.Que faire? (Sefouillant<br />

de nouveau.) Je n'ai rien. rien même à donner<br />

en nantissement.<br />

LAMARCHANDEDE FRUITS. Ah çà, ditesdonc, estceque<br />

vousprenezmon bras pour une enseigne?<br />

NAPOLÉON, à lui-même. Quelparti prendre?<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS, avechumeur. J'ai pas<br />

le temps deflânerà vousattendre; par ainsi, dépêchons.<br />

NAPOLÉON. Mabravemarchande,vousme voyez<br />

dans un grand embrrras. j'auraisdû m'assurer<br />

avant tout si j'avais ou non de l'argent sur moi;<br />

je m'en aperçoismalheureusementtrop tard!<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS,mettant ses poings<br />

fur ses hanches.De quoi. vousdites?.<br />

NAPOLÉON. Ne vous emportez pas. ne craignez<br />

rien. Veuillezseulementenvoyeravecmoi<br />

et je m'empresserai.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS.En v'là une bonne<br />

par exemple!. excusez1<br />

NAPOLÉON, à part. Labombe va éclater!.<br />

IAMARCHANDE DEFRUITS, se retournant versles<br />

(.H/l'esmarchandes. Dites donc, mesdames, va<br />

falloirqu'à l'avenirnous ayons des commisà l'effet<br />

d'aller toucher à domicile ! v'là un genre!.<br />

v'là du nouveau:<br />

•<br />

NAPOLÉON. La marchande!.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Gemonsieurqui fait<br />

des générositésà mes dépens: ihm'achète pour<br />

six francs, et quand la marchandiseest partie.<br />

quand il s'agit de payer, monsieur a oublié sa<br />

bourse1 On ne donne pas là dedans, fiston!.<br />

C'estdu fil trop vieux pour nous, il casse. nous<br />

n'en usonspas!. Plus souventqu'on vate suivre,<br />

pour te voir déguerpir au premier coin de rue,<br />

pas vrai? Et j'en serais, moi, pour mon panier<br />

de pêches!. Arrange-toi comme tu voudras,<br />

paye,ou je te fais fourrer au violon! Justement<br />

v'la mon affaire! (Elle désigneAntoinequipasse<br />

avecquatre soldatspour aller releverles factionnaires.)<br />

Caporal!prêtez moi main-forte, (désignantNapoléon)<br />

v'là un individu qui m'a acheté,<br />

«1a fait euleverma marchandise. et à présent<br />

qu'il s'agitde payer,monsieura oubliésa bourse.<br />

C'estune frime!. arrêtez-le!<br />

ANTOINE. Calmez-vous,la marchande,calmezvous.<br />

nous allons voir ça. (Allant à Napoléon<br />

et lui frappant sur l'épaule.)Qu'as-tuà répondre,<br />

l'ancien? ( Napoléonse retourne. Antoinele reconnaîtet<br />

restestupéfait. Ah! cré nom!. Quui.<br />

qu'est-ce. ah! C'est. LAMARCHANDE DEFRUITS.Encoreune bonne<br />

paye que celui-là! Je ne veux rien entendre.<br />

Je suis dans mon droit, qu'on l'arrête!. ou bien<br />

mon argent! (Pendant cettescène,Duroc estrentré;<br />

on lui a expliquéde quoi il est question.<br />

pardon, excuse,mon.<br />

NAPOLÉON, l'interrompant. Tais-toi. et fais ce<br />

qu'on te demande. arrête-moi. emmène-moi!<br />

ANTOINE, balbutiant. Ah!. ah !. par exemple!<br />

Vous. vous arrêter, vous amener au<br />

poste! -<br />

NAPOLÉON. Oui!<br />

ANTOINE. Jene pourra? |iniàis, moneinp non,<br />

là, vrai. je ne pourrai pas! Laissez-moi,plutôt<br />

arranger l'affaire. haittant vivementNapoléon<br />

et allant à la mari-'-^inde. ) Vous accusezà tort<br />

le. ce. ce. d'êtta un. Non. je le connais,<br />

j'en réponds. oui. je répondspour lui!<br />

Il<br />

s'approchevivementde la marchande.)<br />

DUROC. Combienvous doit-on?<br />

LAMARCHANDE. Six francs.<br />

DUROC. Les voilà!.<br />

NAPOLÉON, à lui-même.Duroc! Il arrive à propos.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Qu'est-ce que c'est<br />

que celui-Ii?<br />

DUROC. Prenez !<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS. Je crois ben. J'aime<br />

mieux tenir que de courir ! Avec des pratiques<br />

commecelle-là. (Durocserapprochede Napoléon<br />

et lui dit à voix basse:)<br />

DUROC. Il y a là une voiture; elle nous attend,<br />

venez, sire.<br />

*<br />

NAPOLÉON. Oui. (Revenantvers la marchande<br />

defruits, et l'amenant à l'avant-scène.)Les fruits<br />

que vousvendezsont, je le crois, excellents,mais<br />

à coup sûr, on n'en dira pas autant de vous, ma<br />

commère.<br />

LAMARCHANDE DE FRUITS.Vraimentl Voyezvousça.<br />

NAPOLÉON. C'est du moins l'avis de l'Empereur<br />

1(Il entr'ouvresaredingoteet l'on aperçoitle<br />

grand cordon de la Légiond'honneur. La marchanderecule<br />

de stupéfaction.Napoléontraversela<br />

foule,gagnelefiacre et y monte.)<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS, pouvant à peine articuler.<br />

L'Em. l'Em. l'Empereur ! c'est l'Empereur!<br />

ANTOINE. Oui. Sa Majesté Napoléon. rien<br />

que ça 1<br />

TOUS.L'Empereur!. l'Empereur !.<br />

LAMARCHANDE DEFRUITS.Ah! ah! si j'avais<br />

su! (Lepeuplecourtenpoussantdesacclamations.) ViveNapoléon! vive l'EmpereurI<br />

