MAGASIN THATRAt. CHOIXDE PIÈCESNOUVELLES ... - talleyrand
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<strong>MAGASIN</strong> <strong>THATRAt</strong>.<br />
<strong>CHOIXDE</strong> <strong>PIÈCESNOUVELLES</strong>. - Prix :. 20 centimes.<br />
,1<br />
LE CONSULAT ET L'EMPIRÉ^<br />
PIÈCE MILITAIRE EN h ACTES ET 22 TABLEAUX<br />
(DE 1799 A 1806)<br />
PAR MM. FABRICE LABROUSSE ET ALBERT<br />
BARBRÉ, ÉDITEUR<br />
BOULEVARDSAINT-MARTIN. 15/.<br />
Mise en scène de M. ALBERT; — Musique de M. FESSY;<br />
- Ballet de M. HONORÉ, - Décors de MM. WAGNER, CHÉRET et LECHEVALIER; Machines de M. AUGUSTE MARÏ<br />
REPRréSEîSTlin POURLAPREMIÈRE FOIS,APARIS,SURLETHEATRE IMPÉRIAL DUCIRQn:,LE1cr AOUT1853.<br />
USTRIBUTIOJVDE LA PIÈCE.<br />
NAPOLÉON MM.ROBERT DROOVILLK.<br />
GENERALLANNES. PASTHLOT.<br />
GENERALDUROC. COCHET.<br />
GENERALDESAIX LAREY.<br />
CKNFRALLEFEBVRE. )<br />
M. D'HAUGWITZ S D". TI>>«K.MOST.<br />
L'À\-IIRALHHUlX• • FÜlX<br />
AL.L)ETALLEYRAND BOILEAO<br />
M FOUCHE<br />
SALLlmI.<br />
M. SlEYES. CORDIKR.<br />
IBABTISTE, brigadierdehus-<br />
LEONARD,soldat MM.BHICIIAHD, LE ROI<br />
l'HIEBAUT,soldat PONTONNIER. DE PRUSSF, - - - MM.ARTItUFt,<br />
UNGARÇONLIQUORISTE.<br />
JEANTHUREL, invalide.. THEOL. UN INVALIDE ».<br />
MADAGASCAR, invalide.. EOITUZET. JOSEPHINE<br />
DARCODRT.<br />
BEAUHAR-<br />
UNINVALIDE. , DARCOURT. NAIS M" JOSÉPHINE.<br />
LESUPERIEURDUSAINT.<br />
CAROLINE. OLÉMEXCK.<br />
BERNAUD<br />
M. MELZ1 i To¡;nr;oT. TOM.NOT. M" CAMPAN CIIEZA.<br />
GIACCOMO. ., GERPHÉ.<br />
JEANNETTE I'ERTAUD.<br />
GENERALMELAS. NOEL.<br />
EDOUARD,page.<br />
Niw<br />
LEON ('J:"ILE.<br />
GENERAL0RE1LLY. PREVOST. HENRY I L'LLKT.<br />
srH,is. , WILLI~~ltlg.<br />
WILLIAMS. GENERALOTT., A.BARRAL. ,\lARUI-I:% -NDE DEFRUIS. WSANNAS.<br />
ANTOINE, , , , BORSA. GENERALKAIM.<br />
MARCH\NDE DE FLEURS.CASSARD.<br />
MAtiLOlltF,marin. LKBEL. GENERALHADDICK.><br />
MARCHANDE DEPOISSON. FANNYGONZUÈ*.<br />
MARCf
2 Mit'ONSlI.A ! i.i L'i MlMUl-!.<br />
BONAPARTE. Etvous ti.siezque vousn'avieziîen<br />
de nouveau!<br />
M.DETALLEYRAND, C'estsouventdans le postscriptum<br />
d'une lettre que se trouve l'objet le<br />
plus important.. Sieyèsest avecvous, général.<br />
mais.<br />
BONAPARTE. Mais, il enfante quelque nouvelle<br />
et attend le momentde la faire acepter?<br />
J<br />
Constitution,<br />
M.DETALLEYRAND Mon Dieu , général, nous<br />
i vons tous-notre marotte; celle de Sieyèsest de<br />
:ollslilut'r. Faites commemoi, ne le contrariez<br />
fas trop, surtout lorsque vousallezpouvoirfaire<br />
tout-ce-iue vousvoudrez..Aujourd'hui dix-huit<br />
bnvnaire, de grandes chosesvontse décider.<br />
Sieyèsneserapasun obstacle,puisqu'il approuve ;<br />
mais, s'il n'était pas avec nous, on remarquerait<br />
sonabst'nce,.etce serait fâcheux!<br />
BONAPARTE. Qu'il vienne!je n'irai pas le chercher!<br />
M DETALLEYRAND. Il est venu.<br />
BONAPARTE. Et où est-il?<br />
M.DETALLEYRAND. A votre porte, dans ma<br />
voiture. Je vaisvous l'amenr1.<br />
BONAPARTE. Voilà du mystère, qu'en pensezvous?<br />
M. DE TALLEYRAND. Je pense que s'il fallait<br />
procéderà coupsde canon,général,vousn'auriez<br />
pas besoinde nous. (Il sort.)<br />
SCÈNE III.<br />
BONAPARTE, seul; puis M. DETALLEYRAND,<br />
SIEYÈS.<br />
BONAPARTE. Lorsque Sieyès aura disloqué le<br />
Directoire en se retirant avec Roger Ducosj<br />
lorsque le Conseildes Anciens, en transférant<br />
pour demain le Corpslégislatif à Saint-Cloud,<br />
m'aura investi de toute l'autorité militaire, qui<br />
donc pourra m'entraver,m'arrêter dans monchemin?.<br />
Je suis fort de mon passé,fort de l'attachement<br />
du peuple et des soldats, fort de ma<br />
cause,qui est celledu pays!. ( M. de Talleyrand<br />
entre avecSieyès.-À Sieyès.)Bonjour,monsieur<br />
Sieyès!<br />
SIEYÈS. Général. -<br />
BONAPARTE. Comment1vousattendez à la porte<br />
de votrefutur collègue?<br />
SIEYÈs.Votrecollègue!<br />
BONAPARTE. Sans doute; ne devons-nouspas,<br />
vous, Roger Ducoset moi, composerle Consulat?.<br />
SIEYÈS. Je l'ignorais.Nousavonseu de si rares<br />
occasionsde nous voir,: nous ne nous sommes<br />
guère rencontrés qu'au banquet qui vousfut offert<br />
par les deuxConseils I<br />
BONAPARTE. Oui, et, dans cette circonstance,<br />
nous n'échangeâmespas une parole.<br />
M.DETALLEYRAND. Il y avait tant de monde !.<br />
Et puis Sieyèsne vousconnaissaitpas bien encore.<br />
BONAPARTE, à Sieyès.Meconnaissez-vousmaintenant?<br />
M.DETALLEYRAND. Sans doute, général, puisqu'il<br />
va devenirvotre collègue.(Ils s'asseyent.)<br />
BONAPARTE. Alors,allonsau fait. (Ons'assied.)<br />
Il faut en finir avec le Directoire ; ce pouvoir<br />
tombe en ruines, et si on ne le renversait,la<br />
France elle-mêmeroulerait dans l'abîme où l'entraîne<br />
ce .gouvernement qui succombesous sa<br />
proprefaiblesse. SIEYÈS. Fondezuneautorité forte et solide,gé<br />
néral. Absorbonsdans l'unité cesmille fractions<br />
éparpilléesdans la politique. Souvenez-vouade<br />
cette maximeque j'ai poséedansmon<br />
@projet de<br />
Constitution : la confiancedoit venird'ENBAS, le<br />
pouvoir doit venir Il v a ensuiteles politiques et les modérésqui<br />
siégentdans le Conseildes Anciens, et que vous<br />
dirigez,vous, Sieyès,avec la même facilitéque<br />
vousdirigez votre collègueRoger Ducos,lequel<br />
vous suit commevotre ombre 1 Nous<br />
en<br />
possédons<br />
troisièmelieu le parti des spéculateurset des<br />
hommesde plaisirsque conduit Barras, cet ambitieuxde<br />
sérail! Enfin,il y a ceuxqui sontavec<br />
vous, général.Ce sont les plus actifs, les mieux<br />
placés dans l'opinion ; n'eussent-ils pasces qualités,<br />
il leur suffirait du prestigede votre fortune,<br />
pourque la victoireleur demeurât!<br />
BONAPARTE. Ceque vousavez dit est exact, je<br />
le reconnais. mais vous ne parlez pas d'un<br />
hommequi a bien Sonimportance. qui est venu<br />
me pressentir. et que je n'ai pas revu depuis<br />
trois jours. Vousne parlez pas de Fouché1<br />
SIEYÈs,à TaLleyralld.C'estjuste1 vousl'avez<br />
oublié1<br />
M.DETALLEYRAND. Je n'oublie jamais un ministre<br />
de la police,<br />
d'en haut: aujourd'hui, il<br />
a rien ENHAUT,<br />
n'y<br />
et, en bas, on attend. Les partis.<br />
M.DETALLEYRAND. Les partis. J'ai eu le temps<br />
de les étudier depuis que je ne suis plus ministre.<br />
Nous avons d'abord la faction dite le manège,<br />
je ne sais trop pourquoi. Est-ce par allusionà<br />
l'habitude que ces messieursont prise de<br />
toujours tourner dans le mêmecercle?. Peu importe?<br />
Cette fraction se rallie aux directeurs<br />
Moulinsàqui on a faiteroire qu'il était général.<br />
Ct (Jobierqui est. ehbien, quiest directeur!.<br />
surtout lorsqu'il s'appelle<br />
Fouché.<br />
BONAPARTE. Sera-t-il avecnous?<br />
M.DETALLEYRAND. Sans nul doute, vous savez<br />
que c'est un hommeprévoyant.<br />
BONAPARTR. Qu'il vienne,alors1 mais que chacun,<br />
en se joignant à moi,sache bien qu'il s'agit<br />
de la France et non d'un homme ; du pays tout<br />
entier, et non de Bonaparte seulement!. Je<br />
n'ai pas cette ambitionvulgaire qui n'aspirequ'à<br />
des titres ouà des trésors!. mes titres, je les<br />
mettrai dans ma consciencequi me dira que j'ai<br />
posé le pied sur l'anarchie et le désordre; mes<br />
trésors,cesera la gloire, le bonheurde la patrie1<br />
SIEYÈs.A l'œuvre donc, général!. Je vous<br />
quitte pour agir de mon côté!. Nousallônsfaire<br />
rendre par le Conseildes Anciensles décrets qui<br />
tous mettront en main la puissancenécessaire.<br />
Quantà Barras.<br />
M.DETALLEYRAND. Barras!. Envoyez-ledonc<br />
à saterre de Grosbois,s'il fait le difficile!. Donnez-luiune<br />
bonne escorte prise dans lesdragons<br />
de Sébastiani, ça le flattera, il aime l'étalage.<br />
SIEYÈS. Bien1. A revoir, général.<br />
BONAPARTE. A bientôt. à bientôt, consul!<br />
SIBYÈS, saluant. Consul 1<br />
M.DETALLEYRAND. Voilàun échange de politessesque<br />
la France ne lardera pas a ratifier. Sur<br />
trois que nous sommesici, il yena deux qui reçoiventun<br />
baptêmemérité. le troisième.<br />
BONAPARTE. Le troisièmesera ministre des relationsextérieures.<br />
M.DETALLEYRAND. Merci, général, je n'avais<br />
rien demandé.<br />
BONAPARTE. Maisvousacceptez?<br />
M.DETALLEVRAND. Il le faut bien! (Il sort avec<br />
Sieyès.)A bientôt, général, à bientôt!.<br />
SCÈNE IV.<br />
BONAPARTE, seul.<br />
Aujourd'huimêmej'agirai et je réussirai 1 Oui,<br />
je sens là (il met la main sur son cœur)que la<br />
Providencem'a choisipour sauverla France, et<br />
la faire glorieuse entre toutes les nations!<br />
SCÈNE V.<br />
BONAPARTE,JOSÉPHINE.<br />
JOSÉPHINE. Comment,mon ami, voilà le jour<br />
et tu n'auras pas pris un momentde repos?<br />
BONAPARTE. Et toi, déjàsortie de ces flotsde<br />
gaze et de dentelles dont tu t'entoures même<br />
pendantton sommeil!<br />
JOSÉPlIINE. Je n'ai pu dormir,je n'ai cesséd'avoir<br />
dans ma pensée,sous mesyeux, les événementsde<br />
cettejournée qui se prépare. Ah! Bonaparte!<br />
si le succèsvenait à manquer à nos<br />
espérances !. Tu ne me dis rien! tu ne me rassures<br />
pas!<br />
BONAPARTE. Voudrais-tufuir à l'heure du danger?<br />
JOSEPHINE. Non! mais, je n'aipas encorefait la<br />
guerre autant que toi!<br />
BONAPARTE. Comment 1 depuis un mois, tu ne<br />
cesses d'escarmouchercontre nos adversaires : de<br />
discipliner nos amis, d'écarter les obstacles, de<br />
balayer le terrain1. Tu as troublé le farouche<br />
Gohier,au point qu'il ne sait d'herbe s'accrocheren se noyant!. Tu as tenu<br />
tête à Bernadotte !. Murât et Lannes,ces deux<br />
intrépides, se sont encore exaltésà ta voix, et<br />
Talleyrand prétendait hier que sa diplomatie<br />
baisseraitpavillondevant la tienne!<br />
JOSÉPHINE. Je ne dis pas. maisque veux-tu.<br />
on est femmeet on s'inquiète. Tiens! tu m'as<br />
souvent reproché de ne m'occuper.que de chiffons;<br />
aujourd'hui, je voudrais n'avoirà songer<br />
qu'à ma marchandede modes.<br />
BONAPARTE. Tu y reviendras,et bientôt.<br />
JOSÉPHINE. Tu crois?<br />
BONAPARTE. Oui,je te connais. Soistranquille, i<br />
ton budget ne tardera pas à reprendre toutesses Iy<br />
proportions.<br />
JOSÉPHINE. Mais,où allons-nous?<br />
BONAPARTE. (Onse lève.)Nous allons au pou-*<br />
voir!<br />
JOSÉPHINE. Tu m'effraies!<br />
BONAPARTE. Vraiment?<br />
JOSÉPHINE. Oui, le pouvoir, je le crains!<br />
BONAPARTE. Pourquoile craindre, lorsqu'onn'y<br />
aspire que pour faire le bonheur du peuple ! Ce<br />
sont plutôt tes préjugés de routine et de caste<br />
qui te préoccupent; maisces préjugés sont uiés<br />
comme les vertugadinsde ta grand'mère!. L<br />
peuple nouveauou régénéré,une race nouvelle<br />
de gouvernants !<br />
JOSÉPHINE.-Oh ! parcequ'il me resterait quelques<br />
souvenirs,que tu exagères,ce n'est pas une<br />
raison pour que je m'oppose à la puissancequi<br />
pourrait surgir, surtout si Bonapartela représente!.<br />
D'ailleurs, ne m'a-t-on pasprédit à moimême<br />
une haute fortune et les grandeurs humains?.<br />
Nonque j'aie l'ambition d'une égoïste,<br />
non; mais dominer, c'est p uvoir faire le bien,<br />
venir en aide aux malheureuxet serreposerdes<br />
fatiguesde l'élévation par le souvenirdes bienfaits<br />
qu'on a répandus! Bonaparte, gouverneles<br />
hommesque ton génieattire sous ta main,je serai<br />
près de toi pour signaler l'infortune à ta<br />
bonté!. Hortense et Eugène partageront les<br />
soinsque je prend ai de te faire bénir! Chersenfants,<br />
au cœursi nobleet si pur, que Dieuécarte<br />
de vousles dangersqui pourraient nousmenacer<br />
nous-mêmes!. Je serais forte contre mes propres<br />
douleurs, je serais faible si je vousvoyais<br />
souffrir!<br />
BONAPARTE. Joséphine, tes enfants sont devenus<br />
les 'miens et je les ai placés sous la sauvegarde<br />
de toute mon affection. Ils auront leur<br />
part de ma destinée. Rassure-toi, calme ton<br />
imagination<br />
plus À quel brin<br />
de créole, continue de te montrer<br />
ferme et souriante devant ceux qui marchent<br />
avecnous, eLdevantceuxqui nous seraient contraires.<br />
La victoire, c'est un peu comme les<br />
femmes,voistu, il faut les poursuivresans relâchejusqu'à<br />
ce qu'on en soit.<br />
JOSÉPHINE. Le maître,n'est-ce pas?<br />
BONAPARTE. Non. l'heureux compagnon.<br />
UNDOMESTIQUE, entrant. Le commandant de<br />
Paris demandeà parler au -<br />
général.<br />
BONAPARTE. Lefebvre!. Ah! diable! - Est-c<br />
qu'il voudraitse mettre en travers?<br />
JOSÉPHINE. Veux-tu que j'assiste à votre entretien?<br />
BONAPARTE. Non, laisse-moi,Joséphine,laissit<br />
moi1 (Au domestique.)Faites entrer le générai<br />
Lefebvre !<br />
JOSÉPHINE. Et s'il vient en ennemi t<br />
BOWPARTE. Eh bien, c'est en ami qu'il s'ea<br />
retournera. (Joséphine s'éloigne,le domestique<br />
introduit legénéral Lefebvre.)<br />
SCÈNE VI.<br />
LEFEBVRE,BONAPARTE.<br />
LEFEBVRE. Bonjour,général.<br />
BONAPARTE. Bonjour, Lefebvre.<br />
LEFEBVRE, croisantles bras et le regardant. Eh<br />
bien1<br />
BONAPARTE. Eh bien, général?<br />
LEFEBVRE. Nous voulons donc du nouveauà<br />
Paris?<br />
BONAPARTE. Non, à Saint-Cloudt<br />
Puis, Saint-Cloud,Vaugirard! Ça<br />
,,@) n'yFFEBVRR. fait rien. Tusais, monfils, que je commande<br />
la 17edivision militaireci-incluse?