Seizième Tableau.<br />

AuxTuileries.Unsalon.<br />

SCÈNE PREMIÈRE.<br />

ÉDOUARD,LÉON,HENRI,PAGES.<br />

ÉDOUARD. Allons,la journéeserafatigante, mais<br />

nousallonsvoirréunieaux Tuileries la plus bril<br />

lante assemblée.<br />

LÉON.Ft nous aurons le précieuxavantage<br />

d'échappé ur quelquesheures au général Gardanne,<br />

notre gouverneuraux sourcilsfroncés, à<br />

la parole brève, au geste dominateur.<br />

HENRI.Toi qui sais tout, Léon, tu dois savoir'<br />

s'il y aura plusieursbalsà la suite du couronnement?<br />

LÉON.Oui,tant que tu en voudras,et si tu n'en<br />

as pas assez, tu en demanderas davantage à<br />

l'Empereur.<br />

ÉDOUARD. Et tu seras reçu avec tous les honneurs<br />

dus à un ambassadeur.<br />

HENRI.Ambassadeurde quoi?<br />

LÉON.Des pages, parbleu, puisque tu seras<br />

chargé de'dire de notre part à Sa Majesté : Sire..<br />

ÉDOUARD, l'interrompant. Lecorps illustre de<br />

vos pages.<br />

LÉON.Animédu vifdésir de compléterl'éducation<br />

que vouslui faitesdonner.<br />

ÉDOUARD. Et pour se il est sentencieux. on voit bien qu'il profitedes<br />

leçonsde notre<br />

Gandon.<br />

sous-gouverneur,monsieurl'abbé<br />

LÉON.MonsieurEdouardsecroitun personnage,<br />

parce que monsieur le grand écuyer, monsieur<br />

de Caulaincourt,lui a adressé des élogessur sa<br />

manièrede monterà cheval et de fairedesarmes.<br />

ÉDOUARD, Oui, monsieur,je fais des armes,pas<br />

mal même,et vous?<br />

LÉON. A votreservice,monsieur.<br />

HENRI.Eh bien, c'est ça. battez-vous. L'endroit<br />

est parfaitement<br />

conformeraux traditions<br />

de la galanterie française.<br />

LÉON.Voussupplie..<br />

ÉDOUARD. Bon. voilàque tu m'as encoreinterrompu.<br />

LÉON. Du tout. c'est toi qui as commencé.<br />

ÉDOUARD. Non!.<br />

LÉON.Si 1.<br />

HENRI.Allons. voyons,du calme! Je vaisvous<br />

mettre d'accord. Edouard n'a jamais raison, et<br />

Léon a toujourstort, dans vosdisputes, bien entendu.<br />

ÉDOUARD. Merci, monsieur le graml-jlJ :<br />

monsieur Léonveut toujours prendre la parole,<br />

choisi.. De ce côté, l'appartementde<br />

l.'Impératrice,de celui-là,le cabinet<br />

del'Empereur ! Voulez-vousque j'appelle, pour<br />

vousservir de témoins, les princesétrangers qui<br />

vont arriveravecle, ambassadeurs,les ministres,<br />

le corps léghlatir, les magistrats,les maréchaux,<br />

les généraux,etc., etc. ?<br />

ÉDOUARD. Non, réservons-nouspour une autre<br />

occasion.Notre mort passeraitinaperçue,aujour.<br />

d'hui, et les bellesdamessont tellementoccupées<br />

de leur toilette, qu'elles ne verseraientpas une<br />

larmesur notre destinée.Va, Léon, continue.<br />

LÉON.Quoidonc?<br />

ÉDOUARD. Ce que nous voulions faire dire à<br />

l'Empereurpar Henri.<br />

LÉON. Ah! oui. Sire, qu'on nousdonne le plus<br />

souventl'occasiond'unir le myrte au laurier.<br />

nou serons braves : qu'on nous laisseêtre aimables<br />

et heureux. Beaucoup de fêtes, de bals,<br />

Sire. Ah! Dieu!. ah! lesbelles femmes,les<br />

jolies femmes, brunes, Mondes, jeunes et pas<br />

vieilles!. nous les aimeronstoutes, et nous fe-,<br />

rons marcherde front lesenquêtes de l'amour et<br />

les conquêtesde la victoire.<br />

HENRI. Cen'est pas mal, mais je te cède mon<br />

poste de plénipotentiaire : l'Empereur n aurait<br />

pas une déférencebien profondepourma mission<br />

diplomatique.<br />

ÉDOUARD. C'estpossible. d'autant plus qu'il a<br />

fait de nous, ces jours passés,un portrait peu en-'<br />

courageant.<br />

LÉON.Et commentl'Empereurnous a-t-il dé.<br />

peints.<br />

ÉDOUARD. Eh quoi! tu ne le saispas?<br />

LÉON.Non.<br />

LESPAGES. Ni moi! ni moi ! ni moi!<br />

ÉDOUARD. Les journaux se sont pourtant empressésde<br />

reproduire les paroles de Sa Majesté.<br />

LÉON. Lesjournaux 1. ils sont d'une indiscrétion<br />

1. Enfin?<br />

ÉDOUARD Eh bien, écoutez: Un page, a dit<br />

l'Empereur, est malin commeun singe; espiègle<br />

commeun écolierde sixième ; colère commeun<br />

dindon; gourmand comme un chat ; étourdi<br />

commeun hanneton ; paresseuxcommeune marmotte,<br />

et vaincommeun paon.<br />

HENRI.Allons,Sa Majesténe nousa pasflattés.<br />

LÉON. J'aime à croire qu'il ne m'avait pas en<br />

vue lorsqu'il a fait cepanégyrique.<br />

• ÉDOUARD. Ni moi, certes!<br />

TOUS.Ni moi! ni moi! ni moi!<br />

LÉON.C'est ça. personne. Il voulait parler<br />

des pagesde LouisXIV.<br />

ÉDOUARD. Chut ! voici les dames d'honneur de<br />

l'Impératrice. Léon, c'est à toi de les annoncer.<br />

(Lesdames d'honneur paraissent; undes pages<br />

ouvre l'appartementde l'Impératrice; Léonsalue<br />

et précèdelesdames.)<br />

SCENE II.<br />

LESMÊMES, moins LEON.<br />

ÉDOUARD. Cesdamesvont présiderà la toilette<br />

de l'Impératrice..<br />

HENRI.Ah 1 mes amis, il faut nous préparer à<br />

être gravestout à l'heure, car la salle du trône<br />

sera rempliede personnagesau milieu desquels<br />

nousdevonsavoir une attitude de circonstance.<br />

ÉDOUARD. Je crois bien: ce que la France a de<br />

plus illustre, ce que Paris compte de plus élevé<br />

en fonctionset en dignitéssera là, sousnos yeux,<br />

autour de l'Empereuret de sa famille: les puissancesétrangères<br />

y auront leurs représentants,<br />

et ceux-ci ne tarderont pas d'apprendre à l'Europe<br />

que la Courimpérialeleur a offertun spectaclesaisissantde<br />

grandeur et de magniticence.<br />

HENRI.Et ils diront peut-être : Ce qui nous


16 LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />

a frappés,c'était la tenue, l'allure,le maintien<br />

gracieuxde messieursles pages.<br />

iiitouAiio. Vaniteuxcommeun paon,a dit l'Empereur;<br />