LE CONSULAT E'f I/LMP1IIK.<br />
3<br />
BOAPAtrr.Certes,et cen'est pas moiquisongerajsà<br />
fairepassercecommandementen d'autres<br />
mains!<br />
LEFEBVRE. Tu saisque le Directoirem'a chargé<br />
de veillersur lui?<br />
BONAPARTE. Le Directoireest devenuimpuissant.<br />
LEFEBVRE. Possible! maisil est encoredebout.<br />
BONAPARTE. Pour combiende temps?<br />
LEFEBVRE. Je ne sais pas, maistant qu'il y est,<br />
je ne doisconnaîtrequema consigne. - Ecoute.<br />
carje te pariecommeun ancienqueje suisvisà-vis<br />
de toi: je t'ai suivi de , t oeda partir de<br />
Toulon,où je n'étais pas, mais d oùj ai eu de<br />
tesnouvelles, puisen Italie, puisen Egypte,et<br />
je me suisdit: Voilaun lapin qui ferason<br />
chemin!<br />
Il se peut même, si ça l'arrange, qu'il se<br />
colloquedans le terrier des autres1 Je croisque<br />
tu es en train de mettre le pied dans le terrier<br />
du Directoire1<br />
BONAPARTE. Il faut pourvoirà la situation.<br />
LEFEBVRE. Ah!<br />
BONAPARTE, marchant. Nous avonsété assez<br />
longtempsentraînés au loin par la guerre, lassant<br />
à ceshommesun pouvoirqu'ils ne doivent<br />
plus garder!<br />
LEFEBVRE. Ah !<br />
BONAPARTE. Desdiscours,des fêtes, voilà tout<br />
cequ'ils savent faire1<br />
LEFEBVRE. C'estvrai, et nousparadonssouvent pour leur amusement.<br />
BONAPARTE. Lerègne des avocatsest fini!<br />
LEFEBVRE Les avocats!ah! si tu me parlesdes<br />
avocats !. j'en ai plein. la cervellequ'ilsm'embrouillent<br />
avec leurs phrases qui n'avancent<br />
rien. maisc'est égal, j'ai ma consigne!<br />
BONAPARTE. GénéralLefebvre,vousconsentiriez<br />
à soutenirces hommesqui perdent la patrie1<br />
LETEBVKE. J'ai ma consigne,je te dis1 — me<br />
voilà réduit à l'état de caporal. Je pensecomme toi. Les directeurs me contrarient plus que ma<br />
part; il ne font rien de bon, ils mécontentent<br />
l'armée, ils se sont misà dos tout le peuple. Tu<br />
as raisonde vouloirlesdémolir,maisje seraiforcé<br />
de te contrecarrer, et je suis venu pour te le<br />
dire. Disdonc, si ça tournebien, occupe-toitout de suiteet sérieusementde l'armée ; cesavocats<br />
la négligent.que ça fait honteet pitié!. Etablis<br />
un pouvoirferme et régulier; plus de parleurs,<br />
mais des hommesd'actionet dévoués,et que la<br />
France reprenne uneattitude respectable!<br />
BONAPJRTE. Vouspensezdonc commemoi?<br />
I EFEBVHE. Parfa¡: (mellt!<br />
BONAPARTE. Et o:isvoulezvousopposer.<br />
LEFEBVRE. Je ne le veux pas, j'y suis forcé!<br />
toujours par la consigne.<br />
BIJNAPARTE. Maisaujourd'bui même,les membres<br />
du Directoireseront dispersés,et le decret<br />
qui tranfèreles conseilsà Saint-Cluudfacilitera<br />
un événementque vous regretteriezd'avoir vu<br />
s'accomplirsans y participer.<br />
LEFEBVRE. 11y a un décret commecelui dont<br />
tu parles?<br />
BONAPARTE. J'attends qu'on me le signifie.<br />
LEFEBVRE. Oh! alors,il n'y a pasàse tracasser<br />
le tempérament. Le Directoireest enfoncé.<br />
je donnema démission.<br />
BONAPARTE. Je m'y oppose.<br />
LEFEBVRE. A ce compte,il n'y aura que la<br />
consignede changée.<br />
BONAPARTE. Précisément!<br />
JOSÉPIIlNE, entrant. Eh bien, êtes-vous d'accord?<br />
IKFEBVRE. Pardieu, madame, avec un diable<br />
d'hommecommele vôtre, le moyen de ne pas<br />
faire ce qu'il veut.<br />
JOSÉPHÎNE. Bonaparte, voici plusieurs de tes<br />
amis, Lannes, Duroc, Sébasliani, monsieur de<br />
Talleyrand.<br />
BONAPARTE. Bien. (Apart.) Et ce décret. ce<br />
décret qui n'arrivepas!. Le refuserait-on?-Que<br />
pourrais-jefaire alors?<br />
s'agiraitd'une fête que vous ne montreriezpas<br />
plus d'empressement.<br />
LEFEBVRE. Nousy allons peut-être, à la fête;<br />
maison pourrait bien casserles violons.<br />
LANNES. Est-ceque tu seraiscontre nous?<br />
LEFEBVRE. Et si'y étaiscontre vous,après?<br />
LANNES, souriant. Nousnousbattrions.<br />
LEFEBVRE. Eh bien?<br />
LANNES. Ceserait dommage t<br />
LEFEBVRE. Pour toi, sans doute, Gascon du<br />
diable!<br />
LANNES. Pour toi aussi, Alsacienentêté!<br />
LEFEBVRE. Donne-moi la main,écervelé,je suis<br />
avecvous.<br />
LANNES. A la bonne heure! Que te disais-je,<br />
Duroc?<br />
DUROC. Maisje n'ai jamaisdouté de la sympathiedu<br />
général pourBonaparte.<br />
BONAPARTE, bas à Talleyrand. Vous avez vu<br />
.Fouché?<br />
M.DETALLEYRAND, Oui,général.<br />
BONAPARTE. Quedit-il? Quefait-il?<br />
M.DETALLEYRAND. Il surveillel'agoniedu Directoire,il<br />
ne tardera pas à venir.<br />
UNDOMESTIQUE, annonçant.MonsieurFouché!<br />
FOUCHÉ, entrant. Général,madame,je viensun<br />
peu tard, mais c'était pour mieux servir votre<br />
cause.(ApercevantM. de l'alleyrand.)Vousétiez<br />
déjàici,monsieurde Talleyrand?<br />
M.DETALLEYRAND. Oui, monsieur Fouché, j'y<br />
suis mêmedepuisplusieursjours.<br />
TOUCHÉ. Vousêtes prévoyant,monsieur.<br />
M.DETALLEYRAND. Monsieur,vousêtes la prudencemême.[Ils<br />
sesaluent.)<br />
LEDOMESTIQUE, annonçant.MonsieurSieyès !.<br />
BONAPARTE. Enfin1 (4 Sieyès.)Ehbien?<br />
SIEYÈs,à Bonaparte.Général, je suis chargé<br />
de vous communiquerla résolution prise par le<br />
Conseildes Anciens.<br />
BONAPAATE. J'écoute, etje suis prêt à obéiraux<br />
ordresdu Conseil.<br />
SIEYÈS, lisant. «Le ConseildesAnciensdécrète<br />
»ce qui suit: Le Corps législatif est transféré<br />
»dans la communede Saint-Cloud.Les deux<br />
»Conseilsy seront rendusdemain,dix-neufbru-<br />
»maire, à midi. LegénéralBonaparteest chargé<br />
»de l'exécutiondu présent décret, Le général<br />
» commandantla dix-septièmedivision,la garde<br />
»du Corpslégislatif,lesgardesnationalesséden-<br />
»taires, les troupesde ligne, sont mis immédia-<br />
» tement soussesordreset tenus de le reconnaî<br />
»tre en cette qualité. Il<br />
BONAPARTE. Cedécret sauve la France. (Aué<br />
généraux.) Jurons de le faire<br />
lesgénérauxtirent<br />
respecter! (Tous<br />
leur sabre et étendentla main<br />
versBonaparte,qui leurprésentele décret.)<br />
TOUS.Nousle jurons!<br />
BONAPARTE. Lflfeb\ re, vous stationnerez avec<br />
dix mille hommesaux Tuileries. Je donne à<br />
Moreau, qui s'est offertà moi en qualité d'aide<br />
de camp, le commandementdu Luxembourg.<br />
Lannes,tu commanderasla garde du Corps législatif.<br />
Murat occupera militairementla communede<br />
Saint-Cloud.(Onentendbattre la générale<br />
au dehors.) Messieurs,une ère nouvelleva<br />
commencer. secondezvotre généralavecl'énergie,<br />
-<br />
SCÈNE VII.<br />
LESMÊMES, DUROC,LANNES,MONSIEURDE<br />
TALLEYRAND,GÉNÉRAUX, COLONELS, OFFI-<br />
CiERS, puis FOUCHEet SlEYES.<br />
JOSÉPHINE. Messieurs,soyezles bienvenus; il<br />
la fermetéet la confianceque j'ai toujours<br />
trouvéesen vous.La liberté, la victoireet la paix<br />
replacerontla Franceau rang qu'elleoccupaiten<br />
Europeet que L'ineptieou la trahisona pu seule<br />
lui faireperdre.<br />
TOUS. Bien,très-bien!<br />
BONAPARTE. A bientôt,Joséphine!<br />
JOSÉPHINE. Bonaparte,je ne respireraiqu'à ton<br />
retour.<br />
BONAPARTE. Bonespoir,Joséphine. (AllTgénéraux.)<br />
Venez,messieurs.(Fouchéet Talleyrand<br />
restentlesderniers.)<br />
FOUCHÉ, montrant la porte. Monsieur,,après<br />
vous.<br />
M. DETALLEYRAND. Passez, monsieur. je ne<br />
puis pas marcher de front avecles événements,<br />
moi; js nepuis que les benxième Vablcaii.<br />
A Dijon,<br />
suivre,je suis boiteux!<br />
(Ils sortent.)<br />
sur la lisièreducampdel'arméederéserve.<br />
On entendun roulementde tambours,un instant<br />
aprèsdessoldatsentrentet déposentleurs armes.<br />
SCENE PREMIERE.<br />
LÉONARD,ANTOINE,THIÉBAUT,SOLDÂTS.<br />
LÉONARD. Encoreune revue, et toujours des<br />
revues!<br />
ANTOINE. Eh bien?<br />
LÉONARD. Eh bien, ce n'était pas la peine de<br />
nous faire venir pour cela jusqu'à Dijon. Nous<br />
aurionstout aussibien paradé dans le Carrousel.<br />
ANTOINE. Vois-tu,malcontent, le premierconsulà<br />
sonidée, et si noussommesà Dijon,cen'est<br />
pas pour nous amuserlongtempsaux bagatelles<br />
de la porte, nous irons ailleurs.. et plus loin.<br />
Le.premier consul n'a pas fait prendre ici un<br />
billet de logementà soixantemillehommespour<br />
une puérilesatisfaction.<br />
LÉONARD. A la bonne heure, alors.<br />
ANTOINE. Où diablesontdonc mesdeuxfrères?<br />
THIÉBAUT. C'està peinesi leshussardsviennent<br />
de romprelesrangs. doncle brigadiern'est pas<br />
en retard pourvousrejoindre. Quantau marin,<br />
il se promènesans doute à son ordinaire.<br />
ANTOINE. Il en a le droit et le temps,étant ici<br />
à la faveur d'un congé qu'il a pris pour nous<br />
rendre visitea Baptisteet à moi.<br />
TlIIÉBAUT. C'est assez rare de voircommeça<br />
trois frèresau service.<br />
ANTOINE. Oui,il n'aurait plusmanquéquenotre<br />
sœur fût cantinière. maiselleest restéedans le<br />
civil,là-bas, danc "Vepays,du côtéde Fontainebleau.<br />
«<br />
LÉONARD, Et votre neveu, sera-t-il soldat, celui-là?<br />
ANTOINE. Notre neveuest en apprentissage, à<br />
Paris, chezun quincaillier.et il paraît mêmeque<br />
c'est,une pratique qui bousculefréquemmentles<br />
milrchandlsesde son patron. Eh! eh! voici le<br />
généralLanneset le généralDuroc. Rienque ça!<br />
-6 SCENE Il:<br />
LESMÊMES, LANNES,DUROC.<br />
DUROC. Oui, Lannes,depuis trois jours que le<br />
premierconsulest arrivéà Dijon,il n'y a pasun<br />
hommequi ne s'attende à partir au premiermoment.<br />
LANNES. Je l'espèrebien aussi,parbleu!. Tout<br />
à l'heure, en passant cette sorte de revued'inspection,je<br />
me disaisque Berthieravait assezfait<br />
pour sa part, en organisantl'arméede réserve,et<br />
que c'était enfinà notre tour à travailler.<br />
DUROCEt il nous faudra, à mes camaradeset<br />
à moi, bien dSSfaits d'armes pour que notre<br />
nom ait quelqueéclat auprèsdu tien.<br />
LANNES. Flatteur!Nenie follait-ilpasfaire un<br />
peu plus qu'un autre?. je suis parti d'une condition<br />
si humble: fils d'un garçonde fermedu<br />
paysde Lectoure,j'ai fait commetouscesvolontairesqui<br />
se mirent en marche,entraînéspar lé<br />
patriotisme, et dont plusieurssont,revenusnous<br />
joindre ici à l'appel du premier consul et en<br />
abandonnantencoreune foisle foyerdomestique<br />
où ils s'étaient retirés aprèsla guerre. Tiens, •><br />
Duroc,me voici parvenuà un grade élevé; eh<br />
bien,je ne suis jamaisplusheureuxque lorsque<br />
je retrouve quelquecamaraded'autrefois,resté, par une injustice du sort, dans les rangs inférieurs.<br />
Quandje mefisvolontaireà l'arméed'Italie,<br />
simplevolontaire,pouréchapperà l'inactivité,<br />
j'oubliais gaiementque j'avais été chefde<br />
brigadeen quatre-vingt-quinze.<br />
DUROC. Oui, maistoute l'armée avait les yeux<br />
fixéssurtoi,etc'estlà de là que datentcette affection,cetteestime,que<br />
te portele premierconsul. LANNES. A propos de premier consul, sais-tu<br />
qu'il était entraînanthier au soir,lorsqu'ilrappelaitles<br />
événementsqui ont suivi le dix-huitbrumaire?.<br />
Son langage à la fois conciliant et<br />
fermeavec les puissancesétrangères?. l'ordre<br />
et l'autoritéseredressantsur leursruines, à partir<br />
du jour ou, entrant au Luxemi oarg avecse«<br />
deuxcollègues, il prit placesur le fauteuilprésidentiel?Je<br />
voisd'ici Sieyèset Roger Pucosoq
i<br />
LE CONSULAT ET VIMPIHE.<br />
«lisantdu regard qu'ils avaient un maître et<br />
, iVilsn'avaientplusqu'àle suivre..<br />
nunoc.Commenous, commela France! (Lati,Ur-d'Auvergnentre<br />
avecAntoine et quelques<br />
i'ddats. ) Quelestdonc ce vieuxsoldat qui vient<br />
MOUS?.<br />
LANNES. Tu ne l'a doncjamaisvu?. C'estLa-<br />
':.\ur-d'Auvergne!<br />
SCÈNE III.<br />
LESMÛMES , LATOUR-D'AUVERGNE.<br />
T,ATOUR D'AUVERGNE. Tusais, Antoine, que je<br />
,';,"Sà ta disposition.Noussommesd'ancienscarides.<br />
Si ton frère, le marin, a besoinde<br />
¿', Iquerecommandation, j'écrirai un mot à mon<br />
•àrTii,l'amiralBruix.<br />
,ÏN'TOINE. [Herci;maisc'est un loup de mer qui<br />
là-'' ubitionneguèrelesgrades.<br />
; \TODR-D'AUVER«NE. Il a peut-êtreraison.<br />
INNÉS.C'estcela, Latour-d'Auvergnedoitplus<br />
'r.i p rsonnecomprendrela modestie et le dés-<br />
;:I':'j ¡'!'ssement, lui, qui serait général depuis<br />
\':": temps, s'il l'avait voulu; lui, qui a refusé<br />
À tre, mêmelorsqu'ilcommandaiten Espagne<br />
•<br />
Irps de huit centsgrenadiers, appeléla coinfernale.<br />
0. TOUR. D'AUVERGNE. Ecoutez,chacun doitsen-<br />
..:!t.,;; 's forces;moi,je suisun assezbonsoldat,et<br />
:':'"rllmanderais mal peut-êtreune division ou<br />
'.:ti\;c, brigade.Nousavonseu un généraldansnotre<br />
Ile, Turenne:c'estune illustrationà laquelle<br />
,". 'auraisrienajouté. D'ailleurs tout en vou-<br />
• la discipline, je suis un peu soldatirrégu-<br />
X:.,.. un peu partisan. Lorsqu'iln'y a pas à se<br />
0-.,\-e, que la campagneest close, je me retire,<br />
"t -î quitte le sabre pour la plume. j'aime les<br />
'*V';s! (Auxsoldats.)C'estune bonnechose que<br />
'i:.;f,\'fes, allez. lorsqu'ilssontbons!<br />
r N.\KSVousen avezfait vous-mêmequi sont<br />
";;; s et scientifiques,à ce qu'on dit.<br />
R.vTOUR-D'AUVERGNE. Quelquesrecherches,oui,<br />
? ( de travailet d'investigations. Donne-moi<br />
,':;';!tell, Antoine.— (Il rallume sa pipe.) Après<br />
'i:! nx de Bâle, j'ai composéun glossairèdans<br />
< fIj'ai misen regard quarante-ciuqlangues.<br />
¡:!I# fait aussi un dictionnaire français-celtique<br />
"'::"!;;' peut servir pour l'étude des tempspassés.<br />
':.:NNFS. Et vousavezlaissélà vos travauxlit-<br />
':':':."; ires pour rejoindre les volontairesque le<br />
m lier consula rappeléssousles drapeaux.<br />
,';',TOUR-D'AUVERGNE. Il faut tout dire, je me<br />
'i\!:":vieux, j'ai cinquante-septans; peut-être,<br />
iv-r,ne il n'y a plus aujourd'hui pour la France<br />
l,:, iiiger qui la menaçait en 91, peut-êtrese-<br />
,!:,,;;, -je restétranquille en Bretagne,maisj'ai un<br />
-,'.,,;appelé Lebrigant. (Les soldats rient.) Ce<br />
- la vousfait rire, je le conçois. maisjamais<br />
¥i n'a été plus mal appliqué. Lebriganta un<br />
l'uniquesoutiende sa vieillesse. Ce garçon-là<br />
..,:,:!t forcémentpartir pour l'armée; je me suis<br />
;',s.'sonremplaçantet j'ai arrangé cette affaire,<br />
;'.;I:> J! Maintenant, que nous allions à l'armée<br />
v''Ivétie, à l'arméedu Rhin ou ailleurs, je ne<br />
• me dispenserde marcherferme et de tenir<br />
,,i>i , puisque je remplaceun jeune hommede<br />
'•i.";t ans!<br />
a.V^NES.Latour-d'Auvergne, vous dites tout<br />
,t avecune simplicitéqui me prend le cœur!<br />
V*'diable m'emportes'il y a dans toute l'armée<br />
:\'S¡caise un général à qui je seraisaussi flatté<br />
ci ire ce que je vous dis: votre main, mon<br />
If:\'!¡tll'ade!<br />
VTOUR-D'AUVERGNE. Vous voyez donc bien<br />
jii n'a pas besoind'avoirun grade.<br />
jtiANES Au revoir; nous parcouronsle camp,<br />
i ireniierconsulne va pas tarder à le venir<br />
'\j er, selonsa coutume, et il faut que tout soit<br />
,\:.¡;ordre.<br />
t ATOUH-D'AOVERGNK. AU revoir, Lannes ! (A<br />
:';'r."OC.)Général! (Tous deux se donnent la<br />
i.iljJm; Lanneset Durocsortent.)<br />
SCENE IV.<br />
T" L'OURD'AUVERGNE, ATOINE, SOJ.D\T,<br />
puis MAGLOIRE et BAPTISTE.<br />
ANTOINE. Ail!xoici mes deux frères e11trdin<br />
se ilispuler, suivant leur habitude, ce qui<br />
Uiuôcliepas qu'iis s'aimentbien.<br />
BAPTISTE à Magloire en entrant. Tu as beau pUquons-nous!Tu noustombeslà de Parisà Di-<br />
dire, avectes vaisseaux,tes frégateset tes bricks, jon, ni plusni moinsque si nousétionscampés<br />
ça ne me paraît nullement supérieur à l'armée à Belle% ille; c'est surnaturelça!<br />
de ttrre et sous lesarmes.<br />
BAPTISTE. Pourquoias-tu pris cette feuille de<br />
MAGLOIRE. Tu parlescommeces particuliersde route de longueur?<br />
terre ferme qui n'ont jamais quitté le plancher IUAGLOIHE. Pourquoias-tu démarréde chezton<br />
des vaches.<br />
quincaillier? -<br />
LATOfJR-D'AUVERGNE. Votre. frère a MARCELIN. Ah: voilà!mais<br />
pourtant<br />
ne vousfâchezpas,<br />
traverséla Méditerranéepour aller en Egypte.<br />
ça vous ferait mal, à moi aussi, et puisça n'a-<br />
MAGLOIRE. La Méditerranée!. maisc'est à mes<br />
vancerait à rien. Car, comme nous disionsen<br />
yeuxune simplefontaine desInnocents ; je na-<br />
jouant, N, i, ni, c'est fini I J'ai lâchéla boutique<br />
indéfiniment!En voulez-vousla raison?Eh<br />
viguerais dessusdans le moindre s'abot.Je ne<br />
bien,<br />
vous<br />
le commercene m'allait<br />
connaisnullement, mais je respecte votre<br />
pas du tout; je ne rêignorancerelativementà<br />
la chose de la mer.<br />
Telque vousme voyez,j'ai commencéà l'âge de<br />
douzeans par être mousse; cette idée m'était<br />
venueen regardant les carpesdans le bassin de<br />
Fontainebleau.J'ai voyagédans les trente-cinq<br />
partiesdu monde, car les ceux qui prétendent<br />
qu'il n'y en a que quatre sont des fainéantsqui<br />
ont arrangéça en se promenantsur quelqueruisseau.<br />
J'ai grandi, je me suis perfectionnéet<br />
embellipar le traversde toutes les îles connues<br />
et inconnues.J'ai vu le soleild'aussi près que<br />
vousavezpu voirdes lanternessur ce qu'on appelle<br />
des places publiques. J'ai vu des singes<br />
remplacer des hommesavec une parfaite civilisation;<br />
j'ai rencontrédesfemmesde toutessortes<br />
de couleurs,et je dis qu'il n'y a rien à comparer<br />
à la professionde marin; que si j'avais un (ils<br />
ou une lille,je les livrerais au goudron, et<br />
si<br />
que<br />
jamais notre neveume tombe sous la main,<br />
en onclepaternelque je suis,je le colloquedans<br />
les cordages, quand mêmema tendresseserait<br />
forcéede l'y attacher par les quatre membres.<br />