c'esttoiqui estle paon.<br />

IIENny.Merci.<br />

,<br />

I.ÉON, entrantetsejetant dansunfauteuil.Oh!<br />

quel guignon ! monDieu, quel guignon!<br />

IlERI. Qu'as-tu,Léon?<br />

fe>->yARD. Commete voilàessoufflé!.<br />

LEON. Onle seraità moins.Je viensde traverser<br />

tout d'une haleineles galeriesde Flore, de<br />

AJar,de Diane. les salles du Trône, des Maréchaux,desministreset<br />

desambassadeurs. de<br />

descendrel'escalierd'honneur. delongerlerezde-chaussée..<br />

de passersouslepavillondel'Horloge.<br />

de remonterpar l'escalierdes Gardes.<br />

et cela, toujours en courant, et bousculant<br />

tout ce que je rencontraissur mon passage<br />

EDOUARD. Diable! voilà une course!. Et<br />

quellemouchet'avais doncpiqué?<br />

I.ÉO:'i, Neme le demandepas ou plutôt si.<br />

je vaisvousle direpour que vousjugiezs'il est<br />

permisd'avoir plus de fatalité,Au momentoù<br />

je suisentré pour annoncerlesdamesd'honneur,<br />

Herbaut finissaitde coifferSa Majesté. Vous<br />

arrivez à propos,mesdames,leur a-t-elle dit<br />

vousallezvoirsi, sousle manteauet la couronne<br />

impériale, je n'auraipastropmauvaisemine; et<br />

elle s'est fait attacher et manteauet couronne!<br />

Elle étaitsi majestueuse,si belle ainsi. que je<br />

restaiscommeen extaseà la contempler. oubliant<br />

que ne M'êtrt pas éloigné après avoir<br />

annoncéétait une inconvenancede ma part.<br />

Eu m'apercevantde ma faute,je mesuismistout<br />

doucementà gagnerla porte. Onne faisaitpas<br />

attention à moi,lorsque malheureusementmon<br />

pied rencontre la patte de Fox, le petit chisn<br />

favoride l'impératrice,qui dormaitprès d'un<br />

fauteuil. L'animalse lève,se jette sur moi,et<br />

Illemordlesmolletsdetelleforceque,pourm'en<br />

débarrasser,je suis obligé de lui allonger un<br />

coup de pied. Soudain il se met à pousserdes<br />

cris féroces' L'impératriceirritée me traite de<br />

Illaiadroit,de brutal. Je veuxm'excuser,je nt<br />

trouvepasune parole.Je me retournepourm'éluigr:er.<br />

voyezle guignon ! je m'accrochedans<br />

la volière, et jela renverse.cage, oiseaux,patatras!.<br />

voila tout au milieu de la chambre!<br />

EDOUARD. Cen'est pasavoirdechance,en effet !<br />

SCENE III.<br />

LES MtMEs,NAPOLÉON.(L'Empereur entre<br />

par la portelatérale de droite.Il s'arrêteau<br />

fondet écoute.)<br />

I.RON. J'aurais voulu être à cent pieds sous<br />

terreI. mais la terre ne s'entr'ouvraitpas du<br />

du tout1 Alors,commesi le diable m'eût soudainementapparu,je<br />

gagnela porte, et une fois<br />

dans la chambrevoisine,je me blottis en toute<br />

hâte derrière un meuble,n'osant ni bougerni<br />

respirer.Au bout d'un instant, revenu à moi,je<br />

s:!rsde ma cachetteet je me risqueà coller un<br />

cil au trou de la serrure de la chambrede l'impératrice.Jetenais,vousdevezlepenser,à<br />

savoir<br />

ce qui se passait. cequ'onpouvaitdire de moi.<br />

IIENHI. Je lecroisbien.<br />

I.Éo. Pour mieux entendre, je respirais à<br />

peine,lorsque<br />

I<br />

tout autres.) Allez, messieurs,allez. (Ils sortent.Le ME\Ri.Lemaréchal. un tel. Sire, millemil.-<br />

pageintroduit TalleyrandetFouché. ) lionsdetonnerre ! i<br />

LÉON.Leministje des relationsextérieuresse<br />

SCENE IV.<br />

promenantau milieud'un groupe.(Il marcheen.<br />

NAPOLÉON, TALLEYRAND, FOUCHÉ.<br />

boitant.)<br />

NAPOLÉON, à<br />

HENRI.Marchecommelui, et bornelà<br />

Talleyrand.Eh bien, monsieurle<br />

ton imi-<br />

ministre,m'apportez-vousde bonnesnouvelles?<br />

tation; ne parlepas!. pour l'imiter,en fait d'es-<br />

votrediplomatiea-t-elleenfinétécouronnéede prit,il faudraitêtre lediable,ou tout le monde!<br />

succès?<br />

ÉDOUARD. Et l'empereurqui avancepeuà<br />

TALLEYRAND. Oui, sire. Les<br />

endisant<br />

peu<br />

évêquesde Besan-<br />

: Messieurs,je suiscontent,je suistrès<br />

çon, d'Angoulême,de Strasbourg et<br />

content!LaFranceest honoréepar les<br />

de<br />

célébri'és<br />

Dijon<br />

se sontaccordésavecmonsieurde Portalis,mon- qui m'entourent,et, moi,je suis fierde possèdeseigneur<br />

de Bernier,les cardinaui et moi, et<br />

lespagesque la Providencem'a donnés. ;<br />

nous avons terminé immédiatementles malen- I.ÉON. Oh!toi, tu ajoutesà ton rôle. (llfusiqul(<br />

tendusqui s'étaientélevés.<br />

militaire.)Alerte!. alerte!. (Ilssortent) lf<br />

NAPOLÉON. Très-bien !. Vousêtes,Talleyrand,<br />

l'hommedesdifficultésvaincues!<br />

TALLEYRAND, s'inclinant.Site, je suisheureux Dix-septième Tableau.<br />

de la part que vousm'attribuezdans les événements<br />

LASALLEDU TRONE.<br />

qui s'accomplissent.Je m'applaudisd'assisterau<br />

spectacled'une grande nation ramenée<br />

auxtraditionsdu christianisme,par le<br />

Adroiteet à gauchesontgroupésles membresdela<br />

génied'un<br />

chefaugusteet<br />

familleimpériale.<br />

glorieux!<br />

NAPOLÉON. Vousêtesun flatteur.<br />

M.DETALLEYRAND. Sire,je ne suisquejustel.<br />

NAPOLÉON, se retournantversFouché..Etvous,<br />

Fouché,qu'avez-vousà me communiquer?<br />

FOUCHÉ. Sire,le cérémonialde l'augustesolennité<br />

d'aujourd'huiest complétementréglé. J'ose<br />

espérerque VotreMajestésera satisfaitedesdispositionsquej'ai<br />

prescrites. (Lui remettantun<br />

papier.)Voicile formuledu sermentdont vous<br />

avezdemandéla rédactionau présidentdu Sénat.<br />

NAPOLÉON, prenantle papieret le parcourant des<br />

yeux. Voyons. Cen'est pastout à fait cequeje<br />

désire. ( ÀTalleyrand, lui indiquant unetable<br />

quiestà droite.) Ecrivez,Talleyrand. (Dictant.)<br />

«Je juredemaintenir l'intégrité duterritoirede la<br />

France;


LE CONSULAT ET L'EMPIRE. 17<br />

lïiSP, réduit à flâner dans cette latitude inclusivement<br />

et à toujours. C'est une mauvaisefarce<br />

du diable, et je lui en demanderairaison quand<br />

jele rencontrerai sous le vent de son royaume!<br />

Dire que j'ai eu la patte droite casséecommeun<br />

mirliton dansla secondeattaque des Anglaiscon-<br />

la flottille de Boulogne!Si encore mes deux<br />

tre frères étaient ici, on se feraitdu mauvaissang en<br />

,famille, ça serait uneconsolation. Mais, bah!<br />

me \oilà clôturé et désemparéavec des amis qui<br />

ne savent pas me distraire, et si loin de la mer!<br />

MADAGASCAR. Je croyaisque ça t'amuserait de<br />

vagueraux bords de la Seine.<br />

MAGLoiRE.Ah! bien, oui!. l'eau douce, l'eau<br />

sucrée!. ils appellent ça un fleuve!c'est un bocalà<br />

y introduire des poissons rouges! Des<br />

goujonsen place de marsouins, des coquillesde<br />

noix au lieu de bricks et de vaisseaux ! La<br />

Seine! un véritablemarin ne pourrait pas s'y<br />

noyer, quand même il se mettrait au cou une<br />

pile de pont tout entière ! Qu'est-ce qu'il y a de<br />

* nouveau?<br />

MADAGASCAR. Rien!<br />

MAGLOIRE. Bon!. toujours la même rocambule!<br />

si du moins on se battait, on se récréerait<br />

à lirelesbulletins !. Non:", on a la paix,comme<br />

disent lesbourgeois!. Qu'est-ceque la paix?je<br />

vousle demande : la pêcheà la ligne au lieu du<br />

tremblementde la canonnadeet de la victoire!<br />

MARCELIN, dans la coulisse.Hé! mon oncle1.<br />

mononcle!.<br />

MAGLOIRE, Par ici, Colibri!. Est-ilenrubanné<br />

et fringantmon page de neveu ; si ça ne ferait<br />

pasmieuxd'être plongédans le goudron !.<br />

SCÈNE 11.<br />

LES MÊMES,MARCELIN.<br />

MAncELIN, entrant. Bonjour, mon oncle Ma<br />

gloire!.<br />

MAGLOIRE. Bonjour,Bengali;que viens-tufaire<br />

ici?.<br />

MARCELIN. D'abord, j'ai porté une dépêche au<br />

gouverneur.<br />

MAGLOIRE. Ah!<br />

MARCELIN. Et puis, j'ai une nouvelle à vous<br />

annoncer!<br />

MAGLOIRE. Une nouvelle 1. Il n'yen a plus,<br />

nous sommesen panne, en calmeplat!<br />

MARCELIN. Savez-vousoù est mon oncle Baptiste!<br />

MAGLOIRE. Dans quelquegarnison,à sefaireun<br />

lard de sixpoucesd'épaisseur. MAUCFLIN. Eh bien! vousvoustrompez.<br />

MAGLOIRE. Dequoi?<br />

MARCELIN. MononcleBaptiste est arrivé1<br />

MVGLOIRE. Arrivé1.<br />

MVHCELIN. Oui,et il entre aux Invalides.<br />

MAGLOIRS. A la bonne heure, c'est d'un bon<br />

frère,ça!. Pourtantje nevoudrais pas qu'il eût<br />

reçu un atout trop violent!<br />

MARCELIN. Non. seulement, à forced'attrap per des hlessures,il en a eu de reste. Ce matin,<br />