Voila,vieux guerrier, mon opinion politique et<br />
prédominante.<br />
BAPTISTE, Quant à notre neveu, nous verrons.<br />
MAGLOIRE. C'estvu.<br />
BAPTISTE. Non.<br />
MAGLOIRE. Si!<br />
LATOUR.D'AUVER&FE. Voyons,mes amis, vous<br />
êtesfrères,vousêtes heureuxde vousretrouver,<br />
et vousvoilàà vousdisputer!.<br />
MAGLOIRE. C'estvrai, c'est inconvenant;merci,<br />
vieux!. J'ai quitté le Tonnantqui està Cherbourg<br />
en conséquencede permisson,et pour saluer<br />
mes frères en mêmetemps que l'arméede<br />
terre, laquelleest respectablequoique étrangère<br />
à l'Océan.Donc, Magloirevousoffre son estime<br />
et son amitié. Votrenom, s'il vous plaît?.<br />
LATOUR-D'AUVERGNE. Latour-d'Auvergne.<br />
MAGLOIRE. Latour-d'Auvergne!(Sedécouvrant.)<br />
Ah! triple frégate! c'est autre chose: hommes<br />
d'eau saléeou soldatsde rivière,chacunvousest<br />
redevablede sa vénération ; prenezla mienne,et<br />
si vousme donnezvotreamitié,je m'en vanterai<br />
près-de mes camaradesplus que si j'avais trinqué<br />
avecn'importequel monarque.<br />
LATOUR-D'AUVERGNB. De grand cœur, matelot!<br />
(Lessoldats regardent dans la coulisse.) Qu'y<br />
a-t-ilpar-là?<br />
MAGLOIRE. Le premierconsul? je ne seraispas<br />
fâché de le saluer.<br />
LÉONARD. Le premierconsul! du tout! c'est un<br />
jeune voyageurqui a l'air assezdéluré, ma foi,<br />
et qui semble chercherquelqu'un! ( Appelant.)<br />
Hél l'ami, par ici!<br />
SCENE V.<br />
LESMÊMES, MARCELIN.<br />
MARCELIN. Tiens!lesvoilàtouslestrois! l'oncle<br />
Antoine,l'oncleBaptiste,l'oncleMagloire!<br />
ANTOINE, BAPTISTK et MAGLOIRE. Notreneveu!<br />
MARCELIN, Ah! nomd'un chien! quellechance!<br />
on m'avaitbien dit que vous étiez touslesdeux<br />
par ici; mais l'oncle Magloirc,je le<br />
ses<br />
croyaisavec<br />
requinset sescrocodiles.<br />
MAGLOIHE. Ahçà! goujon, à quelle occasion<br />
navigues tu par ici?<br />
ANTOINE. Tamère?<br />
MARCELIN. Ma mèreseportebien,d'aprèsceque j'en ai su avantde partir.<br />
BAPTISTE. Ton patron?<br />
MARCELIN. Mon patron ! je l'ai planté là pour<br />
reverdir !<br />
i.n'ont-n'AuvERGNE. Uneescapade?<br />
L\I,CI
LE CONSULAT ET L'EMPIRE. v<br />
MARCELIN. Qu'est-cequ'il faut faire?-<br />
M«GLOIRE. Chosir ta destinée guerrière dans<br />
les trois ustensilesque voilà; nousallonslesplacer<br />
par terre devant toi.<br />
MAHCRLlN. N'importelequel,ça me va! Je sais<br />
battre la caisse,sonnerde la trompette,etje nage<br />
commeun éperlan.<br />
MAGLOIRE. Est-ceque ce brin d'herbefinirait<br />
par enfoncerses trois oncles, relativementà la<br />
renommée!Pars du pied gauche ! va devanttoi!<br />
iluandje dirai: halte! arrête et ramassece qui<br />
fera sousta main!une! deux! trois!. (Marcelin<br />
lit quelquespas.)<br />
ANTOINE. Obliqueà droite légèrement!<br />
MAGLOIRE. Uncoupd'aviron versle milieu!,<br />
BAPTISTE. Fends-toi versla gauche.<br />
LATOUR-D'AUVERGNR, Ah çà, mais ce n'est pas<br />
de francjeu, ce que vousfaiteslà! Vacommetu<br />
l'entendras,petit.<br />
MAGLOIRE. Halte ! •<br />
MARCELIN. Faut-ilramasser?<br />
TOUS.Oui!. (Il ramasse la trompette).La<br />
.trompette!<br />
MAGLOIRE. Triplefrégate! j'ai du malheur!<br />
BAPTISTE. Bien touché,mon neveu!. aujourd'hui<br />
même intercalédansleshussards ! (Marcelin<br />
tire quelques sons de la trompette).Çaira tout<br />
seul; le chef de musiquete recevra dans son<br />
cœur.<br />
LATOUR-D'AUVRRGNE. Et s'il y a quelquesdifficultés,<br />
je me chargede les fairelever.<br />
ANTOINE. Alors, c'est comme si Latour-d'Auvergne<br />
te servait de parrain pour ton entrée au<br />
service. tu pourras te vanter d'en avoir de<br />
l'honneur!<br />
LATOUR-D'AUVERGNE. Soit, son parrain, comme<br />
tu dis,Antoine,(AMarcelin.)Ecoute,monenfant,<br />
(Marcelin s'approche, ainsi que les soldats qui<br />
formentun cercle.)Etresoldat, c'est défendreet<br />
protégersa mère; car la patrie, c'est notremère<br />
a toust (Les soldatsécoutentdans un silence<br />
respectueux.— Bonaparte entre avec Lannes,<br />
I'uroc et quelquesofficiers : il s'arrête en<br />
vantaperce-<br />
les personnagesqui sonten scène,fait<br />
à ceuxqui<br />
signe<br />
l'accompagnentde garder le silenceet<br />
s'approchedu cercleformé par lessoldats.)Etre<br />
soldat, c'est prendrepour loi suprêmele devoir,<br />
et pour guide,l'honneur.Soiscourageux,enfant,<br />
sois digne de l'uniforme que tu vas revêtir;<br />
n'oubliepasquedans une arméecommela nôtre,<br />
l'épaulette de laine oblige comme l'épaulette<br />
d'or, car le drapeaude la France anoblit,soldats<br />
ou généraux,ceuxqui combattent poursa gloirel<br />
Soisintrépidedans la bataille, et généreuxpour<br />
l'ennemi vaincu! — La véritable bravoure se<br />
reconnaîtaux sentimentsd'humanité ! Remercie<br />
Dieu s'il t'accorde de mourir dans un jour de<br />
victoire.Si tu survisà tes campagnes,et que tu<br />
retournesdans tes foyers, décoréde cicatrices,<br />
remercie-leencore d'avoir honorablementpayé<br />
ton tribut à cettemèreà tous, dont je te parlais:<br />
la Patrie!<br />
BONAPARTE, s'avançant le chapeau,à la main.<br />
Merci,Latour-d'Auvergne !<br />
TOUS.Le premierConsul !<br />
sous les armes!. (Roulementde tambours,les<br />
rangs se forment.)Qu'onbatte un ban comme<br />
pourla promotion<br />
SCENE VI.<br />
LESMÊMES,BONAPARTE,LANNES,DUROC,<br />
OFFICIERS.<br />
BONAPARTE. Oui, mercide faire entendreà ces<br />
soldats,à cejeune homme,ce langagequi dans<br />
votre boucherevêt le caractèred'une vertu antique!<br />
-<br />
LATOUR-D'AUVERGNE. Général.<br />
BONAPARTE. Je disais ce matin à Berthier,à<br />
propos d'une missionque je veuxvous confier :<br />
Latourd'Auvergneest un hommede Plutarque,<br />
un modèlepour nos armées.<br />
LATOUR-D'AUVERGNE. Général,je ne suis qu'un<br />
soldat, un vieuxsoldat.<br />
BONAPARTE. Oui, et vous avez toujoursrefusé<br />
des titres que vousauriez Honorés. Il en est un<br />
que vousaccepterez,je l'espère,et que je viens<br />
vousconférer.<br />
I.ATOUR-D'AUVERGNK. Pardon, général, mais je<br />
préfère rester dans les rangs où j'ai repris ma<br />
place. Je ne veuxpas commander. je.<br />
BONAPARTE, souriant. Alorsobéissez 1 Rassurezvous,<br />
la dignité que je vousapportene saurait<br />
rien changer à vos habitudes modestes.Je l'ai<br />
créée tout exprès pour vous. Qu'onse mette<br />
d'un général de division. (Le<br />
ban est battu.) Latour-d'Auvergne,sortez des<br />
rangs.Officiers,sous-officierset soldats! je proclameThéophileMalocoretde<br />
Latour-d'Auvergne,<br />
premier grenadier de France!. Venezque je<br />
vousembrasse,nouveauBayard,de qui l'on peut<br />
dire aussi : Il est sans peur et sans reproche!<br />
(Acclainations. )<br />
LATOUR-D'AUVERGNE. Ah! général,cette distinction<br />
que vousm'accordezest bien au-dessusdes<br />
gradesque j'avais refusés!<br />
BONAPBRTE. Soldats, imiteztoujoursce modèle<br />
de bravoureet de dévoûrnent.<br />
TOUS.ViveLatourd'Auvergne t<br />
SCENE VII.<br />
LES MÊMES,UN AIDE DE CAMP.(L'aide de<br />
campremetune dépêcheau<br />
le<br />
généralBonaparte,<br />
générall'ouvreet la parcourt desyeux. - A<br />
lui-même. )<br />
BONAPARTE. Bien ! (S'adressant aux officiers<br />
qui l accompagnent.)Messieurs,le moment est<br />
venude vousfaire connaître le véritable but de<br />
l'expéditionà laquellevous allezprendre part.<br />
Cen'est pas en Allemagne,c'est en Italie que<br />
nous allons combattre!<br />
TOUSLESGÉNÉIlAUX. En Italie!<br />
BONAPARTE. Oui!. nous allons franchir le<br />
Saint-Bernard.<br />
Toys.Le Saint-Bernard!<br />
BONAPARTE. C'estune entreprisehardie que de<br />
j-ior ainsiune arméeau delà de ces formidables<br />
amasde neigeet de glace,surtout à l'époqueoù<br />
nous sommes; mais Gassendiet Marescotsont<br />
d'avis que si l'entreprise est difficile,elle n'est<br />
pasdumoinsimpossible. celadoit noussuffire.<br />
LANNES. Et d'ailleurs, ces montagnesde neige,<br />
ces rochersde glace,cesavalanchesoffrent-ilsde<br />
plus grandsdangersque ceuxque nous avionsà<br />
affronteren Egypte? N'était-cedoncrien que ces<br />
tourbillonsde sable, cesoleildévorant,cedésert<br />
immense?. Nossoldatsse sont montrésdignes<br />
de la tâchequi leur était imposée.Il en serade<br />
mêmeaujourd'hui : aveceux on peut tout entreprendre.<br />
BONAPARTE. L'Europe' ft trompéeà notre séjour<br />
dans cette ville. Réveillons-lade son erreur<br />
par des coups de tonnerre 1 (Roulementde<br />
tambours, les troupesse mettentsousles armes,<br />
S'adressant aux troupes.) Soldats, nous allons<br />
franchir le Saint-Bernard ; vousaurez à lutter<br />
contre des obstacles presque insurmontables,<br />
maisvousen triompherez,j'en suis sûr, comme<br />
vousavezl'habitude de vaincresur le champde<br />
bataille, l'ennemiqu'on vous donne à combattre!<br />
Cette entreprise doit prendre place dans<br />
l'histoireà côtéde la grandeexpédition d Annibal!<br />
Couragedonc ! soldats,je comptesur vous<br />
et la France vousregarde ! (Acclamations,mouvementde<br />
troupes.)<br />
TOUS.ViveBonaparte !<br />
à piedet chaqrecavalierconduitsonchevalparU<br />
bride.Lesfantassinsrelaientlesartilleurslorsqu.<br />
ceux-cisontfatigués.Lesofficiersaidentet encoiragentlessoldatsqui,épuisésdefatigue,<br />
Troisième tableau.<br />
Aupied du Saint-Bernard.Un passageétroit.Commencement<br />
dudéfilé del'arméefrançaise.<br />
Quatrième tahleasi.<br />
LE MONTSAINT-BERNARD.<br />
La neigetombeavecforce.— Au lever du<br />
dessoldatsdedifférentesarmessontoccupésà<br />
rideau,<br />
démonterdes<br />
piècesd'artillerieet à les numéroter.<br />
Ici,ontraînedescaissons ; là,onséparedescanons<br />
de leurs affûts.Dessapeurscreusentdes troncs<br />
d'arbresà coupdehache;danslecreuxdecesarbres<br />
on placeles canonsséparésde leurs affûts.On<br />
forge,ou scie, on cloue,onmetdesroueset des<br />
petitescaissescontenantdesprovisionsurle dos<br />
deschevaux.Desgénérauxet desofficiersdetous<br />
gradesdirigentcesdiversesopérations.Partoutle<br />
mouvement et 1agitation.—Les tamboursbattentla<br />
charge.—Lestroupessemettenten marchetcommencentàfranchirle<br />
Saint-Bernard.Des canonniers<br />
s'attèleiit aux pièceset lestraînent.Lacavaleriest<br />
sontohli.<br />
gésdes'arrêterde tempsen tempspour reprendrj.<br />
haleine.— Bonapartesurvient : l'ourexciterle*<br />
troupes,il faitjouerà la musiquedesairsquileul<br />
rappelentleursanciennesvictoires.Alorsdes accla*.<br />
mationspartentdetontepart,et lescris: Enavant<br />
en avant!sefontentendrede nouveau.— Ons4<br />
remeten marche.— Lorsqu'unepartie deshau<br />
teurs du théàtresontgravies,et queles troupe<br />
défilenten bas pourmonterà leurtour, on n'a",<br />
vanceplus,on marquele pas.Alorsun panorama<br />
mobilesedéroule,et laisseapercevoir tour à tour<br />
diversaspectsdu mont Saint-Bernard.Enfinsur<br />
l'extrêmehauteurapparaîtle monastère.- Bonapartele<br />
désignedu doigt à ses soldats.- L'enthousiasmeredoubleet<br />
l'ascensionse faitauxcris<br />
de: VivelaFrance !<br />
Cinquième Tableau.<br />
Ungalerieà ogives.Elleest complétement ouverte,<br />
et laissevoirà traverslesfenêtresdu fond,la descentedumontSaint-Bernard.<br />
Auchangement onentend<br />
tinterlaclochedu monastère.<br />
SCENE PREMIERE;<br />
LE SUPÉRIEUR,MOINES.<br />
Deuxmoinesentrent; ils tiennent en laisse deux<br />
chiens.Arrivésau milieudu théâtre, cesreligieuxs'inclinent-enentendantchanter<br />
dans la<br />
•coulissele chœursuivant:<br />
CHOEUR.<br />
Cénobitesdecel'aint lieu,<br />
Lecœurpleind'espoiret de crainte,<br />
Prosternons-nous, la clochetinte,<br />
ElevonsnosâmesversDieu!<br />
Seigneur,de tonpuissantregard<br />
Soutienstesserviteursfidèles,<br />
Etdaigneabritersoustesailes<br />
Lesmoinesdu montSaint-Bernard.<br />
(Lesmoinesentrent.)<br />
LE SUPÉRIEUR, entrant avec les moines. A'<br />
présentque nous avonsélevénos cœurs vers le<br />
divin maître de toutes choses,songeonsà remplir<br />
les devoirs que notre sainte règle nous<br />
prescrit. Garnissez vos besaces, prenez vos<br />
bâtons ferrés et mettez-vous en route sans<br />
plus attendre. (Quatre desmoinesprésents exécutent<br />
les ordresdu supérieur. Le supérieurcaressant<br />
un deschiens.)Monbrave Fidèle,la semaine<br />
dernière, tu t'es élancéau secobrsd'un<br />
voyageur, qui venait de tomber dans un précipiceet<br />
tu l'as sauvé ; courage, mon bon chien,<br />
courage!veillebien. cherchebien et tu seras<br />
récompenséau retour ! (Lesquatremoinessortent.<br />
LeSupérieurs'adressantà un autre moine.)Avezvousveilléà<br />
ce qu'on traitât du mieuxpossible<br />
les officiersfrançaisqui sont venushier au soir<br />
nousdemanderl'hospitalité?<br />
LEMOINE. Oui, mon père, nous avons exécuté<br />
vos ordres; ce matin, aux premiers rayons du<br />
jour, ils sont allésexplorerle Saint-Bernard.Les<br />
voici,mon père. (Onaperçoitau fondde la gale<br />
rie, Bonaparte,DurocetdeBourrienne;Bonaparte<br />
porte la capotegrise boutonnée,les deux autres<br />
égalementen redingotesboutonnéeset de la plus<br />
grande simplicité.Ils s'arrêtent au fond et causent<br />
touslestrois à voixbasse.)<br />
LESUPÉRIEUR, aux moines.Quechacunde vous,<br />
mesfrères,se rende à ses occupationsaccoutu mées.(Lesmoiness'éloignent.)<br />
SCENE II.<br />
LE SUPÉRIEUR,BONAPARTE,DE BOUR-<br />
RIENNE,DUROC.<br />
BONAPARTE, descendantla scène.Le passagede<br />
J'armées'est effectuéavec plus de succèsque je<br />
ne l'espérais. Maintenant,si le général Lannes<br />
parvientà sortirde la valléedAostesansencombre,s'il<br />
réussità s'emparerdu fort de Bardet à<br />
dirigerpromptementsonartilleriesur Ivrée, nos<br />
affairesserontenbon chemin ; avantde nousmettre<br />
en route,eten attendantlesdépêchesqueBerlbieret<br />
Lannes doivent me faire parvenir ici,<br />
hâtez-vous.d'achever le travail que je vous ai
6 LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />
demande(Boliviennet Durocsemettait à écrire.)<br />
LESUPÉRIEUR, à Bonaparte.Je voussalue, mon<br />
hôte!<br />
BONAPARTR. Et vous, mon révérend, recevez<br />
mes remcrclinentspour l'accueilque nousavons<br />
reçu dans le monastère.<br />
LESUPÉRIEUR. Nous n'avonsfait qu'observerla règle de notreordre.<br />
BONAPARTE. Oui,maislesdevoirsque vousvous<br />
imposezdemandentdes vertus qui n'appartiennent<br />
qu'à descaractèresélevés.Exiléspour ainsi<br />
dire du monde,sans cesseen butte auxrigueurs<br />
des éléments. prèsde la mort que vousbravez<br />
à chaquepas, votreexistencen'est qu'une abnégation<br />
perpétuelle et courageuse. Vousêtes les<br />
vraissoldats du Christ!<br />
LESIPÉIHEUR. Vousnouslouezau délà de notre<br />
faiblemérite.<br />
BONAPARTE Non, mon révérend,vous continuez<br />
saintement l'oeuvrede votrevénérablefondateur,<br />
Bernardde Meutboi).<br />
LESUPÉRIEUR. C'était un digneprincedo l'église!<br />
BONAPARTE, Il vousa légué, commevousléguerez<br />
à vos successeurs,cet esprit'de charité<br />
chrétiennequi l'inspiraitlorsqu'il créa cet asile<br />
d'où partent des hommesdévouésà la recherche<br />
desvoyageurségarésdansleur route ou ensevelis<br />
sous desflotsde neige !<br />
LESUPÉRIEUR • Noussommessi heureuxde sauverquelquesvictimes<br />
! il est sidouxde se dire,en<br />
approchantde la tombe,<br />
j'ai<br />
fait un peu de bien<br />
ici bas! Noussommesde l'égise militante,notre<br />
devoirest de combattrepour l'humanité,lesouragansdéchaînéset<br />
cette nature des montagnes<br />
qui a sesnaufragescommel'Océan.<br />
BONAPARTE. Oui, de l'héroïsmedans la solitude,<br />
c est beau; vous devezmieux dormirque<br />
les conquérants!Cemonastèrepossédait autrefois<br />
desrevenusassezconsidérables ; ils se sontépuisés<br />
à force de bienfaits. votre hospitalité est<br />
toujoursgratuite; ne pouvez-vouspas être dans<br />
l'avenirentravédans l'accomplissementde votre<br />
ministère?<br />
LESUPÉRIEUR, désignantle tronc. Voicil'épargne<br />
des pauvres. chacun y dépose librement<br />
son offrande. Dieuveille et nous avonsfoi en<br />
lui!.<br />
BOAAPARTE. Votremain,mon père. l'étreinte<br />
de la main d'un homme tel que vousdoit porter<br />
bonheur!<br />
LESUPÉRIEUR. Dieuvousgarde, mon frère1<br />
SCÈNE III.<br />
LESMÊMES, GIACCOMO,<br />
GIACCOMO. Pardon, excuse, mon révérend; et<br />
vousaussi, seigneurofficier.<br />
LE SUPÉIUEUR. Te voilà de bien bonne heure,<br />
aujourd'hui, Giaccomo.<br />
GIACCOMO. Je suis au monastèredepuis hier<br />
au soir, monrévérend; j'ai passéla nuit dans<br />
l'écurie, à côté de mesmules. C'est moi qui ai<br />
amenéi signoriqui soct ici. Je venaisminformer<br />
sils jugeaient à proposde se remettreen<br />
route avant l'heure de la fonte. Ce serait alors<br />
le bon moment.<br />
BONAPARTE. Nousavons mis huit heures pour<br />
arriverdu pieddu Saint-Bernardici; mais, pour<br />
descendre,il doit, ce me semble, falloir beaucoup<br />
moinsde temps.<br />
GIACCOMO, hochant la têlc. Eh! eh! la route<br />
est difiiiie. plus difficile qu'en montant.,<br />
pour les mulessurtout Il faut toujoursretenir,<br />
ot fermemême!<br />
BONAPARTE. Maisen traîneau?<br />
GIACCOMO. On peut mettre un tiers moinsde<br />
temps,c'est vrai; cependantje ne vousconseille<br />
pas de vousy hasarder à cette époquede l'année,<br />
c'est très-dangereux. Il ai faile tandis que nous grimpionsle Saint-Bernard,<br />
au sujet de la maisonnetteet du chanp<br />
qui sont en vente au bourgSaint-Pierre.C'était<br />
histoirede causer!je ne suis pasassez fou pour<br />
songerque je pourrais jamaisen devenirle propriétaire.Il<br />
me faudrait pour cela travaillerplus<br />
de vingtannéesde ma viesans toucherà un seul<br />
denierde mon gain, ce qui est impossible,attendu<br />
que j'ai un père infirmeet une bonne<br />
vieillemère à soutenir. Et pour moi, ça passe<br />
avant tout, ça! c'est une idéequi m'a pousséje<br />
ne sais pas trop pourquoi, et qui s'est en allée<br />
aussitôt qu'elle était venue. Oh! c'est fini, je<br />
n'y penseplus, et n'y repenseraimêmejamais!<br />
BONAPARTE. Tu as peut-êtretort.<br />
GIACCOMO. Tort de renoncerà désirer ce qu'on<br />
sait qu'onn'aura jamais !. Oh! faitesexcuse,ce<br />
serait une bêtise, et fiut pas me la conseiller.<br />
BONAPARTE. Eh! mon Dieu,qui sait! (Duroc,<br />
Bouriennese lèvent de la table à laquelle ils<br />
étaientassis,et remettentà Bonapartedespapiers<br />
qu'ilstiennentà la main.)<br />
GIACCOMO, à lui-même.Il est bon là, avecson<br />
qui sait! l'officier! Ah! s'il s'agissait d'une<br />
pierre pour merompre le cou, je ne dis pas.<br />
il n'yen aurait qu'une dansla montagneque je<br />
seraissûr de mettre le pied dessus. mais la<br />
maisonnette, le champ. Ali ! plus souvent!<br />
(Bonapartea parlé bas.à Bouriennependant<br />
n'y a pas encore<br />
huit jours qu'un voyageuranglaiss'y est entêté,<br />
et il estallé se perdre, lui et sontraîneau, dans<br />
le f..nd d'un précipice.Sans Fidèle, c'était un<br />
homme perdu. Croyez-moi,au risque d'aller<br />
moinsvile. gardezmesmules,et laissezles traîneauxde<br />
côté,<br />
BONAPARTE Je crois que ce qui te rend si<br />
craintif, cest moinsle dangerqu'il y a à courir<br />
que l'inquiétudede perdre le petit profit que tu<br />
aurais à faire en continuant de nous servirde<br />
guide.<br />
GIACCOMO. Ah! Santa lUaria 1 vous ;r. :
LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />
1<br />
faire comprendrequ'il raconte ce qu'il a fait<br />
à soncôté.)<br />
BONAPARTE. Ahl ils sont fous! Allonsdonc!<br />
jamais: jamais!<br />
DUROC. Qu'avez-vous,général?<br />
BONAPARTE. Berthier et Lannes m'annoncent<br />
que le fort de Bardtient l'avant-gardeen échec,<br />
qu'il estimpossiblede fairepassernotre artillerie<br />
tous lefeudecetteforteresse;quedansla crainte<br />
d'encombrement,ils ont suspendula marchede<br />
arméeet du matériel.Ils meconseillentenfinde<br />
faire un mouvementrétrograde, de changermon<br />
plan d'attaque ,<br />
DUROC. Ceseraitun fàcheuxdébut. ce serait<br />
perdre tout l'avantagedu temps que vousavez<br />
gagné. °<br />
BONAPARTE. Ils s'exagèrentla difficulté. Au<br />
surplus, ilSontjointàleur dépêcheunplan dela<br />
positiondu fort. Nousallons voir. (Il ouvre le<br />
planet le posesur la table. Toustrois sepenchent<br />
sur la tableenexaminant.)<br />
BAPTISTE, à Marcelin.Embrasse-moi encore.<br />
Je pleure ni plus ni moins qu'un mioche en<br />
sevrage!<br />
MARCELIN. Monbon oncle!<br />
DUROC, à Bonaparte. La positionest en effet<br />
formidable. -<br />
BONAPARTE. Oui, les canonsdu fort atteignent<br />
la routedans touslessens.,.<br />
DUKOC. L'escarpementne permet pas l'escalade..<br />
et nul moyend'établir une batteriepour<br />
battre en brèche.<br />
BONAPARTE, selevant. Pourtant je n'aurai pas<br />
réussià franchir une desplus hautesmontagnes<br />
du globe,pour êtrearrêté parun simplerocher.<br />
Oh! non! non! Si par quelqueruse habile et<br />
hardieje pouvais. (Il porte la mainà sonfront<br />
commeun hommequi cherche.Puis, s'animant.)<br />
Oui,par cemoyen,je puisréussir.Je rdussirai!.<br />
(Ilaut.) Partolls, partons!<br />
GIACCOMO, s'approchant.Je vassellerlesmules.<br />
BONAPARTE, vivement.Non!. un traîneau) un<br />
traîneau!<br />
GIACCOMO, étonné.Ah!<br />
BONAPARTE, au prieur. Monpère, je vousrenouvellemesremerclments.'(Il<br />
prendsur la tablelesdeuxpapiersque<br />
Bourriennea écritset il<br />
lessignevivement.)<br />
BAPTISTE. aux moinesauxquelsil tend la main.<br />
Mesbravescapucins,à vousjusqu'à lamort.<br />
MARCELIN. Je n'oublieraijamais tout ce que<br />
vousavezfait pourmoi. (Ils sortent.)<br />
BONAPARTE, remet des papiers à Giaccomo.<br />
Tiens. Venez.(Bonaparte,Duroc et Bourrienne<br />
sortent.)<br />
GIACCOMO, lisant un des papiersque lui a remisBonaparte.«J'ordonneau<br />
payeurde l'armée<br />
de remettre au guide Giaccomola sommequi<br />
lui est nécessairepour acheterle champet la<br />
maisonqui sonten venteaubourgSaint-Pierre 1.<br />
Signé,Bo.bo.na.na. Bonaparte!»<br />
LESUPÉRIEUR. Bonaparte!. c'était lui!.<br />
GIACCHOMO. ouvrant le secondpapierqu'il parcourtdes<br />
yeux, puis s'adressantau LE GÉNÉRAL,UN COLONEL,OFFICIERS, puis<br />
OTT.<br />
OREILLY, tout en regardant. Vousavez beau<br />
dire, colonel,ce n'est pas la divisiondu général<br />
Haddickque j'aperçois<br />
supérieur.<br />
Cet autrepour vous,monrévérend,pourvous.<br />
voyez!<br />
LESUPÉRIEUR prend lepapier et lit. « Ordrede<br />
remettreau supérieurdes moinesdu montSaint-<br />
Bernard,pouren fairetel usagequ'il voudra,la<br />
sommede cinquantemillefrancs. »<br />
GIACCOMO. Voilàune fortune1<br />
LESUPÉRIEUR Oui,pour lespauvresqui bénirontct-lui<br />
quila leurdonne.<br />
OIACCOMO. Ah! venez, mon révérend,venez,<br />
couronslui exprimer.<br />
LESUPÉRIEUR, allantà la fenêtredu fond. Il<br />
n'est plustemps,,sontraîneauest lancé!<br />
GIACCHOMO, agitant son chapeau. ViveBonaparte!<br />
LESUPÉRIEUR, levant les mains au ciel. Seigneur,<br />
veillez sur lui! (Ils sortent. — Changement.)<br />
Sixième tableau.<br />
LA PRISE D'IVRÉE.<br />
Lethéâtrereprésentele principalbastiondela citadelleti'Ivrée.<br />
— Aulever 'durideau,on général<br />
Croate,entourédesonptat-major, regardeait loin<br />
à traversunelougue-Vue. au loin dansla plaine, ce<br />
n'est pas le drapeau de l'Autriche que je vois<br />
flotter! Au surplus nous allons savoir à quoi<br />
nousen tenir.<br />
OTT,entrant. Général,les Françaisont franchi<br />
la valléed'Aoste. ils marchentsur Ivrée.<br />
OREILLY. Que vousdisais-je? (AOtt.) Le fort<br />
de Bard a donccllpitulé?<br />
OTT.Non, général; il tient encore, mais les<br />
Françaisont creusé un chemin dans lesroches<br />
d'Albaredo,et le commandantdu fort n'a pu<br />
s'opposerà leur passage !<br />
OEILLY.Oh! ce Bonaparte!ce Bonaparte!et<br />
legénéralHaddick? OTT,A été culbuté par le général Lannes,il<br />
est en pleine déroute, on lui a fait quinzecents<br />
prisonniers.(Desofficierset dessoldats arrivent<br />
encourantet en criant : LesFrancais! lesFrançais!<br />
Lecanonse fait entendre. )<br />
OREILLY. Aux armes!. (L'actions'engage,les<br />
Croatessont repoussés.Les Français à la tête<br />
desquelsestle généralLanneslespoursuivent.)<br />
Septième Tableau.<br />
Uneviolenteexplosionsefaitentendre.—Lerideau<br />
dufondse lèveeton aperçoitla brècheouverte,et<br />
lesFrançaisluttantcontreles Croates.<br />
LANNES,saisitun drapeauet lesguidant.<br />
LANNES. En avant! camarades,en avant!.<br />
qui m'aimeme suive! (Laposition est emportée,<br />
lesCroatesmettentbas lesarmes.)<br />
LANNES. Ivréeestà nous.Victoire '• ViveFrance!<br />
ACTE II.<br />
I<br />
Huitième Tableau. ¡<br />
A la Stradella.Unintérieur.<br />
SCENE PREMIERE.<br />
DUROC,SECRÉTAIRES.<br />
DUROC, entrant, aux secrétaires.Metteztoutes<br />
ces dépêchessur cette table, messieurs,je les<br />
donnerai à signer au premier consul. (A un<br />
secrétaire.) Hâtez-vous de rédiger une note<br />
assezdétailléesur cequi s'est passéparminous.<br />
autour de nous, depuis hier, 8 juin, que nous<br />
avons quitte Milan pour venir ici, à la Stradella.<br />
(Aun autre secrétaire.)Vous,monsieur,<br />
reprenezle récitinterrompude ce qui s'est passé<br />
à Milan. (Aun autre.) Et vous, préparez le<br />
tableaudes décretset ordonnancesrendus parle<br />
premierconsul. Le voici.<br />
SCENE II.<br />
DUROC,BONAPARTE,AIDESDE CAMP,<br />
GÉNÉRAUX.<br />
BONAPARTE, aux aidesde camp. Messieurs,je<br />
vousrappellelesinstructionsqueje vousaidonnéesafin<br />
que rien ne vouséchappe.(A un aide<br />
decamp.)Allezdireau général Lannesqu'ils'est<br />
portéun peu trop en avalltde la Stradella; mais<br />
quel'inconvénientdisparaîtra,grâceauxdivisions<br />
Chambarlhac,Gardanne,Monnieret Boudetqui<br />
l'ont<br />
rejoint; grâceencoreauxnouveauxrenforts<br />
que j'ai dirigésde son côtéSi la bataillen'est<br />
pas engagéequand vous arriverez,qu'il n'aille<br />
pasplus loin pour la livrer,et attendel'ennemi<br />
versCasteggio et Montebello. (L'aidede camp<br />
sort) Bonjour,Duroc!<br />
DUROC, s'inclinant.Général!.<br />
SCÈNE m.<br />
BONAPARTE, DUROC, GENERAUX.<br />
BONAPARTE, auxgênêraux.Savezvous,messieurc,<br />
ce qui va arriver,ce qui arrivepeut-être en ce<br />
moment? Eh bien,Lannes1va'uoas remporter<br />
une victoire; il va se heurter contreles AutricIiem<br />
et illes cuibuWrii'! 7<br />
DUROC. Général!.<br />
BONAPARTE. Eh bien; parlez, — je parie que.<br />
vousavezquelqueobservationà me faire sur co<br />
qui se passe?<br />
DUiloc. Précisément.<br />
BONAPARTE. Voyons!<br />
DUROC. Je vousai toujoursvu,jusqu'à présent,<br />
concentrervosforcesen facede l'ennemi"tiujOUl"<br />
dhui vouslesav,zdisséminées.<br />
BONAPARTE. Ah! je vaisvous répondrevictorieusement,je<br />
lespère. Oui, ma tactique habituelle<br />
est d'agir par masses;mais, toute tactique<br />
doit quelquefoisse modifier. — Le vieux Mêlas<br />
est habileet il me faut souventle déroutlT.—<br />
Ecoutez,je viseà une affairedécisive,à une de<br />
ces grandesbatailles qui font un dénouement<br />
complet,absolu!Je tends autour de mes adversairesun<br />
réseau assezfort pourles retenir; puis,<br />
vousmeverrezreprendremon principeordinaire,<br />
la concentration 1 Jusque-là,je joue au fin. Je<br />
faisde la stratégie! (Souriant,)Je suis un peu<br />
renard, en attendantquej'étendet laissetomber<br />
sur ma pro'e desgriffesde lion 1.<br />
DUROC. le comprendsmaintenant.<br />
BONAPARTE, s asseyant.Voyons,Duroc,quediton<br />
dansl'armée?<br />
DUROC. On dit quecettecampagnedurerabien<br />
moins longtemps que la première campagne<br />
dItalie.<br />
BONAPARTE. Je l'espère bien. J'ai hâte de<br />
retournerà Paris 111ne faut pas qu'on m'oublie<br />
là-bas.<br />
Dunoc.Général,vosvictoiresfont assezparler<br />
devous.<br />
BONAPARTE. Oh! mesvictoires!Etudiezbienles<br />
rapports qui nous sont adressés,et vousverrez<br />
si, au premier revers, à la premièrenouvelle<br />
répandue par des malveillants,toute la tourbe<br />
sur laquellej'ai misle pied ne.seredresseraitpas<br />
commeun serpent mal écrasé! [Parcourant les<br />
dépêches.)Vousécrirezà Fouchéqu'il ne voitpas<br />
nosvrais ennemislà où ils sont; à Talleyrand,<br />
que je suis contentdes instructionsqu'il a donnéesaux<br />
agentsdiplomatiques, - quelquesmots<br />
grondeursà Cambacérès;on a injustementdestitué<br />
un juge de paixdu Morbihan,et admonesté<br />
un juge au tribunal civil de Montpellier : j'ai<br />
examinéces deux affaires,j'ai comparé, apprécié;<br />
ces deux magistrats ont agi commeils le<br />
devaient, il leurfaut donc une réparation, et<br />
promptement! — Les travaux se ralentissent<br />
dansles édificespublics, qu'on stimule les architectesdu<br />
gouvernement,et qu'on lesmenaça<br />
de ma grossevoixà monretour. (AuxgénëTaux,)<br />
Nous parlions tout a l'heure de ma tactique<br />
actuelle;savez-vous qui je voudrais pour me<br />
seconder?Desaix ! Ah! si Desaix n'était pas en<br />
Egypte, s'il était auprès de moi!. commeil<br />
m'aiderait dans cette campagne; et puis, je le<br />
feraisministre de la guerre 1 Prince, sije le pouvais!<br />
(Unaidedecampentre.) Qu'y a.t-il'?<br />
L'AIDEDECAMP. Général,les membresdel'administrationprovisoirede<br />
la Lombardiedemandent<br />
à être introduitsprèsde vous.<br />
BONAPARTE. Qu'ilsentrent! qu'ilsentrent!<br />
SCÈNE IV.<br />
LESMÊMES, M. DEMELZT,Membresde l'administrationprovisoire.Prisonmiersrendusà<br />
la<br />
liberté.— Lesprisonnierssontplacésderrière<br />
les rangs des membresde l'administration.<br />
M.DEMELZI.Général,l'administrationprovisoire<br />
que vousavzcrëee et dontvousavezdaigné<br />
me nommerprésident,se présentedevant vous<br />
pour vousoffrir en sonnom,au nom de la ville<br />
deMilan, !etribut de sa respectueusereconnaissance.<br />
Vousnous avezsauvésde l'oi pressionde<br />
l'étranger : vous avez fait de nous un peuple<br />
libre, de notrepatrie une âlliée, une sœur de la<br />
France.Nosvœuxvoussuivrontpartout,et nous<br />
prieronsle ciel de conserverla victoireà cedrapeautricolorequi<br />
passesur le mondecommeun<br />
signal d'indépendance,de gloireet de régénération.<br />
BONAPARTE. Monsieurde Melzi,je vousfaismes<br />
remercîments. je ne pouvaistrouver un plus<br />
digne magistratpour le placerà la tété de l'ad-»<br />
ministralion,et les Milanaisne pouvaientchoisir<br />
un envoyéqui me.(Cltplus a,;rc'te Dieu aidant,<br />
je balayeraide votreterritoire lesAutrichiensqui<br />
ont si longtempspesé sur vous : je<br />
fei'aireprendreà votrepaysun essorlibre et gé-
1<br />
S LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />
DESAIX. Merci,général,et mercisurtoutsivous<br />
m'envoyezbientôt sur quelque champde ba-<br />
bêreux, qui lui restituerasa placesur la carte<br />
des nationsindépendantes,et dllns le livre de<br />
l'histoire, où si longtempsil s'inscrività l'aide<br />
chiensentrenta cheval.Ils mettentpiedà terre<br />
et serforment<br />
en conseilde guerre.<br />
de l'épée,commeà la faveurdu géniedesartsI<br />
M.DEMELZT. Gépéral,il suffirad'un hommetel<br />
que vouspourréveillerun<br />
- ressusciternotrepassé<br />
peupleendormi,pour<br />
! Envenantvousexprimer<br />
notrereconnaissance,nous avons voulu vousen<br />
Offrirun témoignage. Touslestrésorsdu monde<br />
seraientau dessousde notregratilude Cependant.<br />
BONAPARTE, l'interrompant.Monsieurde Melzi,<br />
j'apprécievotre dénarche, maisn'allezpas plus<br />
loi:>. Jecommandea dessoldatsqui ont souvent<br />
combattupiedsnuset sans pain. Quant à moi,<br />
je ne courspas à cettefortunequi se traduit par<br />
des piècesd'or. M.DEMFUIGénéral,nous savonsque le désintéressementestunedevosvertus^l'expressionde<br />
notre gratitudene pouvaitavoir le caractèreque<br />
vous lui prêtez.. Ellest plus digne de vouset<br />
de nous-mêmes. voicice que nousvenonsvous<br />
offrir, général. (Auxmembresde l'administration'placés<br />
devantlesprisonn iers.) Ecartez-vous,<br />
messieurs!.<br />
BONAPAUTE. Quelssont ceshommes?<br />
M.DEMKLZI. Lesprincipauxd'entreles prisonniers<br />
qui, à votrevoix,sont sortisdescachotset<br />
que vousavezrendus à leurs famillesqui vous<br />
bénissentd'avoirséchéleurslarmes. *<br />
taille!<br />
UNAIDEDECAMP, entrant. Général,un briga- SCENE PREMIERE.<br />
dier de hussards,venantdu corpsd'arméedu général<br />
Lannes,demandeà être introduit prèsde MELAS,OREILLY,OTT, KAIM,ZACK,HADDICK,<br />
vous.<br />
ELSNITZ,OFFICIERS.<br />
BONAPARTE. Qu'il vienne1 Un-hussard. pas MÊLAS. Messieurs,la gravitéde notresituation<br />
d'aidede camp! Quesignitie?<br />
exigeque nous prenionsun parti aussi<br />
que décisif. Il faut prompt<br />
quenousfrappionsun grand<br />
SCENE VI.<br />
coup.Voici,en deuxmots,la situation.A la<br />
des<br />
vue<br />
mouvementsordonnéspar le généralBona-<br />
LESMÊMES, BAPTISTE. parte, j'ai pensé,et vous avez cru commemoi,<br />
BONAPARTE. Qu'y a-t-il? Que veux-tu? Parle que lesFrançaisn'avaientpu descendredes<br />
doncI<br />
qu'avecdes forcesinsuffisantes.<br />
Alpes<br />
Nousnous disions<br />
BAPTISTE. Excusez,général,ça vousest facileà qu'ilsvoulaientseulementtraverser le<br />
entrerdansTurin,<br />
Pô,<br />
dire; mais on est un peu essoufflé,quand on a<br />
et tâcherde donner la<br />
vers le<br />
main,<br />
fait une lieue à la course, à pied comme un<br />
mont Cenis,au générallhureau; nous<br />
étionsconvaincusqu'en<br />
fantassin,pour cause de cheval tué entre vos<br />
faisantsurce pointcouper<br />
tous lesponts,et en<br />
jambes.<br />
opposantune trentaine<br />
de millehommesau général Bonaparte,il nous<br />
BONAPARTE. Quem'annonces-tuenfin? serait facilede lui tenir tête et d'en triompher.<br />
BAPTISTE. Une nouvelle victoire gagnée aux Nousnoussommestrompés!<br />
quartslorsquenoussommespartis, et main- OREILLY, C'est*ai, général;malgré la bravoure<br />
trois<br />
tenantcomplètecommeune nocesuperlative?.<br />
de nos soldats,le sort a trahi nos armes.Bona-<br />
BONAPARTE. LegénéralLannes?<br />
parteest maîtredu Milanais.La plusimportante<br />
de nos communicationsnous est<br />
R<br />
ravie.<br />
BAPTISTE. LegénéralLannes,de l'autrecôté de<br />
et le<br />
baronde<br />
la Stradella, est tombésur la casaquedes Autri-<br />
Krayest en retraite sur Ulm!<br />
chiens.<br />
MÊLAS. Lecolde Rauss,qui donne<br />
la vallée du Var dans cellede<br />
passagede<br />
la<br />
BONAPARTE , auxprisonniers,en sedécouvrant.<br />
BONAPARTE. Le corps d'armée d'Oreillyet de<br />
Raya,ne nous<br />
Gottesheim?<br />
appartient plus! Nous avons perdu le col de<br />
Messieurs,je vousalue avecrespect,car le mal-<br />
Tende ! Dececôténotrelignede retraiteest couheur<br />
est une dignité! Souvenez-vousde ce<br />
BAPTISTE. Oui.<br />
que<br />
pée. Enfin,à la suite des pertes qu'elle a es-<br />
vousavezsouffert,non pourque votreardeuren BONAPARTE. VersCasteggioet Montebello? suyées,notre armée est réduite de plus de dix<br />
soit modérée,maispour qu'elles'augmenteen- BAPTISTE.<br />
millehommes,et<br />
Oui1<br />
noussommesenfermésaujourcore<br />
contre les oppresseursd'Italie. (Ouentend BONAPARTE. Et<br />
d'huidansl'étroite enceintedu Piémontsansque<br />
puis?<br />
une rumeur au dehors.)Qu'est-cedonc? BAPTISTE. Et puis, on s'estcogné,dame! Vous<br />
je sachetropcommentnousferonspouren sortir.<br />
OREILLY. La faute en est<br />
DunoC.Desofficiers,dessoldatsentourentavec savezque le généralLannesn'y va pas de main<br />
à la courde Vienne !<br />
Ellelaissait toute une armée<br />