il est venume trouverà l'hôtel des pages,en débarquant.<br />

Il m'a accompagnéici, il a pris son<br />

; numérod'ordre pendantque j'allais chezlegoui<br />

verneur. Et tenez, regardezlà-bas. le voiciqui<br />

vient vousembrasser!<br />

i MAGLOIRE. Comment, c'est lui. Est-il avarié<br />

» ep pauvre Baptiste!. quelle dèchede bâbord et<br />

de tribord1 (Criant.)Eh! par ici, cavalier.<br />

IHPIISTr;, s'approchant. Magloire! (Ils s'embrussenl.)<br />

SCENE III.<br />

LESMÊMES, BAPTISTE.<br />

CAPUSTE. Salut la société!.. C'est fini!. incorporé,caserné<br />

avee vous ! J'auraisbien voulu<br />

que ce fût pour plus tard, mais pas mQyen! Je<br />

me cramponnais;mais,dans une trouéeque nous<br />

avons faite dans le Ilanô.re. il y a quelque<br />

temps, mon comptea été arrêté!.. Invalide!<br />

MARCELIN. Eh bien. est-ceque vousn'avez pas<br />

fait votrepart et au delà?<br />

BAPTISTE. Cequi me consoleun peu, c'est que<br />

les autres sontau port d'armesautant que nous.<br />

l'empereurse reposeet tout le mondeidem !.<br />

Oh1 ça, en ma chambrée,je payema bien-venue.Où est la<br />

cantine?.<br />

MAGLOIRE. Il n'y a pas de cantine ici.<br />

BAPTISTE. Pas de cantine. Ah! alors je m'en<br />

vas.<br />

MAGLOIRE, le retenant. Mais on peut se procurer<br />

du raisin en liquide. Toutes voiles dehors,<br />

Madagascar!<br />

MADAGASCAR. Ça yest! (Il sort et revient quelquesinstants<br />

aprèsportant des bouteilleset des<br />

gobelets.)<br />

MARCELIN. Ditesdonc,mesoncles,sivous venez<br />

tous l'un après l'autre aux Invalides toute la<br />

familley passera,et je pourraisbien y venir<br />

tôt<br />

plus<br />

qu'à mon tour!.<br />

MAGLOIRE. Tu n'en as pas le droit. Il te manque<br />

des campagnes et des chevrons. Voicile<br />

raisin.. Verse,Madagascar,et à la santé de<br />

tiste.Bap-<br />

LESINVALIDES. A la santé de Baptiste!.<br />

BAPTISTE. Merci! et àla vôtre!. (Ils boivent,<br />

Jean Thurelest entré; il<br />

ment et<br />

s'approchelente-<br />

se placeau milieu du groupe.)<br />

JEANTimnEL.Et moi?.<br />

SCÈNE IV.<br />

LESMÊMES, JEAN THUREL.<br />

MAGLOIRE. Vous, père Thurel, toutes les bouteilles<br />

si vousvoulez!<br />

JEANTHUREL, désignant Baptiste.Quel est ce<br />

garçon?<br />

MAGLOIRE, Monfrère!<br />

JEANTHUHEL. Le hussard. (A Baptiste.) Ta<br />

main. ton frère m'a souventparlé de toi!<br />

BAPTISTE. Et vous,Jean Thurel, toutel'armée<br />

vous connaît comme le, patriarche à tout le<br />

monde. t<br />

JEANTHOFEL. Commevousveneztous de bonne<br />

heure aux Invalides 1. Il est vrai que les batailles<br />

d'aujourd'hui se livrent avec un fameux<br />

renfort d'hommeset de canons!. Donne-moià<br />

boire, Madagascar!<br />

MADAGASCAR. Voilà! (Il lui verse à boire.)<br />

JEANTHUREL. Voyezun peu, c'estjeune comme<br />

le printemps, et ça tremble des mainsi. c'est<br />

commeçaqu'on tient une bouteille,fermeet d'aplomb<br />

1. (Élevantson verre.) Mesenfants!.<br />

LESINVALIDES. A votre santé, père Thurel!<br />

JEANTIIUllKL. Masanté1 bien obligé!. mais<br />

je n'ai jamaisété malade, et je ne le seraijamais.<br />

(Il boit.)Ah! ah! voilàje petit page!.<br />

MARCELIN. Bonjour, monsieur Thurel!.<br />

JEANTHUREL. Bonjour, petit oisillon! ton<br />

uniformeest gentil, maiscommetout ça a changé<br />

depuis le roi LouisXIV! j'ai vu ses pagesaussi.<br />

BAPTSITE. Les pagesde LouisXIV?<br />

JEANTHUREL, Eh bien, qu'est-ce qu'il y a<br />

d'étonnantà ça? j'avaisdix-huit ans lorsqu'il est<br />

mortje puis bien m'en souvenir!<br />

BAPTISTE. Et vousétiezsoldat?<br />

JEANTHUREL. Parfaitement, dans le régiment<br />

de Touraine ! J'étaisà Versaillesle jour où monsieur<br />

le maréchal de Villarsest rentré à la cour<br />

après la fameuse bataille de Denain!. Unebataille<br />

qui sauvala France!<br />

BAPTISTE, basà Magloire.Ahçà,disdonc,est-ce<br />

par suite d'une fêlure qu'il parle commeça?<br />

MAGLOIRE, de même.DU tout!. tu n'as qu'à<br />

voirsesétats de service,tu y trouverasles choses<br />

tellesqu'il les raconte. (Mouvementdans l'hôtel,<br />

bruit confus.)Qu'est-cequ'il y a?<br />

voix-L'Empereur!. l'Empereur!.<br />

BAPTISTE. L'Empereur!. Onn'a pas battu aux<br />

champs !<br />

MARCELIN. Je sais maintenant pourquoi j'ai<br />

porté<br />

attendant que je me colloque dans<br />

une MAGLOIRE. C'est vrai, sire; mas tout colac'est<br />

à l'occasionde l'enrôlementdans les invalidesde<br />

mon frère Baptisteque voilà, un anciende votre<br />

connaissance.<br />

NAPOLÉON. Vousêtes trois frères?<br />

BAPTISTE. Oui, il y a encoreAntoine.<br />

NAPOLÉON. Où est-il?<br />

BAPTISTE. Toujourssous le drapeau!<br />

NAPOLÉON. Bien!<br />

ilAGLOIRE. Il n'y<br />

dépêcheau gouverneur.<br />

voix. Vive<br />

l'Empereur ! (Napoléonparaît précédéet<br />

sutVd mvalides et d'un aidede camp.)<br />

SCENE V.<br />

LESMÊMES,NAPOLÉON.<br />

NAPOLÉON. Silence, mes amis, silence!. je<br />

viensvousvisit-r sans façon. Ah! ah! desbouteilles,'des<br />

gobelets!. ce n'est pourtant pas ici<br />

le réfectoire1<br />

a pas de doute, bien1 Et bon<br />

pour lui. il nes'enn. il ne s'embêtepas comme<br />

nous..<br />

NAPOLÉON. On ne doit pas s'ennuyerquand on<br />

a rempli ses devoirs et qu'on possèdeles honorables<br />

souvenirsqui vous restent, à vous tousS<br />

Est-il bon, votrevin?<br />

MAGLOIRE. Hum. hum. Il ratisse un peu la<br />

gosier.<br />

NAPOLÉON. Voyons!. (Il se fait verser du vin<br />

dans ungobelet et boit.) Eh bien! mais il est<br />

supportable.<br />

MAGLOIRE. Allons,allons, il ne vaut pas votre<br />

chambertin!<br />

NAPOLÉON. Je suis forcéd'en convenir!(Il fait<br />

quelquespas et se trouve en facede Jean Thurel.)<br />

Jean Thurel !<br />

JEANTHUIlEL. Oui, sire. (Napoléonle salue.<br />

Jean Thurel porte une main tremblante à son<br />

chapeau.)Sire, c'est. c'est la premièrefois que<br />

ma main. tremble!.<br />

NAPOLÉON. Jean Thurel, c'est à vous surtout<br />

que je fais une visite aujourd'hui.<br />

JEANTHUREL. A moi, sire, à moi!.<br />

NAPOLÉON. Oui, à vous, qui depuis un siècle<br />

portez avechonneurl'uniforme du soldat!. j'ai<br />

ma couronne,vousavezla vôtre, celled'une vieillessesans<br />

exemple,consacréepar le courageet le<br />

dévouementpour la bannièrede la France! Moi<br />

qui ai fait de plusieursrois de l'Europemes alliés<br />

ou mes vassaux,je m'incline devantvous,<br />

car je ne sais rien de plus respectable que ces<br />

nombreusesannées accumuléessur la tête d'un<br />

défenseurde la patrie!<br />

JEANTHUREL. Sire, je. je puis mourir maintenant,<br />

heureux dein'éteindre sous vos regards, et<br />

dans la gloirede votrerègne. je. (Il chancelle.)<br />

NAPOLÉON. Appuyez-voussur moi!. (Il le sou.<br />

tient de son bras.) Parlez-moide votre passé!<br />

JEANTHUREL. Sire, pardon, j'ignore comment<br />

l'on parle à des rois, maisvousme faitespresque<br />

toutoublierl J'ai vu ici mêmelegrand LouisXLV,<br />

moinsgrand que vous, car son regard ned minait<br />

pas le monde,commele vôtre, et ne descendait<br />

point jusque dans les derniers rangs de ses<br />

soldats!j'ai servisous le Régent, sous LouisXV,<br />

sousLouis XVI,et je bénisle ciel d'avoirpu m'aligner<br />

sous ce drapeau tricolore qui .vous doit<br />

tant de victoires 1. Sire, les vieillards vantent<br />

toujoursle passé,eh bien, je dis, moi,que Jebon<br />

Dieuvousa envoyépour fairemonterla Franceà<br />

son plus haut degré de gloire!.<br />

NAPOLÉON. Vos services effectifs?<br />

JEANTHUREL. A l'époque de la révolution,Î (<br />

91 ans, dans le régiment de Touraine. i<br />

NAPOLÉON, prenant une croix d'honneur des<br />

mains de l'aide de camp. Jean Thurel, voici es<br />

que je vous apporte; c'était à moi quisuis plus<br />

jeune devenir voustrouver!<br />

JEANTHUREL. Sire1 ah1 merci,merci!.<br />

MAGLOIRE. Milledomsd'un nom.<br />

NAPOLÉON. Qu'as-tu donc toi?<br />

MAGLOIRE. Commentceque j'ai!. Croyez-vous<br />

donc que ce soit amusantde ne pouvoirplus se<br />

faire tuer pour vous!<br />

NAPOLÉON. Vousl'avez tous essayéassez souvent.<br />

Vousavez regardé la mort avec tant de<br />

hardiesse,qu'elle a toujoursreculé devant vous'<br />

Aujourd'hui vivez en paix, et soyez fiers d'êtr,<br />

abrités sous ce dôme, au fronton duquel sont<br />

tracéesces glorieusesparoles : Au couragemal<br />

heureux,la Francereconnaissante.Allonsvisitei<br />

l'hôtel. Jean Thurel, à vousl'honneur. Passez.<br />

car la premièredignité, c'est une vieillessehonorable<br />

comme la vôtre. Passez.<br />

TOUS.Vivel'Empereur!