empressementungénéralquisedirigedececôté. morte.Quant aux Kinzerliks.il faut être<br />
nous tourneren<br />
juste!<br />
Il me semblele reconnaître. maisje metrompe ils onttenu bon,et ila fallulesdéracinera grand<br />
passant lesAlpes1 C'est le fruit de son impré-<br />
sans doute il n'estpas possible. Desaixl renfort de canons,de fusillade,de sabreset de voyanceque nousrecueillonsaujourd'hui.<br />
BONAPARTE. Desaix!Quedites-vouslà? Desaix! baïonnettes!<br />
MÊLAS. Ajoutezque le généralLanness'estem-<br />
Ah! voiciune bellejournée pour moi ! (AuxIta- BONAPARTE. Tu en étais?<br />
paréde Plaisance,qu'il nousa battus à Montelierts<br />
qui se retirent,) Restez, messieurs, resbello,<br />
et<br />
tez!<br />
BAPTISTE, montrantla<br />
vousverrezde prèsun de ces<br />
balafrequ'il a au<br />
que le premier consul est maître de<br />
fronthommesqui<br />
A<br />
l'Apennin,du Pô, du Tessinet de l'Adda. Que<br />
honorentla nationà tuquelle,ils appartiennentet preuve,général !<br />
faut-il faire?<br />
les arméesqui lesestimentà<br />
BONAPARTB. L'affairea été rude?<br />
OREILLY. Je croisqu'une l'égarddes Bayard,<br />
retraite, même mo-<br />
des Turenne et des BAPTISTE. Commesi le diable s'en était mêlé!<br />
Duguesclin.<br />
feu partout, quoi! à droite,à gauche,en avant,<br />
en arrière!nous avons eu un tremblement,sur<br />
SCENE V.<br />
une espècede hauteur!. J'ai vu le momentoù<br />
on allait nousy enterreravecles honneursde la<br />
LESMtMES,DESAIX.<br />
guerre, c'est le casde le dire,lorsquela division<br />
DESAIX, entrant. Général!.<br />
Chambarlhacest arrivée ni plus ni moinsque<br />
BONAPARTE. Dansme>bras,Desaix!mon ami,<br />
marsencarême,lorsquela 113es'estmiseà grim-<br />
vousquej'aimecommeDuroc,commej'aimaisce per a côté de nous. Et elle vousa culbutéles<br />
pau.re Mllironque nous avons perdu!. Vous Àutrichienssi tellementque nousen avionstout<br />
revoir, cela vaut mieuxpour moncœur qu'une<br />
le longdu corpsun frissonà fairedresserlesche-<br />
grande victoire!<br />
veux ! Bref,quand je suis parti, la victoirenous<br />
DESAIX. Bonaparte!je suis accouru vers vous faisaitune grimaced'amoursur toute la lign et<br />
commeemportépar J'impatienced'un entraîne-<br />
legénéralWatrin entrait dansle centre des Aument<br />
tout fraternel Revoirla Franceet vousretrichienscommeun<br />
sabrequ'on enfonceraità travoir,<br />
c'était là ma penséede tous les imtants<br />
versle corpsd'un ennemide la France!<br />
lorsque je traversaiscette Méditerranéesur la- BONAPARTE. Quit'a envoyé?<br />
quelle nous avionsvoguéensemblepour aller à BAPTISTE. J'escortais, avec quatre hussards,<br />
la conquêtede l'Egypte!<br />
l'aide de campque vousaviezenvoyéau général<br />
BONAPARTE. L'Egypte! elle est perdue pour Lannes.Pourgagner la route qui mèneici, nous<br />
nous, n'est-cepas?. On s'est écartédu but que coupionsà traversdestirailleursennemis,lorsque<br />
j'avais marqué. Vousavez bien fait de revenir, à forcede salutsà coupsde fusil, tantôt un hus-<br />
Desaix,vousserez avecnouspour combattreet sard par terre, tantôt un autre; puis,<br />
vaincre: Je déteste moinscette conventiond'El-<br />
Arich, puisqu'ellea ouvertla route de l'Europe,<br />
pour moi,il.un ami. pour l'armée,à un de nos<br />
générauxles plus illustres!<br />
DESAIX. Laconventiond'El-Arich !. elle a été<br />
Violée!. Je revenais,je mapprochaisdes côtes<br />
de France, lorsque, à la hauteur de Livourne,<br />
une escadreennemieenveloppele<br />
me<br />
légerconvoiqui<br />
transportait. Je suisfait prisonnier,et lord<br />
Keith, outrepassant,sansdoute, les instructions<br />
de songouvernement, me fait enfermerdans un<br />
cachotou se perdentmesprotestations. Cetattentat<br />
révoltele ministèreanglais,qui me fait<br />
rendre a la liberté. Mais,de ce moment,je<br />
rai de ju-<br />
protester sur les champsde bataille, en<br />
m'appuyant,d'un côté, sur les saintsdevoirsde<br />
la justice, et, de l'autre, sur monépée.<br />
BONAPARTE. Desaix!je'comprendstouteslesrévoltesde<br />
votreâmeloyaleet généreuse!.Je vous<br />
donne le commandementdes divisionsMonnier<br />
et Boudetréunies!.<br />
lesdeux<br />
derniers; puisenfin l'aidede campqui mecharge<br />
de sa commission ; puis, mon pauvre chevalque<br />
j'embrasse,et qui me regarde pour la dernière<br />
fois,tristement. commeun ami qui vousquitte<br />
pour toujours. ( Essuyantune larme. ) Et me<br />
voilà!.<br />
BONAPARTE. Bien! Je me souviendraide toi!<br />
Partons ! Peut-êtrearriverons-nousà tempspour<br />
prendrepart à la finde la bataille.(AuxItaliens.)<br />
A bientôt, messieurs ! (Auxautres personnages.)<br />
Venez! (Ils sortent.)<br />
Neuvième Tableau.<br />
LE VILLAGEDE SAN- GIULLIANO.<br />
Auquatrièmeplan,aumilieuduthéâtre,desmaisons<br />
quimasquent.laplainede Marengo.-Adroite,une<br />
large rue oblique. — mentanée,aurait aujourd'hui de graves conséquences.Elleébranleraitlemoralde<br />
nossoldats,<br />
qui, malgré leurs récentsinsuccès,sont encore<br />
pleins dénergie et d'enthausiasme. Ils brûlent<br />
du désir de combattre. Ils ont le sentimentde<br />
leur forceet de leur valeur.Profitons-en,messieurs,battons-nousen<br />
désespérés,et la victoire<br />
un instantinfidèlereviendraplanersur nos drapeaux.<br />
MÊLAS..C'est aussimonavis,oui,la bataille!.<br />
Monorgueil<br />
A gauche,une autre.rue.<br />
—Au fonduimtroisième.- Lesgénérauxautri-<br />
de soldat se révolte et le vôtre<br />
doit s'indigner aussi en songeant que nous<br />
avionsreconquisl'Italie, que nous étionsvictorieux.<br />
que nousmarchionssur les frontièresde<br />
la France. et que nousvoiciréduits à la défensive!.<br />
Toutaffaiblieque soit notrearmée, nous<br />
comptonsencorequarantedeuxmillesoldats,habituésaux<br />
plusrudes fatigues,nousavonsdeux<br />
cents piècesd'ariillerie,une cavaleriesuperbe,<br />
h volontéde vaincre. Eh bien, courage donc,<br />
et nousvaincrons ! Vous,Zack,à la tête de dis<br />
mille hommes, vous déboucherèzle premier,<br />
par le pont de la Bormida; en prenant par la<br />
gauche,vousvousdirigerezsur le villageappelé<br />
Castel-Cerriolo.Vous, Haddicket Kaïm,à la tète<br />
du grosde l'armée,vous occuperezle villagede<br />
Marengoqui donneentréedansla plaine. Vous,<br />
Oreilly,avec votre cavalerie,vous prendrez la<br />
droitede la Bormida,et vousoccuperezla route<br />
d Acqui.(Auxautresgénéraux.)Nous,messieurs,<br />
au centre,dirigeant l'artillerie et, a la tête du<br />
corps de réserve,toujoursprêtsà nousporter là<br />
où on aura besoinde nous. (AOtt.)Vousoccuperezce<br />
villagedeSan-Gulliano,où nous sommes.<br />
C'est une position importante. Courage,<br />
messieurs,ouvrons-nousune route au prix de<br />
notresang!. C'estune résolutiondignedenous,<br />
et si le succèsvientà trahir nosgénéreuxefforts<br />
que la responsabilitéde notre désastre retombe<br />
sur ceuxqui en auront étéla cause. Vivel'AutricheI!<br />
(Onentendau loinbattrela<br />
OTT.Soldats,ce sont lesFrançais,commencez<br />
charge.)<br />
le feu. (Laction s'engage.Aprèsune vive<br />
lade,lesfusil-<br />
Français finissentpar pénétrerdansle<br />
village; ils chargentlesAutrichiensà la baion-
LE CONSULAT ET L'EMPIRE. 13<br />
à l'oreille;d'ailleurs,tu le sais, le torchonbrûle<br />
entre nouset les autres, là-bas.(Il frappesur son sabre.) Il faut que la mèreMichelleurdise<br />
deuxmots.(Il vapour s'éloigner,Baptisiele retient.)<br />
BAPTISTE, l'arrêtant.Tu ne t'en iraspas.<br />
ANTOINE Si,jele veux!<br />
BAPTISTE, le retenantpar la main. Quandje<br />
déclare qu'il n'y a pas de quoi dégainer,c'est<br />
qu'il n'y a pasde quoi!. Et puis. veux-tuque<br />
je te ledise?je ne suis pas partisande cesquerelles<br />
entre camarades. surtout pour des malentendusqui,<br />
les trois quarts du temps, n'en<br />
valentpas la peine ; c'estpasdignede bons soldats.<br />
ça.<br />
ANTOINE. V'là tonavis.<br />
BAPTISTE. Oui.<br />
ANTOINE. Excusez.Ehbien,jene l'auraispascru.<br />
BAPTISTE. Quoi?<br />
ANTOINE, avec humeur.Tu es un cavalierpar<br />
trop pacifique.<br />
BAPTISTE. Et toi un fantassinbeaucouptrop<br />
crâne.<br />
ANTOINE, portant la main à la garde de son<br />
sabre etaveccolère.Baptiste !<br />
BAPTISTE, froidement. Ehbien?<br />
-<br />
ANTOINE, honteuxdeson mouvementdecolère.<br />
Pardon,frère. pardon.(Il lui tendla main.) La<br />
colèrema fait monterle sangà la tête; ellem'a<br />
grisé, maisça va mieux c'est fini. (Passant les<br />
bras autour du coudesonfrère avecla plus vive<br />
affection.)Monpauvre Baptiste!ah! je ne mele<br />
pardonneraijamais !<br />
BAPTISTE. Je saisbienquec'estbon,ça. (Il lui<br />
met le bout du doigtsur le coeur.)Il n'y a que<br />
celademauvais.(Il lui touchele front.) Changemoi<br />
ça!.<br />
ANTOINE. Cependantvoyons,frère; à présent<br />
que mevoilàplus calme,tu peuxme rendrejustire.<br />
Tu n'as pas vu ce qui s'est passé. Nous<br />
étions à boire tranquillementavec Marcelinet<br />
des camarades,quandje m'aperçoistout à coup<br />
que lesautresgoguenardaiententreeuxet à nos<br />
dépens; je me leve,je leur demandede s'expliquer,<br />
ils goguenardentde nouveau.J'allais<br />
leur donnerune leçon et pas du tout.. tu t'y<br />
opposes. tu m'entrainesbongré, malgré, jusqu'ici.<br />
Eh bien, sais-tuce qui en résultera? ils<br />
vontcroireet dire quenoussommesdescapons, et ça leur donneraencore plus d'amour-propre<br />
et d'insolence.<br />
BAPTISTE. Ce serait alors une autre paire de<br />
manches.. je seraisle premierà te laisserfaire,<br />
et de plus,à memettrede la partie! Seulement,<br />
vois-tu, Antoine,vaut mieux être le provoqué<br />
que le provocateur;quand le bon droit est pour<br />
soi, on a la conscienceplus tranquille,si la main<br />
est malheureuse.(Tumulteau lointain,du côté<br />
où BaptisteetAntoinesont entrés.)<br />
ATOINE, remontant.Estceque la querellecontinue,ait<br />
aveclescamaradesque nousavonslaissés<br />
là-bas?(Regardant dans la coulisse. ) Oui,ma<br />
foi, en voilà deux qui ont mis flambergeau<br />
vent. Ils se battent. Eh! maisje ne metrompe pas. non. c'est Marcelin.<br />
BAPTISTE, s'élançant. Marcelin!lui. Ah! viens,<br />
courons.<br />
ANTOINE, retenant Baptiste.Ne bouge pas.<br />
un seul mouvement. pn rien pourrait le faire<br />
tuer! ( Tousdeuxrestentimmobiles, setenantpar<br />
la main et regardant.)<br />
ANTOINE. C'estdrôleje n'y voisplus.<br />
vous voyantvouséloignerdela cantine, se sont<br />
imaginéqu'ils vousfaisaientbattreen retraite,et<br />
ont pris desairs encoreplus insolents !.<br />
ANTOINE, à Baptiste.Qu'est-cequeje disais!<br />
MARCELIN. Nousavions peineà nouscontenir.<br />
toutefois,pour<br />
BAPTISTE. J'ai commeunbrouillardsurlesyeux.<br />
(Onentendla voixdeMagloiredansla coulisse)<br />
MAGLOIRE appelant.Baptiste. Antoine. Baptiste!.<br />
ANTOINE et BAPTISTE. Ehbien!.<br />
BI\)TITF..Tu pleures.<br />
MAGLOIRR. Commeun veau marin. maisde<br />
joie!. le miochey a été commeun loupde mer<br />
à l'abordage.<br />
BAPTISTE. OUest-il?<br />
MAGLOIRE. Descamaradesl'amènent. le v'là1<br />
MARCELIN, suivide cinq ou six soldatsentre, il<br />
sejette dans lesbras deses oncles.Mononclel<br />
SCÈNE VII.<br />
BAPTISTE,ANTOINE,MAGLOIRE, MARCELIN,<br />
MARINS.<br />
BAPTISTE. Les chosessesont doncrembrunies<br />
au pointde dégainer.<br />
MARCELIN. 31qiçoui, mononcle: les autreseu<br />
commencerla TOUS. Quoi,général?<br />
BONAPARTE. Cesera votre châtiment!<br />
MAGLOIRE. Vousmeferez fusilleraprèssi vous<br />
voulez,maisdu diablesi je manqueune si belle<br />
occasiondetapersur lesgoddam!<br />
contredanse,nous BVPTISTE. Général,Magloirea raison, la mort<br />
attendionsl'accord. un méchanttapinse charge<br />
de le donner. il vient à moi, et d'up air de vi-<br />
plutôtquedenepas<br />
naigre, il me dit: Eh! fanferluche,est-cebien<br />
fatigantdesoufflerdansunetrompette?-Beaucoup plusque de corrigerun insolentde ta façon,que<br />
je lui réponds. et en mêmetempsd'un revers<br />
de main,je faisvoler son bonnet de policedu<br />
bout dela cantineà l'autre.<br />
ANTOINE. Je n'auraispas mieuxfait!<br />
MAIlCELIN. Noussortons. ilprendun briquet.<br />
je faiscommelui. on fait cercleautour de nous,<br />
et merappelantà proposlesleçonsquevousm'avezdonnées,mononcle,je<br />
pared'aplombet ferme<br />
lescoupsqu'il meporte,etje luiadministreune<br />
manchettequi, je vousle promets,lui fera,pour<br />
quelquetempsau moins,laissersapeaud'âne en<br />
repos !<br />
BAPTISTÉ. Bien,Marcelin. bien!.<br />
MAGLOIRE. Oui,maisvexéscommedesrequins<br />
prisau harpon,lesautresveulentvengerleurtapindémoli,et<br />
ilsneparlentde rienmoinsque de<br />
venir nous provoqueren masse.(Désignantla<br />
cantine.)Et tenez,lesvoici.<br />
ANTOINE. lis seront bien reçus. qu'ils viennent<br />
!. (Tonsles soldatsqui sont en scènese<br />
placent à droite , tous.les soldats qui entrent<br />
segroupentà gauche,ils onttous le sabre à la<br />
main.)<br />
UNSOLDAT Eh bien! nous vous attendons.<br />
ANTOINE. Mesamours,nousvoilà.<br />
TOUS, dégainant.Oui!. oui,en garde ! (Chacun<br />
choisit son adversaire, la lutte s'engage avec<br />
acharnement,Bonaparteparait.)<br />
SCENE VIII.<br />
LESMÈMFS, BONAPARTE.<br />
BONAPARTE. Que se passe-t-ildoncici? (Tous<br />
s'arrêtentspontanément.)C'estdoncainsiquevous<br />
respectezlesloisdela discipline?Descompagnons<br />
d'armess'entr'égorgeantdansun duell. Ah! ce<br />
que vousfaitesla est une lâcheté.(Mouvement et<br />
murmureparmi lessoldats. Bonaparterépètele<br />
motavecplusdeforceencore.)Oui,une lâcheté.<br />
un volmêmecommisaupréjudicedela patriequi<br />
a ledroitdevousdemandercomptedecesangque<br />
vousversez,et qui lui appartientjusqu'à la dernièregoutte.<br />
Vousavez déméritéd'elle et de<br />
moi. vousn'êtesplusmessoldats.(Ilse promène<br />
avecagitation. un grand silencese faitpartout.<br />
Lessoldatsmorneset consternésbaissentla tête.)<br />
ANTOINE, avectémotion.Général,noussommes<br />
coupablespeut-être. mais là, vrai vousnous<br />
traitezplus durementque nousleméritons.<br />
BONAPARTE. Non. Et toiqui prendssi bienla<br />
paroletu es du nombredespluscoupables.<br />
ANTOINE. Comment,général.<br />
BONAPARTE. Tais-toi!c'estaux anciensde donner<br />
le bon exemple.Voussorteztous dela même<br />
pépinière. je ne connaisdedistinctionquecelle<br />
du devoirbien rempli.(S'arrêtant devant Marcelin,et<br />
haussantlesépaules.)Jusqu'auxenfants<br />
quis'ei*nêlent.<br />
MARCELIN. Levraicoupablec'est moi, général,<br />
car c'est moiquile premier.<br />
BONAPARTE. Toi 1.-- et si je te faisaisfusiller.<br />
MARCELIN. Dame!général,vousêtesle maître.<br />
maisçane m'empêcheraitpas dejouèrà votreintention<br />
ma dernière fanfare sur la trompette<br />
d'honneurque vousm'avezdonnéeà Marengol<br />
BONAPARTE. Hum! tu cherchesà medésarmer ;<br />
maisnon,je veuxun exemple.lOnentendlebruit<br />
ducanon.)<br />
SCÈNE IX.<br />
LESMÊMES, DUROC.<br />
DUROC. Général,les canonnièresanglaisesapproclunt.<br />
l'attaque va commencer.<br />
TOUSLESOLDATS. Auxarmes!. (Onentendles<br />
tambours.) 4<br />
BONAPARTE. Un moment. je vousai dit que<br />
je voulaisun exemple. je vaisle donner.Vous<br />
resterezsur le rivage, vous verrezla bataille,<br />
maisvousne combattrezpas.<br />
combattre. et voyez. plus<br />
de rivalité. plusde hainé,noussommesréconciliés.<br />
(Lessoldatsde la garde consulaire se<br />
jettentdans les bras lesuns desautres.)<br />
BONAPARTE. Je vous pardonne aujourd'hui,<br />
maissongez y, à l'avenirje seraiinflexible. je lo<br />
juresurmonépée!. Etmaintenant,pourrachetez<br />
votrefaute,frottez-moi l'ennemidelabonnefaçon.<br />
TOUS.A l'ennemi!. à l'ennemi!.<br />
Quatorzième Tableau,<br />
Le théâtrereprésentela pleinemer;des chaloupes<br />
canonnières anglaisesfontfeusurlesbateauxplats<br />
français. Ceux-ciripostentvigoureusement. —<br />
Après'êtrecanonnédepartet d'autre,un bateau<br />
platcouleà fondunecanonnièreanglaise. —Elle<br />
s'engloutit etdisparaîtcomplétement avecsonéquipage.<br />
— On aperçoitalorsla flottequi évolue<br />
auloinet viredebord.—LesAnglaisgagnentle<br />
large. — Bonapartet son état-majnrparaissent<br />
surun desbateauxplats.Touteslesverguesettous<br />
les mâtsse garnissentde matelotsfrançaisqui<br />
agitentdesdrapeaux.<br />
MAGLOIRE, duhaut d'unmât. Vivela France!<br />
TOUS. Vivela France!<br />
ACTE IV.<br />
Quinzième Tableau.<br />
LA HALLEEN 1804.<br />
Auleverdurideau,toutle mouvement habitueldece<br />
grandmarché.<br />
SCENE PREMIERE.<br />
MARCHANDS, MARCHANDES, PAYSANS.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITSDe belles figues!.<br />
du beau raisin!. des pêchesdeMontreuil !.<br />
UNPAYSAN, d'unevoixtralnante.Salade ! de la<br />
salade' romaine!. chicorée!laitue!<br />
UNEMARCHANDE DEPOISSONS, s'adressantà une<br />
femme.Toute envie! toute en vie!.<br />
UNEMARCHANDE DEFLEURS. Desroses!desœillets.<br />
du seringa1.<br />
UNRÉMOULEUR. A repasser les couteaux ! lei<br />
ciseaux ! lescanifs,lesrasoirs! (Unevoiturechargée<br />
arrive,des fortsse mettent à la décharger.)<br />
UNCORDONNIER. Raccommodeurdesouilliers!<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Eh bien! la petite<br />
mère,vousnem'achetezdoncrienaujourd'hui ?.<br />
Voyezdonc,j'ai un assortimentsuperbe!.<br />
UNEFEMME. CombienlesorangesT<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Huit SOUS.<br />
LAI EMME. C'est trop cher!<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Tropcher!.vadotic,<br />
grandeasperge montée,..<br />
SCENE II.<br />
MAGLOIRE, BAPTISTE,MARCEL1N, eucollégien.<br />
(Magloiredonnele brasà Baptiste, et leconduit<br />
vers la boutiqued'un liquoristequifait l'angle<br />
d'unerue à gauche.)<br />
MARCELIN , tirant son onclepar le pan de sa<br />