! 18<br />

LE CONSULAT ÉT J/KMHRi'.<br />

Divueavlème Tableau.<br />

A Postdam.Novembre1805,dansle palaisdu roide<br />

Prusse.Un salon.— Auleverdu rideau, on entendla<br />

musiquemilitaireau lointain.<br />

SCENE PREMIÈRE.<br />

M. D'HAUGWITZ,UN CHAMBELLAN,puis<br />

FREDERIC-GUILLAUME 111.<br />

LECHAMBELLAN, entrant avecM.d'IIaugicits.Entrez,<br />

monsieurd'Haugwitz. Sa Majestéa donné<br />

l'ordre de l'informer, sans retard, de votrearrivée<br />

au palaisde Postdam<br />

M.D'HAUGWITZ. S. M. n'est doncpasavecl'Empereurde<br />

Russieet notre reine,à cetterevuequi<br />

a mis sur pied toute la garnisonde Berlin?<br />

LECHAMBELLAN. Non ; le roi a fait appeler ses<br />

ministrespourexamineraveceux une note remise<br />

par M. de Laforet,ministrede France, et le maréchalLannes,envoyéextraordinairedel'empereur<br />

des Français. S. M. va se rendre auprès de<br />

vous. (Lechambellansort.)<br />

M.D'HAUGWITZ. Le roi m'appelledu fond de la<br />

retraite où je me reposais de la politique, pour<br />

me consulteret s'appuyer de mon approbation<br />

Ah! que Dieum'inspiredanscesconjoncturesdif ficiles.<br />

-LECHAMBELLAN, rentrant. Le foi! (Il sort. Fré-<br />

-<br />

déric-Guillaumeentre.)<br />

FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Je voussalue,.M.d'Haugwitz.<br />

M.D'HAUGWITZ, s'inclinant.Sire.<br />

FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Je vous ai fait venir à<br />

Postdam, car j'ai besoinde cette expériencequi<br />

vousdistingue.<br />

M.D'HAUGWITZ. Sire, vous avez des ministres<br />

habileset dévoués.<br />

FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Oui,je compte sur vous<br />

pour m'aiderà résoudreles questionsque l'empereur<br />

de Russie est venu me soumettre, après<br />

avoir quitté son camp de Pulawi et avantd'aller<br />

rejoindresonallié dans lesenvironsde Weymar.<br />

L'empereurAlexandrecherche à m'attirer dans<br />

cette nouvelle coalition de l'Europe contre la<br />

France.Lareine, que j'aime voussavezavecquel<br />

dévouement,attache une sorte de sentimentchevaleresqueà<br />

cequ'on appelleune croisadecontre<br />

les idées révolutionnaires : elle s'exalte,elle aspire<br />

a la guerre. Guidez-moi,M. d'Haugwitz;<br />

j'ai foi en voslumières,en votre attachement.<br />

Lisezcette note et faites-moiconnaîtrevotreopinion.<br />

M.D'HAUGWITZ. Sire. unea ttitudeirrésolue aurait<br />

ses périls.(On entend battre aux champs.)<br />

Leurs Majestésrentrentau palais. Permettez-moi<br />

d'aller examinercette note en silence et de me<br />

recueillirquelques instants.<br />

FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Allez, monsieurd'Haugwitz.<br />

hâtez-vousde nous rejoindre, je vous en<br />

prie. M. D'Haugwitzs'incline et sort par une<br />

desporteslatérales. Despages. des chambellans,<br />

desgénérauxentrentpar le fond et se rangent à<br />

droite et à gauche.)<br />

SCENE II.<br />

FRÉDÉRIC- GUILLAUME , LA REINE DE<br />

PRUSSE, L'EMPEREURALEXANDRE,LE<br />

PRINCE DOLGOROUK,L'ARCHIDUCAN-<br />

TOINE.<br />

(Lorsquelesnouveauxpersonnagessont entrés,<br />

lespages, leschambellanset FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Oui, messympathiessont<br />

avecvous tous; mais je sais aussi ce que nous<br />

avons à craindre. En 92 nous sommesallés jusqu'à<br />

Verdun, et, depuis, la France a débordé<br />

jusqu'en Italie.. en Egypte. en Hollande. en<br />

Allemagne. Qui peut nousdire si ce torrent va<br />

rentrer dans son lit?<br />

ALRXANDRE. Le torrent s'est affaiblien s'étendant<br />

trop loin. Le momentest venu de le renfermer<br />

dans sesanciens rivages.<br />

LAREINE.Le moment est venu aussi de se<br />

joindreà cesdeux nationsarméespour une lutte<br />

suprême. la .Russie et l'Autriche!. Songez,<br />

Sire, à la gloireque vousallez acquérir.<br />

ALEXANDRE. La gloire. oui. mais je ne la<br />

veux pas pour moi seulI je veux la partager<br />

avec l'empereur d'Autriche. avec vous, mon<br />

frère! Unissez-vousà moi pour rendre à nos.<br />

peuplesleur indépendance.<br />

les généauxse retirent.)<br />

LAREINE,à Alexandre.Eh bien, Sire, que<br />

dites-vousde nos régiments?<br />

ALEXANDRE. Je dis, Madame,que je les ai vus<br />

dansun doublé enthousiasme,celui de la guerre<br />

et celui que vouajeur inspirezvous-même1<br />

LAREINE. Ils saventque je désireet leur gloire<br />

et la nôtre. Je suis d'une race hostileà cepeuple<br />

français qui menacetous lessouverains et<br />

dans leur puissance héréditaire et dans la îenommée<br />

qu'ils ontpu jadisacquérirparles armes!<br />

Si le signal se donne, sire, c'est au milieu de la<br />

bataille que je veux entendre et mériterdes acclamations.<br />

ALEXANDRE, à Ff~n


tE CONSULAT ET L'EMPIRE. 19<br />

droit denous plaindre, alors quele petit caporal<br />

couchecommenousà la belle étoile.<br />

lÉONARD. 'C'est juste. tu as raison.(Désignant<br />

Napoléon.)Il s'éveille.<br />

NAPOLÉON, à Roustan.Quelleheureest-il, Roustan?.<br />

ROUSTAN. Quatre heures du matin, sire.<br />

NAPOLÉON, descendant à l'avant-scène.Comme<br />

le jour est lent à venir! (Il se trouven face de<br />

Léonardet d'Antoinequi lui font le salut militaire.)<br />

Vousvoilà déjà debout. pourquoi vous<br />

fatiguer? La besogne ne va pas vous manquer,<br />

cependant.<br />

ANTOINE. C'estdonc pour aujourd'hui, sire?<br />

NAPOLÉON. Oui.-Siles Russesne se décidentpas<br />

à attaquer, dès la pointe du jour, nous les attaquerons,<br />

nous!<br />

ANTOINE. V'làune nouvellequi ne réjouira pas<br />

peu lescamarades.(Lesappelant.) Oh làljehl camarades..<br />

lesanciens!.<br />

NAPOLéoN. Ne les éveille pas, laisse. laisseles<br />

reposer.<br />

ANTOINE. Ça leur ferait tant de plaisir!.<br />

NAPOLÉON. N'importe, attends encore.<br />

ANTOINE. Suffit,sire!.<br />

NAPOLÉON, voyantunsoldatcouchésur la paille<br />

et qui n'a pas commeles autres de capote sur<br />

lui. Cesoldat n'a pas de capote. le froid va le<br />

saisir !. (Il ôte le manteau dont il est enveloppé<br />

et il en couvrelesoldat.)<br />

ANTOINE et LÉONARD. Sire!<br />

NAPOLÉON. Silence1 (Il regarde à droite et à<br />

gauchesi sessoldatssont bien. Voyantun feu de<br />

bivouacqui est près de s'éteiudre, il prend du<br />

bois. le ranime, puis il sort en continuant son<br />

inspection.)<br />

SCÈNE II.<br />

LESMÊMES, moinsNAPOLEON ; puis MARCELIN.<br />

ANTOINE. Ah! s'il voulaitje lui donnerais le<br />

double de mon existence ! ( Un jeune aide de<br />

camptraverse le théâtre, il tient une dépêcheà la<br />

main, et il va la remettre à Duroc. C'estMarcelin.)<br />

LÉONARD, à Antoine.Tiens, voilàquelqu'un de<br />

ta connaissance.<br />

ANTOINE. Oui, monneveu ; le gamin a eu fièrement<br />

raisonde planter là la boutique desonquincaillier.<br />

le voilà officier. et nommé sur le<br />

champde batailled'Ulm,par Napoléonlui-même !<br />

(MarcelinquitteDurocet traverse lethéâtre pour<br />

s'éloigner; Antoinel'appelle.)Marcelin!<br />

vousdonner : je fais partiede l'état-majordu m;).<br />

réchalLsnnes.<br />

ANToINE. Cré nom! En t'enrôlant t'as eu Latour-d'Auvergnepourparrain,<br />

tuas été pagede<br />

l'empereur. et tu fais partie de l'état-major du<br />

maréchalLannes. T'es né coiffé,gamin, et j'en<br />

suis fierpour toi.. Eh! mais. eh! mais,<br />

cequequ'est-<br />

je disdonc? Pardon, excuse. je n'ai<br />

le droit de vous<br />

plus<br />

parier de la sorte. à présent<br />

que vousavez l'épauiëtte d'orticier,<br />

MARCELIN. Que dites-vous, mon oncle?. Si<br />

vous cessiezd'être le même avecmoi. je croirais<br />

que vousne m'aimezplus. (Onentenddans<br />

la coulisse un grand mouvementet les cris au<br />

lointain de Vivel'empereur! Tous les soldatss'éveillentet<br />

se lèvent.)<br />

SCENE III.<br />

LES MÊMES,THIÉBAUT,entrant; puis NAPO-<br />

LEON,LANNES,DUROC,SOLDATS.<br />

ANTOINE, à Thiébaut.Qu'est-cequ'il y a? pourquoi<br />

ces acclamations?.<br />

THIÉBVUT. Les camaradesdes avant-postes,en<br />

apercevantl'empereur au milieu d'eux, ont fait<br />

des torchesavec la paille de leur bivouac, et ils<br />

l'escortenttriomphalementdanssa marche. (Tous<br />

les soldatsprennent de lapaille, ils font des torches<br />

qu'ils allument aux feux des bivouacs. Le<br />

théâtre se remplit d'autres soldatsportant tous<br />

une torche.'Laclartélaplus vivesuccèdeà l'obscurité.<br />

Napoléonentre entouré deses généraux, au<br />

milieu desacclamationsde : Vivel'Empereur!)<br />

NAPOLÉON. Merci,mesbraves. merci!. Les<br />

Russes nous croyaientabattus, découragés;<br />

ces feuxde joie. que ces acclamations aillent aue<br />

jusqu'à eux. qu'ils soientles précurseurs de<br />

leur défaite!.<br />

ANTOiNE, A les entendre ils n'auraient qu'à<br />

ouvrir la bouche pour nous avaILT. mais soyez<br />

tranquille, sire, on se mettra en travers.<br />

NAPOLÉON. Oui. monbrave. oui, nous nous<br />

mettronsen travers! - L'arméerussese présente<br />

pourvenger l'arméeautrichiennevaincueàUim.<br />

C'est à vous de porter dans ses rlulgs,.avecvotre<br />

bravoure accoutumée, le désordre et la mort!<br />

Pénétrez-vousbien de cette pensée : Unevictoire<br />

finira cette campagne, et 310rs lapaix que je<br />

feraiseradigne<br />

MARCELIN. C'estvous, mon oncle. Je suis heufeux<br />

de vous voir!. J'ai une bonne nouvelleà<br />

demon sois tranquille, on t'en flanquera! ([,ecanon se<br />

fait entendre,)<br />

NAPOLÉON. Les Russesviennent à nous. (Aux<br />

généraux.)Rappelez-vousbien mes instructions,<br />

c'est du plateaude<br />

peuple. de vous. et de<br />

moi!<br />

LANNES. Napoiéon,c'est aujourd'hui l'anniversaire<br />

de ton couronnement,nous saurons dignement<br />

le célébrer1<br />

LESGÉNÉRAUX. Oui., oui.<br />

ANTOINE. Tu veux de la gloire, sire ? Eh bien,<br />

Pratzen qu'il faut nous rendre<br />

maîtres. C'estcontre les étangs glacésqu'il faut<br />

refoulerles Russes,c'est là que je veux les écraser!<br />

(A ungénéral.) Claparède, et vous, soldats<br />

de la47men'oubliezpas quej'ai surnommé votre<br />

brigade la Terrible. — Le prompt succcèsde la<br />