veste.Ditesdonc,mononcleMagloire?<br />
M^LOIRE. Qu'est-ceque tu veux,goujon?<br />
MARCELIN. Ce n'est pas parlà. c'est parici, à<br />
droite,qu'il nousfautprendre.<br />
MAGLOIRE. Je connais parfaitementla route;<br />
maisavant dejiavisuer danscesparages,je désire<br />
carguerles voiles. jeter l'ancre et pour<br />
quelquesinstantsaborderla boutique du liquoriste<br />
ci-présent.Cettehalte ne pourra quenous<br />
fairedu bien; pas vrai, Baptiste?<br />
BAPTISTE. D'autant qu'Antoine, qui est de<br />
garde au poste des Innocents,n'aura guèrefini sonserviceque surles neufheureset demie,dix<br />
heures. il enest huit tout au plus. ainsinous<br />
avonsdu tempsdevantnous.<br />
MAGLOIRE. Tesdeuxonclesétant du mêmeavis,<br />
ilne te restequ'unechoseà faire;appellele limo-
1re. LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />
nier de la boutique.(itlarcelinse dirige versune<br />
destablesqui sontdevantla porte du liquoriste,<br />
et il appelleenfrappant dessus.)<br />
MARCELIN» Holà! eh! le marchand!(Ungarçon<br />
vient.) Voilà,mon oncle1<br />
MAGLOIRB, au garçon. De l'eau-de-vie,et trois<br />
verres! 4<br />
LEGARÇON. Toutde suite!<br />
MAG-LOIRE, à Marcelin.Je te trouvetout drôle,<br />
avec tonhabit de lyeéen.<br />
MARCELIN. Est-cequ'il meva mal ?<br />
MAGLOIRE. Je ne dis pas ça. au contraire,c'est<br />
égal, je ne m'attendais guère à te trouverainsi<br />
transformé, va1<br />
MAIICEUN. Dame ! que voulez-vous ? Aprèsle<br />
combat de Boulogne, le premierconsulm'a fait<br />
entrer dans un lycée,medisant : Il y a en toi de<br />
la grained'épinards. Il faut la faire germer.<br />
MAGLOIRE. Ah! il a trouvé qu'il y a en toi.<br />
c'est que ça est alors. On ne lui en remontrepas<br />
à celui-là.<br />
LE GARÇON, apportant de'l'eau-de-vie et des<br />
verres. Vousêtes servis.<br />
MAGLOIRB, au garçon qui emplit les verres.<br />
Qu'est-ceque tu faislà?<br />
LEGARÇON. Dame ! je verse!<br />
MAGLOIRE, lui prenant la bouteille.Tu crois<br />
doncavoirà faireà des demoiselles?La bouteille<br />
estpleine,n'est-cepas? [Il regarde.)Oui, eh bien,<br />
c'est bon, fileton nœud, ce qui en resterane te<br />
brûlera pas le gosier.(Il s'asseoit. Baptisteet<br />
Marcelinenfont autant. Lemouvementdu marché<br />
continuetoujours.)<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Quatre d'un sou les<br />
anglais!.<br />
MAGLOIRE, à Mareelin.Eh bien, voyons,petit,<br />
puisque tu naviguesdans l'instruction. si pendant<br />
que nous allonsfumer notre pipe, tu nous<br />
lisaisun peu lesnouvellesd'aujourd'hui.. hein!<br />
Justement voici un journal, il doit y avoir de<br />
l'intéressant.<br />
MARCELIN. Volontiers !<br />
MAGLOIRE. Passe-nouslesbalivernes.<br />
MARCELIN. Oui, mon oncle. (Lisant.) Paris,-<br />
19 mai 1804.<br />
MAGLOIRE. C'estça,tu y es.<br />
MARCELIN, lisant. «LeSénat,après avoirdécrété<br />
le sénatus-consulleorganiquequi déférait le titre<br />
d'Empereurau premierconsul.en établissant<br />
danssa famillel'héréditédu trône impérial,s'est<br />
rendu au palais de Saint-Cloud,ayant à sa tête<br />
le secondconsulCambacérès,sonprésident,chargé<br />
de présenterà l'Empereurce sénatusconsulte.<br />
Napoléona réponduen ces termesau discoursde<br />
l'orateur. »<br />
MAGLOIRB. Attends. (Il videsonverred'eau-devie<br />
d'un seul tvait, puis se rapprochant.)Lis à<br />
présent.<br />
MARCELIN, lisant. « Tout ce qui peut contribuer<br />
au bien de la patrie est essentiellementlié<br />
à monbonheur.J'acceptele titre que vouscroyez<br />
utile à la gloirede la nation. Je soumets à la<br />
sanctiondu peuplela loi de l'hérédité; j'espère<br />
que la Francene se repentira jamais des honneurs<br />
dont elle environnema famille. Danstous<br />
lescas. monesprit ne seraplus avecma postérité<br />
le jour où elle cesseraitde mériterl'estimeet la<br />
confiancede la grandenation. »<br />
MAGLOIRE. Il a réponducommetoujours, avec<br />
soncœur.<br />
MAGI.OIRE, élevantson verre. A la santéde Sa<br />
Majestél'empereur Napoléon!<br />
BAPTISTE et MARCELIN. Al'empereurNapoléon!<br />
(Pendantla lecturedujournal, deuxhommes vêtus<br />
de longuesredingotesbleues sontentréset se<br />
sontmêlésaux groupesde causeurs qui se sont<br />
formés. Un de ces hommesquitte le groupe et se<br />
dirigedu côtédu liquoriste.En apercevantMarcelin,<br />
Magloireet Baptiste,il rebroussechemin,<br />
prend le bras de son compagnonet s'éloignevivement.)<br />
MARCELIN, qui a fixéceluidesdeuxpersonnages<br />
quis'avançait,pousseun cri desurpriseAh! (Il<br />
quittelà tableet suit desyeux les deuxpersonnagesqui<br />
s'éloignent.)<br />
MAGLOIRE, à Baptiste. Qu'est-cequi lui prend<br />
donc? il gigottecommeun marsouinen goguette<br />
(Allantà MARCELIN, à lui-même.Oht non! non. je ne<br />
me trompepas. c'est lui!<br />
BAPTISTE. Quilui?<br />
MARCELIN. L'Empereur)<br />
MAGLOIRE et BAPTISTE. ensemble.L'Ernpereur!<br />
MARCELIN. Oui. un de cesdeux hommes. là<br />
bas. en redingotesbleuesl<br />
BAPTISTE. Tu es fou!<br />
MARCELIN. Je l'ai assezvu pour pouvoirle reconnaltre.j'espère.<br />
Ausurplus, venez,courons,<br />
et vousallezvoirvous-mêmes.<br />
MAGLOIRE. Du tout; laisse donc. faut être<br />
discret !. il a peut-être l'habitude de faire ses<br />
provisionslui-même. à quoi bon le gêner.<br />
Verse, Baptiste(à Marcelin),et toi, continue ta<br />
lecture.<br />
MARCELtN, lisant. «Un nobletribut vient d'être<br />
payéà l'arméeen conférantle gradede maréchal<br />
d'empireaux générauxqui doiventleur illustrationaux<br />
victoiresqu'ils ontremportées. »<br />
BAPTISTE. Ab! si Desaixet Klebern'étaientpas<br />
morts, nousaurionsdeuxbeaux nomsde plus.<br />
MAGLOIRB. C'estvrai.<br />
MARCELIN, lisant.«Dansla marine,le bâton d'amiral<br />
vient d'être donnéà l'habile organisateur<br />
dela flottilledeBoulogne,auvice-amiral Bruix1 »<br />
MAGLOIRE. 0 triplechaloupe!. bravo!. Yivat!.<br />
je veux proclamerson nouveaugrade.<br />
C'estmoiqui régale. un festin des trente-cinq<br />
partiesdu monde! à moice qu'il y a de mieux<br />
au marché. çane peut pas être trop bon. (Allant<br />
d'une marchandeà l'autre.)Tiens, tiens.(Il<br />
donneà Marcelincequ'il achète.)A toi, moustique.<br />
et puis ça. et puis ça. En route<br />
maintenant.<br />
BAPTISTE. Où allons-nous?<br />
MAGLOIRE. Faire cuire le fricot. Toutesvoiles<br />
dehors. En avantl. (Ilssortent.Untumultese<br />
fait entendre.)<br />
SCENE III.<br />
LESMÊMES, moins MAGLOIRE,BAPTISTEet<br />
MARCELIN.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS.Qu'est-cequ'il y a<br />
donc là bas?<br />
LAMARCHANDE DEFLEURS, regardant. Uncheval<br />
vient de s'emporter ! il a renverséun homme.<br />
Veillezsur ma boutique, je vas voir. je vous<br />
rapporterai des nouvelles(Ellesort en courant.<br />
Unpetitgarçond'unedizained'annéesest entréet<br />
s'estarrêté devantla boutiquede la marchandede<br />
fruits.)<br />
L'ENFANT. Je voudraisavoirdeuxpêches.(Il lui<br />
présentel'argentqu'iltient d la main.)<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS.Deux pêches pour<br />
quatresous ! on t'en donnera. Jeles vendshuit<br />
souspièce.<br />
L'ENFANT. Oh! commec'est cher!.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Tu trouves?<br />
L'ENFANT. Oui, je n'ai que quatre sous et je<br />
voudrais. C'estpour maman.<br />
LAMARCHANDE DKFRUITS.Eh bien, tu diras à<br />
ta mèreque j'en ferai poussertout exprèspour<br />
elle. et sans noyaux,entends-tu.<br />
L'ENFANT. J'aimeraismieuxcelles-là.<br />
LAMARCHANDE DEFRUHN. Eh ben! moi aussi.<br />
c'estce quifait que je lesgarde!. Allocations,<br />
va plus loin., n'obstrue pas ma boutique. (Le<br />
petitgarçons'éloignede quelquespas, toujours en<br />
fixantdesyeuxlespêches,et entournantses quatre<br />
sous dansses doigts.- Un desdeuxhommesà la<br />
redingotebleue rentre en scène.C'estNapoléon.<br />
Lamarchandede fleursentre en mêmetempsque<br />
lui.)<br />
SCÈNE IV.<br />
LESMÈMES,NAPOLEON,LA MARCHANDE<br />
DE FLEURS.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS, à la marchandede<br />
fleurs.<br />
lui.) A qui en as-tu? [Marcelinnerépondpas<br />
à l'interpellationde sononcleet regarde<br />
toujoursauloin.)<br />
Eh NAPOLÉON, à lui-même.Bien. Duroca exécuté<br />
l'ordre que je lui ai d,'uné. A la f.neur du<br />
tumulte, j'ai pu, sansêtre vu, glisserma bourse<br />
dans la main de ce malheureux,et afin de me<br />
soustraireà ses remercirrients.je me suis éloigne<br />
en toute hâte. Il n'est pas mauvaisquecelui qui<br />
présideà la destinée du peuplese mêleparfoisà<br />
lui, incognito. il entend souvent des choses<br />
qu'il ne devraitpasignoreret que ceux<br />
bien?. qu'est-ce qu'il y avait làbas?<br />
LAMARCHANDE DEFLEURS, En voulantarrêterle<br />
chevalqui s'était emporté,Baptiste,le commissionnaire,a<br />
été renversé. Il a un bras cassé, le<br />
pauvre homme! Un monsieur l'a fait monter<br />
dans un fiacre. il l'accoifipagnejusqu'à chez<br />
lui.<br />
- qui l'entourent<br />
se gardentbien de laisser arriverà<br />
oreilles t Monexcursionde ce matin ne<br />
sell<br />
sera<br />
sans<br />
pal"<br />
profitpourmoi.Voyons maintenantà rega:<br />
gner lesTuileries.(Il examinequel cheminil dot]<br />
prendre.)<br />
L'ENFANT, à la marchandede fruitsi en luipré.<br />
sentant denouveausesquatre sous.Vousne vou.<br />
lezdonc pas, madamela marchande?<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Fiche-moila paix<br />
avectes quatresous! Tu m'ennuies.(L'enfantse<br />
met à pleurer et ne répondpas. Napoléon,cherchantà<br />
s'orienter, s'est rapproché de l'enfant.)<br />
NAPOLÉON, à L'enfant.Qu'as-tu à pleurer, mon<br />
petit ami? ab<br />
L'ENFANT. J'avaissur messucresd'orgeet mon<br />
pain d'épice,économiséquatresous,afind'acheter<br />
des pêchespour maman,qui les aimebeaucoup ;<br />
c'est aujourd'huisa fête,je voulaislui endonner<br />
deux,et la marchandene veut pas les vendreà<br />
moinsde huit sousla pièce.<br />
NAPOLÉON. Et c'est là ce qui te désolesi fort?<br />
L'KNFANT. Oui,je ne pourraipas taireplaisir à<br />
maman.<br />
NAPOLÉON. Dame 1 monpetit ami, si ellesvalent<br />
huit sous,la marchandene peut pourtant pas te<br />
les donner pour quatre!<br />
LAMARCHANDE, se mêlant à la conversation.<br />
Pardine !. Voyez!. de la Montreuilsuperbe!<br />
premièrequalité, quoi!<br />
NAPOLÉON. Lefait est qu'ellessontfort belles!<br />
L'ENFANT. C'est pour cela que je les veux.<br />
NAPOLÉON. Eh bien, voyons, il y a peut-être<br />
moyend'arrangerla chose.<br />
L'ENFANT. Quelbonheur! tenez,voilàmesquatre<br />
sous. (Il veutlesdonnerà Napoléon.)<br />
NAPOLÉON. Non , garde tes quatre sous et<br />
répouds-moi: Est-ce que tu demeuresseul avec<br />
ta maman?<br />
L'ENFANT. Oh! non, monsieur,il y a grand'<br />
maman, mes deux petits frères., ma grande<br />
sœur.,., et puisquelquefoispapa, je disquelque<br />
fois,parceque le plussouventil est à l'armée.<br />
NAPOLÉON. Ah! ton papaest miltaire?<br />
L'ENFANT. Oui, il est officier du grand Napoléon.<br />
Et quand j'aurai l'âge, je serai militaire<br />
aussimoi! Papa et mamanmel'ont promis. Je<br />
me battrai. je tuerai lesennemisde la France1<br />
NAPOLÉON. Etcomments appelleton papa?<br />
L'ENFANT. Christophe!<br />
NAPOLÉON. Et où demeureta maman?<br />
L'ENFANT. Ici tout près, rueSaini-Honoré,70.<br />
(Napoléon,pendantque l'enfantparlé, a pris son<br />
calepin,eta tracé dessusle nom et l'adresse que<br />
l'enfantlui a donnés. )<br />
NAPOLÉON. Ahçà, maisdis-moi. (Il comptesur<br />
sesdoigtsà mesurequ'il nomme.)Ta maman,ta<br />
grand'maman,tes deux petits frères, ta grande<br />
sœur et toi, (jene comptepas ton papa puisqu'il<br />
està l'armée) ça fait en tout six personnes 1 e.<br />
deuxpêchespoursix personnes,c'est bien peu'.<br />
Sije te mettaisà même de pouvoirfairea chacun<br />
sa part, est-ceque tu en serais fâché?<br />
L'ENFANT. Non, sans doute; mais pourquo<br />
feriezvouscela? vousne meconnaissezpas.<br />
NAPOLÉON. Eh bien, faisonsconnaissance;devenons<br />
amis.<br />
L'ENFANT. J'accepte Vousme plaisez ! (Il tend<br />
la main à Napoléonqui la prend.) Nous voilà<br />
amis.<br />
NAPOLÉON. Eh bien, puisque nousvoicien s'<br />
bons termes et que le proverbedit: les petits<br />
cadeauxentretiennent l'amitié. je veux te faire<br />
le mien. (Il va vers la marchandede fruits.,et<br />
prenant le panier de pèches.) Combientout le<br />
panier?<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Sixfrancs.<br />
NAPOLÉON Bien.(Seretournantversl'enfant.) Tiens, va porter celaà ta mamande la part de<br />
ton ami. -<br />
L'ENFANT. Toutle panier!<br />
NAPOLÉON. Oui,tu lui dirasque j'irai vousvoir
LE CONSULAT ET L'EMPIRE. 15<br />
bientôt. Si d'aventureje tardais trop. tu<br />
drais avecelle me demanderà l'adressequevien-I voici.<br />
(Il.déchireune pagede soncarnet ety trace quelquesmots..Il<br />
donneensuitelepapier à l'enfant.)<br />
L'ENFANT. Oh! que c'est mal écrit1. Maismaman<br />
lit mieuxque moi; elle déchiffrera, elle!.<br />
Au revoir, monbon ami.<br />
NAPOLÉON. Aurevoir.<br />
L'ENFANT, fait quelquespas, puisrevenant.Dis<br />
donc. je voudrais bien t'embrasser.<br />
NAPOLÉON. De tout mon cœur! (Il embrasse<br />
"enfant, qui ensuitesort en courant.) Il est charmant,<br />
cet enfant. Je ferai prendre des renseignements<br />
surson père:.. sur sa famille,et si,<br />
commetout me le fait présentir, ils sont dignes<br />
de mon intérêt, je ne les oublieraipas. Allons.<br />
allons, je crois que je pourrai,moi aussi, dire ce<br />
soir: Je n'ai pas perdu ma journée! (Il va pour<br />
s'éloigner.)<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS.Eh ben! et ben!<br />
dites donc, là bas!. eh! et messix francs?.<br />
NAPOLÉON. Excusez,la marchande,c'est juste!<br />
j'oubliais. (Il fouilledans sa poche.)Eh! mais,<br />
j'y songe : j'ai donné ma bourse tout à l'heure.<br />
etil ne me reste pas d'autre argent (Il visite<br />
tour à tour toutessespoches.) Ah! me voicibien,<br />
ma foi!.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS.Çaviendra-t-il? NAPOLÉON, à lui-même.Que faire? (Sefouillant<br />
de nouveau.) Je n'ai rien. rien même à donner<br />
en nantissement.<br />
LAMARCHANDEDE FRUITS. Ah çà, ditesdonc, estceque<br />
vousprenezmon bras pour une enseigne?<br />
NAPOLÉON, à lui-même. Quelparti prendre?<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS, avechumeur. J'ai pas<br />
le temps deflânerà vousattendre; par ainsi, dépêchons.<br />
NAPOLÉON. Mabravemarchande,vousme voyez<br />
dans un grand embrrras. j'auraisdû m'assurer<br />
avant tout si j'avais ou non de l'argent sur moi;<br />
je m'en aperçoismalheureusementtrop tard!<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS,mettant ses poings<br />
fur ses hanches.De quoi. vousdites?.<br />
NAPOLÉON. Ne vous emportez pas. ne craignez<br />
rien. Veuillezseulementenvoyeravecmoi<br />
et je m'empresserai.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS.En v'là une bonne<br />
par exemple!. excusez1<br />
NAPOLÉON, à part. Labombe va éclater!.<br />
IAMARCHANDE DEFRUITS, se retournant versles<br />
(.H/l'esmarchandes. Dites donc, mesdames, va<br />
falloirqu'à l'avenirnous ayons des commisà l'effet<br />
d'aller toucher à domicile ! v'là un genre!.<br />
v'là du nouveau:<br />
•<br />
NAPOLÉON. La marchande!.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Gemonsieurqui fait<br />
des générositésà mes dépens: ihm'achète pour<br />
six francs, et quand la marchandiseest partie.<br />
quand il s'agit de payer, monsieur a oublié sa<br />
bourse1 On ne donne pas là dedans, fiston!.<br />
C'estdu fil trop vieux pour nous, il casse. nous<br />
n'en usonspas!. Plus souventqu'on vate suivre,<br />
pour te voir déguerpir au premier coin de rue,<br />
pas vrai? Et j'en serais, moi, pour mon panier<br />
de pêches!. Arrange-toi comme tu voudras,<br />
paye,ou je te fais fourrer au violon! Justement<br />
v'la mon affaire! (Elle désigneAntoinequipasse<br />
avecquatre soldatspour aller releverles factionnaires.)<br />
Caporal!prêtez moi main-forte, (désignantNapoléon)<br />
v'là un individu qui m'a acheté,<br />
«1a fait euleverma marchandise. et à présent<br />
qu'il s'agitde payer,monsieura oubliésa bourse.<br />
C'estune frime!. arrêtez-le!<br />
ANTOINE. Calmez-vous,la marchande,calmezvous.<br />
nous allons voir ça. (Allant à Napoléon<br />
et lui frappant sur l'épaule.)Qu'as-tuà répondre,<br />
l'ancien? ( Napoléonse retourne. Antoinele reconnaîtet<br />
restestupéfait. Ah! cré nom!. Quui.<br />
qu'est-ce. ah! C'est. LAMARCHANDE DEFRUITS.Encoreune bonne<br />
paye que celui-là! Je ne veux rien entendre.<br />
Je suis dans mon droit, qu'on l'arrête!. ou bien<br />
mon argent! (Pendant cettescène,Duroc estrentré;<br />
on lui a expliquéde quoi il est question.<br />
pardon, excuse,mon.<br />
NAPOLÉON, l'interrompant. Tais-toi. et fais ce<br />
qu'on te demande. arrête-moi. emmène-moi!<br />
ANTOINE, balbutiant. Ah!. ah !. par exemple!<br />
Vous. vous arrêter, vous amener au<br />
poste! -<br />
NAPOLÉON. Oui!<br />
ANTOINE. Jene pourra? |iniàis, moneinp non,<br />
là, vrai. je ne pourrai pas! Laissez-moi,plutôt<br />
arranger l'affaire. haittant vivementNapoléon<br />
et allant à la mari-'-^inde. ) Vous accusezà tort<br />
le. ce. ce. d'êtta un. Non. je le connais,<br />
j'en réponds. oui. je répondspour lui!<br />
Il<br />
s'approchevivementde la marchande.)<br />
DUROC. Combienvous doit-on?<br />
LAMARCHANDE. Six francs.<br />
DUROC. Les voilà!.<br />
NAPOLÉON, à lui-même.Duroc! Il arrive à propos.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Qu'est-ce que c'est<br />
que celui-Ii?<br />
DUROC. Prenez !<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS. Je crois ben. J'aime<br />
mieux tenir que de courir ! Avec des pratiques<br />
commecelle-là. (Durocserapprochede Napoléon<br />
et lui dit à voix basse:)<br />
DUROC. Il y a là une voiture; elle nous attend,<br />
venez, sire.<br />
*<br />
NAPOLÉON. Oui. (Revenantvers la marchande<br />
defruits, et l'amenant à l'avant-scène.)Les fruits<br />
que vousvendezsont, je le crois, excellents,mais<br />
à coup sûr, on n'en dira pas autant de vous, ma<br />
commère.<br />
LAMARCHANDE DE FRUITS.Vraimentl Voyezvousça.<br />
NAPOLÉON. C'est du moins l'avis de l'Empereur<br />
1(Il entr'ouvresaredingoteet l'on aperçoitle<br />
grand cordon de la Légiond'honneur. La marchanderecule<br />
de stupéfaction.Napoléontraversela<br />
foule,gagnelefiacre et y monte.)<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS, pouvant à peine articuler.<br />
L'Em. l'Em. l'Empereur ! c'est l'Empereur!<br />
ANTOINE. Oui. Sa Majesté Napoléon. rien<br />
que ça 1<br />
TOUS.L'Empereur!. l'Empereur !.<br />
LAMARCHANDE DEFRUITS.Ah! ah! si j'avais<br />
su! (Lepeuplecourtenpoussantdesacclamations.) ViveNapoléon! vive l'EmpereurI<br />
Seizième Tableau.<br />
AuxTuileries.Unsalon.<br />
SCÈNE PREMIÈRE.<br />
ÉDOUARD,LÉON,HENRI,PAGES.<br />
ÉDOUARD. Allons,la journéeserafatigante, mais<br />
nousallonsvoirréunieaux Tuileries la plus bril<br />
lante assemblée.<br />
LÉON.Ft nous aurons le précieuxavantage<br />
d'échappé ur quelquesheures au général Gardanne,<br />
notre gouverneuraux sourcilsfroncés, à<br />
la parole brève, au geste dominateur.<br />
HENRI.Toi qui sais tout, Léon, tu dois savoir'<br />
s'il y aura plusieursbalsà la suite du couronnement?<br />
LÉON.Oui,tant que tu en voudras,et si tu n'en<br />
as pas assez, tu en demanderas davantage à<br />
l'Empereur.<br />
ÉDOUARD. Et tu seras reçu avec tous les honneurs<br />
dus à un ambassadeur.<br />
HENRI.Ambassadeurde quoi?<br />
LÉON.Des pages, parbleu, puisque tu seras<br />
chargé de'dire de notre part à Sa Majesté : Sire..<br />
ÉDOUARD, l'interrompant. Lecorps illustre de<br />
vos pages.<br />
LÉON.Animédu vifdésir de compléterl'éducation<br />
que vouslui faitesdonner.<br />
ÉDOUARD. Et pour se il est sentencieux. on voit bien qu'il profitedes<br />
leçonsde notre<br />
Gandon.<br />
sous-gouverneur,monsieurl'abbé<br />
LÉON.MonsieurEdouardsecroitun personnage,<br />
parce que monsieur le grand écuyer, monsieur<br />
de Caulaincourt,lui a adressé des élogessur sa<br />
manièrede monterà cheval et de fairedesarmes.<br />
ÉDOUARD, Oui, monsieur,je fais des armes,pas<br />
mal même,et vous?<br />
LÉON. A votreservice,monsieur.<br />
HENRI.Eh bien, c'est ça. battez-vous. L'endroit<br />
est parfaitement<br />
conformeraux traditions<br />
de la galanterie française.<br />
LÉON.Voussupplie..<br />
ÉDOUARD. Bon. voilàque tu m'as encoreinterrompu.<br />
LÉON. Du tout. c'est toi qui as commencé.<br />
ÉDOUARD. Non!.<br />
LÉON.Si 1.<br />
HENRI.Allons. voyons,du calme! Je vaisvous<br />
mettre d'accord. Edouard n'a jamais raison, et<br />
Léon a toujourstort, dans vosdisputes, bien entendu.<br />
ÉDOUARD. Merci, monsieur le graml-jlJ :<br />
monsieur Léonveut toujours prendre la parole,<br />
choisi.. De ce côté, l'appartementde<br />
l.'Impératrice,de celui-là,le cabinet<br />
del'Empereur ! Voulez-vousque j'appelle, pour<br />
vousservir de témoins, les princesétrangers qui<br />
vont arriveravecle, ambassadeurs,les ministres,<br />
le corps léghlatir, les magistrats,les maréchaux,<br />
les généraux,etc., etc. ?<br />
ÉDOUARD. Non, réservons-nouspour une autre<br />
occasion.Notre mort passeraitinaperçue,aujour.<br />
d'hui, et les bellesdamessont tellementoccupées<br />
de leur toilette, qu'elles ne verseraientpas une<br />
larmesur notre destinée.Va, Léon, continue.<br />
LÉON.Quoidonc?<br />
ÉDOUARD. Ce que nous voulions faire dire à<br />
l'Empereurpar Henri.<br />
LÉON. Ah! oui. Sire, qu'on nousdonne le plus<br />
souventl'occasiond'unir le myrte au laurier.<br />
nou serons braves : qu'on nous laisseêtre aimables<br />
et heureux. Beaucoup de fêtes, de bals,<br />
Sire. Ah! Dieu!. ah! lesbelles femmes,les<br />
jolies femmes, brunes, Mondes, jeunes et pas<br />
vieilles!. nous les aimeronstoutes, et nous fe-,<br />
rons marcherde front lesenquêtes de l'amour et<br />
les conquêtesde la victoire.<br />
HENRI. Cen'est pas mal, mais je te cède mon<br />
poste de plénipotentiaire : l'Empereur n aurait<br />
pas une déférencebien profondepourma mission<br />
diplomatique.<br />
ÉDOUARD. C'estpossible. d'autant plus qu'il a<br />
fait de nous, ces jours passés,un portrait peu en-'<br />
courageant.<br />
LÉON.Et commentl'Empereurnous a-t-il dé.<br />
peints.<br />
ÉDOUARD. Eh quoi! tu ne le saispas?<br />
LÉON.Non.<br />
LESPAGES. Ni moi! ni moi ! ni moi!<br />
ÉDOUARD. Les journaux se sont pourtant empressésde<br />
reproduire les paroles de Sa Majesté.<br />
LÉON. Lesjournaux 1. ils sont d'une indiscrétion<br />
1. Enfin?<br />
ÉDOUARD Eh bien, écoutez: Un page, a dit<br />
l'Empereur, est malin commeun singe; espiègle<br />
commeun écolierde sixième ; colère commeun<br />
dindon; gourmand comme un chat ; étourdi<br />
commeun hanneton ; paresseuxcommeune marmotte,<br />
et vaincommeun paon.<br />
HENRI.Allons,Sa Majesténe nousa pasflattés.<br />
LÉON. J'aime à croire qu'il ne m'avait pas en<br />
vue lorsqu'il a fait cepanégyrique.<br />
• ÉDOUARD. Ni moi, certes!<br />
TOUS.Ni moi! ni moi! ni moi!<br />
LÉON.C'est ça. personne. Il voulait parler<br />
des pagesde LouisXIV.<br />
ÉDOUARD. Chut ! voici les dames d'honneur de<br />
l'Impératrice. Léon, c'est à toi de les annoncer.<br />
(Lesdames d'honneur paraissent; undes pages<br />
ouvre l'appartementde l'Impératrice; Léonsalue<br />
et précèdelesdames.)<br />
SCENE II.<br />
LESMÊMES, moins LEON.<br />
ÉDOUARD. Cesdamesvont présiderà la toilette<br />
de l'Impératrice..<br />
HENRI.Ah 1 mes amis, il faut nous préparer à<br />
être gravestout à l'heure, car la salle du trône<br />
sera rempliede personnagesau milieu desquels<br />
nousdevonsavoir une attitude de circonstance.<br />
ÉDOUARD. Je crois bien: ce que la France a de<br />
plus illustre, ce que Paris compte de plus élevé<br />
en fonctionset en dignitéssera là, sousnos yeux,<br />
autour de l'Empereuret de sa famille: les puissancesétrangères<br />
y auront leurs représentants,<br />
et ceux-ci ne tarderont pas d'apprendre à l'Europe<br />
que la Courimpérialeleur a offertun spectaclesaisissantde<br />
grandeur et de magniticence.<br />
HENRI.Et ils diront peut-être : Ce qui nous
16 LE CONSULAT ET L'EMPIRE.<br />
a frappés,c'était la tenue, l'allure,le maintien<br />
gracieuxde messieursles pages.<br />
iiitouAiio. Vaniteuxcommeun paon,a dit l'Empereur;<br />
c'esttoiqui estle paon.<br />
IIENny.Merci.<br />
,<br />
I.ÉON, entrantetsejetant dansunfauteuil.Oh!<br />
quel guignon ! monDieu, quel guignon!<br />
IlERI. Qu'as-tu,Léon?<br />
fe>->yARD. Commete voilàessoufflé!.<br />
LEON. Onle seraità moins.Je viensde traverser<br />
tout d'une haleineles galeriesde Flore, de<br />
AJar,de Diane. les salles du Trône, des Maréchaux,desministreset<br />
desambassadeurs. de<br />
descendrel'escalierd'honneur. delongerlerezde-chaussée..<br />
de passersouslepavillondel'Horloge.<br />
de remonterpar l'escalierdes Gardes.<br />
et cela, toujours en courant, et bousculant<br />
tout ce que je rencontraissur mon passage<br />
EDOUARD. Diable! voilà une course!. Et<br />
quellemouchet'avais doncpiqué?<br />
I.ÉO:'i, Neme le demandepas ou plutôt si.<br />
je vaisvousle direpour que vousjugiezs'il est<br />
permisd'avoir plus de fatalité,Au momentoù<br />
je suisentré pour annoncerlesdamesd'honneur,<br />
Herbaut finissaitde coifferSa Majesté. Vous<br />
arrivez à propos,mesdames,leur a-t-elle dit<br />
vousallezvoirsi, sousle manteauet la couronne<br />
impériale, je n'auraipastropmauvaisemine; et<br />
elle s'est fait attacher et manteauet couronne!<br />
Elle étaitsi majestueuse,si belle ainsi. que je<br />
restaiscommeen extaseà la contempler. oubliant<br />
que ne M'êtrt pas éloigné après avoir<br />
annoncéétait une inconvenancede ma part.<br />
Eu m'apercevantde ma faute,je mesuismistout<br />
doucementà gagnerla porte. Onne faisaitpas<br />
attention à moi,lorsque malheureusementmon<br />
pied rencontre la patte de Fox, le petit chisn<br />
favoride l'impératrice,qui dormaitprès d'un<br />
fauteuil. L'animalse lève,se jette sur moi,et<br />
Illemordlesmolletsdetelleforceque,pourm'en<br />
débarrasser,je suis obligé de lui allonger un<br />
coup de pied. Soudain il se met à pousserdes<br />
cris féroces' L'impératriceirritée me traite de<br />
Illaiadroit,de brutal. Je veuxm'excuser,je nt<br />
trouvepasune parole.Je me retournepourm'éluigr:er.<br />
voyezle guignon ! je m'accrochedans<br />
la volière, et jela renverse.cage, oiseaux,patatras!.<br />
voila tout au milieu de la chambre!<br />
EDOUARD. Cen'est pasavoirdechance,en effet !<br />
SCENE III.<br />
LES MtMEs,NAPOLÉON.(L'Empereur entre<br />
par la portelatérale de droite.Il s'arrêteau<br />
fondet écoute.)<br />
I.RON. J'aurais voulu être à cent pieds sous<br />
terreI. mais la terre ne s'entr'ouvraitpas du<br />
du tout1 Alors,commesi le diable m'eût soudainementapparu,je<br />
gagnela porte, et une fois<br />
dans la chambrevoisine,je me blottis en toute<br />
hâte derrière un meuble,n'osant ni bougerni<br />
respirer.Au bout d'un instant, revenu à moi,je<br />
s:!rsde ma cachetteet je me risqueà coller un<br />
cil au trou de la serrure de la chambrede l'impératrice.Jetenais,vousdevezlepenser,à<br />
savoir<br />
ce qui se passait. cequ'onpouvaitdire de moi.<br />
IIENHI. Je lecroisbien.<br />
I.Éo. Pour mieux entendre, je respirais à<br />
peine,lorsque<br />
I<br />
tout autres.) Allez, messieurs,allez. (Ils sortent.Le ME\Ri.Lemaréchal. un tel. Sire, millemil.-<br />
pageintroduit TalleyrandetFouché. ) lionsdetonnerre ! i<br />
LÉON.Leministje des relationsextérieuresse<br />
SCENE IV.<br />
promenantau milieud'un groupe.(Il marcheen.<br />
NAPOLÉON, TALLEYRAND, FOUCHÉ.<br />
boitant.)<br />
NAPOLÉON, à<br />
HENRI.Marchecommelui, et bornelà<br />
Talleyrand.Eh bien, monsieurle<br />
ton imi-<br />
ministre,m'apportez-vousde bonnesnouvelles?<br />
tation; ne parlepas!. pour l'imiter,en fait d'es-<br />
votrediplomatiea-t-elleenfinétécouronnéede prit,il faudraitêtre lediable,ou tout le monde!<br />
succès?<br />
ÉDOUARD. Et l'empereurqui avancepeuà<br />
TALLEYRAND. Oui, sire. Les<br />
endisant<br />
peu<br />
évêquesde Besan-<br />
: Messieurs,je suiscontent,je suistrès<br />
çon, d'Angoulême,de Strasbourg et<br />
content!LaFranceest honoréepar les<br />
de<br />
célébri'és<br />
Dijon<br />
se sontaccordésavecmonsieurde Portalis,mon- qui m'entourent,et, moi,je suis fierde possèdeseigneur<br />
de Bernier,les cardinaui et moi, et<br />
lespagesque la Providencem'a donnés. ;<br />
nous avons terminé immédiatementles malen- I.ÉON. Oh!toi, tu ajoutesà ton rôle. (llfusiqul(<br />
tendusqui s'étaientélevés.<br />
militaire.)Alerte!. alerte!. (Ilssortent) lf<br />
NAPOLÉON. Très-bien !. Vousêtes,Talleyrand,<br />
l'hommedesdifficultésvaincues!<br />
TALLEYRAND, s'inclinant.Site, je suisheureux Dix-septième Tableau.<br />
de la part que vousm'attribuezdans les événements<br />
LASALLEDU TRONE.<br />
qui s'accomplissent.Je m'applaudisd'assisterau<br />
spectacled'une grande nation ramenée<br />
auxtraditionsdu christianisme,par le<br />
Adroiteet à gauchesontgroupésles membresdela<br />
génied'un<br />
chefaugusteet<br />
familleimpériale.<br />
glorieux!<br />
NAPOLÉON. Vousêtesun flatteur.<br />
M.DETALLEYRAND. Sire,je ne suisquejustel.<br />
NAPOLÉON, se retournantversFouché..Etvous,<br />
Fouché,qu'avez-vousà me communiquer?<br />
FOUCHÉ. Sire,le cérémonialde l'augustesolennité<br />
d'aujourd'huiest complétementréglé. J'ose<br />
espérerque VotreMajestésera satisfaitedesdispositionsquej'ai<br />
prescrites. (Lui remettantun<br />
papier.)Voicile formuledu sermentdont vous<br />
avezdemandéla rédactionau présidentdu Sénat.<br />
NAPOLÉON, prenantle papieret le parcourant des<br />
yeux. Voyons. Cen'est pastout à fait cequeje<br />
désire. ( ÀTalleyrand, lui indiquant unetable<br />
quiestà droite.) Ecrivez,Talleyrand. (Dictant.)<br />
«Je juredemaintenir l'intégrité duterritoirede la<br />
France;
LE CONSULAT ET L'EMPIRE. 17<br />
lïiSP, réduit à flâner dans cette latitude inclusivement<br />
et à toujours. C'est une mauvaisefarce<br />
du diable, et je lui en demanderairaison quand<br />
jele rencontrerai sous le vent de son royaume!<br />
Dire que j'ai eu la patte droite casséecommeun<br />
mirliton dansla secondeattaque des Anglaiscon-<br />
la flottille de Boulogne!Si encore mes deux<br />
tre frères étaient ici, on se feraitdu mauvaissang en<br />
,famille, ça serait uneconsolation. Mais, bah!<br />
me \oilà clôturé et désemparéavec des amis qui<br />
ne savent pas me distraire, et si loin de la mer!<br />
MADAGASCAR. Je croyaisque ça t'amuserait de<br />
vagueraux bords de la Seine.<br />
MAGLoiRE.Ah! bien, oui!. l'eau douce, l'eau<br />
sucrée!. ils appellent ça un fleuve!c'est un bocalà<br />
y introduire des poissons rouges! Des<br />
goujonsen place de marsouins, des coquillesde<br />
noix au lieu de bricks et de vaisseaux ! La<br />
Seine! un véritablemarin ne pourrait pas s'y<br />
noyer, quand même il se mettrait au cou une<br />
pile de pont tout entière ! Qu'est-ce qu'il y a de<br />
* nouveau?<br />
MADAGASCAR. Rien!<br />
MAGLOIRE. Bon!. toujours la même rocambule!<br />
si du moins on se battait, on se récréerait<br />
à lirelesbulletins !. Non:", on a la paix,comme<br />
disent lesbourgeois!. Qu'est-ceque la paix?je<br />
vousle demande : la pêcheà la ligne au lieu du<br />
tremblementde la canonnadeet de la victoire!<br />
MARCELIN, dans la coulisse.Hé! mon oncle1.<br />
mononcle!.<br />
MAGLOIRE, Par ici, Colibri!. Est-ilenrubanné<br />
et fringantmon page de neveu ; si ça ne ferait<br />
pasmieuxd'être plongédans le goudron !.<br />
SCÈNE 11.<br />
LES MÊMES,MARCELIN.<br />
MAncELIN, entrant. Bonjour, mon oncle Ma<br />
gloire!.<br />
MAGLOIRE. Bonjour,Bengali;que viens-tufaire<br />
ici?.<br />
MARCELIN. D'abord, j'ai porté une dépêche au<br />
gouverneur.<br />
MAGLOIRE. Ah!<br />
MARCELIN. Et puis, j'ai une nouvelle à vous<br />
annoncer!<br />
MAGLOIRE. Une nouvelle 1. Il n'yen a plus,<br />
nous sommesen panne, en calmeplat!<br />
MARCELIN. Savez-vousoù est mon oncle Baptiste!<br />
MAGLOIRE. Dans quelquegarnison,à sefaireun<br />
lard de sixpoucesd'épaisseur. MAUCFLIN. Eh bien! vousvoustrompez.<br />
MAGLOIRE. Dequoi?<br />
MARCELIN. MononcleBaptiste est arrivé1<br />
MVGLOIRE. Arrivé1.<br />
MVHCELIN. Oui,et il entre aux Invalides.<br />
MAGLOIRS. A la bonne heure, c'est d'un bon<br />
frère,ça!. Pourtantje nevoudrais pas qu'il eût<br />
reçu un atout trop violent!<br />
MARCELIN. Non. seulement, à forced'attrap per des hlessures,il en a eu de reste. Ce matin,<br />
il est venume trouverà l'hôtel des pages,en débarquant.<br />
Il m'a accompagnéici, il a pris son<br />
; numérod'ordre pendantque j'allais chezlegoui<br />
verneur. Et tenez, regardezlà-bas. le voiciqui<br />
vient vousembrasser!<br />
i MAGLOIRE. Comment, c'est lui. Est-il avarié<br />
» ep pauvre Baptiste!. quelle dèchede bâbord et<br />
de tribord1 (Criant.)Eh! par ici, cavalier.<br />
IHPIISTr;, s'approchant. Magloire! (Ils s'embrussenl.)<br />
SCENE III.<br />
LESMÊMES, BAPTISTE.<br />
CAPUSTE. Salut la société!.. C'est fini!. incorporé,caserné<br />
avee vous ! J'auraisbien voulu<br />
que ce fût pour plus tard, mais pas mQyen! Je<br />
me cramponnais;mais,dans une trouéeque nous<br />
avons faite dans le Ilanô.re. il y a quelque<br />
temps, mon comptea été arrêté!.. Invalide!<br />
MARCELIN. Eh bien. est-ceque vousn'avez pas<br />
fait votrepart et au delà?<br />
BAPTISTE. Cequi me consoleun peu, c'est que<br />
les autres sontau port d'armesautant que nous.<br />
l'empereurse reposeet tout le mondeidem !.<br />
Oh1 ça, en ma chambrée,je payema bien-venue.Où est la<br />
cantine?.<br />
MAGLOIRE. Il n'y a pas de cantine ici.<br />
BAPTISTE. Pas de cantine. Ah! alors je m'en<br />
vas.<br />
MAGLOIRE, le retenant. Mais on peut se procurer<br />
du raisin en liquide. Toutes voiles dehors,<br />
Madagascar!<br />
MADAGASCAR. Ça yest! (Il sort et revient quelquesinstants<br />
aprèsportant des bouteilleset des<br />
gobelets.)<br />
MARCELIN. Ditesdonc,mesoncles,sivous venez<br />
tous l'un après l'autre aux Invalides toute la<br />
familley passera,et je pourraisbien y venir<br />
tôt<br />
plus<br />
qu'à mon tour!.<br />
MAGLOIRE. Tu n'en as pas le droit. Il te manque<br />
des campagnes et des chevrons. Voicile<br />
raisin.. Verse,Madagascar,et à la santé de<br />
tiste.Bap-<br />
LESINVALIDES. A la santé de Baptiste!.<br />
BAPTISTE. Merci! et àla vôtre!. (Ils boivent,<br />
Jean Thurelest entré; il<br />
ment et<br />
s'approchelente-<br />
se placeau milieu du groupe.)<br />
JEANTimnEL.Et moi?.<br />
SCÈNE IV.<br />
LESMÊMES, JEAN THUREL.<br />
MAGLOIRE. Vous, père Thurel, toutes les bouteilles<br />
si vousvoulez!<br />
JEANTHUREL, désignant Baptiste.Quel est ce<br />
garçon?<br />
MAGLOIRE, Monfrère!<br />
JEANTHUHEL. Le hussard. (A Baptiste.) Ta<br />
main. ton frère m'a souventparlé de toi!<br />
BAPTISTE. Et vous,Jean Thurel, toutel'armée<br />
vous connaît comme le, patriarche à tout le<br />
monde. t<br />
JEANTHOFEL. Commevousveneztous de bonne<br />
heure aux Invalides 1. Il est vrai que les batailles<br />
d'aujourd'hui se livrent avec un fameux<br />
renfort d'hommeset de canons!. Donne-moià<br />
boire, Madagascar!<br />
MADAGASCAR. Voilà! (Il lui verse à boire.)<br />
JEANTHUREL. Voyezun peu, c'estjeune comme<br />
le printemps, et ça tremble des mainsi. c'est<br />