btaille dépendde la vigueurque vousdéploierez<br />

ici. il ne faut pas que les Russespuissent<br />

chir cette position.<br />

frant1<br />

CLAPARÈDE. Ils ne passerontpas. Sire, nousle<br />

jurons. ji<br />

TOUS.Non! non!<br />

NAPOLÉON. Je compte sur vous. En avant!<br />

(Cecri estrépété par les généraux et les soldats;<br />

tous s'éloignent,à l'exceptiondela 47mequi prend<br />

position dans l'abbaye. LesRusses paraissent :<br />

l'actions'engage. — LesRussesont tour à tour<br />

l'avantage et le désavantage. L'abbaye s'écroule,<br />

tout entière sous le feu du canon. La 47me les<br />

chargeà la baïonnetteet met l'ennemien fuite.—<br />

Descavaliersrusses, des fantassins,passent tour<br />

à tour en fuyant, et poursuivispar descavaliers<br />

et des fantassins français. — La toile de fond<br />

change.)<br />

21me et me Tableaux.<br />

La décorationreprésente,à droite, les hauteursde<br />

Pratzen.Les Françaisen sontmaîtres.A gauche,.<br />

les lacs de glacessur lesquelsles Russesse sontréfugiés,<br />

cavalerie, infanterie ; ils fuycnt pêlei<br />

mêle.DeshauteursdePratzen,l'artilleriefrançaisej<br />

tire sur les lacs, à bouletsrouges,La glace sel<br />

briseet les Russesy tombent,hommes,chevaur,<br />

en<br />

j<br />

poussantdes cris épouvantables.Les Russes<br />

qui ne sontpassur la glacemettentbaslesarmes,<br />

et se constituent'prisonniers.Napoléon,tous les<br />

généraux,toutesles troupes,viennentse masser<br />

sur le théàtreet surleshauteurs.<br />

LANNES Sire, nous sommesvainqueurs .sur tous<br />

lespoints, les empereursde Russieet d'Autriche<br />

sont en fuite.<br />

NAPOLÉON. Soldats, vousvousêtes couvertsde<br />

gloire. Ce soleilqui se lève sourità vosexploits.<br />

Désormais il vous suffira de dire: J'étais à la<br />

bataille d'Austerlitz pour qu'on réponde : Voilà<br />

un brave1 (Musiquemilitaire.)<br />

TOUS.Vivel'Empereurt H<br />

«I<br />

FIN.


Ci<br />

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NOUVELLE GALERIE<br />

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ARTISTES<br />

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VIVANTS<br />

Cette nouvelleGalerie contiendrasuccessivement les portraits en pied desprincipauxArtistes<br />

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Chaqueportrait est accompagné d'une Noticebiographiqueet d'uneAppréciationlittéraire"contenant des détailsparticulierssur la<br />

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Lemaîtrefils, G,Bell. Gumot.R Lucas,H. Monnier,H, Kolle,Jules Janin, Jules de Prémaray, Lefranc,MarieAycart, Paul deKock,Phil.Boyer,<br />

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1<br />

3<br />

1<br />

10<br />

10<br />

90<br />

30<br />

15<br />

10<br />

La Famille Gogo.<br />

1 50<br />

Carotin 1 10<br />

Mon ami Pift'ard. 50<br />

L'Amour qui passe et l'Amour qui<br />

vient » 70<br />

Taquinet le Bossu. 70<br />

Cerisette.<br />

1 5°<br />

Une Gaillarde.<br />

1 80<br />

La Mare d'Auteuil.;,<br />

1<br />

Les Utuvistes , -. 2 ,<br />

On Monsieur très-tourménté. » 80<br />

La Bouquetière du Château d'Eau. 1 60<br />

Paul et son Chien. 1 80<br />

Madamede Monflanquin 1 20<br />

La Demoiselle du cinquième. ! 60<br />

M. Choublanc.<br />

» 80<br />

LePetit J:s:dore,. 1 50<br />

M. Cherami. 1 30<br />

XAVIER DE MONTÉPIN.<br />

lUnDrame d'amour,.<br />

Le Médecin des pauvres<br />

Les Mystères du Palais-Royal.<br />

» 70<br />

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Les Mystères de Paris. 1 voL. 3 75<br />

Le Juif errant. 1 vol. , 3 15<br />

LesMisères des enfants trouvés. 1 v. 4 80<br />

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L'Y,nst;tutrice » 00<br />

iUar-Gull<br />

„ 70<br />

La SaJamandre. » 90<br />

Le Marquis de Létorière » 50<br />

Arthur. I 50<br />

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» 90<br />

Deux Histoires. 1 10<br />

Latréaumoat. 1 10<br />

Comédies sociales<br />

» 70<br />

Jean Cavalier. 1 80<br />

Lu Coucaratcha. 1 10<br />

te Commandeur de Malte. 1 10<br />

Paula fonti. , » 90<br />

Plik et Pl ok. » 70<br />

Deleytar. ) 50<br />

Mathilde. 2 15<br />

Le Morne-au-Diabte. 1 10<br />

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La Colère. , » 70<br />

La Luxure. » 70<br />

La Paresse. t 50<br />

L'Avarice. » 70<br />

La Gourmandise., Il 50<br />

La Marquise d'Alfi 8 70<br />

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1<br />

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La marquise de Brinvillierg..- Karl<br />

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de Saint-Géran. - Les Cenci. » 90<br />

Marie Stuart.,. » 70<br />

Les Borgia.—La marquisede Gange.» 90<br />

Massacres du Midi. - Urbain Grandier.<br />

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POMSON DU TERRAIL.<br />

LesCavaliers de la nuit.<br />

L'Armurier de Milan.<br />

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1 10<br />

11 55<br />

L'Héritage mystérieux 2 70<br />

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LESTUOISMALPIN,corn.en 5 actes,par MM.Scribeet Boisseaux. 2 »<br />

L'ORESTIEtragédieen 3 actes, par M.AlexandreDumas. 2 »<br />

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MM.Beiotet C.Villetard.<br />

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L'HUGIFR DEHARLEM,d., 5a., parMM.Méryet GérarddeNerval.1 50<br />

FLAMLMO, comédieen 5 actes,par MraeGeorge Sand.<br />

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LEJOUEURDEFLUTE,comédieen 1 acte, par M.EmileAugier. 1 50<br />

ROML LUS, comédieen 1 acte,par M. AlexandreDumas. 1 1<br />

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LECORDONNIER DECRÉCY,d. en 5 a, par MM.A.LuchetetDesbuard. 1 »-<br />

LAFILLE DEVOLTAIRE,comédieen 1 acte,par M. Baraguey. 1 »<br />

LE l\BRDDELAVi.lVE, comédieen1 acte. 1 »<br />

LELIÈVREET LATORTUE, corn.en 1 acte,par M. Paul Guillerot.1 C<br />

LAREINEDELESIJOS, i. antiqueen 1 acte, par M. PaulGuillerot. 1 ï<br />

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L v COÎISME ATERIVF.Y, 1a., par MM.L. L'ri-ieet A'béiicS cnd. 1 »<br />

LE UOl;'1 ET LA CROYANCE, drameen1 acte,par M. eW.nier. 1 »<br />

HEMAFEMME,corn.en 3,a. par M. LouisLeroy.1 x<br />

LA VIE lN tiOSE,5 rctes, par MM.Th. Barrièreet P. de Kock. 4 *<br />

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LE DÉMONDr.LANUIT,opéraen deuxactes,parM. Bayard. 1 ><br />

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LESPECCADILLES DEVALENTIN, v. en 1 a., par M.Nap.baquet. » 60<br />

LECALIFEDELARUESAINI-BON,parMM.Marc-MiclieletLabiche. » 60<br />

MADAMEBIJOU,1 a., par MM. L. Lurine'et HaynondDeslan;ea. » 60<br />

LAMARIÉEAUXFPINGLI S corn.en 1 acte, par M.Léon IJalévy.» GO<br />

.T',WH CHEZLESSAlVAGI S, f.-v, en 1a., parMil-Tliéod.et Paul. » 00<br />

JEANLESOT, sayeette,paroles de M.Tli. Julianet J.-B. Vcsseur.» 60

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