commeçaqu'on tient une bouteille,fermeet d'aplomb<br />
1. (Élevantson verre.) Mesenfants!.<br />
LESINVALIDES. A votre santé, père Thurel!<br />
JEANTIIUllKL. Masanté1 bien obligé!. mais<br />
je n'ai jamaisété malade, et je ne le seraijamais.<br />
(Il boit.)Ah! ah! voilàje petit page!.<br />
MARCELIN. Bonjour, monsieur Thurel!.<br />
JEANTHUREL. Bonjour, petit oisillon! ton<br />
uniformeest gentil, maiscommetout ça a changé<br />
depuis le roi LouisXIV! j'ai vu ses pagesaussi.<br />
BAPTSITE. Les pagesde LouisXIV?<br />
JEANTHUREL, Eh bien, qu'est-ce qu'il y a<br />
d'étonnantà ça? j'avaisdix-huit ans lorsqu'il est<br />
mortje puis bien m'en souvenir!<br />
BAPTISTE. Et vousétiezsoldat?<br />
JEANTHUREL. Parfaitement, dans le régiment<br />
de Touraine ! J'étaisà Versaillesle jour où monsieur<br />
le maréchal de Villarsest rentré à la cour<br />
après la fameuse bataille de Denain!. Unebataille<br />
qui sauvala France!<br />
BAPTISTE, basà Magloire.Ahçà,disdonc,est-ce<br />
par suite d'une fêlure qu'il parle commeça?<br />
MAGLOIRE, de même.DU tout!. tu n'as qu'à<br />
voirsesétats de service,tu y trouverasles choses<br />
tellesqu'il les raconte. (Mouvementdans l'hôtel,<br />
bruit confus.)Qu'est-cequ'il y a?<br />
voix-L'Empereur!. l'Empereur!.<br />
BAPTISTE. L'Empereur!. Onn'a pas battu aux<br />
champs !<br />
MARCELIN. Je sais maintenant pourquoi j'ai<br />
porté<br />
attendant que je me colloque dans<br />
une MAGLOIRE. C'est vrai, sire; mas tout colac'est<br />
à l'occasionde l'enrôlementdans les invalidesde<br />
mon frère Baptisteque voilà, un anciende votre<br />
connaissance.<br />
NAPOLÉON. Vousêtes trois frères?<br />
BAPTISTE. Oui, il y a encoreAntoine.<br />
NAPOLÉON. Où est-il?<br />
BAPTISTE. Toujourssous le drapeau!<br />
NAPOLÉON. Bien!<br />
ilAGLOIRE. Il n'y<br />
dépêcheau gouverneur.<br />
voix. Vive<br />
l'Empereur ! (Napoléonparaît précédéet<br />
sutVd mvalides et d'un aidede camp.)<br />
SCENE V.<br />
LESMÊMES,NAPOLÉON.<br />
NAPOLÉON. Silence, mes amis, silence!. je<br />
viensvousvisit-r sans façon. Ah! ah! desbouteilles,'des<br />
gobelets!. ce n'est pourtant pas ici<br />
le réfectoire1<br />
a pas de doute, bien1 Et bon<br />
pour lui. il nes'enn. il ne s'embêtepas comme<br />
nous..<br />
NAPOLÉON. On ne doit pas s'ennuyerquand on<br />
a rempli ses devoirs et qu'on possèdeles honorables<br />
souvenirsqui vous restent, à vous tousS<br />
Est-il bon, votrevin?<br />
MAGLOIRE. Hum. hum. Il ratisse un peu la<br />
gosier.<br />
NAPOLÉON. Voyons!. (Il se fait verser du vin<br />
dans ungobelet et boit.) Eh bien! mais il est<br />
supportable.<br />
MAGLOIRE. Allons,allons, il ne vaut pas votre<br />
chambertin!<br />
NAPOLÉON. Je suis forcéd'en convenir!(Il fait<br />
quelquespas et se trouve en facede Jean Thurel.)<br />
Jean Thurel !<br />
JEANTHUIlEL. Oui, sire. (Napoléonle salue.<br />
Jean Thurel porte une main tremblante à son<br />
chapeau.)Sire, c'est. c'est la premièrefois que<br />
ma main. tremble!.<br />
NAPOLÉON. Jean Thurel, c'est à vous surtout<br />
que je fais une visite aujourd'hui.<br />
JEANTHUREL. A moi, sire, à moi!.<br />
NAPOLÉON. Oui, à vous, qui depuis un siècle<br />
portez avechonneurl'uniforme du soldat!. j'ai<br />
ma couronne,vousavezla vôtre, celled'une vieillessesans<br />
exemple,consacréepar le courageet le<br />
dévouementpour la bannièrede la France! Moi<br />
qui ai fait de plusieursrois de l'Europemes alliés<br />
ou mes vassaux,je m'incline devantvous,<br />
car je ne sais rien de plus respectable que ces<br />
nombreusesannées accumuléessur la tête d'un<br />
défenseurde la patrie!<br />
JEANTHUREL. Sire, je. je puis mourir maintenant,<br />
heureux dein'éteindre sous vos regards, et<br />
dans la gloirede votrerègne. je. (Il chancelle.)<br />
NAPOLÉON. Appuyez-voussur moi!. (Il le sou.<br />
tient de son bras.) Parlez-moide votre passé!<br />
JEANTHUREL. Sire, pardon, j'ignore comment<br />
l'on parle à des rois, maisvousme faitespresque<br />
toutoublierl J'ai vu ici mêmelegrand LouisXLV,<br />
moinsgrand que vous, car son regard ned minait<br />
pas le monde,commele vôtre, et ne descendait<br />
point jusque dans les derniers rangs de ses<br />
soldats!j'ai servisous le Régent, sous LouisXV,<br />
sousLouis XVI,et je bénisle ciel d'avoirpu m'aligner<br />
sous ce drapeau tricolore qui .vous doit<br />
tant de victoires 1. Sire, les vieillards vantent<br />
toujoursle passé,eh bien, je dis, moi,que Jebon<br />
Dieuvousa envoyépour fairemonterla Franceà<br />
son plus haut degré de gloire!.<br />
NAPOLÉON. Vos services effectifs?<br />
JEANTHUREL. A l'époque de la révolution,Î (<br />
91 ans, dans le régiment de Touraine. i<br />
NAPOLÉON, prenant une croix d'honneur des<br />
mains de l'aide de camp. Jean Thurel, voici es<br />
que je vous apporte; c'était à moi quisuis plus<br />
jeune devenir voustrouver!<br />
JEANTHUREL. Sire1 ah1 merci,merci!.<br />
MAGLOIRE. Milledomsd'un nom.<br />
NAPOLÉON. Qu'as-tu donc toi?<br />
MAGLOIRE. Commentceque j'ai!. Croyez-vous<br />
donc que ce soit amusantde ne pouvoirplus se<br />
faire tuer pour vous!<br />
NAPOLÉON. Vousl'avez tous essayéassez souvent.<br />
Vousavez regardé la mort avec tant de<br />
hardiesse,qu'elle a toujoursreculé devant vous'<br />
Aujourd'hui vivez en paix, et soyez fiers d'êtr,<br />
abrités sous ce dôme, au fronton duquel sont<br />
tracéesces glorieusesparoles : Au couragemal<br />
heureux,la Francereconnaissante.Allonsvisitei<br />
l'hôtel. Jean Thurel, à vousl'honneur. Passez.<br />
car la premièredignité, c'est une vieillessehonorable<br />
comme la vôtre. Passez.<br />
TOUS.Vivel'Empereur!
! 18<br />
LE CONSULAT ÉT J/KMHRi'.<br />
Divueavlème Tableau.<br />
A Postdam.Novembre1805,dansle palaisdu roide<br />
Prusse.Un salon.— Auleverdu rideau, on entendla<br />
musiquemilitaireau lointain.<br />
SCENE PREMIÈRE.<br />
M. D'HAUGWITZ,UN CHAMBELLAN,puis<br />
FREDERIC-GUILLAUME 111.<br />
LECHAMBELLAN, entrant avecM.d'IIaugicits.Entrez,<br />
monsieurd'Haugwitz. Sa Majestéa donné<br />
l'ordre de l'informer, sans retard, de votrearrivée<br />
au palaisde Postdam<br />
M.D'HAUGWITZ. S. M. n'est doncpasavecl'Empereurde<br />
Russieet notre reine,à cetterevuequi<br />
a mis sur pied toute la garnisonde Berlin?<br />
LECHAMBELLAN. Non ; le roi a fait appeler ses<br />
ministrespourexamineraveceux une note remise<br />
par M. de Laforet,ministrede France, et le maréchalLannes,envoyéextraordinairedel'empereur<br />
des Français. S. M. va se rendre auprès de<br />
vous. (Lechambellansort.)<br />
M.D'HAUGWITZ. Le roi m'appelledu fond de la<br />
retraite où je me reposais de la politique, pour<br />
me consulteret s'appuyer de mon approbation<br />
Ah! que Dieum'inspiredanscesconjoncturesdif ficiles.<br />
-LECHAMBELLAN, rentrant. Le foi! (Il sort. Fré-<br />
-<br />
déric-Guillaumeentre.)<br />
FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Je voussalue,.M.d'Haugwitz.<br />
M.D'HAUGWITZ, s'inclinant.Sire.<br />
FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Je vous ai fait venir à<br />
Postdam, car j'ai besoinde cette expériencequi<br />
vousdistingue.<br />
M.D'HAUGWITZ. Sire, vous avez des ministres<br />
habileset dévoués.<br />
FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Oui,je compte sur vous<br />
pour m'aiderà résoudreles questionsque l'empereur<br />
de Russie est venu me soumettre, après<br />
avoir quitté son camp de Pulawi et avantd'aller<br />
rejoindresonallié dans lesenvironsde Weymar.<br />
L'empereurAlexandrecherche à m'attirer dans<br />
cette nouvelle coalition de l'Europe contre la<br />
France.Lareine, que j'aime voussavezavecquel<br />
dévouement,attache une sorte de sentimentchevaleresqueà<br />
cequ'on appelleune croisadecontre<br />
les idées révolutionnaires : elle s'exalte,elle aspire<br />
a la guerre. Guidez-moi,M. d'Haugwitz;<br />
j'ai foi en voslumières,en votre attachement.<br />
Lisezcette note et faites-moiconnaîtrevotreopinion.<br />
M.D'HAUGWITZ. Sire. unea ttitudeirrésolue aurait<br />
ses périls.(On entend battre aux champs.)<br />
Leurs Majestésrentrentau palais. Permettez-moi<br />
d'aller examinercette note en silence et de me<br />
recueillirquelques instants.<br />
FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Allez, monsieurd'Haugwitz.<br />
hâtez-vousde nous rejoindre, je vous en<br />
prie. M. D'Haugwitzs'incline et sort par une<br />
desporteslatérales. Despages. des chambellans,<br />
desgénérauxentrentpar le fond et se rangent à<br />
droite et à gauche.)<br />
SCENE II.<br />
FRÉDÉRIC- GUILLAUME , LA REINE DE<br />
PRUSSE, L'EMPEREURALEXANDRE,LE<br />
PRINCE DOLGOROUK,L'ARCHIDUCAN-<br />
TOINE.<br />
(Lorsquelesnouveauxpersonnagessont entrés,<br />
lespages, leschambellanset FRÉDÉRIC-GUILLAUME. Oui, messympathiessont<br />
avecvous tous; mais je sais aussi ce que nous<br />
avons à craindre. En 92 nous sommesallés jusqu'à<br />
Verdun, et, depuis, la France a débordé<br />
jusqu'en Italie.. en Egypte. en Hollande. en<br />
Allemagne. Qui peut nousdire si ce torrent va<br />
rentrer dans son lit?<br />
ALRXANDRE. Le torrent s'est affaiblien s'étendant<br />
trop loin. Le momentest venu de le renfermer<br />
dans sesanciens rivages.<br />
LAREINE.Le moment est venu aussi de se<br />
joindreà cesdeux nationsarméespour une lutte<br />
suprême. la .Russie et l'Autriche!. Songez,<br />
Sire, à la gloireque vousallez acquérir.<br />
ALEXANDRE. La gloire. oui. mais je ne la<br />
veux pas pour moi seulI je veux la partager<br />
avec l'empereur d'Autriche. avec vous, mon<br />
frère! Unissez-vousà moi pour rendre à nos.<br />
peuplesleur indépendance.<br />
les généauxse retirent.)<br />
LAREINE,à Alexandre.Eh bien, Sire, que<br />
dites-vousde nos régiments?<br />
ALEXANDRE. Je dis, Madame,que je les ai vus<br />
dansun doublé enthousiasme,celui de la guerre<br />
et celui que vouajeur inspirezvous-même1<br />
LAREINE. Ils saventque je désireet leur gloire<br />
et la nôtre. Je suis d'une race hostileà cepeuple<br />
français qui menacetous lessouverains et<br />
dans leur puissance héréditaire et dans la îenommée<br />
qu'ils ontpu jadisacquérirparles armes!<br />
Si le signal se donne, sire, c'est au milieu de la<br />
bataille que je veux entendre et mériterdes acclamations.<br />
ALEXANDRE, à Ff~n
tE CONSULAT ET L'EMPIRE. 19<br />
droit denous plaindre, alors quele petit caporal<br />
couchecommenousà la belle étoile.<br />
lÉONARD. 'C'est juste. tu as raison.(Désignant<br />
Napoléon.)Il s'éveille.<br />
NAPOLÉON, à Roustan.Quelleheureest-il, Roustan?.<br />
ROUSTAN. Quatre heures du matin, sire.<br />
NAPOLÉON, descendant à l'avant-scène.Comme<br />
le jour est lent à venir! (Il se trouven face de<br />
Léonardet d'Antoinequi lui font le salut militaire.)<br />
Vousvoilà déjà debout. pourquoi vous<br />
fatiguer? La besogne ne va pas vous manquer,<br />
cependant.<br />
ANTOINE. C'estdonc pour aujourd'hui, sire?<br />
NAPOLÉON. Oui.-Siles Russesne se décidentpas<br />
à attaquer, dès la pointe du jour, nous les attaquerons,<br />
nous!<br />
ANTOINE. V'làune nouvellequi ne réjouira pas<br />
peu lescamarades.(Lesappelant.) Oh làljehl camarades..<br />
lesanciens!.<br />
NAPOLéoN. Ne les éveille pas, laisse. laisseles<br />
reposer.<br />
ANTOINE. Ça leur ferait tant de plaisir!.<br />
NAPOLÉON. N'importe, attends encore.<br />
ANTOINE. Suffit,sire!.<br />
NAPOLÉON, voyantunsoldatcouchésur la paille<br />
et qui n'a pas commeles autres de capote sur<br />
lui. Cesoldat n'a pas de capote. le froid va le<br />
saisir !. (Il ôte le manteau dont il est enveloppé<br />
et il en couvrelesoldat.)<br />
ANTOINE et LÉONARD. Sire!<br />
NAPOLÉON. Silence1 (Il regarde à droite et à<br />
gauchesi sessoldatssont bien. Voyantun feu de<br />
bivouacqui est près de s'éteiudre, il prend du<br />
bois. le ranime, puis il sort en continuant son<br />
inspection.)<br />
SCÈNE II.<br />
LESMÊMES, moinsNAPOLEON ; puis MARCELIN.<br />
ANTOINE. Ah! s'il voulaitje lui donnerais le<br />
double de mon existence ! ( Un jeune aide de<br />
camptraverse le théâtre, il tient une dépêcheà la<br />
main, et il va la remettre à Duroc. C'estMarcelin.)<br />
LÉONARD, à Antoine.Tiens, voilàquelqu'un de<br />
ta connaissance.<br />
ANTOINE. Oui, monneveu ; le gamin a eu fièrement<br />
raisonde planter là la boutique desonquincaillier.<br />
le voilà officier. et nommé sur le<br />
champde batailled'Ulm,par Napoléonlui-même !<br />
(MarcelinquitteDurocet traverse lethéâtre pour<br />
s'éloigner; Antoinel'appelle.)Marcelin!<br />
vousdonner : je fais partiede l'état-majordu m;).<br />
réchalLsnnes.<br />
ANToINE. Cré nom! En t'enrôlant t'as eu Latour-d'Auvergnepourparrain,<br />
tuas été pagede<br />
l'empereur. et tu fais partie de l'état-major du<br />
maréchalLannes. T'es né coiffé,gamin, et j'en<br />
suis fierpour toi.. Eh! mais. eh! mais,<br />
cequequ'est-<br />
je disdonc? Pardon, excuse. je n'ai<br />
le droit de vous<br />
plus<br />
parier de la sorte. à présent<br />
que vousavez l'épauiëtte d'orticier,<br />
MARCELIN. Que dites-vous, mon oncle?. Si<br />
vous cessiezd'être le même avecmoi. je croirais<br />
que vousne m'aimezplus. (Onentenddans<br />
la coulisse un grand mouvementet les cris au<br />
lointain de Vivel'empereur! Tous les soldatss'éveillentet<br />
se lèvent.)<br />
SCENE III.<br />
LES MÊMES,THIÉBAUT,entrant; puis NAPO-<br />
LEON,LANNES,DUROC,SOLDATS.<br />
ANTOINE, à Thiébaut.Qu'est-cequ'il y a? pourquoi<br />
ces acclamations?.<br />
THIÉBVUT. Les camaradesdes avant-postes,en<br />
apercevantl'empereur au milieu d'eux, ont fait<br />
des torchesavec la paille de leur bivouac, et ils<br />
l'escortenttriomphalementdanssa marche. (Tous<br />
les soldatsprennent de lapaille, ils font des torches<br />
qu'ils allument aux feux des bivouacs. Le<br />
théâtre se remplit d'autres soldatsportant tous<br />
une torche.'Laclartélaplus vivesuccèdeà l'obscurité.<br />
Napoléonentre entouré deses généraux, au<br />
milieu desacclamationsde : Vivel'Empereur!)<br />
NAPOLÉON. Merci,mesbraves. merci!. Les<br />
Russes nous croyaientabattus, découragés;<br />
ces feuxde joie. que ces acclamations aillent aue<br />
jusqu'à eux. qu'ils soientles précurseurs de<br />
leur défaite!.<br />
ANTOiNE, A les entendre ils n'auraient qu'à<br />
ouvrir la bouche pour nous avaILT. mais soyez<br />
tranquille, sire, on se mettra en travers.<br />
NAPOLÉON. Oui. monbrave. oui, nous nous<br />
mettronsen travers! - L'arméerussese présente<br />
pourvenger l'arméeautrichiennevaincueàUim.<br />
C'est à vous de porter dans ses rlulgs,.avecvotre<br />
bravoure accoutumée, le désordre et la mort!<br />
Pénétrez-vousbien de cette pensée : Unevictoire<br />
finira cette campagne, et 310rs lapaix que je<br />
feraiseradigne<br />
MARCELIN. C'estvous, mon oncle. Je suis heufeux<br />
de vous voir!. J'ai une bonne nouvelleà<br />
demon sois tranquille, on t'en flanquera! ([,ecanon se<br />
fait entendre,)<br />
NAPOLÉON. Les Russesviennent à nous. (Aux<br />
généraux.)Rappelez-vousbien mes instructions,<br />
c'est du plateaude<br />
peuple. de vous. et de<br />
moi!<br />
LANNES. Napoiéon,c'est aujourd'hui l'anniversaire<br />
de ton couronnement,nous saurons dignement<br />
le célébrer1<br />
LESGÉNÉRAUX. Oui., oui.<br />
ANTOINE. Tu veux de la gloire, sire ? Eh bien,<br />
Pratzen qu'il faut nous rendre<br />
maîtres. C'estcontre les étangs glacésqu'il faut<br />
refoulerles Russes,c'est là que je veux les écraser!<br />
(A ungénéral.) Claparède, et vous, soldats<br />
de la47men'oubliezpas quej'ai surnommé votre<br />
brigade la Terrible. — Le prompt succcèsde la<br />
btaille dépendde la vigueurque vousdéploierez<br />
ici. il ne faut pas que les Russespuissent<br />
chir cette position.<br />
frant1<br />
CLAPARÈDE. Ils ne passerontpas. Sire, nousle<br />
jurons. ji<br />
TOUS.Non! non!<br />
NAPOLÉON. Je compte sur vous. En avant!<br />
(Cecri estrépété par les généraux et les soldats;<br />
tous s'éloignent,à l'exceptiondela 47mequi prend<br />
position dans l'abbaye. LesRusses paraissent :<br />
l'actions'engage. — LesRussesont tour à tour<br />
l'avantage et le désavantage. L'abbaye s'écroule,<br />
tout entière sous le feu du canon. La 47me les<br />
chargeà la baïonnetteet met l'ennemien fuite.—<br />
Descavaliersrusses, des fantassins,passent tour<br />
à tour en fuyant, et poursuivispar descavaliers<br />
et des fantassins français. — La toile de fond<br />
change.)<br />
21me et me Tableaux.<br />
La décorationreprésente,à droite, les hauteursde<br />
Pratzen.Les Françaisen sontmaîtres.A gauche,.<br />
les lacs de glacessur lesquelsles Russesse sontréfugiés,<br />
cavalerie, infanterie ; ils fuycnt pêlei<br />
mêle.DeshauteursdePratzen,l'artilleriefrançaisej<br />
tire sur les lacs, à bouletsrouges,La glace sel<br />
briseet les Russesy tombent,hommes,chevaur,<br />
en<br />
j<br />
poussantdes cris épouvantables.Les Russes<br />
qui ne sontpassur la glacemettentbaslesarmes,<br />
et se constituent'prisonniers.Napoléon,tous les<br />
généraux,toutesles troupes,viennentse masser<br />
sur le théàtreet surleshauteurs.<br />
LANNES Sire, nous sommesvainqueurs .sur tous<br />
lespoints, les empereursde Russieet d'Autriche<br />
sont en fuite.<br />
NAPOLÉON. Soldats, vousvousêtes couvertsde<br />
gloire. Ce soleilqui se lève sourità vosexploits.<br />
Désormais il vous suffira de dire: J'étais à la<br />
bataille d'Austerlitz pour qu'on réponde : Voilà<br />
un brave1 (Musiquemilitaire.)<br />
TOUS.Vivel'Empereurt H<br />
«I<br />
FIN.
Ci<br />
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MADAMEBIJOU,1 a., par MM. L. Lurine'et HaynondDeslan;ea. » 60<br />
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JEANLESOT, sayeette,paroles de M.Tli. Julianet J.-B. Vcsseur.» 60